Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 septembre 2004

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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MOTIFS DE LA DÉCISION RELATIVE À LA COMMISSION D’OFFICE DES CONSEILS DE LA DÉFENSE

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Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Les Conseils commis d’office par la Chambre :

M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins

L’Amicus Curiae :

M. Timothy McCormack

1. Décision orale relative à la commission d’office de conseils de la Défense

1. Après la déclaration liminaire prononcée par l’Accusé le 31 août 2004 et lors de l’audience du 1er septembre 2004, les parties et les amici curiae ont été invités à présenter oralement leurs observations concernant les rapports médicaux récents1 et la commission de conseils de la défense2. Sur la base de ces observations et des écritures déposées à ce sujet en juillet et en août 20043, la Chambre de première instance a, le 2 septembre 2004, rendu oralement la décision suivante :

Voici la décision relative à la commission de conseils de la Défense. J’aimerais préciser qu’une décision écrite suivra.

Dans les Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil, en date du 4 avril 2003, la Chambre de première instance, tout en considérant que l’accusé avait le droit de se défendre lui-même, a estimé, au paragraphe 40, que ce droit n’était pas absolu et déclaré également au paragraphe 40 qu’elle continuerait à suivre l’évolution de la situation. L’état de santé de l’accusé a gravement entravé le cours du procès. Pendant la présentation des moyens à charge, le procès a été interrompu plus d’une douzaine de fois à cause du mauvais état de santé de l’accusé et quelque 66 jours d’audience ont été perdus.

La présentation des moyens à décharge, qui devait commencer le 8 juin, a été reportée à cinq reprises, encore une fois à cause du mauvais état de santé de l’accusé. La Chambre de première instance a chargé le docteur Van Dijkman, qui suit l’accusé depuis quelque temps pour des troubles cardiaques et le professeur Tavernier de Belgique, désigné par le Greffe comme cardiologue n’ayant jamais soigné l’Accusé, d’examiner ce dernier, de considérer toutes les informations pertinentes relatives à son état de santé compte tenu du fait qu’il assure sa défense, et de présenter directement un rapport à la Chambre de première instance au sujet de l’aptitude de l’Accusé à continuer d’assurer sa défense et des incidences que pourrait avoir le maintien du statu quo sur le calendrier des audiences. Les deux médecins ont conclu dans leur rapport que l’accusé souffrait d’une hypertension artérielle fonctionnelle grave et que son état de santé était tel qu’on ne pouvait exclure une poussée hypertensive qui mettrait sa vie en danger. Ils ont également conclu que ces problèmes de santé s’expliquaient en partie par le fait qu’il ne suivait pas le traitement médical qui lui était prescrit.

Les examens de sang qui ont été effectués, ont confirmé cette conclusion. Il ressort clairement des rapports médicaux que l’état de santé de l’accusé n’est pas suffisamment bon pour qu’il assure sa propre défense et que, s’il continue à le faire, de nouveaux reports d’audience seraient à prévoir.

La Chambre doit se prononcer sur la question de savoir si le droit de l’accusé à se défendre lui-même, inscrit à l’article 21 du Statut, est ou non absolu et, dans la négative, si, compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de le restreindre en commettant d’office un conseil à la défense de l’accusé.

La Chambre est convaincue, au vu du Statut du Tribunal et de sa jurisprudence, ainsi que sur du droit interne de nombreux pays, que le droit d’un accusé à assurer sa propre défense n’est pas absolu et que, compte tenu des circonstances de l’espèce, elle a compétence pour commettre un conseil à sa défense, et qu’il y va de l’intérêt de la justice. Il en sera donc ainsi.

Le devoir fondamental de la Chambre de première instance est de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide. La Chambre est préoccupée par le fait qu’il résulte des rapports médicaux que le procès risque fort de se prolonger outre mesure ou, pire, de ne pouvoir être mené à son terme si l’accusé continue d’assurer lui -même sa défense sans l’aide d’un conseil. Par ailleurs, la Chambre est convaincue que, si un conseil est commis à la défense de l’accusé, des mesures pourront être prises pour assurer un procès à la fois équitable et rapide.

Ayant décidé de commettre un conseil à la défense de l’accusé, la Chambre aura le devoir de veiller à ce que le rôle joué par le conseil commis d’office soit tel que le procès soit rapide et que le droit fondamental de l’accusé à un procès équitable soit préservé.

Telle est la décision de la Chambre. Comme je l’ai déjà précisé une décision écrite avec un exposé complet des motifs suivra sous peu.

2. Ainsi qu’elle l’a annoncé, la Chambre de première instance expose maintenant les motifs de sa décision orale du 2 septembre 2004.

2. Rappel de la procédure relative au droit d’un accusé à assurer lui -même sa défense

3. Lors de ses comparutions initiales, que ce soit le 3 juillet 2001 pour le volet Kosovo du procès, le 29 octobre 2001 pour le volet Croatie du procès ou le 11 décembre 2001 pour le volet Bosnie du procès, l’Accusé a refusé de plaider coupable ou non coupable. La Chambre de première instance a conclu qu’il plaidait non coupable. L’Accusé a indiqué oralement le 3 juillet 2001, lors de sa comparution initiale dans le cadre du volet Kosovo du procès, et par écrit à la Chambre de première instance qu’il ne souhaitait pas être assisté d’un conseil4. Le 30 août 2001, lors de la première conférence de mise en état, la Chambre de première instance a fait observer que l’Accusé avait le droit d’assurer lui-même sa défense et, afin de garantir l’équité du procès et le plein respect des droits de l’Accusé, a décidé d’inviter le Greffier à désigner des amici curiae pour l’aider à se prononcer comme il convient en l’espèce5. Elle a rejeté la proposition de l’Accusation de commettre un conseil à la défense de l’Accusé contre son gré, disant qu’en vertu du Statut et du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international, « l’Accusé a le droit d’avoir un conseil mais il a aussi le droit de ne pas en avoir6 . À l’époque, l’état de santé de l’Accusé n’était pas en cause.

4. Le 30 août 2001, la Chambre de première instance a rendu à l’attention du Greffier une « Ordonnance invitant à la désignation d’un amicus curiae », dans laquelle elle indiquait que le rôle des amici était : d’exposer les arguments que l’accusé peut parfaitement présenter, par voie d’exceptions préjudicielles ou d’autres requêtes préliminaires ; d’exposer les arguments ou objections relatifs aux moyens de preuve que l’accusé peut parfaitement présenter au cours du procès et contre- interroger les témoins le cas échéant ; d’attirer l’attention de la Chambre de première instance sur les éléments de preuve de nature à disculper en tout ou en partie l’accusé  ; et d’entreprendre toute action que le conseil désigné estime judicieuse en vue d’assurer un procès équitable. Le 6 septembre 2001, trois amici curiae ont été désignés en bonne et due forme par le Greffier7.

5. À l’audience du 10 avril 2002, l’Accusé a désigné deux juristes qualifiés, MM. Zdenko Tomanovic et Dragoslav Ognjanovic, comme ses « collaborateurs juridiques. Le 16 avril 2002, il a obtenu que toutes ses communications avec eux soient couvertes par le secret professionnel8. L’Accusé a demandé par écrit que M. Branko Rakic soit désigné en tant que troisième collaborateur juridique, ce que la Chambre de première instance a accepté le 23 octobre 20039.

6. Le 1er novembre 2002, la Chambre de première instance a exprimé sa préoccupation quant à la date de clôture du procès compte tenu du mauvais état de santé de l’Accusé 10 et de la longueur et de la complexité de l’instance, et a demandé aux parties de déposer des conclusions en vue de garantir une issue rapide11.

7. Sur la base des conclusions écrites et orales présentées par les parties12, la Chambre de première instance a, le 18 décembre 2002 rejeté la demande de l’Accusation d’imposer un conseil à l’Accusé, en déclarant : « Aucun conseil ne sera imposé à l’Accusé contre sa volonté dans les conditions actuelles. Il est normalement malvenu d’en imposer un dans une procédure contradictoire telle que celle-ci. La Chambre de première instance suivra l’évolution de la situation13.

8. La Chambre de première instance a exposé le 4 avril 2003 les motifs de sa décision orale du 18 décembre 2002 dans les « Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil », concluant que, si l’accusé avait le droit de se défendre lui-même, ce droit n’était pas absolu et qu’elle suivrait l’évolution de la situation14. Elle s’est dite « convaincue que l’Accusé, [l’] ayant sans équivoque informé[e] [...] de son refus d’être défendu par un conseil, est capable d’assurer lui-même sa défense15 ». Elle a conclu que l’Accusé avait le droit de se défendre lui-même « dans les circonstances présentes16  ». Étant donné la part d’impondérables comme l’état de santé, la Chambre de première instance s’est réservé le droit de reconsidérer sa décision si l’évolution de la situation le nécessitait.

9. En août 2002, à la suite d’un nouvel examen médical de l’Accusé, le docteur van Dijkman a recommandé de lui ménager une période de repos de quatre jours consécutifs toutes les deux semaines de procès17. Ce régime a été observé jusqu’à la fin de septembre 2003. Le 23 septembre 2003, l’Accusation a demandé par voie de requête la tenue d’une audience consacrée aux conséquences de la mauvaise santé chronique de l’Accusé18, celle-ci ayant été à l’origine de retards répétés dans le déroulement de la procédure et de la perte de sept jours d’audience durant le seul mois de septembre 2003. La Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation et aux amici curiae de présenter des conclusions juridiques écrites concernant les propositions faites par l’Accusation dans sa requête du 23 septembre 2003, puis des conclusions orales à l’audience le 30 septembre 200319.

10. Ayant entendu les conclusions des parties le 30 septembre 2003, la Chambre de première instance a, suivant les recommandations formulées par le docteur van Dijkman, cardiologue chargé de suivre l’Accusé20, rendu une décision orale, prévoyant quatre jours de repos d’affilée au terme de trois jours d’audience21. L’Accusé, malade, n’assistait pas à l’audience.

11. Par suite de la mauvaise santé chronique de l’Accusé durant le mois de février 2004, à la fin de la présentation des moyens à charge, et de problèmes de santé récurrents durant toute la période prévue pour la préparation de la défense, le début de la présentation des moyens à décharge a dû être reporté et la Chambre de première instance n’a entendu les conclusions orales des parties que le 5 juillet 2004. À ce stade, la présentation des moyens à charge avait été interrompue plus de dix fois en raison de la mauvaise santé de l’Accusé, ce qui représente une perte de 66 jours d’audience22. La présentation des moyens à charge, qui devait commencer le 8 juin 2004, a été reportée à cinq reprises, toujours à cause de la mauvaise santé de l’Accusé.

