Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 17 avril 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 02.)

3 (Audience publique.)

4 (Le Témoin, M. Richard Ciaglinski, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, y a-t-il une question

6 que vous souhaitiez soulever avant que nous ne poursuivions?

7 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je voudrais

8 brièvement prendre la parole.

9 Hier, avant que nous n'interrompions les travaux, la Chambre a ordonné que

10 la déclaration préalable devienne une pièce du dossier de l'affaire. A la

11 lumière du fait que nous sommes passés à huis clos partiel pendant très

12 peu de temps, je me demande si la Chambre serait prête à considérer le

13 fait que cette pièce soit versée sous scellés afin qu'elle ne soit pas

14 communiquée ou divulguée publiquement. Ou bien, s'il n'y a pas versement

15 sous scellés, il faudrait qu'il y ait expurgation, au moins en partie, de

16 ces déclarations préalables, afin que le fait que nous soyons passés à

17 huis clos partiel ne devienne pas un exercice complètement vain du fait de

18 la divulgation ultérieure des éléments que nous essayons de protéger.

19 M. le Président (interprétation): Nous allons étudier la question.

20 Pendant que vous êtes debout, Monsieur Ryneveld, j'ai une question pour

21 vous. Nous avons une nouvelle liste de témoins sous les yeux, qui seront

22 cités au titre de l'Article 92bis. Pouvez-vous répondre sur ce point,

23 Monsieur Ryneveld?

24 M. Ryneveld (interprétation): Sans doute en partie.

25 M. le Président (interprétation): Je voudrais bien comprendre la

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1 situation. Il me semble que la Chambre n'a pas rendu de décision eu égard

2 à certains des témoins dont les noms apparaissent ici. Je crois que nous

3 avons rendu une décision sur 23 témoins; c'est du moins le souvenir que

4 j'ai. Pardon, 33 témoins. Mais nous n'avons pas rendu une décision sur

5 tous les autres témoins.

6 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Merci de me

7 faire remarquer cela.

8 Peut-être pourrais-je essayer de savoir exactement ce qu'il en est pendant

9 la pause. Nous pourrons peut-être citer à comparaître les témoins au sujet

10 desquels la Chambre a rendu une décision, sinon bien sûr, il faudra que

11 nous fassions une demande auprès de la Chambre pour qu'elle rende une

12 décision pour tous les autres témoins que nous envisageons de citer devant

13 les Juges.

14 Mais ce que nous nous proposons de faire, pour gagner du temps, c'est de

15 commencer l'audition des témoins cités au titre de l'Article 92bis tout de

16 suite après la comparution du témoin qui est ici, devant nous.

17 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il y avait les six premiers

18 qui apparaissaient sur la liste, qui n'avaient pas forcément fait l'objet

19 d'une décision de notre part?

20 M. Ryneveld (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous nous pencherons sur la

22 question.

23 Merci. Monsieur Milosevic, vous pouvez reprendre votre contre-

24 interrogatoire.

25 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Richard Ciaglinski, par l'accusé, M.

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1 Milosevic.)

2 M. Milosevic (interprétation): Monsieur, hier, vous nous avez expliqué, à

3 la fin de votre déposition, comment un officier vous avait remis une carte

4 à partir de laquelle il vous avait donné des indications très précises sur

5 les points qui seraient choisis comme points d'offensive par les forces

6 yougoslaves contre l'UCK.

7 M. Ciaglinski (interprétation): J'ai dit qu'un haut représentant m'avait

8 donné des éléments d'information portant sur la façon dont les forces

9 serbes se proposaient d'attaquer l'UCK.

10 Question: Sur cette carte, vous avez indiqué les différents points et

11 itinéraires que vous aviez obtenus de ce haut représentant; vous avez pu

12 tracer les axes qui seraient empruntés par les forces yougoslaves? C'est

13 du moins ce que vous avez déclaré.

14 Réponse: J'ai dit que cette personne m'avait indiqué sur la carte ce qui

15 s'est avéré être la tactique des forces serbes vis-à-vis de l'UCK, oui.

16 Question: Vous avez tracé les itinéraires que ces forces ont empruntés,

17 sur cette carte, n'est-ce pas? Des indications vous ont été données et

18 vous avez porté des annotations sur la carte?

19 Réponse: J'ai tracé les itinéraires principaux qui seraient empruntés par

20 le gros des forces. Bien sûr qu'il y avait toutes sortes d'opérations qui

21 se déroulaient au Kosovo, mais j'ai essayé d'indiquer ce qui serait fait

22 par les forces serbes de façon générale et en me fondant sur ce qui m'a

23 été dit.

24 Question: Vous déclarez que cette carte vous a été montrée par un haut

25 représentant, par un officier. Est-ce que vous êtes conscient du fait que,

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1 si cela était exact et si vous étiez un ennemi du camp opposé qui, juste

2 avant l'attaque sur la Yougoslavie, était officier, donc s'il était exact

3 que cet officier vous avait effectivement donné ces informations, il

4 aurait mis en péril les vies de ses nombreux camarades, membres de l'armée

5 yougoslave? Est-ce que vous êtes conscient de cela?

6 Réponse: Monsieur Milosevic, je voudrais commencer par dire qu'en tant que

7 vérificateurs, nous étions vos ennemis au Kosovo. Nous travaillions en

8 très étroite collaboration avec vos forces et nous travaillions de façon

9 tout à fait impartiale. Nous ne nous comportions absolument pas comme des

10 ennemis.

11 La deuxième chose que je souhaite dire, c'est que cet officier, ce haut

12 représentant était tellement fatigué de tout cela qu'il était prêt à

13 m'indiquer ce qui allait se produire, sachant que nous allions partir et

14 qu'il n'y aurait pas pour nous, au niveau interne, de possibilité de faire

15 quoi que ce soit ou d'indiquer quoi que ce soit aux forces ennemies qui ne

16 faisaient pas partie de votre plan; j'emprunte vos propres paroles.

17 Question: Vous dites que ces informations vous ont été données par cet

18 officier après une réunion au cours de laquelle vous avez débattu du

19 retrait de votre mission, n'est-ce pas exact?

20 M. Ciaglinski (interprétation): Nous avions discuté du retrait de notre

21 mission au cours de différentes réunions, mais au cours de cette réunion

22 nous avions effectivement indiqué que nous allions sans doute quitter les

23 lieux.

24 M. Milosevic (interprétation): Et comme chacun en Yougoslavie le savait,

25 je ne pense pas seulement aux soldats mais à la population, comme chacun

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1 savait que la mission se retirait du Kosovo pour que l'OTAN puisse mettre

2 en œuvre son plan de bombardement, je pense que vous n'aviez pas de doute

3 quant au fait que votre interlocuteur était au courant aussi?

4 M. le Président (interprétation): Il y a ici deux questions, Colonel.

5 La première question est celle-ci: est-ce que la Mission de vérification

6 s'est retirée pour permettre le début des bombardements?

7 Et la deuxième question est celle-ci: est-ce que votre interlocuteur était

8 au courant de cela?

9 Vous voulez peut-être répondre séparément à chacune de ces deux questions.

10 M. Ciaglinski (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.

11 La première réponse que je souhaite donner est celle-ci: il n'y avait pas

12 de notre part intention de nous retirer pour permettre le début des

13 bombardements. La raison pour laquelle nous nous sommes retirés, et je

14 l'ai déjà expliqué, était que notre travail était devenu beaucoup trop

15 dangereux du fait des activités de la VJ et du MUP qui manifestaient une

16 certaine hostilité à notre égard. Par ailleurs, le nombre de vos forces

17 avait augmenté de façon spectaculaire et il était difficile d'avoir accès

18 aux installations qui nous intéressaient. Nous ne pouvions pas nous rendre

19 sur les zones frontalières, nous ne pouvions pas accomplir notre mission

20 et c'est exactement pour ces raisons que nous avons quitté le Kosovo,

21 aucune autre raison ne peut être invoquée ici.

22 Et, excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Milosevic mais la deuxième

23 réponse que je veux donner et qui porte sur la question de savoir si mon

24 interlocuteur était au courant du fait que nous partions, eh bien, je dois

25 dire que je ne sais pas ce qu'il pensait à propos de ce qui allait se

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1 produire à l'avenir. Je ne savais absolument pas ce qui pouvait se dire à

2 ce propos.

3 M. Milosevic (interprétation): Mais toute la planète savait que la Mission

4 de vérification s'était retirée pour ne pas être menacée par les

5 bombardements de l'OTAN ou de ne pas être touchée par les bombardements de

6 l'OTAN. Les Etats qui avaient des représentants au sein de la mission ont

7 retiré leurs hommes, et l'OSCE a rendu une décision dans ce sens déclarant

8 que ces personnes devaient sortir du Kosovo afin de ne pas être exposés

9 aux conséquences des bombardements de l'OTAN, bombardements qui étaient

10 éminents à l'époque. N'est-ce pas ainsi que les choses se sont passées?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Mais pas du tout. Je le répète, nous

12 serions restés volontiers si nous avions eu le sentiment que nous pouvions

13 mener à bien notre mission, mais nous ne pouvions plus travailler. Ce qui

14 s'est passé par la suite, les opérations qui se sont ensuite produites

15 n'avaient rien à voir avec notre départ, il n'y avait aucun lien entre les

16 deux.

17 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez qu'il n'y avait pas de liens

18 entre votre départ et les bombardements, vous l'affirmez encore et encore,

19 mais vous savez fort bien que la frontière avec la Yougoslavie, que

20 notamment en Macédoine il y avait rassemblement massif des troupes de

21 l'OTAN. Vous savez que partout, dans l'immédiat, la menace des

22 bombardements était brandie, et les forces yougoslaves ont renforcé leur

23 présence dans les zones frontalières, et nous avons envoyé des troupes en

24 renfort, précisément parce que la guerre était imminente, la menace de

25 guerre planait sur la Yougoslavie. Est-ce que vous ne savez pas cela?

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1 M. le Président (interprétation): Vous faites un certain nombre

2 d'affirmations dans cette intervention, Monsieur Milosevic.

3 Tout d'abord, vous dites que des troupes de l'OTAN se rassemblaient au

4 niveau de la frontière avec la Yougoslavie, est-ce que c'était bien le

5 cas, Colonel?

6 M. Ciaglinski (interprétation): Il y avait une force d'extraction à

7 Trnovo. Cette troupe devait nous aider à nous retirer du Kosovo s'il

8 s'avérait que notre sortie n'était pas autorisée par Belgrade. Et, oui, il

9 y avait ce rassemblement de troupes en Macédoine.

10 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic. Un instant.

11 Il y a une autre affirmation qui est faite, qui est que la menace de

12 bombardement était brandie dans les médias et un peu partout. Est-ce que

13 vous pouvez nous aider sur ce point? Est-ce qu'effectivement à l'époque

14 une telle menace était faite?

