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1 (Jeudi 14 mars 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)
3 (Audience publique.)
4 (Le Témoin, M. Patrick Ball, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, c'est à vous.
6 (Contre-interrogatoire du Témoin, M. Patrick Ball, par l'accusé, M.
7 Milosevic.)
8 M. Milosevic (interprétation): Je souhaite vérifier un certain nombre de
9 données à présent.
10 L'Association américaine pour le progrès scientifique a décerné le prix
11 annuel à Flora Provina pour l'an 2001. Est-ce exact?
12 M. Ball (interprétation): Oui.
13 M. Milosevic (interprétation): Pour ce qui est des financements -nous
14 avons abordé ce sujet hier-, nous avons essayé de tirer cela un peu au
15 clair, lorsque nous avons constaté que le gouvernement américain a financé
16 votre association.
17 Entre autres, vous avez parmi les sources de financement l'Institut pour
18 la Paix, la Fondation Ford, ainsi que des gouvernements -néerlandais,
19 britannique et danois- qui financent un certain nombre de projets. Vous
20 avez aussi une agence de l'Eglise catholique allemande?
21 M. Ball (interprétation): Certaines des organisations que vous venez
22 d'indiquer, pourriez-vous, s'il vous plaît, les répéter que je puisse vous
23 répondre?
24 M. le Président (interprétation): Donnez le nom de chacune de ces
25 organisations au Témoin, une par une, pour qu'il puisse vous répondre.
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1 M. Milosevic (interprétation): Une agence de l'Eglise catholique
2 allemande, Miseror?
3 M. Ball (interprétation): Je n'ai pas connaissance de tous les groupes qui
4 fondent l'intégralité des travaux de l'organisation, mais je ne crois pas
5 que cette organisation ait financé les travaux de ces programmes relatifs
6 aux droits de l'homme auxquels j'ai collaboré moi-même.
7 Question: Très bien. Dans votre rapport, vous parlez de l'harmonisation
8 des données et vous dites que vous l'avez fait en coopération avec
9 International Crisis Group, le groupe chargé de la gestion des crises
10 internationales.
11 Réponse: Là, il y a peut-être un petit problème de traduction, car nous
12 n'avons jamais utilisé le terme "d'harmonisation". De surcroît, je ne
13 pense que nous ayons eu recours à aucune donnée provenant du groupe chargé
14 de la gestion des crises.
15 Question: Avez-vous comparé vos données aux données de ce groupe?
16 Réponse: Non, pas avec celles du groupe international chargé des crises.
17 Nous avons fait des analyses, des comparaisons avec des analyses
18 présentées par le PHR, ainsi que deux épidémiologiste qui travaillent pour
19 le Centre américain chargé de la lutte contre les maladies, des études qui
20 avaient été publiées dans un journal spécialisé.
21 Question: Très bien. Avez-vous élaboré un rapport pour le Burundi, par
22 exemple?
23 Réponse: Je n'ai jamais travaillé sur le Burundi, non.
24 Question: Avez-vous été impliqué, d'une manière quelle qu'elle soit, aux
25 travaux de l'ICG, du groupe international de la gestion des crises? Avez-
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1 vous collaboré, d'une manière quelle qu'elle soit, avec ce groupe?
2 Réponse: J'ai rencontré des scientifiques qui, par le passé, avaient
3 travaillé avec ce groupe. Je les ai rencontrés lors de réunions
4 scientifiques, je les ai entendus faire des exposés, mais jamais je n'ai
5 eu de collaboration avec cette institution, avec ce groupe.
6 Question: Très bien.
7 Vous avez dit que 45%… En fait, c'est ce que vous avez dit hier: que 45%
8 des données que vous avez traitées de manière statistique sont les données
9 que vous avez reçues de la part du Procureur, si je vous ai bien compris.
10 Est-ce exact?
11 Réponse: Les sources qui figurent dans la base de données qui m'a été
12 communiquée, ce sont des sources qui sont des sources internes au Tribunal
13 et des sources de diverses sortes. Il est exact que cela représente un
14 pourcentage de 45%.
15 Question: 45%. Pour le reste, il s'agit de rapports émanant du
16 gouvernement albanais et il s'agit de listes établies par des employés
17 albanais et qui vous ont été communiquées par eux. Vous avez dit que vous
18 avez reçu cela à Morina. Donc c'est pour l'essentiel la base de données à
19 partir de laquelle vous avez travaillé.
20 Il me semble avoir entendu...
21 Réponse: Je suis désolé, mais ce n'est pas tout à fait exact.
22 Question: Qu'est-ce qui n'est pas exact?
23 Réponse: Vous avez des systèmes de l'Etat bien distincts et chacun de ces
24 systèmes s'intéresse à un des types d'information que nous étudions. Les
25 données qui émanent du gouvernement albanais n'ont été utilisées que pour
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1 l'analyse des mouvements de population. Et les listes que vous évoquez, on
2 les a utilisé pour analyser les meurtres.
3 Et ce chiffre de 45%, 45% étant le pourcentage des sources internes du
4 Bureau du Procureur, et le reste, les 55% de source restante qui venait du
5 gouvernement yougoslave, pour la plupart ont fourni des données qui
6 étaient relatives uniquement à l'UCK. Quant à la quatrième catégorie
7 d'informations relatives aux activités de l'OTAN, elle vient exclusivement
8 de sources appartenant au gouvernement yougoslave.
9 Pour comprendre comment l'analyse a été réalisée, j'estime qu'il est
10 essentiel de savoir clairement ce qu'il en est de chaque source.
11 Question: Alors, puisque vous évoquez l'existence des sources du
12 gouvernement yougoslave, pouvez-vous nous dire si, à ce moment-là, le
13 Bureau du Procureur vous a communiqué le rapport que le gouvernement a
14 remis au Bureau du Procureur? Pour que ce soit tout à fait clair.
15 J'ai entendu dire ici de la part de M. Tapuskovic, me semble-t-il, l'un
16 des amici curiae, je l'ai entendu dire lors d'une de ces prises de paroles
17 –corrigez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous cite pas correctement- que
18 "26.000 pages ont été communiquées par le gouvernement au sujet des
19 activités de l'UCK". Donc il s'agit des documents fournis à cette
20 institution-ci. Avez-vous reçu de la part du Bureau du Procureur ces
21 26.000 pages parlant des activités de l'UCK? Il s'agit des documents
22 communiqués par le gouvernement serbe.
23 Réponse: Je ne sais pas ce qu'a envoyé le gouvernement de Serbie, mais ce
24 que je sais, c'est que ces données provenaient de nombreuses sources. Et
25 je parle ici des données relatives uniquement à l'UCK. Il y avait beaucoup
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1 de sources qui faisaient référence aux activités du gouvernement
2 yougoslave. Nous avons interprété ces sources comme étant des sources
3 publiques. C'est-à-dire qu'il s'agissait d'informations qui avaient été
4 déjà rendues publiques. Et comme je l'ai dit précédemment, nous avons
5 entamé notre analyse sur les schémas suivis par les activités de l'UCK, en
6 utilisant des informations qui figuraient sur un site internet du
7 gouvernement yougoslave et qui présentaient le nombre de pertes subies par
8 les forces serbes aux mains de l'UCK.
9 Question: Ma question est la suivante: le Bureau du Procureur vous a-t-il
10 communiqué les documents émanant des gouvernements serbe ou yougoslave,
11 comme vous le préférez, et qui concernent les activités de l'UCK? Je vous
12 demande si vous avez reçu ces documents de la part du Bureau du Procureur?
13 Réponse: Les sources qui figurent dans cette base de données font
14 référence elles-mêmes à un certain nombre de sources du gouvernement
15 yougoslave. Mais je ne peux pas vous dire s'il s'agit là des mêmes sources
16 que celles que vous mentionnez qui figurent dans les rapports que vous
17 évoquez. Ça, je ne le sais pas. Les sources sont indiquées à l'annexe 3,
18 on indique les organisations qui ont fourni les informations que nous
19 avons utilisées; cela vous aidera peut-être à comprendre ce point.
20 M. Milosevic (interprétation): Oui, très bien. Mais on n'y trouve rien de
21 tout cela dans cette liste.
22 Bon. Mis à part le fait que cette partie qui se trouve là en face, à
23 savoir l'accusation vous a fourni 45% de vos données, je vois par ailleurs
24 en date du 19 février de l'an 2002 -autrement dit il y a deux semaines,
25 deux ou trois semaines- vous dites: "Le Bureau du Procureur nous a demandé
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1 d'analyser ce qui est représenté par les figures 8 et 9 au sujet du lien
2 entre les meurtres et les flux de réfugiés, et notre conclusion finale est
3 que rien ne nous laisse indiquer qu'il y a une correspondance entre les
4 meurtres, à savoir que les meurtres ont entraîné les flux de réfugiés et
5 inversement".
6 Autrement dit, c'est le Bureau du Procureur qui vous présente un certain
7 nombre de demandes au sujet des activités qui sont les vôtres, à savoir
8 les activités d'experts, et vous répondez à cela; et cela a continué
9 jusqu'à 19 février dernier. Alors, ce qui m'intéresse c'est de savoir
10 quelle était l'intensité de vos rapports avec le Bureau du Procureur entre
11 vous et vos collaborateurs de l'OTP pendant que vous travaillez sur ces
12 études statistiques.
13 M. le Président (interprétation): Quels collaborateurs du Bureau du
14 Procureur?
15 M. Ball (interprétation): Je n'ai aucun collaborateur au sein du Bureau du
16 Procureur. Là, il semble y avoir un petit malentendu. Toutes les personnes
17 qui ont travaillé sur ce rapport avec moi, ce sont des gens qui
18 appartiennent à l'Association américaine pour le progrès de la science et
19 qui travaillent sur l'Initiative juridique pour l'Europe centrale et
20 orientale, sous l'égide de l'université Carnegie Mellon.
21 Le Bureau du Procureur m'a posé un certain nombre de questions au sujet
22 des figures 8 et 9. On m'a demandé si la même analyse ici pourrait
23 entraîner les mêmes conclusions au sujet des meurtres et des mouvements de
24 population. Nous avons constaté qu'il y avait une corrélation très nette
25 au niveau du temps et au niveau de l'espace entre les occurrences de
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1 meurtres et de mouvements de population. C'est-à-dire, que si vous preniez
2 un endroit précis et que vous constatez que le nombre de meurtre étaient
3 important, eh bien, on constatait que le nombre de personnes qui partaient
4 de leur foyer aussi était important; et il en allait de même si le nombre
5 des meurtres était faible, les personnes qui partaient de chez elles aussi
6 étaient en faible nombre. Et ceci se retrouve sur différentes périodes de
7 temps pendant toute la période concernée.
8 Ce que m'a demandé le Bureau du Procureur, c'était d'examiner la question
9 suivante: lorsque vous aviez des pics pour ce qui était des mouvements de
10 réfugiés, c'était de savoir si l'on avait constaté un nombre important de
11 meurtres dans la période précédente; c'est-à-dire un ou plusieurs meurtres
12 dans les deux jours précédant la période concernée.
13 De même, lorsque vous avez un pic du nombre de meurtres, on m'a demandé de
14 voir si pendant la période précédente ou suivante, on avait constaté des
15 mouvements de population. Et nous avons constaté que c'était le cas.
16 Beaucoup plus que pour les figures 8 et 9. En fait, nous constatons que
17 les proportions sont doubles.
18 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà expliqué ce qu'il en
19 était lors de votre interrogatoire principal, Monsieur le Témoin. Voyons
20 voir s'il y a d'autres questions.
21 M. Milosevic (interprétation): Je ne voulais pas rentrer dans la question
22 des meurtres mais puisque vous venez de nous donner une explication aussi
23 détaillée, je souhaite vous rappeler une chose. Il est écrit ici, au sujet
24 de ce que vous a demandé le Bureau du Procureur, il est dit ici, il est
25 écrit en date du 19 février dernier: "Dans cette analyse, nous avons pu
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1 nous apercevoir que la corrélation ne laisse pas, ne permet pas de déduire
2 que les meurtres ont entraîné des déplacements de réfugiés. Elle ne
3 confirme ni ne réfute cette hypothèse".
4 Puis pour ce qui est de l'entretien que vous avez eu lors de la semaine
5 dernière avec les représentants du Bureau du Procureur, vous dites que
6 l'on vous a demandé de vérifier encore une fois le lien entre les meurtres
7 et les mouvements de réfugiés, qu'ils vous ont demandé d'appliquer la
8 méthode des sommets. Puis enfin vous dites: "Nous avertissons que ces
9 observations ne confirment pas que les meurtres ont provoqué des
10 déplacements de population".
11 C'est ce que vous avez écrit. Est-ce exact? Maintenez-vous cette
12 affirmation?
13 M. Ball (interprétation): La raison pour laquelle nous n'avons pas inclus
14 cette analyse dans notre premier rapport, c'est que nous estimons que
15 cette méthode permet de réfuter une hypothèse mais, en revanche, ce n'est
16 pas une méthode appropriée pour confirmer une hypothèse; de sorte que nous
17 n'avons pas employé cette méthode pour confirmer cela.
18 Bien que j'ai dit précédemment que les chiffres semblent indiquer qu'il y
19 ait confirmation de cette hypothèse, j'ai mis en garde, dans le document,
20 sur le fait que nous ne devrions pas utiliser cela de cette manière, parce
21 que cela n'est pas approprié dans le domaine statistique.
22 Nous en avons conclu qu'il y avait une corrélation importante au fil du
23 temps entre le nombre de meurtres et le nombre de réfugiés, mais que cette
24 conclusion on ne devait pas la déduire de cet argument, de l'argument
25 précis dont nous parlons. Voilà ce que signifie le passage que vous avez
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1 cité.
2 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais puisque vous entrez en
3 détail dans ce problème, vous avez là plusieurs manipulations, dirais-je,
4 quant aux estimations du nombre de personnes tuées.
5 En page 3, vous dites: "L'analyse comprend l'estimation des meurtres au
6 sujet desquels aucune des quatre sources n'a été renseignée." (Fin de
7 citation.)
8 Mais c'est cela le problème principal, puisqu'on entre dans l'analyse sur
9 la base des données estimées et non sur la base des données réelles, quand
10 il s'agit de l'activité de l'OTAN et de l'UCK en relation aux meurtres,
11 n'est-ce pas?
12 M. le Président (interprétation): Avez-vous compris la question?
13 M. Ball (interprétation): Eh bien...
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, veuillez, s'il vous
15 plaît, éclaircir un peu votre question.
16 M. Milosevic (interprétation): J'estime que ce que je viens de citer
17 constitue le vrai problème, puisque l'analyse du lien entre l'OTAN et
18 l'UCK et les meurtres est faite sur la base des données estimées et non
19 pas sur la base des données réelles. Est-ce exact ou non? Je pense que
20 j'ai été tout à fait clair.
21 M. Ball (interprétation): Toutes les analyses des meurtres d'Albanais du
22 Kosovo, à l'exception des tableaux 8 et 9, tout repose sur des
23 estimations, y compris l'analyse résiduelle qui figure au chapitre 53 du
24 rapport. Nous en avons parlé à l'envi hier. L'exception donc concernant
25 cette analyse relative au meurtre d'Albanais du Kosovo, l'exception
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1 concerne uniquement les tableaux 8 et 9.
2 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais il y a une grande
3 différence entre vos estimations et ce que vous avez ici en tant que
4 faits. Car, en page 5, il est dit: "Le nombre estimé de morts, obtenu par
5 l'analyse statistique est de 2.356 avec l'erreur 9002, jusqu'à 12.000 et
6 quelques."
7 Or, le tableau des exhumations nous montre qu'il n'y a eu que 4.211 corps
8 exhumés. Pour ce qui est des victimes identifiées albanaises, elles
9 constituent 45,4%. Donc nous avons un nombre qui se monte à 1.912. Tout le
10 reste opère avec un chiffre fictif. Pouvez-vous nous expliquer cela?
11 (Les Juges se consultent sur le siège.)
12 M. Ball (interprétation): 10.356, ce n'est pas un chiffre qui a été
13 imaginé; c'est une estimation, une estimation qui repose sur des principes
14 reconnus et utilisés partout dans le monde. Et ce chiffre est le résultat
15 d'une analyse rigoureuse et qui a fait l'objet de vérifications.
16 Question: Vous en avez terminé avec votre explication?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-il exact que vous avez en tout, pour ce qui est des corps
19 albanais, donc uniquement de victimes albanaises, identifié 1.912?
20 Réponse: Non, ce n'est pas exact. Le chiffre en question c'est 4.400. Il
21 s'agit de victimes que nous sommes en mesure d'identifier en donnant leur
22 nom.
23 Question: Et alors, entre 4.400 et 10.1356, la différence, la différence,
24 comment l'expliquez-vous? Qu'est-ce qui se passe là? Qu'est-ce que cela
25 représente, puisque ce chiffre est bien plus élevé que le nombre de
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1 victimes identifiées?
2 Réponse: Comme je l'ai dit, en réponse à des questions qui m'ont été
3 posées précédemment, l'estimation de 10.356 est réalisée, a été donnée sur
4 la base de méthodes scientifiques, bien connues, qui sont utilisés
5 couramment dans le domaine de la statistique. A l'annexe 2, vous avez une
6 explication de ces techniques, tout à fait complète.
7 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je commence à comprendre un petit
8 peu mieux et j'espère que ceux qui nous suivent commencent à comprendre
9 aussi, à savoir pour quelle raison votre rapport ne peut être utilisé qu'à
10 de fins éducatives et informationnelles et non pas à des fins auxquelles
11 ceci est utilisé ici.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, on vous dit que
13 votre rapport ne peut pas être utilisé en tant qu'élément de preuve.
14 Qu'avez-vous à répondre à cette affirmation?
15 M. Ball (interprétation): Je ne suis pas juriste, donc malheureusement je
16 ne peux pas répondre.
17 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'un commentaire de votre
18 part, Monsieur Milosevic.
19 Passons à autre chose, s'il vous plaît.
20 M. Milosevic (interprétation): Alors, j'ai une question à poser au sujet
21 de cette coopération avec le Bureau du Procureur, une question qui vous
22 concerne personnellement.
23 Croyez-vous que le Procureur fait tout ce qui est possible, tout ce qui
24 est dans son possible afin de prouver que l'agression menée par l'OTAN n'a
25 pas provoqué l'exode de la population?
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1 M. le Président (interprétation): Il ne s'agit pas là d'une question dont
2 peut traiter le Témoin.
3 M. Milosevic (interprétation): Il me semble que la question concerne tout
4 à fait ce Témoin puisqu'il coopère avec le Bureau du Procureur.
5 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un commentaire.
6 M. Milosevic (interprétation): Alors, considérez-vous que votre travail
7 est d'une grande importance pour le Procureur, à savoir...
8 M. le Président (interprétation): Non, il ne s'agit pas là d'une question
9 dont peut parler le Témoin. Le Témoin vient ici pour déposer, il ne vient
10 pas pour faire des commentaires.
11 M. Milosevic (interprétation): Bien. Cela aussi constitue une réponse.
12 Vous rappelez-vous, Monsieur Ball, qu'à un moment donné, vous avez déclaré
13 que les affirmations de l'OTAN au sujet de 100.000 personnes disparues au
14 Kosovo sont totalement absurdes? L'avez-vous déclaré? Vous rappelez-vous
15 cette déclaration?
16 M. Ball (interprétation): Oui, je l'ai dit, effectivement.
17 Question: Vous l'avez dit donc. Alors, je vous demande la chose suivante:
18 à votre avis, quelle a été la raison qui a incité l'OTAN à faire ce genre
19 d'affirmations ou de déclarations, comme celle que nous venons de citer? A
20 votre avis, pourquoi l'OTAN a-t-il dit cela?
21 Réponse: Je n'en sais rien. Moi, j'ai dit que ce chiffre était beaucoup
22 trop élevé et nos estimations le confirment.
23 Question: Monsieur Ball, faites-vous partie du Comité de conseil du groupe
24 qui est connu sous le nom du "Culte de la vache morte"? Il s'agit d'un
25 groupement de femmes informatiques?
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1 Réponse: Non, je n'appartiens pas au groupe ou au comité de gestion;
2 j'essaie de les aider pour inciter les jeunes programmateurs en
3 informatique à s'éloigner, à sortir de l'illégalité et à se consacrer
4 plutôt à des activités productives et qui s'inscrivent dans la légalité.
5 Question: Quelle est la mission de ce groupe? Quelle est la vocation de ce
6 groupe que vous aidez?
7 Réponse: Ils ont beaucoup d'activités. Moi, la seule chose que je fasse
8 avec eux, c'est de les aider pour inciter les jeunes programmateurs
9 informatiques à sortir de l'illégalité.
10 M. Milosevic (interprétation): Lors de la conférence qui s'est tenue le 14
11 juillet à Las Vegas, qui a réuni les jeunes programmeurs, avez-vous
12 déclaré à ce moment-là: "Ce serait très bien d'applaudir la remise de
13 Slobodan Milosevic au TPI, qui s'est déroulée la semaine dernière. Je
14 pense que vous êtes tous émus, tout comme moi, à la veille du début de son
15 procès qui commencera dans neuf mois"? Il s'agit d'une conférence qui
16 était intitulée "Deskon 9".
17 M. Ball (interprétation): J'ai deux corrections à apporter: premièrement,
18 la conférence a eu lieu à Las Vegas au Nevada et non pas en Californie; et
19 il y a un petit problème, une petite discordance qui vient peut-être de la
20 traduction au sujet de mes propos.
21 M. le Président (interprétation): Mais qu'avez-vous dit, Monsieur Ball?
22 M. Ball (interprétation): C'est à peu près ce que j'ai dit, mais je ne
23 pense pas qu'il soit nécessaire de passer trop de temps à ce sujet.
24 Mais il faut savoir que j'étais en train d'expliquer à de jeunes
25 programmateurs en informatique ce que signifient les droits de l'homme.
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1 Vous remarquerez que j'essayais de leur expliquer ce qu'était la
2 Déclaration universelle des droits de l'homme, les Conventions de Genève,
3 etc. J'essayais de le faire de manière très simple, pour que ce soit
4 accessible à des gens qui ne connaissaient rien au concept des droits de
5 l'homme et aux concepts du droit international. C'est pourquoi j'ai dit
6 ces choses.
7 Et ce que j'ai dit a été très bien reçu et les gens étaient enthousiasmés
8 parce qu'ils avaient l'impression qu'enfin, ils pouvaient faire quelque
9 chose de positif, plutôt que de se consacrer à des activités illégales ou
10 nocives, que nous décourageons; je l'ai déjà dit précédemment.
11 Il existait un acte d'accusation à l'encontre de M. Milosevic. Donc toute
12 personne qui est favorable à la justice internationale doit se réjouir de
13 son extradition, doit se réjouir de son procès, en estimant qu'il s'agit
14 là d'une occasion excellente pour entendre les éléments de preuve relatifs
15 à cette affaire. Je suis en faveur du droit international, je suis en
16 faveur du respect des droits de l'homme au niveau international. C'est
17 dans ce cadre que s'inscrit mon parcours professionnel et, de ce fait, il
18 me paraît tout à fait logique que j'ai tenu les propos que nous venons
19 d'évoquer.
20 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, un instant, s'il vous
21 plaît.
22 Monsieur le Témoin, je ne comprends pas bien. Est-ce que vous étiez en
23 train de paraphraser ce que vous avez dit ou d'expliquer dans quel
24 contexte vous l'avez dit. Ce qui me paraît le plus intéressant, c'est ce
25 que vous avez dit quand vous avez dit: "Toute personne qui est en faveur
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1 des droits de l'homme doit être en faveur de cette extradition". Est-ce
2 que c'est ce que vous avez dit lors de cette conférence?
3 M. Ball (interprétation): Non.
4 M. Robinson (interprétation): Parce que le Président de la Chambre vous
5 avait demandé ce que vous avez dit lors de cette conférence?
6 M. Ball (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
7 suis désolé, mais je ne dispose pas ici du texte précis. Mais vu la
8 manière un peu malheureuse dont on a repris mes propos du côté de
9 l'accusé, j'ai pensé qu'il était nécessaire d'apporter quelques
10 corrections.
11 Mais en l'essence, ce qu'il a dit correspond à ce que j'ai dit moi-même.
12 Ensuite, je vous ai expliqué pourquoi j'avais dit cela. Et je vous ai
13 expliqué que c'était parce que j'étais en faveur du droit international et
14 que je me réjouissais donc de son extradition.
15 Voilà mon explication. Mais lors de cette intervention, je ne suis pas
16 entré dans les détails: j'étais face à un auditoire de jeunes de 18 à 19
17 ans. Donc je suis resté vraiment très simple dans mon expression.
18 M. Robinson (interprétation): Vous pouvez continuer, Monsieur Milosevic.
19 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous ai pas demandé ce qui vous a
20 incité à tenir ce genre de propos. Ce que je vous ai demandé était de
21 savoir si cette déclaration était vraie. Elle ne fait absolument pas
22 référence au droit international.
23 Je n'ai pas du tout mentionné la Californie. Il y a eu une erreur
24 d'interprétation. Vous m'avez dit que Las Vegas ne se situait pas en
25 Californie, donc l'interprétation a dû ajouter malencontreusement cela.
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1 Donc je vous cite...
2 M. le Président (interprétation): Il a reconnu que c'était ce qu'il avait
3 dit en substance et il nous a expliqué pourquoi. Que cela ait eu lieu en
4 Californie ou non, peu importe.
5 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas l'essentiel. Je cite l'exemple
6 de la Californie pour montrer qu'il y a eu une erreur de traduction. J'ai
7 peut-être lu trop vite la citation et c'est pour cela que j'ai rendu un
8 mauvais service aux interprètes.
9 Donc cette citation n'a rien à voir avec le droit international. Il est
10 dit ici: "Il serait très bien..."
11 M. le Président (interprétation): Nous avons compris. Quelle est votre
12 question suivante? Quelle est votre question suivante? Quelle est la
13 prochaine question que vous voulez poser?
14 Contentez-vous de poser la question suivante.
15 M. Milosevic (interprétation): La question, ma question est la suivante:
16 en affirmant qu'il est bien et agréable d'applaudir l'extradition de
17 Milosevic à La Haye, la semaine dernière, affirmez-vous qu'en dépit de ce
18 genre de position, votre position personnelle donc, votre travail qui
19 concerne l'Acte d'accusation qui a été dressé à mon encontre peut être
20 considéré comme un travail recevable et objectif?
21 M. Ball (interprétation): La science, elle, n'est pas fonction de l'homme
22 qui la pratique. Je pense que tout statisticien, tout démographe, tout
23 sociologue qui connaît les méthodes décrites dans les annexes pourrait
24 prendre les mêmes données et parvenir aux mêmes conclusions.
25 Cependant, je pense que le soutien qu'on peut donner au droit
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1 international n'enlève rien à l'objectivité du scientifique. Je suis en
2 faveur du droit international par conséquent, mais je ne pense pas que mon
3 objectivité soit en aucune façon entamée.
4 Question: Puisque vous applaudissez mon extradition et vous dites en même
5 temps que vous soutenez le droit international, savez-vous que,
6 précisément en vertu de ce droit que vous prétendez soutenir, vous ne
7 pouvez me considérer coupable à aucun titre, tant que cela n'a été prouvé?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Par conséquent, vous applaudissez le fait que l'on me punisse et
10 vous fournissez ces preuves montées de toutes pièces afin de servir la
11 politique que nous avons mentionnée hier, au début de cet interrogatoire.
12 Est-ce exact?
13 Réponse: Non, pas du tout.
14 Question: Vous rappelez-vous avoir dit, lorsque vous avez pris la parole à
15 Las Vegas -je cite-: "Durant les années 80, nous avons appris de nouveau
16 que les personnes qui s'opposaient au soutien américain à la guerre
17 étaient des cibles". (Fin de citation.)
18 Ai-je bien cité vos propos?
19 Réponse: Des gens qui se trouvaient dans le public m'ont demandé s'ils
20 devaient avoir des inquiétudes physiques ou autres au cas où ils
21 s'opposeraient à la politique américaine. J'ai répondu qu'au cours des
22 années 80, il y avait eu des adversaires aux Etats-Unis qui avaient fait
23 l'objet d'enquêtes et de harcèlement. C'est une question qui concernait la
24 politique intérieure du pays, une préoccupation vraiment de la politique
25 intérieure.
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1 Question: Mais précisément, les personnes qui s'opposaient au soutien
2 américain à la guerre, ce sont elles qui ont été harcelées. Avez-vous
3 changé de position depuis?
4 Réponse: Moi, je parlais de quelque chose qui s'était passé dans le passé.
5 Je n'ai pas connaissance d'événements similaires plus récents, mais je le
6 répète: c'était une préoccupation que je formulais s'agissant d'une
7 question de politique intérieure qui est vraiment interne aux Etats-Unis.
8 Question: Alors c'est "deux poids, deux mesures": vous avez une sorte de
9 critère pour ce qui est de la position morale en politique intérieure aux
10 Etats-Unis et vous avez d'autres critères pour ce qui est du comportement
11 à l'extérieur des Etats-Unis?
