Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
7 décembre 2004

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

________________________________________

DECISION RELATIVE A LA DEMANDE DE REVOCATION PRESENTEE PAR LES CONSEILS COMMIS D’OFFICE

________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Les Conseils commis d’office par la Chambre :

M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins

L’Amicus Curiae :

M. Timothy McCormack

 

I. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. Le 2 septembre 2004, la Chambre de première instance a rendu oralement une décision par laquelle elle a indiqué qu’elle avait compétence pour commettre un conseil à la défense de l’Accusé, et qu’il y avait lieu de prendre une telle mesure en l’espèce 1. La Chambre de première instance a prié le Greffier de s’efforcer tout d’abord d’obtenir la nomination de M. Steven Kay et de Mme Gillian Higgins comme Conseils commis d’office par la Chambre2. Le 3 septembre 2004, le Greffier adjoint a rendu une décision nommant M. Steven Kay et Mme Gillian Higgins Conseils de l’Accusé après que ceux-ci ont accepté ce mandat3. Le même jour, la Chambre de première instance a rendu l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les Conseils commis d’office par la Chambre, définissant le rôle des Conseils commis d’office par la Chambre4. Le 1er novembre 2004, la Chambre d’appel a rendu la Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la défense, par laquelle elle a confirmé la décision de la Chambre de première instance d’imposer un conseil à l’Accusé mais infirmé l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils5.

2. À la Suite de leur nomination par le Greffier, les Conseils commis d’office par la Chambre se sont efforcés d’obtenir la comparution de témoins à décharge et ont réussi à en faire comparaître cinq6 parmi les 140 dont le nom figurait sur une liste que les collaborateurs de l’Accusé avaient identifiés comme étant prioritaires dans le cadre de la présentation des moyens à décharge concernant le Kosovo7. Ils ont rencontré une certaine résistance et ont signalé, tant à la Chambre de première instance8 qu’à la Chambre d’appel9, le manque de coopération de témoins à décharge potentiels, qui ont refusé de comparaître car ils désapprouvaient la décision de la Chambre de première instance de commettre d’office un conseil à l’Accusé contre son gré.

3. Le 26 octobre 2004, à la suite de l’audience consacrée à l’appel mais avant que la Chambre d’appel ait statué, les Conseils commis d’office par la Chambre ont écrit une lettre au Greffier par laquelle ils demandaient la révocation de leur commission d’office en application de l’article 19 de la Directive relative à la Commission d’office de conseils de la Défense10. Le 27 octobre 2004, le Greffier adjoint a rendu une décision par laquelle il a renvoyé la demande de révocation à la Chambre de première instance « pour examen », indiquant que :

ATTENDU que, dans les conditions actuelles, la Demande soulève des questions particulières au contexte de l’espèce, et qu’il serait préférable que les points qui y sont abordés soient examinés par la Chambre de première instance à la lumière de son Ordonnance du 2 septembre 200411.

Le 2 novembre 2004, la Chambre de première instance a rendu une Ordonnance portant calendrier par laquelle elle a fixé au 9 novembre 2004 la tenue d’une audience consacrée à la demande de révocation de la commission d’office des Conseils12. Le 8 novembre 2004, les Conseils ont déposé devant la Chambre de première instance la demande de révocation accompagnée de l’Annexe A (Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal with Annex A). La Chambre de première instance a entendu, du  9 au 11 novembre 2004, les nombreux arguments des Conseils commis d’office par la Chambre, de l’Accusé et de l’Accusation sur ce point.

II. LA DEMANDE DE RÉVOCATION

4. La demande a été présentée en application de l’article 19 de la Directive et de l’article 9 du Code de déontologie du Tribunal13, qui disposent respectivement :

Article 19
Suspension et révocation de la commission d’office

A. Dans l’intérêt de la justice, le Greffier peut :

i. à la demande de l’accusé ou de son conseil révoquer la commission d’office,

ii. à la demande du conseil principal, révoquer la commission d’office du coconseil.

[…]

F. Lorsqu’une demande de révocation, présentée en conformité avec le paragraphe A), a été rejetée par le Greffier, le requérant peut former un recours auprès du Président dans les deux semaines de la notification de la décision.

Article 9
Refus, fin ou retrait de la représentation

A. Le conseil ne représente pas un client si :

i. il doit pour cela adopter un comportement criminel, frauduleux, ou contraire au Statut, au Règlement, au présent Code ou à toute autre règle de droit applicable,

ii. son état de santé physique ou mentale diminue sensiblement sa capacité à représenter le client, ou

iii. le client met fin à son mandat, ou le Greffier l’en décharge.

B. Sous réserve des dispositions de la Directive, le conseil peut mettre fin à son mandat ou demander à en être déchargé, si les intérêts de son client n’en sont pas gravement lésés, ou si :

i. le client a recouru aux services du conseil pour commettre un crime ou une fraude, ou persiste dans une voie impliquant les services du conseil, dont ce dernier a des raisons de croire qu’elle est criminelle ou frauduleuse,

ii. le client insiste pour poursuivre un objectif que le conseil juge odieux ou imprudent,

iii. le client ne remplit pas une obligation envers le conseil concernant les services de ce dernier, et a été raisonnablement averti que le conseil mettrait fin à sa représentation ou demanderait à en être déchargé s’il ne s’acquittait pas de son obligation, ou

iv. il existe une autre raison valable.

C. Sauf autorisation de la Chambre, le conseil ne peut, s’il est déchargé de son mandat ou s’il y met fin, se retirer tant que le client n’a pas engagé un autre conseil, ou que le Greffier n’en a pas commis un d’office, ou que le client n’a pas notifié par écrit au Greffier son intention d’assurer lui-même sa défense.

D. Lorsqu’il est déchargé de son mandat ou qu’il y met fin, le conseil prend, dans la mesure du possible, toutes mesures pour préserver les intérêts du client, notamment en le prévenant suffisamment tôt, en restituant au client ou au Tribunal les documents et biens qui leur reviennent, et en remboursant toute avance sur honoraires qu’il n’a pas gagnée.

Les Conseils se fondent aussi sur un certain nombre d’autres dispositions du Code de déontologie du Tribunal, et mentionnent en particulier ses articles 814,  1015, 1116,  1217 et 1418 pour montrer qu’ils exigent du conseil qu’il se conforme aux instructions de son client, faute de quoi il commet une violation dudit Code de déontologie.

