Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 7 février 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Audience administrative]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est ouverte.

  8   Monsieur le Greffier, appelez le numéro de l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour à vous, Madame, Messieurs

 10   les Juges.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mardi, 7 février 2012, je salue toutes les personnes présentes et, en

 14   particulier, tous les représentants de l'Accusation présents, dont il y a

 15   des nouvelles têtes, des personnes que je ne connais pas encore. Je salue

 16   également M. Seselj, qui est parmi nous. Et je salue également M. le

 17   Greffier, qui oeuvrait déjà ce matin et qui est encore avec nous cet après-

 18   midi. Et je salue également toutes les personnes qui nous assistent.

 19   Nous tenons aujourd'hui cette audience dite de questions administratives.

 20   Et je vais donner la parole dans quelque temps à M. Seselj pour aborder le

 21   premier sujet, qui est son état de santé.

 22   Lors de notre dernière audience, qui était à la fin du mois d'août, le 23

 23   août exactement, j'avais posé la question à M. Seselj en lui demandant s'il

 24   allait très -- bien. Et j'avais, à ce moment-là, synthétisé le rapport des

 25   experts que la Chambre avait commis. Et au terme du rapport des experts,

 26   j'avais indiqué que ceux-ci recommandaient à M. Seselj de suivre un régime

 27   diététique. Sur ce, nous avions terminé l'audience. M. Seselj nous avait

 28   dit qu'il allait bien, mais que la nourriture qui lui était donnée à la


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  1   prison n'était pas, selon ses dires, de bonne qualité.

  2   Par la suite, j'ai suivi les audiences de M. Seselj lorsqu'il a comparu

  3   devant les autres Juges saisis des affaires d'outrage à la Cour, et la

  4   question de sa santé avait été abordée par les Juges qui lui avaient

  5   demandé s'il n'y avait pas de problèmes au niveau de la santé, et M. Seselj

  6   avait dit que la nourriture n'était pas bonne, et il avait même voulu

  7   donner, lors de la dernière audience, au Juge Hall, le plateau-repas, pour

  8   témoigner de la mauvaise qualité de la nourriture. Le Juge Hall n'avait pas

  9   pris le -- le plateau-repas, on le comprend.

 10   Et puis, la Chambre n'avait plus eu aucune nouvelle de la santé de M.

 11   Seselj, lorsqu'à la mi-décembre, au Conseil de sécurité, le représentant de

 12   la Russie avait évoqué les problèmes de santé de M. Seselj. Suite à la

 13   réunion du Conseil de sécurité, il avait été demandé au Président du

 14   Tribunal de faire un rapport la prochaine fois sur l'état de santé de M.

 15   Seselj.

 16   Sur ce, la Chambre n'a eu plus aucune information. Et le vendredi, 6

 17   janvier, aux environs de 17 heures, j'ai été avisé, ainsi que mes

 18   collègues, de l'hospitalisation de M. Seselj.

 19   Mais nous n'avons eu aucun élément d'information médicale sur la santé de

 20   M. Seselj. Nous savions qu'il était hospitalisé et par les médias, nous

 21   avons appris qu'on lui avait posé un pacemaker et qu'il devait donc revenir

 22   à la prison, ce qui a été fait.

 23   Puis, nous avons appris, à deux reprises, qu'il avait été réhospitalisé

 24   pour une courte période, semble-t-il, à titre de précaution.

 25   Pendant ce temps-là, la Chambre a reçu de M. Boris Aleksic, collaborateur

 26   de M. Seselj, un courrier alarmiste. Et dans les minutes qui ont suivi,

 27   j'ai à titre personnel répondu à M. Boris Aleksic en lui disant que nous

 28   n'avons aucune information sur l'état de santé de M. Seselj, que nous avons


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  1   demandé au médecin de la prison de nous indiquer quelle est sa situation,

  2   et j'ai indiqué à M. Boris Aleksic que j'allais demander à mes collègues

  3   qu'on désigne de nouveaux experts afin d'examiner la situation de M.

  4   Seselj, et j'avais préconisé que nous désignions un expert russe pour

  5   éviter le problème que nous avons eu auparavant avec la désignation d'un

  6   cardiologue britannique qui avait été refusé par M. Seselj.

  7   Et nous avons appris récemment, et je crois que M. Seselj va nous donner

  8   des informations, qu'il avait refusé de communiquer à la Chambre tout

  9   renseignement sur son état de santé et refusant même que l'expert russe ait

 10   connaissance de son dossier.

 11   Ce qui fait, Monsieur Seselj, qu'à ce jour, à part le fait que vous allez

 12   bien puisque vous êtes présent, que vous avez eu la pose d'un pacemaker,

 13   nous n'avons aucune information sur votre état de santé d'aujourd'hui.

 14   Alors, si vous voulez, vous pouvez nous dire ce que vous voulez nous dire,

 15   mais ma collègue la Juge Lattanzi a quelque chose à rajouter.

 16   Mme LE JUGE LATTANZI : Bon, je dois simplement -- je dois simplement dire

 17   que je ne peux pas continuer à être dans la salle d'audience parce qu'il y

 18   a l'air froid qui m'arrive sur la tête, et je ne peux pas permettre de me -

 19   - de tomber malade. Et donc, je ne peux pas.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le --

 21   Mme LE JUGE LATTANZI : J'avais déjà demandé avant, mais l'agent m'a donné

 22   la -- a demandé mais -- ça continue. Je ne peux pas être assise là.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Juge va se mettre ailleurs. Effectivement,

 25   il y a le froid polaire qui nous tombe sur les oreilles.

 26   Bien. Alors, Monsieur Seselj, j'ai synthétisé la situation telle que la

 27   Chambre la connaît, et comme je vous l'ai dit, au jour d'aujourd'hui, nous

 28   ne savons strictement rien de ce que vous avez, sauf à lire, et c'est ce


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  1   que je fais tous les dimanches, à lire sur votre site Web les conférences

  2   de presse données par vos collaborateurs qui -- mais ils ne sont pas

  3   médecins, mais ils ont des renseignements, semble-t-il, de première main.

  4   D'autant plus que quatre -- que plusieurs médecins serbes sont venus vous

  5   rendre visite à la prison il y a quelque temps, et d'après ce que j'ai pu

  6   lire dans la conférence de presse, vos collaborateurs sont assez inquiets

  7   de votre état de santé. Et pas plus tard que dimanche, vos collaborateurs

  8   disaient que vous êtes victime d'une tentative d'assassinat orchestrée par

  9   des services secrets étrangers. Voilà, c'est ce qui est sur votre site Web.

 10   Alors, Monsieur Seselj, que voulez-vous nous dire ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, j'ai d'abord deux questions

 12   en matière de procédure. Moi aussi, je reçois de l'air froid directement

 13   sur ma tête, et peut-être vaudrait mieux que le Procureur et moi fassions

 14   échange de place parce que chez eux, c'est mieux que chez moi, à chaque

 15   fois.

 16   Ensuite, en application du 65 bis, vous êtes tenu de tenir des Conférences

 17   de mise en état dans un délai de 120 jours à compter de la Conférence de

 18   mise en état précédente. Vous avez plus d'un mois et demi de retard.

 19   La mission de ces Conférences de mise en état, c'est d'organiser des

 20   consultations entre parties afin d'assurer les préparatifs rapides du

 21   procès et de déterminer la situation où on est arrivé à l'affaire et voir

 22   ce que l'accusé ressent du point de vue psychologique et physique.

 23   Bien entendu, il y a aussi une règle, qui est l'article 127, en application

 24   de quoi la Chambre peut écourter ou prolonger les délais prévus par le

 25   présent Règlement ou fixés en vertu de celui-ci, mais dans le cas où il y

 26   aurait des requêtes et des justificatifs fondés de présentés aux Juges de

 27   la Chambre.

 28   Pour autant que je le sache, ni l'Accusation ni moi-même n'avons adressé de


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  1   requête quelle qu'elle soit aux Juges de la Chambre pour demander à

  2   proroger les délais de la tenue de toute Conférence de mise en état, ce qui

  3   fait qu'on peut voir qu'en votre qualité de Juges de la Chambre, vous avez

  4   de façon brutale ignoré l'existence d'une disposition réglementaire qui

  5   concerne vos propres obligations. Vous avez dépassé d'un mois et demi le

  6   délai imparti. Or, en un mois et demi, il a été planifié de faire bon

  7   nombre de choses.

  8   Je sais que vous, Monsieur Antonetti, et vos collègues, vous préféreriez

  9   vous moquer du régime ou du prétendu régime dont j'aurais besoin. Vous avez

 10   le droit de le faire. Je ne vous en veux pas. Vous pouvez faire cela autant

 11   que cela vous plaira. Mais il s'est avéré que je n'ai pas besoin d'un

 12   régime. Je suis arrivé tout à fait maigre dans ce prétoire, aucun excédent

 13   de kilos, étant donné qu'à l'hôpital de Leiden, on m'a sorti quelque dix

 14   litres de liquide excédentaire. En deux mois et demi, aucun médecin n'a

 15   remarqué que j'avais des excédents de liquide. Alors, on continue à se

 16   moquer de moi pour dire que j'étais obèse. Alors, on peut plaisanter, on

 17   peut blaguer sur mon compte, et je sais répliquer, je pense l'avoir fait de

 18   façon fréquente, et je ne voudrais pas qu'on me prenne pour un naïf.

 19   S'agissant de mon état de santé, depuis six ans déjà --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'article 65 bis, vous l'avez bien indiqué,

 21   Conférence de mise en état, cet article concerne la Comparution initiale.

 22   Nous n'en sommes plus à ce stade-là; donc, normalement il ne s'applique

 23   pas. Maintenant, bien entendu, la Chambre s'est posée la question, mais

 24   nous nous étions vus le 23 août. Quatre mois, c'était le 23 décembre; le 23

 25   décembre, le Tribunal était fermé. Donc, j'avais pensé à vous voir dès --

 26   tout de suite début janvier. Malheureusement, vous avez été hospitalisé, et

 27   donc, du coup, on se voit aujourd'hui, qui est la date la plus proche. Et

 28   d'ailleurs, avant de trouver cette date, on a demandé au médecin si vous


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  1   pouviez venir, et il nous a dit oui, vous pouviez venir à condition que ce

  2   ne soit pas trop long, et cetera. Donc, voilà.

  3   Donc, sur les 120 jours, voilà la réponse que je peux vous donner. Et vous

  4   le savez, c'est toujours avec plaisir qu'on vous voit, mais il n'y avait

  5   pas lieu pendant ces derniers temps à faire une mise en état car on a rendu

  6   toute une série de décisions, et puis fallait-il qu'il y ait une utilité

  7   quelconque. Donc, voilà ce que je peux vous dire sur les 120 jours.

  8   Bien, alors sur votre santé.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, la dernière des Conférences

 10   de mise en état s'est tenue le 23 août, et non pas le 24, comme vous l'avez

 11   dit.

 12   La suivante était censée se tenir au plus tard le 21 décembre, et non pas

 13   le 24. Quelques jours avant le 21 décembre, j'ai contacté par téléphone

 14   l'officier de liaison faisant partie du service qui aide les accusés qui se

 15   défendent eux-mêmes pour demander s'il y aurait une Conférence de mise en

 16   état et en disant que j'avais des raisons pour lesquelles je souhaitais que

 17   cette Conférence de mise en état se tienne. Votre Juriste de la Chambre m'a

 18   répondu que vous n'envisagiez pas de Conférence de mise en état en votre

 19   qualité de Chambre. Alors, c'est ainsi que les choses se présentent.

 20   Pour ce qui est des Conférences de mise en état, on les fixe rarement à la

 21   dernière minute. Vous savez qu'en votre qualité de Juge de la mise en état,

 22   vous aviez fixé des Conférences de mise en état plus fréquentes, et ça doit

 23   se tenir jusqu'au prononcé valide d'une peine, d'une sanction.

 24   Et il ne faut jamais qu'il se passe plus de 120 jours pour ce qui est de

 25   voir l'Accusation et la Défense se rencontrer dans le prétoire avec les

 26   Juges de la Chambre. Mais quand il y a des appels d'interjetés pour ce qui

 27   est d'un jugement en première instance, la Chambre a quand même la mission

 28   de tenir des Conférences de mise en état au plus tard dans un délai de 120


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  1   jours entre les Conférences de mise en état. Ça n'a rien à voir seulement

  2   avec -- enfin, ça n'a pas à voir seulement avec la phase préalable au

  3   procès.

  4   Alors, pour ce qui est de mon état de santé, ça fait au moins six ans que

  5   mon état de santé est piloté par les services américains, britanniques et

  6   français. Alors, j'ai eu, jusqu'en 2000, des problèmes de santé, y compris

  7   la grève de faim. Mais après cela, en 2007, les rapports ont dit que

  8   j'étais au final une personne en bonne santé. Si on exclut les allergies

  9   auxquelles je suis sujet, j'étais donc plutôt en bonne santé. Cependant,

 10   les services de Renseignements américains, britanniques et français ont

 11   œuvré de façon intense pour ce qui est de détériorer mon état de santé, et

 12   j'en ai la preuve. La preuve c'est WikiLeaks qui me l'a donnée, ce bon

 13   WikiLeaks, et je vous ai envoyé des écritures à cet effet, je croyais que

 14   vous alliez comprendre, vous les avez rejetées de façon abrupte sans

 15   analyser les documents.