12 Réponse: Non, je ne pense pas que mon commentaire ait eu quoi que ce soit
13 à voir avec la déontologie ou l'éthique.
14 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit d'une question éthique, à savoir
15 de dire que quelqu'un devient une cible s'il s'oppose à une certaine
16 politique. Vous le situez à l'intérieur des Etats-Unis comme quelque chose
17 de spécifique, alors pourquoi y aurait-il une différence si la situation
18 se passait à l'extérieur des Etats-Unis, pourquoi une différence par
19 rapport au positionnement moral ou éthique?
20 M. le Président (interprétation): Comprenez-vous la question?
21 M. Ball (interprétation): Non, je suis désolé. Pas du tout.
22 M. le Président (interprétation): Il ne comprend pas la question que vous
23 avez posée. Si vous voulez poser une question pertinente, faites-le, mais
24 ceci me semble dépourvu de toute pertinence.
25 M. Milosevic (interprétation): Bien!
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1 Dans son ensemble, ce montage statistique que vous avez produit se fonde
2 sur le fait que vous supposez que les réfugiés albanais ou les Albanais du
3 Kosovo disaient la vérité, n'est-ce pas?
4 M. Ball (interprétation): Non, ce n'est pas vrai.
5 Question: Est-ce partiellement vrai alors?
6 Réponse: Non. Non. Il faut interpréter ceci comme étant un test pour voir
7 si c'est bien la vérité qui a été dite. C'est plutôt donc l'inverse de ce
8 que vous dites qui s'applique ici.
9 Question: Vous-même, lors d'un séminaire qui s'est tenu et qui a été
10 sponsorisé par un projet pour poursuivre les crimes de guerre, qui s'est
11 tenu donc en l'an 2000, vous avez reconnu vous-même qu'ils étaient
12 inquiets compte tenu du fait qu'il y avait un risque que les Albanais de
13 souche, donc les Albanais du Kosovo, n'aient pas dit la vérité lorsqu'ils
14 s'adressaient aux journalistes et aux autres. Est-ce exact?
15 Réponse: Oui, c'était bien une préoccupation. En fait, un journaliste qui
16 participait à la conférence a parlé d'un fait très bien connu; ma réponse
17 a été de dire que ces méthodes mettent à l'épreuve ce type de problèmes,
18 testent ces hypothèses, et en fait on parviendrait aux mêmes conclusions,
19 même si certaines parties des personnes interrogées n'ont pas dit la
20 vérité.
21 Question: Laissons de côté les témoins. En plus de ces affirmations
22 véridiques du côté albanais, voyons aussi les documents que vous avez
23 reçus du gouvernement albanais ainsi que les documents que vous avez
24 trouvés, comme vous le dites dans votre rapport, au poste-frontière de
25 Morina.
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1 Eh bien, que doit-on penser si cela n'est pas véridique?
2 Réponse: Pour autant que je puisse l'établir, tous les documents que j'ai
3 reçus sont authentiques dans leur interprétation statistique.
4 Question: D'un point de vue statistique, oui. Mais cela n'implique pas
5 qu'ils sont vrais réellement. Essayons de voir cela un peu plus en détail.
6 Est-il exact donc qu'en plus de ces gardes frontières albanais, qu'en plus
7 de ces employés albanais, est-il exact que les personnes qui ont recueilli
8 les données pour votre étude étaient des personnes qui ont travaillé pour
9 Human Rights Watch, pour l'Institut pour la politique, situé à Tirana
10 également?
11 Réponse: L'organisation avec laquelle je travaillais à Tirana était
12 l'Institut pour l'étude des questions politiques et juridiques, pas pour
13 les droits de l'homme. Je vous l'ai dit, c'étaient mes partenaires mais
14 uniquement pour l'étude des déplacements de population. J'ai aussi
15 d'autres partenaires, comme vous l'avez dit, tels que Human Rights Watch;
16 j'ai utilisé leurs données pour chacune des parties de ladite analyse.
17 Question: Mais les déplacements de population, c'est cela la thèse
18 maîtresse du Procureur! C'est ce qu'ils appellent des déportations. Donc
19 votre partenaire de Tirana est votre partenaire principal puisqu'il
20 collabore avec vous sur la question des déplacements de population.
21 Et là aussi, il faut ajouter, n'est-ce pas, des médecins qui travaillent
22 dans le domaine des droits de l'homme?
23 Réponse: Les données qui viennent de l'organisation des médecins pour les
24 droits de l'homme, PHR, ont été utilisées dans l'étude portant sur les
25 déplacements de population.
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1 Question: Alors, je vous demande: est-il exact, d'après vos estimations et
2 à votre avis, bien sûr, que pour ces groupes, cet Institut situé à Tirana
3 et d'autres groupes également, qu'il était dans leur intérêt d'encourager
4 et de justifier l'intervention internationale menée au Kosovo, comme vous
5 appelez cette guerre qui a été menée par l'OTAN contre la Yougoslavie.
6 Donc je vous demande de me dire s'il était dans l'intérêt de ces groupes
7 d'encourager et de justifier cette agression?
8 Réponse: Je ne sais pas quels étaient leurs intérêts, ni lesquels ils sont
9 aujourd'hui puisque je ne travaille pas pour eux.
10 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais connaître votre opinion, votre
11 avis au sujet de leur intérêt?
12 M. le Président (interprétation): Il vous l'a dit: il dit ne pas savoir.
13 Cela suffit.
14 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous remarqué qu'ils ont présenté la
15 violation des droits de l'homme afin de sensibiliser l'opinion publique et
16 afin d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui cherchaient à ternir
17 l'image de la Serbie et des Serbes, ainsi que le souhait de les punir?
18 Vous avez observé cela?
19 M. Ball (interprétation): Excusez-moi, mais de qui parlez-vous?
20 Question: Je parle de ces groupes qui étaient actifs: l'Institut de Tirana
21 et d'autres également qui ont travaillé pour vous, lorsqu'il s'agissait de
22 recueillir les données?
23 Réponse: Je n'ai connaissance d'aucun rapport présenté par l'Institut des
24 études politiques et juridiques à Tirana. Human Rights Watch a fourni
25 plusieurs analyses des conditions qui prévalaient dans la région en
Page 2239
1 matière des droits de l'homme.
2 Question: Mais avez-vous l'impression que, pour ce qui est d'eux, par
3 rapport à ces événements, leur position est la même que celle du
4 Procureur, donc le Bureau du Procureur dont vous êtes le témoin ici?
5 D'après votre coopération avec le Bureau du Procureur, est-ce que vous
6 avez cette impression-là?
7 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire. Pas besoin d'y
8 répondre.
9 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi dites-vous que c'est un
10 commentaire?
11 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire: vous demandez ce
12 qu'il en est du Bureau du Procureur. C'est donc quelque chose à quoi doit
13 répondre le Bureau du Procureur, pas le témoin.
14 M. Milosevic (interprétation): Bien.
15 Lorsque vous avez comparé les données des médecins pour les droits de
16 l'homme, qui ont sélectionné un certain nombre de réfugiés et qui ne leur
17 ont posé que des questions au sujet des meurtres intervenus au sein de
18 leur famille, lorsque vous avez comparé cela aux données de Human Rights
19 Watch, n'est-il pas vrai qu'il n'y avait pas de concordance entre ces deux
20 jeux de données?
21 M. Ball (interprétation): Le groupe PHR a fait une étude d'éléments
22 aléatoires. Les personnes ont été sélectionnées par une méthode qui permet
23 d'avoir une randomisation des échantillons démographiques, afin que soit
24 élucidée la question du mode de leur sélection.
25 Par ailleurs, Human Rights Watch s'intéressait à des événements
Page 2240
1 particuliers; elle ne faisait pas du tout de randomisation. Nous avons
2 constaté les différences qu'il y avait entre ces deux sources et nous
3 avons en fait constaté que ces deux sources étaient complémentaires.
4 Cependant, les données émanant de PHR ne sont pas utilisées dans l'analyse
5 que nous avons faite dans ce rapport des meurtres. Ces données
6 interviennent dans le rapport uniquement en tant qu'une des trois sources
7 que nous avons utilisées dans l'analyse des déplacements de population.
8 Par conséquent, ces données n'ont qu'une incidence tout à fait faible sur
9 les conclusions que nous avons tirées.
10 Question: Vous avez donc sélectionné, parmi ces données, vous avez choisi
11 ce que vous alliez utiliser et ce que vous n'alliez pas utiliser, même
12 pour ce qui est des données qui ont été recueillies par des personnes avec
13 qui vous travailliez?
14 Réponse: Oui, nous avons sélectionné les plus importantes.
15 Question: Si j'ai bien compris votre explication, votre étude se fonde
16 essentiellement sur les données qui ont été recueillies à un poste-
17 frontière, à la frontière albanaise?
18 Réponse: L'étude sur les déplacements de population est basée sur les
19 données provenant d'un poste-frontière. Mais l'étude sur les meurtres se
20 fonde sur un éventail beaucoup plus important d'informations.
21 Question: Vous avez décrit cet endroit comme un endroit où régnait le
22 chaos; vous avez dit que 40.000 personnes ont traversé ce poste-frontière
23 en une seule journée et qu'il y avait là un simple chemin non goudronné,
24 très étroit.
25 Réponse: Oui, cela a vraiment été un des sommets ce jour-là. Un seul jour.
Page 2241
1 Question: Au mois de mai de l'an 2000, vous avez accordé en entretien et
2 vous avez décrit comment vous avez reçu ces données.
3 Si mes informations sont exactes, vous avez dit que les Serbes ont tiré un
4 obus sur le bâtiment administratif à la frontière, que vous avez sorti ces
5 documents parmi les ruines, enfin ce qui restait de ce bâtiment et vous
6 avez remis cela au fils, âgé de 18 ans, d'un Albanais qui a pu scanner ces
7 documents en quelques jours, que vous avez remis ces documents aux gardes
8 au poste-frontière et que, par la suite, cela a été traité à Tirana.
9 (L'interprète n'avait pas le texte qui a été lu par l'accusé.)
10 Est-ce une représentation exacte de ce que vous avez décrit à ce sujet?
11 Réponse: Ce poste-frontière avait été endommagé. Des fonctionnaires de la
12 région, des fonctionnaires albanais m'ont dit qu'il y avait eu une
13 explosion qui, apparemment, était venue du côté Kosovo, de la frontière.
14 Il y avait du verre brisé, il y avait des poutres brisées là. J'ai
15 rassemblé les documents que j'ai trouvés dans les débris de verre, je les
16 ai emmenés en Albanie. J'avais effectivement un assistant, qui était le
17 jeune homme de 17 ans dont vous avez parlé, qui était de l'endroit et il
18 nous a aidés à scanner les documents, mais c'est moi qui ai fait
19 l'essentiel du travail. J'ai eu également l'assistance de mon interprète
20 albanais du Kosovo.
21 Il y avait plus de 690 pages que nous avons utilisées pour cette analyse.
22 Il y a eu d'autres sources qu'on a fini par ne pas utiliser, qui n'étaient
23 pas originaires du poste-frontière mais, effectivement, il y avait
24 beaucoup de choses à faire. Et j'ai été tout à fait reconnaissant de
25 l'assistance que j'ai reçue. Puis, bien sûr, j'ai remis les documents aux
Page 2242
1 gardes-frontière puisque ce n'étaient pas mes documents, mais après en
2 avoir fait l'inventaire. Et puis, j'ai eu les images que j'ai scannées,
3 que j'ai emmenées à Tirana où j'ai travaillé avec une entreprise
4 commerciale qui m'a aidé à saisir ces données scannées dans une base de
5 données.
6 Question: Là, il est dit ici, dans le transcript, que les images scannées
7 ont été envoyées à Toronto. Toronto ou Tirana?
8 Réponse: Tirana.
9 Question: Tirana?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous avez dit hier que plus de la moitié des Albanais sont
12 partis précisément en passant par ce poste-frontière de Morina. Est-ce
13 exact?
14 Réponse: La moitié des Albanais du Kosovo, qui ont quitté le Kosovo sont,
15 me semble-t-il, passés par-là; c'est du moins ce que je crois.
16 Question: S'il vous plaît, pouvez-vous me montrer ce poste-frontière sur
17 une carte? Vous avez une carte.
18 Réponse: Est-ce que vous parlez de la figure n°3?
19 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas ici la liste de ces cartes.
20 Vous savez, je n'ai pas de gros moyens, moi.
21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez sous les yeux une
22 copie de votre rapport?
23 M. Ball (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): Si vous voyez la figure n°3…
25 Je vais demander à l'huissier que celle-ci soit placée sur le
Page 2243
1 rétroprojecteur; peut-être que nous comprendrons mieux de quoi il
2 retourne.
3 (Intervention de l'huissier.)
4 M. Ball (interprétation): C'est ici, dans cette région. Mais pour être
5 plus précis, il faudrait une carte où figurent les routes.
6 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas bien vu, s'il vous plaît.
7 Réponse: Ici.
8 (Le Témoin désigne un endroit sur la carte.)
9 (L'interprète de la cabine française signale que l'accusé est très loin du
10 micro.)
11 M. Milosevic (interprétation): Là, dans ce que vous montrez, vous voyez
12 qu'il ne s'agit pas du poste-frontière de Morina. Morina est bien plus au
13 nord. Vous montrez au sud de Prizren. C'est un autre poste-frontière:
14 celui de Vrbnica. Et il est tout à fait logique qu'il y a eu bien plus
15 d'Albanais qui sont passés par-là, car de Prizren jusqu'à la frontière, il
16 n'y a aucun service frontalier, alors qu'il y en a un du côté albanais; il
17 y a une route normale qui a été empruntée par des gens, etc., donc c'est
18 tout à fait logique. Tandis que votre poste de Morina se trouve bien plus
19 au nord.
20 M. le Président (interprétation): Attendez que le Témoin réponde.
21 Est-ce que vous seriez aidé si vous aviez une carte plus détaillée?
22 M. Milosevic (interprétation): … (Pas de traduction.)
23 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant! Monsieur le
24 Témoin, est-ce que ce serait plus facile si vous aviez une carte plus
25 détaillée?
Page 2244
1 M. Ball (interprétation): Oui.
2 M. le Président (interprétation): Fournissez une carte plus détaillée. Je
3 crois que c'est une des pièces à conviction.
4 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si cette carte va peut-être nous
5 être utile, je n'ai pas encore reçu les cartes dont je vous avais parlé
6 précédemment.
7 M. le Président (interprétation): Montrez d'abord cette carte au Témoin
8 pour voir si cela peut lui être utile.
9 (L'huissier s'exécute.)
10 M. Ball (interprétation): Ah! je vois d'où vient l'erreur. Le poste-
11 frontière auquel fait référence cette question se trouve du côté
12 Kosovo/Ribenica. Excusez ma prononciation. En fait, il s'agit de Vrbnica,
13 Vrbnica du côté kosovar de la frontière. Les gardes albanais, du côté
14 albanais de la frontière, parlaient de ce poste assez petit en l'appelant
15 "Morina". Vous avez un autre village qui se trouve un peu plus loin, au
16 nord.
17 Cela ne va pas être simple. Non, il faut déplacer la carte sur le
18 rétroprojecteur. Commençons par ici.
19 Ici, vous avez la ville à laquelle fait référence la question, mais ce
20 n'est pas de cela que je vous parle, moi. Comme cela était dit dans la
21 question, il y a une route qui va de Prizren à cet endroit, à la
22 frontière. Et comme cela était mentionné dans la question, vous avez une
23 petite ville du côté kosovar qui s'appelle Vrbnica. Et vous avez, d'autre
24 part, un petit hameau qui se trouve à cet endroit: quelques maisons et un
25 poste-frontière; c'est un poste-frontière officiel, comme cela a été dit
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1 dans la question.
2 Je me suis entretenu avec les gardes frontières albanais, par le biais
3 d'un interprète, et ils ont appelé ce poste-frontière "Morina" également.
4 La confusion à laquelle nous sommes donc confrontés, c'est que le même
5 toponyme a été utilisé pour désigner plusieurs lieux, mais en fait c'est
6 ici. Là, à l'endroit que je vous indique; c'est là que nous avons
7 recueilli les données dont nous nous sommes servis, comme je vous l'ai dit
8 précédemment.
9 M. Milosevic (interprétation): Donc vous, en fait, vous avez placé le
10 poste-frontière Morina au mauvais endroit, et les documents vous ont été
11 communiqués par les gardes-frontière du poste-frontière de Morina.
12 Il ne s'agit pas là d'une remarque que je fais en passant, Monsieur Ball;
13 il me semble simplement que l'on vous a dupé. Je souhaite...
14 M. le Président (interprétation): Mais laissez répondre le Témoin. Vous
15 êtes en train de dire que l'on s'est moqué de lui.
16 M. Ball (interprétation): J'ai moi-même récupéré les documents, j'ai
17 assisté à leur préparation, j'ai assisté à la démarche qui a permis la
18 préparation de ces documents et, ultérieurement, j'ai récupéré ces
19 documents. Donc je ne pense pas que l'on m'ait dupé. C'est le nom qui a
20 été utilisé par les gardes en parlant de cet endroit, c'est le nom que
21 j'ai indiqué dans de nombreux documents au sujet de ces données. Il y a
22 une autre ville, plus grande, qui porte le même nom, mais cela c'est très
23 courant. Dans la région, vous avez beaucoup d'endroits qui portent le même
24 nom, comme nous l'avons dit en fait dans notre rapport actuel.
25 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais il n'y a pas deux postes-
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1 frontières, deux points de traversée qui s'appellent "Morina". Il y a
2 seulement un à Vrbnica et vous, vous nous l'avez mis au mauvais endroit,
3 ce Morina, ce poste-frontière de Morina.
4 Et vous nous avez dit que c'est au poste-frontière de Morina que la moitié
5 des Albanais ont passé la frontière. C'est comme si vous nous disiez que,
6 chaque jour, un million de voitures franchissent le pont de Brooklyn;
7 c'est complètement impossible. Ceci est totalement hors du domaine des
8 possibles, c'est infaisable, infaisable au poste-frontière de Morina. Ce
9 n'est, de toute façon, pas un poste-frontière important; il n'y a là
10 qu'une route goudronnée. Ce n'est pas véritablement un endroit où vous
11 avez un trafic important au travers de la frontière.
12 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela vous informe un peu
13 plus, cela vous renseigne un peu plus? Vous parlez de ce poste-frontière:
14 est-ce que la description de l'accusé correspond à ce que vous avez vu?
15 M. Ball (interprétation): Non. En fait, vous avez un poste-frontière ici,
16 vous avez un nombre important de gardes du côté albanais; je ne sais pas
17 ce qui se passe du côté kosovar, mais, en tout cas, on peut imaginer que
18 plusieurs de milliers de personnes passent ce poste-frontière, 40.000
19 personnes, même s'il y aurait des encombrements bien entendu, dans ces
20 conditions.
21 M. Milosevic (interprétation): Quand on utilise ce type d'explications, on
22 peut tout expliquer et n'importe quoi.
23 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, ôter ce
24 document du rétroprojecteur.
25 (Intervention de l'huissier.)
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1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il vous est venu à l'esprit, là,
2 à l'instant, en voyant ce poste-frontière de Morina, en voyant que vous
3 vous êtes trompé quant à son emplacement sur la carte. Mais j'imagine que
4 ce n'est pas délibéré de votre part: vous êtes un chercheur et ce n'est
5 pas le genre d'activités auxquelles vous vous livrez. Mais est-ce que la
6 situation suivante ne vous paraît pas probable?
7 Réfléchissez à ce que je vais vous dire et répondez-moi: est-ce qu'il ne
8 s'agit pas là de documents fabriqués de toutes pièces par des employés
9 albanais et que ce sont eux qui se sont trompés, que ce sont eux qui ont
10 dit que le poste-frontière de Morina se trouvait à cet endroit? Parce que
11 Morina, du fait que c'est un endroit peu accessible, est un endroit qui se
12 prête bien à la fabrication de toute pièce de données? Parce qu'il n'est
13 pas facile aux observateurs internationaux de se rendre à cet endroit,
14 donc ils vous ont donné un volume important de documents qui, soi-disant,
15 venaient du poste-frontière de Morina?
16 M. le Président (interprétation): Laissez, s'il vous plaît, le Témoin
17 répondre. Cessez de faire des discours. Si vous vous contentez de poser
18 des questions, nous irons plus vite et nous en terminerons plus vite de
19 cette déposition.
20 Monsieur le Témoin, on vous dit la chose suivante: on vous dit qu'en
21 l'occurrence, on vous a remis des documents qui étaient falsifiés,
22 fabriqués de toutes pièces. Qu'avez-vous à dire à cela?
23 M. Ball (interprétation): Je pense que c'est tout à fait improbable. J'ai
24 récupéré ces documents à un endroit où… Si je n'avais pas récupéré les
25 documents, ils auraient été endommagés par l'averse suivante. Ces
Page 2248
1 documents ne m'ont paru nullement fabriqués de toutes pièces. Les
2 documents que j'ai récupérés en juin m'ont paru être les mêmes que ceux
3 que j'avais vus au début mai, au moment où ces documents étaient préparés.
4 Donc, pour moi, il me semble très peu probable que ces documents aient été
5 fabriqués de toutes pièces.
6 M. Milosevic (interprétation): Vu les erreurs que nous avons démontrées
7 -je pense, j'espère que nous l'avons fait de manière tout à fait
8 frappante-, il me semble tout à fait probable et pas tout à fait
9 improbable, il me semble tout à fait probable qu'il s'agit en l'occurrence
10 de documents fabriqués de toutes pièces.
11 J'aimerais attirer votre attention sur ce que vous nous avez donné hier.
12 Hier, vous nous avez donné une liste des traversées au niveau de Morina.
13 Ce document a été distribué ici même, dans ce prétoire, par l'huissier. Et
14 c'est un document qui émane de votre rapport. J'ai une traduction en
15 anglais ici.
16 Et au lieu de nous dire, dans la traduction en anglais, "nombre de
17 personnes dans le groupe", on a traduit erronément en anglais "types
18 d'outils". Mais là, c'est une erreur facilement repérable et que l'on peut
19 corriger.
20 Il est probable disons que, globalement, ils vous aient donné un document
21 authentique qui venait du poste-frontière et ils vous l'ont fait traduire,
22 parce que vous ne savez pas lire les documents en albanais?
23 Réponse: Non, ce n'est pas exact, Monsieur.
24 Question: Qu'est-ce qui n'est pas exact: vous parlez albanais?
25 Réponse: Non, non. Mais votre question comporte un certain nombre
Page 2249
1 d'éléments qui indiquent qu'il y a un malentendu.
2 Premièrement, j'ai choisi ce document, j'ai choisi cette page parmi les
3 quelque 690 pages que j'ai récupérées à la frontière. Deuxièmement, ce
4 document et d'ailleurs tous les documents, les 690 pages, ont fait l'objet
5 d'une saisie informatique. Grâce à cette saisie, on a pu sélectionner les
6 éléments statistiques contenus dans ces documents, notamment l'adresse des
7 personnes traversant la frontière, le nombre de personnes dans chaque
8 groupe. Ce document est en albanais et comportait d'autres informations,
9 mais qui ne nous étaient pas utiles dans le cadre de l'établissement de
10 notre base de donnés. Je n'ai donc pas eu besoin de faire traduire ces
11 documents et je n'ai pas non plus eu besoin de parler albanais pour
12 interpréter les informations statistiques contenues dans ces documents.
13 Question: Même si l'on devait réduire la vie à de simples statistiques,
14 même dans ces conditions, il est quand même intéressant de voir ce que dit
15 un document, car cela fournit des traductions.
16 Ici, j'ai la traduction en anglais; on y lit le terme "note", et il n'y a
17 rien du tout à côté. Mais dans l'original… Et j'aimerais d'ailleurs qu'on
18 le place sur le rétroprojecteur; c'est le document que l'on m'a donné
19 hier. Je peux vous donner mon exemplaire; je ne vais pas le garder en
20 souvenir, vous pouvez le prendre. D'ailleurs, il faut reconnaître qu'il ne
21 s'agit pas du tout d'un original, mais d'une photocopie.
22 (Mme Ameerali fournit un exemplaire à l'huissier qui le place sur le
23 rétroprojecteur.)
24 Merci de descendre un peu le document sur le rétroprojecteur afin que nous
25 puissions voir la date qui figure en haut. Veuillez, s'il vous plaît,
Page 2250
1 descendre un peu le document que l'on puisse voir la date. Un peu plus
2 haut. Non. J'aimerais que l'on voie aussi bien la date que la note.
3 Regardez maintenant la date qui figure en haut: 7 avril 1999.
4 Et quand on regarde plus bas, on voit qu'il y a une note manuscrite.
5 Est-ce que vous pouvez faire un gros plan, là? Ici, on peut lire que ces
6 informations sont relatives à la période du 3 au 7 avril 1999. Donc, du 3
7 au 7, même d'après leurs informations, il y a 209 personnes qui ont
8 traversé la frontière en 5 jours, c'est-à-dire 40 personnes en moyenne par
9 jour pendant cette période critique. Période au sujet de laquelle vous
10 nous dites qu'en un jour -je ne sais pas plus ce que vous avez dit- mais
11 40.000 personnes, 60.000 personnes, peu importe, ont traversé.
12 Vous pouvez enlever le document du rétroprojecteur maintenant.
13 Donc, il y a eu tromperie avec Morina, Vrbnica et toutes ces soi-disant
14 listes, et j'espère qu'il est inutile de s'appesantir plus avant sur ce
15 sujet.
16 M. Ball (interprétation): Peut-être pourrait-on de nouveau montrer la
17 totalité du document et puis le baisser un peu? Oui, merci.
18 Ces documents, nous les avons reçus par liasses. Il s'agissait là de la
19 page 43 de la série de documents que nous avons reçus, et comme je l'ai
20 dit moi, dans mon exposé, dans mon intervention, après le cessez-le-feu
21 déclaré par le gouvernement yougoslave dans la soirée du 6 et au petit
22 matin du 7, la frontière a été fermée du côté kosovar.
23 La frontière a été fermée après le cessez-le-feu. Et donc, après le flux
24 très important qui s'était présenté à la frontière pendant les jours qui
25 ont précédé, les gardes m'ont expliqué qu'à ce moment-là, eh bien, il n'y
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1 a plus eu de réfugiés, c'est pourquoi ils ont clôturé ce document. C'est
2 ce qui est indiqué ici.
3 Vous avez ici la page 43, page 43 d'une liasse de documents, mais il faut
4 savoir que les documents ne correspondaient pas toujours à deux ou trois
5 jours. Cela correspondait plutôt aux périodes de temps, aux relèves, et
6 cela dépendait du moment où les gardes avaient le temps de tenir ce type
7 de documents. Donc, il n'y a pas toujours une grande logique qui se
8 retrouve tout le temps. C'est pourquoi, quand vous lisez la note, on a
9 l'impression qu'elle fait référence à la période du 3 au 4 et que cela a
10 trait uniquement à cette page mais, en fait, il y a beaucoup d'autres
11 pages qui sont concernées par cette mention manuscrite.
12 Question: Vous venez juste d'expliquer ce que moi j'affirme. C'est
13 exactement ce que vous venez d'expliquer.
14 Vous avez analysé des périodes de deux jours, vous avez analysé pendant
15 ces périodes les flux de réfugiés pour parvenir à un certain nombre de
16 conclusions. Et maintenant vous nous dites que ceci correspond à plusieurs
17 jours. Donc, vous n'êtes pas en mesure de nous dire ce qui correspond à
18 telle ou telle date?
19 M. Ball (interprétation): Je suis désolé, ce n'est pas ce que j'ai dit. La
20 date qui figure sur le document, cette date nous indique quel jour, à quel
21 jour fait référence cette page précise. Cependant, en haut, vous avez un
22 numéro, un numéro de page qui, lui, ne fait pas toujours référence aux
23 pages qui correspondent à un jour donné.
24 Les gardes mettaient chaque jour la date correspondante et, à minuit, ils
25 traçaient une ligne au milieu de la page ou au bas de la page. Ici, nous
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1 avons la dernière page concernant la date du 7.4.99; cela s'est
2 probablement fait au petit matin, et ceci nous indique que ces 43 pages
3 correspondent à la liasse qui correspond à la note manuscrite. Il est
4 possible que, pour cette même période, vous ayez d'autres pages. Je ne
5 peux pas vous le dire avec certitude, il faudrait que l'on examine la
6 liasse.
7 Mais, encore une fois, pour bien expliquer de quoi il retourne, chaque
8 jour vous avez la date qui correspond à la journée concernée pour chaque
9 page. Et, ensuite, à la fin de la journée, on trace un trait et on en
10 finit pour la journée concernée.
11 M. Milosevic (interprétation): Mais vous savez tout, Monsieur Ball, vous
12 savez tout à l'exception de la raison pour laquelle ces documents sont
13 atterris dans cette décharge et qui les a fabriqués de toutes pièces.
14 M. le Président (interprétation): Inutile de répondre à cette question,
15 Monsieur le Témoin.
16 M. Milosevic (interprétation): Bon, ça je sais. Mais j'ai une question.
17 Si je vous ai bien compris, vos méthodes d'analyse ont été utilisées pour
18 la première fois pour estimer des populations et pour mesurer les
19 migrations légales?