A. Argumentation

1. Conseils commis d’office par la Chambre

5. Les arguments des Conseils commis d’office par la Chambre peuvent être résumés de la manière suivante :

a) En l’absence d’instructions de l’Accusé (que les Conseils désignent aussi comme leur client) et faute de communication avec lui, les Conseils ne sont pas en mesure  : i) de connaître ni de se conformer aux « objectifs de la représentation » de l’Accusé  ; ii) de satisfaire au devoir du conseil de communiquer avec l’Accusé ; iii) de connaître et donc de préserver les intérêts de l’Accusé ; et donc de satisfaire à des dispositions importantes du Code de déontologie du Tribunal19. Ils avaient escompté que l’Accusé coopérerait probablement avec eux, mais l’Ordonnance relative aux règles à suivre par les conseils, qui prévoyait que l’Accusé pourrait demander à interroger des témoins après que ceux-ci auraient été interrogés par les Conseils commis d’office, a anéanti toute perspective de voir une telle coopération se faire jour20 ;

b) Compte tenu du souhait exprimé par l’Accusé d’assurer lui-même sa défense, il existe un conflit d’intérêts entre les instructions qu’il a données et la décision portant nomination des Conseils ; agir à l’encontre des souhaits exprimés par l’Accusé et sans instruction de sa part serait déloyal envers lui et porterait atteinte à l’intérêt de la justice, ce qui est contraire à l’article 14 du Code de déontologie du Tribunal21 ;

c) La décision de la Chambre de première instance d’imposer un conseil à un accusé qui le refuse et ne coopère pas revient à exercer sur les Conseils commis d’office par la Chambre une pression extérieure compromettant leur intégrité professionnelle et est contraire à l’article 10 du Code de déontologie du Tribunal ainsi qu’aux dispositions du code de déontologie des avocats exerçant en Angleterre et au pays de Galles. Les événements qui se sont déroulés depuis leur commission d’office ont abouti à une rupture complète et irrévocable de leur relation avec l’Accusé22. Les Conseils ont été mis en cause dans l’exercice de leur profession. L’Accusé a critiqué leur probité professionnelle ainsi que la manière dont ils ont plaidé sa cause23, et a porté plainte contre le Conseil principal devant le barreau néerlandais ; et

d) Si leur demande de révocation devait être refusée, les Conseils pourront en tout état de cause mettre fin unilatéralement à leur commission d’office comme Conseils au motif qu’ils ont une raison valable de le faire.

6. Les Conseils commis d’office par la Chambre font valoir qu’il est impossible, dans ces circonstances, de continuer de représenter l’Accusé sans enfreindre le Code de déontologie du Tribunal et le code de déontologie des avocats exerçant en Angleterre et au pays de Galles, et concluent ainsi leur demande :

Par ces motifs, en particulier compte tenu i) du refus de l’Accusé de communiquer avec les Conseils commis d’office, ii) de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent de conseiller l’Accusé sur sa défense et de le représenter efficacement, iii) de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent de connaître les intérêts de l’Accusé et donc de les préserver, et iv) des critiques formulées par l’Accusé à l’encontre de leurs qualités professionnelles, les Conseils commis d’office font valoir qu’il existe des raisons valables de mettre fin à leur mandat. Par la présente, les Conseils commis d’office demandent, en vertu des dispositions l’article 19 de la Directive, la révocation de leur commission d’office24.

2. L’Accusé

7. L’Accusé affirme que les Conseils commis d’office par la Chambre savaient forcément qu’il était contre leur commission d’office et qu’en acceptant ce mandat malgré son opposition énergique25, ils pouvaient parfaitement s’attendre à ce qu’il refuse de coopérer et émette des critiques les concernant, eux ainsi que leur rôle. En réponse à la référence faite à une décision de la Chambre d’appel selon laquelle l’accusé n’est pas en droit de mettre fin unilatéralement à la relation de confiance qui le lie à ses conseils26, l’Accusé a affirmé qu’il ne pouvait pas être question de mettre fin à une telle relation en l’espèce, déclarant : « Comment peut-on mettre fin à quelque chose qui n’a jamais existé ?27 ».

3. L’Accusation

8. L’Accusation affirme que la demande de révocation de leur commission d’office que présentent les Conseils est juridiquement infondée28. Elle soutient que l’Accusé ne saurait dûment être qualifié de « client » desdits conseils, ceux-ci ayant été imposés à l’Accusé et non pas engagés par lui29. En outre, les Conseils s’efforcent maintenant de rompre un contrat qu’ils ont conclu alors qu’ils avaient parfaitement conscience des problèmes qui risquaient de se poser et sur dont ils arguent à présent, et ils ne devraient pas y être autorisés car : a) ils ont nié publiquement qu’aucun conseil puisse assumer le rôle qu’ils ont accepté de remplir, diminuant voire réduisant ainsi à néant le nombre de conseils qui auraient autrement été prêts à s’en charger à leur place; b) le recours qu’ils ont formé contre les règles à suivre initialement ordonnées par la Chambre de première instance a été accueilli ; et c) ils ont déjà cité des témoins à comparaître30. L’Accusation est d’avis que les Conseils commis d’office par la Chambre sont parfaitement à même de défendre au mieux les intérêts de l’Accusé, car il s’agit d’intérêts juridiquement pertinents qu’ils devraient pouvoir déterminer au vu des déclarations de l’Accusé et de son contre-interrogatoire31. L’Accusation affirme aussi que les codes de déontologie sur lesquels se fondent les Conseils commis d’office ne couvrent pas véritablement la question de la commission d’un conseil contre le gré de l’accusé32, que le recours à des dispositions relatives au conflit d’intérêts est hors de propos dans ces circonstances, et que, selon la jurisprudence du Tribunal international, lorsqu’un accusé s’oppose de manière injustifiable à être représenté par un conseil qui lui a été commis d’office, le conseil demeure tenu par l’obligation professionnelle de représenter l’accusé33.

III. COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE POUR STATUER SUR LA DEMANDE

9. Les demandes de révocation de la commission d’office sont normalement présentées au Greffier qui, en application de l’article 19 A) de la Directive, accueille ou rejette la demande, le requérant pouvant, en application de l’article 19 F), former un recours contre la décision auprès du Président.