 16   Le 6 décembre de l'an 2006, il y a eu, comme le fait savoir l'ambassade

 17   américaine à Paris, il y a eu une réunion entre les représentants des

 18   structures sécuritaires américaines et françaises au sommet; il y avait le

 19   sous-secrétaire de la Défense du ministère de la Défense des Etats-Unis,

 20   Erik Edelman; et il y avait un code DKP, probablement quelqu'un chargé de

 21   la sécurité au niveau de l'ambassade; et le remplaçant de l'adjoint du

 22   secrétaire à la Défense, Daniel Fata [phon].

 23   Alors ce sont des intervenants en matière de sécurité des Etats-Unis.

 24   Au palais de l'Elysée le 1er décembre, donc sept jours avant la fin de ma

 25   grève de la faim, il y a eu une réunion avec le conseiller du président

 26   français chargé de la sécurité, Maurice Gourdault-Montagne. Et il y avait

 27   un certain Dominique Bouchet [phon] en sa compagnie, conseiller de Jacques

 28   Chirac pour le Proche-Orient. L'amiral Edward Bouilliadet [phon] - peut-


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  1   être n'ai-je pas bien prononcé, moi le français ce n'est pas mon fort

  2   dernièrement - et il y avait un conseiller en matière d'affaires

  3   stratégique, Lawrence Il y a [phon].

  4   A l'occasion de cette réunion, comme nous le fait savoir l'ambassadeur

  5   américain, Maurice Gourdault-Montagne dit qu'il fallait faire tout ce qu'on

  6   pouvait pour empêcher le leader du Parti radical serbe et la mise en

  7   accusation pour crimes de guerre, Vojislav Seselj, de remporter la victoire

  8   aux élections en Serbie. Et c'est la raison pour laquelle il y a eu un acte

  9   d'accusation de dressé contre moi. Et c'est la raison pour laquelle de

 10   façon contraire au droit vous me garder ici depuis plus de neuf ans et

 11   c'est aussi la raison pour laquelle mon état de santé se trouve être

 12   intentionnellement détérioré par vous.

 13   Alors quel est le rôle de tout un chacun, à vous de voir et d'en débattre,

 14   qui est-ce qui est entré de façon délibérée dans ces affaires, qui est-ce

 15   qui s'est mis au service de ces services des ténèbres. Ça, à vous de voir.

 16   Ça ne m'intéresse pas. Moi ce qui m'intéresse c'est la substance du

 17   problème.

 18   Suite à tout ceci, il y a un autre rapport de l'ambassadeur américain à La

 19   Haye qui fait savoir à Washington, au département de l'Etat là-bas. Et je

 20   précise qu'il s'agit d'un rapport daté du 1er septembre -- non. Du 27 juin

 21   2008.

 22   L'ambassadeur américain explique votre stratégie à vous, Monsieur

 23   Antonetti, et il dit :

 24   "La stratégie d'Antonetti était de faire en sorte que Seselj coopère en

 25   répondant favorablement à ses demandes, et en le louant."

 26   Enfin je ne me souviens pas qu'il y ait eu des louanges de votre part à mon

 27   égard, mais vous avez souvent parlé de façon élogieuse de mes aptitudes

 28   intellectuelles. Alors il est dit aussi que ceci a favorisé l'avancement du


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  1   procès. Mais il y a quand même un danger qui consiste à voir Seselj

  2   interrompre sa participation au procès, comme il l'a fait lors de sa grève

  3   de la faim en 2006.

  4   Alors ces forces des ténèbres, forces du mal, complotent contre moi, et

  5   j'ai des preuves matérielles qui disent que c'est véritablement d'un

  6   complot qu'il s'agit. Raison pour laquelle ce procès n'est pas un procès

  7   régulier. Et c'est un abus de procédures. Bien sûr, Monsieur Antonetti,

  8   vous n'ignorez pas le fait que je ne vous ai jamais fait confiance, pas

  9   plus que je n'ai fait confiance à vos collègues. Mais j'avais accepté de

 10   jouer le jeu, parce que vous aviez considéré que si jamais procès il y

 11   avait, je serais complètement bousillé par les témoins de l'Accusation; or

 12   moi, j'ai souhaité bousiller de mon côté les témoins de l'Accusation en

 13   prétoire. Donc nos intérêts coïncidaient, et c'est la raison pour laquelle

 14   le procès a pu commencer.

 15   Et je n'ai jamais entravé le déroulement du procès. Ça a été l'œuvre soit

 16   de l'Accusation, soit des Juges de la Chambre. Toutes interruptions du

 17   procès se sont faites contre ma volonté à moi. Quand j'ai démantelé les

 18   dires de la totalité des témoins, il a fallu attendre encore deux ans pour

 19   voir la finale, et la question qui se pose c'est de savoir si finale il y

 20   aura du tout. Or, j'ai remarqué pour la première fois qu'il y avait quelque

 21   chose d'étrange à se passer lorsque j'ai eu une infection au niveau du foie

 22   pour rien. C'est venu de rien, tout à coup le foie marchait mal.

 23   Et j'ai fait beaucoup de bruit. Vous savez, j'aime bien faire du bruit;

 24   c'est dans ma nature. Et d'une certaine façon j'ai essayé d'écarter la

 25   source potentielle de cette intoxication. J'ai pris un échantillon de la

 26   nourriture; j'ai remis ça au service de santé de l'unité de détention. Le

 27   Dr Falke a dit qu'ils n'ont pas été en mesure de procéder à des analyses,

 28   donc ça ne les intéressait pas en somme. Ce Dr Falke vient d'être chassé de


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  1   Scheveningen il n'y a pas longtemps. C'est un nouveau médecin qui est venu.

  2   Il semble être consciencieux, du moins pour le moment, on verra comment les

  3   choses vont évoluer par la suite.

  4   Et à peine les problèmes du foie ont cessé, sans que je prenne quelque

  5   médicament que ce soit, au bout de huit mois les symptômes ont disparu, mon

  6   foie s'est rétabli. Et c'est là que commencent mes problèmes de cœur. Alors

  7   on a dénigré la chose. On a dit : Il n'a rien. Et quand je suis tombé après

  8   une promenade, un remplaçant à Falke, un médecin dont le nom m'échappe, il

  9   est parti lui aussi entre-temps, a présenté un rapport pour dire que mon

 10   état de santé était bon.

 11   Et alors il y a un problème qui en rattrape un autre. A Leiden, une fois de

 12   plus, ils ont procédé à des analyses des causes potentielles de ces

 13   perturbations dans le fonctionnement de mon cœur et ils ont constaté qu'il

 14   n'y avait aucune cause interne, organique, disant que mes artères étaient

 15   en très bon état, mes vaisseaux sanguins en très bon état. Alors j'ai posé

 16   la question aux médecins de Leiden si cela voulait dire que c'est de

 17   l'extérieur qu'on cherchait à influer sur mon état de santé. On a répondu

 18   qu'ils n'avaient pas le droit de procéder à des spéculations. Ils ne

 19   pouvaient parler que de choses sûres, et il n'y avait pas de motifs

 20   internes.

 21   Alors quels sont les motifs potentiels venus de l'extérieur ? Est-ce que

 22   c'étaient ces situations de stress systématiques qui étaient générées de

 23   façon artificielle, et Dieu sait s'il y en a eu au fil des deux mois

 24   écoulés de la part du Greffe, de l'administration de l'Unité de Détention,

 25   et cetera, ou de cette Chambre qui a refusé de tenir une conférence de mise

 26   en état; ou alors les services américains, britanniques ou français

 27   disposent-ils d'une technologie qui permet par ondes radio ou autrement

 28   d'influer sur les battements du cœur ? En théorie ce n'est pas impossible.


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  1   Je n'y connais pas grand-chose en matière de technologie, je suis un

  2   profane, mais je sais que théoriquement il est possible qu'ils aient abouti

  3   à cela. Ont-il réussi ou pas ? On verra, on aura l'occasion de relire du

  4   WikiLeaks ultérieurement ou les publications ou des fuites organisées par

  5   quelqu'un d'autre.

  6   Alors pour ce qui est de ces faux rapports, ces faux rapports sont compilés

  7   par le Greffier et par Nermina Jelacic, qui est le porte-parole du

  8   Tribunal. On dit : "La situation de Seselj est stable, il n'a rien en

  9   somme." Cependant, le 6 janvier, j'ai failli mourir moi. Et les médecins à

 10   Leiden s'accordent pour le dire ensemble, le personnel de l'infirmerie et

 11   de l'ambulance a dit la même chose. Vous avez reçu un rapport du directeur

 12   de l'Unité de Détention qui est faux et qui ne comporte pas la totalité des

 13   éléments nécessaires.

 14   Le 6 janvier, pendant une promenade entre 15 heures et 16 heures, je me

 15   suis senti mal, j'ai demandé à ce qu'on me ramène dans ma cellule avec

 16   l'ascenseur, les gardiens ont fait venir l'ascenseur. Pendant que je me

 17   changeais, je suis tombé, j'ai perdu connaissance, et j'ai cogné ma tête

 18   contre la table, et j'étais couvert de sang.

 19   Au bout d'une demi-heure, j'ai commencé à reprendre mes esprits, et c'est

 20   là qu'un gardien est arrivé, d'après ce que dit le directeur de la prison,

 21   à 16 heures 30, il s'agissait aussi d'une infirmière qui faisait une

 22   inspection routinière, mais ce n'est pas elle, c'est le gardien qui m'a

 23   trouvé en premier couvert de sang et c'est lui qui a fait venir

 24   l'infirmière. Elle a essayé avec mon appareil à moi de mesurer ma tension

 25   artérielle, mais l'appareil n'a pas réagi du tout parce que c'était au-

 26   dessus de ses potentiels que de montrer le résultat.

 27   Et alors là elle a appelé les urgences; les urgences sont arrivées très

 28   vite, d'après ce que dit le directeur, à 5 heures 02 minutes. Et dès que


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  1   j'ai été examiné, on a redemandé une autre ambulance, et le directeur dit

  2   qu'à 18 heures 20 l'ambulance m'a emmené de l'Unité de Détention jusqu'à

  3   l'hôpital de Leiden parce que les services d'urgence ont estimé que c'était

  4   la chose la plus appropriée à faire.

  5   Alors la question qui se pose c'est de savoir que s'est-il passé entre-

  6   temps pendant une heure et 14 minutes ? Puisqu'il a fallu qu'ils me sortent

  7   allongé, ils n'ont pas pu me descendre en empruntant l'escalier parce que

  8   le brancard ne pouvait pas y aller. Donc il a fallu qu'ils fassent appel

  9   aux pompiers, et ça le directeur n'en parle pas, il passe outre. Et lui

 10   donc ment, lui aussi. Donc les pompiers sont arrivés, il y a une fenêtre au

 11   première étage où ils ont coupé les barres en acier, ils ont brisé les

 12   carreaux, et c'est pour cette fenêtre-là qu'ils m'ont sorti pour

 13   m'installer dans l'ambulance, et c'est la raison pour laquelle il a fallu

 14   attendre une heure et 14 minutes. Et c'est ça le problème qui se pose au

 15   quartier pénitentiaire. Si jamais, que Dieu vous en préserve, si jamais il

 16   fallait transporter qui que ce soit d'autre par les mêmes moyens, ils ne

 17   savent pas comment le faire, ils n'ont pas les moyens, il leur faut faire

 18   appel aux pompiers pour casser les barreaux et pour passer par la fenêtre.

 19   Donc deux ambulances sont là, plusieurs voitures de police et quatre

 20   policiers à bord des motos m'emmènent à Leiden à toute vitesse, et c'est

 21   probablement ce qui m'a sauvé la vie. Enfin provisoirement, pour l'instant.

 22   Et pendant tout ce temps-là, je n'avais pas repris mes esprits. C'est par

 23   la suite que l'on m'a raconté tout ce qui s'était passé. Donc je me

 24   réveille uniquement à 21 heures, 9 heures du soir, et à ce moment-là ils

 25   ont déjà réussi à obtenir ce qu'ils ont obtenu. C'était 240 ma tension. Un

 26   être normalement constitué ne peut jamais avoir cette hypertension, quel

 27   que soit le travail hyper dur ou quelle que soit la pratique sportive, on

 28   n'arrive jamais à 240. Cela dépasse les capacités physiques de l'être


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  1   humain, donc c'est ce qui a été mesuré dans l'ambulance. Puis Nermina

  2   Jelacic, elle, se permet de déclarer que mon état est stable, que je n'ai

  3   rien.

  4   Là j'ai pris une décision, j'ai décidé de ne plus autoriser personne

  5   avoir accès à mon fichier médical, que ce soit la Chambre de première

  6   instance, le Greffe, qui que ce soit d'autre. Parce qu'il en a marre, ça

  7   suffit ces jeux, les masques sont tombés il y a belle lurette.

