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1 (Mercredi 6 mars 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Qamil Shabani, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.
6 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Qamil Shabani, par l'accusé, M.
7 Milosevic.)
8 M. Milosevic (interprétation): D'après les données dont je dispose, le
9 village de Zegra a été bien développé, toutes les rues asphaltées; il y
10 avait une usine d'accumulateurs et il y avait donc ce combinat Mlados dans
11 lequel furent embauchés tous les jeunes Serbes et Albanais. Est-ce que
12 c'est exact?
13 M. le Président (interprétation): Est-ce bien exact?
14 M. Shabani (interprétation): C'est vrai en partie.
15 M. Milosevic (interprétation): Zegra n'a jamais été bombardée, non plus
16 que pilonnée, ni par l'armée ni par la police. Est-ce exact?
17 M. Shabani (interprétation): Ce n'est pas exact, parce que la police et
18 l'armée, la police et l'armée serbes ont incendié le village de Zegra.
19 Mais ce que l'accusé dit n'est pas vrai.
20 Question: Plus tard, est-ce que c'est d'abord l'OTAN et puis après l'UCK
21 qui ont bombardé le village serbe Donja Budrika, qui se trouve à 6
22 kilomètres de Zegra en direction de Gnjilane. Est-ce exact?
23 Réponse: En ce qui concerne le village de Budrika, il n'y avait pas de
24 forces de l'UCK à cet endroit. Le village est habité uniquement par des
25 Serbes et les bombardements de l'OTAN ont eu lieu là où étaient déployées
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1 les forces serbes.
2 Question: Donc cela est exact?
3 Réponse: J'ai dit que ce n'était pas vrai, en partie. Parce qu'il n'y a
4 pas eu de bombardement par l'UCK du village de Budrika.
5 Question: Bien. Au centre médical de Gnjilane, il y avait 370 Albanais qui
6 étaient embauchés. Est-ce exact?
7 Réponse: Au centre médical de l'hôpital de Gnjilane, avant le bombardement
8 de l'OTAN, il y avait également des médecins albanais. Mais après le
9 commencement du bombardement de l'OTAN, le personnel albanais a quitté
10 l'hôpital sur les ordres des dirigeants serbes de l'hôpital.
11 Question: Est-ce qu'il est exact qu'il y avait 370 Albanais qui ont été
12 employés au centre médical de Gnjilane?
13 Réponse: Ça, c'était la situation avant la guerre oui. Oui, effectivement.
14 Question: Et c'est sur l'ordre émis par l'UCK que ces gens-là ont quitté
15 le centre médical?
16 Réponse: Non, non, ce n'est pas vrai.
17 Question: Répondez par oui ou par non.
18 Réponse: Je vous dis non.
19 Question: Bien. D'autre part, l'école secondaire technique de Gnjilane a
20 été fréquentée par 450 Albanais. Est-ce exact?
21 Réponse: De quelle école parlez-vous: l'école technique? En général, il y
22 avait de la ségrégation au sein des écoles.
23 Question: … très précis pour dire l'école secondaire technique?
24 Réponse: S'agissant de cette école, de l'école technique, il n'y avait pas
25 d'Albanais parce qu'il y avait une ségrégation dans les écoles. Les Serbes
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1 étudiaient de manière séparée par rapport aux Albanais depuis 1990,
2 lorsque le Kosovo a été privé de son autonomie.
3 Question: En quoi y a-t-il eu des différences, pour parler de l'éducation
4 à l'intention des Serbes ou à l'intention des Albanais, pour parler
5 d'abord de leur langue?
6 Réponse: Il y avait des programmes scolaires qui n'étaient pas acceptés
7 par les Albanais, qui venaient de la Fédération serbo-slave, mais nous,
8 nous avions nos programmes nationaux. Il y avait des différences donc pour
9 l'histoire, la langue, la musique, mais aussi pour les sciences exactes,
10 mais qui sont en fait de nature un peu différente.
11 Question: Et où y a-t-il eu des différences pour parler de l'enseignement
12 des sciences naturelles?
13 Réponse: La différence pourrait être expliquée par les personnes
14 compétentes qui ont mis au point ces programmes, mais moi je ne sais pas
15 la différence entre les programmes serbes et les programmes albanais. Mais
16 nous, on travaillait sur la base du programme albanais.
17 Question: Pour les enfants albanais, l'enseignement était organisé en
18 albanais et pour les enfants serbes, évidemment l'enseignement était
19 organisé en Serbe, est-ce exact?
20 Réponse: Oui, c'est exact. Mais les programmes scolaires étaient
21 différents. Les cours destinés aux étudiants albanais se déroulaient dans
22 des maisons qui étaient transformées en écoles, alors que les Serbes, eux,
23 étudiaient dans les locaux des écoles. Et ceci était valable du niveau de
24 l'école élémentaire jusqu'à l'université.
25 Question: Dites-moi, je vous ai demandé si l'enseignement à l'intention
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1 des Albanais se faisait en Albanais, et à l'intention des Serbes se
2 faisait en Serbe? Répondez oui ou non.
3 Réponse: Je vous ai dit que c'était le cas effectivement mais j'ai
4 également expliqué qu'il y avait une ségrégation dans le cadre de
5 l'enseignement, et que l'enseignement se déroulait avec des programmes
6 différents.
7 M. Milosevic (interprétation): L'enseignement n'a été différent que pour
8 parler de la langue dans laquelle l'enseignement a été fait; voilà la
9 différence. Oui ou non?
10 M. le Président (interprétation): Le témoin a parlé à deux reprises de
11 cela; il a dit que l'enseignement était prodigué dans des langues
12 différentes. Je pense que nous pouvons maintenant passer à autre chose,
13 Monsieur Milosevic.
14 M. Milosevic (interprétation): Bon. Vous ne m'avez pas répondu à la
15 question s'il était exact que 405 Albanais ont pu fréquenter l'école
16 secondaire technique, oui ou non?
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Shabani, si vous ne le savez
18 pas, dites-le-nous tout simplement.
19 M. Shabani (interprétation): S'agissant de ce point précis ou de ce lycée,
20 je ne sais pas. Et le lycée dont nous parle l'accusé n'existait pas, c'est
21 peut-être quelque chose qui sort de l'imagination de l'accusé.
22 M. Milosevic (interprétation): L'école de commerce a été fréquentée par
23 952 élèves albanais. Et il s'agit de l'année 1999 et non pas de l'année
24 1990. Est-ce exact ou pas?
25 Réponse: L'école de commerce… J'ai dit précédemment que tous les
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1 établissements d'enseignement, y compris l'école de commerce, faisaient
2 l'objet d'une ségrégation, et que les Albanais suivaient un enseignement
3 qui reposait sur des programmes mis au point spécialement pour les
4 Albanais, qui étaient différents de ceux qui étaient en vigueur dans le
5 système d'enseignement serbe.
6 Question: Etant donné que vous-même vous êtes enseignant, vous savez très
7 bien que l'enseignant, une fois qu'il entre dans sa classe, il enseigne ce
8 qu'il veut enseigner. Je ne vous parle pas de programme mais dites-moi:
9 est-ce que cette école de commerce en 1999 a été fréquentée par 952 élèves
10 albanais, oui ou non?
11 Réponse: J'ai déjà parlé de cela, je n'ai rien à ajouter à ce sujet.
12 Question: Vous nous avez parlé de ce lycée technique mais vous n'avez
13 toujours pas parlé de l'école de commerce?
14 Réponse: J'ai parlé du lycée technique et j'ai dit que le lycée technique,
15 l'école de commerce, tous les établissements d'enseignement dans la région
16 de Gnjilane faisait l'objet d'une ségrégation car le système fonctionnait
17 de manière différente de ce qui…, du système d'enseignement serbe. Et le
18 système fonctionnait sur la base de programmes qui avaient été conçus et
19 mis au point par les institutions de la République du Kosovo.
20 M. Milosevic (interprétation): Il ne s'agit pas évidemment de dire ou de
21 discuter si les Serbes devaient suivre un enseignement en serbe, les
22 Albanais devaient suivre un enseignement en albanais. Mais il faut tout
23 simplement savoir si les Albanais se rendaient à l'école. Répondez à cette
24 question!
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il a répondu, il a
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1 dit que c'était le cas. Passons à un autre sujet, s'il vous plaît.
2 M. Milosevic (interprétation): D'accord. A Zegra même, il y avait 758
3 élèves albanais, 79 élèves serbes. Est-ce que c'est exact?
4 M. Shabani (interprétation): Je n'ai pas bien compris la question.
5 Question: A Zegra même, dans votre village à vous, 758 élèves et 79 élèves
6 serbes, est-ce exact?
7 (Les premiers étant albanais, selon l'interprète.)
8 Réponse: Ce n'est pas vrai.
9 Question: Et combien d'élève albanais y a-t-il eu à l'école de Zegra?
10 Réponse: Le nombre d'élèves dans les écoles de Zheger était d'environ 900.
11 Pour ce qui est des Serbes, des élèves serbes, ils étaient en nombre
12 réduit, de 20 à 30, parce que la population serbe du village était très
13 limitée, il y avait peu d'enfants et le nombre d'élèves serbes à l'école
14 élémentaire -de la première à la quatrième classe de l'école élémentaire-
15 était un nombre très réduit, et ils participaient à des classes mixtes.
16 M. Milosevic (interprétation): Et pour parler de 758 élèves albanais et 79
17 élèves serbes, ça fait à peu près le chiffre rond de 900 dont vous venez
18 de parler?
19 M. le Président (interprétation): Il a répondu.
20 M. Milosevic (interprétation): Donc, ils ont fréquenté l'école en
21 question, mais pas des écoles privées?
22 M. Shabani (interprétation): A l'école élémentaire de Zheger,
23 l'enseignement avait lieu dans les locaux de l'école, mais l'enseignement
24 obéissait à des programmes qui avaient été mis en place par la République
25 du Kosovo. Il s'agissait de programmes nationaux, il ne s'agissait pas de
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1 programmes conçus par le ministère de l'Education en Serbie.
2 Question: Je ne vous demande pas pour les programmes. Tout simplement, je
3 vous demande si ces gens-là ont fréquenté une école publique, de l'Etat,
4 non pas des maisons privées?
5 Réponse: J'ai dit qu'une école d'Etat, c'est une école qui bénéficie de la
6 protection de l'Etat et quand elle est utilisée pour des élèves albanais,
7 mais les programmes étaient très différents; ils étaient différents des
8 programmes d'Etat, et ce n'est pas la même chose.
9 M. Milosevic (interprétation): Bon. Donc ils ont fréquenté l'école
10 publique, oui ou non?
11 M. Shabani (interprétation): Non.
12 M. le Président (interprétation): Il a donné sa réponse ainsi qu'un
13 certain nombre de réserves accompagnant cette réponse.
14 M. Milosevic (interprétation): Bien.
15 Est-ce que vous vous rappelez Blerim Hyseni, qui est votre concitoyen, à
16 qui la police a retiré, en saisissant, deux pistolets?
17 M. Shabani (interprétation): Je ne m'en souviens pas. Je m'en souviens
18 pas, je ne sais même pas si cela a eu lieu. Je ne m'en souviens pas.
19 Question: Est-ce que vous vous rappelez Jahi Bislimi, qui a été employé à
20 la mairie de Gnjilane, à qui on avait saisi un fusil?
21 Réponse: Je ne comprends pas de qui nous parlons: Jamir? Jahir? Ça, ça
22 n'existe pas en albanais.
23 Question: Il ne s'agit pas de Jahir, mais de Jahi Bislimi. Il a été un des
24 employés de la mairie de Gnjilane. On lui avait saisi un fusil.
25 Réponse: Je ne connais personne qui porte ce prénom et ce nom de famille
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1 au village.
2 Question: Est-ce que vous vous rappelez Esad Bidaku, à qui on a également
3 saisi un fusil automatique? Lui aussi, il était de votre village.
4 Réponse: Ce nom de Esad Bedaku, personne ne le porte dans mon village.
5 Question: Et Mehdi Muslim, est-ce que ce nom existe dans votre village?
6 Est-ce que cette personne existait dans votre village?
7 Réponse: Mehdi Muslim? Il n'existe pas de personne portant ce nom, je ne
8 sais pas.
9 Question: Bien. Puisque vous ne connaissez aucun de ces noms-là de ces
10 paysans-là, votre frère, est-ce qu'il s'appelle Shaban Shabani? Avez-vous
11 eu un frère qui s'appelait Shaban Shabani?
12 Réponse: Oui c'est exact. Il est décédé en 1993.
13 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que c'est exact que votre frère
14 aîné, Shaban Shabani, avant les bombardements, en tant que membre de
15 l'armée de l'UCK, était parti pour l'Albanie et qu'il s'est fait tuer près
16 de la frontière albanaise, lorsqu'il était de retour avec un groupe de
17 combattants auquel il appartenait, au cours du mois d'avril?
18 M. Shabani (interprétation): Ce n'est pas vrai. S'agissant de cet
19 événement, je souhaite donner mon explication à la Chambre et dire quelle
20 est la réalité.
21 Messieurs les Juges, mon frère Shaban Shabani était à la retraite. Il a
22 pris sa retraite pour invalidité parce qu'il souffrait du coeur. Mais au
23 moment du changement démocratique en Albanie, il s'y est rendu afin de se
24 remettre de sa maladie. Et une fois qu'il est allé en Albanie, il a
25 succombé à une crise cardiaque à Durrës. Avec mon frère Rafik Shabani et
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1 avec Ibrahim Shabani, nous sommes allés chercher la dépouille de mon frère
2 en Albanie et nous n'avions pas obtenu la permission du ministère de
3 l'Intérieur serbe. C'est pourquoi on a traversé la frontière.
4 Et je veux vous dire que ce que l'accusé a dit n'est pas vrai.
5 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous répéter, s'il vous
6 plaît, quand votre frère est décédé?
7 M. Shabani (interprétation): En 1993.
8 M. Milosevic (interprétation): Bien.
9 Au moment du début du déclenchement de la guerre, à savoir le 24 mars,
10 vous avez été chef responsable de l'éducation à Zegra et cela au niveau
11 secondaire?
12 M. Shabani (interprétation): Non, Je n'étais pas le principal du lycée de
13 Zheger.
14 Question: Je n'ai pas parlé de lycée, moi, mais j'ai parlé plutôt de
15 l'enseignement au niveau secondaire organisé par vous. C'est vous qui avez
16 notamment nommé les gens en vue enfin de l'enseignement dispensé?
17 Réponse: Non, je n'étais pas la personne chargée de nommer les
18 enseignants. Ce n'est pas vrai non plus.
19 Question: Etant donné que vous venez de dire qu'il n'était pas tout à fait
20 exact de dire que votre frère a été tué, qu'il s'est fait tuer lors du
21 passage de la frontière; est-ce que vous avez connu Adami, officier de la
22 JNA, qui s'est fait tuer lors du passage de la frontière, près de Kosovë
23 et qui… quelques jours plus tard, il a été enterré à Zegra? Je parle de
24 cela parce que ceci a été dit également dans le milieu des Nations Unies
25 et que Hashim Thaçi, lui, a été présent à son enterrement, étant donné que
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1 celui-ci était l'un de ces terroristes. Est-ce exact ou pas?
2 Réponse: Sachant de Agim Ramadani, il est vrai qu'il a participé à la
3 bataille de Kosharë; c'était un des commandants d'une des unités à cet
4 endroit. Il a été tué le 11 avril 1993, à Kosharë.
5 Pour ce qui est d'Hashim Thaçi et de sa présence à Gnjilane, à l'occasion
6 de cette manifestation solennelle, eh bien, c'est faux, il n'était pas là.
7 Question: Avez-vous pris la parole à cette commémoration de Agim Ramadani?
8 Réponse: Non, je n'ai pas fait de discours mais il y en a d'autres qui
9 sont intervenus.
10 Question: Bon. Moi, je vous le demande -répondez par oui ou par non pour
11 faire économie de temps, s'il vous plaît-: avant l'agression perpétrée par
12 l'OTAN, au cours de la seconde moitié de 1998 et en 1999, c'est vous qui
13 avez dressé les listes de tous les jeunes qui ont atteint l'âge majeur
14 pour pouvoir les inclure dans l'UCK, oui ou non?
15 Réponse: Non, on n'a rien fait de tel.
16 Question: Savez-vous quelque chose sur la mobilisation lancée par l'UCK en
17 1999?
18 Réponse: Pour ce qui est de cette mobilisation, j'en ai entendu parler à
19 la télévision et à la radio, mais rien de plus.
20 M. Milosevic (interprétation): Et avez-vous eu connaissance du fait qu'à
21 Zegra et dans le village de Llashticë, non loin de chez vous, la police a
22 saisi 150 pièces de fusils, d'armes automatiques, 80 pièces d'armes de
23 poing, pistolets "Heckler", 7 fusils à lunettes, et qu'ils ont pu repérer
24 9 postes de tireurs embusqués dans les environs et dans les parages de
25 Zegra. Avez-vous eu connaissance de tout cela?
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1 M. Shabani (interprétation): Cela n'est pas vrai. Avant la guerre, à
2 partir de 1990, la police a toujours pris des mesures de représailles
3 contre notre village et n'a cessé d'accuser les habitants du village de
4 posséder des armes. Des gens qui ont été soumis à des mauvais traitements
5 et Mehmet Hajrullah et Salih Isufetahu sont deux exemples de personnes qui
6 sont mortes. Mehmet après sa libération est décédé chez lui, et Salih
7 Isufetahu, quant à lui, est mort au bout d'un mois, un mois après sa
8 libération, après avoir été torturé par la police serbe et il y a d'autres
9 personnes.
10 M. le Président (interprétation): Inutile d'entrer dans les détails à ce
11 stade.
12 Monsieur Shabani, si vous répondu succinctement aux questions qui vous
13 sont posées, nous pourrons avancer plus vite. L'accusation aura
14 l'occasion, à la fin, de vous poser des questions s'il est nécessaire de
15 préciser un certain nombre de points.
16 Oui, Monsieur Milosevic.
17 M. Milosevic (interprétation): Donc répondez-moi par oui ou par non à la
18 question suivante. Avez-vous eu connaissance du fait que ces armes ont été
19 saisies: 150 fusils automatiques et 80 armes de point, 7 fusils à lunettes
20 etc. etc. ce dont j'ai fait l'énumération? Est-ce que vous avez
21 connaissance de cela, oui ou non?
22 M. le Président (interprétation): Il a dit que ce n'était pas vrai. Il a
23 dit que ce n'était pas vrai.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce exact qu'à la suite de début
25 juin, lorsque les Français se sont retirés de la région qui était la vôtre
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1 et que les Américains sont venus s'y positionner, 150 terroristes de l'UCK
2 de Macédoine y sont venus également via le village Stancici à la frontière
3 albanaise et le même Buci(?) a passé en revue, enfin les membres de l'UCK
4 et que vous avez assisté à ce passage en revue, est-ce que tout cela a
5 évidemment eu lieu dans l'école où vous avez travaillé?
6 M. Shabani (interprétation): Non, ce n'est pas vrai. Quand je suis arrivé
7 de Macédoine, c'était le 26 juin. Donc je ne suis au fait d'aucune des
8 choses que vous dites actuellement.
9 Question: Je vous demande de répondre par oui ou par non, s'il vous plaît.
10 Réponse: J'ai déjà dit non. J'ai déjà dit que je n'étais pas au courant.
11 Question: Très bien. Au poste de police à Zegra, était employé Sadik Sofi,
12 policier albanais d'appartenance ethnique, qui occupait un appartement de
13 l'Etat avec sa femme et ses enfants, et que les gens de l'UCK ont fait
14 irruption dans son appartement pour le passer à tabac, pour violer sa
15 femme et battre ses enfants? Est-ce que vous avez eu connaissance de cet
16 événement?
17 Réponse: Je ne sais pas que ce M. Sofi ait été passé à tabac par la
18 police; il était au service de la police serbe, mais ensuite il n'y avait
19 plus de police. Je sais qu'il est allé à Gnjilane, mais je ne sais pas ce
20 qu'il est advenu de lui ensuite; je ne sais pas s'il a été passé à tabac
21 par l'UCK ou quiconque d'autre. Je ne sais rien.
22 Question: Bon. Passons maintenant aux thèmes qui vous sont connus, étant
23 donné que vous en avez parlé vous-même. Vous avez dit que les forces de
24 l'armée de Yougoslavie étaient venues à Zegra dix jours avant le début des
25 bombardements?
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1 Réponse: C'est exact. Ils sont venus dix ou vingt jours avant.
2 Question: Bon, dix ou vingt jours avant, peu importe. Hier, vous avez dit
3 dix jours; si, aujourd'hui, vous dites vingt jours, cela ne me dérange
4 absolument pas.
5 Vous avez dit qu'ils ont creusé des tranchées là-bas et ensuite, en
6 déposant, vous avez expliqué qu'ils se préparaient ainsi à se défendre de
7 l'OTAN. Puisque vous avez dit qu'ils sont venus là-bas pour creuser des
8 tranchées, pour se préparer à se défendre contre l'OTAN -il s'agit de vos
9 paroles proférées ici au cours de votre déposition-, est-ce que cela vous
10 a permis de conclure que c'est ici que se trouvait une éventuelle ligne de
11 front?
12 Réponse: C'était aux Serbes de prendre position, là où ils pensaient que
13 c'était le plus profitable pour eux, le long de la vallée de la Reka, dans
14 le village de Zheger. Ce sont eux qui ont pris ces positions dans le cadre
15 de leur défense contre les bombardements et les frappes aériennes ou
16 terrestres de l'OTAN.
