Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 25 juillet 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 38.)

4 (Le témoin-expert, Mme Ana Najman, est déjà dans le prétoire.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Greaves.

7 Sir Lawrence (interprétation): Monsieur le Président, je me demande si le

8 moment est bien choisi pour demander une décision de la part de la Chambre

9 au sujet de la communication des pièces.

10 Pour Kolundzija et en son nom, nous avançons que toutes les questions,

11 tous les documents qui auraient dû nous être communiqués ne nous ont pas

12 été communiqués. L'article qui s'applique en espèce, c'est l'Article 68 du

13 Règlement de procédure et de preuve, et il stipule -je cite-: "que le

14 Procureur informe la défense aussitôt que possible de l'existence

15 d'éléments de preuve dont il a connaissance, qui sont de nature à

16 disculper, en tout ou partie, l'accusé ou qui pourrait porter atteinte à

17 la crédibilité des éléments de preuve de l'accusation" - Article 68.

18 Nous avons des raisons de penser que le Procureur a ou peut disposer de ce

19 type d'éléments de preuve qu'il n'a pas communiqués à l'accusé. Exemple:

20 des éléments de preuve relatifs à Keraterm, c'est-à-dire telles que des

21 listes de membre du personnel, des listes de personnes salariés comprenant

22 également le statut des personnes concernées, des programmes de travail

23 pour Prijedor 2 à partir pour 1991 et 1992, ainsi que des documents

24 émanant de la cellule de crise au sujet de Keraterm, des documents

25 militaires au sujet de Keraterm, d'autres documents venant de la police

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1 qui ont trait à Keraterm, en particulier des documents signés par Simo

2 Drljaca et qui sont en possession de l'accusation, toutes les déclarations

3 des détenus de la salle 3 que l'accusation a recueillies, les déclarations

4 recueillies par des témoins éventuels de l'accusation. Et nous n'avons

5 pour l'instant reçu que les déclarations non signées des 10 témoins, des

6 éléments de preuve qui indiquent qu'il y avait un autre Dragan Kolundzija

7 à Omarska; et ceci pourrait avoir un effet sur l'erreur d'identification

8 de "Kole" par le témoin de Keraterm qui a affirmé que Kolundzija faisait

9 partie de ceux qui ont passé à tabac et tué des prisonniers, c'est le

10 témoin N.

11 Il y a d'autres éléments de preuves pertinents qui sont susceptibles de ne

12 pas nous avoir été communiqués. Il apparaît, d'après les éléments de

13 preuve dans l'affaire d'Omarska contre Mikic et consorts, éléments de

14 preuve que nous n'avons pu consulter, que pour Keraterm il devrait exister

15 des éléments de preuves semblables que dans l'affaire à laquelle je viens

16 de faire référence. Eléments de preuve relatifs à la structure de

17 commande.

18 Et si de tels éléments de preuve n'existent pas, eh bien, ceci en soi

19 montre qu'il n'y avait pas de structure de commandement semblable à

20 Keraterm et semblable à Omarska, et cela montre donc que les éléments de

21 preuve présentés par l'accusation contre Kolundzija n'établiront rien de

22 plus qu'une influence exercée par un commandant d'équipe, c'est-à-dire

23 quelque chose qui est bien loin de la responsabilité de commandement

24 exercé par un chef d'équipe, ce que souhaiterait la Chambre de première

25 instance. Et je ne suis pas sûr que l'accusation ait réalisé à quel point

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1 l'absence de tels éléments de preuve peut influencer leur cause.

2 D'autre part, nous savons également que l'accusation envisage ou pense

3 qu'elle dispose peut-être plus d'éléments de preuve qu'elle n'en a révélés

4 parce que mon éminent confrère, M. Ostojic, a rencontré l'équipe de

5 l'accusation et on lui a dit -à Me Ostojic- qu'on allait s'efforcer de

6 faire des recherches supplémentaires, pour chercher des informations

7 supplémentaires, à condition que la défense remette en retour toute

8 déclaration signée dont nous disposerions.

9 M. le Président (interprétation): Je vous interromps, Sir Lawrence. Est-ce

10 que vous en avez encore pour très longtemps? Parce que ce que j'aurai

11 l'intention de faire, ce n'est pas à ce stade de demander à l'accusation

12 de répondre mais de choisir un moment plus opportun pendant la journée

13 pour traiter de cette question. Donc si vous n'en avez plus pour

14 longtemps, je vais vous laisser terminer.

15 Sir Lawrence (interprétation): Je n'en ai plus pour longtemps.

16 Je voulais parler maintenant pour que l'accusation puisse disposer du

17 reste de la journée si elle le souhaite, pour réfléchir à la question.

18 Parce que si j'avais laissé la question après le témoin, ils n'auraient

19 peut-être pas eu le temps d'en discuter avec nous. Ce que je veux dire

20 c'est que, d'après mon éminent confrère, Me Ostojic, les membres de

21 l'équipe de l'accusation ont dit qu'ils étaient prêts à faire des

22 recherches supplémentaires, à condition que la défense montre à

23 l'accusation toute déclaration signée de tout témoin potentiel, que nous

24 ayons l'intention ou non de les citer à la barre. Ils veulent également

25 que nous ayons connaissance des instructions reçues de notre client.

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1 M. May (interprétation): Les instructions de votre client?

2 Sir Lawrence (interprétation): Oui.

3 M. May (interprétation): Mais ceci est couvert par le secret

4 professionnel.

5 Sir Lawrence (interprétation): Oui, tout à fait. Le Tribunal ne prévoit

6 nullement une telle réciprocité et nous, venant des systèmes du common law

7 qui a beaucoup inspiré le Tribunal, nous sommes sidérés de voir ce genre

8 de demande vous être présentée, vu le secret qui couvre les relations

9 entre le client et son avocat.

10 Et cette question est d'intérêt pour cette affaire mais pour toutes les

11 affaires qui viendront devant ce Tribunal.

12 Parce que si nous avons bien compris la position de l'accusation, telle

13 qu'elle m'a été présentée par Me Ostojic, cette attitude, l'attitude de

14 l'accusation est tout à fait inacceptable et cette demande est

15 inacceptable. Et il faut mettre un terme à ce genre de pratique dès que

16 possible.

17 Nous avons déjà demandé une réponse oralement à M. Ryneveld, à deux

18 reprises, et si la réponse qui a été donnée à Me Ostojic hier correspond

19 bien à la réalité, à savoir qu'il est possible qu'il y ait des documents

20 qui n'ont pas encore été communiqués et qu'il est possible que

21 l'accusation puisse réaliser des recherches supplémentaires, à ce moment-

22 là il convient de nous communiquer ces documents, parce que nous, nous

23 recherchons des documents de nature à disculper, tout ou en partie,

24 l'accusé. Nous avançons que c'est à nous de décider si ces documents

25 peuvent être utiles à la défense, et ce n'est pas à l'accusation en fin de

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1 compte de décider si ces documents peuvent être utiles à la défense. Parce

2 que nous savons exactement quelle est notre stratégie de défense et on

3 peut excuser l'accusation de ne pas le savoir. Nous leur avons indiqué les

4 domaines qui nous intéressent et nous avons reçu une réponse de

5 l'accusation stipulant qu'ils sont prêts à examiner la question.

6 Et je pense que là, c'est une demande, notre demande est tout à fait

7 justifiée pour nous permettre de vérifier, de comparer la structure de

8 commandement entre Omarska et Keraterm.

9 M. le Président (interprétation): Merci. Je pense que vous allez présenter

10 cette requête sous forme écrite puisque c'est la façon appropriée de

11 procéder pour une telle requête. Je ne vais pas demander à l'accusation de

12 répondre maintenant. Lorsque votre requête aura été soumise, nous

13 l'examinerons puisque c'est une requête importante qui soulève des

14 questions essentielles, et dès que vous aurez présenté votre requête, nous

15 demanderons une réponse à l'accusation. Et à ce moment-là, la Chambre

16 statuera sur cette requête.

17 Sir Lawrence (interprétation): Il est possible que, suite à l'intervention

18 de M. le Juge May il y a quelques instants, le Procureur réponde à nos

19 demandes avant même la présentation d'une requête formelle. C'est pour ça

20 que j'ai souhaité évoquer la chose dans le prétoire, mais ce que je

21 voulais dire c'est que s'il y a un doute, le plus infime qui soit, dans

22 l'esprit de l'accusation au sujet de leurs obligations vu le droit du

23 Tribunal, il est dans l'intérêt de tous que la question soit clarifiée.

24 M. le Président (interprétation): Bien. Je préférerais que l'accusation

25 réponde une fois qu'ils auront reçu la requête. Monsieur Ryneveld?

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1 M. Ryneveld (interprétation): Oui, j'ai bien noté ce que vous avez dit,

2 Monsieur le Président, à l'instant.

3 Je peux simplement vous dire que je suis ébahi, ébahi d'entendre que cette

4 requête est présentée aujourd'hui après la longue réunion que nous avons

5 eue hier. Réunion qui avait pour objectif de répondre à nos obligations en

6 matière de communication des pièces. Mais je voudrais dire que nous avons

7 évoqué l'Article 66 B) et l'Article 67, mais pas dans le contexte qui a

8 été présenté par mon éminent confrère.

9 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ryneveld.

10 Maître Petrovic, c'est à vous.

11 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, le prochain témoin

12 que nous citons à la barre au nom de la défense de Damir Dosen est un

13 témoin-expert, de formation psychologue. Témoin qui présentera à cette

14 Chambre les détails et les faits concernant la personnalité de l'accusé

15 Damir Dosen; c'est-à-dire que le témoin nous parlera de détails et de

16 circonstances qui sont de nature intime et dont la divulgation, dont la

17 révélation au public pourrait susciter des réactions que mon client ne

18 souhaiterait pas.

19 C'est dans cet effet-là que je vous demande, Monsieur le Président,

20 d'accorder une mesure de protection, à savoir d'avoir une audience à huis

21 clos étant donné les éléments de preuve à présenter devant cette Chambre.

22 S'il n'y a pas d'objection évidemment de l'accusation, je vous prie

23 d'ordonner cette mesure.

24 (Les Juges se concertent sur le siège.)

25 M. le Président (interprétation): Maître Petrovic, la Chambre considère

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1 que votre demande est un peu inhabituelle.

2 Si nous nous penchons sur les cas précédents relatifs aux autres Chambres,

3 ce genre de témoignage a toujours été fait en audience publique donc la

4 Chambre n'est pas d'accord et ne vous accorde pas votre demande et ce

5 témoignage sera rendu en audience publique.

6 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges.

8 Avant de commencer, je crois que le témoin devrait donner une déclaration

9 solennelle.

10 M. le Président (interprétation): Oui. Que le témoin fasse cette

11 déclaration solennelle.

12 Mme Najman (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

15 Mme Najman (interprétation): Merci.

16 (Le témoin s'assoit.)

17 (Interrogatoire principal du témoin-expert, Mme Ana Najman, par Me

18 Petrovic.)

19 M. Petrovic (interprétation): Madame, je vous demanderai, s'il vous plaît,

20 de nous stipuler votre nom de famille et votre prénom.

21 Mme Najman (interprétation): Je m'appelle Ana Najman.

22 Question: Quelle est votre profession? Et pourriez-vous nous dire qu'est-

23 ce que vous êtes de profession et quel est votre domaine de

24 spécialisation.

25 Réponse: Je suis spécialisée en psychologie clinique et je suis également

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1 témoin-expert permanent pour le Tribunal.

2 Question: Pourriez-vous nous dire combien d'années d'expérience est-ce que

3 vous avez dans ce domaine d'expertise qui nous occupe aujourd'hui?

4 Réponse: J'ai 25 ans d'expérience de travail. Je voudrais souligner que

5 cela fait 10 ans que je travaille sur le département de psychiatrie au

6 sein de la prison ou de la prison médicale de Belgrade. Je traite et

7 j'examine surtout les cas de personnes qui ont commis de graves crimes et

8 qui, auparavant, avaient souffert de maladies mentales.

9 J'ai surtout agi en tant que témoin-expert sur le territoire de l'ex-

10 Yougoslavie et de la Yougoslavie présente depuis 1986 et, depuis les cinq

11 dernières années, je travaille au centre clinique médical de Belgrade qui

12 s'appelle le "Dr Dragica Misovic".

