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1 (Vendredi 15 mars 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 Lord Ashdown (interprétation): Excusez-moi. Me permettez-vous d'intervenir
5 rapidement avant le début de l'audience?
6 M. le Président (interprétation): Lord Ashdown, en général, les témoins ne
7 sont pas autorisés à le faire.
8 Lord Ashdown (interprétation): J'espère que ce sera utile pour la Chambre.
9 M. le Président (interprétation): Si c'est pertinent, oui.
10 Lord Ashdown (interprétation): Le représentant de l'accusation a eu la
11 gentillesse de dire hier que j'avais des engagements et que je devrais
12 partir au plus tard à 13 heures. Je précise que mes engagements ne sont
13 pas aussi importants que ce dont il est question ici, donc sachez que je
14 suis à votre disposition aujourd'hui tant que vous voulez et les jours
15 suivants aussi. Ces questions sont bien plus importantes que les
16 engagements que j'avais.
17 (Interrogatoire principal du Témoin, Lord Jeremy John Ashdown, par M.
18 Nice.)
19 M. Nice (interprétation): Nous allons poursuivre l'écoute du français,
20 Monsieur le Témoin. Mais apparemment, ceci pose des problèmes aux
21 interprètes albanais parce que ceci passe dans les casques. J'abandonne
22 cette pratique mais je devrais me rappeler que je devrais parler assez
23 lentement, laisser des intervalles pour ne pas poser de problème.
24 Hier, vous nous avez parlé des observations que vous avez faites à partir
25 des collines qui surplombaient Suva Reka et que vous avez passé une heure
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1 à voir la destruction des villages. Vous avez parlé des armes qui, selon
2 vous, avaient été déployées.
3 Nous avons un bref extrait vidéo. Est-ce qu'on peut le diffuser? Il fait à
4 peu près trois minutes et, pour autant qu'il n'y ait pas de son, vous
5 aurez peut-être à apporter des commentaires au fil des images, même si cet
6 extrait se passe de commentaires, je pense.
7 (Diffusion de la vidéo.)
8 Voilà, c'est vous, bien sûr, avec les jumelles. Qu'est-ce que l'on voit
9 sur ces images?
10 Lord Ashdown (interprétation): Vous voyez les villages qui se trouvent
11 dans cette zone que je pourrai vous indiquer plus tard sur la carte, mais
12 à peu près dans la zone qui se situe entre Budokovë et Suva Reka. On tire
13 sur ces villages...
14 Question: Un instant. Sur mon écran, on ne voit pratiquement rien, je ne
15 sais pas si c'est le cas pour le vôtre.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Je pense qu'il y a trop de luminosité, la régie pourra sans
18 doute nous aider.
19 Réponse: Oui, c'est mieux.
20 Question: Vous pourrez nous indiquer ces villages?
21 Réponse: Je crois que cela se passe de commentaires. Vous voyez les
22 villages qui sont en train de brûler. Là, nous regardons la vallée de Suva
23 Reka et vous voyez plusieurs villages en feu à gauche et au milieu de
24 l'image. Voici une des maisons. Ces clichés ont été pris plus tard dans la
25 journée, nous avons pu voir qu'il y avait aussi des rafales d'obus.
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1 Question: Qu'est-ce que l'on voit ici?
2 Réponse: Ici, c'est le lendemain...
3 Question: Un instant, s'il vous plaît. Nous allons revenir à cet extrait
4 vidéo dans un instant. Mais pour le moment, parlons de ce que nous avons
5 déjà vu. Vous dites qu'il n'est pas nécessaire d'apporter des explications
6 quand on voit ces villages en feu. Mais quelle a été votre première
7 impression si l'on pense à l'importance des destructions qui se
8 produisaient?
9 Réponse: C'étaient des destructions considérables. J'ai fait un décompte
10 ce jour-là: je crois qu'il y avait seize villages en feu. J'ajouterai que
11 nous avons pu voir dans la vallée quelquefois des camions remorques.
12 Je pense qu'il serait peut-être utile de montrer la carte, Messieurs les
13 Juges, je pourrais peut-être vous montrer cet endroit.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 Nous avons vu plusieurs camions remorques qui se dirigeaient vers les
16 villages. Mon impression, moi, je me trouve à peu près ici, près du
17 village de Pecane. D'après nos calculs, les canons qui tiraient se
18 trouvaient ici, sur les hauteurs, dans la zone de Bllace, et nous
19 regardions les villages de Budakovo -qui se trouve ici- jusqu'à Vranicqui
20 se trouve ici sur la carte. Macitevo, le voici, et Krushicë, Gornje
21 Krushicë -Krushe le Haut se trouve ici- et Donje aussi. Tous ces villages
22 étaient en feu, étaient la cible de bombardements et avaient été
23 incendiés.
24 Les camions que nous avons vus, eux, se trouvaient dans cette zone-ci sur
25 la route principale entre Prizren et Pristina. Certains se dirigeaient ici
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1 sur ces hauteurs par cette petite route, d'après ce que j'ai pu en juger.
2 Et je dois vous dire que ma conclusion, et celle de l'ambassadeur
3 britannique aussi d'ailleurs, c'était que c'étaient des tirs tout à fait
4 aveugles qui ne correspondaient pas à la technique des cibles militaires.
5 C'étaient des tirs systématiques et d'une nature qui visait à terroriser
6 ou à chasser de chez eux les habitants civils.
7 Pendant ma présence sur les lieux, l'ambassadeur britannique a établi une
8 liaison satellite, par téléphone, sur le capot de la Land-Rover, a
9 contacté le Foreign Office, et a dit que ceci était tout à fait contraire
10 aux engagements pris par le président d'alors -le président Milosevic- et
11 le gouvernement yougoslave, à savoir que ces attaques contre la population
12 civile tout à fait à l'aveuglette menées par l'armée yougoslave dans la
13 région de Drenica. L'engagement qui avait été donné, c'était que tout ceci
14 serait arrêté, serait interrompu ce jour-là ou la veille. Et j'ai entendu
15 l'ambassadeur dire au Foreign Office à Londres que tout ceci était
16 contraire aux engagements pris envers la communauté internationale, que
17 ces engagements ne s'étaient pas interrompus, mais qu'au contraire
18 s'étaient intensifiés et se poursuivaient dès lors non pas dans la région
19 de Drenica, mais maintenant s'étaient élargis à la région de Suva Reka.
20 Question: Merci. Le lendemain -nous avons déjà vu quelques images, nous
21 allons redemander la diffusion de ces images dans un instant-, mais ce
22 lendemain vous êtes retourné dans la région de Studencane?
23 Réponse: Il faudrait peut-être que je vous fasse un petit récit
24 auparavant.
25 Il y avait un mécanicien qui nous a montré que son atelier avait été
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1 détruit ainsi que sa maison. Nous avons discuté avec lui et il nous a dit
2 que, les quelques jours qui avaient précédé, le village de Studençani -qui
3 se trouve juste en dessous de l'endroit où nous nous trouvions au moment
4 de nos observations; oui, ici, dans cette zone-, eh bien, il avait reçu la
5 visite de Serbes.
6 Il a dit que c'étaient des Serbes. Je ne sais pas si c'était le MUP ou
7 l'armée; je suppose que c'était sans doute le MUP. Ces Serbes avaient dit
8 aux villageois qu'ils devaient livrer leurs armes le lendemain. Les
9 villageois ont dit n'avoir aucune arme. Cet homme nous a dit que des gens
10 étaient partis trouver des fonds, 10.000 marks, avait-il dit, pour acheter
11 des armes sur le marché noir.
12 Le villageois nous a informés du fait que la menace précise qui avait été
13 formulée, c'était qu'on allait incendier ces villages de la vallée, ce
14 jour-là, et que ceci se passerait ici pour leur village s'ils ne donnaient
15 pas ces armes.
16 L'ambassadeur, l'attaché militaire et moi-même, nous sommes descendus à
17 Suva Reka. Nous pensions que nous pourrions pénétrer dans cette région qui
18 avait été bombardée, mais nous avons été arrêtés, je pense, par des
19 éléments du MUP et nous avons pensé qu'il était temps de rentrer à
20 Pristina de façon à pouvoir rentrer avant le couvre-feu. Nous avons pris
21 une route de retour qui passait, je pense, par la vallée de Podgarusha,
22 qui va jusqu'à Malishevë.
23 Je reprends la carte: ici, cette route va jusqu'ici. Et puis, elle rejoint
24 la route principale allant de Pec à Pristina, pas loin de Kumerane. A ce
25 moment-là, nous avons vu un grand convoi armé, qui se composait, dirais-
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1 je, de quelque vingt chars T55 et d'autres véhicules blindés qui sortaient
2 de la région de Drenica, au nord de cette route, et se dirigeaient, avons-
3 nous pensé, vers le théâtre d'opération de Suva Reka.
4 Ce soir-là, nous sommes rentrés à Pristina et nous avons pensé qu'il était
5 nécessaire de repartir dans la région, le lendemain, pour poursuivre nos
6 observations. L'ambassadeur, lui, devait rentrer à Belgrade. Mais moi,
7 j'ai rencontré le chef du HCR, M. Morton Morris, et nous avons prévu de
8 partir le lendemain à l'aube pour repartir sur cette zone des opérations
9 le plus vite possible.
10 C'est ce que nous avons fait. Le lendemain matin, nous sommes arrivés dans
11 la zone de Studençani vers 8 heures 30, dirais-je, puisque nous étions
12 partis très tôt. Les villages étaient toujours en flammes. D'ailleurs, il
13 y en avait plus, à ce moment-là, davantage que le jour précédent.
14 M. Nice (interprétation): Quel était le pourcentage des maisons détruites?
15 Est-ce que ceci correspondait à vos observations, vu de loin?
16 Lord Ashdown (interprétation): Je n'ai pas pu entrer dans les villages.
17 Nous avons essayé de le faire, mais nous n'y sommes pas parvenus.
18 Permettez-moi d'expliquer comment cela s'est passé. Je pense qu'il est
19 nécessaire que les Juges sachent ce qui s'est passé précédemment.
20 Permettez-moi de le faire, Monsieur le Président.
21 Nous sommes arrivés dans ce village de Studençani, où nous avons rencontré
22 les sages du village, des hommes qui avaient 70, 80 ans. Nous leur avons
23 parlé de cette histoire que nous avions entendue, portant sur les armes.
24 Ces hommes, une fois de plus, nous ont relaté comment ils avaient reçu la
25 visite de ces hommes qui leur avaient donné un ultimatum, allant jusqu'à
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1 midi, ce jour-là. Et puis, après avoir discuté, ils ont accepté de nous
2 montrer les armes qu'ils avaient achetées. Ils nous ont amenés dans une
3 maison, à l'étage, et nous ont montré une série d'armes qu'ils devaient
4 remettre aux autorités serbes, ce jour-là.
5 Ce n'étaient pas du tout des armes dissimulées; elles étaient dans une
6 armoire. Elles n'étaient pas utilisées, je les ai inspectées. Certaines de
7 ces armes auraient pu servir tout de suite, mais, pour bon nombre d'entre
8 elles, elles étaient à ce point rouillées qu'elles étaient inutilisables.
9 Il y avait quelques grenades à main qui étaient prêtes à être utilisées,
10 mais qui étaient aussi très rouillées et qui étaient dans une situation
11 très instable. J'ai conseillé que ces grenades soient livrées le plus vite
12 possible.
13 M. le Président (interprétation): Pour que nous puissions vous suivre,
14 éclaircissez ce point: ces hommes disaient que les autorités serbes ou que
15 quelqu'un leur avait dit d'acheter des armes?
16 Lord Ashdown (interprétation): Non. Non, non, Monsieur le Président. On
17 leur avait dit qu'ils devaient livrer leurs armes à un moment précis, à
18 midi ce jour-là, et que, s'ils ne le faisaient pas, leur village allait
19 subir le même traitement que les villages environnants. Ces hommes ont
20 affirmé n'avoir aucune arme dans le village -c'est ce qu'ils ont affirmé-
21 et qu'ils ont rassemblé 10.000 marks et qu'ils étaient allés chercher des
22 armes sur le marché noir.
23 M. le Président (interprétation): Donc ils ont fait cela de leur propre
24 décision?
25 Lord Ashdown (interprétation): Ils s'étaient dit que, si les Serbes
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1 voyaient qu'ils n'avaient pas d'armes au moment de leur retour, ils
2 allaient réserver le même traitement à leur village. Difficile de savoir
3 si c'était vrai. Je peux dire que ce n'étaient pas des armes utilisées par
4 l'UCK, dans aucun de leurs villages.
5 Ils avaient dit que la routine, c'était que les Serbes -c'était comme cela
6 qu'ils les ont décrits- descendaient dans le village, exigeaient les armes
7 en vertu de l'ultimatum et menaçaient de mettre le feu aux maisons. Ces
8 hommes nous ont dit qu'ils étaient allés chercher de l'argent, qu'ils
9 avaient rassemblé dans le village, avaient acheté ces armes sur le marché
10 noir, avaient remis ces armes aux autorités serbes et que ces armes
11 étaient reparties sur le marché noir, de façon à ce que les autres
12 villageois, d'un autre village, aient des armes à acheter.
13 C'est comme ça que la circulation se faisait. C'est ce que je disais quand
14 je parlais de mouvement circulaire, mais je ne sais pas si c'était vrai.
15 Je ne peux pas savoir s'il y avait intervention de forces de l'UCK de
16 façon efficace.
17 Tout ce que je peux dire, c'est que 30 ou 40% des armes que j'ai vues qui
18 n'étaient pas du tout cachées, et qu'ils étaient prêts à fournir. Eh bien,
19 nous avons d'ailleurs recommandé qu'elles soient remises. Que seulement 30
20 ou 40% de ces armes auraient pu utilisées, que beaucoup se trouvaient dans
21 un état tout à fait précaire. Permettez-moi de poursuivre ce récit parce
22 c'est important.
23 A la suite de cela, nous avons essayé de pénétrer dans la région qui était
24 bombardée par les Serbes, et là où il y avait des villages en feu. Nous
25 sommes passés sur la route principale allant de Suva Reka à Prizren, ici.
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1 Et on nous a arrêtés presque immédiatement. Il y avait un point de
2 contrôle tenu par la police, par le MUP qui nous a donné l'ordre d'aller à
3 Prizren. Nous ne l'avons pas fait. Nous nous sommes dit qu'il était plus
4 important de voir de nos propres yeux ce qui se passait dans la région;
5 c'est la raison pour laquelle nous avons poursuivi notre chemin, et nous
6 avons pris un virage juste avant le village de Shopinë qui se trouve ici.
7 Et d'après mes estimations, nous avons suivi des pistes pour aller vers le
8 village de Shopinë qui se trouve ici.
9 C'est là que nous avons trouvé un convoi tout à fait effroyable. C'était
10 des réfugiés -les images vidéo vous montreront ce que nous avons vu- qui
11 étaient à l'arrière de remorques, qui se cachaient, qui essayaient de se
12 protéger sous des bâches de plastique. Quelques hommes âgés, des femmes,
13 des enfants, même des bébés. Une femme qui était sur le point d'accoucher.
14 Et ils étaient tous rassemblés vraiment sous la pluie drue. Et qui se
15 trouvaient à l'arrière de tracteurs, qui avaient été éjectés de chez eux.
16 M. Nice (interprétation): Nous avons déjà vu ces images.
17 M. Robinson (interprétation): J'aimerais que Lord Ashdown nous dise ceci.
18 Vous avez dit que vous n'avez eu aucun moyen de vérifier l'authenticité de
19 ce récit, récit selon lequel ils auraient été acheter des armes pour
20 répondre aux injonctions des Serbes. Mais vu les circonstances, est-ce
21 que, d'après vous, c'était une histoire crédible?
22 Lord Ashdown (interprétation): Mais ça cadrait avec d'autres récits que
23 nous avions entendus du même genre, et je dois vous dire que moi j'y ai
24 prêté foi. Or je ne dirai pas qu'il n'y avait d'autres unités qui étaient
25 en opération et qui effectuaient des opérations militaires mais il y a
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1 trois facteurs qui ont fait foi à ses propos.
2 D'abord parce que ces armes n'étaient pas du tout cachées. Ce ne sont pas
3 des armes qui, pour ainsi dire, étaient dissimulées des yeux de qui que ce
4 soit. Non, elles se trouvaient dans une armoire, dans une maison du
5 village.
6 Deuxième facteur: ces armes, en tant que telles, soient étaient
7 enveloppées dans du papier, ne montraient pas de signe d'utilisation, ou
8 étaient à ce point rouillées qu'elles n'étaient plus utilisables. Et ceci
9 me portait à croire que c'étaient des armes qui auraient pu,
10 effectivement, passer d'une personne à l'autre, comme on me l'a décrit.
11 Troisième facteur: ce n'était pas du tout des armes qui étaient déployées
12 de façon à être immédiatement utilisables. Elles n'étaient pas déployées
13 en formation militaire ni aux mains de qui que ce soit.
14 M. Robinson (interprétation): Merci.
15 M. Nice (interprétation): (Inaudible.)
16 M. Robinson (interprétation): Le micro n'était pas branché.
17 M. Nice (interprétation): Est-ce que vous avez entendu ce type de récit
18 uniquement eu égard à ce village mais aussi par rapport à d'autres
19 villages?
20 Lord Ashdown (interprétation): Non, je pense que c'était une histoire
21 qu'on entendait assez couramment s'agissant de ce qui se passait dans ces
22 villages.
23 Question: Revenons aux images vidéo parce qu'on a vu une maison en proie
24 aux flammes. Maintenant, on va reprendre le fil des images, on va demander
25 à la régie de commencer sous peu.
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1 Là, vous parliez d'une femme dans la… Ah! Une femme dans la rue. Mais est-
2 ce que vous vous souvenez de l'endroit où se trouvait cette maison? Peu
3 importe. Bon, c'est une maison en feu mais où se trouvait-elle
4 Réponse: Je ne me souviens pas. J'en ai vu tellement ce jour-là que je ne
5 peux pas vous dire où celle-ci se trouvait.
6 Question: Il faudra reprendre le fil des images. Où nous trouvions-nous?
7 Réponse: Difficile de vous le dire. Du moins sur la carte parce qu'elle
8 est à grande échelle. Mais d'après moi, cela se trouvait dans la zone de
9 Shopinë. Nous sommes arrivés dans ce village. Nous avons vu de loin ce
10 convoi, nous nous en sommes approchés. C'était un convoi de femmes,
11 d'enfants, de bébés, à l'arrière de tracteurs. Il y avait quelques hommes,
12 vous pouvez le voir, aux alentours. Et on nous a dit que ces gens avaient
13 été chassés des autres villages, qu'ils avaient un ultimatum pour ce
14 faire, et on leur avait dit que s'ils ne partaient pas, ils allaient être
15 bombardés. Ils avaient quitté leurs villages au moment où le bombardement
16 avait commencé. Ils nous ont dit avoir été expulsés, chassés du fait de
17 ces bombardements dans la vallée vers le village de Shopinë, et qu'ils
18 venaient juste de recevoir des informations selon lesquelles ce village-là
19 aussi allait être bombardé, et ils essayaient désespérément de s'échapper,
20 de partir de la vallée. Et ils nous ont suppliés de les escorter jusqu'à
21 la vallée.
22 Question: Laissons défiler les autres images.
23 (Diffusion de la vidéo.)
24 Est-ce que ceci vous rappelle quelque chose?
25 Réponse: Oui. Difficile de ne pas trouver ces moments très éprouvants.
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1 Cette femme, ici, elle protège un petit enfant, un bébé qui est encore
2 allaité. Vous voyez ces femmes, la pluie battait.
3 Et ici, je parle à l'interprète. Grâce à elle, je peux parler à ces
4 personnes qui étaient vraiment très effrayées, tout à fait paniquées.
5 C'était vraiment un moment très difficile, très éprouvant.
6 Je pense que les autres images n'ont pas besoin d'être commentées.
7 Permettez-moi d'ajouter ceci. Vous l'entendez par la bande son, ces
8 personnes étaient catégoriques, elles avaient quitté leur village à cause
9 des bombardements. Ils ont dit qu'en règle générale il y avait des menaces
10 d'abord, puis il y avait les bombardements, et puis comme ils nous l'ont
11 décrit -ainsi que d'autres témoins plus tard, et toujours les descriptions
12 étaient les mêmes-, après les bombardements les forces serbes pénétraient
13 dans le village. Je ne sais pas si c'était l'armée yougoslave ou l'armée
14 serbe. Et puis d'abord, il y avait le pillage des maisons. Les camions-
15 remorques que nous avons vus correspondaient bien à ce récit. Il y avait
16 pillage systématique des maisons, tous les biens en étaient vidés et
17 montés à bord de ces gros camions-remorques. Et puis des groupes de
18 soldats arrivaient pour incendier les maisons.
19 Voici un autre groupe de quatre ou cinq personnes. Vous avez ces personnes
20 tout à fait paniquées qui ne savaient plus ce qui se passait du fait de la
21 peur, et qui étaient en train de s'échapper de la menace d'autres
22 bombardements.
23 Question: A la suite de la visite que vous avez effectuée dans cette
24 région, dans la zone de Shopinë, est-ce que, je pense ce même jour, vous
25 vous êtes rendu à Belgrade?
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1 Réponse: Tout à fait. Mais permettez-moi de dire tout d'abord que nous
2 avons essayé de pénétrer davantage dans cette région, puisque nous avions
3 veillé à ce que ces réfugiés soient placés en lieu sûr. Par la suite, nous
4 nous sommes arrêtés un peu plus loin sur cette route de Shopinë, à un
5 point de contrôle tenu par l'armée en uniforme bleu -c'étaient sans doute
6 des gens du MUP-; ils ont été très corrects, mais ils ont insisté, de
7 façon catégorique, pour que nous quittions immédiatement la région.
8 Question: Pour quelle raison?
9 Réponse: Pour des raisons de sécurité. Ils disaient qu'il y avait des
10 actions terroristes. Ils insistaient pour que nous partions. Moi, je
11 tenais à poursuivre la route. Plus tard, j'ai appris que, vers le moment
12 où nous nous trouvions à cet endroit, dans le village de Vranic, qui est
13 tout près -je vais peut-être vous le montrer ici, sur la carte: ici, c'est
14 ce village-ci-, et là, il y avait, pratiquement au même moment un massacre
15 de villageois, qui se produisait donc pratiquement au même moment où nous
16 étions là.
17 Mais on n'avait pas le choix, ne serait-ce que du fait que nous avions
18 avec nous des interprètes albanais qui faisaient l'objet de menaces. Donc
19 nous sommes partis vers Suva Reka et, ce faisant nous sommes repassés par
20 la vallée de Podgerusha et retournés à Pristina. Mais en route, Morgan
21 Morris, le responsable du HCR, m'a emmené voir un groupe de quelque 5 ou
22 600 réfugiés qu'il avait trouvés dans la forêt. Ces gens vivaient dans la
23 forêt; nous les avons rencontrés. Ils avaient été chassés de leurs
24 villages, lors d'opérations qui avaient eu lieu auparavant, et ces
25 villageois nous disaient avoir déjà passé six semaines dans la forêt. On
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1 ne les avait trouvés que de façon récente et clandestine par Morris. Ils
2 n'avaient pas de nourriture; c'étaient des personnes âgées et des enfants
3 qui vivaient de baies qu'ils trouvaient dans la forêt. Moi, j'ai pris un
4 sac de baies et je leur ai dit que j'allais les présenter à Milosevic le
5 lendemain pour montrer ce dont ils se nourrissaient.
6 Nous avons poursuivi notre route vers Pristina et je suis parti
7 immédiatement vers Belgrade, car je savais que j'allais rencontrer
8 Milosevic le lendemain. Nous nous trouvions à 11 heures 30 ce soir-là à
9 Belgrade.
10 Question: Parlons du rapport que vous avez préparé après cette visite,
11 mais un peu plus tard, car votre rapport couvre tous les événements.
12 Mais pendant la nuit, vous et l'ambassadeur Donnelly, vous avez cherché
13 des avis juridiques?
14 Réponse: C'est exact. L'ambassadeur Donnelly a pu discuter avec des
15 spécialistes et nous avons discuté de ce que nous avions vu. J'ajoute que
16 lui, l'ambassadeur, était rentré à Belgrade la veille; donc ce deuxième
17 jour, il n'était pas avec nous: il était allé voir le Président Milosevic
18 qui lui avait dit que tout ceci ne se produisait pas, alors que
19 l'ambassadeur a insisté sur le fait que oui, ces actions avaient bien
20 lieu. L'ambassadeur a cherché l'avis de spécialistes qui lui ont dit que
21 ceci était en violation flagrante du droit humanitaire international et
22 des Conventions de Genève.
23 Question: Vous avez une copie de ce document. Vous êtes un homme
24 politique, mais vous n'êtes pas un juriste vous-même. Donc vous avez une
25 copie de cette convention?
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1 Réponse: Oui. Et j'ajouterai que j'ai eu beaucoup de peine à me souvenir
2 exactement de la nature de ce document. Nous avons apporté des notes et
3 puis nous avons été voir le Président Milosevic. Grâce à mes notes, j'ai
4 essayé de me souvenir de ce que représentait ce document.
5 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il est préférable de voir ce
6 document. Nous allons peut-être en demander le versement au dossier de
7 l'audience.
8 (Intervention de l'huissier.)
9 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce d'accusation 75.
10 M. Nice (interprétation): Merci.
11 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.
12 Mme Ameerali (interprétation): Et la cassette vidéo portera la cote P76.
13 M. Nice (interprétation): Merci. Pourrions-nous poser sur le
14 rétroprojecteur une copie de ce document afin que les personnes se
15 trouvant dans la galerie puissent le voir?
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Je ne sais pas si c'est le document en question ou pas, mais en tout cas
18 celui-ci, c'est le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12
19 août 1949, portant sur la protection des victimes de conflits armés non
20 internationaux.
21 Lord Ashdown (interprétation): Permettez-moi de vous interrompre un
22 instant.
23 Je suis assez embarrassé parce que j'ai essayé vraiment de dire tout ce
24 que je savais à M. Nice, mais j'ai examiné mes notes hier soir: je me suis
25 toujours demandé si c'était bien de ce document que nous avions discuté
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1 lorsque je suis allé voir M. Milosevic. Mais, à l'examen de mes notes,
2 hier soir, je peux vous dire de façon plus certaine quelle est la nature
3 de ce document. Et je suis pratiquement certain que je peux dire
4 exactement quel était ce document. Et, malheureusement, ce n'est pas
5 celui-ci.
6 Question: Fort bien. Ce n'est pas un problème du tout.
7 Réponse: J'ai le document ici avec moi, je peux vous le soumettre.
8 M. Nice (interprétation): Si vous nous le donnez, nous pourrons le faire
9 photocopier et nous allons peut-être demander le retrait de ce document.
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 Lord Ashdown (interprétation): Même si je ne suis pas un juriste, je peux
12 vous dire que le document que je vais vous présenter et dont je suis à peu
13 près certain que c'est le document dont j'ai discuté avec M. Milosevic, il
14 fait référence à celui-ci; en fait, il s'en inspire, il n'est donc pas
15 sans intérêt.
16 M. Nice (interprétation): Nous n'avons pas du tout discuté hier, mais est-
17 ce que je peux d'abord voir le document pour savoir ce qu'il est?
18 Réponse: En fait, ce sont les statuts fondateurs ce présent Tribunal,
19 Article 8.2 D) du Statut de ce Tribunal. C'est à cela que j'ai fait
20 référence.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 Question: Le document que vous nous fournissez porte des annotations
23 manuscrites: est-ce qu'il s'agit d'annotations que vous avez réalisées
24 hier?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Vous avez souligné un certain nombre de passages: ceci s'est
2 fait récemment?
3 Réponse: Oui, j'ai fait cela hier soir. En fait, cela correspond au
4 document annoté que j'avais sur moi lorsque je suis allé voir M.
5 Milosevic.
6 Question: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de verser au dossier le
7 Statut du Tribunal.
8 Veuillez remettre ce document à Lord Ashdown.
9 Donc vous nous dites que, vous basant sur les notes que vous avez prises à
10 l'époque, il s'agit du document que vous aviez avec vous lors de cette
11 réunion?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Ce document est public. A quelle partie vous êtes-vous
14 intéressés?
15 Réponse: C'est le document de juillet 1998, modifié en novembre 1998. Il
16 s'agit des Statuts du Tribunal. Moi, bien entendu, j'ai utilisé le
17 document original de juillet 1998.
18 Question: Mais examinons, s'il vous plaît, le passage que vous avez
19 examiné cette nuit après avoir consulté vos notes?
20 Réponse: L'Article 8: "Dans le cadre du Statut, les crimes de guerre
21 désignent les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août
22 1999, à savoir tout acte mené à l'encontre de personnes ou de biens
23 protégés par les dispositions des Conventions de Genève pertinentes". Et
24 ensuite, on souligne que cela comporte également la destruction et
25 l'appropriation de biens qui ne sont pas justifiées par les obligations
Page 2374
1 militaires et qui sont menées à bien de manière tout à fait aléatoire et
2 arbitraire.
3 M. Nice (interprétation): Merci.
4 M. le Président (interprétation): En fait, il s'agit de la Cour pénale
5 internationale.
6 M. Nice (interprétation): Je suis désolé.
7 M. le Président (interprétation): C'est ce que l'on voit en haut du
8 document.
9 M. Nice (interprétation): Dans ce cas, je pense qu'il faudra verser ce
10 document au dossier, et je pense qu'il vaudrait mieux que les Juges
11 disposent d'un exemplaire non annoté dudit document.
12 M. le Président (interprétation): Mais nous pouvons poursuivre pour
13 l'instant avec ce document.
14 Lord Ashdown (interprétation): Je vous prie de m'excuser de cette erreur.
15 Je ne suis pas avocat, je ne suis pas juriste, il m'a fallu un certain
16 temps pour retrouver le document pertinent.
17 M. Nice (interprétation): En ce qui concerne cette réunion maintenant,
18 nous rappelons aux Juges que vous avez eu le droit d'entrer dans le pays.
19 On savait que vous vous y déplaciez.
20 Lord Ashdown (interprétation): Oui, j'étais également porteur d'une lettre
21 de M. Blair. J'avais également apporté aux présidents de Macédoine et
22 d'Albanie des lettres de M. Blair.