10. La Chambre d’appel a indiqué qu’« il ne revient pas normalement à une Chambre d’examiner des requêtes portant sur des questions qui relèvent au premier chef de la compétence du Greffier34 ». Dans l’affaire Blagojevic, la Chambre de première instance a examiné une décision rendue par le Greffier refusant de révoquer les Conseils commis d’office à la défense de l’accusé, jugeant que la commission d’office cadrait avec le droit de l’accusé à un procès équitable35. Si elle a reconnu qu’il existait des précédents sur lesquels la Chambre de première instance pouvait se fonder pour agir comme elle l’avait fait, la Chambre d’appel a estimé que l’intérêt de la justice lui commandait de s’en écarter36. Elle est allée plus loin et a dit :

Le seul pouvoir inhérent à la Chambre de première instance est celui de garantir l’équité du procès de l’accusé ; elle ne saurait s’arroger un pouvoir qui appartient à un autre. Dès lors, dans les cas où le Greffier a rejeté une demande de commission d’office d’un nouveau conseil et où l’accusé a formé un recours contre cette décision, la Chambre de première instance n’a d’autre choix que de suspendre le procès jusqu’à ce que le Président ait examiné la décision du Greffier. La Chambre d’appel considère que c’est là la seule manière, pour la Chambre de première instance, de respecter effectivement le pouvoir que la Directive confère expressément au Greffier et au Président de déterminer si l’intérêt de la justice commande de faire droit à la requête d’un accusé aux fins de révocation de son conseil37.

Selon la Chambre de première instance, la Chambre d’appel est d’avis qu’à moins que l’intérêt de la justice le commande, ce n’est pas à une Chambre de première instance de se prononcer sur une demande relevant normalement de la compétence du Greffier38.

11. La Chambre de première instance a tout d’abord examiné si, au vu de la jurisprudence de la Chambre d’appel, elle était compétente pour statuer sur la demande de révocation présentée par les Conseils commis d’office. Elle a constaté que, de l’avis de chacune des parties, tel était le cas39. Elle a aussi pris note du fait que le Greffier adjoint lui avait renvoyé la demande initiale de révocation pour examen, citant l’ordre qu’elle avait adressé au Greffier de nommer un conseil et de s’efforcer tout d’abord de nommer M. Kay et Mme Higgins, qui demandent à présent la révocation de leur commission d’office40. À l’audience du 9 novembre 2004, la Chambre de première instance a conclu oralement à sa compétence :

Après examen du Statut, du Règlement et de la jurisprudence du Tribunal, la Chambre conclut qu’elle est compétente pour statuer sur la Demande41.

12. La question soulevée par la demande de révocation des Conseils pour les griefs invoqués pose au fond la question de savoir si la décision d’une Chambre de première instance de commettre d’office un conseil à un accusé qui le refuse peut être mise à exécution42. Dans sa Décision relative à la commission d’office, la Chambre de première instance a jugé comme suit :

La Chambre de première instance est […] parfaitement convaincue que, si l’on interprète correctement les articles 20 et 21 du Statut, elle a le pouvoir, dans certaines circonstances, d’exiger qu’un accusé soit représenté par un conseil en dépit de son souhait de se défendre lui-même. Si l’Accusé refuse de désigner son conseil, la Chambre peut lui en désigner un pour assurer sa défense43.

La Chambre d’appel a jugé que la Chambre de première instance avait eu raison en se prononçant ainsi44. La décision initiale de commettre d’office des Conseils ayant été prise afin de garantir l’équité du procès45, toute demande qui conteste véritablement le fond de cette décision doit être examinée par la Chambre de première instance.

IV. EXAMEN DE LA DEMANDE

A. Textes juridiques pertinents

13. Les questions relatives à la commission d’office de conseil et à la révocation de celle-ci sont régies au Tribunal international par la Directive et le Code de déontologie. Ces deux instruments ont été adoptés en application du Statut et du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal international 46. Le Règlement, ainsi que tous les autres textes applicables, y compris la Directive et le Code de déontologie du Tribunal, doivent être lus et appliqués eu égard aux dispositions du Statut. Cela est normalement le cas lorsque l’on a une loi-cadre et un texte, notamment le Règlement, adopté en application de celle-ci – aspect qui s’il n’est pas couvert précisément par le Statut du Tribunal international, figure expressément dans le Statut de la Cour pénale internationale47.

14. L’article 44 C) du Règlement énumère les différents instruments dont les conseils doivent tenir compte dans l’exercice de leurs fonctions devant le Tribunal :

Dans l’accomplissement de leurs devoirs, les conseils de la Défense sont soumis aux dispositions pertinentes du Statut, du Règlement, du Règlement sur la détention préventive et de toutes autres dispositions réglementaires adoptées par le Tribunal, de l’Accord de siège, du Code de déontologie pour les avocats exerçant devant le Tribunal international et aux règles déontologiques qui régissent leurs professions ainsi que, le cas échéant, la Directive relative à la commission d’office de conseil de la Défense adoptée par le Greffier et approuvée par les Juges permanents.

Les dispositions pertinentes du Statut sont les articles 20 et 21, aux termes desquels la Chambre de première instance est tenue de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide.

15. Dans leur Demande, les Conseils commis d’office par la Chambre font état de divers codes de déontologie, tant au niveau interne qu’international48. Ils accordent une importance particulière au code de déontologie des avocats exerçant en Angleterre et au pays de Galles, et notamment à son article 609, qui prévoit qu’un avocat peut, dans certaines circonstances, se retirer d’une affaire49. Cependant, l’article 4 du Code de déontologie du Tribunal prévoit : « En cas de divergences entre le présent Code et tout autre code applicable au conseil, c’est le premier qui l’emporte pour toute question de déontologie qui se pose devant le Tribunal ». La Chambre d’appel constate néanmoins que les Conseils n’ont relevé aucune divergence entre le Code de déontologie du Tribunal et les International Practice Rules du code de déontologie des avocats exerçant en Angleterre et au pays de Galles50, et qu’ils ont eux même reconnu la primauté du Code de déontologie du Tribunal51. Par conséquent, la Chambre de première instance considère que si la consultation d’autres codes peut être utile pour interpréter le Code de déontologie du Tribunal, il convient de statuer sur la demande en se fondant au premier chef sur ledit Code de déontologie du Tribunal et la Directive.

