Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 6 mars 2012

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est ouverte. Monsieur le

  7   Greffier, appelez le numéro de l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : -- 2012. Je salue toutes les personnes

 11   présentes. Et je vais céder la parole à Mme Biersay, qui va donc continuer

 12   le réquisitoire du bureau du Procureur, et elle va certainement nous

 13   éclairer sur la pièce P1200.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 15   Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

 16   Hier, avant de conclure, je disais aux Juges de la Chambre quelles

 17   étaient les conférences de presse qui avaient été organisées par le Parti

 18   radical serbe et par l'accusé pendant la période de mai et juin 1992, et en

 19   particulier pendant la période ou aux environs de la période où des non-

 20   Serbes étaient torturés et assassinés dans la coopérative Ekonomija et à

 21   l'usine Ciglane de Zvornik.

 22   Hier, j'ai parlé d'un meeting qui a été organisé par l'accusé et

 23   d'autres membres du Parti radical serbe, et ce meeting a donné lieu à

 24   publication le 28 mai 1992, et dans ce rapport il était écrit que ce

 25   meeting s'est déroulé exactement avant les crimes qui ont été commis,

 26   puisque figurait dans ce rapport le mot "hier". Alors je ne sais pas de

 27   quoi parle M. Seselj. S'il a quelque chose à dire sur cette question, il

 28   devrait attendre d'en arriver aux dix heures qui lui sont imparties pour


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  1   parler.

  2   Non seulement les non-Serbes étaient tués à peu près à cette époque du 27

  3   mai 1992, donc à l'époque de ce meeting, mais ils étaient tués par des

  4   hommes de Seselj à peu près au moment où se déroulaient d'autres

  5   conférences de presse, telle celle qui a eu lieu à la fin du mois de mai

  6   1992. Et à peu près au même moment, un groupe d'hommes de Seselj massacrait

  7   88 non-Serbes à la maison de la culture de Drinjaca de Zvornik. Encore une

  8   fois, au moment où il a donné une conférence de presse le 4 juin, eh bien,

  9   à peu près à ce moment, un groupe dirigé par Vidovic, un "vojvoda" de

 10   Seselj, a massacré 22 hommes et femmes non-serbes à Ljesevo, dans la

 11   municipalité d'Ilijas. Et au moment où se déroulait la conférence de presse

 12   du 11 juin 1992 à laquelle il a participé, eh bien, à peu près à ce moment-

 13   là, 740 non-Serbes ont été massacrés à Karakaj et dans l'abattoir de Gero.

 14   Empoisonnées par la propagande de l'accusé, propagande basée sur la volonté

 15   de persécution, ces forces ont été lâchées sur l'épicentre du conflit

 16   ethnique et de la violence. Dans ces lieux où ont été commis les crimes

 17   principaux, ces lieux où ces volontaires se trouvaient sur le terrain en

 18   opération, les forces serbes ont commis des crimes.

 19   Alors, soyons clairs, les hommes de Seselj n'avaient pas nécessité d'être

 20   les auteurs matériels des crimes pour que l'accusé soit déclaré coupable de

 21   la commission de ces crimes en fonction de la responsabilité de

 22   participation à l'entreprise criminelle commune. Ces crimes, en effet, ont

 23   souvent été commis par des volontaires affiliés à l'accusé. Il a honoré ces

 24   auteurs de crimes à de nombreuses reprises. A certains, il a même décerné

 25   le titre très spécial qu'il possède lui-même, à savoir celui de "vojvoda".

 26   Il a déversé cette propagande de haine sur ses "vojvoda", ses hommes de

 27   Seselj et sur les forces serbes, et tous ces hommes ont emporté cette haine

 28   sur le front.


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  1   La capacité qu'avait l'accusé d'offrir des effectifs humains pour combattre

  2   a été une contribution importante à l'objectif commun de l'entreprise

  3   criminelle commune et une contribution importante à la commission des

  4   crimes visés dans l'acte d'accusation. C'est lui qui avait l'influence et

  5   l'autorité de promettre une aide concrète aux populations serbes un peu

  6   partout dans l'ex-Yougoslavie. En conséquence, d'autres membres de

  7   l'entreprise criminelle commune - qui manquaient d'effectifs - ont fait

  8   appel à lui pour obtenir des volontaires, comme le prouvent les pièces à

  9   conviction P226, P652 et P239, par exemple.

 10   L'accusé a promis et a envoyé des volontaires en Slavonie orientale et à

 11   Vukovar, en Krajina, en Slavonie occidentale et un peu partout en Bosnie-

 12   Herzégovine. Le fait qu'il ait pu faire ces promesses et les tenir sape à

 13   la base toute affirmation de l'accusé selon laquelle il n'était qu'un

 14   simple représentant politique sans aucun rapport avec les organisations et

 15   des opérations militaires.

 16   Sa propagande visant à la persécution a servi à favoriser cette

 17   contribution en effectifs humains. Ses déclarations publiques enflammées

 18   ont été utilisées pour recruter des volontaires. Ses visites sur le front

 19   ont intensifié l'endoctrinement des hommes et ont servi à renforcer la

 20   description des non-Serbes comme une menace qu'il fallait supprimer.

 21   Il y a un discours qu'il a fait en public devant les hommes de Seselj qui

 22   mérite particulièrement l'attention. Il l'a fait avant d'envoyer ses hommes

 23   sur les fronts de Vukovar. Et dans une minute, je demanderai la diffusion

 24   de la pièce P17, qui est une vidéo. Donc, dans cette séquence vidéo,

 25   l'accusé appelle les volontaires qu'il est prêt à envoyer sur le front des

 26   héros chetniks serbes, et il souligne que ces hommes se battent dans les

 27   rangs d'une armée serbe, ethniquement serbe, et qu'ils se battent pour les

 28   terres serbes.


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  1   Je demande maintenant la diffusion de la pièce P17.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "La journaliste : M. Vojislav Seselj va prendre la parole. Il se bat

  5   dans la lutte commune aux côtés de l'armée populaire yougoslave pour la

  6   libération définitive de Vukovar. A la question de savoir si les

  7   volontaires seraient envoyés à Grubisno Polje, l'un des adjoints du

  8   détachement de volontaires a répliqué que Vukovar avait la priorité sur les

  9   autres régions. Voici Branko Vasiljevic.

 10   Quel âge avez-vous ?

 11   BV : 58 ans.

 12   Journaliste : D'où venez-vous ?

 13   BV : Je suis né et élevé à Nis.

 14   Journaliste : Et où allez-vous ?

 15   BV : Je vais aider les frères…

 16   Journaliste : Vous y allez tout seul ?

 17   BV : … mes frères d'armes. Non, j'ai deux fils.

 18   Journaliste : Est-ce qu'ils sont ici également ?

 19   BV : Ils sont venus il y a dix jours. L'un est à Borovo et l'autre à Knin.

 20   Mon oncle était un commandant, donc le sang n'est pas de l'eau.

 21   Journaliste : M. Seselj a parlé devant un groupe de volontaires qui était

 22   aligné devant lui et leur a dit ce qui suit.

 23   Vojislav Seselj : Que Dieu vous bénisse, vous les héros.

 24   Les volontaires : Que Dieu vous bénisse.

 25   Seselj : Frères serbes, héros chetniks serbes, vous allez aujourd'hui à la

 26   guerre.

 27   Les volontaires : Oui.

 28   Seselj : Aujourd'hui, vous allez libérer Vukovar serbe et défendre la


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  1   Slavonie serbe. Vous allez rejoindre des centaines et des milliers de nos

  2   volontaires. Vous allez partir de partout vers la Serbie réduite pour

  3   restaurer la gloire des armes serbes. Vous allez coopérer avec les unités

  4   de l'armée yougoslave, puisque c'est notre armée. La plupart des hommes

  5   dans cette armée sont Serbes. C'est une armée serbe, étant donné

  6   l'appartenance ethnique de ses officiers et sa lutte pour le salut de la

  7   terre serbe et des territoires serbes.

  8   Journaliste : M. Seselj a terminé sur les mots : 'Bonne chance, les gars.

  9   On se revoit à Vukovar.' Est-ce que ces mots de Seselj signifient que lui

 10   aussi va rejoindre les volontaire du Parti radical serbe est encore à

 11   voir."

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme BIERSAY : [interprétation] Nombre des unités des Seseljevci ont été

 14   créées, recrutées et organisées par l'accusé, aussi bien en 1991, durant

 15   les opérations de combat destinées à s'emparer et à nettoyer des parties de

 16   la Croatie, qu'en 1992 pour le même objectif en Bosnie-Herzégovine. Les

 17   hommes de Seselj ont été déployés dans des zones particulièrement

 18   difficiles. L'importance du recrutement réalisé par l'accusé, recrutement

 19   de volontaires et déploiement de volontaires, a été grande. Elle a été

 20   grande du point de vue du nombre important de volontaires qui ont été

 21   mobilisés sur le front et également du point de vue des secteurs

 22   géographiques qui ont été couverts, ainsi que de la notoriété de la

 23   violence de ces hommes contre les non-Serbes.

 24   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous avons préparé une

 25   diapo qui illustre certains des endroits où les hommes de Seselj ont été

 26   déployés. Je demande donc que ces images soient montrées à présent. Elles

 27   viennent de sources multiples. Je ne vois absolument aucun problème à

 28   fournir les sources aux Juges de la Chambre en temps utile, mais pour


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  1   l'essentiel, il s'agit des pièces P217, P218, et des déclarations faites

  2   par les membres les plus importants du Parti radical serbe à l'époque ainsi

  3   que sur d'autres éléments de preuve.

  4   Comme vous le verrez, les Juges de la Chambre le savent parfaitement

  5   bien, les hommes de Seselj ont été déployés dans tous les secteurs

  6   importants où des crimes ont été commis et dans toutes les municipalités

  7   types prises en compte en l'espèce. Donc vous verrez des groupes importants

  8   d'hommes de Seselj déployés dans les environs de Vukovar. Egalement dans

  9   les environs de Vocin, Zvornik, la région de Sarajevo, l'Herzégovine, où se

 10   trouvent Mostar et Nevesinje, à Bijeljina, à Bosanski Samac, et dans

 11   d'autres lieux tels que la Krajina, qui se trouve donc à l'ouest de l'image

 12   que l'on voit sur la diapositive. On peut maintenant retirer la

 13   diapositive.

 14   L'accusé lui-même, dans la pièce P342, a déployé un nombre important

 15   d'hommes de Seselj. On peut parler de 30 000 hommes qui ont été déployés.

 16   Il a également envoyé 10 000 volontaires pour la réalisation de l'objectif

 17   commun en Bosnie-Herzégovine. Dès le mois de mai 1991 - et c'est à peu près

 18   la date où les hommes de Seselj ont participé à l'assassinat des officiers

 19   de police croates à Borovo Selo - donc, à peu près à cette époque-là, selon

 20   ce qu'indique la pièce P1275, il y avait déjà près de 15 000 Chetniks dans

 21   les rangs de l'accusé. De janvier à juillet 1992, plus de 6 000 hommes de

 22   Seselj étaient stationnés et entraînés dans la caserne de Belgrade avant

 23   d'être déployés sur le front. Le "vojvoda" Branislav Gavrilovic, alias

 24   Brne, et je parlerai plus en détail de cet homme dans quelques instants, en

 25   tout cas, c'est lui qui a créé des centres d'entraînement de volontaires

 26   dans la région de Sarajevo, des centres dans lesquels sont passés 1 500

 27   hommes de Seselj pendant la guerre. Et je parle ici d'une zone très réduite

 28   parmi d'autres.


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  1   Les éléments de preuve, et en particulier les pièce C10, P1275, P54,

  2   et P1000, ont prouvé au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé a

  3   apporté une contribution importante qui se chiffre en plusieurs milliers

  4   d'hommes de Seselj pour favoriser la commission des crimes visés dans

  5   l'acte d'accusation. Et je renverrais également les Juges de la Chambre à

  6   la pièce P1219 à cet égard.

  7   Il s'agissait là d'une organisation massive, donc l'accusé disposait

  8   de l'appareil nécessaire pour gérer cela. Et ses cellules de Guerre du SRS

  9   et du SCP ont été créées pour être le fer de lance de ce déploiement de

 10   volontaires. Les membres haut gradés du SRS ont relaté que le dirigeant à

 11   la fois du SRS et du SCP, que l'accusé était le seul à prendre les

 12   décisions importantes concernant leurs politiques et leurs opérations.

 13   L'accusé a nommé le Témoin Petkovic à la tête de la cellule de Guerre, et

 14   le Témoin Rankic était le chef adjoint. Leurs déclarations qui ont été

 15   versées au dossier, par exemple les pièces P1074, P1076 et C11, décrivent

 16   la manière dont l'accusé a maintenu sa cellule sur l'ensemble des cellules

 17   de Crise et de Guerre. Le Témoin Rankic a dit, par exemple, que:

 18   "Seselj jouissait des pleins pouvoirs et prenait toutes les décisions lui-

 19   même".

 20   Une des fonctions de la cellule de Crise du SRS consistait à coordonner

 21   l'armement à la formation des Seseljevci avec d'autres membres de

 22   l'entreprise criminelle commune. Encore une fois, il s'agissait de membres

 23   de cette cellule de Crise du SRS qui étaient haut placés, comme Rankic et

 24   Petkovic, qui se sont rendus dans des camps de formation pour organiser

 25   l'arrivée de déploiement des volontaires. L'accusé s'est également rendu

 26   dans des centres de formation pour inspecter les volontaires, ce qui a été

 27   évoqué par M. Marcussen. Dans la pièce P528, par exemple, l'accusé s'est

 28   adressé aux volontaires à Erdut, dans ce centre, leur disant que les


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  1   Chetniks serbes avaient donné leur vie pour défendre Borovo Selo. Il a

  2   également dit aux volontaires que toutes les fois qu'il y avait des

  3   Oustachi, ils devaient être tués et chassés, parce qu'il s'agissait là de

  4   territoire qui est uniquement serbe.

  5   L'accusé a donné des ordres analogues à des volontaires en privé, par

  6   exemple - je ne vais pas citer le nom du témoin, je vais simplement donner

  7   la cote du document qui a trait à ce témoin - il a demandé à un volontaire

  8   de tout nettoyer et en particulier toute la zone en lui ordonnant ce qui

  9   suit : "de tuer tous les civils musulmans sans merci, y compris les femmes,

 10   les personnes âgées et les enfants…" tel que décrit aux pièces P1112, page

 11   11; P1128, page 2; et P1129, pages 218 à 219. Et ces documents doivent être

 12   lus ensemble, comme les Juges de la Chambre le comprendront certainement.

 13   Les éléments de preuve au-delà de tout doute raisonnable montrent que

 14   l'accusé était plus qu'un simple recruteur de volontaires pour la JNA. Cet

 15   homme politique quasi-militaire exerçait son autorité et son influence sur

 16   chaque élément ou aspect ayant trait aux volontaires, même si lui-même ne

 17   disposait pas du commandement opérationnel sur ces hommes.

 18   Il a décidé de l'endroit où ses volontaires devaient être déployés,

 19   et il les déployait en unités, donc ça, sur une base d'un volontaire qui se

 20   portait volontaire. Il s'agissait d'unités discrètes qui étaient

 21   identifiées comme étant les Seseljevci. Les commandants d'unité étaient

 22   nommés par l'accusé ou par la cellule de Crise du SRS qu'il contrôlait. Ce

 23   que vous trouverez, par exemple, à la pièce P227, qui a été envoyée par un

 24   membre de la cellule de Crise à la TO, et demandant que la TO "coordonne

 25   ses actions avec le commandement de notre unité" à condition d'envoyer des

 26   volontaires. Autrement dit, nous allons vous envoyer des volontaires mais

 27   vous devez coordonner vos actions avec les commandants de nos unités.

 28   Le Témoin Petkovic, à la pièce C18, a expliqué que la cellule de


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  1   Crise avait décidé d'envoyer une unité, par exemple, placée sous le

  2   commandement de "vojvoda" Debeli, à Bosanski Samac au printemps de l'année

  3   1992. Et c'est l'accusé lui-même qui a choisi les commandants en question

  4   de cette unité. Et plus particulièrement, je demande aux Juges de la

  5   Chambre de se reporter aux paragraphes 49, 53 et 56. L'accusé a donné son

  6   autorisation pour l'envoi de volontaires pour les opérations à Zvornik et

  7   Mostar. Petkovic a décrit la manière dont il a contrôlé les cellules de

  8   Crise, et les cellules de Crise locales, et les comités du SRS et les

  9   commandants, mais "il n'y avait qu'un seul dirigeant, et ce dirigeant était

 10   Seselj".

 11   Une fois sur le terrain, les volontaires de l'accusé étaient de façon

 12   générale subordonnés à la TO locale, la JNA, la VRS ou les unités du MUP,

 13   mais l'accusé recevait des rapports réguliers sur les activités sur le

 14   terrain, soit par l'intermédiaire de cellules de Crise soit par

 15   l'intermédiaire de rapports directs qui lui étaient envoyés par ses

 16   commandants sur les lignes de front. Ils l'appelaient au téléphone. Ils lui

 17   rendaient visite à Belgrade, dans le bureau du SRS/SCP pour le rencontrer

 18   personnellement. Et suite à ces contacts étroits, l'accusé pouvait et

 19   intervenait dans les opérations sur le terrain lorsqu'il le jugeait

 20   nécessaire. Je vais demander aux Juges de la Chambre de se reporter aux

 21   pièces P59; P688, au paragraphe 50; pièce 1074, page 49; et pièce 1058,

 22   paragraphe 21.

 23   Le Témoin Glamocanin, dans la pièce P688, a décrit l'accusé comme

 24   étant, je cite, "le commandement et le contrôle" sur les volontaires sur le

 25   terrain. La cellule de Crise du SRS disposait de l'autorité nécessaire pour

 26   donner des ordres à ces unités sur le terrain, en ce qui concernait, par

 27   exemple, l'emplacement où les unités seraient déployées et quand ces unités

 28   devaient être retirées. Je vais demander aux Juges de la Chambre de se


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  1   reporter à la pièce P221. Le Témoin Rankic, encore une fois dans la pièce

  2   P1074, a confirmé que le regroupement et les ordres portant sur le

  3   regroupement et le redéploiement ont été donnés par les cellules de Crise

  4   du SRS à un commandant du SRS à Vocin. De même, les Seseljevci du

  5   détachement chetnik de Kragujevac avaient reçu l'ordre par le Témoin Rankic

  6   de participer à une opération conjointe aux fins de prendre le contrôle par

  7   la force des villages convoités en Croatie. Encore une fois, je demande aux

  8   Juges de la Chambre de se reporter aux pièces P253; P225; et C11, page 12.

  9   L'accusé disposait également du pouvoir et de l'influence qui lui

 10   permettait d'intervenir personnellement pour apporter son aide aux

 11   volontaires sur le terrain. Par exemple, comme le montre l'écoute

 12   téléphonique, pièces P513 et P514, que je vais vous faire entendre dans

 13   quelques instants, lorsque l'accusé souhaitait que son groupe de

 14   volontaires soit commandé par "vojvoda" Gavrilovic, qui avait été sauvé

 15   d'un embuscade à Sarajevo ou dans les environs de Sarajevo en avril 1992,

 16   il a menacé les dirigeants serbes politiques et militaires en Bosnie que si

 17   on ne les laissait pas sortir, il allait retirer tous ses hommes des lignes

 18   de front et qu'il "ne les déploierait plus jamais".

 19   Donc, à ce moment-là, je veux demander à ce que la pièce P513 soit

 20   entendue. Il s'agit d'une conversation téléphonique interceptée.

 21   [Diffusion de la cassette audio]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Seselj : Est-ce que je peux parler à Branislav Gavrilovic ?

 24   Homme inconnu : Oui, Monsieur. Un instant, s'il vous plaît.

 25   Branislav Gavrilovic : Que Dieu te bénisse, 'Vojvoda'.

 26   Seselj : Que se passe-t-il là-bas ?

 27   Gavrilovic : Eh bien, nos hommes sont là-bas en ville.

 28   Seselj : Ils sont combien ?


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  1   Gavrilovic : 18. Il en reste 18.

  2   Seselj : Est-ce qu'ils sont encerclés ?

  3   Gavrilovic : Pardon.

  4   Seselj : Est-ce qu'ils sont encerclés ?

  5   Gavrilovic : Ils ont été encerclés depuis le début. Les volontaires sont

  6   partis là-bas pour les faire sortir et nous ne savons pas ce qui se passe

  7   là-bas.

  8   Seselj : Vous êtes blessé ?

  9   Gavrilovic : Oui.

 10   Seselj : A quel endroit ?

 11   Gavrilovic : A la jambe.

 12   Seselj : Et la blessure est comment ?

 13   Gavrilovic : Eh bien, la balle a traversé la jambe, et ça ira. Il n'y aura

 14   pas de problème.

 15   Seselj : Est-ce qu'on vous a prodigué des soins médicaux ?

 16   Gavrilovic : Oui, oui, tout va bien.

 17   Seselj : Ecoute, je viens d'appeler Pale. Je n'arrive pas à mettre la main

 18   sur Radovan, personne ne le peut.

 19   Gavrilovic : Oui.

 20   Seselj : Mais j'ai laissé un message pour dire que si nos hommes ne peuvent

 21   pas sortir, nous allons retirer tous nos hommes des lignes de front et nous

 22   ne les déploierons plus jamais.

 23   Gavrilovic : D'accord.

 24   Seselj : Alors ne perdez pas votre sang-froid…

 25   Gavrilovic : Les gens…

 26   Seselj : …ne vous querellez pas avec vos hommes de façon impromptue.

 27   Essayez de trouver autant d'hommes que possible pour les faire sortir, vous

 28   savez.


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  1   Gavrilovic : Ecoutez, ils sont déployés sans cesse pour qu'on puisse

  2   les faire sortir, sans cesse.

  3   Seselj : Nous allons nettoyer cela lorsque tout sera plus pacifique.

  4   Gavrilovic : D'accord, Vojo. Et ta santé ?

  5   Seselj : Pas mal. Essaie de faire en sorte qu'il y a autant de gens

  6   possible qui partent là-bas.

  7   Gavrilovic : D'accord. Tout le monde est actif et tout le monde

  8   envoie des gens là-bas. Nous verrons, quelque chose sortira de tout ceci.

  9   Seselj : D'accord. Très bien.

 10   Gavrilovic : Bien.

 11   Seselj : Alors est-ce que tu as ce numéro ici ?

 12   Gavrilovic : Oui, oui, je l'ai.

 13   Seselj : Bon, très bien. Alors faites-le-moi savoir. Je n'arrive absolument

 14   pas à les joindre. J'appelle ce numéro depuis plus d'une heure déjà. Je

 15   n'arrive pas à établir la communication.

