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1 Le jeudi 5 mai 2011
2 [Audience de la Règle 98 bis Jugement]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le
7 numéro de l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,
9 Madame et Messieurs les Juges. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre
10 Vojislav Seselj.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
12 En ce jeudi, 5 mai 2011, je salue toutes les personnes présentes, M.
13 Marcussen, Mme Biersay, leur collaborateur et collaboratrice. Je salue M.
14 Seselj ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.
15 Je vais continuer la lecture de mon opinion, et j'en suis au
16 paragraphe (C), qui est le fait d'ordonner, mode de responsabilité prévu
17 par l'article 7(1) du Statut.
18 L'Accusation, aux paragraphes 144 et 145 du mémoire préalable,
19 soutient que l'accusé, je cite : "a lui-même ordonné les crimes de
20 persécution, de meurtre, de torture, de traitement cruel et de transfert
21 forcé à Vukovar, chefs 1, 4, 8, 9 et 11; paragraphes 15 à 18, 20 et 28, 28
22 à 32 de l'acte d'accusation." En donnant pour consigne, je cite "aucun
23 Oustachi ne doit quitter Vukovar vivant". Témoin VS-027.
24 Il a de même, je cite : "ordonner les crimes de persécution,
25 d'expulsion et transfert forcé à Hrtkovci", chefs 1, 10 et 11, paragraphes
26 15 à 17, et 31 à 33 de l'acte d'accusation.
27 Lors de ces meetings avec des collaborateurs et sympathisants en
28 Vojvodine en 1991 et en 1992, et implicitement dans son discours à Hrtkovci
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1 le 6 mai 1992. Et enfin, que l'intention de l'accusé d'ordonner les crimes
2 à Vukovar et à Hrtkovci peut être déduite de la teneur de ses discours et
3 entretiens et du fait que les crimes ont été effectivement -- ont
4 effectivement eu lieu par la suite.
5 L'Accusation s'appuie sur les Témoins VS-015, VS-026, VS-1033. En ce
6 qui concerne la phrase tenue à Vukovar, citée ci-dessus, elle est contestée
7 par l'accusé et le seul témoin qui rapporte ces propos n'apparaît pas,
8 selon moi, suffisamment fiable. De ce fait, il ne peut pas être conclu que
9 l'accusé doit être tenu responsable au titre de cette forme de
10 responsabilité découlant de l'article 7(1) du Statut.
11 Concernant le discours de Hrtkovci, la question se pose de savoir si
12 les propos tenus lors de ce discours caractérisé par la phrase, je cite,
13 "J'ai l'intime conviction que vous les Serbes de Hrtkovci et des villages
14 alentours, vous savez comment préserver votre unité et vivre en harmonie,
15 que vous vous débarrasserez rapidement des Croates qui restent dans votre
16 village", constitue un ordre, d'autant que la jurisprudence citée par
17 l'Accusation, en note de bas de page 488 et 489, et 490 dans les affaires
18 Kordic, Blaskic, Krstic et Akayesu, suppose que la personne qui donne
19 l'ordre soit en position d'autorité, et que la situation de l'accusé
20 l'habilitait à donner des ordres.
21 L'accusé, à l'époque, n'avait aucune autorité politique ou militaire,
22 et n'avait pas la capacité de donner des ordres. L'examen du discours, par
23 ailleurs, tenu à Hrtkovci le 6 mai 1992 confirme amplement ceci, car il
24 rappelle qu'il y a un régime en place et une opposition avec le Parti
25 radical serbe, et qu'il souligne dans ce discours, je cite :
26 "Nous condamnons le régime actuel tant en Serbie que dans cette
27 Yougoslavie tronquée."
28 Par ailleurs, il y a une contradiction évidente résultant des modes de
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1 responsabilité. Il ne peut d'une part lui être reproché de donner des
2 ordres, et d'autre part d'inciter à commettre, voire à commettre. Ce ne
3 peut être que l'une ou l'autre des formes de responsabilité. En
4 conséquence, l'accusé, selon moi, devrait être acquitté de ce mode de
5 responsabilité fondé sur le fait de donner des ordres.
6 Bien. Alors maintenant je vais aborder le chapitre (D), Commettre, qui est
7 la partie la plus importante de mon opinion.
8 Avant d'aborder la teneur de ce chapitre, à titre liminaire je
9 voudrais dire ceci : à la page 43 791 de la pièce P00031, l'accusé, en sa
10 qualité de témoin dans l'affaire Milosevic, a dit ceci en répondant à une
11 question de M. Nice sur sa déclaration solennelle à propos du Tribunal. Je
12 cite intégralement ce qu'il a dit :
13 "J'estime qu'il n'est pas objectif et que ce Tribunal est
14 particulièrement partial."
15 Je pourrais, en ce qui me concerne, balayer d'un revers de main ce
16 type de propos dans l'appréciation des éléments de preuve, et me dire que
17 tout ceci relève du folklore et attendre tranquillement le délibéré final
18 pour me pencher sur la question-clé de l'entreprise criminelle commune.
19 Faisant partie du Tribunal en ma qualité de Juge, je peux estimer que
20 l'accusé pense que je suis a priori partial et que je ne vais pas entrer
21 dans le fond du débat qui est l'entreprise criminelle commune du paragraphe
22 6 de l'acte d'accusation. Eh bien, je vais le faire, en pesant au trébuché
23 le point de vue de l'Accusation et celui de l'accusé pour aboutir à une
24 conclusion provisoire à ce stade de la procédure. Il s'agit d'un sujet
25 extrêmement complexe, que je ne pourrai malheureusement pas aborder sous
26 tous ses angles, compte tenu de la procédure orale, mais auquel, néanmoins,
27 je vais y consacrer 20 pages, soit un peu moins du tiers de mon opinion.
28 Bien. Donc, j'aborde la responsabilité de l'accusé au sein de
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1 l'entreprise criminelle commune.
2 Le paragraphe 6 de l'acte d'accusation précise que, je cite :
3 "Vojislav Seselj a participé à une entreprise criminelle commune, qui
4 avait pour but de forcer par des crimes, tombant sous le coup des articles
5 3 et 5 du Statut du Tribunal, la majorité des non-Serbes, notamment des
6 Musulmans et des Croates, à quitter de façon définitive environ un tiers de
7 la République de Croatie, de vastes portions du territoire de la République
8 de Bosnie-Herzégovine, et certaines parties de la Vojvodine en République
9 de Serbie, afin d'intégrer ces régions dans un nouvel Etat dominé par les
10 Serbes."
11 Le paragraphe 8, quant à lui, énumère les participants à cette
12 entreprise. Je vais les citer, parce que c'est important. Slobodan
13 Milosevic, le général Veljko Kadijevic, le général Blago Adzic, le colonel
14 Ratko Mladic, Radmilo Bogdanovic, Jovica Stanisic, Franko Simatovic, alias
15 Frenki, Radovan Stojicic, alias Badza, Milan Martic, Goran Hadzic, Milan
16 Babic, Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana Plavsic, Zeljko
17 Raznjatovic, alias Arkan, d'autres personnalités politiques de l'ex-
18 Yougoslavie de la République de Monténégro et des dirigeants serbes de
19 Bosnie et de Croatie.
20 De même, étaient inclus dans cette liste les forces serbes, terme
21 désignant collectivement les membres de l'armée populaire yougoslave, JNA,
22 rebaptisée ensuite armée yougoslave, VJ; de la Défense territoriale serbe
23 en Croatie et en Bosnie-Herzégovine; de l'armée de la Republika Srpska
24 Krajina, SVK; et de l'armée de la Republika Srpska, VRS; ainsi que des
25 membres des TO de Serbie, du Monténégro; les forces de police serbe locales
26 de la République de Serbie; les forces de la police spéciale serbe de la
27 SAO de la Krajina et de la RSK, appelée communément la police de Martic,
28 Marticevci; police de la SAO de Krajina ou milice de la SAO de Krajina;
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1 ainsi que les membres des forces paramilitaires serbes, monténégrines,
2 serbes de Bosnie et de Croatie et des unités de volontaires, notamment les
3 Chetniks ou les Seseljevci, c'est-à-dire les hommes de Seselj.
4 A l'appui de l'entreprise criminelle commune, le Procureur, outre les
5 éléments de preuve qu'il cite dans ses observations orales, évoque, au
6 paragraphe 4 et suivants de l'acte d'accusation, la participation de
7 l'accusé à l'entreprise criminelle commune en distinguant trois grands
8 volets, que je vais énumérer.
9 Premièrement, l'accusé aurait usé de son pouvoir d'homme politique
10 pour assurer la promotion dans les médias de son projet de création par la
11 violence d'une Grande-Serbie.
12 Deuxièmement, en qualité du président du Parti radical serbe et de
13 chef du SCP, Vojislav Seselj aurait supervisé le recrutement,
14 l'endoctrinement, le financement, la formation, la création, la
15 coordination, l'approvisionnement, et l'affectation des unités de
16 volontaires qui ont souvent donné lieu au déplacement forcé des non-Serbes
17 vivant dans les territoires ciblés.
18 Troisièmement, l'accusé aurait grandement contribué à la mise en œuvre de
19 l'entreprise criminelle commune en commettant des crimes de persécution par
20 des discours appelant à la haine à Vukovar, Zvornik, Hrtkovci, et des
21 crimes d'expulsion et d'actes inhumains, transfert forcé à Hrtkovci.
22 A l'appui de l'entreprise criminelle commune alléguée, les documents
23 suivants sont cités dans le mémoire préalable de l'Accusation : le rapport
24 Tomic, les pièces P255, P1200, P32, P1176, P34, P35, P1196, P1197, P40,
25 P1185, P1176, P1196, P1220, P1186, P163, P34, P35, P644, P1003, P59, P513,
26 P221 et P915.
27 Je m'excuse de lire tous ces numéros, mais comme j'ai dit que j'entrais
28 dans le détail de la thèse du Procureur, je me dois de citer tous ces
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1 documents.
2 De même, l'Accusation fait référence principalement aux témoins suivants :
3 VS-14, VS-26, VS-1104, VS-1133, VS-007, VS-10, VS-11, VS-17, VS-27, VS-38,
4 VS-1008 et VS-1136.
5 Bien. Voilà donc toute la thèse du Procureur indiquée ci-dessus à partir
6 des témoins et documents.
7 Au stade de la procédure 98 bis, il n'est pas nécessaire de s'appesantir en
8 profondeur sur le droit applicable en l'espèce, car pendant la phase de
9 présentation des éléments à charge il n'y a pas de témoins ni d'experts, et
10 encore moins d'amis de la Cour sur les questions juridiques qui ne doivent
11 être tranchées qu'au moment du jugement final. Toutefois, je me dois de
12 dresser une toile de fond minimale sur la notion d'entreprise criminelle
13 commune introduite par le jugement de la Chambre d'appel à la suite de
14 l'arrêt Tadic.
15 Sur cette notion, la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic, au paragraphe
16 227 de l'arrêt, concernant les éléments matériels actus reus, a énuméré
17 ceci, alors je vais le lire pour l'information de tous :
18 "(i) pluralité des accusés. Etant précisée que ceux-ci ne doivent pas
19 nécessairement relever d'une structure militaire politique ou
20 administrative, comme le montre clairement l'affaire du lynchage d'Essen et
21 l'affaire Kurt Goebell.
22 Deuxièmement, existence d'un projet, dessein ou objectif commun, qui
23 consiste à commettre un des crimes visés dans le Statut où on implique la
24 perpétration. Ce projet, dessein ou objectif, ne doit pas nécessairement
25 avoir été élaboré ou formulé au préalable. Il peut se concrétiser de
26 manière inopinée et se déduire du fait que plusieurs individus agissent de
27 concert en vue de mettre à exécution une entreprise criminelle commune.
28 Troisièmement, participation de l'accusé au dessein commun impliquant la
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1 perpétration de l'un des crimes prévus au Statut. Cette participation
2 n'implique pas nécessairement la consommation d'un des crimes spécifiques
3 repris dans les dispositions du Statut - meurtre, extermination, torture,
4 viol, et cetera - mais peut prendre la forme d'une assistance ou d'une
5 contribution en vue de la réalisation du projet ou objectif commun.
6 Concernant l'élément moral mens rea, la Chambre a précisé que celui-ci
7 varie en fonction de la catégorie dont relève le dessein commun en
8 question. Alors, comme il y a trois catégories, je vais les énumérer :
9 Pour la forme un, l'élément requis est l'intention de commettre un crime
10 spécifique, cette intention étant partagée par l'ensemble des co-auteurs.
11 Pour la forme deux, il faut que l'accusé ait eu personnellement
12 connaissance du système de mauvais traitement, que cela soit prouvé par
13 voies de témoignage spécifiques ou déduit des pouvoirs que détenait
14 l'accusé, et qu'il ait eu l'intention de contribuer à ce système concerté
15 de mauvais traitement.
16 Pour la forme trois, dite élargie, l'élément requis est l'intention de
17 participer et de contribuer à l'activité criminelle ou au dessein criminel
18 d'un groupe et de contribuer à l'ECC ou, en tout état de cause, à la
19 consommation d'un crime par le groupe. Par ailleurs, la responsabilité pour
20 un crime autre que celui envisagé dans le projet commun ne s'applique que
21 si dans les circonstances de l'espèce, alors (i), il était prévisible qu'un
22 tel crime était susceptible d'être commis par l'un ou l'autre des membres
23 du groupe et, (ii), l'accusé a délibérément pris ce risque.
24 Cette jurisprudence est loin de faire l'unanimité. Il est d'ailleurs
25 contesté au sein même des Juges de ce Tribunal, comme en témoigne l'opinion
26 individuelle du Juge Schomburg concernant la responsabilité pénale de Milan
27 Martic.
28 Afin d'être synthétique, je dois rappeler que dans le Statut il n'y a
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1 aucune référence à l'ECC. Qui plus est, le secrétaire général de l'ONU,
2 dans son rapport présenté le 3 mai 1993 au Conseil de sécurité, indiquait -
3 - je le cite intégralement :
4 "La question se pose, toutefois, de savoir si une personne morale,
5 une association ou une organisation peut être considérée en tant que telle
6 comme auteur d'un crime, ces membres étant alors pour cette seule région
7 soumis à la juridiction d'un Tribunal international. Le secrétaire général
8 pense que ce concept ne devrait pas être retenu en ce qui concerne le
9 Tribunal international. Les actes criminels énoncés dans le Statut sont
10 exécutés par des personnes physiques, ces personnes seraient soumises à la
11 juridiction du Tribunal international, indépendamment de leur appartenance
12 à des groupes."
13 Ceci est dans le paragraphe 51 de ce rapport.
14 J'ajoute, il ne peut y avoir de responsabilité collective, comme
15 d'ailleurs l'a dit le tribunal Nuremberg. Je cite :
16 "Ce sont des hommes et non des entités abstraites qui commettent les
17 crimes dont la répression s'impose comme sanction du droit international."
18 J'observe par ailleurs en l'état qu'évoquer une responsabilité collective
19 va à l'encontre de la mission du Tribunal, qui est de favoriser la paix et
20 la réconciliation sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Pour parfaire ce
21 tableau provisoire, je dois évoquer une décision récente rendue par la
22 Chambre préliminaire des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux
23 cambodgiens, qui tout en acceptant l'application de l'ECC de type I et II,
24 à rejeter l'application de l'ECC de type III, estimant que cette forme
25 n'avait pas de fondement en droit international coutumier à l'époque des
26 faits commis.
27 Il suffit de lire le paragraphe 83 de cette décision. Pour le moment,
28 au stade de la procédure 98 bis, sans prendre une position définitive quant
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1 à la théorie de l'ECC, je vais néanmoins l'intégrer afin d'examiner si les
2 éléments de preuve rapportés permettraient de conclure à l'existence de
3 l'ECC alléguée.
4 Pour tenter de caractériser cette entreprise criminelle commune, le
5 Juge se doit, faute de documents formels établissant l'existence de ce
6 projet commun, d'aller à la recherche d'indices, et parmi ces indices, je
7 me dois de citer à titre indicatif ceux qui ont été listés dans un tout
8 dernier jugement de ce Tribunal dans l'affaire Djordjevic. Voilà les
9 indices : les indications démographiques; l'utilisation abusive de la force
10 par les forces serbes en violation des accords d'octobre 1998; les motifs
11 des crimes; la gestion coordonnée du MUP et des unités VJ; l'emploi
12 disproportionné de la force dans les actions antiterroristes; le contrôle
13 systématique des documents d'identité et des plaques d'immatriculation des
14 véhicules des Albanais du Kosovo; les efforts mis en œuvre pour cacher les
15 crimes commis à l'encontre des civils albanais du Kosovo.
16 Comme on le voit, la pêche aux indices peut se révéler infructueuse
17 dans le cas présent car, à première vue, il y aurait simplement à retenir
18 comme indices produits les indications démographiques et les motifs des
19 crimes. Un Juge raisonnable ne pourrait conclure à l'existence d'un projet
20 réunissant toutes les personnalités citées. En effet, bien que selon
21 l'Accusation, il devrait être déduit qu'un projet aurait lié toutes ces
22 personnalités, les éléments de preuve à l'appui des allégations de
23 l'Accusation ne vont pas formellement en ce sens.
24 Il est évident que les membres d'une entreprise criminelle commune
25 doivent avoir entre eux un lien quelconque tiré de réunions de nature
26 professionnelle, d'entretiens, d'articles communs, de prises de position
27 commune, d'appartenance à un même parti, d'appartenance à un même
28 gouvernement. Il serait paradoxal d'affirmer qu'ils en sont membres de
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1 manière automatique en raison de leurs croyances, de leur appartenance
2 ethnique, de leur religion, de leur pensée, si un Juge peut analyser la
3 pensée intime d'un individu. Dès lors, il importe à mon sens d'avoir des
4 éléments intangibles établissant un lien entre eux. Ceci n'a pas échappé au
5 bureau du Procureur, puisque celui-ci a borné le champ temporel de cette
6 ECC du 1er août 1991 jusqu'au mois de septembre 1993. Et il est intéressant
7 de savoir pourquoi le mois de septembre 1993 a été déterminé.
8 L'Accusation, au paragraphe 8 de l'acte d'accusation, dit ceci, je
9 cite :
10 "L'entreprise criminelle commune mentionnée a vu le jour avant le 1er août
11 1991 et s'est poursuivie au moins jusqu'en décembre 1995. Vojislav Seselj a
12 participé à l'entreprise criminelle commune jusqu'en septembre 1993,
13 lorsqu'il est entré en conflit avec Slobodan Milosevic."
14 L'Accusation reconnaît donc qu'il y a la nécessité d'avoir ce lien. Car
15 manifestement, après le conflit avec Slobodan Milosevic, il n'y avait plus
16 de projet commun. De manière incohérente, dans l'acte d'accusation de
17 Radovan Karadzic, qui est de notoriété publique, le champ temporel va
18 jusqu'en décembre 1995 et mentionne Vojislav Seselj comme appartenant à
19 cette entreprise criminelle commune sans discontinuité.