17 Question: Vous avez pu conclure qu'il s'agissait là éventuellement d'une
18 ligne de front?
19 Réponse: Je ne pense pas qu'il s'agissait d'une ligne de front parce
20 qu'ils auraient voulu lutter contre l'UCK parce qu'il n'y avait pas d'UCK
21 à cet endroit, mais je pense que c'était la décision qu'ils avaient prise
22 en prévision d'une éventuelle agression extérieure.
23 M. Milosevic (interprétation): C'est justement de cette intervention que
24 je parle: si, éventuellement, il a fallu se protéger contre une
25 intervention perpétrée de l'extérieur, il était tout à fait logique de
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1 supposer qu'il s'agissait là d'une ligne de front, en possibilité.
2 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu de son mieux,
3 Monsieur Milosevic.
4 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Est-ce que vous avez voulu peut-
5 être, enfin, vous mettre à l'écart de cette ligne de front en quelque
6 sorte?
7 M. Shabani (interprétation): Nous avions nos maisons. Moi, je ne pense pas
8 qu'il était bon que la ligne de front soit dans le village. La population
9 albanaise du village de Zheger qui était déplacée, tuée, blessée...
10 Question: Bon. On y reviendra parce que vous en avez parlé hier, mais vous
11 avez dit qu'au moment où le bombardement commença, les forces serbes
12 étaient devenues plus farouches et plus sauvages.
13 Comment avez-vous pu constater cela: est-ce qu'ils écumaient en venant
14 par-là? Est-ce que vous avez vu quelque chose de ce genre dans leur
15 bouche? Comment sont-ils devenus plus farouches et plus sauvages?
16 Réponse: Cette sauvagerie, elle s'est manifestée dans la manière dont ils
17 traitaient les gens, c'est-à-dire qu'ils se sont mis à infliger des
18 mauvais traitements aux gens, à les frapper, à mettre le feu aux toits des
19 maisons des Albanais, à insulter les Albanais qui passaient dans la rue.
20 Ils se sont mis à commettre toutes sortes d'actes de ce style à l'encontre
21 des Albanais.
22 M. Milosevic (interprétation): Bon. Hier, tout le long de votre
23 déposition, vous n'avez pas, par exemple, fait état du fait que quelque
24 chose aurait subi ceci ou cela, ou comment ces gens-là, par exemple, se
25 sont mis sur la route de la Macédoine. Alors, comment autrement dit avez-
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1 vous pu constater que ces gens-là sont devenus farouches et sauvages?
2 M. le Président (interprétation): Il vient de nous le dire: il nous a dit
3 que cela se manifestait dans la manière dont ils traitaient les gens,
4 etc., etc.
5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez déposé aussi sur
6 l'événement en date du 29 mars. Vous avez parlé de la venue d'une certaine
7 unité paramilitaire. Et puis, vous avez dit que vous avez entendu parler
8 de cela. Le Procureur s'informait auprès de vous pour savoir comment se
9 présentait leur uniforme. Vous avez dit que vous n'avez rien vu étant
10 donné que votre maison était au loin. Par conséquent, vous avez dit que
11 vous n'avez rien vu de tout cela mais que vous n'en avez fait qu'entendre
12 parler?
13 M. Shabani (interprétation): Oui mais il y a eu des témoins oculaires dont
14 les maisons se trouvaient plus près de l'école et plus près de l'endroit
15 où ces forces paramilitaires dont j'ai parlé ont pris position.
16 Question: Qu'est-ce que c'est qu'une unité paramilitaire, Monsieur
17 Shabani? Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela?
18 M. Shabani (interprétation): Pour moi, un paramilitaire, c'est un homme
19 armé qui commet des actes criminels sur la base d'objectifs programmés
20 avec soin par un certain nombre de personnes avec pour unique objectif la
21 défense de l'armée, de la police, et afin de faire croire que l'armée et
22 la police ne sont pas impliquées dans l'assassinat des citoyens. Il
23 s'agissait là d'un phénomène courant dans l'armée serbe. On l'a retrouvé
24 pendant la guerre de Bosnie et partout ailleurs. Ces unités
25 paramilitaires, on les utilisait pour déplacer les populations de leur
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1 foyer.
2 M. le Président (interprétation): Nous nous éloignons du sujet que nous
3 traitons.
4 M. Milosevic (interprétation): Comment faites-vous une distinction entre
5 une unité paramilitaire et une armée régulière?
6 M. Shabani (interprétation): On peut faire la différence sur la base de la
7 tenue vestimentaire parce que les éléments paramilitaires portaient
8 souvent des sortes de bandanas, de foulards. Ils participaient à des
9 meurtres. Ils faisaient preuve de plus de sauvagerie et ils étaient près à
10 commettre des meurtres à n'importe quel moment.
11 M. Milosevic (interprétation): Pour ce qui est de dire d'être prêts à
12 tuer, vous avez dit ici dans le micro: la population serbe se préparait à
13 exécuter les Albanais. Et vous avez parlé notamment de ce temps-là qui
14 précédait l'agression. Mais avez-vous été liquidé? Avez-vous été exécuté,
15 vous?
16 M. le Président (interprétation): Non. Est-ce que vous-même, Monsieur le
17 Témoin, vous avez été victime de passage à tabac ou d'acte de ce style?
18 M. Shabani (interprétation): Je vous ai déjà dit que moi-même je n'en
19 avais pas été victime mais qu'ils avaient tiré sur moi au moment où je
20 m'en allais avec les autres membres de la population civile.
21 M. Milosevic (interprétation): Oui mais ils ne vous ont pas touché?
22 Réponse: Heureusement que non. Fort heureusement, non.
23 Question: Y a-t-il eu quelqu'un de touché parmi vous?
24 Réponse: Oui. Oui, ils ont touché, ils ont blessé d'autres personnes qui
25 faisaient partie du convoi. Il y a eu deux personnes qui ont été blessées:
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1 un homme et une femme.
2 Question: Est-ce qu'il y avait deux blessés dans votre convoi, pour parler
3 de l'ensemble de cette fusillade? Mais puisque vous dites que ces gens-là
4 se préparaient à vous exécuter, qu'est-ce qui les en a empêchés d'après
5 vous?
6 Réponse: Je ne sais pas quels étaient leurs objectifs à ce moment-là, mais
7 je sais qu'ils voulaient en tuer certains et expulser les autres. C'était
8 leur principal objectif, et cet objectif s'est réalisé en ce qui concerne
9 notre village d'ailleurs.
10 Question: Oui mais, comment savez-vous qu'ils s'étaient préparés à vous
11 exécuter et qu'ils ne l'ont pas fait?
12 Réponse: Nous avons entendu dire que certains citoyens serbes avaient
13 établi la liste des Albanais qui disposaient d'une certaine autorité dans
14 le village et dont ils avaient décidé de se débarrasser, qu'ils avaient
15 décidé de liquider. Cette liste, elle existait, et elle n'attendait qu'une
16 chose, c'était d'être mise en œuvre; et c'est ce qui s'est passé
17 effectivement.
18 M. Milosevic (interprétation): Donc vous avez été exécutés?
19 M. Shabani (interprétation): Non.
20 M. le Président (interprétation): Inutile de répondre à cette question, il
21 ne s'agit pas d'une question mais d'un commentaire.
22 Avez-vous autre chose, Monsieur Milosevic?
23 M. Milosevic (interprétation): Oui et comment!
24 Vous venez de dire que vous avez eu peur parce que vous avez craint d'être
25 exécuté, que vous étiez tous sortis, qu'il y avait 1.200 personnes, qu'il
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1 pleuvait, n'est-ce pas?
2 M. Shabani (interprétation): Oui, c'est exact. Au moment où les meurtres
3 étaient perpétrés, les gens blessés, nous, nous avons pris peur, nous
4 avons quitté nos maisons pour nous réfugier dans la montagne.
5 Question: Et comme il s'était mis à pleuvoir, vous avez regagné vos
6 maisons, n'est-ce pas?
7 Réponse: Le lendemain au matin, parce que la nuit nous l'avons passée à la
8 belle étoile, sous la pluie, et tous ceux qui se trouvaient là, les
9 femmes, les enfants, tout le monde.
10 Question: Pour revenir chez vous le lendemain?
11 Réponse: Oui. Il se trouve que ma maison se trouvait tout à côté de
12 Koshevicë, de la colline de Koshevicë, il y avait d'autres habitants dont
13 les maisons étaient plus éloignées par rapport à cet endroit et ils sont
14 restés chez nous parce qu'ils craignaient que les événements ne se
15 répètent.
16 Question: Vous avez dit que vous avez fui après que des gens ont été tués
17 et blessés. Qui c'était, qu'il y avait de tués ou de blessés, ce qui vous
18 a fait fuir?
19 Réponse: Je vous ai dit que le frère de Shjuqeri Tahiri a été tué.
20 L'objectif, c'était de liquider Tahiri, son frère, qui était le Président
21 de la LDK. Et Nigjarije Tahiri également a été blessé, c'est une parente
22 de Shjuqeri Tahiri et de Tahir Tahiri. Donc tous ces gens appartiennent à
23 la même famille. Et puis, il y a d'autres familles qui ont eu vent de ce
24 qui était en train de se passer, et les gens qui ont été passés à tabac
25 ont été traumatisés suite à ces mauvais traitements. Ces gens ont pris
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1 peur et se sont tous réfugiés dans les collines de Koshavicë.
2 Question: Qui a tué Tahir Tahiri?
3 Réponse: Ça, je ne sais pas. Vous, je pense, vous le savez peut-être mieux
4 que moi.
5 M. Milosevic (interprétation): Vous soutenez, vous, parlant ici uniquement
6 de ce dont vous avez entendu parler et que vous n'avez pas vu. Voilà la
7 raison pour laquelle je vous demande par qui Tahir Tahiri a été tué
8 puisque vous dites que celui-ci a été tué.
9 M. le Président (interprétation): Il a répondu qu'il ne le savait pas.
10 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
11 Vous avez dit que c'est la police qui a tué Ukshin Ukshini parce que
12 celui-ci avait allumé un cierge, une chandelle: est-ce vrai?
13 M. Shabani (interprétation): Ils ont touché la maison d'Ukshin Ukshini,
14 avant l'arrivée des éléments paramilitaires dans le village. Donc ceci
15 s'est produit deux ou trois jours après le début du bombardement de
16 l'OTAN. Les soldats de l'armée qui se trouvaient au niveau de la
17 coopérative agricole ont tiré sur sa maison au moment où ils ont vu une
18 bougie allumée; parce qu'ils ont vu que cette maison qui appartenait à un
19 Albanais avait l'air en meilleur état que les autres.
20 Question: Vous considérez que l'on a tiré sur lui parce que quelqu'un
21 avait allumé une bougie?
22 Réponse: Moi, je vous dis ce qui s'est passé et que, dans le cas qui nous
23 concerne, les tirs ont été déclenchés à cause de cette bougie, de cette
24 bougie allumée.
25 Question: C'est ce que vous affirmez, vous, mais lorsque j'ai pu entendre
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1 votre déposition, j'ai reçu l'information selon laquelle Ukshin Ukshini a
2 tiré sur les militaires depuis le toit de sa maison. Il était exact que
3 tout ceci a eu lieu deux ou trois jours avant le début de l'agression et
4 pendant l'agression perpétrée par l'OTAN. Et il est exact qu'il a tiré sur
5 les soldats et qu'il en a touché quelques-uns. Est-ce que vous avez eu
6 connaissance de cela?
7 Réponse: Non, je ne pense pas que cela soit exact. Ce que vous dites ne
8 peut pas être vrai.
9 Question: Oui. Probablement, il devrait être exact que de dire qu'on tire
10 sur quelqu'un lorsque celui-ci allume une bougie. Vous dites que l'on
11 avait d'abord tiré sur lui, après quoi on a bombardé sa maison. Décidez-
12 vous quand même: a-t-on tiré sur lui ou sa maison a-t-elle été bombardée?
13 Réponse: Vous, vous avez avancé que le fait qu'il a allumé une bougie et
14 le fait d'allumer une bougie ne pouvait pas permettre de lui tirer dessus
15 de loin. En fait, c'est bien ce qui s'est passé et l'armée serbe était
16 déployée à cet endroit. Son meurtre a eu lieu le 30 mars au matin, à 9
17 heures 30, moment où Ukshin Ukshini et son épouse ont été tués; ils ont
18 été tués par les forces serbes qui ont répandu la terreur parmi les autres
19 citoyens, parmi les autres familles qui habitaient dans les environs.
20 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, hier, vous avez dit que sa
21 maison à lui a été bombardée. Alors, je vous demande: a-t-on bombardé sa
22 maison ou a-t-on tiré sur Ukshin Ukshini et sur les membres de sa famille?
23 Enfin, décidez-vous entre les deux, parce que vous venez de dire l'un et
24 l'autre.
25 M. Shabani (interprétation): Si vous parlez de la période de temps en
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1 question, tout ceci s'est passé sur deux jours. Les tirs, ils ont eu lieu
2 deux jours avant le meurtre, le meurtre a eu lieu deux jours après. C'est
3 pourquoi ceci est possible.
4 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous
5 donner une explication? On est en train de vous dire que soit M. Ukshini a
6 été abattu, soit sa maison a été pilonnée. Il est possible que vous soyez
7 en train de nous dire que les deux choses se sont produites, mais peut-
8 être pourriez-vous être un peu plus clair à ce sujet?
9 M. Shabani (interprétation): Oui, je vais vous expliquer de quoi il
10 retourne.
11 J'ai dit que, lorsque les bombardements, les frappes aériennes de l'OTAN
12 ont commencé, cette nuit-là, sa maison a été bombardée. Ils ont peut-être
13 sélectionné sa maison parce qu'ils y ont vu une bougie allumée. Parce qu'à
14 ce moment-là, personne n'a tiré. Il a été tué deux jours après, deux jours
15 après le pilonnage de sa maison, au matin et pas pendant la nuit. Cela
16 s'est passé à 9 heures 30, au matin du 30 mars. Je pense que c'est
17 suffisamment clair.
18 M. Milosevic (interprétation): L'avez-vous vu vous-même?
19 Réponse: Ce sont des témoins oculaires qui me l'ont relaté, des gens qui
20 se trouvaient à côté de lui.
21 Question: Bon. Une fois de plus, vous ne savez pas dans quelles
22 circonstances il a péri, mais vous avez entendu parler de cela. Très bien.
23 Bon. Après cela, vous vous êtes rendu à Donja Stubla, où vous avez été
24 accueilli dans des maisons d'autres Albanais pour y rester jusqu'en date
25 du 4 mai. Donc pour une période de plus d'un mois, vous y êtes resté. Vous
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1 avez dit qu'il y avait 20.000 hommes, 20.000 personnes rassemblées ainsi
2 et qu'après, la décision fut prise par vous de partir en direction de la
3 Macédoine.
4 Comment se fait-il qu'aussitôt après, vous vous mettez à parler de 600
5 personnes, comment se fait-il que le chiffre de 20.000 soit réduit
6 maintenant, soit transformé en 600?
7 Réponse: Je vais essayer de vous l'expliquer. Il s'est écoulé environ un
8 mois, pendant cette période donc, et j'ai donné le chiffre de 20.000
9 personnes. Quand j'ai donné ce chiffre, j'ai expliqué que c'étaient là des
10 habitants de Zheger, Lladovica, Nasar, Remnik, Butreli e Epërme(?),
11 Delekarë, Mogillë et du village de Kuterçiva(?). Il s'agit de villages où
12 les forces serbes se sont livrées à des meurtres, à des pillages et ont
13 réduit en cendres les maisons des Albanais, les forçant ainsi à partir.
14 J'ai également expliqué que, le 15 mars, ou plutôt avril, le village de
15 Delekarë avait été attaqué et cette attaque a fait six victimes. Deux
16 maisons ont été incendiées et il y a eu quatre autres victimes qui ont été
17 enterrées à Stublla e Ulët dans une prairie.
18 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, je ne vous demande pas de
19 reprendre la déposition d'hier. Je voulais tout simplement savoir comment
20 le chiffre de 20.000 s'était réduit à 600?
21 M. le Président (interprétation): Mais il nous a dit précédemment, dans le
22 cadre de sa déposition, que ceci s'explique parce qu'il y a des habitants
23 d'autres villages qui sont venus se réfugier à cet endroit.
24 M. Shabani (interprétation): C'est exact.
25 M. Milosevic (interprétation): Et alors?
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1 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question?
2 M. Milosevic (interprétation): Je ne comprends pas. J'essaie de me
3 l'expliquer à moi-même. C'est pour cela que je m'adresse au témoin, pour
4 qu'il m'explique comment il se fait qu'ils étaient d'abord 20.000, comme
5 il le disait, qu'ils se décidaient à partir pour la Macédoine et que,
6 chemin faisant, rien qu'en une seconde, cela s'est transformé en un
7 chiffre de 600 personnes. Où sont les autres, les restants: 19.600
8 personnes?
9 M. le Président (interprétation): Il dit que ces gens sont venus d'autres
10 villages et que tout cela s'est déroulé sur une certaine période de temps.
11 M. Shabani (interprétation): Oui, c'est bien exact. Ils sont venus sur une
12 période de temps assez tendue, au fur et à mesure des événements, au fur
13 et à mesure que leurs villages se sont trouvés en but aux pillages et aux
14 incendies perpétrés par les forces serbes.
15 M. Milosevic (interprétation): Quant à eux, ils venaient pour repartir,
16 alors que vous faites entrer dans ce groupe de 20.000 personnes tous ces
17 gens-là qui étaient venus, qui repartaient, qui revenaient. Enfin, pour
18 parler de ce chiffre rond, est-ce que c'est comme cela que je dois
19 comprendre votre déposition d'hier?
20 M. Shabani (interprétation): Je ne comprends pas votre question.
21 M. Robinson (interprétation): Monsieur Shabani, à quel moment le groupe
22 comptait-il 600 personnes?
23 M. Shabani (interprétation): J'ai dit que la période pendant laquelle ces
24 événements se sont déroulés a été longue et que la population de Cegar
25 était de 4.000 habitants. J'ai dit qu'elle comportait des familles très
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1 nombreuses et que d'autres personnes étaient arrivées de villages
2 environnants qui, eux aussi, avaient été attaqués par les forces serbes.
3 Et donc, ces personnes cherchaient également à trouver un abri sur ce
4 plateau.
5 Les habitants de ces villages sont donc arrivés à cet endroit. Ils étaient
6 affamés. Ils avaient besoin de tout, ils manquaient de tout. Et les forces
7 serbes avaient pour objectif de rassembler un nombre très important de
8 personnes pour, ensuite, réaliser une déportation de masse.
9 M. Robinson (interprétation): Je vais répéter la question que je vous ai
10 posée, Monsieur: sur les 20.000 personnes, combien sont effectivement
11 allées en Macédoine?
12 M. Shabani (interprétation): J'ai dit qu'à partir du 15 avril, ces gens se
13 sont organisés de leur propre chef en groupes et ils ont commencé à partir
14 du 15 avril. C'est donc à partir de cette date, le 15 avril, que nous
15 voyons des familles entières qui s'organisent pour fuir le pays. Tous les
16 deux ou trois jours, des groupes de ce genre se constituaient et, pour ce
17 qui me concerne, j'ai également fait partie d'un de ces groupes.
18 Mais après le 4 mai, un autre groupe s'est créé, dans lequel mon frère
19 s'est introduit. Et puis, il y a eu aussi des groupes qui ont rencontré
20 les forces serbes alors qu'ils se dirigeaient vers la frontière.
21 M. Robinson (interprétation): J'ai cru comprendre que vous disiez que ces
22 personnes sont allées vers la Macédoine en groupes multiples et
23 différents?
24 M. Shabani (interprétation): Oui, c'est exact.
25 M. Robinson (interprétation): Très bien, continuez.
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1 M. Milosevic (interprétation): Vous aviez dit que vous aviez pris le
2 chemin de la Macédoine. Je parle de ce groupe dans lequel vous étiez et
3 qui comptait 600 personnes. Vous avez donc dit que vous vous étiez dirigés
4 vers la Macédoine de nuit, de façon à ne pas être découverts. C'est bien
5 cela?
6 M. Shabani (interprétation): C'est exact. Quant aux autres groupes qui,
7 eux aussi, ont pris le chemin de la Macédoine, ils ont tout fait également
8 pour essayer d'éviter d'être vus par les forces serbes, mais certains de
9 ces groupes ont rencontré les forces serbes et ont été maltraités par
10 celles-ci, quand ils sont tombés entre leurs mains.
11 Question: Donc vous avez pris la décision de vous rendre en Macédoine pour
12 quitter ces lieux et ce sans vous faire voir par la police et l'armée?
13 Réponse: Bien sûr, aucun d'entre nous qui faisions partie de ce groupe
14 n'avait envie d'être vu par les forces serbes, car nous savions très bien
15 ce qui risquait de nous arriver dans un tel cas.
16 M. Milosevic (interprétation): C'était donc une opinion partagée par tous
17 dans ce groupe de 600 personnes. Tout le monde voulait se rendre en
18 Macédoine sans être remarqué par la police ou l'armée, c'est bien cela?
19 M. le Président (interprétation): Le témoin vient de parler du groupe dont
20 il faisait partie lui-même. Mais la question qui peut être posée au témoin
21 est la suivante: parmi les 20.000 personnes qui sont toutes parties pour
22 la Macédoine, l'avis général consistait-il à penser qu'il fallait partir
23 sans se faire remarquer?
