Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 11 décembre 2001.)

2 (Audience sur requête, aux fins de jonction d'instances à la demande

3 du Procureur.)

4 (L'audience est ouverte à 11 heures 16.)

5 (Audience publique.)

6 M. le Président (interprétation): Nous allons à présent traiter de la

7 requête aux fins de jonction d'instances, présentée par l'accusation. Nous

8 avons reçu les écritures de l'accusation et le corrigendum. Nous avons

9 également reçu les écritures des amici curiae. Nous entendrons d'abord le

10 représentant du Bureau du Procureur, puis les amici, puis l'accusé. Dans

11 cet ordre. Après quoi, nous considérerons la question.

12 Je dois dire qu'ayant eu la possibilité de lire le contenu de ces diverses

13 écritures, il apparaît clairement que deux questions principales se posent

14 et sont soumises à la Chambre de première instance.

15 La première question est une question de droit qui implique l'Article 49

16 du Règlement de procédure et de preuve, à savoir que, lorsque plusieurs

17 infractions peuvent faire l'objet d'un seul et même Acte d'accusation,

18 cette question se pose.

19 Et la deuxième question qui se pose est une question qui implique le

20 pouvoir discrétionnaire des Juges. Si ceux-ci ne sont pas convaincus que

21 ces actes multiples commis ensemble constituent la même opération, la

22 requête est rejetée. Mais si la Chambre est convaincue de ce fait, elle

23 doit examiner la question dans le cadre de l'application de son pouvoir

24 discrétionnaire et apporter une réponse positive ou négative.

25 Il apparaît aux Juges de cette Chambre que c'est ainsi qu'il importe de

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1 lire l'Article 49 du Règlement.

2 Donc nous entendrons les arguments de l'accusation et nous aimerions qu'il

3 soit tenu compte de l'ordonnance portant calendrier du 5 décembre.

4 Madame le Procureur, vous avez la parole.

5 (Intervention de la Procureur, Mme Del Ponte.)

6 Mme Del Ponte: Je vous remercie, Monsieur le Président. Je vais laisser

7 très vite à la parole à mon collègue, Geoffrey Nice, qui va argumenter

8 surtout sur le point que vous avez mentionné maintenant.

9 Mais je me permets quand même, Monsieur le Président, de porter trois

10 considérations en introduction de notre requête de joindre en un seul

11 procès les trois Actes d'accusation.

12 Nous estimons que l'ancien Président de la République de Serbie, que

13 l'ancien Président de la République fédérale de Yougoslavie a droit à un

14 seul procès, à une seule Cour, à un seul jugement.

15 Mes trois points sont d'abord que nous estimons l'accusé Milosevic le plus

16 haut responsable des crimes commis à partir de mars 1991 en Bosnie, en

17 Croatie et au Kosovo.

18 Monsieur le Président, un seul procès permettra enfin de connaître la

19 vérité sur les réels responsabilités de l'accusé Milosevic, une

20 responsabilité criminelle continue dans le temps et sur les faits, sans

21 interruption.

22 Mon dernier point est celui qui est un moment de réflexion aux milliers,

23 aux milliers de victimes: on a des milliers de victimes qui demandent

24 justice. Si nous avons trois procès l'un après l'autre, nous allons avoir

25 un retard qui, selon nous, n'est pas justifié. Donnons à ces victimes la

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1 possibilité de suivre ce procès dès son début, qui les concerne toutes.

2 Je rappelle ici la dernière résolution du Conseil de sécurité, la

3 résolution 1329 du 30 novembre 2000: "ce procès unique contre le haut

4 responsable Milosevic comme un élément important de réconciliation et de

5 paix".

6 En somme, Monsieur le Président, dans l'intérêt de la justice, nous

7 appelons un seul procès contre l'accusé Milosevic.

8 Merci.

9 (Les Juges se consultent sur le siège.)

10 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice…

11 En fait, j'ai une question à poser à Mme le Procureur Carla Del Ponte.

12 Madame, vous venez de faire référence à la Résolution des Nations Unies du

13 13 novembre 2000.

14 Et les interprètes anglais que j'écoutais -donc je vous demande un

15 éclaircissement à ce sujet- ont dit que, dans cette résolution, il est

16 question "d'un procès unique contre le haut responsable Milosevic qui

17 pourrait être un élément important de réconciliation et de rétablissement

18 de la paix".

19 Etes-vous en train de nous dire que la Résolution en question stipule

20 ceci?

21 Mme Del Ponte: Non, Monsieur le Juge, c'est le premier considérant qui dit

22 "demeurant convaincu que les poursuites engagées contre les personnes

23 présumées responsables des violations graves du droit international

24 commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie contribuent au

25 rétablissement et au maintien de la paix en ex-Yougoslavie".

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1 Je dis qu'ils ont souligné le fait que les procès contre les personnes

2 présumées coupables contribuent. Et naturellement, mon interprétation:

3 voilà le fait que le pouvoir d'avoir un seul procès contre Milosevic sur

4 les trois Actes d'accusation, selon moi, c'est un élément, un élément plus

5 contraignant à cet élément de réconciliation et de paix.

6 M. Robinson (interprétation): Merci beaucoup pour cet éclaircissement.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

8 (Requête du Procureur, présentée par M. Nice.)

9 M. Nice (interprétation): Les Juges de cette Chambre ont entre les mains

10 la requête aux fins de jonction d'instances qui, bien sûr, a été également

11 signifiée à l'accusé. L'accusé n'a peut-être pas saisi l'occasion pour

12 lire ce texte. Et malheureusement, pour ma part, je ne parle pas la langue

13 qu'il parle; je le regrette. Mais je sais qu'il comprend l'anglais.

14 Je vais donc m'exprimer très lentement pour souligner l'ossature, la

15 structure générale de nos écritures, de façon à ce qu'il puisse en traiter

16 aujourd'hui. M'exprimant au sujet de notre requête, présentant nos

17 arguments, je vais bien sûr aborder, étape par étape, les différentes

18 questions qui viennent d'être exposées par cette Chambre de première

19 instance.

20 Comme vous venez de l'expliquer, Monsieur le Président, Messieurs les

21 Juges, une jonction d'instances ne peut survenir que lorsqu'on est en

22 présence d'une opération unique, mais ce terme "opération", d'après nous,

23 est définie de façon très large et très largement interprétable, comme

24 nous le voyons dans les actes rendus par différents tribunaux, et

25 notamment celui du Rwanda à Arusha. La Chambre de première instance sait

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1 bien d'ailleurs qu'une opération unique recouvre un certain nombre d'actes

2 ou omissions considérés comme un événement ou des événements multiples,

3 commis en un seul lieu ou en plusieurs lieux et faisant partie d'un projet

4 commun ou d'une stratégie commune."

5 Nous nous sommes concentrés, pour notre part, sur ces derniers mots:

6 projet ou plan commun. Le Procureur continue à défendre sa position, à

7 savoir que les trois Actes d'accusation contre Milosevic répondent bien à

8 cette définition.

9 C'est donc un peu en raison d'événements historiques incontrôlables que

10 les trois Actes d'accusation ont dû être dressés séparément, mais le

11 Procureur estime qu'il s'agit bien en l'espèce d'une seule et même

12 opération.

13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au paragraphe 13 de notre

14 requête -je vais la lire brièvement parce que c'est un paragraphe

15 important-, nous développons la position du Procureur s'agissant de la

16 responsabilité de l'accusé et, traitant de ce paragraphe, j'espère pouvoir

17 répondre à votre première exigence ce matin, à savoir traiter de la

18 théorie de la responsabilité de l'accusé s'agissant de chacun des Actes

19 d'accusation.

20 Dans notre requête, ce sujet est traité de façon compacte et correspond,

21 je crois, aux conditions indiquées.

22 Les trois Actes d'accusation se rapportent à la même opération dans le

23 sens qui est donné à ce terme, à savoir: "existence d'un projet, d'une

24 stratégie ou d'un plan commun, à savoir que l'accusé Milosevic et son

25 comportement général, s'agissant de s'efforcer de créer une grande Serbie,

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1 Etat serbe centralisé, regroupant les zones peuplées par des Serbes en

2 Croatie, en Bosnie-Herzégovine et dans l'ensemble du Kosovo, existe bien.

3 Ce projet devait être réalisé principalement par l'expulsion par la force

4 des non-Serbes de secteurs géographiques très vastes, situés sur le

5 territoire de l'ex-Yougoslavie, et ce par la commission de crimes qui

6 constituent des violations des Articles 2 à 5 du Statut du Tribunal." (Fin

7 de citation.)

8 Pour confirmer le fait qu'il s'agit bien là d'une opération unique, et

9 c'est l'idée sur laquelle nous nous appuyons en permanence. Je ne vais pas

10 lire intégralement, mais je vais citer les trois paragraphes pertinents

11 des trois Actes d'accusation: à savoir le paragraphe 6 de l'Acte

12 d'accusation croate, le paragraphe 6 de l'Acte d'accusation bosniaque et

13 le paragraphe 16 de l'Acte d'accusation du Kosovo.

14 Les différences que l'on trouve dans le libellé de ces paragraphes rendent

15 compte du fait que les auteurs de ces textes sont différents et, bien

16 entendu, du fait également que l'Acte d'accusation du Kosovo a été le

17 premier qui a été dressé, beaucoup plus tôt que les autres. Depuis lors,

18 la pratique en vigueur pour la rédaction des textes du Tribunal s'est

19 considérablement modifiée.

20 Mon collègue, M. Ryneveld, a dû donc réfléchir à la possibilité de

21 refonder complètement l'Acte d'accusation, de reformuler complètement

22 l'Acte d'accusation ou de le modifier simplement dans certains détails en

23 soulignant les principes qui régissent les trois Actes d'accusation. Et

24 ces principes sont exactement les mêmes.

25 Votre ordonnance du 5 décembre nous imposait un certain nombre de tâches

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1 que, j'espère, nous avons remplies.

2 Par sa détermination à créer un nouvel Etat essentiellement serbe et

3 dominé par Belgrade, l'accusé souhaitait intervenir au niveau

4 gouvernemental militaire et policier. Son effort a commencé au Kosovo en

5 1989, lorsque la création du nationalisme et de l'extrémisme lui a permis

6 de prendre un contrôle accru sur les mécanismes qu'il allait utiliser à

7 des fins criminelles en Croatie, en Bosnie et, je le répète, au Kosovo,

8 avec les conséquences désastreuses que nous connaissons tous.

9 J'ajouterai, entre parenthèse, l'intention de l'accusé que l'on constate à

10 tout moment en examinant un certain nombre d'autres événements survenus

11 antérieurement et dont il devait savoir que ces événements se sont

12 produits. Ce qui s'est passé au Kosovo, ce qui a été fait au Kosovo en son

13 nom, disons-nous, a eu des conséquences dont il devait savoir qu'elles

14 dépendaient de ce qui s'est passé en Croatie et en Bosnie.

15 L'entreprise criminelle commune avait pour objet de créer un Etat serbe et

16 ce par l'expulsion forcée de populations non serbes de grands secteurs de

17 la Croatie, de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo. L'accusé, agissant de

18 concert avec des responsables politiques et militaires de haut rang, issus

19 de l'intérieur de la Serbie et également de la Republika Srpska, ainsi

20 qu'avec des représentants de haut rang du ministère de l'Intérieur, le

21 MUP, de la JNA devenue plus tard la VJ. Tous ces organes donc sont des

22 organes sur lesquels l'accusé exerçait une influence substantielle dans la

23 recherche du succès pour cette entreprise criminelle commune.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, excusez-moi de vous

25 interrompre.

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1 M. Nice (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Avant de traiter de la théorie de la

3 responsabilité, je vous dirai que nous avons lu ces Actes d'accusation.

4 Dans votre requête, vous évoquez l'existence d'un plan destiné à créer une

5 grande Serbie. C'est donc bien là que se situe le projet, la stratégie

6 dont vous parlez dans votre requête, si j'ai bien compris, et dites-moi si

7 je me trompe.

8 M. Nice (interprétation): Vous avez raison, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): A la lecture des Actes d'accusation,

10 nous constatons qu'un plan de ce genre n'est pas mentionné du tout dans

11 l'Acte d'accusation du Kosovo. Nous avons cherché à voir s'il y avait une

12 référence au projet, au plan destiné à créer une grande Serbie dans les

13 autres Actes d'accusation et nous y avons trouvé, en fait, une référence

14 indirecte à cela. Si je me souviens bien, dans le cadre des allégations

15 contre Seselj, donc en un endroit au moins, une telle référence indirecte

16 existe. Donc, vous nous exposez vos arguments à l'instant mais,

17 apparemment, vous ne vous êtes pas appuyé sur cet élément dans les Actes

18 d'accusation. Dites-moi si je me trompe?

19 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, parce que ces questions

20 devaient être abordées sur un plan local, il est possible que les

21 rédacteurs de ces Actes d'accusation n'aient pas fait une référence

22 directe au plan suprême régissant l'ensemble parce qu'il n'était pas

23 nécessaire de le faire à ce moment particulier.

24 Je reviens d'ailleurs à ce sujet sur le fait que la rédaction, le format

25 de l'Acte d'accusation du Kosovo est très différent de celui des deux

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1 autres Actes d'accusation parce que l'Acte d'accusation du Kosovo a été

2 rédigé le premier.

3 Mais les objectifs sous-jacents qui sont décrits au paragraphe 6 des deux

4 premiers Actes d'accusation et au paragraphe 16 du troisième Acte

5 d'accusation -je parle du dernier chronologiquement, c'est-à-dire l'Acte

6 d'accusation du Kosovo, mais il s'agissait du premier qui a été soumis à

7 ce Tribunal-, donc ceci est dû au fait qu'effectivement il y a identité

8 dans le fait que la majorité des Croates et des autres non-Serbes ont été

9 expulsés par la force du territoire qui, selon ce plan, devait devenir un

10 Etat dominé par les Serbes en Croatie.

11 L'Acte d'accusation de Bosnie montre également l'existence de cette

12 expulsion par la force et de cette expulsion définitive de la majorité des

13 non-Serbes de secteurs très vastes de la République de Bosnie-Herzégovine.

14 Le but qui est défini est donc celui de créer également dans ce cas un

15 Etat dominé par Belgrade.

16 L'Acte d'accusation du Kosovo -bien sûr, il n'est pas séparé formellement

17 des autres- indique que l'existence d'un objectif défini au paragraphe 16,

18 à savoir l'expulsion d'une partie importante de la population albanaise du

19 Kosovo… du territoire de la province, afin d'essayer de garantir un

20 contrôle serbe permanent sur la province.

21 Dans chacun des Actes d'accusation, on trouve le même objectif. Cet

22 objectif est censé être obtenu par le même moyen. Il est vrai qu'il aurait

23 pu être possible de définir l'objectif le plus large dans ces Actes

24 d'accusation de façon plus précise, mais nous disons que les éléments de

25 preuve sont tout à fait convaincants sur ce plan, et j'y reviendrai dans

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1 quelques minutes plus longuement.

2 Ce que nous constatons, c'est que chacun reconnaît et sait aujourd'hui

3 qu'il existait un plan global dont cet élément faisait partie. Avec tout

4 le respect que je dois à la Chambre, je dirai à présent ce qui suit.

5 Si l'on tente une analogie avec un crime commis et jugé par une

6 juridiction nationale et dans lequel il y a possibilité de jonction

7 d'instances, nous voyons qu'il doit y avoir un rapport entre les

8 différents crimes commis. Un Tribunal national peut donc être confronté à

9 plusieurs actes d'accusation qui ne montrent pas l'existence d'un plan

10 global au moment où les actes d'accusation étaient élaborés. Mais il faut

11 tout de même que les différents actes soient considérés comme faisant

12 partie d'une entreprise commune, dans le cadre d'un projet commun.

13 Donc, Monsieur le Président, vous avez tout à fait raison de souligner

14 l'existence d'une différence dans le libellé des actes d'accusation mais,

15 de l'avis du Procureur, toutes sortes de témoins, qu'il s'agisse de

16 personnes tout à fait au fait des événements -j'y reviendrai plus tard- ou

17 qu'il s'agisse d'observateurs internationaux ou qu'il s'agisse de témoins

18 politiques ou autres qui pourront témoigner au sujet de la politique

19 appliquée à l'époque, ou qu'il s'agisse d'experts, tels des juristes

20 constitutionnels, des spécialistes du droit constitutionnel qui pourront

21 nous expliquer quel était l'objet apparent et l'effet des actes commis,

22 tous ces témoins prouveront que les personnes accusées individuellement

23 -parce que c'est le cas dans ces trois actes d'accusation- exécutaient un

24 seul et même plan.

25 J'appelle votre attention sur le fait que les termes "Grande Serbie" se

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1 situent entre guillemets dans l'Acte d'accusation; c'est une expression

2 assez pratique à utiliser et qui est très largement utilisée mais qui a

3 ses limites, mais nous l'avons utilisée parce que la Chambre connaît sans

4 doute très bien cette expression.

5 Monsieur le Président, j'aimerais maintenant revenir, si vous me le

6 permettez, sur ce que j'ai dit il y a quelques minutes. Et je continue à

7 répondre à l'exigence présentée par les Juges de cette Chambre au premier

8 paragraphe de l'ordonnance rendue par la Chambre.

9 La préparation donc inclut bien sûr les actes de planification, de

10 préparation et d'instigation. L'accusé, dans les circonstances qui nous

11 intéressent, avait à la fois le contrôle de droit et le contrôle de fait

12 sur les événements. Et notamment sur les organes gouvernementaux et les

13 autres groupes qui assument la responsabilité à un niveau plus local de la

14 commission de ces crimes. Les différents aspects de sa responsabilité

15 juridique ont évolué avec le temps alors qu'il était d'abord Président de

16 Serbie et puis ensuite Président de la République fédérale. Les mécanismes

17 qui lui permettaient de contrôler d'autres organes significatifs du

18 pouvoir ont donc évolué aussi avec le temps.