20 L'Accusation a explicité sa position dans sa requête du 17 mai 2010,
21 aux fins d'admission d'éléments de preuve présentés directement. Pour
22 l'Accusation, les pièces étaient pertinentes car elles concernent l'ECC,
23 l'intention de l'accusé et sa contribution à l'ECC. Cependant, l'Accusation
24 a développé longuement son point de vue en disant qu'avec la montée du
25 nationalisme serbe pendant le démembrement de l'ex-Yougoslavie, l'accusé
26 est devenu l'allié de Slobodan Milosevic et d'autres dirigeants serbes, et
27 ensemble ils ont poursuivi l'objectif d'unir tous les Serbes au sein d'un
28 même Etat, que l'accusé appelait la Grande-Serbie. Cette création
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1 entraînant le transfert forcé de la population non-serbe et la commission
2 contre elle d'autres crimes.
3 Et dans cette requête, le Procureur cite les pièces suivantes :
4 P1321, P1167, P1169, P1170, P1263, P1264, P1175, P1301, P1206, P1388 et
5 P1364.
6 Pour l'Accusation, l'accusé a adopté l'idéologie prônée par le club
7 culturel serbe et le Mouvement chetnik-serbe, P1170 et P1172. L'accusé
8 Seselj s'est vu décerner le titre de vojvoda, P1170, P1322, P1180.
9 Selon l'Accusation, la naissance de l'entreprise criminelle commune
10 remonte à février 1991. En 1990, l'accusé avait fondé le SCP et il avait
11 cherché à enregistrer le SCP, sans y réussir. P1264. Il a alors fondé le
12 SRS en février 1991, qui était reconnu comme parti politique. P1265.
13 Selon l'Accusation, l'accusé a admis que son parti voyait dans la
14 lutte pour la défense des intérêts nationaux serbes un terrain d'entrée
15 pour la coopération avec le SPS de Slobodan Milosevic et avec le SDS, bien
16 que l'Accusation cite la phrase suivante :
17 "Nous sommes en désaccord pour tout le reste, mais nous devons
18 coopérer pour défendre l'identité serbe. Nous livrons une lutte commune et
19 rien ne doit nous diviser sur cette question." P1204.
20 A l'appui de cette argumentation, l'Accusation invoque notamment les
21 documents P1282, P1187, P1233, P1312, P1243, P1251, P1252 et P1327.
22 De tous ces éléments de preuve, le Procureur avait demandé
23 l'admission du témoignage de l'accusé dans l'affaire Milosevic. Il s'agit
24 du document P31 qui, selon lui, caractérise l'ECC. Ce document fait plus de
25 1 600 pages, et je l'ai scruté à la loupe mot par mot. L'examen du
26 transcript, allant des pages 42 678 à 44 370, permet de constater que
27 l'accusé Seselj ne connaissait pas certains membres de l'entreprise;
28 Simatovic par exemple, et j'y reviendrai, ou n'avait eu que des contacts
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1 épisodiques avec d'autres; Babic par exemple, et concernant Milosevic,
2 n'avait fait sa connaissance qu'en avril 1992, soit comme on le voit, bien
3 après le début de l'ECC alléguée.
4 Certes, les affirmations de Seselj faites sous la foi du serment peuvent
5 être fausses ou ne restituer que de façon parcellaire la vérité. Toutefois,
6 l'Accusation n'a pas, lors de son contre-interrogatoire, mis à néant ces
7 affirmations. Et en l'état, les propos tenus en la matière par le témoin
8 Seselj sous serment dans l'affaire Milosevic peuvent être retenus par un
9 Juge raisonnable comme particulièrement pertinents, voire probants.
10 Je vais citer quelques exemples. Page 43 932, l'accusé ici présent disait,
11 alors qu'il était assis à cette place comme témoin, je cite :
12 "J'insiste sur le fait que Franko Simatovic est quelqu'un que je n'ai
13 jamais rencontré de ma vie."
14 Concernant plus particulièrement Slobodan Milosevic, sur les liens avec
15 lui, il a dit, page 43 943, je cite :
16 "En mai 1992, j'ai commencé à avoir des réunions avec Milosevic de manière
17 plus régulière."
18 A la page 44 333, il dit ceci :
19 "Il était impossible de concevoir un lien quelconque entre nous, parce que
20 jusqu'en avril 1992, nous ne nous connaissions pas du tout."
21 Page 44 100. Voilà ce que le témoin disait, je cite :
22 "Vous voulez que je vous explique quelles ont été les relations entre M.
23 Milosevic et M. Hadzic, Hadzic étant le célèbre fugitif. Et c'est depuis
24 1991 que je suis en conflit avec M. Hadzic, je n'ai fait que des
25 déclarations négatives à son adresse."
26 Le Juge Bonomy va intervenir et va poser la question suivante, je cite :
27 "Est-ce que vous n'avez pas dit qu'il n'est pas question que M. Hadzic ait
28 été impliqué à une ECC quelle qu'elle soit avec l'accusé ?" L'accusé étant
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1 Slobodan Milosevic.
2 Réponse de Vojislav Seselj :
3 "J'ai dit qu'il est impossible qu'il ait pris part avec moi dans quoi que
4 ce soit, puisqu'il y a eu un conflit permanent entre nous deux."
5 L'Accusation, faute d'éléments pertinents concernant chacun des membres
6 cités dans la liste de l'entreprise criminelle commune, ne prouve pas que
7 ces personnes avaient un lien au sens de la jurisprudence de la Chambre
8 d'appel, tel qu'énoncé précédemment, ou qu'ils partageaient ensemble la
9 même intention. Ainsi, il aurait fallu qu'il y ait des éléments de preuve
10 qui établissent que les membres de l'entreprise criminelle commune avaient
11 la même intention que l'accusé de procéder à l'expulsion des non-Serbes,
12 notamment que les Musulmans et les Croates quittent de façon définitive
13 environ un tiers de la République de Croatie, de vastes portions de la
14 République de Bosnie-Herzégovine, et certaines parties de la Vojvodine afin
15 d'intégrer ces régions dans un nouvel Etat dominé par les Serbes.
16 Je vais approfondir mon analyse. Ainsi, le but final de l'ECC serait,
17 selon l'Accusation, d'intégrer ces régions dans un nouvel Etat dominé par
18 les Serbes. Partant de là, se pose la question pour un Juge raisonnable des
19 contours de la Grande-Serbie, tels que mentionné au paragraphe 9 de l'acte
20 d'accusation.
21 Celui-ci dispose que l'accusé a, je cite : "propagé une politique
22 visant à réunir tous les territoires serbes dans un Etat serbe homogène."
23 Il a défini la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Vitrovica comme frontière
24 occidentale de ce nouvel Etat serbe qu'il appelait la Grande-Serbie et qui
25 englobait la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, et de vastes portions de
26 la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine.
27 Le mémoire préalable dit ceci : Vojislav Seselj a largement contribué à
28 l'ECC en jouant le rôle de principal propagandiste de la création par la
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1 violence d'une Grande-Serbie, Etat unifié dominé par les Serbes. Au milieu
2 des années 1990, Vojislav Seselj n'a eu de cesse d'appeler à la création
3 d'un Etat serbe correspondant aux frontières actuelles des Républiques de
4 Serbie, de Monténégro, et une grande partie de la Croatie, de la Macédoine
5 et de la Bosnie-Herzégovine.
6 A l'appui de cette argumentation, l'Accusation cite les pièces P1321,
7 P1170, P1169, P150, P1171, P1172, P1173 et P39.
8 Il convient de relever que les discours, écrits ou interviews, de l'accusé
9 se sont étalés dans le temps, et l'Accusation faisant elle-même la
10 distinction dans son mémoire préalable entre plusieurs types de discours,
11 les discours tenus au milieu des années 1990. P1321, P1170, P1169, P150,
12 P1171, P1072, P1073, P39.
13 Il convient de noter qu'il est fait état d'une demande d'unification
14 en une seule étatique de tous les territoires serbes.
15 Les discours tenus fin 90 qui se seraient radicalisés, P1174, P1175
16 et P37. Il convient de noter qu'il y a une revendication pour que les
17 territoires serbes et peuple de Serbie ne soient pas séparés de la mère
18 patrie. De même, et ça me paraît important, il est précisé qu'à l'intérieur
19 de cet Etat serbe, les Serbes orthodoxes, musulmans, catholiques et
20 protestants vivraient unis, force de constater qu'il n'y a pas trace de
21 considération ethnique.
22 Le caractère radical allégué ne me semble pas suffisant pour avoir
23 des conséquences directes ou indirectes sur les crimes commis.
24 Pendant la période visée par l'acte d'accusation, l'accusé a profité
25 de la situation et l'a exacerbée pour réaliser la création d'un Etat serbe
26 par la force. P1264, P1338, P56, P255, P256, P644, P179, P34, P62 et P56.
27 Le concept même de l'entreprise criminelle commune avec les
28 différents protagonistes a été contesté, me semble-t-il, dans le cadre de
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1 la décision rendue le 10 novembre 2005 par la Chambre III suite à la
2 requête de l'Accusation aux fins de jonction des affaires Milan Martic,
3 Jovica Stanisic et Franko Simatovic et Vojislav Seselj. A l'époque,
4 l'Accusation voulait joindre ces trois dossiers. Il est intéressant de se
5 pencher sur les raisons et les motifs.
6 L'Accusation, dans sa requête du 1er juin 2005, avait, au paragraphe
7 23 de ses écritures, allégué l'objectif de l'entreprise criminelle commune
8 dans les trois actes d'accusation.
9 La Chambre III, présidée par le Juge Robinson avec les Juges Agius et
10 Liu, elle rejeta la requête en jonction, en indiquant aux paragraphes 20 et
11 21 de leur décision, je vais citer :
12 "L'entreprise commune criminelle alléguée n'était pas identique dans chacun
13 des actes d'accusation, tout en notant qu'il y a un partiel chevauchement
14 entre les chefs, les formes de responsabilité, le champ temporel et les
15 lieux des crimes."
16 A titre purement accessoire, je note au passage que l'entreprise
17 criminelle commune alléguée dans l'affaire Mrkic, Radic et Sljivancanin
18 avait été mentionnée comme suit au paragraphe 569 du jugement, qui est
19 maintenant d'une notoriété publique et accessible à tous. Je cite :
20 "Il est allégué dans l'acte d'accusation que les trois accusés, de concert
21 avec d'autres personnes, dont Miroljub Vujovic, Stanko Vujanovic, ont
22 participé à une entreprise criminelle commune ayant pour but de persécuter
23 les Croates et autres non-Serbes présents à l'hôpital de Vukovar. Il est
24 aussi allégué que les crimes visés dans l'acte d'accusation s'inscrivaient
25 dans le cadre de l'objectif assigné à l'entreprise criminelle commune et
26 que chaque accusé possédait l'état d'esprit nécessaire pour commettre
27 chacun de ces crimes."
28 Que va dire la Chambre ? La Chambre, au paragraphe 608, dit ceci :
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1 "Les faits, tels que la Chambre les a jugés établis par les éléments
2 de preuve, ne font pas apparaître, contrairement à ce qu'avance
3 l'Accusation, une entreprise criminelle commune à laquelle aurait participé
4 l'un ou l'autre des trois accusés." Et elle ajoute "ainsi que d'autres."
5 Ce jugement, qui a autorité de la chose jugée, n'a pas à faire, de
6 mon point de vue, l'objet d'un constat judiciaire. Mais, dès lors, si à
7 Vukovar il n'y a pas eu une entreprise criminelle commune avec les membres
8 du Parti radical serbe, comment, dans le cas présent, il y aurait une telle
9 entreprise ?
10 Partant de là, il convient d'approfondir encore l'analyse. Et avant
11 d'analyser plus avant les conditions posées par l'arrêt Tadic, il faut
12 examiner si un projet commun existait bien entre l'accusé et les autres
13 membres de l'ECC. En un mot, le projet d'ECC, tel que défini au paragraphe
14 6 de l'acte d'accusation, que je vais à nouveau citer parce que c'est
15 important :
16 "Visant à forcer la majorité des non-Serbes à quitter de façon
17 définitive environ un tiers du territoire de la République de Croatie, des
18 vastes portions du territoire de la République de Bosnie, et certaines
19 parties de la Vojvodine en République de Serbie afin d'intégrer ces régions
20 dans un nouvel Etat dominé par les Serbes."
21 On comprend que le but ultime c'est le nouvel Etat dominé par les
22 Serbes.
23 Est-ce bien le projet animant tous les participants, ou n'y avait-il
24 pas en fait deux projets : la création d'une Grande-Serbie, celle
25 revendiquée par l'accusé Seselj, et un second projet, qui serait le
26 maintien d'une Yougoslavie tronquée à l'intérieur des frontières
27 antérieures de la Yougoslavie fédérale, qui serait le projet, lui, de
28 Milosevic ? Cette question appelle un approfondissement.
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1 Le moyen d'atteindre ce but final, était-il le départ des non-Serbes
2 de la Croatie, des portions de la République de Bosnie-Herzégovine ou de la
3 Vojvodine, ou, ce départ est-il motivé pour d'autres raisons qui n'ont rien
4 à voir avec la création d'un Etat ?
5 C'est donc à travers ces questions fondamentales que les éléments de
6 preuve de l'Accusation doivent être analysés.
7 En premier lieu, il est évident qu'il y a deux conceptions à la base
8 de l'action politique de Milosevic et de Seselj. La conclusion évidente est
9 qu'il n'y a pas exactement le même projet, et de ce fait, la forme de
10 responsabilité découlant de l'ECC ne peut s'appliquer.
11 Sur la seconde question concernant le départ définitif des non-
12 Serbes, force est de constater que même si les Serbes -- que -- non, je
13 reprends, que même si les Croates de la région de Krajina quittèrent les
14 régions concernées, il n'en demeure pas moins que depuis le 15 janvier
15 1992, la République de Croatie a été internationalement reconnue à
16 l'intérieur de ses frontières résultant de la Yougoslavie fédérale.
17 De même, concernant la République de Bosnie-Herzégovine, il ne
18 pouvait y avoir création d'un nouvel Etat à compter d'avril 1992, d'autant
19 que la conférence de Genève et le plan Vance-Owen reconnaissaient
20 l'existence de territoires à dominance serbe en République de Bosnie-
21 Herzégovine, ce qui constitue l'actuel Republika Srpska.
22 Enfin, concernant la Vojvodine, dont il faut noter qu'elle appartient à la
23 Serbie, il n'y a pas nécessité d'expulsion quelconque pour l'intégrer à un
24 nouvel Etat serbe puisqu'elle en faisait déjà partie.
25 En intégrant les discours de l'accusé tenus à l'encontre des Croates,
26 et principalement dans une moindre mesure à l'encontre des Musulmans, il
27 apparaît en première analyse que le départ des Croates peut être une mesure
28 de répression ou de représailles suite à l'expulsion des Serbes de Croatie.
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1 Et le départ des Musulmans apparaît être contesté même par l'accusé, qui
2 estime qu'ils sont des Serbes musulmans.
3 Alors, cette question a été longuement abordée par l'Accusation et
4 par M. Nice lors de l'audition de l'accusé dans l'affaire Milosevic. Sur le
5 concept de la Grande-Serbie, l'accusé Seselj, répondant à une question de
6 Slobodan Milosevic, a dit ceci, je cite :
7 "C'est un concept idéologique qui date de très longtemps. Il a fait
8 son apparition dans le public en 1683, du temps de l'échec des Turques aux
9 Portes de Vienne. Je me fonde sur le concept datant du 17e siècle."
10 Dans bon nombre de procès diligentés devant le Tribunal de La Haye, et j'ai
11 pratiquement lu tous les jugements rendus, il a été question d'un grand
12 nombre de témoins qui ont parlé de la Grande-Serbie, qui n'ont aucune idée
13 de ce que cela veut dire. Et dans bon nombre de jugements, on prend cela
14 pour un fait.
15 "Or, en ma qualité de grand nationaliste vivant et idéologue en chef
16 du nationalisme serbe, je peux vous donner une explication originale de ce
17 concept. Cela serait utile pour ce procès-ci et pour les autres procès
18 également." - il devait penser à son procès actuel - "parce que s'agissant
19 de toutes les personnes qui soient englobées par l'entreprise criminelle
20 commune, aucune d'entre elles, ni à part moi-même, n'a jamais parlé de la
21 Grande-Serbie et a été loin de s'employer en faveur d'une Grande-Serbie.
22 Mon engagement en faveur de la Grande-Serbie, qui date de plus de 30 ans,
23 est mis à profit ici pour qu'on le reproche à d'autres personnes qui n'ont
24 rien à voir avec ceci. Je suis prêt à mourir pour l'idée de la Grande-
25 Serbie."
26 Transcript page 43 214. Et il va ajouter à la page 43 216, je cite :
27 "Le concept de la Grande-Serbie sous-entend un Etat serbe unifié dont
28 feraient partie toutes les terres serbes où les Serbes sont une population
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1 majoritaire. Toutefois, ceci est contraire aux tentatives du Vatican, de
2 l'Autriche, et autres qui visent à réduire le peuple serbe à ces
3 ressortissants ou à cette population de religion orthodoxe. Mais dans
4 l'être serbe, il y a des Serbes orthodoxes, des Serbes catholiques et des
5 Serbes musulmans."
6 Toutefois, cela est différent des persécutions pour des raisons
7 religieuses, puisque l'accusé, à la page 43 222, dit :
8 "Le concept de la Grande-Serbie ne saurait être identifiée avec
9 quelque pratique que ce soit de persécution vis-à-vis de la population
10 musulmane ou catholique, parce que dans tous les documents liés au
11 programme du Mouvement chetnik-serbe, du Mouvement épris de liberté serbe
12 et du Parti radical serbe, nous convions tous ces Serbes orthodoxes,
13 catholiques, musulmans, protestants et serbes athées également à s'entendre
14 et à s'unir. Il ne peut être établi de lien entre le concept de la Grande-
15 Serbie et le concept qu'on avance de purification ethnique. C'est ce que je
16 veux vous dire, mais vous m'interromprez constamment, et c'est la raison
17 pour laquelle nous insistons sur la nécessité d'englober par notre parti
18 les Catholiques, les Musulmans, et de les faire venir à des hauts postes au
19 sein du parti."
20 Le descriptif de son action établit que des rebelles serbes étaient
21 en lutte contre des Croates, et qu'apparemment, je dis bien apparemment,
22 l'action menée n'était pas a priori fondée sur une épuration ethnique mais
23 simplement sur la prise de contrôle d'une région autonome, qui semble être
24 l'objectif recherché.
