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1 Le lundi 5 mars 2012
2 [Réquisitoires]
3 [Audience publique]
4 --- L'audience est ouverte à 15 heures 32.
5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Madame, Messieurs les Juges. Il
9 s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 En ce lundi, 5 mars 2012, je salue toutes les personnes présentent,
12 M. Marcussen et ses collaboratrices, je salue également M. Seselj, je salue
13 toutes les personnes qui nous assistent.
14 Je dois vous présenter mes excuses, nous avons pris un léger retard
15 pour une cause totalement indépendante de ma volonté. Dans la décision que
16 nous avions rendue il y a quelque temps, nous avions indiqué que
17 l'Accusation aurait dix heures pour son réquisitoire, et la Défense -
18 représentée par M. Seselj - aurait également dix heures. Donc cette
19 première semaine va être consacrée au réquisitoire, et la deuxième semaine,
20 ça sera la plaidoirie.
21 Sur ce, Monsieur Marcussen, je vous donne la parole.
22 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
23 Madame, Messieurs les Juges, avant que je ne commence, je souhaite informer
24 les Juges de la Chambre de première instance que pour ce qui est de
25 l'Accusation, le conseil qui va présenter ses arguments sera un conseil
26 différent du mien. Il y aura Mme Biersay, qui est ici présente aussi
27 aujourd'hui, et MM. Mussemeyer et Hochhauser, Mme Iodice, ainsi que M.
28 Traldi. Nous n'aurons pas l'ensemble de l'équipe de l'Accusation dans le
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1 prétoire, et les différents conseils viendront dans le prétoire au fur et à
2 mesure de la présentation de leurs arguments.
3 Je souhaite également indiquer aux Juges de la Chambre que l'Accusation
4 n'aura pas besoin de dix heures pour présenter ses arguments.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection à formuler.
6 Madame, Messieurs les Juges, j'estime que cinq représentants du
7 bureau du Procureur qui vont présenter un réquisitoire c'est trop peu. Je
8 pense qu'il faudrait qu'il y en ait au moins un par heure pour ce qui est
9 de leur présentation qu'ils vont faire, parce qu'ils ne sont pas capables
10 de tenir un discours de façon sensée pendant plus d'une heure.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous dites est hors de propos. Laissez
12 l'Accusation faire son réquisitoire. Ils le font comme ils veulent.
13 Poursuivez, Monsieur Marcussen.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
15 Madame, Messieurs les Juges, cela fait exactement 20 ans aujourd'hui que,
16 le 5 mars 1992, l'accusé avait juré que le Parti radical serbe était prêt à
17 s'opposer par tous les moyens disponibles à l'indépendance de la Bosnie-
18 Herzégovine. Il a menacé d'aucuns et il a déclaré que si ce pays déclarait
19 l'indépendance, il y aura, je cite, "des rivières de sang sur la terre de
20 Bosnie-Herzégovine." Cela se trouve à la pièce P1324. Le jour d'après,
21 après la menace de l'accusé, la Bosnie-Herzégovine a proclamé son
22 indépendance.
23 A la fin du mois de mars il y a 20 ans, des rivières de sang ont coulé en
24 Bosnie-Herzégovine à la manière dont ces rivières avaient coulé en Croatie
25 après sa déclaration d'indépendance.
26 Les menaces de l'accusé de rivières de sang sont devenues une réalité
27 particulièrement difficile pour le Témoin VS-1064. Le Témoin VS-1064 avait
28 22 ans à l'époque. Il est né et a vécu à Kostjerevo, à Zvornik. Personne ne
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1 l'a jamais regardé différemment parce qu'il était Musulman jusqu'au moment
2 où la guerre a éclaté en Croatie, et les Serbes en Bosnie-Herzégovine ont
3 commencé à se préparer à la guerre.
4 En avril 1992, les forces serbes ont attaqué et nettoyé la ville de
5 Zvornik de sa population non-serbe. Il n'y avait que quelques villages non-
6 serbes sur le territoire de la municipalité qui restaient encore à
7 nettoyer. L'un de ces villages était Kostjerevo. On avait promis aux
8 habitants de ce village que rien ne leur arriverait. Donc, lorsque la JNA
9 leur a ordonné de remettre leurs fusils de chasse, ils ont obtempéré.
10 Mais le 30 mai 1992, l'armée a attaqué leur village. Ils n'ont pas
11 riposté. Néanmoins, les habitants ont été contraints à quitter leurs
12 habitations, et les hommes ont été séparés des femmes et des enfants. Les
13 femmes et les enfants ont été chassés en direction de territoires occupés
14 par les Musulmans. VS-1064 était seul à cet endroit en compagnie de son
15 père et de ses trois frères, dont l'un n'avait que 17 ans. Les forces
16 serbes de la TO les ont détenus, ainsi que les autres hommes, dans le
17 centre de la culture de Drinjaca.
18 Les prisonniers n'ont reçu aucune nourriture, et pas d'eau. Les
19 gardiens les ont humiliés et les ont forcés à faire le salut à trois doigts
20 orthodoxe pour les autoriser à se servir de la salle de bains, mais
21 l'humiliation n'avait rien à voir avec ce qui les attendait. Peu de temps
22 après, un groupe des hommes d'Arkan ont fait irruption dans la maison de la
23 culture. Ils ont contraint les prisonniers à chanter des chants chetniks et
24 ils les ont insultés en les appelant des balija et des Oustachi. Ils les
25 ont frappés. VS-1064, son père et ses frères, tous les hommes ont été
26 frappés par les hommes d'Arkan. Ils ont frappé des prisonniers avec des
27 bâtons et les ont poignardés. Ils ont frappé les prisonniers si fort que
28 l'un d'entre eux a supplié, et je cite :
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1 "Donnez-moi un fusil pour que je puisse me tuer. Je n'en peux plus."
2 Après avoir poignardé un des prisonniers, le dirigeant du groupe,
3 avec un couteau encore ensanglanté à la main, a menacé, et je cite :
4 "Vous verrez ce que seront les Chetniks ce soir."
5 Ensuite, les hommes d'Arkan sont partis.
6 Dans la soirée, un groupe des hommes de Seselj est arrivé. VS-1064 se
7 souvient qu'il avait si peur qu'il n'osait pas les regarder. Il craignait
8 que si leurs yeux se rencontraient, ils allaient lui faire du mal. Ils ont
9 commencé à sélectionner les détenus et à les faire sortir par petits
10 groupes. Après que chaque groupe ait été emmené, VS-1064 a entendu des
11 coups de feu. Les hommes qu'on avait fait sortir ne sont pas revenus. Mais
12 les hommes de Seselj, eux, sont revenus.
13 Ensuite, c'était le tour de VS-1064. On l'a fait sortir, ainsi que
14 d'autres hommes de son village. Les hommes de Seselj ont commencé à tirer.
15 VS-1064 est tombé à terre, blessé. Les tirs ont cessé et les hommes de
16 Seselj ont commencé à tirer des tirs d'allégresse. Dès qu'ils sont entrés à
17 l'intérieur, VS-1064 a réussi à se lever et à s'enfuir. Il a vu un petit
18 groupe d'hommes qui gisaient sur le sol en béton à côté de lui. Ils étaient
19 tous morts, à l'exception d'un seul qui appelait sa mère.
20 Après la guerre, les victimes du massacre ont été exhumées. VS-1064 a
21 identifié les restes humains de son père ainsi que de ses trois frères
22 parmi les 88 cadavres.
23 Cette affaire concerne la responsabilité de l'accusé pour les crimes
24 commis contre VS-1064 ainsi que toutes les autres victimes des crimes
25 commis à Vukovar, Zvornik, la région de Sarajevo, Mostar, Nevesinje,
26 Hrtkovci, qui ont été prouvés en l'espèce. Les éléments de preuve montrent
27 au-delà de tout doute raisonnable que les crimes exposés à l'acte
28 d'accusation ont été établis. Plus particulièrement, des dizaines de
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1 milliers de civils non-serbes innocents, essentiellement croates et
2 musulmans, ont été transférés par la force et expulsés. Les Croates et les
3 Musulmans qui n'ont pas été chassés ont été détenus dans des conditions
4 inhumaines. Ils ont été frappés, torturés, violés ou soumis à d'autres
5 sévices sexuels. Neuf cent cinq personnes ont été tuées, la plupart dans le
6 cadre de massacres organisés ou dans des centres de détention. Des biens
7 croates et musulmans ont été pillés et détruits sans motif, et des édifices
8 religieux ont été détruits et profanés. Les Croates et les Musulmans ont
9 été persécutés par des actes tels que des licenciements, la privation de
10 leur retraite, et ont fait l'objet de mesures pour les empêcher de rentrer
11 chez eux après qu'ils en aient été chassés.
12 L'accusé a matériellement commis des crimes à Vukovar et Hrtkovci, et
13 il est responsable des crimes commis par les forces serbes, notamment les
14 hommes de Seselj, pendant la campagne de persécution en Croatie et en
15 Bosnie-Herzégovine en sa qualité de membre de l'entreprise criminelle
16 commune.
17 Les éléments de preuve démontrent également que l'accusé a incité à
18 commettre et a aidé et encouragé les auteurs des crimes imputés dans l'acte
19 d'accusation.
20 Le réquisitoire de l'Accusation abordera les questions suivantes : en
21 premier lieu, nous allons montrer que l'accusé était membre d'une
22 entreprise criminelle commune aux fins de commettre les crimes imputés dans
23 l'acte d'accusation. Moi-même, je vais présenter les arguments sur
24 l'existence de l'entreprise criminelle commune. Mme Biersay abordera la
25 contribution de l'accusé à l'entreprise criminelle commune, ainsi que sa
26 contribution lorsqu'il a incité à commettre des crimes et comment il a aidé
27 et encouragé les auteurs de ces crimes.
28 Deuxièmement, nous allons aborder les crimes imputés par l'acte
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1 d'accusation et commis dans le cadre de l'objectif commun de l'entreprise
2 criminelle commune. Mme Hochhauser parlera de Vukovar. M. Mussemeyer
3 parlera des éléments de preuve eu égard auxdites municipalités types en
4 Croatie et Bosnie-Herzégovine. Mme Iodice abordera, Madame, Messieurs les
5 Juges, la question de Zvornik et de la région de Sarajevo. M. Traldi
6 couvrira deux régions : Mostar et Nevesinje. Mme Biersay traitera des
7 crimes de l'accusé à Hrtkovci. Et pour finir, je conclurai en présentant
8 les arguments de la Défense [comme interprété] sur le prononcé de la peine.
9 Je vais maintenant présenter les arguments de l'Accusation concernant
10 l'entreprise criminelle commune telle qu'alléguée dans l'acte d'accusation.
11 Madame, Messieurs les Juges, les éléments de preuve indiquent qu'au-
12 delà de tout doute raisonnable, l'accusé a participé à la préparation et à
13 l'exécution d'une entreprise criminelle commune; son objectif commun qui
14 consistait à créer par la force des territoires ethniquement distincts en
15 Croatie et en Bosnie-Herzégovine. L'objectif criminel commun a été mis en
16 œuvre au moins à partir de la fin du mois d'août 1991, lorsque les forces
17 serbes ont mené une campagne de persécution massive contre les non-Serbes,
18 essentiellement des Croates et des Musulmans, en Croatie et en Bosnie-
19 Herzégovine. Les crimes commis à Vukovar, Zvornik, la région de Sarajevo,
20 Mostar et Nevesinje faisaient partie de cette campagne de persécution. Ces
21 crimes ont été commis par des forces serbes placées sous le commandement de
22 ou contrôlées par les membres de l'entreprise criminelle commune.
23 La plupart des crimes les plus odieux ont été commis par des volontaires
24 serbes recrutés, organisés et déployés par l'accusé. Ses volontaires
25 étaient tristement célèbres en raison de leur brutalité et de leurs crimes,
26 et ses volontaires étaient si étroitement associés à lui qu'on les appelait
27 communément Seseljevci - les hommes de Seseljevci. Les hommes de Seselj ont
28 participé à et ont commis les crimes dans toutes les municipalités imputées
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1 à l'acte d'accusation qui invoquent les faits incriminés.
2 Les forces de la JNA ont participé à et ont commis des crimes qui ont
3 été prouvés en l'espèce. Le membre de l'entreprise criminelle commune,
4 Slobodan Milosevic, président de la République de Serbie, contrôlait la
5 JNA. Des membres de l'entreprise criminelle commune, généraux de la JNA,
6 Veljko Kadijevic et Blagoje Adzic étaient les officiers les plus haut
7 gradés de la JNA.
8 Des membres de l'unité des opérations spéciales du MUP serbe,
9 généralement appelée les Bérets rouges, ont également participé à et ont
10 été auteurs de ces crimes. Milosevic contrôlait également le MUP serbe et
11 travaillait étroitement avec les membres de l'entreprise criminelle
12 commune, Jovica Stanisic, chef des services de la Sûreté du MUP serbe, et
13 de son adjoint, Franco Simatovic, alias Frenki. Et le MUP serbe a coopéré
14 étroitement avec un membre de l'entreprise criminelle commune, Zeljko
15 Raznjatovic, alias Arkan. Il contrôlait une organisation paramilitaire
16 appelée les hommes d'Arkan ou les tigres d'Arkan, qui a également commis et
17 participé aux crimes qui figurent dans l'acte d'accusation.
18 En Croatie, des membres de la police serbe locale et des forces de la
19 Défense territoriale ont commis des crimes et y ont participé. Ils étaient
20 placés sous le commandement et le contrôle de Goran Hadzic, membre de
21 l'entreprise criminelle commune, premier ministre de la SAO de Slavonie, de
22 Baranja et du Srem occidental, président du gouvernement de la SAO SBSO, et
23 plus tard, président de la RSK, la République serbe de Krajina; et membre
24 de l'entreprise criminelle commune, Radovan Stojicic, également connu sous
25 le nom de Badza, un commandant du MUP dans le SBSO en 1991.
26 En Bosnie-Herzégovine, des membres de la police serbe locale et des
27 forces de la Défense territoriale, ainsi que des membres de l'armée de la
28 Republika Srpska, la VRS, ont commis et ont participé à ces crimes. Ils
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1 étaient placés sous le commandement ou le contrôle du membre de
2 l'entreprise criminelle commune, Radovan Karadzic, le président du SDS en
3 Bosnie-Herzégovine, et à partir du 12 mai 1992, le président de la
4 présidence de la Republika Srpska, la RS; la membre de l'entreprise
5 criminelle commune, Biljana Plavsic, membre de la présidence RS; le membre
6 de l'entreprise criminelle commune, Momcilo Krajisnik, le président de
7 l'assemblée nationale serbe de la Republika Srpska qui contrôlait ces
8 forces également; et pour finir, le membre de l'entreprise criminelle
9 commune, Ratko Mladic, commandant de l'état-major principal de la VRS.
10 La participation de toutes ces forces aux crimes imputés dans l'acte
11 d'accusation était la conséquence d'une coopération étroite entre ces
12 membres de l'entreprise criminelle commune ainsi que d'autres, tels que
13 Radmilo Bogdanovic, qui a facilité l'armement des Serbes à la fois en
14 Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Les crimes ont été commis par ces forces
15 parce que l'accusé et d'autres membres de l'entreprise criminelle commune
16 étaient unis dans un but commun, à savoir la création d'un Etat serbe, que
17 je vais maintenant aborder.
18 L'unification des Serbes au sein d'une Grande-Serbie était une vision
19 que l'accusé avait caressé depuis longtemps et qui constituait un pilier
20 central de son programme politique. Dans le cadre de son programme
21 politique, l'accusé avait ressuscité l'idéologie chetnik ainsi que les
22 traditions militaristes de la Première et Deuxième Guerres mondiales.
23 L'objectif essentiel du Mouvement chetnik se résumait à une lutte pour
24 prendre le contrôle du territoire de la Grande-Serbie et assurer
25 l'expulsion des non-Serbes des zones convoitées pour conserver la dominance
26 serbe.
27 Pour faire connaître et promouvoir son objectif de Grande-Serbie, il
28 a créé un magazine, "Velika Srbija", ce qui signifie "Grande-Serbie". Sur
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1 la page de couverture du premier numéro de "Velika Srbija" se trouve une
2 carte de la Grande-Serbie. Pièce à conviction P38.
3 P26, que nous allons maintenant vous montrer à l'écran, nous montre la
4 vision qui était celle de l'accusé : la Grande-Serbie. Ceci comprend ce qui
5 correspond aujourd'hui à la Serbie, la Macédoine, le Monténégro, le Kosovo,
6 la Bosnie-Herzégovine et une grande partie de la Croatie.Comme il l'a
7 indiqué dans la P1175, l'accusé souhaitait amputer la Croatie là où passait
8 l'ancienne ligne serbe entre Karlobag, Ogulin, Karlovac et Virovitica, la
9 ligne KOKV qu'il revendiquait.
