Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 17 octobre 2003 [Jugement] [Audience publique][Les accusés sont

2 introduits dans le prétoire] L'audience est ouverte à 10 heures 01. Mme LA

3 JUGE MUMBA : [interprétation] Bonjour. Madame la Greffière d'audience,

4 veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît. Mme LA GREFFIÈRE : [int.] Bonjour.

5 Affaire IT-95-9-T, le Procureur contre Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo

6 Zaric. Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Je vais demander aux parties de se

7 présenter. L'Accusation tout d'abord. M. DI FAZIO: [interprétation] Bonjour,

8 Madame la Présidente, Messieurs les Juges. Je m'appelle Di Fazio. Je suis ici

9 accompagné de mes confrères M. Re, M. Weiner, M. Barag et Mme Reidy. Mme LA

10 JUGE MUMBA : [interprétation] Merci. Pour la Défense. M. PANTELIC : [int] Pour

11 M. Blagoje Simic, Igor Pantelic et Maître Vukic. M. LUKIC : [int] Bonjour.

12 Maître Lukic et Maître Krgovic pour Miroslav Tadic.Mme LA JUGE MUMBA : Merci.

13 M. PISAREVIC: [interprétation] Bonjour. Borislav Pisarevic, conseil de M.

14 Zaric. Je suis accompagné d'Aleksandar Lazarevic. Mme LA JUGE MUMBA : [int] Je

15 vais demander aux accusés s'ils peuvent suivre l'audience dans une langue

16 qu'ils comprennent. Docteur Blagoje Simic ? L'ACCUSÉ SIMIC : [int] Oui. Mme LA

17 JUGE MUMBA : [int] Merci. Monsieur Miroslav Tadic, s'il vous plaît. L'ACCUSÉ

18 TADIC : [interprétation] Oui. Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Monsieur

19 Simo Zaric. L'ACCUSÉ ZARIC : [interprétation] Oui. Mme LA JUGE MUMBA : [int]

20 La Chambre de première instance II est réunie ce matin pour rendre son

21 jugement dans le procès de trois accusés, Blagoje Simic, Miroslav Tadic, Simo

22 Zaric, conjointement inculpés au terme du Cinquième acte d'accusation modifié

23 du 30 mai 2002, d'avoir engagé leur responsabilité pénale individuelle en

24 vertu de l'Article 7(1) du Statut du Tribunal à raison de deux chefs de crimes

25 contre l'humanité sanctionnés par l'Article 5 du Statut, persécutions et

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1 expulsion; et d'un chef d'infraction grave aux conventions de Genève de 1949

2 sanctionné par l'Article 2 du Statut, à savoir, expulsion et transferts

3 illégaux. Aux fins de la présente audience, la Chambre de première instance

4 présente un résumé de ces constatations et conclusions. Il s'agit uniquement

5 d'un résumé qui ne fait partie intégrante du jugement. Seul fait autorité de

6 l'exposé des constatations, conclusions et motifs de la Chambre que l'on

7 trouve dans le texte écrit du jugement dont des copies seront mises à la

8 disposition des parties et du public à l'issue de l'audience. Le résumé

9 présenté aujourd'hui reflète la décision de la majorité des Juges. Une opinion

10 individuelle et partiellement dissidente du Juge Lindholm est jointe au

11 jugement. Dans le premier acte d'accusation, en date du 21 juillet 1995, les

12 accusés étaient inculpés avec trois autres personnes, Slobodan Miljkovic,

13 alias "Lugar", Milan Simic et Stevan Todorovic. Suite au plaidoyer de

14 culpabilité de Stevan Todorovic et Milan Simic, l'instance contre ces derniers

15 a été déjointe de celle des autres accusés. Quant à la procédure à l'encontre

16 de Slobodan Miljkovic, elle a pris fin avec le décès de celui-ci. Le procès

17 contre les accusés apportés sur des événements qui se sont produits dans les

18 municipalités de Bosanski Samac et d'Odzak, situés à l'endroit indiqué sur la

19 carte annexée au jugement, ainsi qu'ailleurs en Bosnie-Herzégovine. La ville

20 de Bosanski Samac était d'une importance stratégique pour la conduite des

21 opérations militaires. En effet, cette municipalité faisait partie de ce que

22 l'on appelle le corridor de la Posavina, une étroite bande de terre plate

23 longeant la Sava qui reliait les régions de Croatie contrôlées par les Serbes

24 au territoire serbe de Bosnie et à la République de Serbie. Ce corridor

25 représentait le moyen le plus facile et le plus rapide, de mettre en place en

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1 acte terrestre, axe terrestre reliant d'ouest en est, les régions de Croatie

2 contrôlées par les Serbes (Republika Srpska Krajina) à la Serbie.

3 Constatations. Les accusés occupaient des postes clés dans les régions

4 mentionnées dans l'acte d'accusation. Le Docteur Blagoje Simic, médecin, était

5 président de la section locale du Parti démocrate serbe et président de la

6 cellule de Crise serbe de la municipalité de Bosanski Samac qu'il a continué

7 de présider lorsqu'elle a été rebaptisée Présidence de guerre. Il occupait le

8 rang le plus élevé dans l'hiérarchie civile de la municipalité. Miroslav

9 Tadic, enseignant du secondaire à la retraite, était commandant adjoint chargé

10 de la logistique dans le 4e Détachement, chef de l'état major de la protection

11 civile, membre de plein droit de la cellule de Crise et membre dirigeant de la

12 Commission d'échange dans la municipalité de Bosanski Samac. Simo Zaric était

13 commandant adjoint chargé du renseignement de la reconnaissance du moral et de

14 l'information dans le 4e Détachement, chef du service de Sécurité nationale à

15 Bosanski Samac du 29 avril 1992 au 19 mai 1992, ainsi qu'adjoint du président

16 du Conseil civil à Odzak. La Chambre de première instance considère que les

17 événements qui se sont produits dans les municipalités de Bosanski Samac et

18 d'Odzak du 17 avril 1992 au 31 décembre 1993, ont constitué une attaque

19 généralisée et systématique contre la population civile. Cette attaque a

20 notamment consisté dans la prise du pouvoir par la force à Bosanski Samac par

21 des membres des groupes paramilitaires et de la police, et dans les actes de

22 persécution et d'expulsion commis ensuite contre des civils non-serbes. La

23 Chambre de première instance est également convaincue que certains membres du

24 7e Groupe actif de la JNA se trouvaient dans la ville de Bosanski Samac le 17

25 avril 1992. La République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d'un conflit