23 Question: Votre rencontre avec l'accusé a eu lieu au palais présidentiel à
24 Belgrade. Cette réunion a duré à peu près combien de temps?
25 Réponse: A peu près une heure.
Page 2375
1 M. Nice (interprétation): Dans quelle langue s'est-elle déroulée?
2 Lord Ashdown (interprétation): Nous nous sommes entretenus en anglais,
3 nous étions en présence de l'ambassadeur britannique et il y avait -si je
4 me souviens bien et je l'ai noté-, il y avait quelqu'un qui a procédé à un
5 compte rendu pour M. Milosevic.
6 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, on vous demande de ralentir un
7 petit peu.
8 M. Nice (interprétation): Je suis désolé, je vais m'efforcer de le faire.
9 Parlons en premier lieu de cette lettre venant du Premier ministre. Est-ce
10 que vous avez remis cette lettre à l'accusé?
11 Lord Ashdown (interprétation): Oui. Oui, si je me souviens bien, c'était
12 même au début de la réunion.
13 M. Nice (interprétation): Je vais demander le versement au dossier de
14 ladite lettre.
15 M. le Président (interprétation): Peut-on connaître la date de cette
16 réunion?
17 M. Nice (interprétation): Oui, effectivement. A quelle date a eu lieu
18 cette réunion, Monsieur Ashdown?
19 Lord Ashdown (interprétation): Le 29 septembre.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction 75.
22 M. Nice (interprétation): Je vais demander à l'huissier de se tenir près
23 du rétroprojecteur afin de déplacer la lettre au fur et à mesure que j'en
24 donnerai lecture pour que tout le monde puisse la voir. Cette lettre est
25 datée du 24 septembre.
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1 "Monsieur le Président Milosevic, je vous ai écrit en juin afin de vous
2 faire part de mes inquiétudes au sujet de la situation au Kosovo. J'ai
3 fait appel à vous afin que vous preniez les mesures nécessaires pour
4 arriver à une solution pacifique de cet épineux problème.
5 J'ai continué à m'intéresser de près à l'évolution de la situation au
6 Kosovo, et je dois dire que j'ai été profondément troublé, déstabilisé par
7 la poursuite des hostilités ainsi que par l'aggravation de la crise
8 humanitaire. Comme je l'ai déjà dit dans ma précédente lettre, personne ne
9 vous dénie le droit de faire face à des problèmes de sécurité, mais une
10 utilisation excessive, une utilisation à l'aveugle de la force par vos
11 services de sécurité et par vos forces armées a des conséquences
12 intolérables sur les civils innocents qui sont contraints de quitter leur
13 foyer et dont les vies sont détruites. Des dizaines de milliers de
14 personnes risquent de passer l'hiver sans abris, et ceci, la communauté
15 internationale ne saurait l'ignorer.
16 Une résolution a été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies
17 le 23 septembre. Dans cette résolution, on souligne les préoccupations de
18 la communauté internationale au sujet de la catastrophe qui paraît
19 imminente sur le plan humanitaire au Kosovo. Et le Conseil de sécurité
20 s'inquiète également du manque de progrès vers une solution politique. Il
21 est nécessaire de mettre un terme immédiatement aux actes de violence qui
22 se déroulent sur place et de prendre des mesures rapides pour résoudre la
23 situation humanitaire. Avant tout, il convient que l'on progresse
24 rapidement vers un dialogue politique car c'est seulement en résolvant le
25 problème essentiel du statut du Kosovo que l'on pourra trouver une
Page 2377
1 solution durable à la crise humanitaire.
2 Je vous envoie le présent message par le biais de Paddy Ashdown. Je sais
3 qu'il partage mes inquiétudes et il va discuter de ces questions avec vous
4 après une visite dans la région. Je répète que la Grande-Bretagne et le
5 groupe de contact, de même que nos partenaires de l'Union européenne sont
6 prêts à travailler de concert avec vous dans le cadre de la recherche
7 d'une solution pacifique. Cependant, la solution actuelle est intolérable
8 et ne saurait perdurer.
9 Salutations, Tony Blair." (Fin de citation.)
10 Vous avez remis cette lettre à son destinataire. Vous souvenez-vous de la
11 manière dont l'accusé l'a reçue? Est-ce qu'il l'a lue? Est-ce qu'il l'a
12 parcourue?
13 Lord Ashdown (interprétation): Si je me souviens bien -mais il est
14 difficile de se souvenir de cela, c'était il y a quatre ans-, mais si je
15 me souviens bien, l'accusé a regardé la lettre, il l'a lue assez
16 rapidement, mais je pense qu'il l'a lue dans tous ces détails.
17 Question: Votre réunion a duré une heure et, en résumé, parce que c'est
18 tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la présente audience, je
19 souhaiterais que vous nous disiez si vous avez raconté à l'accusé ce que
20 vous aviez vu dans les jours qui ont précédé?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Comment lui avez-vous décrit la situation, de manière générale?
23 Réponse: Je lui ai dit que j'avais été le témoin de ce qu'on pouvait
24 uniquement décrire comme une action des principales unités de combat de
25 l'armée yougoslave, qui se livraient à des opérations punitives, à des
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1 opérations aveugles, dont l'objectif était de chasser des civils innocents
2 de leurs foyers. Et je lui ai dit que ceci ne pouvait s'expliquer par
3 aucune opération militaire ciblée quelle qu'elle soit.
4 Je lui ai dit que, pour moi, il s'agissait là d'actions qui étaient
5 illégales au vu du droit international, qu'il s'agissait d'opérations qui
6 étaient nuisibles à la réputation des Serbes et de leur nation et, d'autre
7 part, je lui ai expliqué que ce type d'actions ne saurait mener à rien et
8 aurait l'effet contraire de l'effet recherché.
9 Question: Quelle a été sa réaction à votre récit?
10 Réponse: En premier lieu, il a nié l'existence de toutes ces opérations,
11 mais je lui ai dit que moi, j'avais été sur place et que j'avais vu ces
12 choses-là, la veille, de mes propres yeux.
13 Question: Est-ce qu'il vous a donné une explication aux événements dont
14 vous aviez été témoin?
15 Réponse: Eh bien, en fait, il a reconnu qu'il était possible que ces
16 événements aient eu lieu, mais qu'il s'agissait en fait de l'action de
17 forces sur lesquelles il n'avait aucun contrôle et qu'il prendrait des
18 mesures afin de mettre un terme à ces actions immédiatement, et qu'il
19 ferait en sorte que toutes les personnes qui s'étaient rendues coupables
20 d'infractions au droit international en rendent des comptes.
21 Question: Vous aviez un document -nous venons d'en parler-, vous nous en
22 avez donné un exemplaire.
23 Je voudrais savoir comment vous avez abordé ces questions de droit sur
24 lesquelles vous aviez reçu des conseils pendant la nuit avec l'ambassadeur
25 Donnelly?
Page 2379
1 Réponse: Ici, une petite correction. J'ai noté la chose dans mon journal
2 ultérieurement. Et donc je peux vous dire que j'ai fait référence aux
3 Conventions de Genève, j'ai fait référence aux paragraphes que j'ai lus à
4 la Chambre et j'ai laissé le document à M. Milosevic. Ultérieurement, je
5 me suis entretenu avec l'ambassadeur Donnelly; il se souvient que j'ai
6 fait la première de ces deux choses, à savoir que j'ai fait référence aux
7 Conventions de Genève et que j'ai fait référence aux passages que je vous
8 ai montrés. Cependant, l'ambassadeur ne se souvient pas que j'ai laissé le
9 document sur place.
10 Question: Et est-ce qu'ultérieurement, vous avez constaté que le document
11 était toujours entre vos mains?
12 Réponse: J'avais un emploi du temps extrêmement chargé. Je ne me souviens
13 pas avoir gardé le document. Je ne me souviens pas être parti avec ce
14 document. En tout cas, je ne l'ai pas retrouvé depuis. Mais cela ne
15 signifie pas pour autant que la seule solution soit que j'aie laissé ce
16 document dans le bureau de M. Milosevic. En tout cas, c'est ce dont je me
17 souviens et c'est ce que j'ai inscrit dans mon journal, qui a été dicté
18 une heure et demie plus tard.
19 Je souhaiterais indiquer, Monsieur Nice, qu'en réponse à ma description
20 des événements, M. Milosevic -si je m'en souviens bien- m'a dit que ce qui
21 se passait, ce que je décrivais correspondait à des actions
22 antiterroristes et que son Etat avait le droit de lutter contre les
23 terroristes. Je lui ai répondu que c'était un droit effectivement, mais
24 qu'il ne s'agissait pas d'actions contre les terroristes.
25 Monsieur Milosevic m'a dit que je n'y connaissais rien en matière de
Page 2380
1 terrorisme. Je lui ai dit que moi-même, en fait, j'avais lutté à plusieurs
2 reprises contre les terroristes dans le cadre de quatre opérations, de
3 quatre campagnes; que j'avais perdu des amis très chers dans cette lutte
4 et que je savais très bien que ce genre d'actions n'aurait pas pour
5 finalité de se débarrasser des terroristes mais, au contraire, que cela
6 augmenterait le nombre d'actes terroristes.
7 Question: J'essaie de ralentir un petit peu.
8 Vous souvenez-vous de la nature du dialogue que vous avez eu avec l'accusé
9 au sujet des Conventions de Genève?
10 Réponse: Je me rappelle très bien que je lui ai dit que les actions qui
11 étaient entreprises par lui-même étaient des infractions patentes aux
12 Conventions de Genève. Comme je l'ai dit, j'ai déjà indiqué les passages
13 que j'ai évoqués lors de cette conversation. Et je lui ai dit que, à mon
14 avis, s'il poursuivait ce type d'opérations, il allait être susceptible
15 d'être inculpé pour "crimes de guerre", car il était personnellement
16 responsable de toute action qui se déroulerait après notre réunion et qui
17 continuerait à se dérouler après notre réunion.
18 M. Nice (interprétation): Vous nous avez expliqué que, la veille, vous
19 vous êtes rendu dans une forêt et que vous aviez promis aux personnes que
20 vous y aviez vues de parler à leur président, de lui donner quelque chose?
21 Lord Ashdown (interprétation): Je dois dire, et depuis je l'ai regretté,
22 je dois dire que je n'ai pas donné ce sac de baies à M. Milosevic. Je
23 l'avais avec moi, mais je ne le lui ai pas donné. J'ai estimé à ce moment-
24 là que ce serait une action quelque peu grossière de ma part.
25 Cependant, j'ai attiré son attention sur la situation des réfugiés. Je lui
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1 ai dit que c'était une honte, à mon avis, que le président d'un pays
2 puisse traiter les citoyens de ce pays, quelle que soit leur appartenance
3 ethnique, les femmes, les enfants, les hommes âgés, qu'il puisse les
4 traiter de cette manière. Je lui ai dit qu'à mon avis, avec l'approche de
5 l'hiver, on pouvait s'attendre à une véritable catastrophe humanitaire qui
6 prendrait des proportions immenses.
7 Monsieur Milosevic m'a dit qu'il estimait que le nombre de réfugiés dans
8 les forêts était un nombre fort limité. J'ai répondu qu'à mon avis,
9 d'après les meilleures estimations du HCR, des Nations Unies, on pouvait
10 estimer qu'il y avait quelque 20.000 personnes qui vivaient dans les bois,
11 dans les forêts du Kosovo et qui vivaient dans les mêmes conditions que
12 les personnes que j'avais rencontrées. Et je lui ai dit que, si l'on ne
13 nourrissait pas ces personnes, si on ne les hébergeait pas correctement,
14 il y aurait une catastrophe humanitaire.
15 M. le Président (interprétation): Laissez les interprètes en terminer de
16 leur interprétation avant de continuer.
17 M. Nice (interprétation): Veuillez poursuivre votre réponse, Monsieur le
18 Témoin.
19 Lord Ashdown (interprétation): Donc je lui ai dit que ceci, on pourrait
20 l'en rendre responsable.
21 Question: Encore deux choses au sujet de cette réunion.
22 Est-ce que vous avez, d'une manière ou d'une autre, évoqué la possibilité
23 d'intervention par la force de la Communauté internationale?
24 Réponse: Je l'ai dit de manière plus énergique que cela n'est exprimé dans
25 la lettre de M. Blair. Je lui ai dit que, si ces infractions graves, si
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1 ces infractions flagrantes au droit international se poursuivaient, la
2 Communauté internationale n'aurait d'autre solution que de tenter
3 d'intervenir sur place. Et je lui ai dit que, si le Président Milosevic,
4 titre qu'il portait alors, je lui ai dit que s'il sous-estimait la gravité
5 de la situation ou la détermination de la Communauté internationale à
6 préserver et à appliquer le droit international, je lui ai dit que s'il le
7 faisait, eh bien, ce serait une grossière erreur de jugement de sa part.
8 M. Nice (interprétation): Vous avez pris des notes relatives à cette
9 réunion dans votre journal et il serait peut-être judicieux de produire
10 l'extrait de votre journal correspondant à cette réunion. Je ne pense pas
11 disposer de suffisamment d'exemplaires; je vous les fournirai bientôt.
12 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, veuillez, s'il vous plaît, parler
13 dans le micro.
14 M. Nice (interprétation): Oui, je vous communiquerai ce document après la
15 pause au plus tard.
16 Mais en tout cas, vous avez extrait de votre journal un passage qui
17 correspond à la manière dont s'est terminé votre entretien avec le
18 président.
19 Lord Ashdown (interprétation): Oui, je l'ai effectivement. Je pourrais
20 essayer de le chercher, peut-être pourrais-je utiliser le document que
21 vous avez entre les mains, mais je pourrais vous dire la teneur de ce que
22 j'ai dit.
23 M. Nice (interprétation): Non, il vaut mieux que je vous donne le document
24 en question.
25 Lord Ashdown (interprétation): Je souhaiterais insister sur le fait que,
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1 dans mon journal, je ne donne pas le verbatim, je ne retranscris pas
2 exactement mot pour mot les conversations que j'ai eues. Je l'ai expliqué:
3 j'ai enregistré cette entrée de mon journal dans l'avion une heure et
4 demie après la fin de ma réunion, mais je peux cependant vous dire que,
5 s'il ne s'agit pas mot pour mot de ce que j'ai dit, cela correspond à la
6 teneur, cependant, de ce que j'ai dit.
7 Donc j'ai dit la chose suivante: "Monsieur le Président, je vous remercie
8 du temps que vous m'avez accordé et je vous remercie de m'avoir permis de
9 venir dans votre pays. Cependant, j'ai des paroles assez sévères à votre
10 encontre au sujet de ce que j'ai vu, mais j'aime le peuple serbe et je ne
11 pense pas que l'on puisse condamner une nation entière.
12 Je dois cependant vous dire que la communauté internationale prendra des
13 mesures si vous ne vous arrêtez pas. A mon avis, vous êtes en train de
14 mettre en oeuvre une politique qui ne mène à rien et vous allez entraîner…
15 A cause de vos actes, le nom du peuple serbe va être traîné dans la boue.
16 Je vous enjoins à mettre un terme à ces actions qui salissent la
17 réputation de votre pays." (Fin de citation.)
18 Je dois dire enfin que j'ai personnellement dit à M. Milosevic qu'il
19 serait responsable de toute poursuite des actes entrepris et de cette
20 politique, que cela entraînerait forcément sa mise en accusation devant ce
21 Tribunal.
22 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction n°77.
23 M. Nice (interprétation): Nous allons maintenant nous pencher sur la pièce
24 à conviction suivante: il s'agit de votre rapport, ou plutôt d'un extrait
25 du rapport que vous avez produit suite à cette visite.
Page 2384
1 (Intervention de l'huissier.)
2 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de
3 l'accusation n°78.
4 Lord Ashdown (interprétation): Je pense qu'il est utile de signaler qu'il
5 s'agit là d'un extrait qui correspond à l'extrait publié dans mon livre et
6 que la raison pour laquelle je n'ai pas reproduit la totalité du rapport,
7 c'était que les personnes qui se sont occupées de la préparation de mon
8 livre ont estimé que le reste du rapport ne présentait pas d'intérêt.
9 M. Nice (interprétation): Merci de cette précision.
10 On peut lire la chose suivante -je cite-: "Pendant que je me trouvais sur
11 place, l'armée yougoslave mettait un terme à ses opérations dans la zone
12 de Drenica et se déplaçait dans la région de Suva Reka, au sud-est de
13 Pristina. Le président Milosevic m'a dit que les opérations avaient pris
14 fin. Je lui ai répondu que ce n'était pas le cas, vu ce que j'avais pu
15 constater par moi-même. Cependant, étant donné que les principaux
16 objectifs yougoslaves avaient été atteints, j'imagine que les opérations
17 yougoslaves vont prendre fin très bientôt et que les principales unités
18 vont retrouver leurs casernes pour ne pas donner d'excuse à l'OTAN pour
19 intervenir." (Fin de citation.)
20 C'était votre opinion à l'époque?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et sous le titre "Que devrons-nous faire?", on peut lire la
23 chose suivante: "Actions militaires". Vous estimiez donc -je cite- que "la
24 présence de troupes sur le terrain à ce stade ne serait pas possible"?
25 Réponse: Oui, parce qu'il y avait à l'époque beaucoup de discussions, en
Page 2385
1 public et en privé, à ce sujet. Et je pensais qu'à ce moment-là, ce
2 n'était pas une solution viable.
3 Question: "Mais ils seront nécessaires pour garantir un cessez-le-feu et
4 procéder à la surveillance d'une phase de transition envisagée par
5 l'ambassadeur Hill"?
6 Réponse: C'est exact.
7 Question: "Avec l'arrivée de l'hiver et le retour des forces yougoslaves
8 dans leurs casernes, il est pratiquement trop tard pour faire appel à
9 l'aviation. Cependant, l'option aérienne doit être maintenue et pourrait
10 être mise en oeuvre d'un jour à l'autre si Milosevic ne met pas un terme à
11 ses opérations ou s'il continue à utiliser une force exceptionnelle, une
12 force excessive. En temps utile, ceci va forcément se produire".
13 Qu'entendiez-vous par là?
14 Réponse: Eh bien, moi, je pensais que les actions des forces yougoslaves
15 allaient entraîner une réaction encore plus agressive de la part de l'UCK.
16 Mais contrairement à M. Milosevic, à ce qu'il a dit, je pensais que l'UCK
17 allait revenir en force. Et moi, je pensais que cela allait de nouveau
18 entraîner de la part de M. Milosevic l'utilisation d'une force excessive
19 et je pensais que c'était ce qui allait se produire.
20 Question: Vous l'expliquez dans la phrase suivante?
21 Réponse: Oui, c'est effectivement ce qui s'est produit.
22 Question: Je cite: "L'UCK n'est pas partie. Il est probable qu'ils vont
23 venir réoccuper le terrain qu'ils avaient perdu et il est certain qu'ils
24 vont reprendre des actions offensives. Il convient d'assurer un accès
25 rapidement et sans limite aux agences, aux organismes d'aide des Nations
Page 2386
1 Unies ainsi qu'à tous les observateurs pour aider les personnes déplacées.
2 J'ai été arrêté par la police serbe en compagnie de représentants du HCR
3 des Nations Unies, ainsi qu'un représentant de l'ambassade britannique.
4 J'ai été empêché donc par la police serbe de rencontrer 18.000 personnes
5 déplacées qui se trouvaient au milieu d'une zone de bataille, "pour ma
6 propre sécurité", entre guillemets". C'est ce que vous nous avez dit tout
7 à l'heure?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Poursuite de la lecture: "Il n'est pas possible de permettre la
10 poursuite de cette situation. Il convient d'apporter une aide humanitaire
11 à ces personnes pour qu'elles puissent rentrer dans leurs foyers aussi
12 rapidement que possible. Il faudra mettre en oeuvre des ressources
13 importantes pour que ces maisons puissent être de nouveau habitables et
14 que l'on puisse les chauffer. Puisque dans la plupart des régions du
15 Kosovo occidental, on n'a pas pu procéder aux récoltes et que les Serbes
16 ont délibérément ciblé les réserves en céréales, il est probable qu'il y
17 aura des problèmes d'approvisionnement alimentaire pendant l'hiver."
18 Ensuite, le plan Hill": de quoi s'agit il?
19 Réponse: Il s'agissait d'un plan qui était envisagé par l'ambassadeur Hill
20 pour essayer de trouver une résolution pacifique à la crise du Kosovo et,
21 comme vous le voyez, je recommande, dans ce rapport, l'application de ce
22 plan. J'estime que c'est une solution très réaliste et qu'il convient de
23 la mettre en oeuvre.
24 Question: Je poursuis la lecture de ce paragraphe: "Le plan Hill est la
25 seule proposition réaliste actuellement sur la table. Il conviendra d'y
Page 2387
1 apporter certaines corrections pour prendre une position intermédiaire
2 entre les Serbes et les Albanais, mais il convient de soutenir ce plan. Il
3 n'est pas possible de répéter l'exercice de Dayton où l'on verrait les
4 protagonistes essayer de trouver leur solution pendant que l'ouest leur
5 fournirait l'occasion de se rencontrer. Cette fois-ci, l'Occident doit
6 présenter son propre plan et donner des encouragements et faire des
7 menaces pour que ce plan soit accepté par les parties en présence. Il faut
8 qu'il y ait un cessez-le-feu, une période de transition, une plus grande
9 autonomie pour le Kosovo, en suivant l'idée d'une troisième République. Il
10 faut qu'il y ait également un cadre solide et un cadre applicable pour
11 protéger les droits des minorités; dans ce cas, il s'agira de la
12 population serbe du Kosovo. Nous ne pouvons pas exclure, nous ne devrions
13 pas exclure l'indépendance totale du Kosovo en tant qu'objectif ultime,
14 même s'il n'est pas encore possible d'envisager les circonstances dans
15 lesquelles il serait sage ou il serait sûr d'arriver à cet objectif. (Fin
16 de citation.)
17 Ici, j'aimerais que vous développiez ces opinions: est-ce que cela
18 correspond à ce que vous aviez vu et à ce que vous avez ressenti suite à
19 ce que vous aviez vu?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Je vais faire référence ensuite au paragraphe suivant,
22 rapidement -je cite-: "Le Kosovo, ce n'est pas un problème yougoslave,
23 c'est un problème régional. Il faudra y trouver une solution régionale. Il
24 sera inutile d'arriver à une stabilisation de la situation au Kosovo si
25 surtout l'Albanie mais également la Macédoine restent dans une situation
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1 toujours aussi précaire. Il est important de prendre des actions, des
2 mesures pour soutenir le gouvernement albanais contre les méfaits de
3 Berisha".
4 Réponse: Samir Berisha.
5 Question: Poursuite de la lecture: "En particulier, pour permettre à
6 Tirana de retrouver le contrôle de la zone frontalière de Tropoje qui est
7 une zone contrôlée par Berisha et qui est une zone empruntée par l'UCK
8 pour s'approvisionner en armes. Reprendre le contrôle de cette zone
9 permettrait de diminuer le pouvoir exercé par Berisha et nous donnerait
10 une grande marge de manœuvre et un plus grand pouvoir sur l'UCK".
11 C'est la région à laquelle vous avez fait référence, hier, en disant que
12 c'était une zone sans foi ni loi, où passaient des trafics d'armes?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Votre rapport se termine de la façon suivante -je cite-: "Les
15 procès de La Haye ont eu un effet considérable sur les dirigeants serbes.
16 S'il est maintenant trop tard pour faire appel aux sanctions militaires
17 contre les Serbes, au vu de leurs actions les plus récentes, à ce moment-
18 là, la Grande-Bretagne devrait se tourner vers le Tribunal international
19 pour enquêter sur les dernières opérations serbes à Drenica et à Suva Reka
20 et, si cela est nécessaire, pour prendre des actions contre les coupables
21 en l'espèce. J'estime que cela aurait un effet considérable aussi bien sur
22 les commandants militaires locaux que sur leurs maîtres politiques à
23 Belgrade. Et cela les ferait réfléchir à deux fois avant de recommencer ce
24 type d'opérations."
25 Le principal, mais très rapidement, c'est la visite de suivi entre le 12
Page 2389
1 et le 17 décembre 1998. A l'occasion de cette visite, est-ce que vous êtes
2 allé dans certains des villages que vous avez vus en train d'être attaqués
3 lorsque vous étiez avec vos jumelles?
4 Réponse: Oui. En particulier, je tenais à revoir le village de Vranic,
5 dont j'ai déjà parlé, et revoir le lieu où se serait produit ce massacre.
6 Je crois que je me suis rendu dans trois ou quatre des villages que
7 j'avais vus en train d'être bombardés.
8 Question: Et lorsque vous avez vu les dégâts, qu'avez-vous pensé?
9 Réponse: Je m'étais attendu à voir des villages réduits en cendres; c'est
10 ce que j'avais vu auparavant. Lorsque vous avez vu les images vidéo, vous
11 avez compris pourquoi cela avait été mon impression. Mais ce que j'ai
12 découvert à l'occasion de cette visite, c'est que, même s'il y avait des
13 dégâts considérables causés à plusieurs maisons, on estime que jusqu'à 50
14 ou 70% des maisons avaient été incendiées dans certains de ces villages.
15 En fait, c'étaient des maisons individuelles, qui avaient été ciblées
16 délibérément par les éléments qui avaient pénétré dans ces villages et on
17 m'a dit que ces maisons étaient des maisons qui avaient déjà été désignées
18 précédemment comme étant des maisons où, soi-disant, il y avait des
19 sympathisants de l'UCK ou des gens qui, de l'avis du gouvernement
20 yougoslave, devaient subir des représailles. Quant aux maisons elles-
21 mêmes, elles avaient été incendiées avec intention criminelle. Et il y
22 avait aussi des traces de tirs à l'aveugle, qui étaient tout à fait
23 manifestes et qui avaient eu pour objet patent de chasser la population.
24 Question: Répondez par oui ou par non à ceci: je pense que, sans doute le
25 jeudi 17, vous avez rendu visite à Miroslav Sainovic?
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1 Réponse: Je crois que c'est Nikola Sainovic; je crois qu'il y a une
2 erreur.
3 Question: C'est exact. Effectivement, cette erreur se trouve dans le
4 document original. Merci de l'avoir corrigée.
5 Il était à l'époque le vice-Premier ministre?
6 Réponse: C'est exact.
7 Question: Et vous vous êtes fait un avis à son propos, ce que vous avez
8 consigné dans votre déclaration?
9 Réponse: Rappelez-moi ce que j'ai dit dans cette déclaration, parce que je
10 ne m'en souviens pas.
11 M. Nice (interprétation): Je ne vais pas le faire: des questions peuvent
12 vous être posées si tel est le souhait des personnes qui veulent poser des
13 questions.
14 Il y aura peut-être nécessité de verser une version intégrale de cette
15 rubrique du journal de ce Témoin, s'agissant de la réunion avec l'accusé.
16 Mais ce sera tout, Monsieur le Président, à part cela.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
18 (Contre-interrogatoire du Témoin, Lord Jeremy John Ashdown, par l'accusé,
19 M. Milosevic.)
20 M. Milosevic (interprétation): Considérez-vous que tout un chacun qui est
21 responsable de crime de guerre...
22 Lord Ashdown (interprétation): Est-ce que l'on pourrait me donner la
23 traduction, car j'étais toujours sur le canal français.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 Question: Considérez-vous que tout un chacun qui est responsable des
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1 crimes de guerre doit répondre de cela?
2 Lord Ashdown (interprétation): Il revient à la Chambre d'en juger. Je suis
3 contre tous les crimes de guerre et je crois que tous ceux qui s'en
4 rendent coupables doivent être passibles d'être traduits en justice. Et si
5 les tribunaux le jugent approprié, il faut qu'ils soient soumis à des
6 procédures judiciaires.
7 Question: Où que ce soit dans le monde ou en Yougoslavie seulement?
8 Réponse: Il y a un statut juridique qui exige de chacun qui a souscrit en
9 droits internationaux qu'il soit passible d'être traduit en justice ou
10 qu'il y ait des enquêtes menées contre eux.
11 Question: La question que je vous pose concerne votre avis personnel et
12 non une interprétation juridique. Vous êtes un homme politique, un
13 diplomate, un militaire de carrière, c'est ce que l'on voit dans votre CV.
14 Donc considérez-vous que ceux qui ont commis des crimes de guerre doivent
15 répondre de leurs actes?
16 Réponse: Tout à fait, c'est ce que je viens de vous dire, je réponds par
17 oui.
18 Question: Bien. Mais la question que je vous pose est la suivante: partout
19 dans le monde ou uniquement en Yougoslavie?
20 Réponse: Partout, partout où il y a le droit international qui doit être
21 mis en oeuvre.
22 M. Milosevic (interprétation): Et que pensez-vous alors: pourquoi on ne
23 répond pas de crime de guerre et que l'on est appelé à répondre de cela
24 uniquement en Yougoslavie? Pour quelle raison?
25 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, je ne suis pas ici pour
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1 me livrer à des spéculations sur ce point. Vous avez des avis mais moi, je
2 suis ici pour témoigner d'événements précis. Vous et moi, nous pourrons
3 mener une longue discussion politique sur ce sujet, mais je ne pense pas
4 que le moment s'y prête. Je viens de présenter une déposition à la
5 présente Chambre qui porte sur des événements précis qui se sont produits
6 au cours des périodes dont j'ai parlé. Et je peux répondre à vos
7 questions.
8 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
9 M. le Président (interprétation): Le Témoin a raison. Il est venu ici pour
10 déposer et non pas pour livrer ses opinions. Posez-lui des questions sur
11 sa déposition.
12 M. Milosevic (interprétation): C'est précisément ce que je suis en train
13 de faire. Je lui pose des questions là-dessus. Il vient d'expliquer qu'il
14 s'est entretenu avec moi sur tous les sujets: au sujet des Conventions de
15 Genève, au sujet du Protocole II. Ce sont les questions les plus générales
16 qui soient, c'est à ce sujet-là que je lui pose des questions.
17 M. le Président (interprétation): Mais posez-lui une question à propos de
18 la conversation, c'est ce qui compte en l'espèce.