10 Madame, Messieurs les Juges, si vous regardez la partie qui se trouve en
11 haut à gauche de la carte -- je crois que nous avons des difficultés
12 techniques.
13 Si je puis vous demander, Madame, Messieurs les Juges, de vous
14 reporter à nouveau à la carte.
15 Si vous regardez la partie qui se trouve en haut à gauche de la
16 carte, la ligne KOKV qui correspond à la frontière de la région qui est
17 hachurée en rouge et la région qui est hachurée en brun.
18 L'accusé a alors entamé une campagne de propagande venimeuse et implacable
19 contre ceux qui n'étaient pas Serbes, dont les Croates, les Musulmans, mais
20 aussi les Albanais du Kosovo. Il a affirmé que des Serbes avaient un droit
21 historique à posséder ce territoire de Grande-Serbie. Il a dénigré et
22 déshumanisé les non-Serbes. Il a assimilé les Croates aux fascistes
23 oustachi qui avaient commis des crimes contre les Serbes et les Musulmans
24 de Bosnie aux Turcs ottomans qui, disait-il, avaient asservi les Serbes
25 pendant des siècles. Il a affirmé que les Serbes faisaient l'objet d'une
26 menace imminente de génocide aux mains des Croates et à une réduction en
27 esclavage de la part des Musulmans. Il a agité le spectre des crimes contre
28 les Serbes pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a appelé à une vengeance
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1 aveugle qui allait faire couler des rivières de sang.
2 Aujourd'hui encore, le message de l'accusé est clair. Il y a 20 ans, sur la
3 toile de fond d'une recrudescence de la tension et de la violence et, en
4 fin de compte, d'une guerre qui a déchiré la Yougoslavie, le message de
5 l'accusé était encore plus clair. Il demandait que des crimes soient commis
6 contre les Croates et les Musulmans pour que sa vision chetnik d'une
7 Grande-Serbie puisse se réaliser.
8 Il a aussi ravivé l'organisation militariste chetnik sous la tutelle ou
9 sous les auspices de ses activités politiques. En 1989, il recevait le
10 titre militaire chetnik accordé généralement, selon la tradition, aux chefs
11 chetniks, aux "vojvoda" de la Deuxième Guerre mondiale, du chef chetnik
12 Momcilo Djujic.
13 L'accusé a établi le Mouvement chetnik-serbe, que nous allons
14 désormais appeler SCP. En 1991, l'accusé a incorporé le SCP dans son
15 nouveau parti, le Parti radical serbe, que nous appellerons le SRS. Le SCP
16 est devenu le bras militaire du SRS. Il a alors créé une cellule de Crise,
17 qu'il a appelé plus tard état-major de guerre, par laquelle il a recruté et
18 déployé ses volontaires, les Seseljevci.
19 Sa personnalité, son personnage militariste s'est étendu jusqu'aux
20 lignes de front où il se rendait, arborant l'uniforme, pour voir, pour
21 rendre visite et inspecter les Seseljevci.
22 Vous avez maintenant la pièce P184 où vous voyez l'accusé en uniforme,
23 portant un casque, et il est entouré d'autres hommes en uniforme. Regardez
24 le casque qu'il porte, il arbore un aigle blanc.
25 Cet aigle blanc, c'est un symbole traditionnel serbe. Il est arrivé à
26 l'accusé d'attaquer des témoins qui associaient les hommes de Seselj au
27 symbole de l'aigle blanc car, disait-il, il existait une autre formation
28 paramilitaire portant le nom d'Aigles blancs. Mais cette image montre que
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1 ce symbole a aussi été utilisé par le SRS.
2 Et d'ailleurs, l'accusé l'expliquait lui-même dans la pièce P185,
3 page 1, ses Seseljevci avaient enlevé le symbole communiste de l'étoile à
4 cinq branches des casques de l'armée pour les remplacer par un aigle blanc.
5 Regardez la personne qui se trouve à gauche de l'accusé sur cette
6 photo, lui, il porte une casquette. En page du compte rendu d'audience 6
7 046, le Témoin VS-7 a identifié cette personne, a dit que c'était Milan
8 Lancuzanin, surnommé Kameni, qui était à la tête des Seseljevci à Vukovar
9 et était un des principaux auteurs du massacre d'Ovcara. Cet élément de
10 preuve montre clairement que l'accusé était prêt à réaliser cette vision de
11 la Grande-Serbie par tous les moyens possibles comme il l'avait dit déjà il
12 y a 20 ans. Il allait bientôt être en mesure de la réaliser, cette vision.
13 Alors que le communisme perdait sa légitimité fin des années 1980, les
14 nationalistes qui vivaient dans les républiques de la RSFY ont commencé à
15 vouloir leur indépendance. Ce fût d'abord le cas en Slovénie, en Croatie et
16 bientôt en Bosnie-Herzégovine. Beaucoup de dirigeants serbes s'opposaient à
17 cette idée, à cette perspective. Ils étaient décidés à empêcher que ne
18 deviennent indépendantes les républiques de Croatie et de Bosnie-
19 Herzégovine parce que ça voudrait dire que les Serbes seraient séparés par
20 des frontières internationales et ça allait laisser des groupes importants
21 de Serbes qui deviendraient des minorités en Croatie et en Bosnie-
22 Herzégovine. Pour éviter que les Serbes soient divisés par ces frontières
23 et soient séparés en plusieurs Etats, ils ont voulu qu'une grande partie de
24 la Croatie et la Bosnie-Herzégovine deviennent des territoires dominés par
25 les Serbes. Ces efforts se sont concrétisés tout d'abord par la création de
26 Régions autonomes serbes, que nous appellerons SAO, en Croatie et plus tard
27 en Bosnie-Herzégovine.
28 Ces efforts ont été soutenus par Milosevic, qui était arrivé au pouvoir en
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1 surfant sur son programme nationaliste serbe et était considéré comme le
2 protecteur et le mécène des Serbes en dehors de la République de Serbie. La
3 Chambre l'a reconnu dans sa décision du 10 décembre 2007 portant fait jugé,
4 et les faits concernés ici étant les numéros 48 à 50. Désormais, quand je
5 parlerai de cette décision, je dirai "fait jugé", en anglais AF-1.
6 L'accusé et Milosevic ont reconnu qu'ils avaient un objectif nationaliste
7 commun et ont mis de côté leurs différends politiques. L'accusé a expliqué
8 que peu importait la façon dont le régime de Milosevic l'avait traité par
9 le passé.
10 "Ce qui compte," disait-il, "c'est comment il veille aux intérêts
11 nationaux serbes aujourd'hui." Pièce P1215, page 8.
12 Ils ont poursuivi cet objectif commun en établissant des Régions autonomes
13 serbes et des forces militaires serbes qui allaient combattre pour obtenir
14 le contrôle de ces régions. La création des SAO a formalisé les aspirations
15 territoriales nationalistes serbes en déclarant terres serbes de grandes
16 parties de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Ce furent les premières
17 mesures ou les premiers pas franchis en direction d'une nation pan-serbe.
18 Madame et Messieurs les Juges, vous avez désormais à l'écran une carte qui
19 vous montre les différentes Régions autonomes serbes, SAO, qui furent
20 déclarées à l'époque et l'aspect que ces régions avaient avant le début de
21 la guerre.
22 Les dirigeants du Parti démocratique serbe, le SDS, en Croatie ont formé
23 des SAO dans trois zones convoitées : en Krajina, en Slavonie occidentale
24 et dans le SBSO, Slavonie, Baranja et Srem occidental. Les dirigeants de
25 ces SAO incluaient des membres de l'entreprise criminelle commune, dont
26 Milan Babic et Goran Hadzic. Milan Babic était président de la SAO de
27 Krajina; vous la voyez, c'est la zone de couleur turquoise à gauche, vous
28 la voyez maintenant grâce au pointeur. Quant à Goran Hadzic, il était
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1 président de la SAO de SBSO; de l'autre côté, ici précisément, vous avez
2 maintenant le pointeur qui indique cette zone.
3 En Bosnie, les parties en couleur vous montrent les territoires des SAO
4 autoproclamées. Un autre membre de l'entreprise criminelle commune,
5 Karadzic, était président du SDS en Bosnie-Herzégovine, et il a explicité
6 quels étaient les objectifs recherchés par ces SAO. Il a déclaré que si la
7 Bosnie-Herzégovine quittait la Yougoslavie, "la seule option, c'était la
8 Grande-Serbie." Il s'agit là de la pièce P877, paragraphe 39. Karadzic a
9 répété l'appel qu'il lançait pour que soit créée une Grande-Serbie en
10 février 1992, pièce P503. Et l'accusé a reconnu que son parti avait ce même
11 objectif, la création d'un seul Etat serbe. Vous le verrez à la pièce
12 P1248, page 4.
13 Voyez, toujours sur cette carte, les lieux où se trouvent les faits
14 incriminés dans l'acte d'accusation. Vous voyez aussi les municipalités
15 dites représentatives, les municipalités types. Et vous avez les points
16 rouges qui vous montrent les municipalités reprises dans l'acte
17 d'accusation. Donc nous avons tout près de la frontière avec la Serbie, la
18 SBSO. Excusez-moi, je me trompe en disant que c'est près de la Drina.
19 Vous voyez Zvornik. Là nous sommes près, dans cette partie-là de la
20 Bosnie-Herzégovine, de la Drina. Vous voyez sur cette carte, ici nous
21 sommes dans une zone de couleur grise. Ça ne faisait pas partie au départ
22 des SAO. Des crimes ont été commis aussi autour du Grand Sarajevo, de la
23 région de Sarajevo, qui à ce moment-là ne faisait pas encore partie des
24 SAO. Pareil pour Mostar, qui ne faisait pas partie d'une SAO. Mais c'est
25 avec Nevesinje, Brcko et Bijeljina, ainsi que Bosanski Samac, vous avez des
26 lieux qui se trouvent dans des endroits stratégiquement importants. Par
27 conséquent, lorsque la guerre a éclaté en Bosnie-Herzégovine, les forces
28 serbes se sont emparées de ces lieux et en ont chassé ceux qui n'étaient
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1 pas Serbes.
2 Ces éléments de preuve prouvent que l'accusé et d'autres dirigeants
3 serbes en Bosnie-Herzégovine partageaient un objectif commun, celui de
4 créer un territoire dominé par les Serbes dans ces régions convoitées et
5 au-delà de ces régions convoitées.
6 En raison de leurs aspirations à créer un Etat serbe, l'accusé a
7 soutenu les dirigeants serbes en Bosnie-Herzégovine sur le plan politique.
8 Il a établi son Parti radical serbe en février 1991 et a promis que son
9 parti soutiendrait le SDS et ses dirigeants dans toute la Bosnie et dans
10 toute la Croatie. Vous voyez ceci à la page 13 de la pièce P153, où il dit
11 que le SRS est prêt à soutenir le SDS en Croatie et en Bosnie-Herzégovine,
12 et c'est bien ce qu'il a fait. En mars 1991, par exemple, l'accusé est allé
13 en Krajina pour soutenir les membres de la JCI, plus exactement Babic, et a
14 demandé qu'il y ait une Krajina serbe qui soit créée ou il n'y aurait pas,
15 je cite, "de place pour les Oustachi". Ici, il s'agit de la pièce P335,
16 page 1.
17 En SBSO, il a organisé des rassemblements et des rencontres avec les
18 dirigeants locaux serbes pour voir comment organiser les forces militaires
19 serbes dans la zone. Puis, il a déployé des Seseljevci, des hommes de
20 Seselj, à Borovo Selo, à leur demande. Voyez ceci à la pièce P55 comme à la
21 pièce P1277. Vous avez aussi le témoignage du Témoin VS-004 à cet effet.
22 En Bosnie, il a rencontré Karadzic, un autre membre de l'entreprise
23 criminelle commune, pour voir comment s'emparer des zones convoitées, et il
24 a chanté les louanges de Karadzic dans ses discours. Vous le voyez à la
25 pièce P1003, P1339, ainsi qu'à la pièce P1176, ainsi que dans d'autres. Il
26 disait notamment à ces discours, ceci :
27 "Nous savions que ceci allait déboucher sur un conflit, sur une guerre. En
28 tout état de cause, j'avais déjà rencontré mes Chetniks sur place. Nous
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1 avions une carte détaillée de l'est de la Bosnie sous les yeux et nous
2 planifions des actions en vue de la prise de contrôle de Visegrad, du pont
3 de Visegrad, de Zvornik, entre autres. A l'époque, c'était évident il y
4 allait avoir une guerre".
5 Je vous cite un extrait de la pièce P1246, page 3.
6 Les dirigeants serbes en Croatie ont demandé l'assistance militaire de
7 l'accusé. Voyez la pièce P31, l'accusé admet qu'il a envoyé des Seseljevci
8 dans la SAO de Krajina à la demande de Babic, membre de l'entreprise
9 criminelle commune. De 1991 à 1992, des membres de l'entreprise criminelle
10 commune, en l'occurrence Hadzic et Martic, se sont rendus dans les bureaux
11 de l'état-major de guerre du SRS pour y demander des volontaires. Vous le
12 voyez à la pièce P1074, paragraphe 86 [comme interprété].
13 Les dirigeants de Défense territoriale locaux, eux aussi, ont -- est-ce que
14 je me suis trompé ? J'ai peut-être dit page 46 alors que j'aurais dû dire
15 paragraphe 86.
16 Des dirigeants de Défense territoriale locaux, eux aussi ont demandé à
17 l'accusé de déployer ses hommes pour soutenir leurs forces. Dans les lieux
18 où se trouvent des crimes incriminés et dans les municipalités de Croatie,
19 l'accusé a répondu directement à ces demandes. Lorsque la TO de Vukovar a
20 envoyé une demande pour que soient envoyés des Seseljevci à l'état-major de
21 guerre du SRS, l'accusé a décidé d'envoyer "autant de volontaires que
22 possible". Ceci se trouve à la pièce C11, page 14.
23 Des Seseljevci ont été déployés en Slavonie occidentale - où se trouve
24 notamment la municipalité de Vocin - après qu'une demande à cet effet ait
25 été envoyée par des TO serbes locales. Les Témoins VS-004 et VS-033 vous
26 l'ont dit, ainsi que la pièce P223.
27 Bon nombre d'autres dirigeants serbes locaux en Croatie ont demandé à
28 l'accusé d'envoyer des combattants. Vous le voyez notamment dans les pièces
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1 P942, ceci concerne Sisak; P264, là il s'agit de Kucani; P239, ceci
2 concerne Novska; et pièce 226, ceci concerne Podravska Slatina.
3 Ces déploiements de Seseljevci ont été soutenus par le MUP serbe.
4 L'accusé a coopéré avec le MUP serbe par l'intermédiaire du Témoin
5 Petkovic. Ceci fut dit à la page 9 de la pièce P644. Petkovic a décrit
6 cette coopération lors de son témoignage. Il a eu de nombreuses réunions
7 avec des membres de l'entreprise criminelle commune avec Stanisic, avec
8 Simatovic, et ceci a été confirmé par le Témoin Stefanovic. Par
9 l'intermédiaire du MUP, les Seseljevci ont été plus tard déployés à
10 Vukovar, ils ont suivi une formation dans un centre de Lipovaca, aux abords
11 de Sid en Serbie, formation organisée par le MUP serbe. Vous le voyez dans
12 le témoignage du Témoin Rankic. Quant au membre de l'entreprise criminelle
13 commune Arkan, lui avait des liens avec la DB de Serbie, et il a fourni un
14 soutien logistique aux Seseljevci à sa base, qui se trouvait à Erdut en
15 Slavonie orientale, et l'accusé a personnellement emmené les Seseljevci à
16 Erdut et s'est adressé aux volontaires. Il leur a dit que :
17 "Il fallait tuer et chasser les Oustachi".
18 Ceci se trouve à la pièce P528, paragraphe 32; vous avez d'autres
19 éléments à l'appui dans les pièces P921, page 2; page 30 de la pièce P1257;
20 et dans le témoignage du Témoin Rankic, P1074, paragraphes 85 et 86.