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1 armé pendant la période mentionnée précédemment et il existait un lien entre

2 ce conflit armé et les actes des accusés. La Chambre de première instance ne

3 se saisit pas de la question de savoir si le conflit armé avait ou non un

4 caractère international. Elle estime que les arguments que l'accusation a

5 avancé dans l'acte d'accusation, à l'appui de l'existence d'un conflit armé

6 n'ont pas informé la Défense des faits importants, permettant de fonder

7 juridiquement les accusations d'expulsion ou de transfert d'illégaux basées sur

8 l'Article 2 du Statut. La Chambre estime que pour se prononcer sur les

9 accusations portées contre les accusés, elle ne peut pas prendre en

10 considération des faits dont il n'est pas fait état dans l'acte d'accusation

11 et rejette par conséquent, le Chef 3 de l'acte d'accusation. La Chambre

12 conclut que l'acte d'accusation modifié et les arguments avancés par

13 l'accusation, n'étaient pas suffisamment détaillés et précis pour informer la

14 Défense que l'accusation entendait invoquer l'existence d'un type d'entreprise

15 criminel commune allant au-delà de la forme élémentaire de celui-ci. Partant,

16 la Chambre de première instance n'a envisagé que la forme élémentaire de

17 l'entreprise criminelle commune fondée sur l'Article 7(1) du Statut, en plus

18 des autres formes de responsabilités pénales mentionnées dans ces

19 dispositions. La Chambre va à présent exposer ses constations et conclusions

20 concernant la responsabilité pénale individuelle de chaque accusé, pour les

21 actes sous-jacents constitutifs de crime de persécutions, tels que reprochés

22 au Chef 1 de l'acte d'accusation. La Chambre commencera par exposer ses

23 constations et conclusions relatives à la participation des accusés à une

24 entreprise criminelle commune visant à commettre des persécutions.

25 Responsabilité pénale individuelle, Entreprise criminelle commune, Article

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1 7 (1) du Statut : Sur la base des éléments de preuve produits, la Chambre de

2 première instance est convaincue que des membres de la cellule de Crise dont

3 Blagoje Simic en tant que son président; des membres de la police serbe, dont

4 le chef de la police, Stevan Todorovic, le tel était également membre de la

5 cellule de Crise; des membres de groupe paramilitaire serbe dont "Debeli,"

6 (Srcko, Radovanovic, "Pukovnik"), "Crni", (Dragan Djordjevic), "Lugar" ou

7 (Slobodan Miljkovic), et "Laki" ou (Predrag Lazarevic), et des membres du 17e

8 Groupe tactique de la JNA; ont participé à une forme élémentaire d'entreprise

9 criminelle commune et qu'ils partageaient l'intention de mettre à exécution un

10 plan commun de persécution des civils non-serbes dans la municipalité de

11 Bosanski Samac. La Chambre de première instance conclut à l'existence de ce

12 plan commun propre à l'entreprise criminelle commune sur la base de l'ensemble

13 des circonstances. Il existe suffisamment d'éléments de preuve permettant

14 d'affirmer que les participants à l'entreprise criminelle commune ont agi de

15 concert pour mettre à exécution un plan qui prévoyait entre autres, la prise

16 de la ville de Bosanski Samac par la force, l'occupation d'installation et

17 l'institution près de la ville, et la persécution de civils non-serbes de la

18 municipalité de Bosanski Samac durant la période couverte par l'acte

19 d'accusation. Ce plan commun visait à commettre des persécutions contre des

20 non-Serbes, y compris des actes d'arrestation et de détention illégale, des

21 traitements cruels et inhumains, et notamment des sévices corporels, la

22 torture, les travaux forcés, l'emprisonnement dans des conditions inhumaines,

23 les expulsions et le transfert forcé. Le Dr Blagoje Simic, en tant que

24 président de l'assemblée municipale et de la cellule de Crise, rebaptisée par

25 la suite Présidence de guerre, a dirigé l'entreprise criminelle commune à

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1 l'échelon municipal. Il occupait la place la plus élevée dans la hiérarchie

2 civile de la municipalité de Bosanski Samac, et savait que son rôle et son

3 autorité étaient essentiels pour mettre à exécution le dessein commun, à

4 savoir, les persécutions. La Chambre de première instance est convaincue que

5 Blagoje Simic et les autres participants ont agi dans l'intention partagée

6 devraient à ce but commun. Elle estime toutefois que Blagoje Simic a bien

7 participé à l'entreprise criminelle commune, rien ne permet de conclure que tel

8 ait été également le cas pour Miroslav Tadic et Simo Zaric qui ont participé.La

9 Chambre va maintenant présenter ses constations détaillées relatives à la

10 participation de Blagoje Simic à l'entreprise criminelle commune, ayant visé à

11 commettre les actes sous-jacents de persécutions, en exposant également ses

12 conclusions sur la responsabilité de Miroslav Tadic et de Simo Zaric au regard

13 de l'Article 7(1) du Statut pour le crime de persécutions reproché dans le

14 Chef 1 de l'acte d'accusation. Crimes contre l'humanité, Persécution, Chef 1 :

15 (a) Prise de pouvoir par la force.S'agissant de la prise de pouvoir par la

16 force, qualifiée d'acte constitutif de persécutions au Chef 1, la Chambre de

17 première instance conclut que cet acte n'atteint pas le degré de gravité

18 requis par les autres crimes contre l'humanité, et qu'il n'est pas à lui seul

19 assimilable à des persécutions. La Chambre note cependant qu'une prise de

20 pouvoir par la force peut donner lieu à la commission d'autres actes de

21 persécutions, car elle crée les conditions nécessaires à l'adoption, à

22 l'exécution de décisions privant les citoyens de leurs droits fondamentaux

23 pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses.(b) Arrestations et

24 détentions illégales. La Chambre de première instance est convaincue qu'après

25 la prise de la municipalité de Bosanski Samac le 17 avril 1992, et durant

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1 toute l'année 1992,des arrestations massives de civils musulmans et croates de