12. À l’audience du 5 juillet 2004, après l’examen des derniers rapports médicaux, les amici curiae ont soulevé deux questions : l’Accusé était-il en état 1) de présenter alors sa défense et 2) d’être jugé23  ? La Chambre de première instance a estimé que, si rien ne prouvait que l’Accusé n’était pas en état d’être jugé, il apparaissait que son état de santé était tel qu’il n’était peut-être pas en mesure de continuer d’assurer sa défense et que, s’il continuait de le faire, cela pourrait nuire à l’équité et à la rapidité du procès. La Chambre était à ce point préoccupée qu’elle a décidé de « reconsidérer complètement la conduite ultérieure du procès, compte tenu des problèmes de santé de l’Accusé, qui sont manifestement chroniques et récurrents, d’après le dernier rapport du médecin24 ».

13. Par la suite, le 6 juillet 2004, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance par laquelle elle demandait au Greffier de désigner un cardiologue n’ayant jamais soigné l’Accusé et de lui donner pour instruction d’examiner ce dernier, de considérer toutes les informations pertinentes relatives à son état de santé compte tenu du fait qu’il assure sa défense, et de présenter directement à la Chambre de première instance un rapport sur l’aptitude de l’Accusé à continuer d’assurer sa défense et l’influence que cette situation pourrait avoir sur le calendrier des audiences, si elle se prolongeait25. Le Greffier a désigné le professeur Tavernier, cardiologue belge. Le 15 juillet 2004, la Chambre de première instance a adressé la même demande au docteur van Dijkman qui, depuis un certain temps, soignait l’Accusé pour ses problèmes cardiologiques26.

14. Dans ses ordonnances des 19 juillet et 6 août 2004, la Chambre de première instance a demandé aux parties de présenter leurs observations sur le rôle qu’un conseil pourrait jouer pour garantir une présentation équitable des moyens à décharge, en particulier si l’Accusé ne lui donnait aucune instruction ou ne coopérait pas avec lui27.

15. Dans son ordonnance du 21 juillet 2004, la Chambre de première instance a invité les parties à déposer des écritures en vue d’examiner plus avant les différentes possibilités de garantir une issue équitable et rapide du procès, et notamment la possibilité de disjoindre un ou deux actes d’accusation28,

16. Afin d’obtenir des éclaircissements sur certains points des rapports médicaux remis le 29 juillet 2004 par le professeur Tavernier29 et le 20 août 2004 par le docteur van Dijkman30, la Chambre de première instance a demandé au Greffier de communiquer à chacun des deux médecins une copie du rapport de l’autre et d’obtenir de chacun un rapport complémentaire31. Le professeur Tavernier a remis son rapport complémentaire le 27 août 2004 et le docteur van Dijkman le 30 août 200432.

17. Vu les écritures de l’Accusation, des amici curiae et de l’Accusé, par lesquelles tous s’opposaient à la disjonction des actes d’accusation33, la Chambre de première instance a décidé de ne plus envisager cette possibilité pour l’instant34.

18. Des écritures concernant la commission d’office d’un conseil à la défense de l’Accusé ont été déposées par l’Accusation les 26 juillet, 6 et 19 août 2004 et par les amici curiae le 13 août 200435. L’Accusé n’a déposé aucune conclusion écrite. Le 1er septembre 2004, la Chambre de première instance a entendu l’Accusation, les amici curiae et l’Accusé.

3. Arguments des parties

a) l’Accusation

19. L’Accusation n’a pas varié durant toute la procédure. Dès la première conférence de mise en état, le 30 août 2001, l’Accusation a suggéré que la Chambre de première instance désigne, en plus des amici curiae, un conseil pour l’Accusé36. L’Accusation a développé pleinement son argumentation par écrit pour la première fois le 8 novembre 2002. Elle a ainsi proposé que la Chambre de première instance désigne un conseil pour assurer la défense de l’Accusé, compte tenu des perturbations provoquées dans le déroulement du procès par la mauvaise santé chronique de l’Accusé, et, comme allant de soi, que le choix se porte sur les amici curiae étaient une possibilité évidente37. Elle a soutenu, en se prévalant de l’opinion séparée du juge Gunawardana dans Le Procureur c/ Barayagwiza38, que le libellé de l’article 21 4) d) du Statut du Tribunal international (le « Statut ») permettait de désigner d’office un conseil pour défendre un accusé chaque fois que l’intérêt de la justice l’exigeait39. Elle a en outre affirmé que l’article 20 du Statut imposait d’assigner un conseil à l’Accusé dans le cas présent, puisqu’il faisait obligation à la Chambre de première instance de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide40. Elle a fait observer que l’Accusé « avait choisi d’assurer lui-même sa défense et qu’il avait toujours refusé l’assistance d’un conseil », et elle a soutenu :

Ce faisant, il s’est inévitablement surmené. On ne saurait admettre en principe que le procès trouve ses limites dans le fait que l’accusé a décidé d’assurer lui-même sa défense. Ce serait aussi créer un très dangereux précédent que d’accepter que l’accusé puisse avoir, du fait de difficultés dont il est largement responsable, un procès nettement moins abouti que s’il avait eu un conseil41.

20. À cet égard, l’Accusation a souligné que l’intérêt public commandait que les poursuites soient menées à leur terme et que ni la communauté internationale ni l’Accusation ne sauraient accepter un procès tronqué parce que l’Accusé, en refusant de bénéficier de l’assistance d’un conseil, a aggravé son état de santé42.

21. En ce qui concerne les problèmes pratiques soulevés par la désignation d’un conseil, l’Accusation a constamment soutenu qu’il fallait commettre un conseil à la défense de l’Accusé tout en lui permettant de continuer à participer au procès en posant des questions et en présentant des conclusions selon certaines règles43. Elle a précisé sa position en affirmant que le conseil imposé devrait avoir « toute liberté pour décider comment agir. Les droits et les intérêts de l’Accusé SpourraientC alors être conciliés au cas par cas avec la bonne administration de la justice et le calendrier du procès, et protégés à tout moment par le contrôle des juges et le conseil imposé44 ». De plus, l’Accusation a souligné que toutes les options resteraient ensuite ouvertes à l’Accusé qui pourrait notamment choisir lui-même un conseil qui assurerait sa défense à la place du conseil désigné, lequel resterait en retrait, prêt à reprendre, le cas échéant, la défense de l’Accusé45.

22. Enfin, l’Accusation a évoqué la possibilité d’une liaison vidéo entre le Quartier pénitentiaire et la salle d’audience, qui permettrait à l’Accusé de rester à l’occasion ou ordinairement au Quartier pénitentiaire pendant que le conseil imposé questionnerait les témoins « en la présence de l’Accusé46 .

23. Après avoir reçu les rapports médicaux demandés dans les ordonnances des 6, 12 et 15 juillet 200447, l’Accusation a déposé un addendum, demandant à la Chambre de première instance de tenir compte du fait que l’Accusé ne suivait pas le traitement prescrit, ce qui donnait à penser qu’il manipulait délibérément le calendrier du procès, et de lui imposer immédiatement un conseil48.

b) les amici curiae

24. Les amici curiae ont présenté au cours de la procédure plusieurs fois des observations par lesquelles ils s’opposaient à ce qu’un conseil soit imposé à l’Accusé. Lorsque la question de l’état de santé de ce dernier a été abordée pour la première fois en novembre 2002, ils ont soutenu que, si l’Accusé ne pouvait participer au procès sans nuire gravement à sa santé, il fallait y mettre fin pour raisons de santé et que, si ses conditions de détention provoquaient une aggravation de son état, il y avait lieu d’envisager sa mise en liberté provisoire49.

25. Le 18 novembre 2002, les amici curiae ont déposé les « Observations des amici curiae relatives à l’imposition d’un conseil à l’Accusé ». Ils ont invoqué l’article 21 4) du Statut du Tribunal international, l’article 6 3) c) de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 14 3) d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, affirmé que le droit de l’Accusé d’assurer lui-même sa défense était expressément protégé non seulement par les Conventions internationales et européennes mais aussi par les garanties minimales qu’offrent le Statut du Tribunal, et conclu qu’ : « [a]ssigner un conseil à l’Accusé contre son gré constituerait une violation des droits qui lui sont reconnus50 . Ils ont réaffirmé cette position dans leurs écritures du 13 août 2004. Ils ont demandé à la Chambre de première instance de ne pas commettre un conseil à la défense de l’Accusé contre son gré, déclarant : « De l’avis des amici curiae, il n’est pas dans l’intérêt de la justice que l’Accusé se voie assigner un conseil, car cela le priverait de son droit à assurer sa propre défense51 .

26. Les amici curiae estimaient que le problème était tout entier à mettre au compte de l’état de santé de l’Accusé et non d’une volonté de faire obstruction de sa part, contrairement à ce que l’Accusation avait allégué dans ses écritures du 26 juillet 2004 puis à l’audience du 1er septembre 200452. Les amici curiae ont déclaré qu’ils avaient toujours défendu le droit de l’Accusé de se défendre lui-même mais ils ont reconnu que les rapports médicaux récents avaient modifié les données auxquelles la Chambre de première instance était confrontée53. Ils ont affirmé que si l’Accusé, de l’avis de la Chambre de première instance, n’était pas en mesure d’assurer entièrement sa défense lui-même, il pouvait continuer à participer au procès tout en recourant, au besoin, aux services de ses collaborateurs juridiques ou d’un autre conseil de son choix54. Ils ont proposé que l’Accusé bénéficie d’une « assistance » pour présenter sa défense et non pas qu’il soit privé de tout pouvoir de décision55.

c) L’Accusé

27. L’Accusé a rejeté catégoriquement toute représentation juridique dès sa comparution initiale le 3 juillet 2001 et constamment affirmé qu’en commettant à sa défense ou en lui imposant un conseil, on le priverait de son droit de se défendre lui-même. Il a rejeté l’idée que ses collaborateurs juridiques puissent assister au procès pour l’aider56. Il a rejeté les conclusions médicales récentes selon lesquelles il était incapable d’assurer lui-même sa défense, soutenant que les rapports des cardiologues, en particulier celui du professeur Tavernier, étaient une manipulation destinée à le priver de sa liberté d’expression57.