15 M. Ciaglinski (interprétation): Je pense que les médias d'une façon

16 générale indiquaient qu'une guerre pouvait éclater, indiquaient qu'il y

17 avait une réelle menace de bombardements. C'était assez clairement dit

18 dans les médias.

19 M. le Président (interprétation): Et puis la dernière chose qui est dite,

20 c'est que les forces yougoslaves étaient envoyées en renfort dans les

21 zones frontalières. Est-ce que c'est bien ce qui s'est passé?

22 M. Ciaglinski (interprétation): Les forces de renfort yougoslaves

23 arrivaient partout au Kosovo. Toutes les garnisons se voyaient renforcer

24 dans toutes les zones frontalières autour de tous les ponts, autour de

25 tous les tunnels. Il y avait une réelle activité, et on se préparait

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1 notamment à détruire les ponts et les tunnels. C'est une procédure tout à

2 fait coutumière dans un pays qui se sent menacé, oui.

3 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr. Donc, en fait, vous confirmez que

4 la Yougoslavie à cette époque, était en état d'alerte face à l'imminence

5 de la guerre? C'est bien ainsi?

6 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, je crois que vous vous prépariez à la

7 guerre, oui.

8 Question: Nous étions donc, face à un réel danger de guerre du fait de ce

9 que vous avez expliqué tout à l'heure. Il y avait rassemblement des

10 troupes en Macédoine, il y avait une menace de guerre, et cette menace

11 était évidente un peu partout? N'est-ce pas exact?

12 Réponse: Je crois que ce que vous dites est exact lorsque vous dites qu'il

13 y avait rassemblement de troupes en Macédoine. Les médias se livraient à

14 toute sorte d'hypothèses, disant qu'il y aurait peut-être une attaque

15 contre le Kosovo ou une campagne de bombardement contre le Kosovo.

16 Question: Est-ce que ce sont les médias seuls qui se livraient à ce type

17 d'hypothèse, ou est-ce qu'il n'y a pas eu des déclarations des plus hauts

18 dirigeants des pays occidentaux, déclarations selon lesquelles, il y

19 aurait une intervention contre notre pays?

20 Réponse: Monsieur Milosevic, je pense ne pas pouvoir répondre à cette

21 question parce que je ne me souviens pas ce qui a pu être dit exactement

22 par la presse. Je ne sais pas ce qui a pu être dit par tel ou tel

23 représentant officiel de tel ou tel pays. Mais je pourrais vous suivre

24 lorsque vous dites qu'il y avait toutes sortes d'hypothèses qui étaient

25 émises quant au fait qu'un bombardement aurait pu être lancé.

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1 Question: Vous pouvez dire qu'il s'agit là de simples hypothèses ou de

2 pures spéculations, mais je crois qu'il n'y a pas un seul dirigeant

3 occidental qui n'a pas fait ce type de déclaration publiquement. Est-ce

4 que vous n'en avez pas le souvenir?

5 Réponse: Je n'en ai pas le souvenir.

6 Question: Très bien. Est-il logique qu'un pays, qui est sous la menace

7 imminente d'une guerre et qui essaye de se protéger, essaie de faire

8 entrer des forces dans la zone qui est sa zone principale de défense vis-

9 à-vis de l'ennemi, ennemi qui renforce le nombre de ces troupes le long de

10 la frontière? Est-ce que, pour vous, c'est une séquence logique? Et je

11 vous pose la question à vous qui êtes militaire de carrière et officiel.

12 Réponse: Le renforcement des troupes a commencé très tôt, vers Noël, et le

13 déploiement des troupes au Kosovo avait commencé avant Noël, et s'est

14 poursuivi pendant tous les mois qui ont suivi. Même avant que nous ne

15 partions. Bien avant que nous ne partions, il y avait eu augmentation des

16 troupes. Et même juste avant que nous ne partions, il y a eu augmentation

17 des troupes sur le terrain. Et de toute façon, vos troupes étaient déjà en

18 place bien avant que ce type d'hypothèse ne commence à être émis.

19 Question: Hier, à plusieurs reprises, vous avez déclaré qu'il y avait eu

20 une augmentation du nombre de nos troupes au mois de mars. Et à plusieurs

21 reprises, vous avez évoqué ce mois de mars. Or, comme vous le savez, le

22 mois de mars est un mois qui est bien après Noël. Est-ce que vous vous

23 souvenez de ce que vous vous avez dit, hier?

24 Réponse: Je me souviens avoir dit que nous avions vu les T-72 dans le

25 courant du mois de mars et, comme je l'ai dit il y a quelques secondes, au

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1 mois de mars, il y a eu accélération du processus par lequel vos troupes

2 avaient commencé à arriver en plus grand nombre. Processus qui avait

3 commencé en janvier.

4 Question: Très bien. Donc en mars, il y a eu renforcement des troupes et,

5 comme vous le savez, en mars il y a eu agression du Pacte de l'OTAN contre

6 la Yougoslavie. Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez connaissance

7 ou pas?

8 Réponse: Vous me demandez si je sais si les bombardements ont commencé en

9 mars?

10 Question: Oui, j'ai parlé de l'agression du Pacte de l'OTAN et j'ai parlé

11 du début de cette agression en mars. Agression menée contre la

12 Yougoslavie?

13 Réponse: Oui. Je crois que le bombardement a effectivement commencé au

14 mois de mars.

15 Question: Donc nos forces sont arrivées en mars, à la toute dernière

16 minute, pour nous permettre de nous préparer à la défense, parce que la

17 guerre contre la Yougoslavie a commencé au mois de mars. Est-ce que tout

18 cela n'est pas exact?

19 Réponse: Vous prépariez déjà vos forces de défense, vos lignes de défense

20 à la fin du mois de février et au début du mois de mars.

21 M. Milosevic (interprétation): Et ça, c'est notre affaire. Cela nous

22 regarde de nous préparer à la défense à tel ou tel moment. Je pars du

23 principe qu'un pays confronté à la possibilité d'une agression est en

24 droit de préparer sa défense.

25 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire que vous venez de

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1 faire.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais j'espère que nous avons

3 fait toute la lumière sur cette question. A savoir qu'à l'époque où les

4 négociations ont eu lieu dont vous avez parlé, et dont vous affirmez

5 qu'elles portaient sur la préparation du retrait de vos hommes du Kosovo

6 et Metohija, il est évident qu'une agression du Pacte de l'OTAN était

7 évidente, n'est-ce pas exact?

8 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons tout dit là-

9 dessus. Le Témoin ne peut pas ajouter quoi que ce soit.

10 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, si les choses sont ainsi,

11 est-ce qu'il n'est pas clair qu'un officier, transmettant des informations

12 supposées sur une opération possible menée par ses propres forces, qui

13 donne ce type d'information à l'ennemi et qui ainsi met en péril la vie de

14 dizaine de milliers de ses collègues et d'amis, est-ce que cela n'est pas

15 clairement une indication de ce qui s'est effectivement passé?

16 M. le Président (interprétation): Ça, c'est un commentaire que vous

17 faites.

18 Vous pouvez poser au Colonel, la question suivante: est-ce qu'il vous est

19 venu à l'esprit que cet officier mettait en péril un certain nombre de

20 vies?

21 M. Ciaglinski (interprétation): Cet officier faisait référence à des

22 opérations qui étaient menées contre l'UCK, il ne divulguait aucun plan,

23 aucun préparatif de ce qui pouvait se produire après notre départ. J'ai

24 transmis cette information à l'UCK, et bien sûr cette information aurait

25 mis en péril des vies. Mais moi, j'avais de très bonnes relations de

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1 travail avec la Mission de coopération; le respect de la confidentialité

2 était absolument crucial, je respectais la commission et je respectais la

3 personne qui m'a parlé du fait.

4 Du fait du respect que j'avais, du fait de ce que je pensais de mes tâches

5 en tant qu'officier de liaison auprès de cette commission, je n'ai rien

6 divulgué de ce que la commission m'avait dit à l'UCK; donc je n'ai rien

7 dit à l'UCK. Si j'ai pu observer quelque chose du côté serbe, je n'en ai

8 pas fait le rapport, de même que je ne faisais pas rapport de ce que je

9 pouvais voir du côté de l'UCK aux forces serbes.

10 M. Milosevic (interprétation): A partir de ce qui s'est passé, nous

11 pouvons voir ce qu'ont décidé de faire les commandants de ces groupes

12 terroristes de l'UCK. Les forces aériennes de l'OTAN étaient les forces

13 aériennes de l'UCK, en fait, parce qu'ils travaillaient en étroite

14 collaboration. Etes-vous conscient de cela?

15 M. le Président (interprétation): Nous sommes sortis du champ couvert par

16 le Témoin dans le cadre de sa déposition jusqu'ici. Vous êtes en train de

17 faire des commentaires. Si vous avez des éléments de preuve qui peuvent

18 corroborer ce que vous dites, vous pourrez les présenter en temps utile.

19 Mais le colonel peut nous aider si on lui pose la question suivante: on

20 indique ici que l'UCK et que l'OTAN travaillaient ensemble. Est-ce que

21 vous pensez que c'est exact?

22 M. Ciaglinski (interprétation): Non.

23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, est-ce que vous contestez le

24 terme selon lequel l'OTAN était l'ennemi de la Yougoslavie et que l'UCK

25 était du côté de l'ennemi? Est-ce que vous contestez cette affirmation?

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1 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas là pour contester quoi

2 que ce soit. Vous êtes ici pour interroger le Témoin. Vous pouvez choisir

3 de le faire, mais si vous continuez à faire des commentaires tels que ceux

4 que vous avez faits jusqu'à présent, vous serez interrompu. Le Témoin a

5 essayé, dans la mesure de son possible, de réagir à des affirmations que

6 vous avez faites et à des questions que vous avez posées.

7 Maintenant, je me tourne vers vous: avez-vous encore des questions à

8 poser?

9 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr que je veux lui poser d'autres

10 questions. Je considère que les faits sont incontestables: l'OTAN et l'UCK

11 étaient ensemble.

12 M. le Président (interprétation): Vous pourrez vous exprimer comme vous le

13 souhaitez ultérieurement, mais, pour le moment, je vous demande de vous en

14 tenir à de simples questions.

15 M. Milosevic (interprétation): J'ai posé ma question… Enfin, plutôt, j'ai

16 demandé à cet officier s'il comprenait que l'officier qui lui avait

17 transmis ces informations était en train de mettre en périr un certain

18 nombre de vies?

19 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà couvert tout cela. Vous

20 abusez du temps de parole qui vous est donné, Monsieur Milosevic. Vous

21 faites trop d'affirmations. Vous ne pouvez pas revenir à loisir sur des

22 choses qui ont déjà été couvertes. Est-ce que nous pouvons passer à

23 quelque chose d'autre?

24 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est un sujet très important, car il

25 est évident qu'il y a tentative de manipulation sur la base d'un faux Acte

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1 d'accusation.