 16   Gavrilovic : D'accord.

 17   Seselj : Ecoutez, ça serait peut-être plus facile pour vous parce que

 18   tout le monde n'appelle pas ce numéro.

 19   Gavrilovic : D'accord. D'accord.

 20   Seselj : Alors, dites-moi ce qui se passera.

 21   "Gavrilovic : Je vous le dirai.

 22   Seselj : Restez-là".

 23   [Fin de la diffusion de cassette audio]

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Bien évidemment, ses hommes ont été sauvés,

 25   et au niveau de l'écoute téléphonique 514, que je ne vais pas vous faire

 26   écouter, Momcilo Mandic reconnaît que Seselj venait d'appeler depuis

 27   Belgrade. Et il a transmis l'information, à savoir que ce groupe devait

 28   sortir, et c'est effectivement ce qui s'est passé. Et tout ceci illustre le


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  1   fait que l'accusé avait le pouvoir de donner ces ordres aux volontaires sur

  2   le terrain ainsi que d'imposer sa volonté aux autres membres de

  3   l'entreprise criminelle commune.

  4   Il ne s'agit pas d'un sergent ou d'un agent qui recrutait simplement pour

  5   le compte de la JNA. Cet homme était beaucoup plus que cela. Il savait où

  6   étaient déployés les Seseljevci. Il recevait des éléments d'information des

  7   lignes de front. Il communiquait avec eux. Il communiquait avec d'autres

  8   dirigeants des forces serbes. Et c'est lui qui décidait quand, où et à quel

  9   moment les Seseljevci devaient travailler main dans la main avec les forces

 10   serbes. En d'autres termes, l'accusé ne recrutait pas et ne déployait pas

 11   des volontaires de façon indépendante. Il était lié étroitement à tous les

 12   aspects de sa cause, c'est lui qui était leur source d'inspiration et c'est

 13   lui qui les a utilisés pour que ces crimes soient commis.

 14   Le 13 mai 1993, c'est évoqué dans la pièce 1219, l'accusé a organisé une

 15   conférence de presse afin d'annoncer son intronisation de "vojvoda", une

 16   cérémonie qui s'est tenue alors que la guerre faisait rage en Bosnie. Vous

 17   l'avez déjà vu, Madame et Messieurs les Juges, dans l'extrait vidéo P255.

 18   L'accusé a continué d'organiser de grands rassemblements et des fêtes de

 19   Chetniks pour évoquer leur passé sanglant et les crimes commis sur des non-

 20   Serbes, dont des Musulmans. Les éléments de preuve montrent qu'il a promu

 21   publiquement des hommes qui avaient commis des crimes dans toute l'ex-

 22   Yougoslavie.

 23   J'aimerais maintenant vous montrer, Madame et Messieurs les Juges -

 24   maintenant j'espère - un cliché qui va vous montrer le nom des Seseljevci

 25   qui avaient été promus "vojvoda" par l'accusé. Vous allez retrouver

 26   certains des noms qui vous sont déjà familiers. Et je pense que ceci va

 27   pouvoir les recadrer.

 28   A Vukovar, ce furent Milan Lancuzanin, alias Kameni; Miroslav Vukovic,


Page 17193

  1   alias Cele, aussi à Vukovar; Branislav Gavrilovic, alias Brne; Branislav

  2   Vakic.

  3   A Bijeljina et à Brcko, Mirko Blagojevic.

  4   A Bosanski Samac, Srecko Radovanovic, alias Debeli.

  5   A Zvornik, Miroslav Vukovic, alias Cele.

  6   Dans la région de Sarajevo, Vasilije Vidovic, alias Vaske; Slavko Aleksic;

  7   Branislav Gravrilovic, alias Brne; et Nikola Poplasen.

  8   Vous l'avez entendu dire, vous avez entendu certains noms répétés et il a

  9   redéployé ces hommes d'un lieu où se commettaient des crimes à l'autre.

 10   Où qu'aillent les hommes de Seselj, des crimes étaient commis. Où

 11   qu'aillent les "vojvoda", des crimes étaient commis. Souvent ce sont les

 12   hommes de Seselj qui ont commis ces crimes, souvent ce sont les "vojvoda"

 13   qui ont commis ces crimes.

 14   Dès le tout début de sa campagne de persécution, l'accusé savait

 15   parfaitement les faits qu'aurait sa contribution et que ce serait un impact

 16   significatif et considérable. Dans la pièce P1180, il dit lui-même ceci, il

 17   sait le succès que remporte le Mouvement chetnik-serbe parce que les

 18   Croates et les Musulmans parfois ne dorment plus chez eux parce qu'ils ont

 19   entendu dire que les Chetniks allaient arriver.

 20   Mais Biljana Plavsic a vraiment parfaitement décrit l'essentiel, la

 21   quintessence de l'effet qu'a eu l'accusé. Il motivait les combattants

 22   serbes et il faisait peur aux autres, à ceux qui n'étaient pas Serbes. Dans

 23   la pièce P1310, voici ce qu'elle dit : 

 24   "Il est venu nous voir, il a inspecté le front; sa présence comptait

 25   beaucoup pour beaucoup des hommes. Les troupes parlaient de ses visites

 26   bien après qu'il soit parti. Par ailleurs, quand on a entendu dire qu'il

 27   était sur le front, ça avait un effet démoralisateur considérable pour nos

 28   ennemis".


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  1   Il savait l'effet qu'il faisait. Il le savait par les milliers de

  2   volontaires qu'il a réussi à obtenir et à déployer pour mettre en œuvre

  3   l'objectif criminel commun. Il le savait par la réponse des foules qui se

  4   trouvaient amassées à ses rassemblements. Il le savait, et c'est pour ça

  5   qu'il n'a jamais cessé de se servir de cette propagande de haine comme

  6   d'arme, et c'est la raison pour laquelle il n'a toujours pas cessé de le

  7   faire à ce jour.

  8   Par cette campagne de guerre, sans relâche, sans arrêt il a prôné

  9   l'établissement par la force de parties significatives, de pans entiers de

 10   la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine pour que ce soit des territoires

 11   ethniquement serbes. Il a instillé la peur et la haine pour leur faire

 12   croire que les non-Serbes étaient leurs ennemis. Il s'est servi de cette

 13   peur et de cette haine des non-Serbes pour créer et pour exacerber une

 14   atmosphère propice à des actes violents contre les non-Serbes qui étaient

 15   pris pour cibles.

 16   Par sa campagne de recrutement, d'organisation, de déploiement de

 17   volontaires, il a assisté les autres forces serbes dans le combat qu'elles

 18   menaient pour que soient créés des territoires dominés par les Serbes

 19   séparés en Croatie et plus tard en Bosnie-Herzégovine, et pendant tout ce

 20   temps il coordonnait les activités des hommes de Seselj avec d'autres

 21   membres de l'entreprise criminelle commune. Il a encouragé et a poussé à

 22   l'action des groupes, des individus au sein des forces serbes, dont ses

 23   hommes à lui, les hommes de Seselj. La preuve en a été apportée au-delà de

 24   tout doute raisonnable, et le moment est venu pour qu'il paie pour ses

 25   crimes.

 26   En conclusion, l'accusé ne saurait faire taire les preuves, des preuves qui

 27   montrent que ces hommes, des Seseljevci, et les forces serbes ont œuvré de

 28   concert pour commettre les crimes visés dans l'acte d'accusation. Le


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  1   nettoyage ethnique a été accompli à l'aide des mêmes tactiques répétées

  2   sans arrêt. Les villages non-serbes étaient pilonnés, étaient détruits. Des

  3   zones considérées comme appartenant de droit aux Serbes étaient prises par

  4   la force par les forces serbes. Des familles non-serbes étaient écartelées

  5   alors que des enfants, des femmes non-serbes étaient séparés des hommes,

  6   rassemblés et soient envoyés dans des camps où ils subissaient abus, viol,

  7   meurtre, soit étaient obligés de prendre la fuite pour sauver leur peau. Et

  8   les non-Serbes étaient empêchés par la peur ou par la force de rentrer chez

  9   eux. Beaucoup d'entre eux - ainsi que leurs lieux de culte ou de culture -

 10   ont été pillés ou détruits.

 11   Voilà ce que montrent les éléments de preuve.

 12   Madame et Messieurs les Juges, je vais maintenant passer la parole à Mme

 13   Hochhauser, qui va vous dire comment ces tactiques ont été répliquées à

 14   Vukovar.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Madame Hochhauser. Vous avez donc la

 16   parole.

 17   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 18   Bonjour.

 19   Avant le début du conflit, les habitants de la municipalité de Vukovar en

 20   Croatie vivaient au sein d'une communauté prospère, pluriethnique,

 21   généralement paisible. Mais lorsque arrive la date du 21 novembre 1991, ces

 22   mêmes habitants de Vukovar sont irrémédiablement divisés par la haine

 23   interethnique. Ces gens ont perdu des êtres chers, leurs foyers, leurs

 24   villes sous le coup des bombes et de la violence qui cherchaient à les

 25   chasser de Vukovar.

 26   Les crimes commis dans la municipalité de Vukovar s'inscrivaient dans

 27   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune, et les forces serbes

 28   - la JNA, les TO locales, les volontaires, dont les hommes de Seselj - en


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  1   ont été les auteurs.

  2   Comme ça avait été le cas dans d'autres zones convoitées de Croatie

  3   dès le mois d'août 1991, et comme ils allaient continuer de le faire dans

  4   des zones convoitée en Bosnie-Herzégovine, les forces serbes ont dévasté la

  5   vie de la population de Vukovar à la recherche de cet objectif commun qui

  6   était d'avoir une nation serbe ethniquement homogène.

  7   L'accusé, ainsi que les dirigeants politiques et militaires de

  8   l'entreprise criminelle commune retenus dans cet acte d'accusation, voyait

  9   en Vukovar un objectif stratégiquement important si l'on voulait réaliser

 10   cet objectif commun. L'accusé a dit de Vukovar qu'elle revêtait pour la

 11   Serbie et pour le peuple serbe une signification exceptionnelle. Dans la

 12   pièce P1208, page 10, il dit qu'elle est "aussi serbe" que Belgrade.

 13   L'accusé a qualifié la bataille de Vukovar en ayant recours à des

 14   termes discriminatoires. Il a dit de cette municipalité que c'était "le

 15   plus fort bastion oustachi" sans la chute duquel il ne pouvait y avoir de

 16   victoire des Serbes.

 17   Voyons un extrait de la pièce P298.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "J : Mais quelle est la signification qu'il faut donner à la

 21   libération de Vukovar pour la Serbie et le peuple serbe ?

 22   "S : C'est une signification exceptionnelle. Parce que c'est le plus

 23   puissant des bastions d'Oustachis. Dès que Vukovar sera pris, les Oustachis

 24   n'ont aucune chance de conserver Osijek ou Vinkovci. Rien ne pourra arrêter

 25   nos forces. Vukovar c'est la ligne, la clé qu'il faut percer, qui doit être

 26   capturée, et puis … les Oustachis ne pourront plus rien faire. Les

 27   Oustachis savent que si Vukovar tombe, si Slunj tombe en Krajina serbe, à

 28   ce moment-là le régime oustachi de Tudjman à Zagreb va tomber aussi. Et


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  1   c'est pour ça que c'est une bataille décisive."

  2   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  3   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] La campagne de persécution de

  4   l'entreprise criminelle commune à Vukovar était claire. Comme le général

  5   Panic de la JNA l'a dit, pièce P261, page 219, Vukovar allait devenir "une

  6   enclave serbe", ou comme le dit l'accusé lui-même dans la pièce P1186, page

  7   6, "cette ville va devenir la capitale de la Slavonie, du Baranja et du

  8   Srem occidental serbe." Et il a ajouté, je cite : "Il faut que le peuple

  9   serbe s'y réinstalle."

 10   Et effectivement, comme l'a dit auparavant M. Marcussen, la SAO de SBSO

 11   avait déjà été créée au mois de juin 1991, et un gouvernement ayant à sa

 12   tête Goran Hadzic, autre membre de l'entreprise criminelle commune, avait

 13   été constitué en août et en septembre 1991. Par conséquent, pour mettre en

 14   œuvre cet objectif commun à Vukovar, les membres de l'entreprise criminelle

 15   commune ont envoyé des forces et des structures serbes qui étaient

 16   contrôlées par ces forces en grand nombre, et ces forces se sont soutenues

 17   mutuellement.

 18   La plus grande partie de Vukovar, et notamment la région d'Ovcara et

 19   de Grabovo, se trouvait dans la zone de responsabilité du Groupe

 20   opérationnel sud de la JNA. On voit l'importance que revêt Vukovar dans

 21   l'objectif commun de l'entreprise commune dans l'ordre donné par Hadzic,

 22   membre de l'entreprise criminelle commune, qui affecte une unité d'élite de

 23   la JNA, la Brigade motorisée de la Garde, à Vukovar le 30 septembre 1991.

 24   Cette Brigade motorisée de la Garde, c'était une unité d'élite de la

 25   JNA. Son personnel était trié sur le volet, super bien formé et très bien

 26   doté en matériel. Après le 7 octobre 1991, elle s'est trouvée sous le

 27   commandement de Mile Mrksic.

 28   Le 10 octobre 1991, l'assemblée de la SAO SBSO, dirigée ici aussi par


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  1   Goran Hadzic, a officiellement rattaché la TO locale serbe à la JNA. Les

  2   hommes de Seselj, les Seseljevci, ne sont pas arrivés à Vukovar en le

  3   décidant eux-mêmes. La TO de Vukovar a envoyé une demande à la cellule de

  4   Guerre du SRS qui demandait des volontaires, et c'est l'accusé qui a décidé

  5   de dépêcher ce Détachement de Leva Supoderica, que j'appellerais LSD, à

  6   Vukovar pour faire suite à la demande qu'il avait reçue.

  7   Ce détachement est arrivé à Vukovar début octobre. Il se composait

  8   surtout de Seseljevci, dont bon nombre étaient natifs du pays, notamment

  9   Milan Lancuzanin, alias Kameni, commandant du détachement et qui est devenu

 10   plus tard "vojvoda". D'autres combattants du détachement ont été recrutés

 11   ailleurs par l'état-major de guerre du SRS. Comme l'expert Theunens l'a

 12   dit, et le Témoin VS-012 aussi, ils étaient équipés et formés en

 13   association avec le MUP de Serbie, sous l'autorité des membres de

 14   l'entreprise criminelle commune Stanisic et Simatovic, et souvent en

 15   coopération avec Arkan, autre membre de cette entreprise criminelle

 16   commune, et la JNA, sous l'autorité de Kadijevic et Adzic, membres de

 17   l'entreprise criminelle commune également.

 18   La pièce P250 a été signée à Sid le 18 octobre 1991, et c'est la

 19   preuve irréfutable de ce que la TO a reconnu et incorporé le détachement

 20   sous le commandement de Kameni.

 21   La pièce P199, c'est une décision portant poursuite de l'assaut sur

 22   Vukovar, signée par Mile Mrskic le 29 octobre, et cette décision dit

 23   clairement que ce détachement se trouve sous le commandement de Mrskic et

 24   de la JNA. Sur le terrain à Vukovar, la JNA s'enorgueillait de la parfaite

 25   coordination et de l'intégration parfaite dans la JNA de la TO et des

 26   volontaires. Vous avez ici un extrait d'une interview avec le commandant

 27   Sljivancanin de la JNA à Vukovar.

 28   Je demande que soit maintenant diffusée la pièce P291.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Commandant, je voudrais vous demander de décrire brièvement les

  4   activités de combat menées aujourd'hui sur cette zone.

  5   VS : Toutes les unités du territoire de Vukovar combattent sous le

  6   commandement unifié du Groupe opérationnel sud et sous le commandement de

  7   la JNA. C'est très important. Les volontaires ont coutume de dire : 'Vous

  8   ne donnez jamais notre nom. Vous ne parlez jamais de nous.' Mais je pense

  9   que nous sommes tous pareils, nous combattons sous le même commandement …

 10   quiconque arrive, eh bien, est préparé au combat, est doté d'équipement

 11   aussitôt et est inclus dans les unités de la JNA qui mènent des combats

 12   côte à côte avec les autres soldats. L'ennemi, les Oustachis, sont en

 13   parfaite déroute, sont tout à fait défaits."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] C'est de façon active et très étroite que

 16   l'accusé a été partie prenante aux événements de Vukovar et aux actions

 17   menées par ses hommes une fois qu'il est arrivé sur les lieux. On a Vakic

 18   et Gavrilovic, surnommé Brne, qui eux aussi ont été envoyés à Vukovar avec

 19   des unités de Seseljevci. Et il a été nommé comme étant le dirigeant des

 20   Seseljevci envoyés depuis Belgrade et l'ont subordonné, lui et ses unités,

 21   au Détachement de Leva Supoderica, qui lui-même était sous l'ordre

 22   hiérarchique de la TO locale.

 23   Petkovic et Rankic l'ont dit tous les deux, l'accusé restait en contact

 24   étroit avec Kameni et communiquait avec lui directement. C'était vrai aussi

 25   pour les autres commandants de Vukovar. D'après le Témoin Petkovic, aussi

 26   bien Katic que Kameni ont traité Seselj -- l'accusé comme s'il était leur

 27   commandant. Tous les deux sont allés régulièrement au QG du SRS pour lui

 28   parler.


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  1   Au moment où éclate le conflit, l'accusé s'en est aussi enorgueilli

  2   de la parfaite coordination qu'il y avait entre ses hommes et la JNA et la

  3   TO à Vukovar. Il se vantait de la contribution sans pareil des Seseljevci,

  4   ou réussite, engrangée par les forces de combat serbes à Vukovar.

  5   Voyons-le maintenant dans la pièce P185.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Nous avons pratiquement repeint tous les … vous savez, j'ai l'habitude de

  9   ça, tout le monde se tait quand je parle. Peut-être n'avez-vous pas encore

 10   acquis cette habitude, mais moi, c'est mon habitude. Nous avons peint

 11   l'aigle bicéphale sur les casques, et l'officier de l'armée, le capitaine,

 12   le commandant, donne les ordres à notre peuple. Grâce à une action

 13   coordonnée, Kameni, notre commandant en chef à Vukovar, planifie les

 14   actions en coopération avec le commandant militaire dans la soirée, et

 15   l'action est mise en œuvre le lendemain. Des soldats ont déserté, l'armée

 16   n'avait donc pas suffisamment d'hommes pour conquérir la ville maison par

 17   maison, mais nos hommes l'ont fait. L'armée frappe à l'aide de chars, de

 18   mortiers et d'obusiers. Nos hommes investissent les maisons une par une

 19   pour s'en emparer…"

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Il y a une ligne supplémentaire qui

 22   conclut ce passage du texte, je vais donc en donner lecture, car elle

 23   n'apparaît pas en ce moment. Elle se trouve donc dans la pièce P185 :

 24   "L'armée frappe à l'aide de chars, de mortiers et d'obusiers, et nos hommes

 25   investissent une zone par une et s'en emparent."

 26   L'accusé en personne a déclaré lors de l'entretien qu'il a accordé au sujet

 27   de l'ouvrage "Vie et mort de l'ex-Yougoslavie" que pendant le siège, il a

 28   rencontré Mrksic et Sljivancanin. Il affirme également qu'il a même pris


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  1   part au combat dans la ville, et voici la vidéo qui vient d'être diffusée

  2   dans une autre séquence.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "J'ai rencontré toutefois le général Mrksic, qui était le commandant de la

  6   Brigade de la Garde et qui a participé aux opérations de libération de

  7   Vukovar au commandement de nos volontaires. Nos volontaires étaient sous le

  8   commandement direct du 'vojvoda' chetnik Kameni, à savoir Milan Lancuzanin,

  9   alias Kameni, et sous le commandement du général Mrksic, commandant de la

 10   Brigade de la Garde, que j'ai rencontré là-bas. Je lui ai parlé. Nous nous

 11   sommes rendus sur les premières lignes du front. Il m'a même donné un

 12   casque militaire sur place, sur lequel j'ai collé le symbole chetnik d'un

 13   aigle bicéphale. Ce casque était trop petit pour ma tête, et plus tard ils

 14   se sont posés la question de savoir pourquoi l'armée ne possédait pas des

 15   modèles de plus grande taille."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 18   les Juges, les membres de la Défense territoriale et les volontaires qui se

 19   trouvaient dans les rangs des combattants à Vukovar percevaient également

 20   l'accusé comme ayant un lien avec eux. Ceci est démontré, par exemple, dans

 21   la pièce à conviction P25, qui est la lettre envoyée par Katic à l'état-

 22   major général de guerre du Parti radical serbe datant du 9 décembre 1991,

 23   dans laquelle figurent sa signature et son titre de "commandant chetnik du

 24   PRS [comme interprété] de Vukovar." Il écrit cette lettre, donc il l'envoie

 25   à l'état-major de Guerre du PRS [comme interprété] pour proposer un certain

 26   nombre de noms de "combattants à des fins de promotion." Et comme les Juges

 27   de la Chambre s'y attendent sans doute, certains des hommes qu'il proposait

 28   à la promotion étaient des membres du Détachement Leva Supoderica, tels que


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  1   Kameni; Kinez, dont il fait remarquer qu'il a commandé le 1er Peloton

  2   d'assaut du Détachement Leva Supoderica. Mais cette lettre de Katic demande

  3   également la promotion à la cellule de Crise du Parti radical serbe [comme

  4   interprété] pour des membres de la Défense territoriale, tels que Vujovic,

  5   commandant de la Défense territoriale locale; tels que Vujanovic, chef de

  6   la Défense territoriale; et Peranovic, commandant de la Défense

  7   territoriale à Petrova Gora, ainsi que d'autres.

  8   Pour finir, les visites qu'a rendues l'accusé au front de Vukovar ont

  9   permis également de le tenir informé et en communication avec ses hommes,

 10   les hommes de Seselj, auxquels il apportait un appui permanent, une aide

 11   morale et des encouragements. Comme l'a déclaré l'accusé en personne

 12   pendant son témoignage dans l'affaire Milosevic, qui a été versé au dossier

 13   dans la pièce P31, et ce passage figure en page 542 de cette pièce,

 14   l'accusé a déclaré, je cite :

 15   "Je suis allé deux fois à Vukovar pendant que se déroulait la lutte pour la

 16   libération de la ville. J'ai tout vu. J'étais sur la ligne de front. Je me

 17   suis rendu dans chacune des rues de la ville. Il est impossible qu'il se

 18   soit passé là-bas quelque chose que je n'aie pas vu."

 19   La contribution apportée par l'accusé à l'entreprise criminelle commune et

 20   aux forces serbes de Vukovar ne s'est pas limitée à fournir des effectifs

 21   humains. L'accusé a également apporté sur les lieux la puissance de ses

 22   paroles. Mme Biersay en a dit quelques mots, parlant de Vukovar, les

 23   discours prononcés par l'accusé dans cette ville et dans les environs de

 24   cette ville étaient des discours de haine, des discours violents, et les

 25   éléments de preuve ont apporté la démonstration qu'ils ont eu un effet

 26   instigateur et motivant sur ceux qui les écoutaient, qui n'étaient pas

 27   simplement des Seseljevci. Ses discours appelaient à la division ethnique,

 28   ce n'étaient pas simplement des discours politiques.