19 Mais ce qui ressort en tant que constante, c'est l'existence de la volonté

20 toujours présente de cet accusé de contrôler ces organes: dans les faits,

21 en contrôlant le cas échéant des individus et en agissant directement

22 lorsqu'il avait les rênes de la situation dans ses mains.

23 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, notre argumentation qui

24 porte d'ailleurs sur les trois Actes d'accusation est la même. Et, si vous

25 me le permettez, je reviendrai sur les termes de la requête pour jonction

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1 d'instance.

2 L'Acte d'accusation du Kosovo révèle bien l'existence d'une constante dans

3 la continuité du plan sur les différents théâtres des opérations de

4 guerre. Et, à notre avis, ceci montre bien qu'il serait très difficile,

5 sinon impossible, de juger l'accusé dans le cadre de l'Acte d'accusation

6 du Kosovo séparément des autres actes d'accusation, parce que lorsque les

7 événements ont commencé au Kosovo, l'accusé a tenté de gagner du pouvoir

8 en instillant la peur parmi les Serbes qui souffraient à cette époque. Il

9 a donc exercé son pouvoir dans le cadre de son influence sur les Albanais

10 du Kosovo. Tout ceci s'est bien sûr produit avant le conflit en Croatie,

11 avant le conflit en Bosnie et a continué pendant toute la durée de ces

12 conflits.

13 Et dans l'Acte d'accusation du Kosovo, ce fait est mentionné très

14 superficiellement pour les différentes raisons que j'ai déjà exposées.

15 Mais il serait véritablement impossible de comprendre exactement la nature

16 des événements survenus au Kosovo, si l'on ne comprend pas -et à cette fin

17 les témoins politiques nous aideront- ce qui s'est passé à la fin des

18 années 80 et, en fait, pendant toute la période évoquée dans les Actes

19 d'accusation, et notamment pendant toute la durée des deux conflits.

20 Dans notre requête, nous disons que ce qui finalement s'est passé au

21 Kosovo peut très aisément être comparé à un crime en attente de

22 commission. Mais il y a eu un retard. Et ce retard est dû au fait que la

23 communauté internationale, en général, et les Etats-Unis d'Amérique, en

24 particulier, n'étaient pas prêts à tolérer un tel crime; ils l'ont dit

25 très clairement dans un certain nombre d'avertissements lancés à l'accusé.

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1 Ils ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à tolérer une extension des combats

2 à la région du Kosovo. La menace que l'on décrit en général sous les

3 termes de "menace de Noël 1992" était très apparente. Et même si ce qui se

4 passait dans les deux autres zones de conflit était toléré, l'accusé

5 savait bien que répéter, renouveler simplement ce qui s'est passé ailleurs

6 dans la région du Kosovo aboutirait à des conséquences auxquelles il ne

7 pouvait pas faire face. Donc c'est en fait le temps passé qui a permis à

8 l'accusé, avec toujours le même objectif de créer un Etat contrôlé par les

9 Serbes, de réutiliser les mêmes processus généraux et d'utiliser les mêmes

10 organes que ceux qu'il avait utilisés dans le cadre des conflits en

11 Croatie et en Bosnie.

12 A présent, si vous me le permettez, je reviendrai aux arguments généraux

13 présentés dans la requête, dont je sais que les Juges de cette Chambre

14 l'ont sous les yeux actuellement. Mais je tiens à ce que la Chambre sache

15 bien que ce sont les mêmes organismes qui sont intervenus, les mêmes

16 groupes -comme, par exemple, les Bérets rouges dont on constate la

17 présence en Bosnie, en Croatie et également au Kosovo-, des organismes

18 donc sur lesquels l'accusé exerçait un contrôle et une influence certains.

19 Les Juges de cette Chambre savent sans doute que toutes les personnes

20 identifiées comme coaccusés ou, en tout cas, comme coauteurs sont des

21 personnes très clairement définies. Mais il plaira peut-être à la Chambre

22 de savoir que deux des coaccusés de l'Acte d'accusation du Kosovo sont

23 également impliqués dans l'Acte d'accusation de Croatie et dans l'Acte

24 d'accusation de Bosnie. Il y a donc continuité non seulement dans

25 l'objectif et dans la méthode mais également dans les personnes

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1 concernées.

2 J'en arrive à présent à la réponse que je souhaiterais apporter à d'autres

3 questions posées par les Juges de cette Chambre s'agissant du nombre de

4 témoins qui sera entendu dans cette affaire.

5 Je prévois que la catégorie la plus importante sans doute de témoins qui

6 seront présentés par le Bureau du Procureur sont des personnes au courant

7 intimement des événements, et ce pour des raisons tout à fait

8 compréhensibles. Car, compte tenu de la reddition de l'accusé, il est

9 apparu une volonté croissante de la part d'un certain nombre de personnes

10 répondant, entrant dans cette catégorie de témoins, de coopérer avec le

11 Bureau du Procureur. J'ai examiné les choses de très près ces dernières

12 semaines, depuis que je suis sur ce dossier, eh bien, des indications

13 existent qui montrent que de nombreuses personnes sont prêtes à aider à

14 explorer les événements, dans la mesure de leur possibilité, bien sûr,

15 dans les deux zones de conflit, mais aussi dans le cadre des trois Actes

16 d'accusation. Leur capacité à apporter leur aide, s'agissant de ces trois

17 Actes d'accusation, montre bien qu'il y a unité dans le projet, dans le

18 plan, ce qu'ont bien observé un certain nombre d'observateurs.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, le problème qui se pose

20 est le suivant. Nous entendons vos arguments, vous dites qu'il est

21 impossible de juger les événements du Kosovo d'abord. Mais nous devons

22 rendre une décision, parce que le Procureur a mis l'accusé en accusation

23 en rapport avec les événements du Kosovo il y a déjà plusieurs années.

24 Puis, il a présenté deux autres Actes d'accusation s'agissant des deux

25 autres régions. Et ce problème de retard est un problème réel qui se pose

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1 également aux Juges s'agissant de déterminer les responsabilités de

2 l'accusé, à savoir que l'Acte d'accusation du Kosovo peut donner lieu à un

3 procès très rapidement. Les deux autres, non.

4 M. Nice (interprétation): D'abord, Monsieur le Président, si j'ai utilisé

5 le terme "impossible", je dirai que ce n'est pas le terme qui s'applique.

6 Je dirai peut-être qu'il serait très peu souhaitable, à notre avis, que

7 l'Acte d'accusation du Kosovo donne lieu à procès distinct. Mais s'il faut

8 qu'il y ait procès distinct, pour des raisons que je vais développer

9 ultérieurement, ce serait donc très peu souhaitable de l'avis du

10 Procureur, mais bien sûr ce ne serait pas impossible.

11 J'espère que les Juges de cette Chambre accepteront les arguments du

12 Procureur qui signale que les moyens d'enquêter sur les actes de cet

13 accusé dont disposait le Procureur était d'une nature très particulière,

14 et la Chambre peut être tout à fait sûre que c'est seulement en présence

15 d'éléments de preuve suffisants que le Procureur estime possible de

16 rédiger un Acte d'accusation. Donc, un très gros travail a été fait dans

17 le cadre des moyens mis à la disposition du Procureur pour veiller à ce

18 que les Actes d'accusation soient disponibles pour la Chambre le plus

19 rapidement possible.

20 M. Robinson (interprétation): Vous avez dit qu'il ne serait pas du tout

21 désirable de commencer par le procès Kosovo. Est-ce que vous allez traiter

22 de cela plus en détail?

23 M. Nice (interprétation): Oui, absolument, si vous le souhaitez

24 maintenant. Mais j'ai prévu de le faire plus tard.

25 M. Robinson (interprétation): Oui, vous pouvez le faire plus tard, mais

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1 j'ai hâte d'entendre cette argumentation.

2 M. Nice (interprétation): Très bien. Je vais le faire. J'espère que je

3 vais me conformer au souhait de la Chambre en parlant de la théorie de la

4 responsabilité de l'accusé. Nous considérons que les mécanismes

5 établissant cette responsabilité étaient les mêmes dans les trois Actes

6 d'accusation, à savoir qu'elle découlait du souhait de cet homme de se

7 maintenir au pouvoir.

8 L'une des raisons pour lesquelles nous ne considérons pas que le terme de

9 "la grande Serbie" est satisfaisant est justement à cause du fait que le

10 Kosovo n'allait pas s'élargir par le biais de cette action, cette

11 opération.

12 Je souhaite traiter maintenant de certaines autres parties de la requête.

13 Je vais traiter de la page 6 maintenant. Or, la requête contient 19 pages.

14 Mais je vais maintenant traiter de la page 7, paragraphe 16. C'est là que

15 j'ai exposé le contexte historique lié au Kosovo et, à notre avis, il est

16 nécessaire de comprendre cela pour comprendre l'ensemble de ce qui s'est

17 passé dans la région.

18 En ce qui concerne le contexte historique et l'appui sur les craintes,

19 ceci est exposé dans le paragraphe 18.

20 En ce qui concerne le paragraphe 19, on y traite de l'exercice du contrôle

21 de la part de l'accusé sur les structures politiques de pouvoir. Dans le

22 sous-paragraphe a), son contrôle du parti SPS est exposé et la manière

23 dont il a placé ses propres personnes de confiance à des postes clefs.

24 Le paragraphe 20 concerne quelque chose que j'ai déjà dit, à savoir -ceci

25 est exposé dans la deuxième phrase-: "A travers des conflits successifs,

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1 l'accusé a bénéficié de ses connaissances acquises et la structure et

2 l'opération des institutions qui y ont participé peuvent être comprises de

3 manière appropriée seulement en comprenant l'ensemble de ces conflits."

4 En ce qui concerne le rôle des médias, ceci est mentionné dans une mesure

5 limitée dans l'Acte d'accusation, mais nous avons l'intention de traiter

6 de cela plus en détail. Mais il est certain que les médias ont été

7 employés de manière manipulative constamment, pendant toutes les périodes

8 concernées.

9 Le paragraphe 22 concerne le rôle de la JNA et de la VJ qui a reçu un

10 soutien logistique et financier.

11 Concernant le paragraphe 23, la même chose peut être dite au sujet du

12 ministère de l'Intérieur et de la DB de Serbie. J'ai déjà identifié la DB,

13 le service de sécurité d'Etat en tant qu'organe important s'agissant des

14 groupes qui ont perpétré les crimes dans les différents théâtres du

15 conflit.

16 J'ai déjà parlé de l'aspect financier, mais il ne faut pas oublier que les

17 mécanismes financiers complexes employés par cet accusé afin de financer

18 les organes qui commettaient les crimes sur le terrain contiennent une

19 continuité du début à la fin. Et nous espérons que nous aurons

20 suffisamment de moyens pour le montrer. Ceci est décrit dans le paragraphe

21 25 qui décrit le rôle d'un certain nombre de banques.

22 En ce qui concerne le paragraphe 27, peut-être que ce qu'il stipule est

23 tout à fait évident, mais néanmoins, je pense que ceci mérite d'être

24 répété. En ce qui concerne ce procès, il porte surtout sur deux aspects

25 importants: les constatations de la Chambre concernant ce que l'accusé a

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1 fait et concernant ses motivations. Nous considérons que si l'on présente

2 les moyens de preuve tous ensemble, la Chambre de première instance aura

3 plus de facilités à constater quel a été le rôle de l'accusé, à quelque

4 période que ce soit, et à suivre l'évolution de la situation au fur et à

5 mesure que le temps passait.

6 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, bien sûr, la Chambre devra

7 également prendre en considération la question de savoir si le fait

8 d'examiner d'abord les opérations précédentes peut porter préjudice à

9 l'accusé concernant les opérations qui ont eu lieu par la suite.

10 M. Nice (interprétation): Je pense que je peux vous fournir une

11 explication.

12 Parlons maintenant de la législation ou du cadre domestique national. Si,

13 par exemple, s'agissant d'un crime, disons le crime A, l'accusé dit

14 quelque chose qui peut lui porter préjudice, mais ne concerne pas les

15 crimes B et C, dont traitera également la Chambre de première instance, la

16 Chambre de première instance ne devrait pas tenir compte de ce premier

17 élément.

18 Mais ici, nous parlons de l'état mental. La Chambre se penchera sur les

19 déclarations faites publiquement par l'accusé au cours d'une certaine

20 période et ceci ne devrait pas lui porter préjudice. Il s'agira des

21 déclarations qu'il a faites au cours des entretiens avec les officiels et

22 les représentants de la communauté internationale.

23 Peut-être les personnes qui étaient proches de lui à l'époque pourront

24 parler de son but en général, mais nous considérons que les moyens de

25 preuve porteront sur son souhait de se maintenir au pouvoir afin d'aboutir

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1 à un seul but, à savoir l'Etat serbe. Et je considère qu'il n'y a aucun

2 risque qu'un quelconque préjudice lui soit fait.

3 Ensuite, nous allons nous pencher sur les changements de la Constitution

4 auxquels il a procédé, ce qui montrera encore une fois l'état mental dans

5 lequel il se trouvait au moment où il a perpétré cela. Nous considérons

6 qu'il sera utile à la Chambre de voir de quelle manière la situation

7 évoluait avec le temps. Et je pense qu'il s'agit là d'une affirmation tout

8 à fait raisonnable.

9 Peut-être qu'il y aura parfois des procès où il sera nécessaire de se

10 pencher sur le contexte général dans son intégralité afin de mieux

11 comprendre le contexte de ce procès concret. Et nous considérons que,

12 s'agissant de l'affaire qui nous intéresse, il s'agit là d'un procès où

13 ceci serait nécessaire par excellence.

14 M. Robinson (interprétation): Vous avez mentionné l'affaire Peckman et

15 vous avez dit quelque chose allant dans le sens que les moyens de preuve

16 versés au dossier préalablement pourraient être admissibles. Et, dans des

17 situations où ceci ne serait pas admissible, les moyens de preuve versés

18 au dossier ultérieurement ne seraient pas complets ni ou compréhensibles.

19 Est-ce que vous êtes en train de dire, s'agissant des opérations

20 ultérieures que ce soit en Croatie ou au Kosovo, que les moyens de preuve

21 concernant cela ne seraient pas complets ou compréhensibles, à moins

22 d'attendre de verser au dossier tout d'abord les moyens de preuve

23 concernant les opérations en Bosnie?

24 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il faut surtout insister sur le

25 terme "incomplet" et non pas tellement "incompréhensible". Je pense que

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1 l'image d'ensemble serait incomplète.

2 M. Robinson (interprétation): Votre théorie me pose un problème: la

3 théorie de la création de la grande Serbie qui devrait relier les trois

4 opérations, si j'ai bien compris. Je trouve qu'il s'agit là d'un fil

5 extrêmement fin qui doit relier les allégations du Procureur concernant

6 ces trois opérations.

7 Dites-moi si vous êtes d'accord avec l'affirmation suivante: la conclusion

8 que la création de la grande Serbie constitue le lien qui relie l'ensemble

9 serait plus crédible et beaucoup plus fiable si elle était corroborée par

10 la communauté en ce qui concerne le lieu et le temps? Lorsque les lieux et

11 les temps diffèrent, cette conclusion concernant cet aspect-là est plus

12 difficile à tirer, à mon avis. Or, dans la présente affaire, nous traitons

13 de lieux et de périodes différents, au moins en ce qui concerne le Kosovo.

14 Donc je pense qu'il ne sera pas facile pour vous de vous appuyer

15 uniquement sur la création de la grande Serbie en tant qu'élément qui

16 relie l'ensemble.

17 En effet, je pense que ceci ne peut pas justifier la théorie du plan

18 commun, parce que, si ceci faisait partie d'un plan commun et, si ce plan

19 s'exécute au bout de six à sept ans, je pense qu'il est très difficile de

20 démontrer cela. Et je pense que, compte tenu de la séparation sur le plan

21 temporaire, il serait très difficile d'examiner cela comme une opération

22 de plan commun.

23 M. Nice (interprétation): Merci de ce commentaire, Monsieur le Juge.

24 En ce qui concerne le terme de la "Grande Serbie", je l'ai d'une certaine

25 manière déjà atténuée, mais il s'agit en fait de la centralisation de

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1 l'Etat serbe dans les parties peuplées par la population serbe. En ce qui

2 concerne la différence entre l'Acte d'accusation pour le Kosovo et les

3 deux autres Actes d'accusation, j'ai déjà quelque peu traité de cela, mais

4 je souhaite ajouter un certain nombre d'éléments. Et peut-être la tâche de

5 la Chambre de première instance a été rendue plus difficile puisque les

6 Actes d'accusation ont été rédigés à des moments différents. C'est

7 pourquoi le contexte général concernant le Kosovo n'a pas peut-être reçu

8 suffisamment d'attention.

9 Mais je souhaite ajouter la chose suivante: il existe des moyens de

10 preuve, non pas seulement concernant la répression généralisée qui a été

11 appliquée au Kosovo, dès le début des années 90, par le biais de la

12 législation concernant les restrictions de l'emploi des personnes

13 d'appartenance ethnique albanaise du Kosovo, le contrôle des médias

14 effectués en juillet 1992, les licenciements des employés dans le domaine

15 de la santé, des employés d'origine albanaise, encore une fois en 1990, et

16 puis bien sûr l'abolition du système d'éducation du Kosovo qui a eu lieu

17 en août 1990, et puis les lois adoptées en août 1991, par le biais

18 desquelles la police yougoslave a remplacé la police albanaise, etc. Donc

19 déjà, à ce moment-là, un nettoyage ethnique a commencé à avoir lieu dans

20 une mesure limitée; à Mitrovica, par exemple, où les policiers serbes se

21 sont joints aux pelotons paramilitaires pour procéder à la violence à

22 l'encontre de la population.