21 Milosevic a aussi apporté une aide importante aux forces serbes
22 locales. Grâce aux hommes en qui il avait confiance au sein du MUP de
23 Serbie, c'est-à-dire les membres de l'entreprise criminelle commune
24 Stanisic, Simatovic et Bogdanovic, Milosevic a apporté un appui militaire
25 aux dirigeants serbes de la Krajina ainsi qu'aux forces de police qui
26 étaient entraînées et armées. Il a été promis au membre de l'entreprise
27 criminelle Babic qu'il allait recevoir 20 000 canons. Dans la SAO de SBSO,
28 Milosevic et Bogdanovic ont fourni des armes à la TO serbe locale. Ces
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1 armes étaient transmises aux hommes de Seselj qui avaient au préalable été
2 déployés dans la SBSO. On trouve des éléments de preuve allant dans ce sens
3 dans la pièce P1137, pages 115 et 116; ainsi que dans la pièce P1252, page
4 3; et dans la pièce P644.
5 Le MUP de Serbie a également participé à des actes de provocation
6 destinés à ce que les forces croates s'engagent dans les conflits. Dès
7 qu'un conflit avait éclaté, la JNA arrivait sur les lieux dans le but
8 prétendu d'apaiser la situation. En réalité, lorsque les affrontements
9 s'étaient terminés, la JNA assurait la sécurité des conquêtes territoriales
10 faites par les Serbes. On trouve cela dans la pièce à conviction P1137,
11 pages 92 à 94; dans la pièce P412, pages 1 à 4; et à la page 3 968 et
12 suivantes du compte rendu d'audience qui résument la déposition du Témoin
13 Raynaud Theunens.
14 A partir du deuxième semestre de 1991, la République de Serbie a
15 accru l'aide concrète qu'elle apportait sous forme d'armes, d'équipement de
16 communication et d'autres fournitures faites aux Serbes de Croatie. Ceci
17 révèle également que la République de Serbie finançait les salaires et les
18 apports à la retraite de près de 50 000 membres de la Défense territoriale
19 serbe par le truchement de la SAO de Krajina, de la SAO de Slavonie
20 occidentale, et de la SAO de SBSO. On trouve mention de cela à la pièce à
21 conviction P932.
22 Par ailleurs, le MUP de Serbie a également créé ses propres unités de
23 police - dont j'ai parlé il y a un instant - qui avaient pour objectif de
24 mener à bien l'objectif commun, et cette unité de police était connue sous
25 le nom de Bérets rouges.
26 Dans la pièce P131, c'est une vidéo, on voit Stanisic, Simatovic et
27 Slobodan Milosevic qui discutent avec fierté de ce qu'ils ont réalisé au
28 cours de la guerre. Nous verrons les images de cette vidéo dans un instant,
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1 et nous constaterons que ces hommes importants fêtent ce qu'ils ont réalisé
2 dans le cours de leur poursuite de leur volonté de persécution en Croatie
3 et en Bosnie. Madame, Messieurs les Juges, vous verrez Simatovic expliquer
4 que les Bérets rouges ont été déployés à grande échelle un peu partout en
5 Croatie et en Bosnie, c'est-à-dire dans ce que lui appelle l'intégralité de
6 la zone ethnique serbe. Et il explique également que cette unité a été
7 créée en mai 1991.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je n'entends rien.
10 Je vous ai déjà dit, Madame, Messieurs les Juges, qu'ici il y a
11 beaucoup de documents et d'éléments de preuve et peu de gens au niveau du
12 bureau du Procureur. Ils ne sont pas capables de le faire. C'est déjà la
13 énième erreur qu'ils commettent.
14 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, nous attendons qu'un
15 petit problème technique se règle, si je suis bien informé.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] En attendant, Madame, Messieurs les Juges, est-
17 ce que vous n'avez pas honte de voir cinq personnes au nom du bureau du
18 Procureur et de ne voir que moi tout seul pour ce qui est de la Défense. Je
19 crois comprendre que cela vous arrange, ça doit vous plaire de façon
20 considérable.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, je propose que nous
22 poursuivions sans la vidéo, car les Juges pourront voir cette vidéo plus
23 tard et en tenir compte, bien sûr, dans leurs délibérations.
24 Je fais simplement remarquer que dans les images de cette vidéo, on
25 voit Stanisic décrire les opérations importantes menées par les Bérets
26 rouges. Il explique, par exemple, que cette unité des Bérets rouges a mené
27 des opérations dans 50 lieux, qu'elle disposait de 56 [comme interprété]
28 centres d'entraînement destinés aux forces locales serbes, et qu'il y avait
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1 également des centres d'entraînement dans un secteur intéressant en
2 l'espèce, à savoir Vukovar, Bijeljina, Bosanski Samac, Brcko et Trebinje,
3 des lieux dont nous parlerons encore assez souvent dans le cours de nos
4 arguments. Il est également expliqué dans cette vidéo que l'unité a créé et
5 a fait fonctionner un certain nombre de terrains d'atterrissage. Cette
6 cérémonie honorifique s'est déroulée dans un lieu qui a reçu un nom d'après
7 Radoslav Kostic, membre éminent de cette unité. Et vous entendrez parler de
8 lui davantage ainsi que de sa participation aux actions d'armement des
9 Serbes de la région, en Croatie ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine, et en
10 particulier dans le secteur de Zvornik, dans la suite des propos de
11 l'Accusation.
12 L'accusé n'a pas simplement apporté son appui aux Défenses
13 territoriales locales en Croatie dans la période dont nous parlons, il n'a
14 pas simplement coopéré avec le MUP de Serbie, puisqu'il a également apporté
15 un appui important à la JNA. Les efforts coordonnés destinés à entraîner,
16 armer et déployer les hommes de Seselj sont discutés dans les paragraphes
17 100 à 106 du mémoire en clôture de l'Accusation. Au fil de l'évolution du
18 conflit en Croatie, la JNA est devenue une armée serbe qui était sous le
19 contrôle de Milosevic. Durant l'été 1991, les gens de la JNA ont accepté
20 les directives de Milosevic "sans autre discussion" et ont donc adopté un
21 nouvel objectif qui était de nature nationaliste. Comme l'écrit Kadijevic,
22 membre de l'entreprise commune, dans le livre dont il est l'auteur qui
23 traite du démantèlement de la RSFY, cette nouvelle mission de la JNA est
24 devenue la suivante, je cite :
25 "…protéger le peuple serbe en Croatie de telle façon que toutes les régions
26 où la population est majoritairement serbe soient totalement libérées de la
27 présence de l'armée croate et des autorités croates" --
28 Je crois que maintenant on entend la bande audio de la vidéo -- en tout
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1 cas, moi je l'entends dans mes écouteurs, mais je ne crois pas que nous en
2 ayons besoin maintenant.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pourrais peut-
4 être les aider à faire le montage s'ils ne savent pas le faire, parce que
5 moi je m'y connais.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parlé du livre du -- du général Kadijevic.
7 Quel est le -- le numéro du document ?
8 M. MARCUSSEN : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à la cabine française de basculer la traduction
10 parce qu'on n'entend plus rien. Et comme l'audience est diffusée à
11 l'extérieur, autant que les francophones comprennent ce que dit M.
12 Marcussen.
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous
14 aimeriez que je reprenne la citation dont je viens de donner lecture ou pas
15 ?
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ceux qui vous écoutent. Oui, reprenez la
17 citation.
18 M. MARCUSSEN : [interprétation] Donc j'étais en train de dire que l'accusé
19 a approuvé le nouvel objectif assigné à la JNA, et à cette fin, il a dit,
20 je cite :
21 "La JNA est aussi serbe, car elle est notre seule armée, et les événements
22 ont montré que la JNA n'avait que nous elle aussi. Par conséquent, la JNA
23 est à nous." Ces propos sont rapportés dans la pièce P1281, page 3.
24 Toutefois, la JNA s'est trouvée confrontée à une pénurie en effectifs
25 due aux désertions et aux efforts qu'elle déployait elle-même pour purger
26 les non-Serbes de ses rangs. Afin de combler ces vides, les dirigeants de
27 la JNA se sont adressés à l'accusé. Comme il l'a dit lorsqu'il a témoigné
28 dans l'affaire Milosevic, plusieurs officiers de haut rang de la JNA ont
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1 rendu visite au quartier général du Parti radical serbe afin de le
2 rencontrer et de discuter de l'envoi d'hommes de Seselj au sein de la JNA,
3 parce que la JNA avait de gros problèmes à mobiliser les conscrits. Et
4 l'accusé a accepté cette proposition. Ceci se trouve dans la pièce P31,
5 pages 242 et 243.
6 Le Témoin Petkovic décrit dans sa déposition les rencontres qu'il a eues,
7 en sa qualité de chef de l'état-major, avec les généraux Domazetovic et
8 Panic, généraux de la JNA. Petkovic décrit un incident survenu pendant
9 l'été ou au début de l'automne 1991, incident au cours duquel lui-même, au
10 nom de l'accusé, a dit aux généraux Domazetovic et Panic que l'accusé
11 cesserait d'envoyer les hommes de Seselj en Croatie à moins que des armes
12 et des uniformes ne leur soient fournis rapidement, ce qui montre que c'est
13 bien l'accusé qui exerçait le contrôle sur les hommes qu'il envoyait dans
14 les rangs de la JNA. Les généraux ont répondu qu'ils ne pouvaient pas
15 distribuer des armes à l'intérieur de la Serbie, mais que des armes
16 seraient fournies dès que les hommes de Seselj auraient quitté le
17 territoire de la Serbie. L'accusé a accepté ces dispositions car il a
18 compris que la Serbie n'était pas officiellement impliquée dans le conflit
19 en Croatie.
20 Le Témoin Stefanovic, qui a été membre de l'état-major de guerre, a
21 également confirmé que le Parti radical serbe coopérait avec l'état-major
22 général de la JNA en envoyant des uniformes et des armes aux hommes de
23 Seselj dans la caserne de la JNA. Ceci est évoqué dans la pièce P634, au
24 paragraphe 21.
25 Grâce à l'accord que l'accusé a conclu avec la JNA, des milliers
26 d'hommes de Seselj ont été entraînés et équipés dans les locaux de la
27 caserne de la JNA à Belgrade et à Novi Sad. On trouve mention de ce fait
28 dans la pièce P857, aux paragraphes 38 à 41; ainsi que dans la pièce P30;
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1 dans la déposition du Témoin Rankic, dans la pièce P1074, au paragraphe 96;
2 ainsi que dans la déposition du Témoin Stojanovic, pièce 528, paragraphe
3 10; et dans la pièce P54, en page 2.
4 Dans son mémoire, l'accusé a nié toute coopération avec Milosevic en
5 déclarant qu'il ne pouvait en aucun cas avoir participé en tant que membre
6 à l'entreprise criminelle commune. Mais il n'a fourni aucun élément de
7 preuve à l'appui de ces dires.
8 Et désormais, l'accusé a fini par admettre, avant la publication de
9 l'acte d'accusation le concernant, que les éléments de preuve apportés par
10 les Témoins Petkovic, Rankic, Stefanovic et d'autres au sujet de son
11 étroite coopération avec d'autres membres de l'entreprise criminelle
12 commune en vue d'armer et d'équiper les hommes de Seselj étaient exacts.
13 Nous verrons cela dans la vidéo qui constitue la pièce P644, dont je
14 demande la diffusion.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
17 "Vojislav Seselj : Tout ceci s'est fait avec une connaissance pleine et
18 entière de Milosevic, cela ne fait aucun doute. Des hommes importants au
19 sein de la police avec lesquels nous coopérions à l'époque ont été Radmilo
20 Bogdanovic, Mihalj Kertes et d'autres … Franko Simatovic, alias Frenki, qui
21 plus tard a commandé les Bérets rouges. Et au sein de l'état-major général,
22 nous avons coopéré principalement avec le général Domazetovic, qui était le
23 chef adjoint de l'état-major général et qui, à cette époque-là aussi, était
24 chef de la direction chargée du personnel, si je me souviens bien. Il y a
25 eu d'autres contacts avec des officiers subalternes, et cetera, en fonction
26 de la nécessité de la situation. Nos volontaires sont allés à Belgrade, à
27 la caserne de Bubanj Potok. Et c'est là que nous avons revêtu nos uniformes
28 et qu'on leur a donné des armes et des autobus pour les amener là ou ils
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1 voulaient. Ils étaient sous le commandement de l'armée populaire yougoslave
2 dès que l'armée populaire yougoslave a commencé à participer au combat."
3 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
4 M. MARCUSSEN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs
5 les Juges, il est tout à fait clair à partir des éléments de preuve dont je
6 viens de vous parler que l'accusé a coopéré étroitement avec d'autres
7 membres de l'entreprise criminelle commune pour mettre en place les forces
8 combattantes serbes qui seraient déployées sur le terrain dans le but de
9 créer un Etat serbe.
10 En juin 1991, la JNA a participé à une offensive en Croatie. Pendant
11 les opérations en question, c'est elle qui a exercé pleinement le
12 commandement sur la Défense territoriale serbe et les forces de police en
13 Croatie, ainsi que sur des unités du MUP serbe et - comme nous venons de le
14 voir - sur les hommes de Seselj, que l'accusé avait fournis avec
15 enthousiasme.
16 Dans son mémoire préalable au procès, l'accusé tente de minimiser
17 l'apport qui est le sien à la campagne menée en Croatie, en affirmant qu'il
18 n'était qu'un simple sergent recruteur pour la JNA et que tout ce qu'il a
19 fait était légal. Ceci est inexact. Les actes de l'accusé eux-mêmes ont
20 consisté à se livrer à des recrutements légaux, mais des actes légaux
21 peuvent représenter une contribution importante à l'entreprise criminelle
22 commune. Par exemple, voyons l'arrêt prononcé dans l'affaire Krajisnik au
23 paragraphe 215.
24 Par ailleurs, l'accusé n'était pas un simple sergent recruteur pour
25 une guerre légitime. C'était un propagandiste fanatique qui a participé à
26 une entreprise illégale. Lui-même et les autres membres de l'entreprise
27 criminelle commune qui ont agi avec lui avaient pour but de mettre en œuvre
28 des objectifs nationalistes grâce à tous les moyens possibles et
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1 nécessaires - en particulier, à la commission d'un certain nombre de
2 crimes. Ces crimes ont commencé, comme les Juges de la Chambre l'ont déjà
3 entendu, en août 1991, au moment où a eu lieu la campagne de persécution
4 menée par les forces serbes contre la population non-serbe de Croatie.
5 Et ces crimes en Croatie ont été inséparables de la campagne en tant
6 que telle.
7 Milan Babic, membre de l'entreprise criminelle commune, a dit dans sa
8 déposition dans l'affaire Milosevic que pendant la guerre en Croatie, la
9 JNA avait mené des opérations de combat de telle façon qu'elle avait
10 contraint non seulement les forces des armées croates à se retirer, mais
11 également toute la population non-serbe. Y compris des villages qui ne
12 menaçaient en rien la JNA ont été totalement détruits. Voir pièce P1137,
13 pages 92 et 93.
14 Dans la page 92 de cette pièce, Babic déclare dans sa déposition, ce
15 qui suit, je cite :
16 "En agissant ainsi, à partir du mois d'août 1991, la JNA s'est
17 engagée dans une guerre destinée à ce que les territoires capturés par elle
18 demeurent sans aucun habitant croate, ou en tout cas le moins possible. Des
19 maisons et des immeubles ont été détruits dans ces opérations de combat et
20 par la suite. Des biens ont été pillés."
21 Les observateurs de la Mission d'observation européenne qui se
22 trouvaient en Croatie à cette époque-là décrivent la violence de la
23 tactique utilisée par la JNA. La JNA commençait par terroriser les villes
24 afin qu'elles se rendent en abattant sur ces villes des tirs d'artillerie.
25 Ensuite, des hommes appartenant à des formations irrégulières - qui étaient
26 armées et soutenues par la JNA - pénétraient dans la ville à pied pour
27 occuper les lieux. Enfin, la JNA s'assurait un contrôle complet. Cette
28 tactique n'a pas été utilisée uniquement contre des villes importantes
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1 telles que Vukovar, mais, je cite :
2 "Elle a été utilisée sur l'ensemble des territoires dans un très
3 grand nombre de petits villages où les habitants croates ont été tués ou
4 contraints à partir après que … ces villages aient été rasés au bulldozer
5 pour simplement ne plus exister … ces villages ont tout simplement été
6 détruits de façon aléatoire."
7 On trouve cela dans la pièce P412, page 16.
8 Les conséquences désastreuses de cette campagne sont évoquées dans le
9 mémoire en clôture de l'Accusation, aux paragraphes 108 à 116. Et, en cet
10 instant, je renvoie simplement les Juges de la Chambre à la pièce P632,
11 pages 76 à 80, où l'on voit que plus de
12 200 000 civils croates ont été expulsés de leurs domiciles.