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  1   L'accusé utilisait un vocabulaire et une rhétorique militaires de son

  2   propre cru, et chaque fois qu'il apparaissait à Vukovar, c'était sur la

  3   ligne de front avec un casque sur la tête, et il portait également un gilet

  4   pare-balles, un uniforme de camouflage de la JNA spécialement cousu pour

  5   les officiers de rang les plus élevés, et qui avait été cousu spécialement

  6   pour lui.

  7   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, j'appelle votre

  8   attention sur la pièce à conviction P1058, paragraphes 45 et 46.

  9   Selon le Témoin Rankic, lorsque Sljivancanin rendait compte à l'accusé à

 10   Vukovar lorsque l'accusé se trouvait sur le front, il s'adressait à lui en

 11   l'appelant "Président" devant tous les hommes rassemblés. Et la JNA et la

 12   police organisaient son transport et assuraient sa sécurité.

 13   L'effet de tout cela a consisté à intensifier l'influence exercée par

 14   l'accusé sur les forces serbes auxquelles il s'adressait, à augmenter la

 15   crédibilité de ses paroles et a démontré aux autres autorités présentes à

 16   Vukovar, autres autorités qui étaient sous le contrôle d'autres membres de

 17   l'entreprise criminelle commune, que l'accusé soutenait les idées de

 18   violence en ce qui concerne les rapports interethniques, idées de violence

 19   qu'il avait lui-même épousées.

 20   Donc il ne fait aucun doute, aucun doute, que les crimes qui sont

 21   reprochés à l'accusé à Vukovar ont réellement eu lieu. J'en discuterai

 22   immédiatement, l'accusé lui-même admet que ces crimes ont été commis, mais

 23   il insiste pour affirmer qu'il n'a aucun lien avec ces crimes, pas plus que

 24   les hommes de Seselj.

 25   Alors, pour commencer, je dis ici que l'accusé lui-même, s'il ne

 26   reconnaît pas sa responsabilité personnelle, a reconnu dans le cadre d'un

 27   entretien qu'il a accordé et qui a été versé au dossier sous le numéro

 28   P1225, c'est d'ailleurs un entretien qui a été publié une deuxième fois par


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  1   l'accusé en 1995, il reconnaît donc qu'à Vukovar, il y a eu "utilisation

  2   excessive de l'artillerie et tirs illimités d'obus en l'absence d'un

  3   quelconque objectif tactique."

  4   Cet aveu est appuyé par la déposition d'un certain nombre de témoins et par

  5   les faits déjà jugés qui ont prouvé que les maisons croates étaient

  6   bombardées, que les tirs d'obus se faisaient "sans aucune limite" et que

  7   ces tirs semblaient destinés "à supprimer toute vie humaine dans la

  8   région." Ceci figure dans la pièce P268, aux paragraphes 8, 9 et 15. Au

  9   nombre des cibles se trouvaient des jardins d'enfants, des cimetières, des

 10   marchés et des immeubles vides, ainsi que des cimetières.

 11   Le Témoin Covic, dans la pièce P844, page 7, a déclaré :

 12   "Ils bombardaient toute la ville sans tenir compte des endroits où se

 13   trouvaient les défenseurs".

 14   Et le 18 novembre 1991, lorsque Vukovar est tombée aux mains des forces

 15   serbes, toute la ville avait été rasée. Ces destructions, aucun objectif

 16   militaire ne les justifiait, mais, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 17   les Juges, ce qui existait c'était un objectif criminel double. Parce

 18   qu'outre le fait de servir à la destruction matérielle de Vukovar, les

 19   bombardements effectués par la JNA ont été le moyen qui a servi à expulser

 20   par la force hors de la municipalité un grand nombre de non-Serbes de

 21   Vukovar. Je fais afficher à l'écran le cliché issu de la pièce P289 qui

 22   restera sur les écrans pendant que je poursuis mon exposé, mais vous

 23   verrez, grâce à cette pièce P289, que ce ne sont pas uniquement des

 24   destructions matérielles qui ont été commises, mais que des gens qui

 25   faisaient la queue, des habitants de la ville, ont été contraints de partir

 26   en raison des bombardements.

 27   Alors, l'accusé est responsable en tant que membre de l'entreprise

 28   criminelle commune des conséquences de ces bombardements, même si ce n'est


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  1   pas lui en personne qui a pris les décisions tactiques. Ce qui s'est passé

  2   à Vukovar est un exemple classique de la tactique de la JNA qui a été

  3   observée par la Mission d'observateur européenne, comme on le voit dans la

  4   pièce P412 en page 14, et qui a déjà été décrite par M. Marcussen avant que

  5   je ne prenne la parole. D'abord, la JNA terrorisait la population avec des

  6   tirs d'artillerie lourde puis venaient les irréguliers armés indisciplinés

  7   qui avaient le soutien de la JNA, irréguliers dont faisaient partie les

  8   hommes de Seselj qui investissaient les lieux. Donc l'accusé est

  9   responsable parce que les hommes de Seselj ont agi dans les opérations de

 10   combat un peu partout en Croatie, ils ont fait partie des forces serbes, et

 11   il est responsable aussi parce que pendant au moins une grande partie du

 12   temps où la JNA a bombardé Vukovar, les hommes des Seselj étaient sous le

 13   commandement de Kameni, qui était déjà sous le commandement direct de

 14   Mrksic, et qui lui-même était sous le contrôle de Kadijevic et d'Adzic.

 15   Comme l'a admis l'accusé lui-même dans la pièce P644, pages 12 et 13, la

 16   JNA ne pouvait pas s'emparer de Vukovar à l'aide "uniquement des

 17   bombardements". Et donc la guerre a été menée "rue par rue" par les

 18   volontaires et les membres de la Défense territoriale, au nombre desquels

 19   figuraient les hommes de Seselj.

 20   Les hommes de Seselj, au côté d'autres volontaires et des membres de la

 21   Défense territoriale, ont contribué au départ forcé en créant une

 22   atmosphère d'incertitude, une atmosphère de peur et de haine interethnique

 23   qui ont renforcé la nécessité ressentie par certains, à savoir par les non-

 24   Serbes, de partir, ces non-Serbes pensant qu'ils n'avaient pas d'autre

 25   alternative que de partir. Un exemple, selon le Témoin Emil Cakalic, page

 26   du compte rendu d'audience 4 954, le chant "Slobo, Slobo, la viande va

 27   abonder, nous allons égorger les Croates", était entendu dans toute la

 28   ville de Vukovar et chanté "en particulier par les volontaires".


Page 17206

  1   Il s'agit de la vidéo qui constitue la pièce P58, dont je demande

  2   d'ailleurs maintenant la diffusion. Elle vous apportera la démonstration de

  3   ce que je viens de dire.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "Les soldats chantent un chant quasi-tribal contre les Croates".

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Voilà les images des volontaires qui

  9   chantaient le chant dont je viens de parler alors qu'ils avançaient en

 10   rangs serrés, pièce 58.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'intervenir. Le Procureur a cité

 12   une chanson. On voit ça au compte rendu, version anglaise : "Slobo, envoie-

 13   nous de la salade, il va y avoir de la viande, on égorgera les Croates". Et

 14   l'interprète donne une traduction tout à fait autre. On dit : "Croates, on

 15   va vous égorger. On vous égorgera et on donnera la moitié aux chiens".

 16   Alors, comment l'interprète peut-il modifier les propos du Procureur ? Je

 17   veux immédiatement que cet interprète soit éloigné du service

 18   d'interprétation. Parce que ce sont des vers tout à fait différents dont il

 19   s'agit, et ça donne des implications tout à fait différentes.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Procureur, pouvez-vous repasser la vidéo P58.

 21   Je demande aux interprètes de traduire ce qu'ils entendent.

 22   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Je suis désolée, je n'ai pas

 23   entendu l'interprétation de ce que vous avez dit.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de repasser la bande P58, et je

 25   demande aux interprètes --

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1110 à 1210, c'est là le passage dont il

 27   s'agit.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et je demande aux interprètes de bien traduire


Page 17207

  1   ce qu'ils entendent.

  2    Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Oui.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Il y aura de la viande en abondance. La viande, il y aura de la viande. Et

  6   nous allons égorger les Croates.

  7   Le journaliste dit : 'Les soldats sont en train de chanter un chant quasi-

  8   tribal dirigé contre les Croates…"

  9   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 10   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pense que ceci

 12   doit avoir forcément des répercussions. On ne nous a pas passé le clip

 13   jusqu'au bout. Mais je vous rappelle que le Procureur a cité avec précision

 14   les vers de la chanson qui a été chantée. Or l'interprète, un Croate, a

 15   fourni des vers tout à fait autre, tirés d'une autre chanson que j'entends

 16   pour la première fois ici maintenant. Ça peut vous paraître semblable ou

 17   similaire, mais les implications, elles sont tout à fait différentes.

 18   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 19   permettez, il s'agit d'une partie de la déposition du Témoin Emil Cakalic,

 20   en page 4 954 du compte rendu d'audience, qui est à l'origine de ce passage

 21   que j'ai cité, passage de sa déposition où se trouvent les mots, je cite :

 22   "Slobo, Slobo, la viande va abonder, nous allons égorger les Croates", en

 23   disant que ce chant retentissait dans tout Vukovar et était chanté en

 24   particulier par les volontaires.

 25   L'interprétation que j'ai obtenue en anglais de la pièce 58 est exactement

 26   cela, mais s'il y a quelques problèmes de différences linguistiques

 27   légères, je présenterai la pièce P58 en tant qu'exemple de la chanson.

 28   Puis-je poursuivre ?


Page 17208

  1   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez -- pour plaider, vous aurez l'occasion de

  3   revenir là-dessus. C'est le Procureur qui requiert, et vous contesterez ces

  4   propos lors de votre plaidoirie. Vous n'êtes pas --

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Antonetti, moi, à présent, je ne

  6   conteste pas du tout les propos tenus par l'Accusation. Le Procureur a

  7   indiqué, a cité en version abrégée la bonne version de la chanson qui est

  8   en train d'être chantée par cette colonne. Ma remarque se rapporte à un

  9   élément administratif uniquement. Vous êtes tenu de donner instruction tout

 10   de suite afin que quelqu'un au niveau du service écoute l'interprétation en

 11   serbe, pour s'assurer que l'interprète, de façon délibérée et

 12   intentionnelle, a donné la traduction d'une autre chanson. Il y a une

 13   chanson qui dit :

 14   "Slobo, envoie-nous de la salade", Slobo étant Slobodan, "il y aura de la

 15   viande, parce que nous égorgerons les Croates".

 16   Or, la traduction fournie par l'interprète dit :

 17   "Eux, Croates, nous allons vous égorger, nous allons égorger la moitié et

 18   jeter l'autre moitié aux chiens".

 19   Est-ce que vous comprenez bien quelle est la différence au niveau des

 20   implications qui sont entendues par ces chansons-là ? Ce n'est pas une

 21   liberté d'interprétation de l'interprète. C'est délibérément qu'on essaie

 22   de vous tromper. C'est une observation, une objection administrative pour

 23   ce qui est d'une erreur d'interprétation. J'ai le droit de formuler une

 24   observation ou une objection urgente. Alors, vous êtes censé entreprendre

 25   quelque chose d'urgence. Vous pouvez dire que je dis des bêtises, ça, vous

 26   pouvez le faire. Mais ce n'est pas des choses que je dois évoquer pour ce

 27   qui est de mes plaidoiries à moi.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- pris note de ce que vous dites, et on demandera


Page 17209

  1   au service de traduction de vérifier ceci et de nous adresser un rapport

  2   sur cette question de traduction.

  3   Madame le Procureur, continuez.

  4   Mme HOCHHAUSER : [hors micro]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Micro.

  6   Mme HOCHHAUSER : [interprétation] Toutes mes excuses, mon micro n'était pas

  7   allumé. Donc, outre ces chants discriminatoires destinés à commettre des

  8   persécutions, chants entendus dans toute la ville de Vukovar, comme nous

  9   venons de le voir et de l'entendre, la propagande de l'accusé, qui

 10   qualifiait chaque Croate d'Oustachi, a infecté les esprits des hommes

 11   faisant partie des forces serbes à Vukovar, et les éléments de preuve ont

 12   démontré qu'à leurs yeux tout Croate était un Oustachi, et, de ce fait, les

 13   volontaires ont tué des Croates même désarmés sans se cacher.

 14   Un exemple, le Témoin Stojanovic, dans la pièce P528, paragraphes 40 et 41,

 15   déclare que Kameni avait donné l'ordre de tuer tous les Croates et que par

 16   la suite, "les volontaires engagés dans le nettoyage de la ville nous ont

 17   dit", a-t-il déclaré, "que chaque fois qu'ils rencontraient un Croate, ils

 18   le tuaient sur place, qu'il soit armé ou pas, parce qu'ils n'avaient pas le

 19   temps d'emmener ces Croates à Velepromet où se trouvait le centre de

 20   regroupement et la prison. Kameni en personne a ordonné aux membres de

 21   notre groupe, qui assuraient la garde des maisons, d'exécuter tous les

 22   Croates que nous rencontrions sur place".

 23   Le Témoin Stojanovic a continué son propos en disant avoir vu des hommes de

 24   Seselj "appartenant au groupe de Kameni" frapper puis trancher la gorge de

 25   cinq Croates désarmés devant 30 personnes rassemblées. Selon le Témoin

 26   Stojanovic, la JNA a appelé Kameni et Kinez pour un entretien, Kinez étant

 27   l'adjoint de Kameni, suite à cela, mais ces deux hommes n'ont pas été

 28   arrêtés. Ils sont restés au commandement du Détachement Leva Supoderica. Et


Page 17210

  1   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, vous trouverez cela

  2   dans la pièce P526, paragraphes 26 et 27.

  3   Le Témoin Stojanovic a confirmé ce renseignement dans les pièces P526,

  4   datant du mois d'août 2004, et encore une fois dans la pièce P528, qui est

  5   une autre déclaration de sa part datant de juin 2006. Et si le débat doit

  6   porter sur la crédibilité, ou plutôt sur la fiabilité de ces déclarations

  7   écrites, je renvoie les Juges de la Chambre au débat que nous avons eu au

  8   sujet du mémoire et dans l'annexe où se trouvent tous les arguments.

  9   VS-034 a également confirmé le traitement très violent que les hommes de

 10   Seselj réservaient aux prisonniers. Il a parlé dans sa déposition du fait

 11   qu'il avait reçu l'ordre de Kameni de tuer des détenus. Monsieur le

 12   Président, Madame, Messieurs les Juges, je vous renvoie aux pièces à

 13   conviction P1058, paragraphes 39 à 42 -- 42 et 43, et pièce P1056,

 14   paragraphe 31.

 15   La violence et les persécutions commises à Vukovar par les forces serbes,

 16   et plus particulièrement par les volontaires et par les hommes de Seselj,

 17   se faisaient ouvertement. Elles étaient admises. Ces exactions ont été

 18   commises en l'absence de la moindre crainte de répercussion négative de la

 19   part de l'accusé ou d'un autre représentant politico-militaire au pouvoir

 20   ou de ceux qui avaient sous leur commandement les forces serbes, j'ai nommé

 21   les autres membres de l'entreprise criminelle commune en l'espèce. Et parmi

 22   les quelques non-Serbes qui sont restés dans la ville après la fin du siège

 23   de Vukovar, nombre ont été transférés ailleurs par la force à bord

 24   d'autocars, certains vers la Croatie, je veux parler de ce qui restait de

 25   Croates dans la ville; et d'autres en franchissant la frontière serbe et en

 26   poursuivant leur chemin à partir de là. Bien que l'accusé se soit posé

 27   publiquement des questions sur la tactique de pilonnage de la JNA, il ne

 28   peut pas s'appuyer sur ce fait pour échapper à sa responsabilité pénale,


Page 17211

  1   parce que les éléments de preuve ont prouvé qu'il a appuyé la mise en œuvre

  2   d'un objectif commun poursuivi par les membres de l'entreprise criminelle

  3   commune, a confirmé le plan commun établi par l'entreprise criminelle

  4   commune qui prévoyait d'utiliser tous les moyens possibles, y compris le

  5   crime et la destruction aveugle de la ville pour arriver à leurs fins. Dans

  6   la pièce à conviction P1225, page 6, dans ce même entretien où l'accusé

  7   critique la tactique de la JNA qui a eu recours excessivement à

  8   l'artillerie, il ajoute qu'il "célébrera toujours la libération de

  9   Vukovar".

 10   J'aimerais maintenant parler des meurtres, des tortures et des traitements

 11   cruels et persécutions qui ont été commis à Ovcara, Grabovo, Velepromet

 12   entre le 19 et le 21 novembre 1991. Encore une fois, ces crimes ont été

 13   établis de façon indéniable. Comme l'accusé l'a dit pendant la déposition

 14   de Vilim Karlovic, et je cite l'accusé, je cite :

 15   "Je ne conteste pas le crime. Je ne l'ai jamais contesté. Un crime terrible

 16   a eu lieu ici. Ceci ne fait pas l'ombre d'un doute".

 17   Encore une fois, incapable de contester le crime, l'accusé nie toute

 18   relation entre sa personne et les auteurs matériels de ce crime dans son

 19   mémoire en clôture. Mais l'accusé est responsable de ces crimes, parce que

 20   les forces serbes étaient toujours aux manettes et fonctionnaient toujours

 21   pendant la période où les crimes ont été commis à Velepromet, Ovcara et

 22   Grabovo. Il est responsable parce que ce sont les hommes de Seselj, au

 23   nombre d'autres auteurs matériels, qui ont commis ces crimes et qui les

 24   liaient à ces hommes et aux autres membres de l'entreprise criminelle

 25   commune par le truchement de la Défense territoriale et de la JNA, et il

 26   est responsable parce que les autres auteurs matériels, membres de la JNA,

 27   de la Défense territoriale et les autres volontaires, sont liés aux autres

 28   membres de l'entreprise criminelle commune auxquels il est associé.


Page 17212

  1   La coopération constante des forces serbes avec les hommes de l'accusé

  2   entre les 19 et 21 est démontrée par de nombreux éléments de preuve. Par

  3   exemple, les membres de la JNA savaient que la Défense territoriale et les

  4   volontaires exerçaient des violences importantes sur les prisonniers non-

  5   serbes, prisonniers de guerre, pendant tout le siège de Vukovar. Et nous

  6   avons des exemples extrêmes de ce fait qui sont nombreux dans le dossier.

  7   Par exemple, le commandant Lukic, commandant de la JNA, qui est informé des

  8   pillages commis par les hommes de Seselj, et du fait que les hommes de

  9   Seselj coupaient les oreilles des prisonniers, il choisit de ne pas les

 10   punir parce que les volontaires étaient nécessaires sur le front. Madame,

 11   Messieurs les Juges, je renvoie la Chambre à ce sujet à la pièce à

 12   conviction P857, paragraphes 57 et 58. Nous avons également l'exemple de

 13   Sljivancanin qui, le 19 novembre, parlant de Velepromet, fait savoir que

 14   "les Chetniks là-bas égorgent les prisonniers".

 15   Et même s'il s'avait ce qui se passait, Sljivancanin a délibérément

 16   interdit l'accès de l'hôpital à la Croix-Rouge tant que les prisonniers

 17   n'ont pas été sortis de l'hôpital pour être emmenés à la caserne de la JNA.

 18   C'est la JNA qui a réorienté les prisonniers vers le hangar d'Ovcara à

 19   partir de la caserne après une rencontre à laquelle ont assisté un certain

 20   nombre de membres de l'entreprise criminelle commune, en particulier Arkan

 21   et Hadzic. Certains membres de la JNA se trouvaient à la caserne. Ils ont

 22   eux-mêmes participé aux passages à tabac, alors que d'autres n'ont rien

 23   entrepris pour empêcher cela.

 24   Miodrag Panic, l'officier de la JNA le plus haut gradé qui était sur les

 25   lieux est parti. Le policier militaire de la JNA qui était censé protégé

 26   les détenus s'est retiré sur l'ordre de Mrksic.

 27   La déposition de Josip Covic illustre la coordination qui existait ainsi

 28   que la chaîne d'autorité qui était toujours en vigueur à Velepromet le 20


Page 17213

  1   novembre 1991. Il a raconté comment la JNA et la TO, ensemble, ont éloigné

  2   notamment les civils, les personnes âgées, les infirmes et les combattants

  3   hors de combat de l'hôpital. Il a expliqué comment les hommes ont été

  4   séparés par des membres de la TO et qu'un officier de la JNA qui a reçu

  5   l'ordre de les emmener à Velepromet. Une fois arrivés à Velepromet, un

  6   groupe de détenus a été séparé, et des civils ont été autorisés à montrer

  7   du doigt certains d'entre eux, après quoi la TO a fait appel aux Seseljevci

  8   qui sont venus pour prendre ces personnes qui avaient été désignés et les

  9   emmener dans le hangar et les tuer. Un Seseljevac a tranché la gorge d'un

 10   des détenus devant les autres détenus.

 11   Alors que Covic était frappé par des personnes qu'il a décrit comme étant

 12   des Chetniks, un officier de la JNA l'a appelé, le détournant de ce qu'il

 13   faisait, mais il n'a pas demandé à ce qu'il cesse de frapper cet homme, et

 14   personne n'a tenté de faire cela, il lui a simplement demandé d'aller obéir

 15   à un autre ordre. Un commandant de la JNA a ensuite donné un ordre à Covic

 16   et aux autres détenus pour qu'ils montent à bord d'autocars en direction de

 17   Sremska Mitrovica.

 18   Les victimes Emil Cakalic, Vilim Karlovic, et Dragutin Berghofer ont parlé

 19   de même de ce qui s'était passé à Ovcara, et leurs dires ont été corroboré

 20   par d'autres, par des victimes des auteurs et des observateurs, tous

 21   confondus, y compris Vesna Bosanac, officiers de la JNA Vukasinovic et

 22   Vojnovic, ainsi que les témoins protégés VS-051, 16, 65, 21 et autres

 23   témoins.