  8   Donc je l'ai refusé, j'ai eu des traitements à Leiden, ça s'est passé

  9   normalement, je ne me peux pas me plaindre du tout, et c'est là que l'ICD

 10   m'a été installé. On n'arrête pas de parler de pacemaker dans les

 11   communiqués publics. C'est Nermina Jelacic qui le dit. Mais c'est un

 12   mensonge, un de plus. Le pacemaker il stimule le rythme cardiaque. Mais le

 13   ICD c'est un défibrillateur interne cardiaque. L'ICD c'est quelque chose

 14   qui vous protège d'une mort soudaine, ne peut pas l'empêcher mais peut

 15   éviter, à partir du moment où mon hypertension dépasserait 200, cela

 16   pourrait m'éviter les chocs. Les chocs c'est un peu comme si vous étiez

 17   heurté d'un tramway qui avance en pleine vitesse. Donc c'est ça en

 18   substance. Mais le problème est loin d'être résolu. Mon cœur est toujours

 19   faible. Et les médicaments ne peuvent pas améliorer cela.

 20   Je souffre toujours de tachycardie et d'arythmie. Quant à mon

 21   arythmie, elle est toujours en place, sans discontinuer. Donc au moment où

 22   nous avons eu des problèmes, j'ai eu l'arythmie. Vous aviez le rapport de

 23   M. Avdeev qui parlait de mes problèmes respiratoires la nuit. Puis ensuite

 24   c'est ce que j'ai appris dans la presse, en fait à la télévision, ensuite

 25   vous auriez rendu une ordonnance demandant qu'un médecin russe vienne

 26   m'examiner, j'ai réagi. Un médecin russe peut venir m'examiner si c'est moi

 27   qui suis à l'origine de la demande. Ou M. Avdeev, qui est pneumologue, donc

 28   je ne sais pas pourquoi vous l'avez demandé lui, ou M. Argeyev [phon], son


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  1   nom s'est trouvé sur ma liste de médecins choisis par moi.

  2   Et le Greffe n'a pas voulu autoriser son arrivée, il m'a fait venir

  3   un médecin de province britannique pour qu'il gagne quelques sous lors de

  4   ce déplacement à La Haye. Mais ce n'est pas quelqu'un qui avait

  5   véritablement une expertise en pneumologie. M. Avdeev, quant à lui, c'est

  6   un grand expert, sans conteste. Et, Monsieur Antonetti quand ce sera vous

  7   qui l'aurez invité à venir, ce sera pour vous, M. Harhoff, Mme Lattanzi.

  8   C'est vous qu'il pourra examiner, mais pas moi. Si, il pourra m'examiner,

  9   mais uniquement si c'est moi qui l'invite.

 10   Cette fois-ci ce sont les médecins serbes que j'ai voulu recevoir.

 11   Ils vont rédiger un rapport écrit, mais ce n'est pas à vous qu'ils vont le

 12   remettre ni au ministère de la Santé à Belgrade, ce sera un rapport public

 13   qui sera rendu public lors d'une conférence de presse et qui sera publié

 14   sur ma page Web. Et le rapport comporte des données très importantes et

 15   très graves, même à titre préliminaire. Cependant, je ne m'en plains pas.

 16   Je savais quels étaient les dangers qui me guettaient ici. Je savais quelle

 17   est la taille du dragon auquel j'allais être confronté. Mais c'est par voie

 18   publique, par la publicité de ces débats que j'allais pouvoir démasquer

 19   tout cela. C'est la seule chose option que j'avais.

 20   Démasquer, donc pour ce qui me concerne, cela s'est passé plutôt

 21   bien, j'ai remporté beaucoup de succès. Nermina Jelacic, porte-parole du

 22   Tribunal de La Haye, une fois que l'ICD m'a été implanté lorsque

 23   l'ambulance a dû m'emporter par deux fois, elle se permet de dire que c'est

 24   à titre préventif que l'on m'a hospitalisé. Préventif ? Oui, oui, c'est à

 25   titre préventif qu'on emmène tout un chacun à l'hôpital dans des ambulances

 26   pour qu'il ne meure pas. Qu'est-ce que cela veut dire, préventif ? A chaque

 27   fois que je me suis trouvé mal, l'infirmière ou les gardes en informaient

 28   le nouveau médecin du quartier pénitentiaire, j'ai dit à son sujet qu'il


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  1   travaillait toujours de manière consciencieuse, et c'est lui qui a demandé

  2   que l'on fasse appel à l'ambulance. Et à chaque fois il a été manifeste que

  3   c'était indispensable de faire appel à l'ambulance.

  4   Aujourd'hui cette femme médecin de Leiden est venue, elle a vérifié

  5   comment fonctionnait l'ICD, s'il fonctionnait correctement. Elle est

  6   arrivée à la conclusion qu'il y avait une électrode qui était placée dans

  7   la chambre droite cardiaque fonctionnait bien, mais l'autre ne fonctionnait

  8   pas du tout. Et pour ne pas avoir à intervenir de nouveau, ouvrir mon cœur,

  9   elle a décidé qu'il fallait la semaine prochaine que je subisse de nouveau

 10   des électrochocs à l'hôpital pour qu'ils essaient de rétablir le

 11   fonctionnement de cette deuxième électrode. C'était à 11 heures 15,

 12   aujourd'hui, à partir de 11 heures 15 jusqu'à peu près 11 heures 45, j'ai

 13   subi cet examen. Elle a apporté tous les appareils de Leiden et c'est

 14   qu'elle m'a fait en unité pénitentiaire. Voilà.

 15   Donc, c'est en exclusivité que je vous fais part de la situation

 16   relative à mon état de santé. Je vous ai dit que mon état de santé ne

 17   saurait être un secret, mais c'est de manière très jalouse que je veux

 18   refuser toute publicité là-dessus, à moins que ce soit moi qui l'autorise,

 19   et tout cela pourrait être vérifié.

 20   Et puis, un deuxième point. Pour ce qui est de mon état de santé, eh

 21   bien, je n'ai jamais essayé de gagner des avantages sur le plan de la

 22   procédure en me servant de mon état de santé. Jamais je n'ai cherché de

 23   report, de prolongation, jamais nous n'avons perdu ne serait-ce qu'une

 24   seule journée d'audience à cause de cela. Et voyons maintenant où cela nous

 25   a emmenés. Un jour, cela sera tiré au clair. Est-ce que nous vivrons

 26   jusqu'à ce jour ? Ça, c'est une question qui reste en suspens.

 27   Enfin, il me reste encore plusieurs questions relatives à la

 28   procédure que je souhaite aborder. J'en ai terminé sur l'état de santé. Je


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  1   ne sais pas si vous avez des questions, mais j'ai des questions plus graves

  2   et des raisons plus graves encore à aborder d'autres questions.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : …de type défibrillateur, que l'une ne marche pas et

  4   qu'on essaie de rétablir la deuxième électrode. Et ça, nous ne le savions

  5   pas, nous venons de l'apprendre à l'instant. Nous avons appris également

  6   que le Dr Falke n'est plus là, première nouvelle. On n'en a jamais été

  7   informé. Donc, c'est la première -- je l'apprends par votre bouche.

  8   Nous apprenons également tout le processus du malaise que vous avez

  9   eu le 6 janvier, nous ne savions pas que vous étiez tombé sur la table, que

 10   vous aviez la tête en sang que les pompiers étaient venus, qu'on avait

 11   cassé les barreaux. C'est la première fois que j'entends cette relation.

 12   Alors, la Chambre est très préoccupée par votre état de santé, c'est

 13   pour ça que nous avions demandé à des experts de venir vous voir, et

 14   notamment un expert russe. Aujourd'hui, dois-je comprendre que vous ne

 15   voulez plus voir d'experts sauf ceux que vous voulez désigner ?

 16   C'est bien ça ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien entendu. Je suis le seul qui peut nommer

 18   les experts qui viendront m'examiner, personne d'autre.

 19   Si je prends cette décision-là, Dr Avdeev peut en faire partie, il

 20   est reconnu, connu un grand cardiologue russe; donc, je n'ai absolument

 21   aucune raison d'avoir des doutes quant à lui, tout comme le Dr Avdeev qui

 22   est le meilleur pneumologue de Moscou. Mais je ne vais plus suivre vos

 23   ordonnances relatives à mon état de santé. Je vous ai privé de ce droit de

 24   prendre des ordonnances relatives à mon état de santé. Cela ne fonctionnera

 25   plus jamais. Je ne vous fais pas confiance, et je ne veux plus qu'on

 26   manipule mon état de santé.

 27   Cette audience administrative, vous l'avez commencée aujourd'hui

 28   aussi par vos conseils concernant mon régime, comme quoi il faudrait que


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  1   j'entame un régime. Pourquoi est-ce que je devrais le faire ? Mes vaisseaux

  2   sanguins sont en excellent état. Voyons si les miens ou les vôtres sont en

  3   meilleur état ou ceux de n'importe quel membre de la Chambre de première

  4   instance. Si mon cerveau demande plus de sucre, cela veut dire qu'il

  5   fonctionne de manière plus intense, et il ne pourrait pas faire cela si le

  6   corps ne suivait pas. Mes vaisseaux sanguins sont en parfait état, et je

  7   n'ai pas de raison de suivre vos exigences. En fait, leur objectif est de

  8   se moquer de moi publiquement.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous le savez bien, la Chambre ne

 10   tient absolument pas à se moquer de vous. Quand nous, nous avions désigné

 11   les experts, on leur avait donné la mission complète de nous dire ce que

 12   vous avez. Et les experts que nous ne connaissions pas - on n'a eu aucun

 13   contact avec eux - ont dit à l'époque, avant le 23 août, que le problème

 14   que vous avez était lié à un problème diététique. C'est noir sur blanc dans

 15   leur rapport. Et c'est pour cela que le 23 août, je vous l'ai dit. Vous

 16   contestez cette conclusion, et peut-être que vous avez raison, que les

 17   médecins qui sont venus vous voir viendront infirmer ceci, très bien. Mais

 18   à ce moment-là, nous aurons connaissance, comme vous l'avez dit sur votre

 19   site Web, des conclusions médicales. Tout le monde consultera votre site

 20   pour savoir ce que vous avez exactement.

 21   Bien. Alors, nous allons passer maintenant aux questions procédurales qui

 22   sont du point de vue de la Chambre les suivantes : vous nous avez envoyé

 23   votre --

 24   Oui, Monsieur Seselj.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, il faudra de nouveau que je

 26   démente ce que vous êtes en train d'affirmer. J'ai sous les yeux le rapport

 27   médical du 15 juin 2011, signé par le professeur Sergey Avdeev, docteur ès

 28   sciences, et Thomas Tjelstan [phon], professeur de l'Université de Lund, en


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  1   Suède.

  2   Et à la fin du rapport, ce qu'ils disent, quatre questions ont été

  3   posées pour un nouvel examen mené par des spécialistes suite à l'ordonnance

  4   de l'an 2010 rendue par la Chambre. Au point 1, donc, problème concret dont

  5   souffre Seselj, syndrome respiratoire pendant qu'il dort, asthme, allergie,

  6   rhinite, fibrillation, et suite à l'ablation cardiaque, hypertension,

  7   œsophagite, et adipeux au niveau abdominal.

  8   Donc, l'état de santé de M. Seselj n'empêche pas de suivre les débats

  9   dans le prétoire.

 10   Et cela, je ne l'ai jamais remis en question.

 11   Au point 3, la pathologie dont il souffre nécessite une thérapie

 12   supplémentaire, avant tout de nuit grâce à l'appareil CPAP vu le problème

 13   respiratoire dont il souffre lorsqu'il dort.

 14   Donc, si je faisais l'objet de cette thérapie, ils pensent que

 15   l'évolution de mon état de santé pourrait être positive. Donc, ça c'est

 16   leur avis médical, leur rapport.

 17   Et puis à un endroit, le Suédois, donc c'est lui qui s'intéresse aux

 18   questions de diététique, c'est lui qui évoque la question du poids. Et

 19   lorsque vous prenez en compte la totalité du rapport, en fait, c'est un

 20   point tout à fait insignifiant dans l'ensemble. Donc, cela non plus n'est

 21   pas exact. Vous avez l'analyse dans sa totalité sur six pages entières.

 22   Vous avez en détail l'ensemble des informations. Je n'ai pas le temps

 23   maintenant de donner lecture de tout cela. Mais donc, je vous ai donné les

 24   conclusions en bref, conclusions finales.

 25   Donc, à partir du moment où l'ablation a eu lieu en octobre 2010, mon

 26   état de santé, en fait, on ne s'en est plus occupé. Les médecins russes et

 27   suédois qui m'ont examiné, qui ont eu l'occasion de me parler, ont eu accès

 28   à un ensemble de documents, mais c'est tout, tout. Ils n'ont pas pu


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  1   utiliser les appareils pour des mesures. Seul l'électrocardiogramme était

  2   accessible dans le quartier pénitentiaire. Donc, pourquoi est-ce qu'on ne

  3   s'est plus occupé de mon état de santé ? C'est le Dr Falke qui devrait en

  4   être tenu responsable, lui dont toute trace se perd depuis la fin de

  5   l'année dernière à peu près.