2 M. le Président (interprétation): Ecoutez, si vous voulez continuer à

3 contrer-interroger ce témoin, vous devez respecter la procédure. Et, pour

4 le moment, vous devez passer à une autre question; pour l'instant, vous ne

5 posez pas de question!

6 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais donc me contenter de

7 poser des questions.

8 Savez-vous que, pendant chacun des 78 jours de l'agression de l'OTAN,

9 l'OTAN n'a réussi qu'à détruire que huit blindés de l'armée yougoslave?

10 Est-ce que vous savez cela?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Ce que je sais, c'est ce que m'ont dit vos

12 officiers lorsque je suis arrivé au mois de juin, à savoir que vous

13 affirmiez avoir détruit 13. Combien d'épaves et de tanks endommagés vous

14 avez retirés du terrain, je ne le sais pas.

15 Question: Eh bien, je vous pose la question parce que vous êtes un expert

16 en matière militaire. Si vous, dans votre camp, vous aviez reçu des

17 informations sur la base de cette carte, selon lesquelles certaines

18 opérations allaient être lancées par les forces yougoslaves, est-ce que

19 vos pertes auraient été beaucoup plus importantes?

20 Vous affirmez que vous avez reçu une carte qui indiquait quels seraient

21 les déploiements des forces yougoslaves sur le terrain, qui indiquait

22 également quels seraient les lieux sur lesquels des offensives seraient

23 menées. Et je pense qu'il s'agit d'éléments d'information conséquents. Si

24 vous avez vraiment disposé de ces éléments d'information, est-ce que ces

25 pertes que nous évoquons n'auraient pas été plus importantes?

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1 Réponse: Il est absolument impossible de répondre à cette question, et

2 pour plusieurs raisons.

3 Tout d'abord, l'activité dans tout le Kosovo, même si elle se concentrait

4 plutôt dans certaines zones, était telle que nous ne savions pas à quel

5 moment vous vous trouveriez dans telle ou telle région. Nous ne disposions

6 pas des détails sur la nature des opérations et la façon dont elles se

7 dérouleraient. Nous n'avions pas d'hommes au Kosovo, à proprement parler,

8 qui auraient pu reconnaître les cibles qui pouvaient être les vôtres;

9 toute mission de reconnaissance était extrêmement difficile et je ne nie

10 pas que vous disposiez de forces très professionnelles, très bien formées,

11 forces qui constituent l'une des armées les mieux entraînées d'Europe à

12 l'heure actuelle. Ce sont des hommes qui sont très habiles à mener des

13 opérations de camouflage, de diversion. Ce sont des hommes qui peuvent

14 placer l'ennemi dans une situation de grande difficulté.

15 M. Milosevic (interprétation): Mon Colonel, n'est-il pas clair que, si

16 vous aviez disposé des informations dont vous nous affirmez avoir disposé,

17 eh bien, les pertes des forces yougoslaves auraient dû être plus

18 importantes? Parce que vous nous affirmez que vous disposiez des

19 informations relatives à la nature des attaques, aux endroits où elles

20 s'étaient déroulées et vous nous dites que vous avez reçu cette carte

21 -nous savons tous à quoi ressemble ce type de carte. Est-ce qu'à ce

22 moment-là, les pertes n'auraient pas été plus importantes que huit chars,

23 au bout de 78 jours de bombardement, jour et nuit?

24 M. le Président (interprétation): Il me semble qu'il s'agit toujours de la

25 même question.

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1 Mon Colonel, si j'ai bien compris, cette carte avait trait à la façon de

2 régler le problème de l'UCK, ça n'avait absolument rien à voir avec

3 l'OTAN?

4 M. Ciaglinski (interprétation): Exact.

5 M. le Président (interprétation): Est-ce que dans le cadre de votre

6 conversation vous avez parlé de l'OTAN?

7 M. Ciaglinski (interprétation): Uniquement dans la dernière partie de la

8 conversation, lorsqu'on a parlé de l'expulsion des civils. Il a été dit

9 que ça épargnerait ou économiserait du travail à l'OTAN plus tard.

10 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il ne vous semble pas illogique

11 qu'un officier yougoslave vous dise que l'OTAN aurait du travail à faire à

12 cause de l'expulsion de civils, et l'OTAN a essayé de trouver un prétexte

13 facile pour attaquer la Yougoslavie? Est-ce que cet officier est un

14 imbécile pourquoi aurait-il dit ce genre de chose?

15 M. le Président (interprétation): Cela m'a tout l'air d'un commentaire.

16 Question suivante, s'il vous plaît.

17 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que votre supérieur, un

18 britannique également, le général DZ, savez-vous qu'avant-hier, en réponse

19 à deux questions directes de ma part -lui aussi sous serment-, savez-vous

20 qu'il a déclaré qu'il n'existait pas de plan dirigé contre la population

21 albanaise, et que rien n'indiquait qu'il existait un plan quel qu'il soit

22 pour expulser les Albanais?

23 M. Ciaglinski (interprétation): Je suis désolé, mais j'ignore totalement

24 ce qu'a déclaré le général DZ dans le cadre de sa déposition.

25 M. le Président (interprétation): Vous pouvez demander au Témoin s'il a

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1 connaissance d'un tel plan, ou s'il y avait des éléments qui allaient dans

2 ce sens.

3 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais il affirme que la réponse est

4 oui. Et moi, j'affirme qu'il ne dit pas la vérité parce que je dis que,

5 s'il l'avait su, DZ qui était son supérieur aurait également dû forcément

6 le savoir. Ce qui n'est pas vrai dans le sens inverse, à savoir que lui

7 n'avait pas à savoir tout ce que DZ savait, mais comme l'autre était son

8 supérieur, il devait savoir tout ce que le Témoin savait, et le Témoin

9 avait pour obligation d'informer son supérieur de toutes les informations

10 dont il disposait.

11 M. le Président (interprétation): Oui, tout ceci c'est un commentaire,

12 mais il en ressort cependant une question que vous pouvez poser au Témoin.

13 Est-ce que vous avez parlé, Monsieur le Témoin, de cette conversation au

14 général, vous en souvenez-vous?

15 M. Ciaglinski (interprétation): J'ai rapporté la conversation au général

16 DZ, effectivement.

17 M. Milosevic (interprétation): Il est donc clair que DZ aurait dû nous

18 dire qu'il existait des éléments indiquant que ce que ce Témoin a dit ...

19 M. le Président (interprétation): Le Témoin ne peut pas répondre à la

20 place d'un autre témoin. Vous êtes en train de faire un commentaire, vous

21 aurez le droit de le faire en temps utile mais, dans l'intervalle, je vous

22 demande de poser des questions auxquelles le Témoin peut réellement

23 répondre.

24 M. Milosevic (interprétation): Certes, mais le Témoin reconnaît avoir

25 informé DZ de la chose, et DZ nous a affirmé qu'il n'y avait aucun élément

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1 qui allait dans ce sens.

2 M. le Président (interprétation): Vous perdez du temps.

3 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que cet homme, personne que vous

4 avez mentionnée plus tôt -rassurez-vous, je ne vais pas dire son nom-,

5 savez-vous que cette personne que vous avez mentionnée n'aurait pu

6 disposer d'aucune information relative à des opérations de combat, même

7 s'il s'agissait d'opérations de combat contre l'UCK et de plans relatifs à

8 de telles opérations? Savez-vous cela?

9 M. Ciaglinski (interprétation): Comme je l'ai dit dans le cadre de ma

10 déposition, cet homme était un officier, il était très au courant de tout

11 ce qui se passait au Kosovo, de toutes les opérations qui avaient lieu sur

12 le territoire, il avait une très grande expérience de la région, et je ne

13 saurais croire qu'il ne savait pas de quoi il retournait dans que le cadre

14 de cette opération. Ce n'est pas possible.

15 Question: Et savez-vous, c'est la raison pour laquelle je vous demande

16 cela, savez-vous que la raison pour laquelle on a mis en place une

17 Commission de coopération avec la KVM -à savoir vous-, savez-vous que ces

18 membres y compris le chef de mission, etc., savez-vous qu'ils n'étaient

19 pas dans la chaîne de commandement, ni dans l'armée ni dans la police?

20 Réponse: Nous avons toujours considéré les membres de la commission comme

21 représentant du gouvernement de l'armée et de la police. Parce que si nous

22 souhaitions pouvoir avoir des informations à la police, si nous

23 souhaitions contacter la police, nous nous adressions à la commission. Si

24 nous souhaitions avoir des renseignements au sujet des activités de

25 l'armée, des activités futures de l'armée, des intentions de l'armée, on

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1 s'adressait à la commission. Que pouvions-nous penser d'autre que le fait

2 que cette commission était le porte-parole du gouvernement? Sinon quel

3 aurait été l'objectif de la mission?

4 Question: Mais ces gens sont exactement ce que vous venez de décrire. Leur

5 objectif, c'était de coopérer avec votre mission; c'est-à-dire qu'ils

6 transmettaient vos demandes et, en votre nom, ils s'adressaient aux

7 autorités concernées, au commandant concerné, ils s'adressaient à eux pour

8 leur transmettre vos demandes. Rappelez-vous, hier vous avez expliqué que

9 lorsque vous avez commencé à travailler au sein de la Mission, vous

10 n'étiez plus commandant d'une unité, vous n'étiez plus tenu responsable

11 par quiconque, comme au sein de l'armée britannique, vous ne releviez de

12 personne au sein de l'armée britannique, vous en souvenez-vous?

13 Réponse: Oui, tout à fait.

14 Question: Eh bien, il en va de même…, ne pensez-vous pas qu'on puisse

15 partir du principe qu'il en va de même pour les membres de la Mission de

16 coopération dont le travail était de coopérer avec vous et non pas de

17 commander des unités?

18 Savez-vous par exemple que le général Loncar qui était à la tête de la

19 Mission, ne participait même pas aux réunions des commandants de la police

20 et de l'armée? Tous ces gens, les membres de la commission,

21 n'appartenaient pas à la filière hiérarchique, le savez-vous ou pas?

22 Réponse: J'ai déjà dit que les membres de la Commission étaient tout à

23 fait au courant de ce qui se passait, des opérations militaires, des

24 opérations de police, parce qu'ils avaient un impact sur ces opérations.

25 Je ne vois pas très bien ce que le fait de détenir un poste de

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1 commandement a à voir là-dedans; je dis qu'ils savaient ce qui se passait

2 au Kosovo et ce qui était prévu pour le Kosovo. Ils n'avaient pas à

3 exercer de position de commandement pour disposer de ces informations.

4 M. Milosevic (interprétation): Mais vous-même, vous avez expliqué -et

5 j'espère que ça découlait de la pratique qui est la vôtre- vous avez

6 expliqué que, chaque jour, vous rencontriez ces gens et que, dans les 24

7 heures, les autorités pertinentes leur communiquaient les informations sur

8 ce qui s'était produit, si bien que vous pouviez bénéficier de ces

9 informations, les utiliser, etc. Donc c'étaient vos partenaires dans le

10 cadre des missions de vérification et, eux, il fallait bien qu'ils

11 obtiennent ces informations auprès de certaines autorités; ils ne

12 réunissaient pas ces informations eux-mêmes. Est-ce que cela ne vous

13 paraît pas logique?

