Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
25 septembre 2003

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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DÉCISION FAISANT DROIT À LA REQUÊTE DES AMICI CURIAE AUX FINS DE CERTIFICATION D’UN APPEL INTERJETÉ CONTRE UNE DÉCISION DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

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Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice
M. Dermot Groome

L’accusé :

M. Slobodan Milosevic

Les amici curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy L. H. McCormack

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la requête des amici curiae aux fins de certification en application de l’article 73 B) du Règlement d’un appel interjeté contre l’Ordonnance concernant la préparation et la présentation des moyens à décharge en date du 17 septembre 2003 (Amici Curiae Request for a Certificate Pursuant to Rule 73 (B) to Appeal Against the Trial Chamber Order Concerning the Presentation and Preparation of the Defence Case Dated 17 September 2003), déposée le 18 septembre 2003 (la « Requête »), par laquelle les amici curiae ont demandé à la Chambre de première instance, en application de l’article 73 B) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »), de certifier l’appel interjeté contre les décisions suivantes figurant dans son Ordonnance du 17 septembre1 :

  1. Le procès sera ajourné pour une période de trois mois entre la fin de la présentation des moyens à charge et le début de celle des moyens à décharge, et

  2. Dans un délai de six semaines à compter de la fin de la présentation des moyens à charge, l’accusé déposera une liste des témoins qu’il entend citer et les autres documents y afférents, ainsi qu’une liste des pièces à conviction qu’il entend présenter à l’appui des moyens qu’il invoque et les autres documents y afférents,

VU les arguments avancés par les amici curiae dans la Requête, lesquels reprennent ceux de l’accusé relatifs au manque de temps et de facilités disponibles afin de préparer sa défense de manière adéquate, et compte tenu du fait que les conditions cumulatives de l’article 73 B) du Règlement sont remplies (voir infra),

VU la réponse de l’Accusation à la Requête des amici curiae en date du 18 septembre 2003 aux fins de certification d’un appel en application de l’article 73 B) du Règlement (Prosecution Response to the Request by Amici Curiae Dated 18 September 2003 for a Certificate Pursuant to Rule 73 (B)), déposée le 24 septembre 2003, dans laquelle l’Accusation soutient que la Requête ne remplit pas les conditions préalables à l’appel interlocutoire et que celle-ci ne précise pas dans quelle mesure la Chambre de première instance pourrait avoir versé dans l’erreur de sorte qu’une certification d’appel soit justifiée,

ATTENDU qu’en application de l’article 73 B) du Règlement, deux conditions doivent être remplies pour que la Chambre de première instance puisse exercer son pouvoir d’appréciation et certifier une décision en vue d’un appel interlocutoire : 1) la décision doit toucher une question susceptible de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité du procès ou son issue, et 2) son règlement immédiat par la Chambre d’appel devrait pouvoir, de l’avis de la Chambre de première instance, concrètement faire progresser les débats2 ;

ATTENDU que l’accusé assure lui-même sa défense et que la Chambre de première instance devrait l’autoriser dans une certaine mesure à présenter des requêtes et à soulever oralement des problèmes relatifs à la préparation et à la conduite de sa défense, ainsi que d’autres questions concernant les accusations dont il fait l’objet ;

ATTENDU que la Chambre de première instance confie aux amici curiae la tâche, entre autres, d’entreprendre toute action qu’ils estiment judicieuse en vue d’assurer un procès équitable3 et que la Requête dont nous sommes saisis entre dans le cadre de cette mission ;

ATTENDU que la Requête peut raisonnablement être considérée comme constituant une demande de certification d’appel interlocutoire contre la décision relative à la demande de l’accusé aux fins d’obtenir un délai de deux ans à compter de la fin de la présentation des moyens à charge en vue de préparer sa défense et de se conformer au régime de communication des pièces qui lui a été imposé pour la présentation de ses moyens,

ATTENDU que la Chambre de première instance est convaincue que les conditions cumulatives prescrites par l’article 73 B) du Règlement sont remplies,

EN APPLICATION de l’article 73 B) du Règlement,

FAIT DROIT À LA REQUÊTE AUX FINS DE CERTIFICATION D’APPEL.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
_________
Richard May

Le 25 septembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Ordonnance concernant la préparation et la présentation des moyens de preuve à décharge (l’« Ordonnance »).
2. Voir la Décision relative à la requête de Radoslav Brdjanin aux fins de délivrer la certification visée à l’article 73 (B) du Règlement pour la décision confidentielle rendue par la Chambre en vertu de l’article 70 du Règlement, rendue le 24 mai 2002 dans l’affaire Le Procureur c/ Brdjanin et Talic. La Chambre estime que ces deux conditions sont cumulatives et qu’elles constituent une exception au principe selon lequel les décisions relatives à toutes les requêtes ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interlocutoire.
3. Voir l’Ordonnance invitant à la désignation d’un amicus curiae, rendue par la Chambre de première instance le 30 août 2001.