  6   Pour certains, il paraît que Jovica Stanisic a été mal soigné par

  7   lui, que Jovica Stanisic a failli en mourir. On entend toutes sortes de

  8   choses, mais officiellement, on n'a jamais su quelle est la raison

  9   principale et officielle du départ du Dr Falke. Il a fallu qu'il parte à un

 10   moment donné, et pourquoi, à ce moment-là précis, ça, c'est une question

 11   tout à fait intéressante, parce que tous les détenus du quartier

 12   pénitentiaire ne tarissent pas de reproches quant à son attitude, les

 13   traitements qu'il prescrivait, son approche aux problèmes médicaux.

 14   Mais rappelez-vous ne serait-ce que le problème dentaire dont j'ai

 15   parlé il y a deux ans, il est toujours là ce problème, pas résolu. On

 16   aurait dit, c'est une banalité, et pourtant, pas banal du tout. Cela aurait

 17   pu me rendre incapable de suivre les débats ici pendant dix ou 15 jours.

 18   Enfin bon, peu importe. Passons. Je ne poserais pas la question de

 19   problèmes de santé aujourd'hui si vous n'aviez pas insisté là-dessus.

 20   J'ai une liste plutôt longue de toutes sortes de problèmes de

 21   procédures dont je devrais parler.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : On va aborder cette liste. Mais nous avons interrogé

 23   le médecin sur la question de savoir si vous pouvez témoigner sans

 24   problème. Il a dit oui, mais il préconise que toutes les heures, nous

 25   fassions une pause. Est-ce que vous voulez faire cette pause pour vous

 26   permettre de vous reposer ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je peux travailler de manière tout à fait

 28   normale.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, on va continuer pendant une demi-heure,

  2   et puis après, on fera la pause.

  3   Alors, pour les problèmes de procédures, le problème que la Chambre a

  4   actuellement est lié au fait que vous nous avez donné votre mémoire final

  5   qui fait 501 pages en cyrillique, mais en format ONU, plus de 600 pages,

  6   alors même que nous avions limité le nombre de pages pour l'Accusation. De

  7   ce fait, par mail, nous vous avons indiqué que vous étiez autorisé à nous

  8   donner 300 pages plus 100 pages d'annexes, ce qui fait au total 400 pages.

  9   Avec les moyens de bord, nous avons étudié votre mémoire, qui est en

 10   cyrillique, les 501 pages, et je me suis aperçu qu'il n'y a aucune note de

 11   bas de page, et il y a beaucoup de pages qui sont des reprises de

 12   transcripts de témoins. Alors, quelle est votre intention ?

 13   Est-ce que vous allez maintenir vos 501 pages ou vous allez réduire

 14   comme on vous a invité à le faire ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, l'intention que j'ai, c'est

 16   de provoquer une décision par laquelle vous allez renvoyer, rejeter mon

 17   mémoire en clôture. Vous savez que je joue cartes sur table, toujours.

 18   Alors, pourquoi est-ce que je le fais ? Je vais vous l'expliquer.

 19   Il s'agit d'une première mouture de mon mémoire en clôture. C'est mon

 20   conseiller Zoran Krasic surtout qui y a travaillé, et cette version a été

 21   terminée le 1er septembre et m'a été communiquée par courrier confidentiel

 22   par mes conseillers juridiques. J'avais l'intention de travailler dessus,

 23   d'envoyer mes suggestions, et puis, suite à votre ordonnance sur la

 24   quantité maximale de mots autorisée, eh bien, de l'adapter. Cependant, fin

 25   octobre, le greffier m'a interdit toute communication confidentielle avec

 26   l'ensemble de mes conseillers juridiques. En fait, ce qu'il m'a interdit,

 27   c'est de continuer de travailler sur mon mémoire en clôture. Donc, j'ai

 28   pris la décision de vous envoyer, fin janvier, ma première mouture, et


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  1   puis, libre à vous de voir ce que vous alliez en faire.

  2   Je ne vais plus travailler sur mon mémoire en clôture. J'ai perdu

  3   beaucoup de temps à l'époque où je voulais y travailler, je planifiais y

  4   travailler. On m'a empêché de le faire. Et puis, il y a une raison de plus

  5   à cela, pourquoi je ne veux plus travailler.

  6   A savoir, le Procureur, le 4 novembre, a présenté une requête, et par

  7   cette requête, il demande pour ce qui est des parties au procès, donc que

  8   ce soit moi ou eux, les deux, donc qu'on nous autorise à dépasser la limite

  9   prévue initialement et qu'on nous autorise 325 pages pour les arguments, et

 10   après, d'autres pages -- et puis, les pages pour les annexes. Donc,

 11   naturellement, s'ils ont demandé cela pour eux, eh bien, on allait

 12   m'autoriser la même chose. Cependant, à ce moment-là, le 24 novembre, vous

 13   rendez une ordonnance, et par celle-là, le Procureur se voit autoriser 300

 14   pages pour le mémoire et 100 pages pour les annexes. Mais quant à moi, on

 15   dit que mon mémoire ne doit pas dépasser 200 pages et on m'accorde 50 pages

 16   pour les annexes.

 17   Mais je n'arrivais pas à en croire mes yeux, mais ce n'était pas

 18   possible. Cela dépassait mes plus folles attentes par rapport à vous,

 19   membres de la Chambre de première instance. Les masques sont tombés depuis

 20   très longtemps. Je sais qui vous êtes, quelles sont vos tâches, vos

 21   missions. Je sais quelle est la mienne, en revanche. Donc, que vous ayez

 22   pris la décision que le Procureur avait droit à 300 pages et que moi, je

 23   n'avais droit qu'à 200 pages, alors là, je voulais vous montrer que cela

 24   n'allait pas se passer comme ça, et c'est pour cela que j'ai envoyé 500

 25   pages. Voilà, vous pouvez décider de le lire ou de ne pas le lire. Jetez-

 26   le, balancez-le à la poubelle, faites ce que vous voulez. Moi, le mémoire

 27   en clôture ne m'intéresse plus.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la description que vous faites est


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  1   mathématiquement correcte. Le Procureur a demandé une augmentation de pages

  2   et on la lui a accordée. Mais la Chambre répond aux demandes des parties.

  3   Le Procureur demande, on lui accorde. Si vous, vous nous aviez demandé, on

  4   vous aurait accordé. Vous n'aviez rien demandé. Donc -- voilà.

  5   Qui plus est, il était évident qu'au titre de l'égalité des armes, il

  6   n'était pas une seconde question dans l'esprit de mes collègues de faire

  7   que vous ayez moins de pages que l'Accusation. C'est une évidence. Voilà.

  8   Et par ailleurs, Monsieur Seselj, n'oubliez pas une chose également,

  9   quand on s'était vus le 23 août, vous nous aviez dit que vous n'aviez pas

 10   l'intention même de nous soumettre un écrit quelconque. Donc, nous, nous

 11   étions dans le noir le plus absolu. Et quand la Chambre a décidé

 12   d'autoriser le Procureur à avoir des pages supplémentaires, ça n'a pas été

 13   fait contre vous, sachez-le. Vous savez, Monsieur Seselj.

 14   Bien sûr, vous vous exprimez pour qu'à l'extérieur on apprenne

 15   certaines choses, et parfois, vous dites des choses que nous aussi nous

 16   apprenons. Mais il faut que l'extérieur sache une chose : dans votre

 17   théorie du complot des services secrets, et cetera, nous, les Juges, on

 18   n'est pas partie prenante, on n'est absolument pas concernés par cela.

 19   Nous, on statuera sur votre innocence ou votre culpabilité en fonction des

 20   éléments de preuve, uniquement avec cela. Voilà. Et ça, dès le départ, je

 21   vous l'ai dit. Alors, n'essayez pas de nous attirer dans vos complots, et

 22   cetera. Peut-être qu'il y a des choses bizarres qui sont arrivées et qui

 23   peuvent poser problème. Et c'est vrai que moi j'en découvre. Que le médecin

 24   de la prison s'en aille sans qu'on le sache, c'est bizarre. C'est bizarre.

 25   Mais c'est pas la première fois que je découvre certains événements.

 26   Donc ce nombre de pages n'a rien à voir avec une quelconque volonté de vous

 27   porter tort en quoi que ce soit. [inaudible] dès que j'ai reçu les 501

 28   pages, j'ai commencé à travailler votre document pour savoir ce qu'il y a


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  1   dedans. Alors, évidemment vous avez dit, parce que vous êtes très

  2   intelligent, vous n'attendez qu'une chose, que la Chambre rejette. Bien --

  3   bon. Et qui plus est, comme le dit mon collègue, on vous a accordé le même

  4   nombre de pages que le Procureur puisqu'on vous a signifié par mail que

  5   vous aviez droit aussi, comme le Procureur, à 300 pages plus 100 pages, et

  6   non pas 200 pages. Bien. Vous le savez. Bien.

  7   Alors, quel autre sujet voulez-vous aborder, Monsieur Seselj ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, vous connaissez fort bien

  9   l'homme répondant au nom de Maurice Gourdault-Montagne.

 10   L'INTERPRÈTE : L'interprète s'excuse de sa prononciation.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai appris que vous étiez amis et qu'il avait

 12   été conseiller chargé de la sécurité nationale, alors que vous, Monsieur

 13   Antonetti, vous étiez conseiller juridique du tribunal de guerre Jacques

 14   Chirac. Moi, je ne fais que présenter des faits, rien d'autre. Ces faits-là

 15   me donnent le droit de formuler des hypothèses, d'émettre des conjectures,

 16   et ceci me conforte dans certaines convictions. Mais je ne présente pas en

 17   public toutes mes spéculations au sujet de certains faits. Je ne fais que

 18   présenter des faits nus, dénudés.

 19   Vous pouvez essayer de me convaincre de tout ce que vous voulez, mais

 20   le Procureur, à la date du 4 novembre, a demandé à ce que les parties au

 21   procès se voient augmenter le nombre de pages accordées pour les mémoires

 22   en clôture. Et vous répondez : Oui, on va vous les augmenter; et il n'y a

 23   rien à demander pour la Défense, laissez à la Défense le même nombre de

 24   pages.

 25   Le fait qu'au mois de janvier, vous ayez augmenté mon quota pour le

 26   faire monter à 300 pages, ça ne me signifie rien. Les mémoires en clôture,

 27   ça ne veut rien dire du tout pour moi. J'ai hésité pour ce qui était de le

 28   présenter. L'été passé, je pensais que le mieux, ce serait de ne pas le


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  1   présenter. Alors Zoran Krasic m'a convaincu de la nécessité de le faire

  2   quand même.

  3   Alors, ai-je le droit de changer mon opinion ? Oui. Diverger de

  4   l'opinion de mon conseil juridique ? Oui. Vous ne pouvez pas me le

  5   reprocher. Alors j'ai présenté ce que j'ai présenté. Maintenant, il reste à

  6   voir qu'est-ce qui a plus de poids : mon droit à la présentation des

  7   mémoires en clôture ou votre droit à limiter le nombre de pages. C'est,

  8   pour moi, la question juridique la plus intéressante qui se pose. Il faudra

  9   que vous vous en démêliez. Et est-ce que vous allez faire une erreur en

 10   matière de procédure juridique si vous m'empêchez de présenter un mémoire

 11   en clôture, comme vous avez empêché la présentation des éléments à décharge

 12   par les soins de la Défense, ou alors allez-vous outrepasser ce que vous

 13   avez prescrit, à savoir le nombre de pages de votre décision ? A vous de

 14   trancher. Moi, je ne suis pas intéressé.

 15   Je suis conscient d'une chose : si je reste vivant jusqu'à la date du

 16   5 mars, je vais écrabouiller avec mes arguments juridiques les arguments de

 17   l'Accusation. Je vais les écrabouiller à fond. A vous de décider après ce

 18   que bon vous semblera. A vous de voir. Vous avez Maurice Gourdault-

 19   Montagne, vous avez les Américains, les services américains, français,

 20   britanniques. Voilà de quoi faire pour m'empêcher d'emporter ou de gagner

 21   aux élections qui viennent. Et votre mission, vous allez l'accomplir, mais

 22   vous ne pourrez pas le vaincre. Personne d'ici ne saura sortir propre, sans

 23   souillure, de cette situation. Ça, c'est un fait. Vous ne pouvez pas sortir

 24   d'ici les mains propres, parce que j'ai tant d'arguments qui feront que je

 25   vous en empêcherai.

 26   Les arguments se sont amoncelés surtout l'an passé, lorsque les

 27   masques sont tombés. Lorsqu'en polémisant [phon] avec moi dans une opinion

 28   dissociée que vous aviez formulée, vous aviez indiqué que Ljubisa Petkovic


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  1   avait été condamné pour faux témoignage. Vous souvenez-vous de cette

  2   opinion dissidente que vous aviez formulée ? Personne n'a jamais été

  3   condamné ici pour faux témoignage ici. Ils sont condamnés parce qu'ils

  4   refusent de témoigner ou parce qu'ils dévoilent des renseignements qui sont

  5   protégés ou confidentiels. Personne n'a répondu pour un faux témoignage.