20 M. Ball (interprétation): Vous parlez des méthodes qui ont été utilisées
21 pour analyser le nombre de meurtres; est-ce que c'est de cela dont vous
22 parlez?
23 Question: Non, moi je parle de vos méthodes, vos méthodes statistiques.
24 Elles ont été en premier lieu utilisées pour estimer le nombre d'habitants
25 d'une population, ainsi que le nombre d'immigrants légaux. Cela a été la
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1 première utilisation qui a été faite de ces méthodes. Et si je suis bien
2 renseigné, on considérait qu'il s'agissait de méthode innovantes?
3 Réponse: Je ne vois pas bien ce que vous…, ce à quoi vous faites référence
4 quand vous parlez d'immigration légale. Les méthodes que nous avons
5 utilisées pour analyser les meurtres, le nombre de meurtres, ce sont en
6 effet des méthodes qui sont utilisées dans le cadre des recensements
7 partout dans le monde, et ce sont des méthodes couramment utilisées dans
8 le cadre de la démographie, démographie scientifique.
9 Question: Oui. Oui mais, en fait, vos méthodes, on a considéré qu'elles
10 étaient innovantes, c'est ce que je veux dire. Est-ce que vos méthodes ont
11 été considérées comme étant des méthodes innovantes?
12 Réponse: Je pense qu'il s'agit là de méthodes innovantes dans le cadre des
13 droits de l'homme, mais il ne s'agit pas de méthode innovantes si on les
14 considère dans le cadre plus général des méthodes scientifiques.
15 M. Milosevic (interprétation): Mais vous savez pertinemment, tout comme
16 moi, qu'innovant dans le domaine scientifique, cela désigne quelque chose
17 qui n'est pas fiable.
18 M. le Président (interprétation): Mais il a déjà répondu à tout cela. Il
19 l'a répété plusieurs fois, il nous a décrit les méthodes utilisées; il
20 nous a dit qu'il s'agissait de méthodes reconnues. Je ne pense pas que
21 l'on puisse continuer plus loin à ce sujet.
22 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne vois pas à quoi vous vous
23 opposez, Monsieur. Mais je ne comprends pas.
24 M. le Président (interprétation): Je vous empêche de répéter sans cesse
25 les mêmes choses et de parler sans cesse du même sujet. Veuillez, s'il
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1 vous plaît, passer à un autre sujet.
2 M. Milosevic (interprétation): Lors d'un séminaire, vous avez déclaré que
3 les flux de réfugiés… Moi, il faut que je reprenne un point que le témoin
4 évoquait il y a un certain temps avant. Vous avez dit que les flux de
5 réfugiés ne correspondaient pas aux tueries massives?
6 M. Ball (interprétation): Oui, c'était la conclusion de mon premier
7 rapport.
8 Question: Est-ce exact ou pas?
9 Réponse: Vu les données dont je disposais en janvier et février de l'an
10 2000, eh bien, vu ces données, je ne pensais pas que les tendances que
11 j'avais observées dans les migrations correspondaient aux tueries massives
12 qui avaient été signalées par diverses organisations chargées de la
13 défense des droits de l'homme et par le rapport de l'OSCE qui venait
14 d'être publié.
15 Ultérieurement, lorsque nous avons observé les meurtres de manière
16 générale, les tendances qui se dessinaient, que nous les avons observés de
17 manière générale et par groupes de deux ou trois cas, il nous a semblé que
18 les tueries massives, qui concernaient des dizaines de personnes,
19 obéissaient peut-être à un cycle différent de celui des migrations de
20 personnes. Les exemples de meurtres de nature moins massive, qui ont été
21 beaucoup plus nombreux, obéissaient beaucoup plus à ces modèles.
22 Je crois que c'est un résultat très intéressant qui a découlé des analyses
23 supplémentaires que nous avons réalisées.
24 Question: Vous êtes parti du chiffre de 10.356 tués, ensuite vous avez
25 déterminé l'identité de 4.400 personnes. Mais les 6.000 personnes dont
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1 vous n'avez pu déterminer l'identité, ces personnes-là, en tant que
2 statisticien, acceptez-vous que ces 6.000 personnes alléguées ou
3 imaginaires peuvent faire l'objet de manipulations? On peut les faire
4 correspondre à diverses journées de la période que vous avez analysée et
5 qu'elles permettent en fait de prouver tout et n'importe quoi? Est-ce
6 exact ou non?
7 Réponse: Non, ce n'est pas exact.
8 Question: Je m'attendais bien à ce que vous répondiez de la sorte. Mais
9 comment, dans ces conditions, avez-vous été en mesure de ventiler ces
10 6.000 morts, c'est-à-dire cette différence entre le nombre de personnes
11 que vous avez identifiées et ce chiffre, cette estimation? Où sont passés
12 tous ces gens dans vos statistiques?
13 Réponse: Lorsque nous avons réalisé ces estimations, nous nous y sommes
14 pris de diverses manières et, globalement, nous en sommes arrivés toujours
15 au même chiffre général. Mais pour analyser les modèles, les tendances
16 statistiques dans le temps et dans l'espace, nous avons réalisé ces
17 estimations à chaque endroit, c'est-à-dire que nous n'avons pas simplement
18 utilisé cette estimation de 10.300 pour la ventiler, mais nous avons
19 examiné chacun des points de ces quatre régions et réalisé des estimations
20 pour chaque point concerné, pour chaque région et pour chaque période. De
21 sorte que la ventilation des 6.000 morts estimés, mais dont nous ne
22 connaissions pas l'identité, s'est faite dans le cadre de l'analyse de
23 chaque point au fil du temps, de chaque lieu au fil du temps. De sorte que
24 le lieu et l'endroit où ces 6.000 personnes ont trouvé la mort, ceci a
25 fait l'objet d'une estimation très rigoureuse. Mais ce n'est pas un point
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1 sur lequel les analystes sont intervenus.
2 Question: Donc vous avez ventilé ces morts supposées dans des lieux
3 supposés en utilisant je ne sais quelle technique statistique. Comment
4 peut-on considérer qu'il s'agit là d'une manière sérieuse de procéder!
5 Veuillez, s'il vous plaît, me le dire?
6 Réponse: Si l'on connaissait toutes les données, si l'on disposait de
7 toutes les informations possibles et imaginables, effectivement, il
8 s'agirait là d'une démarche quelque peu légère. Mais des méthodes
9 scientifiques ont été mises au point au cours des siècles passés.
10 Pourquoi? Parce qu'il est rare que l'on dispose de toutes les données. On
11 connaît, on a beaucoup d'informations au sujet de la fiabilité de ces
12 méthodes qui ont été utilisées dans de nombreux contextes qui ont permis
13 d'analyser toutes sortes de choses, comme une population animale. Cela a
14 été utilisé dans le cadre de recensements, d'enquêtes, etc., ainsi que
15 d'expériences médicales.
16 Nous connaissons les caractéristiques de l'incertitude. Nous savons ce que
17 nous pouvons contrôler ou pas, quand on procède à une analyse dans un
18 cadre où l'on ne dispose pas de toutes les données.
19 Je pense que cette étude a été réalisée en suivant les exigences les plus
20 rigoureuses du point de vue scientifique. Cette étude prend en compte le
21 fait qu'il y a des zones d'incertitude. Et d'ailleurs, dans le cadre de
22 mon rapport, j'ai indiqué qu'il y a certains moments, certains point où
23 nous avons une zone d'incertitude. Mais je peux en toute confiance m'en
24 tenir aux conclusions que j'ai indiquées dans le rapport.
25 M. le Président (interprétation): Il est l'heure de faire la pause.
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1 Monsieur Milosevic, de combien de temps aurez-vous encore besoin pour
2 contre-interroger ce Témoin?
3 M. Milosevic (interprétation): C'est à moi que vous posez la question?
4 M. le Président (interprétation): Oui.
5 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, comme vous le savez, moi, je ne
6 suis pas en mesure de me préparer au contre-interrogatoire des témoins,
7 donc je ne suis pas en mesure de vous dire de combien de temps j'aurai
8 besoin. Je vais essayer de réduire certaines des questions que j'avais
9 prévues parce qu'il apparaît clairement de quoi il retourne ici; mais ce
10 ne sera peut-être pas possible pour toutes les questions. Je ne sais pas
11 de combien de temps j'aurai besoin. Autant qu'il faudra.
12 M. le Président (interprétation): Nous attendrons que vous en terminiez
13 dans une demi-heure. Vous aurez ainsi bénéficié du même temps que
14 l'accusation, plus une demi-heure.
15 M. Milosevic (interprétation): Objection, Monsieur May.
16 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre
17 l'audience jusqu'à 11 heures 30.
18 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection.
19 M. le Président (interprétation): Nous en traiterons après.
20 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 35.)
21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, quelle était
22 votre objection?
23 M. Milosevic (interprétation): Je soulève une objection. Elle concerne la
24 limite que vous avez imposée à mon contre-interrogatoire. Vous avez motivé
25 cette décision en me disant que ce temps devait être comparé au temps qui
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1 a été utilisé par l'autre partie. Tout un chacun peut s'apercevoir du
2 manque de correction d'une telle décision.
3 L'autre partie s'est présentée ici avec une soi-disant étude d'un soi-
4 disant témoin expert, un document écrit. Elle n'avait pas à l'interroger
5 en détail à ce sujet, il lui a suffi de passer rapidement en revue ces
6 documents. Or moi, je dois nécessairement m'attarder sur cette étude qui a
7 été présentée par l'autre partie. Cela convient d'ailleurs à l'autre
8 partie de passer le plus rapidement possible en revue ce document -les
9 graphiques et les tableaux réalisés par ordinateur- tout simplement pour
10 nous faire croire que ces données, montées de toutes pièces, constituent
11 un ensemble d'arguments scientifiques qui vont à l'appui de l'accusation.
12 Or il est tout à fait évident qu'on peut le réfuter très facilement et
13 qu'on peut montrer les erreurs grossières que cela contient. Et l'on dit
14 aussi que ces données proviennent des parties intéressées, des parties qui
15 ont participé à la guerre.
16 Donc il est tout à fait clair que vous n'êtes pas en droit de limiter le
17 temps de mon contre-interrogatoire. Je ne sais pas encore de combien de
18 temps j'aurai besoin, mais une demi-heure ne me suffira pas de toute
19 évidence.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si on impose des
21 limites en matière de temps en l'espèce, c'est pour tirer le meilleur
22 parti possible du temps que nous avons. Nous tenons compte du fait tout
23 d'abord que vous vous défendez vous-même et que, par conséquent, vous avez
24 droit à une certaine marge de manœuvre; tout d'abord parce qu'il vous faut
25 préparer vous-même votre contre-interrogatoire et, en second lieu, parce
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1 que vous n'êtes pas avocat de profession. Nous tenons compte de tout cela.
2 Par ailleurs, ce qui n'est pas permissible, c'est de se servir du contre-
3 interrogatoire pour faire des discours, pour faire des commentaires, et
4 pour répéter des éléments de preuve déjà fournis. Tout ceci n'est pas
5 autorisé. Et si vous vous livrez à ce type d'exercice, nous allons vous
6 arrêter.
7 Nous savons qu'il s'agit ici d'un témoignage important, nous tenons compte
8 de ce que vous dites à propos du rapport et que c'est la seule occasion
9 que vous avez ici de réfuter ce rapport. Mais, à mon avis -et je parle en
10 mon nom personnel-, dans la plupart des cas, on peut dire qu'on a perdu du
11 temps.
12 Ce qu'il nous faut ici, ce sont des questions pertinentes. Vous affirmez
13 que ces éléments de preuve sont fabriqués de toutes pièces; posez par
14 conséquent des questions pertinentes sur ce point.
15 Si nous voulons faire un usage efficace du temps que nous avons, nous
16 aimerions savoir de combien de temps vous aurez encore besoin pour poser
17 ces questions. Cela ne devrait pas être trop difficile de répondre à cette
18 question?
19 M. Milosevic (interprétation): Je vous l'ai déjà dit: cela dépend de la
20 manière dont se déroulera mon interrogatoire. Certainement, il ne s'agit
21 pas de trop de temps, mais une demi-heure ne suffira pas. J'essaierai
22 d'utiliser mon temps de la manière la plus efficace. Moi non plus, je ne
23 souhaite pas que cela s'éternise; cela n'est pas dans mon intérêt du tout.
24 (Les Juges se consultent sur le siège.)
25 M. le Président (interprétation): Nous vous donnons une demi-heure et puis
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1 nous verrons à ce moment-là ce qu'il en est.
2 Maître Kay, est-ce que vous avez des questions à poser?
3 M. Kay (interprétation): Oui, il y aura sans doute des questions qui
4 prendront de 15 à 20 minutes. Si M. Milosevic aborde les points que nous
5 voulions évoquer, nous n'allons pas les répéter.
6 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
7 M. Milosevic (interprétation): Durant la suspension, j'ai pu vérifier un
8 certain nombre d'affirmations que vous avez réfutées. Je souhaite vous
9 poser des questions à ce sujet.
10 En effet, je vous ai posé des questions au sujet de votre collaboration et
11 la comparaison des données aux données fournies par le Groupe
12 international pour la gestion de crises; vous avez dit que ce n'était pas
13 vrai, que cela n'a pas eu lieu. Or, sur le site de cette association, et
14 je donne l'adresse de ce site; sous le titre "Meurtres politiques au
15 Kosovo", allant de mars à juin de 1999, sous l'intitulé "Analyse
16 statistique des données", il est dit -je cite-: "La manière dont ont été
17 tuées les personnes au Kosovo correspond au déplacement des personnes et
18 cela est conforme aux données qui ont été recueillies par le Groupe
19 international pour la gestion des crises". Et d'autres sont cités.
20 Et sous le titre "Le rôle et les conséquences de la coopération avec les
21 ONG", il est dit -je cite-: "S'agissant du conflit kosovar, des efforts
22 ont été déployés afin de synchroniser les données qui ont été recueillies
23 par le Groupe international pour la gestion des crises, ainsi que par
24 d'autres instances".
25 Et en troisième lieu, lorsqu'on essaie de taper vos nom et prénom, sur le
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1 site du Groupe international pour la gestion des crises, on se voit
2 fournir des informations sur le Burundi. Est-ce exact ou non?
3 M. le Président (interprétation): De quelle partie parlez-vous?
4 M. Milosevic (interprétation): Au sujet de ces trois parties, toutes les
5 trois, puisque le Témoin a dit qu'il ne coopérait pas avec le Groupe
6 international pour la gestion des crises. Or on voit sur le site de ce
7 groupe que les questions qui nous intéressent ici ont fait l'objet de
8 concertation avec lui.
9 Donc la question que je pose est de savoir ce que représente l'ICG…
10 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Donnez le
11 temps au Témoin de répondre.
12 Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre?
13 M. Ball (interprétation): Parlons d'abord du Burundi parce que c'est la
14 partie la plus facile.
15 Je ne sais pas ce que fait mon nom par rapport à quoi que ce soit qui ait
16 trait au Burundi, parce que je n'ai jamais travaillé sur ce sujet ni sur
17 aucun des pays de la région d'ailleurs, avec le Groupe international pour
18 la gestion des crises, ni avec qui que ce soit. Donc je ne sais pas
19 pourquoi mon nom figure à cet endroit.
20 Pour ce qui est du rapport qui figure sur le site de mon organisation, ce
21 rapport porte sur les assassinats politiques au Kosovo. Vous avez bien
22 cité le titre. C'est un rapport intermédiaire entre le rapport portant sur
23 les déplacements de populations et le rapport actuel que nous avons ici.
24 Nous avons demandé la coopération de ce groupe ICG, mais il a refusé.
25 Vous trouvez une référence, mais je ne sais plus quelle était la citation
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1 exacte que vous avez fournie et je n'ai pas le rapport sous les yeux non
2 plus, mais je pense que cela veut dire que nous trouvons que nos résultats
3 sont assez comparables aux leurs. Mais je répète que nous n'avons utilisé
4 aucune de leurs données, tout simplement parce qu'ils n'ont pas voulu
5 fournir ces données.
6 M. Milosevic (interprétation): Bien. C'est l'une des questions que je
7 voulais préciser.
8 Mais revenons maintenant à la carte. Il s'agit de montrer qu'il ne s'agit
9 pas uniquement d'une omission ou d'une erreur qui se serait glissée par
10 hasard, le fait que vous ayez fait correspondre Morina à Vrbnica.
11 S'agissant de la carte 2.1, vous avez installé Morina en Albanie, à un
12 kilomètre de la frontière; ça c'est une chose. Et pour ce qui est du
13 poste-frontière de Vrbnica,…
14 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, où se
15 trouve cette carte, Monsieur le Témoin? Est-ce que vous l'avez?
16 M. Ball (interprétation): Oui. Je pense que l'accusé fait état d'un
17 rapport qui ne figure pas dans le rapport, mais qui se trouve dans le
18 rapport intitulé "Politique ou panique".
19 M. Nice (interprétation): Je pense que vous avez suffisamment
20 d'exemplaires de ce rapport. Vous trouverez, je pense, cette carte à la
21 page 12. Je reprendrai cette question dans l'interrogatoire supplémentaire
22 que je ferai. Je pense que nous pourrons procéder de façon assez
23 informelle pour le moment et nous verrons s'il faudra verser ce document
24 au dossier de l'audience en temps utile.
25 (L'huissier s'exécute.)
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1 M. le Président (interprétation): Oui. Nous voyons cette carte à la page
2 12. Monsieur Ball?
3 M. Ball (interprétation): Oui. Je pense que la question posée est celle de
4 savoir pourquoi Morina se trouve du côté albanais de la frontière.
5 Je vous ai déjà fourni une réponse. Dans les conversations que j'ai eues
6 avec les gardes-frontières, par le truchement d'un interprète, ils ont
7 fait référence à ce petit hameau de bâtiments et de maisons qui se
8 trouvent à quelques centaines de mètres à peine de la frontière, à Morina.
9 Si j'ai parlé non pas de la ville, je pense que c'est simplement un petit
10 hameau de Morina, cela renvoie ici, à ce point que je vous indique et que
11 j'ai indiqué sur la carte, dans l'échange que nous avons eu auparavant. Je
12 ne fais pas référence à une autre localité qui, elle, est beaucoup plus
13 grande et dont a parlé l'accusé auparavant.
14 M. le Président (interprétation): Pour que ceci soit tiré au clair,
15 d'après cette carte, le poste-frontière se trouve sur la route qui va de
16 Prizren à Kukës. Est-ce bien exact?
17 M. Ball (interprétation): Oui.
18 M. Milosevic (interprétation): C'est Vrbnica et pas Morina.
19 Eh bien, maintenant, s'agissant de Vrbnica, il n'y avait pas de services
20 frontaliers albanais à Vrbnica. Suite à la crise qui a secoué l'Albanie en
21 1997, il y a eu pillage de ce poste-frontière; il n'y avait que du bétail
22 là-bas avec des bergers. C'est tout.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, dites-nous ce que
24 vous avez vu lorsque vous vous êtes rendu sur les lieux?
25 M. Ball (interprétation): Je me suis rendu à cet endroit. Il y avait des
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1 milliers de personnes, y compris des centaines, je pense, de journalistes
2 qui venaient des quatre coins du monde. Ici, à cet endroit, sur la route
3 qui se trouve au sud de Prizren, il y a un passage frontière avec des
4 bâtiments de part et d'autre de la frontière, du côté du Kosovo et du côté
5 albanais.
6 Lorsque j'ai recueilli ces données, je n'ai pas franchi la frontière,
7 j'étais simplement du côté de l'Albanie. Mais il y a un petit poste-
8 frontière ici et je pense qu'il se trouve vraiment directement sur la
9 frontière, qu'il se trouve directement sur la frontière. Il y a plusieurs
10 autres maisons à cet endroit, des fermes, mais à l'époque considérée par
11 ce rapport, du mois de mars au mois de juin 1999 il y avait beaucoup de
12 circulation sur cette route, depuis le Kosovo vers l'Albanie. Il y avait
13 beaucoup d'observateurs internationaux aussi, ainsi que des gardes-
14 frontières albanais, ici. Donc ce n'est pas du tout un lieu abandonné; il
15 y avait beaucoup de gens qui s'y trouvaient.
16 M. Milosevic (interprétation): Dans le rapport précédent, en page 8, au
17 point 11, vous dites: "Seules trois personnes disposaient d'informations
18 du poste-frontière. Par la suite, c'est à Tirana qu'on est allé chercher
19 la base de données." De quelles trois personnes s'agit-il?
20 Réponse: De quelle note parlez-vous, Monsieur?
21 Question: Il s'agit du rapport précédent, page 8.11. Il est dit ici:
22 "Seules trois personnes avaient des données et, plus tard, ils sont allés
23 à Tirana". Alors, j'aimerais savoir qui sont ces trois personnes qui
24 disposaient de renseignements provenant de la frontière?
25 Réponse: Qui s'est occupé des données à la frontière? Il y avait moi-même,
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1 un interprète et un jeune homme qui nous a aidés. C'est moi,
2 personnellement, qui ai emmené les données à Tirana. Et je l'ai dit déjà
3 dans ma réponse précédente: à ce moment-là, les données ont été saisies
4 dans une base de données.
5 Question: Autrement dit, l'une des trois personnes, c'est vous-même; il y
6 a en plus deux de vos collaborateurs. C'est cela?
7 Réponse: Je vois la note dont vous parlez. Nous parlons de trois personnes
8 différentes. Vous, vous renvoyez à une note -et je crois que c'est
9 important pour votre question-, cette note dit que "seulement trois
10 personnes ont pu avoir accès à ces données concernant la frontière depuis
11 leur saisie". On parle donc ici d'une autre phase. Je vous ai parlé de
12 trois personnes au départ: ce sont celles qui ont obtenu les données, les
13 ont transportées à Tirana. Il y avait quatre personnes à Tirana qui,
14 elles, se sont chargées de l'encodage. Donc nous parlons ici de la saisie
15 physique des données dans une base de données.
16 Les trois personnes qui ont pu consulter les données après leur saisie,
17 c'étaient moi-même et deux assistants à Washington.
18 Mais jamais, au cours de ce processus, les données n'ont été hors de ma
19 portée et de mon contrôle immédiat, après leur envoi de Tirana à
20 Washington, là où j'étais.
21 Question: Dans ce premier rapport, en page 1 et en page 29, au paragraphe
22 5 de la page 1, vous dites: "Il n'y a pas de meurtres massifs qui
23 accompagnent l'exode et, là où il y a eu des meurtres, il n'y a pas de
24 réfugiés."
25 Donc vous montrez qu'il n'y a pas de lien entre l'un et l'autre. Et en
Page 2266
1 page 29, vous répétez la même constatation. Est-ce exact?
2 Réponse: Non, ce n'est pas exact. Je crois déjà avoir fourni une réponse.
3 La conclusion que je tire dans ce rapport, c'est que les assassinats en
4 masse ne coïncidaient pas avec les pics en matière de flux de réfugiés.
5 Là, je venais du Guatemala, où j'avais participé à une analyse statistique
6 de centaines de personnes; donc j'étais tout à fait sensibilisé à la
7 différence qui peut exister entre des assassinats en masse, des tueries
8 massives et des assassinats isolés, individuels. Les données dont je
9 disposais au moment de rédiger ce rapport, ce que j'ai fait entre le mois
10 de septembre et les mois de février 1999 et 2000, les données dont je
11 disposais, disais-je, portaient sur des cas d'assassinats massifs de
12 dizaines de personnes en une seule fois.
13 Ces assassinats massifs n'avaient pas de corrélation précise avec les flux
14 qui avaient été repris dans ce rapport. Par la suite -je l'ai dit dans ma
15 réponse précédente-, nous avons constaté qu'il y avait beaucoup plus
16 d'assassinats de moins de personnes; à chaque fois, c'était deux ou trois
17 personnes qui étaient tuées. Et ces incidents beaucoup plus nombreux, eux,
18 présentent une corrélation étroite avec les flux de réfugiés. Par
19 conséquent, ces constatations ultérieures, qui incluaient beaucoup plus de
20 données et étaient dès lors plus précises, nous ont permis de revenir sur
21 les conclusions que nous avions tirées auparavant.
22 Je pense que c'est une bonne pratique scientifique: lorsqu'on découvre
23 quelque chose qui se trouve en contradiction avec une conclusion tirée
24 précédemment, il est logique de l'expliquer et de voir pourquoi il y a eu
25 une différence au départ. Je pense que l'explication que je viens de vous
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1 fournir, et que j'ai donnée déjà dans mes réponses antérieures, sont une
2 explication de cette différence que nous avons constatée.
3 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais ici, vous regroupez non seulement
4 ce que vous avez constaté, à savoir les 4.000 mais les 10.000. Et nous
5 venons de voir qu'il s'agit du chiffre supposé de 6.000 qui a été réparti
6 sur une période supposée pour obtenir ce chiffre de 10.000. Est-ce exact?
7 M. Ball (interprétation): Ah...
8 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déjà répondu à cette
9 question.
10 M. Milosevic (interprétation): Bien. Alors, y a-t-il eu une intervention,
11 quelle qu'elle soit, pour que vous modifiiez cela par rapport à votre
12 première conclusion?
13 M. Ball (interprétation): Non. En fait, je me souviens bien de la surprise
14 que j'ai ressentie au moment où j'ai vu pour la première fois ce graphique
15 portant sur les assassinats. A ce moment-là, je me suis dit que je m'étais
16 trompé parce qu'il y avait une corrélation très étroite; et mon hypothèse
17 précédente avait été que la corrélation ne serait pas étroite.
18 Donc lorsque j'ai fait cette constatation, j'ai recommencé à faire toutes
19 les mesures possibles pour tester mon hypothèse de départ. Je me suis
20 servi d'un ordinateur différent, nous avons fait toutes les analyses,
21 plusieurs vérifications suivant diverses modalités de calculs de ces
22 totaux, d'intervalle de deux jours. Et j'ai constaté que cette corrélation
23 était tout à fait robuste.
24 Qu'est-ce que j'entends par là? Je veux dire que, dans chacune des
25 techniques et analyses statistiques que j'ai utilisées, j'avais les mêmes
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1 résultats.
2 Question: Qu'entendez-vous par le terme "données"?
3 Réponse: Ici, dans ce cas, je vous l'ai dit: les données incluent les
4 données recueillies au poste-frontière, ainsi que les décomptes fournis
5 par les observateurs du HCR et de l'OSCE. Ce sont des données que m'ont
6 fourni quotidiennement, à Tirana, les représentants du HCR. Il y a aussi
7 diverses enquêtes que j'ai menées et que d'autres organisations avec
8 lesquelles je me trouvais en partenariat m'ont fournies; j'en ai parlé
9 hier. Il y a aussi la liste des décès utilisée pour préparer l'analyse des
10 assassinats; c'est la société ABAS/CEELI qui me l'a donnée. Il y a aussi
11 les enquêtes menées par Human Rights Watch, par l'OSCE; ce sont des
12 données portant sur les assassinats. Et, nous en avons parlé assez
13 longuement ce matin, il y avait aussi les données qui analysaient les
14 activités de l'UCK. Et enfin, les données publiées par le gouvernement
15 yougoslave et la presse yougoslave pour ce qui est des frappes aériennes
16 de l'OTAN. Tout cela, ce sont les données intermédiaires. Il y a aussi
17 d'autres données qui interviennent lorsqu'on procède à l'analyse, mais je
18 pense que ce sont les données de base. J'espère avoir ainsi répondu à
19 votre question.
20 M. Milosevic (interprétation): Passons maintenant à une question tout à
21 fait concrète. Vous, les statisticiens, vous essayez de donner des
22 réponses à cette question. En effet, ce qui ressort de votre travail, vous
23 avez posé trois questions auxquelles vous vous proposiez de répondre.
24 La première question est de savoir s'il y a eu des personnes qui fuyaient
25 des conflits, des conflits opposant les forces yougoslaves, comme vous le
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1 dites, et l'UCK.
2 Deuxièmement, s'il y a eu des fuites de population pour éviter les raids
3 aériens de l'OTAN.
4 Et en troisième lieu, si les déplacements de population étaient dus à une
5 campagne de nettoyage ethnique.
6 Autrement dit, vous avez posé vos questions en vous proposant d'établir,
7 de déterminer lequel de ces trois facteurs était la cause des déplacements
8 de population. Est-ce bien exact?
9 M. Ball (interprétation): Je vais reprendre la manière dont ont été
10 libellées ces hypothèses dans le rapport pour corriger certaines des
11 erreurs qui ont été faites dans votre déclaration.
12 Les hypothèses, elles figurent de manière très précise dans le rapport.
13 L'objectif d'une analyse statistique, ce n'est pas de trouver une cause,
14 mais d'évaluer les hypothèses examinées pour voir si les données
15 correspondent ou non avec les hypothèses étudiées. Il s'agit d'une logique
16 qui est un peu différente de celle que vous semblez sous-entendre dans
17 votre question. Nous ne pouvons pas confirmer ou prouver une hypothèse.
18 Cela sort de notre domaine de travail.
19 Cependant, nous pouvons rejeter une hypothèse si nous constatons que les
20 données ne correspondent à cette hypothèse.