 24   La déposition de ces témoins qui prouvaient sans contexte que les crimes

 25   avaient été commis prouve également la culpabilité de l'accusé pour les

 26   meurtres et sévices commis à Ovcara et Grabovo au-delà de tout doute

 27   raisonnable. Les éléments de preuve ont montré que lorsque le témoin de la

 28   JNA Vukasinovic est arrivé à l'hôpital le 20 novembre avec ces autocars qui


Page 17214

  1   avaient fait l'objet d'un ordre donné par le commandant Sljivancanin, les

  2   commandants des détachements de la TO, notamment Miroljub Vujovic, Stanko

  3   Vujanovic, et Kameni, étaient là en présence de leurs combattants avec

  4   Sljivancanin. Des hommes de tous âges, y compris les blessés, les personnes

  5   âgées et les mineurs ont été emmenés à bord d'autobus, comme s'il

  6   s'agissait d'un troupeau. On les a fait venir dans la caserne de la JNA et

  7   finalement au hangar d'Ovcara. Kameni, ainsi que d'autres, ont escorté ce

  8   premier groupe jusqu'aux autocars.

  9   En présence de la JNA, des détenus ont dû faire passer par les baguettes de

 10   la TO et des volontaires, ces détenus. Ils les ont accablés d'injures,

 11   comme l'a raconté le Témoin VS-016, à la page du compte rendu d'audience

 12   T11129, ils les ont battus parce qu'il s'agissait d'Oustachi.

 13   A l'intérieur du hangar, des membres de la JNA, de la TO, et des

 14   volontaires, y compris les Seseljevci, ont frappé les détenus. VS-065 a

 15   raconté que Stanko Vujanovic, Miroljub Vujovic, et Seseljevac Kameni

 16   étaient des commandants de la TO sur le lieu.

 17   Quelques-uns de ces bourreaux portaient des insignes chetnik, arborant les

 18   quatre C sur leurs couvre-chefs, et portaient des couvre-chefs en fourrure.

 19   Certains d'entre eux tiraient des coups de sifflet pour indiquer à quel

 20   moment les passages à tabac devaient commencer. Ils ont commencé des chants

 21   de persécution comme "Apporter la salade et nous aurons de la viande parce

 22   que nous allons massacrer les Croates."

 23   Déposition ici de M. Karlovic du compte rendu d'audience 4 779.

 24   "Un survivant a raconté avoir observé un homme battu à mort alors qu'on

 25   l'obligeait à chanter un chant chetnik et à lécher les bottes de ses

 26   attaquants pendant qu'on le frappait." Les passages à tabac ont duré

 27   plusieurs heures, et parfois après 21 heures. Le commandant de la TO,

 28   Miroljub Vujovic, a donné l'ordre pour que le premier groupe de détenus du


Page 17215

  1   hangar soit placé à bord d'une remorque en direction de Grabovo et la fosse

  2   qui avait déjà été creusée. Plusieurs voyages ont donc été effectués et des

  3   prisonniers supplémentaires, des prisonniers de guerre ont été tués.

  4   Le Témoin VS-016, VS-065, Stoparic, T2357 et Karlovic, T4729 ont identifié

  5   ces personnes comme étant des membres de la LSD – pardonnez-moi, comme

  6   étant des volontaires et des membres de la JNA et de la TO, qui ont fait

  7   venir les détenus jusqu'à la fosse. Les mêmes personnes ont également fait

  8   partie des pelotons d'exécution qui ont tué et dans certains cas poignardé

  9   les détenus à mort. D'après le Témoin VS-002, lorsqu'ils ont manqué de

 10   munitions à la fosse, Vujovic, le commandant de la TO, se rendait à la JNA

 11   pour s'en procurer davantage. Page du compte rendu d'audience 6 549.

 12   Les éléments de preuve montrent ainsi qu'au-delà de tout doute raisonnable,

 13   Kameni et le LSD, faisaient partie des commandants de la TO et leurs

 14   commandants faisaient partie des personnes qui ont déplacés ces gens de

 15   l'hôpital. Tout ceci a été contrôlé par la JNA, et qu'ils ont suivi les

 16   prisonniers placés sous la protection de la JNA qui, manifestement, était

 17   encore en position d'autorité, ils ont suivi jusqu'à Ovcara et finalement,

 18   ils les ont suivis jusqu'à leur mort à la fosse de Grabovo. Et ces

 19   événements montrent très clairement que l'accusé a un lien avec les auteurs

 20   matériels de ces crimes.

 21   Madame, Messieurs les Juges, la peine que prend l'accusé dans son mémoire

 22   pour prendre ses distances de ces auteurs matériels trahit son empressement

 23   à faire passer pour des faits des informations qui ne sont absolument pas

 24   étayer dans le dossier en espèce et qui ne comportent pas le moindre

 25   élément de vérité. Ses efforts qui visent à nier ce lien, et ce lien à ces

 26   crimes sont tout à fait remarquables, en raison de leur manque de

 27   crédibilité.

 28   En premier lieu, l'accusé affirme qu'il n'y avait plus de volontaires du


Page 17216

  1   SRS à Vukovar au moment où les crimes ont été commis à Ovcara, Grabovo, et

  2   Velepromet. Outre les témoignages très importants déjà abordés qui placent

  3   le LSD et les Seseljevci encore à Vukovar, qui prennent et qui reçoivent

  4   encore des ordres de la TO, qui travaillait avec la JNA où les meurtres et

  5   sévices ont été commis. Il existe des preuves documentaires indéniables,

  6   qui indique que l'affirmation de l'accusé n'est pas exacte. L'ordre de

  7   Mrksic, par exemple, le règlement de cette question de la resubordination

  8   et le retour des unités à la maison, montre clairement que le 20 novembre,

  9   lorsque les forces serbes, y compris les Seseljevci, commettaient ces

 10   crimes, le LSD était encore à Vukovar et toujours subordonné à la JNA.

 11   L'accusé affirme dans son mémoire qu'il n'y a aucun lien entre un

 12   quelconque volontaire du SRS et un crime, et pour étayer son affirmation de

 13   façon tout à fait incroyable, il désavoue sa relation avec les "vojvoda"

 14   Kameni ainsi que les combattants placés sous son commandement, et il

 15   établit une différence entre les Seseljevci envoyés à Vukovar depuis un

 16   autre endroit et ceux qui étaient à Vukovar et ses environs. Il va même

 17   jusqu'à se reposer dans son mémoire sur la formation que Kameni était un

 18   réserviste à Vukovar, et que ce n'était pas un membre de la SRS.

 19   Mesdames, Messieurs les Juges, est-ce qu'il serait bien de faire une pause

 20   maintenant ?

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a eu presque une heure trente d'audience, nous

 22   allons donc faire une pause. Nous reprendrons tout à l'heure, aux environs

 23   de 11 heurs moins dix, et nous nous arrêterons à midi 25, nous ferons une

 24   pause, parce que à midi 30, il y a une installation d'un nouveau Juge, qui

 25   devrait prendre environ 20 minutes au maximum, et nous reprendrons donc

 26   après l'installation. Donc première pause d'une durée de 20 minutes.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 28   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.


Page 17217

  1   M. LE JUGE ANTONETTI: Bien. L'audience est reprise.

  2   Vous pouvez continuer.

  3   Mme HOCHHAUSER: [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Avant la pause, je me proposais de reprendre l'argument suivant avancé par

  5   l'accusé dans son mémoire, où il dit ne pas avoir eu de relation avec

  6   Kameni, ni avec les Seseljevci qui se trouvaient sous son commandement, et

  7   qui dit que Kameni, ce n'était qu'un membre de réserve de la JNA de Vukovar

  8   et pas un membre de SRS. Il était certes de Vukovar, Kameni, c'était un

  9   officier de réserve de la JNA, mais il est incontestable que c'était aussi

 10   un Seseljevac, un homme de Seselj, qu'il ait été membre du SRS ou pas. De

 11   toute façon, il faisait partie du SRS. Il était le commandant des

 12   Seseljevci, il rendait compte à l'accusé, et il y a un lien incontestable

 13   qui ne peut pas être rompu entre Kameni et le Détachement de Leva

 14   Supoderica et l'accusé. Rappelez-vous les vidéos où nous avons vu l'accusé

 15   et Kameni, et les pièces P255, page 3; la pièce P185, page 1; le compte

 16   rendu d'audience à sa page 3 429 jusqu'à la page T3435; la page 1 de la

 17   pièce 288; puis nous avons le compte rendu d'audience, pages 5 075 à 5 077;

 18   et la pièce P217, page 3; et les propres dires de l'accusé lors du procès

 19   Milosevic lorsqu'il parlait du fait que Kameni était membre de SRS. Et,

 20   bien sûr, aussi la pièce P31, page 627.

 21   L'ordre de Seselj nommant Kameni voïvode et qui recommande Kameni parce que

 22   c'est quelqu'un, je cite, "qui a fait partie du Mouvement chetnik depuis sa

 23   formation." Et il le décrit comme étant le "commandant de l'Unité des

 24   volontaires de Leva Supoderica du Parti radical serbe et du Mouvement

 25   chetnik-serbe." Et c'est quelque chose qui se trouve à la pièce P217, page

 26   3.

 27   Là, le lien avec l'accusé, non seulement à Kameni, mais un lien avec tous

 28   les commandants placés sous le commandement de Kameni au sein du


Page 17218

  1   Détachement de Leva Supoderica était si bien établi que, comme l'a dit Mme

  2   Biersay un peu plus tôt, même la JNA parlait des combattants dans ce

  3   détachement comme les Seseljevci dans toutes les communications

  4   officielles. P41, page 2.

  5   L'accusé, dans son mémoire, présente un argument juridique et indique que

  6   le jugement dans l'affaire Mrksic, Sljivancanin et Radic, que dans cette

  7   affaire il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour constater

  8   qu'il y avait existence d'une entreprise criminelle commune prouvée au-delà

  9   de tout doute raisonnable, et que l'accusé affirme que ceci empêche la

 10   Chambre de première instance dans cette affaire de constater qu'il est

 11   responsable des crimes commis à Vukovar en application de l'entreprise

 12   criminelle commune ou de tout autre théorie.

 13   Dans l'affaire Mrksic, la Chambre de première instance a constaté qu'il n'y

 14   avait pas d'entreprise criminelle commune entre ces trois accusés pour ce

 15   qui est de l'objectif commun limité allégué dans l'acte d'accusation : "la

 16   persécution des Croates et des non-Serbes qui étaient présents à l'hôpital

 17   de Vukovar après la chute de Vukovar."

 18   Citation de l'acte d'accusation dans l'affaire Mrksic, paragraphes 5 à 7.

 19   L'entreprise criminelle commune imputée en l'espèce se définit comme un

 20   objectif commun différent, à savoir le déplacement forcé permanent par la

 21   commission des crimes énumérés, de la majorité de la population non-serbe

 22   d'environ un tiers du territoire croate ainsi que des parties importantes

 23   de Bosnie-Herzégovine afin d'intégrer ces territoires-là à un nouvel Etat

 24   dominé par les Serbes."

 25   Acte d'accusation en l'espèce, paragraphe numéro 6.

 26   Donc l'existence de l'entreprise criminelle commune dans le cadre de

 27   l'acte d'accusation qui nous intéresse vise une région géographique

 28   beaucoup plus importante, une population définie au sens beaucoup plus


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  1   large avec un objectif commun différent, donc ne peut être influencé par ce

  2   jugement-là.

  3   Ensuite, l'arrêt rendu dans l'affaire Mrksic n'empêche pas les Juges

  4   de cette Chambre de première instance de constater que l'accusé est déclaré

  5   coupable de persécution en tant que crime contre l'humanité pour les

  6   meurtres commis à Ovcara et Grabovo, comme l'accusé le fait valoir. Il

  7   affirme que les conclusions rendues par la Chambre d'appel dans l'affaire

  8   Mrksic que les meurtres n'avaient pas de lien avec une attaque généralisée

  9   et systématique sur la population civile et que ceci ne constitue pas ou

 10   n'a pas l'effet de la chose jugée.

 11   Ensuite, la connaissance subjective des auteurs matériels n'est pas

 12   essentielle dans le cas de la détermination de la responsabilité de

 13   l'accusé en application de l'entreprise criminelle commune. La Chambre

 14   d'appel dans l'affaire Mrksic devait déterminer si, oui ou non, la

 15   connaissance subjective des auteurs matériels remplissait les critères

 16   requis de lien avec les crimes contre l'humanité parce que la Chambre

 17   d'appel se focalisait sur la question de savoir si l'accusé était coupable

 18   d'avoir aidé et encouragé plutôt que d'avoir commis ces crimes. Cependant,

 19   lorsque le mode de responsabilité pris en considération est l'entreprise

 20   criminelle commune, c'est dans ce cas la connaissance subjective des

 21   membres de l'entreprise criminelle commune qui est pertinente,

 22   indépendamment du fait que les auteurs matériels disposent ou non de cette

 23   connaissance. Je vous demande de vous reporter au jugement rendu par la

 24   Chambre de première instance dans l'affaire Milutinovic, paragraphes 158 à

 25   162.

 26   L'accusé et ainsi que ses acolytes et membres de l'entreprise criminelle

 27   commune en l'espèce, y compris les commandants de la JNA Adzic et

 28   Kadijevic, ainsi qu'Arkan et Goran Hadzic, qui ont tous deux joué un rôle


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  1   décisif dans la remise des prisonniers de guerre à la TO et aux volontaires

  2   directement, ainsi que les membres de la JNA, savaient tous qu'une attaque

  3   contre la population civile avait lieu et que les actes commis par ces

  4   auteurs matériels faisaient partie de cette attaque. Les éléments étayant

  5   leur connaissance sont exposés dans le détail dans le mémoire en clôture de

  6   l'Accusation, entre autres, aux paragraphes 136 à 146, 181 à 182, 194 à

  7   195.

  8   Deuxièmement, cette affaire se distingue de l'affaire Mrksic en raison des

  9   faits concernés. L'attaque généralisée et systématique contre la population

 10   civile a dans ce cas une porté géographique et temporelle plus grande, et,

 11   par conséquent, l'objectif est différent de celui pris en compte dans

 12   l'affaire Mrksic. L'attaque dans l'affaire qui nous intéresse était contre

 13   la population non-serbe sur, comme je l'ai dit, un tiers du territoire

 14   croate et une partie importante de la Bosnie-Herzégovine, si on compare

 15   cela avec une attaque qui était circonscrite à la population civile de

 16   Vukovar dans l'autre affaire. Un ensemble de facteurs beaucoup plus étendu

 17   sont pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer si, oui ou non, les crimes

 18   sous-jacents à Ovcara et Grabovo ont un quelconque lien avec cette attaque

 19   généralisée et systématique contre la population civile, telle que définie

 20   dans cette affaire. Et les éléments de preuve ont montré en l'espèce que

 21   les membres de l'entreprise criminelle commune avaient pour but de

 22   débarrasser une zone géographique importante de tous les non-Serbes, qu'il

 23   s'agisse de civils ou d'autres personnes. Le statut des victimes d'Ovcara

 24   et de Grabovo doit être pris en compte dans le contexte d'actes commis

 25   contre ces non-Serbes dans leur ensemble.

 26   En conséquence, cette Chambre a entendu des éléments de preuve différents

 27   de ceux entendus dans l'affaire Mrksic pour ce qui est du déplacement et

 28   des crimes commis contre la population non-serbe prise pour cible en


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  1   Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

  2   Comme je l'ai déjà indiqué eu égard à Vukovar pendant le siège, et tel que

  3   l'Accusation en parle dans son mémoire en clôture aux paragraphes 108 à

  4   125, concernant la campagne plus importante en Croatie, d'autres meurtres,

  5   sévices et persécutions contre à la fois des soldats non-combattants et des

  6   civils avaient déjà été commis dans le cadre d'une campagne plus importante

  7   de persécutions sur l'ensemble de la région et allaient se poursuivre sur

  8   tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

  9   L'élément essentiel à prendre en compte concernant toutes ces victimes

 10   c'est qu'il s'agissait de non-Serbes. Que les auteurs matériels à Ovcara et

 11   Grabovo aient sélectionné certaines personnes pour un traitement plus dur

 12   parce qu'ils pensaient qu'il s'agissait de combattants hors de combat,

 13   donc, ne rompt pas le lien requis en l'espèce portant sur ces éléments de

 14   preuve et cette attaque telle qu'elle est définie.

 15   Donc, si les Juges de la Chambre abordent ces meurtres sous le prisme de

 16   l'entreprise criminelle commune ou d'autres modes de responsabilité, comme

 17   aider et encourager ou inciter à commettre, les conclusions de la Chambre

 18   dans l'affaire Mrksic ne sont pas contraignantes parce que la Chambre a

 19   examiné la question, mais il s'agissait de savoir si les actes commis par

 20   les auteurs matériels avaient un quelconque lien avec une attaque

 21   complètement différente, et la portée et l'objectif étaient beaucoup plus

 22   limités.

 23   Toutefois, si la Chambre de première instance devait néanmoins constater

 24   que l'accusé ne peut être déclaré coupable de crimes contre l'humanité en

 25   vertu de l'article 5, l'accusé est néanmoins responsable de meurtres,

 26   torture et traitement cruel à Ovcara et Grabovo en application de l'article

 27   3.

 28   L'accusé est aussi accusé de commission directe de persécution par ses


Page 17222

  1   discours à propos de Vukovar, l'un prononcé à Vukovar, l'autre à Sid.

  2   Permettez-moi d'évoquer rapidement ses affirmations.

  3   Tout d'abord, l'accusé est accusé à cause de son discours prononcé à Sid le

  4   7 novembre 1991, dans lequel il disait que la TO serbe et la SAO de SBSO

  5   étaient à pied d'œuvre dans la région et que, du coup, "toute cette région

  6   allait bientôt être nettoyée de ces Oustachi." Et ses mots ont été

  7   rapportés dans un article de "Politika", qui est devenu une pièce, la pièce

  8   P1285, et c'est bien l'intention qui était la sienne puisqu'il avait

  9   déclaré cela lors d'une conférence de presse.

 10   A l'époque, Sid avait une caserne temporaire qui avait été établie pour

 11   pourvoir les volontaires en armes. C'était tout près du front de Vukovar,

 12   et l'accusé a fait cette déclaration dans le cadre de la tournée qu'il

 13   faisait pour la presse à Vukovar pour encourager les troupes qui se

 14   trouvaient là sur place à ce moment-là lorsque les forces serbes se

 15   préparaient à l'assaut final et qu'on était vraiment au paroxysme de la

 16   tension. 

 17   En ce qui concerne cette déclaration tristement célèbre qu'il a faite, à

 18   savoir qu'"il ne fallait pas qu'un seul Oustachi sorte vivant de Vukovar,"

 19   maintenant il dénigre vigoureusement, avec véhémence, avoir fait cette

 20   déclaration et s'appuie sur la discussion qu'avait la Chambre Mrksic du

 21   témoignage de VS-027. Mais l'accusé, ce faisant, déforme l'opinion exprimée

 22   par la Chambre à propos de ce témoignage. Au paragraphe 364, la Chambre

 23   Mrksic manifeste certaines inquiétudes quant à certaines facettes du

 24   témoignage du Témoin VS-027, mais il remarque qu'elle accepte d'autres

 25   parties de ce témoignage lorsque ces parties sont corroborées par des

 26   éléments indépendants dignes de foi. Dans cette affaire-là, le Témoin VS-

 27   027 disait que l'accusé avait dit, alors qu'il était à Vukovar avant la

 28   chute de Vukovar, qu'"il ne fallait pas qu'un seul Oustachi sorte vivant de


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  1   Vukovar," et ceci a été corroboré par des éléments de preuve crédibles,

  2   indépendants, qui n'avaient pas été entendus dans cette affaire. Rankic

  3   était un proche associé de l'accusé, et il a déclaré dans la pièce P1074,

  4   au paragraphe 69, qu'il avait été avec l'accusé pendant toute la durée du

  5   déplacement à Vukovar et qu'il se souvient que Seselj avait dit, je cite,

  6   "il ne faut pas qu'un seul Oustachi sorte vivant de Vukovar."

  7   Il se souvient qu'il l'avait dit devant au moins 50 personnes, dont des

  8   volontaires, des membres de la TO, des officiers de la Brigade de la Garde,

  9   avec notamment Sljivancanin et Radic. Et des hommes ont tiré en l'air pour

 10   soutenir ce qu'il venait de déclarer.

 11   La déclaration de Rankic dans cette pièce P1074 à cet égard est dénuée de

 12   toute ambiguïté et il faut la considérer comme étant fiable, et ceci a été

 13   corroboré dans beaucoup d'autres déclarations. Pour discuter davantage de

 14   la crédibilité de Rankic, je vous demande de vous rapporter au mémoire en

 15   clôture, aux paragraphes 3 à 7, ainsi que dans l'annexe contenant les

 16   arguments.

 17   Nous avons d'autres éléments de corroboration, ils viennent du Témoin

 18   VS-016 qui a aussi entendu Seselj répéter ces mots lorsqu'il était à Nova

 19   Ulica, près du QG du Détachement Leva Supoderica. Seselj a déclaré que "pas

 20   un seul Oustachi ne devait quitter Vukovar en vie." Il l'a dit à ce groupe

 21   qui s'était rassemblé, parmi lesquels se trouvaient des hommes de Seselj,

 22   notamment Kameni, Ceca [phon], Mare [phon], Kinez, des hommes de la TO et

 23   d'autres combattants. Et en réponse à cette déclaration de Seselj, les

 24   combattants ont tous levé leurs fusils en signe d'approbation.

 25   Ceci est tiré du récit que vous a fait le Témoin VS-016 aux pages du

 26   compte rendu d'audience 11 121, 11 171 à 172, ainsi qu'à la page 11 288.

 27   Tous les témoins ne se souviennent pas de la même façon des

 28   circonstances précises dans lesquelles l'accusé a fait cette déclaration,


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  1   mais ceci indique que l'accusé, comme il en était coutumier, répétait les

  2   mêmes mots en les changeant quelque peu et l'a fait pendant toute la durée

  3   de sa visite. De plus, comme nous le disons dans notre mémoire en clôture,

  4   au paragraphe 155, les crimes commis à Ovcara et à Grabovo, et dans tout

  5   Vukovar, peuvent être attribués directement à ceux qui ont entendu les

  6   remarques de l'accusé ou ceux qui se trouvaient sous le commandement et

  7   l'influence de personnes qui avaient entendu ces propos.

  8   Les dénégations virulentes de l'accusé qui nie maintenant avoir

  9   jamais prononcé ces mots, ces dénégations sont d'autant plus peu crédibles

 10   que dans sa déclaration, aux pages du compte rendu d'audience 1 921 à 1

 11   922, alors qu'il nie avoir dit cela aux troupes de Vukovar, là il a été

 12   obligé de reconnaître qu'il était possible "quelque part, à un moment

 13   donné, j'ai dit quelque chose de ce genre."

 14   Et c'était révélateur de l'entendre témoigner dans le procès

 15   Milosevic, page 31 -- c'est la pièce P31, page 581, et il utilise les mêmes

 16   mots. Je le cite :

 17   "J'ai toujours pensé qu'il fallait défaire, qu'il fallait battre les

 18   Oustachis, que pas un seul Oustachi ne pouvait partir vivant, mais qu'il

 19   fallait tous les attraper."

