Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
12 janvier 2004

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE CONFIDENTIELLE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE L’ADMISSION D’UN COMPTE RENDU D’AUDIENCE ET D’UNE DÉCLARATION DU TÉMOIN B-1805 EN APPLICATION DES ARTICLES 92 BIS D) ET 89 F) DU RÈGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Dermot Groome

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Les Amici Curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy L.H. McCormack

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la requête aux fins de l’admission de comptes rendus d’audience en application de l’article 92 bis D) du Règlement et de la déclaration du témoin B-1805 en application de l’article 89 F) du Règlement [Prosecution Motion for the Admission of Transcripts Pursuant to Rule 92bis(D) and the Statement of Witness B-1805 Pursuant to Rule 89(F)], déposée à titre confidentiel par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 19 décembre 2003 (la « Requête »), demandant à la Chambre de première instance d’admettre, en application des articles 92 bis D) et 89 F) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »), 1) le compte rendu du témoignage du témoin B-1805, ainsi que les pièces à conviction y afférentes (le « compte rendu »), en limitant le contre-interrogatoire par l’Accusé, et 2) la déclaration que le témoin a faite devant l’Accusation le 15 décembre 2003 (la « déclaration »),

VU l’argument de l’Accusation, selon lequel le compte rendu doit être versé au dossier car il contient des informations qui 1) tendent à prouver les faits incriminés, et non les actes et le comportement de l’Accusé et 2) ne sont pas suffisamment essentielles pour la thèse de l’Accusation ou ne touchent pas suffisamment l’Accusé pour que la Chambre de première instance doive envisager d’exclure le compte rendu dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,

VU l’argument de l’Accusation, selon lequel l’intérêt de la justice commande que l’on admette la déclaration car elle contient des informations qui tendent à prouver les faits incriminés, et non les actes et le comportement de l’Accusé, et qui n’ont pas été communiquées par le témoin B-1805 (le « témoin ») dans son témoignage précédent,

ATTENDU que l’Accusation admet que le témoin devrait être tenu de comparaître pour être soumis à un contre-interrogatoire, à condition que la Chambre de première instance en limite raisonnablement la durée, compte tenu de ce que le témoin a été soumis, dans une procédure antérieure, à un contre-interrogatoire complet, rigoureux et bien mené par le conseil d’un accusé dont l’intérêt était proche de celui de l’Accusé en l’espèce,

ATTENDU que l’article 92 bis D) et E) du Règlement dispose que la Chambre de première instance 1) peut verser au dossier le compte rendu d’un témoignage entendu dans le cadre de procédures menées devant le Tribunal et qui tend à prouver un point autre que les actes et le comportement de l’accusé et 2) décide s’il convient de verser la déclaration ou le compte rendu au dossier, en tout ou en partie, ou s’il convient d’ordonner que le témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire,

ATTENDU que les informations contenues dans le compte rendu (sauf pour ce qui est des références faites à la JNA) ne tendent pas à prouver les actes ou le comportement de l’Accusé et qu’elles sont donc admissibles au sens de l’article 92 bis D) du Règlement, à condition que les références à la JNA en soient supprimées,

ATTENDU que le témoin a été contre-interrogé par le conseil de la Défense dans une procédure antérieure, mais qu’en application de l’article 92 bis E) du Règlement, il conviendrait de procéder en l’espèce à un contre-interrogatoire supplémentaire,

ATTENDU que 1) l’article 89 F) du Règlement prévoit qu’une Chambre peut recevoir la déposition d’un témoin oralement, ou par écrit si l’intérêt de la justice le commande, et 2) la jurisprudence du Tribunal autorise l’admission d’une déclaration écrite présentée en application de cette disposition, à condition que le témoin soit présent à l’audience, puisse être soumis à un contre-interrogatoire ou tenu de répondre à toute question posée par les Juges et atteste que la déclaration écrite reflète fidèlement ses propos et correspond à ce qu’il déclarerait s’il était interrogé1,

ATTENDU que c’est à la Chambre de première instance de décider ce que commande « l’intérêt de la justice » au sens de l’article 89 F) du Règlement pour chaque témoin, à la lumière non seulement des circonstances mais aussi des éléments de preuve présentés par le témoin2,

ATTENDU que l’intérêt de la justice ne commande pas d’admettre la déclaration en application de l’article 89 F) du Règlement,

EN APPLICATION des articles 20 et 21 du Statut du Tribunal international,

VU l’objection qu’oppose généralement l’Accusé à l’admission d’éléments de preuve dans le cadre des articles 92 bis et 89 F) du Règlement,

EN APPLICATION des articles 54,  92 bis D) et E) et 89 F) du Règlement,

ORDONNE ce qui suit :

1. Le compte rendu et les pièces à conviction y afférentes seront versés au dossier, à condition que les passages où il est question de la JNA en soient supprimés et que le témoin comparaisse pour se soumettre à un contre-interrogatoire.

2. L’Accusé et les amici curiae limiteront leur contre-interrogatoire à un total de deux heures.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
__________
Richard May

Le 12 janvier 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, Affaire n° IT-02-54-AR73.4, « Décision relative à l’appel interlocutoire formé par l’Accusation contre la Décision relative à l’admissibilité de déclarations écrites présentées dans le cadre de l’exposé de ses moyens », 30 septembre 2003, p. 11.
2. Ibid, par. 21.