2 Bosnie ont été effectuées dans la municipalité par des membres de la police

3 locale serbe et des membres d'unité paramilitaire venus de Serbie. Certains

4 membres du 4e Détachement ont également procédé à des arrestations. Les

5 non-Serbes ont été arrêtés pour des raisons politiques et raciales et non

6 parce qu'ils étaient soupçonnés d'avoir commis des infractions réprimées

7 par le droit interne ou international. Les civils non-serbes ont été

8 détenus à Bosanski Samac dans différents lieux, au poste de police, dans

9 les locaux de la Défense territoriale, à l'école primaire et au lycée, à

10 Zasavica, et à Crkvina, ainsi que dans d'autres lieux de Bosnie-Herzégovine

11 y compris Brcko et Bijeljina. Les arrestations et le maintien en détention

12 de ces personnes étaient arbitraires et illégaux. Les détenus n'ont reçu

13 aucune explication justifiant leur arrestation et leur maintien en

14 détention, et l'un des rares procès qui ont lieu à Bijeljina et à Batkovic,

15 le droit à un procès équitable et le droit à la liberté et la sûreté des

16 personnes consacrées aux Articles 5 et 6 de la convention européenne des

17 Droits de l'homme, et aux Articles 9 et 4 du pacte international relatif

18 aux Droits civils et politiques ont été bafoués.

19 La Chambre de première instance conclut que la seule déduction qu'elle

20 puisse raisonnablement tirer de ces faits est que Blagoje Simic partageait

21 l'intention des autres participants à l'entreprise criminelle commune, à

22 savoir, l'exécution du plan commun de persécution et qu'il a pris part à

23 cette entreprise criminelle commune en permettant l'arrestation et la

24 détention illégale de civils non-serbes. La police, les unités

25 paramilitaires, la cellule de Crise et le 17e Groupe tactique de la JNA ont

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1 œuvré ensemble au maintien de ce système d'arrestation et de détention. A

2 la tête de la cellule de Crise, Blagoje Simic a présidé des réunions

3 portant le fonctionnement des autorités municipales. Le chef de la police,

4 Stevan Todorovic, rendait compte à la cellule de Crise des arrestations et

5 des placements en détention à Bosanski Samac. Blagoje Simic occupait un

6 poste qui lui a assuré une influence et un pouvoir considérable, et à ce

7 poste il n'a pris aucune mesure significative pour mettre fin aux

8 arrestations et aux placements en détention.

9 La Chambre de première instance n'est pas convaincue que les éléments de

10 preuve établissent à suffisance que Miroslav Tadic a participé aux

11 arrestations et détentions illégales de non-Serbes. Même si Miroslav Tadic,

12 en tant que membre de la commission d'Echange, avait connaissance de

13 l'intention discriminatoire présidant l'entreprise criminelle commune, on

14 ne peut considérer que ces actes ou omissions ont eu un effet important sur

15 les arrestations et détentions illégales, et par conséquent, il n'a pas

16 participé en tant que complice à l'entreprise criminelle commune.

17 La Chambre de première instance n'est pas convaincue que Simo Zaric a

18 participé à l'arrestation et la détention illégale de non-Serbes. En tant

19 que commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance du

20 moral, et de l'information au sein du 4e Détachement, il a interrogé des

21 détenus au SUP et à Brcko. La Chambre n'est pas convaincue que ces actes

22 ont eu un effet important sur les arrestations et les détentions illégales.

23 Simo Zaric n'a pas ordonné d'arrestations et il a, à plusieurs reprises,

24 recommandé la libération de détenus.

25 (c) Interrogatoires

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1 Concernant l'allégation selon laquelle Simo Zaric aurait interrogé des

2 Croates et des Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres civils non-serbes qui

3 avaient été arrêtés et détenus et les aurait contraint à signer de fausses

4 déclarations, la Chambre conclut que s'il a bien été établi que Simo Zaric

5 a interrogé des détenus au SUP à Bosanski Samac et à Brcko, rien ne prouve

6 qu'il les ait contraint à signer de fausses déclarations. La Chambre

7 estime, en outre, que les interrogatoires qualifiés à un seul acte de

8 persécution ne présentent pas le décret de gravité requis pour constituer

9 des persécutions et un crime contre l'humanité. La Chambre de première

10 instance a donc examiné les interrogatoires sous le chef de persécution en

11 tant que traitements cruels et inhumains.

12 Je donne maintenant la parole à Madame le Juge Williams, celle qui va

13 prononcer la suite de notre déclaration.

14 M. LE JUGE WIILIAMS : [interprétation] (d) Traitements cruels et inhumains

15 La Chambre de première instance considère que l'accusation de "traitements

16 cruels et inhumains, y compris des sévices corporels, la torture, les

17 travaux forcés et l'emprisonnement dans des conditions inhumaines" (ceci

18 n'étant pas souligné dans l'original), cet accusation donc était trop vague

19 et trop générale pour permettre à la Défense d'être informée des faits qui

20 n'étaient pas expressément mentionnés dans l'acte d'accusation modifié et

21 elle estime que cela a considérablement nuit à la capacité des accusés de

22 préparer efficacement leur défense. Par conséquent, la Chambre n'a examiné

23 aucun traitement cruel et inhumain ne relevant pas des sévices corporels,

24 des travaux forcés et de l'emprisonnement dans des conditions inhumaines.

25 On n'en a pas tenu compte. Cependant, la Chambre est convaincue que les

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1 tortures n'étaient pas qualifiées d'actes constitutifs de traitements

2 cruels et inhumains mais qu'elles étaient au même titre que les traitements

3 cruels et inhumains qualifiés d'actes constitutifs de persécution.