21 Et, comme je l'ai déjà dit hier, nous avons rejeté deux hypothèses:
22 l'hypothèse selon laquelle les activités de l'UCK, mesurées avec les
23 variables que j'ai indiquées, ont entraîné le départ des Kosovars de leurs
24 foyers. Nous avons rejeté cette hypothèse, je l'ai expliqué, avec quelques
25 réserves.
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1 D'autre part, nous rejetons l'hypothèse selon laquelle les frappes
2 aériennes de l'OTAN ont créé les conditions ayant mené les Kosovars à
3 quitter leur foyer.
4 Nous constatons -et là, je pense que c'est le fait le plus important-
5 qu'il y a des éléments de preuve qui correspondent à l'hypothèse selon
6 laquelle ce sont les forces yougoslaves qui ont forcé les gens à quitter
7 leurs maisons et qui ont tué un certain nombre de personnes. Nous
8 constatons que les éléments d'information correspondent à cette hypothèse.
9 Et ceci du fait de la coïncidence frappante entre la diminution très forte
10 du nombre de personnes tuées, du nombre de personnes quittant leurs
11 foyers, à partir du moment où le gouvernement yougoslave a annoncé un
12 cessez-le-feu.
13 Voilà une coïncidence extrêmement frappante. Surtout vu que...
14 M. le Président (interprétation): Nous vous avons entendu.
15 M. Milosevic (interprétation): Bien. Il ne s'agit pas de trois questions:
16 vous ramenez cela à l'examen de trois hypothèses. Sommes-nous d'accord là-
17 dessus?
18 M. Ball (interprétation): Oui, il s'agissait effectivement de trois
19 hypothèses.
20 Question: Savez-vous que, le 24 mars 1999, une guerre a commencé, une
21 guerre lancée par l'OTAN contre la Yougoslavie?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Supposez-vous que la guerre est une situation complexe et, à
24 bien des égards, chaotique et que, dans cette situation, il est très
25 difficile de distinguer les différents éléments et de les réduire, en les
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1 simplifiant à outrance, de les réduire donc à ces trois hypothèses que
2 vous avez énoncées vous-même?
3 Réponse: Quand on examine les données en se disant qu'il existe peut-être
4 des tendances qui se dessinent dans ces données s'agissant des meurtres,
5 et s'agissant des flux de réfugiés, une clarté des systèmes, des modèles
6 se dégage. Et cela peut paraître surprenant a priori, vu la situation
7 chaotique que l'on examine.
8 Cela, c'est une des caractéristiques de la science. Certains modèles,
9 certaines structures peuvent se dégager du chaos. En fait, si l'on examine
10 ce qui s'est passé, si l'on examine les tendances qui se dégagent de ces
11 informations, elles apparaissent beaucoup moins chaotiques que l'on aurait
12 pu penser au départ. Et c'est là même la base même de nos conclusions.
13 Question: Supposez-vous alors que ce genre de situation complexe et
14 chaotique qu'est la guerre ne peut être réduite qu'à trois hypothèses
15 seulement? Donc simplifiées? Ne peut-on pas supposer que les gens fuyaient
16 la guerre? La guerre qui comprend tout genre de souffrance, de risques et
17 non seulement l'un des facteurs que vous avez transformés en hypothèse, en
18 cherchant à les dégager. Etes-vous conscient de cela?
19 M. Ball (interprétation): Est-ce que...
20 M. le Président (interprétation): Nous allons reformuler cette question.
21 Est-ce qu'il pourrait exister d'autres raisons que les hypothèses que vous
22 avez utilisées pour expliquer le départ des habitants?
23 M. Ball (interprétation): Oui. Mais il nous a paru que c'étaient là les
24 hypothèses les plus probables, parce que cela concernait les parties
25 prenantes qui étaient armées à l'époque. Cependant, cette méthode n'exclut
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1 pas la possibilité qu'il y ait eu effectivement d'autres causes.
2 M. Milosevic (interprétation): Hier, vous avez dit que l'objet de votre
3 vérification statistique était de déterminer la cause commune de l'exode.
4 La "cause commune", c'est bien le terme que vous avez utilisé, n'est-ce
5 pas?
6 M. Ball (interprétation): Oui, nous avons employé le terme de "cause
7 commune", mais nous n'avons pas employé le terme "d'établir". Ce que nous
8 recherchons, lorsque nous analysons une cause commune, c'est que nous
9 recherchons des structures, des systèmes qui évoluent ensemble au fil du
10 temps et dans l'espace. Et cette cohérence, cette connexion des systèmes
11 dans le temps et dans l'espace, ces corrélations -pour reprendre les
12 termes que nous utilisons dans notre domaine- semblent indiquer
13 l'existence d'une cause commune.
14 Cela ne prouve nullement, nous ne l'affirmons à aucun moment mais, sur la
15 base de cet élément très fort, nous pensons que cette cause existe. Mais
16 nous utilisons un langage scientifique beaucoup moins fort que ce que vous
17 avez dit.
18 Question: Bien entendu, cela n'est même pas contestable qu'il y ait eu une
19 cause commune. Mais vous est-il venu à l'esprit que la cause commune de
20 l'exode était précisément la guerre?
21 Vous avez dit: il y avait une cause; la cause a cessé d'exister. Puis il y
22 a eu la guerre à partir du 24 mars, puis la guerre s'est arrêtée. Tant que
23 la guerre a duré, il y a eu l'exode. A partir du moment où il n'y avait
24 plus la guerre, il n'y avait plus d'exode!
25 Mais cela ne vous est pas venu à l'esprit de dire que la cause commune
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1 était la guerre? Et non de chercher à éliminer ou à faire correspondre
2 trois hypothèses, seulement trois hypothèses pour étudier une situation
3 extrêmement complexe qu'est la guerre?
4 Réponse: Etes-vous en train de me demander si, lorsque la guerre s'est
5 arrêtée, les flux de réfugiés et les meurtres se sont interrompus? C'est
6 là votre question? Excusez-moi.
7 M. Milosevic (interprétation): Oui, ce que je vous demande, c'est de
8 savoir si cela vous est venu à l'esprit que la cause commune était la
9 guerre, puisque que cela a commencé le 24 mars quand la guerre a commencé,
10 et lorsque la guerre s'est terminée début juin, cela s'est terminé. Donc
11 quand la cause commune a disparu, tout cela a disparu également; et la
12 cause commune était donc la guerre.
13 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au Témoin de vous
14 répondre.
15 M. Ball (interprétation): En fait, oui, cela m'est venu à l'esprit. Donc
16 nous avons mis à l'épreuve cette hypothèse sur la base des données dont
17 nous disposions. Ce qui nous a plus particulièrement intéressés, c'était
18 de voir ce qui s'était produit durant la période de cessez-le-feu, cessez-
19 le-feu déclaré de manière unilatérale par le gouvernement yougoslave.
20 Cela s'est passé le 6 juin dans la soirée. Ou le 7 au matin. J'ai examiné
21 donc la période de quatre jours: du 7 au 10. Comme je l'ai déjà dit
22 précédemment, pendant cette période, on a constaté qu'il y avait eu peu de
23 meurtres, peu de réfugiés; les graphiques le montrent clairement. Ce qui
24 m'a paru tout à fait intéressant, c'est que le volume des activités de
25 l'UCK répertoriées et les frappes aériennes de l'OTAN rapportées par les
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1 sources yougoslaves ont beaucoup augmenté, ont été multipliées par deux ou
2 par trois par rapport aux périodes précédentes, parce que c'était une
3 période pendant laquelle il y avait un cessez-le-feu unilatéral, vu que
4 les deux autres parties prenantes ont beaucoup augmenté leurs activités au
5 moment où justement le flux des réfugiés et le nombre des meurtres s'est
6 réduit à la portion congrue.
7 Donc si l'on peut dire que la guerre, de manière très générale et un peu
8 vague, peut être une cause, ce qui est clair c'est que les relations
9 statistiques ne le montrent pas. L'une des parties en présence proclame un
10 cessez-le-feu, le flux des réfugiés et le nombre des meurtres diminuent de
11 manière très importante mais, dans le même temps, vous avez une
12 augmentation des activités de l'UCK et de l'OTAN. Cela ne correspond
13 nullement à une augmentation des flux de réfugiés et à une augmentation
14 des meurtres; ce qui nous a permis, avec une grande confiance, de rejeter
15 les hypothèses que j'ai évoquées précédemment.
16 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est justement de cela que je parle:
17 il s'agit de réduire, de manière tout à fait simplifiée, à trois
18 hypothèses seulement une guerre, qui a été une cause commune: à sa
19 disparition, les conséquences ont disparu également. Mais vous savez, vous
20 vous rendez compte que la Yougoslavie ne s'est pas attaquée elle-même
21 durant cette guerre?
22 M. Ball (interprétation): Il y a eu un conflit entre l'OTAN et la
23 Yougoslavie. Il est clair qu'il y avait une insurrection menée par l'UCK.
24 Mais quant à savoir quels termes il convient d'utiliser, quels termes
25 officiels et juridiques il convient d'utiliser, Monsieur Milosevic, je
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1 n'en sais rien.
2 M. Kwon (interprétation): Bien. Il me semble que ce qui est suggéré par la
3 question, c'est qu'il est possible que les gens se soient enfuis à cause
4 de la guerre et non pas à cause d'un facteur unique.
5 M. Ball (interprétation): Oui.
6 M. Kwon (interprétation): Comment peut-on réduire ces facteurs à trois
7 hypothèses aussi simples? Il me semble que c'est cela l'essence de la
8 question qui vous a été posée?
9 M. Ball (interprétation): Cela se fait sur la base d'une théorie, à savoir
10 que, s'il y a une guerre, il se produit des événements, des événements
11 dont on peut faire le décompte. Et nous recherchons, nous, les événements,
12 les éléments qui peuvent être comptés pour voir si nos hypothèses sont les
13 bonnes.
14 Quels sont éléments dont nous nous sommes servis? Eh bien, des
15 affrontements entre les l'UCK et les forces serbes, ce qui semble être un
16 indicateur raisonnable de l'occurrence d'une guerre, pour utiliser un
17 terme général. De même, les pertes serbes infligées par l'UCK pourraient
18 indiquer l'existence d'une guerre.
19 Je n'affirme pas que ces affrontements, ces victimes reprennent de manière
20 tout à fait exacte la notion de guerre, mais il faut que ces éléments
21 soient présents pour qu'il y ait guerre.
22 M. Kwon (interprétation): Je vous ai compris.
23 Vous pouvez continuer, Monsieur Milosevic.
24 M. Milosevic (interprétation): A ce moment-là, ces deux premières
25 hypothèses, autrement dit, l'OTAN et l'UCK…, eh bien, comprenez-vous que,
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1 dans cette guerre, l'OTAN et l'UCK agissaient en ayant un but commun? Vous
2 vous êtes penché là-dessus?
3 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous répondre ou non?
4 M. Ball (interprétation): Je n'ai pas réfléchi à cette question.
5 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais, aujourd'hui, êtes-vous en
6 mesure ici, maintenant, d'évaluer cette hypothèse: donc l'OTAN et l'UCK
7 ont agi en ayant un but commun? Il n'y a pas deux hypothèses; il y a une
8 hypothèse, à savoir une action commune, concertée de l'OTAN et de l'UCK?
9 M. le Président (interprétation): Il n'a pas réfléchi à cette question. De
10 ce fait, il n'est pas en mesure de nous dire quoi que ce soit dans le
11 cadre de sa déposition.
12 M. Milosevic (interprétation): Bien. Même si nous séparons au lieu de
13 rassembler, donc nous essayons d'analyser un phénomène complexe, à savoir
14 la guerre, donc on ne cherche pas du tout à présent à réunir les facteurs,
15 mais pensez-vous que seule une action armée, d'une part, des forces serbes
16 yougoslaves, de l'UCK et de l'OTAN, ou bien ce phénomène complexe qu'est
17 la guerre, contient des facteurs...
18 M. le Président (interprétation): Il en parlé. Vous avez déjà présenté cet
19 argument, il a déjà répondu à votre question.
20 Je vous prie d'avoir l'amabilité de passer à un autre sujet, sinon nous
21 mettrons un terme à cet exercice.
22 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est un sujet essentiel, puisque le
23 Témoin lui-même est en train de dire qu'il y a toute une série d'autres
24 facteurs, sans aucun doute. Voilà, j'en citerai quelques-uns. Puis, vous
25 me répondrez en me disant si vous estimez...
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1 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il est possible qu'il y ait
2 eu d'autres éléments, mais il nous a dit qu'il s'agit là des trois
3 hypothèses qu'il a examinées.
4 Si vous souhaitez poser une autre question, allez-y, mais pas en restant
5 sur le même sujet.
6 M. Milosevic (interprétation): Mais moi, je souhaite poser une question au
7 Témoin.
8 Donc il y a d'autres facteurs qui agissent sur l'homme: des moyens
9 politiques, des moyens de propagande, des menaces lancées par l'UCK, des
10 ordres donnés par l'UCK, une guerre médiatique qui a été menée à ce
11 moment-là, les tracts qui ont été lancés, les tracts en noir et rouge avec
12 le drapeau albanais, où l'on invite la population à quitter le territoire:
13 on lui ordonne de passer en Albanie. Donc la guerre, ce n'est pas
14 uniquement les bombes et le…
15 M. le Président (interprétation): Non! Posez une question.
16 Je vous ai déjà dit que l'heure n'était pas aux discours. Il semble que la
17 question soit la suivante: est-ce que vous avez envisagé d'autres causes
18 pour les flux de réfugiés ou ce qui ressemble à des flux de réfugiés, ces
19 autres causes étant des manœuvres de propagande et les activités de l'UCK?
20 M. Ball (interprétation): Il s'agit d'éléments dont nous avons discuté
21 avec mes collaborateurs à plusieurs reprises. Nous n'avons pas étudié
22 l'impact de cela, mais nous avons cependant observé que la propagande est
23 peu à même d'entraîner des meurtres. Et donc, nous avons trouvé une
24 convergence entre les meurtres et les flux de réfugiés, mais nous avons
25 estimé que la propagande n'était pas à même d'expliquer cela.
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1 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi réduisez-vous tout cela à la
2 propagande seule? Là, je parle de menaces. Ces menaces n'étaient pas
3 lancées en l'air, puisqu'il y a eu des meurtres d'Albanais par l'UCK pour
4 les ramener à l'ordre. Il y a eu des ordres donnés à la population de
5 quitter leurs foyers...
6 M. le Président (interprétation): Un instant. Procédons par ordre.
7 La question suivante a trait aux menaces. Est-ce que vous avez étudié les
8 menaces proférées par l'UCK?
9 M. Ball (interprétation): Non. Non, nous avons estimé qu'il était peu
10 probable que cela ait joué un rôle en adoptant la même logique.
11 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, il n'y a eu aucun impact de
12 la propagande, ni des menaces ni des ordres donnés par l'UCK à la
13 population, pour que la population quitte le territoire: à votre avis
14 donc? Même la guerre médiatique qui a fait partie de tout cela?
15 M. Ball (interprétation): Comme je l'ai déjà dit, et je pense que cela
16 ressort clairement du rapport, nous n'avons pas pris en compte les
17 hypothèses qui sont contenues dans votre question; nous ne les avons pas
18 examinées de manière directe. Mais vu ce que nous avons étudié, il me
19 semble qu'il s'agit là de causes peu probables.
20 Question: Bien, mais essayons d'appliquer la logique.
21 Vous vous êtes toujours penché sur les combats, comme s'il s'agissait d'un
22 troupeau qui n'agissait que tant qu'il y avait des coups de feu et tant
23 qu'on lançait des bombes, comme s'il ne s'agissait pas d'êtres
24 intelligents qui étaient sensibles à tout ce qui est propagande, messages
25 politiques, menaces et autres donc? Il s'agit de l'homo sapiens: il est
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1 doué de raison, il réfléchit. Tous ces facteurs sont pris en considération
2 par lui et pas seulement le feu ou le meurtre. Donc il s'agit d'une
3 situation complexe que vous avez ramenée, à force de simplifications, à
4 ces trois hypothèses seulement?
5 Réponse: Il est indéniable que nous avons pris en compte ce qui s'était
6 passé dans un passé proche, en plus de ce qui se passait pendant la
7 période concernée. Nous en avons parlé beaucoup hier quand on a parlé de
8 ce décalage, ce décalage, ce terme statistique de "décalage", c'est-à-dire
9 que nous avons pris en compte l'impact des activités de l'UCK et de
10 l'OTAN, dans la période précédent de deux jours et dans la période de deux
11 jours qui a suivi, donc période de quatre jours.
12 J'ai procédé, d'autre part, à une méthode ou une démarche: la méthode de
13 l'auto-convergence ou de l'auto-corrélation. Et j'ai constaté que ce qui
14 s'était passé dans la période précédant les événements étudiés n'était
15 significative que si cela avait trait aux activités de l'UCK et en ce qui
16 concernait les flux de migration. Voilà ce qui est ressorti de mon
17 travail.
18 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous, par exemple, qu'il y a eu des
19 colonnes de réfugiés albanais qui sont revenus dans leurs villages après
20 les bombardements? Ces colonnes ont fait l'objet de bombardements de la
21 part de l'OTAN sur le chemin de retour.
22 Savez-vous que cela aussi a constitué un message disant clairement qu'il
23 fallait exécuter les ordres et quitter le Kosovo?
24 M. le Président (interprétation): Comprenez-vous la question?
25 M. Ball (interprétation): Il me semble que l'on me demande si je sais que
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1 l'OTAN a bombardé les réfugiés albanais sur les routes.
2 M. le Président (interprétation): Il semble que ce soit la première partie
3 de la question.
4 M. Ball (interprétation): Il y a eu des incidents de ce type qui
5 figuraient dans les données communiquées par les sources du gouvernement
6 yougoslave et nous en avons tenu compte dans notre étude.
7 M. Milosevic (interprétation): Ce que je vous demande c'est: quel a été
8 l'impact de cela? Vous avez une colonne de paysans qui reviennent dans
9 leurs villages et qui est bombardée, en même temps vous avez une exigence,
10 un ordre qui est diffusé par les médias demandant aux Kosovars, aux
11 Albanais de quitter le territoire du Kosovo.
12 Vous en avez tenu compte ou uniquement du nombre de personnes qui ont été
13 tués dans ces colonnes?
14 Réponse: Nous n'en avons pas tenu compte. Et j'aimerais vous expliquer que
15 l'analyse des frappes aériennes de l'OTAN n'a rien à voir avec le nombre
16 de personnes tuées, mais les données examinées à ce titre sont celles du
17 nombre de frappes aériennes de l'OTAN.
18 M. Milosevic (interprétation): Le nombre de frappes aériennes est quelque
19 chose à quoi nous viendrons plus tard.
20 Mais en vous citant, tous ces "éléments particuliers qui constituent une
21 situation de guerre" -et je suis loin de donner une liste exhaustive de
22 cela-, la question que j'essaie de vous poser est la suivante: seule une
23 prise en compte de tous les éléments qui constituent le phénomène d'une
24 situation chaotique de guerre peut nous permettre de connaître la cause
25 commune. On ne peut pas réduire.
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1 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà entendu cet argument.
2 Vous n'avez cessé de le répéter et le témoin a répondu.
3 Vous aviez demandé à bénéficier de plus de temps. Nous accédons à votre
4 demande et nous vous accordons le temps qui reste encore jusqu'à la pause,
5 mais pas plus. Cela suffit largement: vous aurez bénéficié de plus de
6 trois heures.
7 M. Ball (interprétation): Est-ce que je pourrais bénéficier d'une pause de
8 deux ou trois minutes?
9 M. le Président (interprétation): Oui. Nous allons faire une pause de cinq
10 minutes.
11 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 12 heures 35.)
12 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.
13 M. Milosevic (interprétation): Je suis en train de dire que cette
14 simplification dans la présentation des données statistiques n'est pas
15 valable, même si ces données étaient exactes.
16 Donc, tous ces ensembles, tous ces phénomènes et les manifestations de la
17 guerre en tant que phénomènes ne devraient-ils pas être étudiés dans leur
18 ensemble pour que les conclusions soient valables, à votre avis?
19 M. Ball (interprétation): Cette étude vous présente des hypothèses très
20 bien circonscrites. Elle tire des conclusions à partir des meilleures
21 données qui nous étaient disponibles.
22 Je ne suis pas ici compétent pour entamer un débat épistémologique ou tout
23 à fait théorique sur ce point.
24 Question: Bien. Puisqu'il est question de données statistiques, le bien-
25 fondé de ce rapport n'est-il pas en question, lorsqu'il s'agit uniquement
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1 de données fournies par les gardes-frontière à Morina et lorsqu'il s'agit
2 de témoignages recueillis dans les camps de réfugiés en Albanie et en
3 Macédoine? Et on parle même de Bosnie-Herzégovine. Ne considérez-vous pas
4 que cela remet en question la validité de vos conclusions?
5 Réponse: Non.
6 Question: Ne peut-on pas s'interroger, à votre avis, car vous avez étudié
7 cela, ne peut-on pas s'interroger sur ces employés au poste-frontière, sur
8 ces Albanais qui ont pu procéder aussi vite à la rédaction de rapport?
9 D'après ce que vous affirmez, la plus grosse vague de réfugiés est celle
10 qui s'est produite pendant la première phase, n'est-ce pas?
11 Réponse: C'étaient les gardes-frontière qui travaillaient régulièrement à
12 ce poste. Il se peut qu'il y ait eu d'autres gardes, étant donné qu'il y
13 avait un tel afflux de réfugiés à cet endroit.
14 Question: Durant la première phase, considérez-vous que ce qui est
15 important, c'est de voir que ces employés étaient si promptement prêts à
16 rédiger cela? Donc, dès qu'il y a eu l'augmentation de l'intensité dans
17 l'afflux de réfugiés, comment pensez-vous qu'ils ont pu réagir aussi vite
18 pour dresser ces listes et rédiger ces rapports?
19 Réponse: Je ne sais pas s'ils étaient prêts ou prompts, d'une quelconque
20 façon. Ils ont pu s'acquitter correctement de leur travail dans la limite
21 de leurs capacités personnelles et individuelles. Hier, j'ai parlé assez
22 longuement de la façon dont j'avais apprécié et évalué ce travail.
23 Question: Mais vous êtes-vous posé la question suivante: ne peut-on pas
24 expliquer cela par le fait que l'apparition de ces colonnes de réfugiés
25 étaient quelque chose de prévu à l'avance et de préparé afin de montrer
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1 que ces réfugiés n'étaient que la conséquence d'une campagne de nettoyage
2 ethnique? Et que ce n'était pas une conséquence de la guerre qui est un
3 phénomène d'une grande complexité?
4 Réponse: Je crois que votre question en renferment plusieurs. Je pense
5 avoir déjà répondu à certaines d'entre elles: on a parlé de cette
6 complexité. Mais maintenant vous posez une question nouvelle pour demander
7 si c'est quelque chose de prévu à l'avance. Je réponds par la négative.
8 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, qui pourrait s'attendre à ce que
9 ces rapports soient véridiques lorsqu'on connaît les objectifs du
10 mouvement sécessionniste albanais, lorsqu'on connaît quelles sont les
11 positions albanaises par rapport à la Serbie et à la Yougoslavie, quand on
12 connaît leur position au sujet de la question kosovare?
13 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question?
14 M. Milosevic (interprétation): Précisément ce que je viens de demander:
15 qui pourrait s'attendre à ce que ces documents soient véridiques en
16 connaissant les objectifs du mouvement sécessionniste albanais, en
17 connaissant la position albanaise à l'égard de la Yougoslavie.
18 M. le Président (interprétation): Très bien. Le Témoin a déjà répondu à
19 ces questions. Passez à autre chose.
20 (Les Juges se consultent sur le siège.)
21 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que les études qui auraient
22 été menées dans les camps de réfugiés se fondaient, pour la plupart, sur
23 des entretiens qui ont été menés. Qui a mené ces entretiens?
24 M. Ball (interprétation): Nous avons passé en revue les sources
25 d'information à la base de ce rapport à plusieurs reprises.
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1 Mais en réponse à cette question, je peux vous dire que les enquêtes
2 menées en guise de supplément à l'analyse des mouvements de réfugiés ont
3 été menées d'abord par des équipes que j'ai moi-même organisées, et puis,
4 par des entretiens menés à partir d'un échantillon aléatoire par le PHR et
5 aussi par des entretiens de réfugiés effectués par Human Rights Watch.
6 Dans la deuxième phase de l'étude, à savoir l'analyse des tendances en
7 matière de meurtres, là, il y a trois sources pour les entretiens, en plus
8 des archives des exhumations: il y a d'abord les entretiens menés par
9 l'ABA/CEELI et puis les entretiens menés par Human Rights Watch; et, en
10 troisième lieu, ceux menés par l'OSCE.
11 Voilà les entretiens que nous avons menés pour effectuer ce travail. Ce
12 sont diverses organisations qui ont réalisé ces entretiens, à divers
13 endroits, en divers moments. Et pourtant, le récit est étonnamment le
14 même.
15 M. Robinson (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Milosevic. Un instant.
16 Et qui étaient ces personnes qu'on a interrogées?
17 M. Ball (interprétation): Des Albanais du Kosovo, des gens qui se
18 trouvaient soit dans des camps de réfugiés ou étaient de retour au Kosovo
19 en fonction de la phase au cours de laquelle ont eu lieu ces entretiens.
20 Pour ce qui est des Kosovars, c'étaient des civils.
21 M. Robinson (interprétation): Je ne sais pas si c'est la question que
22 posait M. Milosevic. Moi, de toute façon, j'aimerais savoir si vos
23 analyses ont tenu compte de ce qui pourrait être un préjudice ou un
24 préjugé naturel de la part de celui qui menait les entretiens?
25 M. Ball (interprétation): Nous n'avons pas tenu compte de cela de façon
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1 directe. Cependant, statistiquement parlant, ce qui est à mon avis
2 intéressant, c'est notamment l'analyse et la méthode utilisée pour
3 l'analyse des meurtres. Nous avons trouvé les mêmes personnes qui
4 s'étaient occupées de différents témoins dans différents projets.
5 Et pourtant, il y a un très fort chevauchement dans les processus; c'est-
6 à-dire que les mêmes victimes apparaissent dans les entretiens des trois
7 sources dont j'ai parlé -Human Rights Watch, OSCE et ABA/CEELI-, c'est
8 qu'il y a un très haut niveau de chevauchement. Si les gens avaient
9 concocté ces histoires, ils auraient dû coordonner leurs récits sur plus
10 de 15.000 entretiens qui ont été menés sur une période de près de deux ans
11 et qui ont été menés par deux ou trois organisations différentes; ils
12 auraient dû aussi fabriquer toutes ces archives en matière d'exhumations.
13 Je trouve que c'est là un niveau tout à fait improbable. Nous sommes donc
14 satisfaits de la solidité de nos conclusions, statistiquement parlant.
15 M. Robinson (interprétation): Poursuivez, Monsieur Milosevic.
16 M. Milosevic (interprétation): Précisément, je suis d'avis contraire: ils
17 ont été briefés. Et je ne crois pas que c'était…, je crois
18 qu'indépendamment de leur niveau social, leurs histoires, leurs récits
19 concordaient.
20 Mais ce de quoi nous parlons à présent, c'est d'une procédure
21 méthodologique qui demande, qui exige une approche impartiale et
22 qualifiée.
23 M. Ball (interprétation): Pour ces entretiens, il suffisait que les gens
24 relatent leur histoire par écrit. Nous cherchons ici une liste de
25 personnes qui sont considérées comme étant mortes, et de l'endroit, du
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1 moment, d'après le souvenir des personnes interrogées, où ces personne
2 auraient été tuées.
3 Question: Mais vous êtes un sociologue, vous savez pertinemment que
4 l'entretien, en tant que procédé méthodologique, ne se réduit pas à une
5 seule question posée à la personne interviewée, à laquelle elle est censée
6 répondre?
7 Réponse: Les entretiens ont été menés de façon tout à fait différente.
8 Ceci est repris à l'annexe A: on explique comment s'est déroulé ce
9 processus d'interrogation des personnes. Dans les entretiens de Human
10 Rights Watch, nous avons utilisé une méthode qualitative qui part des
11 prémisses suivantes: nous nous basons sur le récit que fournit la personne
12 que l'on interroge. Pour ce qui est de ABA/CEELI et de l'OSCE, on utilise
13 un processus d'interrogation semi-structuré; c'est le terme technique
14 qu'on utilise pour poser des questions qui sont ouvertes, du genre
15 "Pourquoi avez-vous quitté votre maison?" Puis, on a la réponse et ces
16 réponses sont enregistrées.
17 Le processus utilisé par l'ABA/CEELI et par l'OSCE étaient très
18 similaires. Les médecins, les médecins -physicians for Human Rights- pour
19 les droits de l'homme ont utilisé une méthode d'entretien beaucoup plus
20 structurée. Et dans le cadre de notre étude, nous avons uniquement utilisé
21 ces résultats pour partir de ces récits et pour calculer le temps qu'il a
22 fallu à quelqu'un pour quitter sa maison et franchir la frontière. C'est
23 la seule utilisation que nous avons faite de ces données dans notre étude.