14 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, c'est logique. Cela signifie qu'ils

15 devaient s'adresser aux militaires, au commandement de l'armée, au

16 commandement de la police pour savoir ce qui se passait. Ils avaient des

17 contacts, ils savaient ce qui se passait.

18 M. Kwon (interprétation): Mon Colonel, si vous répondez de façon plus

19 simple, je pense que l'on avancera plus rapidement. La question qu'on vous

20 a posée, ce n'est pas de savoir si le général Loncar et d'autres savaient

21 ce qui se passait à l'époque. La question est plutôt la suivante: est-ce

22 qu'ils appartenaient à la chaîne de commandement? Votre réponse à cette

23 question peut être des plus simples.

24 M. Ciaglinski (interprétation): Monsieur le Juge, il est évident qu'ils

25 n'étaient pas dans la chaîne de commandement.

Page 3273

1 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que dans notre armée, dans

2 d'autres armées aussi, j'espère, existe le principe de l'ancienneté, de la

3 supériorité, et que quiconque se trouve dans la chaîne de commandement ne

4 peut pas disposer de n'importe quelle information au sujet d'activités

5 envisagées par une unité particulière? Je parle de l'unité de

6 commandement.

7 M. Ciaglinski (interprétation): Non, je ne suis pas au courant de ce

8 principe au sein de votre armée.

9 Question: Mais savez-vous qu'il ne peut exister de commandement latéral?

10 Quand il y a chaîne de commandement, il ne peut exister qu'une seule

11 chaîne de commandement vertical. Savez-vous cela ou pas?

12 Réponse: Oui, je le sais. Je sais qu'il existe une chaîne de commandement.

13 Question: Et savez-vous que notre Commission, qui avait pour objectif de

14 coopérer avec vous, même si elle comportait également des officiers,

15 savez-vous que cette Commission était une commission civile?

16 Réponse: Moi, je n'avais pas connaissance du fait qu'il s'agissait d'une

17 commission complètement et purement civile.

18 Question: Et savez-vous que le général Loncar était à la retraite? C'était

19 donc un civil.

20 Réponse: Je sais que le général Loncar était général en retraite et

21 qu'ensuite, il a été remplacé par le général Brankovic qui, lui, était

22 d'active.

23 Question: Nous viendrons à ceci ultérieurement. Savez-vous comment il se

24 fait que le général Loncar, qui était à la retraite, en est venu à occuper

25 ce poste?

Page 3274

1 Réponse: Non.

2 Question: Savez-vous que c'est à la demande de William Walker qu'il en est

3 venu à occuper ce poste? Et c'est Walker qui m'a adressé cette demande

4 personnellement, parce qu'il avait eu une très bonne expérience en matière

5 de coopération avec le général Loncar, en Slavonie occidentale. Il voulait

6 avoir affaire à quelqu'un de confiance, quelqu'un qu'il appréciait, un

7 homme honnête, un homme avec qui il était agréable de travailler; il

8 souhaitait donc pouvoir coopérer encore une fois avec lui. C'est donc dans

9 un esprit positif, dans un esprit de coopération que nous avons demandé au

10 général Loncar de prendre la tête de cette Commission. Le saviez-vous?

11 Réponse: Je l'ignorais.

12 Question: Donc je vois que vous ne le savez pas, mais il faut que je vous

13 présente la chose sous forme de question parce qu'on m'a demandé de

14 procéder de la sorte: est-ce que vous savez en fait que le général

15 Brankovic n'a pas remplacé le général Loncar?

16 Réponse: Là, vous m'étonnez, Monsieur Milosevic, parce que le général

17 Brankovic s'est présenté de la sorte. Et moi, j'ai été présenté à cette

18 nouvelle Commission avec le général Brankovic à sa tête, à la tête de

19 cette nouvelle commission.

20 Question: C'est sans doute la manière dont vous avez compris les choses,

21 tout comme vous nous avez dit que vous avez remplacé Donna Phelan. En

22 fait, c'est quelqu'un d'autre qui l'a remplacé. Mais le général Loncar n'a

23 quitté la Commission que le 23 mars; jusqu'au 23 mars, il était vice-

24 président de la Commission et le général Brankovic n'était pas le

25 supérieur du général Loncar, bien au contraire: c'était le général Loncar

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1 qui était le supérieur du général Brankovic. Le saviez-vous?

2 Réponse: Non, pas à ma connaissance. Le général Brankovic s'est présenté

3 comme membre de la Commission. C'est lui qui a pris la parole, il était

4 présent à toutes les réunions et pas le général Loncar.

5 M. Milosevic (interprétation): Le général Brankovic a remplacé le colonel

6 Kotur, pas le général Loncar. Et vous, vous étiez chargé de la coopération

7 en matière militaire, mais également dans le cadre de cette Mission

8 civile, pas dans le cadre d'une fonction militaire. Le savez-vous ou pas?

9 M. le Président (interprétation): Inutile de se lancer dans des

10 discussions avec ce Témoin. Vous pourrez citer à la barre des témoins si

11 vous le souhaitez.

12 Il a dit que c'était Brankovic qui était le responsable; c'est ce qu'il

13 dit. Quand vous le souhaiterez, vous pourrez le contester, mais c'est la

14 raison pour laquelle on perd du temps dans le cadre du contre-

15 interrogatoire, c'est la raison pour laquelle nous devons fixer une durée

16 limite à cet exercice. Il est inutile de se lancer dans des discussions

17 stériles.

18 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais moi, je veux établir ici le

19 niveau de connaissance de ce Témoin par rapport à tout ce qu'il affirme

20 savoir. Il est visible qu'il n'en sait pas tant que ça. Moi, ce que je lui

21 présente là, ce sont des faits incontestables au sujet des postes et des

22 nominations occupés par tel ou tel.

23 M. le Président (interprétation): Mais vous ne lui présentez aucun fait,

24 vous lui posez des questions. Si vous voulez mettre à l'épreuve sa

25 connaissance au sujet de la Commission d'une autre manière, allez-y, mais

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1 inutile de poursuivre au sujet de Brankovic, parce qu'il a déjà dit ce

2 qu'il avait à dire.

3 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous… Et ça, c'est un exemple sans

4 grande signification, mais l'essentiel ici c'est qu'il est mal informé et

5 qu'il a tiré des conclusions erronées. Savez-vous que cette Commission

6 jouait un rôle de coordination uniquement avec l'OSCE: il s'agissait de

7 coordonner la mission avec l'OSCE et les autorités yougoslaves? Savez-vous

8 qu'il s'agissait d'une Commission chargée de la coopération, c'était son

9 titre. Le savez-vous?

10 Réponse: Oui, il s'agissait d'une mission de coopération, pas d'une

11 mission de coordination comme vous le dites.

12 Question: Coopération. Mais pour coopérer, il faut que ceux qui coopèrent

13 coordonnent leurs activités. C'est logique, non?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Savez-vous qui était le président de la commission du

16 gouvernement fédéral de coopération avec la mission? Savez-vous combien

17 cette commission comptait de membres?

18 Réponse: Est-ce que vous parlez de la Commission présidée par le général

19 Loncar?

20 Question: Il existait une commission du gouvernement fédéral, Loncar en

21 était le vice-Président, et cette commission avait son siège à Pristina.

22 Cependant, la commission qui a été nommée par le gouvernement fédéral -et

23 ça ce n'était un secret pour personne parce que les décisions du

24 gouvernement fédéral sont publiées au journal officiel, sont donc

25 publiques-, savez-vous qui était le président de cette commission du

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1 gouvernement fédéral?

2 Réponse: La seule commission à laquelle j'ai eu à faire, la seule

3 commission que je connaissais, c'était celle présidée par le général

4 Loncar à Pristina, c'est à cet échelon que je travaillais.

5 Question: Et le général Pellnas à Belgrade qui communiquait également avec

6 Belgrade au sujet de votre mission, qui était son contact, s'il y avait

7 seulement cette organisation à Pristina?

8 Réponse: C'est la première fois que j'entends parler du général Pellnas,

9 j'ignore qui il est.

10 Question: Il s'agit d'un général suédois qui était également votre

11 représentant à Belgrade, et c'est lui qui avait des contacts avec les

12 autorités à Belgrade.

13 Réponse: Ah, oui! Pellnas.

14 Question: Oui, Bo Pellnas.

15 Réponse: Ah, excusez-moi, mais je n'avais pas bien compris comment c'était

16 prononcé. En effet, il travaillait à Belgrade, c'était notre représentant

17 auprès du gouvernement à Belgrade.

18 Question: Et il avait des contacts avec le quartier-général de la

19 commission à Belgrade, à savoir cette commission qui avait été mise en

20 place par le gouvernement fédéral.

21 Réponse: Vous avez tout à fait raison. Et je crois qu'il a trouvé son

22 travail si difficile qu'au bout d'un certain temps il a démissionné et il

23 est parti.

24 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous, puisque j'espère que nous

25 avons suffisamment bien expliqué le caractère civil de cette commission

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1 qui travaillait avec vous...

2 M. Le Président (interprétation): Vous présentez vos arguments alors que

3 vous devriez poser des questions, et vous présentez des arguments propres

4 à ergoter, propres à discuter. Cela ne va pas.

5 Monsieur le Témoin, est-ce que vous convenez qu'il s'agissait d'une

6 commission civile ou pas?

7 M. Ciaglinski (interprétation): Il s'agissait d'une commission qui

8 réunissait des civils, des militaires et des policiers.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que cette soi-disant carte,

11 cette carte à laquelle vous avez fait référence et dont il est manifeste

12 qu'elle n'existe pas, savez-vous que cette carte imaginaire ou toute autre

13 carte d'après les règles, le règlement du service au sein de l'armée, ne

14 pouvait être emmenée en dehors du service opérationnel de l'unité où elle

15 avait été établie, où elle avait été utilisée, même s'il s'agissait d'une

16 carte faisant référence à un simple exercice militaire.

17 M. Ciaglinski (interprétation): Est-ce que vous faites référence à la

18 carte où il m'a indiqué la nature des manoeuvres à entreprendre?

19 Question: Ah! Donc vous parlez en fait d'une carte qui présente les

20 manoeuvres à venir?

21 Réponse: Moi, on m'a montré une carte où il n'y avait rien d'annoté. Et

22 puis ensuite, il a indiqué sur cette carte la manière dont les opérations

23 et les manoeuvres allaient se dérouler.

24 Question: Ah, donc ici on nous présente un fait nouveau? Vous aviez une

25 carte où il n'y avait rien et, sur cette carte, il vous a montré au moyen

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1 de sa main comment on allait mettre en œuvre des opérations contre l'UCK.