4 La Chambre de première instance constate que les détenus ont subi, de

5 manière répétée, des sévices corporels qui leur ont été infligés par des

6 membres des unités paramilitaires et de la police serbe. Ces sévices qui

7 ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës, à la fois physiques et

8 mentales, constituaient des traitements cruels et inhumains. Ces actes ont

9 été commis pour des motifs discriminatoires et constituent, de ce fait, des

10 persécutions. D'autres actes, tels que les violences sexuelles,

11 l'extraction de dents et les menaces d'exécution constituent quant à eux

12 des tortures. Ces actes qui ont provoqué des douleurs et des souffrances

13 aiguës, physiques et mentales, ont été commis dans le but d'opérer une

14 discrimination au détriment des victimes pour des motifs ethniques. Les

15 civils non-serbes détenus dans des centres situés à Bosanski Samac, Crkvina

16 et Bijeljina, ont été emprisonnés dans des conditions inhumaines ce qui

17 constituait un traitement cruel et inhumain. Les détenus manquaient de

18 place, de nourriture ou d'eau, et ils faisaient l'objet de traitements

19 humiliants et dégradants. Ils souffraient du manque d'hygiène et étaient

20 privés des soins médicaux nécessaires. La Chambre de première instance

21 conclut qu'ils ont été détenus dans des conditions inhumaines pour des

22 motifs discriminatoires. Toutefois, la Chambre de première instance n'est

23 pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que la détention des non-

24 Serbes à Zasavica constituait un emprisonnement dans des conditions

25 inhumaines.

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1 La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic a pris

2 part à l'entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers

3 non-serbes dans les centres de détention de la ville de Bosanski Samac en

4 leur infligeant des traitements cruels et inhumains, à savoir, notamment,

5 des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des

6 conditions inhumaines.

7 Toutefois, la Chambre n'est pas convaincue qu'il ait participé à

8 l'entreprise criminelle commune visant à persécuter, par des traitements

9 cruels et inhumains, les civils non-serbes détenus dans les centres de

10 Crkvina, Brcko et Bijeljina.

11 La Chambre n'est pas convaincue que les éléments de preuve produits par

12 l'accusation suffisent à établir que le comportement de Miroslav Tadic a eu

13 un effet important sur la commission du crime. La Chambre n'est pas

14 convaincue que Miroslav Tadic avait le pouvoir d'empêcher les auteurs de

15 commettre des persécutions, à savoir, notamment, des sévices corporels, des

16 tortures et l'emprisonnement dans des conditions inhumaines à l'encontre de

17 prisonniers non-serbes détenus dans les centres de Bosanski Samac, Crkvina,

18 Brcko ou Bijeljina.

19 La Chambre est convaincue que Simo Zaric a participé en tant que complice à

20 l'entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers non-

21 serbes dans les centres de détention de Bosanski Samac en leur infligeant

22 des traitements cruels et inhumains, à savoir, notamment, des sévices

23 corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions

24 inhumaines. Simo Zaric a interrogé des prisonniers non-serbes qui avaient

25 été battus. La Chambre de première instance reconnaît qu'il n'a pas pris

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1 part aux sévices et qu'il ne les a pas approuvés. Toutefois, la Chambre

2 considère que sa participation aux interrogatoires ainsi que son rôle lors

3 de l'interview de prisonniers non-serbes par TV Novi Sad ont emporté des

4 encouragements et un soutien moral aux auteurs des traitements cruels et

5 inhumains infligés aux prisonniers non-serbes. Dans ce contexte, la Chambre

6 de première instance a pris en compte le fait que Simo Zaric était un

7 ancien chef du SUP de Bosanski Samac, qu'il était le commandant adjoint

8 chargé du renseignement au sein du 4e Détachement, ainsi que quelqu'un qui

9 avait un rôle très actif dans la vie sociale et culturelle de Bosanski

10 Samac. Cependant la Chambre n'attache aucun poids à son rôle occupé de

11 manière très brève de chef de la Sécurité nationale de Bosanski Samac. La

12 Chambre conclut que ces éléments prouvent au-delà de tout doute raisonnable

13 que la participation de Simo Zaric aux interrogatoires a eu un effet

14 important sur la perpétration de mauvais traitements. Bien que la Chambre

15 de première instance ne soit pas convaincue que Simo Zaric partageait la

16 portion discriminatoire des auteurs de ces actes, la Chambre conclut que

17 l'accusé avait connaissance de cette intention. Et pour ces raisons, la

18 Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute

19 raisonnable que Simo Zaric est pénalement responsable de persécution en

20 tant que complice. Il est pénalement responsable des traitements cruels et

21 inhumains infligés jusqu'en juillet 1992, date à laquelle il a été nommé

22 vice-président du Conseil militaire civil de la municipalité d'Odzak.

23 Toutefois, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que Simo

24 Zaric partageait ou avait connaissance de l'intention discriminatoire des

25 auteurs de persécution ayant infligé des traitements cruels et inhumains, à

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1 savoir, notamment, des sévices corporels, des tortures et l'emprisonnement

2 dans des conditions inhumaines à Brcko et Bijeljina. Les éléments de preuve

3 produits par l'accusation n'établissent pas au-delà de tout doute

4 raisonnable que Simo Zaric avait connaissance de cette intention. Simo

5 Zaric, lui-même, a seulement reconnu qu'il avait connaissance des

6 persécutions dont ont été victime les civils non-serbes dans les centres de

7 détention de Bosanski Samac. La Chambre de première instance n'est pas

8 convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric a contribué,

9 de manière importante, à la persécution des prisonniers non-serbes auxquels

10 ont été infligés des traitements cruels et inhumains, à savoir, notamment,

11 des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des

12 conditions inhumaines à Crkvina.

13 (e) Travaux forcés en tant que traitements cruels et inhumains

14 La Chambre de première instance est convaincue qu'en violation des normes

15 du droit international humanitaires, des civils étaient contraints de

16 creuser des tranchées, de construire des casemates et d'effectuer d'autres

17 travaux de caractères militaires sur la ligne de front où ils étaient

18 exposés au danger et couraient de grands risques d'être blessés ou tués. La

19 Chambre de première instance convient que le fait de forcer des civils à

20 travailler dans des conditions mettant leurs vies en péril, viole

21 l'obligation consacrée par les conventions de Genève, de les traiter

22 humainement et constitue, par conséquent, un traitement cruel et inhumain.