16. Ce n’est pas parce que le Code de déontologie du Tribunal et les autres codes mentionnés ne contiennent aucune disposition précisant expressément l’attitude que les Conseils doivent adopter lorsqu’ils sont commis d’office à un accusé contre son gré que l’on ne peut pas dûment les interpréter et les appliquer à cette situation. Le Code de déontologie du Tribunal et les autres codes ne se situent pas en dehors de tout contexte ; ils doivent être interprétés et appliqués à la lumière du droit applicable52, compte tenu notamment de l’article 20 du Statut, aux termes duquel le procès doit être équitable et rapide, de son article 21, qui précise les droits de l’accusé, de la décision de la Chambre d’appel concernant la commission d’office de conseils en l’espèce et de la décision rendue par la Chambre d’appel dans l’affaire Blagojevic.

B. Applicabilité du Code de déontologie du Tribunal et de la Directive à la Demande de révocation (Arguments présentés au paragraphe 5, alinéas a), b) et c) ci-dessus)

17. Si les arguments des Conseil commis d’office – présentés plus en détail ci-dessus, au paragraphe 5, alinéas a), b) et c) – étaient corrects, cela signifierait qu’une Chambre de première instance ne pourrait en fait commettre un conseil à la défense d’un accusé si ce dernier ne coopère pas. Cependant, la jurisprudence du Tribunal indique que le conseil doit continuer à agir en l’absence de coopération. La Chambre d’appel s’est déclarée compétente pour commettre un conseil à la défense d’un accusé qui s’y oppose et a jugé que la Chambre de première instance avait légalement le pouvoir d’en faire autant dans les circonstances de l’espèce53. Dans ces conditions, le refus de l’Accusé de communiquer avec les Conseils commis d’office ou de leur donner des instructions ne peut constituer un motif de révocation.

18. De plus, la Chambre d’appel a jugé qu’un accusé « n’est pas en droit de mettre fin unilatéralement à la relation de confiance qui le lie à ses conseils54. De même, l’accusé ne saurait invoquer une impossibilité de communiquer du fait de ses propres actes55 ». Elle a conclu en outre que « [d]ans une situation comme celle ci, où un appelant refuse sans raison valable d’être représenté par les conseils commis à sa défense, l’obligation de le représenter demeure pour les conseils56  ». Qu’une relation de confiance ait existé ou non entre les Conseils commis d’office par la Chambre et l’Accusé en l’espèce, le principe appliqué par la Chambre d’appel est tout aussi pertinent. Même si l’Accusé agit de manière à empêcher qu’une relation de confiance s’installe entre lui et les Conseils commis d’office ou à mettre fin à une telle relation, ceux-ci n’en ont pas pour autant manqué aux dispositions du Code de déontologie du Tribunal, pas même à l’article 14 A) ou B) qui porte sur la question des conflits d’intérêt. De même, aucun manquement de leur part ne résulte du refus de l’Accusé de communiquer avec eux ou de leur donner des instructions.

19. Les Conseils commis d’office par la Chambre font tout particulièrement valoir que leur incapacité à obtenir des instructions de l’Accusé signifie qu’ils ne peuvent défendre les intérêts de celui-ci comme l’exige l’article 11 du Code de déontologie du Tribunal. Selon leur argumentation, « [l]es Conseils commis d’office par la Chambre ne peuvent ni connaître ni, par conséquent, défendre au mieux les intérêts de l’Accusé dès lors qu’il ne communique pas avec eux57  ». La Chambre de première instance estime que c’est là une analyse erronée des attributions du conseil commis d’office. Ce que l’on demande aux conseils, c’est de d’agir dans ce qu’ils considèrent être l’intérêt de l’Accusé. C’est clairement ce que la Chambre de première instance a prévu dans son Ordonnance relative aux règles à suivre par les Conseils, et c’est tout ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un conseil dans de telles circonstances. En décider autrement reviendrait à permettre à un accusé d’empêcher la Chambre de première instance de veiller à l’équité du procès comme le Statut le lui impose. Ainsi que la Chambre d’appel l’a jugé dans l’affaire Blagojevic :

La Chambre d’appel estime que l’Appelant a tort de considérer que son point de vue « subjectif » sur la manière dont son procès devrait être mené peut prévaloir sur l’obligation professionnelle des conseils d’agir dans l’intérêt de leur client. Si les conseils sont bien tenus de consulter l’Appelant, ils ne sont pas liés par son avis sur les meilleurs moyens d’atteindre les objectifs de la défense58.

Cette appréciation portée sur les attributions du conseil est conforme aux dispositions de l’article 8 du Code de déontologie du Tribunal. Lorsqu’un conseil est commis d’office en vertu d’une ordonnance rendue par une Chambre, les obligations inhérentes à une relation normale entre le conseil et son client doivent être modifiées de manière à donner effet à l’ordonnance portant commission d’office. À cet égard, la Chambre de première instance prend note de l’argument de l’Accusation selon lequel, dans les circonstances de l’espèce, « il n’y a jamais eu de relation de conseil à client59 ».

20. La Chambre de première instance fait observer que l’appréciation portée au paragraphe précédent concorde avec les dispositions régissant les responsabilités des conseils commis d’office dans les affaires faisant intervenir des témoins vulnérables qui sont jugées devant les tribunaux du Royaume-Uni, et notamment devant ceux d’Angleterre et du Pays de Galles où exercent habituellement les Conseils commis d’office par la Chambre. En Angleterre et aux Pays de Galles, le Youth Justice and Criminal Evidence Act interdit à une personne accusée d’infraction sexuelle de procéder elle-même au contre-interrogatoire de certains témoins protégés60. En ce qui concerne les autres témoins, les juges peuvent, dans l’intérêt de la justice, empêcher l’accusé de les contre-interroger61 et doivent l’inviter à charger son conseil de procéder au contre-interrogatoire62. Ainsi que la Chambre de première instance l’a fait observer dans sa Décision relative à la commission d’office des conseils de la Défense63, si l’accusé n’a pas pris de telles dispositions, les juges doivent examiner s’il est dans l’intérêt de la justice que les témoins soient contre-interrogés par un conseil commis d’office qui « n’est pas responsable devant l’accusé64  ».

21. Les dispositions applicables en Écosse rejoignent encore davantage celles qui sont examinées en l’espèce. En Écosse, une personne accusée d’une infraction sexuelle ne peut se défendre elle-même à son procès65. Si elle ne s’est pas assuré les services d’un avocat à cet effet, la cour doit lui en désigner un. Le conseil ainsi nommé est tenu de demander à l’accusé des instructions et d’agir en conséquence et, si ce dernier ne donne pas d’instructions ou lui donne des instructions inadéquates ou de mauvaise foi, d’agir dans son intérêt66.