  6   Or, vous avez dit que Ljubisa Petkovic était désavoué par vous parce que

  7   c'était quelqu'un qui avait travaillé sur des requêtes infondées ou fausses

  8   de ma part. Pourquoi voulez-vous qu'il le fasse ? C'est le seul Serbe qui a

  9   eu le courage de venir et dire : Je ne veux pas témoigner. Avec ses 20

 10   kilos de poids en tout et pour tout, ça a été une surprise pour tous et

 11   pour toutes. C'est le seul jusqu'à présent.

 12   Il y en a eu d'autres, mais lorsqu'on les a menacés d'un procès à

 13   nouveau, ils ont changé d'avis. Il y a eu récemment un cas de figure de ce

 14   genre. Et c'est la raison pour laquelle Ljubisa Petkovic, il mérite d'être

 15   respecté par la totalité de la Serbie. Parce qu'il est venu ici en tant que

 16   membre de -- enfin, un témoin de l'Accusation. D'ex-membres de la RSFY, des

 17   présidents, des ministres, des commandants policiers, des commandants

 18   militaires, qui sais-je encore, dès qu'on les a menacés qu'il pourrait y

 19   avoir un procès à leur encontre s'ils refusaient de coopérer avec

 20   l'Accusation. Or, il s'en est trouvé un dont je pensais tout ce qu'il y

 21   avait de mal, mais il s'est opposé à ce que vous vouliez. Il a attendu que

 22   décembre 2005 se passe, en effet, lorsque le Procureur n'avait plus le

 23   droit de rédiger de nouveaux actes d'accusation. Ça a peut-être contribué à

 24   son courage nouvellement manifesté. Mais on ne peut quand même pas le

 25   désavouer de la sorte. Alors le fait est qu'il a œuvré à la rédaction de

 26   ces écritures de ma part pour contester la fiabilité de ce qui s'y

 27   trouvait.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quel autre sujet voulez-vous aborder ?


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, oui. A la date du 28 octobre, le Greffe m'a

  2   interdit toute communication confidentielle avec mes conseillers

  3   juridiques. A titre préliminaire, je vous ai envoyé une requête pour vous

  4   mettre en garde de la possibilité que cela se soit fait. Vous avez, en

  5   termes simples, rejeté la chose. Le Greffier a rendu sa décision. Moi, je

  6   me suis plains au Président du Tribunal. Entre-temps, c'est un nouveau

  7   Président -- peut-être M. Robinson réagirait-il autrement, parce qu'il

  8   tenait plus à des principes juridiques, lui, que Theodor Meron, parce que

  9   Theodor Meron, il n'attendait qu'une chose, c'est rejeter mes écritures ou

 10   mes requêtes.

 11   Puis le 26 septembre, puis le 22 décembre, puis le 20 et quelques

 12   janvier, et il y a quelques jours, une dizaine de jours à peine, le

 13   Greffier a suspendu sa propre décision, a annulé sa propre décision.

 14   Pourquoi ? Rien n'avait changé. Je n'ai rien enlevé du tout de mon site

 15   internet. Le Greffier a décidé qu'il fallait m'interdire toute

 16   communication privilégiée avec mes collaborateurs partant d'une suspicion

 17   qui disait que je me servais de cette communication confidentielle pour

 18   gérer le site internet qui est le mien. Mais il n'y a aucune preuve à cet

 19   effet, il n'y a que des suspicions. Mais partant de suspicions, le Greffier

 20   entreprend ces mesures. Or, vous, vous faites mine de rien.

 21   Lorsqu'on en est à la finale du procès, lorsque je me prépare pour

 22   mon mémoire en clôture, on m'interdit toute communication avec mes

 23   conseillers juridiques. Ou plutôt, on met sur écoute mes communications

 24   pour que le Procureur sache par avance quels sont les moindres détails de

 25   ce que je dirais en mémoire de clôture. Mais personne ne peut le dire, ne

 26   peut le savoir. Même mes conseillers juridiques n'en savent rien. Ils sont

 27   là pour exécuter mes directives juridiques. Et ils ne m'imposent pas mes

 28   positions juridiques, et ils ne peuvent pas non plus contrôler ce que je


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  1   dirai dans le courant de ma plaidoirie.

  2   Alors l'administration du quartier pénitentiaire m'a empêché de

  3   présenter des requêtes pendant neuf ans. Puisque je les rédige moi-même à

  4   la main, il suffisait de remettre cela au gardien de permanence pour qu'on

  5   me fasse faire une photocopie, et l'original est envoyé au Tribunal. Moi,

  6   je gardais la photocopie comme élément de preuve pour dire que j'ai bel et

  7   bien envoyé une écriture. Si j'envoie des écritures ou des requêtes aux

  8   Juges de la Chambre ou au Président, au bout d'un certain nombre de jours,

  9   des fois c'est au bout d'un mois qu'on me communique une traduction de

 10   cette requête en anglais et une copie de l'original en serbe. Si j'envoie

 11   ceci au Greffier, rien de tout cela ne m'est communiqué, ne m'est renvoyé.

 12   Or, tout de suite après le nouvel an, d'abord le 3 janvier, sur une

 13   page, j'ai écrit une requête à l'intention du Président du Tribunal

 14   international pour me plaindre des agissements du Greffe qui a interdit les

 15   visites effectuées par mes amis. J'ai demandé au gardien de me photocopier

 16   cela. Le gardien est allé vers la photocopieuse, vers le bureau où cela se

 17   trouvait, et l'employé l'a renvoyé. Il fallait que je fasse une demande à

 18   part pour qu'une page soit photocopiée. Donc il faut que j'écrive une

 19   deuxième page de requête pour qu'une page soit photocopiée.

 20   Et il faut aussi que je complète un imprimé qui nous est donné à

 21   nous, accusés qui nous défendons tout seuls, pour que ce formulaire

 22   accompagne nos requêtes. J'ai essayé une autre fois suite à une demande du

 23   Président du Tribunal d'envoyer quelque chose sur trois pages, une requête

 24   sur trois pages. La situation s'est réitérée. Moi, on ne me laisse pas

 25   envoyer de requêtes. En fait, tout ce que je peux faire, c'est rédiger des

 26   requêtes présentées par mes collaborateurs par fax, et une fois que je

 27   signe, ils les réexpédient. Mais quand moi je dois réagir d'urgence par une

 28   requête, on m'entrave toute expédition d'écritures.


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  1   Alors, début janvier, j'ai demandé à ce que viennent me rendre visite

  2   trois amis personnels. J'ai obtenu un calendrier pour la visite, puis je

  3   reçois un courrier de la part du Greffe me disant que depuis toujours

  4   j'avais l'autorisation de recevoir deux représentants enregistrés du Parti

  5   radical serbe, et les autres ne pouvaient pas venir me rendre visite. Mais

  6   moi, je n'ai pas dit que c'étaient des gens qui me rendaient visite en leur

  7   qualité de membres du Parti radical serbe mais en qualité d'amis

  8   personnels. Ça fait neuf ans que je ne peux pas recevoir de visite de mes

  9   amis personnels parce que le Greffier dit : Ah, c'est un fonctionnaire, un

 10   représentant du Parti radical serbe, c'est un député. Il y en a deux qui

 11   sont sur la liste, les autres, non.

 12   Mais tous mes amis sont des membres du Parti radical serbe. Je n'ai

 13   pas un seul ami hormis ceux qui font partie des rangs du Parti radical

 14   serbe. Alors que d'autres reçoivent la visite de commandants de guerre, de

 15   subordonnés, de supérieurs, de ceci, cela, moi je ne peux recevoir

 16   personne, si ce n'est les membres de ma famille au sens le plus strict de

 17   ce terme. Alors, est-ce que c'est me chicaner de façon systématique ? Est-

 18   ce que c'est là une création d'une situation de stress et tout ce qui se

 19   passe en sus ?

 20   Alors, par surcroît, il y a un problème essentiel dont j'ai voulu

 21   parler aujourd'hui, c'est celui du rapport de l'Amicus Curiae, de l'ami de

 22   la Chambre --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, avant de parler du rapport de l'ami

 24   de la Chambre, pour terminer la question des communications avec vos

 25   collaborateurs, effectivement, nous avons appris que le Greffier avait mis

 26   sous écoute vos communications avec vos collaborateurs, et j'en savais pas

 27   la raison. Et puis, ces derniers temps, j'ai découvert que son action était

 28   motivée par le fait que sur votre site Web, le Greffier a allégué qu'il y


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  1   avait donc la révélation de noms de témoins protégés. Et en application du

  2   Règlement sur la détention, il a décidé de vous mettre sous écoute car il

  3   était possible que vos communications soient le moyen d'interférer dans

  4   l'intimidation des témoins.

  5   Et vous en avez été saisi par lettre officielle du 12 octobre 2011.

  6   J'ai découvert cette lettre qu'il y a quelques jours. A l'époque, le

  7   Greffier ne nous en avait pas communiqué la teneur. Bien. Nous avons, bien

  8   entendu, vu l'impact sur votre système de Défense, évidemment; mais d'un

  9   autre côté, nous savions que le fait que vous étiez sous écoute ne vous

 10   empêchait quand même pas de téléphoner avec vos collaborateurs, surtout

 11   pour préparer des mémoires, et cetera, et cetera. Bien.

 12   Mais la Chambre a fait part au Greffier de sa position, et c'est dans

 13   ces conditions qu'il y a quelques jours vous avez maintenant la possibilité

 14   de téléphoner avec vos collaborateurs sans être écouté. Voilà. Donc, dans

 15   le mois qu'il vous reste avant le 5 mars, vous aurez l'occasion de vous

 16   entretenir avec vos proches sur votre défense. Donc ce n'est pas arrivé

 17   comme ça par miracle. La Chambre a fait part de sa position, et le Greffier

 18   a décidé de modifier sa décision. Voilà ce que je voulais vous dire.

 19   Alors, vous vouliez aborder le rapport de l'ami de la Cour.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je ne vais pas mentionner d'éléments

 21   confidentiels afin que nous restions en audience publique.

 22   On m'a communiqué une version expurgée de ce rapport. Je n'ai jamais

 23   reçu le rapport complet. Et il n'y a pas de signature non plus de cet

 24   Amicus Curiae. Alors, pourquoi garde-t-on confidentiel ou clandestin le nom

 25   de cet ami de la Chambre ? Tout ce que je sais, c'est que c'est un

 26   Américain. Alors, qui est-ce qui le menace, lui, pour que son nom soit

 27   gardé confidentiel ? Vous ne faites qu'empêcher les investigations pour

 28   savoir de qui il s'agit afin de retrouver dans sa biographie des données


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  1   compromettantes.

  2   Alors vous voyez un peu de quoi ça a l'air, ce rapport. Regardez

  3   combien de parties caviardées il y a. Des fois, c'est des pages entières

  4   qui sont caviardées. C'est ce qu'on m'a communiqué en qualité de rapport.

  5   Et il faut que je me prononce à ce sujet. Mais de quoi ça a l'air ?

  6   Regardez, des pages entières de caviardées. Regardez combien elles sont

  7   nombreuses, ces pages. Alors ça, c'est quelque chose de compromettant au

  8   maximum pour le Tribunal de La Haye. Monsieur Antonetti, vous avez prononcé

  9   une opinion dissidente et vous avez critiqué ce rapport, mais vous avez

 10   quand même voté en faveur de son adoption. Ça, je n'arrive pas à le

 11   comprendre. Je n'ai pas du tout à formuler d'observations critiques au

 12   niveau de ce rapport puisque j'ai déjà les vôtres. Et au bout de toutes ces

 13   observations critiques que vous avez formulées lorsque vous avez

 14   disqualifié de façon radicale le rapport entier, vous avez fini par voter

 15   en faveur de son acceptation. Alors moi, dans ma vie, des choses pareilles,

 16   ça ne m'est jamais arrivé.

 17   Et quand j'ai une objection, ne serait-ce qu'un tant soit peu sérieuse pour

 18   un document, je ne voterais pas en sa faveur même si ma vie était en péril.

 19   Alors, comment on en vient à cela, je ne sais pas, mais il n'en demeure pas

 20   moins que c'est un élément de preuve, parce que ce nombre de pages

 21   caviardées, un tel nombre, ça veut dire qu'il y a là une sale manigance.

 22   L'Amicus Curiae n'avait pas pour mission d'examiner les faits ou les

 23   fondements juridiques de la demande qui a été adressée pour ce qui est de

 24   déterminer s'il y a eu outrage au Tribunal de Carla Del Ponte ou de ses

 25   collaborateurs. Il avait pour mission de tout tasser, de faire tasser les

 26   choses et de les mettre sous le tapis. C'est ça, la substance des choses.