24 M. Shabani (interprétation): Oui, en effet. Chacune de ces personnes
25 s'efforçait de pas être remarquée par l'armée serbe ou les paramilitaires
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1 serbes car ils savaient bien que s'ils étaient vus par ces forces, ils
2 allaient souffrir entre leurs mains. C'était en tout cas l'idée qui
3 prévalait parmi les gens qui s'étaient vus contraints de fuir, ils
4 craignaient la déportation.
5 M. Milosevic (interprétation): Je pense qu'il n'est pas opportun
6 d'intervenir de cette façon car à partir de la déposition de ce témoin on
7 constate tout à fait clairement qu'il n'y a pas eu de déportation, mais
8 que ces personnes fuyaient une zone de combat, y compris en essayant de
9 pas être vus par ceux qui soi-disant auraient eu pour intention de les
10 déporter. Donc ce témoignage, en fait, indique qu'il n'y a jamais eu
11 déportation.
12 M. le Président (interprétation): Quelle est la question, Monsieur
13 Milosevic?
14 M. Milosevic (interprétation): Ne vous inquiétez pas, je poserai des
15 questions, mais j'appelle simplement l'attention des Juges sur ce point.
16 Monsieur le Témoin, vous avez dit que l'armée et les paramilitaires vous
17 ont encerclés dans un champ à un certain moment, c'est bien cela?
18 M. Shabani (interprétation): Nous avons été encerclés dans le secteur de
19 Rustaj. Le groupe dont je faisais partie a été encerclé à ce moment-là par
20 les forces en question qui se trouvaient à ce moment-là à cet endroit.
21 Question: Oui, nous vous avons déjà entendu parler de cela hier. Vous avez
22 expliqué qu'ils ont d'abord vérifié l'identité des hommes, qu'ensuite ils
23 vous ont réunis, que rien de négatif n'est arrivé à personne et que vous
24 avez continué votre chemin. Mais qu'à un certain moment, ils vous ont
25 donné l'ordre de marcher à pied sur une distance d'un kilomètre, qu'ils
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1 vous ont dit de vous asseoir et, à ce moment de votre déposition, vous
2 avez ajouté que le commandant -et j'ai bien pris note du mot que vous avez
3 utilisé-, que le commandant accompagné des forces militaires et
4 paramilitaires est venu vous voir en personne pour discuter avec vous,
5 accompagné donc de militaires et de paramilitaires. Il avait l'intention
6 de vous demander pourquoi vous aviez invité l'OTAN? Qu'avez-vous répondu à
7 cette question?
8 Réponse: Si vous me demandez de vous dire quelle réponse j'ai faite à la
9 question posée par le commandant des unités serbes, je vous dirai que
10 cette conversation s'est déroulée sous la contrainte. Des canons de
11 mitrailleuse étant dirigés dans ma direction et ces hommes se trouvant
12 tout près de moi physiquement. Ils me demandaient des explications quant
13 aux raisons pour lesquelles nous avions quitté notre domicile, quelles
14 étaient nos intentions, pourquoi nous avions appelé l'OTAN à la rescousse.
15 Question: Vous avez déjà dit cela hier, mais répondez à la question que je
16 vous pose: qu'avez-vous répondu à cet homme qui vous demandait pourquoi
17 vous aviez appelé l'OTAN? Il y a eu une réunion entre vous. Cet homme
18 accompagné de paramilitaires et de militaires d'un côté, vous-même de
19 l'autre, sur ce pré entouré de milliers de personnes, vous avez donc eu
20 cette conversation. Qu'avez-vous répondu à sa question lorsqu'il vous a
21 demandé pourquoi vous aviez appelé l'OTAN?
22 Réponse: La réponse, que j'ai faite sur le moment, a consisté à lui dire
23 que ce n'est pas moi qui personnellement avait appelé l'OTAN à la
24 rescousse, même si l'arrivée de l'OTAN était bien due à la demande
25 exprimée par l'ensemble du peuple du Kosovo. J'étais terrifié par les
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1 forces serbes, par les soldats et les paramilitaires serbes qui étaient à
2 ce moment-là dans les environs et qui, à tout moment, étaient prêts à
3 m'exécuter au cas où j'aurais dit quelque chose qui ne leur aurait pas
4 plus. Quant au fait de savoir pourquoi nous avions quitté nos domiciles,
5 j'ai répondu que nos maisons avaient été incendiées. Ils m'ont demandé qui
6 avait brûlé nos maisons. Je savais que c'étaient les Serbes,
7 paramilitaires serbes qui avaient, aux côtés des militaires serbes,
8 incendié ces maisons avec l'aide de certains habitants du village qui
9 s'étaient vus affecter des tâches précises.
10 Mais je ne pouvais pas lui faire cette réponse, je ne pouvais pas lui dire
11 que c'étaient les Serbes qui avaient commis ces actes. Je lui ai dit que
12 les maisons avaient été incendiées, mais que je ne savais pas qui avait
13 mis le feu à ces maisons, à nos maisons.
14 A ce moment-là, des commentaires très humiliants ont été proférés à
15 l'encontre de la nation à laquelle j'appartiens et de mon peuple. On m'a
16 dit: "La seule chose que vous voulez, c'est aller en Macédoine, puis en
17 Albanie, pour rejoindre l'UCK".
18 Mais j'ai répondu que ce n'était pas vrai, car je partais accompagner de
19 toute ma famille pour la simple raison que ma maison avait été brûlée et
20 que les autres membres du groupe dont je faisais partie étaient dans la
21 même situation. Mais, moi, je m'exprimais en mon nom personnel à ce
22 moment-là.
23 Question: Après cela, selon vos dires, ils vous ont permis de poursuivre
24 votre chemin en vous disant de vous diriger vers Presevo. C'est bien cela?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Répondez simplement par oui ou non, Monsieur, parce que si vos
2 réponses sont trop longues, je perds du temps, M. May me coupant la parole
3 plus tard. Oui ou non?
4 Réponse: Comme je l'ai dit, on nous a ordonné de nous rendre dans la
5 direction de Presevo, mais nous ne savions pas ce qui nous attendait à cet
6 endroit car à Presevo se trouvaient d'autres forces serbes. Et en chemin,
7 nous avons changé de direction, je l'ai déjà dit.
8 Question: Oui, nous avons entendu cela hier. Comme vous le savez tous,
9 mais ces Messieurs qui nous écoutent ici ne le savent peut-être pas:
10 Presevo n'est pas au Kosovo; Presevo se trouve sur le territoire de la
11 Serbie. Presevo n'est pas non plus une ville de la Macédoine.
12 On vous a dirigés vers Presevo mais, comme vous l'avez déjà dit, vous avez
13 décidé d'emprunter un autre chemin, un chemin que l'un des membres du
14 groupe connaissait peut-être pour atteindre de cette façon la frontière.
15 C'est bien cela?
16 Réponse: Oui, nous avons emprunté un autre chemin pour atteindre la
17 frontière. Nous ne sommes pas allés à Presevo, c'est exact.
18 Question: Oui. Et en chemin, vous êtes passés à côté d'un certain nombre
19 de soldats, personne ne vous a rien fait; ça, vous l'avez déjà dit et cela
20 figure d'ailleurs noir sur blanc dans votre déclaration écrite. Personne
21 ne vous a demandé de montrer des papiers d'identité, personne ne vous a
22 confisqué vos papiers d'identité. C'est bien cela?
23 Réponse: On ne nous a pas pris nos papiers d'identité mais nous avons subi
24 de mauvais traitements et des commentaires humiliants de leur part. Quand
25 ils nous disaient: "Nous allons vous tuer", ce n'était que trop clair.
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1 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais, Monsieur le Président,
2 Messieurs les Juges, appeler votre attention sur le fait que les premiers
3 témoins qui ont été entendus ici ont dit que c'est par la radio et la
4 télévision qu'ils ont appris que les Serbes allaient se venger des
5 Albanais. Ceci s'est avéré être un mensonge notoire, car cela n'a pas eu
6 lieu et chacun le sait. Maintenant, ils nous expliquent que des Serbes
7 personnellement, individuellement leur ont parlé de vengeance.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vais vous
9 interrompre.
10 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
11 M. le Président (interprétation): Le moment n'est pas au commentaire.
12 Avez-vous d'autres questions pour ce témoin?
13 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, ma question était très
14 simple. Monsieur le Témoin, on ne vous a rien fait de mal, on ne vous a
15 pas demandé à vérifier vos papiers d'identité, on n'a pas saisi, confisqué
16 vos papiers d'identité: oui ou non?
17 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu dans sa déposition:
18 il a dit que ses papiers d'identité n'avaient pas été confisqués.
19 M. Milosevic (interprétation): J'attire une nouvelle fois l'attention des
20 Juges sur ce fait, car je pense qu'il importe au plus haut point que
21 chacun se rende compte que ceux qui témoignent ici et qui ont franchi la
22 frontière albanaise...
23 M. le Président (interprétation): Non. Non. Vous pourrez présenter vos
24 arguments en temps utile. Le témoin qui est ici, est ici uniquement pour
25 être entendu. Les Juges constateront la différence entre ce qui a été vécu
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1 par ce témoin et ce qui a été vécu par les autres, et cela permettra aux
2 Juges de tirer les conclusions. A la fin du procès, vous pourrez faire vos
3 commentaires mais, pour le moment, je vous invite à vous limiter à des
4 questions.
5 M. Milosevic (interprétation): Ma question, dans ce cas, Monsieur le
6 Témoin, est la suivante. Pourquoi ceux qui ont franchi la frontière
7 albanaise disent qu'on leur a confisqué leurs papiers d'identité, alors
8 que ceux qui ont franchi la frontière du Monténégro et de la Macédoine
9 affirment que personne ne leur a saisi leurs papiers d'identité? Est-ce dû
10 peut-être au fait que les Macédoniens et les Monténégrins n'ont pas le
11 même désir de mentir que les Albanais, au nom de ces témoins?
12 M. le Président (interprétation): Ceci est un pur commentaire, Monsieur
13 Milosevic. Ce n'est pas une question à poser au témoin. Le témoin a dit
14 que ses papiers d'identité n'avaient pas été saisis; un point c'est tout.
15 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous le seul à qui on n'a pas
16 confisqué ses papiers d'identité ou cela a-t-il été le cas pour tous les
17 membres du groupe dont vous faisiez partie?
18 M. Shabani (interprétation): A ce moment-là, personne parmi nous ne s'est
19 vu confisquer ses papiers d'identité, mais dans d'autres groupes, des
20 personnes ont dit que leurs papiers d'identité avaient été saisis.
21 Question: Très bien. Nous avons déjà vécu ce schéma un certain nombre de
22 fois. En fait, cela devient lassant d'entendre que quelqu'un a dit à
23 quelqu'un d'autre que quelqu'un lui aurait dit ce que quelqu'un lui aurait
24 dit.
25 Dans votre déclaration écrite, Monsieur, et plus tard de façon verbale au
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1 cours de votre déposition, vous avez dit que les soldats avaient tiré sur
2 quelqu'un qui s'appelait Avni, qu'ils l'avaient tué, et vous avez même
3 employé le mot "massacré". Or, la vérité est tout à fait différente.
4 Cet homme était retardé mentalement et son père lui-même a témoigné en
5 disant qu'on l'attachait très souvent à cause de ce retard mental et que
6 les soldats l'ont découvert, qu'ils l'ont amené à l'endroit où ils l'ont
7 amené et qu'à ce moment-là, ils ont entendu de la bouche du père qu'il
8 était question d'un jeune garçon qui était retardé mental et que le père
9 lui-même ainsi que la famille l'attachaient de façon à avoir des
10 problèmes. Etes-vous au courant de cela?
11 Réponse: Oui, j'ai entendu parler de cette affaire à mon retour. J'ai
12 entendu dire que M. Zenani avait été tué par des civils serbes du village
13 de Zegra qui étaient armés: ces civils avaient des armes. J'ai appris
14 également que ce meurtre a eu lieu le 6 juillet, dans le but d'intimider
15 la population albanaise et de l'empêcher de retourner chez elle. Car ce
16 que les Serbes voulaient, c'est que les Albanais déportés n'aient plus
17 jamais envie de revenir, que ce soit un fait. C'est ce que les forces
18 serbes ont fait et c'est exactement le sentiment qu'a ressenti la
19 population albanaise.
20 Question: Vous dites que ce meurtre a eu lieu le 6 juillet?
21 Réponse: Pas le 6 juillet, mais le 6 juin. C'est-à-dire six jours avant
22 l'arrivée des forces de l'OTAN.
23 Question: Je vais vous lire à présent ce qui figure dans votre déclaration
24 écrite. Vous venez de dire que ceci s'est passé le 6 juin, autrement dit à
25 une date où vous n'étiez pas encore à Zegra, n'est-ce pas?
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1 Réponse: En effet, je n'étais pas à Zegra lorsque cela s'est passé,
2 j'étais dans le village de Sllupçanë en Macédoine, mais j'ai entendu
3 parler de cela de la bouche de témoins oculaires.
4 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien. Vous n'étiez pas à
5 Zegra.
6 Je lis un extrait de votre déclaration écrite -je cite-: "Quelques jours
7 avant le début des raids aériens, un homme du village, Avni, dont je ne
8 connais pas le nom de famille, se rendait vers son domicile. Sa maison
9 était derrière la mienne un peu plus haut sur la colline. C'était le soir,
10 trois ou quatre policiers que je connaissais étaient dans les champs à 400
11 mètres de distance de lui à peu près. L'un d'entre eux s'appelait Jova
12 mais je ne connais pas son nom de famille. L'autre s'appelait Dragan, je
13 ne connais pas non plus son nom de famille. Quant aux deux autres, je ne
14 les connaissais pas. Les deux, dont je viens de citer les prénoms, étaient
15 originaires de Zegra. Ils ont tiré sur Avni de loin, après quoi ils se
16 sont approchés et ont mutilé son corps. Mais je ne sais vraiment pas
17 pourquoi ils ont agi de cette façon. Après l'avoir tué, ils ont donc
18 mutilé son corps avant de l'emporter." (Fin de citation.)
19 Etc. etc. Je ne voudrais pas ennuyer les Juges en prolongeant cette
20 lecture.
21 Donc vous avez écrit dans votre déclaration écrite quelque chose de
22 totalement contraire à ce que vous venez de dire dans ce prétoire. J'ai
23 une question à vous adresser: avez-vous fait des déclarations uniquement
24 devant les représentants du Bureau du Procureur de ce Tribunal ou en avez-
25 vous fait également devant d'autres organismes, devant d'autres personnes
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1 que les enquêteurs de ce Tribunal? A qui d'autres avez-vous fait des
2 déclarations si vous en avez fait d'autres?
3 (Les Juges se concertent sur le siège.)
4 M. Shabani (interprétation): Je n'ai fait de déclaration que devant les
5 représentants du Bureau du Procureur, mais ici j'ai oublié de citer un cas
6 dont j'ai entendu parler de la bouche de Hysen Hysani qui était avec
7 Zenani. Hysani a dit que Zunani ne devait pas rentrer chez lui, car il se
8 trouverait sous la menace des forces serbes. Mais Zenani n'a pas suivi ce
9 conseil; il est effectivement rentré chez lui pour prendre quelques
10 affaires, et c'est à ce moment-là qu'il s'est fait abattre par des
11 personnes, des hommes armés qui l'ont abattu de loin, à 500 mètres environ
12 de la colline de Koshevicë.
13 J'ai dit que, s'agissant de cette affaire en particulier, je n'étais pas
14 présent sur les lieux. Je me trouvais à l'époque en Macédoine, mais je
15 tiens à dire que ce récit m'a été fait par Hysen Hysani et que ce meurtre
16 est le fait des forces serbes dans le village de Zegra.
17 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre
18 l'audience, il est en effet 10 heures 30.
19 Je vous demande, Monsieur Milosevic, si vous avez encore de nombreuses
20 questions à poser à ce témoin?
21 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore quelques questions, bien sûr.
22 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de conclure votre
23 contre-interrogatoire en 20 minutes après la pause. Donc suspension
24 pendant 20 minutes.
25 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 50.)
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, c'est à vous.
2 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
3 Est-ce que vous connaissez Halil Hyseni, celui-là étant de votre village
4 également?
5 Connaissez-vous Halil Hyseni, lui étant de votre village aussi?
6 M. Shabani (interprétation): Halil Hyseni?
7 Question: Oui.
8 Réponse: Je n'ai jamais attendu ce nom. Peut-être qu'il a été mal
9 prononcé, mal orthographié, peut-être que c'est Halit Hyseni, quelque
10 chose de ce genre? Ce nom ne me dit rien.
11 Question: Est-ce que vous êtes au courant de l'événement qui,
12 prétendument, le 29 mars, se serait produit lorsque l'armée était
13 intervenue dans la cour de Halil Hyseni, à partir de laquelle on avait
14 tiré sur l'armée? A cette occasion-là, quatre personnes ont été
15 incarcérées. Ces quatre personnes ont été armées et ont été reconduites à
16 la prison de Pristina. Est-ce que vous êtes au courant de cet événement?
17 Réponse: Il n'est pas vrai que cet événement ait eu lieu. Je ne sais rien
18 de cela.
19 Question: Bien. Donc vous l'ignorez.
20 Est-ce exact que vous-même, en 1998, avez été le trésorier de l'UCK du
21 village de Zegra et que vous avez fait la collecte de fonds auprès de la
22 population locale et que, en 1988, vous avez été incarcéré avec les listes
23 et l'argent en main, après quoi, vous avez été relâché? Est-ce que vous
24 vous souvenez de tout cela?
25 Réponse: J'étais le trésorier des services financiers de la municipalité
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1 de Gnjilane pour le village de Zheger et j'étais chargé de rassembler les
2 fonds nécessaires au financement de l'enseignement primaire et secondaire.
3 Et s'agissant de l'interrogatoire au poste de police, oui, c'est exact.
4 Question: Donc vous avez été emmené, les listes et l'argent collecté avec?
5 Réponse: Oui, j'avais tous les documents sur moi.
6 Question: Bien. Vous avez parlé également de la région de Zegra et de
7 Donje Stubla où 300 membres de l'UCK, à la suite de la venue des
8 Américains, étaient venus pour mettre le feu aux maisons des Serbes, pour
9 les raser pour ainsi dire. Ils ont mis également le feu à l'église et ont
10 profané, pour l'anéantir entièrement, le cimetière serbe. Est-ce que vous
11 êtes au courant de cet événement-là?
12 Réponse: Vous nous parlez des soldats de l'UCK détruisant le cimetière
13 serbe. Ça, ce n'est pas vrai. Il est possible qu'il y ait des extrémistes
14 qui, en sortant ou bien en arrivant au village, en voyant leurs maisons
15 incendiées, il est possible que ces gens, pour se venger, aient mis le feu
16 à des maisons serbes.
17 Question: Est-il exact que les maisons des Serbes et l'église ont été
18 rasées?
19 Réponse: Oui, c'est exact.
20 Question: Et vous, quant à vous, vous soutenez que ceci n'était pas
21 l'oeuvre de l'UCK?
22 Réponse: Non, ce n'était pas l'oeuvre de l'UCK.
23 Question: Et c'était fait par qui?
24 Réponse: J'ai dit que c'étaient peut-être des éléments extrémistes au sein
25 du village, des gens du village qui ont voulu se venger quand ils ont vu
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1 que leurs maisons avaient été réduites en cendres.
2 Question: Vous considérez donc que l'UCK n'est pas un organisme de
3 terrorisme et que ce n'est pas non plus une organisation extrémiste, à en
4 juger d'après votre réponse. Est-ce que je suis dans mon droit de dire
5 ainsi ou est-ce que je me trompe, oui ou non?
6 Réponse: Pour moi, l'UCK n'est pas une organisation terroriste; c'est une
7 organisation qui a lutté pour défendre le peuple et a lutté contre les
8 atrocités et la terreur perpétrées par les Serbes contre la population
9 albanaise du Kosovo.
10 Question: S'ils avaient à combattre la terreur serbe, pourquoi est-ce que,
11 définitivement, ils ont tué tant d'Albanais? Qu'est-ce que vous en pensez,
12 quant à vous?
13 Réponse: S'ils ont tué des Albanais qui ont été impliqués avec les forces
14 serbes, qui ont collaboré avec les forces serbes, c'est-à-dire des
15 traîtres à la nation, eh bien, il est possible qu'ils aient fait cela.
16 Question: Donc d'après vous, il y avait plusieurs centaines d'Albanais qui
17 étaient les traîtres de votre peuple ou de leur peuple?
18 Réponse: Peut-être quelques dizaines d'Albanais qui avaient collaboré avec
19 les services secrets serbes dans l'intérêt de la Serbie et de la
20 Yougoslavie, au détriment des intérêts du peuple du Kosovo.
21 Question: Comment expliquez-vous ensuite le fait qu'un médecin albanais
22 s'est fait tuer et qu'il n'était pas membre d'une organisation secrète ni
23 terroriste? Ou on tuait un facteur ou un garde-forestier? Ou un policier
24 albanais, un des locaux qui a été désigné par les Albanais eux-mêmes pour
25 protéger leurs villages, alors, se fait tuer? S'agit-il de dire qu'ils
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1 sont tous là des traîtres?
2 Réponse: Je ne sais rien de ce que vous me dites là. Si vous me donniez
3 des noms, des prénoms, je serais peut-être en mesure de vous répondre plus
4 facilement.