13 Non seulement l'accusé a envoyé des milliers d'hommes de Seselj sur
14 les lieux pour qu'ils participent à cette campagne particulièrement
15 bestiale de persécution, mais ses hommes de Seselj ont également commis un
16 certain nombre de crimes et sont d'ailleurs devenus rapidement si connus
17 pour leur violence et pour leurs crimes que même les organisations
18 internationales les connaissaient. Helsinki Watch a évoqué dans une lettre
19 ouverte envoyée à Milosevic et à d'autres dirigeants serbes - que l'on
20 trouve dans la pièce à conviction P183 - ce qui suit, je cite :
21 "Le gouvernement serbe a … dans certains cas, soutenu la création
22 d'au moins trois groupes paramilitaires en Serbie, groupes qui ont opéré en
23 Croatie. Le groupe qui a apparemment été le plus violent de tous était
24 dirigé par Vojislav Seselj, le dirigeant du Parti radical serbe … et par le
25 Mouvement chetnik-serbe."
26 Ceci figure en page 2 de la pièce dont je viens de parler.
27 En fait, les éléments de preuve en l'espèce ont apporté la preuve du
28 fait que les hommes de Seselj ont commis un grand nombre de crimes visés à
Page 17138
1 l'acte d'accusation.
2 Et, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, les éléments
3 de preuve dont je viens de parler ainsi que bien d'autres qui seront cités
4 dans le mémoire en clôture de l'Accusation prouvent la nature criminelle de
5 l'objectif commun partagé par les membres de l'entreprise criminelle
6 commune, et ce, au-delà de tout doute raisonnable. En août 1991 au moins,
7 l'objectif commun qui consistait à créer une Grande-Serbie, pour reprendre
8 les termes de l'accusé, incluait une campagne de persécution contre les
9 non-Serbes et la commission de crimes visés à l'acte d'accusation.
10 Comme nous allons le voir maintenant, les membres de l'entreprise
11 criminelle commune ont développé rapidement leur campagne de persécution à
12 tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
13 Alors que la campagne de persécution en Croatie était à son apogée --
14 je ne sais pas, Madame, Messieurs les Juges, si vous vous demandez si l'on
15 va faire une pause. En fait, étant donné que nous allons aborder un autre
16 domaine, nous pouvons faire une pause, ou je peux poursuivre. J'ai besoin
17 d'une heure et demie encore.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, on va faire une pause. Comme ça, ça vous
19 permettra de reprendre sur l'autre aspect.
20 Donc nous allons faire notre pause traditionnelle de 20 minutes.
21 Mais, Monsieur Seselj, si jamais - hypothèse d'école, j'ose espérer -
22 vous vous sentiez pas bien, on peut faire des pauses à votre demande.
23 Sinon, on continue de manière classique, une heure 30 et 20 minutes de
24 pause.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est
26 plutôt M. Marcussen qui se sentira mal, mais pas moi. Je ne vois pas
27 pourquoi ce serait toujours moi. Peut-être que vous, les Juges, vous vous
28 sentirez mal.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire donc 20 minutes de pause et nous
2 nous retrouverons dans 20 minutes.
3 --- L'audience est suspendue à 16 heures 47.
4 --- L'audience est reprise à 17 heures 11.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons donc reprendre l'audience. J'avais
6 oublié d'indiquer, en raison du fait que d'autres Juges sont dans d'autres
7 procès, nous aurons donc notre audience demain à 9 heures, et puis
8 mercredi, ce sera l'après-midi. Donc, demain, nous débutons à 9 heures du
9 matin. Nous avions avisé tout le monde de cela.
10 Monsieur Marcussen.
11 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
12 Madame, Messieurs les Juges, les éléments de preuve que j'ai abordés avant
13 la pause ont prouvé que les membres de l'entreprise criminelle commune
14 avaient préparé les forces serbes, y compris les hommes de Seselj, à une
15 campagne de persécution en Croatie à partir du mois d'août 1991.
16 Pendant que cette campagne de persécution était à son apogée en
17 Croatie, la Bosnie-Herzégovine étaient sur la voie de l'indépendance.
18 L'accusé a œuvré avec les dirigeants serbes de Bosnie, notamment un membre
19 de l'entreprise criminelle commune, Karadzic, à la préparation des
20 militaires serbes des structures politiques pour empêcher cette
21 indépendance. L'accusé lui-même a envoyé les unités des hommes de Seselj en
22 Bosnie-Herzégovine et des antennes du SRS ont été établies sur l'ensemble
23 du territoire de Bosnie-Herzégovine. Ceci est exposé aux paragraphes 201 à
24 207 du mémoire en clôture de l'Accusation.
25 Le 15 octobre 1991, l'assemblée de la République socialiste de Bosnie-
26 Herzégovine, ethniquement mixte, a débattu de la question de savoir s'il
27 fallait déclarer l'indépendance. Au cours des débats, Radovan Karadzic a
28 mis d'aucuns en garde que si les Musulmans et les Croates menaient à bien
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1 leur indépendance, ce serait la même autoroute de l'enfer qu'en Croatie.
2 Comme nous le verrons maintenant, il a menacé en disant que l'autoroute
3 conduirait à l'extinction des Musulmans en Bosnie-Herzégovine.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il s'agit d'une séquence vidéo extraite de
6 la pièce P1004, et le passage qui a été visionné, si vous souhaitez
7 rechercher le texte, se trouve à la page 3 du compte rendu d'audience de
8 cette séquence vidéo.
9 Neuf jours plus tard, l'assemblée de Bosnie-Herzégovine a néanmoins voté en
10 faveur de l'indépendance. En guise de réponse, comme ils l'avaient fait en
11 Croatie, les membres de l'entreprise criminelle commune ont créé des
12 institutions serbes parallèles pour se préparer à la guerre.
13 L'accusé et les autres dirigeants serbes se sont servis de leur
14 expérience en Croatie pour se préparer à la guerre en Bosnie-Herzégovine.
15 En Croatie, les dirigeants serbes de Bosnie ont créé des structures
16 politiques et administratives serbes. Ils ont également créé les forces de
17 police et de Défense territoriale. Comme en Croatie, l'accusé a envoyé les
18 hommes de Seselj pour les assister, et comme en Croatie, Milosevic a fourni
19 une aide conséquente en mettant à disposition des membres de la JNA et du
20 MUP serbe.
21 Dès que l'assemblée de Bosnie avait voté en faveur de l'indépendance,
22 les dirigeants serbes de Bosnie, notamment Karadzic, Krajisnik et Plavsic,
23 ont proclamé une assemblée serbe distincte. Pièce à conviction P931 et fait
24 jugé numéro 63.
25 Peu de temps après, Karadzic a ordonné aux dirigeants serbes en Krajina et
26 en Bosnie de contrôler cette région, de constituer des unités militaires et
27 de subordonner ces unités à la JNA. L'ordre a été entièrement accepté par
28 les dirigeants serbes locaux. Vous trouverez ceci dans la décision de la
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1 Chambre datée du 23 juillet 2010, faits admis en vertu du jugement
2 antérieur, 30 et 31.
3 Dans les instructions des variantes A et B datées du 19 décembre 1991, les
4 dirigeants du SDS en Bosnie-Herzégovine ont créé des institutions
5 uniquement serbes, comme des cellules de Crise, des assemblées municipales,
6 des Défenses territoriales et des forces de police. Une fois constituées,
7 les cellules de Crise étaient destinées à prendre le contrôle de ces
8 municipalités. Fait jugé numéro 1, fait jugé numéro 100, et pièces P871 et
9 P957. De cette manière, Karadzic, par l'intermédiaire des cellules de
10 Crise, a exercé le contrôle sur les autorités administratives et civiles
11 ainsi que sur les forces militaires serbes de la région, y compris sur les
12 TO serbes et les forces de police.
13 Alors que les dirigeants serbes de Bosnie ont formalisé leur plan aux
14 fins de prendre le contrôle de régions convoitées en Bosnie-Herzégovine,
15 l'accusé a coopéré avec ses partenaires dans l'entreprise criminelle
16 commune. Ensemble, ils ont appuyé les forces serbes de Bosnie-Herzégovine
17 et ont mis en œuvre leur objectif commun en Bosnie-Herzégovine, comme ils
18 l'avaient fait en Croatie.
19 L'accusé, en mai 1991, avait déjà créé une organisation SRS en
20 Romanija et avait organisé un commandement chetnik. Ceci se trouve aux
21 pièces P1162 et P1177. Les "vojvoda" Gavrilovic et Aleksic ont alors
22 organisé le SRS dans la région de Romanija, et ce, en coopération avec le
23 QG du SRS à Belgrade. L'accusé a également rencontré ses commandants
24 chetniks en Herzégovine orientale ainsi qu'en Krajina de Bosnie en mai
25 1991, comme il a déclaré lui-même dans la pièce P163.
26 L'accusé a déployé des milliers de Seseljevci en Bosnie-Herzégovine,
27 comme il a dit dans les pièces P344 et P347. Nombre d'entre eux avaient été
28 redéployés depuis la Croatie.
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1 Comme en Croatie, d'autres dirigeants serbes se sont tournés vers
2 l'accusé pour appuyer leurs forces. L'accusé a déployé ses hommes à la
3 demande des membres de l'entreprise criminelle commune. Par exemple,
4 l'accusé a déployé les hommes de Seselj en Bosnie-Herzégovine à la demande
5 de Slobodan Milosevic, membre de l'entreprise criminelle commune, à la
6 pièce P90, page 6; et Plavsic, membre de l'entreprise criminelle commune,
7 avait envoyé des demandes d'assistance à l'intention de l'accusé ainsi qu'à
8 l'attention d'autres dirigeants paramilitaires, notamment Arkan. Pièce
9 P987.
10 Comme il l'avait fait en Croatie, l'accusé a envoyé ses hommes aux
11 endroits où ont été constatés des faits incriminés et dans les
12 municipalités représentatives en Bosnie-Herzégovine, à la demande des
13 dirigeants serbes locaux. Par exemple, les autorités serbes à Zvornik
14 avaient envoyé au SRS des demandes pour que viennent en renfort des hommes
15 de Seselj. En guise de réponse, l'accusé a envoyé le Témoin Rankic ainsi
16 que d'autres représentants officiels du SRS pour aller négocier avec les
17 autorités locales et ensuite a personnellement décidé de déployer les
18 hommes de Seselj pour aller combattre et être intégrés à la Défense
19 territoriale de Zvornik. Ces éléments de preuve se trouvent dans la
20 déclaration de Rankic, pièce P1074, paragraphe 41.
21 Le dirigeant du SDS, Bozidar Vucurevic, en Herzégovine orientale, a
22 lancé un appel dramatique pour que les hommes de Seselj soient déployés
23 dans cette région. L'accusé a donc donné une conférence de presse à
24 Trebinje pour annoncer qu'il allait envoyer des volontaires. Par la suite,
25 il a envoyé un nombre important d'hommes de Seselj dans la région. Vous
26 trouverez ceci à la pièce P55 et P1109.
27 Et Stevan Todorovic, le chef de la police à Bosanski Samac, a demandé
28 aux cellules de guerre du SRS de lui envoyer des hommes de Seselj. En guise
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1 de réponse, la cellule de Crise du SRS a redéployé des hommes de Seselj
2 sous le commandement du "vojvoda" Srecko Radovanovic, alias Debeli, en
3 Slavonie orientale et à Bosanski Samac, et les a placés sous le
4 commandement de la TO de Bosanski Samac. Ljubisa Petkovic, le chef de la
5 cellule de Crise de l'accusé, a parlé de ce déploiement dans la pièce C18,
6 au paragraphe 49.
7 Comme il l'avait fait en Croatie, l'accusé a participé de façon
8 active à tout ceci ainsi qu'avec ses hommes. Lui et les membres des
9 cellules de Crise ont coopéré avec les autres membres de l'entreprise
10 criminelle commune pour s'assurer que les hommes de Seselj étaient armés,
11 entraînés et équipés.
12 Au mois de février 1992, l'accusé et les hommes de Seselj étaient
13 prêts à faire la guerre en Bosnie-Herzégovine. Après avoir affirmé que le
14 peuple serbe ne permettrait jamais à la Bosnie-Herzégovine de devenir
15 indépendante ou de devenir un Etat souverain, il a annoncé, je cite :
16 "Nous sommes prêts à faire la guerre … et notre Parti radical serbe
17 et le … Mouvement chetnik-serbe agira dans toutes ces régions de Bosnie-
18 Herzégovine".
19 Pièce P1192, pages 1 et 2.
20 Comme ils l'avaient fait en Croatie, Milosevic et les dirigeants de
21 la JNA ont également appuyé ou donné leur soutien aux dirigeants serbes de
22 Bosnie. Ils ont redéployé des forces très importantes et du matériel qui a
23 été transporté de Croatie en Bosnie-Herzégovine. L'expert Theunens a
24 expliqué ceci aux pages du compte rendu d'audience 4 024 à 4 026. Par
25 exemple, la JNA a redéployé une brigade de blindés dans le secteur de
26 Zvornik, qui a par la suite participé à l'attaque de Zvornik.
27 Egalement, le 5 décembre 1991, Milosevic et Kadijevic se sont mis
28 d'accord pour réorganiser la JNA de sorte que lorsque la JNA serait
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1 contrainte de quitter la Bosnie-Herzégovine, elle pouvait laisser derrière
2 elle des troupes et du matériel, et ce, sous l'autorité de Karadzic. Ce
3 plan a été mis en œuvre au mois de mai 1992, lorsque la VRS a été créée.
4 Pièce P198, page 10; et fait jugé, faits numéros 186, 190 et 191.
5 Milosevic a également fourni son aide aux dirigeants serbes de
6 Bosnie-Herzégovine par le biais du MUP serbe. Le MUP serbe entraînait et
7 approvisionnait à la fois les hommes de Seselj et les Serbes locaux. Des
8 centaines d'hommes de Seselj ont été entraînés dans les centres du MUP
9 conformément à l'accord signé entre l'accusé lui-même et le MUP. Le Témoin
10 Petkovic a expliqué ceci, par exemple, dans la pièce C16, paragraphe 48. Et
11 les Bérets rouges du MUP, dont les camps d'entraînement ont déjà été cités,
12 ont déployé leurs forces de police spéciales en Bosnie, et ont combattu,
13 par exemple, à Bosanski Samac et à Nevesinje. Pièce P131, page 6.
14 Comme mes collègues l'aborderont, la JNA, le MUP serbe et le SDS ont
15 contribué à un armement considérable des civils et des soi-disant
16 volontaires. A ce stade, je souhaite simplement mentionner la pièce P257,
17 page 6. Il s'agit d'un rapport de la JNA daté du mois de mars 1992, et
18 montre la présence de quasiment 70 000 "volontaires" dans la 2e Région
19 militaire qui avait été armée par la JNA ou par le SDS.
20 A la fin du mois de mars 1992, les membres de l'entreprise criminelle
21 commune étaient prêts à faire la guerre. Krajisnik a dit à l'assemblée
22 serbe de Bosnie-Herzégovine, et je cite :
23 "…ce serait bien si nous pouvions commencer à mettre en œuvre ce qui
24 a fait l'objet d'un accord entre nous, à savoir la division ethnique sur le
25 terrain."
26 Confer pièce P951, page 12.
27 Et le 24 mars 1992, Krajisnik a dit à l'assemblée serbe qu'au moment
28 adéquat :
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1 "…toutes les municipalités serbes, que ce soit les anciennes ou les
2 municipalités nouvellement créées, prendraient littéralement le contrôle de
3 l'ensemble du territoire desdites municipalités."
4 Confer pièce P952, page 22.
5 Peu de temps après, les forces serbes ont commencé à découper les
6 territoires revendiqués par les Serbes en Bosnie-Herzégovine. Les forces
7 serbes étaient composées de la JNA et plus tard de la VRS, de TO serbes
8 locales et d'unités de police, d'unités du MUP serbe, des hommes d'Arkan,
9 des hommes de Seselj, qui ont mené une campagne de persécution massive
10 contre la population civile non-serbe en Bosnie-Herzégovine.
11 Comme il avait fait en Croatie, les résultats de cette campagne de
12 persécution ont été considérables -- les conséquences ont été
13 considérables.
14 Madame et Messieurs les Juges, vous avez maintenant à l'écran la pièce
15 P669. C'est une carte qui vous montre la composition démographique de la
16 Bosnie-Herzégovine juste avant la guerre en 1991. Vous avez en rouge clair
17 des zones où il y avait majoritairement une population serbe. En vert, une
18 majorité musulmane. Et dans les zones en bleu, où il y avait une majorité
19 croate. Alors que dans les zones mauves et grises, la population était
20 mixte. Vous le voyez, c'est une carte assez complexe, une mosaïque, pour
21 ainsi dire.