25 Je vais approfondir cet aspect.
26 Selon un acte d'accusation, un cessez-le-feu était intervenu entre la
27 JNA et la Croatie. La JNA s'est retirée, laissant le matériel militaire, et
28 ainsi s'est créée la République de Krajina serbe, RSK. Le groupe d'Arkan a
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1 installé sa base dans un ancien camp militaire de la JNA à Erdut en
2 Croatie. Alors il est intéressant de lire cet acte d'accusation parce qu'il
3 est dit ceci, et ça vient du bureau du Procureur, qui, par définition, est
4 censé être unique :
5 "L'acte d'accusation dit que la situation en Bosnie-Herzégovine a
6 dégénéré en conflit ouvert, et les Tigres d'Arkan ont été déployés dans
7 différentes communautés comportant une forte population non-serbe.
8 Bijeljina et Zvornik figuraient au nombre de ces villes."
9 Il est important de constater que c'est la situation qui a dégénéré
10 en conflit ouvert, et qu'il n'y a aucune référence à un procès précis d'un
11 des belligérants d'entamer une quelconque épuration ethnique.
12 Dans le même acte d'accusation, il est indiqué pour une municipalité non
13 comprise dans le nôtre, acte d'accusation, Sanski Most, entre 1992 et
14 septembre 1995, qu'une grande partie de la population musulmane et croate
15 avait fui alors que la population restée sur place a été soumise à un
16 régime draconien.
17 Cette référence par le bureau du Procureur à la fuite de la population
18 musulmane et croate ne permet pas de savoir exactement, faute de preuve, si
19 la population avait fui par peur des combats ou pour une autre raison, ce
20 qui me permet de faire le lien avec la note de bas de page 429 du mémoire
21 préalable de l'Accusation ici. Les notes de bas de page, c'est toujours
22 important, et il faut les examiner. Voilà ce que cette note de bas de page
23 dit, je cite :
24 "Durant cette période, une unité de la police spéciale de Sremska Mitrovica
25 a été détachée à Hrtkovci pour empêcher que les non-Serbes soient expulsés,
26 attaqués ou harcelés."
27 Cette phrase, qui relate un événement, le fait qu'on envoie la police,
28 témoigne amplement du fait qu'il n'y avait pas à l'époque une collusion
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1 entre Vojislav Seselj et des membres d'une entreprise criminelle commune,
2 car l'autorité qui détenait le pouvoir, loin de collaborer en vue de la
3 réalisation du plan commun, y faisait obstacle en envoyant la police. Ceci
4 pourrait tendre à prouver que la campagne discriminatoire de l'accusé - et
5 j'aurai l'occasion d'y revenir - n'était menée que par lui-même, aidé en
6 cela par certains de ses volontaires, comme tend à l'indiquer certains
7 témoins, sans pour autant dire que les persécutions entraient dans
8 l'objectif commun de l'entreprise commune visant à forcer les non-Serbes à
9 quitter cette municipalité. Ceci va être examiné plus avant dans le
10 chapitre "Crimes commis matériellement par l'accusé : Persécution,
11 expulsion et transfert forcé".
12 En définitive, pour la bonne compréhension de l'entreprise criminelle
13 commune, l'élément de preuve essentiel, selon moi, à examiner est la pièce
14 P31, qui est constituée donc des transcripts du témoignage de l'accusé
15 Seselj dans l'affaire le Procureur contre Slobodan Milosevic. Quand on
16 examine les 1 692 pages, l'examen attentif des pages du transcript permet
17 de constater qu'il y a eu un débat contradictoire sur l'entreprise
18 criminelle commune alléguée entre le Procureur, M. Nice; le témoin sous
19 serment, Vojislav Seselj; l'accusé, Slobodan Milosevic; et les Juges eux-
20 mêmes, les Juges de la Chambre.
21 Cet élément de preuve, la pièce P31, est autrement plus importante
22 que les dires de certains témoins qui étaient soit des victimes, soit des
23 personnalités très éloignées du pouvoir politique, soit des témoins experts
24 de l'Accusation.
25 Selon l'Accusation, par la voix de M. Nice, page 43 248, Seselj et
26 Milosevic auraient partagé le but commun d'établir une Grande-Serbie et
27 d'en expulser la majorité de la population non-serbe.
28 La thèse de l'Accusation repose sur le postulat selon lequel le
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1 mouvement de la Grande-Serbie fondé durant la Seconde Guerre mondiale
2 serait l'ancêtre commun animant le but poursuivi par le Parti radical serbe
3 de Seselj et le SPS de Milosevic. Page 44 240.
4 L'Accusation soutient que les fondements théoriques des deux partis
5 ont certains points distincts l'un de l'autre, mais les deux projets se
6 rapprochent dans leur réalisation. Pages 43 255, 43 260, 43 262, 43 263.
7 L'Accusation soutient que le régime de Milosevic aurait donné à
8 l'accusé un accès privilégié aux médias pour lui permettre de répandre son
9 message de haine, ainsi que de l'instrumentaliser dans son propre intérêt.
10 Pages 44 052 et 44 053. Cette vision de l'Accusation a été contestée tant
11 par Seselj que par Milosevic.
12 Le concept de Grande-Serbie, je l'ai dit tout à l'heure, remonte à
13 très longtemps, s'étant forgé suite aux invasions successives des Balkans
14 par les empires ottoman, autrichien et russe. Il semblerait - j'emploie le
15 conditionnel - que les termes "Grande-Serbie" soient apparus pour la
16 première fois dans un mémorandum adressé à l'empereur de Russie en 1803,
17 ensuite, il aurait été repris à plusieurs occasions par des figures
18 intellectuelles serbes et des organisations politiques, et il sera
19 réactualisé par Vasa Cubrilovic et Dragan Vasic avant d'être interdit sous
20 le régime communiste.
21 L'idée de Grande-Serbie semble s'opposer à la Fédération de
22 Yougoslavie, en ceci qu'elle repose avant tout sur l'idée d'un état serbe
23 unifié. La Grande-Serbie se doit être un état centraliste et unitariste
24 qui, tout en reconnaissant un haut degré de droits aux minorités ethniques,
25 supprimerait l'existence des provinces autonomes. Page 43 322.
26 La Grande-Serbie englobe toutes les terres serbes, c'est-à-dire où
27 les Serbes sont majoritaires. Selon l'accusé, le peuple serbe n'est pas
28 défini par la religion mais par la langue qu'il parle, le stokavien. Page
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1 43 113. J'emploie le conditionnel. Il existerait trois dialectes en l'ex-
2 Yougoslavie : le stokavien, le chakavien et le kajkavien.
3 Alors, sur ces questions des dialectes, il y a des dizaines
4 d'articles sur la question. Je ne les cite pas. Je pourrais les citer, mais
5 on y passerait beaucoup de temps.
6 Selon l'accusé, toutes les personnes parlant stokavien sont des
7 Serbes, indépendamment de leur religion. Page 43 217. Selon lui, sur
8 l'ensemble des terres serbes, tous les Serbes parlent la même langue, le
9 serbe, qui découle du stokavien. Page 43 219. Ainsi, selon l'accusé, les
10 Croates et Bosniaques seraient en réalité des Serbes, catholiques et
11 musulmans, et la réalisation de la Grande-Serbie consisterait à convaincre
12 les Croates et Musulmans qu'ils font partie du peuple serbe. Page 43 220.
13 Les terres serbes ne correspondent pas tout à fait à la Yougoslavie,
14 page 43 219. Le stokavien est parlé dans toute la Serbie, la Bosnie-
15 Herzégovine, le Monténégro, et une large partie de la Croatie. C'est ce
16 territoire qui constitue l'assise territoriale de la Grande-Serbie telle
17 que conçue par Vojislav Seselj. Ainsi, la Grande-Serbie correspond à ce que
18 l'accusé rebaptise la Serbo-slavie, c'est-à-dire une Yougoslavie à laquelle
19 serait retranchée la Slovénie et la partie kajkavienne de la Croatie. Page
20 43 837. La ligne Karlobag-Vitrovica-Ogulin-Karlovac correspond à la
21 frontière occidentale de la Grande-Serbie telle qu'imaginée par l'accusé.
22 Cette ligne constitue la limite des terres serbes à l'ouest desquelles se
23 trouvent les trois provinces de Zagreb, Krizevci et Varazdin, qui forment
24 la Croatie kajkavienne, berceau de la véritable ethnie croate. Cette ligne
25 n'est pas une frontière, en tant que telle. C'est une ligne qui semble
26 correspondre à une approche historique et linguistique de la région. Page
27 43 437.
28 La question sous-jacente au témoignage de l'accusé dans l'affaire
Page 16951
1 Milosevic porte en conséquence sur la signification du but commun de l'ECC
2 alléguée. L'existence d'un but commun se limite-t-il à la démonstration par
3 l'Accusation que les membres allégués à l'ECC ont partagé la volonté
4 d'avoir un Etat serbe regroupant tous les Serbes ? Ou, au contraire, le but
5 commun doit-il être précis, par exemple, comprendre une convergence de vue
6 quant au modèle étatique prôné et à l'idéologie politique qui le sous-tend
7 ? L'Accusation convient que l'objectif selon lequel tous les Serbes
8 devraient vivre dans un seul et même Etat diffère du concept historique et
9 philosophique de Grande-Serbie.
10 Alors, c'est l'Accusation qui le dit dans l'affaire Milosevic.
11 L'Accusation ajoute que l'accusé Milosevic ne s'est jamais servi des
12 termes Grande-Serbie en tant que tels, il n'y a même jamais été associé.
13 Milosevic aurait uniquement permis, de par sa position, à des personnes qui
14 défendaient ce concept, telles que Seselj, de s'exprimer et de s'employer à
15 sa faveur. Ces propos sont en page 43 224 à 43 226. Toutefois, pour
16 l'Accusation, le fait que l'objectif de l'accusé Milosevic était de
17 permettre à tous les Serbes de vivre dans un même Etat permet de dire que
18 l'objectif de l'accusé peut être qualifié de facto de Grande-Serbie. Alors,
19 l'accusé en question, c'est Milosevic.
20 Alors, à cet égard, l'Accusation, M. Nice, mais M. Nice ou M.
21 Marcussen, c'est pareil, l'Accusation ajoute, je cite :
22 "Les faits pratiques, les effets concrets de ce que recherchait
23 l'accusé sont les mêmes pour ce qui est de la portée géographique similaire
24 à l'effet qu'aurait la mise en œuvre d'un plan d'une Grande-Serbie du genre
25 que préconisait le témoin." Page 43 246.
26 En effet, pour elle, ce qui est déterminant, c'est, je cite :
27 "L'affirmation, le souhait exprimé d'avoir tous les Serbes dans un
28 Etat, c'est de facto, cela coïncide avec l'étendue géographique de ce qu'on
Page 16952
1 obtiendrait par ceux qui épousent la cause de la Grande-Serbie." Page 43
2 249.
3 L'Accusation soutient, en outre, qu'une fois qu'il n'était plus
4 possible de maintenir la Yougoslavie en tant qu'Etat fédéral, il fallait
5 mettre en œuvre un autre plan, qui s'est appliqué, effectivement. C'est à
6 ce stade que l'idée d'une Grande-Serbie est devenue dans notre esprit, à
7 son avis, une réalité. 43 259. Cette vision a été contrebattue tant par
8 Milosevic que par Seselj.
9 Dans son approche, l'Accusation, représentée par M. Nice, identifie
10 le fait que tous les Serbes vivent dans l'espace d'un seul et même Etat, la
11 Yougoslavie. Il identifie cela à la Grande-Serbie. C'est une constatation
12 d'un fait qui existe depuis que la Yougoslavie existe. C'est un fait qui
13 découle de la réalité. Je cite : "un fait palpable matériel." Page 43 240.
14 Aux dires de Slobodan Milosevic, une telle conception du but commun
15 rentre en contradiction avec le fait que la Yougoslavie regroupait toute la
16 population serbe dans un seul et même Etat et que cet Etat jouissait d'une
17 pleine capacité juridique sur la scène internationale. Il note à cet égard
18 que :
19 "Tous les Serbes dans un même Etat, ce n'est pas du tout un slogan,
20 mais une réalité qui dure depuis plus de 70 ans, depuis la création de la
21 Yougoslavie jusqu'en 1991. Si M. Nice accuse quelqu'un d'avoir voulu
22 sauvegarder un Etat qui a été un Etat souverain et reconnu
23 internationalement, l'un des fondateurs des Nations Unies après la Deuxième
24 Guerre mondiale, je suppose qu'il y a une liste immense de personnes qu'il
25 faudrait accuser." Ces propos sont à la page 43 264.
26 A l'appui de ceci, il est intéressant de noter que le Témoin Seselj
27 ajoutait :
28 "Le Parti radical serbe a dressé une carte géographique de la Grande-
Page 16953
1 Serbie. Cette carte géographique que nous avons publiée. Je ne sais combien
2 de fois en couverture ou en page de garde, à la fin de notre revue de la
3 Grande-Serbie, on voit que la frontière occidentale se trouve sur la ligne
4 Karlobag-Ogulin-Vitrovica. Cette carte de la Grande-Serbie n'englobe pas
5 seulement les territoires où la population orthodoxe serbe est
6 majoritaire." Page 43 274, 43 275.
7 Il précise ensuite :
8 "Jamais personne n'a exprimé des positions afférentes à des
9 aspirations territoriales de la Serbie. Les Serbes au sein de l'unité
10 fédérale croate de l'époque ont laissé entendre aux Croates de façon claire
11 : Si vous voulez faire sécession vis-à-vis de la Yougoslavie, nous ne
12 voulons pas, nous voulons rester en Yougoslavie. La chose a été dite de
13 façon tout à fait claire avant le début de chacune des guerres, nous ne
14 voulions pas quitter la Yougoslavie. C'est vous qui le voulez." Page 43
15 275.
16 "Ce que les Serbes orthodoxes voulaient c'était la sauvegarde de la
17 Yougoslavie, et non pas une Serbie agrandie. La plupart des Serbes ne
18 voulaient pas d'une Grande-Serbie. C'est seulement le Parti radical serbe
19 qui le voulait."
20 Partant de là, l'ex-Yougoslavie, selon Milosevic, est un Etat englobant
21 tous les Serbes. Et l'éclatement de cet Etat a posé la question de la
22 reconstitution politique du peuple serbe. Ainsi, au regard de la position
23 de l'Accusation dans l'affaire Milosevic, des positions prises par les
24 accusés Milosevic et Seselj, la question relative à l'existence ou non d'un
25 but commun ou d'un but criminel commun pourrait se poser ainsi : ce but
26 criminel doit-il être défini par son objectif ultime, la réunion de tous
27 les Serbes dans un Etat commun, ou doit-il se définir par le plan en vue de
28 mettre en place tel ou tel modèle étatique fondé sur telle ou telle
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1 idéologie politique ?
2 Dans le premier cas, il est possible de dire qu'il existait des
3 divergences idéologiques entre Seselj et Milosevic, mais qu'il est
4 possible, à première vue, qu'il y ait eu un but commun les unissant avec
5 d'autres dont le résultat recherché emportait soit création d'un état serbe
6 soit le maintien d'une structure étatique englobant tous les Serbes.
7 Cependant, cette conception se heurte à des obstacles majeurs.
8 Alors, je vais terminer, parce que c'est fondamental, et il reste que
9 quelques minutes.
10 Cependant, cette conception se heurte à des obstacles majeurs, à
11 savoir qu'elle ne rend pas compte de la préexistence de la Yougoslavie et,
12 par conséquent, rentre en contradiction avec le fait que tous les Serbes
13 étaient de fait inclus dans l'Etat yougoslave dont Milosevic cherchait à
14 préserver l'existence. Cette conception emporterait également comme
15 conséquence de placer dans la même entreprise des individus n'ayant
16 entretenu que des contacts assez sporadiques car poursuivant un objectif
17 ultime avec parfois des conflits d'intérêts entre eux.
18 Dans le second cas, il apparaît que les buts poursuivis par Seselj et
19 Milosevic sont différents. Pour Milosevic, il s'agissait de préserver une
20 forme étatique fédérale préexistante, laquelle aurait permis aux Serbes de
21 rester dans un même Etat. En revanche, pour Seselj, il s'agissait au
22 contraire de mettre en place un Etat unitaire et centralisé regroupant des
23 terres historiquement serbes et dans lequel les habitants parleraient tous
24 la même langue, le Stokavien.
25 Compte tenu de tous ces paramètres, un Juge raisonnable ne pourrait
26 conclure au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé Seselj avait le
27 même objectif que les autres membres de l'entreprise criminelle commune,
28 car les finalités étaient tout autre. Je ne peux donc conclure que l'accusé
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1 a participé à une entreprise criminelle commune qui avait pour but de
2 forcer, par des crimes, les non-Serbes à quitter de manière définitive un
3 tiers de la Croatie, de vastes portions de la République de Bosnie-
4 Herzégovine, et certaines parties de la Vojvodine afin d'intégrer ces
5 régions dans un nouvel Etat dominé par les Serbes.
6 Après la pause, j'aborderai le volet des persécutions. Nous faisons
7 une pause de 20 minutes.
8 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.
9 --- L'audience est reprise à 16 heures 22.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
11 Je vais donc lire le chapitre consacré aux persécutions. Et je dois
12 dire d'ores et déjà qu'il n'y a pas de divergence avec les autres Juges,
13 puisque nous sommes de plein accord sur la question.
14 L'article 5 du Statut intitulé "Crimes contre l'humanité" précise la
15 compétence du Tribunal en cas de conflit de caractère international ou
16 interne et dirigé contre une population civile : assassinat;
17 extermination; réduction à l'esclavage; expulsion; emprisonnement; torture;
18 viol; persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses; et
19 enfin, autres actes inhumains.
20 Selon moi, les rédacteurs de l'article 5 du Statut ont, en matière de
21 crimes contre l'humanité, dressé une échelle de gravité, l'assassinat étant
22 le crime le plus élevé et les actes inhumains étant en bas de l'échelle, et
23 juste avant ceci interviennent les persécutions. Pourquoi y a-t-il cette
24 échelle ? Sans conteste, les cas A et B visent l'élimination physique d'une
25 population civile. Les autres cas allant de C à I visent des actes sur une
26 population civile, mais qui ne vont pas jusqu'à la mort.
27 Quoi qu'il en soit, chacune de ces infractions peut être sanctionnée
28 par une peine maximale. Il n'y a donc pas au sein de cette classification à
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1 faire de distinction en raison d'une gravité potentielle. Dès lors, je
2 considère que des persécutions pour des raisons politiques, raciales et
3 religieuses sont aussi graves qu'un assassinat, une extermination, ou une
4 réduction à l'esclavage.
5 S'il est vrai qu'il y a un débat entre les Juges de ce Tribunal ou au
6 niveau de la doctrine sur le point de savoir si les persécutions sont aussi
7 graves qu'un assassinat, car, bien entendu, une population civile peut être
8 persécutée pour des actes tels que des discriminations à l'embauche sans
9 pour autant que cette personne ne court ce risque physique. Cependant, des
10 persécutions par le biais de discours, de paroles et d'écrits peuvent être
11 le détonateur, voire le combustible de crimes de sang.