22. La Chambre de première instance fait observer que la commission d’un conseil contre le gré de l’accusé est un aspect du droit qui est en évolution dans les systèmes juridiques tant internes qu’internationaux. Il est donc clair que les codes de déontologie qui ont été rédigés lorsque la commission d’un conseil dans de telles conditions n’était pas encore spécifiquement envisagée doivent être interprétés à la lumière de cette évolution. Dès lors, si la plus haute autorité judiciaire du Tribunal a décidé qu’un conseil de la défense pouvait être commis d’office contre le gré de l’accusé et dans la perspective d’une non-coopération de sa part, il convient d’interpréter le Code de déontologie du Tribunal et tout autre code applicable en vertu de l’article 44 du Règlement en tenant compte de ce développement. Il en est ainsi parce que, ainsi qu’il est dit plus haut, le Code de déontologie du Tribunal, en tant qu’instrument subsidiaire, doit être interprété eu égard aux dispositions du Statut. Un conseil commis d’office s’acquitte de son obligation de défendre les intérêts de l’accusé selon l’appréciation que ses compétences professionnelles l’amènent à porter sur ceux-ci. Le refus de l’Accusé de donner des instructions à ses conseils ou de coopérer avec eux, et a fortiori les critiques qu’il formule à l’égard de la manière dont ils assurent sa défense, sont autant d’éléments que ceux-ci pouvaient prévoir avant d’entamer leur mandat et ne peuvent constituer un fondement pour déterminer s’ils défendent au mieux les intérêts de l’Accusé.

23. Il ressort de cette analyse qu’on ne saurait dire que le fait de commettre un conseil à un accusé non consentant et non coopératif – même si cet accusé s’en prend à la manière dont le conseil exerce son métier – revient à exercer sur le conseil une pression telle que sa probité est compromise au sens de l’article 10 du Code de déontologie du Tribunal, qui porte sur l’intégrité professionnelle.

24. Les Conseils invoquent également un avis consultatif de la Commission disciplinaire de l’Association des conseils de la Défense exerçant au TPIY, lequel concluait que, sur la base des pièces examinées, « il y a lieu d’affirmer qu’il existe entre M. Kay et M. Milosevic un conflit insoluble tel que la demande de révocation est une démarche parfaitement en accord avec les obligations déontologiques des conseils... [et]... qu’en se retirant de l’affaire, M. Kay n’enfreindrait pas le Code...67  ». Bien que ce document n’ait pas été déposé ni versé au dossier conformément au Règlement et à la pratique du Tribunal, la Chambre de première instance en prend bonne note, mais elle fait observer qu’il ne lui apporte aucune aide pour se prononcer sur la question en cause.

25. À l’audience, le Conseil principal a également mentionné une plainte concernant son rôle dans ce procès, déposée au nom de l’Accusé devant le barreau néerlandais et à propos de laquelle celui-ci s’était semble-t-il déclaré compétent68. M. Kay a déclaré qu’il avait reçu une lettre du barreau néerlandais dans laquelle son correspondant lui indiquait qu’il « ne voyait pas à cette plainte d’autre motif que de donner à l’avocat en question l’occasion de présenter d’autres arguments sur la question69 ». Puisque la plainte n’a pas été déposée devant la Chambre de première instance, rien ne permet à celle -ci de l’examiner. La Chambre de première instance fait simplement observer qu’en décidant de commettre les Conseils à la défense de l’Accusé, elle les a chargés de défendre au mieux ses intérêts. La Chambre de première instance n’a aucune raison de douter que c’est ce qu’ils ont fait. Leurs arguments sur la base de cette plainte sont donc erronés.

26. À la lumière de ce qui précède, la Chambre de première instance juge qu’aucun motif valable justifiant la révocation de la commission d’office des Conseils n’a été présenté. Au contraire, elle reste convaincue que la présence des Conseils commis d’office est essentielle pour garantir un procès rapide et équitable. Par conséquent, il est clairement dans l’intérêt de la justice de maintenir la commission d’office des Conseils de l’Accusé et de refuser sa révocation.

C. Cessation de la commission d’office

(Argument présenté au paragraphe 5 d) ci-dessus)

27. La demande initiale de révocation de la commission d’office adressée au Greffier le 26 octobre 2004, la demande déposée par les Conseils commis d’office devant la Chambre de première instance le 8 novembre 2004 et les arguments présentés oralement par les Conseils jusqu’à l’audience du 11 novembre 2004 concernent une demande de révocation de leur commission d’office en application de l’article 19 de la Directive.

28. Au troisième jour d’audience consacré à cette question, les Conseils commis d’office par la Chambre ont soutenu à titre subsidiaire qu’ils pourraient, en application du Code de déontologie du Tribunal ou, si celui-ci ne pouvait s’appliquer à eux, en application du code de déontologie des avocats exerçant en Angleterre et au Pays de Galles, mettre fin unilatéralement à leur commission d’office70. Ils ont affirmé qu’ils pouvaient dans ce cas se passer de l’autorisation de la Chambre  puisqu’il s’agissait d’une « décision personnelle71  ».

29. L’article 9 B) du Code de déontologie du Tribunal énonce les circonstances dans lesquelles un conseil peut mettre fin à sa commission d’office. En vertu des dispositions de cet article pertinentes en l’espèce, le conseil doit démontrer qu’il peut mettre fin à sa commission d’office (ou que celle-ci peut être révoquée) sans que les intérêts de son client en soient gravement lésés ou qu’il existe une autre raison valable. Contrairement à ce que soutiennent les Conseils commis d’office par la Chambre, il ne s’agit pas ici simplement de laisser le conseil déterminer de façon subjective s’il convient de mettre fin à sa commission d’office. La Chambre d’appel a confirmé que leur commission d’office était légale et la présente Chambre de première instance a jugé que la révocation de celle-ci, dans les circonstances présentes, irait à l’encontre d’un procès rapide et équitable, et qu’il n’y avait donc aucune raison valable de révocation. La même conclusion s’appliquerait manifestement si les Conseils entendaient mettre fin unilatéralement à leur commission d’office. Dans ces conditions, la cessation unilatérale de leur commission d’office ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 9 B) du Code de déontologie du Tribunal, en particulier son alinéa iv).