 20   Le Témoin Stojanovic en personne, c'était un Seseljevac qui a été

 21   poussé à se joindre à l'effort de guerre après avoir entendu un des

 22   discours de l'accusé. C'est ce qu'il a dit dans la pièce P528, paragraphe

 23   8. Il disait que ceux qui l'entendaient comprenaient le message de l'accusé

 24   lorsqu'il intervenait quelque part. Il le dit au paragraphe 12 de la pièce

 25   528. Il a compris que, je cite :

 26   "Un des objectifs poursuivis par Seselj, c'était de procéder au

 27   nettoyage ethnique des parties de Croatie qu'il considérait comme étant des

 28   terres serbes."


Page 17225

  1   Et le témoin a dit que les autres combattants qui avaient entendu ses

  2   paroles les avaient comprises de la même façon que lui.

  3   L'accusé comprenait bien l'élément persécutoire qu'il y avait dans

  4   ses déclarations, il le recherchait aussi. Il le dit à la page 9 de la

  5   pièce 50. Il appelait de ses vœux l'expulsion des non-Serbes et il savait

  6   que ceci aurait pu avoir l'effet que cela a eu sur les gens qui

  7   l'entendaient. Ils allaient haïr les non-Serbes.

  8   Et ce ne sont pas les seules déclarations qu'il a faites. Il en a

  9   fait d'autres à Vukovar qui ont suscité des réactions tout aussi vives. Au

 10   paragraphe 46 de la pièce 1058, le Témoin VS-034 regardait Seselj

 11   s'adresser aux soldats de Vukovar, l'entendait dire, je cite, que :

 12   "Il fallait les chasser, ces Oustachis."

 13   Et il se souvient de la façon dont ont répondu les volontaires, dont

 14   ils ont réagi. Ils ont entonné ce chant, je cite :

 15   "Croates, nous allons vous égorger, vous égorger un peu, mais nous

 16   allons plus souvent vous donner aux chiens."

 17   C'est ainsi que se termine mon intervention eu égard aux crimes

 18   retenus dans l'acte d'accusation pour ce qui est de la municipalité de

 19   Vukovar, et c'est maintenant M. Mussemeyer qui va vous parler des

 20   municipalités de Vocin, Bijeljina, Bosanski Samac et Brcko, pour vous

 21   montrer le mode opératoire appliqué.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Monsieur. Vous avez donc la parole

 23   pour la suite.

 24   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Madame,

 25   Messieurs les Juges, les membres de l'entreprise criminelle commune et

 26   leurs forces ont mis en œuvre leur objectif commun de la même façon dans

 27   toutes les régions qu'ils ciblaient, comme vous l'a dit M. Marcussen. Et il

 28   y a quatre éléments de politiques systématiques qui ressortent dans tout ce


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  1   conflit : d'abord, l'armement, la formation militaire de la population

  2   locale serbe; et puis l'arrivée sur le terrain de volontaires, de

  3   paramilitaires, dont les hommes de Seselj; troisième élément, la prise du

  4   pouvoir par les Serbes des municipalités qui créaient des autorités serbes

  5   séparées; quatrième élément, les forces serbes, dont les hommes de Seselj,

  6   commentent des crimes, tuent notamment les non-Serbes, il y a des

  7   opérations de transfert forcé, de mise en détention, de mauvais traitements

  8   dans des installations contrôlées par les autorités locales et la

  9   destruction de lieux culturels.

 10   Cette récurrence des mêmes modes opératoires démontre qu'il y a un objectif

 11   commun, un plan commun, mis au point et exécuté par les membres de

 12   l'entreprise criminelle commune dans toute la prise de ces municipalités.

 13   Les moyens de mise en œuvre se manifestent d'abord en Croatie. La preuve de

 14   tout cela, et la participation de l'accusé dans l'exécution de ces modes

 15   opératoires, remonte au fait qu'on a armé les forces serbes à Borovo Selo

 16   et à l'arrivée des Seseljevci à Borovo Selo. Mme Hochhauser vous a décrit

 17   les crimes qui furent plus tard commis à proximité, à Vukovar, mais ces

 18   mêmes événements se sont répétés dans d'autres endroits de Bosnie. Et cette

 19   politique systématique a commencé dans la campagne serbe en Croatie, s'est

 20   poursuivie avec la commission des crimes à Vukovar, et puis nous avons la

 21   première municipalité concernée par ce mode opératoire à Vocin. Et on

 22   retrouve la réplique de ce mode opératoire ailleurs.

 23   Après les crimes de Vocin, comme vous l'a dit M. Marcussen, les

 24   membres de l'entreprise criminelle commune ont déplacé leur attention. Ils

 25   sont partis de la Croatie pour s'intéresser à la Bosnie-Herzégovine, et on

 26   a retrouvé les mêmes modes opératoires. On les a vus, ces modes

 27   opératoires, dans les municipalités de Bijeljina, de Bosanski Samac et à

 28   Brcko. Ce sont les mêmes forces et parfois les mêmes combattants qui vont


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  1   mettre en œuvre cet objectif commun dans ces municipalités en Bosnie où se

  2   produisent les faits incriminés.

  3   L'accusé et ses hommes ont été impliqués dans la mise en œuvre de cet

  4   objectif commun dans ces quatre municipalités retenues.

  5   Résumons les événements survenus à Vocin.

  6   Le Témoin Maretic vous a dit que des Serbes de la région en Slavonie

  7   occidentale avaient commencé à s'armer après les élections de Croatie en

  8   1990. Au mois d'août 1991, des formations paramilitaires et une TO locale

  9   serbe étaient présentes sur place. Ce mois-là, les forces serbes se sont

 10   emparées de Vocin. Le Témoin Matovina vous a dit que le chef de la TO

 11   locale, Boro Lukic, avait occupé le poste de police de Vocin, avait enlevé

 12   et brûlé le drapeau croate et avait hissé à sa place le drapeau serbe. Peu

 13   de temps après, des forces serbes armées ont occupé Vocin. Des tirs à

 14   l'arme automatique, à la mitrailleuse, ont été entendus. Lorsque ces tirs

 15   se sont arrêtés, Lukic a dit aux Croates de rendre leurs armes. Peu de

 16   temps après, les Serbes ont fouillé les maisons à la recherche d'armes.

 17   Peu de temps après, les Serbes ont établi des autorités serbes séparées, à

 18   savoir la SAO de Slavonie occidentale. Le 27 septembre 1991, le commandant

 19   de l'état-major municipal de la TO de Podravska Slatina a donné l'ordre que

 20   les services régionaux du poste de police de Vocin soient créés. Ces

 21   nouveaux services avaient pour personnel des officiers serbes qui avaient

 22   servi dans la police croate auparavant. La plupart des policiers serbes

 23   n'avaient pas rendu leurs armes lorsqu'ils avaient quitté la police croate.

 24   En octobre 1991, des paramilitaires, y compris les hommes de Seselj et des

 25   Aigles blancs, sont arrivés à Vocin dans des autocars civils. Le commandant

 26   des hommes de Seselj s'appelait Radovan Novacic. D'autres hommes de Seselj,

 27   après avoir participé à la conquête et à la destruction de Vukovar, ont été

 28   redéployés en Slavonie occidentale. La JNA a armé ces hommes de Seselj et


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  1   les a payés. Les volontaires avaient très mauvaise réputation parmi la

  2   population locale. Ils se déplaçaient en ville avec des armes, entraient

  3   dans des cours, demandaient à avoir de l'alcool. Ils ont semé la peur chez

  4   les habitants de Vocin.

  5   L'accusé a rendu visite à ses volontaires à Vocin fin novembre 1991. A

  6   Sekulinci Lager, il a fait un discours à ses volontaires, et après sa

  7   visite, justement, la tension a monté et il y a eu une recrudescence de la

  8   violence parmi les hommes de Seselj qui ont commencé à tuer des Croates

  9   civils.

 10   Des crimes se sont produits pendant cette campagne serbe en Slavonie

 11   occidentale. Vingt-deux civils ont été tués au cours d'attaques menées par

 12   les forces serbes à Cetekovac, Cojlug et Balinci. Des volontaires ont

 13   enlevé des non-Serbes et les ont emmenés au camp de Sekulinci, où ils ont

 14   été maltraités et même tués.

 15   Début décembre, des volontaires ont brûlé des maisons appartenant à des

 16   Croates. Vers le 4 décembre, quatre jeunes hommes croates qui ont dû faire

 17   des travaux forcés pour le compte des forces serbes ont été tués par les

 18   hommes de Seselj. Le 8 décembre 1991, les Croates de souche, à cette date,

 19   avaient tous disparu, étaient partis des municipalités proches de Grubisno

 20   Polje et de Daruvar en raison du conflit.

 21   Au cours de la nuit du 12 au 13 décembre 1991, 45 non-Serbes âgés ont été

 22   assassinés. Nous avons vu la pièce P435, qui montre le corps mutilé,

 23   calciné parfois, de victimes. Le Témoin Matovina était un policier qui

 24   avait la responsabilité de l'enquête criminelle menée après la découverte

 25   de ces corps, et il a conclu que parmi les auteurs se trouvaient des hommes

 26   de Seselj. Ceci a été corroboré par le Témoin Kulic.

 27   Les forces serbes ont fait exploser l'église catholique de Vocin. Nous

 28   avons vu la pièce P437, une séquence vidéo qui montre les ruines de cette


Page 17229

  1   église. On a brûlé et pillé des maisons à Vocin. Le lendemain de

  2   l'explosion, le Témoin Matovina est arrivé à Vocin, et il a déclaré, je le

  3   cite, "ça ressemblait à Hiroshima."

  4   Après les crimes commis à Vocin, beaucoup d'habitants croates se sont

  5   enfuis du village. On a une liste des réfugiés, qui se trouve à la pièce

  6   P434.

  7   Dans son mémoire en clôture, l'accusé nie la présence d'un mode opératoire

  8   et même l'existence d'une entreprise criminelle commune à Vocin.

  9   Mais il n'a pas contesté que ces faits se soient passés, ces faits

 10   que je viens de résumer. Alors que ses hommes se trouvaient à Vocin,

 11   puisqu'il leur a rendu visite, il n'a pas contesté que 49 non-Serbes ont

 12   été tués à Vocin, mais il dit que ses hommes n'ont pas participé à ces

 13   crimes. Cependant les Témoins Matovina, Maretic, Kulic, le Témoin VS-018,

 14   le Témoin VS-033 ont apporté des preuves démontrant que les Seseljevci sont

 15   auteurs de crimes à Vocin, comme ce fut le cas à Vukovar et pendant toute

 16   la campagne de l'entreprise criminelle commune en Croatie.

 17   Parlons maintenant des événements survenus en Bosnie-Herzégovine en

 18   1992, qui présentent les mêmes caractéristiques opératoires que j'ai

 19   décrites au début de mon intervention, à savoir qu'il y a armement et

 20   formation militaire de la population serbe locale; l'arrivée de volontaires

 21   et de paramilitaires, dont les hommes de Seselj; la prise de contrôle par

 22   les Serbes de ces municipalités et la création d'autorités serbes séparées;

 23   et puis la commission de crimes.

 24   Ce mode opératoire est répété dans les municipalités de Bosnie

 25   retenues dans l'acte d'accusation, la première étant Bijeljina.

 26   La prise de contrôle de Bijeljina a été dirigée par Mirko Blagojevic,

 27   "vojvoda" de l'accusé. Vous avez la pièce P737 qui montre le rôle que cet

 28   homme a joué pendant la prise de contrôle.


Page 17230

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Mirko Blagojevic : Je suis le président du conseil régional du SRS. Nous

  4   contrôlons de fait tous les abords de la ville et toutes les sorties de la

  5   ville, et nous contrôlons à peu près 75 % de la ville."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. MUSSEMEYER : [interprétation] L'accusé et Blagojevic ont parlé de la

  8   prise de contrôle et du nettoyage ethnique de Bijeljina avant la guerre. Le

  9   Témoin VS-1028 a entendu cette conversation au café Srbija, là où ils

 10   parlaient de la façon dont il fallait nettoyer Bijeljina des non-Serbes.

 11   Ils se sont mis d'accord pour tuer les non-Serbes et ont dit que quiconque

 12   resterait devait être loyal, sinon il serait chassé et envoyé en Croatie ou

 13   en Turquie. Le "vojvoda" Blagojevic, avec les hommes d'Arkan, a organisé

 14   l'armement et la formation de la population serbe locale.

 15   Les hommes d'Arkan ont été déployés dans les zones environnantes de

 16   Bijeljina avant le début du conflit. L'accusé a reconnu que le membre de

 17   l'entreprise criminelle commune Bijeljina Plavsic avait amené Arkan et ses

 18   hommes à Bijeljina. Et on a déployé les paramilitaires, et puis les membres

 19   de cette entreprise criminelle commune ont commencé à créer des

 20   institutions serbes séparées à Bijeljina. Momcilo Mandic, qui était

 21   ministre de l'Intérieur de la Republika Srpska, a donné des instructions

 22   aux commandants de police, dont le chef de police de Bijeljina. Il fallait

 23   se préparer à se séparer et armer les policiers serbes et les postes de

 24   police serbes. Nous avons un fait jugé numéro 79 [comme interprété]. Le

 25   Témoin VS-1035, c'était un policier musulman, a dû signer une déclaration

 26   de loyauté envers le SUP serbe.

 27   La prise de Bijeljina a commencé dans la nuit du 31 mars 1992. Le

 28   Témoin 1028 s'est rendu compte que ses voisins serbes étaient partis de


Page 17231

  1   chez eux avant l'attaque. Blagojevic commandait les Seseljevci qui ont

  2   participé à la prise de contrôle. Avec ces hommes, il a coopéré avec des

  3   hommes d'Arkan et des unités de la JNA. A plusieurs reprises, l'accusé

  4   s'est vanté du fait que Bijeljina avait été libérée par Blagojevic et ses

  5   hommes, par exemple, dans la pièce P628; la pièce 685, page 11; ainsi que

  6   dans la pièce P1242, page 10.

  7   Pendant la prise de la ville, un grand nombre de civils non- serbes

  8   ont été tués. Un membre de l'unité de Blagojevic surnommé Suma a tué un

  9   père et deux de ses fils. On voit sur cette image un homme d'Arkan qui a

 10   tué des membres de la famille Sabanovic et qui profane ensuite leurs

 11   cadavres.

 12   Lorsque les combats ont cessé, le Témoin VS-1035 a reçu l'ordre

 13   d'assurer la protection des personnes qui étaient chargées de ramasser les

 14   cadavres dans les rues et les caves de Bijeljina. Il a dit dans sa

 15   déposition avoir ramassé 48 cadavres.

 16   Un grand nombre d'habitants non-serbes ont été arrêtés et ont subi

 17   des sévices de la part de membres du MUP. Dans le camp de Batkovic, non

 18   loin de Bijeljina, des prisonniers étaient régulièrement battus et soumis à

 19   des travaux forcés. Certains étaient tués. Les conditions d'existence

 20   horribles qui régnaient dans les camps de détention de Bosnie-Herzégovine,

 21   et en particulier à Bijeljina, ont été remarquées par la Chambre dans ses

 22   premières décisions relatives aux faits jugés numéro 293 et 297.

 23   Et les forces serbes ont détruit un certain nombre de monuments religieux

 24   et culturels non-serbes. Le rapport de l'expert Riedlmayer montre que ces

 25   monuments se trouvaient un peu partout en Bosnie-Herzégovine et étaient

 26   systématiquement détruits. A Bijeljina, les 15 monuments religieux ou

 27   culturels non-serbes existants ont été endommagés, 12 bâtiments religieux

 28   musulmans ont été partiellement ou totalement détruits. Riedlmayer


Page 17232

  1   découvrait souvent un conteneur de poubelle à l'endroit où, par le passé,

  2   se trouvait une mosquée.

  3   Je vais maintenant montrer cinq exemples caractéristiques de destruction de

  4   monuments culturels en Bosnie. Les exemples sont tous tirés de la pièce

  5   P1045, qui est l'annexe au rapport de Riedlmayer. Je vais montrer des

  6   images d'avant et après les destructions.

  7   Nous avons ici le premier exemple de telles destructions, qui concerne la

  8   mosquée de Krpic à Bijeljina. Vous voyez l'image de gauche qui vous montre

  9   la mosquée avant sa destruction et l'image de droite qui vous montre

 10   l'endroit où se trouvait la mosquée tel qu'il se présente aujourd'hui après

 11   la destruction de la mosquée. Sur la deuxième photo après destruction, vous

 12   voyez aussi le conteneur de poubelle dont Riedlmayer a parlé dans sa

 13   déposition.

 14   Le deuxième exemple concerne la mosquée Azizija de Brcko --

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que ceci c'est du spectacle pour le

 16   public, moi je demanderais à M. Mussemeyer de faire en sorte que pour

 17   chaque mosquée, on donne les renseignements relatifs à la date de

 18   destruction d'une mosquée. C'est très important que de le savoir. Il y a

 19   des données à cet effet.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'est absolument pas normal qu'on interrompe dans

 21   un réquisitoire ou dans votre plaidoirie. Quand vous allez plaider, si le

 22   Procureur vous interrompt, je dirais les mêmes choses. Le fait qu'il y ait

 23   réquisitoire et plaidoirie, ça permet à l'accusé, qui a la parole en

 24   dernier, de contester. Dans votre plaidoirie, vous pourriez dire : Le

 25   Procureur nous a montré des photos sans date, et cetera, et cetera. Bien.

 26   D'ailleurs, ceci a déjà été dit lorsque le témoin expert avait témoigné sur

 27   ces mosquées. Vous aviez dit les mêmes choses.

 28   Donc la Chambre sait parfaitement qu'il y a un problème de dates.


Page 17233

  1   Monsieur le Procureur, continuez.

  2   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Le deuxième exemple concerne la mosquée de

  3   Krpic [comme interprété] qui a été détruite à Bijeljina. L'image de gauche

  4   montre la mosquée avant sa destruction, et l'image de droite, l'endroit où

  5   se trouvait la mosquée auparavant tel qu'il apparaît après la destruction.

  6   Dans la deuxième photo après destruction, vous voyez aussi le

  7   conteneur de poubelle dont Riedlmayer a parlé pendant sa déposition avec

  8   l'endroit qui est désormais vide de mosquée.

  9   Les deux exemples suivants montrent les images avant et après la

 10   destruction d'églises catholiques. Dans la première image, vous voyez

 11   l'église catholique détruite du Sacré-cœur de Jésus à Bosanski Samac. Ce

 12   qui est intéressant sur cette image après destruction, c'est que l'on voit

 13   en face l'église orthodoxe, qui n'a pas été endommagée, et qui se trouve

 14   donc en face du lieu vide où se trouvait auparavant l'église catholique.

 15   Le dernier exemple concerne l'église catholique romaine de Saint-Antoine

 16   l'Ermite à Gorice, municipalité de Brcko.

 17   Dans son mémoire en clôture, l'accusé a contesté le fait que ses hommes

 18   aient coopéré avec les hommes d'Arkan pendant la prise de Bijeljina. Mais

 19   les deux témoins, VS-1028 et le Témoin Gusalic, ont décrit la coopération

 20   des hommes de Seselj avec les hommes d'Arkan à Bijeljina.

 21   L'accusé conteste la crédibilité du Témoin VS-1028 en affirmant que ce

 22   témoin s'attendait à obtenir des moyens qui lui auraient permis de vivre à

 23   l'étranger s'il témoignait contre l'accusé, mais l'accusé ignore que le

 24   témoin a dit dans sa déposition qu'il avait obtenu son permis de résidence

 25   dans le pays où il réside aujourd'hui sans l'aide de ce Tribunal et avant

 26   d'avoir témoigné dans l'affaire dans laquelle il a témoigné.

 27   Par ailleurs, l'accusé a raison de dire que les hommes de Seselj de la

 28   région, conduits par Mirko Blagojevic, ont participé à la prise de


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  1   Bijeljina et qu'ils y ont commis des crimes. Le fait que ces hommes de

  2   Seselj n'aient pas été originaires de Serbie n'est pas pertinent.

  3   L'accusé a participé directement à la prise de la ville. Il a rencontré

  4   Blagojevic pour discuter du nettoyage ethnique de Bijeljina et s'est vanté

  5   du fait que Blagojevic avait libéré la municipalité, comme je l'ai dit il y

  6   a quelques instants. Et après la prise de la ville et les crimes commis à

  7   Bijeljina, Blagojevic a continué à partager les idées de Grande-Serbie de

  8   l'accusé et a fêté la campagne de persécution menée par les membres de

  9   l'entreprise criminelle commune.

 10   Je vais maintenant parler des événements survenus à Bosanski Samac.

 11   Les schémas que le "vojvoda" Blagojevic a aidé à mettre en œuvre à

 12   Bijeljina se sont rapidement renouvelés à Bosanski Samac. Les Serbes

 13   membres de la JNA et armés de la région de Bosanski Samac ont contribué à

 14   aller vers la réalisation de l'objectif commun de l'entreprise criminelle

 15   commune. Par ailleurs, les dirigeants locaux du MUP ont envoyé 20 Serbes

 16   dans un camp d'entraînement du MUP en Serbie pour y suivre une formation

 17   spéciale. Le 29 février 1992, les Serbes de la région ont créé une

 18   municipalité serbe de Bosanski Samac, la pièce P670 le montre. Ceci a

 19   débouché sur des affrontements parce que les non-Serbes de la région n'ont

 20   pas accepté la proclamation serbe selon laquelle tout le territoire leur

 21   appartenait.

 22   Peu après la prise de la ville dans le nord-est de la Bosnie, les premiers

 23   hommes de Seselj sont arrivés à Bosanski Samac à bord d'hélicoptère de la

 24   JNA à partir d'un camp d'entraînement des Bérets rouges en Serbie. La nuit

 25   précédente, le chef des Bérets rouges, le membre de l'entreprise criminelle

 26   commune Frenki Simatovic, s'était rendu au camp pour donner des

 27   instructions aux hommes de Seselj sur leur mission à venir en Bosnie.

 28   Quelques jours plus tard, à Bijeljina, les Serbes de la ville ont évacué


Page 17235

  1   Bosanski Samac en premier, puis les forces serbes ont pris le pouvoir dans

  2   la municipalité. Alors que le dirigeant serbe Blagoje Simic a informé la

  3   JNA, une cellule de Crise a été créée et des paramilitaires et la police

  4   ont pris le contrôle des installations les plus importantes de la ville.