23 Pourquoi dis-je cela? C'est pour expliquer que les événements qui se

24 déroulaient dès le début des années 90 constituaient des violations des

25 Droits de l'homme. Et pendant que d'autres conflits se déroulaient

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1 ailleurs, au Kosovo, ce genre de violations des Droits de l'homme s'est

2 poursuivie. Il ne s'agissait donc pas d'événements isolés qui ont eu lieu

3 uniquement en 1999.

4 Concernant les événements précédents, peut-être n'est-il pas nécessaire de

5 les mentionner dans le cadre des chefs d'accusation, compte tenu de leur

6 manque de gravité. Mais tout ceci montre clairement la cohérence dans tous

7 ces événements.

8 Donc bien sûr, si nous avons commis des erreurs lors de la rédaction de

9 l'Acte d'accusation du Kosovo, nous le regrettons. Peut-être que si nous

10 étions conscients de tous les aspects juridiques potentiels, nous aurions

11 rédigé cela d'une manière différente.

12 M. le Président (interprétation): Le problème ne se limite pas à la

13 manière dont l'Acte d'accusation est limité. La question est de savoir

14 quelle est la pertinence des événements qui se sont déroulés en Croatie et

15 en Bosnie, en 1991 et 1992, par rapport aux événements au Kosovo qui fait

16 partie de la Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie en 1999.

17 Il s'agit là d'événements tout à fait différents; et des questions

18 différentes se posent à leur sujet.

19 Peut-être que vous pouvez avancer l'argument selon lequel la Bosnie et la

20 Croatie devraient faire l'objet d'un seul procès puisque ces deux Actes

21 d'accusation concernent le même type de conflit dans deux Etats

22 limitrophes, le même type de responsabilité, c'est-à-dire l'accusé qui

23 agissait de manière indirecte par le biais d'autres personnes. Mais à la

24 différence de cela, en ce qui concerne l'Acte d'accusation du Kosovo, non

25 pas seulement les événements sont différents, mais la responsabilité est

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1 différente aussi puisque le Kosovo faisait partie de la République

2 fédérale de Yougoslavie et l'accusé agissait directement par le biais des

3 commandants de différents organes qui ont perpétré les crimes, comme vous

4 l'avez dit.

5 Compte tenu de tout cela, peut-être pourriez-vous avancer l'argument selon

6 lequel les deux Actes d'accusation devraient faire l'objet d'un seul

7 procès? Mais pas le Kosovo, qui devrait faire l'objet d'un procès séparé.

8 Peut-être que vous pourriez prendre cela en considération?

9 La raison pour laquelle je parle de cela est que, derrière tout cela, il

10 faut parler de l'aspect d'organisation du procès, de la manière: comment

11 faut-il gérer le procès?

12 Vous allez parler d'un grand nombre de témoins et, d'après vos arguments,

13 nous devrions nous attendre à un procès qui durerait deux à trois ans. Or

14 ceci me paraît très difficile à mettre en oeuvre.

15 M. Nice (interprétation): Est-ce que je peux tout d'abord traiter de ce

16 dernier point que vous avez soulevé?

17 Je pense que j'ai déjà présenté la plupart de mes arguments mais, compte

18 tenu de la manière dont vous avez formulé votre question, je vais me

19 prononcer de manière plus précise.

20 Nous considérons, avec tout le respect que nous vous devons, qu'il s'agit

21 des opérations qui faisaient partie du même plan général, mais mis à part

22 cet argument-là, il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il s'agit ici

23 d'un homme qui essaie, de temps en temps, de se distancer par rapport aux

24 crimes qui ont été commis en son nom, d'après nous. Nous pouvons trouver

25 plusieurs références à cela par le biais des déclarations faites des

Page 173

1 hommes aux politiques et des militaires de haut rang qui ont eu des

2 contacts directs avec lui.

3 Et nous considérons que, malgré ces tentatives de sa part, il a été l'un

4 des acteurs principaux dans ces événements. Ce qui s'est produit en son

5 nom, s'est produit en fait sous son contrôle; ceci est devenu évident pour

6 tout le monde au moment où ces premiers conflits ont éclaté. Il est devenu

7 évident pour tout le monde de quelle manière les politiques qu'il avait

8 mises en place ont abouti à des crimes graves. C'est pour cela que nous

9 considérons qu'il s'agit là d'un lien, puisque les mêmes organes ont

10 perpétré les crimes.

11 Par exemple, les Bérets rouges que nous retrouvons par la suite dans

12 d'autres conflits: encore une fois, ces Bérets rouges appliquaient la

13 volonté de l'accusé au moment des faits.

14 Nous considérons là qu'il s'agit de moyens de preuve extrêmement

15 importants dont la Chambre de première instance doit tenir compte au

16 moment de prendre la décision concernant les événements survenus

17 ultérieurement. Ceci est important non seulement en vertu de l'Article 7-1

18 mais aussi 7-3 du Statut du Tribunal.

19 En ce qui concerne le deuxième point soulevé par vous, Monsieur le

20 Président, bien sûr, nous avons pensé à ce problème également. Cependant,

21 même si j'ai déjà présenté les moyens de preuve de l'accusation dans le

22 cadre d'autres affaires, moi-même je n'ai jamais fait face à une affaire

23 d'une telle ampleur que celle-ci. Nous nous sommes penchés très

24 attentivement sur ce problème et, avec tout le respect que nous vous

25 devons, nous proposons à la Chambre de conclure qu'il ne serait pas du

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1 tout souhaitable d'avoir une pause entre les procès différents.

2 Mais je souhaite maintenant revenir à la question posée par le Juge

3 Robinson, la question de savoir pourquoi il ne faudrait pas tout d'abord

4 traiter du procès Kosovo. Et ensuite, je vais parler de la gestion du

5 procès. En fait, je vais tout d'abord dire quelques mots concernant la

6 gestion du procès.

7 Nous considérons qu'il sera tout à fait possible de gérer ce procès en

8 tant que procès constitué en trois parties et que ceci permettra à la

9 procédure de devenir beaucoup plus économique. Je vais traiter de cela

10 plus en détail lorsque je parlerai des faits, des données statistiques.

11 Concernant la question posée par le Juge Robinson, pourquoi je considère

12 qu'il ne serait pas souhaitable de traiter du procès Kosovo d'abord,

13 pourquoi? Tout d'abord parce que, chronologiquement, il se situe en

14 dernier dans le temps. Donc, si la Chambre de première instance, réalisait

15 qu'elle avait besoin de moyens de preuve avancés dans les procès qui

16 concernent les périodes précédentes, ceci ne serait pas du tout possible!

17 Tout ce qui pourrait être fait par la Chambre serait de verser au dossier

18 les moyens de preuve qui devraient être versés au dossier par le biais des

19 procès qui concernent la période précédente.

20 S'agissant des victimes et des témoins, ceux qui ont souffert à un stade

21 précédent se verraient devant le report de leur déposition, un report qui

22 risque d'être important.

23 Troisièmement, les deux premiers Actes d'accusation, sur le plan temporel

24 donc, les Actes d'accusation concernant la Croatie et la Bosnie peuvent

25 être interprétés comme plus complets et plus graves. Et sur le plan des

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1 principes généraux, il ne serait pas souhaitable de reporter ces deux

2 procès qui concernent une période précédente sur le plan chronologique, de

3 les reporter pour après le procès Kosovo.

4 Ensuite, un autre sujet risque d'être soulevé s'agissant du procès Kosovo,

5 à savoir la question liée au bombardement de l'OTAN. Et pour faire face à

6 tout cela, il ne faut pas oublier que ce qui s'est passé au Kosovo, quelle

7 que soit la manière dont les choses ont été effectuées et quel que soit le

8 degré de la participation de l'accusé, le tout peut s'expliquer seulement

9 si l'on prend en considération son comportement à partir de la fin des

10 années 80 jusqu'à la fin des années 90. Donc cet argument corrobore notre

11 requête aux fins de jonction d'instances et montre de quelle manière les

12 moyens de preuve deviendraient pertinents, les moyens de preuve concernant

13 le Kosovo et la Bosnie seraient pertinents dans le cadre du procès Kosovo.

14 Donc ceci constitue nos raisons. Après, nous allons traiter de la gestion

15 du procès.

16 Nous allons donc plaider en faveur de la jonction d'instances et sinon, en

17 faveur que l'on fasse en sorte que la chronologie puisse être respectée.

18 Avant de poursuivre -et je sais que j'ai pris beaucoup de temps-,…

19 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.

20 (Les Juges se consultent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

22 M. Nice (interprétation): Permettez-moi de passer à la page 14 de ma

23 requête. Il est question ici des droits de l'accusé à avoir un procès

24 correct et rapide.

25 Nous avons déjà abordé partiellement le point qui concerne l'équilibre au

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1 niveau des droits, à savoir le droit d'étudier les points qui sont

2 favorables ou à décharge, parce que cela ne limiterait pas la possibilité

3 qu'a le Procureur de mettre, de tisser un lien entre les éléments de

4 l'histoire qui ont une valeur de preuve. Il s'agit de points que j'ai déjà

5 abordés.

6 Passons maintenant à la page 15, pour voir quels sont les points qui

7 pourraient désavantager l'accusé si deux procès devaient avoir lieu.

8 Nombre d'éléments de preuve devraient être cités deux fois et, comme nous

9 le savons, les avocats passent beaucoup de temps à chercher un manque de

10 cohérence et les différences dans la présentation des différents éléments

11 de preuve.

12 Au paragraphe 37, j'évoque les problèmes que cela pourrait poser au niveau

13 de la phase de mise en état. Je pense qu'il conviendrait bien mieux de

14 procéder par une même mise en état. L'accusé se trouvera dans une position

15 où il devra faire face à plusieurs phase de mise en état, donc multipliées

16 parce qu'il s'agira de plusieurs procès.

17 J'aborderai maintenant la question de l'économie judiciaire, mais, avant

18 cela, j'ai quelques notes à recueillir. Il s'agit d'un point que je n'ai

19 pas encore formulé.

20 S'agissant de la Croatie, de la Bosnie et du Kosovo, nous avons une

21 concordance qui souligne le caractère ressemblant des événements. A chaque

22 fois, il y avait un risque de démantèlement de l'Etat qui était au début

23 la République socialiste fédérative de Yougoslavie et, par la suite, la

24 République fédérale de Yougoslavie. L'accusé a répondu à cette menace de

25 désintégration, qu'il s'agisse du cas des autres républiques ou des

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1 séparatistes kosovars. Donc, il a réagi à cela. Donc, tel est un autre

2 aspect de cette ressemblance.

3 Pendant que cette désintégration de la République était en cours, les

4 mouvements au Kosovo qui ont mené à la désintégration étaient déjà

5 présents, donc il s'agit d'un aspect présent. Je vous reporte à des

6 paragraphes qui traitent de cela dans les deux Actes d'accusation.

7 Dans l'Acte d'accusation, il s'agit du paragraphe 53. Dans le contexte du

8 SDS et de Karadzic, il s'agit de réunifier tous les Serbes au sein d'un

9 même Etat. C'est un autre reflet de ce thème commun sur lequel nous nous

10 appuyons, à savoir le contrôle serbe sur les territoires, un Etat dominé

11 par les Serbes qui doit comprendre les parties croates et bosniaques, le

12 Kosovo, etc.

13 A présent, je souhaite aborder la question de l'économie judiciaire et je

14 voudrais aborder la première des cinq questions qui ont été posées

15 précisément par la Chambre.

16 La Chambre ne sera pas étonnée de savoir qu'il est difficile d'estimer la

17 durée dans le temps avec une certitude quelle qu'elle soit. La dernière

18 fois, nous avons annoncé à la Chambre que le nombre total des témoins pour

19 les trois Actes d'accusation, donc des témoins qui pourraient être cités à

20 la barre…, elle a donc été informée de ce nombre.

21 Je me suis polarisé sur les statistiques et j'ai dû, en fait, faire deux

22 exercices.

23 Un premier exercice: il a fallu que je me penche sur les éléments de

24 preuve qui seraient présentés, comment les réduire dans leur nombre et la

25 quantité, soit par l'accusation soit par la Chambre.

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1 Un deuxième exercice: comme je l'ai déjà annoncé, j'ai cherché à voir

2 quels sont les témoins importants qui seront à notre disposition au début

3 du procès et comment faire pour que leurs dépositions réduisent le temps

4 dont nous aurons besoin.

5 Permettez-moi de m'expliquer. Essayons de voir comment cela se passe si

6 nous avons un témoin qui est un initié, qui peut couvrir une partie

7 importante du sujet d'une manière exhaustive et satisfaisante. Ce témoin

8 peut en lui-même nous permettre de réduire le nombre de témoins qui

9 devraient autrement être cités à la barre pour déposer de manière

10 indirecte de ces mêmes choses.

11 J'ai essayé de calculer moi-même combien de temps il nous faudrait. Mes

12 collègues M. Ryneveld et M. Groome, qui n'est pas présent aujourd'hui, ont

13 cherché aussi à faire ces calculs; M. Groome s'est occupé de l'aspect

14 bosniaque de l'affaire. Le facteur essentiel qui déterminera la durée de

15 ce procès sera le degré auquel les éléments de preuve sur le fondement du

16 crime prendront, donc les dépositions directes par rapport à ce qui sera

17 présenté en vertu de l'Article 92bis.

18 Il me semble que, d'une manière tout à fait importante, la réaction de

19 l'accusé lui-même jouera un rôle ici: donc quelle sera sa réaction, son

20 attitude face à ce genre d'éléments de preuve. Comment pouvons-nous agir?

21 Nous pouvons faire des estimations tout à fait raisonnables par rapport

22 aux éléments de preuve qui seront présentés, conformément à l'Article

23 92bis, dans la mesure où la Chambre les acceptera.

24 On peut argumenter en disant que tout témoin devrait être cité à la barre

25 et venir déposer ici en personne. Il y a des arguments qui vont plutôt

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1 dans le sens que cela ne sera pas un élément de contestation, que tous les

2 éléments pourraient être présentés par l'Article 92bis. Alors une position

3 modérée, à mi-chemin, serait que nous aurions pour les trois actes

4 d'accusation environ 300 témoins. Tout au plus.

5 Si nous estimons qu'il y aura des éléments de preuve, des dépositions qui

6 ne seront pas contestés de manière substantielle, donc il s'agit

7 d'éléments de preuve sur le fondement du crime, si l'on estime que cela

8 prendra, par exemple, une journée pour deux témoins, cela nous donne un

9 chiffre de 150 jours. J'espère même que ce chiffre pourra être réduit,

10 mais on le verra au fur et à mesure.

11 M. Robinson (interprétation): Vous avez déjà réduit votre estimation de

12 moitié.

13 M. Nice (interprétation): Il y aura d'autres témoins.

14 M. Robinson (interprétation): Sur l'effondrement du crime?

15 M. Nice (interprétation): Oui. Cette estimation nous permet aussi

16 d'introduire les éléments de preuve par la voie de l'Article 92bis; donc

17 nous ne pouvons que faire des estimations à présent.

18 Permettez-moi maintenant de vous donner lecture de mon paragraphe 42 et

19 notamment de son milieu:

20 "Si l'accusé maintient sa position actuelle, la Chambre de première

21 instance et l'accusation devront accomplir une tâche difficile qui est de

22 décider, sans pouvoir bénéficier de l'argumentation de la part de

23 l'accusé, comment choisir entre le minimum, le strict minimum d'éléments

24 de preuve non contestés nécessaires à démontrer les éléments de preuve et

25 la quantité d'éléments de preuve adéquate à ces circonstances

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1 inhabituelles." (Fin de citation.)

2 En plus de ces témoins qui déposeront sur le fondement du crime, nous

3 avons aussi plusieurs catégories de témoins dont les experts, les témoins

4 constitutionnels, les médecins légistes, les pathologiques; en tout, je

5 pense que cela nous prendra 25 à 30 témoins pour les trois procès. Si

6 chacun devait déposer pendant une journée, pendant l'interrogatoire

7 principal, cela signifierait 25 à 30 jours à ajouter à ce que j'ai déjà

8 dit.

9 Les témoins politiques, comme cela est souvent le cas, seront des témoins

10 de haut rang, souvent il s'agira de personnalités connues. Il s'agit de

11 témoins que nous ne pourrons vraisemblablement pas citer plus d'une fois;

12 donc ce sont des témoins dont la déposition prendra plus de temps. J'ai

13 prévu deux jours par témoin dans cette catégorie. En nous fondant sur

14 notre expérience jusqu'à présent, nous avons calculé environ 30 à 35

15 témoins, donc entre 60 et 70 jours pour cette catégorie-là.

16 Enfin, le dernier groupe, ce sont les initiés. Comme je l'ai déjà dit, il

17 s'agit d'un groupe où il y aura peut-être davantage de témoins que nous ne

18 l'avons prévu initialement. Il s'agit de dépositions de grande importance

19 et, de nouveau, il est difficile de faire des estimations. Je pense que

20 nous pouvons partir sur la base de 25 à 30 témoins, deux journées par

21 témoin, donc 50 à 60 jours.

22 En additionnant ce que je viens de dire, cela nous amène à un chiffre de

23 150 jours, qui serait un maximum pour l'interrogatoire principal au sujet

24 des témoins qui déposeront sur le fondement du crime. En moyenne, cela

25 veut dire 150 jours pour le fondement du crime et 150 jours environ pour

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1 les autres. En tout: 300 jours.

2 Mes collègues, comme je l'ai déjà présenté et comme je l'ai déjà expliqué,

3 ont essayé de vérifier les chiffres auxquels je suis arrivé d'une manière

4 différente, en essayant de voir combien de temps prendront leurs procès,

5 notre procès, quel sera donc le temps nécessaire. Les estimations pour

6 chacun des procès vont de 13 à 9 mois: 13 pour la Bosnie, 10 pour la

7 Croatie et 9 pour le Kosovo.

8 M. le Président (interprétation): Nous avons besoin de voir séparément le

9 cas de la Bosnie. Pourriez-vous nous donner les chiffres pour la Bosnie?