19 M. Milosevic (interprétation): Quant aux crimes de guerre commis par votre
20 pays, vous en êtes conscient, de ceux qui ont été commis sur le territoire
21 de mon pays?
22 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait sans intérêt, ce n'est
23 pas là-dessus qu'a porté la déposition du Témoin.
24 M. Milosevic (interprétation): Il représente un pays qui a pris part à une
25 guerre qui a été menée contre la Yougoslavie. Je suis en train de demander
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1 au Témoin, qui est un homme politique originaire de ce pays, s'il est au
2 courant de crimes de guerre qui ont été commis par son pays contre la
3 Yougoslavie. Vous m'interdisez de poser ce genre de question?
4 M. le Président (interprétation): Le Témoin n'est pas ici en tant que
5 représentant d'un pays quelconque, c'est un Témoin qui dépose à propos de
6 ce qu'il a vu, de ce qu'il a entendu, y compris une conversation qu'il a
7 eue avec vous. Si vous voulez dire qu'il a un parti pris, vous pouvez le
8 laisser entendre mais, à ce moment-là, il faut motiver votre avis.
9 M. Milosevic (interprétation): Vous avez évoqué la Convention de Genève,
10 le IIe Protocole, vous venez de le dire lors de votre exposé. Considérez-
11 vous que l'agression contre la Yougoslavie a constitué une violation de la
12 Charte des Nations Unies?
13 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous me demandez mon
14 avis, je vais vous le donner, mais il est tout à fait hors du cadre des
15 informations que j'ai fournies ici. Je suis prêt à ce que vous me posiez
16 des questions sur ces informations précises que j'ai relatées, et
17 j'attends avec impatience vos questions sur ces incidents.
18 Mon avis, mes opinions sont tout à fait sans intérêt. Si vous voulez une
19 réponse à votre question, ce sera non.
20 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, y a-t-il eu violation...
21 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic.
22 (Les Juges se concertent sur le siège.)
23 Nous avons étudié la question. Vous posez une question qui est sans aucun
24 intérêt, ce qui pourrait présenter une certaine pertinence à votre thèse
25 selon laquelle il y a eu une agression menée par l'UCK contre la
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1 Yougoslavie. A ce propos, il se peut que le Témoin puisse vous aider.
2 Posez-lui des questions là-dessus.
3 Mais quant à son avis général d'homme politique, de personne individuelle,
4 ceci n'a aucun intérêt pour le Tribunal.
5 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, lorsqu'il s'agit de
6 l'agression menée par l'OTAN dont tout le monde est au courant, cela n'a
7 aucune pertinence pour vous. Vous ai-je bien compris?
8 M. le Président (interprétation): Libre à vous de poser une question à ce
9 Témoin pour savoir s'il est au courant de l'agression de l'OTAN, s'il peut
10 déposer à ce propos. Mais ne posez pas au Témoin une question sur son avis
11 qui n'a pas de pertinence ici. Mais posez-lui des questions s'il est au
12 courant de l'agression de l'OTAN, comme vous l'alléguez.
13 M. Milosevic (interprétation): Je tiens à vous remercier de m'avoir donné
14 cette suggestion. Précisément, je poserai cette question au Témoin.
15 Etes-vous au courant de l'agression qui a été menée par l'OTAN contre la
16 Yougoslavie et qui a commencé le 24 mars 1999?
17 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, je viens de déposer à
18 propos d'événements antérieurs à cette date. Par conséquent, cet événement
19 est tout à fait sans pertinence avec ma déposition parce que les
20 événements dont j'ai parlé se sont déroulés six mois auparavant.
21 De plus, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler que, d'après les
22 estimations au cours de cette période, bien avant l'agression de l'OTAN,
23 plus de 300.000 Albanais avaient été chassés de leur foyer par les actions
24 de vos troupes. Par conséquent, tout ceci relève uniquement de votre
25 responsabilité, de celle de vos troupes. Ou il y a peut-être d'autres
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1 raisons que vous pourrez davantage cerner. Mais ceci n'a rien à voir avec
2 l'agression de l'OTAN.
3 De plus, permettez-moi de vous rappeler de vous rappeler que l'objet même
4 de ma visite, c'était d'essayer de vous persuader de prendre des mesures
5 qui auraient été de nature à empêcher une telle intervention. Et je vous
6 l'ai dit en termes très précis, je vous ai dit que si vous continuiez à
7 vous livrer à ces actions, il serait inévitable que la communauté
8 internationale doive prendre des mesures, ce qu'elle a fini par faire. Je
9 vous ai mis en garde, je vous ai dit que si vous continuiez à faire de la
10 sorte, vous alliez terminer ici, dans ce Tribunal. Et c'est bien ici que
11 vous êtes.
12 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien. C'est précisément la
13 question que nous allons tirer au clair. Mais je demande à présent que le
14 Témoin réponde à mes questions et non qu'il tienne des discours.
15 M. le Président (interprétation): Non, il a déjà répondu à votre question.
16 Passez à autre chose.
17 M. Milosevic (interprétation): Plus tard, vous direz que j'ai utilisé mon
18 temps, alors que c'est le Témoin qui l'aura utilisé, comme c'est
19 généralement le cas! C'est pour cela que je dis cela: pour ce qui est des
20 discours, il est libre d'en faire.
21 M. le Président (interprétation): Je pense que tout se passerait beaucoup
22 plus vite si vous posiez des questions succinctes. Et si les réponses du
23 Témoin sont trop longues, nous le lui dirons.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ainsi donc, essayons de voir
25 rapidement en revue cela.
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1 L'agression menée par l'OTAN contre la Yougoslavie n'a donc pas constitué
2 une violation de la Charte des Nations Unies ni des Conventions de Genève.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons décidé
4 que ceci n'avait pas de pertinence. Passez à un autre sujet.
5 M. Milosevic (interprétation): Dans l'enchaînement de ce qui vient d'être
6 dit de votre discours, donc une lutte antiterroriste et ce qui a causé
7 l'escalade, savez-vous que jusqu'à la fin de l'année 1997 la situation
8 était parfaitement calme au Kosovo, jusque pratiquement la fin de cette
9 année-là, durant toute une décennie? Le savez-vous?
10 Lord Ashdown (interprétation): Je sais que même, et je me souviens de
11 cette période et je ne peux pas affirmer être orfèvre en la matière, mais
12 je me souviens que cette période a été pour le Kosovo assez calme. Mais
13 au-delà de cela, je sais qu'il y a beaucoup de gens, notamment au Kosovo,
14 qui estiment qu'il y a eu une longue menée contre cette nation, une
15 campagne de discrimination.
16 M. Milosevic (interprétation): Ceci constitue l'exemple d'une question à
17 laquelle il est possible de répondre par un "oui" ou par un "non", sans
18 s'étendre dans les détails.
19 Savez-vous que, au Kosovo, la situation a été calme pratiquement jusqu'à
20 la fin de l'année 1997? Oui ou non. S'il vous plaît, essayons d'économiser
21 le temps car vous vous opposez à une discussion, à une polémique. Mais,
22 comme vous voyez je n'y suis pas opposé, mais…
23 M. le Président (interprétation): Qu'il n'y ait pas de commentaire là-
24 dessus.
25 Lord Ashdown, la question est tout simplement celle-ci: est-ce que la
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1 situation était calme mis à part la discrimination ou ce genre de chose? A
2 votre connaissance, est-ce que la situation était calme?
3 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous qu'en octobre de l'année 1997,
4 en Crête, une réunion au sommet des pays du sud-est européen s'est tenue,
5 donc une réunion au sommet où ont pris part la Turquie, la Grèce, la
6 Roumanie, la Yougoslavie, l'Albanie, et c'est là que ces pays ont réussi à
7 trouver des points d'accords extrêmement forts portant sur leur
8 coopération, y compris une coopération entre la Yougoslavie et l'Albanie,
9 et une déclaration donnée par Fatos Nano qui était à l'époque le Premier
10 ministre albanais, disant que "les problèmes du Kosovo étaient des
11 problèmes intérieurs yougoslaves"? Vous en rappelez-vous? C'était en
12 octobre 1997, c'était une réunion au sommet qui s'est tenue en Crête; nous
13 nous sommes mis d'accord sur une coopération entre l'Albanie et la
14 Yougoslavie, nous avons toute une série de points d'accords entre les pays
15 présents. Fatos Nano et moi-même avons fait une déclaration commune au
16 sujet du règlement de la question kosovare qui était une question
17 intérieure yougoslave?
18 M. le Président (interprétation): Posez votre question.
19 Lord Ashdown (interprétation): Non, mais je n'ai jamais nié, pas plus que
20 le gouvernement britannique d'ailleurs à aucune des visites que j'ai
21 effectuées, je n'ai jamais nié le fait que la question de la
22 responsabilité de la souveraineté du Kosovo était une question à régler
23 par le gouvernement yougoslave.
24 M. Milosevic (interprétation): Je vous pose une question. Je vous pose
25 cette question parce que je souhaite nous placer dans le contexte temporel
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1 qui est celui qui fait l'objet de votre déposition.
2 Par conséquent, savez-vous que, à ce moment-là qui a suivi une période de
3 dix ans de paix et de calme et de perspective de prospérité, et de
4 perspective de coopération forte, savez-vous donc qu'un mois ou deux après
5 cette réunion il y a eu une initiative lancée par la diplomatie allemande,
6 par Kinkel, par Vedrine? Ils ont envoyé une lettre où ils exprimaient leur
7 inquiétude au sujet du Kosovo et, au même moment, les services secrets
8 allemands ont lancé une action cherchant à entraîner et à déclencher le
9 terrorisme au Kosovo, donc en se servant de l'UCK. Etes-vous au courant de
10 cela, de quelque chose de ce genre?
11 Lord Ashdown (interprétation): Non, non.
12 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je vous demanderai donc d'avoir
13 l'amabilité de nous montrer ceci. Vous verrez, nous avons des explications
14 anglaises ici. Il s'agit d'une liste d'attaques terroristes ayant eu lieu
15 dans la province autonome de Kosovo et Metohija, à commencer par le mois
16 de janvier 1991 et s'étendant jusqu'au 20 juin 1999. Vous verrez bien
17 comment cela se présente.
18 Quelques observations préalables. Durant toutes ces années, première,
19 deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, voire même septième,
20 eh bien, il s'agit d'attaques terroristes menées contre des agents de
21 police ou des bâtiments, et ce sont des chiffres qui ne sont pas très
22 élevés, n'atteignent même pas 100. Et puis, nous avons le chiffre de
23 1.865, un chiffre vertigineux en 1998; et en 1999 le chiffre baisse suite
24 à l'action menée contre l'UCK.
25 (Intervention de l'huissier.)
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1 M. le Président (interprétation): Examinons ce document. Monsieur
2 l'huissier, posez ceci sous le rétroprojecteur.
3 Mais Monsieur Milosevic, dites-nous d'où vous tenez ce document, d'où vous
4 tenez ces chiffres?
5 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de données officielles qui
6 étaient publiées tous les ans. En fait, si je peux prendre...
7 M. le Président (interprétation): Par qui?
8 M. Milosevic (interprétation): Je peux vous citer la source précise.
9 M. le Président (interprétation): Par qui?
10 M. Milosevic (interprétation): Publiées par le gouvernement yougoslave. Il
11 s'agit de chiffres officiels, et le gouvernement serbe aussi.
12 S'il vous plaît, consultez cela.
13 Lord Ashdown (interprétation): Il faudrait que l'écran marche. Je ne sais
14 pas pourquoi il s'est éteint. Mais de toute façon, je peux lire sur le
15 rétroprojecteur.
16 M. Milosevic (interprétation): Oui, comme vous pouvez vous en apercevoir,
17 jusqu'en 1998, vers la fin de 1997, cela commence à augmenter légèrement,
18 mais cela n'est rien en comparaison de l'action coordonnée car la réunion
19 au sommet de Crête a constitué une sonnette d'alarme pour tous ceux qui
20 ont cherché à déstabiliser la Yougoslavie. Et soudainement, au début de
21 1998, on voit une activité terrifiante de la part des terroristes.
22 Et, comme vous voyez ici, nous avons ici un autre tableau pour que ce soit
23 encore plus clair: les attaques terroristes menées contre des citoyens
24 albanais, donc membres de la minorité albanaise, qui ont été menées par
25 des membres de la soi-disant UCK.
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1 En 1991, 1992, 1993, il n'y en a pratiquement pas. Il n'y en a que deux en
2 1994, quatre en 1995, deux en 1996 et, vers la fin de l'année 1997, treize
3 -cela augmente légèrement. Mais 327 Albanais ont été attaqués en 1998. Et
4 en 1999, bien entendu, cela régresse puisque l'UCK a été neutralisée
5 entre-temps.
6 Ici, vous avez les deux.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 S'il vous plaît, montrez les deux.
9 On voit ici…, on voit ici les deux: on voit aussi bien des graphiques que
10 des conséquences.
11 (Les Juges examinent les deux autres documents.)
12 Lord Ashdown (interprétation): Je ne suis pas trop sûr de la nature de la
13 question.
14 M. le Président (interprétation): Oui, nous attendons cette question.
15 Monsieur le Témoin, examinez ces deux documents, s'il vous plaît.
16 Le Témoin a vu ces documents. Quelle est la question que vous voulez lui
17 poser?
18 M. Milosevic (interprétation): Sait-il quoi que ce soit concernant les
19 activités ayant été menées à l'étranger ou depuis l'étranger?
20 J'ai mentionné dans ce sens la lettre rédigée par Kinkel et, en parallèle,
21 l'activité de la BND afin de fournir un soutien à ces activités
22 terroristes. Par conséquent, êtes-vous au courant des activités ayant été
23 menées de l'étranger afin de déstabiliser le Kosovo et, par conséquent, la
24 Serbie et la Yougoslavie?
25 Lord Ashdown (interprétation): A part ce que j'ai dit dans ma déposition,
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1 non. Ce que je veux dire par là, bien sûr, Messieurs les Juges, c'est que
2 les dépositions, les déclarations que j'ai faites, vous les avez si vous
3 voulez les utiliser dans d'autres procès, par exemple, menés contre ceux
4 qui ont exécuté ces actions contre le gouvernement yougoslave et les
5 citoyens serbes ou yougoslaves, selon lesquelles il y avait des activités
6 de l'UCK et un soutien venant de l'extérieur, par le nord de l'Albanie.
7 Effectivement, j'ai fait des recommandations sur la façon de mettre un
8 terme à ces activités. Mais au-delà de cela, je n'ai pas connaissance de
9 la question ou des points sur lesquels porte la question de M. Milosevic.
10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais à partir de ce moment-là
11 -et là, j'en viens à ce que vous venez de dire-, pourquoi a-t-il fallu
12 établir la nature de la structure et du fonctionnement de l'UCK -vous avez
13 mentionné les visites que vous avez rendues en Albanie- puisque l'on
14 savait qu'il s'agissait de terroristes, qu'il s'agissait d'une
15 organisation terroriste?
16 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, je n'ai jamais contesté
17 le fait que c'était une organisation terroriste. Jamais, je n'ai essayé
18 d'excuser les souffrances, les douleurs, les assassinats commis contre des
19 Serbes par cette organisation. J'ai pris des mesures d'ailleurs pour faire
20 des recommandations quant à la façon d'y mettre fin. Jamais, je n'ai nié
21 cela.
22 Et ici, dans ma déclaration, et que je sache ailleurs aussi, dans d'autres
23 articles que j'aurais écrits, dans des discours que j'ai tenus, je n'ai
24 pas nié qu'il y avait des activités de l'UCK, qu'il y avait des Serbes
25 innocents qui souffraient. Mais rien, rien de ceci ne justifie, n'excuse
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1 l'utilisation excessive, abusive de la force, de la main de vos forces
2 armées, sous votre contrôle, de façon indiscriminée, de façon punitive,
3 s'appliquant à toute la population, en violation flagrante du droit
4 international.
5 M. le Président (interprétation): Oui, Lord Ashdown, vous l'avez déjà dit.
6 Encore une question, Monsieur Milosevic, et puis ce sera le temps de la
7 pause.
8 M. Milosevic (interprétation): Ainsi donc, cette question, la question à
9 laquelle vous avez répondu en disant que vous n'avez jamais nié qu'il
10 s'agissait d'une organisation terroriste, eh bien, je peux vous dire que
11 vous êtes la première personne installée à cette place, depuis le début de
12 cette affaire, qui ne nie pas que l'UCK était une organisation terroriste.
13 Tous ceux qui vous ont précédé l'ont nié.
14 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire et, là-dessus, nous
15 allons procéder à une pause.
16 Nous allons vous rendre ces documents. Si vous voulez demander le
17 versement de ces chiffres, vous le ferez en temps utile et ceci fera
18 partie des pièces de la défense. Pour le moment, nous allons vous les
19 remettre.
20 Monsieur le Témoin, veuillez être ici à 11 heures 30.
21 La séance est suspendue.
22 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
23 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
24 M. Milosevic (interprétation): Nous avons donc pu voir, d'après le
25 graphique précédent, pour l'année 1998, un chiffre de plus de 1.800
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1 attaques terroristes. Ce chiffre ne vous paraît-il pas effrayant et
2 alarmant?
3 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, toute attaque
4 terroriste est alarmante et regrettable. Je le sais puisque j'ai moi-même
5 fait l'objet de ce type d'attaque. Mais aucun des faits que vous présentez
6 à la Chambre, et je ne peux rien dire au sujet de l'exactitude ou non des
7 chiffres que vous nous présentez, bien que vous avanciez qu'il y ait eu
8 une baisse en 1999, est un fait remarquable... En fait, je pense que ce
9 qui est remarquable à cet égard, c'est que l'OTAN a été contraint
10 d'intervenir et que sans doute...
11 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, nous avons déjà dit
12 que ce genre de remarque n'avait pas de pertinence.
13 Lord Ashdown (interprétation): Je voulais dire que ces chiffres, qu'ils
14 soient exacts ou non, ne justifient en aucune manière ce que j'ai vu ce
15 jour-là. Je me demande, Monsieur Milosevic, si je pourrais vous renvoyer à
16 la conversation que nous avons eue ce 29 septembre 1998, conversation au
17 cours de laquelle je vous ai rappelé qu'en Irlande du Nord, nous, la
18 Grande-Bretagne avions mené une campagne contre le terrorisme pendant
19 trente ans. Et j'y ai participé moi-même à cette campagne. Et je dois dire
20 que le nombre d'attentats, le nombre de tués, la nature, la portée des
21 attaques terroristes allaient bien encore au-delà de ce que vous nous
22 présentez, mais jamais le gouvernement britannique n'a fait appel aux
23 chars, n'a fait à appel à l'artillerie, n'a fait appel aux pillages, aux
24 incendies. Jamais le gouvernement n'a chassé les gens de leurs foyers. Si
25 nous l'avions fait, nous serions ici, mis en accusation devant ce
Page 2404
1 Tribunal. Et comme vous, vous avez fait cela, eh bien, vous êtes ici.
2 M. Milosevic (interprétation): Ainsi donc vous êtes d'avis que nous, en
3 Yougoslavie, nous avons commis des crimes et que vous, vous n'en avez
4 commis nulle part?
5 M. le Président (interprétation): Peu importe ce qu'a fait ou n'a pas fait
6 le gouvernement britannique en Irlande du Nord. Ce qui importe ici, c'est
7 ce qui s'est passé en Yougoslavie. Peut-être pourriez-vous répondre à
8 cette partie de la question, Monsieur le Témoin?
9 M. Milosevic (interprétation): Le Témoin vient de mentionner l'Irlande du
10 Nord. On connaît également l'événement qui s'est produit et qui s'est
11 appelé le "dimanche sanglant".
12 M. le Président (interprétation): Cela ne nous intéresse pas ici. Le
13 Président peut répondre en ce qui concerne la Yougoslavie.
14 Lord Ashdown (interprétation): J'ai simplement fait cette comparaison pour
15 dire si les actions des forces serbes étaient justifiables ce jour-là. Et
16 aucune des informations présentées par M. Milosevic, jusqu'à présent, ne
17 justifie ces actes qui constituaient des infractions patentes au droit
18 international.
19 M. Milosevic (interprétation): Durant votre séjour, dans le but de prendre
20 connaissance de la situation, vous êtes-vous intéressé à un moment
21 quelconque aux données concernant les victimes d'actions terroristes?
22 Lord Ashdown (interprétation): Oui, comme je l'ai déjà dit précédemment,
23 je me suis rendu sur le site où l'on disait qu'il y avait eu des
24 exécutions de civils serbes de la part des forces terroristes. J'ai obtenu
25 ces informations, je les ai communiquées à la Chambre et je suis prêt à
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1 tout faire pour que ces informations soient utilisées afin que les auteurs
2 de ces crimes soient traduits en justice.
3 Question: D'après ce que j'ai pu comprendre dans votre exposé, vous avez
4 vu un événement: vous avez vu, d'après vos propres mots, sept ou huit
5 corps dans le village de Glodjani où il y a eu exécution d'un grand nombre
6 de personnes. Il y avait à ce moment-là 39 corps sur place. L'avez-vous
7 vu?
8 Réponse: Je n'ai vu aucun des corps, comme je l'ai dit précédemment. J'ai
9 vu l'endroit après qu'on avait enlevé les corps. Vous dire combien il y
10 avait de corps, combien de personnes ont été tuées, je ne sais pas. Mais
11 les éléments qui m'ont été présentés m'ont permis de dire qu'il s'agissait
12 d'une exécution, qu'il s'agissait d'un crime et j'ai présenté à la Chambre
13 les éléments de preuve que j'avais à ce sujet.
14 Mais rien de tout cela ne justifie les actions de vos forces que j'ai
15 décrites à la Chambre.
16 Question: Parmi les données dont vous disposiez, concernant les victimes,
17 aviez-vous à ce moment-là des données disant que les terroristes ont tué
18 également des Albanais?
19 Réponse: J'avais connaissance de ces allégations. Je ne peux dire si elles
20 étaient justes ou pas. Mais je le répète: rien ne pouvait justifier les
21 actions entreprises par vos forces ce jour-là.
22 Question: Oui, votre position n'est pas du tout contestée lorsque vous
23 donnez des explications qui justifient l'agression menée par l'OTAN, mais
24 ma question est autre: vous êtes-vous demandé, à un moment, pour quelle
25 raison ils se sont mis à tuer des civils albanais, des policiers?
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1 Réponse: Bien entendu que je me suis posé cette question, mais cela n'a
2 rien à voir avec les faits que j'ai présentés à la Chambre. Peu importe
3 les provocations, les actions entreprises par vos forces ce jour-là
4 allaient à l'encontre du droit international.
5 M. Milosevic (interprétation): Oui, très bien. Il y a un instant, vous
6 avez dit que la pertinence ou la non-pertinence était quelque chose que
7 devait établir la Chambre. Donc c'est vous-même qui l'avez dit: je pense
8 bien que vous entendez être conséquent sur ce point?
9 M. le Président (interprétation): Inutile de répondre à cette question.
10 Question suivante, s'il vous plaît?
11 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que, précisément à ce moment-là,
12 lorsque vous vous êtes rendu sur place, en 1998 donc, lorsque vous vous
13 êtes rendu en visite, savez-vous que dans de nombreux villages il y a eu
14 création d'une police constituée d'Albanais eux-mêmes, donc une force de
15 police locale composée de policiers locaux que les villageois eux-mêmes
16 choisissaient pour qu'ils maintiennent l'ordre dans ces villages, et ils
17 se voyaient fournir des armes et uniformes de la part de l'Etat? Or, ce
18 sont les Albanais eux-mêmes qui les choisissaient. Ils devaient donc
19 veiller à tout ce qui relève normalement des tâches habituelles de la
20 police. Le savez-vous?
21 Lord Ashdown (interprétation): Je savais qu'effectivement cela avait lieu,
22 mais je ne vois pas en quoi cela justifie les actions de vos forces.
23 Question: Vous avez eu l'occasion, d'après ce que vous avez dit, vous avez
24 eu l'occasion de rencontrer Christopher Hill. Je sais pertinemment qu'il
25 est au courant de cette action de grande envergure de constitution de
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1 police locale dans les villages albanais. Vous en a-t-il parlé?
2 Réponse: Non.
3 Question: Savez-vous que les terroristes de l'UCK ont souvent pris pour
4 cible précisément ces policiers albanais locaux, et qu'un grand nombre de
5 ces policiers ont été soit blessés soit tués?
6 Réponse: Je sais qu'un grand nombre d'innocents des deux côtés ont
7 souffert. Je sais qu'il y avait des éléments qui indiquaient et que
8 certains affirmaient que des attaques terroristes étaient perpétrées aussi
9 bien contre les Albanais que contre les Serbes. Rien ne saurait l'excuser.
10 Mais ceci n'a aucune pertinence. Il me semble que l'essentiel, ici, c'est
11 que les actions de vos troupes ce jour-là allaient à l'encontre du droit
12 international, quelles que soient les actions entreprises par les
13 terroristes précédemment. Ce que je dis, c'est que, vous, vous en êtes
14 responsable et que vous n'avez pas pris les mesures nécessaires pour
15 mettre un terme à cela.
16 M. Milosevic (interprétation): Lord Ashdown, vous l'avez répété à
17 plusieurs reprises et je ne vois aucune raison à ce que vous le répétiez
18 lors de chacune de vos réponses.
19 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous me permettez de
20 le dire ici, il s'agit là de l'élément clé. Quel que soit ce qui s'est
21 passé, je ne suis pas en mesure d'infirmer ou de confirmer vos théories de
22 conspiration. Mais la question centrale est la suivante: est-ce qu'aucune
23 des actions dont vous affirmez qu'elles ont eu lieu, est-ce qu'aucune de
24 ces actions justifie que vos forces aient eu recours de manière aveugle et
25 excessive à la force à l'encontre des civils de la manière dont ils l'ont
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1 fait, d'une manière contraire au droit international? Moi, j'estime que
2 c'est à la Chambre de le décider.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez déjà
4 présenté cet argument, il est inutile de le réitérer. Comme vous l'avez
5 dit, il s'agit d'une question dont la Chambre aura à statuer.
6 M. Milosevic (interprétation): On en viendra à la question du droit
7 international. A présent, je parle du droit légitime d'un Etat de
8 combattre le terrorisme. Vous le contestez.
9 M. le Président (interprétation): Inutile de répondre, Monsieur le Témoin.
10 Il nous a dit que la force utilisée était excessive, c'est ce qu'il nous a
11 dit.
12 Lord Ashdown (interprétation): J'ai dit très clairement avant, pendant ma
13 réunion avec M. Milosevic et après, que je ne remettais pas en question le
14 droit des forces yougoslaves à prendre des mesures conformes au droit
15 international pour lutter contre la menace terroriste. Je ne l'ai jamais
16 nié, ce droit, et je l'ai manifesté de manière très explicite à M.
17 Milosevic lors de notre réunion.
18 M. Milosevic (interprétation): Mais qu'est-ce qui pose problème, alors?
19 M. le Président (interprétation): Que signifie cette question?
20 Qu'entendez-vous par là, Monsieur Milosevic?
21 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, le Témoin est en train de dire
22 qu'il ne conteste pas le droit d'un Etat de combattre le terrorisme. Mon
23 Etat a combattu le terrorisme. Lors de cette lutte antiterroriste menée
24 par l'Etat, de toute évidence les citoyens qui résidaient dans les zones
25 qui constituaient le théâtre de ces opérations fuyaient ces secteurs-là,
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1 ces zones-là. Alors, je ne vois pas où est le problème!
2 Par ailleurs, il est tout à fait clair que l'Etat a pris soin des
3 réfugiés, les a nourris, leur a apporté assistance, etc.
4 M. le Président (interprétation): Un instant, procédons par ordre et une
5 chose après l'autre.
6 Monsieur le Témoin, l'accusé est en train de vous dire qu'il s'agissait en
7 l'occurrence d'une lutte contre le terrorisme et que les citoyens qui se
8 trouvaient dans la zone du conflit ont pris la fuite. Etant donné ce que
9 vous avez vu vous-même au Kosovo, dans les villages dont vous nous avez
10 parlé, est-ce que c'est une manière juste et véridique de décrire ce qui
11 se produisait?
12 Lord Ashdown (interprétation): Non. En fait, la manière exacte de décrire
13 ce qui s'est passé, c'est que l'on a eu recours à la force de manière
14 excessive dans le cadre d'une politique intentionnelle de la terre brûlée,
15 l'objectif étant de manière aveugle et indiscriminée de faire fuir les
16 gens de leurs villages, de détruire leurs maisons, détruire leurs moyens
17 de subsistance, leurs biens, etc. Et tout ceci contrairement au droit
18 international, à mon avis.
19 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce qui vous permet de conclure que
20 l'objectif des autorités était de commettre des crimes sur une population
21 innocente? Pourquoi qui que ce soit s'adonnerait-il à cela?
22 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, moi, je ne peux
23 présenter que les éléments de preuve que j'ai eus. Les réfugiés m'ont dit
24 qu'ils fuyaient à cause des bombardements infligés par vos forces, je n'ai
25 aucune raison de mettre en doute leurs paroles. Il est possible que vous
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1 affirmiez qu'au cours des opérations dont j'ai été témoin, il était
2 nécessaire de procéder de la sorte: il était nécessaire et que cela
3 faisait partie d'une opération militaire de tirer sur le bétail, de mettre
4 le feu aux maisons, de détruire les poêles dans les maisons, d'uriner sur
5 les semences, les graines -tout ceci faisant partie d'une campagne ciblée.
6 C'est à vous maintenant de le prouver à la Chambre.
7 Moi, je me dis que la manière la plus probable d'interpréter ces éléments
8 de preuve, pour toute personne rationnelle, c'est qu'il s'agissait là
9 d'une campagne de terreur aveugle à l'encontre de la population civile
10 dans un objectif: faire fuir cette population de ses foyers. Et cela, on
11 ne l'avait plus jamais vu de la part d'un gouvernement depuis l'occupation
12 allemande. Ces actes sont tout à fait illégaux, comme cela est précisé
13 façon tout à fait claire par les dispositions des Conventions de Genève
14 que j'ai citées.
15 M. Milosevic (interprétation): Cela ne concerne pas vos affirmations, mais
16 on y viendra plus tard.