 27   Quand j'ai déposé une plainte au pénal contre 40 témoins pour faux

 28   témoignage, là, on m'est tombé dessus par une argumentation la plus étrange


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  1   et la plus, dirais-je, terrifiante.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste pour vous répondre à titre personnel, puisque

  3   vous m'avez interpellé, peut-être avez-vous mal lu mon opinion. Et à ce

  4   moment-là, il faut que je précise ceci :

  5   Quand la Chambre a désigné un ami de la Cour, c'était pour lui

  6   demander s'il y avait des raisons de croire qu'il y avait eu des pressions

  7   par le bureau du Procureur sur les témoins. C'était la mission de l'ami de

  8   la Cour. L'ami de la Cour fait son travail et répond non. Comme la Chambre

  9   lui avait posé la question, la Chambre a été tenue par sa réponse. Donc il

 10   a dit non. Pour moi, c'est non. Mais néanmoins, j'ai jugé utile de

 11   remarquer que j'aurais pu peut-être aboutir à la même conclusion que l'ami

 12   de la Cour, mais encore aurais-t-il fallu qu'il y ait un certain nombre de

 13   formalités accomplies. Voilà. Donc, il n'y a pas de contradiction. L'ami de

 14   la Cour, la Chambre lui pose une question, il répond non, il n'y a pas eu

 15   de pression. C'est terminé. Donc à partir de là, la Chambre a rendu sa

 16   décision rejetant votre plainte.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Et par ailleurs, ça ne me venait pas à l'esprit,

 19   mais mon collègue me le rappelle. Nous n'avons pas non plus admis le

 20   rapport de l'ami de la Cour comme élément de preuve. Ça n'avait pas lieu

 21   d'être. On lui a demandé y a-t-il de raison de croire, il dit non, il n'y

 22   en a pas. Donc, c'est terminé. Ce n'est pas un élément de preuve. Alors,

 23   vous avez dit qu'effectivement il y a des pages qui ont été caviardées;

 24   effectivement. Mais pour des raisons de protection des témoins ou des

 25   personnes jouissant d'une forme d'immunité, et ce qui a été caviardé ne

 26   vous porte préjudice en rien. Croyez-moi, on a réfléchi à tout cela. Et la

 27   majorité du rapport, vous l'avez en public, et le résultat, tout a été

 28   public. Voilà ce que je voulais vous dire.


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  1   Monsieur Seselj, il nous reste cinq minutes avant la pause.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, c'est justement ça qui pose

  3   problème, c'est parce que je suis convaincu que toutes les parties

  4   caviardées me seraient profitables d'emblée. J'en suis convaincu. Je ne

  5   pense pas qu'on aurait caviardé si cela me portait préjudice, n'est-ce pas.

  6   Et une autre chose qui vous concerne directement, Monsieur Antonetti,

  7   puisque vous avez décidé de réagir suite à ces points-là, il s'agit d'une

  8   décision qui a été prise suite à la promotion que vous avez reçue de la

  9   part du Procureur disant que Zoran Drazilovic et le Témoin 026 se

 10   trouvaient à La Haye, qu'ils sont venus déposer dans une affaire pour

 11   outrage, et qu'ils auraient pu être cités pour l'affaire au fond, parce que

 12   précédemment, pour cause de maladie, ils n'étaient pas disponibles.

 13   Et la Chambre de première instance a rejeté cela. Je ne veux pas

 14   rentrer dans le fond de la décision. Elle est confidentielle. Je ne vais

 15   exposer aucun des arguments. Une seule chose qui vous concerne

 16   personnellement, si vous n'y opposez pas, il s'agit de votre opinion

 17   individuelle, où vous ne parlez que de moi.

 18   Et vous dites, page 9, de votre opinion individuelle. Ces deux

 19   témoins. Premièrement, vous dites que les deux souffrent de maladie grave.

 20   Donc ces deux témoins sont néanmoins venus sur demande de l'accusé Seselj,

 21   qui a tenu compte uniquement de son intérêt personnel. Et cela est

 22   souligné, intérêt personnel. Il n'a pas tenu compte, me semble-t-il, du

 23   risque que cela a constitué pour la santé de ces témoins, même si sur le

 24   plan de la procédure il avait à sa disposition les moyens qui lui auraient

 25   permis de se procurer les déclarations de ces témoins par le truchement de

 26   la Chambre en application de l'article 92. Donc leur déclaration aurait pu

 27   être versée au dossier. Donc il n'était pas utile de les faire venir en

 28   compromettant leur état de santé par cela.


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  1   De cette manière-là, de manière brutale, vous lancez une attaque

  2   contre ma moralité, mon caractère. Vous estimez que je suis prêt à faire

  3   cela pour servir mon intérêt personnel. Mais en fait, je conteste l'examen

  4   de vos médecins qui ont dit qu'ils ne pouvaient pas se déplacer. Ils ont

  5   pris l'avion, ils sont venus. L'un d'entre eux s'est fait accompagner de

  6   son épouse. Ils ont passé de moments très agréables à La Haye. Le soir, on

  7   peut sortir ici. Ils sont venus dans le prétoire, ils ont déposé. L'un

  8   d'entre eux a voulu me dire bonjour. Nous nous sommes embrassés en plein

  9   prétoire. Ils sont revenus à Belgrade, sans aucun problème médical, aucun.

 10   Alors pourquoi est-ce que je les ai fait venir ? Parce que je savais,

 11   grâce à leurs médecins personnels, qu'ils pouvaient venir sans courir un

 12   risque, or vos experts de La Haye ont dit, non, non, non, ils ne peuvent

 13   pas se déplacer, parce que le Tribunal de La Haye ne souhaitait pas les

 14   voir ici.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin 26 - et je ne dis pas le nom - Témoin

 16   26, il avait été question qu'il vienne déposer. Ça, c'est vrai, vous avez

 17   tout à fait raison. La Chambre voulait qu'il vienne. Moi-même, j'ai voulu

 18   qu'il vienne. On avait ordonné une expertise, et l'expert nous a dit non,

 19   il ne peut pas parce qu'il est malade, et cetera. Bon.

 20   Donc, on ne l'a pas fait venir.

 21   Sur ce, voilà qu'on découvre dans une autre procédure, il vient. Bon.

 22   Il vient, ça s'est bien passé. Tant mieux pour lui. Alors dès deux choses :

 23   l'une, ou l'expert qui nous a dit qu'il ne pouvait pas, s'est trompé, c'est

 24   possible; ou, son état est précaire, mais il est venu témoigner en votre

 25   faveur. Voilà, c'est ça que j'ai dit.

 26   Monsieur Marcussen, je n'ai pas donné de noms. J'ai dit Témoin 26.

 27   M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis debout pour

 28   une autre raison et pour une précision.


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  1   Cette audience administrative se tient maintenant depuis une heure et

  2   demie, et l'accusé a pris la parole pour quasiment tout ce temps d'une

  3   heure et demie. Il y a différents points que je souhaite aborder, et je

  4   souhaite demander des précisions. Est-ce que nous allons faire une pause ?

  5   Est-ce que c'est la fin de cette audience administrative ou est-ce qu'il y

  6   aura une autre audience ?

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire une pause, et puis on va continuer

  8   après.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je saisis l'occasion. Il me reste deux

 10   minutes pour qu'on règle cette question.

 11   Monsieur Antonetti --

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous savez ce qui pose problème ici,

 14   Monsieur Antonetti ? L'état de santé de ces deux témoins n'a pas connu de

 15   changement, que ce soit au moment de l'expertise par votre expert, où il a

 16   dit non, ils ne peuvent pas se déplacer, et lorsqu'ils se sont déplacés, il

 17   n'y a pas eu de changement. Le problème c'est que le Greffe a nommé le

 18   médecin qui allait se prononcer contre leur déplacement, qui allait même

 19   dire qu'ils ne pouvaient pas supporter une visioconférence. Vous vous

 20   souviendrez, pour le 026, je dis au moins qu'il témoigne par

 21   visioconférence. Et votre expert, nommé par le greffier, a dit non, non,

 22   non, cela non plus n'est pas possible, puis je l'ai fait venir à La Haye,

 23   et il a pu déposer sans aucun problème, tout à fait normalement.

 24   Son état de santé, je ne pense pas qu'il soit plus mauvais que le

 25   mien. Certes, il a des problèmes de santé, c'est clair. Mais il peut se

 26   déplacer, il mène une vie plus ou moins normale. Donc, je ne vois pas ce

 27   qui aurait pu poser problème. Pour moi, qu'est-ce qui aurait pu constituer

 28   un problème, ce témoin a reconnu publiquement que le Procureur a exercé des


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  1   pressions sur lui pour qu'il fasse un faux témoignage dans l'affaire

  2   Milosevic. C'est ça qui pose problème. C'est la raison pour laquelle le

  3   Greffe a décidé de trouver un médecin qui allait se prononcer contre tout

  4   déplacement de ce témoin, que ce soit physiquement ou par visioconférence.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause de 20 minutes et on reprend à 4

  6   heures 20.

  7   --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.

  8   --- L'audience est reprise à 16 heures 21.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 10   Alors, les interprètes nous ont dit que normalement il était prévu qu'on

 11   arrête à 4 heures de l'après-midi. Ils peuvent faire 30 minutes de plus,

 12   donc j'invite M. Seselj à faire court maintenant. Et puis, j'espère que le

 13   Procureur n'aurait pas trop non plus de questions à soulever.

 14   Alors, Monsieur Seselj, vous avez compris, on a 30 minutes tout compris.

 15   Alors, allez à l'essentiel.

 16   Etant précisé qu'il faudra que M. le Procureur réponde sur la question des

 17   600 pages pour nous dire s'il est d'accord pour qu'on autorise ou s'il est

 18   contre. Et la Chambre rendra une décision.

 19   Monsieur Seselj.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaitais aborder encore plusieurs

 21   remarques qui seraient plus courtes.

 22   Vous vous souviendrez, à un moment donné une procédure disciplinaire a été

 23   amorcée contre Boris Aleksic, mon conseiller juridique. Cette procédure a

 24   été lancée par le Greffe devant la Chambre des avocats. Et ça a été perdu

 25   par le Greffe. Boris Aleksic a été entièrement acquitté pour ce qui est de

 26   sa responsabilité disciplinaire.

 27   Donc tout cela n'a eu pour objectif que de me rendre la tâche

 28   difficile pour, en fait, occuper mon conseiller juridique par cela, et


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  1   comme ça il n'était pas disponible pour m'aider.

  2   Mais finalement, aucune conséquence pour le Greffe. Ne devrait-il pas

  3   subir des conséquences ? Est-ce qu'il est libre de faire tout ce qui lui

  4   chante et qu'après il n'y ait aucune sanction ? Ici, le Greffe est plus

  5   puissant que n'importe laquelle de vos Chambres de première instance. Est-

  6   ce qu'en France une telle chose pourrait se produire ? En Italie, au

  7   Danemark ? Je suis certain que non. Je suis certain que nulle par ailleurs

  8   au monde le Greffe ne dispose de telles attributions, de telles ingérences.

  9   Ici, il est absolument sans pareil. Je ne sais pas jusqu'à quand cela

 10   pourra durer comme ça.

 11   Alors, l'année dernière, vous avez pris un très grand nombre de décisions

 12   qui n'étaient pas raisonnables. A mon sens, elles n'étaient pas

 13   raisonnables, et je vais le démontrer. Eh bien, par ces décisions, vous

 14   avez accepté toutes les requêtes de l'Accusation demandant le versement au

 15   dossier d'un certain nombre de documents que vous aviez rejetés de par le

 16   passé, en 2007, 2008, 2009, 2010, puis quasiment tout cela a été versé au

 17   dossier en 2011 par votre décision. Alors c'est une preuve de plus à mon

 18   sens que le Procureur a vu s'effondrer sa cause, que le procès contre moi

 19   s'est effondré, et maintenant vous essayez de faire feu de tout bois. Même

 20   que Babic a promu quelqu'un, je ne sais pas où, cela constitue une preuve

 21   pertinente à vos yeux désormais contre moi. Eh bien, c'est proprement

 22   invraisemblable. Et il a fallu que j'en parle pour que le public l'entende

 23   et que ce soit consigné au compte rendu d'audience.

 24   Monsieur Antonetti, parmi les choses qui concernent aussi votre attitude

 25   vis-à-vis de moi, je souhaite ajouter quelque chose.

 26   En tant que conseiller d'un criminel de guerre, à savoir de Jacques

 27   Chirac, au moment du bombardement de la Serbie, donc non seulement vous

 28   vous êtes permis de faire un commentaire au sujet de mon intérêt personnel,


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  1   l'intérêt que j'avais à sacrifier des gens, donc les témoins, vous dites

  2   que l'accusé qui est un professeur de droit, lorsqu'il dispose d'un certain

  3   nombre de moyens, eh bien, j'aurais pu verser l'expertise qui a été faite à

  4   mes frais pour contrecarrer la première expertise. Mais je ne vois pas de

  5   quels moyens vous parlez. Vous me conseillez un autre endroit de mendier ?

  6   Parce que mon parti politique compte un grand nombre de sympathisants, que

  7   j'aille rassemblé des sous, que chacun me donne un sou pour que je puisse

  8   me financer ? Ecoutez, je n'ai pas besoin d'experts internationaux quels

  9   qu'ils soient.