13 Je travaille au département de psychiatrie où j'ai poursuivi mon travail

14 dans le domaine de l'expertise médico-légale où je me penche sur les

15 traitements des familles avec des patients psychiatriques. Je travaille un

16 peu moins avec les adolescents, et je travaille en fait beaucoup aussi

17 avec les diverses troubles de personnalité.

18 Question: Madame, pourriez-vous nous dire si vous avez eu l'occasion de

19 témoigner devant cet honorable Tribunal dans d'autres affaires?

20 Réponse: Oui. En 1998, j'ai eu un exposé devant le Tribunal dans l'affaire

21 Dokmanovic. C'était en 1998.

22 Par la suite, j'ai également eu à intervenir ou à témoigner en l'an 2000

23 concernant Karadzic, et j'ai également témoigné dans l'affaire Krnojelac

24 en l'an 2001. Cela a été fait conformément avec la Chambre.

25 Dans le cas de M. Radic et de M. Krnojelac, j'ai travaillé de concert avec

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1 un collègue, et dans le cas de M. Radic j'ai travaillé avec M. Bernard Van

2 den Bussche qui est un psychiatre hollandais.

3 Dans le cas de M. Krnojelac, j'ai collaboré avec Mme Vera Folnegovic qui

4 est psychiatre et elle est croate, elle vient de Croatie.

5 Question: Je vous demanderai également de nous expliquer les

6 collaborateurs avec lesquels vous avez travaillé dans les deux dernières

7 affaires. Est-ce qu'il s'agit de questions qui avaient été nommées de la

8 part de l'accusation à travailler dans ces affaires?

9 Réponse: Dans le cas de M. Radic, M. Bernard Van den Bussche, donc un

10 psychiatre hollandais ou néerlandais, et moi-même, en tant que deux

11 psychologues nous avons confectionné un rapport commun. Et dans le cas de

12 M. Krnojelac, Mme Vera Folnegovic avait été nommée de la part de

13 l'accusation pour collaborer avec moi.

14 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion d'examiner l'accusé Damir

15 Dosen et de faire une expertise psychologique concernant son état?

16 Réponse: Oui, certainement. Je l'ai fait à la fin du mois de juin de cette

17 année. Je l'ai vu à trois reprises en date du 25, 26 juin et également en

18 partie le 1er juillet également. Conformément aux examens que je lui ai

19 fait faire, il a donc eu une interview-diagnostic, j'ai donc apporté mes

20 propres conclusions.

21 Question: Pourriez-vous nous décrire brièvement ce que comporte

22 l'expertise médicale qui avait été faite et que vous avez remis à la

23 Chambre en tant qu'élément de preuve de la défense?

24 Réponse: Mon expertise comprend des détails provenant de l'anamnèse que

25 j'ai considéré être pertinente, donc ce sont des détails que j'ai cru

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1 important de mentionner, surtout lorsqu'il s'agit de l'interprétation.

2 J'ai également parlé du temps et de la période de temps et des événements

3 qui ont eu lieu donc depuis son arrivée en prison. Ensuite, j'ai examiné

4 son comportement et les caractéristiques psychologiques qui l'ont marqué

5 pendant qu'il était en détention. Et tous ces détails, je les ai obtenus

6 conformément ou après avoir fait mon examen-diagnostic avec le dernier.

7 J'ai, par la suite, essayé d'appliquer des techniques psychologiques que

8 l'on utilise en psychologie lorsqu'il s'agit d'examiner la structure et la

9 dynamique de la personnalité. Ce sont des tests appliqués de façon

10 régulière en psychologie et, par la suite, j'ai donné une interprétation

11 psychologique conformément à tous les détails ou toutes les données que

12 j'ai pu obtenir par ces examens.

13 Question: J'aimerais parler de cette partie relative à l'anamnèse de votre

14 expertise. J'aimerais également vous demander de nous parler des

15 observations les plus importantes que vous avez pu conclure concernant

16 donc les caractéristiques vues de votre perspective scientifique

17 concernant donc l'accusé?

18 Réponse: Je ne voudrais pas répéter ce qui est déjà soumis par écrit, mais

19 j'aimerais néanmoins en quelque sorte souligner ces détails que je

20 considère psychologiquement important concernant son école, concernant son

21 adolescence.

22 Ce que je voudrais souligner, c'est que M. Dosen a grandi en tant

23 qu'enfant protégé. Si vous voulez, il a été surprotégé d'une certaine

24 façon, il a grandi au sein d'une famille patriarcale dans laquelle le père

25 avait le rôle principal, primordial et il est resté une autorité, une

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1 figure d'autorité respectée. Concernant son frère aîné, je peux dire qu'il

2 avait…, en fait, il se trouvait en position peut-être meilleure relative à

3 son frère et, par la suite, nous avons pu voir plus tard dans la vie, donc

4 il a grandi tout à fait normalement, mais j'aimerais souligner que jusqu'à

5 sa deuxième année, en fait, il a vécu chez sa grand-mère.

6 En psychologie, nous croyons que cela peut représenter un facteur, ce

7 n'est pas toujours nécessaire mais cela peut représenter un facteur

8 possible qui peut affecter la personnalité ou qui peut se refléter sur la

9 croissance, sur sa croissance.

10 Donc il est allé à l'école de façon discontinue, surtout lorsqu'il s'agit

11 de l'école secondaire et l'école primaire. Cela conformait aux demandes de

12 son milieu et de sa famille. Mais son père n'a jamais demandé à ce qu'il

13 termine ses études, cela n'a jamais été important. Son credo était que les

14 deux fils, et je le souligne -en fait, je souligne cela pour Damir Dosen-,

15 c'est que le père désirait que ses fils deviennent de bons citoyens, des

16 gens respectés, des gens qui travaillent fort, donc l'école n'était pas

17 primordiale au sein de sa famille.

18 Donc l'école secondaire avait été faite de façon intermittente, et à la

19 fin, je dois dire qu'il a terminé l'école secondaire de façon…, de façon

20 telle qu'il a fait des examens par la suite. Il n'a pas été à l'école de

21 façon permanente et il a pu obtenir un diplôme de métallurgiste.

22 Je voudrais dire qu'en psychologie, lorsqu'on entre à l'école secondaire

23 il y a un élément assez important que je dois souligner, c'est qu'il a

24 commencé à s'intéresser à la mécanique des moteurs. Et il aimait bien

25 également, il avait un passe-temps préféré, c'est qu'il aimait bien

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1 l'élevage des oiseaux, donc des pigeons-voyageurs, et c'était là qu'il

2 exprimait tout son amour. Et il dit lui-même que c'est peut-être l'une des

3 raisons, donc ce grand amour qu'il portait envers les oiseaux, qui a peut-

4 être fait en sorte que l'école ne l'intéressait plus tellement.

5 Question: (Hors micro.) …

6 Madame, comment est-ce que vous pourriez décrire le curriculum vitae

7 professionnel de Damir Dosen et son attitude envers le travail, dans la

8 période qui nous concerne?

9 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, dans sa famille qui avait toutes les

10 caractéristiques d'une famille typiquement patriarcale car nous savons

11 très bien ce que cela veut dire, donc ce n'était pas impératif de terminer

12 l'école; son père ne lui a jamais demandé d'obtenir des diplômes.

13 Conformément à cela, Damir Dosen a pu trouver des emplois exclusivement

14 par l'entremise de son père qui recommandait des entreprises. Par exemple,

15 il y travaillait un certain temps. Et c'était toujours des travaux qui

16 étaient physiques, des travaux physiques. Donc il ne gardait pas ces

17 travaux très longtemps et il n'est pas resté longtemps lorsqu'il

18 travaillait car ce n'est pas, ce n'était jamais des travaux ou ce n'était

19 jamais des emplois permanents, il ne pouvait pas vraiment rester là, il ne

20 pouvait pas garder ces emplois. C'est la raison pour laquelle il les

21 changeait souvent, mais c'était très souvent des postes qui ne demandaient

22 pas d'avoir un diplôme très élevé.

23 C'était également des emplois qui ne se trouvaient pas tout près de chez

24 lui; il devait se rendre à l'extérieur, je crois que c'était à Rijeka,

25 donc dans d'autres villes et il y travaillait comme employé saisonnier,

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1 donc il faisait plutôt des travaux de "col bleu".

2 Chaque fois qu'on lui présentait des possibilités, il réagissait en

3 acceptant tous les emplois qu'on lui présentait mais je n'ai pas eu

4 l'impression que c'était lui qui avait fait des démarches personnellement

5 pour trouver emplois. Je n'ai pas eu l'impression qu'il a fait de son

6 mieux pour essayer de trouver un emploi permanent.

7 Question: Est-ce qu'il y a une continuité? Est-ce qu'il y a un certain

8 ordre dans le désordre, si je puis l'appeler ainsi? Car vous dites qu'il

9 trouvait des emplois, il quittait les emplois. Comment est-ce que vous

10 pouvez décrire ce comportement?

11 Réponse: Je dirai plutôt qu'il s'agit peut-être d'une incohérence, car

12 c'est une façon de travailler un peu désordonnée. Et je dirai qu'il

13 quittait également un peu ces emplois de façon aléatoire. Il n'y a pas

14 d'ordre, il n'y a pas de caractéristiques particulières. Je n'ai pas de

15 motivation déterminée, je n'ai pas pu déterminer qu'il avait un désir de

16 trouver un emploi permanent donc c'est…

17 Cela découle de sa famille. Bien sûr, je dois le dire de nouveau que cette

18 famille était très patriarcale. Son père était le pater familias qui

19 assurait tout pour la famille. Son frère aîné, lorsqu'il s'est marié, est

20 resté vivre au sein de cette unité familiale et, par la suite, il a eu des

21 enfants et il est resté au sein de la même maison. Et par la suite, Damir

22 Dosen a fait la même chose.

23 Question: Est-ce que le fait qu'il avait des emplois à temps partiel,

24 comme ça, des emplois saisonniers et le fait en fait qu'il n'avait pas

25 trouvé un emploi permanent, est-ce que cela veut dire que, dans le sens

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1 professionnel du mot, Damir Dosen, objectivement parlant, n'avait peut-

2 être pas l'idée de poursuivre un but particulier?

3 Réponse: Oui, tout à fait. Je ne dirai pas qu'il s'agit d'une personne ou

4 d'un homme qui ne désirait pas travailler ou qu'il n'aimait pas travail.

5 Non, au contraire, il aimait travailler, mais il manquait d'initiative. Il

6 manquait également d'un désir profond de se placer quelque part.

7 Question: Nous savons très bien, grâce aux éléments de preuve que nous

8 avons déjà entendus devant cette honorable Chambre et grâce aux éléments

9 que vous avez également eus lorsque vous avez examiné les données, nous

10 savons très bien qu'en 1991 l'accusé a commencé à vivre ensemble avec son

11 épouse à ce moment-là -ou conjointe- et qu'il s'est marié en fait…, en

12 fait, il s'est marié en 1991 et que son mariage s'est terminé en 1998.

13 Est-ce que vous pourriez nous dire quelque chose concernant la nature

14 émotive de cette relation?

15 Réponse: D'après ce que j'ai pu conclure après avoir fait mon entrevue

16 psycho-diagnostic et grâce aux tests psychologiques que je lui ai fait

17 faire, je dirai que son orientation envers le sexe opposé rentre dans le

18 cadre normal d'une caractéristique tout à fait normale de l'endroit où il

19 vivait. Donc une épouse, la future épouse avec son comportement dans son

20 monde émotif à lui, avait pris une place à part, et je crois que c'était

21 la raison pour laquelle, de façon assez rapide –et je parle d'une rapidité

22 temporelle-, je dirai que c'est la raison pour laquelle il a décidé de

23 commencer de vivre avec elle.

24 Cette relation comporte des caractéristiques d'un soutien, d'une présence

25 importante qu'elle lui donnait, d'une part. Et, d'autre part, je crois que

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1 cela s'est conformé très facilement aux normes traditionnelles et à la

2 façon patriarcale dans laquelle vivait la famille, et tous les deux ont pu

3 très bien faire partie de ce qui existait déjà dans sa famille et cela

4 représente pour Damir Dosen une composante très importante, car c'est sur

5 ce champ-là, donc le choix de son épouse dès lors, et de son épouse

6 présente en fait représente un grand soutien pour lui.

7 Question: De ce que nous avons pu entendre jusqu'à présent et d'après les

8 données que vous avez pu avoir après l'entrevue que vous avez eue avec

9 lui, nous avons su que l'accusé a perdu son premier enfant quelques jours

10 après sa naissance, et ce en fait pas longtemps avant l'éclat ou le début

11 des combats. Donc je voudrais vous demander de quelle façon est-ce qu'il a

12 réagi à cette perte et comment réagit-il maintenant après que toutes ces

13 années se sont écoulées?