12 Alors (A), les persécutions. Quel est le droit applicable ? Ça a été
13 déjà développé dans la décision lue hier, mais je vais approfondir certains
14 points.
15 La question du discours de la haine, au regard du crime de
16 persécution, crime contre l'humanité, a été posée au Tribunal pénal pour
17 l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Kordic et Cerkez, et au TPIR dans l'affaire
18 Nahimana et autres. Dans l'affaire Kordic et Cerkez, la Chambre avait
19 conclu au paragraphe 209 du jugement, je cite :
20 "L'acte d'accusation dressé contre Kordic est le premier dans
21 l'histoire du Tribunal international à présenter l'incitation à la haine
22 pour des motifs politiques ou autres comme un crime contre l'humanité."
23 La Chambre avait constaté, toutefois, que :
24 "Cet acte, tel qu'il est allégué dans l'acte d'accusation, ne
25 constitue pas en soi une persécution en tant que crime contre l'humanité,
26 car selon elle, il n'est nulle part mentionné en tant que crime dans le
27 Statut du Tribunal international, mais surtout il n'atteint pas le même
28 degré de gravité que les autres actes visés à l'article 5."
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1 Elle avait ajouté, par ailleurs, que :
2 "Le droit international coutumier ne considère pas cet acte comme un
3 crime, et que ce serait violer le principe de la légalité que de condamner
4 l'accusé pour un tel acte sous le chef de persécution."
5 L'analyse juridique suivie par la Chambre a été renvoyée en note de
6 bas de page 272 en évoquant l'affaire Streicher, disant que le Tribunal
7 militaire international avait condamné l'accusé pour persécution "parce
8 qu'il poussa le peuple allemand à se livrer à des actions hostiles." Le
9 Tribunal militaire international a conclu que les actes de l'accusé, la
10 publication d'un journal antisémite virulent, "poussaient au meurtre et à
11 l'extermination." Alors, affaire Streicher, jugement du TMI, paragraphes
12 321 à 324.
13 De la même manière, dans le jugement Akayesu, paragraphes 672 à 675,
14 le TPIR a condamné l'accusé pour incitation directe et publique à commettre
15 le génocide, acte prohibé par l'article 23(C) du Statut du TPIR.
16 Dans l'affaire Nahimana, la Chambre d'appel avait rappelé au
17 paragraphe 979 de l'arrêt du 28 novembre 2007, que les écritures des
18 parties, et notamment celles de l'ami de la Cour, faisaient ressortir le
19 fait que l'interprétation de l'affaire Streicher, donnée par la Chambre de
20 première instance, était erronée, car :
21 "Streicher n'a pas été déclaré coupable de persécution pour des
22 écrits antisémites bien antérieurs à l'extermination des Juifs dans les
23 années 40, mais pour avoir poussé au meurtre et à l'extermination à
24 l'époque même où, dans l'est, les Juifs étaient massacrés dans les
25 conditions les plus horribles."
26 Et elle a indiqué :
27 "Que cette interprétation de l'affaire Streicher est confirmée par le
28 fait que le Tribunal militaire international a acquitté Streicher aux
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1 motifs que ses discours haineux n'avaient pas pour but d'inciter les
2 Allemands à commettre des atrocités sur les peuples conquis."
3 La Chambre d'appel a, pour sa part, considéré que :
4 "Le crime de persécution consiste en un acte ou une omission qui
5 introduit une discrimination de fait et qui dénie ou bafoue un droit
6 fondamental reconnu par le droit international coutumier ou conventionnel,
7 l'actus reus ou l'élément matériel du crime, et a été commis délibérément
8 avec l'intention de discriminer pour un motif prohibé, notamment pour des
9 raisons raciales, religieuses, ou politiques, le mens rea ou élément moral
10 du crime."
11 Donc, c'est au paragraphe 985 de l'arrêt Nahimana.
12 Elle ajoute :
13 "Cependant, ce n'est pas tout acte de discrimination qui constituera
14 le crime de persécution. Les actes sous-jacents de persécution constitutive
15 de crimes contre l'humanité, qu'ils soient considérés isolement ou
16 conjointement avec d'autres actes, doivent présenter le même degré de
17 gravité que les crimes énumérés à l'article 3 du Statut."
18 En outre, elle rappelle que :
19 "Il n'est pas nécessaire que ces actes sous-jacents constituent eux-
20 mêmes des crimes en droit international."
21 Aux paragraphes 986 et 987, la Chambre d'appel va pousser plus loin
22 son analyse, fixant ainsi de manière claire la jurisprudence, en disant
23 qu'elle considère - alors je vais dire lentement, parce que c'est la
24 jurisprudence - que :
25 "Un discours de haine visant une population pour des motifs
26 d'ethnicité ou pour tout autre motif discriminatoire viole le droit au
27 respect de la dignité humaine," confère Déclaration universelle des droits
28 de l'homme, "des membres de ce groupe, harcèlement, humiliation, abus
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1 psychologique, et constitue une discrimination de fait. En outre, la
2 Chambre d'appel est d'avis qu'un discours qui appelle à la violence contre
3 une population pour des motifs d'ethnicité ou pour tout autre motif
4 discriminatoire porte atteinte au droit à la sécurité des membres du groupe
5 visé et constitue ainsi une discrimination de fait," confère article 3 de
6 la Déclaration universelle des droits de l'homme, "cependant, la Chambre
7 d'appel n'est pas convaincue que le discours haineux à lui seul puisse
8 constituer une violation des droits à la vie, à la liberté, et à
9 l'intégrité physique. En effet, il faut l'intervention d'autres agents pour
10 que de telles violations se concrétisent. Un discours ne tue pas
11 directement les membres d'un groupe, pas plus qu'il ne les emprisonne ou
12 les blesse physiquement."
13 Enfin, concernant la question de savoir si l'atteinte aux droits
14 fondamentaux, droit au respect de la dignité humaine, droit à la sécurité
15 est aussi grave que dans le cas des autres crimes contre l'humanité énoncés
16 à l'article 3 du Statut. La Chambre d'appel est d'avis qu'il n'est pas
17 nécessaire de décider en l'espèce si en eux-mêmes, de simples discours
18 haineux, n'incitant pas à la violence contre les membres d'un groupe
19 ethnique sont d'une gravité équivalente aux autres crimes contre
20 l'humanité. Selon elle, je cite :
21 "Il n'est pas nécessaire que chaque acte sous-jacent de persécution soit de
22 gravité équivalente aux autres crimes contre l'humanité. Les actes sous-
23 jacents de persécution peuvent être considérés ensemble. L'effet cumulatif
24 de tous les actes sous-jacents doit être d'une gravité équivalente aux
25 autres crimes contre l'humanité. Par ailleurs, le contexte dans lequel ces
26 actes sous-jacents s'inscrivent est particulièrement important pour en
27 apprécier la gravité."
28 Alors, quelle est la conclusion à mon niveau ? En ce qui me concerne, je
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1 souscris à l'analyse de la Chambre d'appel, qui invite les Juges, au moment
2 de se déterminer sur l'existence d'une persécution à examiner l'affaire de
3 manière complète en portant leur intention sur les actes sous-jacents, dont
4 le cumul aboutirait à une gravité certaine qui permettrait à un Juge
5 raisonnable de conclure à l'existence d'une persécution. De mon point de
6 vue, ceci ne peut se faire qu'au moment du délibéré final. Et je ne me
7 livrerai pas à ce stade à un examen de chaque acte sous-jacent, ni à une
8 évaluation globale du point de vue cumulatif telle qu'indiqué par la
9 Chambre d'appel. Je me contenterai à ce stade de ne retenir, comme le
10 souligne la Chambre d'appel, que l'intention de discriminer pour un motif
11 prohibé.
12 Partant de là, je vais maintenant passer au tamis de mon examen les
13 éléments de preuve de l'Accusation pour déterminer l'intention
14 discriminatoire. Et pour ce faire, je vais le faire par année. Et je vais
15 retenir toutes les interviews, déclarations de M. Seselj, années 90, 91,
16 92, 93, et j'en aurai deux non datées. Et cette technique va me permettre
17 de mettre en exergue une trame générale.
18 Alors, un certain nombre de ces éléments ont déjà été cités dans la
19 décision majoritaire, mais ce qui est intéressant c'est de les intégrer
20 dans le champ temporel. Ainsi, j'ai pu remonter au 25 juin 1990, où lors
21 d'un interview avec un journaliste de "Vecernji List", M. Seselj dit que
22 les Croates haïssent les Serbes et qu'ils ont des ambitions
23 mégalomaniaques. Il ajoute que la haine naît uniquement dans les nations
24 nouvellement formées. P1169.
25 Quelques mois plus tard, lors d'un interview à TV studio B, 1er
26 novembre 1990, l'accusé se déclare génétiquement et ethniquement serbe.
27 Pièce P1172.
28 Un mois plus tard, au cours d'un interview avec un journaliste qui
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1 s'appelle Miroslav Peranovic, dans un hebdomadaire bosniaque le 1er
2 décembre 1990, il déclare que le mouvement oustachi, donc il introduit le
3 terme "Oustachi", est un mouvement typiquement fasciste et responsable de
4 la commission d'un génocide perpétré contre le peuple serbe. La Croatie
5 serait en outre, selon lui, un Etat totalitaire. P1173. Et il prône, en
6 outre, l'abolition des universités en langue siptar.
7 Quelques jours après, interview à TV Belgrade, 6 décembre 1990, il
8 dit à quelques rares exceptions, les Croates sont tous des criminels et ils
9 devraient être punis par la perte de centaines de leurs territoires. P32.
10 Et il utilise le terme "Oustachi" à plusieurs reprises.
11 Nous passons à l'année 91, et à l'assemblée nationale, il intervient
12 le 23 février 1991 - P1255 - et il dit : "Nous sommes préparés à un bain de
13 sang."
14 Lors d'un intervention à la télévision "TV Politika", 5 avril 1991,
15 M. Seselj dit que les Croates tentent d'utiliser les Musulmans pour les
16 monter contre les Serbes. Il affirme que la création d'un Etat serbe unifié
17 permettra au peuple serbe d'avoir 1,5 millions d'ennemis en moins. Il
18 déclare, en outre, que les Serbes commettent une de leurs plus grosses
19 erreurs en pensant que les Croates sont leurs égaux.
20 Le 1er mai 1991, dans un interview accordé à TV Novi Sad, l'accusé
21 explique que la revanche des Serbes contre les Croates implique le meurtre
22 de civils croates et qu'il ne peut l'empêcher. De la même manière, les
23 Serbes ne peuvent, à son sens, en assumer la responsabilité dans la mesure
24 où, selon lui, cette revanche est justifiée. P1177.
25 Il y a un extrait vidéo, P1003. Alors, j'avais eu la tentation de
26 passer des extraits, mais je n'ai pas le temps. Le 6 mai 1991, voilà ce
27 qu'il dit :
28 "A nos ennemis qui, une nouvelle fois, mettent le couteau oustachi sous la
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1 gorge serbe, nous disons que nous allons venger les victimes actuelles,
2 mais également régler les comptes du passé."
3 Lors d'un interview à TV Novi Sad cinq jours après, 11 mai, l'accusé
4 ironise sur le fait que lorsqu'un Chetnik vise un Croate en pleine tête,
5 les fusils Thompson sont tellement efficaces que les yeux sortent de leurs
6 orbites. P1254.
7 Au magazine "ON", le 24 mai 1991, il déclare :
8 "Comment peut-on négocier avec les Oustachi ? Ne voyez-vous pas
9 qu'aujourd'hui c'est tout le peuple croate qui est oustachi, à quelques
10 rares exceptions près ?" P34.
11 "Vous savez, les représailles rendent la vengeance aveugle. Il y a
12 aurai des victimes innocentes. Mais comment faire autrement ? Que les
13 Croates réfléchissent avant d'agir. S'ils deviennent des citoyens loyaux de
14 la Serbie, ils jouiront de tous leurs droits et de toutes les libertés des
15 citoyens. Dans le cas contraire, il faudra qu'ils fassent leurs bagages."
16 Le 1er juin 1991, TV Novi Sad, il dit ceci -- il semble se vanter
17 "d'avoir fait couler du sang oustachi en Slavonie." P1180.
18 Dans le cadre de la campagne électorale le 4 juin 1991, dans le
19 magazine "Horvats Ustacha Phantasmagorias", il dit :
20 "Si les Croates vous utilisent de nouveau, la vengeance des Serbes sera
21 terrible, et vous finirez au-delà de l'Anatolie." P35. "Les Croates
22 s'arment. Le nouveau chef oustachi Tudjman dispose aujourd'hui de 80 000
23 commandos oustachi armés jusqu'aux dents. Nous avons dit aux Croates : 'Si
24 jamais vous vous livrez à un nouveau génocide contre le peuple serbe, nous
25 ne nous contenterons pas de venger chaque victime, nous en profiterons pour
26 régler nos comptes au nom de toutes les victimes des deux guerres
27 mondiales.'" Comme on le voit, le règlement de comptes, c'est déjà à deux
28 reprises qu'il est évoqué.
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1 Lors d'un interview télévisé, Novi Sad, 25 juillet 1991, il affirme
2 qu'il est dans la nature croate d'être lâche et d'envoyer des mercenaires
3 combattre à la place de ses forces armées pour défendre ses intérêts. Il
4 ajoute que les Croates sont génétiquement effrayés et les accuse d'être un
5 peuple criminel. Donc ceci est la pièce P181.
6 Lors d'un interview avec un journaliste de "Duga", bimensuel serbe, le 13
7 septembre 1991, l'accusé propose une démarcation frontalière. P182. Il
8 déclare en outre que : "Les Croates sont génétiquement des couards," comme
9 il l'a également dit à la pièce P34.
10 Alors, je vais demander à M. l'Huissier de faire apparaître la P34 et
11 la P1182, et de le mettre sous l'ELMO, sinon je vais -- je vais demander à
12 M. le Greffier de mettre ça sous l'ELMO. Voilà.
13 Alors, vous voyez, j'ai mis la P34 et la P1182 dans la version
14 anglaise et j'ai mis dans la langue de M. Seselj les propos tenus. Je
15 continue.
16 A l'assemblée nationale de la République de Serbie le 26 septembre
17 1991, il préconise l'établissement d'un gouvernement yougoslave temporaire
18 capable de former, si nécessaire, une junte militaire de sorte que le monde
19 soit effrayé par de tels changements.
20 A la même assemblée parlementaire le 27 septembre 1991, il exhorte
21 l'assemblée nationale à s'opposer à toute mesure conduisant à ce que les
22 Serbes vivent avec les Croates et les Slovènes. P1258.
23 Alors, je vais faire apparaître également un document qui me semble
24 particulièrement pertinent. C'est un interview accordé à un journaliste de
25 "Ratne Novine" le 24 novembre 1991. Et l'accusé déclare que les Slovènes
26 sont des voleurs, qui ont toujours déçu les Serbes lorsque les deux peuples
27 cohabitaient. Voilà. Voilà le texte en anglais et -- et dans la langue.
28 Nous passons à l'année 1992. C'est un interview accordé à "TV Studio
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1 B" le 8 avril 1992. L'accusé déclare n'avoir jamais rencontré de sa vie un
2 bon Croate, et affirme que les Croates sont les pires ennemis des Serbes.
3 P1195.
4 Le 21 avril 1992, un interview accordé à un journaliste du quotidien
5 serbe "Unity". L'accusé appelle les radios d'Etat à licencier leurs
6 employés macédoniens, bulgares et croates parce qu'ils s'opposeraient à la
7 défense des intérêts du peuple serbe. P1197.
8 Quelques mois après, le 12 juin 1992, il y a un interview à "TV
9 Politika". Il déclare qu'il n'y a aucun bon Croate ni à Imotski ni dans
10 l'ensemble de l'Herzégovine occidentale. P1201.
11 Alors, je passe à l'année 1993, et je me fonde sur une conférence de
12 presse que nous retrouvons dans un des ouvrages de M. Seselj intitulé "Le
13 chef d'état-major général sur les genoux". Et il affirme que le Parti
14 radical serbe dispose de 16 roquettes de type CC-22, et menace de les
15 lancer sur la population civile italienne si l'Italie venait à intervenir
16 en territoire serbe. P1219. Je ne sais pas ce que l'Italie venait faire,
17 mais ça a été dit là.
18 Lors d'un interview accordé à un journaliste de l'hebdomadaire
19 "Nîmes" une semaine après, le 21 mai 1993, il dit que les plus grands
20 ennemis des Musulmans sont les Croates, et on peut penser que là il y a
21 attisation de la haine.
22 Alors, en faisant cette étude de tous ces documents, je n'ai retrouvé que
23 deux dont je n'ai pas de date, mais je vais citer les pièces : P1264,
24 P1338, P255, P256, P60 --
25 Oui ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je suis contraint d'intervenir.
27 Monsieur le Président, vous avez dit -- vous avez cité ma déclaration
28 consistant à dire que les Croates seraient les plus grands ennemis des
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1 Musulmans. C'est la façon dont on m'a traduit la chose en serbe, et cela
2 peut effectivement correspondre aux propos que j'ai tenus. Mais dans la
3 traduction anglaise, il est indiqué ici : Il dit que les Musulmans sont les
4 pires ennemis des Croates. Donc, que les Musulmans seraient les pires
5 ennemis des Croates. Mais là, ce n'est qu'un exemple de ce qui ne cesse de
6 se produire. Moi j'ai procédé à la vérification de tous les comptes rendus
7 en anglais, en français, et j'ai énuméré près de 4 000 erreurs de ce type-
8 ci.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors --
10 Mme LE JUGE LATTANZI : Est-ce que je peux dire une chose ?
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors --
12 Mme LE JUGE LATTANZI : Je me félicite, avec vous qui connaissez très bien
13 l'anglais et le français et qui refusez complètement d'avoir des documents
14 en anglais ou en français. Merci. Je suis très contente.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En tout cas, merci de vous en être rendu
16 compte. Moi-même, je n'ai pas regardé, parce que je lis mon document et je
17 vous regarde, et parfois je me --
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'y renoncerai jamais. Et, Madame
19 Lattanzi, je peux me débrouiller également en italien. J'ai appris le latin
20 et je l'ai, à vrai dire, un peu rafraîchi grâce à l'italien.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la correction a été faite au transcript. Et,
22 effectivement, il faut que ça soit exact, d'autant que je sais que M.
23 Seselj vérifie tout. Et je ne dois pas commettre d'erreur, et je m'efforce
24 à ne pas en commettre. Ça peut venir du fait que je lis trop vite aussi. Je
25 m'en excuse.
26 Alors, il aurait dit dans ces documents non datés, aucun crime ne restera
27 impuni, et puis une phrase qui mérite d'être examinée, je cite :
28 "Des hordes d'Oustachi déferlent sur nos villages, se ruent sur nos femmes
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1 et nos enfants et tentent de terminer le génocide entrepris contre le
2 peuple serbe." P62.