  5   Leur objectif étant de nettoyer ethniquement Bosanski Samac.

  6   Le membre des hommes de Seselj Srecko Radovanovic, alias Debeli, ainsi que

  7   Slobodan Mijkovic, alias Lugar, faisaient partie des paramilitaires qui ont

  8   participé à la prise de la ville, comme l'accusé l'a admis dans sa

  9   déposition dans l'affaire Milosevic. L'accusé a nommé Debeli au rang de

 10   "vojvoda" en mai 1993. Il conteste que Lugar ait été membre du Parti

 11   radical serbe lorsqu'il se trouvait à Bosanski Samac. Mais la pièce P1041

 12   montre que dès 1991, Lugar avait demandé à l'accusé d'entrer parmi les

 13   hommes de Seselj et d'être envoyé en Slavonie en tant que membre du Parti

 14   radical serbe.

 15   Les conséquences de cette prise de la ville pour les non-Serbes de Bosanski

 16   Samac ont été terribles. Un bon exemple qui démontre le climat qui régnait

 17   et les mesures discriminatoires prises contre les non-Serbes après la prise

 18   de la ville se trouve dans l'ordre signé par Stevan Todorovic, membre du

 19   poste de sécurité publique locale, qui est devenu pièce à conviction sous

 20   le numéro P673, dont je vais tirer un certain nombre de passages. D'abord,

 21   la première citation est la suivante, je cite :

 22   "Il est interdit à plus de trois Musulmans ou Croates de se réunir dans les

 23   lieux publics."

 24   Autre citation : "Tous les groupes doivent d'abord être avertis, et si le

 25   délit se renouvelle, les participants à ce délit doivent être appréhendés

 26   et arrêtés."

 27   Autre citation : "Pour l'exécution du présent ordre, le commandant du

 28   peloton de police militaire et le commandant des postes de sécurités


Page 17236

  1   publique sont personnellement responsables."

  2   En raison de cet ordre, les Musulmans ne pouvaient pas se rendre à des

  3   funérailles, comme l'a dit dans sa déposition le Témoin Sulejman Tihic. Et

  4   en même temps que ces mesures discriminatoires étaient imposées, d'autres

  5   crimes visés à l'acte d'accusation se déroulaient communément à Bosanski

  6   Samac.

  7   La présente Chambre a dressé un constat judiciaire du fait que les

  8   forces serbes ont créé des installations de détention à Bosanski Samac qui

  9   étaient remplies d'hommes sans armes et n'ayant rien à voir avec des

 10   groupes armés ou avec des distributions d'armes. Plus de 1 500 non-Serbes

 11   ont été détenus dans ces lieux, y compris dans l'immeuble de la Défense

 12   territoriale et les écoles secondaires de Bosanski Samac, ainsi que dans le

 13   foyer de la jeunesse de Crkvina.

 14   Les prisonniers subissaient des sévices, certains étant assassinés.

 15   Le Témoin Tihic et VS-1000 ont dit dans leurs dépositions que l'un des

 16   auteurs les plus violents était Slobodan Miljkovic, alias Lugar, qui

 17   faisait partie des hommes de Seselj. Lugar a participé au massacre de

 18   Crkvina, à l'issue duquel 16 prisonniers non-serbes ont été tués ainsi

 19   qu'un certain Dikan.

 20   Comme cela s'est passé un peu partout en Bosnie, les sites religieux

 21   des non-Serbes ont souvent été détruits à Bosanski Samac. Par exemple,

 22   l'église catholique du Sacré-Cœur de Jésus a été totalement détruite.

 23   L'église orthodoxe qui se trouvait en face, toutefois, n'a pas été

 24   endommagée, ce qui permet de penser que l'église catholique avait été prise

 25   pour cible délibérément.

 26   Dans son mémoire en clôture, l'accusé prétend que les hommes de

 27   Seselj n'étaient pas liés aux auteurs des crimes de Bosanski Samac. Mais ce

 28   lien est démontré clairement par les témoignages de VS-1058, VS-1000, VS-


Page 17237

  1   1010, et Sulejman Tihic.

  2   Et maintenant, je vais parler des événements survenus à Brcko.

  3   Les hommes de Seselj, sous la direction de Blagojevic, sont arrivés

  4   de Bijeljina à Brcko. Des hommes d'Arkan ont également participé à la prise

  5   de Brcko. Avant l'arrivée des paramilitaires, le Témoin VS-1033 a constaté

  6   que des hélicoptères de la JNA atterrissaient à la caserne et que des

  7   soldats portant des bérets rouges sortaient des hélicoptères. Un peu plus

  8   tard, il a vu les Bérets rouges en train d'entraîner des Serbes de la

  9   région à l'autodéfense. La JNA a distribué les armes aux Serbes de la

 10   région, des panneaux sont apparus dans les rues qui indiquaient que Brcko

 11   faisait désormais partie d'une région serbe distincte, séparée, la SAO de

 12   Semberija et Majevica ou la SAO de la Krajina serbe.

 13   Le 30 avril 1992, les forces serbes ont commencé à s'emparer de Brcko en

 14   faisant sauter deux ponts sur la Sava. Les combats effectifs ont commencé

 15   dans la nuit du 2 mai 1922. Les hommes d'Arkan et de Seselj, sous la

 16   direction de Blagojevic, ont participé à la prise de la ville, comme ils

 17   l'avaient fait auparavant à Bijeljina. Un aéronef de la JNA a bombardé la

 18   ville pendant que l'attaque de Brcko se déroulait, menée par des groupes de

 19   membres des forces serbes, de policiers militaires de la JNA, de

 20   volontaires serbes, de Bérets rouges et d'hommes de Seselj agissant

 21   ensemble.

 22   Les crimes qui ont caractérisé la campagne menée par l'entreprise

 23   criminelle commune se sont également produits à Brcko. Pendant les journées

 24   où a commencé la prise de la ville, des policiers et des soldats ont

 25   massacré un groupe de civils devant le marché local. Le Témoin VS-1033 a

 26   constaté des situations du même genre sur les photos qui montrent Goran

 27   Jelisic en train de tuer un civil.

 28   Un grand nombre de personnes ont trouvé la mort dans cette région, et


Page 17238

  1   le Témoin VS-1033 a vu de ses yeux des soldats en train de jeter des

  2   cadavres d'un camion frigorifique dans une fosse commune. Les non-Serbes

  3   étaient maintenus en détention dans le camp de Luka, dans le secteur du

  4   port de Brcko. Blagojevic et les hommes de Seselj sont arrivés dans le

  5   camp. Blagojevic a prononcé des discours et ses hommes ont torturé les

  6   prisonniers en sa présence. Un homme de Seselj a gravé une croix sur le

  7   front d'un prisonnier musulman à l'aide d'un couteau. Et un membre des

  8   forces serbes, Goran Jelisic, a torturé les prisonniers et s'est vanté

  9   d'avoir déjà tué 97 non-Serbes.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une fois de plus, un gros problème au niveau de

 11   l'interprétation. Ici, M. Mussemeyer a dit Blagojevic et les hommes à

 12   Seselj, les Seseljevci, sont venus au camp. Or, l'interprète a dit

 13   Blagojevic et Seselj sont venus au camp. Alors, est-ce que vous allez

 14   continuer à tolérer cet interprète ou pas ? A vous de déterminer de quelle

 15   façon on a interprété en serbe, voyez un peu ce qu'a dit M. Mussemeyer pour

 16   ce qui est du compte rendu.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, ce qui vous arrive dans votre

 18   langue, nous, nous ne le savons pas, parce que nous avons l'écran en

 19   anglais et la traduction en français. Donc, ce que vous notez, nous, nous

 20   n'intégrons pas cela. Alors, si, effectivement, comme vous le dites, le

 21   Procureur dit que Blagojevic est arrivé avec les hommes de Seselj, et que

 22   vous, vous entendez Blagojevic est arrivé avec vous, ce n'est pas la même

 23   chose. Alors, Monsieur le Procureur, qu'est-ce que vous avez dit ? Il est -

 24   - Blagojevic est arrivé avec les hommes de Seselj ou avec Seselj ?

 25   M. MUSSEMEYER : [interprétation] J'ai dit qu'il était venu avec les hommes

 26   de Seselj. Il n'est pas venu avec Seselj en personne, mais avec des hommes

 27   de Seselj.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- aux interprètes de bien faire la distinction


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  1   entre les hommes de Seselj et M. Seselj lui-même.

  2   Bien. Continuez, Monsieur le Procureur.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, maintenant, vous vous

  4   moquez en quelque sorte de mon objection. La question ici, ce n'est pas

  5   celle de savoir si l'interprète va faire une distinction entre moi et les

  6   Seseljevci, mais est-ce que de savoir si l'interprète va finir par traduire

  7   de façon correcte ou pas. Alors, vous saisissez cette opportunité pour me

  8   tourner en ridicule, mais vous tournez en ridicule le Tribunal de La Haye.

  9   Ce n'est pas moi que vous tournez au ridicule.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : -- personne ne vous tourne en ridicule. Vous faites

 11   une objection valable. La Chambre en prend note et j'invite les interprètes

 12   à faire attention.

 13   Bien. Monsieur le Procureur, continuons.

 14   M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je vais maintenant parler de la

 15   destruction des monuments culturels de Brcko. L'expert Riedlmayer a recensé

 16   21 bâtiments du culte endommagés, dont 12 sont musulmans et neuf

 17   catholiques à Brcko. Sept mosquées ont été détruites pratiquement

 18   complètement, d'autres partiellement. Trois ont été endommagées gravement

 19   et une a été légèrement endommagée. Quant aux églises catholiques, sept ont

 20   été endommagées lourdement et deux légèrement.

 21   Dans son mémoire, l'accusé affirme que les crimes de Brcko ne sont

 22   pas liés à sa personne, pas plus qu'aux hommes de Seselj venus de Serbie.

 23   Ces éléments de preuve montrent la participation de Blagojevic et des

 24   hommes de Seselj dans la prise de la ville et les tortures qu'ont subies

 25   les prisonniers du camp de Luka du fait des actions des membres de l'unité

 26   de Blagojevic. La mise en œuvre de l'objectif commun à Bijeljina et à

 27   Bosanski Samac a été suivie par le même type de mise en œuvre à Brcko.

 28   Certains prisonniers des camps de Samac ont subi le même schéma d'exactions


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  1   de la part des membres de l'entreprise criminelle commune dans les trois

  2   municipalités, ayant été arrêtés et placés en détention à Samac, puis

  3   transférés à Brcko, et ensuite transférés une nouvelle fois à Bijeljina au

  4   moment où les affrontements ont atteint Brcko.

  5   Pour résumer, les municipalités de toute la Bosnie et de la Croatie

  6   ont été soumises à la discrimination, aux distributions d'armes illégales,

  7   à l'arrivée des unités des hommes de Seselj et d'autres paramilitaires, aux

  8   prises du pouvoir par les Serbes et aux crimes. Ces schémas de mise en

  9   œuvre de l'entreprise criminelle commune qui ont commencé en Croatie se

 10   sont poursuivis dans les municipalités types de Bosnie. Ma consoeur Mme

 11   Iodice va maintenant discuter des deux premières municipalités types et

 12   expliquer comment l'objectif commun a été mis en œuvre par les membres de

 13   l'entreprise criminelle commune à Zvornik et dans la région de Sarajevo.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Madame. Vous avez donc la parole pour la

 15   suite.

 16   Mme IODICE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 17   Messieurs les Juges. Bonjour.

 18   Les crimes commis à Zvornik l'ont été dans une volonté de réaliser

 19   l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune. Les éléments de

 20   preuve montrent que le 8 avril 1992, les forces serbes et, en particulier,

 21   les hommes de Seselj, ont attaqué Zvornik. Dans les quelques mois qui ont

 22   suivi, les forces serbes ont transformé la société multiethnique de Zvornik

 23   en une société purement serbe, en commençant par expulser les non-Serbes,

 24   ensuite en pillant et détruisant leurs biens immobiliers, et ces actes ont

 25   culminé avec les sévices, les tortures, les agressions sexuelles infligés

 26   aux non-Serbes et avec le meurtre de centaines de non-Serbes.

 27   L'attaque de Zvornik avait été préparée à l'avance par les membres des

 28   autorités municipales serbes qui ont été mises en place par le SDS à


Page 17241

  1   Zvornik, avec l'appui de la Sûreté de l'Etat de Serbie, de la JNA, et du

  2   SDS de Bosnie-Herzégovine. Ces autorités étaient sous le contrôle des

  3   membres de l'entreprise criminelle commune et, en particulier, de Veljko

  4   Kadijevic et de Radovan Karadzic. L'objectif commun partagé par les membres

  5   de l'entreprise criminelle commune consistait à nettoyer ethniquement

  6   Zvornik de sa population non-serbe, en créant un secteur sous le contrôle

  7   serbe. L'attaque a été menée par les forces serbes et, en particulier, par

  8   les hommes de Seselj qui avaient été envoyés sur place par l'accusé.

  9   Les hommes de Seselj faisaient partie de la hiérarchie de cette structure

 10   mixte unissant le Parti radical serbe et le Mouvement chetnik-serbe,

 11   contrôlée par l'accusé, structure qui fonctionnait encore et en opération

 12   avec ou sous le commandement des autres forces serbes et autorités

 13   municipales qui étaient sous le commandement et le contrôle d'autres

 14   membres de l'entreprise criminelle commune et, en particulier, de Radovan

 15   Karadzic.

 16   Dans son mémoire, l'accusé affirme que les crimes commis à Zvornik ne

 17   faisaient pas partie de l'objectif commun et qu'aucune entreprise

 18   criminelle commune n'existait. L'accusé fait fi des éléments de preuve

 19   versés au dossier qui prouvent au-delà de tout doute raisonnable que les

 20   crimes ont été commis dans la poursuite d'un objectif commun et que

 21   l'accusé est responsable de ces actes.

 22   Ces affirmations sont même contredites par les aveux de l'accusé, comme on

 23   peut le voir dans l'entretien qu'il a accordé avant la publication de

 24   l'acte d'accusation le concernant, dans lequel il explique comment les

 25   membres de l'entreprise criminelle commune avaient planifié la prise de

 26   Zvornik longtemps en avance. Je renvoie les Juges de la Chambre à la pièce

 27   P644, "time code" 01:05:13 jusqu'à 01:07:30.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "En mai 1992, Milosevic a pris totalement le contrôle de l'armée populaire

  3   yougoslave. C'est à ce moment-là qu'une nouvelle constitution a été adoptée

  4   en République fédérale de Yougoslavie, et qu'il est devenu, effectivement,

  5   le numéro un de l'Etat, l'homme qui décidait de tout. Cette opération de

  6   Zvornik aussi a été planifiée à Belgrade et les forces serbes de Bosnie y

  7   ont participé car elles disposaient d'effectifs plus nombreux. Mais les

  8   unités spéciales et les unités les plus militantes venaient de ce côté-ci.

  9   C'étaient les unités de police, celles qu'on appelle les Bérets verts.

 10   C'étaient les unités spéciales des services de Sûreté de l'Etat de Serbie.

 11   C'étaient les volontaires du Parti radical serbe, les volontaires d'Arkan,

 12   et d'autres petits groupes de volontaires qui étaient également sous le

 13   contrôle de la police. L'armée n'a pas participé à cette opération. Dans sa

 14   plus grande part, elle a fourni un appui d'artillerie là où la chose était

 15   nécessaire. L'opération avait été planifiée longtemps à l'avance. Les

 16   préparatifs avaient été longs pour cette opération, qui n'était pas soumise

 17   à des appels d'urgence du genre : 'Dépêchez-vous, nous avons besoin de ceci

 18   ou de cela en urgence. Tout avait été bien organisé et a été bien mis en

 19   œuvre jusqu'à la fin des affrontements. Plus tard, lorsque les pillages ont

 20   commencé, plus personne ne contrôlait plus rien.

 21   LS : Mais c'était l'idée de qui et dans quelle condition est-ce que cela a

 22   été préparé ?

 23   VS : Ceci a été le fruit de la réflexion de personnes importantes

 24   représentant les services de la Sûreté de l'Etat et, en particulier, de

 25   Frenki Simatovic, dit Frenki, qui est l'une des personnes qui a mis en

 26   œuvre cette action. Il y avait d'autres personnes impliquées également,

 27   dont j'ai oublié les noms. Nos volontaires se sont regroupés à Loznica qui

 28   était le point central pour ensuite se diriger vers Zvornik. Ils étaient


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  1   conduits par le 'vojvoda' Cvetinovic, qui recevait ses ordres directement

  2   des commandants de l'unité spéciale."

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   Mme IODICE : [interprétation] Zvornik se trouve à l'est de la Bosnie-

  5   Herzégovine sur les rives de la Drina, qui constitue la frontière avec la

  6   Serbie. Zvornik a plusieurs ponts, plusieurs routes importantes, et une

  7   voie ferrée qui relie la Serbie aux secteurs habités par les Serbes un peu

  8   plus à l'ouest en Bosnie-Herzégovine. En raison de sa position stratégique,

  9   la municipalité de Zvornik était importante pour créer un secteur dominé

 10   par les Serbes.

 11   La prise de Zvornik a permis de remplir trois des objectifs stratégiques

 12   fixés le 12 mai 1992, qui sont présentés dans la pièce P966. L'objectif

 13   stratégique numéro 1, à savoir la séparation des Serbes par rapport aux

 14   deux autres communautés ethniques, est un de ces objectifs. L'objectif

 15   numéro 2 consiste à créer un corridor contrôlé par les Serbes venant de la

 16   Serbie, passant par la Bosnie-Herzégovine, pour rejoindre la Krajina serbe.

 17   L'objectif stratégique numéro 3 consiste à éliminer la frontière constituée

 18   par la Drina entre la Serbie et la Republika Srpska.

 19   Les dirigeants serbes de la région ont appliqué la politique fixée par

 20   leurs dirigeants en Bosnie-Herzégovine qui visaient à mettre en œuvre

 21   l'objectif commun à Zvornik.

 22   D'abord, en tout cas en octobre 1991, des cellules de Crise ont été créées.

 23   Deuxièmement, les dirigeants serbes de la région ont créé des autorités

 24   municipales distinctes et une force de police distincte en application des

 25   instructions présentes dans les documents appelés versions A et B. La

 26   version B a été mise en place en décembre 1992 [comme interprété], au

 27   moment où le SDS a créé la municipalité serbe de Zvornik, et Jovo Mijatovic

 28   a parlé ouvertement du plan visant à procéder à des échanges de populations


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  1   dans le but de créer des secteurs mono-ethnique dont il serait le

  2   président.

  3   Troisièmement, les dirigeants serbes bosniaques ont suivi la mise en œuvre

  4   ces décisions politiques à Zvornik. En tant que représentant de l'assemblée

  5   serbe de Bosnie, Mijatovic était en contact avec la cellule de Crise du SDS

  6   au niveau de la Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'avec des membres de

  7   l'entreprise criminelle commune, tels que Radovan Karadzic, Momcilo

  8   Krajisnik, et Biljana Plavsic. Mais des mises à jour venaient également du

  9   SDS de Zvornik, car les dirigeants du SDS étaient informés des progrès de

 10   cette action consistant à mettre en œuvre les instructions au niveau de la

 11   municipalité.

 12   Dans le même temps, les autorités serbes se sont mises à préparer

 13   militairement la mise en œuvre de l'objectif commun, avec l'aide des

 14   dirigeants de la Sûreté de l'Etat serbe, sous le contrôle du membre de

 15   l'entreprise criminelle commune, Jovica Stanisic, et en coopération avec

 16   d'autres institutions sous le commandement et sous le contrôle d'autres

 17   membres de l'entreprise criminelle commune, en particulier Karadzic pour le

 18   SDS de Bosnie-Herzégovine; Kadijevic pour la JNA; et l'accusé pour

 19   l'alliance SRS/SCP.

 20   Par exemple, en octobre 1991, le SCP de Mali Zvornik, qui avait des

 21   contacts fréquents avec l'alliance de SRS/SCP de Belgrade, a organisé un

 22   groupe de volontaires qui devaient être envoyés à Darda en Croatie pour y

 23   subir un entraînement militaire. A ce moment-là, Rade Kostic, qui

 24   représentait la DB de Serbie, était le chef de la police dans le secteur où

 25   ce serait déroulé cet entraînement.

 26   Après l'adoption de la version A et B, des instructions de la DB venant de

 27   Serbie, la JNA, la Défense territoriale et le SDS ont intensifié la

 28   distribution d'armes aux Serbes de la région de Zvornik.


Page 17245

  1   Par exemple, entre décembre 1991 et mars 1991 [comme interprété], la DB de

  2   Serbie a fourni des armes à Zvornik en provenance de Croatie grâce à Rade

  3   Kostic et Marko Pavlovic et avec l'aide du membre de l'entreprise

  4   criminelle commune Radmilo Bogdanovic. Bogdanovic, aidé par Kostic, a

  5   également distribué des armes venant de Belgrade après sa rencontre avec

  6   les dirigeants du SDS de Zvornik.

  7   La participation de la DB serbe aux distributions d'armes est évoquée dans

  8   les pièces P1039, P1144, P1029, P1028, P1027, P1077, P1085, et comme on

  9   peut le constater, il faut également tenir compte de la déposition du

 10   Témoin VS-037.

 11   Comme nous le voyons, Pavlovic s'adressait à Kostic comme s'il était son

 12   chef, et Kostic était subordonné à Milan Tepavcevic, qui était l'adjoint de

 13   Jovica Stanisic. Tepavcevic était responsable des opérations militaires

 14   menées à Zvornik et rencontrait régulièrement le commandant de la police

 15   locale, qui lui-même coopérait avec Bogdanovic et Kostic pour se fournir

 16   des armes.

 17    Le MUP de Zvornik a également commencé à distribuer des armes aux

 18   Serbes de la région en distribuant aussi des permis de port d'armes de

 19   façon tout à fait incontrôlée, alors que d'autres Serbes recevaient des

 20   armes par le truchement de la police et les réservistes de la JNA. Les

 21   Musulmans de Zvornik étant chassés des forces de réserve de la JNA, la

 22   distribution d'armes aux réservistes de la JNA ne concernait que les

 23   Serbes.

 24   Dès lors que les structures politiques et militaires parallèles ont

 25   été mises en place, les dirigeants serbes de la région de Zvornik ont mis

 26   un point final aux préparatifs de la prise de la ville en organisant le

 27   déploiement des hommes de Seselj à Zvornik et le déplacement d'Arkan et de

 28   ses hommes de Bijeljina à Zvornik.


Page 17246

  1   La municipalité serbe de Zvornik a demandé des volontaires à

  2   l'alliance SRS/SCP quelques jours avant la prise de la ville. Peu après, le

  3   Témoin Rankic et un autre membre de l'état-major de guerre du SRS, avec

  4   Vojin Vuckovic, alias Zuca, et son frère Dusan, alias Repic, ont rencontré

  5   des représentants de la municipalité serbe de Mali Zvornik pour discuter du

  6   déploiement des hommes de Seselj. Ils se sont mis d'accord sur le fait que

  7   les hommes de Seselj seraient équipés, armés et incorporés à la Défense

  8   territoriale, mais demeureraient réunis dans une seule et même unité et

  9   seraient logés à l'usine de chaussures de Karakaj -- dont le nom est

 10   l'usine Standard.