28. Il a déclaré qu’il était « hors de question » de lui imposer un conseil et qu’il ne l’accepterait jamais, pas plus qu’il n’accepterait une liaison vidéo ni d’autres propositions. Il s’est dit déterminé à être présent au procès, à interroger ses témoins, affirmant que toute autre manière de procéder le placerait « dans une position encore plus désavantageuse58 ». Il a souligné que son aptitude à exercer son droit à se défendre lui-même n’avait pas été mise en doute tant que durait la présentation des moyens à charge, mais que la question avait surgi soudainement lorsque le moment était venu de présenter ses moyens. Il a en outre affirmé qu’on ne pouvait le priver de son droit d’assurer lui-même sa défense pour cause de mauvaise santé59. Il a déclaré : « Le droit de me défendre moi-même est une question de principe. Je n’accepterai aucune atteinte à ce droit et n’y renoncerai pas. J’insiste pour que vous me permettiez d’interroger moi-même mes témoins et je suis catégorique sur ce point60 ». L’Accusé a dit clairement et à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention de désigner un conseil pour agir en son nom61.

Pouvoir de désigner des conseils

29. C’est un principe fondamental universellement reconnu : quiconque est accusé d’un crime ne peut être déclaré coupable sans jugement. Il est tout aussi fondamental que le procès soit équitable. C’est vrai dans les systèmes accusatoires de la common law comme dans les systèmes inquisitoires du droit romano-germanique. Le principe selon lequel tout accusé a droit à un procès équitable se retrouve aussi dans tous les grands traités relatifs aux droits de l’homme, y compris celui qui du fait de sa portée universelle (et non régionale) et du grand nombre d’États ( 152) qui l’ont ratifié, doit avoir la plus grande influence sur les travaux du Tribunal – le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (« PIDCP »)62. Entrent dans le cadre de l’équité un certain nombre de droits destinés à assurer à l’accusé un procès équitable. En ce qui concerne le Tribunal, ils sont consacrés à l’article 21 4) de son Statut. Selon la Chambre de première instance, l’article  21 4) du Statut énonce un ensemble de droits qui sous-tendent le principe selon lequel l’accusé doit avoir un procès équitable, principe lui-même énoncé à l’article  21 2) du Statut. La notion d’équité non seulement englobe ces droits particuliers mais a aussi une portée beaucoup plus large, puisqu’elle exige que la conduite du procès soit à tous égards équitable pour l’accusé. De ce fait, ces droits sont qualifiés de « garanties minimales ». L’exigence primordiale en matière pénale est donc celle d’équité.

30. Si l’article 21 du Statut énonce les droits de l’accusé, l’article 20 fait obligation à la Chambre de première instance de veiller à l’équité et à la rapidité du procès, dans le plein respect des droits de l’accusé. Les dispositions applicables sont les suivantes :

Article 20
Ouverture et conduite du procès

1. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l’instance se déroule conformément aux règles de procédure et de preuve, les droits de l’accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

* * *

Article 21
Les droits de l’accusé

* * *

2. Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l’article 22 du Statut.

* * *

4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

* * *

c) à être jugée sans retard excessif ;

d) à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer  ;

e) à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. (…)

31. Une analyse de la question du droit d’un accusé à se défendre lui-même nécessite une interprétation des articles 20 et 21 du Statut et, en particulier, de l’article  21 4) d). Dès le tout début des travaux du Tribunal international, il a été décidé que le Statut devait être interprété comme un traité63. En conséquence, l’article 31 1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités peut s’appliquer : un traité doit être interprété « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but64 ». Les quatre critères de l’article 31 1) – bonne foi, sens ordinaire, contexte, et objet et but – doivent être appliqués ensemble, et non séparément. Le principal problème est, par conséquent, celui du sens ordinaire des dispositions de l’article 21 4) d) considérées dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but dudit article et du Statut dans son ensemble.

32. Les garanties minimales énoncées à l’article 21 4) du Statut sont des éléments de cette exigence primordiale qui est celle d’un procès équitable. C’est dans ce contexte que le droit de l’Accusé de se défendre lui-même ou par l’entremise d’un conseil de son choix, droit reconnu par l’article 21 4) d), doit être interprété. L’objet de cet article est de garantir à l’accusé le droit à une défense, quelles qu’en soient les modalités, ce qui est la condition sine qua non d’un procès équitable. Se défendre « soi-même » ou « par l’entremise d’un conseil de son choix  » sont simplement deux modes d’exercice possibles du droit minimum garanti qu’a l’accusé de « se défendre lui-même », c’est-à-dire à une défense. Lorsque le fait d’assurer soi-même sa défense fait courir à l’accusé un risque d’iniquité, des mesures doivent être prises conformément aux articles 20 et 21 du Statut pour garantir à l’accusé un procès équitable ; sinon, il ne servirait à rien de garantir à l’accusé le droit de se défendre. Il est fondamental pour cela de veiller à ce que l’accusé ait la possibilité et les moyens de présenter pleinement et efficacement sa défense. Cependant, la Chambre de première instance n’est pas obligée pour autant de respecter son souhait d’assurer lui-même sa défense lorsqu’il est si peu en état de le faire qu’il risquerait fort, s’il s’obstinait, de ne pas avoir un procès équitable. Le simple fait que l’accusé fasse valoir son droit de se défendre lui-même ne garantit pas une défense efficace lorsqu’il est gravement malade et se trouve régulièrement, et pour de longues périodes, dans l’incapacité d’assurer lui-même sa défense.

33. Si, à un stade ou à un autre du procès, il y a un risque réel que celui-ci soit perturbé et la bonne administration de la justice compromise, ainsi que, par voie de conséquence, l’équité, la Chambre de première instance a le devoir de prendre des mesures préventives. Si pour l’Accusé le fait de se défendre lui-même a de telles conséquences, nous concluons que la Chambre de première instance peut désigner un conseil pour assurer sa défense s’il ne le fait pas lui-même. La perturbation d’un procès, quelles que soient les circonstances, crée un risque d’erreur judiciaire, les débats n’ayant pas été dans leur ensemble menés équitablement jusqu’à leur terme. Quel que soit le moment où un tel risque apparaît, il est nécessaire de prendre des mesures pour l’éviter. Il est largement admis dans les systèmes de droit internes que, lorsqu’un accusé qui assure lui-même sa défense perturbe par ses écarts de conduite le déroulement du procès, il peut être exclu du prétoire et un conseil peut être désigné aux fins de le représenter65. Cette mesure est nécessaire pour garantir la bonne administration de la justice et, partant, l’équité du procès. Il n’y a en principe pas de différence entre une faute délibérée qui perturbe les débats et toute autre situation qui les perturbe au point que la bonne administration de la justice est menacée. Il y a simplement des situations où le droit d’assurer soi-même sa défense doit s’effacer derrière le droit primordial à un procès équitable. Il y a d’autres cas où la jouissance d’un droit reconnu par l’article 21 4) du Statut doit céder le pas devant le droit primordial à un procès équitable : par exemple, quand l’exercice du droit de se défendre soi-même empêche de juger l’accusé sans retard excessif, ce qui constitue un droit ou une garantie minimale destiné notamment à préserver la bonne administration de la justice et l’équité du procès. Si l’accusé n’est pas jugé rapidement, c’est -à-dire sans retard excessif, le risque d’iniquité qui en découle impose à la Chambre de première instance de rechercher les moyens de le conjurer.

34. Le droit de se défendre soi-même doit donc s’effacer lorsqu’il est nécessaire de garantir l’équité du procès. Le premier devoir de la Chambre de première instance, aux termes de l’article 20 du Statut, est toujours de prendre les mesures nécessaires et envisageables pour garantir à l’accusé un procès équitable et rapide. Ainsi, le sens ordinaire de l’article 21 4 d) du Statut, lorsqu’il est lu à la lumière de son objet et de son but qui est de garantir à un accusé le droit de se défendre et d’avoir un procès équitable, est qu’un accusé a le droit de se défendre lui-même, mais qu’il peut en être privé si son exercice rend hors d’atteinte cet objet et ce but. La Chambre de première instance est, dans ces conditions, parfaitement convaincue que, si l’on interprète correctement les articles 20 et 21 du Statut, elle a le pouvoir, dans certaines circonstances, d’exiger qu’un accusé soit représenté par un conseil en dépit de son souhait de se défendre lui-même. Si l’Accusé refuse de désigner son conseil, la Chambre peut lui en désigner un pour assurer sa défense.

35. Elle doit donc avoir également le pouvoir d’exiger une plus large implication des conseillers juridiques lorsque l’accusé s’est déjà assuré les services de juristes, même si ceux-ci travaillent « dans les coulisses » et non pas dans le prétoire. En fait, le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») et la pratique suivie par le Tribunal international, au lieu d’obliger à un choix difficile entre se défendre soi-même ou se faire représenter par un conseil, permettent de choisir entre quatre modes possibles de défense. Ainsi, ils permettent à un accusé :

1) d’assurer seul lui-même sa défense, ou

2) d’en laisser le soin à son conseil, ou

3) de se mettre d’accord avec son conseil, sur une répartition des rôles dans la présentation de sa défense, ou

4) d’assurer lui-même seul sa défense à l’audience, tout en bénéficiant, en dehors du prétoire, des conseils de juristes expérimentés qui ne se présentent pas devant la Chambre de première instance.

C’était ce dernier mode de défense qui avait été choisi en l’espèce avant la désignation des conseils.

36. De même, la Chambre de première instance doit pouvoir ordonner que le conseil assure seul ou pour l’essentiel la défense de l’accusé, tout en permettant également à ce dernier d’y jouer un rôle, par exemple de prononcer la déclaration liminaire en début de présentation des moyens à décharge. Même dans les cas où des conseils sont désignés pour représenter l’accusé, la Chambre de première instance peut autoriser celui-ci à continuer de prendre activement part à sa défense en interrogeant et contre-interrogeant les témoins sur des points particuliers s’il est parvenu à convaincre les juges qu’il serait bon pour lui de poser sur ces points des questions qui viendront s’ajouter à celles posées par les conseils désignés. Il appartient à la Chambre de première instance de décider du mode de présentation de la défense, en tenant compte de toutes les circonstances, y compris de celles dans lesquelles se déroule le procès, et de la situation personnelle de l’accusé. En dehors de toute autre considération, le mode de présentation choisi doit non seulement garantir que les débats seront menés équitablement mais aussi qu’un procès équitable sera mené à bien. Il serait intolérable pour un accusé qui a à répondre d’accusations aussi graves que celles qui sont portées contre l’Accusé de rester dans l’attente d’un jugement pendant un temps excessivement long ou, pire, indéfiniment.

37. Si des recherches approfondies n’ont pas permis de découvrir dans quelque système juridique que ce soit une affaire dans laquelle un conseil aurait été commis à la défense d’un accusé, parce que ce dernier n’était pas en mesure de se défendre lui -même en raison de son mauvais état de santé, nous n’avons pas non plus trouvé de précédent dans l’ordre interne ou international qui contredirait notre interprétation des articles 20 et 21 du Statut. Il se pourrait que cette question se pose aujourd’hui seulement du fait des circonstances exceptionnelles entourant le présent procès.