5 Question: Je vais vous citer quelques prénoms et quelques noms de famille.
6 Encore que j'en ai fait pas mal, j'en ai cité pas mal. Mais est-ce que,
7 par exemple, vous savez qu'au début des bombardements, il y a eu beaucoup
8 d'Albanais qui se sont réfugiés chez les leurs, chez leurs parents de
9 Gnjilane et que pendant les bombardements mêmes ils se rendaient sur leurs
10 prés et terres, lesquels terres et domaines ont été gardés par les Serbes
11 notamment? Etes-vous au courant de cela?
12 Réponse: Non, je ne sais rien de cela. Pendant les bombardements, alors
13 que les forces serbes étaient dans le village de Zheger, les habitants
14 albanais de Zheger, d'après vous donc seraient allés à Gnjilane, se
15 seraient rendus chez eux. Non, je ne sais rien de tout cela.
16 Question: Mais savez-vous qu'il y a un bon nombre d'Albanais qui étaient
17 demeurés dans le village et qu'ils ont été secondés, soutenus par des
18 Serbes qui étaient leurs bons voisins. Etes-vous au courant de cela?
19 Réponse: Je connais simplement le cas de gens qui ont été expulsés et je
20 sais qu'il n'est plus resté aucun Albanais dans le village de Zheger quand
21 il a été incendié, à partir du 5 avril; c'est peut-être un vieillard qui
22 s'appelait Ramiz Seferi, un vieil homme et sa femme qui n'ont pas quitté
23 le village bien que les forces serbes militaires et paramilitaires se
24 soient rendues chez eux, mais pour les faire partir. Mais eux, ils ont
25 dit: "Tuez-nous! Nous ne partirons pas", parce qu'ils étaient très âgés,
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1 ils avaient environ 90 ans. Après la libération, il est mort de
2 vieillesse. Mais lui, il était prêt à attendre la mort chez lui, plutôt
3 que de fuir.
4 Question: Donc il ne lui est rien arrivé, mais parmi ceux qui sont restés,
5 il y a Ramish Fazliu depuis chez qui…, ou plutôt les siens devant
6 notamment remercier les Serbes de l'avoir sauvé pendant la guerre, parce
7 que lorsque la SFOR américaine est venue, on avait tiré sur des jeunes
8 gens, sur Momcilo Zivkovic notamment, qui avait 20 ans et qui était en
9 dernière année de médecine, et Sasa Stajonevic. Ils ont été grièvement
10 blessés et sont arrivés jusqu'au magasin, jusqu'à la l'épicerie d'un autre
11 Serbe, Sasa Stajonevic, ou plutôt Jugoslav Mihajlovic, et on a tiré de
12 nouveau depuis la maison des Fazliu et il y avait un certain nombre de
13 membres de l'UCK qui étaient venus de Suisse. Est-ce que vous êtes au
14 courant?
15 Réponse: Je vous l'ai dit, je n'ai aucune information à ce sujet. Pour ce
16 qui est de ces événements, eh bien, ils se sont déroulés pendant la
17 période que j'ai passée en Macédoine donc je n'ai aucune information à ce
18 sujet.
19 Question: Après, ils ont été soignés dans la base "Bonsteel" chez les
20 Américains et à Skopje et vous n'avez rien appris à ce sujet-là non plus,
21 n'est-ce pas?
22 Réponse: C'est exact, je ne sais rien de cela.
23 Question: Il y avait au village Kasim Isufi et, à sa demande, les Serbes
24 ont envoyé Sefis(?) à Gnjilane de la famille et ils l'ont aidé tout le
25 temps qu'il est resté. Est-ce que vous êtes au courant de ce cas-là?
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1 Réponse: Peut-être que c'est Kosum. Moi, je ne connais pas de Kasim, je
2 connais un Kosum Isufi, c'est peut-être de lui que vous parlez.
3 Question: J'ai dit Kasum Isufi?
4 Réponse: Non, son nom c'est Kosum. Moi, je ne connais pas de Kasum.
5 Question: Bien. Disons, Kosum Jusufi, est-ce que vous êtes au courant de
6 ce cas-là?
7 Réponse: Mais de quoi parlez-vous? Du fait qu'il soit resté au village?
8 C'était un homme qui avait environ 90 ans.
9 Question: Non. Tout d'abord, je suis en train de consulter le compte rendu
10 d'audience qui dit Kasim Jusufi, mais j'ai parlé de Kasum Isufi. Je vais
11 reprendre ma question.
12 Il est resté au village ce Kasum Isufi. A sa demande les Serbes ont
13 transporté ses fils vers Gnjilane, chez de la famille, et lui-même a été
14 aidé par ces mêmes Serbes pendant toute la guerre. Est-ce que vous êtes au
15 courant de cet événement cela? Je n'ai pas parlé de fusil, je n'ai pas
16 parlé d'arme du tout.
17 Réponse: Je ne sais rien de cela.
18 Question: Et savez-vous que dans la maison d'Izet Haziri, il a été
19 abandonné un homme, un jeune homme immobile, immobilisé, enfermé à clef,
20 et suite à ses cris "Au secours!", ce sont des Serbes qui sont venus à son
21 secours, qui l'ont transporté par la suite à l'hôpital de Gnjilane pour
22 qu'il se fasse soigner et il est resté se faire soigner là-bas? Etes-vous
23 au courant de ce cas-là?
24 Réponse: Je ne sais rien de ce cas.
25 Question: Et avez-vous entendu parler de Fetim Isufi qui était un malade
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1 mental et que l'on a laissé tout seul au village. Est-ce que vous êtes au
2 courant de ce cas-là?
3 Réponse: Fitim Isufi n'a pas été laissé tout seul au village. Son père
4 était là aussi. Mais lorsque les forces serbes sont entrées dans sa maison
5 en cassant la porte de la maison, son père était en train de s'occuper du
6 bétail, de nourrir le bétail. Il a entendu le bruit, il a entendu les cris
7 et il a pris peur; il est resté dans l'étable attendant de voir la suite
8 des événements.
9 Fitim Isufi s'est réveillé -il était retardé mental- et, à ce moment-là,
10 il a été abattu par les forces serbes. Son père, Shukri Isufi en a
11 attesté, c'est-à-dire donc que son père n'a pas osé quitter l'étable pour
12 voir ce qui arrivait à son fils, pour voir son corps inanimé, parce que le
13 père a eu peur d'être lui-même abattu. Voilà ce que je sais à ce sujet.
14 M. Milosevic (interprétation): Il est vrai qu'il est mort, mais il est
15 tout aussi vrai qu'il s'était attaqué à la police, à savoir aux soldats,
16 avec une hache, depuis derrière la porte, lorsqu'ils arrivaient. Eux ne
17 savaient pas que c'était un attardé mental. C'est là toute la vérité sur
18 le cas en question. Son père, se trouvant à l'étable, n'avait pas voulu se
19 manifester.
20 M. Shabani (interprétation): Non, ce n'est pas qu'il n'a pas voulu le
21 voir, c'est qu'il n'a pas osé aller voir le corps de son fils, parce qu'il
22 a eu peur lui aussi d'être tué. Mais comment imaginer qu'un père ne
23 souhaite pas voir, ne veuille pas voir le cadavre de son fils?
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous en êtes
25 pratiquement arrivé au bout du temps qui vous a été imparti. Vous pouvez
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1 poser encore deux ou trois questions.
2 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas compris que j'avais un temps
3 qui m'était imparti et que, au-delà, je n'aurai plus la possibilité de
4 parler. J'ai plusieurs questions à poser encore.
5 M. le Président (interprétation): Allez assez vite, donc, s'il vous plaît.
6 M. Milosevic (interprétation): Je vais en sauter quelques-unes, mais je
7 vais en poser quelques-unes autres.
8 Est-ce que vous savez que, le 10 juin, sur le territoire de la
9 municipalité de Gnjilane, il a été tué 87 Serbes, 1 Albanais et 5 membres
10 d'autres groupes ethniques? Est-ce que vous êtes au courant de ce fait-là?
11 M. Shabani (interprétation): Où cela s'est-il produit? Dans quel village?
12 A Zheger? Où?
13 Question: Dans la municipalité de Gnjilane, mais je vais vous donner deux
14 noms: par exemple l'originaire du village de Zegra, un certain Nebojsa
15 Zivkovic, cela s'est passé au village de Zegra, et Momcilo Zivkovic, en
16 date du 22 juin 1999, également à Zegra.
17 Réponse: Je ne sais rien à ce sujet parce que j'étais en Macédoine à ce
18 moment-là, et je n'ai rien entendu dire au sujet du sort de ces personnes.
19 Question: Mais est-ce que vous avez entendu parler de l'Albanais Daut
20 Morina qui a été tué à une station d'essence, le 20 août 2000?
21 Réponse: Oui, j'ai entendu parler de cela, j'en ai entendu parler.
22 Question: Etes-vous au courant du meurtre, un autre meurtre perpétré en
23 novembre 1999, puis en mars 2000, avril 2000: Xhaber Rexhepi, Camil
24 Agushi, Nekmi Agushi. Est-ce que vous avez entendu parler de ces meurtres-
25 là, sur votre territoire une fois de plus?
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1 Réponse: Je ne sais rien de ces meurtres, je ne me souviens pas de ces
2 noms.
3 Question: Bien. Vous nous avez dit que la population albanaise avait été
4 joyeuse lorsque les bombardements avaient commencé et ce sont vos termes,
5 vos propres termes, que de dire que cela avait signifié pour vous "la fin
6 du règne des Serbes et des peuples slaves". Ce sont mot pour mot les
7 termes que vous avez utilisés.
8 Réponse: Avant même cela, j'ai dit que nous avions organisé des
9 manifestations contre la violence serbe, avant même le début de la guerre.
10 A Drenica, nous l'avons fait, nous avons toujours demandé une aide de
11 l'extérieur, parce que nous nous sentions désemparés, nous, la population
12 du Kosovo, nous nous sentions victimes de manoeuvres de discrimination
13 dans tous les domaines de notre vie.
14 Question: Moi, je vous pose des questions au sujet de ce que vous aviez
15 dit, à savoir la fin du règne des peuples slaves. Est-ce que vous êtes
16 raciste?
17 Réponse: Non, je ne me considère pas comme raciste. Je peux parler de la
18 fin du gouvernement serbe et yougoslave au Kosovo, parce que je ne peux
19 pas imaginer le Kosovo sans la présence d'éléments serbes sur son
20 territoire.
21 Question: Vous ne saurez imaginer le Kosovo sans la présence d'éléments
22 serbes, mais vous aviez parlé de la fin du règne des peuples slaves.
23 Qu'avez-vous contre les peuples slaves?
24 Réponse: Moi, je parlais des souffrances infligées à mon peuple tout au
25 long de son histoire. C'est un fait avéré, que notre peuple a toujours
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1 souffert.
2 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous pose une autre question:
3 qu'avez-vous contre les peuples slaves? Vous avez parlé de la fin du règne
4 des peuples slaves. Qu'avez-vous contre les peuples slaves? Les
5 Macédoniens sont également un peuple slave. Vous êtes en train de leur
6 tirer dessus, de tuer des Macédoniens. Est-ce que vous estimez que les
7 Macédoniens aussi devraient être chassés de la Macédoine?
8 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu. Il appartiendra à
9 la Chambre de décider quelle importance accorder à cette réponse.
10 Monsieur Milosevic, je vous donne encore deux questions et, ensuite, vous
11 en serez arrivé à la fin du temps qui vous était imparti.
12 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez nous dire combien de
13 gens sont tombés, sont morts sous les bombes? Et est-ce que eux aussi
14 étaient contents, joyeux? Tout en étant Albanais, au demeurant!
15 M. le Président (interprétation): La deuxième partie de la question est un
16 commentaire et pas une question.
17 Monsieur le Témoin, savez-vous combien de gens sont décédés suite aux
18 bombardements?
19 M. Shabani (interprétation): De quels types de bombardements parlez-vous?
20 Du bombardement de l'OTAN?
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 M. Shabani (interprétation): Si vous parlez des bombardements de l'OTAN
23 contre les forces serbes, je ne peux vous donner aucune information
24 concernant les pertes ou les victimes.
25 M. le Président (interprétation): Fort bien.
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1 Monsieur Milosevic, une dernière question.
2 M. Milosevic (interprétation): Et est-ce que vous pensez vraiment que les
3 familles de ces Albanais qui sont morts lors des bombardements de l'OTAN
4 avaient également été contents de se faire bombarder par l'OTAN?
5 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'un commentaire.
6 Je vais me tourner vers les amis de la Chambre pour savoir s'ils ont des
7 questions, quant à eux.
8 (Questions au témoin, Qamil Shabani, par l'amicus curiae, M. Tapuskovic.)
9 M. Tapuskovic (interprétation): Permettez-moi, Monsieur le Président, de
10 citer quelques éléments dont a parlé M. Shabani. J'essaie de tirer
11 quelques éléments au clair.
12 Monsieur Shabani, tout à l'heure, vous avez dit, lorsque M. Slobodan
13 Milosevic vous a posé des questions concernant le meurtre de Avni, que
14 vous aviez entendu parler de la chose une fois que vous étiez revenu
15 seulement. Est-ce que je vous ai bien compris?
16 M. Shabani (interprétation): Oui. C'est exact. A mon retour, Hysen Hyseni
17 me l'a dit.
18 Question: Lorsque vous aviez été interrogé en date des 13, 16 et 17 juin,
19 dans votre village de Zegra, s'agissant de cet événement, vous l'aviez
20 décrit comme si vous l'aviez observé ou si vous y avez assisté vous-même.
21 Comment pouvez-vous nous expliquer la chose?
22 Réponse: Même avant, et notamment aux enquêteurs, j'ai donné le nom, mais
23 ils ne l'ont probablement pas bien compris; il y a peut-être certains
24 éléments qui n'ont pas été correctement interprétés, traduits. Parce que,
25 même à ce moment-là, je l'ai dit; au cours de l'enquête, je l'ai dit
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1 également, mais sans doute que cela n'a pas été correctement traduit.
2 M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez dit que vous aviez vu des
3 policiers qui l'avaient fait et vous avez dit à leur sujet que l'un
4 s'appelait Jova, l'autre Dragan et qu'ils étaient originaires de Zegra. Et
5 vous avez décrit de quelle distance les coups de feu avaient été tirés;
6 donc vous l'avez décrit comme si vous aviez assisté à tout cela?
7 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président?
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 M. Ryneveld (interprétation): Maître Tapuskovic dit au témoin qu'il a
10 déclaré cela dans sa déposition, dans sa déclaration. Etant donné qu'on
11 lui a présenté ceci lors du contre-interrogatoire...
12 M. le Président (interprétation): Mais pouvez-vous, s'il vous plaît, nous
13 en donner lecture?
14 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Il s'agit du même passage qui a été lu
15 par l'accusé. Mais les phrases concernées sont les suivantes -je cite-:
16 "Il y avait trois ou quatre policiers que je connaissais dans le champ à
17 environ 400 mètres de moi. L'un d'eux s'appelait Jova, nom de famille
18 inconnu; l'autre s'appelait Dragan, nom de famille inconnu; les autres, je
19 ne les connaissais pas. Les deux que j'ai nommés sont de Zegra." (Fin de
20 citation.)
21 Donc mon éminent confrère dit au témoin qu'il prétend avoir vu la scène,
22 mais le témoin dit simplement qu'il s'agit de noms qui lui ont été
23 rapportés par des personnes qu'il connaissait. Moi, je dispose d'une copie
24 de la déclaration ici.
25 M. le Président (interprétation): Mieux vaudrait nous la communiquer.
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1 M. Tapuskovic (interprétation): Il n'a pas dit que cela lui avait été
2 raconté par quelqu'un d'autre; il avait parlé de distance et de ce qu'on
3 lui avait fait. Mais à aucun moment, il ne précise que cela lui avait été
4 relaté par quelqu'un d'autre. Et je crois que vous pouvez le vérifier.
5 M. Ryneveld (interprétation): Je reconnais que ce n'est pas clair; on ne
6 peut pas bien déterminer si c'est quelque chose dont il a entendu parler.
7 On a l'impression effectivement qu'il l'a vu, mais il nous l'a expliqué.
8 M. Robinson (interprétation): De quel passage s'agit-il?
9 M. Ryneveld (interprétation): Il s'agit du quatrième paragraphe de la
10 version en anglais de la déclaration, à la page 2. La première page de la
11 déclaration est la page de garde et la page 2 est la page qui nous
12 intéresse.
13 M. Tapuskovic (interprétation): S'il ne peut l'expliquer, il n'a pas à
14 l'expliquer; je n'insiste pas. Mais je pensais qu'il était de mon devoir
15 d'attirer l'attention de la Chambre sur ce fait.
16 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons bien compris,
17 Maître Tapuskovic. Nous disposons du passage concerné.
18 M. Tapuskovic (interprétation): Merci beaucoup. Peut-être n'aurais-je pas
19 soulevé la question si M. Slobodan Milosevic n'avait pas attiré notre
20 attention là-dessus. Il fallait tirer la chose au clair.
21 Autre chose: vous avez...
22 M. Kwon (interprétation): Excusez-moi, Maître Tapuskovic. Moi, j'ai la
23 version en anglais de cette déclaration et la dernière phrase du quatrième
24 paragraphe est la suivante -je cite-: "J'ai entendu dire cela par un
25 habitant de l'endroit après mon retour." (Fin de citation.)
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1 C'est ce qu'il a dit.
2 M. Tapuskovic (interprétation): Lorsque vous avez pris la parole ici,
3 pendant la première journée, vous avez dit que, dans le village où vous
4 viviez, il y avait quelque 80 familles serbes. Et auparavant, dans votre
5 déposition en question, vous aviez parlé de 97 maisons de familles serbes.
6 Quel est le chiffre exact?
7 M. Shabani (interprétation): Le véritable nombre des maisons serbes, ce
8 n'est pas un nombre exact ou précis. Je vous ai expliqué qu'il y avait
9 certaines familles du village de Zheger qui habitaient en ville; donc le
10 nombre varie. On n'a pas fait un décompte exact des familles: il s'agit
11 d'une estimation approximative.
12 M. Tapuskovic (interprétation): Je m'excuse d'avoir à revenir sur le
13 passage de tout à l'heure. Je viens de relire le passage en question,
14 comme l'a fait le Juge May.
15 Il avait entendu parler de l'événement par autrui, mais s'agissant de
16 l'événement de son déplacement vers la morgue. Et il avait parlé donc
17 d'une chose dont il n'était pas sûr, à savoir l'événement relatif à la
18 morgue et non pas l'événement que j'avais cité tout à l'heure. Je tenais à
19 le préciser parce que je viens de le remarquer moi-même. Mais, bien.
20 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec
21 cette interprétation, mais nous avons sous les yeux le passage dans son
22 intégralité. Il nous appartiendra de déterminer quelle importance lui
23 accorder.
24 M. Tapuskovic (interprétation): Je suis bien d'accord. Mais ce que je
25 voulais soulever suite à cette question relative au nombre de maisons, je
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1 tiens à dire que le témoin a dit autre chose au début de son témoignage.
2 Dans la partie du village où il y avait notamment et surtout des maisons
3 serbes, il avait précisé qu'il y avait, entre ces maisons, des maisons
4 albanaises. Est-ce que c'est bien exact?
5 M. Shabani (interprétation): J'ai dit qu'autour de ces maisons, il y avait
6 aussi des maisons albanaises; il y avait également des maisons albanaises
7 autour, aux alentours de ces maisons. Je sais ce que j'ai voulu dire: il
8 n'y avait pas de division claire et précise entre les quartiers serbes et
9 les quartiers albanais. C'est ce que j'ai voulu vous expliquer.
10 Question: Vous avez clairement précisé la dernière fois que, dans la
11 partie où il y avait les maisons serbes, il y avait entre ces maisons
12 serbes certaines maisons albanaises. C'est ce que vous aviez dit il y a
13 quelque temps, ou plutôt hier.
14 Réponse: J'ai simplement dit qu'aux alentours des maisons serbes, il y
15 avait également des maisons albanaises, c'est-à-dire que les maisons
16 serbes n'étaient pas séparées des maisons albanaises, les gens étaient
17 voisins. Seuls les murs des maisons, les murs des jardins séparaient les
18 maisons les unes des autres, mais les gens vivaient à proximité les uns
19 des autres.
20 Question: Cela signifie que les maisons serbes étaient complètement
21 encerclées par des maisons albanaises et qu'entre les maisons serbes il
22 n'y avait pas de maisons albanaises?
23 Réponse: Je ne comprends pas très bien votre question, je suis désolé.
24 Question: Si autour des maisons serbes il y avait des maisons albanaises,
25 est-ce que entre les maisons serbes il y avait des maisons albanaises du
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1 tout, oui ou non?
2 Réponse: Oui, il y avait des maisons albanaises entre des maisons serbes,
3 autour des maisons serbes, mais il en va de même des maisons serbes.
4 M. Tapuskovic (interprétation): Donc il y avait, en dehors de cet
5 encerclement, des maisons serbes qui se trouvaient disséminées parmi les
6 maisons albanaises?
7 M. Shabani (interprétation): Je ne comprends pas bien. Excusez-moi
8 pourriez-vous répéter votre question.
9 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, quelle est la
10 pertinence de cette question? Essayez de nous l'expliquer, s'il vous
11 plaît?