 10   Les médecins de ces deux témoins m'ont dit ce qu'ils m'ont dit,

 11   qu'ils pouvaient se déplacer sans en courir un risque important. Et c'est

 12   ce qu'ils ont fait, et il n'y a pas eu de risque. Mais vous, vous étiez

 13   tellement envieux et vous m'avez attaqué, et puis vous dites : J'interprète

 14   cela comme un truc médiatique lancé par l'Accusation parce qu'ils ont donné

 15   beaucoup d'entretiens, ils se sont déjà produits à la télévision, et

 16   cetera. Donc, pourquoi est-ce qu'on chercherait à diffuser leur image à la

 17   télévision puisque cela a déjà été fait ?

 18   Mais quelle haine, quel concentré de haine ne serait-ce que dans

 19   cette seule phrase. Et je me réjouis que vous ayez rédigé cette phrase. Et

 20   je m'en réjouis pour le public serbe qui vous appréciait à un moment donné.

 21   Il y a eu un journaliste qui a déclaré --

 22   Monsieur Antonetti, je veux juste terminer, juste terminer, si vous

 23   avez un peu de patience. Sinon, je n'ai plus rien à dire.

 24   Un journaliste en Serbie a dit que si vous aviez déposé votre

 25   candidature aux élections serbes, vous auriez dépassé le census [phon] pour

 26   sûr après votre opinion dissidente en application du 98 bis. Cependant,

 27   après ceci, non seulement vous n'auriez pas dépassé le census, mais ce type

 28   de respect de la part de l'opinion publique serbe n'existera certainement


Page 17100

  1   plus. Le Parti radical serbe, sans ma présence aux élections, va obtenir de

  2   bons résultats. Et ce qu'a imaginé votre ami, Maurice Gourdault-Montagne,

  3   et ses collaborateurs américains et britanniques, ne pourra pas être

  4   réalisé, ne pourra pas ce faire. Et lorsque je mourrai ici, je continuerai

  5   quand même à vous combattre.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous évoquez une opinion. Je ne me

  7   rappelle plus, j'en ai tellement fait. Je ne m'en rappelle plus. Vous

  8   pouvez citer exactement la phrase que vous me reprochez ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est votre opinion dissidente du 4 août 2011.

 10   La dernière phrase, 4 août 2011, page 10. Votre dernière 

 11   phrase :

 12   J'interprète l'arrivée de ces deux témoins comme étant un truc médiatique,

 13   une astuce médiatique de l'accusé, parce que d'après ses propos et d'après

 14   les propos de l'Accusation, ils ont accordé bon nombre d'interviews et

 15   elles ont été diffusées sur les petits écrans. Pourquoi les ferait-on

 16   passer à la télévision puisque ça a été déjà fait ?

 17   Donc vous êtes en train de polémiser [phon] avec moi sur le plan politique.

 18   C'est la dernière des phrases que vous ayez énoncées dans votre opinion

 19   dissidente.

 20   Et même Mme Lattanzi, dont je ne m'attendais pas du tout à ce type de

 21   chose, s'y est opposée et a été favorable au déplacement de ces deux

 22   témoins. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle dise cela, étant donné qu'elle

 23   est constamment hostile à moi pendant tout ce procès.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je relirai mon opinion, parce que j'ai pas un

 25   souvenir marquant de cet épisode.

 26   Monsieur Marcussen, vous vouliez prendre la parole. Je vous la donne.

 27   M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Messieurs et Madame les Juges.

 28   J'aimerais commencer par présenter trois membres de l'Accusation que vous


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  1   ne connaissez peut-être pas. Mme Rachel Hochhauser, Mme Vega Iodice, et M.

  2   Arthur Traldi.

  3   Madame et Messieurs les Juges, je voudrais qu'il soit consigné au procès-

  4   verbal, parmi autres choses : l'accusé dit qu'il ne sait pas qui est

  5   l'Amicus Curiae, et donc il en a subi un préjudice. J'aimerais que ce soit

  6   consigné au procès-verbal. Il a en fait été informé du nom de cette

  7   personne. Cela est dans une décision confidentielle en date du 2 décembre

  8   2010. Donc il a eu la possibilité de se renseigner davantage s'il le

  9   souhaitait.

 10   Autre chose que je voulais soulever par souci d'économie de temps --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : On a fait des recherches. On a même rendu public le

 12   nom.

 13   M. MARCUSSEN : [interprétation] C'était ainsi mon souvenir, mais on n'a pas

 14   pu le retrouver.

 15   Sur la question que vous avez adressée à l'Accusation, à savoir la question

 16   concernant la longueur de la soumission de l'accusé, nous nous sommes

 17   prononcés contre. Et vous avez rendu une décision, et cette décision doit

 18   être confirmée. Et à la lumière de l'examen que vous avez fait de cette

 19   soumission et au fait qu'il n'y a pas de notes en bas de page, je pense

 20   qu'il est nécessaire de maintenir les normes en la matière, et nous ne

 21   pouvons pas accepter une soumission sans notes en bas de page.

 22   Donc, si une soumission est défectueuse, il faut en tirer les

 23   conséquences.

 24   Il n'y a pas de raison -- premièrement, l'accusé n'a pas demandé que

 25   votre décision soit renversée et a reconnu qu'il a soumis ce mémoire par

 26   provocation. Vous ne devez pas revoir votre décision proprio motu.

 27   La direction sur la déposition des mémoires de clôture montre bien

 28   que ces mémoires ne doivent pas comporter plus de 200 pages. Si l'accusé


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  1   avec ses associés ont produit au mois de septembre un mémoire de 500 pages,

  2   ils savaient très clairement que ceci dépasserait les normes, et ils n'ont

  3   fait aucune tentative pour se conformer à la limite quant au nombre de

  4   pages.

  5   L'accusé a pu communiquer avec ses conseils ou avec ses conseillers

  6   juridiques afin de mettre les touches finales à ce mémoire. Ses

  7   communications étaient sur écoute, mais comme le Président l'a bien dit,

  8   cela ne l'a pas empêché de parler de son mémoire. Et l'Accusation est

  9   contre toute accusation comme quoi l'Accusation reçoit des informations de

 10   toute partie au sein du Tribunal quant aux informations -- informations,

 11   donc, sur le contenu de ses communications qui font l'objet d'écoute. Donc

 12   l'accusé peut librement parler de tout sujet avec ses associés sans que

 13   l'Accusation n'ait accès à ces informations, quelles qu'elles soient.

 14   Nous pensons qu'il faut qu'il y ait égalité d'armes et que l'accusé

 15   ne doit pas avoir la possibilité de présenter un mémoire qui fait deux fois

 16   la longueur du mémoire de l'Accusation et qui est défectueux quant à la

 17   forme, ce qui fait qu'il est très difficile de répondre à ce mémoire quand

 18   il n'y a pas de citations. Il y a eu d'autres soumissions de cette nature

 19   qui ont été effectuées par l'accusé. Nous avons sa motion au titre de la

 20   Règle 91 qui était une motion de 230 pages, donc beaucoup trop longue. Et

 21   pareillement, comme le mémoire qui vient d'être présenté, sans références,

 22   sans notes en bas de page, donc pas dans la bonne forme. Et donc, il ne

 23   doit pas être retenu.

 24   Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je voulais appeler l'attention de M. Marcussen

 26   et de M. Seselj. Le 5 mars, dans un mois, il y aura donc réquisitoire et

 27   plaidoirie. Lorsqu'il y a un réquisitoire, l'accusé laisse se dérouler le

 28   réquisitoire sans intervenir. Et lorsque l'accusé plaide, le Procureur se


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  1   tait également et laisse la plaidoirie. Simplement, les parties ne doivent

  2   pas, dans leur réquisitoire ou dans leur plaidoirie, citer des noms de

  3   témoins protégés. Si c'est le cas, nous serons dans l'obligation de

  4   procéder à des expurgations.

  5   Donc, dans le réquisitoire ou dans les plaidoiries, s'il y a des

  6   témoins à citer, vous indiquerez les numéros et vous éviterez de donner des

  7   facteurs d'identification. Voilà, ce sont des règles bien comprises dans

  8   les tribunaux. On doit écouter le réquisitoire dans le strict silence et la

  9   plaidoirie dans le strict silence, étant précisé que dans un procès pénal

 10   c'est l'accusé qui a toujours la parole en dernier.

 11   Si je comprends bien, donc, Monsieur Marcussen, vous êtes contre une

 12   extension du nombre de pages pour M. Seselj.

 13   Alors je vais consulter mes collègues.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors la Chambre va rendre une décision écrite très

 16   rapidement là-dessus.

 17   M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y a juste une brève remarque que

 18   j'aimerais faire, pour être tout à fait clair, Madame, Messieurs les Juges.

 19   L'Accusation s'oppose en raison du vice de forme du mémoire en

 20   clôture parce qu'il n'y a pas de citations comme il se doit. D'après ce que

 21   j'ai compris, Madame, Messieurs les Juges, vous avez examiné cela, et

 22   d'après ce que j'ai compris, vous avez dit qu'il s'agit donc du mémoire et

 23   qu'il comporte un vice de forme notable, et hormis cela, le nombre de pages

 24   est beaucoup trop important. Il n'y a pas d'égalité des armes lorsque

 25   l'accusé peut rédiger un nombre aussi important de pages par opposition aux

 26   pages que peut rédiger l'Accusation.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les quelques minutes qu'il nous reste, Monsieur

 28   Seselj, voulez-vous reprendre la parole ?


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien sûr.

  2   En fait, je ne suis guère intéressé par tout ce que M. Marcussen

  3   vient de nous dire. Il a mentionné le fait qu'en décembre 2010, on ait

  4   dévoilé le nom de l'ami de la Chambre -- de l'ami de la Cour. Où est-ce que

  5   ceci se trouve être dit et où est-ce que ce document le reprend ? Pourquoi

  6   le document est caviardé de la sorte ? A quoi cela sert, cette observation

  7   ? Vous voulez que je me souvienne de ce qui a été dit en 2010 ? Pourquoi

  8   voulez-vous que je le retienne ? Il faut que j'aie sur papier noir sur

  9   blanc les nom et prénom. Et tous les rapports d'expert qu'on a vus avaient

 10   des curriculum vitae de ces experts, tous. Vous vous souviendrez du Slovène

 11   qui est venu ici pour interpréter les journaux ou les carnets de Mladic, et

 12   tous les autres. Pourquoi celui constituerait-il une exception ?

 13   Deuxièmement, je voudrais saisir cette opportunité, les quelques minutes

 14   qui nous restent, pour parler encore un peu des agissements de M.

 15   Antonetti.

 16   Monsieur Antonetti, vous avez cette année-ci -- ou plutôt, en 2011,

 17   vous avez été fort actif. Vous avez écrit beaucoup de choses. Et vous avez

 18   prononcé ou rédigé beaucoup d'opinions dissidentes. Il n'a pas suffi ce

 19   qu'a fait la Chambre contre moi, mais il a fallu que vous en rajoutiez.

 20   Alors je vais vous donner un exemple tiré d'un document public. Vous avez

 21   prononcé une opinion dissidente avec une décision pour ce qui est de

 22   l'opinion de l'accusé concernant la présentation de ses éléments à

 23   décharge.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je sais à l'avance ce que vous allez dire, que ceci

 25   n'a pas lieu à rentrer dans les questions administratives.

 26   M. MARCUSSEN : [aucune interprétation] 

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, c'est une question administrative.

 28   M. MARCUSSEN : [interprétation] L'accusé a dit qu'il allait utiliser le


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  1   temps qui lui restait pour faire différentes allégations. A mon sens, les

  2   Juges de la Chambre ne lui ont pas donné du temps pour ce faire. Il doit,

  3   me semble-t-il, traiter des questions purement administratives, et il

  4   continue à avoir cet échange ou ce débat avec le Président de la Chambre

  5   sur son opinion distincte.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous me connaissez, j'aurais pu

  7   couper la parole. Bon.

  8   Donc, terminez en évoquant une opinion individuelle.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes. Mais tout ça, ce sont des questions

 10   administratives qui puissent se couronner par une demande d'exception

 11   préjudicielle. Mais je ne vais pas la présenter, j'estime que sur -- enfin,

 12   si ce n'est pas les trois Juges que j'ai en face de moi, il n'y a pas mieux

 13   dans le Tribunal. Ils ne peuvent être que pire. Je pourrais donc demander

 14   que vous soyez remplacés, mais je ne vais pas le faire.

 15   Alors, suite à cette opinion dissidente, après toutes mes requêtes

 16   formulées pour la présentation des éléments à décharge, en page 9, vous

 17   avez dit :

 18   "Pour ce qui est du meeting de Zvornik en mars 1992 et de Hrtkovci en

 19   mai 1992, l'accusé a reconnu avoir été présent à l'occasion de ces

 20   meetings, mais il a contesté avoir prononcé les propos qui lui sont

 21   reprochés par l'Accusation."

 22   Or, vous, vous devancez le jugement rendu. Je n'ai jamais reconnu que

 23   j'avais pris la parole au meeting de Mali Zvornik en mars 1992. Je vous ai

 24   prouvé ici que ce meeting a eu lieu en 1990.

 25   Et ça, je vous ai présenté toutes les preuves qu'il y avait à

 26   l'appui, et il n'y a pas eu de meeting là-bas du tout en mars 1992. Et

 27   suite à ces éléments de preuve, vous rédigez quelque chose aussi

 28   arbitraire. Et il m'a fallu évoquer ceci comme étant une question


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  1   administrative.