17 Savez-vous quoi que ce soit au sujet des activités mises en place par les
18 gouvernements serbe et yougoslave afin d'aider ces réfugiés?
19 Réponse: Oui, j'ai quelques informations à ce sujet. Je sais également que
20 j'ai vu plusieurs centaines, et je crois même qu'il y avait même plusieurs
21 milliers de réfugiés, qui étaient si peu convaincus de la véracité de ce
22 type d'activités, qu'ils étaient prêts à vivre pendant plusieurs semaines,
23 pendant plusieurs mois dans les forêts. Ils avaient tellement peur de vos
24 forces, qu'ils ont accepté de vivre dans des conditions extrêmement
25 précaires, en se camouflant du mieux qu'ils pouvaient. Pourquoi? Parce
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1 qu'ils estimaient que, pour eux, c'était la seule solution viable pour
2 garantir leur survie.
3 Je me rappelle du témoignage d'une femme, que j'ai rencontrée parmi 500 ou
4 600 autres personnes, dans une forêt près d'un village. Lorsque je lui ai
5 demandé si elle retournerait dans son village pendant l'hiver, qui
6 s'annonçait extrêmement rigoureux, elle m'a dit qu'elle préférait plutôt
7 mourir dans cette forêt, mourir de faim avec ses enfants, plutôt que de se
8 soumettre ou de bénéficier de ce que vous qualifiez des soins apportés par
9 votre gouvernement.
10 Question: Encore aujourd'hui, j'affirme que, dans ces forêts, mis à part
11 quelques périodes très brèves, il n'y a pas eu de réfugiés.
12 Savez-vous que, lorsque ces citoyens s'enfuyaient devant le conflit, ils
13 se faisaient héberger par des proches, dans un autre village ou une ville
14 où il n'y avait pas d'activités terroristes. Ils n'erraient nullement dans
15 les forêts, comme vous êtes en train de l'affirmer. Il n'y ont pas erré
16 pendant des jours et des semaines.
17 Réponse: Monsieur Milosevic, je sais que certains l'ont fait. J'en ai
18 parlé dans le cadre de ma déposition. En tout cas, il y a plusieurs
19 centaines de personnes -et j'en ai vu un très grand nombre-, il y avait
20 donc un grand nombre de personnes qui préféraient rester cachées, à l'abri
21 de vos forces gouvernementales dont vous nous dites qu'elles voulaient
22 prendre soin d'eux. Ces gens étaient prêts à mourir sur place; ils
23 préféraient ce sort à l'idée de retourner se placer sous la garde de vos
24 forces et de votre gouvernement.
25 Je pense qu'il conviendrait de réfléchir et de se demander si cette
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1 conviction était justifiée de leur part.
2 Question: Vous avez affirmé qu'il y a eu 20.000 personnes ayant fui ces
3 activités de combat. Il y a un moment, vous avez même énoncé le chiffre de
4 200 ou 300.000. Qui vous a parlé de 300.000 personnes? C'est un chiffre
5 fascinant!
6 Réponse: Vous m'avez peut-être mal compris, vous le faites peut-être de
7 manière délibérée.
8 J'ai dit que j'avais vu environ 300 personnes, je n'ai jamais dit 3.000.
9 J'ai dit que j'avais vu 300 personnes, pas 300.000 dans la forêt où je me
10 suis rendu.
11 On m'a fait part des calculs du HCR des Nations Unies, organisation qui
12 pouvait se faire une idée plus précise du nombre total de réfugiés. Ils
13 m'ont dit qu'ils estimaient qu'il y avait 20.000 personnes qui vivaient
14 dans la forêt, dont les 300 personnes que j'ai vues et qui représentaient
15 une proportion infime du total.
16 Vous aviez donc tous ces gens qui vivaient dans la forêt ou bien qui,
17 pendant l'hiver qui s'annonçait, allaient se trouver dans une situation
18 extrêmement précaire, vu la situation que leur imposaient vos forces.
19 Question: Mais c'était également notre préoccupation. Savez-vous qu'à
20 l'automne de l'année 1998, l'UCK a été pratiquement vaincue, que c'est à
21 bord de tracteurs qu'ils rendaient des armes et que tous les réfugiés sont
22 rentrés chez eux. Savez-vous que l'Etat a aidé en fournissant des
23 équipements de construction afin que les maisons endommagées ou détruites
24 soient réparées? Savez-vous cela?
25 Réponse: Je sais qu'après une visite que j'ai faite en décembre, une
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1 nouvelle visite, je sais que suite à la mise en place de la proposition
2 Hill, on a eu un cessez-le-feu, un bref cessez-le-feu. Je sais que,
3 pendant ce cessez-le-feu, l'UCK a intensifié ses opérations. Et je vous
4 avais prévenu qu'ils le feraient suite à vos actions. Je sais qu'à ce
5 moment-là, un certain nombre de réfugiés sont rentrés chez eux, mais je
6 dois vous dire que je pense qu'il n'y avait là aucune relation de cause à
7 effet avec les actions du gouvernement yougoslave. Cela avait un rapport
8 beaucoup plus étroit avec le cessez-le-feu qui était contrôlé par la
9 communauté internationale à ce moment-là.
10 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous par ailleurs, ou plutôt comment
11 pourrait-on expliquer le fait qu'après que l'on ait vaincu le terrorisme
12 et rétabli le calme, après l'arrivée de la commission de vérification,
13 après son arrivée donc, comment expliquer le fait qu'il y a eu une
14 nouvelle recrudescence de l'activité terroriste?
15 Lord Ashdown (interprétation): Je pense que le cessez-le-feu a pris fin,
16 en particulier à cause de ce que j'avais prévu et je vous l'avais dit: à
17 cause de la recrudescence des activités de l'UCK.
18 Pourquoi ont-il fait cela? Parce que notamment, je pense, vos forces ont
19 tout fait pour miner l'efficacité de la surveillance par la communauté
20 internationale de ce cessez-le-feu. Et d'autre part, parce qu'ils ont
21 repris leurs actions offensives.
22 Mais, Monsieur Milosevic, je ne pense pas que les événements qui ont eu
23 lieu après les journées dont j'ai parlé dans le cadre de ma déposition
24 aient un rapport quelconque avec ce dont je vous ai parlé.
25 M. le Président (interprétation): Le soin nous reviendra d'en juger,
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1 Monsieur le Témoin.
2 Poursuivez, Monsieur Milosevic.
3 M. Milosevic (interprétation): Vous êtes donc en train d'affirmer que les
4 efforts déployés afin de préserver le calme durant le séjour de la
5 commission de vérification ont été entravés par des forces serbes et
6 yougoslaves. Vous ai-je bien compris?
7 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, nous pouvons nous poser
8 beaucoup de questions, discuter longuement de tout ce qui s'est passé et
9 nous aurons chacun notre propre idée de ce qui s'est produit.
10 Quant à moi, je pense que cela n'a rien à voir avec la déposition que j'ai
11 présentée au sujet des événements qui ont eu lieu pendant les journées
12 concernées. Je suis tout à fait prêt à répondre à toute question que vous
13 auriez au sujet des journées dont j'ai parlé dans le cadre de mon
14 interrogatoire principal.
15 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic.
16 Monsieur le Témoin, ce dont vous pouvez nous parler, c'est ce que vous
17 avez vu ou que vous avez entendu directement. Si vous avez des éléments à
18 nous donner à ce sujet, il convient de nous en faire part -je pense à
19 toute visite que vous auriez effectuée dans la région à ce moment-là. Mais
20 tout ce qui relève du ouï-dire ou de lectures que vous auriez eues dans la
21 presse ne saurait nous intéresser. L'accusé donc peut vous poser des
22 questions sur ce qui s'est passé. Ensuite, si vous avez des éléments de
23 preuve directe à donner pour répondre à ces questions, faites-le. Mais
24 s'il s'agit simplement de connaissances de nature générale, il ne convient
25 pas de nous en faire part.
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1 M. Milosevic (interprétation): Je voulais tirer au clair un point. Vous
2 venez de dire -et ce que vous êtes en train d'affirmer ici constitue
3 également votre déposition, votre témoignage donc-, vous êtes en train de
4 dire que ce calme ou ce cessez-le-feu, comme vous l'avez appelé, a été
5 entravé par des forces yougoslaves. Est-ce bien cela?
6 Lord Ashdown (interprétation): J'ai dit que j'estimais qu'à mon avis le
7 cessez-le-feu qui a été instauré trois mois après les événements dont j'ai
8 parlé dans le cadre de mon interrogatoire principal, j'ai dit donc que ce
9 cessez-le-feu n'a pas duré malheureusement. Et j'ai dit que si vous
10 vouliez connaître mon opinion à ce sujet, eh bien, que ceci était dû à la
11 fois à la recrudescence des activités de l'UCK ainsi qu'à l'action de vos
12 forces qui ont miné le cessez-le-feu. Mais c'est mon opinion à moi.
13 M. Milosevic (interprétation): Puis-je à présent vous donner lecture d'un
14 texte qui ne dit pas la même chose? "Le secrétaire d'Etat chargé des
15 affaires étrangères..."
16 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, avez-vous des
17 informations directes au sujet de ce qui s'est passé au moment de la
18 rupture du cessez-le-feu?
19 Lord Ashdown (interprétation): Je suis retourné au Kosovo, si je me
20 souviens bien, en décembre 1998 et, comme je l'ai déjà dit précédemment
21 dans ma déposition, je suis retourné dans la zone en question pour
22 constater les dégâts. J'ai passé un certain temps avec la mission de
23 vérification du Kosovo, la KVM dans la région de Prizren.
24 Et à cette occasion, j'ai observé les activités des forces armées
25 yougoslaves. J'étais présent lorsqu'il y a eu un attentat terroriste à
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1 Pec, un attentat atroce au cours duquel des civils serbes ont trouvé la
2 mort. J'ai condamné cette action. J'étais présent au moment d'une percée
3 ou d'une incursion de l'UCK en provenance de l'Albanie.
4 J'ai une opinion personnelle sur les raisons qui expliquent la rupture de
5 ce cessez-le-feu ultérieurement. J'ai une opinion sur les raisons pour
6 lesquelles on est passés à l'étape suivante et pourquoi l'OTAN, au bout du
7 compte, était contraint d'intervenir. Mais il s'agit là uniquement
8 d'opinions de ma part.
9 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poser des questions au
10 Témoin au sujet de ce qu'il a vu ou entendu, mais ses opinions ne nous
11 intéressent en aucune manière.
12 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de la chose suivante: le Témoin
13 est en train d'exposer ses points de vue en tant que témoignage. Or je
14 souhaite lui poser une question après lui avoir lu une citation brève qui
15 constitue donc des propos datés du 18 janvier 1999. Il s'agit de son
16 ministre des Affaires étrangères.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vous prie de
18 m'excuser de vous interrompre ainsi, mais moi, je ne suis pas ici pour
19 donner mes opinions, ce n'est pas ce que je veux faire! Je suis ici pour
20 donner des faits.
21 M. Milosevic (interprétation): Mais ceci est contraire aux faits que vous
22 êtes en train de présenter.
23 M. le Président (interprétation): Sur quoi souhaitez-vous entendre les
24 observations du Témoin? Expliquez-nous et ensuite on verra si le Témoin
25 est en mesure de répondre à votre question.
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1 M. Milosevic (interprétation): L'essentiel de ce qu'est en train
2 d'affirmer le Témoin est la chose suivante: la situation s'est dégradée
3 par la faute du gouvernement serbe et du gouvernement yougoslave. Je
4 m'apprête à lui donner lecture de quelque chose qui affirme le contraire.
5 Permettez-moi de le faire, ce n'est pas long.
6 M. le Président (interprétation): Oui, souvenez-vous qu'il y a des
7 interprètes.
8 M. Milosevic (interprétation): Pardon? Oui, j'en tiendrai compte, je
9 tiendrai compte des interprètes.
10 Je saute une partie pour abréger. Voilà, Robin Cook, lors d'une réunion,
11 réunion officielle, c'est un compte rendu de cette réunion: "Pour sa part,
12 l'armée de libération du Kosovo a commis plus de violations de cessez-le-
13 feu et, durant ce week-end, a été responsable de plus de morts que les
14 forces de sécurité. Il doit s'arrêter de miner le cessez-le-feu et
15 d'entraver le dialogue politique, en particulier l'Albanie"...
16 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, veuillez vous
17 interrompre. Nous ne voyons pas sur le moniteur qui est censé avoir commis
18 quoi. Pouvez-vous le répéter, s'il vous plaît? Cela n'a pu être transcrit.
19 Et veuillez, s'il vous plaît, également nous donner la date du document en
20 question.
21 M. Milosevic (interprétation): Ce que vous voyez apparaître à l'écran,
22 c'est toujours le même graphique. Moi aussi, je l'ai sous mes yeux à
23 l'écran. Ce que je suis en train de vous lire, c'est un procès-verbal
24 d'une réunion, il s'agit des propos de Robin Cook. L'avez-vous?
25 "Pour sa part, l'armée de libération du Kosovo a commis plus de violations
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1 du cessez-le-feu et, jusqu'au week-end dernier, a été responsable de plus
2 de morts que les forces de sécurité. Ceci doit s'arrêter. L'UCK doit
3 cesser de saboter le cessez-le-feu et d'entraver le dialogue politique.
4 Les pays voisins, en particulier l'Albanie, doivent être davantage décidés
5 à contrôler la circulation d'armes qui attisent le conflit. L'armée de
6 libération du Kosovo ne peut pas l'emporter sur l'armée yougoslave et, au
7 lieu de libérer le peuple du Kosovo, elle ne fait que prolonger leurs
8 souffrances. L'armée de libération du Kosovo a violé à répétition le
9 cessez-le-feu durant le mois dernier. Celle-ci a pris un grand nombre
10 d'otages serbes. Une partie de la complexité qui est inhérente à la mise
11 sous pression de la partie kosovare albanaise est le fait qu'il y a toute
12 une série de perspectives de la part de la direction élue des Albanais
13 kosovars, autour du Dr Rugova et des membres de l'UCK qui ne considèrent
14 pas que M. Rugova soit quelqu'un dont l'autorité doit être respectée. Cela
15 rend difficiles les négociations et la constitution d'une équipe de
16 négociateurs du côté albanais.
17 M. le Président (interprétation): Quelle est la date à laquelle M. Cook a
18 fait cette déclaration?
19 M. Milosevic (interprétation): C'est le 18 janvier de l'an 1999, le 18
20 janvier 1999, Monsieur John Randall dit: "Nous sommes tous conscients des
21 sanctions et des menaces qui ont été utilisées à l'encontre de Belgrade.
22 Comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, leur responsabilité
23 pour la violation du cessez-le-feu ou plutôt la responsabilité peut être
24 placée sur les deux parties, à savoir les forces yougoslaves et l'UCK.
25 Monsieur Cook: Nous avons dénoncé de manière ferme l'UCK devant tous les
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1 forums internationaux. Le Conseil de sécurité a voté une résolution
2 demandant aux pays voisins du Kosovo ainsi qu'aux autres pays européens
3 d'essayer de faire le nécessaire afin d'empêcher qu'il y ait afflux de
4 financement et d'armes pour l'UCK. Nous sommes en train d'analyser ce que
5 nous pouvons faire afin d'exercer une pression là où il y a des
6 fournitures d'armes à l'UCK. Nous n'avons pas affaire à un Etat ou à une
7 organisation qui a une représentation politique claire".
8 Et ainsi de suite.
9 Puis plus loin, les propos de M. Cook: "La position qui a été adoptée par
10 la Communauté internationale, y compris l'Union européenne et le Conseil
11 de sécurité, consiste à dire qu'il n'y a pas de soutien à l'indépendance
12 du Kosovo. Ceci est dû en partie au fait que les pays voisins
13 s'opposeraient de manière ferme à toute tentative d'établir ou de créer un
14 Etat indépendant du Kosovo, puisque cela aurait un effet déstabilisateur
15 sur eux-mêmes. Nous devrions toujours nous rappeler le fait que l'UCK ne
16 cherche par l'indépendance du Kosovo mais une Grande Albanie".
17 Et M. Cook qui déclare: "Cela aurait également un impact sur la Bosnie et
18 cela devrait nous préoccuper tous. Il serait extrêmement difficile de
19 s'opposer à une demande exprimée par la Republika Srpska d'accéder à
20 l'indépendance si le Kosovo devait devenir indépendant".
21 M. le Président (interprétation): Quelle est la question que vous voulez
22 poser au Témoin? Vous venez donner lecture d'une longue déclaration
23 fournie par le ministre des Affaires étrangères britannique en janvier
24 1999. Quelle est la pertinence de ces propos eu égard à la déposition du
25 Témoin qui vous a dit ce qu'il a vu au Kosovo l'automne précédent?
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1 M. Milosevic (interprétation): C'est pertinent parce que cela montre qu'il
2 est tout à fait inexact que c'est le gouvernement yougoslave, que ce sont
3 les autorités yougoslaves, l'armée yougoslave, la police serbe qui ont
4 attaqué et terrorisé la population.
5 En revanche, qu'il s'agit d'un conflit les opposant à l'UCK, que l'UCK est
6 une organisation terroriste, le Témoin lui-même ne le conteste pas. Et
7 c'est donc l'UCK à qui incombe la responsabilité de cette déstabilisation
8 et de ce qui a entraîné les conflits. L'armée et la police sont en train
9 d'essayer d'établir l'ordre sur leur propre territoire. C'est là que c'est
10 pertinent.
11 M. le Président (interprétation): Fort bien.
12 M. Milosevic (interprétation): Et pour vous dire…
13 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Un instant.
14 Pour que tout soit clair quant à votre position, c'est la thèse que vous
15 avancez. Et la Chambre de première instance aura à déterminer si votre
16 thèse, le récit que vous faites est exact ou pas. C'est une question qui
17 incombe à la Chambre de première instance, à la fin du procès, de soupeser
18 les moyens de preuve pour déterminer ce qui s'est véritablement passé.
19 Mais dans l'intervalle, le présent Témoin n'est pas en mesure de vous
20 donner son avis sur une déclaration faite par M. Cook en janvier 1999.
21 La question que vous pouvez poser à ce Témoin, c'est une question qui
22 porterait sur ce qu'il a vu, sur ce qu'il a entendu au Kosovo, au mois de
23 septembre et surtout au moment de sa réunion avec vous-même. Voilà sur
24 quoi devrait porter votre question, plutôt que d'entamer une discussion
25 politique générale.
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1 Avez-vous des questions à poser quant à la déposition du présent Témoin?
2 M. Milosevic (interprétation): Il ne s'agit absolument pas d'un débat
3 politique général. Je suis en train d'exposer des faits, ces faits...
4 M. le Président (interprétation): Vous avez présenté votre thèse, vous
5 avez soumis une déclaration que j'ai déjà décrite, sur laquelle je ne vais
6 pas revenir, mais je vous ai dit que ce n'était pas une question qui
7 pouvait être commentée par le Témoin. Posez-lui des questions auxquelles
8 il peut répondre et qui font partie de sa déposition.
9 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, très bien. Nous allons poursuivre
10 avec une déposition directe puisque, de toute évidence, ceci conteste
11 l'essentiel de la déposition; c'est ça que je suis en train d'exposer;
12 c'est pour cela que je l'expose. Je pense que tout le monde a compris.
13 Mais revenons maintenant...
14 Lord Ashdown (interprétation): Je me demande si je peux vous aider?
15 Excusez-moi de vous interrompre une fois de plus, mais, franchement, je
16 suis assez déçu du fait que vous ayez cité des déclarations de M. Cook:
17 vous auriez pu me citer moi, parce que j'ai dit la même chose à plusieurs
18 reprises au cours de cette période. Ce que vous n'avez pas mentionné,
19 c'est notamment le massacre de Racak. Moi, je n'ai jamais dit que l'échec
20 du cessez-le-feu était uniquement de la responsabilité du gouvernement
21 yougoslave; c'était une histoire complexe. A mon avis, aussi bien l'UCK
22 que le gouvernement yougoslave ont contribué à cette situation, mais ceci
23 n'a rien à voir avec la déposition que je fais ici.
24 Et jusqu'à présent, vous n'avez contesté aucun des éléments précis que
25 j'ai mentionnés et qui relevaient de ces trois jours, non pas en janvier
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1 mais bien les 27, 28 et 29 septembre 1998. Or, si je suis ici, c'est bien
2 pour parler de ces jours-là.
3 M. Milosevic (interprétation): Ne vous en inquiétez pas, je le
4 contesterai.
5 Je suis en train de parler de vos témoignages durant cette première
6 mission en Albanie. Ainsi donc, puisqu'il est clair que vous estimez que,
7 s'agissant de l'UCK, il s'agissait d'une organisation de rebelles et de
8 terroristes, et qu'il s'agissait d'une organisation qui avait sa
9 structure, ses bases en Albanie.
10 Dans votre rapport, avez-vous posé cette question-là, à savoir: comment
11 une organisation de rebelles et de terroristes, qui agit sur le territoire
12 d'un Etat voisin, peut-elle avoir ses bases dans un Etat voisin, un Etat
13 qui a son armée et sa police, où cette organisation doit également
14 constituer un facteur illégal?
15 Lord Ashdown (interprétation): Bien sûr, Monsieur Milosevic. C'est
16 précisément ce que j'ai dit dans ma déposition. A mon avis, pour bien
17 contrôler et mettre un terme aux activités de l'UCK, il fallait -et je
18 l'ai dit clairement- que les nations occidentales aident l'Albanie à mieux
19 maîtriser la situation dans cette partie sans foi ni loi du nord de
20 l'Albanie, où était implantée cette organisation et où elle obtenait des
21 armes.
22 Question: Vous avez dit que vous souhaitiez prendre connaissance de cette
23 structure de commandement de l'UCK. Qui sont les hauts représentants de
24 l'UCK que vous avez eu l'occasion de rencontrer lorsque vous vous êtes
25 rendu en Albanie?
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1 Réponse: Eh bien, personne, si je me souviens bien, cette fois-là.
2 Question: Et à d'autres occasions?
3 Réponse: Je pense que, quand je suis allé en Albanie plus tard, j'ai
4 rencontré quelqu'un qui affirmait être représentant de l'UCK à Tirana. Et
5 je lui ai dit clairement -comme je vous l'ai dit clairement à vous- qu'à
6 mon avis, les activités de l'UCK étaient illégales et avaient un effet
7 déstabilisateur sur le Kosovo. Je n'ai rien dit de plus à cet homme que je
8 ne vous ai dit à vous.
9 Question: Dans votre rapport qui concerne vos visites en Albanie, ou cette
10 visite en particulier, peut-on y lire que ces gens-là étaient dans une
11 position leur permettant d'apporter un soutien logistique ou autre à
12 l'UCK? Donc je parle de l'Etat d'Albanie. Est-ce qu'il y a eu un soutien
13 fourni et une aide fournie par le gouvernement albanais?
14 Réponse: Monsieur Milosevic, impossible de répondre à toutes ces thèses
15 qui sont les vôtres, celle du complot et de la conspiration.
16 Pourquoi, à mon avis, l'UCK a pu se servir du nord de l'Albanie pour
17 obtenir des armes? C'est parce que c'était un espace criminel, qui n'était
18 plus sous le contrôle légal de l'Albanie. Et j'ai fait des recommandations
19 à mon gouvernement quant aux mesures que l'on pouvait prendre et, dans ce
20 cadre, j'ai fait des recommandations pour aider le gouvernement albanais à
21 mieux contrôler cet espace et, de ce fait, mieux contrôler les activités
22 qui s'y déroulaient.
23 Question: Oui, mais dans votre première déclaration, vous dites que c'est
24 le chef de la police régionale albanaise qui vous a laissé entendre qu'un
25 camion chargé d'armes était parti pour l'UCK?
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1 Réponse: C'est exact. Ce n'était pas le chef de la police albanaise, si
2 j'ai bien compris, c'était un homme politique albanais qui -je ne sais pas
3 si ce c'était cette fois-là, je pense que c'était auparavant- avant avait
4 été ministre de l'Intérieur. C'est lui qui m'a emmené dans la région.
5 C'est lui qui m'a montré les événements dont j'ai témoigné ici. Et j'ai
6 aussitôt compris que les forces de police qui opéraient dans la région
7 étaient incapables, vraiment physiquement incapables: elles n'avaient pas
8 les moyens ni les effectifs sur le terrain permettant de faire valoir
9 l'Etat de droit dans le nord de l'Albanie. C'est pour cela que j'ai fait
10 des recommandations à mon gouvernement; je lui ai dit qu'une des actions
11 que nous pouvions entreprendre pour mettre un terme aux activités de
12 l'UCK, c'était d'aider le gouvernement albanais, matériellement, avec des
13 conseils aussi, avec une assistance positive pour leur permettre de mieux
14 contrôler la région.
15 Question: Ainsi donc, vous ne contestez pas le fait que l'ensemble de
16 cette opération consistant à fournir des armes à l'UCK s'est déroulé avec
17 les autorités albanaises étant au courant. Puisque, si le chef de la
18 police régionale était au courant, on est en droit de supposer que les
19 autorités albanaises et le gouvernement étaient au courant?
20 Réponse: Je ne peux pas vous dire ce que savait le gouvernement albanais,
21 mais je suppose qu'il avait un problème au niveau de l'ordre public dans
22 le nord de l'Albanie. Comment aurait-il pu en penser autre chose?
23 Je n'ai pas l'intention de contester cela un seul instant. Si je suis allé
24 en Albanie, c'est bien pour examiner cette situation, parce que je
25 trouvais que c'était une région vraiment dangereuse, où il y avait des
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1 assassinés réguliers.
2 Si vous voulez savoir mon avis, c'est que le gouvernement de l'Albanie le
3 savait. Le gouvernement, à l'époque, cherchait vraiment à faire valoir le
4 droit et l'ordre dans la région. Il n'était pas dans leur intérêt d'agir
5 autrement, puisque cette région était contrôlée par M. Sali Berisha, qui
6 faisait tout ce qu'il pouvait pour saboter les activités du gouvernement
7 albanais de l'époque. La fourniture en armes à l'UCK se faisait par cette
8 région, mais elle était surtout organisée par des organisations
9 criminelles qui ont fourni des armes dans cette région; c'est de là que
10 les armes partaient, c'est là que l'UCK venait les chercher. Voilà mon
11 avis.
12 Question: Autrement dit, vous êtes en train d'affirmer que les fournitures
13 en armes à l'UCK ne se sont pas déroulées sous les auspices du
14 gouvernement albanais?
15 Réponse: Monsieur Milosevic, je ne suis vraiment pas à même de vous donner
16 une réponse certaine. Moi, je ne peux vous livrer que l'opinion que je me
17 suis faite après avoir vu ce que j'ai vu. Et je vous ai fait part de mon
18 avis.
19 Question: Compte tenu du fait qu'il y avait, à ce moment-là, la Résolution
20 des Nations Unies 1189, interdisant toute fourniture d'armes, considériez-
21 vous que le gouvernement albanais était tenu de respecter les termes de
22 cette résolution?
23 Réponse: Monsieur Milosevic, je vais vous répéter ce que je vous ai déjà
24 dit; vous me demandez mon avis, je vous le donne.
25 Je pense que le gouvernement albanais faisait ce qu'il pouvait à l'époque,
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1 il faisait de son mieux pour veiller à avoir un certain contrôle de
2 l'Albanie du Nord, que ce gouvernement essayait de mettre en oeuvre la
3 Résolution des Nations Unies. C'est l'impression que j'ai eue.
4 Mais je ne peux pas être considéré comme expert en la matière et ce n'est
5 pas à ce titre que je me présente ici. Je ne peux pas vous dire ce que
6 savait le gouvernement albanais, ce qu'il pensait, ce qu'il faisait
7 ouvertement ou pas. Moi, je ne peux parler ici que de ce que j'ai vu dans
8 le nord de l'Albanie.
9 Question: Très bien. Mais vous êtes arrivé à vos conclusions. Donc le
10 gouvernement albanais faisait de son mieux afin d'empêcher l'UCK; le
11 gouvernement yougoslave, pour sa part, faisait le pire afin de combattre
12 le terrorisme sur son propre territoire. C'est ça, votre conclusion?
13 Réponse: Ce n'est pas cette conclusion-ci que j'ai tirée, Monsieur
14 Milosevic. Allons!
15 M. Milosevic (interprétation): Elle découle de ce que vous êtes en…
16 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au Témoin de terminer.
17 Lord Ashdown (interprétation): Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit,
18 Monsieur Milosevic.
19 Je vous ai livré mon avis sur ce qui se passait dans le nord de l'Albanie.
20 Je me suis contenté de dire que, même si le gouvernement yougoslave a tout
21 à fait le droit de lutter contre le terrorisme, contre le non-respect de
22 la loi, dans ses propres territoires -je n'ai jamais nié ce droit-, mais
23 je dis que les méthodes utilisées, certaines de ces méthodes ne
24 répondaient pas aux normes du droit international. C'est tout ce que j'ai
25 dit.
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1 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, et ici aussi en
2 commentant, vous avez mentionné une chose. Vous dites que, en route vers
3 Tropoje, plus précisément au poste-frontière où vous avez pu observer
4 depuis le côté albanais, vous avez vu la contrebande d'armes, vous l'avez
5 vu de vos propres yeux; et votre commentaire est de dire que c'était une
6 zone où on ne respecte nullement la loi.
7 Et plus tard, vous avez dit qu'un membre quelconque de la police serbe,
8 lorsqu'on a repris les armes aux Albanais, a rendu ou aurait rendu ces
9 armes pour les recycler au marché noir. Est-ce exact? C'est ce que vous
10 avez dit. Puisque le marché noir de ce genre ne pouvait pas exister au
11 Kosovo, ou d'ailleurs où que ce soit ailleurs en Yougoslavie, êtes-vous en
12 train de suggérer que les policiers serbes et yougoslaves portaient ces
13 armes en Albanie pour les revendre?
14 (Le Témoin fait un signe négatif de la tête.)
15 Enfin, c'est la première fois de ma vie que je viens d'entendre cela,
16 aujourd'hui, à savoir que la police yougoslave trafiquait des armes au
17 noir! Alors, je demande une explication.
18 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au Témoin de répondre.