38. La jurisprudence du TPIY, du Tribunal international pour le Rwanda (« TPIR »), et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone admet qu’il peut y avoir des cas où il est bon et possible pour une Chambre de première instance d’exiger que la défense soit assurée par un conseil et non par l’accusé lui-même. Ces cas doivent être déterminés au coup par coup, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce prises dans leur ensemble et en particulier de l’aptitude de l’accusé à assurer lui-même sa défense, de son comportement et de ses actes.

39. Dans Le Procureur c/ Norman et consorts, affaire portée devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, la Chambre de première instance a rejeté une demande de l’accusé de se défendre lui-même, jugeant que le droit à se défendre soi-même consacré dans son Statut, « n’est pas absolu mais relatif66 . La Chambre de première instance a conclu que, dans les circonstances de l’espèce, il était malvenu de permettre à l’accusé d’exercer ce droit sans avoir les compétences requises67.

40. Dans Le Procureur c/ Jean-Bosco Barayagwiza, dont le TPIR68 a eu à connaître, les conseils commis d’office ont demandé à se retirer de l’affaire au motif que l’accusé leur avait donné pour instructions de ne pas le représenter au procès auquel il refusait d’assister. Estimant que l’attitude de l’accusé entravait le cours de la justice, la Chambre de première instance a conclu que le retrait des conseils n’était pas justifié. La Chambre a en outre relevé que les conseils dans cette affaire avaient été commis d’office et non pas nommés, et qu’« il en résultSaitC non seulement une obligation vis-à-vis du client, mais également vis -à-vis du Tribunal, dont l’intérêt est d’assurer à l’accusé un procès équitable69 . Le juge Gunawardana a estimé qu’il y a des cas où il peut être dans l’intérêt de la justice de désigner un conseil70.

41. Dans Le Procureur c/ Vojislav Sešelj, la Chambre de première instance a considéré que l’article 21 du Statut « n’excluStC pas la possibilité de commettre d’office un conseil à un accusé au cas par cas, quand l’intérêt de la justice le commande71 ». Bien que l’accusé dans cette affaire ait clairement fait connaître son intention de se défendre lui-même, la Chambre de première instance, a pris le droit de se défendre soi-même, énoncé dans le Statut comme un point de départ, mais a fait observer que, selon la jurisprudence interne et internationale, « ce droit n’[était] pas absolu72 , et a décidé qu’un « conseil d’appoint » devait être désigné et chargé de différentes tâches, dont celle d’assurer la défense de l’accusé contre la volonté de celui-ci 73.

42. La jurisprudence des trois tribunaux internationaux indique clairement que le droit d’un accusé d’agir pour lui-même inscrit dans le Statut du Tribunal n’est pas un droit absolu.

43. De façon générale, on trouve une disposition analogue à l’article 21 4 d) du Statut dans les actes constitutifs des tribunaux pénaux internationaux, ainsi que dans les conventions régionales et internationales relatives aux droits de l’homme 74. Si les conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme reconnaissent clairement le droit à se défendre soi-même, de nombreux États parties à ces conventions sont dotés de systèmes dans lesquels ce droit est relatif ; ainsi, plusieurs États parties à ces conventions, qui s’inscrivent dans la tradition civiliste, prévoient la constitution obligatoire d’avocat dans les instances pénales nationales. Le fait que le droit de certains États interdise à un accusé de se défendre lui-même et lui impose le ministère d’un avocat, n’est pas incompatible avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, dans l’affaire Croissant c. Allemagne ( footnote 75 ), la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 3) c) de la Convention, lequel article reconnaît à tout accusé le droit minimal de « se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix », alors même que le Tribunal régional avait imposé à l’accusé qui était déjà assisté de deux avocats de son choix, la nomination d’un troisième malgré son refus catégorique. La Cour a dit qu’«  il appartient aux tribunaux de décider si les intérêts de la justice exigent de doter l’accuse´ d’un défenseur d’office. En désignant un tel avocat, les juridictions nationales doivent assurément se soucier des vœux de l’accusé (…). Elles peuvent cependant passer outre s’il existe des motifs pertinents et suffisants de juger que les intérêts de la justice le commandent76. La Cour a explicitement relevé que « éviter interruptions et ajournements correspond à un intérêt de la justice pertinent en la matière et peut bien justifier une désignation non conforme aux souhaits de l’accusé77 .

44. Inversement, dans l’affaire Michael et Brian Hill c. Espagne, le Comité des droits de l’homme a conclu que le droit de l’accusé de se défendre lui-même n’avait pas été respecté, et ce au mépris de l’article 14 3) d) du PIDCP78. Dans cette affaire, les tribunaux espagnols avaient dénié à l’accusé le droit de se défendre lui-même, malgré ses instances. Toutefois, comme la présente Chambre de première instance l’a fait observer dans sa Décision du 4 avril 2003, le Comité n’a pas motivé sa décision79. Le cas auquel le Comité était confronté ne peut se comparer au cas présent.

45. Les systèmes juridiques de la common law, dans lesquels les procédures sont accusatoires, reconnaissent généralement aux accusés le droit de se défendre eux-mêmes au procès. Ainsi qu’il a été relevé dans la Décision de la Chambre de première instance du 4 avril 2003, on trouve dans l’arrêt Faretta80 rendu par la Cour suprême des États-Unis d’Amérique un énoncé classique du droit de se défendre soi-même. En reconnaissant le droit constitutionnel qu’a tout accusé de se défendre lui-même à son procès, la Cour a jugé qu’imposer un avocat à un accusé qui est instruit, compétent et capable de comprendre et qui exerce volontairement et sciemment son libre arbitre pour se défendre lui-même en renonçant à son droit à l’assistance d’un conseil, porterait atteinte à son droit constitutionnel d’assurer lui-même sa défense81. Cependant, cette règle générale souffre des exceptions. Dans l’arrêt Faretta lui-même, la Cour a reconnu que le droit d’un accusé de se défendre lui-même n’était pas sans limites : « le juge de première instance peut priver l’accusé de son droit de se défendre lui-même s’il y a de sa part faute délibérée et volonté de faire obstruction82 », et « un État peut – passant outre aux objections de l’accusé – désigner un ‘conseil d'appoint’ pour assister ce dernier à sa demande, et pour le représenter s’il est privé du droit de se défendre lui-même83 ». En outre, la Cour a fait observer dans l’affaire Faretta que « [l]e droit de se défendre soi-même n’autorise pas une atteinte à la dignité du prétoire pas plus qu’une transgression des règles de fond et de forme applicables84 . En outre, dans l’affaire Martinez v. Court of Appeal of California, la Cour suprême des Etats-Unis a limité la portée de son arrêt Faretta aux procès en première instance, et a estimé qu’un accusé n’avait pas un droit constitutionnel à assurer sa propre défense en appel85. Ce faisant, la Cour a estimé que « [c]omme il a été reconnu dans l’arrêt Faretta , le droit de se défendre soi-même n’est pas absolu » et que « même en première instance, le souci des autorités de garantir la bonne administration de la justice et l’efficacité du procès parfois l’emporte sur l’intérêt de l’accusé à être son propre avocat86 ».

46. En Angleterre et au pays de Galles, le Youth Justice and Criminal Evidence Act interdit à une personne accusée de délit sexuel de procéder elle-même au contre-interrogatoire de certains témoins protégés87. En ce qui concerne les autres témoins, les juges peuvent, dans l’intérêt de la justice, empêcher l’accusé de les contre-interroger88, et doivent l’inviter à charger son conseil de procéder au contre-interrogatoire89. Si l’accusé s’y refuse, les juges doivent examiner s’il est dans l’intérêt de la justice que les témoins soient contre-interrogés par un conseil commis d’office qui n’est pas responsable devant l’accusé90.

47. En Écosse, le Criminal Procedure Act, modifié par le Sexual Offences Act de 2002, interdit à une personne accusée d’un délit sexuel de se défendre elle-même à son procès91. En outre, si l’accusé ne s’est pas assuré les services d’un avocat pour le défendre à son procès, le tribunal doit lui-même en désigner un92 qui n’est pas susceptible d’être révoqué par l’accusé ou n’est pas tenu de se conformer à toute instruction donnée par celui-ci de le révoquer93. Une fois nommé, le conseil a le devoir de demander à l’accusé des instructions et d’agir en conséquence et, si ce dernier ne donne pas d’instructions ou lui donne des instructions inadéquates ou mauvaises, d’agir dans son intérêt94.

48. Au Canada, le Code criminel prévoit qu’un accusé qui doit répondre d’un délit sexuel ne peut procéder lui-même au contre-interrogatoire d’un témoin qui est âgé de moins de dixhuit ans, sauf si le tribunal décide que la bonne administration de la justice l’exige. Lorsque l’accusé ne peut contre-interroger le témoin, le tribunal nomme un avocat à cet effet95. Les Codes pénaux de l’Australie96 et de la Nouvelle-Zélande97 contiennent des dispositions analogues.

49. Alors que les systèmes de common law reconnaissent le droit de se défendre soi-même, la constitution d’avocat est souvent obligatoire dans les systèmes de tradition civiliste pour les affaires pénales graves. C’est une particularité de la procédure pénale dans des pays tels que la France98, l’Allemagne99, la Belgique100, l’Autriche101, la Suisse102, et la République de Corée103. Le Code de procédure pénale de la République fédérale de Yougoslavie (2001), qui demeure en vigueur en Serbie, impose la constitution d’avocat pour les crimes passibles d’une peine supérieure à dix ans d’emprisonnement104. Dans de telles affaires, lorsque l’accusé ne mandate pas un avocat pour le défendre, le Président de la Chambre en désigne un en donnant notification à l’accusé105. La constitution obligatoire d’avocat se justifie, semble-t-il, par le fait que, dans des affaires où la liberté d’un accusé est en jeu, le droit à un procès équitable, qui implique le droit à une défense efficace et satisfaisante fait en réalité obligation à l’État de veiller à ce que l’accusé soit représenté par un avocat de profession qui aura pour tâche de faire en sorte que les intérêts de l’accusé soient pleinement défendus tout au long de la procédure.