24 Et même si les entretiens que j'ai conçus et que nous avons menés dans les
25 camps de réfugiés en Albanie et dans d'autres endroits en Albanie, même si
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1 c'était un processus beaucoup plus élaboré, nous ne nous en sommes servis,
2 dans cette étude, que pour calculer le temps de transit, le temps qu'il
3 faut à quelqu'un pour sortir de chez lui et pour arriver à la frontière.
4 Et aussi pour vérifier, grâce à ces données, quelle était la répartition
5 des lieux d'origine des personnes sur une certaine période, tel que ceci
6 apparaît dans les données recueillies aux frontières.
7 Question: Précisément, vous venez de dire que vous vous êtes basé sur
8 leurs récits pour calculer le temps qu'il a fallu entre le départ et
9 l'arrivée à la frontière. A ce sujet, vous avez dit hier que la grosse
10 majorité a traversé la frontière le lendemain du jour où ces personnes ont
11 quitté leur foyer. Est-ce exact?
12 Réponse: Non. Excusez-moi. Nous avons établi que la grosse majorité des
13 gens avait franchi la frontière le même jour. Non! Pas la grosse majorité,
14 mais plus de la moitié des personnes qui avaient franchi la frontière à
15 tel ou tel jour étaient parties ce jour-là de chez elles. C'est ce que
16 nous avons constaté.
17 Question: Mais cela est encore moins probable que ce que je vous ai
18 demandé puisque, compte tenu de ce poste-frontière de Morina, voire le
19 poste de Vrbnica, et le moment du départ des foyers, il est tout à fait
20 matériellement impossible que l'on puisse traverser la frontière le jour
21 même ou le lendemain. Compte tenu de la masse de personnes, notamment,
22 pendant cette première vague.
23 Mais vous vous rendez compte des distances matérielles, de la
24 concentration de personnes, des difficultés dans le transport, des
25 problèmes en route? Vous comprenez qu'il est matériellement impossible,
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1 improbable que l'on traverse la frontière le même jour pendant cette
2 première phase, compte tenu du nombre de personnes dont il s'agit?
3 Réponse: Il y a deux décomptes, indépendants l'un de l'autre, du nombre de
4 personnes qui ont franchi la frontière à ce poste. Il y a forte
5 convergence pour ces chiffres. Et là où il n'y a pas convergence, le
6 nombre des personnes comptées par le HCR et l'OSCE était toujours
7 supérieur à celui relevé par les gardes frontières. Je ne peux pas vous
8 dire si c'était plausible ou pas. Je peux vous dire que, d'après les
9 données dont on dispose, ça s'est vraiment passé. Donc la question de la
10 plausibilité ne se pose plus.
11 M. Milosevic (interprétation): Je comprends que la question de la
12 plausibilité ne vous préoccupe pas. Mais vous vous rendez compte que
13 déplacer une telle masse de personnes et prétendre que ces gens ont
14 traversé la frontière le même jour, alors là, il y a vraisemblablement
15 d'autres éléments. Il y a une interrogation tout à fait légitime à ce
16 sujet...
17 M. le Président (interprétation): Avez-vous une question à poser?
18 M. Milosevic (interprétation): Compte tenu du fait que nous sommes
19 d'accord pour dire que l'entretien, en tant que procédé méthodologique,
20 doit être mené de manière impartiale et par des personnes compétentes, ne
21 peut-on pas considérer que les représentants de la partie qui a lancé
22 l'agression, donc l'entretien mené par ces gens-là ne peut pas être
23 considéré comme impartial?
24 M. le Président (interprétation): La question n'est pas correcte.
25 M. Milosevic (interprétation): Mais la question est tout à fait claire. Je
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1 ne sais pas si je l'ai formulée d'une manière appropriée...
2 M. le Président (interprétation): Cette question contient quelque chose de
3 sous-entendu, à savoir que cette enquête aurait été menée par une partie
4 qui a commis l'agression. La question n'est donc pas correcte.
5 Vous pouvez peut-être répondre à ceci, Monsieur le Témoin: pensez-vous que
6 la façon dont les entretiens ont été menés était neutre?
7 M. Ball (interprétation): Afin d'obtenir les données nécessaires à la
8 présente analyse, les entretiens se sont déroulés de façon neutre.
9 M. Milosevic (interprétation): Mis à part les témoignages, donc les
10 témoignages des réfugiés, y a-t-il une autre chose permettant d'affirmer
11 que seule une petite portion d'Albanais ont quitté le Kosovo à cause des
12 bombardements de l'OTAN et que cela s'est déroulé d'après des schémas
13 établis et que donc il y a eu coordination? Mis à part les témoignages, y
14 a-t-il autre chose qui vous permet d'étayer cela?
15 M. Ball (interprétation): Je pense que c'est une conclusion qui est tirée
16 de mon premier rapport. Mais je vous renvoie à ce rapport actuel, celui
17 que nous examinons ici dans ce prétoire.
18 Et nous pouvons dire que maintenant, nous avons éprouvé de façon
19 statistique le flux des réfugiés par deux méthodes statistiques et nous
20 avons, de façon tout à fait cohérente, constaté que la configuration des
21 frappes aériennes de l'OTAN n'explique pas ce que l'on constate en matière
22 de déplacement et de flux de réfugiés.
23 De surcroît, la corrélation étroite entre les déplacements de population
24 et les assassinats, aussi bien au niveau du temps que de l'espace, suggère
25 encore plus fortement que ce n'était le cas dans le premier rapport, qu'il
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1 y a une cause cohérente ou commune à ces deux phénomènes.
2 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais les frappes aériennes de l'OTAN
3 étaient coordonnées à l'activité de l'UCK sur le terrain. Ces frappes
4 aériennes et l'activité de l'UCK ont constitué une manière d'attaquer la
5 Yougoslavie.
6 M. le Président (interprétation): Non. C'est de nouveau un discours. Avez-
7 vous d'autres questions à poser, car maintenant vous n'avez pratiquement
8 plus de temps?
9 M. Milosevic (interprétation): La principale conclusion, à savoir que les
10 autorités yougoslaves ont planifié, ont mené une campagne qui a été
11 organisée afin de nettoyer ethniquement un certain nombre de régions du
12 Kosovo en expulsant les Albanais de souche, mis à part des affirmations
13 hypothétiques, la principale conclusion n'est pas prouvée par ailleurs.
14 Donc la question que je vous pose est la suivante: si ces autorités ont
15 mené ce genre de campagne qui a eu ce genre de but, dites-moi où se trouve
16 ce plan? Qui l'a fait?
17 M. Ball (interprétation): La conclusion que nous avons tirée, mes
18 collaborateurs et moi, c'est que cette conclusion cadre bien avec
19 l'hypothèse selon laquelle les forces yougoslaves ont mené une campagne
20 systématique de meurtres et d'expulsions.
21 Je vous ai déjà donné des détails sur la façon dont nous sommes parvenus à
22 ces conclusions qui sont conformes à l'hypothèse. C'est là toute la mesure
23 de mon expertise. Je peux vous parler des moyens statistiques en rapport
24 avec les hypothèses que nous avons étudiées, mais je ne peux pas vous en
25 dire plus.
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1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais vous savez, vous connaissez la
2 déclaration de l'un des ministres de la défense, en l'occurrence de Rudolf
3 Scharping, le ministre allemand de la Défense, disant qu'il y avait un
4 plan, l'opération "Fer à cheval", et cette déclaration a été démentie par
5 la suite par ses collaborateurs? Etes-vous au courant de cela?
6 M. le Président (interprétation): Avez-vous des informations à ce propos?
7 M. Ball (interprétation): J'en ai lu dans la presse.
8 M. le Président (interprétation): Il ne peut pas aborder ce sujet.
9 M. Milosevic (interprétation): Et bien, si ce plan n'a jamais existé,
10 dites-moi comment ce type de campagne pourrait être mené de manière
11 planifiée et organisée?
12 M. le Président (interprétation): Le témoin est ici pour donner des
13 éléments statistiques. Il n'est pas en mesure de répondre à cette
14 question.
15 M. Milosevic (interprétation): Bien.
16 Comment expliquez-vous alors que… Si tout ce que vous exposez est d'un
17 point de vue statistique, eh bien, je souhaite vous poser quelques
18 questions au sujet des données que vous avez utilisées.
19 Si l'on fait l'addition en suivant les tableaux 2.1, 4.1 et 3.1, il
20 semblerait que 471.000 personnes sont passées en Albanie. Alors la
21 question est de savoir ce qui peut expliquer la différence entre ce
22 chiffre-là et le chiffre de plus de 800.000 qui figure à l'Acte
23 d'accusation, parce qu'il n'est absolument pas vraisemblable que ces gens
24 aient traversé vers la Macédoine ou le Monténégro ou la Bosnie-
25 Herzégovine?
Page 2292
1 M. Ball (interprétation): Vous citez un chiffre qui inclut les
2 franchissements de frontières autres que celui que j'ai étudié.
3 Ce chiffre global de 850.000 réfugiés ne vient pas de mes travaux les plus
4 récents; je ne peux pas vous fournir de commentaire à ce propos. Mais il
5 faut se souvenir que les réfugiés ne sont pas allés qu'en Macédoine. Ils
6 sont allés au Monténégro, d'autres en Bosnie-Herzégovine. Donc, si vous
7 voulez trouver un chiffre plus important, il faut voir tous les pays qui
8 ont été les destinations des réfugiés.
9 Question: Bien. Donc cela n'a pas fait l'objet des questions que vous vous
10 êtes posées.
11 Mais ce que vous avez dit ici: comment expliquez-vous la différence au
12 niveau de ces tableaux, donc 2.1, 3.1 et 4.1, puisque là, on arrive au
13 chiffre de 471.000 et le chiffre qui figure là, au niveau de ce graphique,
14 puisque le graphique nous donne un autre chiffre, qui est de 248.000
15 personnes?
16 Réponse: Ces 248.000 personnes, ce chiffre, d'où vient-il?
17 Question: Le graphique, je parle du graphique que vous avez pour les
18 phases 1, 2 et 3. Vous avez là un rectangle.
19 Réponse: Est-ce que vous pourriez me donner le numéro du graphique, de
20 cette figure?
21 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas la numérotation que vous
22 appliquez, vous, pour les graphiques du 25 mars au 16 avril et par la
23 suite, pour les phases suivantes. Il s'agit d'un graphique qui montre pour
24 la première phase, la deuxième et la troisième phase des additions et on
25 arrive au chiffre de 248.000 personnes.
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1 M. Ball (interprétation): Pourriez-vous me dire dans quel rapport ceci se
2 trouve?
3 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous aider là-dessus.
4 M. Ball (interprétation): Je ne vois pas de quoi il parle.
5 Je veux bien l'examiner, mais je ne vois pas trop de quoi il parle.
6 M. le Président (interprétation): Ce Témoin ne peut pas nous aider sur ce
7 point, Monsieur Milosevic. Il vous reste une question à poser et puis nous
8 allons en terminer.
9 M. Milosevic (interprétation): Il me reste plusieurs questions à poser,
10 Monsieur le Juge May.
11 M. le Président (interprétation): Non, non, mais nous avons imposé une
12 limite de temps. Maintenant, vous avez encore le temps d'une question.
13 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, il s'agit de quelque chose
14 de très important.
15 Vous affirmez que les bombardements de l'OTAN n'ont pas provoqué cette
16 vague de réfugiés. Or vos propres données démentent cela puisqu'il y a une
17 correspondance entre les pourcentages des bombardements de l'OTAN et des
18 flux de réfugiés par période. Un exemple: vous dites que le nombre de
19 cibles visées est de 942; c'est la donnée que vous utilisez. Pendant la
20 première phase, le nombre de cibles visées est de 541, la première phase
21 allant du 24 mars au 6 avril. 541: sur le nombre total de cibles visées,
22 cela constitue 58,55%.
23 Or, pendant cette première phase allant du 24 mars jusqu'au 6 avril, vous
24 avez une donnée dans votre texte disant que 236.000 personnes ont quitté
25 leur maison. Autrement dit, pour la première phase, à en juger d'après le
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1 texte, 61,14 %.
2 D'après votre texte, il s'agit donc d'un niveau de corrélation extrêmement
3 élevé: 58,55% de cibles visées pour la même période où nous avons 61...
4 M. le Président (interprétation): Il faut que le Témoin puisse suivre.
5 Essayez de sérier les éléments que vous abordez dans votre question.
6 Qu'est-ce que vous affirmez?
7 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez me suivre?
8 M. Ball (interprétation): Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous
9 examinez? Quel est le rapport? Quelle page? Quelle figure?
10 M. Milosevic (interprétation): J'ai réalisé pour moi-même, vous comprenez,
11 je n'ai aucune aide ici, je n'ai aucune assistance. Donc je me suis fait
12 des extraits à partir de votre rapport. Je ne peux pas maintenant chercher
13 dans le texte, mais vous savez ce que vous avez écrit.
14 Vous avez dit que, pour la première phase allant du 24 mars au 6 avril,
15 236.000 sont sortis pour la deuxième période...
16 M. le Président (interprétation): Faites une pause, arrêtez-vous. Est-ce
17 que vous êtes d'accord avec le chiffre, Monsieur le Témoin?
18 Un instant, Monsieur Milosevic, laissez le Témoin répondre.
19 M. Ball (interprétation): C'est à peu près correct mais, enfin, je devrais
20 vérifier, mais c'est à peu près cela.
21 M. le Président (interprétation): Nous acceptons ce chiffre.
22 M. Milosevic (interprétation): Vous comprenez, moi, je suis en train de
23 lire vos données; il ne s'agit pas de mes données à moi. Donc dans le
24 texte, vous dites qu'il y a en tout 386.000 sur lesquels: pendant la
25 première période, 236.000, 83 pour la deuxième et 67.000 pour la
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1 troisième.
2 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.
3 236.000 dans la deuxième phase. Est-ce que cela vous semble correct,
4 Monsieur le Témoin?
5 (Le Témoin fait un signe négatif de la tête.)
6 83.000 pour la troisième étape: est-ce que c'est juste?
7 M. Milosevic (interprétation): S'il vous plaît! 236.000 pour la première
8 phase, est-ce exact? Pendant la deuxième phase 83 et 67.000 pour la
9 troisième phase: est-ce exact? Pour la première...
10 M. le Président (interprétation): Donnez le temps au Témoin de répondre.
11 M. Ball (interprétation): Oui.
12 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, maintenant, quel est le nombre de
13 cibles visées, les bombardements de l'OTAN donc? 924, c'est ce que vous
14 dites. 541 pour la première phase...
15 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.
16 On parle maintenant du fait que, dans la première phase, il y en avait
17 924.
18 M. Ball (interprétation): D'où tenez-vous ces données afin que je puisse
19 m'y référer? Moi, j'ai en tête des chiffres bien plus limités. Nous
20 parlions des frappes aériennes, pas du nombre de personnes tuées. Est-ce
21 que vous pourriez me donner une référence?
22 M. Milosevic (interprétation): Ce que vous faites figurer dans votre
23 texte, c'est 924 cibles visées par l'OTAN au Kosovo. Pour la première
24 phase, vous parlez de 541 cibles...
25 M. le Président (interprétation): Où allons-nous trouver ces données dans
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1 le texte?
2 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, c'est dans son texte!
3 Je ne peux pas maintenant aller chercher dans tout le texte! Vous pouvez
4 vérifier cela, ce sont des données qui figurent dans le texte.
5 M. le Président (interprétation): Le Témoin n'est pas d'accord avec vous,
6 mais essayez de poser votre question. Où voulez-vous en venir?
7 M. Milosevic (interprétation): L'essentiel, l'essentiel -s'il vous plaît,
8 écoutez-moi-, et si vous ne me faites pas confiance sur les données, vous
9 êtes libre de vérifier cela; d'ailleurs, il peut le faire lui-même, les
10 chiffres donc, pour le nombre de réfugiés, nous les avons vérifiés. A
11 présent, penchons-nous sur les cibles: 924 cibles...
12 M. le Président (interprétation): "Nombre de cibles", oui, mais où voulez-
13 vous en venir?
14 M. Milosevic (interprétation): Ce que je dis, c'est la chose suivante:
15 nous avons des réfugiés pour la première phase. Et si l'on considère ces
16 chiffres, on voit que 61,14% de réfugiés ont traversé la frontière pendant
17 la première phase, puisque 236.000 sur les 800...
18 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela vous semble correct,
19 Monsieur le Témoin?
20 M. Ball (interprétation): Oui.
21 M. Milosevic (interprétation): Dans le même temps, le nombre de cibles
22 visées pour la première phase représente 58,55%, 58,55% et 61...
23 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que cela veut dire?
24 M. Milosevic (interprétation): Cela veut dire que le pourcentage des
25 sorties de réfugiés, pendant la première phase, correspond pratiquement
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1 entièrement au pourcentage des cibles visées pendant la première phase.
2 C'est cela que cela montre.
3 M. le Président (interprétation): Nous vous avons compris maintenant.
4 Qu'en dites-vous, Monsieur le Témoin?
5 M. Ball (interprétation): Je ne sais pas d'où vient ce chiffre concernant
6 les cibles.
7 M. Kwon (interprétation): Et qu'en est-il à propos des pourcentages? 58,
8 autant de pourcentages qui auraient été touchés pendant la première phase?
9 M. Ball (interprétation): Mais première phase de quoi? Du nombre de
10 frappes aériennes durant cette première phase? Cela, c'est faux, c'est
11 certain. Si nous voulons dire que 58% des municipalités du Kosovo ont été
12 bombardées pendant la première phase: est-ce que c'est là le sens de la
13 question? Cela, c'est possible. Il faudrait étudier la situation
14 municipalité par municipalité.
15 Il me semble que la question porte sur la cause. On ne doit pas se
16 demander si cela s'est passé au cours d'une phase, mais si la corrélation
17 spatio-temporelle est suffisamment étroite entre l'intensité des
18 bombardements et la fuite des réfugiés pour soutenir l'hypothèse selon
19 laquelle ceci aurait été provoqué par les bombardements. Nous avons mené
20 cette analyse, nous l'avons rejetée.
21 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous pousser votre analyse plus
22 loin?
23 M. Ball (interprétation): Je ne pense pas.
24 (Les Juges se concertent sur le siège.)
25 M. le Président (interprétation): Nous allons faire la pause.
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1 Nous entendrons les amici après la pause.
2 M. Milosevic (interprétation): Vous ne me laissez plus poser de questions?
3 M. le Président (interprétation): C'est bien cela, non.
4 M. Milosevic (interprétation): Pardon?
5 M. le Président (interprétation): L'audience est levée. Nous allons
6 reprendre à 3 heures moins 20.
7 (L'audience, suspendue à 13 heures 14, est reprise à 14 heures 42.)
8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Kay, c'est à vous.
9 Oui, Monsieur Milosevic?
10 M. Milosevic (interprétation): J'ai compris que vous ne m'autorisez pas à
11 poursuivre mon interrogatoire, donc tout simplement je souhaite fournir
12 quelques explications qui ont été demandées par le Témoin et je n'avais
13 pas sous la main les données qu'il demandait.
14 Par conséquent, la donnée qui concerne les 924 cibles bombardées, eh bien,
15 c'est une donnée qui figure à l'annexe B du premier rapport. Il y est dit:
16 "924 bombardements. Pendant la phase, 541 bombardements, 241 et 142 pour
17 les deux autres phases respectivement". Les pourcentages qui ont été
18 calculés ont montré que le pourcentage des départs des réfugiés ainsi que
19 le pourcentage des cibles visées correspondent pratiquement dans leur
20 totalité.
21 Un deuxième point, le graphique au sujet duquel le Témoin m'a posé des
22 questions: il s'agit du graphique 1 au point 1 également, figurant au
23 premier rapport. Il s'agit de 248.000 additionné 164, 35 et 49 pour les
24 deux autres phases respectivement. Pour ce qui est des "maps" 2.1, 3.1 et
25 4.1 -471.000 en tout- 321, 67 pour la troisième et pour la deuxième
Page 2299
1 331.000. Donc ce sont les chiffres qui figurent. Par ailleurs, le Témoin a
2 dit qu'il n'avait pas le chiffre de 850.000 de réfugiés.
3 M. le Président (interprétation): Vous avez eu la possibilité d'expliquer
4 votre point de vue, cela suffit.
5 Maintenant, nous allons entendre le contre-interrogatoire mené par les
6 amis de la Chambre.
7 (Questions au Témoin, M. Patrick Ball, de l'amicus curiae, M. Kay.)
8 M. Kay (interprétation): Etes-vous déjà comparu devant un tribunal en tant
9 que témoin expert?
10 M. Ball (interprétation): Non.
11 Question: Les données dont vous vous êtes servi afin de préparer votre
12 rapport et de mener à bien votre recherche, est-ce que ce sont des données
13 qui peuvent être examinées par des observateurs indépendants qui sont
14 disponibles?
15 Réponse: Les données relatives aux mouvements de population figuraient
16 sur, figurent sur l'Internet, et ceci depuis un an. Les données relatives
17 aux meurtres ont été communiquées à la défense avec le rapport. Quant aux
18 informations relatives aux activités de l'UCK et de l'OTAN, je l'ai
19 expliqué, ces informations venaient de sources publiques dont nous avons
20 indiqué la nature. Donc nous estimons que la défense a accès à ces
21 données.
22 M. Kay (interprétation): Est-ce qu'il y a un aspect quelconque de ces
23 données qui n'est pas disponible? Est-ce qu'il y a une partie quelconque
24 de votre recherche qui n'est pas disponible, qui n'a pas été rendue
25 publique?
Page 2300
1 M. Ball (interprétation): Les 45% de sources utilisées pour analyser les
2 données relatives à l'UCK relèvent du Bureau du Procureur, donc il
3 faudrait s'adresser à eux.
4 M. Nice (interprétation): Justement, j'allais en parler. Sous réserve
5 d'éventuelles expurgations pour des raisons appropriées, nous pourrons
6 communiquer ces documents à la Chambre ainsi qu'à tout autre partie
7 intéressée.
8 M. Kay (interprétation): Oui, je vous en remercie.
9 S'agissant de vos recherches et de vos études, dans quel journal
10 international pourrait-on imaginer de voir publiées ce type d'informations
11 et d'études afin qu'il soit passé en revue par vos pères?
12 M. Ball (interprétation): Sans doute dans "Demography", l'un des journaux
13 publiés par l'Association démographique américaine.
14 Question: Est-ce que votre rapport a été envoyé à cette publication afin
15 qu'il y soit publié?
16 Réponse: Pas pour l'instant, non.
17 Question: Est-ce que vous avez l'intention de le faire?
18 Réponse: Je suis désolé, mais il y a un effet Larsen.
19 Question: Oui, apparemment, nous avons un petit problème technique pour
20 l'instant.
21 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)
22 Oui, apparemment... Allez-y.
23 M. Kay (interprétation): Je ne crois pas que c'était moi que l'on ait
24 entendu.
25 M. le Président (interprétation): Allez-y.
Page 2301
1 M. Kay (interprétation): Je vais réessayer. Non, nous entendons une des
2 cabines dans le prétoire.
3 M. le Président (interprétation): Réessayons.
4 M. Kay (interprétation): Je vais répéter ma dernière question.
5 M. le Président (interprétation): Il va falloir lever l'audience pendant
6 dix minutes.
7 (L'audience, suspendue à 14 heures 55, est reprise à 15 heures.)
8 M. le Président (interprétation): Maître Kay, apparemment, le problème
9 technique a été résolu.
10 M. Kay (interprétation): Oui.
11 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre.
12 M. Kay (interprétation): Je vais donc passer à un autre sujet vu le manque
13 de temps.
14 M. le Président (interprétation): Nous allons siéger jusqu'à 17 heures, vu
15 les problèmes techniques rencontrés.
16 M. Kay (interprétation): Monsieur le Témoin, je souhaiterais parler des
17 données que vous avez utilisées. La fiabilité de ces données dépend de la
18 manière dont elles ont été recueillies?
19 M. Ball (interprétation): Pour toute donnée, il convient de définir son
20 exactitude. Je ne sais pas si c'est cela que vous voulez?
21 Question: Oui. Et quand on recueille des données, il faut également que
22 cela soit exact?
23 Réponse: Je ne vous suis pas bien.
24 Question: Prenons un exemple simple en l'espèce: les gardes-frontière à
25 Morina, il faut que ce qu'on leur dise soit fiable?
Page 2302
1 Réponse: Oui, effectivement. Il faut que les gens qui se présentent aux
2 postes-frontières leur donnent avec précision l'endroit d'où ils viennent.
3 Question: Et la date où ils ont quitté le pays doit être également exacte?
4 Réponse: Oui, elle doit être exacte et elle doit être consignée avec
5 exactitude par les gardes-frontière sur le formulaire en question.
6 Question: Dans toute étude entreprise par un scientifique tel que vous, on
7 ne peut se servir que des informations ainsi collectées?
8 Réponse: Ce n'est pas tout à fait exact.
9 Question: Pourquoi?
10 Réponse: Eh bien, nous avons ce qui s'appelle une "étude de sensibilité".
11 Qu'est-ce que j'entends par là? C'est quelque chose que nous avons fait
12 aussi bien pour étudier les migrations que pour l'étude actuelle. Il
13 s'agit de voir à quel point les données sont sensibles et précises.
14 Question: Il faut également que la personne qui recueille les données dont
15 vous vous servez le fassent avec précision, n'est-ce pas?
16 Réponse: Non, ce n'est pas tout à fait exact. En fait, il faut que j'en
17 revienne à ma réponse précédente.
18 Il est indéniable que certaines données sont erronées. La question, à ce
19 moment-là, c'est de savoir si cette erreur a un effet sur les conclusions.
20 C'est pourquoi on fait une étude afin de le déterminer. Si les conclusions
21 ne sont pas modifiées, suite à des hypothèses très différentes faites au
22 sujet des conclusions, à ce moment-là, on peut dire que les conclusions
23 rendues tiennent debout, quelle que soit l'imprécision des données.
24 Donc, en fait, moi, c'est le caractère obligatoire de votre question qui
25 me gêne, car ce n'est pas tout à fait exact.
Page 2303
1 Question: S'agissant des donnés brutes, à savoir les formulaires remplis
2 par les gardes-frontières albanais, est-ce que ces documents sont
3 disponibles?
4 Réponse: Non, il n'est pas actuellement possible de les consulter. Au
5 moment où j'ai obtenu ces documents, j'ai passé un accord avec le
6 gouvernement albanais selon lequel je devrais accorder à ces données le
7 bénéfice de la confidentialité. Mais on pourrait éventuellement se
8 renseigner auprès du gouvernement albanais.
9 Question: On vous a dit que ces données avaient été fabriquées de toutes
10 pièces?
11 Réponse: Effectivement.
12 Question: Et si l'on veut poursuivre cette allégation, il faudrait, pour
13 s'en faire une idée, examiner les documents que vous avez utilisés?
14 Réponse: Oui, ce serait une façon effectivement d'étudier cette
15 allégation, mais je vous renverrai à l'annexe A de l'étude sur la
16 politique ou la panique, où nous avons utilisé des documents ou des
17 données recueillis à la frontière. Et nous avons obtenu à peu près les
18 mêmes résultats, nous avons retrouvé toujours les mêmes modèles, les mêmes
19 systèmes. Je pense donc que, à des fins statistiques, nous avons déjà
20 envisagé la possibilité qu'il y ait, que les données recueillies aux
21 frontières présentent un certain nombre de problèmes, et nous avons rejeté
22 cette hypothèse.
23 Question: Je vais maintenant passer à une partie de votre analyse qui a
24 trait à la date des flux migratoires. Si j'ai bien compris, les données
25 sur lesquelles vous avez travaillé ont été recueillies, ont été réalisées
Page 2304
1 sur la base du temps estimé pour que les personnes qui quittaient leur
2 foyer arrivent au poste-frontière de Morina?
3 Réponse: Excusez-moi, je n'ai pas bien compris votre question.
4 Question: Donc en fait vous avez fait une hypothèse?
5 Réponse: Non, pas du tout. Je vais vous expliquer ce qu'il en est. Nous
6 avons examiné les études qui avaient été réalisées -j'en ai parlé
7 précédemment- et, à partir de ces études, nous avons déterminé le temps de
8 transit de chaque personne figurant dans cette enquête, temps de transit
9 entre le village d'origine et le poste-frontière. Nous avons donc obtenu
10 une série de temps de transit qui correspondent au départ d'un village
11 donné à un moment donné. Est-ce que vous me suivez?
12 Question: Permettez-moi d'intervenir. Est-ce que c'est une estimation du
13 temps pris par chaque personne entre le moment où elle quitte son village
14 et où elle arrive au poste-frontière?
15 Réponse: Oui, c'est un peu plus exact. En fait, pour chaque personne
16 traversant la frontière, nous avons fait une estimation quant au moment où
17 elle a quitté son domicile.
18 Question: Et c'est cette période de déplacement, en fait, qui sous-tend
19 toute votre étude?