3 Dans le rapport Oberschall, tout le monde se souvient que l'Accusation a
4 fait venir M. Oberschall en qualité de témoin de l'Accusation afin qu'il
5 témoigne sur la propagande nationaliste de l'accusé au cours des années
6 1990 à 1994. L'expert, aux pages 18, 22 et 24 de son rapport, évoque
7 notamment les persécutions, et aux pages 29 et suivantes, analyse les
8 discours sur les expulsions des populations.
9 Alors, il convient, dans un souci d'équité, de rappeler que par une
10 décision du 30 novembre 2007, la Chambre a rejeté la qualité d'expert de ce
11 témoin, mais a néanmoins admis pour des raisons pratiques son rapport par
12 une décision ultérieure du 24 janvier 2008, étant précisé que la Chambre
13 tiendra compte du rejet de la qualité d'expert pour apprécier la valeur
14 probante de cet élément de preuve, P5.
15 Lors du témoignage de cet expert, des vidéos ont été projetées, et
16 certaines sont particulièrement pertinentes concernant les persécutions.
17 C'est ainsi que la vidéo P14 - si on avait du temps, on la passerait, mais
18 on n'a pas le temps - c'est un discours de l'accusé à Jagodnjak en avril
19 91. L'accusé évoque les propos -- il évoque le général Tudjman et les
20 nouvelles autorités oustachi, qui, selon lui, ont encore une fois placé un
21 couteau sous la gorge du peuple serbe, et qu'ils essaient de provoquer un
22 nouveau génocide. Et il ajoute "chaque vie serbe sera vengée."
23 Lors d'un discours le 13 mai 93, dans le cadre d'une visite des
24 dirigeants du Parti radical serbe à Banja Luka, P18, il dit :
25 "La prochaine fois qu'ils vont frapper, il faut les," alors entre
26 parenthèses, les Musulmans et les Croates, "il faut les abattre pour qu'ils
27 ne se relèvent plus, plus jamais nous frapper."
28 Alors, je vais maintenant examiner plus particulièrement les discours tenus
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1 à Hrtkovci. Alors, le paragraphe 125 du mémoire préalable prend en compte
2 les propos tenus par les Témoins VS-026 et VS-1133. Et pour l'Accusation,
3 ces témoins diraient la vérité. Alors, je mets un bémol en disant ceci.
4 Toutefois, je me dois de constater que le Témoin VS-026 affirme, en
5 contradiction totale avec la teneur du discours, que l'accusé Seselj avait
6 déclaré qu'"il arracherait les yeux des non-Serbes, des Croates et des
7 Hongrois de Subotica avec des cuillères et des fourchettes rouillées." Ceci
8 n'est pas dans le discours.
9 Le même témoin a dit que l'accusé "a rencontré des dirigeants du
10 Parti radical serbe et du SUP", et qu'à cette occasion il aurait appelé à
11 l'expulsion et au meurtre des non-Serbes.
12 Le Témoin VS-026, qui n'a pas témoigné pour des raisons médicales,
13 tout le monde le sait, a certes témoigné dans l'affaire Milosevic, mais est
14 revenu ultérieurement sur ses déclarations, voulant, malgré son état de
15 santé précaire, être témoin de la Défense, et ce, par maintes déclarations
16 renouvelées en ce sens. Alors, en conséquence, en l'état, il n'est pas
17 possible pour un Juge raisonnable de donner un crédit quelconque si les
18 dires de ce témoin ne sont pas corroborés par un témoin, celui-ci étant non
19 discutable.
20 Les allégations via le Témoin VS-1033, selon lesquelles l'accusé
21 Seselj aurait dit, je cite :
22 "Il fallait épurer les mariages mixtes entre Serbes et Croates et que
23 les enfants de ces unions devraient être tués", et qu'il aurait cité les
24 noms des personnalités non-serbes qui devaient quitter Hrtkovci, ne sont
25 absolument pas confirmées par le discours en possession de la Chambre.
26 Au paragraphe 127 du mémoire préalable, l'Accusation soutient que l'accusé
27 a prononcé un discours le 6 mai à Hrtkovci, et qu'avant ce discours, de la
28 musique a été diffusée, et que deux heures avant son arrivée, "des
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1 volontaires du Parti radical serbe sont arrivés en autocar, vêtus
2 d'uniformes noirs et armés de fusils." Lors des discours que j'ai lus mot à
3 mot, peut-être une dizaine de fois pour ne pas faire d'erreur, un
4 intervenant avait cité des noms de Serbes -- de -- de non-Serbes qui
5 avaient quitté Hrtkovci, et contrairement aux dires de l'Accusation, ce
6 n'est pas l'accusé qui avait cité ces personnes. Il suffit de regarder les
7 documents que le Procureur a en sa possession, ainsi que la Chambre.
8 Selon l'Accusation, à la suite du discours, certains Croates ont décidé de
9 quitter Hrtkovci, il s'appuie sur VS-1136, et selon le Témoin VS-1134, une
10 campagne générale de harcèlement et d'intimidation a été dirigée contre les
11 non-Serbes, et en particulier les Croates de Hrtkovci. Ceux-ci faisaient
12 l'objet de menaces téléphoniques ou directes. Il est vrai que l'accusé a
13 dit qu'aucun crime ne restera impuni et qu'il y aura des responsables. Ces
14 propos, bien que prononcés dans une situation de tension, ne sont la
15 reproduction des propos tenus aujourd'hui dans des Etats démocratiques en
16 cas d'attaques terroristes, par exemple.
17 En l'état des éléments de preuve produits, l'examen de l'acte
18 d'accusation du mémoire préalable, des pièces admises et des déclarations
19 de témoins, me permet de caractériser des propos, des interviews et des
20 déclarations de l'accusé allant dans le sens de discours susceptibles
21 d'être qualifiés de discours de la haine contenant un motif
22 discriminatoire.
23 Voici pour les persécutions. Concernant les expulsions et transfert forcé.
24 Le droit applicable.
25 L'expulsion et le transfert forcé de civils non-serbes, notamment croates
26 et musulmans, fondent trois des chefs d'accusation mentionnés dans l'acte
27 d'accusation. D'une part, l'Accusation inclut ces crimes dans le chef de
28 persécution, chef 1. D'autre part, l'Accusation les qualifie également
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1 d'expulsion constituant un crime contre l'humanité, chef 10; et d'acte
2 inhumain constituant un crime contre l'humanité, transfert forcé, chef 11.
3 L'Accusation soutient aux paragraphes 31 à 33 de l'acte d'accusation
4 que l'accusé a planifié, incité à commettre ou commis, ou de tout autre
5 manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes
6 d'expulsion et de transfert forcé de civils non-serbes, notamment croates
7 et musulmans, entre le 1er août 91 et le mois de mai 92 dans les SAO de
8 Croatie et de RSK, entre le 1er mars 92 et fin septembre 93 en Bosnie-
9 Herzégovine, et entre mai et août 92 dans certaines régions de Vojvodine.
10 La jurisprudence de ce Tribunal opère une distinction entre l'expulsion,
11 également appelée déportation, sanctionnée par l'article 5(D) du Statut et
12 le transfert forcé réprimé par l'article 5(i) du Statut sous la
13 qualification "autres actes inhumains".
14 Pour ceux que ça intéresse, cette distinction a été établie par le jugement
15 Krstic du 2 août 2001, dans lequel la Chambre de première instance a
16 déclaré au paragraphe 521 que, je cite :
17 "L'expulsion," encore appelée déportation, "et le transfert forcé
18 impliquent l'un et l'autre l'évacuation illégale d'individus hors de leur
19 territoire de résidences contre leur volonté; ces deux termes ne sont
20 cependant pas synonymes en droit international coutumier. Le premier
21 suppose, en effet, le transfert hors du territoire national, alors que dans
22 le second cas, celui-ci s'opère à l'intérieur des frontières d'un Etat."
23 Cette distinction n'enlève toutefois rien à la condamnation unanime
24 de telles pratiques en droit international humanitaire. En outre, la
25 jurisprudence a évolué concernant l'appréhension du caractère
26 transfrontalier du transfert. Ainsi, la Chambre de première instance dans
27 l'affaire Stakic a estimé que la déportation exigeait le franchissement de
28 frontières, mais que ces dernières pouvaient être de nature variée. La
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1 Chambre d'appel dans cette même affaire a rappelé dans son arrêt du 22 mars
2 2006, que le droit international coutumier reconnaît implicitement que les
3 victimes doivent être expulsées dans un autre pays par-delà des frontières
4 officiellement reconnues et que le déplacement hors d'un territoire occupé
5 suffit pour qu'il y ait déportation. Elle en a déduit que "dans certaines
6 circonstances, un déplacement par-delà des frontières de facto peut
7 constituer une déportation."
8 Selon une jurisprudence constante du Tribunal, l'élément matériel de
9 l'expulsion est constitué par le fait de déplacer de force des personnes en
10 les expulsant, ou par d'autres moyens de coercition, de la région où elles
11 se trouvent légalement, au-delà des frontières officielles d'un Etat ou,
12 dans certains cas, des frontières de facto sans motif admis en droit
13 international. Toutefois, concernant l'élément moral et la nécessité de
14 prouver l'intention des accusés de chasser leurs victimes à jamais, la
15 jurisprudence du Tribunal demeure plus incertaine.
16 Sur le caractère forcé du transfert ou de l'expulsion, il convient de
17 rappeler que la jurisprudence du Tribunal ne le limite pas à l'emploi de la
18 force physique, mais peut également viser la menace de recours à la force
19 ou à la coercition, qu'elle se manifeste sous forme de violence, de
20 contrainte, de détention, de pression psychologique ou d'abus de pouvoir,
21 ou qu'elle résulte simplement du climat coercitif.
22 C'est au vu des circonstances propres à chaque espèce qu'il faut
23 déterminer si les personnes transférées -- si la personne a eu
24 véritablement le choix.
25 Alors, sur la licéité du transfert ou de l'expulsion, les conventions
26 de Genève autorisent les déplacements forcés dans certains cas précis.
27 Ainsi, l'article 19 de la Troisième convention de Genève relative au
28 traitement des prisonniers de guerre autorise l'évacuation des prisonniers
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1 de guerre d'une zone de combat vers des camps où ils seront hors de danger.
2 L'article 49 de la Quatrième convention de Genève relative à la protection
3 des personnes civiles en temps de guerre permet l'évacuation totale ou
4 partielle d'une région occupée, je cite : "si la sécurité de la population
5 ou d'impérieuses raisons militaires l'exigent." Etant précisé que la
6 population devra être ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités
7 dans ce secteur auront pris fin. Et enfin, l'article 17 du Protocole
8 additionnel II reconnaît que le déplacement de population civile peut être
9 ordonné pour des raisons ayant trait au conflit. En outre, le consentement
10 des personnes déplacées peut justifier leur déplacement et le rendre légal.
11 Etant précisé que celui-ci doit être donné volontairement et dans
12 l'exercice de son libre arbitre.
13 Au paragraphe 17(i) de l'acte d'accusation, l'accusé Seselj est
14 accusé de persécutions, sanctionné par l'article 5(h) du Statut pour
15 l'expulsion ou le transfert forcé de dizaines de milliers de civils non-
16 serbes, notamment croates et musulmans, plus particulièrement à Zvornik,
17 dans la région de Sarajevo, à Mostar, Nevesinje, et dans certaines parties
18 de la Vojvodine.
19 A plusieurs reprises, les Chambres de première instance ont reconnu
20 que les déplacements forcés de population constituaient des persécutions.
21 Etant précisé que c'est le caractère forcé du déplacement qui entraîne la
22 responsabilité de celui qui le commet et non pas la destination vers
23 laquelle ces habitants sont envoyés. Cet élément s'apprécie au regard des
24 mêmes critères que pour les crimes de transfert forcé et d'expulsion
25 sanctionnés au titre des articles 5(d) et 5(i) du Statut.
26 Pour que les actes d'expulsion ou de transfert forcé puissent être
27 considérés comme des actes sous-jacents au crime de persécution, ils
28 doivent séparément ou cumulativement être commis avec une intention
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1 discriminatoire et constituer un crime de persécution de même gravité que
2 les autres crimes visés à l'article 5 du Statut. Ceci étant dit, je ne vais
3 pas à ce stade trancher définitivement la question de savoir si je dois
4 développer la question de l'expulsion ou du transfert forcé comme un acte
5 sous-jacent aux persécutions qui font l'objet du chef 1, puisque j'ai
6 conclu plus haut à l'existence au vu des éléments de preuve produits du
7 chef 1.
8 Une question essentielle qui se pose est celle de savoir s'il y a la
9 possibilité par une autorité publique de procéder à des déplacements de
10 population. Le Protocole additionnel II aux conventions de Genève de 1949,
11 relatif à la protection des victimes et des conflits armés non
12 internationaux du 8 juin 1977 précise en son article 17, je cite parce que
13 c'est important :
14 "Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné
15 pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans le cas où la sécurité
16 des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l'exigent. Si
17 un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront
18 prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions
19 satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et
20 d'alimentation.
21 "Les personnes civiles ne pourront pas être forcées de quitter leur
22 propre territoire pour des raisons ayant trait au conflit."
23 Le commentaire du CICR en l'espèce dit que les déplacements forcés de
24 la population civile soient interdits sous réserve de deux circonstances
25 exceptionnelles : la sécurité de la population civile, les raisons
26 militaires impérieuses. Il m'apparaît que ces raisons doivent être
27 appréciées au cas par cas et qu'en tout état de cause elles doivent être
28 impérieuses. En examinant les discours que l'on va voir tout à l'heure, je
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1 n'ai pas trouvé dans les propos de l'accusé ce type de circonstances.
2 Alors, je vais maintenant examiner les éléments de preuve relatifs au
3 transfert et aux expulsions. Et je vais faire comme tout à l'heure, je vais
4 les examiner année par année afin d'avoir, là aussi, une trame générale.
5 En 1990, l'accusé donne un interview à l'hebdomadaire serbe "Pogledi" le
6 15 avril 90, et l'accusé appelle à déplacer toute la population albanaise
7 vivant à 50 kilomètres de la frontière albanaise dans d'autres endroits de
8 la Yougoslavie, et rappelle que la minorité ethnique albanaise, soutenue
9 par l'Occident, menace l'ethnie serbe majoritaire. P1168.
10 L'année suivante, en 1991, le 11 mai 91, dans un interview à la chaîne de
11 télévision TV Novi Sad, il déclare que les Albanais doivent être expulsés
12 de Serbie. P1254.
13 Plusieurs mois après, lors d'un interview accordé à un journaliste de
14 "Ratne Novine" le 24 novembre 91, l'accusé se prononce en faveur d'un
15 échange de populations, proposant ainsi que les Serbes de Zagreb aillent à
16 Zupanja, et que les Croates de Zupanja aillent à Zagreb, ceci, car selon
17 lui, les Croates et les Serbes ne peuvent cohabiter au sein d'un même Etat.
18 J'insiste, il a été dit, les Serbes et les Croates ne peuvent cohabiter au
19 sein d'un même Etat. P1186.
20 L'année suivante, lors d'un interview à un journaliste de Radio Novi Sad 16
21 janvier 1992, l'accusé appelle à un échange entre Serbes et Croates qui
22 devraient être, à son sens, réalisé le plus tôt possible. P1190.
23 Le 5 avril, interview à un journaliste de "Politika", il plaide en faveur
24 d'un échange de populations entre Serbes et Croates. P1298.
25 Lors d'un interview accordé à un journaliste du quotidien serbe "Unity", je
26 l'ai déjà évoqué, le 21 avril 92, il exhorte les 500 000 immigrants
27 albanais de retourner en Albanie. P1197.
28 Lors de questions posées dans le cadre d'une conférence de presse tenue par
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1 le Parti radical serbe le 28 mai 92, l'accusé déclare que les Croates
2 déloyaux devraient être exclus de Croatie et que les réfugiés serbes
3 devraient s'installer à leur place dans leurs demeures. P1199.
4 Le 12 juin 1992, "TV Politika," il déclare qu'un échange de populations va
5 être réalisé entre les Serbes et les Croates. P1201.
6 Lors d'un interview accordé à un journaliste de "Globus" 7 août 92, il
7 explique que lorsque le Parti radical serbe sera au pouvoir, il procédera à
8 un échange de populations entre Serbes et Croates. P1203.
9 Dans le cadre d'une discussion avec l'agence de presse "Tanjug" 7 décembre
10 92, il appelle à l'expulsion des 360 000 immigrants albanais et de leurs
11 descendants qui sont entrés au Kosovo-Metohija, ou, plus largement,
12 Yougoslavie, depuis le 6 avril 1941. P1208.
13 Nous passons à l'année 93. Je m'excuse d'accélérer auprès des interprètes,
14 mais comme ils sont excellents, ils arrivent à suivre.
15 Lors d'un interview radiophonique pour Radio Banja Luka, 20 mars 93, il
16 déclare que le Parti radical serbe a œuvré pour loger des réfugiés serbes
17 dans les appartements ayant été désertés. Il affirme qu'une campagne
18 devrait être menée pour qu'il soit procédé à un échange de populations
19 entre les Serbes, les Musulmans et les Croates qui ne peuvent plus, selon
20 lui, cohabiter sur le même territoire. P1215.
21 Avec Radio Belgrade, 22 mars 93, il explique que Dobrica Cosic, président
22 de la République fédérale de Yougoslavie, a appelé à la réalisation d'un
23 échange de populations entre les Serbes et les Croates, et que le Parti
24 radical serbe s'est engagé dans cette entreprise. P1216.
25 Lors d'un interview dont on n'a pas la source, mais c'est dans un de ces
26 ouvrages, P1218. Le 7 mai 93, il déclare qu'un échange spontané de
27 populations a eu lieu à Zvornik au cours duquel des Serbes ont pris la
28 place des anciens habitants musulmans.
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1 Le 4 novembre 93, à Radio "Ponos", il appelle à un échange de populations.
2 P1231.
3 Le 6 décembre 93, à un journaliste de l'agence "Tanjug", il admet avoir
4 prononcé des discours de propagande visant à ce que la population quitte la
5 Serbie.
6 Le document P574 du 20 septembre émanant de la République de Serbie
7 indique qu'au recensement de 2002, il y avait 56 546 civils qui vivaient
8 dans la province autonome de la Vojvodine; alors qu'au recensement de 1991,
9 ils étaient 74 808. Et qu'il y avait donc 18 262 civils de moins, soit 24 %
10 en moins. Ce document indique que ce chiffre résulte de la politique de
11 persécution de la population civile qui peut être consécutive de crime de
12 guerre.
13 Ce document peut être de nature à conforter les allégations de
14 l'Accusation sur la politique de persécution ayant conduit au transfert et
15 à l'expulsion des non-Serbes.
16 L'Accusation indique au paragraphe 11 de son mémoire, que les
17 discours de l'accusé se sont fait véhéments envers les Croates de Serbie.