2 Donc, ça c'est établi.

3 M. le Président (interprétation): Mais si je me souviens bien, c'est ce

4 qu'il nous a dit hier.

5 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien. Très bien.

6 Hier, est-ce que vous avez dit… parce que manifestement moi je n'ai pas

7 compris la même chose, puisque vous vous avez parlé à l'envi de cette

8 carte, de ce plan. Maintenant, il apparaît qu'il n'y avait pas de plan, il

9 vous a simplement montré sur une carte géographique la manière dont allait

10 se dérouler une attaque contre l'UCK. Est-ce que vous affirmez toujours

11 que cet officier vous a dit qu'il existait un plan qui avait pour objectif

12 d'expulser la population albanaise?

13 M. Ciaglinski (interprétation): Il m'a montré sur une carte militaire le

14 plan de l'opération qui serait mis en application contre l'UCK et il m'a

15 également dit qu'ils allaient expulser la population civile. Mais pas dans

16 le cadre de l'opération militaire, en tant que telle, ça devait se

17 produire ultérieurement.

18 Question: Est-ce qu'il vous l'a dit en parlant d'un plan? Est-ce qu'il a

19 dit qu'il s'agissait d'un plan ou bien est-ce que c'était son opinion

20 personnelle?

21 Réponse: Comme je l'ai dit hier, le plan des opérations, le plan des

22 manoeuvres contre l'UCK n'aurait pas pu être l'expression de sa seule

23 opinion personnelle. Moi, ce n'est pas l'impression qu'il m'a donné. Moi,

24 il m'a dit: "Nous allons le faire". Et ensuite, il a dit que: "une fois

25 que tout serait terminé, nous allons expulser les Albanais". J'ignore, je

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1 ne peux pas vous dire ce qu'il pensait exactement. Moi je ne peux pas me

2 mettre à sa place, dans sa tête; je ne sais pas véritablement s'il

3 s'agissait de son plan personnel mais j'en doute parce que ce plan était

4 extrêmement détaillé.

5 En fait, les opérations se sont déroulées de cette même manière. Donc soit

6 il avait des dons de voyance, soit il avait des connaissances à ce sujet.

7 Et pourquoi aurait-il fait ainsi des observations complètement fausses ou

8 qui exprimaient simplement ses propres désirs, alors qu'il s'agissait pour

9 lui de me donner des informations? Moi j'ai pensé qu'il s'agissait

10 d'informations qu'il me donnait de choses factuelles.

11 M. Robinson (interprétation): Mon Colonel, lorsqu'il vous a dit cela, est-

12 ce que vous avez vous-même posé des questions? Est-ce que vous avez essayé

13 d'obtenir des informations supplémentaires?

14 M. Ciaglinski (interprétation): Moi, l'impression que j'ai eue, c'est

15 qu'il m'en avait déjà beaucoup trop dit. Tout ceci, il me l'a dit à voix

16 basse en me montrant cette carte, et je savais que le temps ni le lieu

17 n'étaient bien choisis pour s'étendre sur le sujet. Je voyais bien,

18 d'après la manière dont il se comportait, qu'il n'aurait pas été prêt à

19 aller plus loin dans la discussion. C'était tout ce qu'il souhaitait me

20 dire.

21 M. Robinson (interprétation): Merci.

22 M. Milosevic (interprétation): Mais l'élimination des unités de l'UCK quoi

23 qu'il en soit, quelles que soient ces déclarations au sujet de ce qu'on

24 vous aurait dit, l'élimination des unités de l'UCK aurait été la mission

25 légitime de l'armée, n'est-ce pas?

Page 3281

1 M. Ciaglinski (interprétation): Excusez-moi, mais je ne comprends pas

2 votre question.

3 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que l'élimination de l'UCK aurait

4 été une mission légitime, une tâche légitime de la part de l'armée

5 yougoslave?

6 M. Ciaglinski (interprétation): J'imagine que si vous étiez en guerre avec

7 l'UCK, à ce moment-là, oui. Mais, en fait, je ne comprends pas très bien.

8 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il appartient à nous d'en

9 décider, il appartient à nous de décider, du point de vue du droit, s'il

10 s'agissait là d'une opération légitime ou pas.

11 Monsieur Milosevic, il y a déjà deux heures que vous contre-interrogez ce

12 Témoin. S'il y a d'autres sujets que vous souhaitez aborder avec lui,

13 allez-y.

14 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore beaucoup de sujets à aborder.

15 J'espère que, cette fois-ci, vous n'allez pas encore une fois interrompre

16 mon contre-interrogatoire.

17 M. le Président (interprétation): Je vais l'interrompre s'il n'est pas

18 justifié. Si vous posez des questions qui ne sont pas justifiées, il est

19 possible que vous soyez interrompu. Et vous devriez ne pas perdre de vue

20 également que les questions posées par vous devraient être courtes de

21 façon à pouvoir vous permettre d'aborder un nombre de sujets plus

22 importants.

23 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je parle de la question précédente.

24 Au cours de l'agression menée par le Pacte de l'OTAN, l'UCK a-t-elle joué

25 le rôle d'infanterie pour l'OTAN?

Page 3282

1 (Rire du Témoin.)

2 M. Ciaglinski (interprétation): Absolument pas!

3 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous vu des déclarations de leurs

4 commandants, comme Thaci, Haradinaj et d'autres, qui confirment ce que je

5 viens de dire?

6 M. le Président (interprétation): Le Témoin a répondu, il a dit "non". Si

7 vous avez des éléments de preuve démontrant le contraire, vous pouvez les

8 soumettre à la Chambre.

9 M. Milosevic (interprétation): Afin de ne pas poursuivre mes questions au

10 sujet de cette question montée de toutes pièces par le Procureur en

11 rapport avec cette carte géographique, j'exige de vous, Monsieur le

12 Président, Messieurs les Juges, que la personne dont le nom a été

13 mentionné par ce Témoin, c'est-à-dire cette personne qui aurait discuté

14 avec lui et qui lui aurait fourni ces informations, j'exige qu'il soit

15 entendu ici en tant que témoin, avec toutes les garanties qu'il vous

16 appartient de lui accorder quant à son immunité. Et j'exige qu'il soit

17 protégé, car pour un officier de l'armée yougoslave c'est un fait très

18 lourd que de fournir de tels renseignements à un ancien ennemi durant

19 l'agression; c'est également quelque chose qui peut lui nuire au niveau de

20 sa réputation.

21 Comme vous le savez, nous parlons ici de temps en temps de façon publique

22 et l'homme en question a sûrement des enfants, des petits-enfants; son nom

23 pourrait être sali par toutes sortes de choses, donc je demande que ce

24 témoin soit entendu ici dans ce prétoire avec toutes les mesures de

25 protection et de secret nécessaires, parce que ceci est pur montage, tout

Page 3283

1 ceci a été monté de toutes pièces, c'est tout à fait évident.

2 M. le Président (interprétation): Tout ceci n'a rien à voir avec le Témoin

3 que nous entendons en ce moment. Si vous avez une requête, présentez-là.

4 Mais, pour le moment, concluons votre contre-interrogatoire. A mon avis,

5 vous ne devriez pas disposer de plus d'une heure encore, ce qui vous

6 mettra au même niveau que le Procureur.

7 M. Milosevic (interprétation): Je pense qu'il serait plus juste de

8 m'accorder un temps plus important que celui dont a bénéficié le

9 Procureur, car le Procureur peut préparer son travail à l'aide de toutes

10 sortes d'associés, mais je suis pour ma part tout seul, et ceci est

11 quelque chose de très nouveau pour moi.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous savons bien que

13 vous êtes seul, nous en tenons compte, mais nous tenons compte également

14 du temps que vous perdez en faisant des discours et des déclarations, et

15 en revenant de façon incessante sur le même sujet. Nous équilibrons donc

16 les deux éléments pour prendre nos décisions quant au temps qui nous vous

17 est accordé.

18 M. Milosevic (interprétation): J'espère que nous pourrons consacrer un peu

19 plus d'une heure à l'audition de ce Témoin. Je dois consulter mes notes

20 pour voir ce qui a été dit hier au sujet de sa déclaration.

21 Monsieur le Témoin, vous avez dit dans votre déclaration qu'il n'était pas

22 prévu que l'UCK ait son représentant, mais en page 3 de votre déclaration

23 au deuxième paragraphe, dans mon texte en serbe, nous lisons que le

24 commandant David Wilson ou un autre officier britannique, présentait leurs

25 positions, les positions de l'UCK.

Page 3284

1 M. le Président (interprétation): Que le texte soit remis au Témoin.

2 (Intervention de l'huissier. Le témoin consulte le document.)

3 Nous avons trouvé le passage.

4 M. Ciaglinski (interprétation): Je n'ai pas bien compris la question.

5 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous reformuler la question au

6 Témoin?

7 M. Milosevic (interprétation): La question était la suivante: pour autant

8 que je l'aie vu dans la déclaration du témoin, Drewienkiewicz dit qu'en

9 dehors de David Wilson, il y en avait d'autres qui accomplissaient la même

10 tâche, à savoir maintenir des contacts avec l'UCK. Qui étaient ces autres

11 hommes?

12 M. Ciaglinski (interprétation): David Wilson et David Meyer, qui était

13 également britannique, traitaient directement avec l'UCK; ils maintenaient

14 la liaison avec l'UCK au nom du général DZ. Je crois savoir que d'autres

15 nations avaient également des représentants qui maintenaient des contacts

16 avec l'UCK, qui discutaient avec l'UCK, qui la raisonnaient afin d'éviter

17 tout affrontement. Ce qui en fait était une tâche logique pour nous.

18 Question: Le général Drewienkiewicz dit que vous aviez deux David Wilson,

19 tous deux Britanniques, et que c'est tout à fait par hasard que les deux

20 ont été au contact de l'UCK. L'un de ces David Wilson maintenait le

21 contact, était officier de liaison avec l'UCK à Pristina et l'autre à

22 Prizren; et ce deuxième David Wilson qui avait des contacts avec l'UCK a

23 participé aux discussions de Rambouillet. Voilà ce qu'a dit le général

24 Drewienkiewicz. Le saviez-vous?

25 Réponse: Oui, certainement. David Wilson, comme vous l'avez dit, qui était

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1 le plus grand des deux, travaillait à Prizren en tant qu'officier de

2 liaison avec l'UCK pour la seule zone de Prizren, et c'est lui qui a été

3 envoyé à Rambouillet. Quant à l'autre David Wilson, le plus petit des

4 deux, il était stationné au quartier général du général DZ et travaillait

5 directement avec le général au quartier général, au siège de l'OSCE. Il

6 était responsable de la liaison entre l'UCK et l'OSCE.

7 Question: Les informations qui étaient envoyées à l'UCK et qui provenaient

8 de l'UCK constituaient-elle une voie de communication dans les deux sens?

9 Réponse: Il négociait au nom de DZ avec l'UCK et transmettait les

10 informations, ce qui était très important pour éviter toute opération,

11 tout malentendu également en effet.