20 Réponse: Oui, en fait, c'est ce que je pensais. Je pensais que ce serait
21 le cas, c'est pourquoi j'ai fait une étude pour déterminer la sensibilité
22 de ces données. Nous avons procédé à des simulacres sur toutes sortes de
23 déplacements de temps de transit entre le moment où les gens partaient de
24 chez eux et où ils arrivaient à la frontière. Parce que les gens qui
25 arrivaient à la frontière, certains d'entre eux étaient partis le même
Page 2305
1 jour, d'autres plusieurs jours auparavant. Cela vous donne une courbe
2 d'une forme particulière. J'ai procédé à des simulations qui figurent sur
3 Internet depuis un an.
4 J'ai procédé à des simulations donc sur diverses ventilations. Je me suis
5 demandé ce qui se serait passé si le temps de transit était complètement
6 différent, et j'ai fait la chose de six manières différentes. Tous les
7 résultats obtenus sont pratiquement identiques à l'original. Il apparaît
8 que la période de transit apporte très peu de changements aux conclusions
9 qui figurent dans ce premier rapport, et ensuite dans le rapport que moi-
10 même et mes collaborateurs avons présenté à la Chambre.
11 Question: Autre question relative aux données que je souhaiterais vous
12 poser: il s'agit de la date des assassinats et de l'identité des personnes
13 tuées. Vous conviendrez avec moi que cela représente une partie
14 essentielle de vos recherches?
15 Réponse: Les dates des meurtres, en effet, sont importantes. Oui, les noms
16 également sont importants, mais dans une moindre mesure, pour des raisons
17 techniques.
18 Question: Commençons par la date des meurtres, s'il vous plaît.
19 Réponse: Oui.
20 Question: Si j'ai bien compris, dans certains cas, certaines personnes
21 vous ont donné une date et c'est la date que vous avez retenue pour
22 déterminer quand telle ou telle personne avait été tuée, pour une personne
23 identifiée?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Mais il est arrivé, sinon, qu'on vous signale qu'un corps avait
Page 2306
1 été retrouvé dans un fossé ou à côté d'une maison; et cela, c'est une mort
2 qui est reprise dans vos données statistiques?
3 Réponse: Je vais essayer de préciser la chose. Les personnes qui sont
4 identifiées sans nom, nous les avons qualifiées de "victimes anonymes".
5 Les victimes anonymes ont joué un rôle dans cette analyse, uniquement pour
6 un seul objectif -c'est très important d'en avoir conscience: il
7 s'agissait d'utiliser ces victimes anonymes pour supprimer toutes les
8 victimes anonymes qui auraient pu éventuellement être identifiées par nom.
9 Même si on faisait cela, on en arrive toujours à un chiffre minimal de
10 2.000 victimes anonymes, si bien qu'il y en a forcément plus.
11 Nous ne pensons pas que les victimes anonymes permettent de réaliser une
12 estimation statistique puisqu'il n'y a pas suffisamment d'informations qui
13 permettent de faire des analyses. De ce fait, nous n'avons utilisé que les
14 victimes dont nous connaissons les noms.
15 Cependant, nous avons observé que, même si on enlève les victimes
16 identifiées, eh bien il reste quoi qu'il en soit des victimes anonymes
17 -qui avaient des noms bien évidemment- mais dont on n'a pas pu savoir
18 quels étaient ces noms.
19 Question: S'agissant des personnes tuées, est-ce qu'il a été en mesure
20 d'identifier ou de déterminer quelles victimes étaient serbes, quelles
21 victimes étaient des Albanais du Kosovo, etc.? Est-ce que vous avez été en
22 mesure de faire une ventilation ou une distinction dans les chiffres que
23 l'on vous a remis?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Pouvez-vous expliciter un peu votre réponse?
Page 2307
1 Réponse: Nous nous sommes efforcés d'identifier les noms qui pouvaient
2 appartenir à des Serbes parce que notre étude avait trait essentiellement
3 aux Albanais du Kosovo, et il était important de pas prendre en compte les
4 victimes serbes qui seraient prises en compte dans une étude différente.
5 Mais pour cette étude-là, nous souhaitions exclure ces personnes de notre
6 liste. Nous avons étudié des listes de noms de famille, nous avons vérifié
7 chacun des noms figurant sur ces listes et nous les avons comparés avec
8 une liste de noms serbes; et dès que nous trouvions un nom serbe, nous
9 l'éliminions de la liste pour ne pas l'utiliser.
10 Question: Donc le processus d'identification que vous avez mis en oeuvre
11 devait être précis pour que vous reteniez les personnes qui convenaient à
12 l'objectif de votre étude?
13 Réponse: Vous voulez parler de l'identification de l'appartenance ethnique
14 des personnes suivant leur nom?
15 Question: Et les personnes qui procédaient à cette identification devaient
16 surtout ne pas se tromper?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et tout problème rencontré dans ce processus d'identification
19 pouvait avoir un impact négatif sur votre étude?
20 Réponse: Le terme "pourrait" est un petit peu problématique ici.
21 Je pense qu'il est possible qu'une erreur d'identification ait pu
22 augmenter la marge d'erreur signalée dans notre rapport; cependant, je ne
23 pense pas que ce soit le cas, parce que, pour qu'une erreur de ce type ait
24 un impact sur les résultats au-delà de la marge d'erreur que nous avions
25 déjà identifiée, il faudrait que ces erreurs d'identification soient
Page 2308
1 considérables en nombre, mais il faudrait également qu'elles soient
2 réparties de manière systématique et régulière dans les quatre parties de
3 notre analyse.
4 Donc en prenant en compte ces deux éléments, je pense que votre hypothèse
5 est peu probable. Je considère que c'est effectivement possible, mais très
6 peu probable.
7 Question: Nous avons parlé ou entendu parler de corps carbonisés: comment
8 les avez-vous pris en compte?
9 Réponse: Eh bien, s'il s'agissait de personnes qui n'étaient pas
10 reconnaissables, mais qu'elles ont été ensuite identifiées suite à une
11 exhumation, on les retrouve dans le décompte des corps exhumés mais non
12 identifiés.
13 Vous constaterez, à l'Annexe 1 du rapport, que nous avons exclu
14 pratiquement la moitié des victimes prises en compte dans les rapports
15 d'exhumations parce qu'elles n'avaient pas été identifiées. Cependant,
16 s'il y a eu des témoins qui ont assisté à la mort, à l'assassinat de
17 quelqu'un, et si cet assassinat a été ensuite signalé à l'OSCE, à l'Human
18 Rights Watch ou à une autre organisation, à ce moment-là, cet assassinat
19 figure sur la liste.
20 Réfléchissons-y quelques instants, parce que c'est très intéressant. Cela,
21 c'est exactement ce que recherche un statisticien, soit un ensemble de
22 données, dont certaines vont être exclues.
23 Question: Oui?
24 Réponse: Donc, si vous avez un meurtre et qu'il n'y a pas de témoin, à
25 l'exception de l'auteur de ce meurtre, la personne concernée peut figurer
Page 2309
1 dans les rapports d'exhumations, cette personne, cette victime ne figurera
2 pas dans une liste compilée à partir des déclarations des témoins, parce
3 que personne n'aura rien vu.
4 L'exemple qui a été présenté dans la question, c'est l'exemple opposé, à
5 savoir une victime qui n'a pas été identifiée lors d'une exhumation, mais
6 qui a peut-être été identifiée par des témoins.
7 Pour un statisticien, il y a le concept des biais ou des exclusions de
8 données. C'est ce que nous faisons avec des estimations sur plusieurs
9 systèmes.
10 Question: Je souhaiterais maintenant passer à la page 11 de votre rapport.
11 A la figure 8, intitulée "Moments où ont eu lieu les attaques de l'UCK et
12 Comparaison avec les flux de réfugiés et les occurrences d'assassinat".
13 Est-ce que vous avez trouvé cette page?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Nous examinons ces tableaux et nous voyons qu'à la première
16 ligne, d'après votre étude, il y a eu des meurtres avant ou pendant les
17 pics, dans 38% des cas, sur la base des données étudiées?
18 Réponse: Non, pas tout à fait. Cela représentait 38% des municipalités,
19 des 29 municipalités, où il y a une ou plusieurs attaques de l'UCK, ou
20 affrontements, avec les forces serbes dans les quatre jours précédant le
21 pic dans la courbe des réfugiés; ou plutôt des assassinats.
22 Question: Oui, moi, je parlais des assassinats. Donc cela s'est passé dans
23 plus d'un tiers des cas, n'est-ce pas?
24 Réponse: Dans plus d'un tiers des municipalités.
25 Question: Et s'agissant des flux de réfugiés, ici encore, nous avons un
Page 2310
1 chiffre qui correspond à plus d'un tiers? Plus d'un tiers des
2 municipalités?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Maintenant, nous allons passer à la page 12 du rapport et au
5 tableau n°9: "Comparaison dans le temps des frappes de l'OTAN avec les
6 flux de réfugiés et les meurtres." Nous avons 10% à la première ligne?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Et dans 31% des cas, nous avons eu des frappes de l'OTAN avant
9 ou pendant le pic de la courbe?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous faites une distinction sur la base des municipalités:
12 pourquoi?
13 Réponse: Pourquoi est-ce que je me sers des municipalités comme unités
14 d'analyse?
15 Question: Oui.
16 Réponse: Parce qu'ici, on cherchait une méthode permettant de présenter
17 une analyse de ces rapports statistiques, de ces relations statistiques de
18 façon directe, sans se servir de techniques statistiques plus complexes.
19 De cette façon, aussi, nous étions à la recherche de quelque chose qui
20 pourrait se comparer à l'analyse par municipalité, qui avait été consignée
21 dans le rapport intitulé "Politique ou panique?". Donc cela semblait être
22 une façon de pouvoir procéder.
23 Question: Vous avez désiré présenter ces éléments en vous servant d'un
24 graphique. Si l'on prend la page 9, par exemple, mais aussi d'autres pages
25 de votre rapport, vous vous servez du système de graphique comme moyen de
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1 présentation?
2 Réponse: Ce système de graphique?
3 Question: Oui.
4 Réponse: Oui, c'est une technique statistique standard.
5 Question: Mais il y a d'autres techniques statistiques standards, n'est-ce
6 pas? On pourrait avoir des diagrammes par colonne, par case, par diagramme
7 circulaire?
8 Réponse: Oui, c'est possible. Cependant, en règle générale, lorsqu'on veut
9 faire une présentation dans le temps, on prend comme ordonnée de temps une
10 ligne. D'autres représentations sont possibles, mais ne se prêtent pas à
11 ceci.
12 Question: Si maintenant, on parle de quantités, de volumes, on pourrait
13 utiliser un système de cases ou de colonnes, n'est-ce pas?
14 Réponse: Pour des quantités, oui.
15 Question: Oui.
16 Réponse: Ceci se prête surtout à une description par catégorie.
17 Question: Et si les éléments que nous avons ici étaient présentés de cette
18 façon-là, nous verrions que dans certaines municipalités les meurtres
19 commis par l'UCK étaient la cause plus dominante expliquant le flux de
20 réfugiés?
21 Réponse: L'interprétation ne porte jamais sur les causes. Elle dit plutôt
22 qu'il y a des niveaux plus élevés de meurtres ou d'actions de l'UCK dans
23 certaines zones qu'il y a eu des batailles ou des pertes subies par les
24 forces serbes; à ce moment-là, vous auriez effectivement des incidences
25 plus ou moins grandes suivant les municipalités, et dans certaines
Page 2312
1 municipalités il y a coïncidence de ces niveaux avec d'autres phénomènes.
2 Question: Ici, je prends uniquement les éléments que vous fournissez, je
3 ne dis pas si c'est mauvais ou pas. Mais si l'on examine ces éléments, il
4 semblerait qu'il y ait eu des meurtres provoqués par des activités de
5 l'UCK qui ont entraîné des flux de réfugiés?
6 Réponse: Je pense qu'ici il règne une confusion sur la notion de meurtre.
7 Est-ce que vous parlez du tableau n°9?
8 Question: Oui.
9 Réponse: Ici, ce tableau ne porte pas sur les meurtres commis par l'UCK.
10 Ici, ce ne sont pas des estimations, ce sont des décomptes exacts dont
11 nous avons parlé dans mon interrogatoire principal. Mais ces meurtres sont
12 uniquement ceux qui sont repris dans le chiffre de 4.400. Donc cela, c'est
13 différent des mesures de meurtres par l'UCK dont nous avons discuté dans
14 le cadre du test, notamment au tableau n°8 ou aussi aux tableaux 10 et 11.
15 Question: S'agissant de votre conclusion, vous écrivez qu'à votre avis les
16 activités des forces serbes représentaient la cause primaire ou
17 principale. Vous voulez que je vous renvoie au texte? Vous semblez étonné?
18 J'ai dû écourter mon contre-interrogatoire, je ne retrouve pas la
19 référence.
20 Réponse: Je peux peut-être vous aider. Voici quelle est notre conclusion:
21 nous disons que les éléments que nous avons trouvés correspondent à
22 l'hypothèse selon laquelle les activités yougoslaves constituaient la
23 cause de ces meurtres et de ces flux de réfugiés d'Albanais du Kosovo.
24 Mais nous ne disons pas que c'est une preuve, nous disons simplement qu'il
25 y a correspondance entre ces constatations et ces hypothèses. Nous
Page 2313
1 n'apportons pas la preuve par les méthodes statistiques. Elles ne peuvent
2 pas le faire, même si elles peuvent nous aider à rejeter certaines
3 affirmations. Ici, j'essaie d'être aussi scientifique que possible dans
4 les termes que j'utilise.
5 Question: Encore une chose, lorsqu'on parle du poste-frontière de Morina,
6 où qu'il se trouve. Vous, vous avez emmené ces documents, nous savons
7 qu'il y a encore, à part celui-là, six ou sept passages à la frontière que
8 les réfugiés ont peut-être utilisés. Pourquoi dites-vous qu'en utilisant
9 uniquement les données d'un seul poste-frontière, on peut faire une
10 analyse statistique pour l'ensemble de la région?
11 Réponse: Je crois en avoir parlé dans l'interrogatoire principal, mais je
12 vais répéter ce que j'ai dit. Il y avait deux raisons à cela. D'après mes
13 estimations consignées dans le premier rapport intitulé "Politique ou
14 panique", je pense que plus de la moitié des Albanais du Kosovo qui ont
15 quitté le Kosovo sont passés par ce point-ci, par ce poste-ci: donc il est
16 manifestement plus important que tout autre poste-frontière.
17 Deuxième chose, j'ai examiné les informations recueillies dans les
18 enquêtes menées dans d'autres endroits pour voir quelle serait la
19 structure générale qui se dégagerait de ces autres endroits, et j'ai
20 trouvé des tendances qui semblent indiquer que les entrées de réfugiés
21 dans d'autres pays sont similaires aux tendances que j'ai vues dans le
22 franchissement de ce poste de frontière de Morina par les réfugiés.
23 D'abord, donc j'avais plus de la moitié des données concernées, et les
24 autres informations disponibles semblent suggérer que les tendances sont
25 les mêmes. Ceci m'amène à conclure que l'analyse que nous avons faite, et
Page 2314
1 qui utilise ces données-ci, représente la tendance la plus probable de
2 déplacement de réfugiés.
3 C'est tout ce que nous avons pu faire dans la première étude. Mais, comme
4 je vous l'ai dit depuis deux jours, par la suite nous avons fait une autre
5 étude; et celle sur les tendances en matière de meurtres, là aussi il y a
6 une corrélation étroite avec les flux de réfugiés. Donc c'est là une
7 validation extérieure de l'hypothèse que nous avons vérifiée ou des
8 premières conclusions.
9 M. Kay (interprétation): Mais tout est fonction d'une hypothèse: d'abord,
10 c'est que le poste-frontière que vous avez choisi -là, il y aura peut-être
11 contestation quant à savoir si c'est le bon endroit à choisir comme
12 point-; mais vous avez une autre hypothèse, c'est que plus de la moitié ou
13 près de la moitié des personnes sont passées par-là, n'est-ce pas?
14 M. Ball (interprétation): Ce n'est pas une assertion, c'est plutôt une
15 estimation. En effet, nous savons quelque chose à propos du nombre de
16 personnes qui ont franchi la frontière à d'autres endroits. Là, nous avons
17 des informations. Aussi grâce aux comptes tenus par les postes-frontières
18 albanais aux deux autres points de franchissement de la frontière plus
19 importants, même s'il peut y avoir une marge d'erreur, nous savons ce
20 qu'il en est des réfugiés qui sont passés en Macédoine, et ceux qui sont
21 passés en Bosnie; avec un peu moins de certitude sur ceux qui sont passés
22 au Monténégro. Je pense donc que l'on peut circonscrire et en fait
23 transformer cette affirmation en estimation raisonnable.
24 M. Robinson (interprétation): Permettez-moi, Maître Kay, de poser une
25 question précise au Témoin.
Page 2315
1 Une des raisons que vous avancez pour expliquer pourquoi vous avez utilisé
2 le poste-frontière de Morina, c'est -avez-vous dit- les informations que
3 vous avez à propos d'autres points de passage sont pratiquement les mêmes.
4 Est-ce que vous avez dit cela dans votre rapport?
5 M. Ball (interprétation): C'est statistiquement similaire, dirais-je. Ce
6 n'est pas la même chose, mais ceci ne modifierait pas nos conclusions. Je
7 ne l'ai pas consigné dans ce rapport actuel parce que je ne me suis pas
8 dit que ceci serait à ce point important ou remis en question. Cependant,
9 dans le rapport intitulé "Politique ou panique", on en discute avec un
10 certain niveau de détail.
11 M. Robinson (interprétation): J'aurais cru que c'était un point assez
12 important.
13 M. Ball (interprétation): Je m'excuse, je ne l'avais pas conçu de la
14 sorte.
15 M. Kay (interprétation): En tout cas, si c'est une question que l'on
16 étudie, on peut étudier aussi les données sur lesquelles vous vous êtes
17 fondé?
18 M. Ball (interprétation): Comme je vous l'ai déjà dit, les données
19 concernant les flux migratoires existent sur Internet depuis plus d'une
20 année. Les données que j'ai présentées dans les deux rapports sont
21 disponibles depuis un certain temps.
22 Quant aux autres sources que j'ai utilisées, ce ne sont pas les enquêtes,
23 mais les autres décomptes généraux qui sont cités dans les rapports de
24 l'OSCE ou aussi du HCR, qui a fait ses propres estimations.
25 Les données d'enquête ne sont pas qu'à moi. Je ne peux donc pas vous les
Page 2316
1 communiquer toutes. Moi, je ne peux vous donner que celles qui me sont
2 propres. Je n'ai pas eu le temps de le faire: c'est assez compliqué, mais
3 je peux les mettre à votre disposition. Je me suis servi des données de
4 Human Rights Watch et de Médecins pour les droits de l'homme (PHR). Je
5 pourrais, sous le sceau de la confidentialité, vous les soumettre.
6 M. Kay (interprétation): Merci. Je n'ai plus de question à poser.
7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, soyez assez bref,
8 s'il vous plaît.
9 (Interrogatoire principal supplémentaire du Témoin, M. Patrick Ball, par
10 M. Nice.)
11 M. Nice (interprétation): Je crois que je dois aborder quelques questions
12 importantes. Vous pourrez répondre, dans la plupart des cas, par oui ou
13 par non. Faites-le dans la mesure du possible.
14 D'abord, reprenons la question posée par les amici. En premier lieu,
15 parlons du rapport soumis à la Chambre.
16 Est-ce que, jusqu'à présent, il était confidentiel parce qu'il fallait
17 d'abord le soumettre aux Juges?
18 M. Ball (interprétation): Il n'y a pas eu de communication publique; je
19 l'ai partagé bien sûr avec mes paires.
20 Question: Il est disponible maintenant?
21 Réponse: Oui, je pensais qu'il se trouvait à l'entrée du Tribunal . Donc,
22 maintenant, il devrait être public.
23 Question: Répondez simplement par oui ou par non. Les archives albanaises
24 qui font l'objet d'un accord, est-ce que vous avez peut-être un disque, un
25 Cd-rom ou des photocopies? Vous pourriez les remettre?
Page 2317
1 Réponse: J'ai des images scannées. Je pourrais examiner ceci.
2 M. Nice (interprétation): Est-ce que nous pouvons demander maintenant le
3 versement de ce rapport dont on a beaucoup parlé?
4 M. le Président (interprétation): Oui.
5 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation
6 n°69.
7 M. Nice (interprétation): Maître Kay vous a posé une question précise:
8 celle des dates de départ des personnes et de leur degré d'exactitude.
9 Vous avez estimé le temps de transit nécessaire depuis un village jusqu'à
10 la frontière, mais, en plus de cela, est-ce que, dans les questionnaires,
11 il y avait une question qui demandait: "A quel moment êtes-vous parti"?
12 M. Ball (interprétation): Bien sûr.
13 Question: Vous vous êtes donc basé sur cette information-là aussi?
14 Réponse: Mais c'était la base de l'estimation.
15 Question: Est-ce que l'on vous a avancé une raison quelconque pour
16 laquelle les gens auraient intentionnellement menti quant à la date à
17 laquelle ils sont partis de chez eux?
18 Réponse: Non.
19 M. Nice (interprétation): Dernière question en ce qui concerne
20 l'intervention des amici; puis, je reviendrai au reste.
21 Prenons le tableau n°8. Je le rappelle à l'intention des Juges, celui-ci
22 part des données brutes, enfin pas des données brutes mais des donnés
23 élémentaires, davantage que les chiffres agrégés.
24 Page 11, tableau n°8. On a 36%, 41% et des chiffres un peu différents pour
25 les décès.
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1 M. Kwon (interprétation): Pourrait-on replacer ce tableau sur le
2 rétroprojecteur?
3 M. Nice (interprétation): Comme le Témoin, là.
4 Je vais demander l'aide de la régie pour le rétroprojecteur.
5 Nous avons des pourcentages: 38%, 41%, un peu plus d'un tiers.
6 (Intervention de l'huissier.)
7 Est-ce que cet examen très élémentaire suffit pour ce tableau ou est-ce
8 que l'on pourrait prendre une autre démarche?
9 M. Ball (interprétation): En pourcentage, cela semble correct.
10 M. Nice (interprétation): Avant-dernière colonne de gauche: 63% qui ne
11 précèdent pas ou ne coïncident pas; puis, 38%. Quelle est la signification
12 à donner à cela?
13 M. Ball (interprétation): Eh bien, cela tend à rejeter la responsabilité
14 qu'aurait l'UCK pour le flux des réfugiés et pour les meurtres.
15 M. Kwon (interprétation): Excusez-moi, est-ce qu'on pourrait reprendre le
16 tableau n°9, à la page 11? Parce qu'on aborde le problème.
17 Monsieur Kay a effleuré la question, mais j'ai la question que j'ai posée,
18 elle, n'a toujours pas trouvé de réponse. J'aimerais la reposer.
19 Est-ce que vous voyez ce tableau n°9, Monsieur le Témoin?
20 Vous ai-je bien compris: avez-vous conclu que, puisqu'il y avait eu frappe
21 aérienne de l'OTAN avant le flux des réfugiés -seules 9 municipalités
22 seulement sur 29-, les bombardements de l'OTAN ne peuvent pas être une
23 cause plausible du flot de réfugiés?
24 M. Ball (interprétation): Oui, cela commence ma conclusion dans ce sens,
25 mais c'est combiné avec une analyse ultérieure.
Page 2319
1 M. Kwon (interprétation): La question posée hier était la suivante: il
2 semblerait que cette analyse ne tienne peut-être pas compte de l'effet
3 qu'aurait eu une attaque sur une municipalité ou sur une autre.
4 Hypothétiquement, une situation aurait pu se présenter au Kosovo où il y
5 aurait eu une attaque de l'UCK, ou un bombardement de l'OTAN qui se serait
6 produit tel ou tel jour dans une municipalité, et que de ce fait les
7 Albanais du Kosovo des municipalités avoisinantes se seraient enfuis de
8 chez eux. Est-ce qu'on a tenu compte d'une telle possibilité?
9 M. Ball (interprétation): On n'a pas fait une comparaison voisin par
10 voisin, comme le suggère votre question.
11 En lieu et place de cela, avec l'analyse des tendances résiduelles
12 -tableaux 10 et 11-, nous avons traité le Kosovo par régions, beaucoup
13 plus grandes que des municipalités individuelles. Ce qu'un statisticien
14 fait souvent en face d'une question telle que la vôtre, c'est de voir une
15 région plus grande, c'est de repousser les frontières: on diminue ainsi le
16 nombre d'incidents inter-régions qui pourraient intervenir. Donc, en
17 élargissant les régions dans l'analyse des tendances résiduelles, je pense
18 que j'aurais pu capturer ces différences subtiles qui peuvent intervenir
19 entre municipalités. Je pense que c'est à cela que vous pensez.
20 M. Kwon (interprétation): Merci. Question suivante: pourriez-vous nommer
21 les municipalités concernées? Par exemple, au tableau n°9, on voit qu'il y
22 a neuf municipalités dans lesquelles les bombardements de l'OTAN ont
23 précédé le flux de réfugiés. Est-ce que vous pourriez donner les noms?
24 M. Ball (interprétation): Pas de mémoire.
25 M. Kwon (interprétation): Mais vous avez les données?
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1 M. Ball (interprétation): Oui.
2 M. Kwon (interprétation): Vous avez traité de 29 municipalités?
3 (Le Témoin acquiesce.)
4 Mais l'Acte d'accusation dressé contre le présent accusé porte sur des
5 incidents qui se sont produits uniquement dans 13 municipalités. Ici, on a
6 9 municipalités. Est-ce qu'elles sont toutes incluses dans les 13
7 municipalités couvertes par l'Acte d'accusation? Si c'est le cas, est-ce
8 que l'on peut dire que, dans ces municipalités, les bombardements de
9 l'OTAN étaient la première cause expliquant le flux de réfugiés?
10 M. Ball (interprétation): J'aurais tendance à vous répondre "non". Et
11 pourquoi? Eh bien, sur la base de ce qui figure dans les documents
12 supplémentaires que m'a demandé de produire le Bureau du Procureur et dont
13 nous avons parlé brièvement hier. Je l'ai déjà dit, surtout lors du
14 contre-interrogatoire par la défense. J'ai constaté que, lorsqu'il y avait
15 eu attaque de l'UCK ou s'il y avait eu attaque de l'UCK avant les
16 phénomènes étudiés, cela n'aurait pas pour autant voulu dire qu'il y avait
17 relation de cause à effet. Mais si la cause en question n'est pas là, à ce
18 moment-là on peut dire que ce n'est pas la cause de l'événement étudié.
19 Mais imaginons que l'on mesure le lever du soleil chaque jour, le soleil
20 se lève sur toutes les municipalités du Kosovo chaque jour. Si on vérifie
21 qu'effectivement le soleil s'est bien levé avant les pics des courbes de
22 réfugiés, on constatera que c'est le cas, qu'effectivement le soleil se
23 sera levé avant ces pics, mais cela ne signifie pas pour autant que le
24 lever du soleil aura entraîné ce flux. Si le soleil ne s'était pas levé
25 pendant quatre jours avant les flux, avant le pic de flux de réfugiés, on
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1 aurait pu rejeter ce phénomène comme étant une cause. Mais le simple fait
2 que le soleil se soit levé tous les jours ne signifie pas pour autant que
3 ce soit la cause des flux de réfugiés.
4 J'espère que vous avez bien compris où je veux en venir. Pour indiquer une
5 corrélation étroite qui indique qu'il y a effectivement relation de cause
6 à effet, il faut procéder à des analyses plus fines avec l'analyse des
7 valeurs résiduelles qui figurent aux tableaux 10 et 11.
8 M. Kwon (interprétation): Merci.
9 M. Nice (interprétation): Une autre question au sujet de la méthode et des
10 rapports. Si l'accusé ou les amici font appel à un expert, j'imagine que
11 vous allez lui fournir tous les documents nécessaires et que vous seriez
12 prêt à collaborer avec cet expert autant que possible?
13 M. Ball (interprétation): Eh bien, sur la base des instructions de la
14 Chambre qui me dirait comment procéder dans le cadre de ce dialogue avec
15 l'expert concerné.
16 Question: Passons maintenant aux statistiques relatives au poste-frontière
17 de Morina. Les statistiques relatives aux meurtres ne venaient que d'une
18 source, n'est-ce pas?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et pourtant, sachant des flux de réfugiés de Morina et des
21 meurtres ayant eu lieu sur la totalité de Kosovo, vous avez obtenu des
22 graphiques tout à fait similaires?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Est-ce que vous vous êtes approché de Morina en passant par
25 l'Albanie ou le Kosovo?
Page 2322
1 Réponse: Par l'Albanie.
2 M. Nice (interprétation): Deux autres cartes, la première carte est une
3 carte de la Yougoslavie. Veuillez placer l'original sur le rétroprojecteur
4 et je vous donne cette liasse afin que vous la distribuiez aux parties
5 prenantes, s'il vous plaît. Il s'agit de cartes yougoslaves. Veuillez
6 d'abord placer ceci sur le rétroprojecteur et distribuer le reste.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation n°70.