18 P35, P892, P43. Il a indiqué qu'une fois que des milliers de fonctionnaires
19 fédéraux auraient été expulsés, il y aura des milliers de logements
20 disponibles à Belgrade. Ce discours fait une référence explicite au départ
21 des fonctionnaires des structures fédérales de la Yougoslavie. L'accusé
22 fait également allusion à l'échange de populations, parlant des Serbes
23 expulsés de Zagreb. Il s'agit, selon lui, de mesures de rétorsion
24 classiques en droit international. En disant : Nous ne tuerons pas, bien
25 entendu, mais nous ferons simplement monter dans des camions et dans des
26 trains en direction de Zagreb. P892.
27 Dans le document P43, il reconnaît qu'il expulsera les Croates pour
28 plusieurs raisons : tout d'abord, les Croates sont infidèles à la Serbie,
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1 ils déstabilisent la situation intérieure, ils se sont révélés des
2 collaborateurs directs des Oustacha, et, enfin, parce qu'ils doivent faire
3 l'objet de mesures de représailles en réponse à l'expulsion de 160 000
4 Serbes par Tudjman.
5 Sur la question posée qui est au cœur du problème. Voilà ce qu'on lui pose
6 : Vous avez été notamment critiqué pour avoir déclaré qu'il fallait
7 expulser tous les Croates de Serbie, et il n'est d'ailleurs pas dans la
8 tradition du Parti radical de tenir de tels propos. On lui pose la
9 question. L'accusé ne répond pas sur le fond, se contentant de dire que le
10 Parti radical s'attaque au problème à la racine. Celui qui interviewe se
11 rend compte qu'il n'arrive pas aux réponses, et il lui demande alors :
12 "Comptez-vous retirer vos propos sur les Croates" ? Il répond alors :
13 "Jamais."
14 Est-ce que cette réponse est directement liée aux expulsions ou aux
15 arguments des Croates qui ont expulsé les Serbes ? Sur ce plan-là, de mon
16 point de vue, je n'ai pas de certitude absolue, mais un doute.
17 Lors du témoignage de Mme Tabeau, il y a eu à l'appui de son rapport sur
18 l'immigration des Croates et autres populations non-serbes du village de
19 Hrtkovci en 1992, une liste de Croates ayant quitté la localité de
20 Hrtkovci. P565. Ce document mentionne comme destination d'arrivée Croatie
21 ou un inconnu -- ou inconnue, j'en ai parlé la dernière fois. La migration
22 de la population de Hrtkovci a, selon elle, été confirmée par les
23 informations recueillies auprès du Bureau d'enregistrement des personnes
24 déplacées et des réfugiés mis en place par les autorités croates. Ces
25 derniers avaient pour but de recenser les arrivants et d'évaluer leur
26 situation pour savoir s'ils avaient aux droits -- s'ils avaient droit au
27 statut des personnes déplacées et réfugiées, et, le cas échéant, leur
28 attribuer un numéro d'enregistrement. Transcript 10 839, 10 842.
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1 Je rappelle pour mémoire que le Témoin VS-061 a indiqué que des certificats
2 de baptême étaient remis aux Croates qui quittaient Hrtkovci pour qu'ils
3 passent la frontière croate. Pages 9 930, 31, 37 et 54.
4 Un Juge raisonnable, donc, peut tirer la conclusion que parmi les 722 noms
5 répertoriés, il y a en réalité 233 dont la destination est inconnue, et
6 qu'il convient donc de les retirer de la liste. C'est ce que j'ai dit hier.
7 En définitive, un Juge raisonnable qui déciderait de déclarer l'accusé
8 coupable du crime d'expulsion et de transfert forcé commis à Hrtkovci entre
9 92 et 93 ne pourrait retenir à son encontre que l'expulsion ou le transfert
10 de 489 des individus figurant à l'annexe 11 de l'acte d'accusation, et dont
11 la destination est connue. Je renvoie au tableau que nous avons vu hier, à
12 l'annexe 11.
13 Au vu des éléments de preuve, un Juge raisonnable pourrait conclure que
14 l'accusé a commis des crimes d'expulsion et de transfert forcé, définis aux
15 chefs d'accusation 10 et 11 de l'acte d'accusation.
16 Alors j'ai quasiment terminé, par le chapitre E, aider et encourager.
17 Concernant la forme de responsabilité liée à l'aide et à l'encouragement,
18 l'Accusation, aux paragraphes 149, 150, 151 et 152, 153 du mémoire
19 préalable, s'appuie sur une jurisprudence abondante, notes de bas de page
20 507 à 513, Aleksovski, Krnojelac, Kunarac, Blaskic, Furundzija, Tadic,
21 Celebici et Vasiljevic, pour affirmer que le fait d'aider et d'encourager
22 consistait à apporter une aide, un encouragement ou un soutien moral à la
23 personne qui commet un crime. La jurisprudence stipule que les agissements
24 d'un accusé doivent avoir un effet important sur la perpétration. L'aide et
25 l'encouragement peuvent être antérieurs, concomitants ou postérieurs au
26 crime. La présence de l'accusé peut constituer une forme d'aide et
27 d'encouragement si elle a eu un effet sur l'auteur du crime. L'élément
28 moral doit avoir deux aspects : l'accusé doit avoir conscience que le crime
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1 sera probablement commis; l'accusé doit savoir que ses actes contribueront
2 à la perpétration du crime par l'auteur principal. Et pour l'Accusation,
3 paragraphe 153, l'élément moral est attesté par ses propres déclarations,
4 P644, le caractère incendiaire de ses discours, ses visites répétées sur
5 les champs de bataille, l'envoi ininterrompu de volontaires sur le front.
6 Témoin VS-017, ses ordres adressés aux volontaires et aux autres forces
7 serbes, Témoins 007, 026, 027, et l'omission de prendre des sanctions
8 contre les volontaires pour la commission des crimes. Témoins 007, 026,
9 034.
10 Il apparaît ainsi que l'aide et l'encouragement résulte des propos de
11 l'accusé, de sa présence préalable sur les lieux des combats et l'envoi des
12 volontaires. L'acte d'accusation vise trois régions : Bosnie-Herzégovine,
13 Croatie, Serbie. Il convient de restituer les crimes dans ces régions, en
14 perspective avec, me semble-t-il, deux dates fort : la déclaration
15 d'indépendance de la Croatie et celle de la Bosnie. Ces deux dates sont
16 particulièrement importantes, car elles ont eu pour effet le retrait de la
17 JNA et son remplacement par les forces locales ou des groupes armés issus
18 d'entités régionales. La question s'est alors posée du contrôle de la
19 Serbie sur les troupes présentes sur le terrain. Le contrôle de la Serbie
20 sur les forces serbes, au sens de la jurisprudence du Tribunal, doit être
21 un contrôle global, de nature -- de contrôle des opérations militaires et
22 pas uniquement de nature financier.
23 Au paragraphe 137 de l'arrêt Tadic, voilà ce qu'a dit la Chambre
24 d'appel :
25 "Le degré de contrôle requis en droit international peut être
26 considéré comme avéré lorsqu'un Etat joue un rôle dans l'organisation, la
27 coordination ou la planification des actions militaires du groupe
28 militaire. En plus, de le financer, l'entraîner et l'équiper ou lui
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1 apporter son soutien opérationnel."
2 Il reste dix minutes avant la pause.
3 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Serait-il possible de ralentir
4 un petit peu, Monsieur le Président. Merci.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : -- 4 heures et 25.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez arrêtez quand ?
8 Mme LE JUGE LATTANZI : On a encore 20 minutes, non ?
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Mme Lattanzi dit qu'on a encore 20 minutes. Je la
10 remercie.
11 Sur la notion de contrôle, la Cour internationale de justice, dans l'arrêt,
12 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
13 de génocide Bosnie-Herzégovine contre Serbie-et-Monténégro, arrêt de
14 notoriété mondiale, en date du 26 février 2007, a conclu que la Serbie
15 n'exerçait pas de contrôle sur les soldats de la VRS du fait que la VRS ne
16 constituait pas un organe de jure de la République fédérale de Yougoslavie
17 au sens où il ne possédait pas, en vertu du droit interne de cet Etat, le
18 statut d'organe de celui-ci. En effet, aux paragraphes 392 et suivants, la
19 Cour dit ceci. Alors, je vais le dire lentement parce que c'est important :
20 "Selon la jurisprudence de la Cour, une personne, un groupe de
21 personnes, ou une entité quelconque peut être assimilé aux fins de la mise
22 en œuvre de la responsabilité internationale à un organe de l'Etat même si
23 une telle qualification ne résulte pas du droit interne lorsque cette
24 personne, ce groupe, ou cette entité agit en fait sous," je cite, "la
25 totale dépendance de l'Etat dont il n'est en somme qu'un simple
26 instrument."
27 Alors, le paragraphe suivant est fondamental :
28 "A la date pertinente, c'est-à-dire en juillet 95, ni la Republika Srpska
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1 ni la VRS ne pouvaient être gardées comme de simples instruments d'action
2 de la République fédérale yougoslave dépourvue de réelle autonomie. Certes,
3 au cours des années précédentes, les liens politiques, militaires et
4 logistiques entre les autorités fédérales de Belgrade et celles de Pale
5 entre l'armée yougoslave et la VRS avaient été puissants et étroits, et ces
6 liens étaient sans nul doute demeurés forts. Mais ils n'étaient pas tels,
7 en tout cas à la période considérée, que les structures politiques et
8 militaires des Serbes de Bosnie dussent être -- dussent-elles être
9 assimilées à des organes de la République fédérale."
10 Les Juges de la Cour internationale de Justice pour aboutir à cette
11 conclusion, ô combien importante, ont eu accès aux jugements et aux
12 documents du Tribunal. Dès lors, je pose la question. Si la Serbie n'exerce
13 pas un contrôle sur les soldats de la VRS, en quoi un opposant politique
14 comme Vojislav Seselj peut-il exercer un contrôle ? L'accusé se voit donc
15 reprocher d'avoir aidé et encouragé à la commission de tous les crimes,
16 chefs 11 à 14, en y contribuant de manière individuelle et en connaissance
17 de cause. Cette forme de responsabilité très large doit être examinée au
18 niveau des chefs d'accusation eux-mêmes. Il convient d'établir, pour le
19 moins, entre les crimes commis et l'accusé, une forme de lien à partir de
20 son comportement et de ses discours. En premier lieu, il n'y a aucun
21 élément de preuve concernant le chef 4, meurtre; les chefs 8 et 9, torture
22 et traitement cruel; chefs 12 à 14, destruction sans motif et pillage. Dans
23 son comportement et ses discours, l'Accusation n'établit pas au-delà de
24 tout doute raisonnable qu'il a aidé et encouragé ceux qui ont commis des
25 meurtres, tortures, destructions ou pillages. Au contraire, la pièce P644 -
26 et j'invite M. Marcussen à la lire à tête reposée - qui est une pièce
27 essentielle des éléments de preuve de l'Accusation, révèle une condamnation
28 de ces chefs par l'accusé lui-même en mars 1995. Voilà ce qu'il a dit :
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1 "Il y a eu des incidents. Nous étions très sévères sur le front. Nous
2 avons immédiatement renvoyé ces gens.
3 "Ces policiers et les hommes d'Arkan ont commencé à mettre la ville à
4 sac. Un pillage de grande envergure.
5 "A la moitié de l'opération, s'est terminée Zvornik, ils ont commencé
6 à se livrer à des pillages. Ils ont même pillé les Serbes.
7 "C'est le commandant Arkan qui a organisé ce nettoyage de Musulmans."
8 Il emploie le mot "nettoyage".
9 "Ces Musulmans ont été tués et le régime ne veut rien divulguer à ce
10 sujet. Ceux qui les ont battus venaient de Belgrade." Pour Bijeljina, il
11 dit :
12 "Arkan était sous le contrôle de Karadzic ou celui de l'armée serbe, et
13 ensuite sous les ordres de Blagovic. On l'a empêché d'avoir un quelconque
14 rôle parce que c'est lui qui avait commis les pillages à Bijeljina. Il
15 avait 15 hommes là-bas.
16 "La situation sur place était difficile car il y avait beaucoup de
17 crimes."
18 Et je cite une dernière phrase qui -- qui est capitale. Voilà ce qu'il dit
19 :
20 "Le nettoyage ethnique --"
21 Oui ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je suis de nouveau
23 contraint d'intervenir, je ne le fais pas volontiers. Je souhaiterais que
24 vous apportiez ici une précision, parce que je crois qu'entre la traduction
25 entre les versions en serbe et en anglais, il y a une différence, et qu'on
26 a traduit en disant contre. En fait, ma déclaration consistait à dire
27 qu'Arkan n'était ni sous le contrôle de la VRS, ni plus tard sous le
28 contrôle de la JNA, ni sous le contrôle de Karadzic. Or, ce qui a été
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1 traduit a consisté à dire qu'il a été sous leur contrôle. Alors, je n'ai
2 pas entendu ce que vous avez dit en français, mais je souhaiterais que vous
3 puissiez peut-être répéter cette phrase. Le sens de mes paroles, c'est
4 qu'Arkan était hors du contrôle de ces personnes, pour autant que je m'en
5 souvienne.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il conviendra de regarder de manière
7 approfondie le document P644. Mais voilà ce que je relève, sous réserve
8 d'une erreur de traduction éventuelle, mais je relève en français, vous
9 auriez dit ceci : "Arkan était sous le contrôle de Karadzic ou celui de
10 l'armée serbe, et ensuite sous les ordres de Blagovic." Alors, il y a peut-
11 être une erreur, mais voilà ce que je lis. Alors, la dernière phrase, qui
12 est la plus importante, voilà ce que vous auriez dit, là aussi sous réserve
13 d'erreurs, et cetera. Mais voilà ce qu'il y a -- je cite également la
14 référence du document, c'est une vidéo, 02.45.59. Voilà ce que vous avez
15 dit :
16 "Le nettoyage ethnique n'était pas organisé, mais il y a eu, bien
17 évidemment, ici et là, certains événements où une forme de nettoyage
18 ethnique a eu lieu." Voilà donc les propos.
19 En revanche, les chefs 1, 10 et 11 peuvent entrer dans le champ de la
20 responsabilité de l'accusé en ce qui concerne l'aide et l'encouragement par
21 le caractère incendiaire de ses discours. En conséquence, l'accusé devrait
22 être acquitté de l'aide et de l'encouragement pour les chefs 4, 8, 9, 12 à
23 14 et pourrait être -- pourrait être - toujours le conditionnel - déclaré
24 coupable en l'état des éléments de preuve produits par l'Accusation pour
25 les chefs 1, 10 et 11, sous bénéfice, le cas échéant, d'éléments de preuve
26 contraires apportés par l'accusé lors de la présentation des éléments à
27 décharge.
28 Alors, j'avais un chapitre qui est les chefs d'accusation, concernant
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1 les chefs 1, 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, et j'avais l'intention - mais
2 compte tenu du temps, je vais abréger - je rappelais tous les chefs en les
3 détaillant. Par exemple chef 1, persécution, je disais, population civile
4 non-serbe du territoire de la SAO SBSO, et cetera. Je me suis fondé sur le
5 mémoire préalable pour lister tout ceci. Alors, je vais passer, parce que
6 ce n'est pas fondamental. Et ce qui est maintenant fondamental, je vais
7 demander à M. l'Huissier, et j'aurai terminé, de mettre sur l'écran ma
8 conclusion pour savoir en quoi je vous acquitte et en quoi je pourrais, le
9 cas échéant, au vu des éléments de preuve, en tant que Juge raisonnable,
10 au-delà de tout doute raisonnable vous déclarer coupable en application de
11 l'article 98 bis. Alors, voilà l'annexe 13. Compte tenu de l'ensemble des
12 éléments, vous seriez acquitté au titre de la planification, des chefs 1,
13 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14. Au titre de l'incitation, des chefs 4, 8, 9,
14 12, 13 et 14. Au titre des ordres que vous auriez donnés, des chefs 1, 4,
15 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14.
16 Au titre de la commission, je vous acquitterais. Puisque je n'ai pas
17 retenu l'entreprise criminelle des formes 1, 2 et 3. Au titre de l'aide et
18 l'encouragement, vous seriez acquitté des chefs 4, 8, 9, 12, 13 et 14, donc
19 je pourrais conclure à l'acquittement.
20 Je vais maintenant montrer l'annexe 14, qui est le tableau synthétique de
21 ce que je retiens à partir des éléments de preuve du Procureur. Or, bien
22 entendu, de tout ce que vous pourriez dire dans le cas de la présentation
23 de vos éléments à décharge, voire dans le cas d'une plaidoirie, mais à
24 partir de tous les éléments, j'indique concernant l'incitation, je pourrais
25 vous déclarer coupable du chef 1, persécution; des chefs 10 et 11,
26 expulsion et transfert forcé. Au titre de la commission matérielle, je
27 pourrais vous déclarer coupable des chefs 1, 10 et 11, au titre de
28 l'expulsion et transfert forcé. Et au titre de l'aide et l'encouragement,
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1 je pourrais également retenir les chefs 1, persécution; 10 et 11, expulsion
2 et transfert forcé.
3 Je me dois de dire au final, comme vous le voyez sur l'écran, pour le
4 moment, j'ai retenu les formes incitation à commettre - c'est des formes de
5 responsabilité - commettre, aider et encourager à partir des éléments de
6 preuve, mais qu'au moment du jugement, il ne conviendra de ne retenir
7 qu'une forme de responsabilité car, soit l'accusé a commis, soit il a
8 incité à commettre, soit il a aidé et encouragé. Ça ne peut, de mon point
9 de vue, être que l'un et l'autre. On ne peut pas être en même temps auteur,
10 complice, incitateur.
11 Voilà donc la conclusion de mon opinion. Et pour être très clair, parce que
12 tout ceci est fort compliqué sur le plan technique, je suis en parfait
13 accord avec la Chambre concernant les persécutions par incitation,
14 commission ou aide et encouragement. En revanche, je suis en total
15 désaccord avec le fait que la Chambre -- et je suis également en accord
16 avec les transferts et expulsions. Donc je suis en total accord avec elle,
17 avec la majorité, pour les 1, 10 et 11, et la majorité a estimé qu'elle
18 devait prendre également tous les autres chefs d'accusation. Et voilà. Et
19 donc, là-dessus il y a un léger désaccord. Ce qui fait que, comme mes
20 collègues, je suis donc en faveur de la poursuite du procès, et par mon
21 opinion partiellement dissidente, je suis donc au rejet de votre requête,
22 mais pour d'autres motifs et d'autres raisons que celles de mes collègues.
23 Alors, nous allons faire une pause. On est obligés de faire une pause de 60
24 minutes; ce sont des impératifs techniques --
25 Mme LE JUGE LATTANZI : Comment ça 60 minutes ?
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est ce que M. le Greffier m'a dit. Trente
27 minutes. Trente minutes, excusez-moi. Donc on reprend dans 30 minutes,
28 voilà, et dans 30 minutes, j'indiquerai à M. Seselj quelle va être la
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1 suite.