10 Nous avons les chiffres pour la Croatie et Kosovo.

11 M. Nice (interprétation): Eh bien, les estimations sont peut-être

12 légèrement différentes actuellement, mais M. Groome a fait ses

13 estimations; je devrais donc vérifier avec lui. Mais pour la Bosnie, il

14 s'agissait de 13 mois.

15 Evidemment, on pourrait réduire cela si cela se passe en même temps qu'un

16 autre procès. Donc cela pourrait être réduit de deux ou trois mois dans

17 chacun des cas. Donc il s'agit d'une économie de temps très claire, très

18 nette si les procès se déroulent en même temps.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je dois vraiment vous

20 demander si vos estimations sont réalistes.

21 La dernière fois, le Procureur nous a parlé de 255 témoins au sujet de la

22 Croatie, 170 jours était l'estimation. Et la référence pour le Kosovo

23 était de 228 témoins et 270 jours. Alors, ce que vous nous présentez

24 aujourd'hui est considérablement différent.

25 M. Nice (interprétation): J'ai fait de mon mieux, Monsieur le Président,

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1 en me fondant sur mes propres expériences. Nous savons que souvent les

2 listes de témoins se voient réduites au cours du procès.

3 Essayons de revenir, par exemple, aux chiffres que je vous ai donnés pour

4 le fondement du crime. Par exemple, pour la Croatie, nous prévoyons

5 environ 143 témoins qui viendraient déposer dans le prétoire pour le

6 fondement du crime, en plus d'un grand nombre de déclarations qui seraient

7 versées conformément à l'Article 92bis, mais il nous est très difficile de

8 prévoir aujourd'hui quel sera le pourcentage du matériel qui pourra être

9 versé conformément à l'Article 92bis, puisque cela ne dépend pas de nous.

10 Nous pouvons décider de demander et que cela nous soit accordé par la

11 Chambre, mais ce sera à la Chambre de prendre la décision finale.

12 Pour ce qui est de l'Acte d'accusation bosniaque, nous avons essayé

13 d'envisager les choses en termes généraux: combien de théâtres de

14 commission de crimes avons-nous? Et nous avons essayé de multiplier cela

15 par deux, donc à savoir en envisageant de présenter deux témoins par

16 théâtre de commission de crimes. Mon collègue, M. Ryneveld, estime que,

17 sur les 167 témoins qui sont prévus pour le fondement de crime, peut-être

18 seuls 42 seront cités et le reste par la voie de l'Article 92bis.

19 Pour ce qui est de la Bosnie, donc qui est à un stade un peu moins avancé

20 de préparation -comme la Chambre le sait-, nous avons 47 municipalités

21 dont nous devons nous occuper. Donc nous avons prévu 300 témoins pour le

22 fondement du crime: environ 100 à raison de deux par municipalité et 200

23 qui pourraient donc être présentés par la voie de l'Article 92 bis. Donc,

24 cela nous amène à: de 150 à 300. On ne peut pas séparer ces différentes

25 dépositions en trop de catégories. On ne peut pas introduire trop de

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1 catégories. J'espère que les catégories que moi-même j'ai essayé de

2 préciser nous aideront.

3 M. le Président (interprétation): Et enfin, la question que nous devons

4 aborder est celle de l'état de préparation.

5 M. Nice (interprétation): Il est relativement facile d'aborder cela. Nous

6 avons la question de 66a), 66b) et de l'Article 68.

7 S'agissant de 66a), l'Acte d'accusation concernant la Croatie a été

8 présenté le 12 décembre dans sa version finale. Donc le 66a) s'applique à

9 la Croatie.

10 Nous avons 30 jours à partir d'aujourd'hui pour nous conformer à 66a) pour

11 la Bosnie et, s'agissant des mesures de protection pour les témoins, là,

12 il y a une requête que nous devons présenter. Même si c'est un moment

13 difficile de l'année, la Chambre devra répondre donc à cette requête. Nous

14 pensons qu'une période de 30 jours est une estimation réaliste.

15 Pour le Kosovo, bien entendu, l'Article 66a) s'applique et est respecté.

16 Donc, pour les trois Actes d'accusation, il n'y a pas de problème

17 s'agissant du délai de 30 jours.

18 66a)2) n'est pas encore applicable à la Croatie et à la Bosnie.

19 Pour ce qui est du Kosovo, d'après ce que nous avons compris en essayant

20 de voir quel est l'état des documents qui nous ont été fournis par M. Kay

21 de la part des amici.

22 Il reste donc d'après ce calcul 150 jours/personnes et les documents

23 pourront être fournis d'ici la fin de janvier.

24 M. le Président (interprétation): Mais de quoi est-ce que vous êtes en

25 train de parler?

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1 M. Nice (interprétation): De l'Article 66a)2) du Règlement qui traite des

2 documents à communiquer pour le procès. Le 66a) concerne les documents à

3 l'appui de l'Acte d'accusation, la communication complète des déclarations

4 préalables des témoins.

5 M. le Président (interprétation): Mais je crois que tout cela devait être

6 fait à l'époque du dépôt du mémoire préalable au procès?

7 M. Nice (interprétation): Cela n'était pas terminé et, d'après les

8 estimations actuelles, ce travail sera terminé avant la fin du mois de

9 janvier. Les amici ont préparé un calendrier et l'équipe du Procureur

10 traitant du Kosovo va donc pouvoir analyser et vérifier ce document, de

11 façon à voir si tous les documents qui n'ont pas été encore communiqués

12 pourront l'être effectivement d'ici à la fin du mois de janvier 2002.

13 Monsieur le Président, ceci m'amène à présent à parler du problème lié à

14 l'application de l'Article 68. Je sais qu'on a déjà abordé ce problème à

15 la dernière audience. Le Procureur admet tout à fait qu'un devoir tout à

16 fait défini lui incombe en application de l'Article 68, mais il ne fait

17 aucun doute non plus que, au fur et à mesure que les documents disponibles

18 dans ce Tribunal se multiplient, et compte tenu de la catégorie à laquelle

19 appartient l'accusé dont nous sommes en train de traiter, l'exercice

20 défini par l'Article 68 du Règlement devient véritablement monumental. Et

21 je n'utilise pas ce terme sans y avoir réfléchi avec la plus grande

22 attention.

23 Donc cet exercice stipulé à l'Article 68 du Règlement est un travail dont

24 j'aurai grand plaisir à discuter, en temps utile et en détail, avec les

25 Juges chargés de la mise en état, car je ne pense pas qu'il serait sage

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1 d'en discuter dans le détail aujourd'hui. Il s'agit, bien sûr, d'un devoir

2 permanent incombant au Procureur pendant toute la durée du procès, y

3 compris d'ailleurs pendant la durée des appels et dans tous les cas.

4 Mais le problème qui se pose, compte tenu de la nature de l'accusé que

5 nous avons ici, c'est que, si nous établissons les critères régissant la

6 recherche des documents et que ces critères ne sont pas tout à fait

7 pertinents, la tâche peut être absolument énorme. Donc compte tenu du fait

8 que, dans l'Article 68, il est question de ce qui est praticable, il

9 pourrait devenir nécessaire de déterminer des critères un peu plus

10 limités, un peu plus étroits. Parce que la tâche est réalisable, en tout

11 cas plus facilement réalisable avec un accusé qui a des conseils de la

12 défense, mais c'est nettement moins le cas lorsque l'accusé n'a pas de

13 conseil de la défense.

14 Mais j'insiste, Monsieur le Président, pour dire que nous sommes tout à

15 fait conscients du fait que c'est un travail qui nous incombe. Je parle

16 donc de la communication des pièces mentionnées à l'Article 68 du

17 Règlement et, bien entendu, malgré toutes les possibilités informatiques

18 qui sont à notre disposition et qui nous permettraient de communiquer ces

19 documents à l'accusé, y compris d'ailleurs avec toutes les autres

20 possibilités existantes, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir répondre à

21 cette obligation qui est effectivement un devoir incombant au Procureur

22 sans devoir y consacrer un temps véritablement très long. Il s'agit de la

23 communication des pièces à décharge.

24 Et si vous me le permettez, Monsieur le Président, bien que je n'en aie

25 pas encore discuté avec les autres membres de mon équipe, j'aimerais vous

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1 apporter quelques explications.

2 Je crois, sur la base du travail que j'ai accompli récemment, que nous

3 devons préparer à l'intention du Juge chargé de la mise en état, un texte

4 détaillé, très semblable -je le suppose- à celui que M. Reid a soumis en

5 appel dans l'affaire Kordic, un texte expliquant ce que nous sommes en

6 train de faire.

7 Nous aurons grand plaisir à remettre également un exemplaire aux amici

8 curiae et à l'accusé du document dans lequel nous décrivons les critères

9 régissant la recherche des documents à décharge. J'insiste encore une fois

10 pour dire que c'est seulement si ces critères sont un peu plus

11 circonscrits que la tâche deviendra gérable.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je ne suis pas sûr que je

13 comprends bien ce que vous voulez dire par là. Je comprends qu'il y a une

14 difficulté mais cela ne doit pas empêcher la poursuite des procès. Si vous

15 voulez, bien sûr, l'aide des Juges, vous aurez cette aide.

16 Mais avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que cela

17 puisse être un moyen de prolonger la phase préparatoire du procès. Le

18 problème est un problème permanent et les procès doivent se poursuivre.

19 M. Nice (interprétation): Oui, je suis tout à fait conscient de cela,

20 Monsieur le Président, mais si je me souviens bien, le Juge Hunt a parlé

21 de cela dans une des affaires en appel à laquelle j'ai participé moi-même.

22 Il y a ce test de la praticabilité, de la faisabilité qui -je crois-

23 s'appliquera dans le temps. Et je pense pouvoir dire que ces critères de

24 recherche des documents pourront s'affiner dans le temps et pourront donc

25 permettre à l'accusation de respecter les délais, quels qu'ils soient,

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1 établis par la Chambre. Mais je dois souligner qu'il s'agit d'une tâche

2 absolument monumentale et je pense qu'il serait absolument impossible

3 d'imaginer, si le début du procès est fixé au début du mois de février ou

4 au milieu de l'été, il impossible de penser que cette tâche pourrait être

5 accomplie entièrement à cette date. C'est une des réalités de la

6 préparation du procès même si elle est assez désagréable.

7 Mais nous pouvons, je pense, être assez optimistes quant au fait qu'elle

8 deviendra moins lourde avec le temps.

9 Monsieur le Président, vous m'avez posé une question au sujet de la

10 préparation, de l'état de préparation.

11 Bien entendu, s'agissant de l'Acte d'accusation du Kosovo, nous sommes

12 prêts à commencer le procès en février s'il s'agit d'une affaire unique.

13 J'ai déjà dit à quel point je considérais qu'il était peu souhaitable que

14 le procès s'engage sur la seule base de l'Acte d'accusation du Kosovo.

15 Quant aux deux autres Actes d'accusation, il faut encore du temps. Je

16 pense que pour l'Acte d'accusation de la Croatie, six mois ont déjà été

17 établis comme étant un temps moyen nécessaire. Pour la Bosnie, l'état

18 d'avancement est encore inférieur. Donc du point de vue du temps et des

19 moyens financiers, la pression est importante.

20 Il ne fait aucun doute que, pour l'Acte d'accusation de la Bosnie, nous

21 préférerions disposer d'un temps relativement long, mais il appartient à

22 la Chambre d'en décider bien sûr. Cela dit, si l'on nous demande d'aller

23 très vite, nous pourrons –je pense- nous débrouiller. Enfin, ce n'est pas

24 nous débrouiller, mais nous pourrons faire ce qu'il faut pour rattraper si

25 possible les deux autres, l'état de préparation sur les deux autres Actes

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1 d'accusation.

2 Il est possible bien entendu de travailler sur deux plans en même temps,

3 notamment si l'on pense à une jonction d'instances. Donc compte tenu des

4 limites de temps prévues à l'Article 127 du Règlement, qui pourraient

5 circonscrire les choses sur le plan matériel, liste des témoins, etc., et

6 tenant compte de tous les éléments que je viens déjà d'évoquer, je peux

7 dire que nous sommes assez confiants dans le fait que tous les procès

8 pourraient être prêts à l'été. Toutes les procédures pourraient être

9 prêtes à démarrer à l'été si cela se fait dans le cadre d'un projet

10 conjoint commun.

11 Bien entendu, le Bureau du Procureur préférerait un début à l'automne,

12 mais nous devons tenir compte de l'intérêt de l'accusé, des intérêts du

13 public et d'un certain nombre d'autres points.

14 Donc dans le cadre d'une jonction d'instance, nous pouvons dire avec une

15 certaine confiance en nous que nous pourrions commencer à peu près à cette

16 date.

17 Je suis désolé, Monsieur le Président, d'avoir parlé si longuement. Nous

18 aurons sans doute besoin de moyens supplémentaires. Je suis presque sûr

19 que nous pourrons en disposer. J'essaierai de les obtenir, mais je pense

20 que la chose est possible.

21 Il y a sans doute encore quelque chose que je devrais évoquer si l'accusé

22 n'a pas lu les textes. S'agissant de l'état de préparation des procès,

23 plusieurs témoins pourront s'exprimer sur les événements stipulés dans les

24 trois Actes d'accusation. Il s'agit notamment des témoins politiques de

25 haut rang et des témoins hiérarchiquement les plus hauts placés. Si ces

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1 témoins devaient venir plus d'une fois, c'est-à-dire deux ou plusieurs

2 fois, bien entendu, cela coûterait de l'argent et exigerait du temps, je

3 le rappelle.

4 Quant aux témoins initiés sur les événements, il est possible qu'ils

5 manifestent une certaine réticence personnelle à venir plusieurs fois.

6 Nous avons également pris contact avec la division chargée de la

7 protection des témoins et des victimes pour les témoins ayant participé de

8 l'intérieur aux événements, qui sont particulièrement vulnérables.

9 J'insiste pour dire qu'il serait assez peu souhaitable que ces témoins

10 aient à revenir deux ou trois fois devant ce Tribunal.

11 Il y a aussi l'intérêt de la justice, bien sûr, qui doit être pris en

12 compte et il serait dans l'intérêt de la justice qu'une seule Chambre de

13 première instance, agissant dans le cadre d'un procès unique, juge les

14 différents événements et les différents faits reprochés à cet accusé.

15 Et puis, il y a également les intérêts des différentes parties intéressées

16 par l'ex-Yougoslavie qui, elles aussi, préféreraient que la question soit

17 résolue dans le cadre d'un seul procès.

18 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, sur la question du nombre de

19 témoins qui devraient avoir à revenir plusieurs fois, je pense que vous

20 l'avez défini comme étant de 25 dans votre requête écrite. Maintenez-vous

21 ce chiffre?

22 M. Nice (interprétation): Je crains que ce chiffre ne grandisse. J'utilise

23 le terme "je crains" pour la raison suivante: en effet, j'ai parlé des

24 différentes catégories de témoins, les témoins de haut rang et les témoins

25 initiés par rapport aux événements, pour lesquels nous n'avons pas le luxe

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1 de pouvoir les contacter très facilement ou très fréquemment. Dans ces

2 deux catégories, le nombre a commencé à croître très récemment. Donc, je

3 pense que c'est dans ces deux catégories que nous trouverons les témoins

4 les plus utiles et ce nombre pourrait grandir.

5 M. Robinson (interprétation): Mais ces témoins qui devraient revenir

6 plusieurs fois ne seront donc pas pour l'essentiel des victimes, n'est-ce

7 pas?

8 M. Nice (interprétation): Non, pour l'essentiel, il ne s'agira pas de

9 victimes. En fait, il est fort possible que, dans ces deux catégories, on

10 ne trouve personne qui réponde à la définition de victime, même si l'on

11 trouvera dans ces deux catégories des témoins qui traiteront à la fois de

12 la base des agissements criminels et des autres événements. Mais on y

13 trouvera des témoins qui, néanmoins, risquent d'être vulnérables par

14 rapport à d'éventuelles pressions, compte tenu de la position occupée par

15 l'accusé et puis il est possible aussi qu'on y trouve des témoins qui ne

16 pourront être cités à la barre qu'une seule fois. Nous ne sommes pas

17 encore certains de quoi que ce soit, mais c'est sur la base de mon

18 expérience personnelle que je vous dis que ce type de témoins a en général

19 des préoccupations tout à fait justifiées qui risquent de réduire leurs

20 possibilités ou leur volonté à venir plusieurs fois devant le Tribunal.

21 Mais, comme vous le dites, vous avez raison, il y aura très peu de

22 victimes, sinon aucune victime, dans cette catégorie.

23 Y a-t-il autre chose? Je vérifie mes notes.

24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois que c'est un lapsus

25 qui vous a fait parler, Monsieur le Président, d'application de l'Article

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1 65ter pour le dépôt des mémoires préalables au procès. Je crois avoir

2 utilisé le chiffre 66. Il s'agit, bien sûr, de l'application de l'Article

3 65ter-e).

4 Et puis M. Ryneveld me signale que j'ai parlé des déclarations préalables

5 de témoins qui n'avaient pas toutes été encore communiquées. Il y a un

6 problème de vitesse de traduction qui se pose dans ce Tribunal. Le service

7 de traduction, bien sûr, établit des priorités. Un certain nombre de

8 procès vont commencer en même temps au mois de janvier et il y a donc des

9 priorités à prendre en compte. Il faut beaucoup de temps pour traduire

10 tous les documents.

11 Voilà, je vous remercie. Je crois en avoir terminé, à moins que vous

12 n'ayez des questions.

13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Nice.

14 Nous allons maintenant entendre les arguments des amici puis ceux de

15 l'accusé, mais à partir de 14 heures 30.

16 (L'audience, suspendue à 12 heures 57, est reprise à 14 heures 31.)