14 Réponse: Cette jeune famille qui a commencé leur vie commune au tout début

15 a eu à vivre l'un des stress les plus importants qui, selon certains

16 critères, sont considérés les plus grands stress d'une vie commune et cela

17 représente la perte d'un enfant. En fait, la grossesse s'est déroulée peu

18 de temps avant l'éclatement de la guerre.

19 Donc l'atmosphère en général était une atmosphère de guerre, de sorte que

20 la perte de cet enfant, qui est décédé -je crois- le 4 avril 1992 car

21 l'enfant a pu survivre quelques jours après la naissance, car c'était un

22 enfant né de façon prématurée, je crois que cela considère un stress qui,

23 de façon très spécifique, a été très difficile pour la mère et également

24 pour Damir.

25 Je dois également souligner le fait que Damir Dosen a démontré des

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1 caractéristiques de protection, il a été très protecteur envers son épouse

2 car cet acte très dramatique qu'il a fait tout seul désirant d'une

3 certaine façon la protéger émotionnellement, de la protéger du traumatisme

4 qu'il estimait qu'elle devait ressentir en tant que mère, donc lui tout

5 seul, et c'était sa question, il a vécu cet événement de façon très

6 difficile. Il a pleuré, il était très triste, il avait également le

7 sentiment d'une perte énorme au tout début de leur vie commune, mais il a

8 néanmoins tenté de faire en sorte qu'un certain équilibre existe entre

9 eux, les sentiments qu'avaient son épouse et ses sentiments à lui.

10 Question: Donc une personne telle que Damir Dosen, comment cette personne

11 réagit lorsqu'il s'agit d'autres situations de stress, d'autres situations

12 traumatisantes qui auraient pu encourir pendant cette période de temps

13 couverte par l'Acte d'accusation?

14 Réponse: Une telle personne, si l'on prend son examen, en fait après avoir

15 fait mon examen psychologique, j'ai pu conclure qu'il a toutes les

16 caractéristiques d'une vulnérabilité émotionnelle, il est insécure, il est

17 passif, il n'a pas beaucoup d'estime de soi et lorsqu'il s'agit d'une

18 situation où d'autres éléments de stress proviennent de l'extérieur ou de

19 l'intérieur, je dois dire que tous les éléments que j'ai énumérés ne sont

20 qu'augmentés par ce sentiment de dépression, d'être complètement

21 inadéquat.

22 Et Damir Dosen lorsqu'il était confronté à ces événements traumatisants,

23 et ce qui est caractéristique chez lui c'est le fait qu'il exprime de

24 façon un peu trop exagérée, exagérée pour les observateurs externes, il a

25 commencé à avoir des problèmes psychosomatiques; c'est-à-dire il a

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1 commencé à vomir, il avait des problèmes gastro-intestinaux, il avait

2 également des problèmes de mal de cœur, il souffrait d'insomnies, et donc

3 il souffrait de toutes sortes de maladies psychosomatiques, et il lui

4 arrivait d'avoir des crises d'anxiété également. Donc tous les éléments

5 qui provenaient de l'extérieur et qui occasionnaient en lui un très grand

6 stress, un stress profond, ne lui permettaient, ne permettaient pas à

7 cette hypersensibilité, cette émotivité particulièrement vulnérable et

8 -selon certains segments- peut-être une vulnérabilité un peu immature, il

9 n'a pas su gérer le tout.

10 En psychologie, nous parlons de cela…

11 Question: Pourriez-vous ralentir un petit peu, s'il vous plaît?

12 Réponse: En psychologie, nous appelons ce comportement…, en fait,

13 lorsqu'il s'agit de stress extérieurs qui sont conjugués avec les stress

14 intérieurs, lorsque ces deux stress sont combinés et sont tellement forts

15 que les capacités psychologiques dont dispose la personne ne sont pas

16 suffisants pour que cette personne puisse gérer le tout d'une façon

17 psychosociale et n'est pas en mesure d'adapter ou d'évaluer le tout.

18 Question: Lors de votre entrevue et dans la partie de l'anamnèse de votre

19 entrevue, avez-vous parlé d'événements spécifiques qui sont survenus dans

20 le laps de temps qui ne couvre pas l'Acte d'accusation, donc survenus

21 après les périodes couvertes par l'Acte d'accusation et qui pourraient

22 nous dire que l'accusé a pu réagir de façon similaire à ce que vous nous

23 avez déjà décrit auparavant?

24 Réponse: Eh bien, je crois que nous pouvons parler de la situation qui est

25 encourue lorsqu'il s'était rendu pour faire son obligation militaire. Je

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1 ne suis pas une experte dans le domaine, donc je peux peut-être faire

2 erreur en me servant de cette terminologie, mais après ce grand stress,

3 après l'anticipation de quelque chose de très désagréable qu'il savait

4 l'attendre car il avait déjà eu une situation traumatique auparavant, il

5 avait commencé à boire et donc il s'est fait beaucoup de tort avec ce

6 genre d'approche.

7 Il y a également une autre situation qui est liée, je crois, aux combats,

8 aux conflits qui ont eu lieu sur l'une des parties du territoire couvertes

9 par son obligation de travail, il s'agissait là d'une quantité de stress

10 qu'il a pu vivre et qui était énorme, et donc la quantité de toutes les

11 scènes désagréables qu'il a pu voir et tout ce stress extérieur était tel

12 que cela a culminé et a fait en sorte qu'il ait perdu complètement le

13 contrôle.

14 Donc tous les éléments que j'ai énumérés un peu plus tôt, je crois qu'à ce

15 moment-là ils se sont exprimés dans une certaine façon. De façon

16 psychologique et de façon psychiatrique, je crois que son cas s'était

17 aggravé, donc il a été hospitalisé pendant un certain temps et je crois

18 qu'il prenait des médicaments. Il suivait donc une thérapie

19 médicamenteuse, je l'ai déjà mentionné dans mon rapport écrit, pour

20 pouvoir contrôler le tout.

21 Question: Est-ce que vous parlez d'une perte de contrôle? A quoi pensez-

22 vous exactement?

23 Réponse: Lorsque je parle d'une perte de contrôle, je parle exclusivement

24 en fait de la perte d'un contrôle émotif et de l'impossibilité d'établir

25 un équilibre entre ce que le patient ressent et sa capacité de sa propre

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1 personnalité qui reste qu'il devrait être en mesure de gérer. Chez Damir

2 Dosen, je peux dire que cela était très marquant.

3 Je crois qu'il a eu un déséquilibre très important chez lui car les

4 événements étaient très traumatisants et beaucoup plus traumatisants

5 lorsqu'on parle de quantité et de qualité alors que ses capacités

6 psychologiques étaient très faibles. Et il n'a pas su garder le tout dans

7 un état de compensation d'équilibre adéquat.

8 Et je pense qu'à cette époque-là il a dû prendre également des

9 médicaments. Cela échappe évidemment à mon domaine mais j'ai pu me rendre

10 compte lesquels médicaments avaient une action calmante. Et on peut

11 s'attendre, que, moyennant de tels médicaments, un individu ce genre-là

12 peut être considéré comme "compensé", relativement "compensé" dans le sens

13 psychologique du terme.

14 Question: Comment pourriez-vous décrire la façon donc Damir Dosen

15 fonctionne depuis le moment où la guerre éclate et la guerre prend fin et

16 jusqu'au moment où il a été arrêté?

17 Ma question concerne la manière dont fonctionnait l'accusé depuis l'époque

18 de la guerre jusqu'au moment de son arrestation. Je crois que ceci a été

19 interprété d'une autre manière qui serait susceptible de modifier la

20 signification de ma question.

21 Réponse: Je crois que pour parler de son côté fonctionnel, son côté

22 fonctionnel se présentait bien pour ainsi dire et se trouvait toujours en

23 fonction de ce qu'il lui fallait faire en famille et puis sur son lieu de

24 travail. Pour une période donnée, il a tout à fait été dysfonctionnel,

25 passif, isolé, se repliant sur lui-même, restant à la maison, incapable de

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1 travailler.

2 Moi, il me semble qu'il s'agit d'une donnée que j'ai pu repérer concernant

3 l'année 1998, cette année étant caractérisée par le fait que le sujet n'a

4 pas été capable de travailler. Du point de vue psychologique, il n'a pas

5 été motivé. Il s'est retiré dans une espèce de fonction qui ne serait pas

6 autre que celle évidemment de caractère familial.

7 Question: L'accusé se trouve depuis 19 mois en détention. Pouvez-vous nous

8 dire quelque chose au sujet des caractéristiques et de la manière dont se

9 rend conforme l'accusé avec le milieu dans lequel il se trouve évidemment,

10 comme je viens de le dire, depuis presque deux ans.

11 Réponse: Bien entendu, le fait d'arrestation est un choc pour Damir Dosen.

12 Cet acte, comme tel, a fait activer certaines des caractéristiques

13 psychologiques de sa personnalité et dont j'ai parlé tout à l'heure. Ce

14 que je voulais dire pour ma part, c'est que, autant que j'ai pu me rendre

15 en compte au cours des trois rencontres que j'ai eues avec Damir Dosen, il

16 est plutôt de dispositions sous-dépressives, apathiques prêt à fondre en

17 larmes, à pleurer. De temps en temps, il est capable de dépasser ces états

18 de tristesse et d'affliction.

19 Et ce qui me semble caractéristique pour lui, c'est qu'il n'a pas de

20 vision quant à ces activités à entreprendre à l'avenir. Il est incapable

21 d'entreprendre quoi que ce soit en ce moment-ci. Il ne peut pas organiser

22 sa vie et semble se laisser aller à la spontanéité, dans la situation dans

23 laquelle il se trouve actuellement. Par exemple, pour ce qui est de sa

24 participation à des activités sportives ou d'autres, du genre de la

25 récréation, qui sont mises à la disposition des détenus, cela semble

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1 plutôt être des activités ad hoc.

2 D'un moment à l'autre, il semble plutôt préoccupé par des événements

3 somatiques qui le dominent et qui sont successifs et qui ne font que se

4 succéder en fait. Donc il manque d'énergie pour pouvoir penser à la façon

5 dont il doit vivre ici. Quand je dis "penser", c'est qu'il doit pouvoir

6 s'adonner à la lecture, à l'étude de langues étrangères ou à des activités

7 sportives, etc..

8 Question: L'accusé vous a dit que pendant qu'il était en détention, il a

9 perdu son père. Peut-on dire quelque chose là-dessus pour parler de la

10 réaction qui était la sienne, étant donné cette importante perte dans sa

11 vie?

12 Réponse: Pour cela, je peux dire qu'il s'agit d'un second événement

13 traumatisant qui lui est arrivé. Ce qui est surtout significatif c'est que

14 physiquement in situ, il ne pouvait pas partager son affliction due à la

15 perte de son père, il ne pouvait donc pas la partager avec quelqu'un.

16 Le fait de le voir triste, le fait de le voir manifester sa tristesse, il

17 est capable de le dénier. Il n'est pas en mesure évidemment d'appréhender

18 cette tristesse. Il est prêt à nier, il est prêt à refouler cette

19 tristesse, la laissant pour quelqu'un d'autre, pour plus tard, espérant

20 pouvoir partager tout cela avec quelqu'un d'autre et pouvoir la réaliser,

21 cette tristesse.

22 Question: Quelques mois après son arrestation, l'accusé est devenu père,

23 il a un fils. Comment interprétez-vous cet événement? Comment est-ce que

24 vous avez pu le décrire en présentant les résultats de votre examen?

25 Réponse: Nous tous, nous supposons que ceci devrait être un événement

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1 heureux mais je me dois de faire tout de suite un parallèle psychologique

2 quant à ce rapport.