2 --- L'audience est suspendue à 17 heures 52.
3 --- L'audience est reprise à 18 heures 25.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
5 Alors, j'ai trois petites corrections de nature technique à faire, parce
6 qu'en lisant très vite, et cetera, il y a eu quelques erreurs. Alors, je
7 voudrais que soit modifié au transcript page 43, ligne 23, au lieu de 1033,
8 c'est Témoin VS-1133.
9 Deuxième correction de nature technique : à la page 44, ligne 16, au lieu
10 de VS-1136, c'est VS-1036.
11 Troisième correction : le Juge Harhoff a appelé mon attention sur une
12 citation que j'avais faite d'une note de bas de page, 429. J'avais indiqué
13 que durant cette période une unité de la police spéciale de Sremska
14 Mitrovica était détachée à Hrtkovci pour empêcher que les non-Serbes soient
15 expulsés, attaqués ou harcelés, et j'en avais conclu que ça établissait le
16 fait qu'il ne pouvait pas y avoir collusion, parce que le pouvoir avait
17 envoyé des forces de police. Le Juge Harhoff m'a fait remarquer qu'il était
18 indiqué également dans ce paragraphe, et je le cite pour que ça soit
19 complet : "Or cette unité n'a pas protégé le village et a même parfois aidé
20 les meneurs du SCP à expulser des Croates." Je n'ai pas volontairement
21 retenu cette deuxième partie, car ce qui m'intéressait c'était d'établir
22 que le pouvoir avait envoyé une unité et que si cette unité avait pactisé
23 avec ceux qui étaient dans cette localité, moi ce qui m'importait, c'était
24 que le pouvoir avait envoyé quelqu'un. Et j'avais à l'idée ce que l'on voit
25 aujourd'hui en Libye, par exemple, ou en Syrie. Il y a des unités qui sont
26 envoyées par le pouvoir et, sur place, elles pactisent avec les insurgés.
27 Mais ce qui compte, c'est de savoir que le pouvoir a envoyé une
28 unité. Et donc, c'est ça que je voulais mettre en évidence. Maintenant,
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1 qu'ils aient pactisé ou qu'ils aient mené -- qu'ils ont fait le contraire
2 de la mission, ça, c'est un autre problème. Voilà.
3 Ceci étant dit, Monsieur Seselj, la Chambre a donc décidé de
4 poursuivre le procès, et, en application de l'article 65 ter (G), je vais
5 vous lire ce que vous devez faire maintenant, car la balle est dans votre
6 camp.
7 A l'issue de la présentation des moyens à charge et avant la
8 présentation des moyens à décharge, le Juge de la mise en état ordonne à la
9 Défense de déposer. Alors, vous devez nous donner une liste des témoins que
10 vous entendez citer, en précisant le nom ou le pseudonyme de chacun; un
11 résumé des faits sur lequel chaque témoin déposera; les points de l'acte
12 d'accusation sur lesquels chaque témoin sera entendu; le nombre total de
13 témoins et le nombre de témoins qui déposeront sur chaque chef
14 d'accusation; si le témoin déposera en personne, ou en application de
15 l'article 92 bis, ou de l'article 92 quater, voire même dans la procédure
16 92 ter; la durée prévisible de chaque déposition, et ça c'est très
17 important pour fixer le temps; et la liste des pièces à conviction que vous
18 entendez présenter.
19 Et pour cela, la Chambre, qui s'est réunie à de nombreuses reprises,
20 a décidé de vous accorder, à compter d'aujourd'hui, six semaines, ce qui
21 fait que nous devrions avoir cette liste pour le 17 juin.
22 Comme vous le savez, le Procureur fera certainement des observations
23 suite à cela pour le cas où il y aura une liste, et la Chambre rendra une
24 décision compte tenu de tous les délais, et cetera, pour le cas où - c'est
25 toujours une hypothèse - à ce moment-là, il est fort possible que nous
26 puissions commencer l'audition de vos témoins qu'après les vacances.
27 Puisque 17 juin, les 15 jours, la décision de la Chambre, on est déjà en
28 juillet, donc ça sera qu'à la reprise après les vacations judiciaires, et
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1 je dis ça au minimum. Donc voilà.
2 Monsieur Seselj, qu'avez-vous à dire ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux pas soumettre
4 tous ces éléments écrits, toutes ces listes, tous les éléments qui me sont
5 demandés si certaines conditions ne sont pas remplies au préalable,
6 conditions qui relèvent de mes droits fondamentaux. Premièrement, il faudra
7 régulariser le statut de Zoran Krasic, mon conseiller juridique, depuis le
8 premier jour de mon séjour ici, à qui la Chambre de première instance a
9 réduit un certain nombre de droits statutaires dans la décision que vous
10 avez rendue au sujet de l'audition de témoins protégés ou d'audition
11 d'éléments confidentiels impliquant que dans ces cas-là il ne pouvait pas
12 être présent dans le prétoire. Si Zoran Krasic ne devient pas sur décision
13 de la Chambre égal à tous les autres participants présents ici, je ne
14 présenterai pas de défense.
15 Deuxième point, le Greffe a entamé une procédure disciplinaire contre mon
16 conseiller juridique, Boris Aleksic. Il a présenté une requête à la Chambre
17 des avocats qui a été créée ici à La Haye, bien qu'il ne soit pas conseil
18 de la Défense, et cet avocat n'est pas membre de cette Chambre d'avocats,
19 mais une commission a été créée là-bas qui est dirigée par Edina Residovic,
20 un avocat bien connu ici depuis l'affaire engagée contre Izetbegovic. Et en
21 1984, elle a représenté l'Accusation dans un procès qui était engagé à mon
22 encontre. Elle a décidé d'être présidente de cette commission
23 disciplinaire.
24 Et si ces chicaneries qui concernent Boris Aleksic, mon conseiller
25 juridique -- je ne présenterai pas de défense.
26 Par ailleurs, la question du financement de ma défense n'est pas réglée.
27 Vous avez rendu une décision, que la Chambre d'appel a confirmée, car le
28 Greffe avait porté plainte. Moi je n'ai pas porté plainte, mais en tout cas
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1 il a été décidé par vous de ne payer que 50 % des frais engagés par mes
2 conseillers juridiques au maximum, dès lors que l'accusé est indigent. Mais
3 vous n'avez rien décidé quant au remboursement rétroactif pour les huit
4 années qui se sont écoulées. Ils ont beaucoup travaillé à mes côtés. Ils
5 ont rédigé un nombre énorme de documents, plusieurs milliers, il existe
6 donc des preuves du travail accompli par eux et de l'engagement préalable
7 de toutes ces personnes. Si ces frais ne sont pas remboursés à ces
8 personnes, je ne présenterai pas de défense.
9 Comment est-ce que ces frais peuvent être acquittés ? Depuis le premier
10 jour, le jour où j'ai présenté une requête en vue de financement de ma
11 défense, j'ai demandé à savoir quel était le coût de l'Accusation dans le
12 cadre de mon procès. Je n'ai jamais reçu de réponse à mes questions. J'ai
13 demandé quelle était la somme accordée par les Nations Unies pour le
14 financement de la défense de tous les autres accusés qui sont jugés ici. Je
15 n'ai jamais reçu réponse à ces questions. On m'a dit que les réponses
16 pouvaient être trouvées sur internet, mais pour le moment, je n'ai pas
17 encore accès à internet, pas plus d'ailleurs qu'aucun autre prisonnier du
18 centre pénitentiaire des Nations Unies. Nous n'avons pas le droit de nous
19 connecter à internet.
20 Par ailleurs, il y a une dizaine d'années, le Greffe a établi trois
21 catégories d'accusés, catégories 1, 2, et 3. On m'a toujours placé dans la
22 catégorie 3, et lorsque, sur la base de votre décision, le moment est venu
23 de payer ce qu'il fallait payer, on a commencé à m'interroger, on m'a
24 adressé une lettre pour me demander dans quelle catégorie je souhaiterais
25 être placé, pensant sans doute que je demanderais à être placé dans la
26 catégorie 2 afin d'échapper à votre sentence. Or, je suis acquitté depuis
27 le premier jour ici puisque votre sentence ne m'intéresse en aucun cas. Je
28 participe physiquement simplement à ce procès. Je souhaite défendre mon
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1 honneur personnel, mais également l'honneur de plusieurs milliers de
2 membres des volontaires du Parti radical serbe et démontrer que tout ce qui
3 est engagé contre moi n'est que mensonge. Et jusqu'à présent, j'y suis
4 parvenu.
5 Même si tous les membres de la Chambre de première instance pensent
6 le contraire, avec, bien sûr, quelques différences individuelles entre les
7 uns et les autres, mais globalement vous avez une opinion identique sur un
8 certain nombre de points, et je ne perds pas cela de vue. D'après cette
9 décision rendue il y a une dizaine d'années eu égard au placement de ma
10 personne dans la troisième catégorie, 380 000 euros sont payés pour la
11 défense à l'accusé qui ne dispose pas de moyens financiers lui permettant
12 de payer lui-même sa défense, et ce, pendant 18 mois. Et cette période de
13 18 mois peut être étendue pour atteindre 24 mois au maximum. Or, la phase
14 préalable à mon procès a duré quatre ans et huit mois. Donc cette somme
15 doit être doublée, ce qui fait 660 000 euros. Dans la troisième catégorie,
16 la défense de tout accusé depuis le début du procès coûte 40 000 euros par
17 mois. Sur ces 40 000 euros, 20 000 correspondent au paiement du défenseur
18 principal, et le reste est réparti entre les différents membres de l'équipe
19 de Défense. Vous pouvez calculer le nombre de mois qui est en cause ici.
20 Dans la phase préalable au procès, la somme est de 760 000 euros au
21 total. Si on enlève la moitié, c'est parce que je me défends moi-même, et
22 le reste, la deuxième moitié, correspond au paiement dû aux membres de ma
23 Défense, ce qui fait 80 000 euros pour chacun. Or, le procès a commencé
24 depuis quatre ans, et si on compte 20 000 euros par année, cela fait - est-
25 ce que j'ai raison dans mes calculs ? Oui, j'ai toujours raison - cela fait
26 960 000 euros au total.
27 Alors, si on consacre la moitié de cette somme au fait que je me
28 défends moi-même et qu'on répartit entre la période préalable au procès et
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1 la période du procès déjà engagé, en tout cas, les membres de mon équipe de
2 Défense devraient toucher environ 1 300 000 euros. Si je ne touche pas
3 cette somme, je ne présenterai pas de défense. Je ne veux pas que les
4 membres de mon équipe de Défense soient humiliés d'une façon ou d'une autre
5 ou qu'ils soient discriminés, selon le terme en vogue ici. Puisque j'aime
6 tellement discriminer toutes sortes de personnes, eh bien, j'affirme ici
7 que je n'aime pas discriminer les membres de ma défense et mes conseillers
8 juridiques. Chaque discriminateur a le droit de choisir les personnes qu'il
9 veut discriminer.
10 Et tout cela, je l'indique, ce sont des conditions sine qua non. On
11 m'a informé qu'en 2005 l'Accusation a soumis une requête en vue d'engager
12 des poursuites pour outrage au Tribunal à mon encontre. Monsieur Antonetti,
13 vous faisiez partie de cette Chambre de première instance, qui a rejeté
14 cette requête. Mais dans une phrase, quelqu'un qui sert la Chambre de
15 première instance, ou même le Juge Agius en personne, voire un de ses
16 conseillers juridiques, m'a informé que cette requête avait été déposée et
17 serait rejetée. J'ai insisté pour que cette requête me soit fournie et que
18 je reçoive également la décision rendue suite à cette requête. Cela
19 m'importe beaucoup, et à moins que vous ne me remettiez ce texte, je ne
20 présenterai pas de défense.
21 Récemment, le bureau du Procureur a ajouté un certain nombre de
22 classeurs contenant des documents, et quelques jours plus tard le bureau du
23 Procureur a envoyé sa cavalerie pour me reprendre les documents qui
24 m'avaient été adressés. J'ai été emmené dans le bureau du gardien puis
25 escorté par les gardes jusqu'à ma cellule pour assister à la réquisition de
26 ces documents. Il y avait un représentant officiel du bureau du Procureur
27 qui a identifié les documents, et ces documents m'ont été saisis dans les
28 classeurs qui se trouvaient dans ma cellule, après quoi le Greffe les a
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2 Je dois recevoir ces documents. A moins que je ne les reçoive, je ne
3 présenterai pas de défense.
4 Vous savez, Monsieur le Président, qu'il y a eu beaucoup de problèmes
5 autour de la traduction des documents. J'ai exigé que deux ouvrages dont je
6 suis l'auteur, qui concernent l'idéologie du nationalisme serbe et
7 l'entreprise criminelle du catholicisme romain pour créer une nation
8 artificielle croate, j'exige que ces deux livres soient traduits. Vous avez
9 d'abord donné un délai pour la traduction de ces livres. Vous avez demandé
10 qu'ils soient traduits en français, puis vous m'avez demandé de trouver des
11 traducteurs. J'ai trouvé une agence de traduction, et le Greffe a ensuite
12 refusé les services de cette agence de traduction. Le délai a ensuite été
13 repoussé et le dernier délai établi par la Chambre de première instance
14 courait jusqu'à la fin de la présentation des moyens de l'Accusation.
15 Au jour d'aujourd'hui, je n'ai toujours pas reçu la traduction de ces
16 deux ouvrages en anglais. Je ne peux pas mettre en place mon système de
17 défense en l'absence de ces deux ouvrages, et la plupart des membres de la
18 Chambre de première instance insistent, à juste titre aujourd'hui, sur le
19 fait qu'il y a eu instigation en laissant de côté les autres modes de
20 commission de crimes, ce qui, à mon avis, représente une violation de
21 l'esprit de l'article 98 bis du Règlement, puisqu'ils étaient censés donner
22 leur opinion sur tous les modes de commission, et s'il y a consensus, il
23 faudrait au moins que certains modes de commission soient abandonnés de
24 façon à servir les nécessités de l'économie judiciaire. Puisque tout ceci
25 n'a pas été fait, je dois me défendre moi-même contre l'ensemble de l'acte
26 d'accusation, qui demeure intact, y compris en ce qui concerne la prise en
27 compte de l'entreprise criminelle commune, de la perpétration de crimes, du
28 fait d'avoir aidé et encouragé, et incité et tout le reste.
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1 Donc, en l'absence de ces deux ouvrages, je ne peux pas contester les
2 bases même des charges retenues contre moi, à savoir les discours de haine,
3 ce qu'il est convenu d'appeler le discours de haine que vous êtes tous
4 prêts à admettre en tant que crime même s'il y a eu des bases de la
5 jurisprudence internationale qui auraient permis de ne pas le faire. Vous
6 invoquez l'affaire Streicher, vous laissez tomber toutes les autres
7 affaires, mais il ne me sera pas difficile de traiter de toutes ces
8 questions, en particulier en raison du fait que vous avez tendance à
9 invoquer la jurisprudence du Tribunal du Rwanda tout en laissant de côté le
10 fait que les crimes dont s'occupe ce Tribunal ont été commis un an après la
11 période visée à l'acte d'accusation dressé à mon encontre. En effet, 1993,
12 c'est la fin de la période prise en compte dans l'acte d'accusation à mon
13 encontre, alors que le génocide et les persécutions du Rwanda ont été
14 commis en 1994. Par conséquent, il ne vous sert à rien d'invoquer la
15 jurisprudence de ce Tribunal.
16 Quelle que soit votre décision, pour ma part, je me suis contenté de
17 citer tous les obstacles qui s'opposent à la poursuite du procès à mon
18 encontre. Si vous n'êtes pas prêts à lever tous ces obstacles, eh bien, les
19 choses seront simples. Vous pourrez me donner rendez-vous et rendre la
20 sentence à mon encontre. J'ai encore le droit à quatre heures pour mon
21 propos liminaire, auquel je ne renoncerai pas, quelles que soient les
22 solutions ou non-solutions du point de vue du financement et autres, je
23 tiens aux quatre heures pour présenter mon propos liminaire. Et si vous
24 vous ne remplissez pas les conditions que je viens de citer, nous passerons
25 directement au réquisitoire. Et si les choses continuent comme elles ont
26 commencé, nous arriverons au début du mécanisme international pour régler
27 les questions résiduelles, ce qui, pour moi, est un concept qui est encore
28 plus comique que le concept de tribunal ad hoc.
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1 Si les conditions citées par moi, qui sont tout à fait fondées et
2 absolument basées sur le droit, si ces conditions ne sont pas remplies --
3 elles s'appuient sur le Statut. C'est le Statut qui me garantit le
4 financement de ma défense. Eh bien, dans ces conditions, il me faudra au
5 moins deux ans pour préparer ma défense. Pourquoi ? Le Procureur a eu
6 besoin de quatre ans et huit mois. Alors, allez. Je pense que nous pouvons
7 d'ores et déjà nous mettre tous d'accord sur le fait que je suis au moins
8 deux fois plus intelligent et compétent que l'ensemble du bureau du
9 Procureur. Donc, je n'ai pas besoin de quatre ans et huit mois, mais j'ai
10 besoin de deux ans.
11 Par ailleurs, j'ai besoin de 120 heures d'interrogatoire principal,
12 ce qui équivaut au temps consacré aux interrogatoires principaux par le
13 bureau du Procureur, sans parler du fait que des tonnes et des tonnes de
14 documents ont été versés au dossier en l'absence d'intervention de témoins
15 et en l'absence même de lecture de ces documents dans le prétoire, ce qui
16 est irrégulier. Et j'ai l'intention de citer à la barre 100 témoins.
17 Mme LE JUGE LATTANZI : Je n'ai pas compris bien. Est-ce que vous pourriez
18 me clarifier, s'il vous plaît. Donc, si par hasard, ces conditions que vous
19 avez évoquées ne sont pas satisfaites, vous voulez passer -- vous demandez
20 de passer directement au jugement final, donc à vos plaidoiries, aux
21 plaidoiries de l'Accusation et tout ça, ou vous demandez les deux ans pour
22 préparer votre défense ? C'est cela que je n'ai pas compris. Il me semble
23 un peu contradictoire les deux choses que vous dites, est-ce que vous
24 pourriez me clarifier cet aspect ? Qu'est-ce que vous demandez exactement
25 si ces conditions que vous posez ne sont pas satisfaites ? De passer à la
26 procédure pour le jugement final ou de vous accorder les deux ans ? Merci
27 de me clarifier.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi, probablement y a-t-il eu une
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1 traduction qui n'était pas tout à fait précise ou complète. J'ai dit que si
2 vous remplissez toutes ces conditions qui sont fondées en droit, eh bien,
3 dans ce cas-là, c'est ce dont j'ai besoin, c'est ce que je demande. Alors,
4 quant à savoir ce que vous allez approuver de ces deux ans, de ces 120
5 heures et des 100 témoins, nous le verrons. Dans ce cas-là, j'entre dans le
6 cadre du Règlement de procédure et de preuve. Je demande, et c'est vous qui
7 disposerez. Je pourrais me plaindre suite d'une décision dont je ne serais
8 éventuellement pas satisfait. Ceci dit, les cinq éléments que j'ai énumérés
9 représentent des obstacles qui compromettent directement mon statut ici et
10 ma possibilité de me défendre. Je dois savoir pourquoi l'Accusation a
11 demandé que l'on tienne ce procès pendant cinq ou six ans contre moi. Cela
12 me rend si curieux que j'en perds le sommeil. Je dois savoir quels sont ces
13 classeurs de documents que la cavalerie des Nations Unies m'a arrachés il y
14 a quelque temps.