17 (Réponse des amici curiae à la requête du Procureur, par Me

18 Wladimiroff.)

19 M. le Président (interprétation): Maître Wladimiroff ou Maître Kay?

20 M. Wladimiroff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

21 La Chambre de première instance nous a demandé de traiter des points

22 mentionnés dans l'ordonnance de la Chambre. Avec tout le respect que je

23 vous dois, je dois dire que les amici ne traiteront pas des données

24 statistiques. Il revient au Procureur de le faire et non pas aux amici.

25 Mais j'ai deux commentaires à exprimer au sujet de ces données

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1 statistiques.

2 Tout d'abord, je souhaite dire que nous sommes tout à fait d'accord avec

3 l'argument du Procureur contenu dans les paragraphes 32 à 39 concernant le

4 droit de l'accusé à un procès équitable et rapide.

5 Nous ne doutons pas du tout qu'un procès unique ferait respecter les

6 droits de l'accusé à un procès équitable et rapide. Je ne souhaite pas

7 être cynique, mais je souhaite vous rappeler, Monsieur le Président,

8 Messieurs les Juges, que l'accusé a demandé que l'on traite du problème

9 aussi vite que possible. Je vous rappelle son expression selon laquelle

10 "le verdict existait déjà".

11 Bien sûr, les amici ne doivent pas répéter ce point, mais nous souhaitions

12 rappeler ce point et insister sur le fait qu'il faut organiser le procès

13 aussi vite que possible. Un seul procès va probablement permettre à

14 l'accusé d'avoir plus de possibilités de prendre en considération sa

15 propre position, de mieux répondre aux points soulevés liés à l'Article 92

16 et de contester les moyens de preuve documentaire ou les moyens de preuve

17 sous forme de documents plutôt que les dépositions directes.

18 Je souligne encore une fois que nous ne sommes pas en train de défendre

19 l'accusé. L'accusé doit décider de lui-même ce qu'il souhaite faire, mais

20 nous fournissons l'assistance à la Chambre en ce qui concerne les

21 questions liées à la défense.

22 En ce qui concerne les données statistiques, je pense que je ne peux pas

23 me mêler dans ce que M. Nice a dit au sujet de cela, mais en ce qui

24 concerne les contre-interrogatoires des témoins et des personnes proches

25 du pouvoir, nous pouvons être utiles à la Chambre de première instance,

Page 193

1 mais nous allons surtout nous pencher sur les témoins qui vont déposer sur

2 le fondement de crimes.

3 Mais en ce qui concerne le calendrier proposé par le Procureur, par M.

4 Nice, nous ne pensons pas que nos activités auront une influence sur cela

5 et feront en sorte que le calendrier change.

6 Nous ne sommes donc pas les avocats de la défense, donc probablement nous

7 n'allons pas citer à la barre des témoins. C'est pour cela que nous

8 répétons que je suppose que les données statistiques proposées par le

9 Procureur peuvent être interprétées comme tout à fait fiables.

10 Avant de demander à Me Kay de parler d'autres points, je souhaite dire que

11 les amici sont tout à fait heureux de fournir leur aide au Procureur en ce

12 qui concerne les critères à établir pour rechercher les moyens à décharge.

13 Après Me Kay, l'autre amicus, Me Tapuskovic va parler plus en détail des

14 questions qui concernent non pas seulement la Chambre mais aussi les

15 amici, c'est-à-dire la question liée à la "grande Serbie".

16 J'espère que la Chambre trouvera nos observations utiles.

17 M. Kay (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en ce

18 qui concerne la jonction d'instances, je pense qu'il serait peut-être

19 utile de voir pourquoi, en tant que principe juridique, la jonction

20 d'instances est considérée comme un sujet tout à fait distinct.

21 La jonction de chefs d'accusation doit être prise en considération, au

22 fond, pour trois raisons.

23 Tout d'abord, pour savoir si un accusé serait lésé dans la préparation de

24 sa présentation des moyens à décharge et dans sa présentation pour le

25 procès, si un certain nombre de chefs d'accusation sont reliés au sein

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1 d'une jonction d'instances, de telle sorte qu'il lui soit difficile de

2 préparer sa défense.

3 A ce stade de la procédure, ce sujet n'est pas encore pertinent pour la

4 Chambre puisque l'accusé ne reconnaît pas ce Tribunal et donc, s'agissant

5 de cette question concrète, ceci n'a pas été soulevé ni par lui ni par

6 nous, donc dans le cadre des inquiétudes liées à la préparation de la

7 défense.

8 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous, vous pouvez soulever ce

9 point et nous, nous devrons prendre en considération la possibilité selon

10 laquelle les droits de l'accusé seraient lésés par le biais de la jonction

11 d'instances, compte tenu du nombre de témoins, du nombre des allégations.

12 La question est de savoir si, dans de telles circonstances, il y aurait un

13 préjudice porté contre la défense dans ce sens.

14 M. Kay (interprétation): Oui, mais à ce stade, concrètement parlant, ceci

15 n'est pas tellement d'actualité par rapport aux autres points dans le

16 cadre desquels la jonction d'instances est plus pertinente.

17 La raison pour laquelle je dis cela est que ce qui est le plus important,

18 c'est de savoir que la jonction d'instances, par le biais de

19 l'élargissement des chefs d'accusation contre l'accusé, pose la question

20 de savoir si ceci léserait les droits de l'accusé, compte tenu du nombre

21 de chefs d'accusation.

22 Dans le système juridique de la common law, où existe un jury, d'habitude

23 il est nécessaire de se pencher sur ce point. Et en droit civil, où les

24 procès sont menés par les juges, peut-être que ce point est quelque peu

25 moins important. Mais le fait reste qu'il est difficile à la Chambre

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1 d'entendre l'ensemble des dépositions sans être submergée et, par

2 conséquent, sans léser les droits de l'accusé. Il est nécessaire de

3 prendre ce point en considération dans ce contexte.

4 C'est pour cette raison justement que, dans tout système de droit pénal,

5 on se penche avec une attention toute particulière sur la question de

6 savoir s'il faut permettre ou pas la jonction d'instances.

7 Le troisième point est lié à la question de savoir s'il est possible de

8 gérer le procès ayant un tel nombre de chefs d'accusation. Et ceci porte

9 donc également sur la question de savoir s'il est souhaitable d'avoir la

10 jonction d'instances, d'avoir un procès unique plutôt que d'avoir

11 plusieurs procès séparés.

12 Donc, d'après nous, il s'agit ici de trois domaines sur lesquels la

13 Chambre de première instance devrait se pencher. Nous allons déjà soulever

14 un nombre de points dans notre réponse. Je ne souhaite pas répéter les

15 choses, mais je pense qu'il faudrait présenter un certain nombre

16 d'éléments.

17 L'argumentation du Procureur se fonde sur la section de l'Article 2

18 portant sur le plan, plan interprété comme opération identique. A de

19 nombreux égards, lors de la préparation des documents pour cette audience

20 d'aujourd'hui, ils ont parlé d'une jonction d'instances plutôt que de

21 prendre en considération et plutôt que de parler de la jonction des chefs

22 d'accusation ou jonction des crimes; or, c'est le langage existant dans le

23 Règlement.

24 Le Procureur affirme que les opérations ont été menées dans le cadre du

25 plan de la création de la Grande Serbie et que le Kosovo est donc lié à la

Page 196

1 Croatie et à la Bosnie. Il est possible d'ouvrir un débat au sujet de

2 cela. Nous avons entendu les questions posées par les Juges au Procureur

3 au sujet de cela. Et nous pensons que justement ce genre de questions se

4 pose comme conséquence de cette jonction d'instances proposée par le

5 Procureur.

6 Mais si l'on prend en considération les chefs d'accusation, je pense qu'il

7 est plus facile d'arriver à établir le caractère commun à l'égard des

8 chefs d'accusation concrets. Je pense qu'il serait peut-être utile de

9 réfléchir à l'application du mot "stratégie" plutôt que du mot "plan"

10 lorsqu'on parle du caractère commun des chefs d'accusation, plutôt que des

11 actes d'accusation.

12 Nous avançons cela puisque nous avons réfléchi sur la manière dont le

13 Procureur a exposé ses arguments. Nous considérons que cette Chambre

14 n'aura pas à faire face aux Actes d'accusation ici, dans ce prétoire, mais

15 aux crimes ou, autrement dit, aux chefs d'accusation.

16 Et nous sommes tout à fait clairs avec l'affirmation du Président May

17 faite ce matin et nous sommes tout à fait d'accord avec lui pour dire que

18 la présentation des moyens de preuve du Procureur doit respecter le

19 Règlement, de même que les intérêts à la fois de l'accusé et de la justice

20 et de la Chambre.

21 Mais si l'on se penche sur les chefs d'accusation concrètement parlant,

22 nous pouvons voir, conformément aux documents que nous avons soumis hier,

23 tard dans l'après-midi, qu'il existe souvent des répétitions des

24 allégations contenues au sein de Acte d'accusation.

25 Le Procureur, à notre avis, doit prouver que, dans le Règlement, il existe

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1 un fondement prima facie pour qu'on puisse faire droit à la demande de

2 l'accusation visant à procéder à la jonction de trois Actes d'accusation

3 distincts. Or, chacun de ces Actes d'accusation doit satisfaire au

4 Règlement, satisfaire aux Articles contenus dans le Règlement.

5 Il faut faire la distinction entre l'Acte d'accusation et les chefs

6 d'accusation eux-mêmes? Je pense que c'est justement le sens de la demande

7 de la Chambre portant sur le caractère commun.

8 M. Robinson (interprétation): Vous voulez dire que la Chambre devrait se

9 pencher sur chacun des chefs d'accusation séparément?

10 M. Kay (interprétation): Oui.

11 M. Robinson (interprétation): Et vous voulez dire que le Procureur doit

12 plaider sa cause en procédant chef par chef et non pas Acte d'accusation

13 par Acte d'accusation?

14 M. Kay (interprétation): Oui. Et justement ceci est clair d'après le

15 Règlement; nous avons soulevé ce point dans notre réponse à la requête du

16 Procureur qu'il faut souligner le mot "crime". Deux ou plusieurs crimes

17 peuvent faire l'objet de la jonction, jonction de chefs d'accusation; donc

18 il ne s'agit pas d'une jonction de plusieurs actes d'accusation, mais de

19 plusieurs infractions concernant un prétendu crime ou allégation.

20 La manière dont le Procureur traite de ce problème, à notre avis, ne

21 correspond pas à un contexte qui serait utile pour la Chambre de première

22 instance, puisqu'on propose sans cesse la jonction d'actes d'accusation en

23 bloc, sans tenir compte du Règlement. Le Règlement est issu à la fois de

24 la common law et du civil law, et le Règlement qui régit le travail de ce

25 Tribunal est beaucoup plus restrictif par rapport aux autres systèmes

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1 juridiques.

2 Dans mon système juridique, dans le système dont je suis issu, on parle

3 d'une série d'infractions. Mais dans le Règlement qui s'applique ici, on

4 parle de la stratégie planifiée. Le Procureur a opté pour l'utilisation du

5 mot "plan" et il a placé la théorie de la "Grande Serbie" dans ce

6 contexte.

7 M. Robinson (interprétation): Oui, mais d'après ce qu'a dit M. Nice,

8 d'après la pratique judiciaire de ce Tribunal, il serait possible

9 d'interpréter de manière assez libérale, assez libre, l'Article 49.

10 Que dites-vous au sujet de cela?

11 M. Kay (interprétation): Je ne suis pas nécessairement impressionné par

12 cet argument puisque les citations portent surtout sur les affaires du

13 Tribunal pour le Rwanda, mais il s'agit ici d'une affaire d'ampleur plutôt

14 limitée, portant sur les cent jours du génocide qui a eu lieu au Rwanda.

15 Je pense que le fait de se focaliser de manière exagérée sur le terme

16 "plan" et toutes les connotations politiques liées à cela a poussé le

17 Procureur à passer outre le Règlement qui est pourtant tout à fait clair

18 s'agissant des Actes d'accusation distincts.

19 M. le Président (interprétation): Mais le Procureur a quand même fait

20 référence à l'opération et a indiqué que l'opération s'étalait sur neuf

21 ans.

22 Je pense qu'il serait utile d'entendre votre point de vue d'amicus: est-ce

23 que vous considérez qu'une jonction d'instances serait utile? Ou bien est-

24 ce que vous considérez que le procès Kosovo devrait se dérouler de manière

25 séparée? Ou bien que les trois procès devraient se dérouler de manière

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1 séparée?

2 Il serait utile pour la Chambre de savoir quel est votre point de vue.

3 M. Kay (interprétation): Nous essayons d'être utiles à cette Chambre de

4 première instance. Je suppose que nous n'avons pas pu le faire jusqu'à

5 maintenant et que notre point de vue n'était pas suffisamment clair. Notre

6 point de vue devenait de plus en plus clair au fur et à mesure que nous

7 arrivions à connaître le fond de cette affaire.

8 D'après les discussions que nous avons eues entre nous en tant qu'amici,

9 nous ne considérons qu'un procès unique, un seul procès. S'il était

10 possible de faire en sorte que la Chambre de première instance décide de

11 l'avoir, ceci pourrait être bénéfique pour l'accusé qui ne devrait pas

12 faire face à trois procès différents; ceci pourrait être épuisant sur le

13 plan psychologique et physique; et peut-être ce serait un effort beaucoup

14 trop important pour qui que ce soit.

15 M. Robinson (interprétation): Je pense qu'il ne s'agit pas là

16 nécessairement de la question qui nous intéresse de manière prioritaire,

17 mais vous avez bien répondu.

18 Mais voici une autre question: sur la base des faits contenus dans les

19 Actes d'accusation et sur la base du droit qui doit être appliqué, quel

20 est votre point de vue concernant cette question?

21 Bien sûr, je comprends que vous considérez qu'il serait plus bénéfique

22 pour l'accusé, mais sur le plan juridique, d'après vous, quelle devrait

23 être la position de la Chambre? Est-ce que la Chambre devrait opter pour

24 la jonction d'instances dans de telles circonstances?

25 M. Kay (interprétation): Monsieur le Juge, vous avez tout à fait raison:

Page 200

1 il est nécessaire de justifier cela. Le Procureur devrait se fonder sur le

2 droit pour ce faire. Et nous considérons que, s'agissant de cet argument

3 et compte tenu du Règlement, le Procureur ne l'a pas justifié compte tenu

4 de la manière dont il est nécessaire d'interpréter le Règlement. Il serait

5 nécessaire d'interpréter les choses de la manière que j'ai proposée moi-

6 même, c'est-à-dire en insistant plus sur le terme "stratégie" et le

7 caractère commun des infractions en particulier contenues dans l'Acte

8 d'accusation.

9 M. le Président (interprétation): Vous dites qu'eux n'ont pas à justifier

10 cela. Mais quel est votre point de vue?

11 M. Kay (interprétation): Ils ont avancé de mauvais arguments.

12 M. le Président (interprétation): Oui, peut-être. Mais quelle est la bonne

13 réponse, d'après vous?

14 M. Kay (interprétation): Nous considérons que, dans les chefs

15 d'accusation, il est possible de trouver ce caractère commun. Excusez-moi,

16 j'ai essayé d'expliquer cela clairement préalablement. C'est pour ça que

17 je dis que, d'après le Règlement, il faudrait relier tous les chefs

18 d'accusation et, dans ce cas-là, il est possible de voir pourquoi on parle

19 de la jonction de chefs d'accusation.

20 Mais lorsqu'on insiste sur le mot "plan", et sur le mot "plan de la

21 création de la Grande Serbie" -et d'ailleurs Me Tapuskovic va en parler

22 plus en détail puisqu'il connaît cette problématique de plus près-, nous

23 pouvons voir que ceci a été complètement omis, même dans le mémoire

24 préalable au procès du Kosovo du Procureur.

25 Je ne sais pas si la Chambre a pu le lire jusqu'à maintenant, mais lorsque

Page 201

1 j'ai eu l'occasion de lire -ne serait-ce que superficiellement- ce

2 mémoire, j'ai pu constater qu'ils s'approchent, ces critères communs, du

3 point de vue des co-accusés, mais non pas vraiment pour pouvoir justifier

4 la jonction des chefs d'accusation. Ils n'ont donc pas prouvé que le

5 caractère commun aux trois procès justifierait la jonction d'instances.

6 M. Robinson (interprétation): Quel caractère commun?

7 M. Kay (interprétation): Peut-être les expulsions qui ont eu lieu à la

8 fois en Bosnie et en Croatie et au Kosovo. La stratégie contient un

9 certain nombre d'éléments communs, il s'agit là d'un modus operandi d'une

10 stratégie qui contient clairement des liens poussant à conclure qu'il

11 s'agissait d'une même opération.

12 M. le Président (interprétation): Pourquoi dites-vous qu'il s'agissait de

13 la même opération? Seulement à cause du fait que les mêmes choses se

14 passaient à trois endroits différents? Ça ne veut pas dire nécessairement

15 que le tout se faisait dans le cadre d'une même opération. C'est pour cela

16 que le Procureur a parlé du même plan, de la même stratégie, du même

17 modèle. Mais le fait qu'il y avait un même modus operandi ne doit pas dire

18 nécessairement qu'il s'agissait d'une opération semblable.

19 M. Kay (interprétation): En ce qui concerne la même opération, il faut

20 savoir que sa signification n'est pas la même dans le droit commercial ou

21 dans d'autres domaines. Parfois une même opération peut durer dix ans ou

22 plus si l'on examine la manière dont c'est défini dans l'Article 2, nous

23 pouvons voir qu'il s'agit du même plan, d'une même stratégie ou d'un

24 dessein commun, donc tout ceci peut constituer les éléments de la même

25 opération en vertu de l'Article 2.