3 La première et la troisième grossesse de sa femme se sont passées dans des

4 circonstances traumatisantes. D'abord, une première grossesse s'est passée

5 juste avant la guerre; la délivrance elle-même et la perte du bébé étaient

6 traumatisantes. La troisième grossesse était liée au début même de sa

7 détention; par conséquent, cette grossesse a évolué dans cette situation

8 de séparations des deux conjoints, ce qui est évidemment laisse supposer,

9 du point de vue humain et psychologique, que c'était une grossesse à haut

10 risque et traumatisante comme telle. Le fait même, l'acte même est décrit

11 par Damir avec assez de tristesse mais avec assez de bonheur et de

12 satisfaction. Mais ce qui est caractéristique encore, je dirai, c'est

13 qu'il ressent, étant donné qu'il est séparé de sa famille et de ses

14 enfants, il ressent comme une nécessité de ne plus souffrir. Cela lui fait

15 mal. Et je dirai, du point de vue émotionnel, il me semble qu'à un moment

16 donné il a dû dire à sa conjointe que, pour un certain temps, elle ne

17 devait pas venir avec ses enfants, elle ne devait pas emmener ses enfants

18 mais qu'elle devait venir toute seule car cela lui faisait très mal le

19 fait de se séparer une fois de plus et toutes les fois de ses enfants.

20 Notamment, de ce petit qui est né pendant qu'il était en détention. Il

21 s'en trouve, en quelque sorte, sevré et séparé à tel point; et étant donné

22 la force et la quantité de ses souffrances, il est plutôt prêt à se priver

23 de ce sentiment de bonheur qu'il pourrait avoir de le rencontrer ici parce

24 qu'il semble tout simplement être dépassé par ce sentiment.

25 Question: Essayons de passer à un second volet de votre expertise, et dans

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1 ce sens-là, je voudrais savoir comment -d'après vous- se passait cet

2 examen, dans quelles circonstances et à quel résultat avez-vous pu

3 aboutir?

4 Réponse: Monsieur Dosen a été informé de ma venue, il était préparé à

5 faire des tests, à avoir des entretiens avec un expert mais ceci n'a pas

6 diminué pour autant ce sentiment d'anxiété et d'insécurité au début même

7 des tests. Incessamment, il voulait se faire soutenir dans ce qu'il

8 faisait et faisait preuve de faiblesse, dans ce sens où il me faisait

9 comprendre qu'il ne pouvait pas tenir le coup jusqu'au bout, qu'il était

10 fatigué -cela étant plutôt une fatigue psychologique et pas physique, et

11 qu'il était conscient du fait qu'on s'attendait de lui à faire quelque

12 chose et il ne pouvait pas être de taille à le faire.

13 Pour parler de l'ensemble de ces examens, de cette interview, je dirai que

14 tout ceci a été suivi évidemment d'expressions de tristesse et de larmes,

15 comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque nous avons parlé d'événements

16 auxquels je me suis référé tout à l'heure et que je n'aimerais plus mettre

17 en relief.

18 Pour parler de ces travaux, au cours des tests, je crois que la manière

19 dont il a coopéré a été tout à fait satisfaisante. Nous avons prévu tout

20 ce qu'il convenait de faire pour prévoir toutes les situations possibles,

21 sa motivation a été oscillante en quelque sorte, mais je crois qu'il a été

22 stimulé par le fait même qu'il nous a fallu bien nous acquitter de cette

23 tâche. Et c'est grâce à ce stimulant qu'il continue toujours de l'avant.

24 Question: Sur la base des méthodes que vous avez appliquées, quelles

25 seraient les caractéristiques principales de la personnalité de l'accusé

Page 5379

1 Damir Dosen d'après vous?

2 Réponse: Sur la base de l'interview psychodiagnostic, sur la base des

3 résultats obtenus aux tests, je peux dire que Damir Dosen est, du point de

4 vue de la structure de sa personnalité, un névrosé présentant des éléments

5 hypocondriaques, des éléments de dépression et d'une symptomatologie qui a

6 trait plutôt à des états convulsifs. Ses forces de défense étant plutôt

7 très faibles, avec cela il est hypersensible, il est suspicieux,

8 vulnérable du point de vue émotionnel et il fait preuve d'une

9 désorganisation cognitive dans une certaine mesure, de même qu'il

10 manifeste une anxiété qui, évidemment, fait surface toujours.

11 Outre les résultats obtenus aux tests et ce dont je suis de parler, il

12 s'agit du test MMPI-201, le test de Machover, c'est-à-dire suivant les

13 figurines, le test de Baum c'est-à-dire dessin, faire du dessin d'après ce

14 test, le test Rorschach également témoignent de ce que j'ai dit tout à

15 l'heure, pour parler du côté tout à fait visible et manifesté au cours de

16 l'observation du sujet Damir Dosen.

17 Le fait qu'il est préoccupé par des douleurs et problèmes somatiques est

18 fort exprimé. Sur l'échelle MMPI, il s'agit d'un coefficient de 106, ce

19 qui est très élevé par rapport à 70 qui serait une valeur tolérante. Par

20 conséquent, il lui reste très peu d'énergie pour qu'il s'occupe évidemment

21 de quelque chose de constructif, pour répondre aux sensations qui affluent

22 chez lui. Ce traumatisme, en proie auquel il se trouve, le finit en

23 quelque sorte et le piétine en quelque sorte, c'est-à-dire que c'est à

24 cause de ce traumatisme qu'il présente toujours des complaintes. Cela dit,

25 ces complaintes qui sont les siennes trouvent un bien-fondé dans les

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1 résultats objectifs, tels le cas par exemple de certaines infections qu'il

2 avait contractées mais trouvent également un bien-fondé dans le fait qu'il

3 a des vomissements, des douleurs stomacales, qu'il souffre d'insomnies. Il

4 est -comme je l'ai dit- très anxieux, il a également une vulnérabilité

5 émotionnelle assez importante qui, évidemment, à l'observation seule sera

6 présente.

7 J'aimerais parler également de cette dimension dépressive qui me semble

8 soulignée ici, notamment lorsque souvent il pleure et lorsque ce dont il

9 parle lui semble traumatisant. A tel point qu'il n'est pas en mesure de

10 prendre, de s'en démarquer, de prendre des réserves pour rétablir un

11 certain équilibre.

12 Dans le test de MMPI, encore une fois par rapport à la valeur de 70 qui

13 est une valeur tolérable, il a fait preuve de 112, de la valeur de 112, ce

14 qui est très fort. Ce que nous pouvons expliquer, c'est que pour parler de

15 matériel, selon Rorschach, lorsqu'il doit faire des projections et

16 dessiner des plans, il a été ému à tel point que nous avons eu du mal à

17 finir le test. Mais, rien que pour le dire en une phrase, je dirai pour ma

18 part que Rorschach a permis de prouver ce sentiment d'affliction, le

19 sentiment de malheur et de désespoir et, définitivement, le sentiment de

20 peu d'estime qu'il a pour lui-même.

21 Question: Est-ce que vous avez trouvé certains indices qui pourraient

22 peut-être témoigner d'agressivité ou d'une possessivité quelconque dans

23 une situation donnée?

24 Réponse: Non, je n'en ai pas trouvé. Mais pour parler du test MMPI, il y a

25 une échelle traitant de l'agressivité qui, objectivement, serait fort

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1 élevée. et évidemment l'état impulsionnel également aurait été élevé si ce

2 cas se présentait chez lui.

3 Question: Que pourriez-vous dire des capacités organisationnelles de

4 l'accusé tant au plan individuel qu'au plan extérieur dirai-je, c'est-à-

5 dire lorsqu'il est ouvert au monde?

6 Réponse: Ce que l'évaluation psychologique qui est la mienne nous permet

7 de dire, c'est que pendant plusieurs années Damir Dosen s'est trouvé

8 préoccupé de troubles somatiques, de ces problèmes auxquels il n'arrive

9 pas évidemment à mettre un terme, étant donné encore tous ces autres

10 éléments traumatisants dont je viens de parler. Or, il lui reste peu de

11 potentiel énergétique pour qu'il puisse s'organiser d'une façon tout à

12 fait virtuelle.

13 Cela dit, je pense que sa capacité d'organisation cognitive se trouve,

14 dans une large mesure, compromise par tous les différents facteurs de sa

15 personnalité tels qu'il les a présentés et dont je viens parler tout à

16 l'heure.

17 Question: Peut-on dire de lui que c'est un homme qui a une idée de ce qui

18 devrait se passer dans sa vie, ou peut-être s'il peut anticiper sur ces

19 événements en quelque sorte, les événements de sa vie?

20 Réponse: Ce que les tests ont permis de voir et ce qui correspond à

21 l'évaluation psychologique qui est la mienne, et ce qui ferait également

22 le résultat de l'analyse longitudinale de sa biographie, c'est qu'il n'a

23 pas vraiment une idée vers laquelle il tend, non plus qu'il n'a d'objectif

24 clairement présenté. Il est préoccupé plutôt de quotidien au lieu d'être

25 préoccupé de quelque chose qui serait l'impératif, qui serait de l'ordre

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1 professionnel ou familial.

2 Question: Comment Dosen répond-il à l'autorité? Quels sont ses réactions?

3 Réponse: Je vous ai déjà mentionné qu'il a grandi dans le cadre d'une

4 famille patriarcale, dès le bas âge il a grandi dans cette situation

5 d'obéissance et de réception de toute d'autorité, étant donc dans une

6 passivité, dans l'impossibilité d'autoévaluation et je dirai même dans la

7 situation d'une infériorité émotionnelle relative, lui donc appréhende

8 l'autorité et obéi enfin à l'autorité.

9 Question: Je vous prie de nous parler un peu de l'évaluation qui était la

10 vôtre, pour dire si une personnalité ainsi structurée présente des

11 capacités quelconques d'un leader ou d'un chef de file dans n'importe quel

12 domaine de vie ou de travail qui serait le sien?

13 Réponse: Je serais plutôt prête à répéter ce que j'ai dit tout à l'heure,

14 à savoir l'analyse longitudinale de sa biographie, l'exploration

15 psychologique de la personnalité et ce dont nous pouvons nous rendre

16 compte nous-mêmes, ce qui nous permet de voir que l'évaluation des tests

17 cliniques concourt à dire qu'il y a là peu d'éléments ou presque pas

18 d'élément du tout pour dire qu'il serait prêt à des leaderships

19 quelconques, prendre des initiatives en tant que chef ou de se mettre au

20 premier plan en quoi que ce soit.

21 Juste une petite illustration: une personne ainsi caractérisée et dont les

22 traits de personnalité et de structure ont été décrits tout à l'heure, si

23 cette personne-là en possédait, elle serait plutôt prête à sortir de la

24 maison de son père, elle se serait mariée, elle aurait engagé telle ou

25 telle activité pour s'occuper de sa famille de la façon qui serait la

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1 sienne. Et, évidemment, cette personne-là serait ou aurait pu être capable

2 de poursuivre son propre objectif, à titre d'illustration pour ne pas

3 m'étendre là-dessus.

4 Question: En résumé, s'il vous plaît, de ce que nous sommes en train de

5 parler, comment, en somme totale de ce que l'on vient de dire, pouvez-vous

6 décrire la personnalité de Damir Dosen?

7 Réponse: Damir Dosen est une personne qui présente des caractéristiques

8 passives, dominantes. C'est un névrosé dont les capacités d'adaptation

9 hypersensibles sont faibles. Il est dominé par des états d'âme dépressifs,

10 par le sentiment d'affliction, par l'insécurité, par un degré très bas

11 d'appui sur soi et d'estime de soi-même et par une impossibilité de

12 s'autoévaluer, par une organisation cognitive fort compromise de sa

13 personnalité. Ce qui se traduit quotidiennement et dont nous pouvons nous

14 rendre compte en le suivant dans sa vie quotidienne, la vie dans laquelle

15 il se trouve en ce moment-ci, et ce qui se reflète sur la structure de sa

16 personnalité, qui se reflète sur les capacités dont il dispose.

17 Ce que nous ne devons pas laisser de côté, c'est le fait qu'il y a lieu de

18 signaler un certain cumul d'événements et de faits traumatisants qu'il n'a

19 toujours pas pu appréhender ni à réaliser de façon adéquate.

20 Voilà la raison pour laquelle, je pense que son état d'âme dépressif ne

21 fait que grandir actuellement.

22 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie. Je

23 n'ai plus de questions pour ce témoin.

24 Avec cela, je prie d'admettre et de verser au dossier le rapport ici

25 présenté en tant qu'élément de preuve déposé par le conseil de la défense.

Page 5384

1 M. le Président (interprétation): Oui. Pouvons-nous avoir la cote, s'il

2 vous plaît, de cette pièce à conviction?

3 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de D19/2.

4 M. Ryneveld (interprétation): Mon estimé collègue souhaite-t-il faire

5 verser au dossier également la biographie du témoin-expert joint à ce

6 rapport? J'ai ici un exemplaire où nous pouvons lire que la biographie du

7 témoin s'y trouve jointe. Je ne peux pas le constater.