12 M. Tapuskovic (interprétation): La pertinence va découler de la question
13 suivante. J'ai besoin d'entendre de la bouche du témoin une réponse parce
14 qu'il avait dit que les maisons serbes se trouvaient à un bout du village
15 et que parmi ces maisons-là il y avait des maisons albanaises. C'est ce
16 qu'il nous a dit hier. Et il a expliqué la chose encore aujourd'hui. Il a
17 dit qu'autour des maisons serbes il y avait des maisons albanaises. Donc
18 je voulais savoir si parmi les maisons serbes, il y avait des maisons
19 albanaises également, il a répondu oui. Je voulais savoir si en dehors de
20 l'enceinte où il y avait des maisons serbes il y avait des maisons serbes
21 parmi les maisons qui étaient habitées par les Albanais.
22 M. le Président (interprétation): Et moi la question que je vous ai posée,
23 c'est de savoir où se trouvait la pertinence de notre question, dans
24 quelle mesure cette question va-t-elle nous aider à avancer en l'espèce?
25 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Juge May, il faudrait que je
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1 poursuive mes questions pour que vous compreniez la pertinence de la
2 question.
3 M. le Président (interprétation): Non, non, veuillez nous expliquer
4 pourquoi vous posez cette question. Où voulez-vous en venir?
5 M. Tapuskovic (interprétation): Je pose la question en corrélation avec
6 les draps blancs que l'on avait fait lever au-dessus des maisons, que l'on
7 a fait hisser au-dessus des maisons serbes. Et je voulais savoir au sujet
8 de ces draps, ce qu'il entendait par manifestation du fascisme et d'un
9 génocide fasciste, c'est la pertinence.
10 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, poser votre
11 question au sujet de ces pièces de tissus blanches et ensuite on pourra
12 avancer.
13 M. Tapuskovic (interprétation): Oui, en effet, je vais le faire. Il avait
14 dit que les maisons serbes avaient marqué leurs maisons en hissant des
15 bouts de draps ou des draps blancs au-dessus; et il avait expliqué la
16 chose comme étant une manifestation du fascisme ou de ces dispositions des
17 Serbes au fascisme. Je voudrais savoir si c'est la seule raison ou la
18 bonne raison de ce faire, ou alors les Serbes ont-ils mis ces draps blancs
19 au-dessus de leurs maisons pour indiquer que ce sont là les maisons à
20 partir desquelles on n'ouvrait pas le feu?
21 M. Shabani (interprétation): Non, ce n'est pas vrai. L'idée qui sous-
22 tendait la mise en place de ces draps blancs, c'est que la maison
23 concernée ne devait pas faire l'objet de tirs. C'était destiné à des gens
24 qui ne connaissaient pas la région, qui ne connaissaient pas le village.
25 C'était pour que leurs propres forces, les forces serbes ne tirent pas sur
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1 leur maison; c'est pourquoi ils hissaient ou ils plaçaient ces tissus
2 blancs, ces draps blanc sur leurs propres maisons, dans un objectif que je
3 viens de vous expliciter.
4 Question: Merci. Mais est-ce que ce drap blanc signifie toujours une
5 reddition ou pas?
6 Réponse: En temps de guerre, le blanc…, cette couleur blanche, ce tissu
7 blanc peut être considéré comme un signe de reddition. Mais là, les forces
8 serbes étaient présentes dans tout le village donc ce signe permettait de
9 distinguer les maisons serbes des maisons albanaises, pour que les maisons
10 serbes ne soient pas ciblées par les forces serbes qui, de cette manière,
11 ne tireraient que sur les maisons albanaises, sur lesquelles on ne
12 trouvait aucun drap blanc. Voilà, c'était ça l'essentiel de cette affaire.
13 Question: Merci. Merci. Cela suffit. Ce que je voulais savoir, c'était si
14 cela pouvait constituer un signe ou une manifestation de l'absence de tout
15 effectif de l'UCK dans ces maisons-là?
16 Réponse: Non, c'était simplement l'indication que ces maisons c'étaient
17 les maisons appartenant à la population serbe, c'est tout. Il n'y a aucun
18 rapport avec l'UCK sinon toutes les maisons, toutes les maisons à
19 l'exception des maisons qui portaient ce signe blanc, c'étaient des
20 maisons albanaises.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Encore une petite question à ce sujet et
22 je vais la mettre de côté. Est-ce que sur ces draps blancs il y avait un
23 autre insigne, un sigle, un symbole fasciste ou quoi que ce soit?
24 M. Shabani (interprétation): Je connais les méthodes fascistes: l'objectif
25 c'est de distinguer une partie d'une autre, une maison d'une autre.
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1 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, essayer de
2 répondre à la question. Est-ce qu'il y avait un symbole, un signe
3 quelconque sur ces pièces de tissus? Sinon dites-le-nous.
4 M. Shabani (interprétation): Non, c'était du tissu blanc, sans rien, qui
5 était placé sur les portes. C'est ce que j'ai vu, moi je n'ai vu que cela.
6 Ma maison était à quelque distance de cette maison donc à distance, je
7 n'ai pas pu voir si ces bouts de tissus comportaient des symboles ou des
8 signes particuliers.
9 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur Shabani, vous nous avez parlé
10 hier et aujourd'hui du village Donja Stubla. Est-ce qu'il n'y avait pas
11 d'effectifs serbes du tout et de policiers serbes là-bas?
12 M. Shabani (interprétation): Dans Donja Stubla, quand nous nous y sommes
13 rendus, nous avons pu voir que parfois il n'y avait pas de troupe. Mais
14 quand nous étions là. Les forces serbes sont arrivées, la police serbe est
15 venue, simplement pour voir ce qui se passait, pour surveiller ce qui se
16 passait. Et ils sont venus dans le cadre de leurs propres objectifs dont
17 ils sont tout à fait conscients.
18 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous demanderai de nous expliquer la
19 chose suivante. Dans la déposition faite aux enquêteurs du Tribunal, vous
20 avez dit -je donne lecture-: "Il n'y avait pas de forces et de police
21 serbes là-bas. Puis, vous avez dit à la page suivante: "les effectifs
22 serbes ne sont jamais venus à Stublla".
23 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faut que vous poursuiviez
24 la lecture.
25 M. Tapuskovic (interprétation): "La police allait seulement vers Gornja
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1 Stubla et non pas là-bas où ils se trouvaient, eux". Et plus bas encore,
2 on dit: "La police et l'armée ne venaient pas du tout à Donja Stubla"; et
3 il s'agit du premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième… Ou
4 plutôt le cinquième paragraphe. Il a répété quatre fois et, à la fin, il a
5 dit que la police n'était pas du tout venue dans Donja Stubla. Je compte
6 1, 2, 3, 4, 5e paragraphe. "Et ils sont restés cinq semaines sans que
7 l'armée ne vienne jusque-là, du tout". Je parle du cinquième paragraphe,
8 je vous prie. Il l'a répété quatre fois et il a été tout à fait explicite.
9 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, poser une
10 question.
11 M. Tapuskovic (interprétation): La question à ce sujet est la suivante. Le
12 témoin a dit hier qu'il s'agissait d'un camp de concentration, cette
13 localité où ils étaient en toute sécurité, où l'armée n'était jamais
14 venue, où elle n'est pas venue pendant cinq semaines. Donc ils sont
15 entièrement…, ils sont partis tout à fait seuls de là, sans escorte du
16 tout. Et il a, par la suite, dit qu'il s'agissait d'un camp de
17 concentration. Pourquoi l'a-t-il dit si tant est qu'il n'y avait pas eu de
18 police et d'armée ou de soldats qui étaient venus à cet endroit-là à
19 quelque moment que ce soit? Je voudrais qu'il nous explique.
20 M. Shabani (interprétation): La police et l'armée serbes étaient autour
21 des villages. C'est-à-dire que toutes les forces serbes observaient la
22 population; ils suivaient la situation depuis les collines en surplombant
23 le village de Stubla, et ils étaient en mesure d'entrer en action à tout
24 moment. Mais ils savaient quand ils allaient agir. Toute la région était
25 encerclée par les forces serbes.
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1 Question: Vous ne nous l'avez jamais expliqué de cette façon-là. Moi, je
2 vous pose des questions au sujet de ce que vous avez vu et de ce que vous
3 avez à déclarer. Et ce que vous venez de nous dire, il en a peut-être été
4 ainsi mais ce n'est pas ce que vous nous avez dit.
5 Vous avez dit qu'il n'y avait pas un seul policier et pas un soldat à cet
6 endroit-là. C'est du reste ce que vous avez déclaré.
7 M. Kwon (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Maître Tapuskovic. Ce
8 que ce témoin vient de nous dire figure dans sa déclaration préalable -et
9 je cite-: "Ils observaient simplement combien il y avait de gens à Donja
10 Stubla et dans les bois environnants. Il y avait des forces militaires
11 dans les environs du village mais ils ne sont jamais allés dans le
12 village". (Fin de citation.)
13 Vous pouvez le lire vous-même.
14 M. Tapuskovic (interprétation): J'ai laissé la possibilité que les soldats
15 soient demeurés aux environs. Mais il a parlé, le témoin a parlé de camp
16 de concentration. Et les soldats sont restés là cinq semaines mais ils
17 n'ont…
18 M. Kwon (interprétation): Oui, vous pouvez lui poser la question mais je
19 souhaitais simplement vous rappeler ce que le témoin a dit dans sa
20 déclaration.
21 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie. C'est une question sur
22 laquelle je ne vais pas insister. Mais je crois que la réflexion peut nous
23 servir de base pour certaines conclusions.
24 Vous avez, Monsieur le Témoin, également dit que l'on vous avait tiré
25 dessus et, dans de votre déposition qui est en possession des Juges -je
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1 parle des pages 4 et 5-, vous dites: "Ils ont tiré mais nous ne savions
2 pas sur qui ils tiraient et nous ne savions pas s'ils nous avaient vu, du
3 tout".
4 M. Shabani (interprétation): Alors que nous nous enfuyions, en chemin je
5 vous ai dit que nous avons essuyé des tirs de la part des forces serbes
6 qui se trouvaient à distance. Tous les habitants présents à cet endroit
7 ont entendu les coups de feu, et je l'ai déclaré. Et certaines personnes
8 ont été blessées.
9 Question: Je ne le conteste pas, ce n'est pas la question que j'ai posée.
10 Vous avez dit: "Ils ont tiré mais nous ne savions pas sur qui tiraient et
11 nous ne savions pas s'ils nous avaient vus". E personne ne conteste qu'il
12 y ait eu des tirs, mais peut-être ces tirs n'étaient pas dirigés vers
13 vous-même. Vous ne savez pas vers qui on avait tiré?
14 Réponse: Mais que nous ne savions pas qui c'était? Mais nous savions que
15 les forces serbes tiraient sur la population civile; et ça c'est la
16 vérité, je l'ai déjà dit précédemment.
17 Question: Merci. Vous avez déclaré hier également que dans le groupe où
18 vous vous trouviez, on avait confisqué certaines sommes d'argent, est-ce
19 bien exact?
20 Réponse: C'est exact. Alors que nous nous dirigeons vers la Macédoine,
21 quelqu'un nous a demandé de rassembler de l'argent et il a dit que c'était
22 pour un objectif, mais je ne sais pas exactement lequel; et cette personne
23 avait des liens avec les Serbes.
24 Question: Je ne vous ai pas demandé de nous répéter ce que vous avez dit
25 hier. Je voulais savoir si j'avais bien compris. Mais vous avez dit, dans
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1 cette déposition, qu'il n'avait pas demandé d'argent à votre groupe mais
2 que vous aviez ouï-dire qu'ils avaient demandé de l'argent à d'autres
3 groupes. Et il s'agit d'un interrogatoire ou d'une interview qui a eu
4 lieu...
5 Réponse: Il est vrai que d'autres groupes qui nous précédaient et d'autres
6 groupes qui nous suivaient ont fait l'objet de fouilles et ils ont été
7 dépouillés par les forces serbes militaires.
8 M. Tapuskovic (interprétation): Moi, ce que je vous avais posé comme
9 question, c'était de savoir ce qu'il vous était arrivé. Et vous aviez
10 déclaré qu'on ne vous avait pas pris votre argent mais que vous aviez ouï-
11 dire que d'autres groupes avaient été dépossédés de leur argent. C'est
12 bien ce que vous avez entendu, n'est-ce pas?
13 M. Shabani (interprétation): Bien entendu, je n'étais pas avec les autres
14 groupes. Mais c'est ce qu'ont déclaré certaines des personnes qui
15 appartenaient à ces groupes.
16 M. le Président (interprétation): Merci.
17 M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez suivi certaines routes, certains
18 chemins et personne ne vous avait suivi ou escorté et vous avez traversé
19 la frontière. Quand est-ce que vous avez vu des soldats? Quand est-ce que
20 vous êtes tombé sur des soldats?
21 M. Shabani (interprétation): Je les ai vus dans le village de Rrushtaj,
22 dans une partie du village de Rrushtaj où les soldats sont apparus devant
23 nous. C'était, il était à peu près 2 heures.
24 Question: Près de la frontière?
25 Réponse: La frontière se situait à dix kilomètres de là.
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1 M. Tapuskovic (interprétation): Et juste avant de traverser la frontière,
2 est-ce que vous avez vu des soldats quelconques?
3 M. Shabani (interprétation): Mais il restait encore du temps à une
4 certaine distance à parcourir avant la frontière.
5 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez répéter votre
6 question?
7 M. Tapuskovic (interprétation): Je ne vais pas tourner autour du pot.
8 Monsieur le Témoin, vous avez déclaré -je cite- à la lettre, dernier
9 paragraphe de votre déposition: "A proximité de l'endroit où nous avons
10 traversé en Macédoine, nous avons traversé la frontière en Macédoine. Il y
11 avait dans les tranchées des soldats. Personne ne nous a arrêtés, et nous
12 ne sommes tombés sur personne pendant que nous traversions la frontière".
13 Et vous nous aviez dit que vous aviez peur de tomber sur des soldats pour
14 ne pas être massacrés.
15 D'abord, est-ce qu'il est exact, à proximité de l'endroit où vous aviez
16 traversé la frontière vers la Macédoine, qu'il y avait des soldats dans
17 les tranchées? "Personne ne nous arrêtait, nous ne sommes tombés sur
18 personne pendant que nous traversions sous-entendu la frontière"?
19 M. le Président (interprétation): Avez-vous compris la question?
20 M. Shabani (interprétation): Non, je n'ai pas compris la question.
21 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, pourriez-vous
22 reformuler de façon succincte votre question?
23 M. Tapuskovic (interprétation): Il est difficile de reformuler ce qui est
24 contenu dans sa déposition. Il a déclaré et je lui demande si c'est bien
25 exact? Et je cite: "A proximité de l'endroit où nous sommes passés en
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1 Macédoine dans les tranchées..."
2 M. le Président (interprétation): Citez-lui simplement un bref extrait de
3 la déclaration et demandez-lui si c'est bien exact.
4 M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez vu des soldats dans les
5 tranchées juste avant de traverser la frontière, n'est-ce pas?
6 M. Shabani (interprétation): L'armée était là. Mais nous, on ne se
7 concentrait pas là-dessus parce que nous, on voulait traverser la
8 frontière, et il faisait nuit. Et on ne les a pas rencontrés, c'est ce que
9 j'ai dit.
10 Question: Personne ne vous a arrêtés?
11 Réponse: Notre groupe à nous n'a pas été intercepté, n'a pas été arrêté.
12 On a été arrêtés au village de Rrushtaj, mais au moment de traverser la
13 frontière nous n'avons pas été arrêtés.
14 Question: Vous n'avez pas subi de massacre comme vous l'aviez redouté,
15 pour le cas où vous rencontreriez les soldats? C'est tout ce que je
16 voulais vous demander.
17 Réponse: Comme on peut le voir, je n'ai pas été victime. Parce que si cela
18 avait été le cas, j'aurais été tué, je ne serais pas ici.
19 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.
20 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Qamil Shabani, par
21 M. Ryneveld.)
22 M. Ryneveld (interprétation): Une question d'ordre administratif, si je
23 puis me permettre. Pourrait-on donner une cote à la déclaration préalable
24 du témoin? Est-ce qu'il peut se voir attribuer une cote en tant que pièce
25 à conviction?
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1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de
3 l'accusation 31.
4 M. Ryneveld (interprétation): Merci.
5 Monsieur le Témoin, dans le cadre du contre-interrogatoire, l'accusé a
6 parlé d'un incident et a dit que vous auriez été le trésorier des services
7 financiers de l'UCK. Vous avez ensuite répondu que vous étiez trésorier
8 d'un fonds de l'enseignement et vous avez reconnu avoir été emmené par la
9 police pour être interrogé.
10 Ma question est la suivante: est-ce que ces activités de trésorier avaient
11 quoi que ce soit à voir avec l'UCK, comme cela a été avancé par l'accusé?
12 M. Shabani (interprétation): Non, cela n'avait absolument rien à voir avec
13 l'UCK; il s'agissait d'un travail à destination purement humanitaire. Il
14 s'agissait de questions ayant trait à l'enseignement; il s'agissait de
15 payer les enseignants. Ce genre de chose. Voilà tout simplement pourquoi
16 je faisais cela.
17 M. Ryneveld (interprétation): Une dernière chose, Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges. Dans le cadre contre-interrogatoire, on a parlé au
19 témoin de certains sujets pour lesquels nous ne disposons pas de documents
20 mais nous avons l'intention de citer à la barre des témoins ultérieurement
21 qui déposeront et ceci afin de répliquer à ce qui a été avancé par
22 l'accusé.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien.
24 Monsieur Shabani, vous en avez terminé de votre déposition. Je vous
25 remercie d'être venu au Tribunal pénal international. Vous pouvez
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1 maintenant quitter le prétoire.
2 M. Shabani (interprétation): Merci.
3 (Le témoin, M. Qamil Shabani, est reconduit hors du prétoire.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. Kay (interprétation): Monsieur le Président, avant d'entendre le témoin
6 suivant, vous le verrez d'après la liste qui nous a été distribuée ce
7 matin, il s'agit de M. Kadriu. Et on a changé l'ordre des témoins par
8 rapport à ce qui avait été indiqué précédemment puisque nous aurions dû
9 normalement entendre le témoin n°15 sur cette liste, Saqir.
10 L'accusé m'a fait un certain nombre de remarques ce matin au sujet de
11 cette modification de l'ordre de comparution des témoins, parce qu'il
12 s'était préparé pour le témoin Saqir. Et la modification de l'ordre de
13 comparution des témoins fait qu'il n'est pas préparé pour contre-
14 interroger le témoin en question, le témoin Kadriu.
15 M. le Président (interprétation): Vu le résumé de ces déclarations, il
16 semble que le témoin en question doit déposer pendant assez longtemps. Je
17 ne pense pas qu'il y ait préjudice si l'on entend ce témoin dans le cadre
18 de l'interrogatoire principal maintenant puisque nous n'allons pas
19 demander à l'accusé de contre-interroger le témoin aujourd'hui. Il va
20 pouvoir se préparer cette nuit.
21 M. Kay (interprétation): Oui, il est parfois difficile d'expliquer cette
22 question parce qu'il est vrai que nous allons terminer assez tôt
23 aujourd'hui et que le témoin va répondre à l'interrogatoire principal
24 aujourd'hui, et probablement une bonne partie de la journée de demain
25 également.
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1 (Les Juges se consultent sur le siège.)
2 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous souhaitez ajouter
3 quelque chose, Maître Kay?
4 M. Kay (interprétation): En fait, ce qui est important, c'est qu'il n'y
5 ait pas de contre-interrogatoire de la part de l'accusé aujourd'hui.
6 M. le Président (interprétation): Mais je pense que nous allons avoir un
7 interrogatoire principal qui va durer assez longtemps.
8 M. Nice (interprétation): Oui, je pense qu'étant donné qu'il s'agit d'un
9 témoin important, nous allons devoir l'entendre dans le cadre de
10 l'interrogatoire principal aussi bien aujourd'hui que demain.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous n'allez pas
12 être appelé à contre-interroger le témoin que nous allons voir venir dans
13 le prétoire aujourd'hui, ni aujourd'hui ni demain. Et il est probable que
14 vous n'entamiez le contre-interrogatoire que vendredi, même s'il est
15 possible que nous démarrions dès demain, à un moment donné.
16 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur a entendu mon entretien avec la
18 représentante du Greffe, qui est assise juste devant vous et, tout à
19 l'heure pendant la pause de tout à l'heure, j'ai été informé du changement
20 de l'ordre de comparution des témoins. J'ai réagi à la chose et j'espère
21 l'avoir fait à juste titre.
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé) Et ce n'est qu'après que ce Kadriu devait venir.
25 Et, comme vous le savez fort bien, Messieurs, de tous les moyens qui sont
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1 à la disposition de tout un chacun, moi je n'ai qu'un téléphone. Je pense
2 qu'il serait plutôt logique que l'ordre déterminé pour la comparution des
3 témoins dans une semaine ne devrait pas être modifié, indépendamment des
4 convenances que peut ressentir l'autre partie. Ils peuvent présenter un
5 ordre de comparution de façon à me permettre de réunir de collecter des
6 informations pertinentes.
7 Dans une situation où je n'ai rien à ma disposition, si ce n'est la cabine
8 téléphonique dans le couloir de la prison, le changement de l'ordre de
9 comparution supprime directement l'élément minimum de possibilité que nous
10 avons, que j'ai à ma disposition pour aboutir, pour arriver à la vérité
11 s'agissant des témoins. J'insiste donc pour que l'ordre de comparution des
12 témoins soit donné au moins une semaine à l'avance pour savoir exactement
13 quand comparaîtront tout un chacun d'entre eux.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, l'accusé se représente
15 lui-même; il n'a pas de conseil. Il est donc assez justifié qu'il souligne
16 le fait que c'est assez compliqué pour lui lorsque l'ordre de comparution
17 des témoins est modifié. Bien sûr, il y a sans doute de bonnes raisons à
18 ce changement, mais j'aimerais que vous ne perdiez pas de vue cette
19 difficulté pour l'accusé.