50. Dans la Décision intitulée « Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil », rendue le 4 avril 2003, la Chambre de première instance a estimé qu’une interprétation littérale de l’article  21 4) d) du Statut « indique que l’Accusé a le droit de se défendre lui-même », et que la nature, pour l’essentiel accusatoire, des procédures engagées devant le Tribunal international, conforte cette interprétation106. Cependant, la Chambre de première instance a ajouté qu’elle était convaincue que le « droit de se défendre soi-même n’[était] pas absolu », et qu’il peut y avoir des cas où il est de l’intérêt de la justice de désigner un conseil107. La Chambre a donné comme exemple le cas où un accusé doit être exclu de la salle d’audience, en application de l’article 80 B) du Règlement pour troubles. La Chambre a poursuivi en précisant qu’elle suivrait l’évolution de la situation108. Le motif essentiel mis en avant dans la Décision du 4 avril 2003 était que la Chambre avait jugé que l’Accusé avait, « dans les circonstances présentes », le droit de se défendre lui-même109. La nature essentiellement accusatoire de la procédure a dissuadé la Chambre de commettre à ce stade un conseil à la défense de l’Accusé110. Toutefois, le pouvoir de désigner un conseil dans certaines circonstances a été reconnu111. Depuis lors, la Chambre a considéré la conduite du procès eu égard aux problèmes de santé de l’Accusé, a régulièrement demandé des rapports pour se tenir informée de son état de santé et des traitements prescrits, ce qui l’a conduite en fin de compte à demander des rapports sur sa capacité de se défendre lui-même112. La Chambre considère à présent la question dans un contexte assez différent de celui de la fin 2002, lorsque le débat qui a abouti à la Décision du 4 avril 2003 a eu lieu.

51. Pour toutes ces raisons, la Chambre de première instance est convaincue que le droit primordial à un procès équitable, qui implique le droit de se défendre, peut, dans certains cas, conduire à la commission d’un conseil à la défense de l’Accusé. Une interprétation correcte des articles 20 et 21 du Statut amène à cette conclusion. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence internationale actuelle. Nous n’avons trouvé aucune décision émanant de juridictions internes qui indiqueraient une raison, sur le plan des principes, pour laquelle il ne faudrait pas commettre un conseil. Nous avons trouvé beaucoup d’exemples, principalement dans les systèmes de tradition civiliste mais de plus en plus dans les systèmes de common law, de cas où la désignation d’un conseil est autorisée et a lieu dans la pratique. Ce qui sera essentiel pour juger de l’équité du procès, ce sera le fait que, quel que soit le mode de défense adopté – défense assurée par l’Accusé lui-même avec l’assistance de conseillers juridiques, amici curiae, ou constitution obligatoire d’avocat – l’Accusé a eu suffisamment la possibilité de répondre aux accusations portées contre lui, preuves à l’appui.

5. L’état de santé de l’Accusé

a) Présentation générale de l’état de santé de l’Accusé

52. L’Accusé, qui a maintenant 63 ans, a été placé sous la garde du Tribunal international le 29 juin 2001. Depuis plusieurs années, il souffre de troubles cardiovasculaires chroniques que l’on peut analyser, d’une manière générale, comme une hyperpiésie aiguë et une hypertrophie cardiaque.

53. Peu après le commencement du procès, des rapports médicaux établis à la demande de la Chambre de première instance ont révélé que l’Accusé souffrait d’hypertension aiguë et présentait un risque cardiovasculaire élevé, ce qui nécessitait le suivi rigoureux d’un cardiologue et la réduction de sa charge de travail113. Par la suite, à chaque poussée hypertensive, l’Accusé a été prié de se reposer et le procès a dû être ajourné pour lui permettre de récupérer. En août 2002, après un nouvel examen de l’Accusé, le docteur van Dijkman a conclu que, si des pauses n’étaient pas ménagées régulièrement dans le calendrier des audiences pour donner à l’Accusé des jours de repos supplémentaires, « il [fallait] s’attendre à ce que sa tension dépasse à nouveau le seuil acceptable114 . Le docteur van Dijkman a recommandé une période de repos de quatre jours consécutifs toutes les deux semaines de procès115. Ce régime a été suivi jusqu’à la fin de septembre 2003, lorsque le docteur van Dijkman a prescrit quatre jours de repos par semaine et non plus par quinzaine116. Suivant cet avis médical, la Chambre de première instance a décidé de siéger trois jours par semaine pour permettre à l’Accusé de se reposer suffisamment117.

54. En février 2004, malgré les périodes de repos obligatoire ménagées dans le calendrier des audiences et les antihypertenseurs prescrits, les débats en l’espèce ont dû être ajournés à deux reprises, les médecins du quartier pénitentiaire ayant constaté — et le docteur van Dijkman confirmé — que l’Accusé n’était pas en état d’assister au procès, principalement parce qu’il souffrait d’hypertension118.

55. D’après les différents rapports médicaux remis à la Chambre de première instance, l’hypertension de l’Accusé est provoquée par le stress psychologique et l’état de fatigue dus au procès, auxquels s’ajoutent une prédisposition à l’hypertension et d’autres facteurs de risque tels que son mode de vie119. Avec le temps, l’état de santé de l’Accusé de l’Accusé a semblé se dégrader et non s’améliorer ; des experts médicaux ont également préconisé des périodes de repos plus longues pour permettre à l’Accusé de récupérer après les poussées d’hypertension.

56. L’Accusation a commencé la présentation de ses moyens le 12 février 2002 par sa déclaration liminaire et l’a terminée le 25 février 2004 par le dépôt d’écritures. Entre ces deux dates, l’état de santé de l’Accusé a été la cause de treize interruptions 120 : du 18 au 28 mars 2002 (9 jours ), du 17 au 27 juin 2002 (9 jours), les 18 et 19 juillet 2002 (2 jours), du 1er au 6 novembre 2002 (4 jours), du 12 au 15 novembre 2002 (4 jours), du 13 au 21 janvier 2003 (7 jours), du 18 au 28 mars 2003 (7 jours), les 27 et 28 mai 2003 (2 jours), du 28 juillet au 1er août 2003 (5 jours), le 4 septembre 2003 (1 jour), du 19 septembre au 3 octobre 2003 (9 jours), du 3 au 5 février 2004 (3 jours) et du 18 au 25 février 2004 (4 jours). Soixante-six jours d’audience ont ainsi été perdus.

57. En avril 2004, après la présentation des moyens de l’Accusation, le docteur van Dijkman a recommandé que l’Accusé, en raison de son hypertension chronique, « cesse provisoirement toute activité121 . Par suite de cet avis médical, la Chambre de première instance a ordonné au Greffier d’obtenir un rapport détaillé sur l’état de santé de l’Accusé et une estimation du temps pendant lequel l’Accusé devrait cesser toute activité en raison de son état d’hypertension persistant 122. Le 11 mai 2004, le docteur van Dijkman a signalé que, les derniers mois, contrairement à ce qui avait été observé précédemment, « malgré le repos et le traitement en cours, la tension [de l’Accusé] rest[ait] trop élevée123 . Selon son rapport médical, « le stress psychologique, quelle qu’en soit la cause, [était] la raison principale pour laquelle [sa] tension rest[ait]élevée, si on partait du principe que le traitement était effectivement suivi124 .

58. Le 21 mai 2004, lors d’un examen complémentaire, le docteur van Dijkman a constaté que l’Accusé souffrait toujours d’une fatigue aiguë et présentait des symptômes d’épuisement psychologique accompagnés d’importantes fluctuations de sa tension125. Il a indiqué que, si on partait de l’idée que le traitement était correctement suivi, cet état « résultait probablement d’un stress psychologique constant126 . Il a cependant rejeté l’idée que le stress dû au régime de détention et au procès puisse être, ainsi que l’a affirmé l’Accusé, la seule cause de cette hypertension  ; il a fait observer que, durant les dernières années, « grâce au traitement et aux périodes de repos ménagées au cours du procès, un équilibre encourageant » avait été obtenu, « avec une tension artérielle acceptable127 . Il a à nouveau prescrit des médicaments, le repos et le contrôle de l’état de santé de l’Accusé durant les jours suivants.

59. La présentation des moyens de la Défense, qui devait commencer le 8 juin 2004, a été reportée à cinq reprises à cause de la mauvaise santé de l’Accusé128. Entre le 26 février et le 17 juin 2004, les médecins ont prescrit le repos à l’Accusé durant 51 jours ouvrables en tout129. Dans un rapport daté du 2 juillet 2004, le docteur van Dijkman a signalé que de graves poussées d’hypertension continuaient à être constatées chez l’Accusé ; selon le cardiologue, il « fallait constamment jongler avec un repos suffisant, un traitement optimal et le stress du procès130 . Surtout, le docteur van Dijkman a souligné que, même si le procès pouvait recommencer dès que la tension de l’Accusé redeviendrait normale, il s’attendait à une nouvelle poussée à brève échéance131.

b) les rapports médicaux récents

60. Dans leurs rapports du 29 juillet et des 20, 27 et 30 août 2004, le docteur Tavernier et le docteur van Dijkman ont traité de trois questions : 1) l’état de santé actuel de l’Accusé, 2) son aptitude à assurer lui-même sa défense et 3) les conséquences probables pour le calendrier du procès si l’Accusé continuait à se défendre lui-même132. Sur chacune de ces questions, leurs conclusions se rejoignaient : 1) l’Accusé souffre d’hyperpiésie aiguë, 2) dans les circonstances actuelles, il n’est pas en état d’assurer lui-même sa défense et 3) s’il continuait à le faire, le procès serait considérablement retardé133. Les deux médecins ont conclu qu’une crise d’hypertension potentiellement mortelle pouvait survenir134. Sur chacun de ces points, ils n’auraient pu être plus clairs.

61. Les deux médecins ont également conclu que l’explication la plus probable à la persistance de l’hypertension de l’Accusé était qu’il refusait de suivre le traitement qui lui était prescrit, ainsi que l’ont confirmé des examens sanguins135. À plusieurs reprises, le cardiologue traitant a demandé que des échantillons de sang soient prélevés afin de déterminer dans quelle mesure l’Accusé suivait son traitement ; ces échantillons ont été analysés méticuleusement par le docteur Touw, chef du laboratoire de pharmacologie et de toxicologie des hôpitaux de La Haye136. Celui-ci a indiqué que les concentrations sériques de « Métoprolol » dans les échantillons prélevés à l’Accusé étaient manifestement inférieures à ce qu’elles auraient dû être pour une dose de 200 mg par jour. Il a conclu que, même si cela pouvait s’expliquer soit par le non-respect du traitement prescrit, soit par un métabolisme rapide, la deuxième explication était peu probable137. De plus, il a détecté la présence d’un anxiolytique ne figurant pas sur la liste des médicaments prescrits à l’Accusé. Lorsque le docteur van Dijkman a abordé ce point avec l’Accusé, celui-ci a dit qu’il ne prenait pas ce médicament138. Dans son dernier rapport, le docteur van Dijkman a également dit qu’il « avait été très surpris de constater récemment que [l’Accusé] se trouvait en possession de médicaments inconnus qui ne lui étaient pas fournis par le personnel du quartier pénitentiaire139 ».