8 M. le Président (interprétation): Quelle est la situation en ce qui

9 concerne ce curriculum vitae, Maître Petrovic?

10 M. Petrovic (interprétation): Oui, bien sûr, Monsieur le Président, la

11 biographie devrait y être jointe. Si tel n'est pas le cas, je m'en excuse,

12 ce sera le cas certainement. Je crois pouvoir dire qu'elle se trouvait en

13 annexe de la biographie. Peut-être au cours du processus de distribution…

14 Voilà, mon collègue Londrovic me rappelle, de justesse, qu'il en a une de

15 ces annexes.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Le curriculum vitae sera

17 rattaché ou joint au document.

18 Est-ce que vous avez des questions, Maître Londrovic?

19 M. Londrovic (interprétation): Non.

20 M. le Président (interprétation): Sir Lawrence?

21 Sir Lawrence (interprétation): Non.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, c'est à vous.

23 (Contre-interrogatoire du témoin-expert, Mme Ana Najman, par M. Ryneveld)

24 M. Ryneveld (interprétation): J'ai quelques questions à poser au témoin.

25 Madame le Témoin, vous nous avez dit que vous êtes psychologue et vous

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1 vous qualifiez vous-même d'expert auprès des tribunaux. Est-ce que vous

2 avez une expérience en matière de psychologique médico-légale ?

3 Mme Najman (interprétation): Oui.

4 Question: Et d'après ce que je crois savoir, il y a pas mal de temps que

5 vous avez ce genre d'activité et vous avez témoigné dans beaucoup

6 d'affaires, aussi bien dans ce Tribunal que dans l'ex-Yougoslavie. C'est

7 la quatrième fois que vous comparaissez ici même pour déposer, n'est-ce

8 pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que votre titre c'est "Docteur Najman"?

11 Réponse: Non, je ne suis pas médecin, je suis psychologue.

12 Question: Madame, je souhaiterais savoir si vous convenez avec moi qu'en

13 général et du point de vue professionnel, vous travaillez le plus souvent

14 avec des psychiatres, en consultation avec des psychiatres et d'autres

15 professionnels qui vous permettent d'obtenir la totalité des éléments

16 relatifs à un sujet, l'historique de son cas?

17 Réponse: Excusez-moi, est-ce que vous voulez dire…, vous voulez parler du

18 travail que j'ai accompli pour ce Tribunal et en général?

19 Question: Non. En général, je parle d'un cas idéal. J'imagine que vous

20 essayez de faire appel à tous les professionnels de santé possible qui

21 vous permettront de préparer des rapports pour avoir des entretiens et

22 ensuite comparer éventuellement les résultats que vous obtenez avec leurs

23 résultats?

24 Réponse: Probablement.

25 Question: Est-ce que vous conviendrez également que plus les informations

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1 sont exhaustives au sujet d'un patient ou d'un sujet, plus le niveau…

2 Enfin, je me reprends.

3 Plus la qualité des informations dont vous disposez est bonne, plus la

4 qualité du rapport sera bonne? Est-ce que vous conviendrez avec moi de ce

5 fait sur le principe?

6 Réponse: Oui. Sur le principe, oui.

7 Question: Donc j'imagine que si vous aviez la possibilité, vous

8 souhaiteriez vous entretenir avec les membres de la famille de la personne

9 en question, ses anciens collègues, ses camarades de classe, etc., pour

10 vous faire une idée, pour dessiner une sorte de profil social de cette

11 personne avant d'établir votre rapport définitif. Est-ce bien exact?

12 Réponse: Il s'agit là de ce qu'on appelle "les informations extérieures".

13 Ce sont des informations qui, bien entendu, sont utiles si elles sont

14 disponibles mais elles ne sont pas essentielles. Elles ne sont pas

15 indispensables pour rédiger un rapport sur le profil psychologique du

16 sujet.

17 Question: Est-ce que je dois en déduire que ce type d'informations

18 externes vous n'en avez pas disposé en l'espèce?

19 Réponse: Je ne vois pas de quelles informations supplémentaires vous

20 parlez, précisément.

21 Question: Je vais être précis. Est-ce que, par exemple, vous avez eu la

22 possibilité de vous entretenir avec certains membres de la famille de M.

23 Dosen?

24 Réponse: Non. Hier, je me suis entretenu pendant 15 à 20 minutes avec le

25 frère de M. Dosen, mais ceci s'est fait après mon rapport et donc

Page 5387

1 n'affecte en rien les conclusions écrites que j'ai faites au Tribunal.

2 Question: Est-ce que vous vous êtes entretenue avec d'anciens camarades de

3 classe, d'anciens professeurs de M. Dosen?

4 Réponse: Non.

5 Question: Est-ce que vous avez parlé à des personnes avec qui il aurait

6 entretenu des relations par le passé quelles qu'elles soient?

7 Réponse: Non.

8 Question: Est-ce que vous avez rencontré d'anciens employeurs de M. Dosen?

9 Réponse: Non.

10 Question: Est-ce que vous avez parlé à des gens qui, dans l'armée, ont été

11 ses supérieurs hiérarchiques ou ses subordonnés?

12 Réponse: Non.

13 Question: Plutôt que de continuer indéfiniment cette liste, je suis sûr

14 que maintenant vous comprenez où je veux en venir. En fait, la source

15 Dosen…, c'est ce que vous a dit M. Dosen lui-même, n'est-ce pas, le sujet?

16 Réponse: Oui, effectivement.

17 Question: Donc lui, c'est la seule source d'informations qui vous a permis

18 de préparer votre rapport?

19 Réponse: Non, pas aussi directement, c'est pourquoi nous précisons bien

20 ici qu'il s'agit des détails de l'anamnèse que nous avons reçue de la part

21 du sujet et que nous recevons de la part des sujets dans tous les cas.

22 Ensuite, ces informations, nous les inscrivons dans un cadre, une

23 évaluation, un psycho diagnostic clinique.

24 Il y a également tous les résultats de tous les tests, de tous les examens

25 que nous lui faisons subir, et toutes les informations que nous avons

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1 recueillies dans le cadre de notre carrière, du fait de notre expérience.

2 Et entre en compte évidemment tout ce qui ressort des recherches

3 effectuées, de la littérature spécialisée.

4 Question: Madame Najman, je sais qu'il y a tout un processus qui est

5 utilisé, qui est reconnu, qui est normalisé, des tests etc., je sais bien

6 que vous connaissez la chose et ce n'est pas ce que je conteste, mais moi

7 ce que je vous demande, si oui ou non les informations que vous avez

8 utilisées venaient ou non exclusivement du sujet que vous avez examiné, à

9 savoir M. Dosen, vous n'avez reçu aucune information venant de l'extérieur

10 pour corroborer ces informations-là?

11 Réponse: C'est exact, je n'ai pas eu d'informations externes.

12 Question: Est-ce que vous conviendrez avec moi, Docteur, que pendant

13 toutes les années où vous avez pratiqué, les sujets qui se trouvent dans

14 un contexte médico-légal, qui se voient reprocher des actes criminels

15 graves, ces sujets donc savent bien que vous êtes psychologue et vous êtes

16 sur le point de préparer un rapport qui va être remis au Tribunal qui va

17 les juger. Ces sujets savent pertinemment qu'il en est ainsi, n'est-ce

18 pas, il faut que vous répondiez pour que l'on vous entende et que l'on

19 puisse vous traduire.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-il exact que, dans le cas présent, M. Dosen savait

22 pertinemment et pourquoi vous étiez là?

23 Réponse: Oui, il savait qui j'étais et savait pourquoi j'étais là, à sa

24 manière il avait sa propre idée sur la question.

25 Question: Dans votre expérience, dans ce genre de situation, les sujets

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1 ont souvent tendance à se présenter sous le jour le plus favorable

2 possible, c'est naturel n'est-ce pas dans ces circonstances?

3 Réponse: Oui, effectivement. C'est normal c'est naturel, mais il existe

4 des techniques que nous utilisons et qui nous permettent de voir si cela

5 est le cas ou non. Je vais essayer d'être plus précise dans l'échelle

6 d'évaluation MMPI, il y a une échelle ou un indice de mensonge qui ne

7 permet pas vraiment de dire si la personne en question ment, mais si le

8 profil que nous sommes en train de dessiner est réel et véridique, c'est-

9 à-dire on peut savoir s'il se présente sous un jour trop favorable,

10 embelli, disons ou si cela correspond à la réalité, troisième possibilité,

11 est-ce qu'il essaie d'intensifier, d'insister les aspects pathologiques de

12 sa personnalité, cela existe également. Ici dans le cas qui nous

13 intéresse, j'en ai conclu que ses propos… qu'il n'allait pas dans le sens

14 du mensonge, donc j'ai écarté les autres possibilités, et pendant les

15 trois jours où je l'ai examiné, son comportement ne correspondait pas à ce

16 que vous évoquez aujourd'hui, ça aussi c'est également un signe qui me

17 permet de dire que ce que vous envisagez n'était pas le cas ici.

18 Question: Madame Najman, en dépit de ces tests qui vous permettent de dire

19 s'il y a des incohérences ou non dans les informations qui vous sont

20 communiquées par le sujet, quoiqu'il en soit, je suis sûre que vous

21 reconnaîtrez qu'il arrive que des sujets que vous avez examinés aient pu

22 vous induire en erreur, vous tromper. Est-ce que cela n'existe pas

23 parfois, les psychologues sont induits en erreur, sont trompés par les

24 personnes qui les examinent? Est-ce que nous attendons une interprétation

25 de votre part?

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1 Réponse: C'est-à-dire que je n'ai pas très bien compris ce que vous

2 vouliez dire.

3 Question: Je regarde l'horloge et je vais vous poser une question et, si

4 la Chambre le veut bien, je continuerai ensuite.

5 Mais ce que je voulais savoir, est-ce que l'expérience ne vous a pas

6 montré, est-ce que votre pratique même si vous utilisez les informations

7 qui vous sont communiquées au mieux, même en utilisant ces tests, il y a

8 quand même des cas où un sujet est en mesure de tromper la personne qui

9 l'examine?

10 Je parle ici des informations que le sujet communique à la personne qui

11 l'examine.

12 Réponse: De manière générale, oui c'est toujours possible. Mais je ne

13 dirai pas que c'était le cas précis. Si votre question est une question de

14 nature générale, oui.

15 Question: Je vous ai posé une question qui, de nature générale, est une

16 question générale avant que le Président ne nous demande d'observer la

17 pause. Est-ce que vous conviendrez que la psychologie n'est pas une

18 science exacte comme la physique ou les mathématiques, mais que c'est

19 plutôt un art qui n'est pas tout à fait précis?

20 Réponse: Je ne dirai pas que ce n'est pas précis ou inexact mais la

21 psychologie, de toutes façons, ce n'est pas les mathématiques, ce n'est

22 pas la physique. Mais il y a un certain nombre de dispositifs qui

23 permettent de vérifier des informations et sur la base des sources de la

24 théorie et de l'observation, on peut s'exprimer avec beaucoup de

25 probabilités, à un haut degré de probabilité. Il en va de même en

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1 psychiatrie. Ce sont des disciplines de ce genre.

2 M. le Président (interprétation): Fort bien, Monsieur Ryneveld. Nous

3 allons faire la pause.

4 Mais auparavant, Maître Petrovic, hier nous vous avions demandé de nous

5 remettre une liste des témoins qui restent encore de votre côté.

6 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

7 ce document a été remis au Greffe. Il s'agit d'une deuxième liste des

8 témoins révisée. Je suis un peu surpris de voir que cette liste ne vous

9 ait pas encore été communiquée. Moi-même, j'ai trouvé cette liste dans mon

10 casier et elle portait le numéro de référence du Greffe.

11 M. le Président (interprétation): Combien de témoins avez-vous encore à

12 voir?

13 M. Petrovic (interprétation): Eh bien, demain et lundi, un psychiatre, un

14 autre témoin expert et peut-être un ou deux témoins sur les faits. Je

15 crois que nous pourrons en terminer lundi.

16 M. le Président (interprétation): La Chambre souhaite ardemment que tout

17 le temps qui est mis à votre disposition soit utilisé au mieux. Nous ne

18 voulons pas de grands laps de temps qui s'écoulent et qui soient perdus

19 entre les témoins. Par exemple, aujourd'hui, si nous en terminons avec la

20 déposition de ce témoin, il faudrait mieux utiliser le temps qui est le

21 nôtre. Est-ce que, à ce moment-là, vous auriez un témoin, un autre témoin,

22 si nous en terminons aujourd'hui avec l'audition de ce témoin?