23 La Chambre de première instance est convaincue que ces travaux forcés

24 obéissaient à des motifs discriminatoires et qu'ils atteignaient le degré

25 de gravité requis pour constituer des persécutions.

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1 En outre, la Chambre de première instance est convaincue que les civils

2 non-serbes étaient affectés à des travaux forcés humiliants. Si les

3 exemples isolés de travaux humiliants peuvent demeurer en de ça du degré de

4 gravité requis pour être qualifié de persécution, la Chambre tient pour

5 constant que ces travaux s'inscrivaient dans le cadre d'une série d'actions

6 visant les Musulmans et Croates de Bosnie exerçant des fonctions politiques

7 et économiques importantes. La Chambre est convaincue que les travaux

8 humiliants atteignent le degré de gravité requis pour être qualifié de

9 persécution.

10 La Chambre de première instance admet que certains types de travaux,

11 notamment, la préparation des repas, l'entretien du réseau électrique et du

12 système d'approvisionnement en eau et les travaux agricoles étaient

13 nécessaires pour le bien de la communauté et que ceci, bien qu'effectués

14 sous les contraintes, sont autorisés par le droit international

15 humanitaire.

16 Il n'a pas été établi, au-delà de tout doute raisonnable, que les

17 conditions dans lesquels ces travaux étaient accomplies étaient telles

18 qu'elles constituaient des traitements cruels et inhumains, ni que les

19 travaux présentaient un degré de gravité suffisant pour constituer des

20 persécutions.

21 La Chambre de première instance tient pour constant que les Musulmans et

22 les Croates de Bosnie, contraints de piller les maisons appartenant à des

23 personnes qu'ils connaissaient parfois et qu'ils tenaient en haute estime,

24 étaient soumis à des traitements humiliants. Toutefois, la Chambre n'est

25 pas convaincue qu'il ait été établi, au-delà de tout doute raisonnable, que

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1 la cellule de Crise par sa participation au programme de travail forcé, a

2 contraint les civils à des actes de pillage.

3 La Chambre estime que le Secrétariat à la défense nationale, l'organe

4 responsable de la gestion du programme de travail forcé, rendait des

5 comptes à la cellule de Crise. Elle conclut, en conséquences, que la

6 cellule de Crise assumait en dernier ressort la responsabilité de faire

7 travailler des personnes dans des conditions dangereuses.

8 La Chambre de première instance est convaincue que les travaux forcés,

9 dangereux et humiliants auxquels étaient astreints les Musulmans et les

10 Croates de Bosnie, s'inscrivaient dans le cadre de l'entreprise criminelle

11 commune visant à persécuter les civils non-serbes des municipalités de

12 Bosanski Samac et d'Odzak. La Chambre de première instance est convaincue

13 que Blagoje Simic avait l'intention de contraindre les Musulmans et les

14 Croates de Bosnie à accomplir des travaux dangereux ou humiliants. En sa

15 qualité de président de la cellule de Crise, et plus tard de la Présidence

16 de guerre, il a pris part à la nomination et au licenciement du chef de la

17 direction municipale de la défense. Il avait connaissance de la situation

18 générale régnant dans la municipalité et savait que des civils étaient

19 employés au creusement des tranchées et à d'autres travaux militaires

20 dangereux. Il n'a pris aucune des mesures en son pouvoir pour mettre fin à

21 cette pratique.

22 Si la Chambre de première instance est bien convaincue que Miroslav Tadic

23 connaissait l'existence du programme de travail forcé, elle n'est pas

24 convaincue, en revanche, qu'il ait partagé, ni même connu, l'intention de

25 Blagoje Simic et celle des autres membres de l'entreprise criminelle

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1 commune de contraindre les Musulmans et les Croates de Bosnie à effectuer

2 des travaux dangereux ou humiliants. Bien que les éléments de preuve

3 établissent que Miroslav Tadic a pris part au programme de travail forcé,

4 la Chambre de première instance n'est pas convaincue qu'il ait, par sa

5 participation, contraint les non-Serbes à accomplir des travaux dangereux

6 ou humiliants.

7 La Chambre de première instance n'est pas convaincue que les éléments de

8 preuve présentés permettent de conclure que Simo Zaric a contribué, de

9 manière importante, à contraindre des non-Serbes à effectuer des travaux

10 forcés dangereux ou humiliants.

11 (f) Pillage

12 La Chambre convient qu'immédiatement après la prise par la force de

13 Bosanski Samac, des actes isolés de pillage ont été perpétrés à grande

14 échelle. S'il a été établi que des unités paramilitaires, des membres du 4e

15 Détachement et de la police ainsi que des civils serbes ordinaires ont pris

16 part aux actes de pillage de biens appartenant aux non-Serbes, la Chambre

17 de première instance n'est pas convaincue que le rôle joué par la cellule

18 de Crise dans ces actes ait été établi au-delà de tout doute raisonnable.

19 La Chambre de première instance retient les dépositions des témoins à

20 décharge selon lesquels la cellule de Crise a pris certaines mesures afin

21 de protéger les biens abandonnés par les familles ou les biens des

22 entreprises publiques.

23 La Chambre de première instance tient pour acquis que certains civils qui

24 se rassemblaient chaque matin devant le bâtiment de la commune locale pour

25 être affectés à des travaux, ont pris part aux actes de pillage mais elle

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1 n'est pas convaincue qu'il a été établi, de manière concluante, que la

2 cellule de Crise a ordonné ces actes. Les témoins contraints de se livrer

3 au pillage ont déclaré qu'ils recevaient parfois des ordres de civils

4 serbes qui pillaient en même temps qu'eux ou bien de conducteurs qui

5 agissaient pour leurs propres comptes. Ces témoins ont indiqués que les

6 biens pillés étaient chargés dans des véhicules privés et qu'il n'existait

7 aucun contrôle d'aucune sorte.