30. La Chambre de première instance fait observer en outre que, même lorsque la commission d’office des conseils est révoquée ou prend fin, l’article 9 C) du Code de déontologie du Tribunal leur impose, sauf autorisation de la Chambre, de continuer à représenter l’Accusé jusqu’à ce qu’un autre conseil soit commis d’office par le Greffe72. La Chambre de première instance fait observer qu’à l’audience, les Conseils commis d’office par la Chambre ont reconnu que, si leur commission d’office était révoquée ou s’ils y mettaient fin, ils seraient tenus de respecter entièrement cette obligation73.

V. ROLE FUTUR DES CONSEILS COMMIS D’OFFICE PAR LA CHAMBRE

31. La Chambre d’appel, après avoir confirmé la décision de la Chambre de première instance d’imposer un conseil à l’Accusé et annulé son ordonnance sur les règles à suivre par les Conseils commis d’office, a prévu le rôle futur des conseils commis d’office :

[La Chambre d’appel] renvoie la question devant la Chambre de première instance afin que celle-ci fixe des règles de travail qui atténuent dans la pratique les effets de la commission d’office tout en préservant l’intérêt de la justice. Ces règles doivent au moins se fonder sur la présomption par défaut que, lorsqu’il sera en état de le faire, Slobodan Milosevic prendra en main sa défense, en choisissant ses propres témoins, en les interrogeant avant que les conseils commis d’office n’aient la possibilité de le faire, en présentant lui-même les arguments à l’appui de toute requête qu’il jugera utile de présenter devant la Chambre, en prononçant lui même la plaidoirie et en prenant les décisions stratégiques essentielles concernant la présentation de sa défense. [...] La Chambre d’appel peut toutefois difficilement prévoir tous les problèmes de santé à venir ou saisir cette occasion pour essayer de parer à toute éventualité. Elle laisse donc à la Chambre de première instance le soin de trouver un juste équilibre qui permette à Slobodan Milosevic d’exercer son droit fondamental à se défendre lui-même tout en préservant l’intérêt fondamental qu’a le Tribunal de parvenir à un règlement raisonnablement rapide des affaires dont il est saisi.

La Chambre d’appel tient à souligner que, concrètement, si tout se passe bien, le procès continuera comme lorsque l’Accusé était en bonne santé. [...] Si, toutefois, l’état de Slobodan Milosevic vient à s’aggraver, la présence des conseils commis d’office permettra au procès de se poursuivre même si l’Accusé est provisoirement incapable d’y participer. Il appartiendra à la Chambre de première instance de déterminer à quel moment cette redistribution des rôles doit intervenir74.

32. Outre les deux attributions définies par la Chambre d’appel, le conseil pourrait continuer à jouer un rôle précieux en déposant des conclusions écrites portant notamment sur les injonctions de comparaître ou les ordonnances contraignantes concernant certains témoins, ainsi que sur d’autres points importants de la présentation des moyens à décharge.

33. En définissant le rôle potentiel des Conseils commis d’office par la Chambre, la Chambre d’appel n’a fait que prendre acte des motifs sur lesquels la Chambre de première instance s’est fondée pour décider de leur commission d’office : « Il y [a] un réel danger que le procès se prolonge outre mesure ou, pire, qu’il ne soit pas mené à son terme si l’Accusé continu[e] de se défendre sans l’aide de conseils 75 ». L’exigence d’un procès équitable et conclu de manière suffisamment rapide ne peut être compromise par le refus de l’Accusé de communiquer avec des conseils qui ont été légalement commis d’office à sa défense ou de leur donner des instructions.

34. Il ressort de ce qui précède que les Conseils commis d’office par la Chambre doivent continuer à agir conformément aux règles que la Chambre de première instance a énoncées dans son ordonnance du 3 septembre 2004, sous réserve des modifications que la Chambre d’appel a apportées à ces règles dans sa Décision et de la possibilité de déposer des conclusions écrites sur certaines questions, ainsi qu’il est souligné au paragraphe 32 ci-dessus. L’obligation fondamentale des Conseils sera de continuer à agir dans l’intérêt de l’Accusé, ainsi qu’il est défini et explicité dans la présente décision.

VI. DISPOSITIF

35. Par ces motifs, la Chambre de première instance décide que la demande de révocation de leur commission d’office qu’ont présentée les Conseils commis d’office par la Chambre devrait être rejetée et prie le Greffier de rejeter cette demande, en application des pouvoirs que lui confère l’article 19 de la Directive.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 7 décembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_______________
Patrick Robinson

[Sceau du Tribunal]