23 M. Petrovic (interprétation): Aujourd'hui, nous ne travaillons jusqu'à la

24 pause déjeuner, et nous avons l'attention d'en terminer avec la déposition

25 de Mme Najman, et nous avons prévu d'entendre le témoin sur la police

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1 demain. Et je pense que cela prendra toute la journée, nous avons nous-

2 mêmes beaucoup de questions à lui poser.

3 Ensuite lundi, nous pensons pouvoir en terminer avec l'audition d'un

4 témoin qui arrive samedi, et puis le témoin sur les faits. Je ne peux pas

5 savoir combien de temps va durer le contre-interrogatoire ici, mais je

6 pense que nous terminerons peut-être une demi-heure avant la fin de

7 l'heure prévue, cela dépend du contre-interrogatoire.

8 (Les Juges se concertent sur le siège.)

9 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est la liste définitive des

10 témoins?

11 M. Petrovic (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): En êtes-vous certain?

13 M. Petrovic (interprétation): Oui. Je vous prie de m'excuser au sujet des

14 modifications dans la liste des témoins, mais ceci s'est produit après un

15 réexamen de notre part de l'affaire et puis nous avons rencontré un

16 certain nombre de difficultés logistiques pour faire venir des témoins,

17 donc tout ceci a été influencé par des circonstances externes.

18 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas encore vu la liste, mais je

19 vais être franc: si par exemple, vous aviez l'intention que l'accusé

20 dépose, ceci entraînerait une modification complète du calendrier, de

21 notre calendrier.

22 M. Petrovic (interprétation): Non, Monsieur le Président. Ce n'est pas

23 notre intention, si nous avions eu cette intention, nous vous l'aurions

24 fait savoir. Donc vous pouvez être sûr que ce n'est pas notre intention.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Petrovic.

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1 Madame Najman, nous allons faire une pause jusqu'à 11 heures 30. Pendant

2 cette pause, vous ne devez parler de votre déposition avec personne, y

3 compris les membres de l'équipe de la défense.

4 Nous reprendrons à 11 heures 35.

5 (L'audience, suspendue à 11 heures 06, est reprise à 11 heures 41.)

6 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld, c'est à vous.

7 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 Madame Najman, je n'ai pas énormément de questions à vous poser. Un

9 certain nombre de questions cependant pour préciser certains points.

10 Précédemment, je vous ai posé une question au sujet du fait que vous

11 n'aviez aucune source d'information externe pour établir votre rapport. Et

12 là, je parlais de personnes, d'individus, de personnes individuelles mais

13 je voudrais être très précis. Est-ce que vous avez également pu consulter

14 des dossiers, de quelque nature que ce soit?

15 Est-ce que vous attendez la fin de la traduction ou…?

16 Mme Najman (interprétation): Oui. Je le précise d'ailleurs à la première

17 page de mon rapport. J'ai précisé que j'avais eu accès à un certain nombre

18 de dossiers médicaux, de documents médicaux. Je l'ai ici, le document

19 serbo-croate. Il s'agit des conclusions d'un psychologue du 31 octobre

20 1995, il y également une lettre de sortie.

21 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de

22 m'excuser, nous avons la traduction des documents et si l'accusation

23 souhaite avoir ces documents, si elle estime que c'est important, nous

24 pouvons les présenter à la Chambre ainsi qu'à l'accusation, si vous le

25 souhaitez.

Page 5394

1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 M. Ryneveld (interprétation): Précisons la chose: est-ce qu'il s'agit de

3 documents qui n'ont pas encore été versés au dossier? Est-ce qu'il s'agit

4 de documents qui ne font pas partie du rapport? Je voudrais bien savoir de

5 quoi il s'agit: ce qui est là, ce qui n'est pas là, ce qui a été traduit,

6 pas traduit, ce que j'ai, ce que je n'ai pas.

7 M. Petrovic (interprétation): Oui, mais les éléments dont s'est servi le

8 témoin-expert existent, ils ont été traduits et peuvent être communiqués à

9 toutes les parties. Bien que cela ne fasse pas partie intégrante du

10 rapport et que nous avions pensé que nous allions présenter cela lors de

11 la déposition du psychiatre. Mais si cela est nécessaire, nous pouvons

12 d'ores et déjà présenter ces documents aujourd'hui. Nous avions

13 l'intention de présenter ces documents par le truchement de la déposition

14 du psychiatre, parce que nous estimions que ces documents étaient plus

15 importants pour la déposition du psychiatre que pour la déposition du

16 témoin d'aujourd'hui, puisqu'il s'agit là d'éléments qui ont trait à des

17 troubles mentaux plutôt qu'à une évaluation psychologique. Voilà donc

18 quelle était notre intention. Mais nous pouvons vous présenter ces

19 documents dès aujourd'hui.

20 M. le Président (interprétation): Nous n'estimons pas que cela soit

21 absolument essentiel, qu'il soit essentiel que ces documents soient versés

22 au dossier, mais si l'accusation souhaite voir ces documents, vous pouvez

23 leur communiquer.

24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, merci, Monsieur le Président. En fait,

25 tout ce que je souhaite c'est que le témoin nous indique de quelles

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1 informations elle disposait pour fonder son opinion.

2 Si ceci est indiqué dans les documents que vous avez sous les yeux, si

3 cela va être présenté lors de la déposition du psychiatre, à ce moment-là

4 je peux passer à autre chose. Si c'est bien l'intention de mon confrère,

5 est-ce que qu'il a l'intention de présenter ces documents lors de la

6 déposition du psychiatre?

7 M. le Président (interprétation): Maître Petrovic?

8 M. Petrovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Et si

9 l'accusation le souhaite, nous pouvons d'ores et déjà lui communiquer ces

10 documents, ou à la fin de l'audience, pour que M. Ryneveld, puisse

11 préparer pour la déposition du psychiatre lundi.

12 M. Ryneveld (interprétation): Oui, cela serait très utile effectivement.

13 Merci.

14 Madame Najman, je ne vais pas m'appesantir sur cette question. Je vais

15 passer à autre chose.

16 Vous avez examiné ce sujet pendant trois jours, vous l'avez indiqué dans

17 le compte rendu d'audience, et dans votre rapport, donc tout ceci s'est

18 passé en 2001, c'est-à-dire 9 à 10 ans après les événements très

19 traumatiques de la guerre ainsi que de la perte de son fils né prématuré.

20 Est-ce bien exact?

21 Mme Najman (interprétation): Oui. L'examen psychologique a eu lieu en juin

22 2001, le décès de son enfant a eu lieu en 1992 et les autres dossiers

23 médicaux, les autres documents médicaux sont des documents de 1995 et

24 1996.

25 Question: Madame Najman, conviendrez-vous que ce sont les expériences

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1 qu'on a vécues, surtout si c'est très traumatisant, qui influencent les

2 traits de la personnalité, les traits de caractère? A savoir: que nous

3 sommes, ce que nous avons été. Est-ce que l'on peut exprimer les choses de

4 la sorte?

5 Réponse: Oui, nous avons à la base une structure de base qui apparaît

6 pendant toute notre vie, qui est là pendant toute notre vie et il y a des

7 événements traumatiques qui peuvent accentuer certains traits de caractère

8 ou qui peuvent entraîner une espèce de décompensation psychologique chez

9 le sujet. Ce genre de chose peut découler de traumatismes. Et la durée du

10 traumatisme, ça c'est une zone qui intéresse la psychiatrie. Et suite à un

11 traumatisme, vous avez une réaction aiguë et une réaction à plus long

12 terme.

13 C'est tout ce que je peux vous dire en tant que psychologue. C'est plutôt

14 un domaine qui convient d'aborder avec un psychiatre mais je pense que les

15 traits de base d'une personnalité, la structure d'une personnalité, la

16 structure de base, c'est quelque chose qui se retrouve toute la vie.

17 Question: Je ne sais pas s'il est nécessaire de se lancer dans un débat

18 psychologique de grande envergure à ce sujet mais je vais essayer de vous

19 expliquer pourquoi je vous pose ces questions.

20 Vous nous avez dit, et je suis sûr que vous conviendrez que vous avez

21 insisté sur le fait que l'éducation reçue par M. Dosen, l'ambiance

22 familiale, une ambiance extrêmement patriarcale a eu des conséquences sur

23 son développement, son évolution et sur la formation de sa personnalité.

24 Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, dans le cadre de

25 l'interrogatoire principal, ceci a contribué à déterminer sa personnalité.

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1 Réponse: L'enfance, la façon dont les gens sont élevés, cela joue un grand

2 rôle pour déterminer la personnalité. J'ai insisté sur le fait qu'il a

3 grandi dans une famille patriarcale parce que cela a trait à l'autorité,

4 le lien avec l'autorité, la position adoptée chez le sujet envers les

5 personnes plus âgées etc... Il est indéniable que l'environnement

6 familial, c'est quelque chose qui conditionne et influence la façon dont

7 nous évoluons tous, y compris M. Dosen.

8 Question: Et vous avez pensé que c'était important, sinon vous n'auriez

9 pas donné cet exemple?

10 Réponse: Bien entendu.

11 Question: Et je pense que vous donnez cela comme exemple pour expliquer

12 qu'une telle personne plus tard dans son existence sera quelqu'un

13 d'obéissance, parce que je pense que c'était un bon soldat. Cela figure

14 d'ailleurs dans votre rapport, n'est-ce pas?

15 Réponse: Je n'ai pas d'information sur des problèmes éventuels pendant sa

16 carrière militaire, donc je suis partie du principe qu'il n'y avait pas eu

17 de problème dans ce domaine.

18 Question: Je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur quoi que ce

19 soit, mais je me souviens d'une ligne dans votre rapport au sujet de 1987

20 et 1988 où vous avez même dit qu'il avait dit qu'il était un bon soldat.

21 Réponse: En 1998. C'est à la page 3 en serbo-croate.

22 Question: Excusez-moi, je n'ai pas pris beaucoup de notes mais il me

23 semble en tout cas que c'était dans votre rapport.

24 Enfin, quoi qu'il en soit, inutile que je trouve l'endroit précis où cela

25 se trouve, mais vous reconnaissez que vous avez signalé la chose, n'est-ce

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1 pas?

2 Réponse: Oui. Oui, je crois que cela figure de la page 3, au bas de la

3 page 3, où l'on peut lire: "En 1987 et jusqu'en mars 1988 il a accompli la

4 totalité de son service militaire". Page 3 de l'anglais.

5 Question: Est-ce que vous lui avez posé des questions au sujet de sa

6 carrière militaire, au sujet de ses qualités de soldats? Est-ce que vous

7 avez estimé que c'est quelque chose que vous deviez savoir?

8 Réponse: Je lui ai posé des questions, mais il ne m'a pas répondu de

9 manière inhabituelle, si bien que je n'en ai pas tenu compte d'une manière

10 ou d'une autre. J'ai simplement pris note du fait qu'il avait accompli son

11 service militaire dans sa totalité. S'il ne l'avait pas fait, à ce moment-

12 là, cela aurait été une raison d'essayer d'obtenir des informations

13 supplémentaires, de savoir s'il y avait eu des problèmes, ce qui s'était

14 passé, etc. Mais puisqu'il m'a dit qu'il avait accompli la totalité de son

15 service militaire de manière satisfaisante, qu'il n'y a pas eu de

16 difficulté quelle qu'elle soit, donc je ne suis pas allée plus loin dans

17 ce domaine.

18 Question: Est-ce que vous conviendrez que la période de temps couverte par

19 l'Acte d'accusation, c'est-à-dire de mai à août 1992…

20 Nous avons des bruits un peu gênants. Je ne sais pas d'où ça vient.

21 Est-ce que vous conviendrez que, pendant cette période, ce qui s'est passé

22 dans cette période et les conditions qui existaient à Keraterm, ont marqué

23 M. Dosen, si bien que cela a forcément influencé ce qu'il aurait à vous

24 dire en 2001? En d'autres termes, est-ce que ce sont des événements, est-

25 ce que ce sont des choses qui obligatoirement allaient marquer sa

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1 personnalité, allaient influencer sa personnalité?

2 Réponse: En psychologie, on parle de "re-traumatisation", c'est-à-dire que

3 chaque fois un sujet évoque les événements traumatiques qui ont eu lieu

4 par le passé, au cours d'une période de temps passée, donc les personnes

5 qui ont le type de profil psychologique que j'ai décrit, lorsqu'elles

6 décrivent des événements qu'elles ont vécus, ressentent beaucoup

7 d'émotions. Des émotions pratiquement insupportables en relatant la chose.