62. Tout à la fin de l’audience du 1er septembre 2004, l’Accusé a demandé que des experts russes, serbes et grecs viennent l’examiner parce qu’il considérait que les rapports des cardiologues, en particulier celui du professeur Tavernier, étaient une manipulation destinée à le priver de sa liberté d’expression140. Après avoir examiné la question, la Chambre de première instance a décidé à la majorité de ses membres, le Juge Robinson étant en désaccord, de rejeter cette demande de nouveaux examens médicaux. La majorité a estimé que la seule raison avancée par l’Accusé pour conclure à une manipulation — le fait que le docteur Tavernier vient de Belgique, pays où se trouve le siège de l’OTAN — ne permettait pas de conclure qu’il serait contraire à l’intérêt de la justice de rendre une décision concernant la commission de conseils sur la base des éléments dont elle disposait dans les rapports que la Chambre elle-même avait demandés141. Le Juge Robinson a estimé que le caractère tardif de la demande, qui constitue un vice de procédure, ne devait pas empêcher l’Accusé de contester les rapports médicaux, sur un point aussi important et fondamental que son droit à assurer lui-même sa défense142.

c) conclusions

63. La Chambre de première instance a examiné attentivement les éléments qui ont amené les médecins aux conclusions rapportées ci-dessus, en tenant compte de tous les arguments qui lui avaient été présentés. À l’issue de cet examen, elle a conclu que, si l’Accusé était autorisé à continuer à se défendre lui-même, sa santé en pâtirait inévitablement et ses jours seraient en danger, et qu’il ne pouvait donc continuer à se défendre lui-même. La Chambre a conclu que, dans le meilleur des cas, le procès devrait être suspendu fréquemment afin de permettre à l’Accusé de récupérer suffisamment pour continuer.

6. Commettre ou non des conseils à la défense de l’Accusé

64. La présente Chambre de première instance, et le Tribunal international dans son ensemble, ont fait beaucoup d’efforts pour respecter le droit de l’Accusé de se défendre luimême. La Chambre, pour sa part, a respecté sa volonté fermement exprimée d’assurer luimême sa défense, et ce même lorsque son état de santé imposait de longues suspensions d’audience. La Chambre a accepté que l’Accusé s’entoure de trois collaborateurs juridiques pour l’aider à préparer hors prétoire le contre- interrogatoire des témoins à charge et la présentation de ses moyens ; elle a aussi élargi le rôle des amici curiae pour leur permettre de faire un travail de conseil de la défense dont l’Accusé a manifestement tiré parti. La Chambre a ordonné au Greffier de mettre à la disposition de l’Accusé les facilités nécessaires pour assurer sa défense143. Le Greffier a exécuté en tous points ces instructions, mettant à la disposition de l’Accusé d’importantes facilités et ressources afin de lui permettre autant que faire se peut de préparer et présenter sa défense. De grands efforts ont été faits pour aider l’Accusé. De l’avis de la Chambre, le moment est toutefois venu de prendre d’autres mesures afin d’assurer au procès une issue rapide et équitable.

65. Le devoir fondamental de la Chambre de première instance est de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide. Vu les conclusions auxquelles elle était parvenue (supra), la Chambre était préoccupée par le fait que les risques qui pesaient sur la santé et en fait la vie de l’Accusé et la probabilité que le procès soit encore gravement perturbé étaient si grands qu’ils étaient susceptibles de compromettre la bonne administration de la justice. Il y avait un réel danger que le procès se prolonge outre mesure ou, pire, qu’il ne soit pas mené à son terme si l’Accusé continuait de se défendre sans l’aide de conseils. Dans ces circonstances, il aurait été irresponsable de permettre à l’Accusé de continuer d’assurer lui-même sa défense. Aucun tribunal, conscient de son devoir de garantir un procès équitable et rapide et de la responsabilité qui est la sienne de préserver la bonne administration de la justice, ne pourrait l’accepter. En revanche, la Chambre était convaincue que si des conseils étaient commis à la défense de l’Accusé, des mesures pourraient être prises pour garantir un procès à la fois équitable et rapide.

66. Compte tenu de l’histoire de l’affaire et des conclusions auxquelles elle était parvenue, la Chambre de première instance était d’avis qu’il était nécessaire de décharger l’Accusé du fardeau de sa défense en vue de stabiliser son état de santé, et de limiter au maximum les suspensions d’audience de façon à ce que la présentation des moyens à décharge se fasse sans à-coups et que le procès prenne fin dans un délai raisonnable dans l’intérêt de l’Accusé et dans celui de la justice : autrement dit, de garantir à l’Accusé un procès rapide et équitable.

67. Si elle était préoccupée par les irrégularités constatées dans les rapports médicaux concernant l’observation des traitements médicaux prescrits et les médicaments trouvés dans le sang et en la possession de l’Accusé, la Chambre n’a pas fondé sa décision sur l’argument de l’Accusation selon lequel l’Accusé a délibérément manipulé le calendrier du procès par ce moyen comme par d’autres.

68. L’incidence de cette Ordonnance doit être mise en perspective. L’Accusé est toujours présumé innocent144, et l’Accusation doit prouver les faits qu’elle avance au-delà de toute doute raisonnable 145. Cela n’a pas changé. L’Accusé est en droit d’opposer tous les moyens de défense possibles. Cela n’a pas varié. L’Ordonnance dont l’incidence se limite au mode de présentation de la défense ne lèse très certainement pas l’Accusé puisqu’elle lui laisse le choix entre différentes possibilités : il peut bénéficier de l’assistance de conseils de profession et aussi prendre activement part aux côtés de ses conseils à la préparation et la présentation de sa défense, mais d’une façon moins éprouvante que jusqu’à présent. Surtout, l’Accusé conserve le droit de prendre la parole, que ce soit pour témoigner, procéder à l’interrogatoire et au contre-interrogatoire des témoins avec l’autorisation de la Chambre, sélectionner et produire des moyens de preuve documentaires, et présenter ses conclusions finales sur les éléments de preuve. La Chambre a estimé qu’il était important de lui permettre de faire une déclaration en début de présentation des moyens à décharge, ce qu’il a fait146.

7. Modalités

69. Ayant décidé de commettre des conseils à la défense de l’Accusé, la Chambre de première instance a le devoir de veiller à ce que leur rôle soit défini de telle sorte que soit préservé le droit fondamental de l’Accusé à un procès équitable. Dans cette optique, la Chambre a rendu le 3 septembre 2004 l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils commis d’office par la Chambre, où elle disait que :

1) Il incombe aux conseils commis d’office par la Chambre de déterminer la manière dont ils plaideront la cause de l’Accusé, et, pour ce faire, il leur faut notamment  :

a) représenter l’Accusé en préparant et en interrogeant les témoins qu’ils estiment utile de citer,

b) présenter tous les arguments de fait et de droit qu’ils estiment utile de présenter,

c) solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider convenablement la cause de l’Accusé, y compris celle d’ordonnances de production ou de comparution forcées,

d) discuter avec l’Accusé de la conduite du procès, s’efforcer d’obtenir des instructions de sa part et tenir compte des opinions qu’il a exprimées, tout en conservant le droit de décider de la marche à suivre, et

e) préserver en tout temps les intérêts de l’Accusé.

2) L’Accusé peut, avec l’autorisation de la Chambre de première instance, continuer à participer activement à la conduite du procès, notamment, si nécessaire, en interrogeant des témoins après que ceux-ci auront été interrogés par les conseils commis d’office,

3) l’Accusé a le droit de présenter à tout moment une requête raisonnable devant la Chambre de première instance par laquelle il sollicite l’autorisation de désigner lui-même un conseil, et

4) les conseils commis d’office sont autorisés à solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes autres ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider la cause de l’Accusé.

70. La Chambre de première instance est convaincue que les conseils commis d’office feront de gros efforts pour discuter de la présentation des moyens à décharge avec l’Accusé. Si ce dernier refuse de coopérer avec lesdits conseils, le procès se poursuivra malgré tout. Si, du fait de son refus de coopérer, des éléments réellement pertinents n’étaient pas présentés, il en porterait la responsabilité et ne pourrait crier à l’injustice.

8. Certification d’un appel

71. Dans une Ordonnance rendue le 10 septembre 2004, la Chambre de première instance a fait droit à la demande de certification de l’appel de sa décision rendue oralement le 2 septembre 2004, dans laquelle elle jugeait qu’il était possible et bon de commettre des conseils à la défense de l’Accusé. En certifiant l’appel, la Chambre de première instance a accepté l’argument des conseils commis d’office selon lequel sa décision de les commettre modifie fondamentalement la conduite du procès et il est donc préférable que la Chambre d’appel statue sur cette question à ce stade de la procédure. La Chambre de première instance a aussi fait observer que, lorsque la décision a été rendue – et par la suite à maintes reprises –, l’accusé s’y est opposé et a exprimé le souhait d’interjeter appel de celle-ci147.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 22 septembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Patrick Robinson

[Sceau du Tribunal]