8 Aux vues de ce qui précède, la Chambre de première instance n'est pas

9 convaincue que les pillages généralisés de biens appartenant aux Musulmans

10 et aux Croates de Bosnie s'inscrivent dans le cadre du plan commun visant à

11 persécuter les civils non-serbes. Si, en l'espèce, la connaissance

12 qu'avaient les accusés des actes de pillage ne prête pas à controverse, la

13 Chambre n'est pas convaincue que leur participation délibérée à ces actes,

14 sous quelque forme que ce soit, ait été prouvée au-delà de tout doute

15 raisonnable.

16 (g) L'émission d'ordres, de mesures, de décisions et autres dispositions

17 réglementaires au nom de la cellule de Crise serbe et de la Présidence de

18 guerre

19 Bien que la cellule de Crise de la municipalité serbe de Bosanski Samac ait

20 pris certaines décisions enfreignant le droit des civils non-serbes à un

21 traitement égal, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que

22 ces décisions présentent un caractère suffisamment grave pour constituer

23 des persécutions.

24 (h) Expulsion et transfert

25 La Chambre de première instance est convaincue que des civils non-serbes

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1 ont été expulsés de la municipalité de Bosanski Samac vers la Croatie et de

2 Batkovic vers Lipovac. D'autres civils non-serbes ont également été

3 déplacés à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine, à savoir, de la

4 municipalité de Bosanski Samac vers Dubica. La Chambre de première instance

5 n'est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que les transferts

6 de civils non-serbes de la municipalité de Bosanski Samac vers Zasavica et

7 Crkvina aient été effectués dans l'intention de les déplacer de façon

8 définitive. Elle conclut, en conséquences, que ces non-Serbes n'ont pas

9 fait de transferts forcés. De même, la Chambre n'est pas convaincue que les

10 transferts de prisonniers non-serbes d'un centre de détention à un autre à

11 l'intérieur du territoire contrôlé par les Serbes en Bosnie-Herzégovine

12 constituent un transfert forcé dès lors qu'il n'a pas été constaté que

13 l'intention des accusés étaient d'empêcher le retour des victimes. La

14 Chambre de première instance conclut qu'aucun des accusés n'est pénalement

15 responsable du transfert forcé de prisonniers non-serbes d'un centre de

16 détention vers un autre et la Chambre n'est pas non plus convaincue que les

17 accusés aient été animés de l'intention de déplacer définitivement ces

18 prisonniers.

19 S'agissant de la responsabilité pénale de Blagoje Simic, la majorité des

20 juges est convaincue qu'il a pris part à l'entreprise criminelle commune

21 visant à persécuter les civils non-serbes aux moyens d'expulsion et de

22 transferts forcés. La Chambre a estimé que la cellule de Crise, laquelle

23 était présidée par Blagoje Simic, était régulièrement informée des échanges

24 de prisonniers effectués par Miroslav Tadic. Le 2 octobre 1992, Blagoje

25 Simic, à la tête de la Présidence de guerre, a signé la lettre portant la

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1 nomination des membres de la Commission d'échanges de civils qui

2 transmettait tous les mois à la Présidence de guerre un rapport sur ses

3 activités. La Chambre a également estimé que le système d'échanges a duré

4 environ un an et demi et elle conclut que Blagoje Simic n'a pas pris des

5 mesures suffisantes afin d'empêcher le déplacement illégal de non-Serbes.

6 La Chambre est convaincue que Blagoje Simic savait que les personnes

7 illégalement déplacées étaient des non-Serbes. La Chambre est convaincue

8 que les mauvais traitements infligés à grande échelle et de manière

9 continue aux civils non-serbes et les mesures de déplacements dont ceux-ci

10 ont été victimes par la suite prouvent que les participants en entreprise

11 criminelle commune visant à persécuter ces civils partageaient l'intention

12 de les déplacer de manière définitive. La seule déduction que l'on puisse

13 raisonnablement tirer de ces actes de persécution est que leurs auteurs

14 n'entendaient pas que leurs victimes retournent chez elles. Aussi la

15 Chambre de première instance est-elle convaincue que Blagoje Simic était

16 animé d'une intention discriminatoire en ce qui concerne le déplacement

17 illégal de ces civils non-serbes. Pour ces raisons, la Chambre conclut que

18 Blagoje Simic a participé à l'entreprise criminelle commune visant à

19 persécuter les civils non-serbes aux moyens d'expulsions et de transferts

20 forcés.

21 En ce qui concerne la responsabilité pénale de Miroslav Tadic, la Chambre

22 de première instance conclut qu'il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute

23 raisonnable que ce dernier a participé à l'entreprise criminelle commune

24 visant à persécuter les civils non-serbes en les déplaçant de manière

25 illégale. Elle est toutefois convaincue au-delà de tout doute raisonnable,

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1 que Miroslav Tadic a largement contribué à l'expulsion de civils non-serbes

2 en se faisant le complice de cet acte. Miroslav Tadic savait que les

3 participants à l'entreprise criminelle commune visant à persécuter les

4 civils non-serbes aux moyens d'expulsions étaient animés d'une intention

5 discriminatoire. A cet égard, la Chambre prend en considération le fait que

6 Miroslav Tadic savait que les prisonniers détenus à Bosanski Samac, et

7 déplacés par la suite, étaient des non-Serbes et qu'il avait connaissance

8 de leurs arrestations, de leurs détentions et des traitements cruels et

9 inhumains qui leur étaient infligés dans les centres de détention à

10 Bosanski Samac. Quant à la question de savoir si Miroslav Tadic entendait

11 déplacer de façon définitive les civils non-serbes, la Chambre rejette les

12 déclarations de ce dernier lorsqu'il affirme qu'il n'a jamais souhaité que

13 certains de ses concitoyens quittent définitivement la région et qu'il

14 était toujours pour eux de revenir. La Chambre est convaincue au-delà de

15 tout doute raisonnable que les éléments de preuve produits par l'accusation

16 démontrent sa suffisance que Miroslav Tadic entendait bien déplacer de

17 façon définitive les civils non-serbes en les obligeant à quitter leurs

18 domiciles dans la municipalité de Bosanski Samac. Pour la Chambre, il ne

19 fait aucun doute que la seule conclusion pouvant être déduite de la

20 participation substantielle et ininterrompue de Miroslav Tadic aux échanges

21 de civils non-serbes et que ce dernier entendait que les civils non-serbes

22 ne retournent jamais chez eux, ou savait du moins que ces actes auraient

23 pour conséquence probable leurs déplacements définitifs et qu'il ne s'en

24 ait pas soucié. Pour ces raisons, la Chambre de première instance estime

25 que la responsabilité pénale de Miroslav Tadic est engagée pour avoir aider

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1 et encourager les persécutions aux moyens d'expulsions. S'agissant de Simo