22 Voyons maintenant quel aspect avait la carte après la campagne de
23 persécution. Vous avez maintenant à l'écran la pièce P629. Elle vous montre
24 la composition ethnique en 1997. Nous avons gardé les mêmes couleurs. En
25 rouge, ce sont des zones serbes; en vert, des zones musulmanes; en bleu,
26 des zones croates. Vous le voyez clairement, le découpage démographique
27 avait été tout à fait remodelé.
28 Les crimes commis à Zvornik, dans la région de Sarajevo, à Mostar et à
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1 Nevesinje dont on a apporté la preuve en ce procès ont été prouvés au-delà
2 de tout doute raisonnable comme étant une partie de cette campagne.
3 En conclusion, Madame et Messieurs les Juges, les éléments de preuve
4 démontrent que l'accusé a coopéré étroitement avec d'autres membres de
5 l'entreprise criminelle commune pour réaliser leur projet commun, celui
6 d'un Etat serbe. Ils ont établi des institutions uniquement serbes. Ils ont
7 établi des forces de police et des forces militaires. Lorsque la Croatie et
8 plus tard la Bosnie-Herzégovine ont déclaré leur indépendance, ils ont
9 déployé ces forces dans des zones qu'ils revendiquaient comme étant des
10 terres serbes. Tout du moins à partir d'août 1991, ces forces ont mené une
11 campagne de persécution massive contre la population non-serbe dans les
12 zones convoitées. Les crimes commis à Vukovar, Zvornik, dans la région de
13 Sarajevo, à Mostar et Nevesinje faisaient partie de cette campagne de
14 persécution. Les crimes ont été commis par les hommes de Seselj, les
15 Seseljevci, et d'autres forces serbes commandées ou contrôlées par d'autres
16 membres de l'entreprise criminelle commune.
17 L'accusé lui-même a décrit les résultats de cette campagne et les résultats
18 de sa coopération avec Slobodan Milosevic. Voici ce qu'il disait :
19 "Le résultat de notre coopération et de nos efforts conjoints a été
20 la création de la Republika Srpska et de la République de Krajina serbe.
21 Sans notre soutien et sans le soutien du Parti socialiste de Serbie, je ne
22 pense pas que les Serbes de la Republika Srpska et les Serbes de la
23 République de la Krajina serbe auraient réussi à obtenir leurs propres
24 pays, ce qui était le but de leur lutte."
25 Ceci est dit à la page 2 de la pièce P1249.
26 Madame et Messieurs les Juges, les éléments de preuve prouvent au-delà de
27 tout doute raisonnable qu'il existait un objectif commun dont l'accusé
28 faisait partie, objectif qui était de commettre les crimes retenus dans
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1 l'acte d'accusation.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vais bientôt donner la parole à Mme
4 Biersay, mais auparavant, permettez-moi d'aborder quelques sujets relatifs
5 à l'administration de la preuve.
6 Vous l'aurez vu, l'accusé a plusieurs fois reconnu certains éléments
7 avant la période couverte par l'acte d'accusation, éléments qui prouvent
8 qu'il était membre de l'entreprise criminelle commune et y contribuait. Par
9 la suite, il est revenu et a nié certaines de ces déclarations. Les
10 déclarations sous serment et celles faites sans que ce soit sous serment
11 méritent un examen minutieux.
12 Ses dénégations intéressées doivent être rejetées lorsqu'elles ne
13 sont pas corroborées par d'autres éléments significatifs, indépendants et
14 crédibles, parce qu'il a des raisons personnelles de formuler ses
15 déclarations de façon à se souscrire à sa responsabilité pénale. D'autres
16 témoins, qu'ils aient été proches de l'accusé ou repris dans son mémoire en
17 clôture en tant que témoins à décharge, sont revenus sur leurs déclarations
18 antérieures qui, pourtant, inculpaient l'accusé ou ils n'ont pas accepté de
19 venir témoigner. Les déclarations de ces témoins ont été versées au dossier
20 et ce sont des éléments fiables, dignes de foi.
21 La fiabilité de ces déclarations est vérifiée par des auditions de suspects
22 versées au dossier, tout comme par le témoignage d'un membre du bureau du
23 Procureur, ainsi que par d'autres éléments qui viennent en corroboration et
24 qui sont, eux aussi, fiables.
25 Certains des témoins qui se sont rétractés ont fait des allégations
26 extravagantes à l'encontre de membres du bureau du Procureur pendant leur
27 témoignage pour essayer de discréditer les déclarations qu'ils avaient
28 faites auparavant au bureau du Procureur. L'accusé a répété ces
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1 affirmations dans son mémoire en clôture. Cependant, il y eut une enquête
2 indépendante désignée par la Chambre qui a mené à un examen approfondi de
3 ces allégations. Chacune d'entre elles a été rejetée. Et la Chambre de
4 première instance a accepté les conclusions de l'enquête. Ces rétractations
5 ne méritent pas d'examen. Elles ne sont pas dignes de foi. Ces
6 rétractations sont le fruit d'une campagne organisée visant à empêcher les
7 témoins de venir témoigner pour dire la vérité. La Chambre de première
8 instance devrait rejeter tous les arguments de l'accusé lorsqu'il dit qu'il
9 s'est appuyé -- ou, tous ceux qui s'appuient sur les rétractations peu
10 dignes de foi des témoins -- excusez-moi, je me suis un peu embrouillé.
11 La Chambre de première instance devrait rejeter tous les arguments de
12 l'accusé qui s'appuient sur des rétractations de témoins peu dignes de foi
13 ou qui contestent les déclarations versées au dossier de témoins qui ne
14 sont pas venus déposer à l'audience.
15 Je vous renvoie à l'annexe contenant les arguments de l'Accusation dans le
16 mémoire en clôture qui revient en détail sur ces questions. J'ai ainsi
17 terminé, Madame et Messieurs les Juges. C'est maintenant Mme Biersay qui va
18 vous présenter nos arguments en ce qui concerne la contribution de l'accusé
19 à l'objectif commun dont je viens de parler. Je pense qu'il nous faut un
20 petit temps pour quelques préparatifs.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Madame Biersay. Vous avez donc la
22 parole.
23 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Avant de commencer, permettez-moi de vérifier auprès de vous pour
25 savoir à quelle heure sera la prochaine pause. Est-ce que nous allons
26 maintenant travailler une heure et demie ? Ça nous mènerait à 18 heures 40.
27 Est-ce que vous voulez faire une pause à ce moment-là ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Je préférerais qu'on fasse du non-stop. Mais si M.
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1 Seselj est fatigué, il nous dira "stop".
2 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci de cette précision.
3 Merci, Madame et Messieurs les Juges. L'accusé a empoisonné et matraqué les
4 non-Serbes, comme les Serbes, par une campagne de haine dans toute la
5 Yougoslavie. Il l'a fait en qualité de député de l'assemblée nationale de
6 la République de Serbie. Il l'a fait en qualité de chef du Parti radical
7 serbe, le parti qui était le deuxième parti le plus populaire de Serbie. En
8 tant que chef quasi-militaire qu'on connaissait dans toute l'ex-Yougoslavie
9 de par son titre militaire chetnik, celui de "vojvoda". Et il l'a fait en
10 qualité de star charismatique des médias qui se faisait le chantre de la
11 création par la force d'une Grande-Serbie.
12 Le pouvoir, l'autorité qui étaient implicites dans ses attributs
13 politiques comme militaires ont fait comprendre de façon limpide aux non-
14 Serbes, comme aux Serbes, que les mots qui lui servaient d'armes devaient
15 être pris au sérieux. Les Serbes, comme les non-Serbes, ont vu de leurs
16 yeux que l'accusé pouvait rendre réelles ces menaces de violence, et l'a
17 d'ailleurs fait, il l'a fait par le biais de ses sympathisants et par le
18 biais de ses hommes, les Seseljevci.
19 Dans son mémoire et pendant toute la durée du procès, l'accusé a
20 essayé de vous convaincre que pendant la période couverte par l'acte
21 d'accusation, il n'était qu'un simple homme politique de l'opposition et
22 que c'était lui maintenant qui se voyait poursuivi tout simplement en
23 raison de son idéologie politique. Mais en fait comme en droit, le fait
24 qu'il ait été un homme politique ne le dédouane pas de sa responsabilité
25 pour avoir commis, aidé et encouragé et pour avoir incité à la commission
26 des crimes visés à l'acte d'accusation. Nous en discutons de façon
27 détaillée dans notre mémoire en clôture aux paragraphes 96 à 107, aux
28 paragraphes 247 à 274 et aux paragraphes 566 à 609.
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1 Madame et Messieurs les Juges, je vais essayer de mettre en exergue
2 certains éléments essentiels concernant trois domaines généraux :
3 Premier domaine, l'influence et l'autorité qu'avait l'accusé pendant
4 la période couverte par l'acte d'accusation; deuxième domaine, sa
5 contribution à l'objectif commun et aux crimes retenus dans l'acte
6 d'accusation par sa propagande de haine contre les non-Serbes; troisième
7 domaine, sa contribution à l'objectif commun et aux crimes retenus dans
8 l'acte d'accusation par le fait qu'il a recruté et déployé des volontaires.
9 Il a contribué de façon significative à la mise en œuvre d'un objectif
10 commun et il a aussi eu une contribution significative à la commission de
11 ces crimes de deux façons : par la campagne de haine et par sa campagne de
12 recrutement, de déploiement et d'encouragement à l'acte de ses volontaires.
13 La contribution à ces crimes montre aussi l'intention qu'il avait de les
14 commettre. Par des discours de haine à Vukovar et à Hrtkovci, on peut le
15 retenir coupable d'avoir commis matériellement des crimes de persécution,
16 notamment.
17 Pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation, cet accusé
18 avait une influence ou une autorité politique quasi-militaire énorme. Il a
19 exploité cette influence ou cette autorité tout d'abord pour exacerber les
20 tensions interethniques et attaquer violemment les non-Serbes pour les
21 chasser des zones convoitées; et aussi pour recruter, déployer et
22 encourager ceux qui étaient prêts à réaliser son objectif de la création
23 d'une Grande-Serbie par la force et dans l'illégalité. Il s'est emparé de
24 la désintégration de la Yougoslavie pour semer la peur et pour inciter à la
25 commission de crimes discriminatoires. C'est la raison pour laquelle les
26 membres de l'entreprise criminelle commune ont demandé et encouragé ses
27 contributions.
28 Nous avons des éléments fiables qui prouvent au-delà de tout doute
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1 raisonnable en l'espèce que l'accusé avait entièrement l'intention de
2 commettre cette campagne de persécution en Bosnie, en Croatie et à Hrtkovci
3 en Serbie.
4 Est-ce que l'accusé était un homme politique pendant la période
5 couverte par l'acte d'accusation ? Tout à fait. Et un homme qui rencontrait
6 beaucoup de succès.
7 Au cours du conflit en Croatie et en Bosnie, l'accusé - qui était
8 chef du SRS et qui était un député de l'assemblée nationale - c'était le
9 visage charismatique d'une politique ultranationaliste qui promouvait une
10 Grande-Serbie homogène. Qui avait à l'ouest une frontière, on vous l'a dit,
11 qui longeait cette fameuse ou infâme ligne KOKV : Karlobag-Ogulin-Karlovac-
12 Virovitica. Nous avons la pièce P156, la pièce 157 et la pièce P158, ainsi
13 que les tableaux 5, 6 et 8 contenus dans ces pièces. Il s'agit là des
14 résultats des élections de mai et de décembre 1992.
15 Ces pièces nous disent que le SRS était le deuxième parti en termes
16 de popularité après le SPS. C'était vrai aussi bien pour l'assemblée
17 fédérale que pour l'assemblée nationale de Serbie. En 1993, l'accusé a
18 admis que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, l'opinion
19 publique avait l'impression que l'accusé, tout comme le SRS, détenait une
20 influence politique considérable, en partie en raison de sa coopération
21 avec Milosevic et le SPS, coopération qui se manifestait par l'aide
22 apportée aux Serbes à l'extérieur de la Serbie. Et l'accusé lui-même le
23 disait, je le
24 cite :
25 "…nombreux sont ceux qui ont l'impression que nous, les radicaux,
26 nous étions en coalition avec les socialistes."
27 Il l'a admis dans son magazine "Zapadna Srbija", qui a été versé au
28 dossier et qui porte la cote P1230.
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1 En août 1993, l'accusé a concédé - dans la pièce P1224 - que c'était
2 lui qui avait contribué au pouvoir de Milosevic parce que ce dernier avait,
3 et je cite l'accusé, "le soutien du deuxième parti en termes de popularité,
4 le Parti radical serbe."
5 Et puis, l'accusé décrit l'influence politique considérable qu'est la
6 sienne, je le cite :
7 "Je n'ai pas de fonctions publiques, mais j'ai plus d'autorité que
8 certains ministres. Et ça peut vous déranger autant que vous voulez, mais
9 l'autorité c'est l'autorité, et ça ne se mesure pas par des titres mais par
10 le véritable pouvoir politique qu'on a."
11 Les éléments de preuve vous ont montré que l'accusé a abusé de cette force
12 politique qui était la sienne. Le SRS avait pour objectif principal pas
13 simplement de faire de la politique, mais d'imposer par la force un Etat
14 dominé par les Serbes et nettoyé de ceux qui ne l'étaient pas. Nous avons
15 la pièce 1183, on a une participation à une émission télévisée de l'accusé
16 alors que la guerre est à son apogée en Croatie en novembre 1991. Il fait
17 une distinction entre le SRS et les autres partis politique dans la mesure
18 où son parti a contribué à la guerre. Je le cite :"Le SRS n'est pas un
19 parti -- ce n'est pas celui qui mène le plus de conférences de presse,
20 c'est celui qui tire le plus sur le front."
21 Cet accusé n'était pas qu'un simple homme politique. C'était un homme
22 politique qui détenait le titre suprême dans la tradition chetnik, c'était
23 un "vojvoda". Ce que reconnaissaient beaucoup, dont des volontaires. Il
24 était à la tête du Mouvement chetnik-serbe, un mouvement qui était greffé
25 au SRS, parti reconnu, et qui était son bras militaire, son prolongement
26 militaire. On l'a vu en tenue militaire, et il était souvent escorté
27 d'hommes armés en uniforme.
28 L'accusé a entretenu cette personnalité qu'il présentait, un
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1 belligérant militariste, cette identité de meneur, même avant de devenir
2 député et avant de créer le SRS. Il évoquait un dessein d'idéologie
3 puissante et des symboles du Mouvement chetnik, et c'est ainsi qu'il est
4 devenu son représentant le plus notoire et le plus influent. Il décrit
5 notamment l'impact, l'effet qu'a eu un des symboles chetniks, son drapeau,
6 sur les non-Serbes. Voici ce qu'il dit, je le cite :
7 "Tout d'abord, le drapeau noir c'est le symbole principal du Mouvement
8 chetnik … c'est un symbole très efficace; vous savez, quand ces unités
9 chetniks arborant le drapeau noir arrivaient quelque part où il y avait des
10 Oustachi, ceux-ci prenaient leurs jambes à leur cou. Quand il y avait 50
11 Chetniks, les Croates pensaient qu'ils étaient 10 000 et ils prenaient la
12 fuite, paniqués."
13 Pièce P1181.
14 Cette conjugaison du SRS avec le SCP pour faire une force militaire s'était
15 terminée au moment où l'accusé a commandé ses hommes et les a envoyés pour
16 qu'ils contribuent avec les forces serbes à la réalisation de l'objectif
17 criminel commun. L'accusé lui-même, dans la pièce P217, qu'il signe en
18 1993, le dit, je le cite : "C'était le seul 'vojvoda' chetnik serbe
19 participant directement au mouvement de libération actuel du peuple serbe,
20 et dans la tradition des Chetniks serbe. Je confère ainsi le titre de
21 'vojvoda' chetnik serbe aux commandants chetniks les plus influents pour
22 les remercier de leurs services extraordinaires pendant la guerre, pour
23 leur courage et leurs aptitudes manifestes au combat."
24 Là, il parle des titres qu'il a accordés à ces "vojvoda".
25 Et cette cérémonie d'attribution de titres de "vojvoda" à ces combattants
26 s'est déroulée en 1993, et y participaient bon nombre de Seseljevci en
27 uniforme et en armes. Mais cette cérémonie a aussi connu la une des
28 journaux, ça a été publié. Nous avons ici la pièce P255 que j'aimerais
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1 montré aux Juges.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "Le premier jour du référendum, Vojislav Seselj, le 'vojvoda' chetnik
5 serbe, président du SRS, est arrivé aujourd'hui en Republika Srpska. Dès
6 qu'il a franchi la Drina, il est allé rendre visite à nos défenseurs sur la
7 première ligne de défense, puis il est allé à Knezina, un village et
8 monastère en Romanija serbe libre, et on a prêté le serment des nouveaux
9 Chetniks serbes.
10 Ordre numéro 124. En tant que seul 'vojvoda' chetnik participant
11 directement" --
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'entends rien. Ceci est un document fort
13 précieux du point de vue historique.