8 Donc ce qui a trait à cette période, tous ces souvenirs qui réapparaissent

9 entraînent l'apparition d'un état émotionnel que j'ai décrit.

10 Question: Et pendant cette période de "re-traumatisation", est-ce que vous

11 avez parlé avec le sujet de la période de temps recouverte par l'Acte

12 d'accusation? Est-ce que vous êtes entrée dans les détails?

13 Réponse: Je crois l'avoir mentionné dans mon rapport. Je crois avoir parlé

14 de la façon dont il a décrit ces événements.

15 Il était en proie des émotions très fortes. Il lui arrivait de fondre en

16 larmes, de ressentir de l'angoisse. Et il était même incapable de suivre

17 cette expérience jusqu'au bout. Je l'ai d'ailleurs, je crois, mentionné

18 dans mon rapport lorsqu'il a vécu à nouveau les événements; cela s'est

19 passé lorsqu'il a revécu les événements ou retrouvé les images de ce qui

20 s'est passé à ce moment-là.

21 Question: Vous vous concentrez sur ses réactions, les réactions qu'il

22 avait à ce moment-là et que vous avez pu observer. Moi, ma question c'est

23 de savoir si vous avez parlé des détails de ce qui s'était produit à ce

24 moment-là et qui ont suscité ses réactions? Je voudrais savoir si vous

25 avez passé beaucoup de temps à parler avec le sujet de ce qui s'était

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1 passé à Keraterm?

2 Réponse: On en a parlé. Cependant, il y avait tout comme le mécanisme ou

3 le processus de psychologie de négation ou de refus que j'ai évoqué et qui

4 était évident, il était épatant que lorsqu'il se souvenait de ces

5 événements, M. Dosen a parlé des choses qui l'ont le plus marqué, des

6 choses les plus négatives en parlant du fait qu'il avait eu des nausées,

7 qu'il se sentait malade, qu'il était incapable de regarder de ce qui se

8 passait. J'en ai parlé à la page 4. C'était là l'essence de son

9 comportement psychologique et de son attitude face à ces événements.

10 Question: Est-ce que vous diriez que son comportement portait les signes

11 d'un refus, d'une fuite devant ces sujets déplaisants?

12 Réponse: L'esquive, la fuite c'est quelque chose de conscient, mais là je

13 vous parle de mécanisme inconscient, de choses qui se déroulent du

14 subconscient. Cela ne découle pas d'une réflexion rationnelle: "Je ne veux

15 pas y penser", "Je ne veux pas faire face à ces choses". Non, je parle de

16 quelque chose beaucoup plus inconscient, d'un mécanisme de défense interne

17 qui consiste à nier ces événements parce que le sujet est incapable de

18 surmonter cette expérience.

19 Question: Je vais reformuler ma question. En dépit du caractère soit

20 intentionnel, soit subconscient du comportement du sujet, est-il exact de

21 dire que vous n'avez quand même pas, de toutes façons, beaucoup parlé des

22 événements entre mai et août à Keraterm?

23 Réponse: Je ne dirai pas qu'on n'en a pas beaucoup parlé ou peu parlé.

24 Moi, en tant que personne menant l'examen du sujet, j'ai eu l'impression

25 que cela suffisait, vu les souffrances qui étaient les siennes. Et j'ai eu

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1 l'impression que lui aussi n'était pas en mesure de dire beaucoup plus que

2 ce qu'il a dit.

3 Question: Une dernière question à ce sujet, je passerai ensuite à autre

4 chose.

5 Est-ce que vous avez parlé avec lui de son rôle? Est-ce que vous lui avez

6 demandé pourquoi il était resté au camp jusqu'à la fermeture de celui-ci?

7 Vous n'avez pas à nous dire quelles étaient ses réponses, mais je voudrais

8 savoir si vous avez évoqué ces questions. Vous en avez parlé?

9 Réponse: Oui. Nous en avons parlé dans le cadre de la définition de

10 l'anamnèse, donc comme on a parlé de la période concernée. On a parlé de

11 ce qu'il ressentait à l'époque et on a donc évoqué les questions que vous

12 venez de mentionner.

13 Question: Donc si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, nous sommes

14 face à un homme qui présente des traits de névrose, qui est

15 hypocondriaque. Je ne vais pas reprendre tous les symptômes que vous avez

16 évoqués. Mais est-ce que je peux en déduire qu'il s'agit de quelqu'un qui,

17 parfois, avait tendance à exagérer les symptômes qui étaient les siens?

18 Est-ce que c'est la conséquence de ce que vous nous avez décrit de sa

19 personnalité?

20 Réponse: On ne pourrait pas dire qu'il exagérait pour avoir des…, pour en

21 tirer profit. Mais ces symptômes deviennent tellement aigus, tellement

22 nombreux qu'il est incapable d'y faire face, il ne peut y répondre. Il

23 sait qu'ils sont là mais il ne sait comment faire. Il ne s'agit pas

24 simplement de lui, mais des personnes qui présentent le même type de

25 personnalité, et ce sont des traits du caractère qui deviennent très

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1 dominants.

2 Question: Est-ce que vous avez bien dit qu'il ne cessait de se plaindre?

3 Peut-être ai-je mal pris note de ce que vous nous avez dit lors de votre

4 interrogatoire principal? Veuillez répondre si vous avez entendu la fin de

5 la traduction.

6 Réponse: S'il se plaignait tout le temps, il ressent ces choses, il ne

7 peut pas les internaliser. Du fait de sa personnalité, il est incapable de

8 faire face à ce genre de chose, donc il est obligé d'externaliser cela, il

9 est obligé d'en parler. Il essaie de trouver une certaine compassion à

10 l'extérieur. Il cherche de l'aide. Parce que, comme je l'ai dit dans mon

11 rapport, il reconnaît ces symptômes. Je l'ai dit d'ailleurs: il n'a pas

12 une capacité d'introspection suffisante. Il n'est pas capable vraiment de

13 s'écouter lui-même. Il constate une discordance en lui-même et c'est

14 pourquoi il s'est souvent plaint, parce qu'il n'arrive pas à résoudre ce

15 qu'il tracasse en lui-même.

16 Question: Je comprends. Est-il exact que les gens qui présentent ce type

17 de comportement ont tendance à trouver des responsables pour ce qu'ils

18 ressentent. Ils cherchent à rendre d'autres personnes responsables des

19 difficultés psychologiques qui sont les leurs?

20 Réponse: Pour ce qui est du sujet qui nous intéresse aujourd'hui, je ne

21 peux abonder dans votre sens.

22 Question: Essayons de voir si nous pouvons convenir de la chose suivante,

23 à savoir que le sujet, M. Dosen, ne semble avoir aucune difficulté à

24 verbaliser, à exprimer ses griefs, ses plaintes. Il l'a fait de manière

25 régulière tout au long de l'examen que vous lui avez fait subir. Il est à

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1 même d'exprimer ce qu'il ressent, d'exprimer ses plaintes. Nous avons

2 besoin que vous répondiez. Je ne sais pas si vous attendez la traduction.

3 Réponse: Oui, j'attendais la traduction. Et ma réponse à votre question,

4 c'est oui.

5 Question: Et donc c'est un trait général de son caractère. Est-il exact de

6 dire que cette capacité de verbaliser ses difficultés c'est quelque chose,

7 c'est un comportement qu'il présentait également vis-à-vis de ses

8 supérieurs? Est-ce que l'on peut dire cela? Est-ce que c'est conforme à la

9 réalité?

10 Réponse: Je ne dirai pas cela, je ne suis pas en mesure de faire ce

11 parallèle. Les dysfonctionnements que l'on retrouve dans ce type de

12 personnalité, cela fait partie de l'expérience du sujet. Et si l'on parle

13 de l'autorité, ce que vous évoquez de ses supérieurs, moi, je n'ai pas eu

14 l'impression que sa passivité, son inertie, qu'il était passif. J'ai

15 l'impression qu'il faisait preuve de passivité et qu'il était capable de

16 verbaliser la chose vis-à-vis d'une autorité.

17 Question: Est-ce que l'on peut redire, pour employer des termes profanes,

18 que c'est quelqu'un qui se plaignait et qui…, donc est-ce que c'est

19 quelqu'un qui s'apitoie sur son propre sort?

20 Réponse: Je ne sais pas si on peut vraiment dire qu'il s'apitoie sur son

21 propre sort. Il a ressenti beaucoup d'émotions, beaucoup de stress, aussi

22 bien qu'extérieurement qu'intérieurement. Et il est incapable de faire

23 face à toutes ces émotions. Il y a un manque chez lui.

24 Question: Je n'ai plus que quelques questions à vous poser.

25 Est-ce que nous sommes ici face à individu dont on peut s'attendre à ce

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1 qu'il obéisse à l'autorité, qu'il se conforme?

2 Réponse: Il présente des caractéristiques, je l'ai dit d'ailleurs, des

3 caractéristiques qui nous montrent que c'est quelqu'un d'obéissant.

4 Cependant, on ne peut pas dire cela de façon absolue, cela fait partie de

5 la structure d'une personnalité passive, c'est ce que l'on peut s'attendre

6 à trouver chez quelqu'un de passif. Quelqu'un de passif a tendance à

7 obéir, à se conformer. On ne peut pas dire de quelqu'un de passif qu'il

8 désobéit parce que ce sont deux choses contradictoires. En ce sens, oui.

9 Ai-je répondu à votre question?

10 Question: Mais est-il exact de dire que des gens qui présentent ce type de

11 personnalité s'attendent à ce que les autres également obéissent à

12 l'autorité et je ne parle pas seulement des personnes qui seraient placées

13 sous ses ordres mais de tout le monde?

14 Réponse: Vraisemblablement, mais je ne pense pas que c'était quelque chose

15 de dominant en ce qui le concerne, personnellement.

16 Question: Est-ce que vous lui avez posé des questions à savoir pourquoi il

17 avait commencé à boire à cette étape-là de sa vie qui est une étape assez

18 tardive pour commencer ce genre d'activité?

19 Réponse: Oui, nous en avons parlé un peu. L'alcool chez lui, si je l'ai

20 bien compris et je crois que cela correspond très bien avec la structure

21 de sa personnalité et de son caractère, c'est que c'était une sorte

22 d'appui et cela lui permettait de se débarrasser de ce sentiment

23 d'infériorité, de sentiment de dévaluation personnelle. C'était comme une

24 sorte de béquille qui l'aidait de franchir la difficulté.

25 Donc bien sûr le fait qu'il ne buvait pas de façon permanente témoigne du

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1 fait qu'il s'agissait, en fait, d'une situation plutôt difficile. Et donc

2 ce n'est qu'en situation de difficulté extrême qu'il s'adonnait à ce genre

3 d'activité.

4 Question: Est-ce que vous avez parlé avec lui, lui avez-vous demandé s'il

5 avait bu énormément pendant la période couverte par l'Acte d'accusation?

6 C'est-à-dire entre le mois de mai et le mois août 1992.

7 Réponse: Non, il ne m'en a pas parlé.

8 Question: Maintenant, à l'époque à laquelle vous avez fait votre examen,

9 vos entrevues, est-ce que vous saviez quelles étaient les allégations qui

10 existaient dans l'Acte d'accusation? Est-ce que vous en aviez pris

11 connaissance?

12 Réponse: Oui, j'avais reçu, j'avais examiné et lu l'Acte d'accusation. Je

13 l'ai d'ailleurs mentionné à la première page de mon rapport.

14 Oui, j'avais bel et bien reçu toutes les documentations nécessaires dont

15 nous avons fait état un peu plus tôt, ainsi que l'Acte d'accusation.

16 Question: Oui, très bien. Merci. En fait, c'est une question d'ouverture

17 pour vous poser la question suivante. J'aurais peut-être dû vous poser

18 cette deuxième question immédiatement.

19 La question est la suivante: à l'époque où vous avez mené vos entrevues en

20 fait avec M. Dosen pendant les trois jours en question, est-ce que vous

21 saviez qu'il existait des éléments de preuve établis devant cette Chambre,

22 qu'il y avait des allégations apportées par d'autres personnes à l'effet

23 qu'il avait participé à certains événements? Est-ce que vous saviez qu'il

24 y avait des éléments de preuve l'incriminant?

25 Réponse: Non, non, je ne le savais pas. Je n'avais pas reçu ce genre de

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1 documents.