19 Lord Ashdown (interprétation): Je n'ai jamais laissé entendre ce genre de
20 choses. Je n'ai jamais dit que la police ou l'armée yougoslave faisait du
21 marché noir en Albanie; vous le savez très bien.
22 Ce que j'ai dit, c'est ceci: on m'avait relaté, et on m'a répété ceci par
23 la suite de façon tout à fait cohérente, on nous a dit qu'il y avait un
24 marché intérieur qui circulait, à savoir que les villageois demandaient
25 des armes et, s'il n'était pas possible de trouver ces armes, on les
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1 achetait localement.
2 Je ne dis pas qu'on les avait achetées en Albanie. Il y avait un marché
3 noir et ils pensaient que les armes qu'ils avaient ensuite remises au MUP
4 ou aux forces yougoslaves étaient, d'une façon ou d'une autre, remises sur
5 ce marché noir d'où on les rachetait. Moi, je me contente de relayer ici
6 de l'ouï-dire, des récits qu'on m'a faits. Même si ceci a été corroboré
7 par d'autres, je n'ai pas dit qu'il y avait ce genre d'activité en
8 Albanie.
9 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, Monsieur Ashdown, mais si vous
10 connaissez un tant soit peu le Kosovo et les Albanais kosovars, vous ne
11 démentirez pas le fait qu'il n'y avait pas une seule maison là-bas où il
12 n'y avait pas d'armes, qu'il n'y avait pas une seule famille qui n'avait
13 pas d'armes.
14 Je vous le dirai aujourd'hui: je ne crois pas qu'aujourd'hui, il y ait une
15 seule maison albanaise là-bas où il n'y a pas d'armes. Et c'est une
16 tradition. Le savez-vous?
17 Réponse: Monsieur Milosevic, malheureusement un des fléaux des Balkans,
18 c'est qu'effectivement, les armes ne sont jamais loin, ni d'un côté ni de
19 l'autre. L'Albanie, elle, abonde en armes; il ne faut pas aller très loin
20 pour en trouver, des armes. Je n'ai pas dit que je prêtais foi aux récits
21 qui m'étaient faits. Je sais que, dans de telles circonstances, toutes
22 sortes de rumeurs circulent; je ne suis pas naïf au point de croire
23 chacune de ces histoires. Je me suis contenté de soumettre ici les récits
24 qui m'avaient été faits.
25 Question: Bien. Vous parlez de récits, mais vous est-il venu à l'esprit,
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1 compte tenu du fait que tout un chacun est censé avoir des armes, que
2 cette histoire disant qu'ils n'avaient pas d'armes et qu'ils devaient donc
3 acheter des armes pour les remettre à la police, vous est-il venu à
4 l'esprit que ce n'était pas vrai?
5 Mais qui peut croire une seconde qu'ils n'avaient pas d'armes? Qui que ce
6 soit qui ne soit pas naïf? Et de toute évidence, vous-même, vous n'êtes
7 pas naïf.
8 Réponse: Oui, et je n'ai pas été naïf au point de croire que peut-être on
9 me racontait autre chose que la vérité. Moi, je me suis contenté de
10 relayer, de relater ici les récits qui m'avaient été faits et qui avaient
11 été corroborés par d'autres. Il incombe aux Juges de juger de la validité
12 de ceci.
13 Mais je peux dire ceci: d'après ce que j'ai vu, j'ai dit que ces armes
14 n'étaient nullement dissimulées, que certaines d'entre elles n'étaient
15 même pas utilisables, voire que certaines étaient dans un état tout à fait
16 dangereux. Elles n'étaient pas cachées, elles étaient dans une armoire
17 dans une maison. Et ceci semblait tout à fait correspondre avec d'autres
18 récits qui m'avaient été faits, à savoir que ces villageois n'avaient pas
19 d'armes à remettre aux Serbes.
20 Les histoires de circulation d'armes de marché noir, ce sont des choses
21 qu'ils ont affirmées, je n'ai pas de preuve. Je n'ai pas la naïveté de
22 croire tout ce qu'on me raconte. Je soumets ces récits parce que ceux-ci
23 correspondent à d'autres récits similaires. Je ne sais pas si vous les
24 avez déjà entendus vous-même. Et je précise que c'était de l'ouï-dire.
25 M. Robinson (interprétation): Combien d'armes avez-vous vues? Je parle ici
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1 des armes...
2 Lord Ashdown (interprétation): Des armes qu'il fallait remettre?
3 M. Robinson (interprétation): Oui, pour répondre aux exigences des Serbes.
4 Lord Ashdown (interprétation): Six ou sept, Monsieur le Juge. Il y avait
5 des kalachnikovs. Il y avait notamment un fusil Simonov et quelques
6 munitions, des grenades à main. Je pense qu'une ou deux de ces armes
7 étaient dans du papier, encore emballées. Deux ou trois auraient pu être
8 utilisées immédiatement. Pour les trois ou quatre autres qui restaient,
9 celles-là, elles étaient hors d'usage parce qu'elles étaient tout à fait
10 rouillées.
11 M. Robinson (interprétation): Savez-vous si d'autres armes du même type
12 auraient pu être trouvées ailleurs pour les mêmes fins?
13 Lord Ashdown (interprétation): Non. Rappelez-vous, la veille, lors de ma
14 visite du 27, le mécanicien m'avait dit la même chose. Il m'avait dit que
15 les villageois avaient reçu l'ordre de fournir des armes, qu'ils n'en
16 avaient pas, qu'ils avaient dû trouver 10.000 Marks pour aller acheter ces
17 armes sur le marché noir. Moi, je ne fais que relayer, relater ce qu'on
18 m'a dit. Je n'ai pas de jugement de valeur, je n'ai qu'à dire que c'était
19 que de l'ouï-dire. Si ce n'est que j'ai vu moi-même ces armes et que, là
20 où elles étaient stockées, cela correspondait aussi bien à ce qu'on
21 m'avait dit.
22 M. Robinson (interprétation): Savez-vous si le nombre d'armes que vous
23 avez vues aurait pu coûter 10.000 Marks?
24 Lord Ashdown (interprétation): Je ne peux pas vous le dire.
25 Malheureusement, les armes ne coûtent pas très cher. Impossible de vous
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1 dire ce que ces armes auraient coûté. Mais lors d'une visite ultérieure…
2 En fait, j'étais vivement préoccupé par le sort de ce village, je me
3 disais que les personnes que j'avais vues avaient peut-être été en butte à
4 des mauvais traitements de la part des forces yougoslaves que j'avais vues
5 ce jour-là sur les collines environnantes.
6 Donc je suis rentré dans ce village en décembre. J'ai essayé de voir les
7 mêmes personnes. Le village n'avait pas été attaqué, n'avait pas été
8 incendié ni pillé. Et les dégâts que j'avais vus dans d'autres villages,
9 je ne les ai pas vus là. On m'avait dit que les Serbes étaient venus, les
10 forces yougoslaves, au moment prévu, deux heures après, et on leur avait
11 remis les armes.
12 M. Robinson (interprétation): Merci.
13 M. Milosevic (interprétation): Pour que cette question qui concerne les
14 armes soit claire: l'année d'avant par rapport à votre visite, vous
15 rappelez-vous la situation chaotique en Albanie lorsque tous les entrepôts
16 ont été pillés, lorsque plusieurs centaines de milliers de pièces
17 d'armement appartenant à l'armée albanaise sont parties par des canaux
18 illégaux pour être recyclées, d'après les rapports que j'ai lus.
19 Mais un fusil automatique pouvait s'acheter pour 100 deutschemarks, voire
20 même pour 50 marks, tant l'offre était importante. Donc une bonne partie
21 de ces armes, si vous vous rappelez cette situation, s'est retrouvée au
22 Kosovo. C'était un fait de notoriété publique! Alors, était-il inhabituel
23 ou inattendu que la police fouille...
24 M. le Président (interprétation): Etablissons tout d'abord si le Témoin
25 est au courant de ces événements qui se sont produits en Albanie.
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1 Lord Ashdown (interprétation): Mais ceci fait partie de mon rapport à la
2 suite de la première visite. J'ai dit que manifestement il y avait plein
3 d'armes en Albanie. Il y avait eu ce scandale des pyramides, effondrement
4 du gouvernement, pareil pour Sali Berisha et, effectivement, les forces de
5 sécurité albanaise ont pénétré et effectivement il y avait des millions
6 d'armes en circulation.
7 M. le Président (interprétation): Cela s'est passé quand?
8 Lord Ashdown (interprétation): Je pense que, sur ce point tout du moins,
9 la connaissance du Témoin (sic) est meilleure que la mienne.
10 M. le Président (interprétation): En 1997?
11 M. Milosevic (interprétation): En 1997. Mais si vous vous souvenez, c'est
12 le moment où il y a eu cette catastrophe: tout le système des banques
13 s'est écroulé, c'est là que l'on a réquisitionné ou, plutôt, pillé tous
14 les entrepôts, et c'est là qu'il y a eu une situation d'anarchie
15 généralisée en Albanie. Il y a eu des millions d'armes à ce moment-là qui
16 se sont retrouvées sur le marché...
17 Lord Ashdown (interprétation): Effectivement, là où il y avait
18 instabilité, cela a attiré les armes. Je suppose que certaines de ces
19 armes se sont retrouvées avec l'IRA, en Irlande. Là où il y a un conflit,
20 cela entraîne la vente d'armes. Il y a de bonnes preuves pour montrer
21 qu'il y a des arsenaux considérables d'armes qui sont passés dans les
22 mains de criminels pour arriver dans des lieux de conflits de par le
23 monde.
24 Question: Mais c'est précisément là que l'on en vient à ce point de votre
25 déposition, lorsque vous parlez de la zone de Junik. Savez-vous que c'est
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1 justement dans ce secteur, le secteur de Junik, qu'il y avait davantage de
2 chemins dans les collines, dans les montagnes par lesquels passaient des
3 convois très importants de jours, ou plutôt de nuit, et qui transportaient
4 à dos d'âne des armes pour le Kosovo?
5 Vous, vous regardiez depuis le poste frontière. Vous savez que l'armée
6 gardait la frontière et réagissait lorsqu'il y avait infiltration de
7 groupes terroristes d'Albanie, qui cherchait à empêcher ces entrées de
8 convois à dos d'âne qui transportaient des armes et qui les apportaient au
9 Kosovo?
10 Réponse: Oui, effectivement. Ayant participé à des opérations similaires
11 contre les terroristes dans d'autres pays, je suis conscient de ce fait.
12 Mais je dois préciser que ce que j'ai vu correspondait bien aux actions
13 d'une armée qui ne s'acquittait peut-être pas de ces tâches, mais en tout
14 cas menait des actions arbitraires, aveugles contre une population civile,
15 pas contre une cible militaire, et ceci dans l'intention de forcer les
16 réfugiés. Il se peut qu'il y ait eu parmi ces réfugiés de telles
17 personnes, mais ces réfugiés, c'étaient surtout des femmes et des enfants.
18 Donc on les a poussés à partir de chez elles et de chez eux. Et tout ceci
19 est une attaque vraiment à l'aveuglette qui correspond bien à cette
20 politique de "terre brûlée".
21 Réponse: Vous avez une idée de la distance. Là, vous êtes en train de
22 parler de cela, donc la distance entre ce poste d'observation. Il me
23 semble que vous parlez de Gegaj, donc ce poste d'observation qui se situe
24 en Albanie, et Junik au Kosovo. Et vous considérez avoir vu des chars en
25 face, donc en Yougoslavie?
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1 Réponse: Je crois l'avoir dit dans le cadre de ma déposition. Il me semble
2 que j'étais situé à un endroit qui surplombait le poste frontière, et nous
3 étions à environ deux kilomètres. Junik est plus éloigné, mais j'ai dit
4 dans le cadre de ma déposition que je me trouvais dans la zone de Junik.
5 Il y avait en dessous de nous un certain nombre de maisons dans un rayon
6 de deux kilomètres, dirais-je, peut-être un petit peu moins, et ces
7 maisons étaient une par une ciblées.
8 Plus loin, sur une petite élévation, j'ai pu constater que des troupes
9 étaient déployées: il s'agissait d'une section de mortiers avec les
10 véhicules blindés correspondant à ce type d'unité. Dans la vallée, il y
11 avait d'autres villages et j'ai pu voir des véhicules de transports de
12 troupes blindés et des chars qui étaient rassemblés et qui attendaient le
13 début d'autres attaques.
14 Comme je l'ai dit, j'ai vu deux chars qui s'éloignaient de l'endroit où je
15 me trouvais en direction de Djakovica. Ces chars se trouvaient au bord de
16 la route et tiraient systématiquement sur chacune des maisons du village
17 depuis la route. Je dois dire que l'on pouvait très distinctement entendre
18 les tirs d'armes légères.
19 D'ailleurs, lorsque nous sommes arrivés sur la montagne à l'endroit où
20 nous avons passé trois ou quatre heures, nous avons très clairement
21 entendu le bruit provoqué par les mitraillettes, mitraillettes lourdes ou
22 pas. J'ai donc pu entendre ces armes à distance; il faisait très chaud,
23 c'était en été. Donc j'ai déjà dit, je n'ai pas entendu de tirs en riposte
24 et je n'ai rien vu provenant de ces maisons.
25 Question: Mais cela signifie en réalité qu'il y avait bel et bien là des
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1 gens qui ont tiré sur la police ou sur l'armée?
2 Réponse: Je sais que certains véhicules de transports blindés ont été
3 remis au MUP et ont été peints en bleu. A moins que M. Milosevic ait des
4 informations prouvant le contraire, aucun char n'a jamais été remis au MUP
5 et tous les chars sont restés en possession de la VJ, de l'armée
6 yougoslave.
7 Monsieur Milosevic nous affirme qu'il y avait des gens dans ces maisons.
8 Je peux vous dire moi que je n'ai vu aucun tir de riposte. Je ne peux donc
9 pas vous dire s'il y avait des civils innocents dans ces maisons; je n'ai
10 vu personne riposter depuis ces maisons. Pour moi, ce qui se déroulait
11 sous mes yeux correspondait à une attaque systématique et généralisée, au
12 cours de laquelle l'armée yougoslave employait des armes lourdes pour
13 essayer de détruire les maisons des personnes.
14 Question: Quelle était la distance entre les chars et ces maisons?
15 Réponse: Cela fait quand même pas mal de temps, mais disons 200 ou 300
16 mètres.
17 Question: Alors, à une distance de 200 mètres, vous avez vu un char tirer
18 sur une maison? C'est ce que vous avez vu?
19 Réponse: Pas un seul char, plusieurs chars.
20 Question: Savez-vous que s'agissant de ces groupes terroristes de l'UCK,
21 savez-vous que l'arme la plus répandue utilisée contre les blindés était
22 un lance-roquettes portable. C'est cela qu'ils utilisaient. Ils les
23 utilisaient même pour tirer sur des postes de police ou sur des véhicules
24 appartenant à la police, sur des transporteurs militaires, etc. Le savez-
25 vous?
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1 Réponse: Monsieur Milosevic, moi, j'ai entendu le terme de "mortier" dans
2 l'interprétation en anglais.
3 Oui, justement, la conclusion que j'en ai tirée, c'est que ces chars ne
4 faisaient l'objet d'aucune attaque parce qu'ils ne se seraient jamais
5 positionnés à un endroit où ils auraient pu être à portée de telles armes.
6 Généralement, dans le cadre de telles attaques, les chars se placent à
7 2.000 ou 3.000 mètres de leur cible. Et ceci prouve précisément que les
8 chars ne faisaient l'objet d'aucune attaque de la part des maisons qu'ils
9 s'apprêtaient à détruire.
10 Question: Vous connaissez quel est l'aspect des maisons albanaises. Vous
11 connaissez la largeur, l'épaisseur des murs autour de chacune de ces
12 maisons. Vous l'avez vu, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui, je me suis rendu dans beaucoup de maisons albanaises, mais
14 vous êtes en train de nous dire qu'il s'agissait de grosses fermes. Ce
15 n'était pas du tout le cas: il s'agissait de maisons peu solides. Comment
16 vous décrire cela? C'étaient des maisons construites à partir de plots, de
17 briques et que l'on pouvait très facilement détruire. Je ne suis pas en
18 train de vous parler d'une ferme albanaise centenaire; il s'agissait là de
19 personnes extrêmement pauvres, qui vivaient dans des maisons qui avaient
20 une allure moderne et qui avaient été construites récemment.
21 Question: Oui, d'accord, mais Junik, c'était une véritable forteresse.
22 Vous êtes-vous rendu à Junik?
23 Réponse: Oui, je suis allé à Junik, ultérieurement. Je dois vous dire que
24 je n'ai pas constaté, d'une manière ou d'une autre, que Junik aurait été
25 une forteresse et un point fort des activités de l'UCK. Je ne me souviens
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1 pas avoir vu là une forteresse quand je suis allé dans cette ville.
2 D'ailleurs, quand je suis allé là-bas, la plupart des maisons avaient été
3 détruites.
4 Je n'affirme nullement que, dans cette région, il n'y avait pas d'activité
5 de l'UCK. C'est clair qu'il y en avait. La preuve, c'est que j'avais vu
6 des armes transportées dans les montagnes.
7 Tout ce que j'essaie de vous dire, c'est que ce que j'ai vu correspondait
8 aux actions d'une armée qui ne ciblait pas une cible militaire, mais qui
9 procédait à des attaques aveugles contre des maisons civiles, pour
10 détruire tout moyen de subsistance. Il s'agissait d'une politique de terre
11 brûlée, comme l'occupation allemande.
12 Question: Mais vous ne pouviez pas savoir ce qui s'est passé au préalable.
13 Vous n'avez vu qu'un élément.
14 Si j'ai bien compris, vous avez dit tout d'abord avoir vu les forces
15 serbes pilonner Junik, puis vous avez vu les forces serbes pilonner la
16 zone où se trouvaient les réfugiés; ensuite, vous continuez pour dire que
17 vous n'avez pas vu un seul obus tomber là où se trouvaient les réfugiés.
18 Or, vous avez vu leur trajectoire et vous vous êtes rendu compte que cette
19 trajectoire ne correspondait pas à la direction où se trouvait le village.
20 Je n'ai pas bien compris; peut-être que j'ai besoin d'explications.
21 Réponse: Je n'ai pas parlé de Junik, j'ai parlé des villages dans la
22 région de Junik. Je vous ai raconté ce que j'avais vu. J'ai été
23 extrêmement clair et je vous ai dit que j'ai vu des tirs, j'ai vu un canon
24 qui procédait à des tirs dans la direction opposée, à savoir sur le nord-
25 ouest, le long d'une crête où il n'y avait aucun village. Il y avait là
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1 des forêts et là se trouvaient les cols empruntés par les réfugiés.
2 Je n'affirme pas -et d'ailleurs, je n'ai pas dit, c'est important de le
3 signaler-, je n'ai pas dit qu'il était impossible qu'ils pilonnent ces
4 cols parce que justement ils étaient utilisés par l'UCK. Tout ce que j'ai
5 dit, c'est que l'on pilonnait le nord-ouest de la région, endroit
6 totalement inhabité. Ce sont des zones dont les réfugiés m'ont dit qu'ils
7 s'y étaient rendus. Tout ceci collait avec les récits faits par les
8 réfugiés, réfugiés qui m'ont raconté avoir été blessés en s'enfuyant
9 depuis leurs foyers pour quitter le Kosovo.
10 Question: Passons maintenant à votre visite qui s'est déroulée du 26 au 29
11 septembre au Kosovo.
12 S'il est vrai, s'il est vrai -j'insiste- qu'Ibrahim Rugova ne contrôlait
13 pas l'UCK, qu'il ne contrôlait que le DSK, et qu'il a organisé des unités,
14 comme il l'a dit, pour défendre les villages, eh bien, dans ce cas-là,
15 avez-vous pu constater de quelle manière le DSK a-t-il armé les civils?
16 Lorsque vous vous êtes entretenu avec lui, vous avez abordé cette
17 question?
18 Réponse: Je n'ai jamais affirmé être un expert au sujet du Kosovo. Je suis
19 ici pour parler de ce que j'ai vu pendant ces trois jours. Le DSK, qu'est-
20 ce que cela veut dire exactement: "à ma connaissance, M. Rugova est à la
21 tête d'un parti qui s'appelle le DSK"? Est-ce que c'est de cela que vous
22 voulez parler? Ou plutôt la LDK?
23 Question: J'ai compris que vous avez dit que Rugova n'exerçait pas
24 d'influence au sein de l'UCK?
25 Réponse: Non. En fait, dans mon rapport, on lit le contraire. On lit que
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1 M. Rugova affirmait qu'il contrôlait l'UCK. Je lui ai posé la question à
2 dessein, je lui ai demandé de manière très pointue: "Si vous deviez
3 proclamer un cessez-le-feu, est-ce que les forces de l'UCK s'y
4 plieraient?". Il m'a répondu que oui.
5 J'ai pensé en fait que M. Rugova n'exerçait pas le contrôle qu'il
6 prétendait avoir sur l'UCK. Je crois qu'il exerçait un contrôle par le
7 biais de la LDK, qu'il exerçait un contrôle sur les zones rurales du
8 Kosovo. Cependant, je pense qu'il ne bénéficiait pas d'une position de
9 force aussi patente, s'agissant des zones urbanisées du Kosovo.
10 Monsieur Milosevic, en fait, je dois vous dire qu'à cette époque je
11 pensais qu'il y avait trois UCK.
12 Il y avait l'UCK qui était une force de défense villageoise, rien de plus.
13 Et je pense que M. Rugova exerçait un contrôle effectif -enfin, c'est mon
14 opinion- sur ce qu'on pourrait qualifier de garde villageoise, l'élément
15 garde villageoise de l'UCK. J'imagine que c'était surtout le cas dans les
16 zones rurales.
17 Vous aviez une deuxième partie de l'UCK, sans doute les membres de l'UCK
18 que j'ai vus dans la zone de Bajram Curri, des gens qui étaient beaucoup
19 mieux organisés indéniablement. Et je pense que si M. Rugova exerçait un
20 contrôle sur cette fraction, ce contrôle était limité puisque c'était une
21 fraction radicalisée de l'UCK.
22 Quant à la troisième fraction de l'UCK, les FARK -je suis sûr que vous
23 connaissez cette dénomination-, il s'agissait d'une fraction complètement
24 différente du point de vue politique qui était sous le contrôle de Sali
25 Berisha.
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1 A mon avis, il s'agit bien entendu de mon opinion, M. Rugova exerçait un
2 contrôle assez fort sur la LDK dans les zones régulières, dans les zones
3 agricoles et rurales, et donc sur les patrouilles villageoises de l'UCK.
4 En fait, on utilisait ce terme de l'"UCK" pour parler d'une organisation
5 assez vaste qui recouvrait beaucoup de choses.
6 Question: A un moment ultérieur, avez-vous appris que l'UCK a tué un
7 certain nombre de fonctionnaires du LDK de Rugova?
8 Réponse: Oui, bien entendu, je suis au courant, et il est possible que
9 cela se poursuive encore à ce jour. Cela illustre ce que je vous ai dit de
10 la structure de l'UCK. Quant à savoir la pertinence avec les événements
11 qui nous intéressent, je l'ignore. Mais la structure de l'UCK avait la
12 structure que j'ai décrite.
13 M. Milosevic (interprétation): A ce moment-là ou à un moment ultérieur,
14 avez-vous appris quoi que ce soit au sujet des liens entre Al-Qaïda et
15 l'UCK?
16 M. le Président (interprétation): Nous nous éloignons de ce qui intéresse
17 cette affaire et des éléments qui peuvent être communiqués par le témoin.
18 Il est en train de nous donner les éléments de preuve dont il dispose et
19 pas son opinion. Vous n'avez pas encore fait référence, Monsieur
20 Milosevic, à la rencontre dont a parlé Lord Ashdown avec vous. Si vous
21 souhaitez contester ce qu'il a dit de cette réunion, vous pouvez, vous
22 devez le faire car vous savez, vous ne bénéficiez pas d'un temps illimité.
23 Le Témoin n'est là que pour cette journée, et les amis de la Chambre ont
24 peut-être des questions.
25 M. Milosevic (interprétation): Mais oui, il nous faut terminer
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1 aujourd'hui, cela ne pose aucun problème, Monsieur May. Mais là, nous
2 sommes sur un point très important parce qu'il est important de définir
3 qui, qui était l'auteur de toutes ces attaques terroristes au Kosovo et
4 qui était impliqué. C'est pour cela que j'ai demandé à Lord Ashdown s'il
5 était au courant, parce que ce sont des questions auxquelles il s'est
6 intéressé. Est-il au courant d'Al-Qaïda? S'il n'est pas au courant, nous
7 poursuivrons.
8 M. le Président (interprétation): Non, un instant, s'il vous plaît.
9 Nous ne souhaitons pas que vous nous fassiez part de votre opinion,
10 Monsieur le Témoin. Est-ce que vous pouvez nous dire quoi que ce soit au
11 sujet des questions évoquées par M. Milosevic?
12 Lord Ashdown (interprétation): Non.
13 M. le Président (interprétation): Fort bien, passons à autre chose.
14 M. Milosevic (interprétation): Pour expliquer cela, Lord Ashdown, j'ai
15 montré il y a quelques jours ici la déclaration du FBI qui montre la
16 présence d'Al-Qaïda au Kosovo.
17 M. le Président (interprétation): Il ne peut déposer à ce sujet.
18 Poursuivons.
19 Si vous avez des éléments de preuve à l'appui de cette question, il faudra
20 nous les présenter. Inutile de perdre du temps avec ce Témoin.
21 M. Milosevic (interprétation): Mais je pensais que Lord Ashdown était très
22 bien informé et qu'il était au courant des mêmes choses que connaissait le
23 FBI. Je pensais que c'étaient des informations qui lui étaient connues,
24 les informations qui sont accessibles à lui et au milieu où il évolue.
25 Lord Ashdown (interprétation): Désolé de vous décevoir, Monsieur
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1 Milosevic, mais il est indéniable que je n'ai aucune information à ce
2 sujet, je n'en ai reçu aucune, je ne connaissais rien à ce sujet à ce
3 moment-là.
4 Question: Bien. Aviez-vous une idée de ce qui pouvait être l'objectif de
5 l'offensive menée par l'UCK entre le printemps et l'automne de l'année
6 1998? Vous êtes arrivé sur place fin septembre, donc vous aviez la
7 possibilité d'être au courant de tous ces événements, en contact avec eux
8 ou en Albanie? Avez-vous pu évaluer quel était l'objectif de cette
9 offensive qui avait été menée par l'UCK, à commencer par le printemps 1998
10 et qui s'est terminée à l'automne?
11 Réponse: Non.
12 Question: Non?
13 Réponse: Non.
14 Question: Vous avez dit qu'en route pour Pec vous avez vu un village
15 détruit, le village de Prilep?
16 Réponse: Non, non, non, non. Je ne veux pas vous corriger s'agissant de
17 vos connaissances géographiques du Kosovo, nous savons très bien que vous
18 êtes tout à fait au fait de ce qui se passait là-bas, mais en fait nous
19 n'allions pas à Pec, mais nous allions de Pec à Gjakovë. Non, je voulais
20 simplement vous corriger, mais poursuivez, allez-y.
21 M. Milosevic (interprétation): Oui. Savez-vous que, pendant cette
22 offensive menée par l'UCK, l'un des traits essentiels ou l'un des
23 objectifs essentiels était de bloquer l'un des axes de circulation
24 principaux kosovars afin d'empêcher toute circulation normale, vie
25 normale, fourniture en vivres, déplacements, etc.? Enfin, de toute
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1 manière, nous savons tous à quoi revient le fait de bloquer des axes de
2 circulation.
3 Et savez-vous que c'est précisément ce village-là qui a été tout d'abord
4 vidé de sa population et ensuite transformé en une base qui était censée
5 maintenir le blocus de cet axe de circulation.
6 Mais quel gouvernement, quel gouvernement pourrait accepter qu'un groupe
7 de bandits...
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous vous lancez là
9 dans un discours. Votre question, quelle est-elle?
10 M. Milosevic (interprétation): La question est la suivante: de l'avis du
11 Témoin, quel gouvernement accepterait de tolérer que l'on bloque ...
12 M. le Président (interprétation): Non, cela, n'est pas une question
13 pertinente! Est-ce que vous êtes en train de dire, n'est-ce pas, que dans
14 ce village il y a eu des barrages?
15 Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quoi que ce soit à ce sujet?
16 Lord Ashdown (interprétation): Je pense qu'il est exact de dire qu'il y
17 avait des agressions de la part de l'UCK dans cette zone et que Prilep
18 était peut-être la base de ses activités. Quant à savoir si les activités
19 d'une organisation de guérilla ou terroriste puissent justifier
20 l'intervention des forces gouvernementales, interventions aériennes contre
21 le village pour le réduire en cendres et faire fuir sa population, je
22 pense que cela constitue un usage excessif de la force. Et ce sera à la
23 Chambre de statuer à ce sujet.
24 Je sais qu'il y avait des terroristes et je sais que les terroristes
25 utilisent parfois des techniques de blocage de route, etc. Mais je n'ai
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1 jamais pensé que, pour lutter contre ce type d'activités, il était
2 nécessaire de faire appel aux chars, à l'armée de l'air, etc.
3 Question: Je ne suis pas en position de confirmer que les avions ont été
4 utilisés, mais on a certainement utilisé des blindés pour briser cette
5 forteresse; c'était une véritable forteresse qui a été constituée sur la
6 route. Mais vous savez qu'il ne s'agissait pas d'un simple barrage, le
7 village tout entier s'est transformé en forteresse. On a bloqué l'un des
8 axes principaux afin de prouver la puissance de l'UCK, afin de montrer que
9 l'UCK pouvait arrêter toute vie normale dans cette zone de Metohija. C'est
10 dans la zone de Pec avec un grand nombre d'habitants: il y a des usines,
11 c'est un centre administratif, etc. Bon, je ne vais pas entrer dans le
12 détail.