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Journaliste : Je prononce la Romanija une montagne qui ne parle pas
17 à ses ennemis, qui se réjouit du serment prêté par ces 18 nouveaux
18 'vojvoda', un serment qui n'avait pas été entendu depuis 50 ans.
19 Je jure en tant que 'vojvoda' chetnik serbe…
20 Je jure devant Dieu et Saint Sava…
21 Que je combattrai de toutes mes forces pour la liberté du peuple serbe…
22 Pour la restauration d'un Etat serbe unifié dans les Balkans qui englobera
23 toutes les terres serbes…
24 Et je jure de combattre pour la restauration d'un Etat serbe unifié dans
25 les Balkans qui englobera tous les Serbes…
26 Si Dieu le veut.
27 Que Dieu me vienne en aide.
28 Bonne chance, et que Dieu vous protège. Que Dieu vous accorde une longue
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1 vie.
2 On peut leur faire confiance, les choses se passeront comme ils l'ont dit.
3 Le grade de 'vojvoda' chetnik a été décerné à ces héros serbes de nombreux
4 secteurs serbes : Zdravko Abramovic; Branislav Vakic; Srecko Radovanovic;
5 Slavko Crnic; Nedeljko Vidikovac; Slavko Aleksic; Mitar Maksimovic, alias
6 Manda; Miroslav Vukovic, alias Cele; Milika Dacevic, alias Ceko; Tomislav
7 Nikolic; Milan Lancuzanin, alias Kameni; Zoran Drazinovic, alias Cica; Jovo
8 Ostojic; Ljubisa Petkovic; Todor Lazic; Mirko Blagojevic; Dragan Svetkovic;
9 et Branislav Gavrilovic, alias Brne.
10 Brne, Brne, tourne-toi un peu que je puisse te prendre en photo."
11 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
12 Mme BIERSAY : [interprétation] L'accusé n'est pas poursuivi pour
13 responsabilité hiérarchique. Mais son autorité et son influence sur cette
14 alliance SRS/SCP, qui était quasiment une alliance politique et militaire,
15 est pertinente s'agissant de prouver de la nature de sa contribution à
16 l'objectif commun ainsi que sa responsabilité juridique en tant que
17 personne ayant aidé et encouragé et même instigué à commettre.Des membres
18 de haut rang du SRS/SCP, tels que les Témoins Petkovic, Rankic et
19 Glamocanin, ont décrit l'accusé comme, je cite, "détenant un pouvoir
20 absolu" sur cette association entre le SRS et le SCP. Ils ont dit qu'il
21 s'agissait d'un "autocrate" et d'un "dictateur", que l'accusé se
22 complaisait, comme on le voit dans les pages 26 à 27 de la pièce à
23 conviction C13.
24 Il se complaisait dans les différents rôles d'autorité qu'il a
25 exercés pendant tout le conflit, et les témoins le décrivent comme
26 jouissant des titres quasi-militaires qui lui étaient décernés, tels que le
27 titre de "commandant", de "commandant suprême" et de "commandant des
28 détachements opérationnels du SCP dans la patrie." On trouve ces mentions
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1 dans les pièces à conviction P59, P154 et P1058.
2 Et l'accusé était fier de cette autorité, qu'il renforçait en public
3 en déclarant, je cite :
4 "C'est moi qui organise des interventions de notre organisation de
5 guérilla. C'est moi qui définis les objectifs de l'attaque et les lieux qui
6 doivent être conquis."
7 Après le bombardement de Vukovar, par exemple, alors que les non-Serbes
8 s'enfuyaient et avant les crimes d'une rare violence commis à Ovcara et à
9 Velepromet, l'accusé a organisé des rassemblements où il arrivait escorté
10 par des gardes du corps en uniforme, armés et portant donc l'uniforme.
11 Comme VS-002 l'a dit aux Juges de la Chambre de première instance, en page
12 6 157 [comme interprété] du compte rendu d'audience, je cite :
13 "C'était un 'vojvoda'. Nous ne pouvions pas refuser d'obtempérer à un ordre
14 venant de lui."
15 La position dont jouissait l'accusé en tant que dirigeant chetnik
16 incontesté et en tant que "vojvoda" au sein de l'alliance SRS/SCP ainsi que
17 la légitimité perceptible qui était la sienne en tant que représentant
18 politique lui ont facilité la tâche d'endoctrinement des forces serbes, et
19 en particulier ont facilité de sa part la propagation de la peur et de la
20 haine qui justifiait à ses yeux une séparation ethnique et une expulsion
21 forcée des non-Serbes.
22 La pièce P1182 le décrit également, pendant la période couverte par
23 l'acte d'accusation, comme une star des médias. Ce statut a amplifié
24 l'audience déjà importante qui était donnée à sa campagne de haine contre
25 les non-Serbes. Ceci a également amplifié et intensifié sa contribution et
26 l'encouragement qu'il a apportés à la commission des crimes visés à l'acte
27 d'accusation.
28 Comme on peut le constater dans un certain nombre d'éléments de
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1 preuve, l'accusé a créé sa propre machine de propagande de haine. Ceci a
2 été le cas à Vukovar et à Hrtkovci en particulier. Certains auteurs de base
3 des crimes ont cité ses idées comme les ayant poussés à nettoyer les non-
4 Serbes, comme on le voit dans la pièce P57. Il a créé les publications
5 "Velika Srbija" et "Zapadna Srbija". Il a également apparu dans de nombreux
6 meetings et rassemblements. Sa popularité et son influence lui ont
7 d'ailleurs acquis un autre titre, celui d'"homme de l'année" en 1991, qui
8 lui a été décerné par les médias serbes, comme on le voit dans la pièce
9 P1190.
10 La couverture médiatique dont profitait l'accusé lui a facilité sa
11 guerre contre les non-Serbes, et il s'est servi des mots qu'il prononçait
12 comme d'armes dans cette campagne de persécution. Comme le reconnaît
13 l'accusé dans la pièce P1337, je cite :
14 "La propagande repose sur le fait qu'une grande majorité de la population
15 est naturellement prête à croire sans difficulté tout ce que ces gens-là
16 lisent, entendent ou voient à la télévision."
17 Plusieurs auteurs de base des crimes commis les ont commis peu après
18 avoir la propagande haineuse de l'accusé. Ceci a été le cas à Vukovar et à
19 Hrtkovci. Certains ont dit que c'étaient donc les idées de l'accusé qui les
20 avaient poussés à "nettoyer" les non-Serbes, comme on le voit dans la pièce
21 P57. Il a inspiré des milliers d'hommes pour qu'ils rejoignent les rangs
22 des hommes de Seselj. Ce qui montre que sa propagande haineuse a eu un
23 effet démontrable sur la campagne de persécution au fil de son évolution
24 sur le terrain.
25 La réunion de l'influence politique exercée par l'accusé, de son
26 autorité quasi-militaire, de la couverture médiatique dont il faisait
27 l'objet et de la campagne haineuse qu'il a développée contre les non-Serbes
28 a créé un mélange mortel et criminel qui avait pour but de favoriser
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1 l'accomplissement de l'objectif commun.
2 Le Témoin Oberschall définit la propagande comme, je cite :
3 "…une technique de persuasion qui en appelle aux émotions."
4 Il explique, ce témoin, que les menaces - ainsi que d'autres moyens
5 de propagande - fonctionnent dans le but de créer une "exigence d'action",
6 et la répétition est un élément-clé pour la réussite de la propagande. La
7 propagande haineuse, répétée inlassablement, diffuse la haine dans
8 l'assistance, certains recourant même à la violence pour supprimer une
9 menace perçue comme telle, c'est-à-dire - selon les termes utilisés par
10 l'accusé - supprimer les non-Serbes. Avant et pendant la période couverte
11 par l'acte d'accusation, l'accusé n'a eu de cesse de promouvoir la Grande-
12 Serbie. Il n'a eu de cesse de qualifier les Croates d'Oustachi; il n'a eu
13 de cesse de se servir de mots humiliants pour qualifier les Musulmans de
14 Bosnie; il n'a eu de cesse pour évoquer le génocide et les menaces de
15 génocide contre les Serbes; et il n'a eu de cesse à appeler à la vengeance.
16 Tous ces éléments ensemble créent une contribution importante à l'objectif
17 commun. Ces éléments ensemble ont créé un environnement coercitif et ont
18 conditionné les esprits des non-Serbes comme des sympathisants. Ces
19 éléments de propagande incitatrice - que je vais maintenant mettre en
20 exergue - ont porté leurs fruits de mort dès le début des crimes visés à
21 l'acte d'accusation.
22 L'accusé a épousé à tout moment l'idéologie chetnik de base dans le
23 but de recruter des combattants serbes et de semer la peur parmi les non-
24 Serbes. Encore et encore, il prenait la force dans le but de conquérir et
25 de conserver ce qu'il considérait comme des terres serbes à l'extérieur de
26 la Serbie. Encore et encore, il proclamait que les Serbes, les Croates et
27 les Musulmans ne pouvaient tout simplement plus vivre ensemble, comme on le
28 voit dans les pièces à conviction P1298 et P1211. Encore et encore, il
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1 dénigrait les non-Serbes dans le but de promouvoir le mépris et la haine à
2 leur égard, et il mettait en garde en affirmant que les non-Serbes
3 constituaient une menace physique, démographique, culturelle et même
4 économique pour les Serbes, comme on le voit à la lecture des pièces P1295
5 et P1280.
6 Encore et encore et encore, l'accusé et son appareil politique quasi-
7 militaire - l'alliance SRC/SCP - évoquaient les victimes du passé et le
8 génocide vécu par les Serbes dans le passé dans le but de prôner et de
9 justifier une violence criminelle contre les non-Serbes; autrement dit, de
10 justifier des crimes qui seraient nécessaires à la réalisation de
11 l'objectif commun.
12 Dans la pièce P35, par exemple, il profère des menaces, je
13 cite :
14 "Tous ceux qui n'ont pas la conscience tranquille doivent avoir peur
15 de nous, peur des Serbes. Ils ont des raisons d'avoir peur de nous. Nous,
16 les Serbes, nous avons trop oublié et pardonné au cours de l'histoire. Nous
17 avons dit aux Croates que si par hasard ils recouraient à nouveau au
18 génocide contre le peuple serbe, non seulement nous nous vengerions pour
19 chaque victime, mais nous réglerions également les comptes des victimes qui
20 remontent aux Première et Deuxième Guerres mondiales."
21 Des déclarations publiques de cette nature avaient pour but
22 d'encourager les Serbes à commettre des crimes contre les non-Serbes en les
23 absolvant de toute responsabilité par rapport à ces crimes.
24 L'accusé lui-même a admis dans la pièce 1215 que, je cite, "les mots
25 peuvent être une arme très dangereuse. Parfois, ils frappent comme un
26 obusier."
27 Confronté désormais aux accusations de crimes qui pèsent contre lui, il
28 voudrait que vous pensiez que de tels mots, les mots prononcés par lui,
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1 n'ont plus aucun pouvoir. Or, les éléments de preuve montrent que ceci
2 n'est pas exact. Il savait que sa propagande frappait comme un obusier. Les
3 éléments de preuve lui ont donné raison. Il a frappé les non-Serbes en
4 Croatie à l'aide de ses mots haineux. Il a frappé les non-Serbes en Bosnie-
5 Herzégovine. Et il a frappé les non-Serbes à Hrtkovci.
6 Lorsqu'il a utilisé sa marque de fabrique, celle qui porte le nom de
7 Grande-Serbie, il faisait la promotion et justifiait la soumission,
8 l'expulsion, les sévices infligés aux non-Serbes. Alors que les tensions
9 interethniques explosaient après avoir lentement augmenté, les mots de
10 l'accusé ont continué à frapper les non-Serbes.
11 Et maintenant, je vais mettre en exergue un certain nombre des mots
12 de l'accusé dans le cadre de sa propagande haineuse contre les Croates.
13 Selon l'accusé lui-même, il a été invité à Plitvice en avril 1991, peu
14 avant le début de la période couverte par l'acte d'accusation, par Milan
15 Babic, membre de la direction serbe de la nouvelle SAO de Krajina. A
16 Plitvice, à cette époque à peu près, il y avait déjà eu deux policiers
17 tués, l'un étant croate et l'autre serbe. L'accusé a prononcé un discours
18 enflammé devant un public serbe très nourri. Il a prévenu ces Serbes que
19 les mercenaires d'Ante Markovic les vendraient à Tudjman et leur a promis
20 de, je cite :
21 "…venger le sang serbe".
22 Les Juges de la Chambre peuvent maintenant voir la pièce P339 dont je
23 demande la diffusion.
24 C'est une vidéo.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
27 "Dans une telle atmosphère, le 'vojvoda' Seselj, dont la présence
28 avait été annoncée au début du meeting, a pris la parole.
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1 La foule crie : Voja, Voja, la Serbie, la Serbie, la Serbie, la
2 Serbie. Vojislav Seselj.
3 Seselj : Le peuple serbe vit ici, ceci est une terre serbe et elle
4 demeurera serbe à tout jamais.
5 Le public : C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai.
6 Le journaliste : Après avoir qualifié d'historique la décision de
7 création de la Région autonome serbe de Krajina, Seselj y a déclaré :
8 'Frères et sœurs serbes. Vous êtes au front, vous défendez la cause
9 serbe. L'Etat --"
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Là encore, on n'entend plus rien. Ce sont des
11 propos géniaux. On ne les entend pas. Je n'entends toujours rien.
12 Mme BIERSAY : [aucune interprétation]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai poussé le volume au maximum et je
14 n'entends toujours rien. Vous avez bien vu que mon bouton était réglé au
15 maximum.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- qu'on peut augmenter la tonalité des propos ou
17 décibels.
18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
19 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons demander
20 l'intervention d'un technicien, mais entre-temps, je vais donner lecture de
21 la transcription de la vidéo et vous pourrez voir les images et entendre le
22 son lorsque le problème technique sera résolu et que le son sera au niveau
23 nécessaire.
24 Dans ce discours, à la pièce 339, l'accusé a dit à son auditoire :
25 "Nous envoyons un message au nouveau chef d'Etat oustachi, au régime
26 oustachi en Croatie : Les têtes serbes sont tombées au Srem occidental et
27 en Slovénie … nous vengerons le sang serbe qui a coulé".
28 Peu de temps après ce discours, l'accusé en a fait un autre, et peu de
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1 temps après, le 21 avril 1991, à Jagodniak, en Croatie, et à Baranja, parce
2 que les Serbes avaient dû faire face à des crimes brutaux pendant la
3 Deuxième Guerre mondiale. L'accusé a invoqué le génocide des Serbes, a
4 déclaré que les Croates ne pouvaient avoir que le territoire qui se
5 trouvait à l'ouest de la ligne KOKV. A la pièce P70, lorsque ceci sera
6 visionné, la Chambre verra et nous verrons que les applaudissements étaient
7 fort enthousiastes lorsque l'accusé a entonné ce refrain tristement célèbre
8 sur la ligne de KOKV.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "Croates, en ce qui nous concerne, vous pouvez quitter la Yougoslavie si
12 vous le souhaitez. Lorsqu'ils le souhaitent, ils peuvent partir. Nous les
13 laissons partir ouvertement, de façon à ce qu'ils ne puissent pas prendre
14 un seul pouce de territoire serbe, pas un morceau de terrain où les
15 villages serbes ont été détruits, des églises serbes, où se trouvent les
16 fosses communes serbes, des camps serbes, Jasenovac serbe. Si nous
17 autorisons cela, nous serons indignes de nos ancêtres glorieux et nous
18 devrions avoir honte devant nos descendants. Les Croates peuvent créer leur
19 nouvel Etat, mais seulement à l'ouest de la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-
20 Virovitica. Tout ce qui se trouve à l'est de cette ligne est serbe".
21 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
22 Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agissait de la pièce 70. Nous allons,
23 une nouvelle fois, essayer d'entendre la pièce P339.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
26 "Journaliste : Dans une telle atmosphère, 'vojvoda' Seselj, dont la
27 présence avait été annoncée au début du meeting, a pris la parole.