9 M. Nice (interprétation): On voit ici la route qui va de Prizren à
10 l'ouest.
11 Monsieur l'huissier, je l'avais ouvert au bon endroit. Merci.
12 Toutes les cartes ont été pliées afin de présenter les éléments qui nous
13 intéressent.
14 M. Ball (interprétation): Ce n'est pas tout à fait exact. Est-ce que je
15 peux relier la carte comme il faut? Oui, oui, voilà c'est bon.
16 M. Nice (interprétation): Mon moniteur ne marche pas, je ne peux pas voir
17 ce qui figure sur le rétroprojecteur. Je ne sais pas si c'est le cas pour
18 tout le monde.
19 M. le Président (interprétation): Ne perdons pas de temps, apparemment le
20 rétroprojecteur ne fonctionne pas.
21 M. Nice (interprétation): Sur cette carte on trouve Morina. Cela se trouve
22 à l'ouest, tout de suite à l'ouest de la frontière entre l'Albanie et le
23 Kosovo en allant dans la direction d'où venait le Témoin, c'est-à-dire
24 qu'il venait d'Albanie.
25 Passons à la carte suivante qui est jointive et qui nous présente la
Page 2323
1 région de Djakovica, la Chambre connaît cette carte. J'ai plié les cartes
2 de manière qu'elles puissent être placées sur le rétroprojecteur et
3 distribuées aux parties.
4 M. le Président (interprétation): Un instant: Vrbnica se trouve de l'autre
5 côté de la frontière?
6 M. Nice (interprétation): Oui.
7 M. le Président (interprétation): Et Zhur dont nous avons également parlé
8 se trouve le long de la route vers Prizren?
9 M. Nice (interprétation): Effectivement.
10 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction n°71.
11 M. Nice (interprétation): Nous allons maintenant passer à la carte
12 suivante que j'ai ouverte au bon endroit: nous avons Djakovica et une
13 ligne noire, une ligne noire écrite en gras, sans doute qui indique les
14 lignes de haute tension. Nous avons donc l'endroit où nous voyons donc que
15 Morina se trouve sur le côté du Kosovo, de la frontière. Voilà tout.
16 M. le Président (interprétation): Oui, mais où voulez-vous en venir? Nous
17 avons Morina sur la première carte, en Albanie?
18 M. Nice (interprétation): Oui, mais c'est-à-dire que l'accusé a posé des
19 questions au sujet de Morina. Je pensais donc qu'il convenait de savoir
20 exactement où cela se trouve.
21 M. le Président (interprétation): Il s'agit de l'autre Morina?
22 M. Nice (interprétation): Oui, c'est l'autre Morina, au sujet duquel
23 l'accusé nous dit qu'on a fabriqué de toutes pièces certains éléments de
24 preuve.
25 Je souhaiterais en parler avec les documents, mais il n'est plus
Page 2324
1 nécessaire de les conserver sur le rétroprojecteur.
2 M. Nice (interprétation): Qui a eu l'idée de rassembler ces documents?
3 M. Ball (interprétation): Initialement, c'était Fritz Scheuren, un de mes
4 collaborateurs. Ensuite, j'ai repris cette idée.
5 Question: Au moment où vous avez été récupérer ces documents, est-ce que
6 vous avez eu peur?
7 Réponse: Oui, c'était un peu risqué, car il y avait eu des tirs et même
8 les gardes-frontière hésitaient à aller au poste-frontière.
9 Question: Et il n'y avait personne à la frontière?
10 Réponse: C'est exact.
11 Question: Et on vous dit que vous avez été dupé: est-ce que vous êtes allé
12 à la frontière avec les gardes?
13 Réponse: Au départ, ils ne voulaient pas y aller, mais ensuite, quand je
14 me suis mis à marcher le long de la route, ils m'ont rattrapé en courant.
15 Question: Est-ce qu'on pouvait savoir à l'avance que vous alliez vous
16 rendre à cet endroit, assez risqué, pour y récupérer des documents?
17 Réponse: Non, les gardes ne pouvaient pas l'imaginer.
18 Question: J'ai d'autres questions au sujet des documents.
19 Vous vous souviendrez qu'il y a des milliers de pages relatives à l'UCK
20 qui n'ont été communiquées à notre service et à d'autres que très
21 récemment. Donc le Témoin ne pouvait pas y avoir accès.
22 Monsieur le Témoin, on avance que les statistiques ont été réalisées ou
23 plutôt que les données produites ont pour objectif de se conformer aux
24 conclusions que vous avez fini par rendre dans votre rapport. Deux ou
25 trois choses à ce sujet.
Page 2325
1 Les graphiques que vous avez produits et que nous avons examinés
2 présentent des formes récurrentes. En fait, ce que l'on essaie de vous
3 dire, c'est qu'à la frontière, on vous a communiqué des données totalement
4 fausses. Il s'agissait d'Albanais du Kosovo qui ont fait cela et ils l'ont
5 fait pour que vous en arriviez, dans le cadre de votre étude, aux courbes
6 que vous avez trouvées. Est-ce que c'est possible?
7 Réponse: Uniquement dans le domaine de la science-fiction la plus avancée
8 qui soit.
9 Question: Si quelqu'un souhaitait qu'un statisticien produise des
10 graphiques ayant cette forme précise, il faudrait que la personne
11 concernée produise un volume important de données fausses pour permettre
12 d'arriver à ce résultat?
13 Réponse: Oui, un volume considérable.
14 Question: Et il faudrait que ces données soient réparties en fonction des
15 dates et des lieux étudiés?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Et est-ce que vous voyez quelque élément que ce soit qui suggère
18 que cela se soit produit?
19 Réponse: Non, au contraire.
20 Question: Et, bien entendu, sous certaines réserves, ces documents vont
21 être rendus publics.
22 Vous nous avez dit que les données communiquées par les médecins des
23 droits de l'homme n'ont pas été utilisées pour étudier les meurtres?
24 Réponse: Oui, en effet, parce qu'ils n'ont produit de données que sur un
25 très petit nombre de meurtres. Voilà les limites de leur méthode.
Page 2326
1 Question: L'accusé vous a reproché d'avoir été sélectif dans l'examen des
2 données, d'en avoir exclu certaines et retenu d'autres. Sur quelle base
3 avez-vous réalisé cette sélection?
4 Réponse: Sur la base des quatre sources utilisées: nous avons choisi la
5 source la plus importante.
6 Question: Merci. Et est-ce qu'il y avait des raisons qui pouvaient inciter
7 à choisir une source contre l'autre, raison de fiabilité ou tout autre?
8 Réponse: Non.
9 Question: On vous a dit que c'était là une méthode innovante, donc peu
10 fiable.
11 S'agissant des recherches que vous avez faites, est-ce que vous pouvez
12 dire que les méthodes que vous avez utilisées sont peu fiables?
13 Réponse: Non, elles font partie des méthodes couramment utilisées par les
14 statisticiens.
15 Question: Et s'agissant de chacune des étapes de vos recherches, est-ce
16 que vos calculs ont été faits sur la base d'une certaine prudence et en
17 prenant en compte une éventuelle marge d'erreur?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Et avez-vous fait preuve de beaucoup de prudence dans l'examen
20 des données?
21 Réponse: Oui, effectivement. Il est difficile de quantifier la nature de
22 notre prudence, mais j'ai expliqué hier comment nous nous y sommes pris.
23 Question: L'accusé vous avait posé des questions au sujet de statistiques
24 relatives aux victimes serbes. Vous avez parlé d'un statisticien serbe. Où
25 l'avez-vous rencontré?
Page 2327
1 Réponse: Je l'ai rencontré lors de la conférence de l'Association pour les
2 statistiques officielles à Montreux, en Suisse.
3 Question: Il s'appelle comment?
4 Réponse: Slavko Kapron (phonétique). Je m'excuse de ma prononciation
5 catastrophique.
6 Question: Est-ce que vous lui avez remis quoi que ce soit comme document?
7 Réponse: Je lui ai donné un exemplaire du rapport intitulé "Politique ou
8 panique?" et je lui ai dit que les données se trouvaient sur Internet.
9 Question: Est-ce qu'il vous a fait part de certaines critiques au sujet de
10 votre travail?
11 Réponse: Je n'ai pas eu de nouvelle, bien que je lui aie donné ma carte de
12 visite.
13 Question: On vous a posé un certain nombre de questions au sujet des
14 activités de l'OTAN et de l'UCK, et au sujet de l'impact que cela aurait
15 eu. En fait, dans le cadre du calcul des valeurs résiduelles, vous avez
16 étudié ces deux facteurs ensemble?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et c'est ultérieurement que vous avez examiné chacun de ces
19 facteurs individuellement?
20 Réponse: Oui. Nous utilisons ce qui s'appelle normalement en statistique
21 "une statistique d'interaction". Je ne l'ai pas fait: pourquoi? Parce que,
22 pour le faire, il faut tout d'abord que l'un des composants, que le
23 composant comme combiné se révèle avoir eu un impact important; cela n'a
24 pas été le cas. Donc nous ne l'avons pas fait.
25 Question: Bien entendu, vous avez fait une ventilation par région?
Page 2328
1 Réponse: Oui.
2 Question: On vous a posé des questions au sujet de l'estimation sur la
3 base de systèmes multiples.
4 Je voudrais que vous vous munissiez d'un crayon et d'une feuille blanche
5 et que vous puissiez aider ceux d'entre nous qui sont profanes en la
6 matière à nous expliquer la chose.
7 Partons du principe de plus de trois sources simplement; essayez de nous
8 expliquer, au moyen d'un graphe, comment fonctionne ce système avec trois
9 cercles qui se recoupent?
10 Réponse: Eh bien, le concept est le suivant.
11 (Le Témoin dessine des cercles sur la feuille blanche.)
12 Imaginons que deux études aient été menées à bien. On peut imaginer
13 plusieurs possibilités de recouvrement de ces études ou de rencontres.
14 Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que, si ça se trouve, ces
15 études ont étudié les mêmes cas d'assassinat ou de meurtre. Il se peut que
16 l'interaction soit importante ou il se peut que l'interaction entre ces
17 deux études soit complètement inexistante; ou il se peut que l'une des
18 études soit incluse dans l'autre.
19 Nous, ce que nous faisons, c'est que nous examinons l'univers dans sa
20 totalité. J'indique ici la lettre "N" pour le désigner, pour voir la
21 totalité des meurtres, mais je dispose de deux études et j'utilise le
22 niveau de recouvrement pour estimer la totalité des meurtres.
23 Si l'on constate que les deux études ne se recouvrent nullement, à ce
24 moment-là cela signifie que l'univers est considérable: ces deux études
25 ont porté sur l'univers mais ne se sont jamais rencontrées. En revanche,
Page 2329
1 si deux systèmes s'intéressent à un même univers et produisent les mêmes
2 listes, à ce moment-là on peut partir du principe que l'univers observé
3 est d'une taille à peine supérieure au système.
4 En examinant la phase commune ou la partie commune aux deux systèmes, on
5 peut procéder à des modélisations mathématiques pour en arriver à des
6 conclusions, à des estimations sur la totalité de l'univers que je vous ai
7 indiqué par ce grand cercle marqué d'un "N".
8 Question: Bien entendu, ici nous avions non pas deux, mais quatre cercles
9 qui se recouvraient, et vous les avez utilisés et vous les avez étudiés.
10 C'est bien exact?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Encore deux questions. L'accusé vous a posé des questions au
13 sujet des hypothèses. Corrigez-moi si je me trompe, mais est-ce que les
14 graphes permettent de déterminer s'il y a eu une cause ou plusieurs?
15 Réponse: S'agissant du premier graphique que nous avons observé, on peut
16 en déduire qu'il y a une cause ou plus. Mais en examinant d'autres
17 graphiques, il est apparu de plus en plus probable qu'il existait une
18 seule et unique cause commune.
19 Question: Et c'est uniquement lorsque vous êtes arrivé à ce moment-là, et
20 plutôt qu'à une simple distribution aléatoire, que vous vous mettez à
21 étudier les différentes hypothèses?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Comme vous l'avez expliqué, il y a quelques instants, votre
24 méthode consiste à exclure plutôt qu'à confirmer les hypothèses observées?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Sauf en ce qui concerne l'observation que vous avez faite au
2 sujet de la Pâque orthodoxe?
3 Réponse: Oui, du fait de la coïncidence qui existait à ce niveau-là.
4 Question: Merci. Enfin, l'accusé, à la fin de son contre-interrogatoire, a
5 évoqué un grand nombre de documents de référence. Nous n'avons pas été en
6 mesure de le suivre. Est-ce que vous avez été en mesure de le suivre?
7 Réponse: Oui, lors de sa dernière intervention, j'ai vu de quoi il
8 parlait.
9 Question: Je me trompe peut-être, mais il me semble que ce qu'il essayait
10 d'avancer, c'est que la proportion des morts est la même que la proportion
11 des frappes aériennes de l'OTAN. Mais en partant de ces observations -je
12 me réfère ici au compte-rendu d'audience-, il nous a parlé de 248.000,
13 164, cartes 2.3, 2.1, 2.4. Ensuite, il nous a donné un chiffre de 471.
14 Est-ce que vous voyez de quoi il parlait, à quoi correspondent ces
15 statistiques? Pouvez-vous nous dire quoi que ce soit sur son allégation?
16 Réponse: Eh bien, nous avons passé en revue les chiffres qu'il a donnés.
17 Il nous donnait un certain nombre de nombres de réfugiés qui avaient
18 traversé la frontière pendant chacune des trois phases. Et pour ce faire,
19 on peut dire que les chiffres qu'il a donnés correspondaient à peu près à
20 la réalité. Et puis, il essayait de parvenir à des conclusions quant à la
21 coïncidence entre les bombardements de l'OTAN et les mouvements de
22 réfugiés. Qu'avez-vous à dire?
23 Réponse: Après la pause de midi, il parlait de ces chiffres relatifs au
24 nombre de bombardements, et il dit que ceci venait de l'annexe B dans
25 l'étude intitulée "Politique ou panique". Cette Annexe B commence à la
Page 2331
1 page 70. Mais il a interprété les petits points rouges que l'on voit ici
2 -je vous les montre- comme étant des bombardements.
3 Mais voyez la légende: les points rouges ne sont pas du tout les
4 bombardements. Ces points rouges indiquent la densité des flux de
5 réfugiés. Il a fait le décompte des points indiquant le nombre de flux de
6 réfugiés sur une certaine période et il a découvert que le nombre de
7 points était en corrélation avec le graphique qui se trouve plutôt dans le
8 livre. Je n'ai jamais pensé à le faire, mais c'est une façon intéressante
9 de vérification de mon travail pour montrer qu'il y a effectivement
10 concordance entre ceux-ci et le graphique antérieur, puisque ici on parle
11 de ces points, non pas de bombardements, mais de flux de réfugiés.
12 D'ailleurs, les informations concernant les bombardements se trouvent
13 ailleurs dans l'Annexe B.
14 Question: Et maintenant, c'est devenu une pièce à conviction. Ce sont des
15 cartes assez utiles pour voir quelles sont les variations régionales,
16 n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui. C'est seulement en regardant ces cartes que je viens de
18 comprendre, en fait, cette tendance de variations géographiques qui a fait
19 l'objet du rapport ultérieur.
20 Question: Nous allons placer un exemple sur le rétroprojecteur. Même si ce
21 n'est pas là une attention originale, il se fait que vous avez constaté
22 cette coïncidence.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Prenons une page: laquelle?
25 Réponse: La page 72. On peut prendre n'importe quel cliché, mais je pense
Page 2332
1 que l'on voit des flux importants, le 28 mars. La taille des points
2 représente la quantité de flux depuis ce point indiqué au poste-frontière.
3 Nous en avons déjà discuté, nous estimons que c'est à ces dates que les
4 gens sont partis de chez eux. Au cours de cette période, la plupart des
5 gens qui partaient, partaient de cette zone qui se trouve au sud-ouest. Il
6 y en a relativement moins dans le nord-est.
7 Prenons une date ultérieure, par exemple au mois d'avril, et nous
8 constatons que le flux se concentre dans la partie nord-est du Kosovo et
9 qu'il y a, toute proportion gardée, moins de flux au sud et à l'ouest.
10 J'ai passé plusieurs jours à examiner ces cartes, et lorsque j'ai fait
11 cette constatation, j'ai pu mettre au point des tests statistiques plus
12 précis afin d'essayer de cerner cette tendance.
13 M. Nice (interprétation): Je n'ai plus de question à poser, mais je
14 demanderai au Témoin de nous fournir les originaux, mais en photocopies,
15 pour répondre à la question posée par le Juge Kwon, et il restera à
16 déposition si on demande à d'autres experts d'intervenir. Nous avons déjà
17 parlé de ces personnes.
18 Je constate que le Juge Robinson a posé hier quelques questions quant à
19 l'utilité potentielle, quant à la valeur éventuelle de ce rapport. Le
20 Témoin n'était pas en mesure d'y répondre. C'est plutôt l'accusation qui
21 doit y répondre. Je peux le faire maintenant ou quand vous le voudrez sous
22 forme d'argument. A vous de décider.
23 M. le Président (interprétation): Le moment ne se prête pas aux
24 commentaires.
25 Merci, Monsieur Ball, de votre déposition. Vous avez terminé et vous
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1 pouvez vous retirer.
2 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)
3 Mme Ameerali (interprétation): Nous aurons comme cote la cote 72.
4 M. le Président (interprétation): Pause de cinq minutes avant le témoin
5 suivant.
6 (Le Témoin, M. Patrick Ball, est reconduit hors du prétoire.)
7 (L'audience, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 10.)
8 (Le Témoin, Lord Jeremy John Ashdown, est présent dans le prétoire.)
9 M. Milosevic (interprétation): (Pas de traduction.)
10 M. le Président (interprétation): Un instant, je vais demander au Témoin
11 de prononcer la déclaration solennelle.
12 Lord Ashdown (interprétation): Vous voulez que je sois debout pour le
13 faire?
14 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien
15 que la vérité.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
17 Monsieur Milosevic, vous vouliez intervenir?
18 M. Milosevic (interprétation): Il y a un instant, je vous ai entendu dire
19 que nous allions prolonger la séance jusqu'à 17 heures. Donc c'est un
20 deuxième prolongement. Nous avons arrêté une heure, puis vous avez pris la
21 décision de m'enlever le deuxième tiers d'air pur auquel j'ai droit. Et je
22 considère qu'il s'agit purement et simplement de mauvais traitements
23 administrés à l'accusé. Et je ne vous demande absolument pas de corriger
24 cela, par ailleurs.
25 Pour ce qui est de ma situation depuis hier soir jusqu'à ce matin, lorsque
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1 j'ai quitté l'unité de détention, ou plutôt la prison, le système qui est
2 là pour purifier l'air ne marchait absolument pas: il était en panne.
3 Donc choisissez les instruments de torture, s'il vous plaît, ou de mauvais
4 traitement plutôt.
5 (Les Juges se consultent sur le siège.)
6 M. le Président (interprétation): On me dit que vous aurez un délai
7 supplémentaire. Il n'y a pas de problème à cette question, mais il faut
8 poursuivre ce procès.
9 (Interrogatoire principal de Lord Jeremy John Ashdown, par M. Nice.)
10 M. Nice (interprétation): Pouvez-vous décliner votre identité?
11 Lord Ashdown (interprétation): Je m'appelle Jeremy John Ashdown. En
12 général, on m'appelle Paddy Ashdown.
13 Question: Vous avez une carrière de soldat, de diplomate, de parlementaire
14 et vous êtes le chef des Libéraux démocrates. Vous êtes Lord à la House of
15 Lords et vous êtes le haut représentant désigné pour la Bosnie?
16 Réponse: C'est exact.
17 M. Nice (interprétation): Je crois que j'ai annoncé, il y a une semaine de
18 cela, que j'allais vous poser des questions, mais qui porteront uniquement
19 sur un seul sujet du paragraphe 3.
20 Le Témoin a déclaré qu'il serait prêt et qu'il serait peut-être en mesure
21 de venir déposer plus tard aussi, mais ceci n'arrange jamais personne
22 devenir déposer deux fois et, surtout pour ce Témoin, je vais peut-être
23 lui poser des questions qui n'ont pas trait au Kosovo. Il y a un élément
24 bien précis et je lui demanderai peut-être d'en parler rapidement.
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 M. Nice (interprétation): Lord Ashdown, au cours de ces dix dernières
2 années, est-ce que vous vous êtes intéressé à ce qui se passait en ex-
3 Yougoslavie?
4 Lord Ashdown (interprétation): Tout à fait. Je crois avoir été pour la
5 première fois à Sarajevo en juillet 1992, puis à Pale en août 1992; et
6 depuis, j'ai fait plusieurs visites dans la région, pratiquement sans
7 exception, deux fois par an.
8 Question: Cet intérêt présent, c'est établi: est-ce que, de ce fait, vous
9 vous êtes trouvé au mois de mai 1995, le 6 mai 1995, à participer à un
10 banquet à la Guildhall, à Londres, où vous étiez assis aux côtés de feu M.
11 Tudjman, Président de Croatie?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Est-ce que vous avez discuté avec lui de l'avenir de la
14 Yougoslavie?
15 Réponse: Tout à fait. C'était une conversation assez longue. Je pense que
16 nous avons bavardé pratiquement exclusivement pendant toute la soirée, en
17 excluant, ce faisant, les autres invités et je lui avais demandé de
18 dessiner sur le menu du banquet quelque chose. Il s'agissait du 50e
19 anniversaire de cette guilde.
20 M. Nice (interprétation): L'original de ce document est en possession du
21 Greffe. Nous avons ici une copie; nous avons essayé aussi, dans le cadre
22 d'une autre affaire, d'obtenir l'original, mais il n'est pas disponible
23 pour le moment. Nous ne l'aurons pas, je pense, avant demain.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 Mme Ameerali (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 73.
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1 M. Nice (interprétation): Première page.
2 Cette première page montre l'annonce de ce banquet. Pourriez-vous nous
3 interpréter le premier croquis que l'on voit à gauche?
4 Lord Ashdown (interprétation): Je crois que cela se passe de commentaire.
5 A la droite, vous avez le menu et, à gauche, le logo de l'événement. En-
6 dessous de ce logo -je ne sais pas si ceci apparaît clairement-, vous avez
7 certaines lignes.
8 J'avais demandé au Président Tudjman de bien vouloir me dessiner ce qui, à
9 son avis, allait être la forme à venir de la région de l'ex-Yougoslavie.
10 Il a dessiné la côte de la Croatie, ici; cette ligne ici représentait la
11 Bosnie-Herzégovine; l'autre ligne, que je vous montre ici, montre l'idée
12 qu'il avait de la ligne de front de ce moment-là. Et ici, il a tracé un
13 "S", ce qui, à son avis, serait la place qu'occuperait, à gauche, la
14 Grande Croatie et, à droite, la Grande Serbie. Toutes ces lignes qui
15 figurent sur ce croquis sont faites de la main de M. le Président Tudjman.
16 Moi, j'ai fait une croix ici pour indiquer Sarajevo puis Banja Luka, et
17 cette croix-ci indiquait l'emplacement de Zagreb. Je lui ai demandé: "A
18 votre avis, c'est correct par rapport à ces lignes?".
19 Question: Merci. Examinons l'autre partie de la photocopie de cette pièce.
20 Pourriez-vous nous l'expliquer? Qu'est-ce que vous avez dessiné?
21 Réponse: Ce sont mes annotations. Suite aux lignes tracées par le
22 président Tudjman, j'ai réalisé ceci aussitôt après le dîner. Donc ces
23 mots en anglais renvoient aux lignes: la ligne la plus épaisse, c'était
24 celle qu'il avait tracée et celle de démarcation. Puis il y avait les
25 villes de Sarajevo, la Krajina, Zagreb qui sont aussi indiquées. Les
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1 lignes que j'ai mises ici représentent les frontières de la Bosnie-
2 Herzégovine et j'ai aussi indiqué la côte dalmate. Ce sont des annotations
3 qui montrent les différences entre cette carte et la précédente, ce sont
4 mes annotations. Je ne sais pas si vous voyez le haut de la page, c'est
5 indiqué: "lignes tracées par F.T. -Franjo Tudjman" et "Annotations par
6 P.A. -Paddy Ashdown", moi-même.
7 Question: J'attends la fin de l'interprétation pour que nous ne fassions
8 pas de chevauchement.
9 Réponse: Je vais essayer de faire pareil.
10 Question: Au cours de cette conversation, est-ce qu'il a été dit certaines
11 choses, et est-ce qu'on prévoyait sur cette carte quoi que ce soit pour ce
12 qui est des intérêts musulmans et des zones musulmanes?
13 Réponse: Le président Tudjman a dit que les Musulmans avaient été
14 incorporés dans le territoire de la grande Croatie et de la grande Serbie,
15 que la Bosnie n'existait plus.
16 Question: Est-ce qu'il devait y avoir une région réservée aux seuls
17 Musulmans?
18 Réponse: Non.
19 Question: Passons à ce qui s'est passé en 1998.
20 On peut enlever la pièce actuelle du rétroprojecteur.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 Au cours de l'une de vos visites, entre le 20 et le 25 juin 1998, est-ce
23 que vous avez eu l'occasion de rencontrer le Premier ministre de
24 Macédoine?
25 Réponse: Oui, j'ai fait une visite dans les Balkans: je voulais voir
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1 toutes les facettes du problème et j'ai voulu aller en Macédoine et en
2 Albanie.
3 Question: Avant d'examiner ceci dans le détail et de parler de réunions
4 ultérieures, à quel titre vous êtes-vous rendu dans les Balkans? Et
5 comment vouliez-vous que l'on vous décrive?
6 Réponse: Je suppose que je suis allé en tant que citoyen tout à fait
7 privé, j'étais dirigeant d'un parti politique et je voulais m'informer de
8 la situation qui prévalait de part et d'autre. On ne m'a pas demandé d'y
9 aller, le gouvernement britannique ne m'a pas demandé de le faire, je ne
10 suis pas allé là en tant que leur représentant ou envoyé. Mais à
11 l'occasion de cette visite comme de visites précédentes, je pensais qu'il
12 était correct que je fasse rapport au Premier ministre de l'époque des
13 conditions que j'avais pu découvrir et des considérations que j'avais pu
14 formuler. Mais pour répondre directement à votre question, j'y suis allé
15 en tant que citoyen privé.
16 Question: Je pense que vous avez tenu un journal pendant de nombreuses
17 années?
18 Réponse: Oui, depuis que je suis devenu dirigeant de mon parti en 1988.
19 Question: Est-ce que vous tenez ce journal régulièrement?
20 Réponse: J'essaie de le faire chaque soir. Je ne sais pas si je réussis
21 toujours, je ne sais pas si je suis discipliné tous les soirs, mais plus
22 ou moins. Et s'il y a eu des réunions importantes, par exemple avec le
23 Premier ministre ou avec d'autres personnalités importantes, j'essaie de
24 consigner des notes immédiatement après avoir terminé la réunion et
25 quelquefois je n'attends pas toujours qu'arrive le soir pour le faire.
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1 Question: Et bien sûr, sous réserve de modification idoine, correction,
2 etc., est-ce que certaines parties de votre journal ont été publiées?
3 Réponse: Tout à fait. La première fois, en septembre 2000 premier volume,
4 et deuxième volume en septembre 2001.
5 Question: Mais ce qui est important ici, pour ce procès, est-ce que vous
6 avez tenu votre journal pour telle ou telle réunion importante? Est-ce que
7 vous pourrez vous en servir pour vous rafraîchir la mémoire?
8 Réponse: Tout à fait, notamment lorsque j'ai essayé de reconstituer la
9 conversation dont nous venons de parler avec M. Tudjman. Mais ceci vaut
10 pour tout, tout ce qui concerne les événements dont nous allons parler
11 maintenant. Tout ceci a été consigné soit le soir même, ou aussitôt après
12 la tenue de réunions capitales. J'ai repris tout ceci dans mon journal.
13 Question: Lors de votre visite en Macédoine, ce n'est peut-être pas
14 important, c'était au mois de juin, mais vous souvenez-vous de la date à
15 laquelle vous avez rencontré le Premier ministre?
16 Réponse: Je crains que non, mais je pourrais le retrouver dans mon
17 journal.
18 Question: Vous avez eu des discussions avec le Premier ministre, le
19 ministre des Affaires étrangères: de quoi avez-vous parlé?
20 Réponse: Je m'étais rendu sur place pour me faire une idée de ce qui me
21 semblait être une situation internationale très dangereuse qui se faisait
22 jour du fait des événements qui se produisaient au Kosovo. Je voulais
23 discuter des peurs qu'ils pouvaient avoir et des recommandations
24 éventuelles qui permettraient de trouver une situation.
25 Leurs craintes portaient sur l'instabilité qui prévalait à ce moment-là au
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1 Kosovo. Et si c'était mal géré, ceci pourrait déboucher sur une nouvelle
2 vague de réfugiés qui affluerait en Macédoine, un pays où l'équilibre
3 ethnique est déjà très précaire. Il y a un équilibre entre les Slaves de
4 Macédoine et les Albanais.
5 Question: Au cours de cette même visite, est-ce que vous êtes allé dans le
6 nord de l'Albanie?