20 M. Nice (interprétation): Avant de traiter de cette question d'urgence,
21 j'aimerais que les commentaires faits par l'accusé au sujet des témoins
22 protégés soient expurgés et donc exclus, que le public n'y ait pas accès.
23 M. le Président (interprétation): Oui.
24 M. Nice (interprétation): L'accusé dispose des listes de témoins et, bien
25 sûr, il se peut toujours qu'un changement intervienne à la dernière
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1 minute, mais cette liste lui est fournie des mois à l'avance, ainsi que
2 les déclarations préalables de ces témoins qu'il peut suivre. Nous faisons
3 de notre mieux pour éviter les changements et en informer l'accusé dès que
4 ceux-ci se produisent. Hier, il n'a pas été possible de l'éviter, mais
5 nous en tiendrons compte.
6 M. le Président (interprétation): Oui.
7 M. Nice (interprétation): Avant l'arrivée du prochain témoin, je tenais à
8 le dire.
9 M. Kay (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, mais
10 s'agissant des installations dont dispose l'accusé et les facilités dont
11 dispose l'accusé, les amici ont déposé une requête aujourd'hui qui porte
12 sur la fourniture d'une aide à l'accusé dans la conduite de sa défense.
13 Une requête a été déposée, mais elle a été re-déposée en termes plus
14 clairs, donc reformulée. J'espère qu'elle présente les arguments de façon
15 plus claire. Peut-être la Chambre de première instance pourrait-elle en
16 traiter rapidement?
17 M. le Président (interprétation): Nous allons prendre en compte cette
18 dernière requête. Nous avons besoin d'entendre ce qu'a à dire la Greffière
19 au sujet des dispositions actuelles, ainsi que tous les commentaires
20 éventuels sur les questions qui se posent actuellement. Nous demanderons
21 donc l'avis du Greffe également.
22 M. Kay (interprétation): Oui, je crains que ce soit nécessaire.
23 M. le Président (interprétation): Oui.
24 M. Nice (interprétation): Avant l'entrée du prochain témoin, j'ai une
25 demande à faire.
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1 En effet, les représentants de la presse affirment qu'ils ont des
2 difficultés à reproduire correctement les noms des témoins en raison des
3 difficultés de prononciation de l'Albanais et du fait qu'ils n'ont pas
4 toujours ces noms par écrit. Donc ils sont des professionnels et ils
5 aimeraient pouvoir reproduire ces noms correctement. Cela les préoccupe
6 quelque peu. Je pense donc qu'il faudrait éviter toute erreur
7 d'orthographe dans les noms propres et trouver une solution à ce problème.
8 Je me demandais donc s'il était possible d'écrire le nom des témoins, non
9 protégés bien sûr, sur une feuille de papier qui pourrait à ce moment-là,
10 au début de l'audition du témoin, être placée sur le rétroprojecteur de
11 façon à ce que les représentants de la presse aient l'orthographe
12 correcte.
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 M. Nice (interprétation): Merci.
15 M. le Président (interprétation): Nous pouvons, je pense, faire entre
16 entrer le prochain témoin, M. Sabit Kadriu, et nous lèverons l'audience à
17 12 heures 15. Nous suspendrons pour une pause.
18 M. Nice (interprétation): Mais pendant qu'on amène le témoin…
19 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, vous êtes debout:
20 vous avez quelque chose à dire?
21 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais dire ce
22 qui suit. Ce changement de l'ordre des témoins pose un problème de
23 principe. Il est impossible, à l'égard de qui que ce soit et encore
24 davantage à l'égard d'un accusé, il est impossible de lui dire le jour
25 même où un témoin sera interrogé que ce témoin sera interrogé après
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1 changement de l'ordre de comparution des témoins. Je crois qu'il est de
2 notre devoir à tous de faire ce qui est en notre pouvoir pour éviter ce
3 problème. Les amici curiae eux-mêmes ne savent pas parfois à quel moment
4 tel ou tel témoin sera interrogé et c'est simplement au début de
5 l'audition du témoin qu'ils le découvrent.
6 Je crois qu'il s'agit là d'une violation assez grave des dispositions
7 prévues au Statut et au Règlement de procédure et de preuve de ce
8 Tribunal. Donc je vous demande, Monsieur le Président, d'intervenir pour
9 qu'à l'avenir, afin que le travail de ce Tribunal se déroule dans les
10 meilleures conditions possibles, de telles choses ne puissent plus se
11 produire.
12 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, ce n'est pas un
13 problème. Une question de principe: le principe, c'est qu'un procès doit
14 être équitable, à savoir que l'accusé doit disposer d'un temps suffisant
15 pour préparer son contre-interrogatoire. Et nous veillerons effectivement
16 à ce que cela soit le cas. Je vous remercie.
17 M. Nice (interprétation): Pendant que l'on va chercher le témoin,
18 j'aimerais informer la Chambre également que ce témoin a apporté un grand
19 nombre de documents avec lui, qu'ils sont rédigés en langue albanaise,
20 ainsi qu'en BCS; nous sommes parvenus à les faire traduire pour la
21 plupart, en tout cas à obtenir des traductions provisoires pour ces
22 documents. Il y en a certains qui ne le sont pas encore. Je demande donc
23 l'indulgence de la Chambre au sujet de ces documents.
24 (Le témoin, M. Sabit Kadriu, est introduit dans le prétoire.)
25 M. le Président (interprétation): Je vous prierai, Monsieur le Témoin, de
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1 prononcer la déclaration solennelle.
2 M. Kadriu (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur, vous pouvez vous asseoir.
5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Sabit Kadriu, par M. Nice.)
6 M. Nice (interprétation): Monsieur l'Huissier, voici cette feuille de
7 papier qui comporte le nom du témoin. Veuillez la placer sur le
8 rétroprojecteur.
9 (Intervention de l'Huissier.)
10 J'espère qu'à l'avenir, on pourra taper ce nom et ce prénom à la machine
11 ou à l'ordinateur.
12 Monsieur le Témoin, vous appelez-vous Sabit Kadriu?
13 M. Kadriu (interprétation): Oui.
14 Question: Monsieur Kadriu, je vais vous poser une série de questions pour
15 lesquelles, j'espère, vous pourrez répondre très brièvement par oui ou par
16 non, de façon à passer assez rapidement sur votre existence personnelle.
17 (L'huissier s'exécute.)
18 Je pense qu'il serait bon que les Juges de cette Chambre aient sous les
19 yeux la carte géographique sur laquelle figure la ville de Vushtrri.
20 Monsieur le Témoin, avez-vous 41 ans aujourd'hui et êtes-vous Albanais du
21 Kosovo?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Etes-vous Musulman?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Avez-vous vécu la plus grande partie de votre vie dans la
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1 municipalité de Vucitrn ou Vushtrri avec vos parents et un certain nombre
2 de frères et soeurs?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Un quelconque des membres de votre famille a-t-il eu des
5 rapports, a-t-il été impliqué dans les rangs de l'UCK?
6 Réponse: Oui, l'un d'entre eux.
7 Question: Qui?
8 Réponse: Kemajl, qui a fait des études, et à la fin de ses études il n'a
9 pas pu rentrer à la maison et il a été impliqué avec l'UCK à Tirana.
10 Question: Etes-vous devenu membre du conseil des droits de l'homme de
11 Vucitrn ou Vushtrri en 1990?
12 Réponse: Oui. J'ai présidé ce Conseil chargé des droits de l'homme.
13 Question: Plus récemment, avez-vous travaillé en tant qu'assistant du
14 président de la municipalité de Vushtrri?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Avez-vous à ce moment-là cessé de travailler au sein du Conseil
17 des droits de l'homme?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Sur le plan des études que vous avez accomplies, vous avez suivi
20 des études à l'université de Pristina de 1979 à 1984, n'est-ce pas?
21 Réponse: C'est exact.
22 Question: Je vous demanderai maintenant rapidement de vous penser sur la
23 carte n°10 de la pièce à conviction de l'accusation n°4, de façon à ce que
24 nous puissions tous situer un certain nombre de localités dans l'espace.
25 Vushtrri se trouve bien, n'est-ce pas, au nord du Kosovo qui figure au
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1 centre de cette carte?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et votre village de Brusnik se trouve au sud-ouest, n'est-ce
4 pas? Je vous demanderai de l'indiquer à l'aide du pointeur sur la carte.
5 (Le témoin s'exécute.)
6 Réponse: Oui, voici où se trouve Brusnik.
7 Question: Vous pouvez rester assis, je pense, pour utiliser le pointeur et
8 montrer les endroits que l'on vous demande de montrer.
9 Monsieur Kadriu, j'aimerais maintenant… Nous sommes arrivés au dernier
10 paragraphe de la page 1 du résumé de votre déclaration. J'aimerais que
11 vous répondiez très rapidement aux questions suivantes.
12 Est-il estimé qu'un mémorandum a été publié par l'Académie des Sciences et
13 des Arts dont les auteurs seraient deux hommes répondant à Kadarani et
14 Subrinovic et ce il y a déjà pas mal de temps? C'est-à-dire la fin des
15 années 70?
16 Réponse: Oui.
17 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je ne voudrais pas guider
18 le témoin. Je pense que le témoin doit pouvoir répondre brièvement à ces
19 questions à moins qu'il juge un commentaire supplémentaire est nécessaire.
20 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice.
21 M. Nice (interprétation): Y a-t-il eu ensuite en 1981 une encyclopédie
22 publiée qui relate l'histoire des peuples de la Yougoslavie. Ce document
23 est-il considéré comme significatif s'agissant des intérêts des Albanais
24 oui ou non?
25 M. Kadriu (interprétation): Oui.
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1 M. Nice (interprétation): En mars ou avril 1981 des manifestations
2 d'étudiants ont-elles eu lieu?
3 M. Kadriu (interprétation): Oui, des manifestations de protestation en
4 raison de la situation qui s'est créée.
5 M. le Président (interprétation): Nous avons une interruption. Maître
6 Tapuskovic demande la parole.
7 M. Tapuskovic (interprétation): J'ai une objection à faire car des
8 questions sont posées à ce témoin qui devraient normalement être adressées
9 à un témoin expert. Je crois que cet interrogatoire commence vraiment très
10 mal. Il importe de poser des questions à ce témoin uniquement pour peu
11 qu'il puisse y répondre.
12 M. le Président (interprétation): Le Procureur n'a rien dit de
13 particulier, il a simplement fait référence à des manifestations, il n'a
14 posé aucune question qui serait susceptible d'être posée à un expert.
15 Monsieur Nice, vous avez la parole.
16 M. Nice (interprétation): Vous avez vous-même participé à ces
17 manifestations, n'est-ce pas?
18 M. Kadriu (interprétation): J'y ai participé en raison du mécontentement
19 qui régnait du fait de la publication de l'encyclopédie yougoslave à ce
20 moment-là. Mon peuple qui était le troisième peuple de la région du point
21 de vue démographique...
22 Question: Je sais qu'il est difficile compte tenu des commentaires et des
23 observations qui ont été faits au sujet de votre déposition. Je
24 préférerais, Monsieur, que pour le moment vous vous contentiez de répondre
25 par oui ou par non; nous irons plus vite.
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1 Vous avez donc participé aux manifestations étudiantes. J'ai deux autres
2 questions à vous poser dans ce domaine.
3 Très brièvement, je vous demande: qu'est-il advenu des personnes qui ont
4 manifesté? Quelles ont été les conséquences de certaines de ces personnes
5 de leur participation à ces manifestations?
6 Réponse: Au cours de ces manifestations, nous ne réclamions rien d'autre
7 que la transformation du Kosovo en une République qui aurait joui du même
8 statut que les autres Républiques de la République fédérale de
9 Yougoslavie. Et ces manifestations se sont poursuivies le 26 mars ainsi
10 que le 1er et le 2 avril pour terminer par des brutalités qui parfois sont
11 allées jusqu'au meurtre de certains des participants à ces manifestations.
12 Question: Quel groupe, quelle organisation éventuellement s'est opposé à
13 ces manifestations en les réprimant?
14 Réponse: Il s'est agi du Gouvernement yougoslave qui avait engagé tout
15 l'appareil d'Etat dans cette action au Kosovo, et y compris l'armée
16 yougoslave de l'époque.
17 Question: Des soldats ont-ils participé à la répression?
18 Réponse: Principalement des unités spéciales, mais dans certains cas, il y
19 a eu des bavures de la part de l'armée yougoslave. C'est-à-dire des
20 interventions d'hommes en uniforme classique de l'armée.
21 Question: Etes-vous revenu dans votre village de Brusnik à la fin de vos
22 études?
23 Réponse: A la fin de mes études, je suis retourné dans mon village.
24 Question: Avez-vous eu des difficultés à trouver du travail à ce moment-
25 là, oui ou non?
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1 Réponse: Oui, j'ai eu des difficultés.
2 Question: Avez-vous fait votre service militaire entre 1987 et 1988?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Etes-vous ensuite retourné à Brusnik, où finalement vous avez
5 obtenu un emploi en tant qu'instituteur albanais dans l'école de Vushtrri
6 en décembre 1988?
7 Réponse: Oui.
8 M. Nice (interprétation): Quelle était la composition ethnique des
9 écoliers de cette école? Combien d'Albanais et combien de Serbes à peu
10 près?
11 M. Kadriu (interprétation): Il y avait à peu près 2.700 élèves dans cette
12 école dont 250 à peu près étaient serbes, de nationalité serbe.
13 M. le Président (interprétation): Il est temps de suspendre pour la pause.
14 J'aimerais vous faire une remarque personnelle. En ce qui concerne
15 l'accusé et les amici curiae, tout contre-interrogatoire portant sur des
16 événements qui ont eu lieu il y a vingt ans et dont parlera ce témoin,
17 devrait être limité, en effet, à la pertinence de ces événements et
18 extrêmement limité dans le cadre de la présente affaire. En tout cas,
19 c'est mon avis personnel. Donc je demande que le contre-interrogatoire sur
20 ces questions soit limité également. Nous suspendons pour 20 minutes.
21 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 35.)
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.
23 M. Nice (interprétation): Monsieur Kadriu, compte tenu du changement
24 intervenu en ce qui concerne l'autonomie du Kosovo en 1989 ou à peu près à
25 cette date-là, un mouvement s'est-il développé parmi les jeunes Albanais
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1 du Kosovo, dont vous avez eu connaissance?
2 M. Kadriu (interprétation): Oui, un mouvement populaire qu'ont rejoint les
3 jeunes, les étudiants, les habitants qui se sont dirigés vers Pristina. Ce
4 mouvement était très important.
5 Question: J'ai fait une erreur dans la façon dont j'ai formulé ma
6 question, mais y a-t-il eu également un mouvement populaire qui s'est
7 peut-être développé selon une voie ou même deux voies, et dont vous ayez
8 eu connaissance?
9 Réponse: Oui, un mouvement très important de la population s'est créé et
10 ces personnes sont allées de Pristina à Mitrovica. Ils sont tous sortis
11 dans la rue pour exprimer leur mécontentement suite à la modification de
12 la Constitution du Kosovo. Les étudiants et la population en général, tout
13 le monde s'est dirigé vers Pristina.
14 Question: On m'a dit que j'allais un peu trop vite, je vais essayer de
15 ralentir.
16 Y a-t-il eu un mouvement qui s'est développé parmi les Serbes du Kosovo et
17 dont vous ayez eu connaissance?
18 Réponse: Pendant cette période -je parle de Vucitern ainsi que du village
19 de Priluzh plus particulièrement-, en raison du mécontentement qui
20 grandissait, la population serbe du village s'est soulevée et a chassé les
21 étudiants, les élèves albanais de l'école. Je crois pouvoir dire que
22 c'était le premier signe de séparation entre les écoliers serbes et les
23 écoliers albanais.
24 Question: Merci. Mais, en fait, les écoliers de Priluzh sont allés où,
25 après cela ?
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1 Réponse: Les écoliers et étudiants qui ont été chassés de leur école ont
2 dû suivre l'enseignement dispensé dans l'école de Stanovci e Postem.
3 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on voit le village
4 de Priluzh sur la carte de tout à l'heure, au sud-est du village d'où est
5 originaire le Témoin.
6 Monsieur le Témoin, revenons au développement des mouvements populaires à
7 cette époque, de façon générale. Un mouvement représentatif des Serbes du
8 Kosovo s'est-il créé à ce moment-là, à peu près à la période dont nous
9 parlons, et en avez-vous eu connaissance?
10 Réponse: En 1987, de 1987 à 1989, j'étais sous les drapeaux, je faisais
11 mon service militaire, et je me souviens très bien de l'arrivée au pouvoir
12 de l'accusé. A ce moment-là, des mouvements serbes se sont développés, pas
13 seulement à Priluzh, mais également dans d'autres villes du Kosovo. Un
14 mouvement très important a pris corps et les femmes y sont intervenues.
15 Elles ont demandé, je crois que c'était en 1987 ou 1988, la démission de
16 Fadil Hoxha.
17 Question: Finalement -car nous n'allons pas nous attarder longtemps sur ce
18 point-, vous rappelez-vous un mouvement qui ait été en rapport avec
19 Velikoreke, village que les Juges de cette Chambre trouveront au sud-est
20 ou plutôt à l'est de Brusnik, de l'autre côté de la voie ferrée.
21 Réponse: Dans cette période, mais plus particulièrement après les guerres
22 de Croatie et de Bosnie, et même déjà avant, un village avait commencé à
23 se construire, qui disposait de toutes les facilités d'urbanisme à Velika
24 Reka. Et dans ce village, des personnes provenant de Croatie et de Bosnie
25 sont arrivées, l'objectif consistant, je pense, à modifier la structure
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1 ethnique de la population locale.
2 Question: Un incident s'est-il produit dans une école ou dans plusieurs
3 écoles où du gaz, apparemment, a été utilisé? Si oui, pouvez-vous nous en
4 donner la date et nous relater cet incident? Mais en quelques phrases
5 seulement, je vous prie.
6 Réponse: Oui, un incident s'est produit, effectivement. Il s'est produit
7 en 1990. Je crois que c'était au mois d'avril, mais je ne suis pas
8 absolument certain de la date. A ce moment-là, nos étudiants ont été
9 empoisonnés. Ils étaient plus de 250, 253 exactement, qui ont été
10 empoisonnés par du gaz qui a été utilisé dans notre école et dans d'autres
11 écoles également. C'est un gaz qui a un nom très connu, qui a souvent été
12 évoqué par les médias.
13 Question: A ce moment-là, les étudiants et écoliers albanais et serbes
14 fréquentaient-ils les mêmes écoles ou y avait-il une certaine ségrégation
15 au moment dont nous sommes en train de parler?
16 Réponse: Non. A ce moment-là, le principal était un Serbe. Les Serbes
17 suivaient leurs cours le matin dans une partie déterminée de l'école et
18 l'après-midi, en parallèle, les jeunes Albanais suivaient leurs cours à
19 eux.
20 Question: Le document, qui est mentionné dans le résumé de votre
21 déposition comme document SK1, n'est pas traduit, mais il peut être
22 examiné par quiconque s'y intéresserait.
23 Et je vais maintenant parler du Conseil pour les droits humains. Vous nous
24 en avez déjà parlé. A-t-il été créé en 1990? Nous savons quel poste vous y
25 occupiez et nous vous demandons combien de membres ce conseil comptait qui
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1 étaient originaires de Vushtrri?
2 Réponse: Au départ, ce conseil a rassemblé 77 membres au niveau local à
3 Vushtrri. Je parle du Conseil pour les droits de l'homme. Mais par la
4 suite, en raison de la crainte et de la répression, le nombre de ses
5 membres a diminué.
6 Question: Quel était l'objectif de ce conseil? Quelles étaient ses
7 fonctions?
8 Réponse: L'objectif de ce conseil à Vushtrri, ses fonctions consistaient à
9 rendre compte des violences et des représailles qui ont eu lieu après la
10 suppression de l'autonomie du Kosovo par le Gouvernement yougoslave.
11 Question: A cette fin, receviez-vous des informations provenant de
12 personnes extérieures et ce, de façon régulière? Et avez-vous mené des
13 investigations?
14 Réponse: Je n'ai pas très bien compris votre question. Pouvez-vous la
15 répéter?
16 Question: Avez-vous obtenu régulièrement des informations au sujet des
17 violations des droits humains pendant cette période?
18 Réponse: Oui, j'en recevais régulièrement. En effet, nos représentants qui
19 étaient dispersés dans les villages et les villes recueillaient des
20 informations de cette nature et les transmettaient à Pristina, à la
21 section centrale du Conseil pour les droits humains et les libertés.
22 Question: Pouvez-vous rendre compte de violations des droits humains qui
23 auraient visé des Serbes? Et sinon, pour quelle raison?
24 Réponse: A cette époque-là, il n'y a eu aucune violence visant des Serbes
25 mais, dans certains cas, nous avons effectivement pris note de telles
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1 violences et en avons rendu compte au Conseil pour les droits humains et
2 pour les libertés. Mais, dans d'autres cas, nous n'avons pas été en mesure
3 de le faire, car la police et les forces serbes ne nous permettaient pas
4 de nous approcher des lieux où des crimes ou des violences s'étaient
5 produits. Donc nous avons travaillé, dirai-je, de façon semi-légale.