Page 202

1 En ce qui concerne le lien temporel requis par la Chambre de première

2 instance, peut-être ceci ne doit pas nécessairement être contenu dans la

3 même opération parce que, parfois dans le cadre d'une même stratégie, le

4 lien temporel fait défaut.

5 En ce qui concerne le terme "plan" ou "le plan de la création de la Grande

6 Serbie", nous attendons toujours de recevoir les documents, et concernant

7 le mémoire préalable au procès Kosovo, nous ne trouvons pas les éléments

8 corroborants cela. Comme la Chambre l'a déjà indiqué, ceci ne figure pas

9 non plus dans les autres mémoires préalables au procès. Nous sommes

10 d'accord avec la Chambre de première instance dans cette approche, si

11 telle est l'approche de la Chambre. Mais nous considérons que, s'agissant

12 des crimes et des infractions elles-mêmes, il faudrait examiner la

13 stratégie et que c'est dans ce cadre qu'il est possible d'établir le lien

14 qui relie ces trois régions distinctes de l'ex-Yougoslavie.

15 Il ne me semble pas que cela aide la Chambre si l'accusation se réfère à

16 ce que la Chambre entendra, pourrait entendre ou entendrait

17 éventuellement. Cette Chambre doit fonder sa décision sur le matériel qui

18 est, lui, présenté sur les documents et les arguments qui lui sont

19 présentés.

20 M. le Président (interprétation): Vous avez raison.

21 M. Kay (interprétation): Il y avait beaucoup d'illusions au sujet de cela

22 à savoir que cela aiderait et au sujet de ce que nous avons sous nos yeux,

23 et la Chambre se trouve exactement dans cette même position.

24 M. Robinson (interprétation): Une question d'ordre général qui m'intéresse

25 et là je parle en mon propre nom. Vous vous êtes référé au fait que

Page 203

1 l'accusé ne reconnaît pas ce Tribunal. Il me semble que ce n'est pas la

2 première fois que vous avez fait ce genre de références, nous rencontrons

3 cela également au paragraphe 10 de votre mémoire.

4 M. Kay (interprétation): Oui.

5 M. Robinson (interprétation): Il me semble que rien ne découle de cela. Il

6 n'y a aucune conséquence juridique qui découle de cela pour la Chambre

7 puisse que la Chambre doit s'acquitter de son travail, indépendamment du

8 fait que l'accusé reconnaisse ou non ce Tribunal. La Chambre doit

9 s'assurer que l'accusé ait un procès juste et équitable. En fait, même si

10 l'accusé décide de rester silencieux, la Chambre sera toujours obligée,

11 tenue de prendre en considération ce qui pourrait constituer sa défense.

12 M. Kay (interprétation): Tout à fait.

13 M. Robinson (interprétation): Donc je ne pense pas que cela nous apporte

14 quelque chose.

15 M. Kay (interprétation): Je ne voulais pas donner l'impression que

16 j'allais avancer cela comme un argument pour la Chambre. Cela figure parmi

17 nos réponses sur la base du fait que nous essayons de montrer clairement

18 que nous agissons d'une manière distincte, que nous ne sommes pas des

19 conseils de la défense. Donc, nous n'allons pas, avant tout, avancer des

20 arguments pour la jonction.

21 M. Robinson (interprétation): L'approche des amici, à mon sens, devrait

22 être telle qu'un amici n'est pas du tout empêché de défendre, de manière

23 vigoureuse et engagée, un point de vue simplement pour le fait que

24 l'accusé ne reconnaît pas le Tribunal. D'aucune manière, vous n'êtes

25 empêchés de présenter des arguments sur ce point qui, par exemple,

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1 tendrait à montrer que l'accusé ne serait pas jugé d'une manière équitable

2 et juste s'il y avait jonction d'instances. Donc, rien ne vous empêcherait

3 de faire cela! Je ne voudrais pas que cette forme d'approche entrave votre

4 approche générale.

5 M. Kay (interprétation): Je vous remercie d'avoir dit cela.

6 Nous ne pouvons pas mettre en avant la présentation des éléments de preuve

7 à la décharge, au sujet ou dans le contexte de la jonction d'instances.

8 Donc, nous ne pouvons pas dire que nous allons nous appuyer sur tel ou tel

9 domaine d'instructions, que nous enquêtons au sujet d'un point

10 particulier, mais je vous remercie de nous rappeler le fait que nous

11 pouvons travailler de manière tout à fait engagée et forte.

12 M. le Président (interprétation): Bien entendu, vous pouvez avancer les

13 éléments de preuve. Par exemple, ici, vous dites que la Chambre doit

14 prendre en considération l'échelle extrêmement importante d'un seul procès

15 dans le cas où il y aurait jonction. Nous devrons nous pencher de manière

16 très attentive sur ce point. Est-ce que vous avez quelque chose à dire au

17 sujet d'un procès où il y aurait 385 témoins, qui serait probablement un

18 nombre minimum de témoins? Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose

19 sur la base de votre expérience? Est-ce que c'est faisable?

20 M. Kay (interprétation): Il n'y a aucun doute qu'il s'agit d'une tâche

21 immense et que nous sommes tous conscients de cela.

22 S'il fallait juger, par exemple, tout d'abord l'affaire qui concerne le

23 Kosovo, il faut prendre en considération un des aspects de cela, une des

24 conséquences. Est-ce que cette Chambre de première instance serait alors

25 la même qui, dans une deuxième phase, travaillerait sur les Actes

Page 205

1 d'accusation pour la Croatie et la Bosnie? Et, si tel était le cas, est-ce

2 que ce serait une manière de gaspiller du temps si l'affaire Kosovo était

3 jugée de manière distincte, donc s'il y avait par la suite une phase 2?

4 Dans ce cas-là, vous êtes les mieux avertis de la politique de ce

5 Tribunal. Vous l'êtes en tout cas mieux que moi.

6 Je dois dire qu'il y a beaucoup de raisons pour dire que tout cela peut

7 être réuni, peut être fait ensemble.

8 Nous devons aussi mesurer cela par rapport à l'accusé lui-même. Un procès

9 important par rapport à deux ou trois procès qui seraient tout aussi

10 importants, quel effet cela aurait sur lui? A la fin, je pense que ce

11 serait tout à fait écrasant pour qui que ce soit de devoir subir cela, de

12 passer trois ans et demi ou à peu près, quelque chose de comparable, et ce

13 sont les estimations les plus modestes de l'accusation. Ce serait

14 extrêmement écrasant pour qui que ce soit.

15 Enfin, la question est de savoir si la Chambre se sent en mesure de gérer

16 cela. C'est le troisième domaine que nous devons prendre en considération.

17 Donc, nous avons trois parties ici. Chacune des parties doit prendre en

18 considération ses propres intérêts: l'accusation, l'accusé ainsi que la

19 Chambre elle-même. Ces droits ne sont pas présentés dans le Règlement ou

20 dans le Statut, mais nous l'avons mentionné dans notre réponse. La Chambre

21 veut, par exemple, affirmer qu'il s'agit d'une tâche qui dépasse les Juges

22 de la Chambre. C'est quelque chose que nous avons laissé ouvert. Il s'agit

23 d'une question discrétionnaire à laquelle doit répondre la Chambre elle-

24 même.

25 Les Juges doivent se prononcer là-dessus compte tenu de leur devoir -c'est

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1 ce que nous avons esquissé dans notre réponse- et ce, par rapport à leur

2 obligation d'assurer un jugement procès juste et équitable à l'accusé.

3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

4 (Réponse des amici curiae à la requête du Procureur, par Me Tapuskovic.)

5 Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges, réellement, je dois dire que je me trouve dans une situation très

8 délicate suite à tous les arguments que nous avons entendu exposer

9 aujourd'hui. Dans un premier temps par l'accusation, ensuite par mes

10 collègues.

11 Je dois dire que je partage entièrement un certain nombre de points qu'ils

12 ont avancés, en particulier pour ce qui est de l'application de l'Article

13 49, ainsi que de l'Article 2, liés à la question de l'existence d'une

14 seule et même opération. C'est un point qui a été amplement abordé

15 aujourd'hui.

16 Pour commencer, permettez-moi de souligner une chose, à savoir, lorsque

17 nous cherchions à trouver une position commune devant cette Chambre en

18 notre qualité de amici curiae, nous sommes partis d'un point de vue qui

19 était le suivant: aucun de nous ne doit se sentir lié par tout ce qui a

20 été avancé avant lui par les autres amici.

21 Je ne dis pas que je me trouve dans une position où je serais amené à

22 exposer une position diamétralement opposée à celle qui vient d'être

23 exposée par mes collègues; je sais que mon rôle est un rôle tout à fait

24 précis et que je ne peux pas sortir du cadre de ce rôle, que je ne peux

25 pas prendre la parole en tant que conseil de la défense de M. Slobodan

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1 Milosevic et qu'en aucun cas, je ne suis quelqu'un qui représente

2 l'accusé. Je dois chercher à me rendre utile, à aider cette Chambre qui

3 doit se pencher sur un certain nombre de questions et qui doit prendre une

4 décision au sujet de la requête aux fins de jonction, présentée par

5 l'accusation.

6 Je pense donc pouvoir vous apporter quelques éléments qui vous aideront à

7 trouver la décision la plus appropriée en la matière.

8 Aucunement, je ne cherche à contester ce qui vient d'être exposé par les

9 amici au sujet de l'application de l'Article 49, ce que vient d'abord des

10 Me Kay. Toutefois, je dois tout d'abord dire un certain nombre de choses

11 au sujet de ce que nous avons entendu ce matin de la part de l'accusation.

12 Il ne fait aucun doute que, lorsque vous prendrez votre décision, lorsque

13 vous déciderez de joindre ou non les instances, à ce moment-là, il ne peut

14 pas être suffisant et il ne peut jouer aucun rôle ce qui vient d'être dit

15 par Mme Carla Del Ponte, à savoir que l'objectif de ce procès est avant

16 tout de prononcer une seule sentence, une seule peine.

17 En tant qu'amicus curiae, je considère aujourd'hui que cela n'a aucune

18 importance aujourd'hui, à la lumière du fait que vous devez prendre une

19 décision qui est de savoir si, oui ou non, vous allez accepter la

20 jonction. Donc peu importe aujourd'hui si une peine sera prononcée à la

21 fin. Donc ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est d'aborder tous les

22 problèmes qui sont devant nous, dont nous sommes saisis. Nous devons

23 chercher à aider cette Chambre, à trouver la décision la plus adéquate.

24 Ce qui a été dit par Mme Carla Del Ponte ne peut avoir aucune importance

25 aujourd'hui et ne doit influer en aucune manière sur la décision que vous

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1 prendrez.

2 Par ailleurs, un autre point me pose problème et je ne le comprends pas.

3 Ici, les représentants du Procureur ont affirmé que plusieurs personnes

4 ont été chargées de la rédaction de ces Actes d'accusation et que c'est la

5 raison pour laquelle il y a un certain nombre de points qui diffèrent d'un

6 Acte d'accusation à l'autre. Eh bien, je ne suis pas d'accord avec cet

7 argument: ce n'est pas une raison. En tant qu'amicus curiae, je dois vous

8 faire par de mon inquiétude: est-ce bien, parce que plusieurs personnes

9 ont été chargées de rédiger ces Actes d'accusation, que nous avons eu

10 plusieurs versions amendées de ces Actes, que nous avons eu encore une

11 version au sujet du Kosovo et que pour ce qui est de la Croatie, et en

12 particulier de la Bosnie les Actes d'accusation n'ont pas pu être

13 complétés parce que les éléments de preuve manqués.

14 Cette explication n'est pas suffisante si l'on sait quand se sont terminés

15 les événements qui nous intéressent en Croatie, il y a 10 ans, en Bosnie

16 également il y a longtemps et aujourd'hui lorsqu'on dresse l'Acte

17 d'accusation au sujet des événements du Kosovo on se trouve face à ces

18 Actes d'accusation qui arrivent avec beaucoup de retard.

19 Enfin, nous avons une chose importante qui est de taille, à savoir au

20 sujet du Kosovo, comme vient de le dire mon collègue de l'accusation, nous

21 avons cette stratégie globale, cet élément faîtier qui accompagne tous ces

22 événements à savoir l'idée de la création de la "Grande Serbie", cela est

23 totalement absent de l'Acte d'accusation sur le Kosovo.

24 Il me semble que le fait que l'accusation insiste sur ce genre de choses

25 n'est pas un hasard. Qu'est-ce qu'on cherche à faire par là? On cherche à

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1 démontrer qu'il y avait une idée, une intention de créer la "Grande

2 Serbie"/ Et même au Kosovo, on cherche à nous montrer cela.

3 J'accepte les arguments qui concernent l'économie judiciaire, la

4 protection des témoins, tous ces problèmes qui sont présents dans chacun

5 de nos pays sur toute la planète. On cherche toujours à réunir les

6 éléments afin de faire en sorte qu'un procès soit plus court et que les

7 frais se réduisent.

8 Si nous cherchons à avoir un procès rapide et que la jonction d'instances

9 nous le permettra, d'accord, mais quant à l'Article 22 j'ai bien peur

10 qu'il ne soit absolument pas respecté pour le reste. Je ne peux pas vous

11 suggérer la meilleure solution, mais je suis appelé à vous présenter tous

12 les éléments afin que vous puissiez prendre la décision adéquate.

13 En tant qu'amicus curiae, à chaque fois que j'agirai de la sorte, j'espère

14 pouvoir me rendre utile. Donc à chaque fois que je vous présenterai les

15 éléments, mais je ne peux pas préjuger de votre décision. Alors, revenons

16 à la question pour laquelle l'accusation insiste sur la jonction. Pourquoi

17 demande-t-elle que l'on réunisse tout cela et qu'on ait un seul procès?

18 Elle se fonde sur l'Article 49 et sur l'Article 2. Les disposions de ces

19 Articles parlent, notamment l'Article 2, d'un certain nombre d'actions ou

20 d'omissions survenant qui font partie d'un plan d'une certaine façon. Je

21 dois dire que ces derniers jours depuis que cela est d'actualité, à de

22 nombreuses reprises, j'ai parcouru ces Actes d'accusation et en

23 particulier l'Acte d'accusation pour le Kosovo. Nulle part, à aucun

24 endroit ces trois Actes d'accusation concernant le Kosovo, je dois dire

25 que nulle part, nulle part je n'ai trouvé une référence à la création de

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1 la "Grande Serbie". Je dois dire qu'il s'agit d'une affirmation à ce point

2 absurde d'une position qui est à un tel point dépourvue de sens. Excusez-

3 moi de devoir le dire ainsi, mais je suis très étonné de voir qu'il y a eu

4 ce genre d'affirmations.

5 En fin de compte, Messieurs les Juges, ce sont des questions que vous avez

6 posées vous-mêmes déjà et c'est quelque chose qui doit entrer en ligne de

7 compte lorsque vous prendrez votre décision. Mais je ne vois pas sur la

8 base de quoi ce genre de positions a pu trouver son chemin, sur quoi peut-

9 il se fonder? Donc pour ce qui est du Kosovo, comment peut-on dire que

10 tout ce qui s'est passé au Kosovo est dû à une intention visant à créer la

11 "Grande Serbie".

12 Par conséquent, j'ajoute que nous sommes tous conscients du fait que le

13 Kosovo fait partie de la Serbie, que le Kosovo est un territoire à

14 l'intérieur d'un Etat et qu'au moins depuis 1993 la situation est telle

15 depuis les accords de paix de Londres sans remonter plus loin dans le

16 temps.

17 Je sais, je sais pour quelle raison on insiste particulièrement sur la

18 décennie dernière et sur le contexte politique de cette décennie. Mais

19 lorsque vous serez amené à prendre la décision à ce sujet, je suis

20 convaincu, cela ne fait aucun doute pour moi que cette Chambre

21 s'intéressera à une période un peu plus longue qui concerne tous les

22 événements qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, que ce soit en

23 Croatie, en Bosnie ou au Kosovo. Je suppose, je l'espère que la Chambre

24 aura envie d'entendre par l'intermédiaire des positions des experts, aura

25 envie d'en apprendre un peu plus sur le contexte historique.

Page 211

1 Aujourd'hui, je ne souhaite nullement entrer dans une polémique avec

2 l'accusation. Mais permettez-moi de me fonder tout simplement sur ce qui

3 figure dans les Actes d'accusation. On verra facilement à quel point ces

4 formulations sont contradictoires lorsqu'il s'agit de l'intention de la

5 création d'une "Grande Serbie", l'argument faîtier, l'argument suprême de

6 l'accusation et qui regroupe tous les éléments qui sont portés à la charge

7 de l'accusé.

8 Il suffit, par exemple, de revenir à ce que nous avons déjà entendu

9 aujourd'hui. On a cité le point 6 de l'Acte d'accusation pour la Croatie.

10 Mais ici, de quoi est-il question? Que des portions du territoire de la

11 Croatie deviennent partie intégrante d'un nouvel Etat sous la domination

12 serbe. Attention! La Croatie du temps de l'ex-Yougoslavie était une

13 République au sein de cet Etat. Ce n'est que plus tard qu'elle est devenue

14 un Etat. Et le même vaut pour la Bosnie.

15 Cependant, si vous vous penchez à présent sur l'Acte d'accusation pour le

16 Kosovo, ici vous verrez que l'objectif des agissements est d'assurer le

17 contrôle des autorités serbes sur ce territoire. Eh bien, je pense que

18 cela est tout à fait logique que, au sein d'un Etat, l'on cherche à

19 établir un contrôle sur son propre territoire.