1 Rapport médical du docteur van Dijkman, 18 août 2004 ; rapport médical du professeur Tavernier, 24 juillet 2004 ; Rapport médical du docteur van Dijkman, 26 août 2004, rapport médical du professeur Tavernier, 27 août 2004.
2 Ordonnance fixant la date de la reprise du procès, 25 août 2004.
3 Prosecution Submissions in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 ‘Further Order on Future Conduct of the Trial’ , 26 juillet 2004 ; Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July 2004 ‘Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or More Indictments, 27 juillet 2004 ; Addendum to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial”’ and also to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or more Indictments”’”, 6 août 2004 ; “Prosecution Reply to ‘Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s “Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel” dated 6 August 2004’”, 19 août 2004 ; “Amici Curiae Submissions on the Trial Chamber’s Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or More Indictments dated 21 July 2004”, 27 juillet 2004 ; “Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel’ dated 6 August 2004”, 13 août 2004.
4 Le Procureur c/ Miloševic, affaire n° IT-99-37-I, Note écrite par l’Accusé, 3 juillet 2001, Répertoire général du Greffe, p. 3371 et 3372, Le Procureur c/ Miloševic, affaire n° IT-99-37 -I, comparution initiale, 3 juillet 2001, compte rendu d’audience (« CR »), p. 1 et 2.
5 Le Procureur c/ Miloševic, affaire n° IT-99-37-PT, conférence de mise en état, 30 août 2001, CR, p. 6 et 7, p. 16 à 18.
6 Ibidem, CR, p. 15 à 18.
7 Les trois amici curiae initalement désignés étaient M. Stephen Kay, M. Branislav Tapuškovic et M. Mischa Wladimiroff. Depuis lors, la Chambre de première instance a ordonné des modifications quant aux personnes désignées et à leurs attributions ; la désignation de M. Wladimiroff a ainsi été révoquée par le Greffe à la demande de la Chambre de première instance au motif qu’on craignait qu’il ne soit pas impartial, et M. Timothy McCormack a été désigné comme amicus curiae pour les questions de droit international. Le 27 juin 2003, la Chambre de première instance a aussi rendu une Ordonnance relative à la requête des amici curiae concernant leur future participation et leurs instructions de procédure en application de l’article 98 bis du Règlement, par laquelle elle décidait que le mandat de M. Tapuškovic prenait fin après la présentation des moyens à charge et indiquait que M. Kay et/ou MmeGillian Higgins devaient assister à toutes les audiences pendant les quatre premières semaines de la présentation des moyens à décharge, après quoi elle déciderait quel serait leur rôle (éventuel) par la suite.
8 Audience du 10 avril 2002, CR, p. 2797 ; « Ordonnance », 16 avril 2002.
9 Ordonnance portant désignation de Branko Rakic en tant que collaborateur juridique de l’accusé, 23 octobre 2003.
10 La Chambre de première instance a été informée par le Quartier pénitentiaire des Nations Unies que l’Accusé n’assisterait pas à l’audience prévue ce jour car il se plaignait d’épuisement et un rapport médical était en cours d’élaboration. Audience du 1er novembre 2002, CR, p. 12727. Auparavant, l’état de santé de l’Accusé l’avait empêché d’assister à l’audience du 18 au 28 mars 2002, du 17 au 27 juin 2002 et les 18 et 19 juillet 2002. Les rapports médicaux effectués à ces occasions indiquent qu’il souffrait de crises hypertensives et d’une tension artérielle anormalement élevée et présentait un risque sérieux d’accident cardiovasculaire.
11 Audience du 1er novembre 2002, CR, p. 12727.
12 Observations by the Amici Curiae on the Health of the Accused and the Future Conduct of the Trial, 7 novembre 2002 ; Submission from the Office of the Prosecutor on the Future Conduct of the Case in the Light of the State of the Accused’s Health and the Length and Complexity of the Case, 8 novembre 2002 ; Observations des amici curiae relatives à l’imposition d’un conseil à l’accusé, 18 novembre 2002 ; Prosecution’s Response to the ‘Confidential Observations by the Amici Curiae on the Health of the Accused and the Future Conduct of the Trial’, 18 novembre 2002.
13 Décision orale rendue le 18 décembre 2002 par la Chambre de première instance, CR, p. 14574.
14 Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil, 4 avril 2003, par. 40.
15 Ibidem, par. 39.
16 Rapport médical du docteur van Dijkman, 26 août 2002.
17 Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil, 4 avril 2003, par. 42.
18 Prosecution Motion for a Hearing to Discuss the Implications of the Accused’s Recurring Ill Health, 23 septembre 2003.
19 Ordonnance relative à la requête de l’Accusation concernant les conséquences possibles du mauvais état de santé de l’accusé, 24 septembre 2003.
20 Rapport médical du docteur van Dijkman, 24 septembre 2003.
21 Décision orale rendue par la Chambre de première instance le 30 septembre 2003, CR, p. 27021 à 27063.
22 Voir par. 56 ci-dessous.
23 Audience du 5 juillet 2004, CR, p. 32143.
24 Audience du 5 juillet 2004, CR, p. 32153 à 32154.
25 Ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès, 6 juillet 2004 (par laquelle la Chambre demandait aussi au Greffier de l’informer de l’identité du conseil qui pourrait être commis en l’espèce ).
26 Nouvelle ordonnance relative à l’examen médical de l’accusé, 15 juillet 2004.
27 Nouvelle ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès, 19 juillet 2004 ; Nouvelle ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès concernant la commission d’office d’un conseil de la Défense, 6 août 2004.
28 Nouvelle ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès s’agissant de la disjonction d’un ou de plusieurs actes d’accusation, 21 juillet 2004.
29 Rapport médical du professeur Tavernier, 24 juillet 2004.
30 Rapport médical du docteur van Dijkman, 18 août 2004.
31 Ordonnance à l’adresse du Greffier concernant des rapports médicaux complémentaires, 24 août 2004.
32 Rapport médical du professeur Tavernier, 27 août 2004 ; Rapport médical du docteur van Dijkman, 26 août 2004.
33 Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July ‘Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or More Indictments’, 27 juillet 2004 ; Amici Curiae Submissions on the Trial Chamber’s Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or More Indictments dated 21 July 2004, 27 juillet 2004 ; Addendum to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial”’ and also to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or more Indictments”’, 6 août 2004.
34 Ordonnance fixant la date de la reprise du procès, 25 août 2004.
35 Prosecution Submissions in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 ‘Further Order on Future Conduct of the Trial’ , 26 juillet 2004 ; Addendum to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial”’ and also to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or more Indictments”’, 6 août 2004 ; Prosecution Reply to ‘Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s “Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel” dated 6 August 2004’, 19 août 2004  ; Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s ‘Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel’ dated 6 August 2004, 13 août 2004.
36 Le Procureur c/ Miloševic, affaire n° IT-99-37-PT, conférence de mise en état, 30 août 2001, CR, p. 15 à 18.
37 Submission from the Office of the Prosecutor on the Future Conduct of the Case in the Light of the State of the Accused’s Health and the Length and Complexity of the Case, 8 novembre 2002.
38 Le Procureur c/ Barayagwiza, affaire n° ICTR-97-19-T, Décision sur la requête des conseils de la Défense en retrait de leur commission d’office, 2 novembre 2000, p. 10.
39 Submission from the Office of the Prosecutor on the Future Conduct of the Case in the Light of the State of the Accused’s Health and the Length and Complexity of the Case, 8 novembre 2002, par. 18.
40 Ibidem, par. 20.
41 Ibid., par. 4. Voir aussi Prosecution's Submission on the Implications of the Accused’s Recurring Ill-Health and the Future Conduct of the Case, 29 septembre 2003.
42 Submission from the Office of the Prosecutor on the Future Conduct of the Case in the Light of the State of the Accused’s Health and the Length and Complexity of the Case, 8 novembre 2002, par. 5.
43 Prosecution’s Response to the ‘Confidential Observations by the Amici Curiae on the Health of the Accused and the Future Conduct of the Trial’, 18 novembre 2002, par. 14 et 15 ; voir aussi Prosecution Submissions in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 ‘Further Order on Future Conduct of the Trial’, 26 juillet 2004.
44 Prosecution Submissions in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 ‘Further Order on Future Conduct of the Trial’ , 26 juillet 2004, par. 5.
45 Ibidem, par. 5, 38 et 39, 46.
46 Audience du 5 juillet 2004, CR, p. 32149.
47 Ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès, 6 juillet 2004 ; Ordonnance portant calendrier et enjoignant au Greffier d’obtenir un rapport médical, 12 juillet 2004 ; Nouvelle ordonnance relative à l’examen médical de l’accusé, 15 juillet 2004.
48 Addendum to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 19 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial”’ and also to ‘Prosecution Submission in Response to the Trial Chamber’s 21 July 2004 “Further Order on Future Conduct of the Trial Relating to Severance of One or more Indictments”’”, 6 août 2004 ; “Prosecution Reply to ‘Amici Curiae Submissions in Response to the Trial Chamber’s “Further Order on Future Conduct of the Trial Concerning Assignment of Defence Counsel” dated 6 August 2004’”, 19 août 2004 ; voir aussi l’audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32301.
49 Observations by the Amici Curiae on the Health of the Accused and the Future Conduct of the Trial, 7 novembre 2002, par. 14.
50 Observations des amici curiae relatives à l’imposition d’un conseil à l’accusé, 18 novembre 2002, par. 7 à 11.
51 Ibidem, par. 12 [NdT : il s’agit en fait du paragraphe 15] ; voir aussi Amici Curiae Submissions in Response to the Order of the Trial Chamber Concerning the Implications of the Accused’s Health dated 24 September 2003, 27 septembre 2003.
52 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32337.
53 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32339 à 32340.
54 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32341.
55 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32342.
56 Audience du 11 novembre 2002, CR, p. 12837.
57 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32348 et 32349.
58 Audience du 5 juillet 2004, par. 32150.
59 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32347.
60 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32348.