12 Question: Il ne transmettait pas les relations de l'UCK? En tout cas, il

13 ne discutait pas avec l'UCK en rapport avec les actions terroristes de

14 l'UCK?

15 Réponse: Il ne transmettait aucune information, aucun renseignement

16 sensible. Par exemple, s'il entendait, au cours d'une réunion avec la

17 Commission de la coopération ou au siège, qu'un convoi serbe allait

18 arriver, c'était le genre d'informations qu'il ne transmettait pas. Si la

19 partie serbe demandait ce renseignement, on recontactait l'UCK, et le

20 renseignement fourni par l'UCK, à ce moment, était transmis à la

21 Commission de coopération.

22 Question: Nous allons gagner du temps si vous répondez par "oui" ou par

23 "non".

24 Cet homme insistait-il auprès de l'UCK pour que celle-ci respecte le

25 cessez-le-feu, c'est-à-dire ne procède à aucune attaque? Etait-ce

Page 3286

1 également son rôle ou bien son rôle ne consistait-il qu'à informer?

2 Réponse: Nous avions également pour rôle de dire à l'UCK de ne pas

3 participer à telle ou telle action. Nous essayions d'éviter des actions

4 des deux côtés.

5 M. Milosevic (interprétation): Même page de votre déclaration, au

6 paragraphe suivant, vous dites: "J'ai le sentiment que Loncar et ses

7 subordonnés considéraient vraiment la Commission de coopération de l'OSCE

8 et de la RFY ainsi que de la KVM, comme un moyen pour démontrer au monde

9 qu'ils étaient la partie innocente, mais ils étaient très précis quant à

10 ce qu'ils souhaitaient nous voir vérifier". (Fin de citation.)

11 N'est-il pas logique qu'en cas de conflit, lorsqu'il y a conflit avec des

12 unités et des groupes terroristes, le gouvernement agisse de façon tout à

13 fait légitime et soit la partie innocente, lorsqu'elle est exposée au

14 terrorisme? Qu'elle agisse donc en utilisant sa police, ses organes de

15 pouvoir et d'autorité, ainsi même que les citoyens, n'est-ce pas logique?

16 M. le Président (interprétation): Vous pouvez répondre à cette question?

17 M. Ciaglinski (interprétation): J'essaie de voir combien il y a de

18 questions dans ce qui vient d'être dit.

19 M. le Président (interprétation): Choisissez-en une.

20 M. Ciaglinski (interprétation): Dans un conflit, par exemple si vous êtes

21 attaqué par un groupe terroriste, bien entendu, le gouvernement a le

22 pouvoir et le droit de se défendre.

23 M. Milosevic (interprétation): Et le gouvernement, qu'a-t-il fait d'autre,

24 sinon défendre les civils et les représentants du gouvernement contre les

25 terroristes?

Page 3287

1 M. Ciaglinski (interprétation): A de nombreuses reprises, le gouvernement

2 a utilisé des forces qui n'étaient pas proportionnées. Et ceci est très

3 facile à vérifier, mais le gouvernement ne souhaitait pas que nous

4 vérifiions cela lorsqu'il était attaqué par l'UCK.

5 Question: Vous avez reçu toute l'aide nécessaire pour vérifier tous les

6 autres incidents survenus sur le terrain; cela est incontestable: nous

7 l'avons vu dans un certain nombre de rapports.

8 Mais je vous pose la question suivante: que signifie ce que vous dites à

9 la fin du paragraphe que je viens de citer, à savoir qu'il considérait

10 réellement que cette coopération était utile -je parle du gouvernement-

11 parce que ce dernier était vraiment la partie innocente?

12 Mais j'en arrive à la fin du paragraphe. Vous dites, s'agissant de Loncar,

13 que vous avez le sentiment qu'il n'a jamais compris l'OSCE ou la KVM, et

14 qu'il était irrité visiblement par le fait qu'il ne pouvait pas

15 contraindre l'OSCE et ou la KVM à dire un mot négatif au sujet de l'UCK.

16 Ce qui est dit ici ne démontre t-il pas, de façon très claire et limpide,

17 que vous étiez partiaux à l'égard de l'UCK? Il lui était impossible de

18 vous forcer à dire un mot négatif contre l'UCK.

19 M. Ciaglinski (interprétation): Encore une fois, Monsieur Milosevic, j'ai

20 l'impression que vous m'avez posé plusieurs questions à l'instant.

21 Lorsque je dis: "Il est apparu qu'il n'a jamais très bien compris l'OSCE,

22 et que manifestement, il était ennuyé par le fait qu'il ne pouvait pas

23 obtenir que l'OSCE dise un mot négatif contre L'UCK", j'ajouterai que vous

24 devriez aller plus loin et dire qu'il est écrit également qu'il y avait

25 des rapports quotidiens, et que si les attaques terroristes étaient menées

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1 par l'UCK qui tuait des innocents, des policiers ou des soldats innocents,

2 nous étions les auteurs de ces articles dans la presse, nous n'avions

3 aucun contrôle sur la presse, si la presse refusait de publier nos

4 articles pour une raison inconnue de nous, nous ne pouvions pas faire

5 grand-chose. Mais toute action qui avait lieu, était communiquée au bureau

6 de presse qui, ensuite, décidait de publier ou pas.

7 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous qu'à Glodjani, l'UCK a torturé

8 des dizaines de personnes qui ensuite ont été jetées dans le lac Radonjic?

9 Savez-vous quel est l'énorme nombre de Serbes qui ont souffert? Tous les

10 crimes qui ont été commis, tous ces crimes devraient pousser quelqu'un à

11 se demander ce qui se passe lorsqu'on constate que quelqu'un est ennuyé

12 parce qu'il ne peut obtenir de l'OSCE un mot négatif contre L'UCK. Ne

13 connaissez-vous pas l'existence de tous ces crimes?

14 M. le Président (interprétation): Ceci est un discours, Monsieur

15 Milosevic.

16 Colonel, on vous interroge au sujet de Glodjani et d'un site qui se trouve

17 à cet endroit. Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Non.

19 M. le Président (interprétation): On vous a aussi interrogé au sujet du

20 lac Radonjic, avez-vous des informations sur ce sujet.

21 M. Ciaglinski (interprétation): Non.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le Témoin a répondu

23 au mieux de ses capacités.

24 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Tout ceci est très bien.

25 En page suivante de votre déclaration, vous parlez du 27 décembre et des

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1 tensions qui s'accroissent. Je ne reviens pas sur les raisons de cette

2 situation, vous les avez évoquées hier. "L'UCK a fait prisonnier un paysan

3 serbe et a ouvert le feu sur la police en blessant grièvement un certain

4 nombre de policiers, etc.". Vous le dites, tout ceci est écrit dans votre

5 déclaration: "Dragoslav Draskovic, ce paysan serbe a été fait prisonnier.

6 Tentative pour libérer ce paysan. L'UCK ouvre le feu. Un certain nombre

7 d'hommes sont grièvement blessés". Tout ceci est écrit ici.

8 Le général Loncar vous a dit avoir donné des ordres pour que les tanks

9 interviennent avec le MUP à la tête de l'attaque, etc., parce qu'il était

10 irrité et très fâché que la VJ et le MUP aient subi cette agression, comme

11 vous le signalez. Donc il vous a informé de ce que vous étiez censé faire.

12 Et vous poursuivez en disant: "Et il nous a mis au défi d'aller sur les

13 lieux." (Fin de citation.)

14 Que signifie le fait qu'il vous ait mis au défi d'y aller vous-même?

15 N'était-ce pas votre affaire de procéder à des vérifications? Donc il vous

16 a mis au défi, il vous a demandé de vous rendre sur place, c'est ce que

17 vous dites?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Ce qu'il a dit, c'est ce qu'il souhaitait

19 que nous fassions et que nous lui rapportions, il voulait que nous

20 réglions la situation. Par contre, il nous a mis au défi. Ce n'était

21 certainement pas dans notre rôle, selon l'accord qui avait été conclu, de

22 mener des opérations et de négocier des libérations d'otages. Nous étions

23 une Mission de vérification au Kosovo, cependant notre Mission a commencé

24 à changer de direction; et si nous pouvions apporter notre aide, nous

25 étions prêts à prendre des risques, mais toujours en tant que force sans

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1 arme. Nous étions prêts à aller où il fallait pour empêcher l'éclatement

2 des conflits.

3 Question: Ma question est la suivante. Hier, dans votre témoignage oral,

4 vous avez parlé d'un incident survenu le 27 décembre et vous avez

5 précisément dit que cet incident avait été le fait de l'armée et de la

6 police. C'est ce que vous avez dit. Et vous avez dit quelle était la

7 raison de cet incident, vous avez dit vous-même hier que un ou deux

8 membres de l'UCK, avec un camion plein de munitions, avaient été vus sur

9 les lieux, est-ce exact?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Comment est-il possible de dire, dans ces conditions, que l'UCK

12 avec des munitions, et ce en très grand nombre, qui prend en otage un

13 paysan serbe et blesse des hommes, est-il possible de dire dans ces

14 conditions que ce sont les forces serbes qui ont provoqué cet incident,

15 comme vous l'avez fait hier. Est-il possible de dire cela, oui ou non, je

16 vous prie?

17 M. Ciaglinski (interprétation): Non bien sûr, ce n'est pas la partie serbe

18 qui a provoqué les choses, les forces serbes n'ont provoqué aucun incident

19 ce jour-là.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce précisément ce que vous avez

21 dit hier?

22 M. le Président (interprétation): Je ne me rappelle pas avoir entendu le

23 Témoin dire cela.

24 M. Milosevic (interprétation): Jetons un coup d'œil au compte rendu

25 d'audience, si vous le voulez bien.

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1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 M. Milosevic (interprétation): Tout s'est terminé normalement mais, enfin

3 ne perdons pas de temps sur ce point, ensuite, vous parlez de la rencontre

4 à laquelle vous avez participé. Vous parlez de Sainovic qui vous a imposé

5 -je cite vos propres mots-: "Une tirade de propos insultants disant que

6 les Serbes avaient le droit de recourir à la force comme ils l'ont fait.

7 Je suppose qu'il n'aurait pas pu le dire de cette façon, il aurait pu dire

8 qu'ils avaient le droit d'agir contre des terroristes".

9 Et vous dites à ce moment dans votre déclaration -je cite-: "Il nous a

10 accusés de ne pas procéder à notre travail de vérification de façon

11 honorable et d'introduire de façon illégale des armes dans la région, y

12 compris des armes américaines et allemandes, etc." (Fin de citation.)

13 Est-ce exact, oui ou non? Est-il vrai que certains membres de la Mission

14 de vérification se sont livrés à des actes d'espionnage, y compris en

15 aidant l'UCK à faire entrer des armes de façon illégale? Est-ce exact ou

16 pas? Oui ou non, je vous prie?