7 Réponse: Oui, d'ailleurs aussitôt après la réunion que j'ai eue avec le
8 Premier ministre, je suis allé dans le sud, vers Tirana. Et en route, j'ai
9 réfléchi à la situation et il m'est apparu clairement qu'un des facteurs
10 de déstabilisation au Kosovo était les activités de l'UCK, et que si nous
11 voulions contribuer à la stabilisation d'une situation intrinsèquement
12 explosive, il fallait voir de quelle façon on pouvait limiter les
13 activités de l'UCK et de préférence arrêter leurs activités armées.
14 Il m'est apparu aussi clairement que les armes parvenant à l'UCK passaient
15 par le nord de l'Albanie. On considérait que c'était une région sans fois
16 ni loi, en général, cette région de Bajram Curri et de Tropojë. Et je me
17 suis dit que si je voulais faire des propositions pour trouver une
18 solution à cette crise imminente, je devais aller voir ce qui se passait
19 de mes propres yeux, ce que j'ai parvenu à organiser.
20 Question: Dans le nord de l'Albanie, dans cette région, est-ce que vous
21 avez eu l'occasion de parler avec des réfugiés?
22 Réponse: Oui. Je suppose qu'en tout, j'ai parlé à 40 ou 50 personnes qui,
23 d'après la description qu'ils ont eux-mêmes fournie, avaient été forcés de
24 passer par les montagnes du fait de ce qui se passait dans la région de
25 Pec-Djakovica, au Kosovo. Beaucoup de ces réfugiés étaient vraiment dans
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1 un état épouvantable lorsqu'ils sont arrivés. Il y avait beaucoup de
2 jeunes enfants. Et j'ai pu voir, à l'hôpital de Bajram Çurri, beaucoup de
3 personnes qui avaient été blessées par des éclats d'obus, par des obus,
4 par des balles; et certaines personnes étaient vraiment à l'agonie.
5 Question: Vous avez parlé avec des réfugiés. Pourriez-vous nous dire s'ils
6 étaient de tous âges, des deux sexes?
7 Réponse: Oui, il y avait des jeunes enfants, des femmes et aussi quelques
8 jeunes hommes. J'en ai vu deux à l'hôpital: c'était effectivement des
9 jeunes hommes; il se peut qu'ils aient été blessés en tant que membres de
10 l'UCK mais, pour les autres, c'étaient des familles ordinaires.
11 Et quelques-uns avaient des récits absolument épouvantables à me raconter,
12 lorsqu'ils ont franchi les cols, lorsqu'ils ont été chassés de leurs
13 villages et poussés vers les montagnes.
14 Question: Est-ce qu'il se dessinait une structure dans la cause de leur
15 fuite, d'après eux?
16 Réponse: Oui, tous avaient pratiquement le même récit. On les avait
17 chassés de leur village, l'armée, la police; ils n'ont pas précisé qui
18 leur avait donné l'ordre de partir. Et s'ils étaient restés, ils étaient
19 la cible de tirs à l'arme légère et, s'ils ne partaient pas le jour même
20 ou plus tard, ils essuyaient des coups provenant de chars, d'artillerie,
21 de mortiers. Mais pratiquement dans tous les cas, en tout cas pour les
22 personnes avec qui je me suis entretenu, ceci avait poussé la population à
23 partir en général de nuit. Ils partaient toujours ensemble et cela les a
24 poussés à entreprendre une véritable odyssée. Ils ont dû franchir des cols
25 qui étaient à près de 2.000 mètres. Et au cours de ce périple, ils ont été
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1 constamment la cible de pilonnages dans les cols, par les forêts.
2 Et ils ont décrit ce voyage, et leurs histoires se correspondaient. Bon,
3 toutes ces histoires prêtaient quelquefois de l'ouï-dire. Beaucoup sont
4 morts au cours de ce périple; certaines personnes très âgées, certaines
5 personnes très jeunes aussi, du fait de ces projectiles. Et pour ce qui
6 est de la dernière descente vers l'Albanie, on peut dire qu'elle est très
7 raide;j'y suis passé moi-même. Ces s ont eu vraiment des histoires
8 effroyables à raconter.
9 Question: Merci. Est-ce que vous vous êtes également intéressé au niveau
10 d'implantations de l'UCK? Est-ce que vous vous êtes renseigné à ce sujet?
11 Est-ce que vous avez fait des observations à ce sujet?
12 Réponse: Oui. Je me suis renseigné au sujet de l'UCK. Parce que le
13 gouvernement yougoslave m'avait empêché de le faire au niveau du Kosovo,
14 m'avait empêché d'entrer au Kosovo. Mais j'ai pu le faire du côté albanais
15 de la frontière, ce qui m'a permis de voir qu'il y avait beaucoup d'armes
16 qui passaient par la frontière. Il m'a semblé que les membres de l'UCK
17 étaient bien organisés et qu'ils se procuraient ces armes dans le cadre
18 d'activités criminelles, bien que je ne puisse le prouver. Mais la plupart
19 des armes que j'ai vues, la plus grande que j'ai vue, c'était une
20 mitraillette de calibre 0,5.
21 Jusqu'à la zone de Tropoje. Je ne sais pas s'il serait peut-être utile que
22 je vous montre cela sur la carte?
23 M. Nice (interprétation): Oui. Nous avons ici une carte. J'espère que
24 l'échelle sera pratique pour les Juges. Nous avons placé un exemplaire sur
25 le rétroprojecteur.
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1 (L'huissier s'exécute.)
2 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce 74 de l'accusation.
3 M. Nice (interprétation): Il s'agit d'une carte en date de 1999, relative
4 au Kosovo.
5 Est-ce que vous la connaissez?
6 Lord Ashdown (interprétation): Oui.
7 Question: Pouvez-vous nous y indiquer la zone concernée sur la carte?
8 Réponse: Vous avez ici la zone de Bajram Çurri, une zone sans foi ni loi,
9 tout le monde le sait, où le gouvernement albanais n'a absolument pas son
10 mot à dire. D'ailleurs, le ministère des Affaires étrangères britannique
11 m'a déconseillé de me rendre sur place, du fait de la nature de ce
12 territoire. Ici, vous avez les montagnes traversées par les réfugiés et
13 puis vous avez là le village de Tropoje que je qualifierais de gigantesque
14 supermarché d'armes.
15 Je pense que les armes en question étaient amenées par des organisations
16 criminelles à cet endroit. L'UCK envoyait des estafettes dans les
17 montagnes avec les commandes et, ensuite, les armes étaient amenées à dos
18 de mule ou à dos d'homme. J'ai vu ainsi passer des chargements d'armes
19 légères, de munitions, de grenades. Cependant, je n'ai jamais vu d'arme
20 qui ait un calibre supérieur à une mitraillette de calibre 0.55.
21 J'en ai déduit que les membres de l'UCK étaient aussi visibles ici, ou du
22 moins qu'ils étaient aussi organisés qu'on pouvait le voir à cet endroit;
23 qu'ils pouvaient se procurer des armes afin de préparer des troubles au
24 sein du Kosovo.
25 Je dois dire que, lorsque j'ai fait mon rapport au Premier ministre, je
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1 lui ai dit que, si nous souhaitions mettre un terme aux activités du
2 Kosovo qui avaient un caractère déstabilisateur dans la région, la
3 solution, c'était d'aider le gouvernement albanais afin de s'assurer que
4 l'Etat de droit soit restauré dans la zone de Bajram Çurri et Tropoje.
5 J'ai donc conseillé que nous apportions notre aide dans ce sens. Je
6 regrette malheureusement que cette recommandation n'ait pas été suivie à
7 l'époque, car j'estime que c'était la seule manière pour nous, à l'époque,
8 d'aller dans le sens d'une restauration des conditions propices à la paix.
9 Question: Pendant votre séjour en Albanie, pendant cette partie de votre
10 visite sur place, est-ce que vous avez été en mesure d'observer à la
11 jumelle la zone de Junik, que nous pouvons voir sur la carte? Pouvez-vous
12 nous l'indiquer, s'il vous plaît?
13 Réponse: Oui, effectivement. Je suis allé de Bajram Çurri en passant par
14 Tropoje, en passant par cette route extrêmement difficile, et je suis allé
15 ici, à un endroit sur la frontière avec l'Albanie, à un point qui
16 s'appelle Gegaj, G-E-G-A-J. Un endroit d'où il était possible d'avoir un
17 excellent point de vue sur la zone située au sud de Junik.
18 Vous avez ici quelques petits villages.
19 J'ai même pu voir une bonne partie du Kosovo, car vous avez là une zone de
20 plaines qui vont pratiquement jusqu'à Pristina.
21 Question: Qu'avez-vous pu observer à cet endroit?
22 Réponse: J'étais à cet endroit avec des membres de l'ECMM, la mission de
23 surveillance de la Communauté européenne. Ces observateurs avaient passé
24 un certain temps à cet endroit; ils ont pu m'indiquer ce qu'il y avait à
25 voir. Mais, de toute façon, les choses étaient assez frappantes.
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1 Dans la zone qui se trouve à cet endroit, que je vous indique, il y avait
2 des chars de la VJ, Vojska Jugoslavija, il y avait des positions de la VJ,
3 en particulier une position de mortiers, qui était organisée conformément
4 à la pratique courante dans les pays du Pacte de Varsovie et suivant la
5 doctrine militaire de cette organisation. J'ai pu constater qu'il y avait
6 des petites unités, sans doute des sections, qui se déplaçaient dans des
7 véhicules de transport de troupes blindés, APC; ils procédaient à des
8 bombardements, ils procédaient à des tirs de mortier, sans doute des tirs
9 de mortier de 82 millimètres. Ils procédaient à des bombardements et à des
10 tirs de mortier à l'encontre des villages qui se trouvaient à peu près
11 ici.
12 Moi, je pense que je me trouvais environ à deux kilomètres de distance et
13 je n'ai ni vu ni entendu de tirs de riposte. Cela aurait été difficile,
14 effectivement, à deux kilomètres de distance, s'il y avait eu des tirs de
15 riposte par armes légères, mais j'aurais au moins pu voir de petits nuages
16 de fumée à la jumelle. Or je n'ai pu constater la présence, l'occurrence
17 d'aucun tir de riposte.
18 Cependant, j'ai vu ces unités entrer dans les maisons, entrer dans les
19 villages et il m'a semblé qu'ils ne poursuivaient absolument pas des
20 objectifs militaires. J'ai été assez scandalisé de ce que je voyais.
21 Question: Est-ce que l'on pourrait présenter au Témoin la pièce 17?
22 (L'huissier s'exécute.).
23 Je souhaiterais, Monsieur le Témoin, que vous essayiez de nous dire si
24 vous pouvez reconnaître sur ces photographies certains des équipements,
25 certains des véhicules que vous avez vus sur place?
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1 Réponse: Oui, j'ai parlé de véhicules de transport de troupes blindés,
2 APC; je ne peux pas me prononcer avec certitude en ce qui concerne ce
3 véhicule, ici.
4 Question: Quel numéro?
5 Réponse: Le n°1, je ne suis pas sûr, mais en ce qui concerne le n°2, un
6 véhicule de transport de troupes blindé, il est indéniable que je l'ai vu
7 à ce moment-là, sur place.
8 Et si je me trompe, nous avons ici un char T54; c'est indéniable.
9 Question: N°6?
10 Réponse: Mais pas ceux-ci, enfin, autant que je puisse le dire.
11 Question: Vous parlez du n°5?
12 Réponse: Le n°7.
13 Question: Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu sur place?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Merci.
16 Réponse: Je ne me souviens pas d'avoir vu le n°8 et j'ai sans doute vu le
17 n°10. Mais pas les autres véhicules qui figurent sur cette page.
18 Question: Avez-vous vu des pièces d'artillerie de petit calibre?
19 Réponse: Oui. En dessous de l'endroit où je me trouvais, à environ deux
20 kilomètres, il y avait un tank qui tirait sur une série de maisons et ceci
21 pendant une période de temps assez longue. Mais en me tournant vers le
22 nord, j'ai soudain repéré -et je ne pense pas que ceci avait été vu
23 précédemment par les observateurs de l'ECMM-, j'ai pu voir le déploiement
24 de troupes; je pense que c'étaient des troupes de l'armée yougoslave, mais
25 je ne peux pas le dire avec certitude. En tout cas, je les ai vues un peu
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1 au nord, ici.
2 Question: Merci, s'il vous plaît, de placer l'autre carte sur le
3 rétroprojecteur, Monsieur l'Huissier, afin que tout le monde puisse
4 suivre.
5 (L'huissier s'exécute.)
6 Réponse: J'étais ici et, soudain, sur la crête qui se trouvait à environ
7 un kilomètre de moi, j'ai pu voir à la jumelle des hommes qui se
8 déployaient, qui déployaient un canon sur la crête. Et je les ai vus
9 tirer, autant que je pouvais le dire mais sur la base du son et sur la
10 base de la trajectoire de l'obus, je les ai vus tirer vers le nord par
11 rapport à moi; je les ai vus tirer vers les forêts: il n'y avait pas
12 d'autre cible. Et ceci correspondait aux récits des réfugiés qui nous
13 avaient dit qu'ils avaient fait l'objet de bombardements au moment où ils
14 essayaient de fuir le Kosovo en passant par les forêts et les cols.
15 Question: Fort bien. Maintenant, nous allons passer de cette mission -et
16 vous nous avez dit que vous avez, suite à cette mission, élaboré un
17 rapport à destination du Premier ministre-, nous allons passer maintenant
18 à votre visite suivante, qui a eu lieu le 26 septembre, me semble-t-il,
19 une visite qui a duré trois jours à peu près.
20 Je voudrais savoir si, à cette occasion, vous avez rencontré M. Rugova,
21 ainsi qu'une délégation albanaise?
22 Réponse: Oui, c'est exact. Il faudrait bien entendu que je consulte mon
23 journal si je devais vous relater toutes mes réunions, mais, en tout cas,
24 c'est indéniable: j'ai rencontré M. Rugova, ainsi que d'autres
25 représentants albanais.
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1 Question: Dans votre déclaration, vous indiquez de manière très claire
2 l'opinion que vous avez de cet homme. Pouvez-vous nous le redire en une
3 phrase?
4 Réponse: Un homme calme, un homme studieux, un homme assez renfermé
5 plutôt. Il affirmait être pacifiste. Je ne peux vous dire la nature des
6 contacts qu'il avait ou non avec l'UCK; en tout cas, il avait les mots
7 d'un pacifiste. Je pense qu'il se considérait et qu'il était considéré par
8 beaucoup, en particulier dans les zones rurales du Kosovo, il était donc
9 considéré comme un dirigeant moral de la nation.
10 Question: Avez-vous fait une visite avec M. Brian Donnelly, ambassadeur de
11 la Grande-Bretagne, ainsi qu'avec l'attaché militaire, John Crossland, au
12 Kosovo?
13 Réponse: Oui. Oui, je dois vous dire que cette visite avait été organisée
14 par l'ambassadeur britannique. J'avais obtenu des visas de la part du
15 gouvernement yougoslave et j'étais porteur d'une lettre de M. Tony Blair à
16 l'intention de M. Milosevic, qui était à l'époque le Président Milosevic.
17 Nous sommes partis de Pristina.
18 Question: Peut-être pourriez-vous indiquer, sur la carte, le trajet
19 emprunté afin que ceci soit plus vivant pour ceux qui nous écoutent. Vous
20 pouvez vous-même plier la carte.
21 Réponse: Je vais essayer de trouver l'endroit en question. Ce n'est pas
22 tout à fait là.
23 (L'huissier s'exécute.)
24 Question: Ce qui nous intéresse, c'est la route de Pristina à Pec. Et le
25 document que vous regardez, c'est quoi, s'il vous plaît, pour les Juges?
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1 Réponse: Il s'agit de mon journal, de mon journal publié. C'est pour ne
2 pas me tromper dans les dates.
3 Question: Je pense que la Chambre n'a pas d'objection.
4 Réponse: Le 27, nous sommes partis de Pristina et nous avons emprunté la
5 route qui allait à Pec, la route principale. Pec se trouve là et la route
6 principale passe par-là. Et nous, bien entendu, nous allions dans cette
7 direction que je vous indique.
8 Question: Fort bien.
9 A la fin du mois de septembre 1998, quelles observations avez-vous pu
10 faire sur les villages que vous avez traversés? Qu'avez-vous pu voir? Et
11 je parle ici des animaux d'élevage, des récoltes etc.
12 Réponse: Eh bien, tout le long de la route, nous avons pu constater qu'un
13 grand nombre de propriétés ou de maisons étaient en feu. Et toutes les
14 maisons étaient pratiquement inhabitées, presque sans exception.
15 Il y avait des commerces des deux côtés de la route et des petits hameaux
16 qui étaient réduits en cendres. Aucune maison n'avait encore de toit: les
17 maisons avaient été incendiées. On voyait des traces de tirs, de tirs, de
18 bombardements.
19 Je me suis arrêté à un moment donné sur la route, je ne peux pas vous dire
20 exactement où ça se trouve, malheureusement. Mais en tout cas, nous nous
21 sommes arrêtés, complètement au hasard, au poste de frontière de Klina, je
22 crois, ici à peu près; nous nous sommes arrêtés pour examiner un hameau où
23 il y avait quelques maisons, quelques commerces: il y en avait un, je
24 crois que c'était une boutique de réparation de télévisions et de
25 voitures.
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1 Les animaux de ferme étaient soit morts, soit leurs cadavres étaient
2 enflés par la putréfaction, ou bien ils se promenaient dans les champs.
3 Les maisons avaient été systématiquement incendiées. Et, dans une maison,
4 j'ai vu qu'il y avait du blé qui devait servir de semence pour la récolte
5 de l'année suivante et on y avait mis le feu. On avait mis le feu à cet
6 endroit. On avait tout détruit. En fait, ce village semblait, comme tous
7 les autres villages que j'ai vus, semblait avoir été complètement détruit.
8 Tout avait été détruit, tout ce qui pouvait servir à la vie avait été
9 détruit dans ce village.
10 Question: Est-ce que vous avez été en mesure de vous entretenir avec des
11 habitants de l'endroit?
12 Réponse: Non, l'endroit était complètement désert.
13 Question: Est-ce que vous êtes arrivé à Pec?
14 Réponse: Oui. En fait, on s'est arrêtés pour prendre un petit café, si je
15 me souviens bien. Et Pec m'a semblé être une ville où l'ambiance était
16 assez nerveuse; mais, en tout cas, le calme régnait à Pec. Il n'y avait
17 pas de trace de destruction à Pec. Et, près de l'endroit où nous avons
18 pris un café, il y avait des Albanais qui étaient en train de couper du
19 bois, de scier du bois pour l'hiver. C'était une scène villageoise. On
20 voyait les gens se préparer à un hiver, l'hiver qui s'annonçait. On aurait
21 dit une ville tout à fait banale des Balkans.
22 Question: Je crois que vous avez visité un monastère?
23 Réponse: Oui. Je voulais le voir parce que je voulais entendre les deux
24 côtés de l'argument. Donc nous sommes allés au monastère de Decani, qui se
25 trouve à peu près ici. C'est un véritable bijou, c'est un monastère serbe.
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1 Et cela ressemble un peu à la zone de Canterbury, en Grande-Bretagne,
2 c'est-à-dire que c'est un centre religieux de premier plan.
3 Le monastère en question est magnifique. J'ai eu le privilège de
4 bénéficier d'une visite personnelle avec l'un des moines, M. Sava.
5 Ensuite, on m'a offert un petit verre de Slivovitz et le monastère était
6 dans un état impeccable. Il n'y avait aucune trace de destruction.
7 Malheureusement, on ne peut pas en dire de même des villages qui se
8 trouvaient le long de la route Pec/Djakovica.
9 Il y a un endroit qui s'appelle Prilep: eh bien, le village en question
10 était complètement détruit. A mon avis, et l'attaché militaire partageait
11 mon opinion, ce village avait essuyé non seulement des tirs d'artillerie,
12 des tirs de chars, mais il avait également été l'objet de tirs de
13 roquettes tirées par des avions. Nous avons trouvé des munitions sur place
14 qui indiquaient la chose.
15 Dans ce village, j'ai rencontré une femme âgée ainsi que sa fille. Elles
16 vivaient dans ce qui restait de leur maison. Elles nous ont expliqué
17 qu'elles venaient tous les jours à cet endroit. En fait, elles étaient
18 logées à 14 kilomètres de là, chez un voisin, mais elles avaient été
19 chassées de leur village. Mais elles revenaient tous les jours pour
20 s'occuper des animaux de la ferme.
21 Elle m'a expliqué comment elles essayaient de vivre dans ces conditions
22 catastrophiques. Le village avait été complètement détruit. Je lui ai
23 demandé s'il y avait des hommes qui étaient revenus. Elle m'a dit oui, que
24 certains avaient osé le faire. Elle m'a dit que deux hommes étaient
25 revenus et ils avaient osé faire ce que personne d'autre n'avait osé
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1 faire, à savoir passer la nuit au village.
2 Et en fait, quand les autres habitants étaient revenus au village, le
3 lendemain matin, ils avaient trouvé ces deux hommes égorgés.
4 Question: Avant d'en arriver à Prilep, est-ce que vous avez observé des
5 villages albanais dans la zone de Decani?
6 Réponse: Oui. Decani n'était pas en très bon état, mais je crois qu'à
7 Prilep c'est là que la situation était la pire. Je dois dire, pour être
8 juste, que j'avais entendu dire que près de Prilep un policier serbe avait
9 été tué dans une embuscade, sans doute par l'UCK et, de ce fait, Prilep
10 avait été l'objet d'actions de représailles de la part des militaires.
11 Question: Est-ce que vous vous êtes rendu dans une communauté serbe près
12 de Decani où on vous a parlé des activités de l'UCK?
13 Réponse: Lors de ma visite précédente, j'avais remarqué une série de
14 maisons flambant neuves dans une sorte d'ensemble d'immeubles comme on en
15 trouve dans les banlieues de toutes les villes britanniques. J'étais allé
16 dans la zone de Junik et on m'avait parlé des logements des réfugiés
17 serbes venant de la Krajina en Croatie. Donc j'ai voulu voir quelle était
18 la situation de ces réfugiés.
19 Effectivement, les immeubles en question étaient occupés par des Serbes,
20 et on m'avait dit que ces gens-là avaient fait l'objet d'attaques de
21 l'UCK. J'ai inspecté avec beaucoup d'attention les bâtiments en question,
22 et j'ai trouvé seulement quatre ou cinq impacts de balles à l'extérieur de
23 ces bâtiments.
24 Et à ce moment-là justement, il y avait là des membres de la police serbe.
25 Enfin, il me semble que c'étaient des membres du MUP, du ministère de
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1 l'Intérieur serbe. Mais c'étaient peut-être des membres d'unités
2 irrégulières serbes parce que souvent ils portaient exactement les mêmes
3 uniformes.
4 Je dois dire qu'à cet endroit je n'ai vu aucune trace, aucun élément
5 indiquant que cette communauté était en danger et menacée. Cela ne
6 signifie pas que certains Serbes n'ont pas été kidnappés par l'UCK ou tués
7 par l'UCK. Je l'ai condamné d'ailleurs à l'époque. Je ne veux pas dire
8 qu'il n'y a pas eu de policiers serbes attaqués par l'UCK, que certaines
9 communautés ont été menacées, etc. Mais tout ce que je vous dis, c'est que
10 cette communauté-là, cet endroit-là ne me paraissait pas avoir subi
11 d'attaques ou de pressions importantes.
12 Question: Je crois que vous êtes allé à un endroit où l'on disait que des
13 Serbes avaient été tués ainsi qu'un endroit où des Albanais avaient été
14 inhumés?
15 Réponse: Oui, une de mes préoccupations, c'était d'avoir une image
16 équilibrée de la situation. J'ai demandé à ce que l'on m'emmène -et on l'a
17 fait effectivement-, j'ai demandé à ce qu'on m'emmène à un endroit où des
18 Serbes auraient été exécutés -"auraient", j'utilise le conditionnel parce
19 que je ne peux pas le prouver. Mais j'ai présenté les éléments à l'appui
20 de cela au Tribunal international.
21 Ceux-là se trouvaient dans un caniveau. J'ai été informé que six ou sept
22 Serbes avaient été exécutés à cet endroit. Leurs corps avaient été laissés
23 dans le ruisseau. Ils n'étaient pas à cet endroit lorsque je m'y suis
24 rendu, mais le commandant Crossland les y avait vus. J'ai trouvé sur place
25 des douilles provenant de calibre 7.62 et de fabrication chinoise. Il m'a
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1 semblé que l'on avait tiré sur sept personnes à partir de quatre ou cinq
2 endroits. Donc j'en ai déduit que ces meurtres avaient été l'oeuvre de
3 personnes détenant des kalachnikov de fabrication chinoise, une arme
4 couramment utilisée par les membres de l'UCK. Et vu les positions de tirs,
5 j'en ai déduit qu'il ne s'agissait pas là d'une embuscade, mais d'une
6 exécution.
7 Et je crois que quelque deux ou trois jours plus tard, M. Milutinovic du
8 gouvernement serbe s'est rendu sur place.
9 Question: Et je crois que vous avez été en mesure de vous rendre dans les
10 collines surplombant Suharekë?
11 Réponse: Oui. Ensuite, nous sommes allés à Orahovac qui se trouve ici,
12 c'est une zone bien connue pour son vin excellent. On a été informés qu'à
13 cet endroit des Albanais avaient été tués peu de temps auparavant. On nous
14 a emmenés jusqu'à une décharge à côté d'un cimetière, qui se trouvait tout
15 à côté du cimetière, et nous avons pu voir qu'il y avait des cercueils qui
16 sortaient, qui étaient au milieu des détritus, et on sentait une très
17 forte odeur de pourriture. Donc j'ai pu en déduire que les corps avaient
18 été inhumés à la hâte. Tout correspondait au récit que l'on m'avait fait
19 de la situation.
20 Ensuite, on a pris cette route vers Suva Reka en passant par le village de
21 Studencane. Il faut dire que d'un côté vous avez une montagne très
22 escarpée, de l'autre côté la vallée. Nous sommes arrivés à ce point de la
23 route et j'ai pu voir au-delà de Suva Reka la totalité de la vallée qui
24 forme une sorte d'amphithéâtre. Je dois dire que j'ai été profondément
25 choqué par le spectacle qui s'est offert à moi. Il en a été de même pour
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1 l'ambassadeur britannique qui avait été informé que le gouvernement
2 yougoslave avait annoncé que les opérations qui se poursuivaient contre le
3 village de Drenica au Kosovo, ces opérations donc s'étaient interrompues
4 la veille ou deux jours auparavant. Or, ce que nous nous avons vu, c'est
5 un amphithéâtre naturel constitué par des collines, un amphithéâtre sur
6 les flancs duquel tous les villages étaient en flammes. Nous avons pu voir
7 qu'il y avait des tirs, des bombardements, nous en avons entendu parler
8 également.
9 M. Nice (interprétation): Est-ce que vous avez pu déterminer quels types
10 d'armes avaient été employés?
11 Lord Ashdown (interprétation): Oui, j'ai un petit peu d'expérience dans ce
12 domaine, peut-être pas autant que le colonel Crossland, mais nous en avons
13 conclu que les armes utilisées étaient les pièces d'artillerie. Et d'après
14 ce que nous avons pu conclure, le feu d'artillerie provenait de Donje
15 Bllace. Voilà, vous avez ici une élévation dans ce sens-là, et Donje
16 Bllace se trouve ici à 7 ou 10 kilomètres depuis les villages qui nous
17 intéressent et qui sont concernés ici.
18 Nous ne pouvions pas entendre l'impact des obus, mais nous pouvions
19 entendre le bruit des tirs des pièces d'artillerie. Et vraisemblablement,
20 c'est là que toutes les armes propres à une brigade armée étaient
21 utilisées. Les chars étaient 54 probablement. Certainement il y avait un
22 feu provenant des canons de chars, puis également des pièces de 120
23 millimètres, et nous pensons aussi qu'il y a eu utilisation des pièces de
24 150 millimètres.
25 D'après ce que nous avons pu voir dans ces villages, il y a eu un feu de
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1 mortier également, et l'impact était très précis. Nous avons estimé qu'il
2 s'agissait de calibres de 82 et probablement de mortiers de 120
3 millimètres également.
4 M. Nice (interprétation): Nous allons en finir avec ce sujet.
5 M. le Président (interprétation): Il est 17 heures passées. Nous devons
6 suspendre l'audience, nous allons continuer demain matin. Le Témoin pourra
7 terminer avec cette déposition demain.
8 M. Nice (interprétation): Vers la pause déjeuner.
9 M. le Président (interprétation): Oui, la pause déjeuner. Nous aurons
10 suffisamment de temps pour le contre-interrogatoire.
11 M. Nice (interprétation): Tout à fait.
12 M. le Président (interprétation): Lord Ashdown, nous allons suspendre
13 l'audience à présent. Je vous prie de ne parler de votre déposition à
14 personne.
15 L'audience est suspendue. Venez, s'il vous plaît, demain à 9 heures 30.
16 (L'audience est levée à 17 heures 05.)
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