AFFAIRE N° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président

M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
17 septembre 2003

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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ORDONNANCE CONCERNANT LA PRÉPARATION ET LA PRÉSENTATION DES MOYENS À DÉCHARGE

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Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
Mme Hildergaard Uertz-Retzlaff
M. Dermot Groome

Les Amici curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy McCormack

L’accusé :

Slobodan Milosevic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

ATTENDU que le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») prévoit qu’un accusé doit suivre certaines procédures dans le cadre de la préparation et de la présentation de sa défense,

ATTENDU, toutefois, que ces procédures doivent être adaptées au fait que l’accusé en l’espèce assure sa propre défense, est détenu au quartier pénitentiaire des Nations Unies et dispose de ressources limitées,

ATTENDU, en outre, qu’aux fins de préparer et présenter correctement sa défense , l’accusé doit disposer, dans un cadre protégé1, des facilités qui lui permettent de s’entretenir avec des témoins et autres personnes et d’exploiter les documents et éléments d’information nécessaires à sa défense, d’un soutien logistique en ce qui concerne les témoins et des ressources nécessaires pour préparer la présentation de ses moyens,

EN APPLICATION des articles 54, 65 ter et 73 ter du Règlement ,

D’office

ORDONNE CE QUI SUIT relativement à la préparation et à la présentation des moyens de la défense :

Préparation des moyens de la défense

1. Le procès sera ajourné pour une période de trois mois entre la fin de la présentation des moyens à charge et le début de celle des moyens à décharge, afin de permettre à l’accusé de préparer sa défense.

2. La Chambre de première instance pourra ordonner la tenue d’une audience pendant la période d’ajournement du procès.

3. Dans un délai de six semaines à compter de la fin de la présentation des moyens à charge, l’accusé déposera les documents suivants :

a. une liste des témoins que l’accusé entend citer, en précisant :

i. le nom de chaque témoin,

ii. un résumé des faits au sujet desquels chaque témoin déposera, et

iii. si le témoin déposera en personne, ou si en application de l’article 92 bis , il sera fait appel à une déclaration écrite ou au compte rendu d’un témoignage préalablement rendu dans une autre procédure devant le Tribunal2.

b. une liste des pièces à conviction que l’accusé entend présenter à l’appui des moyens qu’il invoque. L’accusé est également tenu de signifier au Procureur des copies des pièces à conviction en question3.

4. La Chambre de première instance tiendra ensuite une conférence préalable à la présentation des moyens de la Défense pour :

a. examiner la liste des témoins à décharge et fixer le nombre de témoins que l’accusé pourra citer4,

b. déterminer la durée de présentation des moyens de preuve de l’accusé5, et

c. régler toute autre question que la Chambre juge opportune afin de faciliter la présentation des moyens de l’accusé, y compris les dispositions concrètes à prendre pour faire venir les témoins à décharge au Tribunal et permettre à l’accusé de préparer son interrogatoire principal.

Présentation des moyens de la Défense

5. Au début de la présentation de ses moyens, l’accusé peut faire une déclaration liminaire concernant chacun des trois actes d’accusation établis contre lui, en respectant les délais que lui impartira la Chambre de première instance.

6. La Chambre de première instance peut refuser d’entendre un témoin dont le nom ne figure pas sur la liste des témoins à décharge6. Si l’accusé souhaite ajouter des témoins ou des pièces à conviction à sa liste après la conférence préalable à la présentation des moyens à décharge, il doit demander à la Chambre l’autorisation nécessaire en présentant des motifs sérieux7.

7. Pendant l’interrogatoire des témoins à décharge, l’accusé ne doit jamais oublier que la Chambre de première instance exerce un contrôle sur les modalités de l’interrogatoire des témoins et de la présentation des éléments de preuve, ainsi que sur l’ordre dans lequel ils interviennent, de manière à rendre l’interrogatoire et la présentation des éléments de preuve efficaces pour l’établissement de la vérité et à éviter toute perte de temps inutile8. Il est rappelé à l’accusé qu’il disposera d’un temps limité et qu’il devra se concentrer sur les points pertinents des éléments de preuve.

8. L’accusé est engagé à se prévaloir des dispositions de l’article 92 bis pour ce qui est de l’admission de déclarations écrites.

9. L’accusé peut, s’il le souhaite, comparaître en qualité de témoin pour sa propre défense9. À cet égard, l’accusé est renvoyé à l’Annexe A de l’ordonnance concernant le droit de garder le silence, rendue par la Chambre le 19 février 2002 (dont les passages pertinents sont joints à la présente ordonnance).

Dispositions concrètes concernant la préparation et la présentation des moyens de la Défense

10. Il est ordonné au Greffier de mettre à la disposition de l’accusé :

a. des facilités, dans un cadre protégé, qui lui permettent de s’entretenir avec les témoins et autres personnes nécessaires à sa défense,

b. des facilités, dans un cadre protégé, qui lui permettent d’examiner et d’exploiter les documents et autres éléments d’information nécessaires à sa défense,

c. un soutien logistique en ce qui concerne les témoins, et

d. des ressources pour préparer la présentation de ses moyens.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
_________
Richard May

Le 17 septembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


ANNEXE A

Le droit de l’accusé de garder le silence

a) Vous avez le droit de garder le silence durant le procès. Vous n’êtes pas tenu de faire une déclaration, d’interroger les témoins ni de présenter des conclusions.

b) ...

c) Vous pouvez témoigner pour votre propre compte en temps opportun, auquel cas vous serez soumis à un contre-interrogatoire.

d) Mis à part lors de votre déposition, vous n’êtes pas tenu de répondre aux questions concernant les faits de l’espèce mais sachez que si vous faites des déclarations au sujet de ces faits, vos déclarations feront partie des éléments pris en considération par la Chambre de première instance pour rendre sa décision en l’espèce.

e) La présente ne s’applique pas aux questions administratives et procédurales.

f) ...


1 - La nature du cadre protégé est décrite à l’article 67 du « Règlement sur la détention préventive », IT/38/Rev.8, 22 novembre 1999 : « Les entrevues entre le détenu, son avocat et l’interprète ont lieu sous le regard du personnel du quartier pénitentiaire mais hors de portée de voix, directement ou indirectement ».
2 - Article 65 ter G) i) du Règlement.
3 - Article 65 ter G) ii) du Règlement.
4 - Article 73 ter C) du Règlement.
5 - Article 73 ter E) du Règlement.
6 - Article 90 G) du Règlement.
7 - Article 90 G). La condition des « motifs sérieux » est identique à celle qui est exigée par l’Accusation et énoncée dans la « Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’obtenir l’accord de la Chambre de première instance relatif à la modification du calendrier des dépôts », rendue par la Chambre de première instance le 18 avril 2003.
8 - Article 90 F) du Règlement.
9 - Article 85 C) du Règlement.