17 M. Ciaglinski (interprétation): Je n'ai aucune connaissance de cette

18 entrée d'armes illégales.

19 Question: Mais vous étiez un expert en armes: saviez vous quelles étaient

20 les armes présentes sur le terrain, d'où elles venaient et où l'UCK se les

21 procurait?

22 Réponse: Je pense que les armes venaient par la montagne, en provenance

23 d'Albanie, et qu'elles étaient envoyées, qu'elles arrivaient à dos de

24 mulet ou à dos d'homme, par la montagne.

25 Question: Alors, expliquez-nous par exemple quelle était la capacité de

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1 Sainovic d'obtenir que les choses soient faites, durant une réunion où une

2 demande d'autorisation de 11 prisonniers de l'UCK lui est soumise? Pouvez-

3 vous une seconde envisager que Sainovic, en tant que président de la

4 Commission de coopération, aurait pu prendre cette décision, seul? En

5 d'autres termes, pouvait-il faire cela à lui seul ou devait-il en référer

6 au ministre de la Justice pour obtenir une autorisation? Il ne pouvait pas

7 le faire tout seul, sans autorisation?

8 Réponse: Oui, j'admets cela: il devait en référer, mais il aurait dû nous

9 indiquer qu'il allait procéder de cette façon et, plus tard dans la

10 soirée, nous avons obtenu l'autorisation.

11 Question: Bien sûr, la Commission a décidé de répondre à votre demande de

12 façon positive, parce qu'elle était logique. C'est ce qui s'est passé.

13 Ensuite, vous expliquez, vers la fin de ce paragraphe, que Sainovic

14 pouvait s'exprimer au nom de Belgrade et que Loncar ne pouvait agir qu'au

15 niveau local. Qu'y a-t-il d'illogique ici? Pourquoi les questions

16 politiques ne seraient-elles pas traitées par des responsables politiques?

17 Est-ce illogique ou pas que le vice-premier ministre s'occupe des

18 questions politiques? Est-ce bien la tâche d'un ministre?

19 Réponse: Ce n'est pas illogique, non.

20 Question: Et le fait de parler du colonel Kotur, qui portait un uniforme

21 de camouflage, qui aurait appartenu à une unité d'élite spéciale, qui a

22 été envoyé auprès de la Commission par l'état-major de l'armée, seule

23 compétente pour envoyer des représentants traiter de questions civiles,

24 comme un attaché d'ambassade, par exemple? Ces hommes pouvaient revêtir

25 l'uniforme qu'ils voulaient, ils auraient pu porter un uniforme de la

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1 marine s'ils l'avaient souhaité et s'ils avaient été près de la mer.

2 Réponse: Je ne vois aucun rapport à ce sujet.

3 M. Milosevic (interprétation): Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il

4 portait un uniforme comme le colonel Mijatovic, que ce n'était donc pas

5 simplement une mission civile.

6 Il aurait pu trouver qu'un uniforme était plus confortable, il aurait pu

7 également porter des vêtements civils s'il l'avait préféré, comme le

8 colonel Mijatovic pouvait porter n'importe quel vêtement, un uniforme de

9 policier ou un vêtement civil. Cela n'avait aucun rapport avec le poste

10 qu'ils occupaient dans la région ou les fonctions qu'ils exerçaient.

11 Aucune importance, cet uniforme. Et aucun des deux, en tant que membres de

12 la Commission, ne pouvait tout ordonner.

13 Ensuite, ce qui suit, nous en avons déjà discuté: vos conclusions erronées

14 quant à la structure de la mission.

15 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Ceci est un commentaire.

16 C'est de cette façon que nous perdons du temps.

17 M. Milosevic (interprétation): D'accord, d'accord. Je poursuis la lecture

18 du texte.

19 Monsieur le Témoin, sur quoi appuyez-vous votre déclaration selon laquelle

20 le terrain de football était un terrain d'atterrissage pour les

21 hélicoptères? Etiez-vous au courant de ce que ce stade de Pristina était

22 le seul lieu dans le centre de la ville où un hélicoptère pouvait atterrir

23 et qu'il a toujours été utilisé en cas de nécessité pour atterrissage à

24 Pristina? Moi-même j'ai atterri sur ce terrain de foot à plusieurs

25 reprises, il y a 10 ans, 20 ans ou 30 ans même.

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1 Au moins, admettez-vous que c'était le seul endroit où vous pouviez faire

2 atterrir un hélicoptère à moins de le faire au centre de la ville là où

3 des kiosques vendent des saucisses de Francfort.

4 M. le Président (interprétation): Nous ne sommes pas en train de parler de

5 kiosques qui vendent des saucisses de Francfort. La seule question ici,

6 c'est de savoir si ces hélicoptères pouvaient atterrir à cet endroit, oui

7 ou non?

8 M. Milosevic (interprétation): Oui. Pourquoi cela ferait-il l'objet d'un

9 montage ou d'une fausse relation entre deux faits?

10 M. le Président (interprétation): Posez la question à votre Témoin.

11 Demandez-lui si c'était le seul endroit où l'on pouvait atterrir. Il n'y a

12 rien d'irrégulier à cet égard, malgré le fait que le lieu se situait tout

13 près du siège du MUP.

14 Pouvez-vous nous aider sur ce point?

15 M. Ciaglinski (interprétation): Il y avait un aéroport qui n'était pas

16 loin où des hélicoptères auraient pu atterrir également, mais c'était

17 effectivement un terrain en plein centre-ville, près du siège du MUP et du

18 quartier général de la VJ. La plupart des atterrissages des représentants

19 du gouvernement, du MUP ou de la VJ se faisaient à cet endroit. C'est tout

20 simple.

21 M. Milosevic (interprétation): Très bien. C'est tout clair. L'aéroport est

22 assez loin de la ville, d'ailleurs.

23 Maintenant, à la page 7 de votre déclaration, on trouve quelques

24 observations. Vous parlez de votre impossibilité à accomplir votre mission

25 et, maintenant, je vais citer quelques passages.

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1 Vous dites -je cite-: "Chaque fois que je me heurtais à un problème pour

2 me rendre dans une zone déterminée, j'appelais Mijatovic -vous parlez du

3 colonel Mijatovic, membre de la Commission de Loncar-, j'appelais donc

4 Mijatovic en utilisant pour ce faire que le téléphone. Il contactait

5 ensuite le commandant local du MUP qui nous accordait l'autorisation de

6 passage et Mijatovic nous a également aidés à nous rendre à des postes de

7 police.

8 Le 17 mars 1999, lors d'une rencontre avec Mijatovic, il m'a affirmé qu'il

9 était entré en contact avec tous les commandants du MUP et qu'il avait

10 demandé qu'une procédure soit adoptée, nous facilitant l'accès, etc.,

11 etc." (Fin de citation.)

12 Et puis, plusieurs paragraphes plus loin, vous dites -je cite-: "Kotur m'a

13 montré une lettre du général Lazarevic, commandant du Corps de Pristina à

14 l'époque, qui ordonnait à toutes les unités de la VJ de faciliter l'accès

15 aux lieux que ces patrouilles souhaitaient visiter pour les patrouilles de

16 la KVM". (Fin de citation.)

17 Donc, même lorsque vous parlez de la force de police et de l'armée, vous

18 aviez des ordres qui vous facilitaient la circulation sans vous créer

19 aucun obstacle. Pouvez-vous donc parler d'un refus de coopération ou

20 d'efforts couronnés de succès pour vous faciliter votre mission? Et

21 comment pouvez-vous dire que vous n'aviez pas la possibilité de mener

22 votre mission à bien, alors que vous écrivez ceci? C'est bien vous qui

23 l'avez écrit, n'est-ce pas?

24 M. Ciaglinski (interprétation): Les documents auxquels vous faites

25 référence quant aux facilités d'accès qui nous ont été données, se situent

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1 à ce niveau et pas à un autre. Mais, cependant, savez-vous que pour

2 atteindre certaines zones sur le terrain tenu par la VJ ou le MUP, il nous

3 était impossible d'y accéder. J'étais l'une des quelques personnes qui

4 pouvaient utiliser le téléphone satellitaire pour parler au colonel

5 Mijatovic et lui dire: "Je me trouve à tel endroit. Il y a un commandant

6 avec moi. Pouvez-vous, s'il vous plaît, lui rappeler le contenu de cet

7 ordre et nous permettre d'accéder à tel ou tel endroit?".

8 Et ensuite l'autorisation nous était accordée de mauvais gré mais ce

9 n'était pas général. La lettre contenant l'ordre n'a pas été diffusée

10 partout, et nous avions d'extrêmes difficultés à accéder à certains

11 endroits.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le temps passe nous

13 allons atteindre la pause, pouvez-vous poser d'autres questions?

14 M. Milosevic (interprétation): Je poursuivais simplement sur ce que le

15 Témoin avait dit.

16 Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que des patrouilles, les patrouilles

17 que vous visitiez, vous souhaitiez les visiter par surprise à certains

18 endroits. Alors, comment pouvez-vous surprendre quelqu'un si vous devez

19 obtenir une autorisation pour circuler? Vous avez dit que vous les preniez

20 par surprise lorsque vous procédiez à vos inspections; comment pouviez-

21 vous les surprendre si, par ailleurs, votre liberté de circulation était

22 restreinte et qu'il vous fallait une autorisation pour circuler? N'y a-t-

23 il pas contradiction à cet endroit?

24 M. Ciaglinski (interprétation): Aucune contradiction. Les inspections par

25 surprise étaient réalisées sur les grandes routes, là où les unités

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1 étaient stationnées. Vos principales unités, elles, n'étaient pas sur les

2 routes; elles étaient autour des villages, dans la campagne. Et, par

3 conséquent, il n'y a pas contradiction: ce sont deux faits différents.

4 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre pendant 20

5 minutes.

6 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, avant la suspension,

7 s'agissant des témoins suivants, la Chambre se souviendra qu'il y a

8 quelques jours j'ai parlé de la possibilité de ne pas entendre le Témoin

9 K22, mais d'entendre les premiers témoins relevant de l'Article 92bis.

10 Tous les témoins sont ici mais K22 avait prévu de venir avant Pâques et il

11 n'est arrivé qu'hier soir, donc il est possible que nous ayons besoin de

12 revoir avec lui le résumé de sa déposition et que nous travaillons avec

13 lui jusqu'à demain. Nous devrions donc, je pense, être prêts à commencer

14 par les témoins 92bis.

15 M. le Président (interprétation): Oui. Suspension de 20 minutes.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 34, est reprise à 10 heures 55.)

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez

18 poursuivre.

19 M. Milosevic (interprétation): Le 15 janvier 1999, vous vous trouviez dans

20 la région de Decani avec des représentants du MUP. C'est à cette occasion

21 qu'il a été conclu que la KVM devrait escorter le MUP dans cette zone où

22 devait avoir lieu une relève d'unité aux postes les plus avancés; cela a

23 été fait parce que vous vouliez vérifier ce qui allait se produire, vous

24 vouliez éviter qu'il y ait quelque renforcement de troupes que ce soit au

25 niveau des postes avancés.