 11   L'accusé a approuvé le déploiement des hommes de Seselj à Zvornik et

 12   a admis dans la pièce P1233 qu'il avait exercé un contrôle important sur

 13   ses hommes de Seselj déployés à cet endroit.

 14   Deux jours plus tard, un groupe d'hommes de Seselj sous le

 15   commandement de Vojin Vuckovic, alias Zuca, sont arrivés à Karakaj. Ceci

 16   est confirmé par des victimes qui ont été détenues dans l'usine de

 17   chaussures Standard, et on le voit également mentionné dans la pièce P305,

 18   dont je demande maintenant la diffusion.

 19   Il s'agit d'un croquis de l'usine de chaussures préparé par le Témoin

 20   VS-1013, dont le témoignage sera abordé plus tard, qui montre que les

 21   Seseljevci, au numéro 1, étaient en réalité logés à l'usine de chaussures

 22   Standard.

 23   Des Seseljevci et autres membres des forces serbes ont commis des

 24   crimes à Zvornik. Dans son mémoire en clôture, l'accusé fait valoir que les

 25   crimes allégués dans l'acte d'accusation n'ont pas été prouvés et qu'il n'a

 26   aucun lien avec l'un quelconque des auteurs. L'accusé affirme que ses

 27   hommes de Seselj se sont retirés de Zvornik après la chute de Kula Grad.

 28   Les affirmations de l'accusé vont à l'encontre des éléments de preuve au


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  1   dossier et doivent être rejetés.

  2   Pour ce qui est des identifications détaillées des groupes d'hommes

  3   de Seselj qui ont participé à la prise de contrôle de Zvornik et leur lien

  4   avec l'accusé, veuillez vous reporter aux paragraphes 291 à 298 du mémoire

  5   en clôture de l'Accusation. Je vais maintenant montrer les éléments de

  6   preuve qui prouvent que les hommes de Seselj ont un lien avec l'accusé qui

  7   ont commis les crimes à Zvornik.

  8   Les éléments de preuve montrent au-delà de tout doute raisonnable que

  9   l'accusé -- que les hommes de Seselj ont participé à l'attaque de Zvornik.

 10   Avec les hommes d'Arkan, les hommes de Seselj ont déplacé par la force et

 11   assassiné les non-Serbes. Les forces de la JNA placées sous le commandement

 12   de Tacic ont fourni l'appui d'artillerie pendant l'attaque.

 13    A la date du 5 avril 1992, Radio Zvornik a annoncé aux habitants de la

 14   ville de Zvornik qu'ils devaient se mettre à l'abri pour assurer leur

 15   propre sécurité. VS-1062, son mari et ses deux fils se sont réfugiés chez

 16   les voisins dans le sous-sol du bâtiment où ils habitaient. Il s'agissait

 17   tous de civils non-serbes et non armés. Vers la date du 9 avril 1992, un

 18   groupe des hommes d'Arkan a fait irruption dans l'abri et a contraint tous

 19   les hommes à sortir. Un groupe des hommes de Seselj sont entrés dans l'abri

 20   et ont emmené les femmes et les enfants, alors que les hommes ont été

 21   alignés le long du mur. Le Témoin VS-1062 a entendu des coups de feu depuis

 22   l'endroit où étaient les hommes. Le mari de VS-1062 et leurs fils, ainsi

 23   que les autres personnes, ont été exécutés par les hommes d'Arkan.

 24   VS-1062 ainsi que les autres femmes et enfants ont été placés à bord d'un

 25   autocar et expulsés en direction de la Serbie.

 26   La déposition de VS-1062 est tout à fait claire. Les hommes d'Arkan et les

 27   hommes de Seselj ont coopéré aux fins d'assassiner les hommes non-serbes et

 28   valides et de chasser les femmes et les enfants de Zvornik. VS-1062 a


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  1   expliqué aux Juges de la Chambre comment, en premier lieu, les hommes

  2   d'Arkan ont fait irruption dans l'abri et ont fait sortir tous les hommes;

  3   et qu'ensuite un groupe différent, qui s'est présenté comme étant des

  4   hommes de Seselj et qui portaient des uniformes différents, ont escorté les

  5   femmes et les enfants pendant que les hommes d'Arkan assassinaient les

  6   hommes. VS-1062 a également expliqué quelle ligne de conduite a été suivie

  7   par les hommes d'Arkan et les hommes de Seselj à la page du compte rendu

  8   d'audience 5 958. Je cite :

  9   "Ces hommes allaient de maison en maison, de porte à porte, en tuant les

 10   hommes."

 11   La réussite de cette ligne de conduite a été consignée par un membre de

 12   l'entreprise criminelle commune, Mladic, dans son carnet ou son journal,

 13   P1347, lorsque, briefé par Marko Pavlovic, il a noté que les formations de

 14   volontaires "dirigées par Arkan et Seselj ont connu un succès hors pair."

 15   L'accusé fait valoir que VS-1062 n'a pas cité les hommes de Seselj dans une

 16   déclaration remise aux autorités de Bosnie-Herzégovine en 2003. Cette

 17   affirmation est sans fondement et doit être rejetée. VS-1062 a nié que la

 18   déclaration de 2003 remise aux autorités de Bosnie-Herzégovine, qui n'a pas

 19   été versée au dossier, est la sienne. Elle a nié avoir jamais été en

 20   contact avec les autorités de BiH et elle a nié avoir vécu à l'adresse

 21   signalée dans cette déclaration.

 22   VS-1062 n'a pas reconnu la signature non plus. Ces crimes ainsi que la

 23   participation des hommes de Seselj ont été prouvés au-delà de tout doute

 24   raisonnable.

 25   Même si l'accusé conteste la participation des hommes de Seselj aux

 26   meurtres, il reconnaît, par exemple, à la page du compte rendu d'audience 1

 27   933, que les hommes de Seselj ont participé à l'attaque avec les autres

 28   forces serbes. L'accusé a admis que le comité municipal du SRS à Loznica


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  1   avait organisé un groupe d'hommes de Seselj pour s'occuper de la prise de

  2   contrôle de Zvornik, et un des hommes de Seselj qui montait la garde devant

  3   l'endroit où se trouvait VS-1062 et l'endroit où se trouvaient d'autres

  4   non-Serbes avant d'être déplacés par la force a indiqué qu'il était

  5   originaire de Loznica.

  6   Les éléments de preuve fournis par VS-1062, VS-1013, VS-038, Boskovic,

  7   Jovic et VS-1087 prouvent au-delà de tout doute raisonnable que suite à

  8   l'attaque par les forces serbes, qui comprenaient les hommes de Seselj, les

  9   non-Serbes ont fui car ils avaient peur ou ils ont été rassemblés et

 10   expulsés en Serbie, et un bon nombre d'entre eux ont été tués.

 11   Madame, Messieurs les Juges, pensez-vous que ce serait un moment opportun

 12   pour faire la pause ?

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous pouvez continuer sept minutes encore

 14   ?

 15   Mme IODICE : [interprétation] Bien sûr.

 16   Après la chute de Kula Grad le 26 avril 1992, les non-Serbes qui étaient

 17   restés cachés à Zvornik ont été arrêtés au moment où ils tentaient de fuir

 18   en direction du territoire musulman et ils ont été emmenés dans les centres

 19   de détention comme dans le cas des Témoins VS-1013, VS-1015 et Fadil Kopic,

 20   toutes ces personnes ont été arrêtées chez elles comme dans le cas de VS-

 21   1063. Ces témoins ont été emmenés dans les lieux de détention à l'usine de

 22   chaussures Standard et à la ferme Ekonomija, et ensuite ont été transférés

 23   à l'usine à Ciglane. Lors de leur détention dans des centres, ils ont fait

 24   l'objet d'exactions, ils ont été torturés et tués de façon brutale par des

 25   membres des forces serbes, tel que le précisent les paragraphes 316 à 330

 26   du mémoire en clôture de l'Accusation.

 27   Parmi les auteurs, les victimes ont identifié les hommes de Seselj de

 28   Kraljevo, notamment le "vojvoda" Cele, Miroslav Vukovic; le commandant


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  1   Toro; Pufta; et Sava; les hommes de Seselj de Loznica; les Guêpes jaunes,

  2   et notamment Vojin Vuckovic, alias Zuco, ainsi que son frère, Dusan

  3   Vuckovic, alias Repic; et les hommes de Pivarski, notamment Stojan Pivarski

  4   et Zoks.

  5   Ces groupes ont un lien avec l'accusé et agissaient en coopération avec ou

  6   sous le commandement d'autres forces serbes et des autorités municipales

  7   qui étaient placées sous le commandement et le contrôle d'autres membres de

  8   l'entreprise criminelle commune, notamment Radovan Karadzic et Ratko

  9   Mladic.

 10   Après la prise de contrôle, les unités des volontaires ont été intégrées à

 11   la police serbe et à la TO, plus tard à la VRS. Le groupe de Loznica a été

 12   intégré à la police. Les Guêpes jaunes de Zuco, les hommes de Pivarski et

 13   les autres hommes ont été intégrés à la TO et à la VRS. Les volontaires ont

 14   été hébergés et rémunérés par la TO serbe et par les autorités municipales

 15   serbes.

 16   L'identification par les victimes des hommes qui les ont abusés a été

 17   établie au-delà de tout doute raisonnable. Les victimes ont passé un long

 18   moment en détention. Les victimes ont eu connaissance de détails personnels

 19   concernant leurs attaquants. Ils les ont vus jour après jour. Et ils ont

 20   appris à quelle unité ces hommes appartenaient directement de leur propre

 21   bouche, comme l'a expliqué le Témoin VS-1015 à la page du compte rendu

 22   d'audience 5 406.

 23   Les Témoins VS-1013, VS-1015, Kopic et VS-1063 ont tous souffert et ont été

 24   le témoin d'exactions graves de la part des hommes de Seselj à Kraljevo et

 25   Loznica, et ce, pendant de longs moments.

 26   A la ferme Ekonomija, par exemple, VS-1063 a vu un groupe d'hommes de

 27   Seselj faire sortir un détenu. Ils ont tiré dans la jambe du détenu et ils

 28   ont inscrit une croix dans sa chair et lui ont cassé le bras avant de


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  1   l'amener dans une pièce où ils l'ont abattu. A Ciglane, Kopic et VS-1015

  2   ont témoigné, ont dit que Pufta avait coupé l'oreille de Cirak et l'avait

  3   poignardé. Pufta et Sasa ont ensuite fait sortir Cirak et l'ont abattu. Le

  4   même jour, Pufta, avec Sasa, a dessiné un tatouage représentant un

  5   croissant sur le bras d'Enver Dautovic à l'aide d'un couteau. Sasa,

  6   ensuite, a félicité Dautovic et a dit :

  7   "Vous avez bien fait, mais si vous aviez crié plus fort, votre sort aurait

  8   été semblable à celui de Cirak…"

  9   Et ceci se trouve à la page du compte rendu d'audience 5 435.

 10   Les crimes commis dans ces centres de détention ont été si graves et si

 11   épouvantables que les témoins ne pourront jamais oublier ce qu'ils ont vu.

 12   Ils se souviendront toujours des auteurs. VS-1013 a pu observer ses

 13   bourreaux pendant trois mois environ, depuis le moment où il a été arrêté

 14   et le moment où il a été transféré au centre de détention à l'usine de

 15   chaussures Standard, jusqu'au jour où il a été transféré du centre de

 16   détention à l'usine Ciglane au camp de Batkovic.

 17   Alors, lorsqu'ils ont nettoyé le centre de détention à l'usine de

 18   chaussures, ils ont lu les noms des détenus qui avaient été gravés sur les

 19   portes, y compris les Seseljevci de Kraljevo, le groupe de Loznica ainsi

 20   que la police militaire.

 21   Parmi les hommes de Seselj de Kraljevo, VS-13 [comme interprété] a

 22   reconnu Cele, que les prisonniers devaient appeler "vojvoda" et que

 23   l'accusé tenait en haute estime. VS-13 [comme interprété] a déclaré à la

 24   page du compte rendu d'audience 5 210 qu'on avait dit aux prisonniers que :

 25   "Un homme tout particulier va venir. Il va venir vous parler. Il ne

 26   faut pas le regarder dans les yeux, et il faut que vous l'appeliez

 27   'vojvoda', Monsieur, 'vojvoda', un homme respectable."

 28   Et "vojvoda" Miroslav Vukovic, alias Cele, n'est pas le seul homme de


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  1   Seselj avoir été identifié par le Témoin VS-1013. Par exemple, VS-1013 a vu

  2   le commandant Toro du SRS et sa carte d'identité. En juin 1992, il a

  3   entendu Seselj assurait la promotion de Sava, Zoks et Pufta.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous devons arrêter parce que les Juges vont

  5   descendre dans la salle qui est en dessous pour une cérémonie protocolaire.

  6   Et nous reviendrons aux environs de 1 heure moins 10, 1 heure. Mais cela ne

  7   dépend pas de nous. Donc nous faisons le dernier break.

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 23.

  9   --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 11   Madame le Procureur, vous avez la parole.

 12   Mme IODICE : [interprétation] Merci, Madame et Messieurs les Juges.

 13   Avant la pause, je décrivais les éléments de preuve fournis par le Témoin

 14   VS-1013, qui vous a déclaré que les détenus s'étaient entendus dire que le

 15   "vojvoda" allait les battre [comme interprété].

 16   Et ce que ce témoin a dit est tout à fait digne de foi, en dépit de ce que

 17   prétend le témoin [comme interprété]. Il vous a expliqué, ce Témoin VS-

 18   1013, qu'il n'avait pas parlé explicitement des hommes de Seselj dans la

 19   déclaration fournie en 1993 aux autorités de Bosnie-Herzégovine, mais qu'il

 20   mentionnait bien les mêmes noms, avait donné les mêmes sobriquets, les

 21   mêmes surnoms.

 22   Plus tard, il a fourni une déclaration au TPIY, en 1996, et il a

 23   déclaré à la page compte rendu d'audience en l'espèce 5 303, il a déclaré

 24   que c'était la seule déclaration officielle qu'il avait fournie, et il a

 25   dit qu'il avait fait de son mieux pour se souvenir de chaque détail.

 26   D'autres témoins ont également reconnu comme étant des membres des

 27   hommes de Seselj, les mêmes auteurs. Ainsi, le Témoin Kopic, qui a passé

 28   près de trois mois en détention à Zvornik, le Témoin Kopic se souvenait que


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  1   certains membres du groupe de Kraljevo, les Zoks, glorifiaient Seselj,

  2   qu'ils le considéraient comme étant leur chef.

  3   VS-1015 a observé et identifié des membres des hommes de Seselj pendant les

  4   quelques trois mois passés en détention, à partir du moment de son

  5   arrestation, le 7 mai 1992, jusqu'à son transfert à Bijeljina vers la mi-

  6   juillet 1992.

  7   Alors qu'il était en détention à l'usine de Ciglane, le Témoin VS-1015 a

  8   été obligé de se livrer à des actes de pillage par les hommes de Seselj.

  9   VS-1015 a reconnu Zoks et l'homme qu'on appelait "vojvoda", il a vu en ces

 10   hommes ceux qui l'avaient roué de coups et avaient passé à tabac Nesib

 11   Dautovic à mort à la ferme Ekonomija. Les éléments de preuve apportent la

 12   preuve de ce que l'homme présenté par le témoin VS-1015 comme étant

 13   "vojvoda" est Miroslav Vukovic, alias Cele. L'accusé a affirmé que l'homme

 14   qu'on appelait "vojvoda", c'était au contraire Dusan Vuckovic, alias Repic.

 15   Il ne faut pas retenir ce qu'a affirmé l'accusé. L'accusé a confronté le

 16   Témoin VS-1015 avec une déclaration de 1993, fournie aux autorités de

 17   Bosnie-Herzégovine, dans laquelle le Témoin 1015 disait que le "vojvoda"

 18   qui était présent au moment du passage à tabac était le "vojvoda" Repic. Le

 19   Témoin VS-1015 a expliqué aux Juges de la Chambre que jamais il n'avait

 20   entendu qui que ce soit surnommé le "vojvoda" Repic, et que peut-être lui

 21   s'était trompé lorsqu'il avait utilisé ce surnom. Je vous renvoie à la page

 22   du compte rendu d'audience 5 458.

 23   Ce Témoin VS-1015 a fourni une description détaillée de cet homme

 24   qu'il appelle "vojvoda". Il se souvenait qu'il était barbu. Il s'est

 25   souvenu qu'il portait une espèce de survêtement, comme il l'a dit à la page

 26   5 413, et aussi le genre de chaussures que portent en général les femmes

 27   âgées. Et ces mêmes détails sont confirmés par le Témoin VS-027, qui se

 28   souvient aussi, à la page 114 de la pièce P868 et à la page du compte rendu


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  1   14 607, que Cele portait une espèce de survêtement que portent en général

  2   les femmes. L'accusé lui-même a reconnu que Cele boitait, ceci à la page 5

  3   359 du compte rendu d'audience. Il a été prouvé au-delà de tout doute

  4   raisonnable que l'homme participant à ces passages à tabac et à ces

  5   meurtres à la ferme Ekonomija avec Zoks était bien Miroslav Vukovic, alias

  6   Cele.

  7   Dans son mémoire en clôture, l'accusé a reconnu, lui aussi, que Cele

  8   se trouvait à Zvornik jusqu'au 17 mai 1992. Ceci confirme l'occasion qu'il

  9   avait de participer à l'assassinat de Nesib Dautovic qui s'est produit le

 10   12 mai 1992, ou vers cette date.

 11   L'accusé conteste aussi l'identification que fait le Témoin VS-1015

 12   des Seseljevci, les hommes de Seselj, affirmant que ce témoin n'a pas parlé

 13   de leur affiliation à ce groupe dans la déclaration fournie en 1993 aux

 14   opérations de Bosnie-Herzégovine. Ce Témoin VS-1015 vous a dit qu'il avait

 15   entendu des membres des forces serbes parler du groupe de Kraljevo comme

 16   étant les hommes de Seselj. Il a aussi expliqué qu'il avait fourni à la

 17   hâte cette déclaration de 1993 qui ne fait que deux pages, alors qu'il a

 18   fourni une déclaration bien plus détaillée par la suite au TPIY.

 19   Ce sont les raisons pour lesquelles les éléments de preuve prouvent

 20   au-delà de tout doute raisonnable que les crimes visés à l'acte

 21   d'accusation concernant l'usine de chaussures Standard, la ferme Ekonomija

 22   et l'usine de Ciglane ont été commis par des forces serbes, y compris par

 23   les Seseljevci, les hommes de Seselj.

 24   Après que la ville de Zvornik fût nettoyée de sa population non-

 25   serbe, les forces serbes ont commencé à déplacer tous les non-Serbes des

 26   hameaux ou des agglomérations qu'il y avait autour de la ville, comme c'est

 27   dit au paragraphe 302 jusqu'au paragraphe 309 du mémoire en clôture de

 28   l'Accusation. De façon systématique, de la fin mai à la fin juin 1992, ceux


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  1   qui n'étaient pas serbes ont été chassés de chez eux sans préavis. Les

  2   hommes en âge de combattre ont été séparés des autres et emmenés par la

  3   force dans des lieux de détention, où ils ont subi des sévices graves.

  4   Parfois, ils ont été assassinés en raison de leur appartenance ethnique du

  5   fait de membres de forces serbes, y compris par les Seseljevci.

  6   Lorsque arrive le mois d'août 1992, Zvornik et la plupart des villes

  7   longeant la Drina ont été déjà nettoyées ethniquement conformément à

  8   l'objectif commun. En mai 1993, l'accusé, dans la pièce P1218, admet que

  9   Zvornik, je cite, "ville où beaucoup de Musulmans vivaient auparavant, elle

 10   est maintenant remplie de Serbes".

 11   Comme M. Marcussen vous l'a dit de façon détaillée, la population

 12   non-serbe de Drinjaca-Kostjerevo faisait partie de ceux qui ont été

 13   déplacés par la force de la municipalité de Zvornik à la fin du mois de mai

 14   1992.

 15   Vous l'avez entendu dire : des femmes et des enfants ont été expulsés

 16   alors que les hommes étaient placés en détention à la maison de la culture

 17   de Drinjaca, où ils ont fait l'objet de sévices brutaux, puis exécutés.

 18   Le Témoin VS-1015 [comme interprété] a identifié les auteurs des

 19   meurtres à cause de l'uniforme qu'ils portaient et a dit que c'étaient des

 20   Chetniks, et c'est expliqué quand il disait "Chetniks", il voulait dire

 21   Seseljevci. Il l'a répété aux pages du compte rendu d'audience 8 738

 22   jusqu'à 8 739. Je cite :

 23   "C'est comme ça que je voyais les Chetniks, c'est comme ça que je les

 24   vois. Maintenant, s'il y a quelqu'un d'autre, un autre "vojvoda" chetnik,

 25   par exemple, qui avait des insignes particuliers … à ce moment-là, je ne

 26   dirais pas que c'étaient les hommes de Seselj. Je dirais que ces hommes

 27   appartenaient à cet autre homme. Mais nous ne connaissons aucun autre homme

 28   qui aurait participé à tout ceci ou qui se mêlait ou était impliqué dans


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  1   les affaires de Vojislav Seselj. Maintenant qu'il y a des Chetniks en

  2   Croatie, en Bosnie, en Serbie et partout, nous ne connaissons qu'un boss,

  3   qu'un chef".

  4   L'identification de ces auteurs en tant que membres des hommes de

  5   Seselj a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.

  6   La population non-serbe de Setici, Djulici et d'autres villages

  7   voisins a subi le même sort. D'abord, forcés de quitter leur domicile par

  8   des forces serbes, y compris par la VRS, la police et des paramilitaires,

  9   les femmes et les enfants ont été chassés alors que les hommes non-serbes

 10   étaient isolés et emmenés dans un lieu de détention à l'école technique de

 11   Karakaj. Ils y furent détenus pendant quelques jours, après quoi tous les

 12   détenus non-serbes, ils étaient à peu près 740, ont été exécutés. Certains

 13   ont été assassinés à l'école technique de Karakaj, d'autres à l'abattoir de

 14   Gero. Certains des auteurs de ces crimes, à savoir les Guêpes jaunes, les

 15   hommes de Pivarski, et le groupe de Loznica, faisaient partie de la

 16   structure hiérarchique de l'alliance SRS/SCP contrôlée par l'accusé, comme

 17   nous venons de le montrer.

 18   Les Guêpes jaunes, tout comme d'autres paramilitaires de Zvornik, ont

 19   été arrêtées en juillet 1992, alors qu'ils s'étaient mis à piller des biens

 20   serbes aussi. Ils ont été libérés peu de temps après et redéployés.