6 Question: Je parle maintenant de la fin de l'année 1990: à ce moment-là,
7 les instituteurs albanais étaient-ils payés? Et, si non, veuillez nous
8 expliquer ce qui s'est passé?
9 Réponse: A la fin de 1990, les instituteurs albanais ont cessé de
10 percevoir leur salaire. Nous avons donc exigé une rencontre avec le
11 principal de l'école, Slobodan Doknic, afin de comprendre pourquoi les
12 salaires n'étaient plus versés. Dès le début de l'entretien, il nous a dit
13 que nous ne serions plus payés car nous ne reconnaissions pas la Serbie
14 comme notre Etat. Nous sommes retournés le voir une deuxième fois, en
15 compagnie d'un professeur très expérimenté; nous avons demandé à
16 rencontrer le principal: il nous a dit que c'était un ordre qu'il avait
17 reçu et qu'il était contraint d'exécuter un ordre venant d'institutions
18 supérieures.
19 Question: Slobodan Doknic est devenu plus tard le maire de Vushtrri. Vous
20 en parlerez plus loin dans votre déposition, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, c'est exact.
22 Question: 1991, à présent. L'enseignement était-il dispensé ensemble aux
23 élèves albanais et serbes à ce moment-là, ou y avait-il ségrégation?
24 Réponse: En septembre 1991, nous allions encore à l'école normalement; je
25 parle du 1er septembre, mais le principal de l'école, Slobodan Doknic, a
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1 demandé à l'un des gardiens de fermer l'école et nous a dit que cette
2 école n'était plus notre école. Nous avons essayé de pénétrer, il nous a
3 empêchés de le faire; et c'est à partir de ce jour-là que nous avons
4 commencé à manifester pour obtenir notre école.
5 Nous avons manifesté le 1er, le 2 septembre et également le 13 septembre.
6 Ces manifestations étaient si importantes que même les parents des élèves
7 y participaient; ils demandaient que nous soient restituées nos
8 installations d'enseignement, qui se composaient de deux bâtiments.
9 Question: J'ai fait une erreur: j'ai omis de vous parler de deux sujets
10 que je vais aborder rapidement à présent.
11 Vous rappelez-vous un événement qui aurait concerné les installations
12 scolaires en mars 1991 ou mai 1991? Pouvez-vous en parler en quelques
13 mots?
14 Réponse: Nous avons été forcés de suivre nos cours dans une maison que
15 nous appelions "une maison scolaire" de façon ce que les élèves albanais
16 puissent être éduqués, car en plein centre de l'Europe, nous estimions que
17 c'était une tragédie d'être privés d'enseignement, mais à cette époque,
18 l'enseignement a été suspendu. Je ne me rappelle plus à quel moment
19 exactement, mais cela a duré plusieurs mois.
20 Question: Revenons maintenant aux manifestations du mois de septembre de
21 cette année-là. La police a-t-elle participé à ces manifestations? A-t-
22 elle contrôlé ces manifestations? Vous pouvez répondre par oui ou non.
23 Réponse: Si vous parlez du 22 septembre?
24 Question: Oui, je parle aussi de celle dont vous avez parlé, qui s'est
25 déroulée selon vos dires le 13 septembre.
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1 Réponse: Oui. Le 13 septembre, effectivement, nous avons organisé une
2 manifestation de masse à laquelle ont participé les étudiants, les élèves
3 et leurs parents. Cette manifestation a été réprimée par la police qui a
4 eu recours à la violence contre les élèves et contre les parents, ainsi
5 que contre nous, les enseignants. Un grand nombre d'entre nous ont subi
6 des sévices et j'ai des preuves à cet égard.
7 Question: Avez-vous été blessé physiquement, vous-même?
8 Réponse: Oui. J'ai été passé à tabac par la police en même temps que des
9 collègues à moi. En effet, la police est intervenue si violemment que les
10 élèves n'ont pas pu partir tous ensemble. Nous avons essayé d'ériger une
11 barrière de protection devant les élèves, nous avons essayé de constituer
12 un barrage de nos corps et les policiers nous ont frappés dans le dos.
13 Question: Merci. Avançons un peu dans le temps.
14 Vous nous avez parlé déjà, en quelques mots, de la création d'un système
15 scolaire parallèle. Cela s'est-il fait ouvertement ou clandestinement?
16 Réponse: Nous l'avons fait ouvertement, mais ils ont considéré que nous
17 l'avions fait clandestinement.
18 Question: Qu'est-il advenu des enseignants suite à la création de ce
19 système scolaire parallèle?
20 Réponse: Ils ont eu recours à des violences sans précédent. Je n'ai pas de
21 mots pour vous dire le genre de violence qu'ils ont utilisée à l'encontre
22 des élèves et des enseignants. Nous avons travaillé très dur pour que les
23 élèves puissent continuer à recevoir leurs cours, mais la police est
24 intervenue très fréquemment jusqu'en 1997, date à laquelle tous les
25 enseignants ont été emprisonnés pendant quelque temps ou pendant des
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1 durées plus longues.
2 Question: Vous-même, avez-vous été emprisonné une fois ou plusieurs fois?
3 Réponse: Je me souviens très bien d'avoir été arrêté plus de sept fois et
4 j'ai été emprisonné dans la prison de Mitrovica.
5 Question: Pendant combien de temps et pour quelle présumée infraction?
6 Réponse: J'ai été condamné à vingt jours de prison. En général, les
7 charges retenues contre moi étaient si absurdes que vous ne pouvez même
8 pas imaginer. Nous étions accusés, par exemple, de dispenser des cours
9 illégaux. C'est ce qui figurait dans les actes d'accusation. Je disposais
10 de tous ces documents, mais, malheureusement, ils ont brûlé durant la
11 guerre. Ensuite, nous comparaissions devant le tribunal et il arrivait que
12 nous soyons condamnés à une peine de prison ou encore à une amende, auquel
13 cas nous pouvions partir après avoir payé cette amende. Mais nous étions
14 généralement condamnés à des peines de prison de quinze jours ou moins.
15 Question: Pour que tout soit clair au compte rendu d'audience, pouvez-vous
16 nous dire quel mois et quelle année vous avez été emprisonné pendant vingt
17 jours?
18 Réponse: Oui, je peux le faire. C'était en mai, mais je ne me rappelle pas
19 exactement le jour.
20 Question: Y a-t-il eu d'autres incidents au cours desquels des certificats
21 ont été émis à l'intention d'étudiants participant à ce système scolaire
22 parallèle, certificats sur lesquels figuraient les mots "République du
23 Kosovo" en en-tête?
24 Réponse: Nous étions obligés d'agir de la sorte. Nous avons rédigé des
25 certificats que nous délivrions aux élèves pour certifier de leurs
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1 résultats scolaires. Ces certificats, si la police les découvrait entre
2 les mains des élèves, faisaient que les élèves étaient soumis à des
3 violences et quelquefois même arrêtés au poste de police. J'ai été arrêté
4 moi-même à ce moment-là.
5 Question: Que vous est-il arrivé en rapport avec ces certificats? Et je
6 vous prie de m'excuser pour vous avoir interrompu.
7 Réponse: J'ai été arrêté en même temps qu'un autre professeur, Xhafer
8 Merovcin, qui enseignait le français. Ils nous ont arrêtés devant nos
9 élèves, qui ont été très choqués lorsqu'ils ont vu que la police nous
10 frappait et, lorsque nous étions au poste de police, ils ont commencé à
11 nous interroger; ils nous ont dit: "Voyez ce que vous avez fait: vous avez
12 émis des certificats sur lesquels figurent les mots "République du
13 Kosovo"." Ensuite, ils ont commencé à nous insulter, à nous passer à
14 tabac; je n'oublierai jamais ce moment: ils ont pris une chaise qu'ils ont
15 jetée sur mon dos. Il y en a un qui me tenait pendant que l'autre faisait
16 cela et l'autre professeur qui m'accompagnait a été malmené également.
17 Malgré le fait que c'était un samedi, ils nous ont emmenés au Tribunal et
18 nous avons été condamnés.
19 Question: Ecartons-nous un peu de votre travail en tant qu'instituteur et
20 concentrons-nous sur votre action au sein du Conseil pour les droits
21 humains. Avez vous subi une intervention policière dans votre travail au
22 sein de ce Conseil pour les droits humains?
23 Réponse: Oui. Comme je l'ai déjà dit, à Vushtrri en tout cas, nous
24 travaillions de façon semi-légale, car nous étions persécutés dans le
25 cadre de notre action. En 1997, certains des militants ont été arrêtés et
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1 j'étais l'un d'entre eux.
2 Question: Que s'est-il passé au moment de votre arrestation et après votre
3 arrestation?
4 Réponse: Nous étions dans un café, en ville; c'était un vendredi, si je ne
5 me trompe pas. Des forces de police importantes nous ont encerclés; nous
6 étions en train de prendre un thé qui est une boisson traditionnelle chez
7 nous. Ils nous ont emmenés avec eux jusqu'au poste de police où ils ont
8 commencé à nous interroger.
9 Et moi-même, ainsi qu'un autre collègue qui a été forcé de quitter le
10 Kosovo par la suite et qui vit en Suisse aujourd'hui, nous avons donc tous
11 les deux été envoyés auprès des services secrets yougoslaves où nous avons
12 subi un interrogatoire au sujet de notre action.
13 Question: Quels sont les policiers qui vous avaient arrêtés au départ?
14 Réponse: Nous avions été arrêtés par la police classique, les policiers en
15 uniforme. Je me souviens que celui qui dirigeait le groupe était M. Simic,
16 l'adjoint du chef de la police.
17 Question: Mais qui vous a interrogé?
18 Réponse: Les hommes qui nous ont interrogés, qui ont donc repris
19 l'interrogatoire de la police civile, c'étaient des membres de la police
20 secrète. L'un d'entre eux s'appelait Dusan Janic; c'était le chef de la
21 police secrète. Ils nous ont demandé de parler de notre action au sein du
22 Conseil pour les droits humains et pour les libertés.
23 Question: A ce moment-là, le Conseil que vous représentiez avait-il établi
24 des contacts avec d'autres pays, qui s'intéressaient également aux
25 violations des droits humains?
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1 Réponse: Oui. Nous avions des contacts fréquents, car c'était de l'intérêt
2 général que d'échanger des informations. Il arrivait parfois que les
3 villageois concernés appartiennent à notre village ou à des villages
4 voisins; donc il fallait qu'il y ait échange d'informations au sujet des
5 événements dans les différentes communes.
6 Question: La police secrète semblait-elle avoir connaissance des contacts
7 que vous aviez avec des représentants de pays étrangers?
8 Réponse: Lorsque nous avons été amenés à la police secrète, dans les
9 locaux de la police secrète, par Janic qui était le chef de cette police
10 secrète, il disposait d'informations, car, en 1995, il nous avait demandé
11 de lui remettre un certain document. Il avait donc quelques idées sur le
12 travail que nous effectuions.
13 Question: En ce qui vous concerne, comment avez-vous entendu parler pour
14 la première fois de l'UCK en tant qu'organisation?
15 Réponse: Eh bien, si je me souviens bien, c'était en 1991, lorsque pour la
16 première fois dans les journaux, j'ai appris la création de l'Armée de
17 Libération du Kosovo.
18 Question: Et à votre connaissance, à partir de quel moment, cette
19 organisation s'est-elle instituée?
20 Réponse: Au début, je crois qu'il ne s'agissait pas d'une structure
21 organisée. Mais elle est apparue pour la première fois en novembre; je ne
22 sais pas exactement la date exacte, mais disons en novembre de l'année qui
23 a précédé la guerre: cette organisation s'est présentée publiquement comme
24 étant l'Armée de Libération du Kosovo.
25 Question: Est-ce qu'avant la guerre, cette organisation a commencé à
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1 prendre le contrôle d'un certain nombre de régions?
2 Réponse: Eh bien, les fouilles des maisons de certains Albanais ont
3 commencé dès 1991 jusqu'au début de la guerre. Il n'y a pas une seule
4 maison albanaise qui n'ait pas été fouillée, dévastée sous le prétexte de
5 la recherche d'armes. Ce genre de contrôle s'accompagnait d'actes de
6 violence, de persécutions, d'arrestations, de détentions au poste de
7 police parfois; et je peux vous dire qu'en tant que président du Conseil,
8 je peux vous dire qu'il est arrivé une journée où le MUP a interrogé
9 jusqu'à 17 ou 18 personnes.
10 Question: Oui, mais ce n'était pas ma question. Ma question était de
11 savoir s'il est arrivé un moment où l'UCK a pris le contrôle de certaines
12 régions, un peu avant la guerre?
13 Réponse: L'UCK, à la fin ou plutôt au début 1998, l'UCK a commencé à
14 développer son activité dans la région de Drenica.
15 Question: Merci.
16 Monsieur le Président, nous allons maintenant aborder un sujet qui n'est
17 pas appuyé par une carte dont vous disposez. Cette carte n'a pas été
18 versée au dossier au moment où les autres cartes ont été versées au
19 dossier. Il s'agit de la carte de la municipalité de Skenderaj. On
20 pourrait très bien lui donner une cote particulière ou bien faire que
21 cette carte devienne la carte 11 de la pièce à conviction n°4. Cela dépend
22 de vous.
23 M. le Président (interprétation): Il vaut mieux que cette carte soit
24 adjointe aux autres cartes plutôt que de recevoir une cote différente.
25 M. Nice (interprétation): Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
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1 Président.
2 Donc je vais demander que l'on présente cette carte au témoin et, pendant
3 qu'on la distribue, je sais que les amis de la Chambre ont demandé une
4 carte, il se trouve qu'il existe une sorte de carte qui se présente sous
5 la forme d'un petit livret et qui est publiée au Kosovo, et qui me paraît
6 extrêmement… qui pourrait être extrêmement utile, parce qu'elle n'est pas
7 trop volumineuse et pourrait nous permettre de nous repérer assez
8 facilement. La carte de Skenderaj, en fait, continue la carte au sud-ouest
9 de Vucitrn.
10 (L'huissier s'exécute.)
11 M. Nice (interprétation): Oui, c'est au sud. D'ailleurs, je vais demander
12 au témoin de nous le confirmer.
13 Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous relater un événement qui a eu lieu à
14 Qirez et à Likoshan? Et je signalerai aux amis de la Chambre que la
15 référence pour cette carte est la référence K8.
16 Monsieur le Témoin, je souhaiterais donc que vous nous relatiez un
17 événement qui a eu lieu à Qirez et Likoshan. Sur la carte que nous avons
18 sous les yeux, nous voyons Skenderaj ou Srbica. Et est-ce que Qirez et
19 Likoshan se trouvent à droite dans la partie est de la carte, tout de
20 suite au-dessus de la légende?
21 M. le Président (interprétation): Quelle légende?
22 M. Nice (interprétation): La légende qui figure en bas à droite.
23 Si on remonte cette route, on arrive à Likoshan. Ensuite, il est un peu
24 difficile de voir, mais c'est à peu près à cet endroit que vous trouverez
25 la localité de Qirez.
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1 M. Kadriu (interprétation): Oui, je l'ai trouvé. Effectivement, on peut
2 voir Qirez et Likoshan. Ce sont deux villages qui se jouxtent. Mais c'est
3 écrit très petit, c'est très difficile à lire.
4 Question: Est-ce que ceci se trouve au sud ou au sud-est de l'endroit où
5 vous résidez?
6 Réponse: Cela se trouve au sud-ouest de mon village et nous sommes séparés
7 de cet endroit par un autre village, mais à vol d'oiseau, on est tout
8 près.
9 Question: Je pense qu'une carte générale de la région se révélera très
10 utile et je vais essayer de me procurer ces atlas routiers aussi
11 rapidement que possible.
12 Monsieur le Témoin, est-ce qu'il y a eu un incident particulier à Qirez et
13 Likoshan en février 1998 et, si c'est le cas, pouvez-vous nous en donner
14 la date?
15 Réponse: Oui, il a y a eu un incident et, si je me souviens bien, il s'est
16 produit à la fin de février; je pense que c'était le 28 février.
17 Au matin de ce jour -j'espère d'ailleurs que je ne me suis pas trompé de
18 jour-, mais en tout cas, on a entendu des tirs d'armes lourdes, des tirs
19 d'artilleries, qui venaient du village de Qirez. Quelqu'un est venu, m'a
20 réveillé et m'a dit qu'il y avait… que l'on entendait des tirs qui
21 provenaient de Qirez et Likoshan. Je suis sorti de chez moi et j'ai
22 entendu très distinctement ces tirs qu'on entendait aussi bien dans notre
23 village que dans la ville de Vucitrn qui se situe à quelques kilomètres de
24 ces villages. On pouvait entendre ces tirs. Il s'agissait d'artilleries
25 antiaériennes, mais aussi d'autres types d'armes d'artillerie.
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1 Question: Ou êtes-vous allé? Qu'avez-vous fait et, si vous êtes allé
2 quelque part, avec qui? Pouvez-vous répondre brièvement, s'il vous plaît?
3 Réponse: Nous avons donc entendu ces tirs et, comme moi j'étais un
4 militant de la défense des droits de l'homme, je souhaitais ardemment
5 savoir ce qui était en train de se produire et je suis allé dans cette
6 direction en compagnie de mon frère. Nous sommes arrivés au village de
7 Dubovc. Nous avons rencontré des gens qui avaient réussi à s'enfuir; il
8 s'agissait essentiellement de familles.
9 Question: Toujours sur la même carte, Dubovc se trouve en haut au-dessus
10 de Qirez de l'autre côté d'une route. Ah, mais peut-être un petit peu plus
11 haut.
12 (Le témoin est avec le pointeur.)
13 Vous êtes donc allé à Dubovc avec votre frère. Qui avez-vous trouvé dans
14 ce village?
15 Réponse: Nous sommes arrivés à Dubovc où nous avaient rencontrés les
16 habitants des villages en question qui avaient réussi à s'enfuir. Il
17 s'agissait d'habitants du village en question, mais aussi de villages
18 environnants. Ils nous ont raconté que les troupes yougoslaves avaient
19 encerclé ces villages, en particulier Qirez et Likoshan, et il y avait
20 d'autres formations armées qui provenaient de Qirez et qui allaient dans
21 cette direction. Ils nous ont dit que c'était la guerre, mais ils ne
22 pouvaient pas nous dire ce qui s'était passé précisément.
23 Question: Et de quelles troupes, de quels groupes armés vous a-t-on parlé,
24 groupes et troupes armés ayant participé à ces opérations?
25 Réponse: Il était patent qu'étaient impliquées des troupes militaires -on
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1 les voyait se déplacer aux alentours- mais il y avait surtout des
2 policiers qui sont venus à la rescousse des forces locales serbes, qui
3 sont venus de Serbie.
4 Question: Est-ce que, à d'autres reprises, dans le cadre de ce que vous
5 allez nous relater, vous avez pu voir des policiers et des soldats
6 ensemble?
7 Réponse: Je peux vous dire qu'au cours de ces opérations qui ont eu lieu à
8 Qirez et Likoshan, on a pu voir également deux hélicoptères qui ont tiré
9 eux aussi. Mais je peux attester du fait de la participation de l'armée
10 dans d'autres opérations lorsque, le 22 septembre 1998, la région de
11 Çiçavica…
12 Question: Non, j'y reviendrai ultérieurement. Je voulais vous poser une
13 question de nature générale. Je voudrais savoir la chose suivante: vous
14 nous dites que, dans l'opération en question, on pouvait voir qu'il y
15 avait des policiers et des soldats. Je voudrais savoir si, à d'autres
16 reprises, vous avez vu les policiers et les soldats agissant ainsi de
17 concert? Ou est-ce que c'était la seule fois que cela s'est produit?
18 Réponse: Dans la plupart des cas, d'interventions massives, on assistait à
19 des opérations coordonnées de la police et de l'armée, comme cela a eu
20 lieu le 22 septembre, ainsi qu'à Prekaz et dans d'autres lieux.
21 Question: Avant de passer au 28 février, je voudrais savoir s'il y a eu
22 des décès de Serbes dont vous aviez entendu parler à ce moment-là?
23 Réponse: Oui, à Drenica. Les policiers se sont rendus dans la maison de
24 quelqu'un dont je ne connais pas le nom parce que c'est un village qui est
25 à distance. En tout cas, ils se sont rendus à cet endroit, ils ont usé de
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1 violence et le propriétaire de la maison a tiré sur les forces serbes pour
2 se défendre. Mais je ne peux pas vous dire s'il y a eu des pertes à ce
3 moment-là.
4 Question: Le lendemain, après votre première visite au village de Dubovac,
5 je voudrais savoir si vous y êtes retourné, ce que vous avez vu? Essayez
6 d'être aussi succinct que possible.
7 Réponse: Oui, j'ai voulu y aller moi-même pour voir ce qui s'était passé,
8 parce que les gens qui nous avaient parlé de cela n'avaient pas été très
9 clairs dans leur relation des événements. Mais une dame d'un fonds
10 humanitaire, dont le siège était à Pristina, mais qui disposait également
11 d'un bureau à Belgrade, cette dame est donc venue chez moi.
12 Question: Je vais vous interrompre. Ce n'est pas votre faute parce que
13 vous n'êtes pas habitué de déposer dans le cadre d'un procès, Monsieur
14 Kadriu, mais je vais essayer de nous faire perdre moins de temps et je
15 vous demande d'écouter ma question. Où êtes-vous allé et qu'avez-vous vu
16 le lendemain?