13 Réponse: Monsieur Milosevic, c'est votre version de l'événement. D'autres
14 auront peut-être une vision différente des choses. Je ne peux pas vous
15 apporter d'observations à ce sujet, je n'en ai pas été témoin. Moi, j'ai
16 été témoin des conséquences de cet événement. Vous, si vous affirmez que
17 toutes les destructions subies par ce village, la destruction des maisons,
18 la destruction des poêles, la destruction des semences, la fuite forcée
19 des habitants, si vous affirmez que tout cela était nécessaire et faisait
20 partie d'une opération militaire légitime, je ne peux pas vous empêcher
21 d'avancer cet argument. Tout ce que je peux dire, en ce qui me concerne,
22 c'est que ce que j'ai vu à l'époque, cela correspondait beaucoup plus à
23 une politique de "terre brûlée", menée à l'aveugle dans cette région. Et
24 ce que j'ai vu ces jours-là dans la région de Suva Reka, cela constituait
25 une telle opération.
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1 Question: Vous voulez dire: opération militaire?
2 Réponse: L'opération militaire que j'ai vue à Suva Reka, bien sûr. Il
3 faudrait dire que l'utilisation de pièces d'artillerie autotractées, de
4 chars venant d'au moins dix kilomètres constituait une action contre des
5 positions de l'UCK. Je sais que les Serbes sont très forts en artillerie,
6 ils sont très réputés pour cela, mais moi j'estime qu'il s'agit d'une
7 utilisation excessive de la force.
8 Question: Avez-vous une idée du nombre de soldats et de policiers qui ont
9 perdu leur vie lors de ces opérations menées par les terroristes de l'UCK?
10 Avez-vous une idée des victimes?
11 Réponse: Je ne peux pas vous donner de chiffre exact, mais je pense que
12 c'est moins que le nombre de personnes qui ont été tuées en Irlande du
13 Nord quand je m'y trouvais.
14 M. Milosevic (interprétation): Je ne souhaite pas citer ces chiffres, je
15 les ai déjà donnés à un autre moment. Le nombre de ces soldats et
16 policiers serbes, s'ils avaient été dix fois plus élevés, cela vous aurait
17 incité à dire que notre recours à la force n'était pas exagéré. Donc
18 aurait-il fallu que l'on subisse des pertes multipliées par dix pour que
19 vous acceptiez que la riposte était adéquate?
20 Lord Ashdown (interprétation): Le droit international est très clair à cet
21 égard: l'utilisation excessive de la force est l'utilisation d'une force
22 qui dépasse les nécessités du problème concerné. Et quels que soient les
23 chiffres, vous constaterez qu'on avait affaire là à une tentative de menée
24 pour faire fuir la population civile en la terrorisant. Vous nous dites
25 qu'il s'agissait là d'opérations contre les terroristes mais, ici, vous
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1 aviez des villages qui étaient pilonnés, qui étaient pillés, etc.,
2 incendiés. Et cela, ça n'a rien à voir avec les prescriptions du droit
3 international, ça n'a rien à voir avec une organisation ciblée, ça n'a
4 rien à voir avec les activités entreprises par un pays civilisé.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons bientôt
6 nous interrompre, le moment est venu de faire la pause. Il s'agit là de
7 questions qu'il appartiendra à la Chambre de décider. Il s'agit là de
8 points de droit, des points de droit qui relèvent des prérogatives de la
9 Chambre de première instance.
10 Et quant à statuer sur les faits au Kosovo, c'est à la Chambre que cela
11 revient. Pas au Témoin.
12 Le Témoin est là pour nous dire ce qu'il a vu et ce qu'il a entendu. Il ne
13 peut rester avec nous que jusqu'à la fin de cette après-midi.
14 Les amis de la Chambre ont un certain nombre de questions. Nous avons
15 étudié la question du temps et nous allons vous accorder, Monsieur
16 Milosevic, encore une heure, si cela vous est nécessaire. Une heure. Cela
17 signifie qu'en tout, vous aurez eu trois heures; ce qui est largement
18 suffisant pour ce Témoin. Nous ne vous encourageons pas à utiliser tout ce
19 temps qui vous est ainsi imparti mais, si vous le souhaitez, vous pourrez
20 le faire. Mais en tout cas, pas plus.
21 Nous allons maintenant lever l'audience.
22 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas l'intention de citer à la barre un
23 autre témoin cet après-midi, si cela vous agrée.
24 M. le Président (interprétation): Oui. Nous reprendrons nos travaux à 14
25 heures 30.
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1 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, les interprètes ont
3 fait une demande: ils demandent que vous ménagiez des pauses. Pendant que
4 le Témoin répond à votre question précédente, attendez avant de poser la
5 question suivante, sinon il y a chevauchement et perte de l'interprétation
6 de votre question. N'oubliez pas cela, s'il vous plaît.
7 Monsieur le Témoin, n'oubliez pas non plus les interprètes.
8 Lord Ashdown (interprétation): Je vais essayer ne pas les oublier.
9 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je ferai des pauses plus
10 importantes. J'espère que cela ne se fera pas au détriment du temps que
11 vous m'avez imparti.
12 Hier, vous avez parlé de cette visite que vous avez rendue dans les
13 environs de Klina, et vous avez vu un hameau qui, sans aucun doute, a été
14 le théâtre de conflits. Avez-vous reçu l'information de la part de qui que
15 ce soit vous disant qu'à proximité immédiate, à savoir dans le village de
16 Volujak, où se situe une mine de bauxite désaffectée, il y a eu plusieurs
17 Serbes précipités dans des trous et qu'il n'y a nullement été question, à
18 cet endroit, d'attaque brutale, que plutôt il s'est agi de conflit avec
19 l'UCK?
20 Réponse: Je n'en ai pas été informé, non.
21 Question: Bien, merci. Vous a-t-on dit qu'à proximité de Suva Reka,
22 Musatiste, plusieurs citoyens avaient été kidnappés et que deux frères ont
23 été tués? Non?
24 Réponse: Vous répondez pour moi?
25 Question: Non.
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1 Réponse: C'était une question. Et la question tenait à me demander si
2 j'étais informé?
3 Question: Vous a-t-on informé parce que vous ne vous êtes pas rendu sur
4 place, non?
5 Réponse: Non, je n'ai pas été mis au courant. Pas plus que je n'ai été
6 informé de chacune des activités terroristes menées par l'UCK. Je sais
7 qu'il y en a eu et j'étais sur les lieux d'une de celle-ci.
8 Question: Bien. Il s'agit des journées que vous avez passées sur place,
9 par exemple la journée du 27. Nous avons toute une série d'exemples pour
10 l'été dans son ensemble. Mais le 27, lorsque vous étiez au Kosovo, 114
11 membres de l'UCK avec armes et en uniforme ont été interpellés, ils ont
12 été transportés au poste de police de Prizren. Vous a-t-on informé de cela
13 puisque c'étaient les journées où vous étiez sur place?
14 Réponse: Non, même si, si je me souviens bien, j'ai rencontré certains
15 membres des forces armées yougoslaves, les représentants, et ils ne m'en
16 ont jamais parlé. Je n'ai jamais affirmé qu'il n'y avait pas d'activités
17 terroristes à ce moment-là. Je n'ai jamais dit non plus que les forces
18 yougoslaves n'avaient pas le droit de prendre des mesures à leur encontre.
19 Cependant, ma thèse a toujours été celle-ci: ce que j'ai vu, c'est qu'il y
20 avait abus de force dans ces opérations.
21 Question: Si j'en parle, c'est parce qu'en répondant à l'une des questions
22 qui vous ont été posées, vous avez parlé d'individus et de cas isolés. Là,
23 nous avons trois villages: Savoro, Budakovë et Bukos. Nous avons 113
24 personnes qui ont été interpellées, il y en a eu un grand nombre qui se
25 sont enfuies. Donc il ne s'agissait nullement de cas isolés, il s'agissait
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1 de groupes d'une taille certaine qui ont agi dans les environs.
2 Réponse: Vous avez sans nul doute le droit de soumettre ces moyens de
3 preuve à la Chambre pour justifier de ces actions, mais est-ce que vous me
4 le dites à moi? Est-ce que vous voulez dire que ces activités terroristes
5 que vous venez de décrire justifiaient les lourds bombardements
6 d'artillerie et l'utilisation des grandes unités de l'armée yougoslave à
7 partir d'une distance de dix kilomètres? Vous voulez dire que c'était là
8 une réaction adéquate à ces cas que vous mentionnez, c'est cela que vous
9 voulez laisser entendre?
10 M. Milosevic (interprétation): Ce dont je suis en train de parler, c'est
11 d'une activité qui ne se réduit pas à des actions isolées. Nous avons ici
12 un groupe dont 114 membres ont été interpellés. De toute évidence, il
13 s'agit d'une opération militaire d'envergure. Partagez-vous mon opinion,
14 oui ou non?
15 M. le Président (interprétation): Le Témoin ne sait rien à propos de ces
16 arrestations. Passons à autre chose.
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, vous êtes arrivé à une conclusion,
18 à une certaine conclusion consistant à penser qu'il y a eu des pressions
19 qui ont été exercées, des pressions fortes qui ont été exercées sur des
20 Albanais. Vous êtes arrivé à Pec et, d'après vos propres paroles, vous
21 avez vu que la vie s'y déroulait normalement. Vous a-t-il semblé logique
22 de vous demander pourquoi la situation était si calme à Pec s'il y avait
23 -comment dire- une sorte d'intention générale consistant à vouloir chasser
24 les Albanais puisqu'ils sont plus nombreux à Pec que dans des hameaux que
25 vous avez visités?
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1 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, je suis sûr que vous
2 connaissez les détails concernant le Kosovo comme n'importe qui. Une des
3 choses les plus bizarres qui se passent au Kosovo -et effectivement
4 parfois je me dis que c'était là un des aspects qui a induit en erreur
5 autant d'observateurs internationaux-, c'était qu'à l'époque, à Pec et à
6 Pristina, il était possible d'avoir une vie tout à fait normale, stable,
7 paisible, alors qu'à quelques kilomètres à peine de là, là où peut-être ne
8 se sont pas rendus aussi souvent autant d'observateurs internationaux, il
9 pouvait se passer des scènes atroces, des actes de terrorisme, comme vous
10 venez de le dire. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute de temps à autre;
11 mais aussi des actes commis par les forces yougoslaves, cela, c'était une
12 réalité du Kosovo.
13 Un des problèmes qui s'est posé, c'est que certains ont peut-être mal
14 compris l'ampleur de la campagne qui se passait dans les milieux ruraux
15 parce qu'ils n'ont pas vu de preuve de cela dans les villes. C'était
16 pourtant la réalité du Kosovo à l'époque, et je pense que vous le savez
17 pertinemment.
18 Par exemple, pendant l'opération de Drenica, Pristina était tout à fait
19 calme. Pendant l'opération de Suva Reka, pareil, situation tout à fait
20 calme.
21 A Pec, c'est un peu comme si on était dans deux pays différents, vous le
22 savez fort bien. Pour savoir ce qui se passait dans la campagne au Kosovo,
23 dans une grande mesure mais pas seulement à cause de vos forces, et si
24 l'on met ceci en contraste avec la vie paisible d'une ville comme Pec ou
25 Pristina...
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1 Question: Vous êtes en train d'émettre un avis général concernant tous les
2 milieux ruraux, ou cela concerne un secteur en particulier?
3 Réponse: Bien sûr que je parle d'une zone précise puisque je ne m'y suis
4 rendu que là, sur les lieux; je ne peux pas me lancer dans des
5 généralisations excessives.
6 Si vous voulez mon avis, il est probable que le sud du Kosovo a été plus
7 touché par ces opérations que d'autres régions, mais moi je ne peux parler
8 que des régions où je me suis rendu.
9 Question: Oui, vous avez mentionné Drenica. Savez-vous que cette région de
10 Drenica, ce triangle de Drenica était un foyer de crise; en fait, la
11 principale base de l'organisation terroriste qu'est l'UCK.
12 Réponse: Je sais que c'est cela que l'on affirme, mais je ne pense pas que
13 ceci justifie pour autant les actions menées aveuglément par vos troupes
14 dans la poursuite de ces objectifs.
15 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous éventuellement que, dans cette
16 région de Drenica, à l'issue de la Seconde Guerre, il a fallu plusieurs
17 années pour que la police interpelle ces bandes qui étaient au service
18 d'Hitler durant la Seconde Guerre et qui se cachaient dans les collines de
19 la région de Drenica. Pendant sept ans après la guerre, cela a duré.
20 M. le Président (interprétation): Quelle la pertinence de la question?
21 M. Milosevic (interprétation): C'est pertinent parce qu'il s'agit d'un
22 foyer de crises qui a toujours été source de problèmes. Il y a toujours eu
23 des bandits, de la contrebande, des difficultés, même entre les deux
24 guerres, l'armée royale...
25 M. le Président (interprétation): D'accord. Posez la question. Nous allons
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1 poser la question au Témoin pour voir s'il est au courant.
2 Lord Ashdown, est-ce que vous savez que c'était là un foyer de banditisme?
3 M. Ashdown (interprétation): Si l'accusé l'affirme, je n'ai pas de doute à
4 ce propos. Mais je sais aussi que, dans cette région, des crimes
5 effroyables ont été commis contre les Albanais, notamment cet horrible
6 massacre d'une famille. Je n'étais pas là au moment où cela s'est passé et
7 je ne peux donc pas en parler; mais une famille a été massacrée: des
8 jeunes, des personnes âgées ont été tuées et vraiment mutilées, de façon
9 horrible. Je ne peux pas en parler parce que je ne l'ai pas vu de mes
10 yeux, mais d'autres pourront sans doute le faire.
11 Mais rien de tout ceci ne change quoi que ce soit à ma déposition. A
12 savoir que, bien sûr, vous pouviez, vous aviez le droit de lutter contre
13 le terrorisme, contre les désordres dans votre pays, mais que vous,
14 Monsieur Milosevic, vous avez utilisé des moyens qui étaient excessifs,
15 qui étaient arbitraires, qui avaient pour but de chasser la population et
16 qui étaient en violation du droit international.
17 Je pense qu'il est aussi pertinent de dire que M. Milosevic était au
18 courant de cela, il était informé de cela à notre réunion.
19 M. le Président (interprétation): Vous nous en avez parlé. Un instant,
20 Monsieur le Témoin.
21 Monsieur Milosevic, rappelez-vous que vous devez terminer à 15 heures 30
22 et vous n'avez pas encore posé de question sur la réunion. Si vous voulez
23 le faire et si vous contestez les dires du témoin à propos de la réunion,
24 faites-le dans le temps qui vous est imparti.
25 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr que si, mais je vous prie de tenir
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1 compte d'un fait: la plupart du temps est utilisé par le Témoin. Ce serait
2 très facile de procéder si je pouvais recevoir des réponses à mes
3 questions, si le Témoin me répondait en me disant s'il était au courant ou
4 s'il n'était pas au courant. Mais à chaque fois, il tient des discours.
5 M. le Président (interprétation): Mais vous savez, c'est kif-kif.
6 Poursuivons.
7 M. Milosevic (interprétation): Il y a un instant, vous avez évoqué des
8 meurtres et ainsi de suite.
9 Savez-vous, un exemple, que cette même police à laquelle vous attribuez
10 des meurtres, même durant ce chaos de la guerre, a arrêté plusieurs
11 centaines de citoyens yougoslaves suspectés d'avoir commis des meurtres,
12 des viols ou des pillages, précisément pour empêcher qu'il y ait ce genre
13 de meurtres et pour les punir?
14 Savez-vous qu'il y avait un ordre émis par l'état-major suprême, demandant
15 que chacune de ces actions ou chacun de ces actes illégaux soit sanctionné
16 de manière la plus rigoureuse, que les auteurs soient interpellés
17 immédiatement et traduits en justice? Savez-vous quoi que ce soit à ce
18 sujet-là?
19 Lord Ashdown (interprétation): Je le sais parce que vous me l'avez dit que
20 c'est cela qui allait se passer, mais je sais aussi qu'à bien des reprises
21 vous avez dit qu'il allait se passer des choses qui ne se sont jamais
22 produites. Notamment que les opérations dont j'ai parlé allaient être
23 terminées deux jours avant que nous voyions qu'elles ne se poursuivaient.
24 Monsieur Milosevic, je pense qu'il y avait un hiatus considérable, que bon
25 nombre de personnes ont reconnu, entre ce que vous, vous disiez en
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1 personne, ce que disait votre gouvernement et ce qui s'est passé dans la
2 réalité.
3 M. Milosevic (interprétation): Je suppose que j'étais légèrement mieux
4 informé que vous, mais, enfin, passons à autre chose.
5 Mis à part Decani...
6 Lord Ashdown (interprétation): Permettez-moi de vous interrompre.
7 M. le Président (interprétation): Non, non, passons à autre chose.
8 M. Milosevic (interprétation): Mis à part Decani, vous êtes-vous rendu à
9 d'autres monastères ou églises serbes? Oui ou non, s'il vous plaît?
10 Répondez-moi brièvement.
11 M. Ashdown (interprétation): Vous le savez parfaitement. Grâce à ma
12 déposition, je n'ai pas eu le temps de le faire, mais je suis allé à
13 Decani, c'est sûr.
14 Question: Avez-vous entendu parler des événements ou d'un seul d'entre ces
15 événements, où un monastère, une église ou un cimetière serbe ait fait
16 objet d'attaques terroristes?
17 Réponse: Non seulement je sais cela, mais j'ai aussi vu des photos que
18 m'ont montrées les autorités serbes, tout du moins après les incidents où
19 cela s'est produit. Je n'ai pas du tout voulu indiquer, en me rendant à
20 Decani et le trouvant ce monastère en parfait état, que ceci valait aussi
21 pour d'autres sites serbes.
22 Question: Savez-vous, par exemple, que ne serait-ce qu'à partir du moment
23 de l'arrivée de la KFOR et de la MINUK, 108 églises serbes ont été
24 détruites au Kosovo, et ce, sous les yeux de la KFOR?
25 Réponse: Oui, je le sais. Je sais que cela s'est produit, depuis la
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1 nécessité de l'intervention de l'OTAN, puisque vous n'avez pas tenu compte
2 des avertissements. Mais je ne vois pas ce que ceci a à voir avec ma
3 déposition. J'ai condamné publiquement ces faits d'ailleurs.
4 Question: Eh bien, au sujet de la lettre rédigée par le Premier ministre
5 Blair que vous m'avez apportée, je suppose qu'il est tout à fait clair que
6 l'objectif de notre rencontre était que vous me remettiez la lettre du
7 Premier ministre Blair?
8 Réponse: Non. Notre réunion avait notamment cet objectif de vous remettre
9 cette lettre de M. Blair, je m'étais engagé à le faire pour lui, vous le
10 savez bien. En fait, notre réunion avait pour objectif de vous faire part
11 de mon impression de ce qui se passait et, à la lumière des conclusions
12 que j'avais tirées, de vous mettre en garde de façon plus musclée et
13 vigoureuse que ceci n'était fait dans la lettre du Premier ministre. Il ne
14 fallait pas sous-estimer la Résolution de la communauté internationale qui
15 voulait maintenir le droit international et qui vous disait que si vous
16 poursuiviez vos actes qui étaient en contravention flagrante de ce droit,
17 inévitablement, il y aurait une intervention, et que vous seriez passible
18 de ces incidents qui s'étaient produits, dont vous étiez au courant. Et
19 dont vous étiez au courant aussi après ma visite.
20 Question: Mais vous l'avez déjà répété à plusieurs reprises, donc je
21 souhaite économiser du temps si possible.
22 Donc est-il clair que je vous ai reçu parce que vous étiez un envoyé du
23 Premier ministre britannique, Blair, parce que vous m'apportiez sa lettre?
24 Réponse: Je ne sais pas pourquoi vous m'avez reçu, Monsieur Milosevic. Je
25 vous ai remercié d'ailleurs de me recevoir. Mais je crois qu'à la fin de
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1 cette réunion, plus aucun doute ne planait sur l'objet de cette réunion:
2 c'était pour vous faire part de mes impressions et pour mettre en garde
3 également aussi.
4 Question: Nous avons donné lecture de cette lettre, vous l'avez remise
5 ici, il s'agit d'une inquiétude. Mais aussi vous souvenez-vous du fait
6 qu'en fait l'essentiel de cette lettre consistait en ce commentaire du
7 Premier ministre: à savoir qu'il fallait trouver une solution pacifique,
8 donc que l'essentiel pour les deux parties était un souhait et une envie,
9 donc que le mot clé était cette solution pacifique?
10 Réponse: Monsieur Blair est responsable de ce qu'il écrit bien sûr, mais
11 je pense que le corps de la lettre montrait clairement ce que ça voulait
12 dire. Moi, je voulais vous dire mes impressions, ces avertissements. Je
13 vous ai remis la lettre de M. Blair; c'est sa lettre à lui, pas la mienne.
14 Question: Oui. Mais c'était une lettre que vous m'avez remise, que j'ai
15 lue devant vous. Cette lettre a fait l'objet de commentaires. Et je vous
16 demande donc, puisque nous étions précisément en train de chercher une
17 solution pacifique, vous souvenez-vous de ce que je vous ai dit, de ce qui
18 constituait à mon avis la clef de la solution, ce qui figurait déjà dans
19 les documents, dans les propositions, pour une solution pacifique?
20 Réponse: Franchement, je ne me souviens pas que vous ayez tenu ces propos
21 mais enfin je n'exclue pas cette possibilité puisque moi aussi j'étais
22 favorable à une situation pacifique.
23 Mais je vous ai mis en garde: je vous ai dit qu'une solution pacifique ne
24 pouvait pas se produire si vous poursuiviez vos actions que je venais de
25 voir et que vous, par vos actions, à cause de vos actions, vous rendriez
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1 inévitable l'intervention de l'OTAN.
2 Question: Monsieur Ashdown, permettez-moi de vous rappeler une chose:
3 c'était une formule tout à fait simple que nous avons proposée. Je vous ai
4 dit donc -et les Américains étaient au courant à l'époque qui se sont
5 entretenus à ce sujet avec nous, ainsi que d'autres qui ont pris part-
6 qu'il fallait trouver une solution politique sur un pied d'égalité pour
7 tous les citoyens et en respectant le principe d'égalité des communautés
8 ethniques; les deux à la fois.
9 C'est pour ça que nous avons proposé et que nous nous sommes mis d'accord
10 sur tout, sauf qu'il y a eu un certain nombre de réserves qui n'étaient
11 pas tout à fait des réserves de principe, à notre avis. Donc que cette
12 égalité des communautés ethniques et des citoyens au Kosovo devait trouver
13 une expression dans le fait que le parlement serait constitué de deux
14 Chambres: d'une Chambre de citoyens constituée selon le principe "un
15 citoyen, une voix", et l'autre Chambre, une Chambre des communautés
16 ethniques, au sein de laquelle se trouveraient les délégués représentants
17 leurs communautés selon un principe de proportionnalité?
18 Réponse: Oui. Oui. Et vous le verrez à la lecture de mon rapport, j'ai
19 recommandé qu'il y ait des négociations et poursuites des négociations en
20 vue d'une solution pacifique. Ma déposition vous l'a montré.
21 Mais je vous ai mis en garde: j'ai dit que vous détruiriez ces chances si
22 vous poursuiviez l'usage de la force excessive en violation du droit
23 international et que, inévitablement, il y aurait une intervention de
24 l'OTAN et que vous, vous risquiez d'être mis en accusation.
25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je passe outre un certain nombre de
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1 questions en essayant de gagner du temps, mais je doute que l'on puisse
2 respecter la demi-heure qui nous reste.
3 Dans cette déclaration écrite que vous avez donnée, ainsi que lors de
4 votre déposition ici dans le prétoire, à plusieurs reprises vous avez
5 mentionné les Conventions de Genève et son Protocole II. Avant tout, est-
6 il clair que la Convention de Genève concerne les conflits qui opposent
7 des Etats?
8 Lord Ashdown (interprétation): Eh bien, je vais donner lecture du Deuxième
9 Protocole, et je dois vous dire, Monsieur Milosevic, vous, vous êtes un
10 juriste. Moi-même, je ne le suis pas. Donc je laisse à la Chambre le soin
11 de juger de la valeur de ceci. Mais je suis tout à fait prêt, si vous ne
12 l'avez pas, à vous donner lecture du point particulier qui nous intéresse
13 dans le Second Protocole.
14 M. le Président (interprétation): Il serait fort utile que nous parlions
15 de ce qui s'est passé à la réunion plutôt que de parler de généralités, ce
16 que nous semblons faire depuis un certain temps. Quelle a été la référence
17 à cela lors de la réunion?
18 Lord Ashdown (interprétation): Si je me souviens bien, on a parlé à la
19 réunion de ce dont j'ai parlé dans ma déposition: des sujets qui sont
20 repris au paragraphe 8-D) du statut fondateur de la Cour pénale
21 internationale. Je n'ai pas le document devant moi.
22 M. Nice (interprétation): Nous avons maintenant ce document. C'est un
23 document un peu plus volumineux que celui qu'avait Lord Ashdown ce matin;
24 je voulais savoir combien de pages il avait. Ici vous avez l'intégralité.
25 Mais pour ne pas vous interrompre davantage…
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1 M. Milosevic (interprétation): D'abord pour éclaircir ces points-là -je
2 suis en train de regarder l'heure qui tourne-, permettez-moi de préciser
3 un certain nombre de points.
4 M. le Président (interprétation): Oui, posez une question.
5 (Intervention de l'huissier.)
6 M. Milosevic (interprétation): Les Conventions de Genève concernent les
7 conflits opposant des Etats et non des conflits internes. Le Protocole II
8 prévoit des dispositions qui concernent les conflits internes. Ceci est
9 amplement cité ici et je vous prie de vous reporter à la disposition
10 suivante où il est dit: "Ce Protocole ne s'applique pas aux situations
11 concernant des troubles internes ainsi que des tensions internes, ainsi
12 que toute forme de violence qui ne constitue pas un conflit armé". Ceci
13 figure au paragraphe 2.1 du Deuxième Protocole.
14 M. le Président (interprétation): Ceci n'a rien à voir avec la déposition
15 de ce Témoin. Vous pourrez nous faire valoir ces arguments en temps utile
16 en tant que points de droit, cela va de soi. Mais cette déposition du
17 Témoin n'a rien à voir avec cela.
18 M. Milosevic (interprétation): Mais je vous en prie, cela a à voir. Et
19 comment! Puisque le Témoin a mentionné cela un nombre infini de fois. Or,
20 ce qu'on voit ici dans le texte est encore plus précis. Cela ne prendra
21 qu'une seconde, donc je vous prie que l'on tire cela au clair.
22 A l'Article 3, il est dit: "Rien dans ce Protocole ne sera invoqué afin
23 d'entraver la souveraineté d'un Etat ou l'autorité d'un gouvernement qui
24 cherche à maintenir l'ordre sur le territoire de l'Etat, ou afin de
25 défendre l'unité de l'Etat ou l'intégrité de ce territoire".
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1 Permettez-moi de terminer: "Rien dans ce Protocole ne sera utilisé afin de
2 justifier une intervention, qu'elle soit directe ou indirecte, pour
3 quelque raison que ce soit, pour s'immiscer dans les affaires intérieures
4 ou extérieures de l'une des autres parties contractantes sur le territoire
5 de laquelle le conflit se déroule".
6 Permettez-moi de terminer!
7 M. le Président (interprétation): Nous vous avons autorisé, Monsieur
8 Milosevic, à en faire la lecture. Mais ceci est sans rapport avec la
9 déposition. C'est une question de droit, uniquement. Vous pourrez
10 l'évoquer en temps utile. De toute façon, le Témoin vous renvoyait à un
11 autre document que vous avez maintenant sous les yeux. Si vous voulez lui
12 poser des questions à propos de ce qui s'est dit lors de cette réunion,
13 libre à vous de le faire. Mais il est inutile de perdre du temps sur des
14 questions de droit maintenant. Vous pourrez plus tard le faire.
15 Avez-vous d'autres questions à poser à ce Témoin?
16 M. Milosevic (interprétation): Je pense que ceci est pertinent parce que
17 le Témoin a évoqué le Protocole II. Je vous donne lecture précisément de
18 ce Protocole qui nous précise cela.
19 M. le Président (interprétation): Eh bien, parlons-en, d'accord. Un
20 instant, s'il vous plaît. Posons la question au Témoin.
21 Est-ce que vous avez fait référence au Deuxième Protocole?
22 Lord Ashdown (interprétation): Non, Monsieur le Président, j'ai dit
23 clairement dans ma déclaration, et j'ai voulu vérifier ce qu'il en était
24 de ce document que j'ai laissé à M. Milosevic. Ce n'était pas le Deuxième
25 Protocole. Mais ici je ne peux pas faire de commentaire sur la légalité de
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1 sa citation, mais je mentionne en passant qu'il a bien pris garde à ne pas
2 mentionner l'Article 1 de la partie 1 qui définit exactement le contenu.
3 M. Robinson (interprétation): C'est la raison pour laquelle il ne faut pas
4 se lancer dans une telle discussion maintenant, parce que c'est un point
5 de droit.
6 Lord Ashdown (interprétation): Mais puis-je vous aider dans ce sens-ci? Le
7 document que j'ai laissé à M. Milosevic, dont j'ai parlé avec lui, n'est
8 pas la deuxième partie. J'ai discuté avec lui du Statut de la Cour pénale
9 internationale et, si je me souviens bien, la Cour avait établi qu'un
10 conflit existait au Kosovo avant ma visite selon les termes du Statut.
11 La référence que j'ai faite, c'est celle que je vous ai citée, l'Article 8
12 qui dit ceci: "Aux fins du présent Statut, les crimes de guerre dans un
13 conflit signifient violation grave des Conventions de Genève, à savoir
14 l'un quelconque des actes suivants contre des personnes ou des biens
15 relevant des termes de la Convention de Genève". Et puis on cite le
16 paragraphe 4: sont énumérées au paragraphe 4 "les destructions
17 considérables de biens et des propriétés qui ne sont pas justifiées par la
18 nécessité militaire et qui sont exécutées de façon illégale".
19 M. Robinson (interprétation): Mais qu'est-ce que cela signifie? Ce qui est
20 plus significatif, est-ce le fait que vous avez fait référence à M.
21 Milosevic de ce document, ou est-ce que c'est l'interprétation judiciaire
22 ou juridique? Parce que nous n'allons pas parler maintenant de
23 l'interprétation juridique qu'il faut donner à ceci, mais on va perdre du
24 temps si on continue à se pencher sur cette question.