 21   A plusieurs reprises, l'accusé a cherché à prendre ses distances par

 22   rapport aux Guêpes jaunes, parce qu'on a bien vite appris que des crimes

 23   graves avaient été commis par les Guêpes jaunes, et l'accusé à nié toute

 24   association avec ces hommes pour éviter qu'ils n'en pâtissent sur le plan

 25   politique, comme vous l'a dit le Témoin Rankic dans la pièce P1074.

 26   Cependant, lorsque le chef de la TO, Marko Pavlovic, s'était plaint du

 27   comportement des Guêpes jaunes, il avait adressé ces plaintes à l'alliance

 28   SRS/SCP de Belgrade, et l'accusé avait répondu à ces plaintes en


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  1   redéployant les Guêpes jaunes à Skelani au lieu de les rappeler en Serbie

  2   où de les démettre de leurs fonctions.

  3   Les hommes de Pivarski étaient aussi un groupe des Seseljevci. Leur

  4   commandant, Stojan Pivarski, était commandant dans le SCP, alors que son

  5   adjoint, Ivan Korac, alias Zoks, était capitaine.

  6   Pouvons-nous passer rapidement à huis clos partiel, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne pouvez pas faire autrement que de

  9   passer à huis clos partiel ? Parce que des réquisitoires non publics, moi,

 10   ça me pose toujours un problème.

 11   Bien, alors, on va passer à huis clos partiel, et on verra s'il y a

 12   lieu à lever ou pas.

 13   Bien, Monsieur le Greffier.

 14   Mme IODICE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 16   le Président.

 17   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une ordonnance de la Chambre]

 18   Mme IODICE : [interprétation] L'accusé a affirmé, partant d'une liste de

 19   membres (expurgé)

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 24   (expurgé) Le fait que

 25   VS-038 ait appartenu à un autre groupe n'a aucune importance, de toute

 26   façon, parce que les éléments de preuve prouvent que ces groupes

 27   travaillaient ensemble et ont fini par être arrêtés ensemble.

 28   Nous pouvons revenir en audience publique, Monsieur le Président.


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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 16   Mme IODICE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le groupe de

 17   Loznica avait aussi des liens avec l'accusé, et comme nous l'avons déjà

 18   dit, l'accusé reconnaît que le comité local du SRS, le comité municipal de

 19   Loznica avait organisé un groupe de Seseljevci pour la prise de Zvornik.

 20   Le lien des Guêpes jaunes, des hommes de Pivarski, du groupe de Loznica

 21   avec l'accusé est éprouvé au-delà de tout doute raisonnable par les Témoins

 22   Rankic et Jovic, et c'est corroboré par le Témoin Drazilovic, le Témoin VS-

 23   027, Alic, le Témoin VS-036, le Témoin VS-038, et la pièce P971.

 24   Les crimes de nature similaire furent aussi commis à la maison de la

 25   culture de Celopek, où des hommes non-serbes avaient été placés en

 26   détention après avoir été chassés de chez eux à Divic par des membres de

 27   l'armée et de la police, suivant cette ligne de conduite ou mode opératoire

 28   bien établi. Le Témoin VS-1065 donne de façon détaillée une description des


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  1   mauvais traitements graves, des sévices sexuels, de la torture et des

  2   meurtres intentés contre les détenus de Celopek. Il identifie comme auteurs

  3   Dusan Vuckovic, alias Repic; le commandant Toro; Pufta; et Zoks. Par

  4   exemple, un jour, Repic a sélectionné certains prisonniers et a gravé une

  5   croix sur le front de ces prisonniers à l'aide d'un couteau.

  6   Le jour du Bajram, fête religieuse musulmane, Repic est retourné à la

  7   maison de la culture de Celopek, il a choisi parmi les détenus des pères et

  8   des fils et les a forcés à monter sur une estrade et les a forcés à avoir

  9   des rapports sexuels oraux. Puis, il s'est mis à tirer sur les détenus qui

 10   se trouvaient sur l'estrade et les a tués.

 11   L'accusé n'a pas contesté la déposition que vous a faite le Témoin 1065.

 12   L'accusé a dit que le Témoin VS-1065 avait dit la vérité. Comme nous

 13   l'avons montré ci-dessous de façon détaillée, ainsi qu'au paragraphe 291 du

 14   mémoire en clôture de l'Accusation, ces auteurs avaient des liens avec

 15   l'accusé.

 16   Une fois les non-Serbes déplacés, chassés de Divic, c'était maintenant le

 17   tour de Kozluk qui devait être nettoyé. Au départ, les Musulmans de Kozluk

 18   ont eu le droit de rester chez eux. Cependant, des mesures d'intimidation

 19   ont été prises contre les non-Serbes. Certains ont subi des sévices,

 20   d'autres tués de la main des forces serbes qui occupaient la ville. Il y

 21   avait parmi ces forces des hommes commandés par Marko Pavlovic, Zoran

 22   Subotic, Arkan, Pivarski, Zuco, Niski et par le capitaine Dragan. Alors

 23   qu'ils avaient obéi à l'ordre qui leur intimait de rendre leurs armes, le

 24   26 juin 1992 on a fait monter les Musulmans dans des cars, dans des

 25   camions, et ils ont été expulsés en direction de la Serbie. Ceux qui ont

 26   refusé d'obtempérer ont été tués. Les forces serbes qui ont exécuté ce

 27   déplacement forcé incluaient des membres de l'armée, de la police, de la

 28   Défense territoriale, des hommes d'Arkan et des Guêpes jaunes.


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  1   Avec le nettoyage des derniers villages non-serbes, la mise en œuvre de

  2   l'objectif commun de Zvornik entrait dans sa phase finale. La pièce P1347

  3   vous montre comment, quelques jours après l'expulsion des non-Serbes de

  4   Kozluk le 30 juin 1992, Branko Grujic a annoncé aux membres de l'entreprise

  5   commune Ratko Mladic et Radovan Karadzic que les dirigeants serbes de

  6   Zvornik avaient, je cite, "réussi à mettre en œuvre la décision du

  7   président Karadzic de régler la question de Divic et de Kozluk avec nos

  8   enfants." Quand il dit "nos enfants", il parle des Serbes.

  9   Le fait que les crimes commis à Zvornik faisaient partie de l'objectif

 10   commun de l'entreprise criminelle commune est aussi prouvé par les

 11   destructions massives de mosquées et de lieux de culte après la prise de

 12   Zvornik de la part des forces serbes, comme le montrent les paragraphes 345

 13   à 348 du mémoire en clôture de l'Accusation.

 14   Quelques exemples démontrent que l'intention qui motivait la destruction

 15   des biens religieux musulmans, c'était d'effacer, de raser de la carte

 16   l'existence de la population musulmane de Zvornik. A Divic, le lieu de

 17   Dervis, lieu historique, a été détruit, et on a mis sur les tombes de deux

 18   saints musulmans une carcasse de camion. Une église orthodoxe a remplacé la

 19   mosquée de Divic. Ce qui avait été la mosquée de Rijecanska et la mosquée

 20   de Begsuja à Zvornik, qui avaient été détruites, ainsi que la mosquée de

 21   Mehmed-Celebi à Kozluk, ont servi de dépôts d'immondices. La destruction a

 22   été le fait de la Défense territoriale serbe parce que c'étaient des

 23   symboles de la culture musulmane, et ce n'était pas à des fins militaires,

 24   comme l'ont dit les Témoins 037 et 038.

 25   Par conséquent, les éléments de preuve évoqués ci-dessus prouvent au-delà

 26   de tout doute raisonnable que les crimes retenus dans l'acte d'accusation

 27   pour ce qui est de la municipalité de Zvornik ont été le fait de membres

 28   des forces armées, y compris par les hommes de Seselj. Ces crimes


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  1   s'inscrivaient et faisaient partie intégrante de l'objectif commun qui

  2   était de nettoyer ethniquement les territoires convoités en Bosnie-

  3   Herzégovine pour en enlever la population non-serbe et pour créer des zones

  4   contrôlées par les Serbes.

  5   Parlons maintenant de la région de Sarajevo.

  6   Les crimes commis dans la région de Sarajevo faisaient partie de l'objectif

  7   commun. Les éléments de preuve ont montré au-delà de tout doute raisonnable

  8   que l'entreprise criminelle commune avait été établie et que son objectif

  9   commun comprenait la prise de contrôle d'Ilijas, Vogosca, Novo Sarajevo et

 10   Ilidza, et les crimes commis en conséquence par les membres des forces

 11   serbes, y compris les Seseljevci.

 12   Les Seseljevci faisaient partie de la structure hiérarchique de l'alliance

 13   SRS/SCP contrôlée par l'accusé et, comme à Zvornik, agissaient en

 14   coopération avec ou sous le commandement d'autres forces serbes et des

 15   autorités municipales, telles que la JNA, la TO, et plus la VRS et le MUP,

 16   qui étaient placés sous le commandement et le contrôle de membres de

 17   l'entreprise criminelle commune, notamment Radovan Karadzic et Ratko

 18   Mladic.

 19   L'accusé affirme que les crimes commis dans la région de Sarajevo ne

 20   faisaient pas partie de l'objectif commun et qu'il n'existait aucune

 21   entreprise criminelle commune. Ces affirmations doivent être rejetées.

 22   Pardonnez-moi, Madame, Messieurs les Juges, non pas ces crimes, mais ces

 23   affirmations.

 24   Sarajevo était un endroit-clé dans le cadre de l'objectif commun. A la 8e

 25   session de l'assemblée serbe de Bosnie en février 1992, le membre de

 26   l'entreprise criminelle commune Karadzic a expliqué l'importance que

 27   revêtait Sarajevo, et je cite :

 28   "Quitter Sarajevo, où il y a 215 000 Serbes, y compris les Yougoslaves, où


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  1   il y a de grandes richesses, si nous devions quitter Sarajevo, eh bien,

  2   dans ce cas, nous devrions être pendus," et vous trouverez ceci à la pièce

  3   P949.

  4   La position de Karadzic était reflétée dans l'objectif stratégique du

  5   peuple serbe en Bosnie-Herzégovine à la date du 12 mai 1992, confer la

  6   pièce P966, lorsque le contrôle serbe a été établi à Sarajevo et aux

  7   environs de Sarajevo et que ceci a été jugé essentiel à la lumière de la

  8   réalisation du premier et cinquième objectifs stratégiques, à savoir la

  9   séparation des Serbes des Croates et des Musulmans et la division de

 10   Sarajevo en quartiers serbes et musulmans.

 11   L'accusé a tenté de prendre ses distances par rapport à la SRS en Bosnie-

 12   Herzégovine et prendre ses distances des "vojvoda" qui étaient actifs dans

 13   la région de Sarajevo. Ses affirmations vont à l'encontre des éléments de

 14   preuve présentés et doivent être rejetées.

 15   L'accusé a admis dans la pièce P199 [sic] qu'en tout cas à partir du mois

 16   de mai 1992, la SRS avait une antenne en Bosnie-Herzégovine, et il a

 17   déclaré dans la pièce P1219 que la SRS était "le second parti politique sur

 18   le territoire de la République fédérale de Yougoslavie."

 19   L'accusé a également admis dans la pièce P1215 qu'il avait "un nombre

 20   considérable de volontaires" à Sarajevo. Ceci a été confirmé par d'autres

 21   éléments de preuve au dossier, par exemple, la pièce C10 et la pièce P836,

 22   qui prouvent qu'un nombre significatif de Seseljevci avaient été envoyés à

 23   Ilijas, Vogosca, Ilidza et le cimetière juif près de Grbavica pendant toute

 24   la durée de la guerre. Les "vojvoda" qui étaient présents dans la région de

 25   Sarajevo venaient de cette région-là, et l'accusé a confirmé qu'il existait

 26   un lien entre lui et eux avant que l'acte d'accusation n'ait été dressé.

 27   Ceci est déclaré dans la pièce P644, page 14, je cite :

 28   "Grbavica a été sauvée par nos volontaires, essentiellement par le


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  1   'vojvoda' Slavko Aleksic. Vous avez entendu parler de Slavko Aleksic. Il

  2   est toujours au cimetière juif. C'est notre membre de l'administration

  3   patriotique centrale, il s'agit là des plus hauts dirigeants du parti, et

  4   il est à ce poste depuis le premier jour de la guerre. Ce qu'il a réussi à

  5   sauver est resté serbe, et personne d'autre ne pouvait s'en emparer. Il y

  6   avait également le 'vojvoda' Branislav Gavrilovic, alias Brne, et le

  7   'vojvoda' Vasko à Ilijas."

  8   Dans le cadre de la promotion de son objectif commun, les dirigeants serbes

  9   de la région de Sarajevo ont commencé à mettre en œuvre les instructions

 10   des versions A et B en créant des cellules de crises et des assemblées

 11   municipales qui étaient à 100 % serbes. La mise en œuvre de l'instruction à

 12   Novo Sarajevo a été confirmée par le "vojvoda" Slavko Aleksic, dans la

 13   pièce P1102. Aleksic jouait à ce moment-là un rôle important non seulement

 14   au sein de la SRS, mais au sein du SDS.

 15   A Ilidza, la proclamation de l'assemblée serbe à la date du 3 janvier 1992

 16   était conforme aux instructions fournies par le comité principal du SDS

 17   datées du 19 décembre 1991.

 18   De la même manière, le 24 mars 1992, la création des municipalités

 19   serbes de Vogosca et de Rajlovac a été annoncée lors de la 12e Session de

 20   l'assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine. Finalement, juste avant

 21   que le conflit n'éclate, le SDS d'Ilijas a séparé la municipalité de la

 22   région de Sarajevo et l'a annexée à ce qui a été appelé la Région autonome

 23   serbe de Romanija ou le District autonome de Romanija.

 24   Comme dans d'autres régions de Bosnie-Herzégovine, les dirigeants

 25   serbes ont commencé leurs préparatifs militaires dans la région de Sarajevo

 26   pour promouvoir leur objectif commun. En octobre 1991, le conseil du SDS

 27   parlait de la nécessité de commencer les préparatifs militaires. Le membre

 28   de l'entreprise criminelle commune Karadzic, qui a parlé de la guerre


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  1   imminente en Sarajevo et de l'idée de la disparition du peuple serbe "de la

  2   face de la terre", a déclaré qu'"il y a 20 000 Serbes armés autour de

  3   Sarajevo." Vous trouverez ceci dans la pièce P502, page 7.

  4   Une force de police serbe a été créée sur l'ensemble de la région de

  5   Sarajevo. Peu de temps après le 3 avril 1992, le MUP de Sarajevo a créé un

  6   poste du MUP serbe à Vraca. A Ilidza, juste avant que la guerre n'éclate,

  7   le chef de la police spéciale d'Ilidza a démantelé les forces de police

  8   mixtes et les réservistes qui étaient ethniquement mixtes et a créé des

  9   forces comportant des réservistes qui étaient à 100 % Serbes. A Ilijas, les

 10   policiers serbes sont venus en aide aux policiers serbes des autres

 11   municipalités et ont pris le contrôle du poste de police.

 12   La SRS a contribué de façon significative aux préparatifs militaires dans

 13   la région de Sarajevo. Dans la pièce P1319, le "vojvoda" Slavko Aleksic a

 14   déclaré que malgré l'élection d'Alija Izetbegovic rendant l'armement des

 15   Serbes difficile, il a fait de son mieux pour assurer que les Serbes de

 16   Novo Sarajevo ne soient pas à la traîne.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez.

 18   On repasse à huis clos.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes

 20   à nouveau à huis clos partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   Mme IODICE : [interprétation] Alors, pour revenir à la contribution du SRS

  8   aux préparatifs militaires de la région de Sarajevo, Branislav Gavrilovic,

  9   alias Brne, a expliqué dans la pièce P1000 comment, lors de son retour dans

 10   la région de Sarajevo, ses Seseljevci avaient été armés par le commandant

 11   Krstovic, commandant chargé de la défense de la ville de Sarajevo. Brne a

 12   également admis dans la pièce P999 la prise de contrôle de l'entrepôt de la

 13   TO à Ilidza où 50 000 armes se trouvaient, s'est vanté d'avoir désarmé des

 14   Musulmans et a expliqué comment ces armes, je cite, "avaient contribué à la

 15   défense de l'ensemble du peuple serbe de Sarajevo contre les combattants de

 16   la Djihad."

 17   La déclaration de Brne illustre les efforts de l'accusé qui consistaient à

 18   associer les Musulmans de Bosnie aux intégristes islamistes.

 19   Nikola Poplasen a également joué un rôle important pour ce qui était de

 20   l'organisation de l'armement des Serbes en Bosnie-Herzégovine. L'accusé a

 21   admis ceci dans la pièce P218 lorsqu'il a promu Poplasen au grade de

 22   "vojvoda" en mars 1994.

 23   Les efforts des dirigeants serbes en vue de préparer militairement la mise

 24   en œuvre de l'objectif commun peut être résumé par ces quelques mots

 25   prononcés par un député à l'assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine

 26   à Ilijas, qui, moins d'un mois avant l'attaque par les forces serbes sur

 27   Ljesevo, a confirmé que les Serbes à Ilijas étaient prêts a faire la

 28   guerre, confer pièce P966. Je cite :


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  1   "Nous sommes organisés et j'ai demandé à l'équipe de télévision de venir et

  2   de constater combien nous sommes bien organisés pour faire la guerre, nous

  3   à Ilijas, et comment nos lignes de défense sont organisées. Oui, il est

  4   vrai que nous avons volé un grand nombre de marchandises. Nous disposons

  5   d'énormément de provisions là-bas qui nous permettront de survivre … nous

  6   avons coupé et miné la ligne de chemin de fer et personne ne peut

  7   maintenant entrer dans Sarajevo. Nous avons miné l'autoroute également.

  8   Nous allons faire de notre mieux pour empêcher à tout jamais à l'ennemi

  9   d'entrer dans Sarajevo depuis Zenica, et toute personne qui tente

 10   d'emprunter la route du haut trouvera aussi la mort."

 11   Les forces serbes, y compris les Seseljevci, ont commis des crimes dans la

 12   région de Sarajevo.

 13   Ainsi que dans d'autres régions de la Bosnie-Herzégovine, une fois

 14   que les structures parallèles politiques et militaires avaient été créées,

 15   les forces serbes, y compris les Seseljevci, ont attaqué et pris le

 16   contrôle des municipalités. Les éléments de preuve prouvent au-delà de tout

 17   doute raisonnable que lors et suite aux prises de contrôle de la région de

 18   Sarajevo, les non-Serbes ont été chassés, tués, détenus ou assignés à

 19   résidence, maltraités ou de toute autre manière persécutés.

 20   Les détenus ont été soumis aux travaux forcés dans des conditions

 21   dangereuses sur les lignes de front où, à de multiples reprises, ils ont

 22   été utilisés comme boucliers humains. Les biens non-serbes et les monuments

 23   culturels ont été systématiquement pillés ou détruits. Dans son mémoire,

 24   l'accusé affirme que les crimes allégués dans l'acte d'accusation n'ont pas

 25   été prouvés et qu'il n'a aucun lien avec l'un quelconque des auteurs. Ces

 26   affirmations vont à l'encontre des éléments de preuve au dossier et doivent

 27   être rejetées.

 28   Pour ce qui est du déploiement de Seseljevci dans la région de


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  1   Sarajevo et pour ce qui est de l'identification des "vojvoda" qui

  2   combattaient avec les Seseljevci dans la région et de leurs liens avec

  3   l'accusé, je me réfère aux paragraphes 255 à 263, et 358 à 375, du mémoire

  4   en clôture de l'Accusation. Je vais maintenant mettre en exergue les

  5   éléments de preuve qui prouvent qu'au-delà de tout doute raisonnable, les

  6   Seseljevci ont commis des crimes dans la région de Sarajevo et que ces

  7   auteurs avaient un lien avec l'accusé.

  8   Les témoignages des Témoins VS-1111 et VS-1055, Mujo Dzafic, et la

  9   pièce P451 prouvent que l'attaque de Ljesevo a été menée par la VRS, des

 10   membres de la TO d'Ilijas et par un groupe de Seseljevci dirigé par le

 11   "vojvoda" Vasilije Vidovic, alias Vaske.

 12   Contrairement aux affirmations de l'accusé, il a été prouvé au-delà

 13   de tout doute raisonnable que Vasilije Vidovic, alias Vaske, et ses

 14   Seseljevci ont participé à l'attaque de Ljesevo avec des membres de la TO

 15   d'Ilijas, ce qui a conduit au déplacement forcé de la population non-serbe

 16   et du meurtre de 22 non-Serbes.

 17   VS-1055 a expliqué comment, dans l'après-midi du 5 juin 1992, il a

 18   reconnu le Seseljevac Vaske et le membre de la TO Ranko Draskic parmi les

 19   membres des forces serbes qui l'ont capturé. Il a vu Amir Fazlic tomber à

 20   terre, une balle dans la tête, lorsque Vaske s'est approché de lui avec un

 21   de ses Seseljevci. Un peu plus tôt ce jour-là, alors que le pilonnage se

 22   poursuivait, Ranko Draskic avait participé avec d'autres membres de la TO

 23   au meurtre de 21 autres non-Serbes.

 24   L'accusé affirme que VS-1055 n'a pas mentionné la présence de Vaske

 25   dans sa déclaration de 1992 remise aux autorités de la Bosnie-Herzégovine.

 26   VS-1055 explique que sa déclaration de 1992 a été recueillie immédiatement

 27   après le traumatisme qu'il avait vécu et qu'avec le temps, de nombreux

 28   détails supplémentaires lui sont revenus en mémoire. Quoi qu'il en soit,


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  1   l'accusé a admis dans la pièce à conviction P644 la présence de son

  2   commandant Vaske sur le front d'Ilijas. Il a été établi au-delà de tout

  3   doute raisonnable que Vaske se trouvait parmi les forces serbes qui se sont

  4   emparées de Ljesevo et ont tué des non-Serbes.

  5   En avril 1992, à Svrake, municipalité de Vogosca, les forces serbes,

  6   et en particulier l'unité spéciale conduite par Rajko Jankovic, ont attaqué

  7   le village, regroupé sa population non-serbe, déplacé les femmes, les

  8   personnes âgées et les enfants, tout en maintenant en détention les homme

  9   en âge de porter les armes. La mise en œuvre de l'objectif commun a été

 10   couronnée d'un tel succès que le membre de l'entreprise criminelle commune

 11   Ratko Mladic a consigné dans son journal à la date du 6 juin 1992 ce qui

 12   suit, je cite "il n'y a plus aucune maison, plus aucun habitant à Svrake."

 13   On trouve cette mention dans la pièce P1346.

 14   Est-ce que ce serait un bon moment pour suspendre, Monsieur le

 15   Président ?

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous continuerons donc demain à 14 heures 15.

 17   D'ici-là, je vous souhaite à tous une bonne fin de journée.

 18   --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le mercredi 7 mars

 19   2012, à 14 heures 15.

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