  2   Il y en a encore, une opinion dissidente de votre part, et c'est un

  3   document public une fois de plus, au sujet de ma demande d'interruption du

  4   procès.

  5   Vous avez considéré que j'étais en partie responsable de la durée de

  6   ce procès pendant huit ans. Avant c'était huit ans, maintenant c'est neuf

  7   ans. Le 24 février, ça fera neuf ans. Alors vous vous demandez pourquoi, et

  8   vous dites :

  9   "L'accusé qui est de par sa profession professeur de droit, homme

 10   politique en vue dans son pays, à l'occasion de son arrivée à La Haye,

 11   avait disposé de plusieurs années pour se préparer au procès. Bien entendu,

 12   il s'est préparé, et je me dois de constater qu'il a gaspillé son temps

 13   parce qu'en continuant à vaquer à des activités politiques dans son pays et

 14   en rédigeant plus d'une centaine de livres avec plus de 100 000 pages au

 15   total."

 16   Alors, voilà là où le bât blesse. Vous ne contestez pas le fait que

 17   je me sois préparé. Or, moi, j'aurais ajouté un superlatif, je me suis

 18   mieux préparé que l'Accusation. Bien mieux. J'ai écrabouillé ses arguments,

 19   j'ai écrabouillé ses faux témoins et son acte d'accusation erroné. Mais ce

 20   qui vous dérange, c'est le fait que j'aie gaspillé mon temps en vaquant à

 21   des activités politiques de façon active. Parce qu'en dépit de tout ce que

 22   les services occidentaux ont fait contre le Parti radical serbe, et je vous

 23   ai donné le nom une fois d'un homme du Renseignement français qui avait

 24   essayé d'enrouler Tomislav Nikolic [phon] et Aleksandar Vucic. C'est

 25   consigné. Je n'ai plus en mémoire les références, mais vous vous en

 26   souviendrez. Le problème c'est que j'ai réussi à préserver le Parti radical

 27   serbe au bout de neuf ans de détention. Et tout avait été fait pour que ce

 28   parti change de camp. Il y a eu de traîtres dans nos rangs, en effet, mais


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  1   nous les avons mis à l'écart. Et vous allez voir aux élections quelle est

  2   la force du Parti radical serbe.

  3   Pour ce qui est de cette centaine de livres rédigés, mais personne ne

  4   pourrait le rédiger en si peu de temps. Et personne ne pourrait rédiger

  5   plus de 100 000 pages. Je n'ai fait que publier des recueils de documents,

  6   des documents de La Haye. Et j'ai publié tout un dossier de police. Ce qui

  7   est publié de la sorte reste pour l'histoire. C'est un témoignage pour la

  8   postérité. J'ai donné des idées, j'ai donné des instructions, et mes

  9   collaborateurs ont fait le reste. Alors, qu'est-ce que j'ai gaspillé ? Rien

 10   du tout. Vous dites que :

 11   "De mon avis, le temps qu'il a consacré à ces deux activités aurait,

 12   si ça avait été consacré à 100 % au procès, il est certain ou presque

 13   certain qu'on aurait terminé jusqu'à présent."

 14   Mais comment avez-vous pu rédiger chose pareille ? Qu'aurais-je pu

 15   encore consacrer à ce procès, alors que je ne l'ai pas fait ? Quel est le

 16   temps dont vous parlez ? Alors que j'ai au maximum été engagé dans ce

 17   procès, j'ai été toujours en position de supériorité dans ce prétoire et, à

 18   cause de moi, jamais il n'y ait eu de retard au niveau du procès, pas une

 19   seule journée. Alors, comment pouvez-vous dire que j'aurais pu accélérer le

 20   procès ? A moins d'avoir accepté les avocats imposés pour qu'ils fassent du

 21   cinéma en prétendant me défendre, comme on avait d'ailleurs imaginé et

 22   conçu la chose.

 23   Vous n'avez pas été d'accord non plus pour ce qui est de ma

 24   déclaration concernant le manque de moyens financiers, et vous dites

 25   qu'étant donné que je me trouve à la tête d'un parti politique de taille

 26   dans le pays, il y a certainement des assistants qui, sur la base du

 27   bénévolat, pourraient l'aider, comme le montre l'enregistrement vidéo qu'on

 28   peut voir sur son site vidéo. Il peut s'assurer qu'il bénéficie du soutien


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  1   populaire et qu'il y a de la bonne volonté du côté de la Russie, chose qui

  2   est susceptible de l'aider.

  3   Mais qu'est-ce que ceci peut vouloir dire ? Au lieu de voir le statut

  4   qui, en application de son propre statut, devrait trouver les moyens

  5   financiers pour financer ma défense et respecter l'égalité des armes, faire

  6   de moi un mendiant qui mendierait en Serbie et en Russie pour avoir des

  7   deniers pour sa défense, ou alors mes collaborateurs doivent-ils à l'infini

  8   m'aider gratuitement. Pourquoi ? Ils l'ont fait, ils l'ont fait de façon

  9   tout à fait gratuite, et je vais être débiteur de ces gens tout le reste de

 10   ma vie, à moins que les Nations Unies ne me payent une indemnisation. Mais

 11   pourquoi voulez-vous qu'ils travaillent gratuitement ? Pourquoi ceux qui

 12   sont venus ici pour l'Accusation ont travaillé pour l'Accusation, les

 13   nouveaux venus, pourquoi ne travailleraient-ils pas gratuitement ?

 14   Demandez-leur s'ils veulent travailler gratuitement ? Non, ils ne veulent

 15   pas. Donc il n'y a que mes collaborateurs à moi qui sont censés travailler

 16   gratuitement, et tous les autres doivent être bien rémunérés.

 17   Autre chose encore, vous affirmez s'agissant de votre décision --

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous passez en revue toutes mes phrases, j'en ai

 19   fait des centaines de pages, alors on risque d'être là toute la nuit. Donc

 20   --

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'aurais encore un paragraphe et je

 22   m'arrêterais là. Mais je peux rester toute la nuit, moi. Je n'ai jamais été

 23   pressé, moi.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous reste cinq minutes.

 25   M. MARCUSSEN : [interprétation] Pardonnez-moi. Si vous me le permettez,

 26   Monsieur le Président.

 27   Je suis debout depuis parce qu'il reste cinq minutes. L'Accusation n'a pas

 28   l'habitude d'interrompre l'accusé. C'est aux Juges de la Chambre d'arrêter


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  1   l'accusé, mais compte tenu de ce qui a été dit concernant le fait qu'il ne

  2   doit pas y avoir d'interruption pendant la plaidoirie et réquisitoire de

  3   l'une ou l'autre partie et des préoccupations soulevées par la Chambre, je

  4   crois qu'il est important de parler de la citation de témoins protégés et

  5   de la mention de témoins protégés.

  6   Je souhaite déposer une requête à l'intention de l'accusé en

  7   particulier et destinée aux parties, et je souhaite clairement indiquer que

  8   si des mentions sont faites pendant les plaidoiries ou réquisitoires à un

  9   témoin protégé, le reste de l'argument sera entendu à huis clos partiel.

 10   Parce que lorsque les réquisitoires et plaidoiries seront diffusés à

 11   l'extérieur, il y aura certainement des gens dans la galerie du public. Si

 12   l'accusé n'a pas l'intention de protéger le statut des témoins protégés,

 13   des mesures doivent être prises. Et c'est au témoin [comme interprété] d'en

 14   décider comment il va présenter sa plaidoirie. Mais s'il n'est pas disposé

 15   à respecter les informations confidentielles, nous faisons valoir dans ce

 16   cas qu'il faudra poursuivre à huis clos partiel.

 17   Et ce sera le choix de l'accusé, à savoir s'il souhaite avoir une

 18   audience publique ou une audience à huis clos partiel. Et l'Accusation

 19   demande à ce que vous déposiez une ordonnance dans ce sens.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que dit M. Marcussen est très important. Quand

 21   vous allez plaider, vous avez la liberté de la parole. Il est évident qu'il

 22   ne faudra pas l'user pour révéler le nom d'un témoin protégé, parce que,

 23   comme le dit M. Marcussen, il y aura des personnes en salle d'audience.

 24   Voilà. Et à ce moment-là, bien sûr, on peut expurger, mais les personnes

 25   qui sont là vont vous entendre. Alors, j'ose espérer que vous avez pas

 26   l'intention de révéler les noms de témoins protégés. Sinon, à notre

 27   désespoir, et ce sera le mien, on sera obligés de passer à huis clos.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, mais quand est-ce que j'ai,


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  1   en prétoire, donné le nom d'un témoin protégé ? Jamais. Partant des

  2   hypothèses formulées par l'Accusation, vous me mettez d'ores et déjà en

  3   garde. Ça, ça n'a de sens que si c'est adressé aux deux parties en même

  4   temps. Il ne faut pas considérer par avance quelle est la partie qui est

  5   susceptible de porter atteinte à ceci.

  6   Ce qui figure sur mon site, vous n'avez rien à en faire, parce que

  7   vous n'avez aucune preuve que je l'aurais fait auparavant. Et partant de

  8   ces sournoises suppositions, il ne vous est pas donné la possibilité de

  9   tirer des conclusions. Une fois, j'ai mentionné le nom d'un témoin, le

 10   colonel Vojnovic. Le Procureur est intervenu. Et tout a été transféré vers

 11   un huis clos. Et je ne me souvenais pas du fait que ce témoin avait été un

 12   témoin protégé. Au bout de plusieurs mois, il est arrivé au Procureur de

 13   mentionner le nom de ce témoin ou peut-être le Juge de la Chambre, alors je

 14   suis intervenu pour dire : Vous mentionnez le nom d'un témoin protégé, et

 15   puis vous constatez que ça n'a pas été un témoin protégé.

 16   Vous souvenez-vous de cette situation-là ?

 17   Ce colonel Vojnovic a témoigné en public. Moi, je vous ai cru sur

 18   parole pour croire que c'était un témoin protégé. Je ne pouvais pas tout

 19   garder en mémoire. Je n'avais pas ça noir sur blanc sous les yeux. Donc je

 20   vous ai fait confiance pour dire qu'il avait été -- enfin, pour penser

 21   qu'il avait témoigné avec des mesures de protection.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : -- acte du fait que vous nous dites que vous ne

 23   révélerez pas le nom de témoins protégés. C'est tout ce qu'on demande,

 24   hein. On n'en veut pas plus. Ça doit suffire. Bon.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, si je ne l'ai pas fait jusqu'à présent,

 26   pourquoi voulez-vous que je le fasse dorénavant ? Moi, ce qui m'arrange,

 27   c'est d'avoir des plaidoiries publiques, et un procès public en général.

 28   Alors, si vous me le permettez, je voudrais parler encore de ce


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  1   dernier paragraphe.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il faut qu'on termine parce que mes collègues

  3   me disent que c'est fini. Alors, en deux minutes, terminez.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une argumentation présentée par vous pour

  5   rejeter une demande que j'avais formulée pour des financements. En page 8

  6   de votre opinion dissidente, vous dites que vous pensez qu'il s'agit d'un

  7   faux problème parce que l'accusé, à bien des reprises, avait eu l'occasion

  8   à l'occasion des contre-interrogatoires des témoins de l'Accusation, à

  9   démontrer qu'il avait des connaissances encyclopédiques au sujet

 10   d'événements et de faits. Et que, sans l'aide de qui que ce soit, il est

 11   capable -- ou sans préparer -- d'avoir des notes préparées par ses

 12   collaborateurs pour se prononcer et de donner ses opinions sur tel ou tel

 13   sujet de façon fort précise.

 14   Donc je voulais dire par là que l'accusé qui prenait des prétextes

 15   pour ce qui est des obstacles à sa défense avait présenté un argument qui

 16   ne me semblait pas sérieux. Mais moi, je pourrais dire que M. Marcussen

 17   peut aussi disposer de connaissances encyclopédiques. Et vous allez

 18   probablement rire en votre for intérieur, je pourrais dire que lui, sans

 19   notes, pourrait conduire son affaire et défendre sa cause sans l'assistance

 20   de personne. Mais il a défilé ici du côté de l'Accusation au moins 20

 21   individus, et vous avez toléré le fait que j'aie été seul du côté de

 22   Défense tout le temps. A deux ou trois reprises, il y a eu deux ou trois

 23   conseillers qui sont venus pour deux ou trois heures. Et pour vous, ça vous

 24   semble normal. Et ça vous paraît normal que du fait de mes connaissances

 25   encyclopédiques, il s'avère non nécessaire de financer ma défense. Et de

 26   votre avis, le problème était un faux problème.

 27   Je me devais de le dire, Monsieur Antonetti, parce que ça vous

 28   concerne en personne et votre attitude personnelle à mon égard et à l'égard


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  1   de l'affaire qui nous intéresse.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Seselj.

  3   Il est donc temps de conclure. Nous nous reverrons donc le 5 mars.

  4   Merci.

  5   --- L'audience est levée à 16 heures 58 et reprendra le lundi, 5 mars

  6   2012, à 14 heures 15.

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