61 Le droit à un procès équitable est consacré par la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« Convention européenne ») aux articles 6 et 7 (ainsi que dans son Protocole 7), dans la Convention américaine des droits de l’homme ( la « Convention américaine ») aux articles 5 3), 8 et 9, et dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la « Charte africaine ») à l’article 7. Le Secrétaire général des Nations Unies, dans son rapport accompagnant le Statut du Tribunal international, qui constitue donc un élément important dans l’histoire du Statut, déclare que le Tribunal international doit « respecter pleinement les normes internationalement reconnues touchant les droits de l’accusé à toutes les phases de l’instance ». Il est intéressant de constater que le rapport cite l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques lorsqu’il traite de l’exigence d’un procès équitable. Voir le Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, par. 106.
62 Le droit à un procès équitable est inscrit dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la « Convention européenne »), art. 6 et 7 (ainsi que dans son Protocole additionnel 7) ; la Convention américaine relative aux droits de l’homme (la « Convention américaine »), art. 5 3), 8 et 9 ; et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la « Charte africaine »), art. 7. Le Secrétaire général des Nations Unies dans son rapport (auquel est joint le Statut du Tribunal international et qui est donc un élément important de l’histoire du Statut) déclare que le Tribunal international « doit respecter pleinement les normes internationalement reconnues touchant les droits de l’accusé à toutes les phases de l’instance. » En ce sens, le rapport mentionne l’article 14 du PIDCP dans sa partie relative à l’exigence d’un procès équitable. Voir Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité des Nations Unies, par. 106.
63 Le Procureur c/Duško Tadic, affaire n° IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999, par. 282 ; Le Procureur c/ Zejnil  Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001, par. 67  à 70.
64 Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), RTNU, vol. 1155, p. 331, Partie III, art. 31 1).
65 Voir, par exemple, Criminal Justice (Scotland) Act (1995), sec. 337B (2) (qui prévoit que si, au procès, l’accusé se conduit tellement mal que les juges considèrent qu’il ne peut être correctement jugé que s’il est exclu du prétoire, les juges désigneront un conseil pour représenter ses intérêts s’il n’a pas de défenseur).
66 Le Procureur c/ Norman et consorts , affaire n° SCSL-04-14-T, Decision on the Application of Samuel Hinga Norman for Self Representation Under Article 17 4) d) of the Statute of the Special Court , 8 juin 2004, par. 8.
67 Ibid., par. 27.
68 Le Procureur c/ Barayagwiza, affaire n° ICTR-97-19-T, Décision sur la requête des conseils de la Défense en retrait de leur commission d’office, 2 novembre 2000.
69 Ibid., par. 21.
70 Le Procureur c/ Jean-Bosco Barayagwiza , affaire n° ICTR-97-19-T, Décision sur la requête des conseils de la Défense en retrait de leur commission d’office, 2 novembre 2000 (Opinion séparée du Juge Gunawardana).
71 Le Procureur c/ Vojislav Šešelj , affaire n° IT-03-67-PT, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’une ordonnance portant désignation d’un conseil pour Vojislav Šešelj, 9 mai  2003, par. 20.
72 Ibid.
73 Ibid, par. 27 et 30, et Dispositif, p. 16 (version française).
74 Statut du TPIR, art. 20 4) d) ; Statut de la Cour pénale internationale, art. 67 1) d) ; Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, art. 17 4) d) ; PIDCP, art. 14 3) d) ; Convention américaine, art. 8 2) d) ; Convention européenne, art. 6 3) c).
75 Croissant c. Allemagne, CEDH, 25 septembre 1992, série A n° 237-B, p. 245.
76 Ibid., par. 29.
77 Ibid., par. 28.
78 Michael et Brian Hill c. Espagne , Comité des droits de l’homme, Communication No. 526/1993, doc. ONU CCPR/C/ 59/D/526/1993, 2 avril 1997.
79 Ibid., par. 14.2.
80 422 U.S. 806 (1975).
81 Ibid., 835.
82 Ibid., 834, note 46 (citant Illinois v. Allen, 397 U.S. 337, 343 (1970)).
83 Ibid., 834, note 46 (citant United States v. Dougherty, 473 F. 2d 1113, 1124-1126 (D.C. Cir. 1972)) ; voir aussi McKaskle v. Wiggins, 465 U.S. 168, 184 (1984) (« Par conséquent, nous précisons aujourd’hui ce qui est déjà implicite dans l’arrêt Faretta  : il n’est pas porté atteinte aux droits que le Sixième Amendement reconnaît à l’accusé lorsqu’un juge de première instance désigne un conseil d’appoint – même contre l’avis de l’accusé – pour dispenser le juge d’expliquer et de faire respecter les règles de base applicables dans le prétoire et de veiller à leur respect, ou aider l’accusé à surmonter les obstacles habituels qui l’empêchent d’atteindre les objectifs qu’il a clairement fait connaître.
84 United States v. Faretta, 422 U.S. 806, 834, note 46 (1975).
85 Martinez v. Court of Appeal of California, Fourth Appellate District, 528 U.S. 152, 154 (2000).
86 Ibid., 161-162.
87 Youth Justice and Criminal Evidence Act (England) 1999, secs. 34-35. Dans cette loi, les témoins protégés comprennent les plaignants, les témoins du crime, et les enfants.
88 Ibid., sec. 36.
89 Ibid., sec. 38.
90 Ibid.
91 Criminal Procedure (Scotland ) Act, 1995, sec. 288C 1), tel que modifié par Sexual Offences (Procedure and Evidence) (Scotland) Act 2002.
92 Ibid., sec. 288D 2) (ordonnant aussi la désignation d’un conseil lorsque cet accusé, s’étant assuré les services d’un « sollicitor » le révoque, ou que ce dernier s’est retiré de l’affaire).
93 Ibid., sec. 288D 3).
94 Ibid., sec. 288D 4).
95 Code criminel, RS 1985, sec. 486  2.3).
96 Crimes Act 1914 (Cth), secs. 15YF, 15YG, 15YH ; Evidence Act 1906 (Cth), sec. 106G ; Criminal Procedure Act 1986 (NSW), sec. 294A ; Sexual Offences (Evidence and Procedure) Act 1983 (NT), sec. 5 ; Evidence Act 1977 (Qld), sec. 21(L)-(S).
97 Evidence Act 1908 (NZ), sec. 23F.
98 Articles 274 et 317 du Code de procédure pénale français.
99 Section 140 du Code de procédure pénale allemand.
100 Article 294 du Code d’instruction criminelle belge.
101 Section 41 du Code de procédure pénale autrichien.
102 Section 11 de la Loi fédérale sur la procédure pénale suisse.
103 Articles 282 et 283 du Code de procédure pénale de la République de Corée.
104 Article 71 1) du Code de procédure pénale de la République fédérale de Yougoslavie.
105 Article 71 4) du Code de procédure pénale de la République fédérale de Yougoslavie.
106 La Chambre de première instance a fait observer que la nature accusatoire de la procédure suivie par le Tribunal international transparaît clairement dans le rôle assigné au Procureur par l’article  18 du Statut et l’article 85 du Règlement, lequel définit le rôle distinct du Procureur et de la Défense dans la présentation des moyens de preuve. Motifs de la décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de désignation d’un conseil, 4 avril  2003, par. 18 à 20.
107 Ibid., par. 40.
108 Ibid.
109 Ibid., par. 42.
110 Ibid., par. 24 à 26.
111 Ibid., par. 40.
112 Ordonnance relative à la conduite ultérieure du procès, 6 juillet 2004 ; Nouvelle ordonnance relative à l’examen médical de l’accusé, 15 juillet 2004.
113 Voir p. ex. Ordonnance portant calendrier et ordonnance aux fins d’examen médical, 27 juin 2002 ; Rapport médical du docteur Rodrigues et du docteur Crosse, 19 juillet 2002.
114 Rapport médical du docteur van Dijkman, 26 août 2002.
115 Ibidem.
116 Rapport médical du docteur van Dijkman, 26 septembre 2003.
117 Audience du 30 septembre 2003, CR, p. 27063.
118 Rapport médical du docteur de Both, 4 février 2004 ; rapport médical du docteur Falke, 20 février 2004.
119 Rapport médical du docteur van Dijkman, 20 novembre 2002 (dans lequel celui-ci indiquait que « [à] cause de la fatigue due au procès, [l’Accusé] semble souffrir d’une crise d’hypertension »). Le docteur van Dijkman a également fait observer que « [s]i sa tension rest[ait] aussi élevée que celle qui [avait été] mesurée à l’audience, il y a[vait] un risque d’hypertension accélérée ». Voir aussi le rapport médical du docteur Falke, médecin du quartier pénitentiaire, 5 septembre 2003. Le docteur Tavernier, dans son rapport médical du 29 juillet 2004, a souligné que le tabac était un autre facteur de risque cardiovasculaire pour l’Accusé.
120 Huit de ces interruptions étaient dues exclusivement aux problèmes de tension de l’Accusé.
121 Rapport médical du docteur van Dijkman, 20 avril 2004.
122 Ordonnance adressée au Greffier concernant l’état de santé de l’Accusé, 20 avril 2003 [NdT : Il s’agit en fait du 20 avril 2004].
123 Rapport médical du docteur van Dijkman, 11 mai 2004.
124 Ibidem.
125 Rapport médical du docteur van Dijkman, 21 mai 2004.
126 Ibidem.
127 Ibid.
128 Ordonnance portant réaménagement du calendrier de présentation des moyens à décharge, 25 février 2002 [NdT : il s’agit en fait du 25 février 2004].
129 Report by the Registrar Pursuant to the Trial Chamber’s ‘Omnibus Order on Matters Dealt with at the Pre-Defence Conference’ filed on 18 June 2004, 25 juin 2004, par. 7.
130 Rapport médical du docteur van Dijkman, 2 juillet 2004.
131 Ibidem.
132 Rapport médical du docteur Tavernier, 29 juillet 2004 ; rapport médical du docteur van Dijkman, 20 août 2004.
133 Rapport médical du docteur Tavernier, 27 août 2004 ; rapport médical du docteur van Dijkman, 30 août 2004.
134 Rapport médical du docteur Tavernier, 29 juillet 2004 ; rapport médical du docteur van Dijkman, 26 août 2004.
135 Rapports médicaux du docteur Tavernier, 29 juillet et 27 août 2004 ; rapports médicaux du docteur van Dijkman, 20 et 30 août 2004.
136 Résultats de l’analyse du docteur Touw, 17 août 2004 (joint au rapport médical du docteur van Dijkman daté du 20 août 2004).
137 Ibidem.
138 Rapport médical du docteur van Dijkman, 30 août 2004.
139 Ibidem.
140 Audience du 1er septembre 2004, CR, p. 32348 et 32349.
141 Audience du 2 septembre 2004, CR, p. 32356.
142 Ibidem.
143 En ce qui concerne les facilités données au Quartier pénitentiaire, le Greffier a indiqué que l’Accusé a notamment le droit : de recevoir de ses collaborateurs juridiques et de leur envoyer des lettres et des télécopies non censurées pendant les jours ouvrables ; d’avoir des conversations téléphoniques non mises sur écoute avec ses collaborateurs juridiques tous les jours de la semaine ; de recevoir des visites régulières de ses collaborateurs juridiques pendant les jours ouvrables ; de se servir du matériel de photocopie du Quartier pénitentiaire ; de visionner sur le magnétoscope du Quartier pénitentiaire des bandes vidéo pouvant servir d’éléments de preuve ; d’utiliser son propre ordinateur portable au Quartier pénitentiaire et, s’il le souhaite, de le relier à une imprimante. À l’audience, il est également possible à l’Accusé, lors des pauses, d’avoir accès à une ligne téléphonique protégée. L’Accusé peut aussi envoyer des télécopies et utiliser le matériel de photocopie en cas de besoin urgent.
144 Statut du Tribunal international, art. 21 3).
145 Article 87 A) du Règlement.
146 En outre, la Chambre a accordé à quatre témoins à décharge le bénéfice de mesures de protection afin de garantir leur présence, a invité l’Accusé à présenter des demandes pour d’autres témoins si il souhaitait qu’ils bénéficient des mêmes mesures, a autorisé une déposition par voie de vidéo-conférence, et a fait preuve d’une grande indulgence vis-à-vis de l’Accusé lorsqu’il n’a pas respecté ses obligations de communication. La Chambre de première instance a fait droit à toutes les demandes relatives à la comparution de témoins de la Défense.
147 Ordonnance relative à la demande de certification de l’appel envisagé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office de conseils, 10 septembre 2004.