28 La foule : Voja voja, Serbie, Serbie, Serbie, Serbie.
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1 Seselj : Ici, le peuple serbe habite. Cette terre est serbe. Elle
2 demeurera serbe à tout jamais.
3 La foule : C'est vrai. C'est vrai. C'est vrai.
4 Journaliste : Après avoir qualifié d'historique la décision de
5 création de la Région autonome serbe de Krajina, Seselj y a déclaré :
6 'Frères et sœurs serbes, vous vous trouvez ici sur les lignes de
7 front qui défendent la cause serbe. Les frontières de l'Etat serbe. Vous
8 êtes dans la situation la plus difficile et vous êtes la fierté de tous les
9 Serbes.'
10 Le journaliste : Il leur avait promis qu'ils ne seraient pas laissé à
11 eux-mêmes et que tous les Serbes de Croatie n'avaient qu'un seul parti, le
12 Parti démocratique serbe.
13 Seselj : Vous avez des dirigeants sages ici qui sont sous la
14 direction de l'héroïque Milan Babic.
15 Le journaliste : Ceux qui divisent le peuple serbe, il les a
16 qualifiés de traîtres.
17 Seselj : Seuls les mercenaires d'Ante Markovic et ceux des services
18 de renseignement étrangers croient aujourd'hui qu'ils ont des problèmes
19 plus importants que vous défendre, vous protéger. Ils vous offrent en
20 cadeau à Tudjman. Ils sont prêts à vous vendre. Vous n'êtes pas à vendre.
21 Vous ne devez pas être trahis.
22 Le journaliste : Plutôt que de les calmer, Seselj y a alors adressé
23 un message à toute cette foule rassemblée à la fin.
24 Seselj : Nous adressons un message à tous les nouveaux chefs oustachi
25 de l'Etat et du régime oustachi en Croatie. Les têtes serbes ont roulé,
26 abattues par la main oustachi dans la Krajina serbe. Une tête serbe a roulé
27 dans le Srem occidental et en Slavonie également. Nous vengerons le sang
28 serbe".
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1 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
2 Mme BIERSAY : [interprétation] Dans le même mois où il a donné ces
3 discours, il a déployé Seseljevci à Borovo Selo. Après ce déploiement et
4 ses discours, les hommes de Seselj ont participé à la pose d'embuscades et
5 ont tiré des policiers croates à Borovo Selo le 2 mai 1991.
6 L'accusé était acharné. Lors d'une célébration orthodoxe à laquelle
7 assistait Karadzic, quatre jours plus tard, à la date du 6 mai 1991,
8 l'accusé a prévenu la foule serbe d'un génocide contre le peuple serbe. Il
9 a parlé du fait de venger ces crimes et des Chetniks qui se battaient sur
10 l'ensemble du territoire croate. Ceci se trouve à la pièce P3153 [comme
11 interprété], et je demande à ce que ceci soit entendu maintenant.
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Nos ennemis occidentaux tentent de mener une campagne génocidaire contre
15 le peuple serbe. Frères et sœurs serbes, il est de notre devoir de faire
16 cesser cela. Nous envoyons ce message à tous nos ennemis : Non seulement
17 nous allons venger les victimes actuelles, mais nous allons venger les
18 victimes précédentes également, lorsqu'elles ont osé placer le couteau
19 oustachi sous la gorge des Croates.
20 La Bosnie et la courageuse Herzégovine serbe, en particulier, ne
21 doivent pas être divisées. Nous avons un parti politique, le Parti
22 démocratique serbe, vous avez des dirigeants qui ont prouvé leur qualité
23 dans le cadre de leurs actions sur les lignes de front, qui ont défendu
24 l'honneur de la serbité. Nous avons montré aux Oustachi, qui étaient
25 supérieurs en termes d'effectifs, que l'héroïsme serbe vit toujours, que
26 les unités de Chetniks serbes seront actives dans d'autres régions de
27 Serbie occidentale : de la Krajina serbe, de la Slavonie serbe, de la
28 Baranja et du Srem occidental. Nous ne lâcherons pas un seul pouce de
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1 territoire serbe.
2 Laissez les Slovènes quitter la Yougoslavie. Ils n'ont jamais été nos
3 frères ou nos amis. Laissez les Croates partir également. Laissez les
4 Croates faire sécession. Mais nous, nous n'allons pas leur donner un seul
5 pouce du territoire qui se trouve à l'est de la ligne Karlobag-Ogulin-
6 Karlovac-Virovitica".
7 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Ceci s'est poursuivi le 15 mai 1991. Une
9 nouvelle fois, l'accusé a averti les Serbes qu'un nouveau génocide les
10 menaçait. Confer pièce P178, je demande à ce que cette pièce soit entendue.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
13 "Seselj : Les Oustachi croates sont vaincus. Vukasin Soskocanin a
14 conduit la résistance à Borovo Selo et les Oustachi ne l'ont pas fait.
15 La foule crie : Vengeance. Vengeance. Vengeance.
16 "Seselj : C'est trop … nous devons y retourner parce que le nouveau
17 génocide nous menace. Nous devons revenir à l'ancien, aux politiques des
18 Oustacha de Stjepan Mesic.
19 "La foule qui crie : Nous allons tuer Mesic. Nous tuerons Mesic.
20 "Seselj : Ante Markovic.
21 "La foule criant : Ante oustachi. Ante oustachi. Tito oustachi. Tito
22 oustachi.
23 "Seselj : C'est trop … les Serbes de la Krajina serbe ne seront pas sans
24 aide ni sans protection.
25 "La foule qui crie : Tout à fait. Tout à fait.
26 "Seselj : Des centaines de milliers … à tout moment … des mots, et
27 ensuite partir, et que la Serbie reste définitivement endommagée, mutilée.
28 Les Serbes n'accepteront jamais une quelconque confédération. Nous, peuples
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1 de Yougoslavie … qui est, avant tout, au-delà de l'intérêt du peuple
2 serbe".
3 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
4 Mme BIERSAY : [interprétation] Dans cette foule, comme les Juges de la
5 Chambre ont pu le constater, il y avait des hommes qui portaient un
6 uniforme militaire et des insignes chetniks. Après avoir incité cette
7 foule, ses appels à la vengeance se sont intensifiés. Et comme ses appels à
8 la vengeance se sont intensifiés, aussi ses déploiements d'hommes de Seselj
9 se sont intensifiés en Croatie. L'accusé parle dans la pièce P30 de la
10 manière dont, je cite :
11 "En 1991, nous avons commencé à organiser des volontaires à une échelle
12 plus importante, et nous les avons envoyés sur les lignes de front déjà
13 établies, en particulier en Slavonie orientale".
14 Les volontaires de l'accusé, les Seseljevci, savaient pourquoi ils se
15 battaient, à savoir se venger contre les non-Serbes afin de créer une
16 Grande-Serbie. Au moment où Vukovar a été pilonnée et jusqu'au moment où
17 les crimes ont été commis à cet endroit, cet accroissement du déploiement
18 de volontaires était accompagné d'une propagande de persécution permanente
19 à l'encontre des non-Serbes par l'accusé. Le 27 août 1991, dans la pièce
20 P1271 [comme interprété], l'accusé parle des Oustachi en disant :
21 "Nous exprimons notre volonté de ne faire cesser la lutte avant que nous
22 ayons libéré les territoires serbes et avant que nous soyons complètement
23 séparés de ceux qui n'ont jamais été nos frères et nos amis".
24 Et il a poursuivi ce refrain jusqu'au mois de septembre 1991. Par exemple,
25 l'accusé a promis que, je cite : "L'heure a sonné pour venger toutes les
26 victimes serbes et unifier tous les territoires serbes". Pièce P355. Au
27 cours du même mois, il décrit un volontaire en train de mourir aux "mains
28 perfides des Oustachi", et d'ajouter :
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1 "Vous serez vengés. L'ennemi sentira passer la punition que leur
2 infligera le peuple serbe … l'heure est venue de régler de vieux comptes,
3 l'heure est venue de venger tous les sacrifices faits par les Serbes et
4 d'unifier tous les territoires serbes". P40.
5 Dans un numéro de "Velika Srbija", le chef de la cellule de Crise du
6 SRS, le Témoin Petkovic, a dit, et je cite :
7 "…un virus avide de sang qui s'appelle le génocide pullule une nouvelle
8 fois dans le sang oustacha et menace le peuple serbe avec de nouveaux
9 charniers, de nouvelles fosses, abattoirs et prisons … nous sommes
10 confrontés à une nouvelle vague d'extermination que même le Dr Mengele
11 envierait". Pièce P1280.
12 Et malgré cela, au mois de septembre 1991, peu de temps avant que les
13 crimes ne soient commis à Vukovar, l'accusé s'est félicité du fait que :
14 "Les armes chetniks avaient conservé leur ancienne gloire sur les
15 champs de bataille contre les Oustachi croates jusqu'à ce jour, et avaient
16 des raisons de craindre les Chetniks". P1182. 13 septembre 1991.
17 A la fin du mois de septembre 1991 - autrement dit, quelques semaines
18 seulement avant que les crimes ne soient commis à Vukovar - l'accusé a
19 profité d'une séance à huis clos lors de l'assemblée nationale pour exposer
20 de façon plus claire sa stratégie ethnique et d'établir un lien entre les
21 revendications territoriales serbes avec la Deuxième Guerre mondiale.
22 "En Croatie, il n'y a qu'une solution militaire qui convient à nous, les
23 Serbes. Pourquoi ? Parce que le monde entier n'admettra jamais qu'il y a eu
24 un million de victimes à Jasenovac, parce que le monde, en revanche,
25 reconnaîtra, après tout cela, si nous les forçons au moyen de la force
26 militaire d'admettre que seuls sont serbes les territoires où il y a une
27 majorité serbe, mais nous souhaitons également que ces territoires soient
28 serbes lorsque ces territoires représentent 30 à 50 %, ainsi que ceux qui
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1 aujourd'hui où il n'y a pas de Serbes du tout grâce au génocide commis par
2 la Deuxième Guerre mondiale, et ce, pour des raisons stratégiques. Nous ne
3 pouvons pas défendre les frontières s'il ne s'agit que de frontières
4 ethniques, s'ils ne sont pas guidés par des raisons stratégiques qui nous
5 permettent de les délimiter … parce que le plus grand danger qui se pose à
6 nous, quelque chose que nous n'avons même pas abordé, c'est que le monde va
7 peut-être nous contraindre à vivre avec les Croates et les Slovènes dans un
8 même pays." P1257, pages 54 à 55.
9 A Vukovar, l'accusé tout comme ses hommes étaient bien connus, notoires. Le
10 déploiement des Seseljevci, après tous ces discours faits par l'accusé, fut
11 si important et tellement relié à l'accusé qu'on a appelé ces unités
12 Seseljevci même dans des communications ou des transmissions officielles de
13 la JNA, comme le montre la pièce P41. Début novembre 1991, l'accusé escorte
14 un groupe de Seseljevci sur les lignes de front de Vukovar. La presse le
15 suit. On en voit la trace dans la pièce P1283. Et la presse insiste sur le
16 fait que l'accusé était un député national de l'assemblée de Serbie qui
17 mettait en garde contre "les hordes d'Oustachi qui avaient déclenché un
18 nouveau génocide contre les Serbes dans ces contrées."
19 Il s'adresse aux volontaires et aux membres de la TO à Vukovar, et il
20 leur promet ceci, je le cite :
21 "Bientôt nous allons dépêcher de nouveaux volontaires. Il faut que Vukovar
22 tombe vite, et avec la chute de Vukovar, c'est ainsi que seront finis les
23 Oustachi dans ces contrées."
24 Sa visite a eu un effet immédiat sur les forces croates, je cite :
25 "Dès l'arrivée de Vojislav Seselj à la radio des forces oustachi, on
26 pouvait entendre cet avertissement : 'Attention, le fils de pute Seselj,
27 Chetnik, vient d'arriver.'"
28 Il s'est plus tard rendu à Vukovar et il a dit aux membres des forces
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1 serbes, dont des auteurs du massacre qui allait avoir lieu à Ovcara, que,
2 je le cite : "Pas un Oustachi ne doit quitter Vukovar vivant." Mme
3 Hochhauser vous le dira : peu de temps après, les Seseljevci et d'autres
4 membres des forces serbes ont commis des atrocités dans tout Vukovar,
5 notamment à Velepromet et à Ovcara.
6 Mais j'aimerais vous montrer la façon dont les combattants sur le
7 terrain étaient endoctrinés par l'objectif qu'avait l'accusé de s'enfoncer
8 dans la Croatie de façon à permettre aux Serbes de s'emparer de terres
9 jusqu'à cette ligne KOKV. Pour ce faire, je vais demander la diffusion de
10 la pièce P57.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
13 "Journaliste : Et dans toute cette horreur, il y a cette incongruité
14 surréaliste de la fête. Les miliciens serbes extrémistes et les femmes
15 miliciennes extrémistes prennent des poses triomphalistes pour une photo de
16 fin de bataille, avant de rentrer pour fêter le matin à la musique et dans
17 les rires à l'aide de l'alcool.
18 AL : La devise qui fleurit sur leur drapeau, c'est 'La liberté ou la
19 mort' et ils ont juré de continuer le combat.
20 UMV : Non, ce n'est pas fini.
21 AL : Alors, pour vous, qu'est-ce que les Serbes doivent faire avant
22 que la guerre ne soit finie ?
23 UMV : Il faut arriver à cette limite de la KOKV. Là où vit un Serbe, il
24 faut libérer cette terre, vous le savez. Nous devons nettoyer cette terre
25 des Croates."
26 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
27 Mme BIERSAY : [interprétation] "Il faut nettoyer cette terre de ces
28 Croates."
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1 Après que des Croates ont été assassinés, chassés, après que beaucoup
2 de villages, ces villes, comme celle de Vukovar, furent rasés de la carte,
3 les accusés célébraient et voulaient le déplacement forcé des Croates,
4 montrant clairement par là que c'était là la réussite de cet objectif
5 commun. Par exemple, l'accusé a remercié les Croates qui ont fui cette
6 ville d'Osijek auparavant à majorité croate, ville fantôme aujourd'hui,
7 comme le dit la pièce P1283. Une interview est devenue la pièce P1186, et
8 dans cette interview il montre que là aussi où les Serbes sont
9 minoritaires, on va nettoyer ces zones de ces Croates. Je cite :
10 "Mais qu'est-ce que ça veut dire, que les Serbes soient minoritaires ? Est-
11 ce que 30 ou 40 % de Serbes c'est une minorité ? Peu importe s'ils sont
12 minoritaires. C'est le territoire qui doit faire partie de l'Etat serbe. Il
13 y a notamment le traité de Londres de 1915 qui le dit. Il y a un nombre
14 considérable de Croates qui ont déjà quitté Osijek, près de 100 000 d'entre
15 eux sont déjà partis. Comme c'est gentil. Il faudrait leur dire merci. Et
16 ce ne sera plus jamais chez eux là-bas. Osijek reste une ville serbe."
17 C'était du nettoyage ethnique. Mais dans la terminologie de l'accusé, il a
18 aseptisé le nettoyage ethnique et s'est contenté de le qualifier d'"échange
19 de population", tournure de phrase qu'il réutilise plus tard pour justifier
20 les crimes qu'il commet à Hrtkovci. Et en utilisant ces mots, il dit aussi
21 ceci, je cite :
22 "Plus jamais nous ne pourrons vivre côte à côte avec les Croates dans les
23 frontières d'un même Etat."
24 Pendant toute la durée du conflit en Croatie, alors que l'accusé déployait
25 ses volontaires, il prenait pour cible les Croates, qu'il appelait
26 Oustachi. Il disait de ces Croates et de leurs dirigeants qu'ils étaient
27 génocidaires. Il s'est servi de ce terme d'"Oustachi" pour dénigrer, pour
28 humilier tous les Croates, les qualifiant de menace mortelle pour les
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1 Serbes, pour diminuer la qualité et la valeur de leur vie, pour justifier
2 leur destruction. Dans son mémoire, l'accusé affirme qu'aujourd'hui les
3 Croates revendiquent ce terme d'Oustachi et que lui, jamais, il n'a dénigré
4 tous les Croates en les traitant d'Oustachi. Mais ceci n'est aucunement
5 corroboré par les éléments dont vous disposez.
6 Ces éléments prouvent au-delà de tout doute raisonnable que cet
7 accusé a utilisé, a ravivé le symbolisme puissant des Chetniks de la
8 Seconde Guerre mondiale pour effrayer et pour mobiliser les Serbes et que
9 cet accusé a aussi qualifié tous les Croates d'Oustachi pour faire revivre
10 le souvenir des atrocités fascistes commises contre les Serbes pendant
11 cette guerre et pour présenter tous les Croates d'aujourd'hui comme étant
12 une menace d'actualité.