17 Réponse: Eh bien, nous y sommes allés ensemble. Nous nous sommes rendus au
18 village de Qirez et au village de Likoshan. Nous avons vu qu'il y avait
19 des victimes au sein de la famille Sejdiu; si je me souviens bien, il y
20 avait quatre personnes tuées. Il y a eu deux autres personnes tuées au
21 village de Qirez, ainsi qu'au village de Likoshan où il y avait 12 morts,
22 des personnes qui non seulement ont été tuées mais aussi massacrées. Il
23 s'agissait de la famille Ahmeti dont vous vous souvenez peut-être.
24 Question: S'agissant de ces deux familles qui comptent un certain nombre
25 de victimes, je voudrais savoir si vous avez vu les cadavres de ces
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1 victimes, vous-même?
2 Réponse: Oui, je me souviens que je suis allé voir la famille Sejdiu. Je
3 me suis recueilli sur les cadavres des étudiants qui avaient été tués et,
4 non loin de là, il y avait la famille Rukije: une femme avait été touchée
5 par le tir d'une mitrailleuse qui se trouvait sur un char; elle observait
6 ce qui se passait depuis le premier étage d'une maison et la moitié de son
7 crâne a été emportée par ce tir. Ultérieurement, quand la police a emmené
8 les cadavres de la famille Ahmeti, nous avons pu voir les corps en
9 question; nous avons pu voir que ces corps avaient été massacrés et nous
10 les avons enterrés au milieu du Qirez et Likoshan.
11 Question: Et combien de membres de la famille Ahmeti étaient concernés par
12 cela?
13 Réponse: Douze membres de la famille. Je crois que seules les femmes ont
14 survécu; tous les autres, tous les hommes, à l'exception de l'un des fils
15 qui travaillait à l'étranger, tous les autres donc ont été exécutés, ont
16 été abattus. Il n'y en a qu'un, il n'y a qu'un homme de cette famille qui
17 a survécu.
18 Question: Parmi tous les gens que vous venez d'évoquer, y en avait-il qui
19 portaient des uniformes au moment où vous avez vu leurs cadavres?
20 Répondez, s'il vous plaît, par oui ou non.
21 Réponse: Non. Non, à ce moment-là, je n'en ai pas vu étant vêtus de la
22 sorte.
23 Question: Au moment où vous les avez vus, y avait-il des éléments
24 indiquant qu'ils étaient armés? Y avait-il des armes autour d'eux? Y
25 avait-il des éléments de ce genre qui vous ont frappés?
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1 Réponse: Non. L'enterrement a été en grandes pompes. Il y avait des gens
2 qui venaient de toutes les régions du Kosovo, mais il y avait également
3 des représentants des organisations non gouvernementales. Nous avons pris
4 un certain nombre de photographies, nous avons communiqué tous les
5 rapports afférents à cette affaire au quartier général de Pristina et des
6 personnes venant d'autres municipalités se sont jointes à moi, ont pris
7 des photographies et nous avons transmis toutes ces photographies au
8 quartier général de Pristina.
9 Question: Dans la propriété des Ahmeti, vous avez vu des cadavres donc,
10 lorsque vous y êtes rendu, mais est-ce que vous avez également vu des
11 lieux où l'on trouvait des restes humains, ainsi que de grandes quantités
12 de sang?
13 Réponse: Quand nous sommes allés en compagnie des membres du Fonds
14 humanitaire à cet endroit, nous avons vu le lieu où les gens avaient été
15 exécutés, il y avait des buissons à cet endroit. Les gens avaient été
16 chassés de leurs maisons et, à cet endroit précis, les gens avaient été
17 abattus: on pouvait très bien voir le sang et nous ne sommes pas les seuls
18 à l'avoir vu, tout le monde l'a vu. Il nous est arrivé à plusieurs
19 reprises de voir des membres, des mâchoires et il était patent que ces
20 opérations de terreur s'étaient poursuivies pendant toute la nuit.
21 Question: Je vous demande toujours d'être bref. Je voudrais savoir si, au
22 moment où vous êtes arrivé, certains des corps avaient été transportés à
23 l'hôpital de Pristina?
24 Réponse: Il est vrai que nous n'avons pas vu les corps à cet endroit parce
25 qu'ils avaient été emmenés à l'hôpital de Pristina.
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1 Question: Est-ce qu'ultérieurement, vous avez vu les corps? Est-ce que
2 vous pouvez nous dire dans quel état ils se trouvaient lorsque vous les
3 avez vus?
4 Réponse: Je me souviens qu'ils sont arrivés avec des camions et, si je me
5 souviens bien, certains des membres de la famille Ahmeti voulaient
6 récupérer les corps à l'hôpital de Pristina. Ils l'ont fait ultérieurement
7 si bien qu'il a fallu agir rapidement afin de pouvoir prendre des
8 photographies. Nous avons pu remarquer que la plupart des corps avaient
9 été mutilés, ils étaient dans un état lamentable: on avait coupé les
10 organes génitaux, etc. Vous pourrez le constater sur les photographies qui
11 sont maintenant en possession du Conseil pour la protection des droits de
12 l'homme de Pristina.
13 Question: Monsieur le Président, ces photographies, nous ne les avons pas
14 à notre disposition. Si quelqu'un souhaite les voir, nous chercherons de
15 les obtenir.
16 Nous allons maintenant passer, Monsieur le Témoin, à un incident qui a eu
17 lieu un peu plus tard, pendant ce même mois et même à peu près au même
18 moment. Il s'agit d'un incident qui concerne les Jashari. Pouvez-vous nous
19 en parler, s'il vous plaît?
20 Réponse: Plusieurs jours après, le matin, toujours en suivant le même mode
21 opératoire, la famille Jashari, dans la propriété où elle résidait, à
22 Prekaz, a été encerclée au matin. On a entendu des tirs dirigés contre
23 cette maison. Plus tard, nous avons appris qu'il y avait eu des
24 explosions, qu'il y avait eu des tirs d'armes lourdes, de mitrailleuses.
25 Nous avons compris qu'il se passait quelque chose et que la maison était
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1 entourée par les forces serbes.
2 Question: Est-ce que Prekaz se trouve au nord-est de Skenderaj sur la
3 carte?
4 (Le témoin indique sur la carte.)
5 Merci. Cela se trouve donc au sud-ouest de l'endroit où vous habitez?
6 Réponse: Voilà Prekaz.
7 Question: Donc vous avez commencé à nous relater le fait d'avoir appris
8 que cette maison avait été encerclée par des forces serbes. Nous pouvons
9 traverser l'incident en question assez rapidement.
10 Dites-nous seulement combien de cadavres il a été retrouvé à l'endroit en
11 question?
12 Réponse: Avec quelques autres activistes en provenance de Vucitrn, de
13 Vushtrri, nous sommes allés là-bas un jour ou deux après l'incident même,
14 alors que les effectifs de la police avaient apporté les cadavres des gens
15 qui avaient été exécutés de la façon la plus sauvage. Et cela s'est fait à
16 un endroit entre Skender et Polac. Nous avons vu des cadavres exposés. Il
17 s'agit d'un site où l'on vendait du matériel de construction.
18 Nous avons, avec nos collègues de Skenderaj, fait des photographies de ces
19 cadavres. Tous avaient été exécutés, femmes, filles, hommes. Certains
20 avaient été mutilés, massacrés. J'avais une documentation à ce niveau-là,
21 mais une partie a brûlé avec ma maison. Toutefois, le Conseil chargé des
22 droits et des libertés de l'homme à Pristina a ces photos.
23 Question: Avant que de passer aux survivants, je voudrais vous demander
24 s'il y a d'autres membres de la famille Jashari qui sont encore considérés
25 comme étant disparus? Et si oui, combien?
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1 Réponse: Oui. En sus des cadavres qui avaient été exposés là-bas, j'ignore
2 quelle a été la destinée de Sadik Jashari. Certains membres de la famille
3 de Sadik Jashari sont allés au poste de police de Mitrovica parce que
4 Skenderaj fait partie de Mitrovica; ils ont demandé à la police de leur
5 venir en aide pour ce qui était d'apprendre quelle avait été la destinée
6 de la famille de Sadik Jashari. Ils sont partis à l'endroit de l'incident,
7 l'endroit où a eu lieu l'incident; et ce dont je suis en train de vous
8 parler m'a été relaté par un témoin oculaire qui n'a pas été autorisé à se
9 rendre sur le site. Ce qui fait que, de nos jours encore, nous ne savons
10 pas exactement ce qui est arrivé aux membres de la famille Sadik Jashari.
11 Question: Combien de cadavres ont été retrouvés? Ou plutôt dites-nous
12 combien de cadavres vous avez vus vous-même, à la suite de ce massacre?
13 Réponse: A Prekaz, il y avait des fosses ouvertes parce que les gens
14 avaient espéré qu'ils pourraient retourner les enterrer là-bas. Et je
15 crois qu'il y avait quelque 60 cadavres qui avaient été exposés à
16 l'endroit où l'on vendait en général du matériel de construction. Mais je
17 ne me souviens pas du nombre exact de cadavres que l'on avait exposés à
18 cet endroit.
19 Question: Bien. Suite à ces événements ou peut-être compte tenu d'autres
20 raisons, dites-nous, je vous prie, si des personnes autres avaient fini
21 par quitter la zone de Drenica?
22 Réponse: Oui, il y a eu un mouvement massif de la population en partance
23 de Drenica. La plupart se dirigeaient vers Vushtrri, ou Vucitrn, car pour
24 eux cela avait été considéré comme un endroit plus sûr. Et la route passe
25 à côté de bon nombre de villages, dont le mien, et nous avons vu un grand
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1 nombre de gens qui se dirigeaient vers Vushtrri/Vucitrn. Nous avons
2 ensuite commencé à recenser la population qui s'était déplacée après les
3 événements de Prekaz et des villages environnants.
4 Question: Est-ce qu'il y a eu une espèce de registre afférent aux
5 réfugiés? Et est-ce que vous seriez en mesure de produire un document de
6 ce type? Une copie?
7 Réponse: A l'époque, la centrale de la Croix-Rouge avait été intéressée
8 par ces chiffres-là justement et nous n'étions pas en mesure de tout faire
9 par nous-mêmes. Ce qui fait que c'est cette organisation-là qui a établi
10 une liste et ce sont eux qui nous avaient informés du nombre de personnes
11 qui étaient venues s'établir là. Mais la liste n'était pas complète:
12 toutes les personnes n'avaient pas été mentionnées. Je dirai qu'il s'agit
13 d'un document qui montre juste le début du déplacement de la population.
14 Il avait été très difficile de recenser tout individu qui, suite à des
15 pressions ou à des représailles, avait dû quitter sa maison.
16 Question: Monsieur le Président, le document qui nous est montré par le
17 témoin comporte une partie manuscrite au verso; cela n'a pas été traduit.
18 Mais nous allons avoir un projet de traduction.
19 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de placer l'original sur le
20 rétroprojecteur pour qu'on puisse voir cela sur nos moniteurs.
21 (L'huissier s'exécute.)
22 Par la suite, je demanderai que l'original soit confié au témoin, alors
23 que le projet de traduction sera placé sur le rétroprojecteur. Donc donnez
24 l'original, je vous prie, au témoin et placez sur le rétroprojecteur la
25 traduction.
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1 (L'huissier s'exécute.)
2 Est-ce que l'on voit ici "Registre" ou "Liste" des réfugiés albanais
3 recensés sur le territoire de la municipalité de Vushtrri après les
4 massacres de la police et des soldats serbes à Drenica. Et d'après les
5 nombres, les chiffres que l'on voit, est-ce qu'il s'agit bien du nombre de
6 réfugiés recensés par villages? Est-ce bien vrai?
7 Réponse: Oui, c'est cela. La Croix-Rouge a d'ailleurs pris part à
8 l'enregistrement des personnes déplacées, mais il avait été très difficile
9 de prendre des noms de toutes les personnes, car les gens allaient et
10 venaient; et puis, il y avait un grand nombre de forces dans la région, un
11 grand nombre d'effectifs. Donc ceci n'est qu'un échantillon des personnes
12 déplacées. Et nous voyons ici le nom du Dr Ismet Shaqiri qui avait été
13 président de cette association. Je regrette beaucoup que la documentation
14 en question ait été brûlée, qu'elle n'existe plus.
15 Question: Mais si l'on se penche sur les noms des villes et des villages,
16 et si l'on penche sur le nombre des réfugiés, est-ce que cela signifie que
17 les personnes sont venues dans cette localité ou ont quitté la localité en
18 question? Pour Vushtrri, c'est évident: c'est le site où les réfugiés sont
19 arrivés, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui. Vushtrri ou Vucitrn est une ville, et les réfugiés sont
21 allés s'installer dans les villages autour de Vucitrn. Mais il s'agit de
22 la municipalité de Vushtrri/Vucitrn depuis le village de Oshlan jusqu'au
23 village qui suit. C'est là qu'ils s'étaient abrités.
24 Et, en fin de liste, nous pouvons voir le nombre total de personnes
25 déplacées qui ont quitté leur domicile.
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1 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, quelle est la distance
2 séparant Drenica de Vushtrri ou Vucitrn, c'est-à-dire le site où les
3 réfugiés avaient trouvé abri?
4 M. Kadriu (interprétation): Depuis le village de Prekaz jusqu'à Vushtrri,
5 il y a à peu près 16 ou 17 kilomètres.
6 M. le Président (interprétation): Et Drenica? Drenica, c'est une région,
7 ce n'est pas une ville, n'est-ce pas?
8 M. Kadriu (interprétation): Oui, c'est une région que l'on appelle
9 "Drenica".
10 M. Robinson (interprétation): Mais comment se fait-il que ces gens-là
11 aient pu s'installer à Vushtrri et y chercher refuge?
12 M. Kadriu (interprétation): Il y avait des gens avec des enfants, des
13 femmes, des personnes âgées, des personnes malades. Ils ont quitté leur
14 domicile et c'est la raison pour laquelle nous avions proposé de leur
15 fournir un abri; cela était tout à fait normal, étant donné qu'il
16 s'agissait de personnes qui avaient quitté leurs domiciles en raison de
17 pilonnages de l'artillerie.
18 M. Robinson (interprétation): Mais il n'y avait pas eu d'attaque sur
19 Vucitrn?
20 M. Kadriu (interprétation): Non, il n'y a pas eu d'attaque à l'époque sur
21 Vucitrn.
22 M. Robinson (interprétation): Merci.
23 M. Nice (interprétation): Allons de l'avant. Nous savons que votre village
24 se trouvait à proximité de Vushtrri. Au printemps 1998, avez-vous noté la
25 présence, une présence militaire dans les parages ou dans les environs de
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1 votre village?
2 M. Kadriu (interprétation): En 1998, je me souviens -je ne suis pas sûr de
3 la date exacte, mais je me souviens- que des effectifs militaires serbes
4 étaient venus et qu'ils ont établi un campement dans la région de notre
5 village. Ils sont donc arrivés là et ils ont commencé à se transférer
6 depuis les baraquements militaires de Vushtrri vers notre village.
7 M. Nice (interprétation): Avant que de continuer, je voudrais que l'on me
8 donne une cote pour ce document.
9 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce 32.
10 M. Nice (interprétation): Maintenant, nous allons parler de juin/juillet
11 1998. Y a il eu des conflits dans cette région de Drenica entre l'UCK et
12 les effectifs serbes?
13 M. Kadriu (interprétation): Oui. Il est vrai que le conflit s'est propagé
14 et qu'il s'agissait d'un conflit armé entre l'UCK et les forces serbes.
15 Les tirs d'artillerie pouvaient être entendus à plusieurs kilomètres de
16 distance, à plusieurs kilomètres de distance, mais je ne saurais vous dire
17 exactement combien de kilomètres. Il s'agissait de conflits fort sérieux
18 et ils ont eu pour conséquence des déplacements de population.
19 Question: Peut-être pourriez-vous nous le montrer sur une carte?
20 S'agissant donc du conflit, est-ce que, par rapport à votre village, ces
21 conflits avaient eu lieu vers le sud, vers l'est, vers le nord ou l'ouest?
22 Réponse: S'agissant de notre village, dès que les forces militaires
23 s'étaient installées là-bas, plusieurs jours après, donc plusieurs jours
24 après qu'ils aient pris position de façon ferme là-bas, ils ont commencé à
25 pilonner la région de Çiçavica. Et ils ont commencé à pilonner cette
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1 région deux ou trois fois par jour. Les obus survolaient notre village, en
2 fait, survolaient nos maisons qui se trouvaient sur leurs trajectoires.
3 Les obus allaient vers Drenica, mais je ne sais pas vous dire exactement
4 où.
5 Question: Mais la région de Çiçavica, c'est une région de montagne, n'est-
6 ce pas?
7 Réponse: Oui. C'est une montagne, c'est toute une région montagneuse
8 allant du sud vers le nord-ouest.
9 uestion: Pourriez-vous nous montrer cette région montagneuse sur la carte?
10 Si vous êtes en mesure de le faire, je vous prie de nous la montrer;
11 sinon, tant pis. Mais en tout état de cause, je crois que vous avez la
12 carte de Vucitrn et de Srbica.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 (Le témoin montre avec le pointeur sur la carte.)
15 Voilà, c'est ici que se trouve cette zone, cette région de Çicavica.
16 Question: Suite aux dites activités, il y a un afflux important de
17 personnes ou un grand nombre de réfugiés?
18 Réponse: Oui. C'est lors de cet incident-là que les déplacements de la
19 population ont été les plus importants. Les résidents originaires de la
20 région de Drenica ont commencé à se déplacer vers Vushtrri/Vucitrn. Et
21 l'afflux des gens était énorme. Pendant cette même période, il y a eu des
22 décès: un enfant de 8 mois est mort, nous l'avons enterré dans notre
23 village. Le bébé est mort parce qu'il avait eu une fièvre très élevée,
24 beaucoup de fièvre et il y avait toute cette poussière; donc l'enfant en
25 question est mort au cours de cette nuit-là.
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1 M. Nice (interprétation): Mais, d'après vous, combien de gens ont été
2 déplacés pendant ces déplacements, ces mouvements de population?
3 M. Kadriu (interprétation): Eh bien, allant de Drenica, les déplacements
4 ne se faisaient pas seulement en direction de Vushtrri/Vucitrn: il n'y
5 avait pas suffisamment de place pour tous ces gens-là sur place. Les gens
6 se dirigeaient également vers Pristina. Je dirais qu'il devait
7 probablement s'agir de 30 à 40.000 personnes qui ont dû quitter leur
8 domicile. Je crois que les médias avaient également mentionné ce chiffre-
9 là.
10 M. le Président (interprétation): Si le moment est opportun, je crois que
11 nous pourrions en finir avec votre interrogatoire parce que je voudrais
12 dire quelque chose.
13 M. Nice (interprétation): Certainement.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Kadriu, pourriez-vous, s'il
15 vous plaît, revenir demain? Nous allons lever l'audience maintenant.
16 Je vous demanderai donc de revenir à 9 heures demain matin pour poursuivre
17 votre déposition. Je souhaiterais vous rappeler que, pendant cette
18 interruption et d'autres qui pourraient se produire, il ne vous est pas
19 autorisé de parler à quiconque de votre déposition jusqu'à ce que vous en
20 ayez terminé. Par personne, j'entends également les membres du Bureau du
21 Procureur.
22 Mais avant de lever l'audience, il y a une question que je souhaiterais
23 évoquer. Il s'agit de la demande présentée par l'accusé aux fins de mise
24 en liberté provisoire.
25 Aujourd'hui, nous rendons une décision écrite à ce sujet. La Chambre de
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1 première instance rejette la demande, en résumant ce qui est dit. Je vais
2 simplement vous donner un résumé, car la décision sera rendue par écrit.
3 Je vais simplement résumer.
4 La Chambre de première instance sait que les raisons présentées par
5 l'accusé à l'appui de sa demande de mise en liberté provisoire, sait que
6 ces raisons donc sont celles de conditions favorables à la préparation de
7 sa défense. Bien entendu, cela fait partie des droits qui sont les siens
8 dans le cadre d'un procès équitable, à savoir le fait de disposer de
9 suffisamment de temps pour bien se préparer. La Chambre de première
10 instance reconnaît les difficultés que peut rencontrer l'accusé dans la
11 préparation de sa défense, mais la Chambre estime que ce droit peut être
12 garanti par des moyens autres qu'une mise en liberté provisoire.
13 Le procès a déjà commencé et la Chambre de première instance n'est pas
14 convaincue que, si l'accusé était libéré, il continuerait à comparaître
15 pour son procès ou qu'il ne poserait aucun danger pour des victimes, des
16 témoins ou des tiers.
17 C'est pour ces raisons que la demande présentée par l'accusé est rejetée.
18 M. Nice (interprétation): Avant de lever l'audience, une chose.
19 Demain, le témoin va parler d'une vidéo, une vidéo qui a déjà été
20 visionnée en partie, une vidéo qui est longue et je n'ai nullement
21 l'intention de demander à ce qu'on la visionne dans son intégralité. Il
22 est peut-être utile que j'identifie cette vidéo à l'intention des amis de
23 la Chambre et de l'accusé s'ils souhaitent en prendre connaissance. Cette
24 cassette a déjà reçu une cote: il s'agit de la cote 13, pièce à conviction
25 13.
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1 Demain suivant l'évolution des débats, ce sera de demander que l'on passe
2 simplement certains passages de cet enregistrement vidéo, très rapidement.
3 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous nous retrouverons donc
4 demain à 9 heures.
5 (L'audience est levée à 13 heures 45.)
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