15 Et le statut de tous mes conseillers juridiques doit être régularisé,
16 ainsi que celui de mon commis à l'affaire. J'ai reçu la visite de mes deux
17 conseillers juridiques et de mon commis à l'affaire, Nemanja Sarovic. Les
18 frais de voyage de mes conseillers juridiques ont été réglés, mais pas ceux
19 du commis à l'affaire. Mais alors n'est-il pas sur un pied d'égalité avec
20 les autres ? Que dois-je faire ? Je ne permettrai pas que l'on m'humilie.
21 Il est vrai que j'ai peut-être largement humilié le Greffe jusqu'à présent,
22 mais je ne permettrai pas que l'on m'humilie en retour.
23 Donc ce sont là les demandes qui sont les miennes, si elles ne sont
24 pas satisfaites alors qu'elles sont parfaitement justifiées, ce que je vous
25 demande, c'est de fixer la date des propos liminaires où j'exposerai les
26 moyens à décharge. Et c'est quelque chose que vous pouvez faire avant la
27 fin du mois de mai. Je ne renoncerai pas à ces quatre heures de temps dans
28 le prétoire. Ne le faites pas la semaine prochaine parce que là je me
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1 retrouverais pris entre deux feux. Je demande simplement qu'on fixe cette
2 date et qu'ensuite on passe aux plaidoiries et réquisitoires. Mais si je ne
3 présente pas de défense, je ne présenterai pas non plus de plaidoirie, et
4 je vous ferai économiser du temps. Si cela vous convient, tant mieux. Quant
5 à savoir si vous serez en mesure dans ce cas-là de vous faire une opinion,
6 c'est un problème qui se pose à vous, mais je sais que l'ensemble de
7 l'opinion juridique mondiale considérera mes exigences comme tout à fait
8 fondées. Aucun juriste ne peut remettre en question ce que je viens
9 d'énumérer. Mais c'est à vous de voir.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez exposé un ensemble de demandes. Bien
11 entendu, la Chambre va se réunir, et on va délibérer sur les questions.
12 Donc je ne peux pas, en l'état, vous répondre. Mais il y a des choses
13 ultrasimples sur lesquelles je peux vous donner quelques indications. Vous
14 avez semble-t-il contesté tout à l'heure la décision de la Chambre sur le
15 plan juridique. Vous avez le droit le plus absolu en la matière, et vous
16 avez la possibilité de faire appel de la décision de la Chambre. Ça, c'est
17 le droit qui vous est accordé, et peut-être que la Chambre d'appel
18 désavouera la Chambre. On ne sait pas. Deuxièmement, vous avez évoqué deux
19 --
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi de vous répondre tout de suite.
21 Je ne me pourvoirai en appel, parce que, comme vous le savez bien, les
22 Chambres d'appel ont toujours été bien pires que vous-mêmes. Donc ça n'a
23 aucun sens que je me pourvois en appel. Alors, bien entendu, je me
24 pourvoirai en appel contre le jugement en première instance, mais pas pour
25 ce qui concerne votre décision préliminaire.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous m'avez cité comme il y a plusieurs
27 années, j'étais dans la mise en état de votre affaire, c'est vrai, tout à
28 fait. Je me souviens qu'il y a eu une décision de la Chambre parce que
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1 l'Accusation avait par mégarde envoyé des documents que vous n'auriez pas
2 dû avoir. Alors, je ne sais pas comment travaille l'Accusation, mais
3 c'était étonnant, et elle a voulu récupérer les documents que vous ne
4 deviez pas avoir. Et dans ces conditions, il y a -- la Chambre avait décidé
5 de les récupérer en allant avec un représentant du bureau du Procureur et
6 du Greffe récupérer les documents. Il se trouve que maintenant vous nous
7 dites : Il y a des documents qui ont été pris et je veux qu'on ne les
8 retourne. Alors, moi je ne sais pas lesquels. Bon, on va voir cela.
9 Alors, en plus, vous m'avez dit qu'il y avait eu une procédure pour
10 outrage, je crois. Alors là, je n'ai aucun souvenir de cela. Et vous me
11 donnez l'impression qu'il n'y a pas eu de décision ou il y a eu une
12 décision que vous n'avez pas eue. Bon, je vais faire les recherches. Mais
13 je ne vois pas pourquoi on vous aurait caché quoi que ce soit.
14 Sur le financement --
15 Oui ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux vous proposer une
17 explication. La décision a été rendue, mais tant la requête que la décision
18 ont été rendues ex parte, et moi je n'ai reçu qu'une phrase à titre
19 d'information me disant qu'il y avait eu une requête et qu'une décision
20 avait été rendue rejetant la requête de l'Accusation. On ne m'a jamais
21 informé de quoi il s'agissait.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je comprends mieux. Il y aurait eu une
23 requête ex parte de l'Accusation et il y a eu un rejet. Et vous ne saviez
24 pas. Voilà. Donc, si je comprends bien, vous saisissez la Chambre de la
25 question. Alors, je vais voir ça avec mes collègues. Je ne vois pas
26 pourquoi on vous cacherait quoi que ce soit maintenant.
27 Très bien. Sur le financement. Vous savez que la Chambre a fait énormément,
28 énormément. Moi-même, je me suis engagé, je vous l'ai dit, contre la
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1 volonté de mes collègues. J'ai saisi l'administration de votre pays pour
2 connaître la situation fiscale de vous-même. L'administration a répondu
3 qu'ils avaient donné tous les renseignements au Greffe. Bon, à partir de
4 là, la Chambre a engagé la procédure. On a rendu une décision. Le Greffe
5 n'a pas été content, il a fait appel, et la Chambre d'appel, à la majorité,
6 car il y a eu deux Juges dissidents, nous a donné raison, ce qui fait qu'il
7 a été décidé que vous aviez un financement à 50 %. Maintenant, vous nous
8 dites : Moi je veux X centaines de milliers d'euros. Vous nous avez fait le
9 décompte. On va en délibérer entre nous. Monsieur Seselj, moi -- on va
10 délibérer, on va voir votre demande, et cetera. Mais moi, à titre
11 personnel, je n'ai jamais joué au chat et à la souris avec vous. J'ai
12 toujours été transparent le plus -- de la façon la plus totale. Ma
13 conviction profonde, Monsieur Seselj, cette histoire de financement est un
14 faux problème. C'est un faux problème, car pour moi, vous avez la capacité
15 intellectuelle de vous défendre tout seul. Qui mieux que vous connaît
16 l'affaire ? Vous avez une connaissance encyclopédique de tous les
17 événements. Vous savez tout. Vous êtes même capable sur un transcript --
18 une erreur de traduction, de dire il y a erreur. Alors, à partir de là --
19 bien sûr, vous pouvez être aidé, mais moi, je pense, croyez mon expérience,
20 vous avez la capacité. Donc, pour moi, c'est un véritable faux problème.
21 Mais juridiquement, vous avez le droit. C'est le Statut qui vous le donne.
22 Et pour tout vous dire, Monsieur Seselj, quand j'étais dans la Chambre
23 numéro II - et je regarde l'heure - vous aviez fait une requête. J'avais
24 commencé à préparer une opinion en disant que vous aviez droit au
25 financement et que vos collaborateurs pouvaient être remboursés avec des
26 états justificatifs de toutes les dépenses. Et aujourd'hui, je suis
27 toujours dans le même état de pensée. Et puis, au moment où la décision
28 allait être rendue, la Chambre a été changée et, du coup, j'ai pas pu faire
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1 valoir ce point de vue.
2 Voilà. Voilà la réalité. Donc j'ai toujours été particulièrement sensible à
3 ce financement, mais dans le fond de moi, je pense que c'est un faux
4 problème. Mais on va y répondre par une décision, puisque vous nous
5 saisissez, et on va voir. Parce que le procès dépend entièrement de vous
6 maintenant. Vous le savez mieux que quiconque. Comme l'a dit le Juge
7 Lattanzi, elle voulait savoir si vous avez l'intention de préparer une
8 défense ou pas, la question des deux ans, et autre. Si vous voulez aller
9 très vite, vous pouvez très bien dire : Je fais ma déclaration, les quatre
10 heures; le Procureur fait son réquisitoire; ma plaidoirie. Et c'est fini.
11 Et nous rendrons notre jugement. Voilà. Ça, vous avez cette possibilité,
12 comme vous avez la possibilité de demander du temps pour vous préparer,
13 comme le fait M. Karadzic, et puis ça peut durer des années encore. Et je
14 dois dire quand je vous entends dire qu'il vous faudra 100 témoins, vous
15 voulez 120 heures, et cetera, ça pose toute une série de problèmes.
16 Alors, si je comprends bien - il faut que vous me répondiez que j'ai
17 bien compris - tant que tous les problèmes que vous avez soulevés ne sont
18 pas résolus, vous ne donnerez pas la liste 65 ter (G); c'est bien cela ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet. Ce n'est pas du fait de mon
20 intelligence. J'en suis tout à fait conscient. Mais ce n'est pas là une
21 raison possible pour moi de renoncer à présenter des moyens à décharge. Le
22 fait de ne pas les présenter ne peut être justifié que par les cinq
23 obstacles que j'ai énumérés : la régularisation du statut de mes
24 conseillers juridiques, le paiement, les documents relatifs à l'outrage de
25 2005, le retrait des documents de 2005, et la traduction de mes deux
26 ouvrages, "L'idéologie du nationaliste serbe" et "L'entreprise criminelle
27 commune de l'Eglise catholique romaine visant à," et cetera, puisque --
28 alors, il s'agissait d'une traduction vers l'anglais, puisque c'était la
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1 position du Greffe. C'était là les cinq conditions que j'ai énumérées
2 auxquelles je ne renoncerai pas. Tout est fondé en droit.
3 Ceci est fondé dans les principes généraux du droit ainsi que dans le
4 Statut du Tribunal. Je dois connaître les documents qui m'ont été enlevés,
5 et je dois savoir pourquoi. Le fait que l'Accusation ait commis une erreur
6 ne m'intéresse pas. Je dois savoir de quoi il s'agit. Peut-être cela a-t-il
7 une valeur pour moi. Je dois également savoir pourquoi à l'époque
8 l'Accusation a soumis une requête en outrage au Tribunal et pourquoi elle a
9 été rejetée. Cela aussi, je dois le savoir.
10 Donc je ne présenterai pas de défense si tous ces droits statutaires qui
11 sont les miens ne sont réalisés, parce que cela ôte tout sens à l'exposé
12 d'une défense par moi.
13 Quelle que ce soit l'intelligence dont on dispose, par ailleurs, il
14 faut bénéficier de conseillers et d'aide à l'extérieur qui vont procéder à
15 des entretiens avec les témoins, procéder aux entretiens préliminaires,
16 recueillir les déclarations, fournir leur aide lors du récolement des
17 témoins. Savez-vous tous les préparatifs auxquels l'Accusation a procédé
18 pour ses propres témoins ? Ils les font venir plusieurs jours avant leur
19 déposition et leur font apprendre par cœur, comme à des perroquets, leur
20 déposition, et ensuite ils viennent nous la livrer dans le prétoire. Alors,
21 pourquoi moi renoncerais-je ici à cette façon de procéder et à ce droit.
22 Mes témoins vous chanteront comme une chanson bien apprise par cœur tout ce
23 qu'ils auront préparé. Mais le Procureur sera incapable de les prendre en
24 flagrant délit de mensonge comme moi j'ai été capable de le faire avec
25 chacun des témoins de l'Accusation.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : J'avais oublié une petite correction à faire au
27 transcript. Hier, vous avez dit qu'il y avait un témoin qui avait été
28 protégé, Milorad Vojnovic. J'ai le transcript sous les yeux, le jour où il
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1 a comparu, il a comparu n'étant absolument pas protégé. Il n'a jamais fait
2 l'objet de mesures de protection. Alors, il y a peut-être eu confusion,
3 mais il n'a jamais été protégé. J'ai la page du transcript.
4 Monsieur le Procureur, avez-vous quelque chose à dire ? Parce que, vous
5 avez vu, les interprètes ont travaillé merveilleusement. Ils arrivaient
6 même à traduire à la même vitesse que moi -- que je parlais. Donc je les
7 remercie du fond du cœur. C'est grâce à eux qu'on a pu terminer dans les
8 temps, grâce à leur vitesse d'interprétation.
9 Alors, Monsieur Marcussen, vous allez être aussi rapide qu'eux, qu'avez-
10 vous à me dire ?
11 M. MARCUSSEN : [interprétation] A 7 heures 01, je n'ai plus beaucoup de
12 temps de parler, Monsieur le Président, me semble-t-il.
13 Madame et Messieurs les Juges, il se peut que l'Accusation vous soumette
14 des éléments suite à ce qu'a soulevé l'accusé. Cependant, au fond, que
15 demande l'accusé ? Il vous demande de revenir sur plusieurs de vos
16 décisions. Pourtant, il n'a rien fait pour présenter des éléments vous
17 permettant ou exigeant de vous que vous réexaminiez. A mon avis, il doit
18 déposer par écrit le droit sur lequel il s'appuie pour faire ses
19 revendications, et nous pourrons y répondre.
20 Pour ce qui est de la décision en application de l'article 65 ter (G), il
21 peut demander la certification, déposer appel. Je pense qu'est-ce qu'il a
22 dit revient à une contestation de votre ordonnance. Il menace de ne pas
23 présenter d'éléments à décharge. C'est à lui de prendre cette décision.
24 Une dernière chose, d'après le paragraphe (G), la Défense a l'obligation de
25 communiquer les pièces qu'elle entend présenter à l'Accusation, et,
26 effectivement, nous devrions les recevoir.
27 Merci.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, vous avez tout à fait raison.
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1 Bien. Voilà. Monsieur Seselj, vous voulez reprendre la parole, et on
2 termine après ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet. Monsieur le Président, je ne formule
4 aucune menace. Je ne fais que lutter pour mes propres droits. Et les cinq
5 exigences que j'ai formulées représentent mes droits fondamentaux. Je ne
6 profère aucune menace. Cependant, si ces cinq demandes ou exigences ne sont
7 pas remplies, je les mentionnerai dans ma plaidoirie. Je ne me pencherai
8 pas sur le fond, mais j'évoquerai l'ensemble de mes droits qui ont été
9 bafoués depuis ma venue à La Haye. Quant à la déclaration préliminaire de
10 la Défense, je peux d'ores et déjà vous dire qu'elle portera avant tout sur
11 votre décision rendue hier et votre opinion partiellement dissidente. Ce
12 sera là le sujet principal auquel je consacrerai les quatre heures dont je
13 disposerai. Je vous admire de pouvoir parler aussi lentement que vous
14 l'avez fait, parce que je ne peux jamais me livrer à cet exercice.
15 Alors, une fois que j'en aurai fini avec ces quatre heures à titre
16 préliminaire, à moins que vous ne m'empêchiez de présenter mes moyens à
17 décharge, vous pouvez d'ores et déjà fixé au calendrier la date des
18 plaidoiries et réquisitoires, et je suppose que l'Accusation tient déjà
19 prêt son mémoire en clôture. Mais il y a dans l'opinion publique cette
20 hypothèse que l'on mentionne de plus en plus souvent, à savoir que le
21 Tribunal de La Haye aurait reçu pour mission de me retenir ici le plus
22 longtemps possible, jusqu'à la tenue d'encore une série d'élections en
23 Serbie, et peut-être que c'est cela qui va se réaliser.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je peux vous dire que personne ne
25 m'a dit de vous retenir. Personne. Et mes collègues, certainement, ils
26 peuvent intervenir. Mais moi -- d'ailleurs, personne n'oserait se frotter à
27 moi sur ce terrain. Vous avez dû vous rendre compte que je suis totalement
28 indépendant de quiconque. Et donc, je sais qu'il y a la période des
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1 élections chez vous, c'est un grand débat national que vous avez chez vous,
2 mais moi je ne peux pas prendre en compte cela. Et si vous êtes là, vous
3 l'avez vu, notre décision ne vous a pas acquitté, et voilà. Et personne
4 nous a dit : Gardez M. Seselj. Ça, de ma part, vous le savez très bien.
5 Monsieur Marcussen.
6 M. MARCUSSEN : [interprétation] En quelques mots à peine, Monsieur le
7 Président. Je pense que l'accusé devrait être prévenu. Il se trompe peut-
8 être. Il croit qu'il peut déjà faire un propos liminaire sans pour autant
9 présenter d'éléments de preuve. Manifestement, il faudra qu'il y ait une
10 déclaration liminaire s'il y a présentation de moyens à décharge qui va
11 présenter la cause de la Défense. Si l'accusé refuse de déposer des
12 éléments en application du 65 ter (G), il faudra passer directement aux
13 plaidoiries et réquisitoires.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est tout simplement faux. J'ai droit à la
15 déclaration préliminaire de la Défense. Rien ne m'oblige à présenter le
16 moindre moyen de preuve à décharge. Je ne suis pas soumis à cette
17 obligation. Alors, peut-être que je n'ai aucun élément de preuve, mais j'ai
18 droit à cette déclaration préliminaire. Mais si vous en avez la patience,
19 Madame et Messieurs les Juges, penchez-vous encore sur cette question. En
20 théorie, j'ai le droit de soumettre une déclaration préliminaire de la
21 Défense et de me citer moi-même à comparaître comme seul témoin de la
22 Défense et de me livrer à un contre-interrogatoire. Cela aussi est un de
23 mes droits.
24 Mais l'Accusation en ignore tout. Je ne suis pas en train d'éventer
25 quelque chose. Personne ne peut me dénier mon droit à ce propos
26 préliminaire de la Défense. Quant à cette déclaration préliminaire, eh
27 bien, je compte également y mentionner les moyens à décharge que j'avais
28 l'intention de présenter et les raisons pour lesquelles je renoncerai à les
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1 présenter, si cela peut convenir au Procureur.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous avez soulevé des problèmes juridiques et
3 la Chambre, évidemment, est là pour y répondre. Je remercie tout le monde,
4 et principalement les interprètes, Monsieur l'Officier de sécurité
5 également, Monsieur le Greffier, Mesdames et Messieurs les Huissiers, et
6 nous nous retrouverons dès que nous pourrons. A bientôt.
7 --- L'audience de la Règle 98 bis Jugement est levée à 19 heures 08, sine
8 die.
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