13 Le Témoin VS-004 a témoigné, pages du compte rendu d'audience
14 3 380 et 3 624, et il a dit à cet égard :
15 "Le terme 'Oustachi', parmi tous les Serbes, c'est le pire mot qu'on puisse
16 utiliser parce que pendant toute l'histoire des Serbes, ce sont les
17 Oustachi qui ont commis les pires crimes contre les Serbes … c'est quelque
18 chose qui est le pire qu'on puisse imaginer au monde, c'est celui du
19 bourreau."
20 Le programme politique de 1990 du Mouvement chetnik-serbe, qui est devenu
21 la pièce P27, fait référence à un "nouveau dirigeant oustachi" qui était
22 apparu en Croatie doté d'une "nouvelle politique génocidaire" contre les
23 Serbes. Le programme politique du SRS en 1991 reprend ces termes. Les
24 éléments de preuve prouvent que l'accusé avait l'intention d'insister sur
25 ce sujet, pourtant incendiaire et tellement délicat de la responsabilité du
26 peuple croate des crimes commis par les Oustachi pendant la Seconde Guerre
27 mondiale. Et il s'est servi de ceci pour justifier les crimes commis contre
28 les Croates.
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1 Pendant la période qui a précédé la guerre en Croatie, l'accusé a dit
2 explicitement que pour lui, tous les Croates, c'étaient des Oustachi. Pièce
3 P34, par exemple, il dit ceci, je cite :
4 "Mais comment est-on censé négocier avec des Oustachi ? Est-ce que vous
5 avez vu aujourd'hui que tout le peuple croate est oustachi ? Il n'y a que
6 de rares exceptions."
7 Au cours d'une interview à la télévision, qui est devenue la pièce P32, il
8 le dit clairement et simplement. Il a dit, je cite :
9 "Les Croates doivent être punis."
10 A la radio, il accorde une interview en janvier 1992 - c'est devenu la
11 pièce P1189 - et il se vante du fait que ses volontaires ont aidé à la
12 destruction, je cite, "de villages purement croates" car tous étaient
13 considérés comme de "forts bastions oustachi". Il met en garde ses
14 auditeurs, il leur dit que, je cite, "les Croates existent en tant que
15 peuple qui est né de la haine anti-Serbe." D'après lui, les Croates et les
16 Slovènes sont prêts à faire partie du IVe Reich allemand. Sans faire la
17 différence entre des civils et des combattants, les Oustachi des Croates,
18 il dit à ses auditeurs, je cite, "les Croates meurent en masse." Plusieurs
19 mois plus tard, il commet matériellement un acte de persécution contre les
20 Croates à Hrtkovci, village qu'il transforme de village qui avait une
21 majorité croate en village à majorité serbe. Tout du long, son intention,
22 depuis les crimes commis en Croatie jusqu'à ceux commis à Hrtkovci, son
23 intention était de dénigrer les Croates, d'inciter à commettre des crimes
24 contre eux, à l'expulsion forcée de ces Croates et à leur destruction.
25 Comme le disait M. Marcussen, lorsque commence l'année 1992, les
26 membres de l'entreprise criminelle commune se désintéressaient de la
27 Croatie pour passer à la Bosnie-Herzégovine.
28 L'accusé a commencé sa propre campagne de persécution en ces lieux
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1 bien avant le début du conflit déclaré. Son matraquage incessant, haineux,
2 de la division a contribué à préparer le terrain pour que se déclenche la
3 violence discriminatoire contre les non-Serbes.
4 De plus en plus souvent, l'accusé a menacé qu'il y ait un bain de
5 sang en Bosnie-Herzégovine. Il ne cessait de parler de sang encore et
6 encore pour anticiper les conséquences de l'indépendance qui pouvait se
7 déclarer en Bosnie-Herzégovine.
8 Dès le mois de novembre 1991, c'est à ce moment-là que Karadzic fait
9 son discours parlant de l'autoroute pour l'enfer. L'accusé, lui, dans la
10 pièce 1186, dans une interview accordée à la radio, il annonce ceci, "il va
11 y avoir des rivières de sang" si la Bosnie-Herzégovine se déclare
12 indépendante. Donc, si des Musulmans de Bosnie refusent de faire partie de
13 cette Yougoslavie tronquée, l'accusé profère des menaces, il dit : "La
14 Bosnie va faire partie de l'Etat serbe."
15 Le 16 janvier 1992 - pièce 1190 - l'accusé accorde une autre
16 interview à la radio. Il dit à ses auditeurs que "la Bosnie-Herzégovine ne
17 sait plus où aller," ce qui veut dire que "les Musulmans, vraiment, ils ne
18 savent plus à quoi s'accrocher." Et même s'ils restaient dans un Etat avec
19 des Serbes et s'ils recevaient un statut d'autonomie, l'accusé a calculé
20 qu'ils n'auraient droit qu'à juste 18 % de la Bosnie-Herzégovine, alors
21 qu'ils représentent le groupe ethnique le plus nombreux. Il glorifie les
22 Serbes à la radio, disant que ce sont des soldats nés "qui apprennent dès
23 le berceau l'art de l'armée" et que les non-Serbes devraient les craindre.
24 Le 20 février 1992, l'accusé se sert d'une conférence de presse
25 télévisée du SRS, qui est devenue pièce 1192 et la pièce P395, pour répéter
26 l'ultimatum qu'il a adressé aux Musulmans de Bosnie, à savoir que s'ils
27 veulent être indépendants, il va y avoir des rivières de sang qui vont
28 couler en ces terres. L'accusé avait pour cette conférence de presse Mirko
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1 Blagojevic, président des conseils régionaux du SRS et du SCP pour la
2 Bosnie-Herzégovine du nord-est, qui a été nommé plus tard par l'accusé
3 "vojvoda". Moins de deux mois plus tard, Blagojevic participait à la prise
4 de Bijeljina et aux crimes qui y furent commis.
5 Alors que la guerre se rapprochait, il y a eu un crescendo dans la
6 propagande de persécution de l'accusé. Des discours très, très médiatisés,
7 des rassemblements, des interviews pendant tout le mois de mars 1992, où il
8 ne cesse de marteler ce message à ses auditeurs serbes ou non-serbes, et
9 trois grands thèmes.
10 D'abord, les Serbes ont le droit de dominer, sinon tous, la plupart
11 des territoires de Bosnie-Herzégovine, par exemple, pièce 1293, où il le
12 dit à quelque 6 ou 7 000 personnes amassées ce jour-là, le 1er mars.
13 Deuxième grand thème, il affirme que les Serbes de Bosnie-Herzégovine
14 sont menacés, parce que si la Bosnie-Herzégovine devient indépendante, il
15 faudrait que les Serbes vivent dans une "Jamahiriya islamiste" gouvernée
16 par des "intégristes islamiques" et "Turcs", comme le disent les pièces
17 1193, P1293 et P1295.
18 Troisième grand thème, l'accusé a dit clairement que le contrôle
19 serbe de la Bosnie-Herzégovine nécessiterait une guerre civile et un bain
20 de sang considérable. Par exemple, la pièce P1324 décrit une conférence de
21 presse qui s'est tenue le 5 mars à l'occasion de laquelle l'accusé a menacé
22 et intimidé des Musulmans de Bosnie et a dit aux forces serbes ce qui
23 devrait se passer si la Bosnie déclarait son indépendance. Il a promis "un
24 bain de sang", "une guerre civile sanglante". Et il promis aussi "des
25 rivières de sang qui allaient couler en Bosnie-Herzégovine."
26 Afin de contribuer à cette guerre sanglante, publiquement il a dit à
27 l'alliance SRS/SCP dans toute la Yougoslavie tronquée qu'il fallait "être
28 en état d'alerte maximum pour tous les volontaires afin qu'ils soient prêts
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1 à intervenir à tous moments en Bosnie-Herzégovine."
2 Page 1 de cette pièce. Dans la même veine, pièce 1293 du 6 mars, le jour
3 même où la Bosnie-Herzégovine déclarait son indépendance, l'accusé s'est
4 servi de ce terme haineux en disant ceci. Il martèle ces expressions
5 oratoires déclencheuses [phon] devant son public encore et encore et
6 encore.
7 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Si j'ai bien compris ce qui a été dit par
9 vous, Monsieur le Président, nous poursuivrons jusqu'à 19 heures; c'est
10 bien cela ? Merci.
11 Le 26 mars, quelques jours à peine avant le début de la prise du pouvoir
12 serbe en Bosnie-Herzégovine, dans la pièce P685, on voit que l'accusé se
13 sert d'un langage enflammé pour conditionner les Serbes à la violence
14 discriminatoire contre les non-Serbes et pour semer la peur parmi les non-
15 Serbes. Je cite :
16 "L'indépendance de Bosnie-Herzégovine ne peut se réaliser que sur des
17 tombes, avec du sang jusqu'aux genoux, du sang qui coulera sur le
18 territoire dans lequel les Serbes ont des intérêts vitaux…"
19 Il annonce que lui-même et le SRS n'ont pas reconnu la présidence de la
20 Bosnie-Herzégovine mais ont accueilli favorablement la création d'autorités
21 serbes distinctes, ce qui constitue un acte important dans la préparation
22 de la mise en œuvre de l'objectif criminel commun. Il menace, je cite :
23 "Les Serbes n'autoriseront jamais la Jamahiriya islamique à s'étendre
24 à leur peuple."
25 La propagande de l'accusé se poursuit sans obstacle, alors que s'intensifie
26 cette campagne en Bosnie-Herzégovine. Il parle aux médias et/ou à
27 l'assemblée nationale pratiquement tous les jours au début du mois d'avril
28 1992, en satanisant [phon] les non-Serbes, comme on le voit en particulier
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1 dans les notes de bas de pages 45,
2 1 803, 1 804 et 1 807 du mémoire en clôture de l'Accusation.
3 Le 1er avril 1992, commence la prise du pouvoir par les Serbes en Bosnie-
4 Herzégovine. Un peu plus d'une semaine plus tard, le 9 avril 1992, l'accusé
5 tient une conférence de presse, que l'on retrouve dans la pièce P685, aux
6 côtés de Mirko Blagojevic, que l'accusé nommera plus tard "vojvoda".
7 Blagojevic avait déjà été interrogé par la presse au sujet de l'assassinat
8 de civils à Bijeljina. Se tenant à côté de Blagojevic, l'accusé le félicite
9 en tant que commandant des hommes de Seselj qui sont à l'origine de la
10 prise du pouvoir à Bijeljina. Il appelle tous les Serbes à défendre la
11 Republika Srpska contre, je cite : "Les hordes oustachi et panislamistes."
12 Pièce P685, pages 11 et 12, ainsi que page 15.
13 L'accusé revient fréquemment sur son refrain impliquant la protection des
14 territoires serbes. Dans la pièce P396, il répète que le peuple serbe de
15 Bosnie-Herzégovine ne reconnaîtra jamais "cette nouvelle Jamahiriya et ne
16 cèdera jamais ses territoires."
17 Il répète également et renforce ses appels incitatifs aux Serbes pour
18 qu'ils appuient la campagne criminelle menée en Bosnie-Herzégovine. Par
19 exemple, au moment où se déroule la prise du pouvoir violente de Zvornik
20 par les forces serbes, l'accusé leur rappelle, dans la pièce P1195, je cite
21 : "Que c'était à nous depuis longtemps qu'il appartenait de les aider,"
22 d'aider les forces serbes de Zvornik à l'aide d'hommes et d'autres modes de
23 soutien."
24 L'accusé n'a pas cessé sa propagande ou ses appels à la violence
25 alors que la campagne criminelle s'accroît en Bosnie-Herzégovine. Au lieu
26 de cela, il a continué à utiliser son influence et son pouvoir pour
27 promouvoir l'unification de toutes les terres serbes et créer un climat de
28 crainte interethnique et de peur. Il a justifié ou a laissé de côté les
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1 crimes déjà bien connus qui avaient été commis en préparant ainsi le
2 terrain pour de nouveaux crimes à l'avenir.
3 Par exemple, le 28 mai 1992, les non-Serbes étaient torturés et
4 assassinés dans la coopérative Ekonomija et l'usine de Ciglane à Zvornik.
5 L'accusé, parlant devant une foule importante, a fait la promotion du
6 nettoyage de la partie de la Bosnie-Herzégovine longeant la Drina.
7 Accompagné de Nikola Poplasen, président du SRS en Bosnie-Herzégovine, et
8 de Rade Leskovac, président du SRS en Krajina, l'accusé a dit à cette foule
9 qui applaudissait que, je cite :
10 "La seule chose qu'il faut encore faire en Bosnie-Herzégovine, c'est
11 de nettoyer la rive gauche de la Drina, d'assurer la sécurité d'un corridor
12 entre la Krajina bosniaque et la Semberija et de libérer la partie serbe de
13 Sarajevo, tout le reste étant déjà entre nos mains".
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne voudrais pas interrompre Mme Biersay,
15 mais ici on a omis au niveau du compte rendu la date de la tenue de ce
16 rassemblement où j'aurais été présent avec Poplasen et Leskovac. Elle a dit
17 la date, moi je ne l'ai pas bien entendue, mais le compte rendu, lui, ne
18 donne pas la date du tout. Et je pense que c'est important.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- indiquer la date de cette réunion avec Nikola
20 Poplasen.
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Les propos tenus lors de ce meeting ont été
22 publiés dans la pièce P1200, et la date est le 28 mai 1992.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, c'est impossible.
24 Il y a un décalage de deux ou trois ans. C'est absolument impossible. C'est
25 la raison pour laquelle la date a été omise au départ.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame Biersay, vous pourriez vérifier cela.
27 Mme BIERSAY : [interprétation] J'aurais grand plaisir à le faire, Monsieur
28 le Président.
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1 Après que l'accusé ait organisé ces conférences de presse, et en
2 particulier celle du 28 mai, c'est-à-dire les 4 juin et 11 juin 1992
3 également, pendant tous ces meetings, il a continué à matraquer les
4 Musulmans, et deux jours plus tard, deux jours après le 28 mai 1992, entre
5 le 30 et le 31 mai 1992, un groupe d'hommes de Seselj ont massacré 88 non-
6 Serbes à la maison de la culture de Drinjaca à Zvornik.
7 Le 4 juin, l'accusé s'est plaint du fait que les Serbes avaient déjà
8 souffert sous la férule turque pendant plus de 500 ans, et il est donc
9 revenu sur la définition de son objectif territorial le long de la ligne
10 KOKV. Le lendemain, les forces serbes, et en particulier un groupe dirigé
11 par le "vojvoda" de Seselj, Vidovic, ont assassiné 82 hommes et femmes non-
12 serbes à Ljesevo, dans Ilijas.
13 Le 11 juin 1992, donc quelques jours à peine après que 740 non-Serbes
14 aient été massacrés dans l'abattoir de Gero et à Karakaj, alors que les
15 non-Serbes étaient torturés et assassinés dans la maison de la culture de
16 Celopek à Zvornik, l'accusé, encore une fois, a proféré des affirmations
17 enflammées selon lesquelles les Musulmans de Bosnie s'efforçaient de
18 renvoyer les Serbes 500 ans en arrière dans "l'esclavage vécu sous les
19 Turcs."
20 Les prédictions de l'accusé quant aux rivières de sang, entre guillemets,
21 qui couleraient en Bosnie-Herzégovine ont été précédées par des crimes
22 d'une violence extrême commis dans cette région. Les forces serbes ont donc
23 réalisé l'objectif qui était le sien qui consistait à transformer une
24 certaine partie de la Bosnie-Herzégovine en une partie de la Grande-Serbie.
25 Bien entendu, les mots de l'accusé n'ont pas tous été matérialisés. Il a
26 aussi matraqué la Croatie et la Bosnie-Herzégovine à l'aide d'autres armes,
27 ces volontaires qu'il a mobilisés dans toutes les régions où les crimes ont
28 été commis.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que Mme Biersay a terminé pour
2 aujourd'hui, je voudrais que Mme Biersay nous donne la date de ce
3 rassemblement où j'aurais été présent en compagnie de Poplasen et Leskovac.
4 Je crois qu'on a dû retrouver la date jusqu'à présent.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, si vous ne l'avez pas retrouvée,
6 vous nous le direz demain matin à 9 heures. De toute façon, je vais moi-
7 même regarder le document P1200 pour vérifier la teneur de vos propos.
8 Nous nous retrouvons donc demain à 9 heures. Je vous souhaite à tous une
9 bonne fin de soirée.
10 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mardi 6 mars
11 2012, à 9 heures 00.
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