20 Mais attention, ce matin l'accusation ne nous a pas cité, ce qui figure au

21 paragraphe 93 de l'accusation pour le Kosovo, où il est dit que ce

22 contrôle renforcé s'effectue en présence d'une campagne de soulèvement

23 armée et de résistance armée aux autorités serbes. Autrement dit, c'est

24 quelque chose que l'on ne retrouve nulle part, ni en Croatie ni dans

25 l'Acte d'accusation pour la Bosnie, et qui figure dans l'Acte d'accusation

Page 212

1 pour le Kosovo, ce qui est à l'opposé. C'est une grande différence et il

2 me semble que cela doit être dans tous les cas rejeté, à savoir cette

3 thèse que tous ces événements se situent sous… possèdent un dénominateur

4 commun, à savoir la création de la "Grande Serbie".

5 Permettez-moi d'ajouter deux points: le laps de temps qui apparaît déjà

6 dans vos questions et, en particulier, un autre élément.

7 Au moment des événements kosovars, Milosevic avait des pouvoirs de droit

8 sur les événements qui se produisaient là-bas et, dans ces circonstances,

9 dans les circonstances d'un soulèvement armé, en fin de compte ce qu'on a

10 entendu aujourd'hui aussi à savoir de la campagne aérienne et des

11 bombardements de l'OTAN, tandis que par rapport à la Bosnie et en

12 particulier à la Croatie, il n'avait pas de pouvoir de droit, il n'avait

13 qu'un pouvoir de fait.

14 Ces deux éléments, en plus de celui que j'ai cité précédemment, nous

15 mettent donc dans une position où vous serez réellement appelés à vous

16 demander sérieusement s'il y a possibilité de faire jonction. Bien

17 entendu, la meilleure solution dans ce genre de situation, qui est sans

18 précédent, serait de trouver une manière de résoudre le problème. Mais

19 comment? C'est ça, la question qui se pose. L'accusation dit que, pour le

20 moment, elle est prête uniquement pour juger… pour le Kosovo. Donc, vous,

21 vous devriez commencer à vous poser la question de l'intention de la

22 création de la "Grande Serbie" depuis le Kosovo, donc à l'envers, et il me

23 semble que ce ne serait absolument pas le chemin à emprunter.

24 Permettez-moi de citer le paragraphe 20 où l'accusation parle de "conflits

25 qui se succèdent". Or, les conflits qui se succèdent, ils ne se succèdent

Page 213

1 jamais en partant de l'arrière vers l'avant mais c'est uniquement dans le

2 sens inverse que cela peut se passer. Je ne sais pas quelle sera votre

3 décision, mais j'étais tenu de vous présenter tous ces éléments et je

4 pense qu'il s'agit d'une situation très délicate.

5 Une situation très délicate, comme je disais, et si nous envisageons les

6 choses uniquement sous l'angle de l'économie judiciaire, si nous cherchons

7 uniquement à chercher à protéger les intérêts des victimes -bien entendu,

8 nous devons tous respecter les intérêts des victimes, c'est tout à fait

9 logique, cela s'impose- mais nous avons ici un procès où nous devons

10 débattre d'un certain nombre de choses qui sont d'une importance vitale.

11 Il s'agit de savoir si la responsabilité pénale existe ou non comme cela

12 est allégué dans ces Actes d'accusation. Ce n'est que par la suite que

13 nous pouvons nous poser la question de la décision que vous prendrez.

14 En tant que conseil de la défense, je saurais quelle décision il faudrait

15 prendre, mais je ne suis pas conseil de la défense. Je ne doute pas une

16 seconde que vous vous demanderez, de manière tout à fait approfondie, de

17 la décision la meilleure à prendre en l'espèce.

18 (Réponse de M. Slobodan Milosevic, relative à la requête du Procureur.)

19 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

20 Monsieur Milosevic, vous savez quel est le contenu de la requête. On

21 demande une jonction de ces trois Actes d'accusation. Si vous le

22 souhaitez, vous pouvez prendre la parole à ce sujet.

23 M. Milosevic (interprétation): Tout ce que nous avons entendu dire

24 aujourd'hui de la part de la soi-disant accusation ne fait que confirmer

25 que l'ensemble de l'idée est totalement erroné.

Page 214

1 Mais pour que vous ne me priviez pas de la parole, je m'en tiendrai aux

2 éléments qui répondent à votre question.

3 Il me semble tout à fait clair pour quelles raisons cette accusation

4 fausse cherche la jonction. Ils cherchent à placer au second rang les

5 accusations au sujet du Kosovo, puisque ces accusations posent absolument

6 la question de la responsabilité de Clinton et la question de Ben Laden.

7 Et c'est la conséquence du 11 septembre.

8 Nous sommes conscients du fait que, dans ce cas, indépendamment de

9 l'illégalité de ce Tribunal, il ne peut pas éviter le fait que des

10 principaux acteurs du crime commis à l'encontre de mon pays et de mon

11 peuple ne comparaissent ici, à commencer par Clinton, Allbright et les

12 autres, mais aussi bien d'autres médiateurs de paix, dont l'activité et la

13 coopération pour trouver une solution de paix apportent un démenti total

14 aux accusations monstrueuses que nous avons entendues ici. Autrement dit,

15 leurs raisons sont tout à fait pragmatiques, liées à la protection de ceux

16 qui ont commis un crime à l'encontre de mon pays. Et cela n'a rien à voir

17 avec l'envie de gagner du temps parce que peu leur importe ma fatigue ou

18 non. Et je me suis déjà prononcé à ce sujet.

19 Pour ce qui est de l'argument clé, à savoir l'idée de la création de la

20 Grande Serbie, il s'agit d'un argument que nous pouvons rejeter très

21 facilement. Aucune personne de bon sens ne pourrait prendre au sérieux ce

22 genre d'arguments qui est ici utilisé comme dénominateur commun des crimes

23 et qu'on cherche à m'imputer ou à détourner de toutes les manières.

24 Puisque nous avons des faits, des faits qui sont incontestables. Le 28

25 avril 1992, la République de Yougoslavie a été constituée; le 28 avril

Page 215

1 1992, donc avant le début des conflits, avant la guerre civile, avant le

2 début de la guerre civile. Cette assemblée constitutive, par son document

3 officiel, a déclaré quelle était notre position officielle, à savoir que

4 la République fédérale yougoslave n'avait pas de prétention territoriale à

5 l'égard de qui que ce soit; autrement dit, à l'égard d'aucune des

6 républiques ex-yougoslave. Et cela est en soi une preuve suffisante qui

7 rejette totalement, qui nous permet de rejeter totalement ces éléments

8 absurdes qui sont ici allégués.

9 Permettez-moi d'ajouter qu'au début du mois de mai 1993, grâce aux efforts

10 que nous avons déployés, le plan Vance-Owen a été adopté à Athènes, signé

11 à l'époque par des représentants serbes également. Cette acceptation

12 montre que la paix est la plus grande valeur pour tous les peuples

13 yougoslaves. Cela a été un démenti flagrant de toute allégation de ce

14 genre. Finalement, le meilleur démenti de ces idées alléguant la

15 discrimination religieuse ou nationale montre que la Yougoslavie est le

16 seul Etat qui a préservé son caractère multinational, c'est le seul Etat

17 où il n'y a eu aucune discrimination sur des bases ethniques ou

18 religieuses. Cela se confirme depuis dix ans.

19 Le même vaut pour le Kosovo. Vous ne le savez pas peut-être, mais le

20 gouvernement de la province autonome de Kosovo, Metohija, en 1998, en

21 1999, durant la guerre également, jusqu'à ce que ceux qui ont installé

22 leurs représentants à Belgrade ne commettent l'agression, ce gouvernement

23 était constitué de Serbes, d'Albanais, de Musulmans, de Turcs, de Roms et

24 d'Egyptiens. Les Serbes au sein de ce gouvernement ne constituaient qu'une

25 minorité. Alors, cette idée d'une discrimination nationale, selon

Page 216

1 l'appartenance ethnique, comment pouvez-vous faire correspondre cela à ce

2 fait?

3 Notre délégation présente aux négociations de Rambouillet était composée

4 de représentants issus de diverses ethnies. Comment pouvez-vous accorder

5 cela avec cette idée de la discrimination? En dix ans, en dix années

6 personne n'a perdu sa vie au Kosovo; en dix années, personne n'a été

7 arrêté. Plusieurs dizaines de journaux étaient imprimés et vendus à tous

8 les coins de rue en albanais, l'éducation était assurée au niveau du

9 primaire et du secondaire en albanais. Et après dix ans, lorsque le

10 terrorisme a commencé, le terrorisme organisé par des services étrangers,

11 en se servant des membres de la mafia, disséminés de par l'Europe, c'est

12 là que nous avons constitué une police locale dans des villages albanais.

13 Et les citoyens eux-mêmes ont élu leurs policiers armés; ils étaient tous

14 des Albanais. Et ces mêmes policiers locaux, tout comme les Albanais

15 facteurs, agents des entreprises forestières, ils ont tous fait l'objet de

16 massacres, d'assassinats, de menaces de la part des terroristes albanais.

17 En 1998, il y a eu plus de victimes du côté albanais, victimes de crimes

18 albanais, qu'il n'y a eu de Serbes tués par des terroristes albanais. Et,

19 en particulier, un exemple qui illustre bien la situation dans l'ensemble

20 de nos structures, y compris au sein de notre partie socialiste: la

21 répartition des membres correspondait à la répartition au sein de la

22 population; il y avait des Serbes, des Bulgares, des Ruthènes, des Turcs.

23 Qui chercherait à appliquer un programme de discrimination sur les bases

24 raciales, nationales, ou religieuses qu'on allègue ici?

25 Les deux Actes d'accusation pour la Croatie et pour la Bosnie ont été

Page 217

1 lancés de manière explicite afin de noyer l'Acte d'accusation pour le

2 Kosovo qui montre l'existence du terrorisme. Même s'il est clair qu'en

3 Croatie et en Bosnie, c'est la paix qui nous intéressait et non pas la

4 guerre.

5 Nous avons cherché à aider notre peuple pour qu'il subsiste, pour qu'il ne

6 devienne pas, comme du temps de la Deuxième Guerre mondiale, victime d'un

7 génocide. Mais, à de nombreuses reprises, nous l'avons dit publiquement et

8 moi-même je l'ai dit, nous souhaitons que ce peuple soit libre et sur un

9 pied d'égalité sur les territoires où il vit depuis des siècles.

10 Nous ne voulons pas que cela se fasse au détriment d'un autre peuple quel

11 qu'il soit. L'exemple de la République fédérale de Yougoslavie et

12 d'excellentes relations inter ethniques pendant toute la durée des

13 conflits le prouve: du temps de la guerre en Bosnie, pas un seul Musulman

14 n'a été chassé de Serbie. Pendant le conflit en Croatie pas un seul Croate

15 n'a été chassé, expulsé de Serbie même pendant les conflits en Bosnie, il

16 suffit de se pencher sur les chiffres du HCR plusieurs dizaines de

17 milliers de Musulmans ont trouvé un abri en Serbie, plus de 70.000

18 Musulmans mais quel peuple chercherait à faire cela.

19 Quelles dizaines de milliers de gens chercheraient à se mettre à l'abri

20 chez ceux qui se sont rendus coupables d'une agression à leur encontre?

21 Mais savez-vous qu'en Serbie on compte plus de Musulmans qu'en Bosnie-

22 Herzégovine, les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ont été plongés,

23 précipités dans cette tragédie dans cette guerre pour qu'on puisse leur

24 fournir un appui par la suite et pour que cela serve d'alibi afin de tuer

25 bien plus de Musulmans de par le monde, des millions de Musulmans de par

Page 218

1 le monde.

2 Il s'agit pour certains d'établir un nouvel ordre esclavagiste dans le

3 monde. Je ne comprends pas que l'on puisse ici parler du Kosovo d'une

4 manière implicite comme de quelque chose qui ne fait pas partie de la

5 Serbie, mais le Kosovo est en Serbie et restera partie intégrante de la

6 Serbie et cette situation durera exactement autant qu'a duré cette

7 occupation illégale du Kosovo, Metohija, illégale parce qu'elle a été mise

8 en place par un abus de l'ONU, des Nations Unies et de la résolution 1244

9 du Conseil de sécurité prévoyant le déploiement des forces de paix des

10 Nations Unies. Cependant, ces forces ont usurpé les pouvoirs des Nations

11 Unies, elles ont autorisé les terroristes albanais à continuer à sévir,

12 des Serbes et d'autres non musulmans du Kosovo ont été kidnappés. Il y a

13 des milliers de victimes de ce genre de terrorisme et il y a eu des

14 dizaines de milliers de maisons serbes qui ont été incendiées, plus de 100

15 églises qui ont été détruites et incendiées. Et tout cela sous les

16 hospices des forces internationales qui sont arrivées sur place pour

17 garantir la paix. Et aujourd'hui, ces représentants se posent…, ces

18 députés serbes se posent en Kosovo sous escorte parce qu'ils ne sont pas

19 en sécurité. Et cela prendra encore longtemps. Mais une fois que cela sera

20 terminé, le Kosovo se retrouvera pleinement sous le contrôle serbe. Et là,

21 il ne s'agit pas uniquement du Kosovo, il s'agit également de la Serbie

22 car de nouveau et bientôt la Serbie se retrouvera entre les mains des

23 patriotes, et ce sont des patriotes qui dirigeront d'autres pays et ce ne

24 seront pas ceux qui représentent les nouveaux colonialistes et qui, en

25 fait, que ne sont que des représentants de pouvoir fantoche.

Page 219

1 Tout ce que nous avons entendu aujourd'hui qui contredit totalement la

2 vérité, a prouvé je crois à quel point le contenu de ces Actes

3 d'accusation rate la réalité, rate la description de la réalité. Je ne

4 peux comprendre ceci que comme une expression de fureur et de vengeance eu

5 égard au fiasco qu'a vécu l'OTAN dans sa tentative d'imposer une

6 occupation militaire à la Yougoslavie. Je suis fier d'avoir été au

7 commandement des forces armées yougoslaves qui ont arrêté l'OTAN. Car cela

8 a montré qu'un petit pays qui a la volonté ferme de défendre sa liberté,

9 de défendre les idées de liberté et d'égalité et de droit des peuples est

10 capable de se défendre.

11 Ce que nous vivons aujourd'hui, ce qui s'est dit ici aujourd'hui, c'est

12 une punition qui nous est imposée parce que nous avons fait opposition,

13 nous avons résisté à la plus grande tyrannie menaçant le monde.

14 Et les différentes choses qui ont été décrites dans ces Actes d'accusation

15 sont les restes d'une guerre médiatique destinée à me frapper, moi, ma

16 famille, et à "sataniser" le peuple serbe et la direction du peuple serbe.

17 Parce que les médias occidentaux sont arrivés avant la guerre pour

18 persuader l'opinion publique que nous étions des "Satan", des malfaisants.

19 Vous lisez aujourd'hui que le 6 avril 1992, l'Union européenne a reconnu

20 la Bosnie-Herzégovine. Ceci a été fait sous l'influence de Dietrich

21 Genscher, ministre des Affaires étrangères allemand. Pourquoi? Parce que

22 le 6 avril, c'est l'anniversaire du jour où Hitler a envahi la ville de

23 Belgrade en 1941. C'était simplement l'expression d'un désir de renouveler

24 l'expérience vécue pendant la Deuxième Guerre mondiale.

25 Certains responsables politiques sont restés aussi malfaisants et ont

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1 continué à exprimer le mal contre lequel nous nous sommes battus à

2 l'époque. Je n'attribuerai pas ceci à l'ensemble du peuple allemand, mais

3 certains responsables politiques l'ont fait et ont réussi à se venger

4 parce qu'ils ont réussi à contrer l'action de nos alliés américains,

5 britanniques, français avec lesquels nous nous sommes battus pendant la

6 Deuxième Guerre mondiale pour lutter contre ce mal précisément.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez eu un

8 certain temps de parole et, en ce moment, vous êtes en train de vous

9 écarter un peu de la question sur laquelle nous sommes appelés à nous

10 prononcer aujourd'hui, à savoir si oui ou non les trois instances doivent

11 être jointes.

12 Avez-vous encore quelque chose à ajouter?

13 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai déjà donné ma position par

14 rapport à ce Tribunal, même si M. le Juge Robinson déclare que mon opinion

15 sur ce sujet n'a aucune conséquence dans l'esprit des Juges.

16 Donc ce que vous ferez, c'est à vous d'en décider, mais je vous dirai

17 simplement qu'aucun des arguments qui ont été avancés ici pour justifier,

18 pour inciter à une quelconque jonction d'instances, aucun de ces arguments

19 n'est défendable et ne peut être accepté. Les arguments qui ont été

20 avancés ici sont tout aussi faux que les Actes d'accusation.

21 Quant à vous, vous ferez ce que vous souhaitez. C'est à vous qu'appartient

22 la décision.

23 Je pense que des arguments, en fait, existent pour contredire les idées

24 défendues par le Procureur. Parce que tout ce que le Procureur déclare et

25 tout ce qu'il a des chances de déclarer par la suite, ne servira qu'à

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1 démontrer à quel point ce château de cartes est un château construit sur

2 des pieds en verre et ne correspondent pas à la réalité des faits et

3 surtout pas à la réalité de faits susceptibles d'avoir un poids

4 quelconque.

5 Quant au fait que le vocabulaire utilisé par la Procureur et la structure

6 des documents du Procureur correspondent tout à fait à ce qui a été dit

7 pendant à peu près dix ans dans divers pamphlets en diverses langues, ceci

8 ne prouve qu'une chose: c'est que ces documents émanent de la même

9 cuisine.

10 Donc, personnellement et indépendamment du Statut du Tribunal que je

11 conteste, comme vous le savez, je suis favorable au rejet de toutes ces

12 idées.

13 Le Procureur souhaite placer Kosovo sur un plan différent, simplement

14 parce que Kosovo pose la question de la coopération avec les terroristes,

15 ce qui ne va pas à l'avantage du Procureur. Le Procureur falsifie des

16 réalités historiques pour défendre l'intérêt de la politique actuelle et

17 ceci ne devrait pas être l'action dans laquelle un Tribunal comme celui-ci

18 accepte de s'engager.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, très brièvement, je vous

20 prie.