25 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie. Le Témoin vient de dire
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1 qu'il n'a pas mentionné le Deuxième Protocole. Or, nous avons ce texte, sa
2 déclaration, où il est dit: "De toute évidence, le recours à la force
3 disproportionnée, ce qui est contraire au Protocole II des Conventions de
4 Genève de 1977". C'est ce qui figure dans sa déclaration.
5 M. le Président (interprétation): Vous l'avez relevé et on vous a demandé
6 quelle était la pertinence de ceci pour cette partie du procès. Si vous
7 avez des questions à poser sur ce point, sur ce que le Témoin vous a dit,
8 soumettez-lui une question plutôt que d'essayer maintenant d'argumenter
9 sur des points de droit, s'il vous plaît.
10 M. Milosevic (interprétation): Cela est pertinent en effet, étant donné
11 qu'il convient de souligner le caractère juridique du conflit, à savoir
12 conflit des autorités légitimes, légales, avec...
13 M. le Président (interprétation): Nous prenons une décision: nous décidons
14 que ceci est sans intérêt s'agissant de ce Témoin et qu'il est inutile de
15 poursuivre cette discussion.
16 M. Milosevic (interprétation): Je pense que vous ne devriez pas éteindre
17 mon micro pendant le contre-interrogatoire que je conduis.
18 M. le Président (interprétation): Je continuerai à éteindre votre micro si
19 vous continuez à poser des questions non pertinentes.
20 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, pour ce qui est des crimes
21 perpétrés dans des conflits internes, c'est ce Protocole II à l'Article 6
22 qui cite la compétence des tribunaux nationaux, chose que nous avons
23 d'ailleurs faite.
24 M. le Président (interprétation): Non. Non, non. Question suivante.
25 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous une explication quelconque
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1 s'agissant des événements qui sont survenus en Macédoine et à l'occasion
2 de quoi l'armée macédonienne avait utilisé des hélicoptères, des avions et
3 des chars lourds contre les terroristes albanais, alors que personne n'a
4 qualifié ces conflits comme étant des conflits de guerre, et personne ne
5 les a d'ailleurs menacés d'agression ou de bombardement?
6 M. le Président (interprétation): Ceci n'a aucun rapport avec la
7 déposition du Témoin. Je remarque que vous n'avez remis en question rien
8 de ce qui a été dit au sujet de la réunion. On peut donc partir du
9 principe que cela ne fait justement l'objet d'aucune objection de votre
10 part.
11 M. Nice (interprétation): Je souhaiterais vous signaler que l'extrait plus
12 étoffé du journal est maintenant disponible. Je vous l'avais promis. Peut-
13 être pourrait-on procéder à la distribution de ce document à ce stade de
14 la procédure?
15 M. le Président (interprétation): Oui, mais vite.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Mme Ameerali (interprétation): ...
18 M. Milosevic (interprétation): ...
19 M. le Président (interprétation): Un instant!
20 Mme Ameerali (interprétation): Le Statut de Rome de la Cour pénale
21 internationale portera la cote 79. Quant au journal, il portera la cote
22 P80.
23 M. Milosevic (interprétation): Le Procureur ne saurait interrompre mon
24 contre-interrogatoire, Monsieur May. Puis-je continuer maintenant?
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que dans les citations que vous
2 avez faites s'agissant de ce que j'avais dit, page 8, de la déclaration du
3 18 octobre de l'an 2000 -je parle du paragraphe 8.3-, vous avez parlé de
4 l'indépendance du Kosovo en sa qualité d'objectif à long terme. Et les 5.1
5 et 5.2 s'emploient en faveur de l'utilisation des raids aériens contre
6 l'armée yougoslave au Kosovo.
7 Ma question est la suivante: est-ce que...
8 Lord Ashdown (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur
9 Milosevic, mais j'ai besoin de savoir à quel document vous faites
10 référence. Est-ce que vous faites référence du rapport relatif à ma visite
11 au Kosovo?
12 M. Milosevic (interprétation): Je n'arrive plus à me débrouiller dans ces
13 montagnes de papiers que j'ai devant moi, mais vous pouvez le vérifier
14 ultérieurement.
15 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il s'agit de la déclaration
16 du Témoin, réalisée à l'intention du Tribunal, le 18 octobre.
17 M. Milosevic (interprétation): Le 18 octobre de l'an 2000, oui.
18 M. le Président (interprétation): Disposez-vous du document, Lord Ashdown?
19 Lord Ashdown (interprétation): Malheureusement, je ne le trouve pas.
20 M. le Président (interprétation): On va tout de suite vous remettre un
21 exemplaire.
22 M. Milosevic (interprétation): Pour ne pas perdre de temps, est-ce que je
23 peux continuer?
24 M. le Président (interprétation): Allez-y, mais indiquez au Témoin de
25 quelle partie vous donnez lecture pour qu'il puisse s'y retrouver.
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1 M. Milosevic (interprétation): Dans la page 8 de la déposition du 18
2 octobre 2000. Je parle du paragraphe 8.3, alinéa relatif à "l'indépendance
3 du Kosovo en sa qualité d'objectif à long terme".
4 (Intervention de l'huissier.)
5 Et aux paragraphes 5.1 et 5.2 "Emploi en faveur du recours aux raids
6 aériens au Kosovo contre l'armée yougoslave".
7 Lord Ashdown (interprétation): Je suis désolé, mais peut-être l'huissier
8 pourrait-il m'indiquer de quoi il s'agit? Je n'ai pas de page 8, donc je
9 ne voudrais pas faire perdre du temps à la Chambre. Mais très franchement,
10 je n'arrive pas à trouver le document en question.
11 M. Kay (interprétation): Je pense qu'il s'agit du document qui s'intitule
12 "Rapport sur la visite du Kosovo du 27 au 29 septembre".
13 Lord Ashdown (interprétation): Oui, je l'ai trouvé.
14 Pouvez-vous m'indiquer, s'il vous plaît, Monsieur Milosevic, à quoi vous
15 faites référence?
16 M. Milosevic (interprétation): A ce que je viens de vous dire: vous
17 connaissez les positions que vous aviez formulées, à savoir que vous vous
18 étiez employé en faveur du bombardement de la Yougoslavie. Est-ce que
19 c'est exact?
20 Réponse: Non. Absolument pas, comme vous le savez très bien. Je l'ai déjà
21 dit.
22 Question: Vous dites non? Bien.
23 Réponse: Je me suis entretenu avec vous, Monsieur Milosevic. L'objectif
24 était de vous dire que, si vous poursuiviez ce que vous étiez en train de
25 faire, l'intervention de l'OTAN serait inévitable. Moi, j'essayais
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1 d'éviter cette intervention. C'était mon objectif et l'objectif de notre
2 entretien.
3 Question: S'agissant de cette intervention de l'OTAN, vous avez dit que
4 c'était légitime et que cela n'avait pas été une violation de la Charte
5 des Nations Unies, tout à l'heure, quand je vous ai posé des questions à
6 ce sujet?
7 Réponse: Je parlais d'une opinion au sujet d'un événement qui a eu lieu
8 beaucoup plus tard.
9 Vous affirmez que je suis venu vous voir en proposant le bombardement du
10 Kosovo; c'est complètement faux, ce n'était absolument pas l'objectif de
11 notre rencontre. Cela n'a jamais inclus, cela n'a jamais été la teneur de
12 mon rapport. En fait, justement, je suis venu vous mettre en garde pour
13 éviter cela; je vous ai dit que, si vous poursuiviez ce que vous étiez en
14 train de faire, c'était inévitablement ce qui allait se produire.
15 J'essayais d'éviter cela. Ce qui s'est passé ensuite, l'intervention de
16 l'OTAN n'a rien à voir avec ce que j'ai dit, mais tout à voir avec ce que
17 vous avez fait.
18 Question: Vous avez vu ce que nous avions fait pendant plusieurs mois,
19 suite à cette réunion chez moi, et ce, partant de la citation dont je vous
20 ai donné lecture, s'agissant de votre ministre des Affaires étrangères, M.
21 Cook, et des autres participants à la même réunion.
22 Vous n'avez toutefois pas répondu à ma question, à savoir celle de savoir
23 quelle a été votre position concernant l'indépendance du Kosovo?
24 Réponse: J'ai présenté mon opinion, à savoir qu'à terme l'indépendance du
25 Kosovo serait sans doute ce qui se produirait. Et j'ai exprimé cela dans
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1 les termes qui figurent dans mon rapport. Mais, Monsieur Milosevic, mon
2 opinion quant à ce qui se passerait au Kosovo à terme n'a rien à voir avec
3 ce que j'ai vu pendant mon voyage.
4 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que ce que vous êtes en train
5 de nous raconter au sujet de l'indépendance du Kosovo? Et quand vous le
6 dites, est-ce que vous voulez dire par là qu'après l'Acte d'accusation
7 daté de mai 1999, lorsque la guerre était terminée, lorsque le G8 avait
8 envoyé Ahtisari et Chernomyrdin à Belgrade, une fois que la Résolution des
9 Nations Unies a été adoptée, aux termes de laquelle on garantissait
10 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, que cela avait été la
11 condition pour la mise d'un terme à la guerre?
12 M. le Président (interprétation): Ceci nous éloigne beaucoup des
13 déclarations du Témoin dans le cadre de sa déposition. Vous pouvez, bien
14 entendu, lui poser des questions au sujet de son rapport, mais rien de
15 plus.
16 Lord Ashdown (interprétation): Peut-être serais-je utile la Chambre ainsi
17 qu'à M. Milosevic, qui n'a peut-être pas lu mon rapport, pour reprendre ce
18 que j'ai dit dans mon rapport? Je n'ai pas recommandé l'indépendance du
19 Kosovo; j'ai simplement dit qu'il ne convenait pas d'exclure cette
20 possibilité en tant qu'objectif ultime, même si l'on ne pouvait pas encore
21 prévoir les circonstances dans lesquelles ceci pourrait être atteint de
22 manière sûre et sage. Et d'ailleurs, si j'ai bien raison, c'est exactement
23 sur cette base qu'a été résolu ce conflit. Personne ne peut dire ce que
24 sera le statut à long terme du Kosovo, mais on ne peut l'exclure.
25 M. Milosevic (interprétation): Mais ne pensez-vous pas qu'il ne saurait
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1 être fait de statut à long terme pour le Kosovo qui serait contraire aux
2 conditions d'interruption de la guerre qui garantissaient la souveraineté
3 et l'intégrité territoriale de la Yougoslavie?
4 Lord Ashdown (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est peut-être ou
5 peut-être pas une description correcte de l'issue de ces événements. Mais
6 la réalité n'en reste pas moins qu'il s'agissait là d'une opinion dont
7 j'ai fait part à mon gouvernement et cela reste d'ailleurs l'essentiel de
8 la position internationale à ce jour. On n'a pas encore trouvé de solution
9 au statut à long terme du Kosovo. Mais je dois dire que cela n'a
10 absolument rien à voir avec la déposition que je fais aujourd'hui au sujet
11 de certains événements ayant eu lieu à certaines dates.
12 M. Milosevic (interprétation): Mais si l'on garantit l'intégrité
13 territoriale et la souveraineté de la Yougoslavie, qu'est-ce que vous
14 avez, vous, à résoudre le statut du Kosovo? Pourquoi résoudriez-vous vous-
15 même le statut du Kosovo?
16 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'une question hypothétique
17 qui n'a rien à voir avec la déposition du Témoin.
18 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas une question hypothétique,
19 Monsieur May, parce que j'avais soulevé la question de savoir en quelle
20 qualité seraient-ils, eux, conviés à résoudre le statut du Kosovo alors
21 que l'on a garanti la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
22 Yougoslavie? Et cela est également le cas de la résolution 1244 du Conseil
23 de sécurité.
24 Lord Ashdown (interprétation): C'est une question qui m'est posée?
25 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas une question.
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1 M. Milosevic (interprétation): Bien, je dois me dépêcher avec ces
2 questions. Vous avez mentionné également que vous étiez en 1992 pour une
3 première fois en Bosnie-Herzégovine. Vous souvenez-vous des événements de
4 cette époque-là? A l'époque où une équipe de télévision britannique avait
5 fabriqué un film, un faux, concernant un camp de concentration où l'on a
6 filmé de l'intérieur des entrepôts au travers de fils barbelés pour
7 présenter...
8 M. le Président (interprétation): Vous parlez d'événements qui ont eu lieu
9 à Prijedor, n'est-ce pas?
10 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas exactement où au juste, mais
11 je sais que Lord Ashdown, à l'époque, après ces images montées à la
12 télévision britannique, avait demandé que le gouvernement britannique
13 aille bombarder les Serbes de Bosnie. Est-ce bien ainsi que cela s'est
14 passé ou pas?
15 Lord Ashdown (interprétation): Non. J'ai recommandé une intervention
16 rapide de la communauté internationale pour mettre un terme à ce conflit
17 et pour mettre un terme aux crimes commis des deux côtés.
18 Je dois dire, Monsieur Milosevic, que si cette recommandation avait été
19 suivie, on aurait évité plusieurs dizaines de milliers de morts. Et ceci
20 vaut également pour des dizaines de milliers de Serbes qui auraient pu
21 conserver aussi bien la vie que leur foyer.
22 Et si vous me le permettez, je dois dire que les conséquences de vos
23 actions dans ce contexte ainsi qu'ultérieurement ont créé une situation où
24 l'on voit 750.000 Serbes qui ont perdu leurs moyens de subsistance, qui
25 ont perdu leur maison, etc.
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1 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, le temps s'écoule. Vous avez
2 essentiellement profité du temps qui vous était imparti.
3 Lord Ashdown (interprétation): Ce n'est pas moi qui ai commencé à parler
4 de ce sujet, Monsieur Milosevic, c'est vous!
5 M. le Président (interprétation): Laissez l'accusé poser ses questions.
6 M. Milosevic (interprétation): Combien de vies auraient été sauvées si
7 l'on avait accepté le plan de Vance-Owen en 1993 au 1er mai, à Athènes?
8 M. le Président (interprétation): Nous nous éloignons par trop de la
9 déposition du Témoin.
10 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez commencé votre témoignage
11 ici en parlant d'un menu, d'un menu du dîner avec Franjo Tudjman. Je n'ai
12 pas très bien compris ce que cela avait à voir avec ce procès et en quoi
13 étais-je concerné par le dîner que vous aviez eu avec Franjo Tudjman?
14 M. le Président (interprétation): Il appartiendra à la Chambre de première
15 instance de décider en temps utile si cela a une pertinence ou non.
16 M. Milosevic (interprétation): Je veux bien, mais cela se passait déjà en
17 1995 -chose qu'il ne convient pas de poser comme question, étant donné que
18 c'est inscrit sur le texte. Et en 1995, en automne, on a déjà signé les
19 Accords de Dayton. Par conséquent -et même Tudjman lui aussi savait fort
20 bien dans quelle direction irait la solution adoptée-, aussi ne qu'on
21 comprenais-je pas quel avait été le sujet de votre entretien.
22 D'abord, pour que les choses soient plus brèves, dites-moi, dans quelle
23 langue vous êtes-vous entretenus?
24 Lord Ashdown (interprétation): En anglais, si je me souviens bien.
25 Monsieur Milosevic, j'ai déjà déposé à ce sujet; c'est déjà deuxième fois
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1 que je le fais, d'ailleurs. Donc je m'y tiens, je suis prêt à répondre à
2 toute question que vous auriez à ce sujet.
3 Cependant, je remarque que, pour l'instant, à aucun moment vous n'avez
4 réfuté les détails de l'opération à laquelle j'ai assisté le 27 et le 28
5 septembre.
6 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, nous devons vous
7 interrompre.
8 Si vous avez des questions supplémentaires à poser au sujet du menu,
9 allez-y.
10 M. Milosevic (interprétation): Ma question est précisément en relation
11 avec cela. Ce soi-disant entretien avec Tudjman avait été utilisé à
12 l'époque dans l'opinion publique comme une sorte d'existence de
13 concertation entre Belgrade et Zagreb s'agissant du partage de la Bosnie-
14 Herzégovine -chose qui n'avait jamais été convenue- et que cela avait
15 servi de justificatif pour le crime perpétré par la Croatie en cette
16 année-là, lorsqu'elle a perpétré l'un des plus grands massacres et
17 nettoyages ethniques dans la région de la Krajina. Vous souvenez-vous de
18 cela?
19 Lord Ashdown (interprétation): Je me souviens que beaucoup ont pensé que
20 c'était peut-être le cas.
21 M. Milosevic (interprétation): Et on en avait parlé -c'était chose
22 notoire- qu'il s'agissait d'une opération qui était couverte et à laquelle
23 a pris part la compagnie américaine N.B.R.I., et là des crimes ont été
24 commis en masse contre des Serbes.
25 M. le Président (interprétation): Quelle est la question?
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1 M. Milosevic (interprétation): La question avait été de savoir comment un
2 entretien avec Tudjman à un dîner pouvait-il être utilisé comme soi-disant
3 élément de preuve de l'existence d'un accord sur le partage de la Bosnie
4 entre la Croatie et la Serbie, notamment lorsque l'on savait que trois ans
5 auparavant, donc en 1992, lors de la mise en place, de la création de la
6 Yougoslavie…
7 M. le Président (interprétation): Un instant. Nous perdons du temps. Le
8 Témoin ne peut vous dire ce que d'autres personnes ont pensé de cette
9 conversation. Des tiers pourraient vous le dire. Tout ce dont il pourrait
10 vous parler, c'est de la conversation en question.
11 M. Milosevic (interprétation): Bien. Les choses sont claires pour moi.
12 Est-ce qu'au printemps 1999, pendant l'agression d'OTAN, vous avez été la
13 personne qui avait déclaré en public que vous aviez des preuves relatives
14 aux crimes de guerre serbes au Kosovo? J'ai vu ici un film où vous étiez
15 en train de vous entretenir avec un groupe de réfugiés au Kosovo. Est-ce
16 que c'est cela les preuves dont vous avez parlé: ce que nous avons vu ici?
17 Lord Ashdown (interprétation): Je n'ai pas vu ce film et je n'ai pas
18 connaissance de son existence. Les preuves dont je dispose au sujet de
19 crimes enfreignant le droit international, eh bien, ce sont les preuves
20 que j'ai présentées au présent Tribunal.
21 Question: Nous les avons vues, ces preuves-là: votre entretien avec
22 quelques femmes et quelques enfants. Ça, nous l'avons vu.
23 Réponse: Monsieur Milosevic, les éléments de preuve que j'ai présentés à
24 cette Chambre, ce sont tous les éléments de preuve: éléments de preuve qui
25 impliquent vos chars, vos tanks, vos pièces d'artillerie qui bombardent à
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1 trois kilomètres de distance des villages, de manière aveugle, en forçant
2 la population civile à s'enfuir, en brûlant leurs maisons, etc. Voilà,
3 voilà la totalité des éléments de preuve.
4 Question: C'est ce que vous aviez vu durant ces deux jours, n'est-ce pas?
5 Réponse: C'est ce que j'ai vu pendant ces deux jours, ce sont des preuves
6 dont je vous ai parlées. Je vous ai mis en garde à ce sujet et, c'est sur
7 la base de ces éléments de preuve que je vous ai dit que, si vous
8 poursuiviez de cette manière, il serait impossible à la communauté
9 internationale ne pas intervenir.
10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Ashdown, est-il usuel de voir le
11 leader d'un petit parti d'opposition visiter une dizaine de fois une
12 région où il y a une guerre en quelque sorte au nom de son propre
13 gouvernement? Est-ce là chose usuelle en Grande-Bretagne?
14 Lord Ashdown (interprétation): Je ne pense pas que cela soit usuel, mais
15 ce n'est pas ce que j'ai fait. Moi, je me suis rendu sur place en tant que
16 dirigeant d'un parti politique, pour moi-même, afin de m'informer de la
17 situation. Je ne me suis pas rendu sur place soit comme envoyé, soit comme
18 représentant du gouvernement britannique, mais, dans chacun des cas, j'ai
19 estimé qu'il était normal de ma part de communiquer au Premier ministre de
20 l'époque, quel que soit son parti, les informations que j'avais obtenues.
21 M. Robinson (interprétation): Comment se fait-il que vous ayez été porteur
22 d'une lettre du Premier ministre?
23 M. Ashdown (interprétation): Eh bien, le Premier ministre savait, puisque
24 c'était de notoriété publique, que j'allais me rendre dans la région; il
25 m'a demandé de communiquer cette lettre en son nom et c'est ce que j'ai
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1 fait.
2 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais vous demander si cela ne
3 pourrait pas être interprété comme étant une méthode de double standard,
4 s'agissant de l'attitude à l'égard de la Yougoslavie, de deux poids et
5 deux mesures?
6 Et s'agissant de la Yougoslavie, je voudrais expliquer. J'ai ici, par
7 exemple, l"Observer" du 28 mai 2000, disant en anglais: "Les Balkans: la
8 Grande-Bretagne avait sa propre politique étrangère du fait d'avoir vendu
9 pour des millions de livres sterling d'équipement militaire à l'ex-
10 Yougoslavie, à une République, et ce, quelques jours avant l'éclatement de
11 cette guerre sanglante aux Balkans. Et quelques jours auparavant, la
12 Slovénie avait été la première à avoir fait sécession de l'ex-Yougoslavie
13 unifiée."
14 En 1991, c'est ce qui a été dit s'agissant de ces équipements livrés.
15 C'est ce qu'a dit la presse britannique à ce sujet.
16 Réponse: Monsieur Milosevic, il faut savoir, puisque vous semblez assez
17 informé de la politique britannique, c'est que vous semblez avoir mal
18 compris la situation. Moi, j'étais dans l'opposition; en fait, les idées
19 que je présentais au sujet de la Bosnie et au sujet du Kosovo étaient très
20 impopulaires. J'ai été l'objet de huées à la Chambre des Communes. Le
21 Premier ministre m'a insulté à plusieurs reprises. Si vous avancez, d'une
22 manière ou d'une autre, que j'étais l'outil du gouvernement britannique, à
23 ce moment-là, il faut que j'en déduise que vous ne connaissez pas grand-
24 chose à la vie politique de mon pays, parce que c'est complètement absurde
25 de suggérer ce genre de choses. Tout observateur de la situation en serait
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1 venu à la même conclusion.
2 Question: Fort bien. Vous avez déclaré, je crois, au "Guardian", en juin
3 1998, que "les Balkans avaient été paisibles seulement lorsqu'ils étaient
4 sous la gouverne des grandes puissances". Donc sous la puissance ottomane,
5 sous la puissance de l'Autriche-Hongrie, ce sont celles dont on se
6 souvient. Ou des communistes?
7 Réponse: Cela a toujours été mon opinion. Malheureusement. J'espère qu'à
8 l'avenir, les pays de la région pourront vivre ensemble dans la paix, sans
9 se dominer les uns les autres.
10 Question: Savez-vous que la Serbie s'était libérée de l'occupation
11 ottomane au XIXe siècle et que l'insurrection contre les Turcs a eu lieu
12 en 1804?
13 Réponse: Monsieur Milosevic, je ne suis pas un aussi grand expert de
14 l'histoire de votre pays que vous l'êtes vous-même, mais je suis au
15 courant de l'histoire de votre pays de manière générale. Mais où voulez-
16 vous en venir avec cette question?
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je veux en venir à une chose qui
18 est très claire: si un homme politique de la Grande-Bretagne estime que la
19 paix aux Balkans n'est possible que sous la gestion des grandes puissances
20 et, par exemple, qu'il faudrait un représentant de la communauté
21 internationale en Bosnie-Herzégovine de nos jours encore, est-ce que cela
22 signifie que vous êtes conséquent pour ce qui est de l'idée de la présence
23 d'occupation, qui existe en continuité depuis l'Autriche-Hongrie, sur ces
24 territoires-là? Est-ce que cela indique également qu'il y a une idée qui
25 motive les efforts d'asservissement de la Yougoslavie?
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1 Lord Ashdown (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois, j'ai
2 déjà entendu de votre part des théories du complot absolument
3 abracadabrantes. Mais là, ça dépasse la mesure!
4 Il semble apparemment que tous les pays de l'ex-Yougoslavie, ceux qui ont
5 quitté la Yougoslavie sous votre gouvernement, souhaitent rejoindre
6 l'Europe de leur propre gré et, puisque cela fournit la structure dont
7 nous avons bénéficié nous, nations européennes, pour éviter la guerre.
8 Voilà la façon dont nous préférons voir la situation.
9 Mais pensez qu'il s'agisse là d'une immense conspiration de la part des
10 pays occidentaux sur le reste du continent, il me semble que c'est
11 vraiment tiré par les cheveux et je ne pense pas que vous-même vous y
12 croyiez.
13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, nous allons en
14 terminer de cette argumentation politique.
15 Vous avez encore une minute ou deux pour poser d'autres questions
16 pertinentes et qui aient trait à l'Acte d'accusation. Pas de questions non
17 pertinentes.
18 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore quelques questions et je ne
19 sais pas pourquoi vous interrompriez maintenant mon contre-interrogatoire.
20 M. le Président (interprétation): Posez-les! Posez-les!
21 M. Milosevic (interprétation): Donc au service de cette idée, comme on
22 mentionne par exemple la solution pacifique, est-ce que la proposition
23 faite à Rambouillet, qui sous-entendait l'occupation de la Yougoslavie, ne
24 venait-elle pas d'être en concordance avec ce que je venais de dire tout à
25 l'heure et ce que vous aviez affirmé vous-même, à savoir que la paix aux
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1 Balkans n'était possible que sous occupation de ces Balkans?
2 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, avez-vous des
3 informations directes à ce sujet, autres qu'une opinion ou un point de
4 vue?
5 M. Ashdown (interprétation): Non.
6 M. le Président (interprétation): Bien. Posez, s'il vous plaît, une
7 question pertinente. Faute de quoi, je mettrai un terme au contre-
8 interrogatoire.
9 M. Milosevic (interprétation): Je pense qu'il est une question pertinente
10 disant ce qui suit: est-ce que cette thèse, qui n'est peut-être pas
11 seulement la thèse de M. Ashdown, mais peut-être la thèse au sens plus
12 large, voyant le placement des Balkans sous occupation, une explication de
13 ce qui a été proposé à Rambouillet, qui avait en fait prévu une occupation
14 de la Yougoslavie et qui avait imposé un ultimatum à la Yougoslavie en lui
15 demandant d'accepter l'occupation pour éviter la guerre?
16 M. le Président (interprétation): Il ne s'agit pas là d'une question à
17 laquelle le Témoin peut répondre. Il n'est pas venu pour parler de cela
18 dans le cadre de sa déposition. Vous pourrez évoquer ce genre de questions
19 avec des témoins qui pourront déposer dans ce sens.
20 Je vous avais dit que vous auriez une heure. Cette heure s'est écoulée et
21 c'est ainsi que se termine votre contre-interrogatoire.
22 Maître Kay, c'est à vous.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ce n'est pas la première fois
24 que vous m'interrompez dans mon contre-interrogatoire; cela ne m'affecte
25 donc plus.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Kay?
2 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au Témoin, Lord Jeremy John
3 Ashdown.)
4 M. Kay (interprétation): Lord Ashdown, j'aimerais que nous revenions avec
5 plus de détails à votre visite du 23 juin 1998.
6 Au moment où vous vous trouvez du côté albanais de la frontière -et
7 rappelez-vous votre déposition-, c'est ce jour-là que vous avez vu des
8 armes du côté albanais, vous étiez accompagné par quelqu'un qui était
9 membre de la police albanaise?
10 Lord Ashdown (interprétation): Oui, j'ai cru qu'il était membre de la
11 police albanaise.
12 Question: Est-ce que cet homme était en uniforme?
13 Réponse: Oh, mon Dieu, Maître Kay, je ne sais pas. Je ne pense pas.
14 Question: Puis-je vous aider? Je sais que vous avez fourni une déclaration
15 plus tard au Tribunal qui porte la date du 18 octobre 2000. Je ne pense
16 pas que vous en ayez une copie, Messieurs les Juges.
17 Est-ce que l'accusation aurait l'obligeance de fournir une copie de cette
18 déclaration au Témoin et à chacun des Juges?
19 (Intervention de l'huissier.)
20 Je suppose qu'elle vient de votre propre source?
21 Réponse: Je le suppose. Oui, je l'ai.
22 Question: J'examine la page 2, milieu de la page.
23 Réponse: Effectivement, je vois ce que vous dites. Tout ce que je peux
24 vous dire, c'est que ma mémoire me joue des tours si j'ai effectivement
25 dit ici que M. Cengy était en uniforme et portait l'insigne de la police
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1 albanaise. Je suppose que c'était le cas; c'est ce que je pensais à
2 l'époque.
3 Question: Je veux simplement sonder cette question qui est en rapport avec
4 cette visite-là. Ce passage de la déclaration renvoie à une déclaration
5 précédente que vous avez fournie au Bureau du Procureur?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et la date qui nous intéresse est celle du 23 juin 1998, si la
8 Chambre veut retrouver ce passage de la visite.
9 Vous vous trouvez du côté albanais de la frontière. Dans votre
10 déclaration, vous dites que cet homme était le chef de la police?
11 Réponse: Oui, je crois que c'était sa fonction, même si je ne suis pas
12 tout à fait certain que ce fût le cas. La région était toute petite et
13 très chaotique. Et je pense qu'il était chef de la police, mais ça
14 voudrait dire qu'il était le chef de la police d'un tout petit poste de
15 police à Bajram Çurri.
16 Question: Vous n'êtes pas sûr, vous ne savez pas s'il était membre de la
17 police de la frontière ou si c'était un chef de la police régulière ou de
18 la police spéciale?
19 Réponse: Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que je dis
20 chaque fois "je pense que".
21 Question: Donc il y avait un certain degré d'incertitude: vous n'étiez pas
22 sûr de sa fonction exacte dans la police?
23 Réponse: Je n'étais pas sûr peut-être des attributions qui étaient les
24 siennes, mais j'étais tout à fait sûr du fait que, quelles qu'aient été
25 ses attributions désignées, il avait plusieurs fonctions. Il avait aussi à
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1 sa disposition du matériel, des véhicules, des radios qui permettaient
2 d'exercer ces fonctions.