1. Voir Motifs de la décision relative à la commission d’office des conseils de la défense, 22 septembre 2004 (la « Décision relative à la commission d’office »), par. 1.
2. Compte rendu d’audience, version en anglais (« CR »), p. 32391.
3. Décision, 3 septembre 2004, portant nomination de M. Steven Kay comme conseil principal de l’Accusé et de Mme Gillian  Higgins comme coconseil à compter de cette date.
4. 1) Il incombe aux conseils commis d’office par la Chambre de déterminer la manière dont ils plaideront la cause de l’Accusé, et, pour ce faire, il leur faut notamment :
 a) représenter l’Accusé en préparant et en interrogeant les témoins qu’ils estiment utile de citer,
 b) présenter tous les arguments de fait et de droit qu’ils estiment utile de présenter,
 c) solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider convenablement la cause de l’Accusé, y compris celle d’ordonnances de production ou de comparution forcées,
 d) discuter avec l’Accusé de la conduite du procès, s’efforcer d’obtenir des instructions de sa part et tenir compte des opinions qu’il a exprimées, tout en conservant le droit de décider de la marche à suivre, et
 e) préserver en tout temps les intérêts de l’Accusé.
2) L’Accusé peut, avec l’autorisation de la Chambre de première instance, continuer à participer activement à la conduite du procès, notamment, si nécessaire, en interrogeant des témoins après que ceux-ci auront été interrogés par les conseils commis d’office,
3) L’Accusé a le droit de présenter à tout moment une requête raisonnable devant la Chambre de première instance par laquelle il sollicite l’autorisation de désigner lui-même un conseil, et
4) Les conseils commis d’office sont autorisés à solliciter auprès de la Chambre de première instance la délivrance de toutes autres ordonnances qu’ils estiment nécessaires pour leur permettre de plaider la cause de l’Accusé.
5. Pour ce qui est de l’approche suivie par la Chambre d’appel quant aux règles à suivre, voir par. 31 de cette décision.
6. Pour une description des témoins et l’indication de la date des témoignages, voir Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal with Annex A, 8 novembre 2004, par. 7 à 13.
7. Ibidem, par. 14 ; voir aussi audience du 9 novembre 2004, CR, p. 33198.
8. Voir, par exemple, audience du 15  septembre 2004.
9. Voir audience en appel, 21 octobre 2004, CR, p. 26, où M. Kay a dit : « Le nombre important de témoins qui ont refusé de coopérer, l’hostilité et la désapprobation qu’ils m’ont témoignés, le fait qu’ils m’aient accusé de le mettre en cause plus que de le défendre, tous ces problèmes portent sérieusement atteinte à la capacité du conseil de défendre l’Accusé ».
10. Re : The Prosecutor v. Slobodan Milosevic IT-02-54-T – Withdrawal of Assigned Counsel, 27 octobre 2004 ; Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, IT/73/Rev.10, 28 juillet 2004 (la « Directive »).
11. Renvoi de la demande de révocation, Greffier adjoint, 27 octobre 2004.
12. Ordonnance portant calendrier des audiences du 9 au 11 novembre 2004, 2 novembre 2004.
13. Code de déontologie pour les avocats exerçant devant le Tribunal international, IT/125/Rev.1, 12 juillet 2002 (le « Code de déontologie du Tribunal »).
14. A. Le conseil donne des avis à son client et le représente tant que ce dernier ne met pas fin à son mandat ou qu’il n’en est pas déchargé par le Greffier.
B. Lorsqu’il représente un client, le conseil :
i. se conforme aux décisions de son client quant aux objectifs de la représentation,
ii. consulte son client au sujet des moyens à mettre en œuvre pour réaliser lesdits objectifs, sans toutefois être lié par les décisions de son client, et
iii. ne demande ou n’accepte que les instructions qui émanent de son client et qui ne sont pas données à l’instigation d’une personne, d’une organisation ou d’un État.
15. Dans l’exécution de son mandat, le conseil :
i. agit avec compétence, aptitude, conscience, honnêteté et loyauté,
ii. exerce son jugement de façon professionnelle et indépendante et rend des avis francs et honnêtes,
iii. ne se laisse influencer en aucune circonstance,
iv. préserve sa propre probité ainsi que celle de l’ensemble de la profession,
v. ne transige pas sous l’effet de pressions extérieures sur son indépendance, sa probité et ses principes.
16. Le conseil représente son client avec diligence et promptitude, de façon à préserver les intérêts de celui–ci. À moins qu’il ne soit déchargé du mandat ou qu’il y mette fin, il conduit à leur terme toutes les démarches entreprises pour son client dans le cadre de sa mission de représentation.
17. Le conseil informe son client de l’état de l’affaire portée devant le Tribunal dans laquelle son client est partie prenante et répond sans délai à toutes les demandes raisonnables de renseignements.
18. A. Le conseil a un devoir de loyauté envers son client. Il a pour devoir envers le Tribunal d’agir en toute indépendance dans l’intérêt de la justice qu’il fait passer avant ses propres intérêts et ceux de toute autre personne, organisation ou État. B. Le conseil veille avec le plus grand soin à éviter tout conflit d’intérêts.
19. Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal with Annex A, 8 novembre 2004, par. 31.
20. Ibidem, par. 34 ; voir aussi audience du 10 novembre 2004, par exemple CR, p. 33242 à 33244.
21. Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal with Annex A, par. 34, 37 et 38.
22. Voir, par exemple, audience du 9 novembre 2004, CR, p. 33199.
23. Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal witn Annex A, par. 7 à 13, 19 et 21. À l’audience consacrée à cette question, les conseils ont exprimé leur point de vue : « Je pense que le problème est venu des modalités et de leur caractère extrême. La rupture des relations est venue de là, et c’est ce qui a conduit à ce que nous soyons à présent, en tant que conseils commis d’office, en conflit avec notre client, et donc contraints de présenter cette demande de révocation. Si nous en sommes arrivés là, c’est à cause de l’attitude qu’il a adoptée : il a mis en cause nos qualités professionnelles, manipulé le témoin Kanelli, et porté plainte devant le barreau néerlandais, critiquant la manière dont nous avons plaidé sa cause. De par notre position, nous avons dû continuer de nous battre pour son droit d’assurer lui-même sa défense et ce faisant, nous avons dû déclarer devant la Chambre d’appel qu’il s’agissait de son procès, que nous ne connaissions pas le dossier. Il s’agit de sa défense, d’une thèse qu’il est le seul à pouvoir présenter et, je m’en réfère à notre demande, « ce qui a, un jour, été une relation cordiale s’est détériorée, et nous ne sommes pas en mesure de travailler avec lui  ».
24. Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal witn Annex A, par. 56.
25. Audience du 10 novembre 2004, CR, p. 33281.
26. Ibidem, CR, p. 33229.
27. Ibid., CR, p. 33283.
28. Ibid., CR, p. 33290.
29. Ibid., CR, p. 33286.
30. Ibid., CR, p. 33291 et 33292.
31. Ibid., CR, p. 33293 à 33295.
32. Ibid., CR, p. 33304.
33. Ibid., CR, p. 33301. La jurisprudence pertinente sera examinée plus bas.
34. Le Procureur c/ Delalic et consorts , Ordonnance relative à la requête d’Esad Landžo aux fins d’examen rapide de sa demande, affaire n° IT-96-21-A, 15 septembre 1999, citée par la Chambre d’appel dans l’affaire Le Procureur c/ Blagojevic, Version publique et expurgée de l’exposé des motifs de la Décision relative au recours introduit par Vidoje Blagojevic aux fins de remplacer son équipe de la défense, affaire n° IT-02-60-AR73.4, 7 novembre 2004.