21 M. Nice (interprétation): Il y a tout de même quelques points importants

22 auxquels je souhaiterais répondre.

23 Les arguments de M. Kay au sujet de la structuration correspondant au

24 Règlement vont dans un certain sens à l'appui d'une jonction d'instance.

25 Mais je dirai que, lors de la confirmation de chacun des Actes

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1 d'accusation, le Juge de confirmation a très certainement pris en compte

2 les éléments constitutifs de cette opération commune. Lorsqu'on est en

3 présence de très nombreux crimes qui sont distingués en trois paquets

4 différents, bien entendu, le nombre est important, mais cela n'empêche pas

5 que ces crimes relèvent bien d'une seule et même opération.

6 Je suis d'accord avec l'intervention du Juge Robinson qui a parlé de

7 l'importance de la pratique. Sur ce point, je me contenterai de vous

8 rappeler ce que l'on peut lire dans notre requête écrite, s'agissant de la

9 pratique de ce Tribunal, lorsque des responsables politiques sont jugés.

10 Les documents sont effectivement ce qu'il convient de prendre en compte,

11 les éléments matériels viennent à l'appui de l'argumentation orale. C'est

12 la raison pour laquelle j'aimerais appeler votre attention sur trois

13 passages des Actes d'accusation qui sont mentionnés dans notre requête.

14 Je ne sais pas si vous avez le texte sous les yeux. Je pense que c'est

15 important; j'aimerais donc en donner lecture.

16 Page 9 d'abord, paragraphe 23, où il est question des problèmes qui sont

17 survenus au Kosovo dans les années 90. Voilà le passage en question -je

18 cite-: "Au début des années 90, la possibilité que la situation dégénère

19 en conflit armé est devenue très réelle. L'accusé avait déjà démontré en

20 Croatie et en Bosnie-Herzégovine jusqu'où il était prêt à aller pour

21 réaliser son objectif de la Grande Serbie. La situation très grave au

22 Kosovo a amené les Nations Unies, etc." (Fin de citation.)

23 Ensuite, nous disons que l'accusé a simplement été amené à retarder le

24 crime commis en 1999.

25 Dans ce même document, mémoire préalable au procès, page 48, paragraphe

Page 223

1 113, il est question des événements de 1998 et 1999. Et là encore, nous

2 faisons remarquer que les activités en question correspondaient à l'action

3 criminelle de l'accusé en Croatie et en Bosnie au début des années 90.

4 Donc cette question, nous l'avons bien eue à l'esprit et nous en avons

5 tenu compte dans l'ensemble de nos écritures.

6 Mon collègue, M. Ryneveld, me dit -contrairement à ce que l'accusé vient

7 de dire- qu'il a annoncé son intention de demander une jonction

8 d'instances au mois d'août de cette année, donc avant le 11 septembre.

9 Et puis, à l'écoute des amici, il y a un point que j'aimerais reprendre.

10 Les amici ont parlé de trois ans et demi de procès -j'ai parlé pour ma

11 part de la nécessité de tenir compte de l'économie judiciaire

12 indispensable-, trois ans et demi pour des procès séparés.

13 Pour les raisons que nous avons déjà avancées, nous vous invitons à

14 considérer que l'économie judiciaire et l'économie d'échelle judiciaire

15 due au fait qu'une seule Chambre entendrait ce procès donnerait une plus

16 grande facilité de prise de décision et serait beaucoup plus efficace,

17 entraînerait des économies très considérables par rapport à l'existence de

18 trois procès.

19 Maître Tapuskovic, à présent, j'aimerais revenir sur un certain nombre de

20 points qu'il a évoqués. Il a contesté l'idée de la Grande Serbie. Je

21 reviendrai sur ce que j'ai déjà dit: ces termes sont utilisés de façon

22 générale dans le grand public, mais nous les utilisons avec la plus grande

23 précaution. Dans la nouvelle Yougoslavie, c'est une expression qui est

24 utilisée pour rendre compte d'un Etat dominé par les Serbes. Il est

25 intéressant de constater que l'accusé, dans ce qu'il vient de dire, a

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1 montré très clairement que, s'agissant de lui, le Kosovo reviendra sous

2 contrôle serbe. C'est une idée constante et on y retrouve le même principe

3 que celui que j'évoquais tout à l'heure.

4 Vous avez un certain nombre de documents sous les yeux. Vous pouvez voir

5 ce qui est écrit au sujet de la réduction de l'autonomie d'un Etat,

6 puisque le droit à l'autonomie et à l'existence en tant que telles a été

7 nié à cette région. Donc les choses sont claires.

8 Il y a d'autres éléments sur lesquels j'aimerais revenir en quelques mots.

9 La Grande Serbie ne consiste pas à élargir un territoire existant, mais à

10 incorporer, à englober certaines parties d'autres territoires.

11 Et puis, s'agissant de l'accusé, je ne reviendrai pas sur les éléments

12 politiques évoqués par lui parce que je ne pense pas que vous souhaiteriez

13 me voir agir de la sorte.

14 Les prétentions territoriales: cet élément est couvert dans le document

15 écrit. Il appartiendra aux Juges de la Chambre de rendre une décision sur

16 ce point en temps utile.

17 Quant à la proposition selon laquelle ce qui s'est passé ici, s'agissant

18 des Actes d'accusation relatifs à la Croatie et à la Bosnie, tout ceci n'a

19 été fait qu'en raison de ce qui est survenu en Croatie. Bien entendu, tout

20 cela est contraire à la vérité. Ces affaires font l'objet d'enquêtes qui

21 ont commencé bien avant.

22 Mais les Juges de la Chambre remarqueront peut-être un point sur lequel je

23 me suis déjà concentré ce matin. Quel que soit le procès dont il est

24 question, l'accusé va défendre un thème unique, l'existence d'un thème

25 unique, ce qui bien sûr n'est pas suffisant pour prouver l'existence d'une

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1 opération unique.

2 Bien entendu, si nous devions procéder au procès Kosovo d'abord et que

3 l'accusé conserve son attitude, il faudrait passer en revue l'ensemble des

4 événements concernés, comme je l'ai déjà dit. Et avant de remonter aux

5 événements les plus anciens, les Juges devront se pencher sur des

6 événements ultérieurs, ce qui créerait une très grande confusion. Je pense

7 que c'est un argument important.

8 Bien sûr, le désir existe de traiter de l'ensemble des événements dans un

9 seul procès; c'est compréhensible, mais l'argument que je viens d'évoquer

10 ne fait que renforcer le caractère souhaitable de ce procès unique. Nous

11 avons dit, du côté du Procureur, que l'un des avantages qui en découlerait

12 serait que l'accusé qui cherche à démontrer que tout ce que nous faisons

13 est en rapport avec Kosovo aurait peut-être un peu plus de mal à défendre

14 cette position, et ce, en raison des éléments de preuve qui seraient

15 présentés dans le cadre d'un procès unique.

16 Donc avec tout le respect que nous devons au Tribunal, nous disons que les

17 Juges de cette Chambre pourront être amenés à penser qu'un procès unique

18 sera beaucoup plus, beaucoup plus -je le répète- pratique sur le plan

19 concret.

20 Quant à ce que l'accusé a dit, je pense que cela ne correspond pas à la

21 réalité. Par contre, ce qui correspond à la réalité, c'est ce que nous

22 disons. Et la façon dont nous présentons les choses est tout à fait

23 différente de la façon dont l'accusé les a présentées aujourd'hui, mais

24 nous disons qu'il existe bel et bien une opération unique relevant d'un

25 plan, un plan personnel destiné à maintenir le pouvoir sur une Yougoslavie

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1 correspondant à un format particulier également.

2 M. le Président (interprétation): Merci.

3 Nous suspendons pendant une demi-heure pour délibération des Juges.

4 (L'audience, suspendue à 15 heures 41, est reprise à 16 heures 25.)

5 (Décision de la Chambre relative à la requête du Procureur.)

6 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance a

7 examiné la question et nous rendons notre décision en cet instant. Bien

8 sûr, cette décision sera mise par écrit en temps utile.

9 La requête de l'accusation est acceptée dans les conditions suivantes. Les

10 Actes d'accusation relatifs à la Bosnie et à la Croatie seront joints,

11 mais l'Acte d'accusation relatif au Kosovo ne sera pas joint aux deux

12 autres. Il donnera lieu à un procès distinct qui sera le premier procès.

13 Ce procès débutera le 12 février 2002. La conférence préalable au procès

14 se déroulera dans les délais prévus, c'est-à-dire à la date du 9 janvier

15 et, comme je viens de le dire, les raisons sur lesquelles les Juges se

16 sont appuyés seront communiquées par écrit en temps utile.

17 Il reste un peu de temps. Y a-t-il d'autres questions que les parties

18 aimeraient évoquer en rapport avec les débats de cette audience?

19 Nous souhaitons toutefois que cela soit fait éventuellement le plus

20 rapidement possible, compte tenu des contraintes horaires.

21 Nous commencerons par l'accusation.

22 M. Nice (interprétation): Notre préoccupation immédiate est en rapport

23 avec le devoir de communication stipulé à l'Article 68 du Règlement.

24 Monsieur le Président, vous êtes jusqu'à présent le Juge de la mise en

25 état pour les Actes d'accusation du Kosovo et de la Croatie. Il nous faut

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1 encore savoir qui sera nommé en tant que Juge de la mise en état pour

2 l'Acte d'accusation relative à la Bosnie, mais je suppose que, étant déjà

3 saisi de la Croatie et du Kosovo, c'est vous qui serez nommé à ce poste.

4 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est probable.

5 M. Nice (interprétation): La Chambre n'a pas annoncé quelle serait la

6 Chambre qui jugerait les autres affaires.

7 M. le Président (interprétation): Ce sera la même Chambre.

8 M. Nice (interprétation): Merci.

9 Je pense qu'il serait utile que nous puissions avoir une audience au titre

10 de l'Article 65ter avant la conférence préalable au procès afin de traiter

11 de l'application de l'Article 68 pour les trois actes d'accusation.

12 Comme je l'ai déjà dit, avant la date de cette réunion, j'aurai préparé

13 une analyse détaillée de la situation où nous nous trouvons s'agissant de

14 la communication en application de l'Article 68 et de la pratique du

15 Tribunal à cet égard. Je ferai cela pour que la Chambre puisse savoir

16 exactement ce que nous sommes en train de faire, où nous en sommes, et

17 aussi pour pouvoir bénéficier de l'appui qui peut nous être fourni par la

18 Chambre mais également par les amici à cet égard, de façon à ce que la

19 communication des pièces prévues à l'Article 68 puisse se faire dans les

20 délais prévus, en application des différents critères qui interviennent.

21 Bien sûr, une audience au titre de l'Article 65ter doit normalement

22 impliquer la présence des parties, si je ne m'abuse, mais au nombre des

23 parties, on ne pense pas normalement aux amici. Cela dit, le conseil de la

24 défense de l'accusé est normalement présent. Et puisque l'accusé n'a pas

25 de conseil de la défense, il semble en découler que c'est l'accusé qui

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1 devrait être présent. Nous n'avons aucune objection à la présence des

2 amici, bien sûr, sous réserve des observations que pourrait faire

3 l'accusé.

4 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il y a peut-être un petit

5 problème de calendrier, parce que les vacances judiciaires commencent la

6 semaine prochaine, n'est-ce pas?

7 M. Nice (interprétation): Serait-il possible d'organiser une telle

8 audience, sinon avant, en tout cas le même jour que la conférence

9 préalable au procès pour l'Affaire Kosovo?

10 M. le Président (interprétation): Pourquoi est-ce qu'il faudrait que ce

11 soit une audience distincte de la conférence préalable au procès?

12 M. Nice (interprétation): Oui, effectivement. Comme il s'agit du même

13 procès, il n'y a pas de raison de les organiser de façons distinctes.

14 M. le Président (interprétation): Cela pourrait être une solution.

15 M. Nice (interprétation): Je rédigerai le rapport au sujet de ce que nous

16 faisons en ce moment, qui sera signifié à l'accusé, enfin aux amici en

17 tout cas, le plus rapidement possible.

18 M. le Président (interprétation): Très bien, ce sera utile.

19 M. Nice (interprétation): Je ne pense en ce moment à aucune autre question

20 que j'aimerais évoquer.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 M. Kay (interprétation): Pas d'autre question, Monsieur le Président. La

23 date du début du procès sur le Kosovo étant le 12 février, c'est très

24 utile pour nous de la connaître car nous savons maintenant en direction de

25 quelle cible nous travaillons.

Page 229

1 M. le Président (interprétation): Il est possible que quelques problèmes

2 se posent en rapport avec la communication des pièces, mais vous-mêmes

3 pourriez sans doute travailler avec l'accusation conjointement sur cette

4 question.

5 M. Kay (interprétation): Oui. Nous avons préparé un plan dans lequel sont

6 indiqués les documents à l'appui de l'Acte d'accusation qui ont déjà été

7 signifiés à l'accusé et nous y mentionnons également l'identité de ceux

8 pour lesquels nous avons un résumé de leur déposition. Nous indiquons

9 également quelles sont les déclarations préalables de témoins pour

10 lesquels nous n'avons pas de tels résumés fournis par l'accusation et nous

11 disons aussi quelles sont les déclarations préalables, jointes aux

12 documents à l'appui de l'Acte d'accusation, qui nous manquent encore.

13 Nous disons cela, bien sûr, sous réserve de déclarations préalables qui

14 pourraient nous être communiquées ou peut-être de témoins qui ont été

15 annulés.

16 Nous ne savons pas cela, mais en tout cas nous pensons que notre document

17 pourrait être utile à la Chambre pour que chacun soit au courant des mêmes

18 choses et que chacun sache exactement quels seront les témoins qui seront

19 entendus. De façon à éviter que nous travaillions sur des déclarations

20 préalables de témoins qui ne seront pas entendus au cours du procès.

21 Je ne sais pas si les Juges sont informés du problème actuel en rapport

22 avec les documents, mais en tout cas ce document a été communiqué à

23 l'accusation aujourd'hui; il s'agit du document dont M. Nice a parlé ce

24 matin et j'ai cru comprendre que les membres du Bureau du Procureur

25 étaient en train d'examiner ce document en ce moment.

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1 M. le Président (interprétation): Apparemment, cette question sera

2 résolue. En tout cas, d'ici à la fin janvier.

3 M. Nice (interprétation): Oui, avant la fin de janvier, sans doute. Le

4 seul problème, c'est la traduction des documents.

5 Donc ce plan est très utile pour nous; nous allons l'examiner, vérifier

6 que nous n'avons rien oublié et que nous avons bien fait tout ce qu'il

7 nous appartenait de faire.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Wladimiroff?

9 M. Wladimiroff (interprétation): J'indique que les amici, bien sûr, sont

10 prêts à travailler avec le Procureur pour déterminer quels sont les

11 éléments de preuve qui manquent encore.

12 M. le Président (interprétation): Merci.

13 Monsieur Milosevic, il y a un point dont nous aimerions parler avec vous

14 et ce point est le suivant: vous n'avez pas nommé un conseil pour vous

15 représenter.

16 Comme vous le savez, vous êtes en droit de vous défendre vous-même, si tel

17 est votre désir. Mais peut-être souhaiteriez-vous revenir sur votre

18 décision, compte tenu de la complexité et de la gravité des charges qui

19 pèsent contre vous. En tout état de cause, la décision vous appartient.

20 Mais entre-temps, nous aimerions bien qu'une chose soit tout à fait

21 claire. Dans la préparation de votre défense, nous vous demandons si vous

22 souhaitez bénéficier d'un conseil juridique et, si tel était le cas, qui

23 devrait vous procurer ce conseil juridique. J'ai d'ailleurs employé le

24 terme de "conseil juridique", mais il peut s'agir d'une autre forme d'aide

25 juridique.

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1 Acceptez-vous de répondre à cette question: souhaitez-vous bénéficier d'un

2 conseil juridique et, si oui, qui aimeriez-vous voir remplir ce rôle?

3 M. Milosevic (interprétation): Entre-temps, j'ai reçu une information que,

4 sans que je le demande, vous avez nommé un certain nombre de conseils,

5 alors que je n'ai jamais demandé cela! Puisque vous avez interprété mon

6 accord de recevoir un certain nombre de visites, en tant que demande de

7 nommer des conseils juridiques. A cela, j'ai répondu au Greffe que je ne

8 considère pas que toutes les personnes qui ont terminé la faculté de droit

9 et qui me rendent visite doivent bénéficier du statut de conseil

10 juridique. Je pense qu'il ne faudrait plus limiter les visites qu'un

11 certain nombre de personnes souhaitent me rendre, conformément à votre

12 Règlement et conformément au critère de non-discrimination, compte tenu du

13 fait que d'autres personnes qui se trouvent en détention ont ce droit.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous ne souhaitez

15 pas que Me Clark et Me Livingston vous conseillent, de la part de qui

16 accepteriez-vous conseil?

17 M. Milosevic (interprétation): Non, je demande que personne soit nommé.

18 J'ai tout simplement demandé que les personnes qui souhaitent me rendre

19 visite puissent le faire. C'est tout.

20 Deuxièmement, j'ai entendu dire ici que, dans ma cellule, vous avez une

21 caméra infrarouge. La direction de la prison m'a informé du fait que,

22 maintenant, je n'ai plus de lumière, cette lumière-là puisque leur caméra

23 a été débranchée. Mais si j'ai bien compris les propos de la personne

24 chargée des contacts avec les médias, la sienne n'a pas été débranchée et

25 je demande que celle-là soit débranchée aussi.

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1 M. le Président (interprétation): Nous allons examiner cela.

2 Monsieur Milosevic, est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose?

3 Très bien.

4 L'audience est levée jusqu'au 9 janvier.

5 (L'audience est levée à 16 heures 30.)

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