3 Question: Cet homme, vous l'aviez rencontré, n'est-ce pas, à Tirana?
4 Réponse: Non, non. Ne faites pas la confusion avec M. Neritan Ceku qui, à
5 mon avis, avait été ministre de l'Intérieur -je ne sais pas s'il l'était
6 encore- et c'est lui qui avait organisé cette visite à ma demande. Et
7 c'est lui qui m'avait présenté ce chef de la police locale. C'est comme
8 cela que je l'appelle dans ma déclaration, Monsieur Cengy.
9 Question: Donc vous avez rencontré cet homme, là où vous étiez, près de la
10 frontière?
11 Réponse: A Bajram Çurri.
12 Question: Oui. Et vous pensez qu'il avait une arme personnelle, c'est ce
13 dont vous vous souvenez?
14 Réponse: Oui, c'est ce dont je me souviens, mais ça s'est passé il y a pas
15 mal de temps.
16 Question: Ceci figure dans votre déclaration et nous acceptons vos
17 réserves. Il était accompagné d'autres policiers?
18 Réponse: Pas cette fois-là. Au poste de police, il y avait d'autres
19 policiers. J'essaie de me souvenir… Peut-être deux ou trois. Mais c'est
20 lui qui m'accompagnait. Et après, j'ai appris qu'en fait, cet homme avait
21 été prié par M. Cengy de me servir de garde du corps, puisque cette région
22 était considérée comme étant très dangereuse. Et j'avais insisté, malgré
23 les recommandations de M. Ceku, j'avais insisté pour passer au moins 24
24 heures dans la région plutôt que de repartir le même jour.
25 Question: Lorsque la déclaration dit que M. Cengy était accompagné
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1 d'autres membres de l'unité de la police de la frontière albanaise, est-ce
2 que c'est un groupe qui était avec vous?
3 Réponse: C'est le groupe qui l'accompagnait au poste de police, mais
4 lorsque nous sommes partis vers la frontière, je suis allé à bord d'un
5 véhicule avec des membres de l'ECMM, dans leur véhicule, et lui les a
6 accompagnés. Et j'ai compris par la suite qu'il devait me servir de garde
7 du corps.
8 Question: Vous dites que c'était une région sans foi ni loi. Qu'est-ce
9 qu'il y avait comme autre présence de la police, hormis les hommes que
10 vous avez mentionnés?
11 Réponse: Pratiquement rien. Un exemple: les contrebandiers d'armes, eux,
12 avaient des 4x4. C'est dans ces véhicules qu'ils se déplaçaient, alors que
13 la police avait un véhicule de marque yougoslave qui était tout à fait en
14 mauvais état, qui ne pouvait pas aller même jusqu'au pourtour de la ville.
15 Ils n'avaient pas de radio et ils essayaient de contrôler une région dont
16 les confins se trouvaient à quelque 30.000 ou 40.000 de là, alors qu'ils
17 avaient simplement un petit détachement d'hommes.
18 Question: Vous sembliez dire que c'était là pratiquement un lieu où les
19 membres de l'UCK ou d'autres membres, quelque groupe que ce soit, allaient
20 acheter leurs armes. Pratiquement un supermarché?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que nous pouvons nous appesantir sur ce sujet? Vous dites
23 avoir vu un camion rempli d'armes. Pourriez-vous d'abord nous décrire ce
24 camion?
25 Réponse: Vous savez, les camions dans la région sont vraiment très, très
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1 mauvais. Je me souviens que c'était un camion découvert à l'arrière qui
2 n'avait pas une apparence militaire, qui allait sur une route remplie de
3 nids-de-poule -c'était simplement une piste. Il y avait, jetée sur ce
4 camion, une bâche, c'était une bâche bleue d'un côté. J'ai vu qu'il y
5 avait des caisses que je reconnaissais comme étant des caisses contenant
6 des armes légères. Je peux vous dire que ce camion était lourdement
7 chargé, je ne peux pas vous dire qui était à bord ou qui le conduisait. Il
8 était entouré d'un nuage de poussière.
9 Question: Où allait-il?
10 Réponse: Il allait vers Tropoje venant de Bajram Curri.
11 Question: Donc vers le Kosovo?
12 Réponse: Oui, je dois vous l'expliquer. C'est une région dominée par le
13 clan de Sali Berisha, l'ancien Premier ministre d'Albanie, qui a une très
14 grosse propriété foncière dans la région -je vais ralentir- dans cette
15 partie de l'Albanie. Et quand on dit "une petite propriété foncière",
16 c'est une petite forteresse, je peux vous le dire. Il y avait beaucoup de
17 rumeurs qui circulaient, selon lesquelles c'était là l'épicentre d'un
18 réseau international de contrebande d'armes dont la base se trouverait
19 autour ou sur cette ferme, et surtout dans le village de Tropoje.
20 Question: D'après votre description, ce n'était pas un camion militaire,
21 c'était un camion privé?
22 (Le Témoin acquiesce.)
23 Et vous avez dit qu'il y avait des 4x4 qui circulaient dans la région?
24 Réponse: Il suffisait d'aller à Bajram Curri, et là vous trouviez toute
25 sorte de véhicules et toutes sortes de personnages assez exceptionnels.
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1 C'était un peu comme un film de cow-boys, vous savez, ou une ville de
2 l'Ouest des Etats-Unis. Je n'ai pas vu toutes ces voitures, mais je peux
3 vous dire qu'il y en avait.
4 Question: Je suppose que, dans cette zone où il y avait beaucoup de
5 conflits, l'essentiel des conflits ne se déroulait pas du côté albanais
6 mais au Kosovo?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Ceci vous a poussé à conclure que ceci faisait partie ou
9 s'inscrivait dans le conflit qui se déroulait à l'époque au Kosovo?
10 Réponse: Tout à fait.
11 Question: Parlons des armes que vous avez vues à l'arrière de ce camion.
12 Vous avez dit avoir reconnu des caissons, des caisses qui contenaient des
13 armes légères. Vous parlez d'armes manuelles?
14 Réponse: Oui. Nous sommes entrés dans le village de Tropoje, j'ai vu
15 plusieurs personnes qui nettoyaient des armes, qui les manipulaient. J'ai
16 vu des groupes d'hommes qui montaient ces montagnes tout à fait raides
17 -parce que l'on peut arriver quelquefois à 6.000 pieds dans ces cols!-,
18 ils avaient des sacs à dos. Et je vous ai dit qu'il y avait aussi des
19 cortèges de mulets qui passaient par ces cols.
20 J'estime que les armes les plus grosses qu'ils auraient pu avoir étaient
21 des mitraillettes de 0,5 millimètres. Il leur aurait été impossible de
22 transporter des armes plus lourdes.
23 Question: Qui partaient tous dans la direction du Kosovo?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Une fois de plus, vous avez conclu à l'époque, puisque ceci
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1 cadrait bien avec le climat qui régnait dans les endroits où vous vous
2 trouviez, vous vous êtes dit que tout ceci était destiné à l'UCK?
3 Réponse: Je n'ai pas eu le moindre doute à ce propos.
4 Question: Ce n'était pas pour les Serbes?
5 Réponse: Non.
6 Question: Tout à fait. L'officier de police qui se trouvait avec vous n'a
7 pas essayé d'arrêter ce camion?
8 Réponse: Il n'aurait pas pu le faire, il n'avait pas les effectifs
9 militaires, les ressources, pour le faire. Nous sommes entrés dans Tropoje
10 et je lui ai dit: "Mais ces armes, elles sont pour l'UCK!". Il a haussé
11 les épaules. "Sans doute, c'est pour les Albanais", a-t-il dit.
12 Question: Il était clair que l'on n'allait rien faire pour contrecarrer
13 cela?
14 Réponse: Mais je ne pense pas qu'il faudrait blâmer la police pour cela
15 parce que, effectivement, ils n'avaient pas les effectifs nécessaires.
16 Mais il était clair que c'était une région qui était livrée à la
17 criminalité et que ceux qui faisaient la loi, c'étaient les criminels, pas
18 la police et que, malgré toutes les intentions de la police, elle n'avait
19 pas les effectifs pour maîtriser le problème.
20 Question: Les personnes qui se trouvent dans cette région, ce sont des
21 Albanais ou des Albanais du Kosovo?
22 Réponse: C'étaient surtout des Albanais. Il y avait d'autres personnes
23 dont je ne connaissais pas l'origine, mais c'est la population naturelle
24 parce que Bajram Curri, c'est une petite localité. Il y avait beaucoup de
25 visiteurs venant de l'extérieur à ce moment-là, pas beaucoup
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1 d'observateurs occidentaux.
2 Il existe une certaine tension entre les Albanais et les Albanais du
3 Kosovo, ce n'est pas une histoire d'amour entre eux. Les réfugiés albanais
4 du Kosovo se trouvant dans cette petite communauté n'étaient pas
5 nécessairement des visiteurs bienvenus.
6 Question: Donc l'identité, l'origine de ces groupes qui partaient de cette
7 région pour aller vers le Kosovo avec des armes qu'ils portaient sur le
8 dos, est-ce que vous avez pu déterminer si c'étaient des Albanais ou des
9 Albanais du Kosovo?
10 Réponse: Je pense qu'il y avait des deux. Il y avait des Albanais du
11 Kosovo qui avaient supporté la répression pendant longtemps. Il y avait
12 des Albanais des régions, et je suis sûr qu'il y avait des membres de la
13 diaspora albanaise et d'autres aussi.
14 Question: J'allais en revenir à ce point puisque vous avez dit qu'il y
15 avait des gens qui venaient de l'extérieur. Il y avait donc des gens
16 extérieurs à cette région de l'Albanie, aussi extérieurs au Kosovo: est-ce
17 qu'il y avait des groupes musulmans?
18 Réponse: Là, je ne fais que présenter des conjectures. Je suppose que
19 c'est le cas puisqu'il y avait vraiment toute une série de gens de toutes
20 origines à l'époque, mais je ne peux pas vous dire quelles étaient les
21 origines particulières.
22 Je ne sais pas si vous me demandez s'il y avait des Arabes. Je dois vous
23 préciser que jamais je n'ai jamais vu d'Arabes sur les lieux.
24 Question: Mais vous vous êtes dit que c'était une communauté très
25 composite?
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1 Réponse: Je me suis dit qu'il y avait des membres soit des Albanais du
2 Kosovo et aussi des membres de la diaspora albanaise, c'est ce que je me
3 suis dit s'agissant de la majorité des personnes que j'ai vues.
4 Question: Vous avez vu une caisse de munitions ou d'armes sur un véhicule.
5 Est-ce qu'elle était neuve? Est-ce que vous avez été en mesure de le
6 déterminer?
7 Réponse: Non, cela, je ne peux vraiment pas vous le dire. Cette caisse, il
8 m'a semblé qu'elle était en très bon état. Mais en se rendant sur les
9 sentiers, en empruntant ces sentiers au nord de l'Albanie, on pouvait
10 partir avec une caisse en très bon état et, au bout du compte, elle ne
11 serait plus en aussi bon état.
12 Question: C'est simplement un détail, mais cela peut se révéler important
13 dans le contexte de l'égalité des armes.
14 Je vais maintenant passer à un autre sujet, page 4 du document que nous
15 étudions en ce moment, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je
16 parle du paragraphe qui se trouve en haut de la page 4 et qui nous indique
17 l'endroit où vous vous êtes rendu, qui avait été le théâtre de
18 l'exécutions de Serbes bien que vous n'ayez pas vu les corps?
19 Réponse: Oui, scène d'une exécution alléguée, mais tout ce que j'ai vu sur
20 place le confirmait.
21 Question: Et vous étiez à cet endroit avec une équipe de la télévision de
22 la BBC?
23 Réponse: Oui, avec l'ambassadeur britannique, l'attaché militaire de
24 l'ambassadeur, ainsi que mon assistant, M. Roger Lowry.
25 Question: Il y avait donc l'équipe de télévision de la BBC. C'est à leur
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1 sujet que je souhaitais vous interroger: j'imagine qu'ils ont filmé la
2 scène?
3 Réponse: Oui. Et M. Lowry portait lui aussi une petite caméra vidéo et il
4 a procédé à un enregistrement que j'ai remis au Tribunal.
5 Question: On vous a dit qu'il s'agissait de Serbes et, d'après ce que vous
6 nous avez dit, est-ce que l'on peut en déduire que c'était là un lieu, une
7 région qui faisait l'objet de grand intérêt, qu'il y avait des gens qui
8 étaient en train de procéder à une enquête?
9 Réponse: Non, c'était un peu loin de tout. Si vous voulez que je fasse des
10 spéculations à ce sujet, je peux le faire, mais il ne s'agira uniquement
11 que de supputations de ma part.
12 Question: C'est simplement que je n'arrive pas à me rendre compte
13 exactement où cela se trouvait?
14 Réponse: C'est normal, car c'est au milieu d'une zone complètement rurale,
15 à distance, à très grande distance de toute habitation. John Crossland,
16 l'attaché militaire, m'a dit qu'il s'agissait d'otages qui avaient donc
17 été pris en otages par des membres de l'UCK, qui ont ensuite fait l'objet
18 d'une attaque de la part des forces serbes, des forces yougoslaves; et en
19 fuyant, ceux-ci se sont débarrassés de leurs otages. C'est ce qu'on pense
20 qui s'est passé.
21 Question: Si on vous a donné des informations, est-ce que vous avez été en
22 mesure de dire s'il s'agissait là de Serbes civils, militaires, policiers?
23 Réponse: Je ne peux pas vous le dire avec certitude, mais l'impression que
24 j'ai eue, c'est qu'il s'agissait de civils.
25 Question: Maintenant, je souhaiterais passer au troisième paragraphe de la
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1 page 4.
2 Vous nous dites que vous vous êtes rendu dans la vallée de Podgerusha?
3 Réponse: Je crois que l'orthographe n'est pas tout à fait la même que sur
4 la carte, mais, comme vous le savez sans doute, tous les toponymes au
5 Kosovo présentent deux versions: une version serbe et une version
6 albanaise. Cela figure tout à fait clairement sur la carte que nous avons
7 vue précédemment; je peux vous l'indiquer si vous le souhaitez.
8 Question: Cela se trouve au nord-est de Orahovac?
9 Réponse: Au sud de Malisevo. Sur cette carte, l'orthographe est la
10 suivante: P-O-G-O-R-U-S-A.
11 Question: Je ne sais pas si j'ai trouvé l'endroit, mais cela pourrait
12 aider les Juges. Veuillez placer la carte en question sur le
13 rétroprojecteur.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 Malisevo est ici; la route principale passe par ici. Vous avez là toutes
16 sortes de zones.
17 (L'interprète signale que le Témoin ne parle pas dans le micro.)
18 Réponse: Je vous prie de m'excuser. Vous parlez du jour suivant?
19 Question: Le 28 septembre.
20 Réponse: Nous avons quitté Pristina très tôt dans la matinée. Nous sommes
21 allés jusqu'à Kumerane, un point de contrôle serbe à cet endroit. Ensuite,
22 nous sommes arrivés à Malishevë. Ce que nous voulions, c'était d'aller
23 dans cette zone, au sud de Suva Reka, sans emprunter les axes principaux.
24 Tous ces axes principaux et les zones environnantes faisaient l'objet
25 d'opérations serbes de grande envergure, opérations de l'armée serbe. Nous
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1 avons donc emprunté des chemins détournés qui passaient par ici. Il s'agit
2 de chemins qui ne sont pas goudronnés, très difficilement praticables.
3 Nous avons appelé cet endroit la vallée de Podgarusha à cause de la
4 présence de ce village ici.
5 Je peux peut-être vous aider encore en disant qu'à Malishevë, il y avait
6 une unité de l'armée yougoslave. Je crois qu'il s'agissait de l'armée
7 plutôt que du MUP. Il y avait ici, à cet endroit, des points de contrôle
8 où nous avons dû négocier notre passage. Lorsque nous sommes arrivés ici,
9 nous avons rencontré un point de contrôle tenu par l'UCK. Là aussi, nous
10 avons dû négocier notre passage.
11 Question: C'était justement la question que je voulais vous poser. Vous
12 êtes arrivés à un point de contrôle de l'UCK: comment était-il organisé?
13 Réponse: Il se présentait de la manière suivante: ce qui m'a vraiment
14 stupéfait, c'est que ces deux points de contrôle étaient à environ 1.000
15 mètres de différence, mais je n'ai vu aucun échange de tirs, je n'ai pas
16 vu de sentinelle en patrouille, ni d'un côté ni de l'autre. La position de
17 l'UCK était extrêmement rudimentaire: il y avait là des soldats qui
18 portaient des uniformes neufs, qui avaient des insignes de l'UCK et qui
19 portaient des kalachnikovs.
20 Et je dois dire que c'étaient des positions vraiment peu impressionnantes
21 du point de vue militaire. Enfin, pour toute personne qui a une petite
22 formation militaire, c'était l'impression que cela donnait. Et si les
23 Serbes avaient eu l'intention de prendre la zone de Malisevo, ils auraient
24 pu le faire sans problème.
25 Question: Donc vous vous trouvez sur une position serbe, sur cette route.
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1 A un kilomètre de distance, il y a un poste de contrôle de l'UCK qui
2 fonctionnait en tant que poste de contrôle. Ils vous ont interrompus?
3 Réponse: C'était très tôt le matin. Nous avons trouvé là des soldats qui
4 se chauffaient au soleil. Il n'y avait pas de barrière vraiment. La nuit
5 avait été particulièrement froide. Nous nous sommes arrêtés; moi, je
6 voulais voir à quoi ressemblaient leurs uniformes. En fait, nous n'avons
7 pas vraiment été arrêtés; je dois dire que j'ai parlé tout à l'heure de
8 trois fractions: fraction de l'UCK, celle… Eh bien, il m'a semblé qu'il
9 s'agissait là des patrouilles villageoises de l'UCK.
10 Question: Est-ce qu'ils avaient des armes?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Combien en tout?
13 Réponse: Trois.
14 Question: Combien y avait-il de soldats à cet endroit?
15 Réponse: Trois.
16 Question: Trois soldats?
17 Réponse: Trois ou quatre.
18 Question: Je lis ici, sur votre déclaration, que vous avez vu entre cinq
19 et dix soldats de l'UCK?
20 Réponse: A ce moment-là, je n'en ai vu que trois; ensuite, on a passé
21 certains endroits de la vallée de Podgarusha où nous avons vu plus de
22 personnes. Mais à cet endroit précis dont je vous parle, ils étaient trois
23 ou quatre.
24 Question: D'après ce que vous avez dit, dans le cadre de votre déposition,
25 il semble que la présence de l'armée yougoslave était plus intense plus au
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1 nord?
2 Réponse: Oui. Oui, je le crois. Nous savions qu'il y avait eu des
3 opérations de grande envergure dans la zone de Drenica. Cette carte ici
4 n'est pas formidablement claire, mais c'était à peu près cela.
5 Et la veille au soir, en venant à Kumerane, nous avons vu une colonne de
6 chars serbes qui prenait cette route que je vous indique. Nous les avons
7 d'ailleurs plus ou moins rencontrés en allant à cet endroit et nous avons
8 eu l'impression qu'ils venaient là pour renforcer les troupes en phase
9 d'opération dans la zone de Suva Reka.
10 Question: Donc vous avez rencontré un groupe de soldats, quel que soit
11 leur nombre, qui étaient mal entraînés, qui avaient quelques fusils et qui
12 étaient à cet endroit pour participer à des opérations militaires?
13 Réponse: Oui, indéniablement, l'objectif de leur présence, c'était
14 d'assurer la défense contre ce qui devait leur arriver. Pour eux, c'était
15 ce qui s'était déjà passé dans la région de Suva Reka. Je ne sais pas si
16 c'est ce qui s'est passé, mais en tout cas c'étaient là des forces de
17 défense assez pitoyables, il faut bien le dire.
18 Question: Vous avez rencontré, n'est-ce pas, un commandant de l'UCK?
19 Réponse: Nous avons rencontré un commandant de l'UCK la veille au soir, en
20 revenant de Suva Reka. Nous avons rebroussé chemin donc jusqu'à Pristina
21 en passant par la vallée de Podgarusha. Nous voulions absolument rentrer à
22 temps: l'ambassadeur souhaitait retourner à Belgrade. Moi, on m'a suggéré
23 de m'entretenir avec le commandant de l'UCK de l'endroit en question.
24 Question: Connaissiez-vous son nom ou quoi que ce soit à son sujet?
25 Réponse: Non. Moi, j'ai eu l'impression que c'était un homme de l'endroit
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1 qu'on avait placé à la tête des forces de défense.
2 Question: Est-ce qu'il portait un uniforme?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce qu'il avait un fusil? Est-ce qu'il avait une arme
5 quelconque?
6 Réponse: Vraiment, je ne me souviens pas que cela ait été le cas. Mais il
7 est fort probable que cela ait été le cas en effet.
8 Question: Dans quel bâtiment l'avez-vous vu?
9 Réponse: Une maison tout à fait normale. Nous nous sommes assis à l'étage,
10 dans une pièce complètement sombre. Je n'ai pas été en mesure de le voir
11 très clairement et nous avons eu une conversation qui n'a pas duré plus de
12 dix minutes.
13 Question: Donc si l'on ne vous l'avait pas montré, si l'on ne vous l'avait
14 pas dit, vous auriez été dans l'ignorance que ce bâtiment était le poste
15 de commandement de l'UCK?
16 Réponse: Non, je ne pense pas que c'était l'endroit, c'était son quartier
17 général. Je pense que simplement, c'est l'endroit où l'on m'a amené pour
18 que je le rencontre.
19 Question: Cela donc, c'était la veille. Pour être bien précis, c'était le
20 27 septembre. C'est cela?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Donc, pour placer votre visite dans son contexte, il semble que
23 d'abord, vous êtes passé dans une zone serbe avec des militaires serbes.
24 Ensuite, vous étiez sur une route dans une zone rurale et vous êtes arrivé
25 à un endroit où vous avez trouvé des soldats de l'UCK?
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1 Réponse: C'est bien ce que l'on retrouve là, c'est ce qu'on retrouvait
2 partout ailleurs à savoir que, dans les zones les plus rurales, les Serbes
3 ne s'étaient pas donné la peine de venir, ils n'avaient pas essayé
4 d'établir leur pouvoir. On considérait là que l'UCK faisait office de
5 défenseur face aux exactions serbes.
6 Question: Nous allons maintenant passer à un autre sujet qui est abordé
7 sur cette page: il s'agit d'un message radio qui figure à l'avant-dernier
8 paragraphe -je cite-: "Je me souviens avoir entendu un message radio
9 signalant la mort d'un certain nombre de jeunes Serbes. Ils avaient été
10 tués au cours d'un attentat à la grenade dans un bar à Pec. Je n'ai
11 connaissance d'aucun autre détail relatif à cet incident." (Fin de
12 citation.)
13 Réponse: Oui, je dois dire que, bien cela n'apparaisse pas très clairement
14 ici, cela n'a pas trait à cette visite, mais à une visite que j'ai faite
15 ultérieurement, en décembre. Je m'excuse si cela n'apparaît pas clairement
16 dans ma déclaration: en décembre, je suis retourné dans cette région.
17 Question: Oui?
18 Réponse: Je suis allé dans la zone de Prizren au moment où il y avait eu
19 une incursion massive de l'UCK en venant de l'Albanie. Il y avait eu une
20 embuscade tendue par l'armée yougoslave; il s'agissait là d'une opération
21 entre militaires. Je me souviens que ceci a été signalé à la radio, ce
22 soir-là, et qu'on a signalé également qu'il y avait eu un attentat à la
23 grenade. Je crois que c'était en décembre 1998 et qu'il s'agissait de la
24 première fois que l'UCK se livrait à un attentat dans une zone
25 complètement urbaine, à Pec. Je crois que trois jeunes Serbes ont été
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1 tués.
2 Question: On s'attendait à ce que l'hiver de 1998 voie une diminution des
3 hostilités, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui. C'est à ce moment-là que l'accord Hill, avec l'arrivée de la
5 mission de vérification du Kosovo, etc., a été mis en œuvre. Et quand cet
6 accord a été annoncé, j'ai dit que, en l'absence de toute force armée pour
7 appuyer ce plan, il était inévitable que l'UCK reprendrait ses activités
8 suite aux activités de l'armée yougoslave qui, en fait, avait renforcé les
9 rangs de l'UCK indirectement. Et j'ai dit qu'à ce moment-là, on verrait
10 que la paix serait sabotée. A ce moment-là, effectivement, on a vu une
11 recrudescence de la violence qui a culminé avec le massacre de Racak. Et
12 ensuite Rambouillet.
13 Question: Cette information au sujet de l'attentat de Pec, vous l'avez
14 entendue à la radio ou quoi?
15 Réponse: Non, c'était à la radio locale. Il y a eu un certain nombre de
16 conférences de presse qui ont été données à ce sujet le lendemain.
17 Question: J'imagine qu'à ce moment-là, vous avez pensé que l'UCK avait
18 recommencé?
19 Lord Ashdown (interprétation): Non, je n'aurais pas eu à le dire puisque
20 l'UCK s'était déjà livrée à des incursions depuis l'autre côté de la
21 frontière. Les problèmes avec le plan Hill, c'est que, sans présence de
22 forces de l'OTAN pour garantir le cessez-le-feu, il était indéniable qu'il
23 soit remis en question des deux côtés.
24 M. Kay (interprétation): Je n'ai plus de question.
25 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Lord Jeremy John
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1 Ashdown, par M. Nice.)
2 M. Nice (interprétation): Encore une question à vous poser, Monsieur
3 Ashdown.
4 Etant donné que vous vous êtes intéressé à la Bosnie et plus tard au
5 Kosovo, vous avez été en butte aux huées de parlementaires et d'un ou de
6 plusieurs Premiers ministres aux communes. Pourriez-vous être un peu plus
7 précis: est-ce que votre intérêt, l'intérêt que vous portiez au Kosovo, a
8 entraîné des réactions négatives?
9 Lord Ashdown (interprétation): Non, ceci ne portait pas sur le Kosovo,
10 mais bien sur la Bosnie.
11 Question: Pourriez-vous vous souvenir de l'année au cours de laquelle vous
12 avez soulevé de telles réactions?
13 Lord Ashdown (interprétation): De 1992 à 1994, sans doute, lorsque c'était
14 la période des questions aux Communes. On me présentait souvent comme
15 étant le représentant aux parlementaires de Sarajevo, puisque j'essayais
16 souvent d'attirer l'attention du gouvernement sur ce qui se passait.
17 Effectivement, je pense que beaucoup de personnes ont conclu que l'action
18 que j'avais recommandée allait s'avérer nécessaire.
19 M. Nice (interprétation): Je vous remercie. J'aurai quelques questions
20 d'intendance à aborder après le départ du Témoin.
21 (Questions au Témoin, Lord Jeremy John Ashdown, par M. le Juge Kwon.)
22 M. Kwon (interprétation): Corrigez-moi si je me trompe, Monsieur le
23 Témoin, mais ce que l'ensemble de votre déposition semble laisser
24 entendre, c'est que l'accusé avait connaissance de ce qui se passait sur
25 le terrain. Je parle ici des actions entreprises par l'armée ou la police,
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1 actions que vous avez décrites comme s'inscrivant dans une campagne
2 discriminatoire menée contre la population civile comme étant une action
3 destinée à les chasser de chez eux.
4 Est-ce bien cela?
5 Lord Ashdown (interprétation): Je ne peux pas conclure que l'accusé
6 n'avait pas ces connaissances parce que le but recherché par la lettre de
7 M. Blair, c'était de le mettre en garde suite à ce qui s'était passé déjà
8 dans la région de Drenica, lorsqu'il y avait eu abus de l'utilisation de
9 la force.
10 Question: Mais vous voulez dire que l'accusé était au courant de ces
11 atrocités commises par les forces serbes? Est-ce que vous le dites qu'il
12 était au courant à cause des informations ou de vos mises en garde?
13 Pourriez-vous nous dire plus précisément quelle a été la base de votre
14 jugement?
15 Réponse: Eh bien, au motif que la communauté internationale, comme le
16 montre la lettre de M. Blair, l'avait mis en garde bien avant mon arrivée
17 des conséquences qu'aurait l'usage abusif de la force. Je suppose qu'il
18 devait donc être au courant.
19 Mais moi, je voulais le dire explicitement et lui dire clairement que, dès
20 le moment où je l'avais informé et dès le moment où j'avais attiré son
21 attention sur les dispositions du droit international des Conventions de
22 Genève, qu'à partir de ce moment-là, il ne pourrait pas nier être ignorant
23 de ces faits s'ils se poursuivaient.
24 M. Kwon (interprétation): Merci.
25 M. le Président (interprétation): Merci de votre déposition, Lord Ashdown.
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1 Vous pouvez vous retirer.
2 Lord Ashdown (interprétation): Je vous remercie.
3 M. Nice (interprétation): On attend le départ du Témoin.
4 Je pense que l'on a déjà attribué une cote au Statut. Et puis, il y a une
5 version plus longue des rubriques du journal. Si ceci devient une pièce à
6 conviction, il faudra une cote.
7 Mme Ameerali (interprétation): La déclaration préalable sera la pièce de
8 l'accusation 81.
9 M. Nice (interprétation): Et pour ce qui est de la version plus longue de
10 l'extrait?
11 Mme Ameerali (interprétation): Il y a déjà une cote.
12 M. Nice (interprétation): J'aimerais que nous passions pour une minute à
13 huis clos partiel.
14 (Le Témoin, Lord Jeremy John Ashdown, est reconduit hors du prétoire.)
15 Mais, auparavant, je vous annonce publiquement qu'au moins les deux
16 premières parties de l'audience de lundi seront à huis clos, suite à
17 l'ordonnance de la Chambre.
18 Est-ce que ceci peut aider l'accusé aussi dans sa préparation?
19 (Questions relatives à la procédure.)
20 M. le Président (interprétation): Passons à huis clos partiel.
21 (Huis clos partiel à 16 heures 07.)
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23 L'audience est suspendue. Nous reprendrons l'audience lundi matin à 9
24 heures 30. L'audience est suspendue. (L'audience est levée à 16 heures 10.)
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