35. Le Procureur c/ Blagojevic, Version publique et expurgée de l’exposé des motifs de la Décision relative au recours introduit par Vidoje Blagojevic aux fins de remplacer son équipe de la défense, affaire n° IT-02-60-AR73.4, 7 novembre 2003, par. 6.
36. Ibidem, par. 7.
37. Ibid.
38. La Chambre d’appel a toutefois décidé d’examiner la question en appel : « Sans préjudice de la restriction indiquée au paragraphe 7, la Chambre de première instance s’étant estimée compétente pour examiner la Décision du Greffier, la Chambre d’appel, dans les circonstances de l’espèce, examinera chacun des moyens d’appel avancés par l’Appelant ». Ibid., par. 8.
39. Audience du 9 novembre 2004, CR, p. 33192.
40. Décision, 3 septembre 2004.
41. Audience du 9 novembre 2004, CR, p. 33192.
42. Voir, par exemple, audience du 10 novembre 2004, CR, p. 33250.
43. Décision relative à la commission d’office, par. 34.
44. Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la défense, affaire n° IT-02-54-AR73.7, 1er novembre 2004, par. 15.
45. Décision relative à la commission d’office, par. 34.
46. Voir le préambule de la Directive  : « VU le Statut du Tribunal adopté par le Conseil de sécurité aux termes de la résolution 827 (1993) du 25 mai 1993, tel qu’ultérieurement modifié et, vu, en particulier, ses articles 18 et 21 » ; et le Code de déontologie du Tribunal  : « Vu le Statut du Tribunal tel qu’adopté par le Conseil de sécurité aux termes de la résolution 827 du 25 mai 1993, et modifié par la suite, et vu en particulier son article 21 ».
47. L’article 51 4) du Statut de la Cour pénale internationale dispose comme suit : « Le Règlement de procédure et de preuve, les amendements s’y rapportant et les règles provisoires sont conformes aux dispositions du présent Statut » ; et l’article 51 5) est ainsi libellé : «  En cas de conflit entre le Statut et le Règlement de procédure et de preuve, le Statut prévaut ».
48. Voir Annexe A du document intitulé Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal With Annex A, 8 novembre 2004, dans lequel sont mentionnés : le code de déontologie pour les avocats exerçant en Angleterre et au pays de Galles ; le code de déontologie pour les avocats exerçant aux Pays -Bas (1992) ; le code de déontologie des avocats de l’Union européenne ; le projet de code de déontologie pour les avocats exerçant devant la Cour pénale internationale  ; l’Union Internationale des Avocats : Charte internationale des droits de la défense, Exposé des motifs ; la Recommandation 21 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat (Conseil de l’Europe) (adoptée par le Comité des Ministres le 25 octobre 2000, lors de la 727e réunion des Délégués des Ministres) ; les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990 ; l’avant-projet de Déclaration sur l’indépendance de la justice (les « Principes de Noto ») ; et le Projet de Déclaration universelle sur l’indépendance de la Justice (la « Déclaration de Singhvi »). À l’audience du 10 novembre 2004, le conseil a aussi fait référence au code de déontologie de l’International Bar Association (édition de 1988).
49. Voir Annexe A du document intitulé Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal With Annex A, 8 novembre 2004, page portant la référence du Greffe 39428.
50. L’article 2 renvoie à certains principes fondamentaux exposés dans la partie III du Code, et la Chambre de première instance remarque qu’aucune des dispositions du Code de déontologie du Tribunal n’est en contradiction avec l’un d’eux: Voir Annexe A du document intitulé Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal With Annex A, 8 novembre 2004, page portant la référence du Greffe 39425.
51. Voir Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal With Annex A, 8 novembre 2004, par. 29.
52. La pratique qui consiste à interpréter le Statut et le Règlement comme des traités devrait valoir aussi pour le Code de déontologie du Tribunal et la Directive puisque ce sont des instruments adoptés en application du Statut. Dans ces circonstances, une règle générale d’interprétation des traités veut qu’aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte s’entend de toute règle pertinente de droit international. L’article 31 3) c) de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose : « Il sera tenu compte, en même temps que du contexte : S…C c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties ».
53. Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la Défense, affaire n° IT-02-54-AR73.7, 1er novembre 2004, par. 15.
54. Le Procureur c/ Blagojevic, Version publique et expurgée de l’exposé des motifs de la décision relative au recours introduit par Vidoje Blagojevic aux fins de remplacer son équipe de la Défense, affaire n° IT-02-60-AR73.4, 7 novembre 2003, par. 15.
55. Ibidem.
56. Ibid., par. 54.
57. Assigned Counsel’s Motion for Withdrawal with Annex A, 8 novembre 2004, par. 35.
58. Le Procureur c/ Blagojevic, Version publique et expurgée de l’exposé des motifs de la décision relative au recours introduit par Vidoje Blagojevic aux fins de remplacer son équipe de la Défense, affaire n° IT-02-60-AR73.4, 7 novembre 2003, par. 27 (notes de bas de page omises ).
59. Voir audience du 10 novembre 2004, CR, p. 33286.
60. Youth Justice and Criminal Evidence Act (England) 1999, sec. 34 et 35. Les témoins protégés par cette loi sont les plaignants, les témoins du crime et les enfants.
61. Ibidem, sec. 36.
62. Ibid., sec. 38.
63. Voir les Motifs de la décision relative à la commission d’office des conseils de la défense, 22 septembre 2004 (la « Décision relative à la commission d’office »), par. 46.
64. Ibidem.
65. Criminal Procedure (Scotland ) Act 1995, sec. 288C (1).
66. Criminal Procedure (Scotland ) Act 1995, sec. 288C (1). « Sous réserve de l’alinéa 3) ci-dessus, les devoirs du conseil ainsi désigné sont a) de s’assurer des instructions de l’accusé et de s’y conformer et b) en l’absence d’instructions appropriées et raisonnables de sa part, d’agir au mieux de ses intérêts ». Un commentaire préalable à l’adoption de cette loi disait que « le but serait que le conseil commis d’office par la cour tente d’obtenir des instructions de l’accusé en vue d’assurer entièrement sa défense s’il pouvait le convaincre d’accepter. Toutefois, la responsabilité du conseil envers l’accusé doit être strictement limitée si l’accusé n’a pas collaboré avec lui ou, de surcroît, a tenté de gêner son action ou de le tromper », prévoyant manifestement qu’un conseil puisse se retrouver dans des circonstances similaires à celles de l’espèce. « REDRESSING THE BALANCE : Cross-Examination in Rape and Sexual Offence Trials », 1991, par. 68.
67. Voir audience du 11 novembre 2004, CR, p. 33341 à 33344.
68. Voir audience du 9 novembre 2004, CR, p. 33207 à 33210.
69. Ibidem.
70. Voir audience du 11 novembre 2004, CR, p. 33337 à 33346.
71. Ibidem, CR, p. 33339 et 33340.
72. La référence, à la fin de cet article, au fait que le client peut notifier par écrit au Greffier son intention d’assurer lui-même sa défense n’est pas pertinente en l’espèce.
73. Voir audience du 11 novembre 2004, CR, p. 33346.
74. Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la Défense, affaire n° IT-02-54-AR73.7, 1er novembre 2004, par. 19 et 20.
75. Ibidem, par. 7.