2 Zaric, la Chambre de première instance conclut que ce dernier, à l'instar de

3 Miroslav Tadic et Bozo Ninkovic, a été chargé par la Cellule de crise

4 d'établir la liste des Serbes détenus à Odzak avant l'échange organisé à

5 Dubica les 25 et 26 mai 1992, étant donné qu'il était originaire de Trnjak

6 Zorice dans la municipalité d'Odzak et pouvait fournir des informations

7 concernant bon nombre de ces détenus serbes. Toutefois, la Chambre n'est pas

8 convaincue que les éléments de preuve produits par l'accusation suffisent à

9 établir au-delà de tout doute raisonnable, que Simo Zaric ait agit en étant

10 animé d'une quelconque intention discriminatoire ou qu'il ait eu connaissance

11 de l'intention des participants à l'entreprise criminelle commune de

12 persécuter les civils non-serbes aux moyens de transferts forcés. La Chambre

13 de première instance n'est pas non plus convaincue que Simo Zaric ait

14 participé à l'expulsion illégale de civils non-serbes les 4 et 5 juillet 1992,

15 à Lipovac. Bien que la Chambre accepte les éléments de preuve faisant état de

16 la présence de Simo Zaric sur le lieu de l'échange, elle estime que

17 l'accusation n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que par sa

18 présence sur place ou par tout acte accompli avant cet échange, il y aurait

19 participé. Crimes contre l'humanité, Expulsions, Chef 2. La Chambre de

20 première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Blagoje

21 Simic et Miroslav Tadic sont pénalement responsables de l'expulsion de civils

22 non-serbes, un crime contre l'humanité, sanctionné par l'Article 5(d) du

23 Statut, et ce à raison du même comportement que celui constituant l'acte

24 constitutif du crime d'expulsion visé au Chef 1. Pour ce qui est de Simo

25 Zaric, la Chambre estime que les éléments de preuve produits par l'accusation

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1 ne suffisent pas à établir au-delà de tout doute raisonnable que la

2 responsabilité pénale de celui-ci est mise en cause pour les expulsions

3 reprochées en application de l'Article 5(d) du Statut. M. LE JUGE MUMBA :

4 [interprétation] Fixation de la peine. La Chambre de première instance va se

5 pencher maintenant sur la question de la fixation de la peine. Conformément à

6 la jurisprudence de la Chambre d'appel en matière de cumul de déclaration de

7 culpabilité, la Chambre de première instance en déterminant la peine à

8 infliger a pris en considération le fait que le cumul de déclaration de

9 culpabilité à raison de crimes sanctionnés par différentes dispositions du

10 Statut, mais fondé sur le même comportement, n'est possible que si chacun des

11 crimes comporte un élément nettement distinct, qui exige la preuve d'un fait

12 que n'exige pas les autres. Si l'un seulement des crimes reprochés comporte un

13 élément nettement distinct, la Chambre se fondera uniquement sur ce crime le

14 plus spécifique pour prononcer une déclaration de culpabilité. Alors que

15 l'expulsion en tant que crimes contre l'humanité ne comporte pas d'éléments

16 nettement distincts de la persécution, la persécution en revanche exige la

17 preuve d'une intention discriminatoire. Aussi la Chambre conclut-elle que le

18 cumul de déclarations de culpabilité, à raison de crime d'expulsion en tant

19 que crime contre l'humanité du crime de persécution aux moyens d'expulsions,

20 n'est pas possible. Elle se fondera donc uniquement sur le crime de

21 persécution en l'occurrence le plus spécifique pour prononcer une déclaration

22 de culpabilité. La Chambre a, par conséquent, reconnu Blagoje Simic coupable

23 de crimes contre l'humanité à raison de persécutions, pour l'arrestation et la

24 détention illégale de civils croates et musulmans de Bosnie, de traitement

25 cruel et inhumain y compris les sévices corporels, la torture, les travaux

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1 forcés et l'emprisonnement dans des conditions inhumaines, ainsi que de la

2 déportation et du transfert forcé, tel qu'il est dit au Chef 1. Compte tenu du

3 cumul de déclarations de culpabilité, aucune déclaration de culpabilité n'est

4 prononcée à son encontre pour le Chef 2. Miroslav Tadic est reconnu coupable

5 de crime contre l'humanité à raison de persécutions, pour la déportation et le

6 transfert forcé tel qu'il est dit au Chef 1, compte tenu du cumul de

7 déclarations de culpabilité. Aucune déclaration de culpabilité n'est prononcée

8 à son encontre pour le Chef 2. Simo Zaric est reconnu coupable de crime contre

9 l'humanité à raison de persécution pour les traitements cruels et inhumains y

10 compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et

11 l'emprisonnement dans des conditions inhumaines, tel qu'il est dit au Chef 1.