2 Question: Donc votre opinion ou vos opinions plutôt en fait ne sont pas

3 basées ou n'ont pas pris en considération tous les éléments de preuve si

4 ces éléments de preuves sont trouvés à être crédibles. Donc si,

5 effectivement, tous ces événements, si jamais qu'il serait incriminé que

6 ces éléments l'incrimineraient, ces éléments qui ont été dévoilés ici?

7 Réponse: Non.

8 Question: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que votre

9 opinion est basée sur les informations que vous avez reçues? Donc c'est

10 quand même assez subjectif?

11 Réponse: C'est une question à laquelle il est un peu difficile de

12 répondre. Cela voudrait dire qu'il faudrait que je me disqualifie moi-même

13 d'une certaine façon, mais cependant mon opinion ne vaut que dans la

14 mesure où, en psychologie, il est possible de s'appuyer sur des données

15 disponibles et sur des instruments disponibles. Il y a également

16 l'évaluation clinique grâce à laquelle il est possible de conclure

17 certaines choses et d'en arriver à une conclusion pertinente.

18 Question: Témoin, si votre opinion est basée sur une prémisse erronée, si

19 la prémisse change votre opinion, devra nécessairement changer aussi,

20 n'est-ce pas?

21 Réponse: Eh bien, à ce moment-là il faudrait apporter quelques

22 explications supplémentaires dans une certaine partie, si quelque chose de

23 vraiment très important, si de nouveaux éléments pertinents ont été

24 échangés. Par contre, cela ne change en aucune façon son profil

25 psychologique ou la structure de sa personnalité. Vous savez, ce sont des

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1 éléments qui restent.

2 Question: Oui mais, Témoin, et cela est peut-être une de mes dernières

3 questions, mais vous nous avez donné une conclusion basée sur une opinion

4 que vous avez tirée dans son rôle en tant que chef. Je crois que c'est

5 votre opinion de dire que cet homme n'aurait pas été en mesure de prendre

6 un rôle de chef en vous basant sur sa personnalité ou sur son caractère,

7 est-ce que c'est bien ce que vous désirez partager avec cette Chambre.

8 Réponse: Oui c'est exact.

9 Question: Madame, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que même si vous

10 avez tout à fait raison, son caractère, sa personnalité, cela ne veut pas

11 dire qu'un individu démontrant son caractère ne pouvait pas accepter un

12 rôle de chef, si ce rôle lui a été imposé par exemple ou si on lui avait

13 demandé de faire ce genre de choses. Il aurait bien pu s'adonner ou

14 accepter ce travail.

15 Réponse: Je crois, généralement parlant, que non. Si nous prenons un autre

16 cas, pas celui de M. Dosen mais un autre cas, une personne avec des

17 caractéristiques passives de personnalité, avec une hypersensibilité

18 démontrant une vulnérabilité émotive au point où il le montre et

19 démontrant des troubles psychosomatiques qui enlèvent à cette personne une

20 grande partie de son énergie psychologique, j'ai bien peur que cela enlève

21 une grande partie de la productivité ou de l'énergie qui est nécessaire

22 pour qu'une personne exerce un emploi de chef ou des tâches de chef.

23 Question: Je crois que nous avons compris que c'est un homme qui était

24 bien aimé par ses collègues, ses voisins, ses associés, que les femmes

25 étaient attirées également par lui, donc c'était un homme très populaire.

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1 Réponse: Oui, au moment de l'adolescence, c'était une période à laquelle

2 il avait commencé à aller à l'école secondaire et il fréquentait ses

3 pairs, et c'est une période qui comprend également, qui demande en fait à

4 ce qu'on ait toutes ces caractéristiques pour être, pour faire partie du

5 monde de ses pairs qui étaient bien sûr absolument nécessaire à cette

6 époque là de sa vie.

7 Question: Est-ce que cela n'est pas exact de dire, Témoin, que M. Dosen

8 était une personne qui était bien aimée et respectée de ses pairs pendant

9 la période pertinente couverte par l'Acte d'accusation? Donc pendant la

10 période allant de mai au mois d'août 1992, donc il était bien respecté par

11 les gardes qui travaillaient avec lui, les subordonnés également, il n'y a

12 absolument rien qui nous suggère quelques changements que ce soient,

13 n'est-ce pas?

14 Réponse: Ce genre de données, je ne les ai pas reçues de lui, ce genre

15 d'informations ne m'a pas été donné, je ne peux pas supposer donc mais ce

16 n'était pas une personne pour laquelle je pourrais dire qu'il était

17 négatif dans un certain sens si vous voulez.

18 Question: Je comprends que je vais vous demander d'être d'accord avec un

19 terme qui est peut-être profane, mais "lépreux ne change pas l'endroit de

20 ses plaies". Je ne sais pas si on peut traduire cet idiome en français

21 mais ce que je veux dire, c'est qu'"un loup ne change pas sa peau", si

22 vous voulez.

23 N'est-il pas exact de dire ou de nous attendre à ce qu'une personne qui

24 est très bien aimée, respectée, populaire, donc un adolescent qui

25 bénéficie de toutes ces caractéristiques, à moins qu'il y ait un épisode

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1 vraiment dramatique, maintiendrait ou resterait un jeune homme dans sa

2 vingtaine, bien respecté et aimé de tous. Est-ce qu'on pourrait dire cela?

3 Réponse: Oui, nous pouvons dire cela à moins qu'un événement ne survienne

4 mais je crois que cette période-là chez lui, était caractéristique ou

5 était marquée par certains événements familiaux qui prévalaient dans sa

6 propre famille. Il n'avait peut-être pas nécessairement la nécessité de

7 développer des contacts sociaux. Etant donné que nous savons tous ce qui

8 est arrivé au mois d'avril 1992, je pourrais dire qu'à ce moment-là, non

9 seulement d'après lui, mais d'après mon évaluation à moi, il était

10 beaucoup plus préoccupé par cette perte que par une nécessité de

11 développer des traits charmeurs de sa propre personnalité.

12 Question: Témoin, il n'y a absolument rien que vous avez pu déduire ou il

13 n'y a aucun élément dont vous disposez qui pourrait vous induire à croire

14 que cela ou cet événement aurait pu empêcher d'accepter un rôle de chef?

15 Réponse: Probablement, je ne pourrais pas...

16 Question: Excusez-moi, vous avez dit: "Probablement, je ne pourrais pas…",

17 vous ne pouvez pas, vous ne sauriez pas ou vous ne savez pas s'il y a eu

18 quelque chose qui aurait pu l'empêcher, est-ce que c'est votre réponse?

19 Réponse: Non, je l'ai dit de façon générale puisqu'on parlait d'une telle

20 personne, de façon générale. Donc il me semble qu'au tout début j'ai fait

21 également état de cela.

22 M. Ryneveld (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions.

23 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ryneveld.

24 Maître Petrovic, je vous écoute.

25 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mme Ana Najman, par Me

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1 Petrovic.)

2 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

3 permettez-moi de poser quelques questions supplémentaires.

4 Madame, je vous demanderai si, selon votre pratique, il est usuel que les

5 données d'anamnèse vous proviennent de la personne, du patient, alors que

6 toutes les autres données viennent de vous en fait, selon votre

7 observation de la personne en question?

8 Mme Najman (interprétation): Les détails relatifs à l'anamnèse sont dans

9 la mesure du possible, c'est-à-dire si la personne est consciente c'est

10 bien toujours lui qui nous donne ces données car c'est quelque chose qui

11 nous aide à faire notre évaluation clinique. Nous pouvons voir grâce aux

12 détails qu'il nous donne, nous pouvons voir de quelle façon il peut se

13 voir dans l'univers, de quelle façon il peut évaluer les situations,

14 comment il les résout, comment il évite de les résoudre.

15 Outre ce fait, dans la mesure du possible, s'il est possible d'obtenir des

16 éléments externes relatifs à l'anamnèse, il est certain que ces éléments

17 peuvent nous être très utiles, mais du point de vue de l'anamnèse cela est

18 très important.

19 Question: Si je vous ai bien compris, donc les détails provenant de

20 l'anamnèse ne sont pas des vérités toutes faites mais c'est un matériel

21 que vous examinez également à la loupe, que vous examinez de façon

22 professionnelle et vous en faites vos propres conclusions par la suite?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que les données relatives à l'anamnèse reçues par le

25 patient, est-ce que ces détails sont en écart avec les résultats que vous

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1 avez obtenus après avoir effectué vos tests sur l'accusé Dosen?

2 Réponse: Non, ils ne sont pas en divergence avec les données et au cours

3 d'un travail que nous menons avec chaque patient, cela fait partie de

4 notre travail, toutes les données fournies par l'anamnèse sont toujours

5 analysées cliniquement et il faut toujours analyser et les mettre en

6 rapport avec tout le matériel dont nous disposons pour pouvoir comparer

7 toutes les données.

8 Question: Pourriez-vous nous dire si vous devez justement, dans le cadre

9 de votre travail, essayer de comprendre comment est-ce que l'accusé se

10 voit dans l'environnement et est est-ce que vous essayez de comparer la

11 façon dont vous le voyez?

12 Réponse: Oui, bien sûr.

13 Question: Eu égard au fait que Dosen, alors qu'il travaillait au sein de

14 la sécurité de Keraterm, n'avait que 25 ans, étant donné que c'était un

15 jeune homme qui n'avait presque aucune expérience de vie, étant donné

16 qu'il a dû faire face à des situations qu'il n'avait jamais vu auparavant

17 et dont il n'avait jamais entendu parler non plus par le biais de

18 l'expérience de quelqu'un d'autre.

19 Quelle est l'influence que cette nouvelle situation a pu avoir sur lui? De

20 quelle façon est-ce que cette situation nouvellement créée s'est

21 manifestée chez lui, chez Dosen?

22 Réponse: Je crois que j'en ai déjà parlé un peu plus tôt, je vais

23 néanmoins le souligner de nouveau. Avec une structure de la personnalité

24 telle que nous l'avons vue ici avec les traits passifs: avec les traits

25 d'hypersensibilités déjà énumérés, avec un certain degré de dépendance et

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1 de vulnérabilité émotionnelle et d'une instabilité émotionnelle, également

2 avec tous ces nouveaux éléments de stress additionnels qui sont venus

3 s'ajouter à sa vie et cette nouvelle expérience tout à fait désagréable,

4 n'a pu qu'accentuer son sentiment d'insécurité de se sentir inadéquat,

5 d'être dépressif et d'avoir une très mauvaise estime de soi-même.

6 Question: Devant cette Chambre, nous avons entendu bon nombre de témoins

7 qui ont tous dit que Damir Dosen, par exemple, allait s'entretenir avec

8 les détenus, qu'il essayait de leur expliquer que s'il n'était pas

9 responsable pour ce qui arrive à Keraterm, qu'il leur aurait essayé de

10 remettre son arme également pour essayer de leur dire de le juger s'il

11 trouvait qu'il était coupable, et ainsi de suite, et qu'il ne pouvait plus

12 supporter les événements. Est-ce que ces événements, donc ces éléments que

13 nous avons entendus ici devant cette Chambre, est-ce que cela est conforme

14 avec la perception et avec l'image que vous avez pu avoir de lui?

15 Réponse: Je crois que oui. Je crois que cela s'imbrique tout à fait bien

16 car comme je l'ai déjà dit la quantité d'événements désagréables et tous

17 les éléments qu'il opprimait, c'est une personne qui ne pouvait pas les

18 gérer. Donc dans une certaine situation, il réagit avec des maladies

19 psychosomatiques, alors que dans d'autres situations il réagit en se

20 sentant complètement impuissant. Je peux conclure de ce que vous m'avez

21 dit tout à l'heure, qu'il s'agissait d'une impuissance chez lui, il se

22 sentait complètement impuissant, incapable de faire quoi que se soit

23 d'autre et cela bien sûr découle de cette espèce de position passive dans

24 laquelle il s'est trouvé.

25 M. Petrovic (interprétation): Merci, je n'ai plus d'autres questions.

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1 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Petrovic.

2 Madame Najman, cela met fin à votre témoignage et vous pouvez maintenant

3 disposer.

4 Mme Najman (interprétation): Merci.

5 (Le témoin-expert, Mme Ana Najman, est reconduit hors du prétoire.)

6 M. le Président (interprétation): Nous levons la séance jusqu'à demain

7 matin 9 heures 30.

8 (L'audience est levée à 12 heures 28.)

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