12 S'agissant de Blagoje Simic, la Chambre de première instance considère que son

13 rôle majeur au sein de l'entreprise criminelle commune, dont l'objectif était

14 de prendre par la force le pouvoir dans la municipalité de Bosanski Samac, et

15 d'en expulser les Musulmans et les Croates de Bosnie au moyen de persécutions

16 odieuses, constituant un facteur aggravant. En outre, la Chambre souligne

17 qu'en sa qualité se dirigeant civil, le plus haut placé de la municipalité,

18 Blagoje Simic avait des responsabilités particulières à l'égard de l'ensemble

19 de la population. La Chambre reconnaît par ailleurs que l'état de

20 vulnérabilité des victimes placés en détention, est le fait qu'en sa qualité

21 de médecin, Blagoje Simic avait parfaitement conscience de leur souffrance

22 constitue des circonstance aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes,

23 la Chambre retient la reddition volontaire de Blagoje au Tribunal, son

24 attitude générale au cours du procès, sa bonne conduite en détention et son

25 casier judiciaire vierge. S'agissant de Miroslav Tadic, la Chambre de première

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1 instance a pris en considération le rôle actif qu'il a joué dans les échanges,

2 ainsi que la situation des victimes qui en raison de leur placement en

3 détention et d'autres facteurs n'étaient pas en mesure de véritablement faire

4 un choix concernant leur échange. Au titre de circonstances atténuantes, la

5 Chambre retient l'aide apportée par Miroslav Tadic à plusieurs Musulmans de

6 Bosnie pendant la guerre, sa reddition volontaire au Tribunal, les remords

7 qu'il a exprimés, sa situation personnelle, ainsi que la transe de

8 condamnation antérieure. S'agissant de Simo Zaric, la Chambre de première

9 instance estime que le rôle qu'il a joué en tant que membre actif du 4e

10 Détachement, la position d'autorité qu'il occupait ainsi que l'état de

11 vulnérabilité des victimes qui étaient régulièrement soumis à des mauvais

12 traitements lors de leur détention, constituent des circonstances aggravantes.

13 Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient les efforts

14 entrepris par Simo Zaric pour atténuer la souffrance de certaines victimes, et

15 pour prendre des mesures contre certains des crimes commis. Les remords qu'il

16 a exprimés, sa reddition volontaire, sa situation personnelle, ainsi que la

17 transe de condamnation antérieure. La Chambre de première instance conclut par

18 les dispositifs suivants. Monsieur Blagoje Simic, veuillez vous lever, je vous

19 prie. En ce qui vous concerne, Monsieur Blagoje Simic, vous êtes déclaré

20 coupable du Chef 1, persécutions, un crime contre l'humanité, pour

21 l'arrestation et la détention illégale de civils croates et musulmans de

22 Bosnie, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices

23 corporels, la torture, les travaux forcés et l'emprisonnement dans des

24 conditions inhumaines, ainsi que pour la déportation et le transfert forcé.

25 Aucune déclaration de culpabilité n'est prononcée pour le Chef 2, la Chambre

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1 ayant jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées

2 cumulativement pour les Chefs 1, et 2. Le Chef 3 est rejeté, au motif que

3 l'acte d'accusation modifié étant taché de vices de forme. En application de

4 l'Article 101(C) du règlement, suite à votre reddition volontaire au Tribunal

5 le 12 mars 2001, et à votre détention ultérieure au quartier pénitentiaire du

6 Tribunal, une période de 949 jours sera déduite de la peine qui vous sera

7 infligée. Sera également déduite, la période que vous passerez en détention,

8 en attendant que le président du Tribunal en application de l'Article 103(A)

9 du règlement choisisse l'état où vous purgerez votre peine. Dans l'attente de

10 cette décision, vous resterez sous la garde du Tribunal. Vous êtes condamné à

11 17 années d'emprisonnement. Vous pouvez vous rasseoir. Monsieur Miroslav

12 Tadic, veuillez vous lever, je vous prie. En ce qui vous concerne, Monsieur

13 Miroslav Tadic, vous êtes déclaré coupable du Chef 1, persécutions, un crime

14 contre l'humanité, pour la déportation et le transfert forcé. Aucune

15 déclaration de culpabilité n'est prononcée pour le Chef 2, la Chambre ayant

16 jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées

17 cumulativement pour les Chefs 1 et 2. Le Chef 3 est rejeté au motif que l'acte

18 d'accusation modifié étant taché de vices de forme. Une période de 1568 jours

19 sera déduite de la peine qui vous sera infligée. Sera également déduite, la

20 période que vous passerez en détention, en attendant que le président du

21 Tribunal en application de l'Article 103 (A) du règlement choisisse l'état où

22 vous purgerez votre peine. Dans l'attente de cette décision, vous resterez

23 sous la garde du Tribunal. Monsieur Miroslav Tadic, vous êtes condamné à huit

24 années d'emprisonnement. Vous pouvez vous rasseoir. Monsieur Simo Zaric,

25 veuillez vous lever, je vous prie. En ce qui vous concerne, Monsieur Simo

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1 Zaric, vous êtes déclaration coupable du Chef 1, persécutions, un crime contre

2 l'humanité, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices

3 corporels, la torture, les travaux forcés et l'emprisonnement dans des

4 conditions inhumaines. La Chambre de première instance vous acquitte du Chef

5 2. Le Chef 3 est rejeté au motif que l'acte d'accusation modifié étant taché

6 de vices de forme. Une période de 1 558 jours sera déduite de la peine qui

7 vous sera infligée. Sera également déduite, la période que vous passerez en

8 détention, en attendant que le président du Tribunal en application de

9 l'Article 103(A) du règlement choisisse l'état où vous purgerez votre peine.

10 Dans l'attente de cette décision, vous resterez sous la garde du Tribunal.

11 Monsieur Simo Zaric vous êtes condamné à six années d'emprisonnement. Je vous

12 prie de vous rasseoir. M. le Juge Lindholm va rendre ses conclusions

13 conformément à son opinion partiellement dissidente. LE JUGE LINDHOLM :

14 [interprétation] Je donnerais seulement lecture des dispositions contenues

15 dans l'opinion partiellement dissidente. En accord avec les observations de la

16 Chambre de première instance concernant le cumul de déclarations de

17 culpabilité, je conclus comme la majorité à la culpabilité de Blagoje Simic,

18 s'agissant du Chef 1, à savoir, persécutions un crime contre l'humanité. Pour

19 les raisons que j'ai données dans mon opinion partiellement dissidente, je

20 considère qu'une peine de sept années d'emprisonnement est proportionnée et

21 juste. J'estime, en outre, que Miroslav Tadic et Simo Zaric ne sont coupables

22 ni du Chef 1, ni du Chef 2. Je rejette comme la majorité le Chef 3. Je vous

23 remercie. Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Ce procès est à présent

24 terminé. L'audience est levée. --- L'audience est levée à 10 heures 57.

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