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1 Les membres de la KVM se sont fait tirer dessus pendant un certain temps.

2 Comme vous l'aviez dit à l'époque, il était difficile d'établir qui avait

3 tiré sur les membres de la KVM. C'est ce que vous avez déclaré: qu'il

4 était difficile de déterminer ce fait.

5 N'est-il pas évident que seule l'UCK a pu vous tirer dessus, puisque vous

6 étiez accompagnés par la police? Est-ce qu'il n'était pas évident que

7 jamais la police ne tirerait sur un convoi qu'elle escorterait elle-même?

8 Pourquoi avez-vous dit qu'il était difficile de déterminer qui vous avait

9 tiré dessus?

10 M. Ciaglinski (interprétation): Je ne me rappelle pas avoir dit que

11 j'avais du mal à le déterminer. Pour moi, c'était très clair: c'est l'UCK

12 qui avait ouvert le feu. Et je crois que, par la suite, Ramush a reconnu

13 que cela avait effectivement été le cas, il a présenté ses excuses, il

14 s'est excusé du fait qu'il avait blessé deux vérificateurs; il a expliqué

15 alors qu'il pensait que nous étions des membres de la police secrète serbe

16 qui se déplaçaient dans ce qui semblait être des véhicules de l'OSCE. Il

17 leur avait semblé que nous avions pris la tête du convoi pour l'amener

18 dans cette zone. Oui, c'était l'UCK.

19 Question: Oui, mais ce n'est qu'une déclaration directe de l'UCK. Est-ce

20 qu'une telle déclaration aurait pu vous faire abandonner votre première

21 opinion, à savoir que vous ne saviez pas qui avait pu se livrer à ces

22 actes? Le doute planait quant à la question de savoir qui l'avait fait, de

23 l'un ou de l'autre côté?

24 Réponse: Au début, pendant les premières 24 ou 36 heures, nous n'avons pas

25 pu établir qui avait pu ouvrir le feu et, jamais, nous n'aurions pu penser

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1 que l'UCK aurait pu trouver des raisons de penser qu'il fallait tirer sur

2 des véhicules orange. C'est pour cela que nous avions du mal à nous faire

3 une opinion, à déterminer qui avait ouvert le feu. Nous ne pouvions pas

4 comprendre non plus pourquoi les Serbes ou le MUP ou la VJ aurait voulu

5 ouvrir le feu sur nous, nous ne pouvions pas comprendre pourquoi l'UCK

6 aurait voulu ouvrir le feu sur nous.

7 Donc tout n'était pas clair et nous ne comprenions pas pourquoi on nous

8 avait tiré dessus; ce n'était pas habituel.

9 Question: Vous aviez plus de difficulté pour à comprendre pourquoi l'UCK

10 vous aurait tiré dessus? C'était plus difficile à comprendre pour vous que

11 de comprendre pourquoi la police aurait pu vous tirer dessus? Ce que vous

12 dites là, est-ce que ce n'est pas le résultat de votre partialité à

13 l'égard de l'UCK? Oui ou non?

14 Réponse: Je ne fais pas preuve de partialité. On nous a tiré dessus, on

15 m'a tiré dessus, on voulait m'empêcher d'entrer dans certaines zones et,

16 lorsque ceci s'est produit, c'étaient vos forces qui nous tiraient dessus.

17 Question: Que faisaient nos forces? Nos forces vous tiraient dessus?

18 Réponse: Absolument. Même dans la zone de Podujevo et dans la zone de

19 Gornja Lapastica, il y a eu une occasion au cours de laquelle on nous a

20 dit de ne pas nous rendre quelque part parce que l'UCK allait nous tirer

21 dessus. On nous a dit que la zone n'était pas sûre. Ensuite, nous avons vu

22 un de vos véhicules faire délibérément le tour de l'endroit où nous nous

23 trouvions, et des tirs ont été ouverts sur nous pour nous prouver que nous

24 ne devions pas nous trouver sur place. C'était l'une de vos méthodes de

25 prédilection, méthode par laquelle vous vouliez vous assurer que nous ne

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1 nous aventurerions pas dans des endroits que vous ne souhaitiez pas que

2 nous voyions.

3 La plupart des vérificateurs étaient des civils et ils avaient peur de se

4 faire tirer dessus, bien évidemment.

5 Question: Certes, mais vous êtes en train de dire qu'il y aurait pu y

6 avoir des coups de feu, mais que cela n'a pas été le cas. Alors, est-ce

7 que ce véhicule a ouvert le feu sur vous ou pas?

8 Réponse: Excusez-moi, je ne vous ai pas compris. Pourriez-vous répéter

9 votre question?

10 Question: Ce véhicule du MUP, que vous venez d'évoquer à l'instant, a-t-il

11 ouvert le feu sur vous ou pas?

12 Réponse: Oui, il a ouvert le feu sur nous, à une occasion précédente. Pas

13 le 15 janvier.

14 Question: Est-ce que les tirs ont fait mouche? Est-ce que quelqu'un a été

15 atteint?

16 Réponse: Non, on avait l'intention de nous faire peur.

17 Question: Donc ils tiraient en l'air pour vous effrayer?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourquoi est-ce que cela n'apparaît pas dans l'un quelconque des

20 rapports établis par la Mission de vérification? On ne parle pas d'un

21 incident au cours duquel quelqu'un aurait tiré dans votre direction, on ne

22 dit pas que les forces de sécurité de la Yougoslavie, que l'armée de

23 Yougoslavie ont essayé de vous tirer dessus.

24 Réponse: Vous vous apercevrez que ce type d'incidents est évoqué à de

25 nombreuses reprises dans les rapports de l'OSCE.

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1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous affirmez à présent qu'il y

2 a eu des occasions au cours desquelles l'armée et la police ont ouvert le

3 feu sur les vérificateurs?

4 M. le Président (interprétation): C'est ce que le Témoin explique depuis

5 un certain temps.

6 M. Ciaglinski (interprétation): Précisément. Merci, Monsieur le Président.

7 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il s'agit de faits tout à fait

8 nouveaux et je les conteste, ô combien.

9 Parmi vos sources d'information, il est indiqué que tous les éléments

10 étaient rapportés au chef de mission afin qu'il puisse établir si tel ou

11 tel acte était en violation de l'Accord Holbrooke/Milosevic. Le chef de

12 mission avait toutes compétences et compétences exclusives pour essayer

13 d'établir si tel ou tel acte constituait une violation de l'accord. Oui ou

14 non?

15 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

16 Question: Alors, quels étaient vos objectifs à vous et à vos

17 vérificateurs, si ce n'est que votre chef William Walker qui pouvait

18 décider si tel ou tel acte constituait une violation ou pas de l'accord?

19 Réponse: Nous pouvions tous constater s'il y avait ou non violation. Nous,

20 nous faisions état de cette violation à William Walker, qui faisait

21 remonter l'information par les voies officielles. Et cela remontait par

22 Mme Keller à M. Sainovic, ou cela remontait vers le général Loncar par le

23 biais de Bo Pellnas.

24 Question: Donc seul Walker pouvait établir ce qui constituait ou non une

25 violation? Personne d'autre au sein de la Mission n'était habilité à se

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1 prononcer?

2 Réponse: C'était lui le chef de la mission, donc tout rapport devait

3 porter sa signature, et tout rapport était établi sous son autorité.

4 C'était notre chef de mission. Cela étant dit, si je me rendais à une

5 réunion et si j'étais autorisé à dire que tel acte était une violation, eh

6 bien, je le faisais et je m'exprimais lors de la réunion en ce sens et je

7 le disais au général Loncar.

8 Question: Walker était-il la seule personne habilitée à accepter au sein

9 de la Mission tel ou tel membre?

10 Réponse: Je pense que c'était lui qui était le chef de Mission, en fin de

11 compte. Mais je ne pense pas que Walker ait eu à se prononcer sur le choix

12 de chacune des mille et quelques personnes qui constituaient la mission.

13 Il s'agissait de plus de mille civils, et il n'aurait jamais pu essayer de

14 se pencher sur chacune des demandes de candidature, il n'aurait pas posé

15 son veto à la candidature de certaines personnes.

16 Question: Est-ce qu'il n'y a pas eu un cas où le chef-adjoint de la

17 mission a été désigné? Celui qui était responsable de la police, c'était

18 un juge italien; est-ce qu'il n'a pas été nommé?

19 Réponse: Si, il a été désigné à un poste.

20 Question: Oui, mais ici il est indiqué que lorsque la communauté

21 internationale essayait de vérifier les critères qui étaient établis par

22 la police, elle ne devrait pas essayer de faire quoi que ce soit pour

23 perturber les autorités serbes. Et Walker a refusé d'accepter sa

24 désignation parce que c'est lui qui avait évoqué cela, donc le poste est

25 resté vacant pendant une longue période de temps. Est-ce que vous avez

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1 conscience de cela, connaissance de cela?

2 Réponse: Non.

3 Question: Vous deviez rassembler 40 vérificateurs pour la police, mais

4 seules 10 personnes sont arrivées par la suite. Est-ce que ce n'est pas le

5 cas?

6 Réponse: Oui, nous avons eu des difficultés à recruter des policiers. Il

7 fallait que ces policiers puissent être détachés par leurs autorités

8 nationales, il fallait qu'ils puissent abandonner leur poste dans leur

9 pays d'origine pour venir au Kosovo. Et ce n'est pas les seuls

10 vérificateurs que nous avons eus du mal à trouver.

11 M. Milosevic (interprétation): Il a donc refusé qu'un Italien soit nommé

12 parce que cet Italien avait dit qu'il fallait que la police serbe soit

13 traitée de façon appropriée, c'est ce qui apparaît dans le rapport de

14 votre patron Drewienkiewicz.

15 M. le Président (interprétation): Le Témoin a dit qu'il ne savait rien à

16 propos de cela.

17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, moi je l'informe de cela puisqu'il

18 n'est pas au courant.

19 M. le Président (interprétation): Nous n'irons nulle part si nous

20 poursuivons ainsi.

21 M. Milosevic (interprétation): Vous avez déclaré, dans votre déclaration

22 préalable, que vous aviez pu établir par la suite que l'OTAN avait

23 intercepté des communications radios qui révélaient que les Serbes avaient

24 pris une part plus active au massacre de Racak, dont vous parlez que cela

25 n'avait été admis. Il y avait, d'après l'OTAN, eu émission d'ordres afin

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1 que ces personnes soient tuées.

2 Mais enfin, de quel type d'interception parlons-nous ici? Vous déclarez

3 que vous avez appris cela. Mais qu'avez-vous appris dans le cadre de cette

4 interception de conversation radio? Qu'est-ce qui vous a donné à penser

5 que quelqu'un avait donné des ordres pour que toutes ces personnes soient

6 tuées?

7 M. Ciaglinski (interprétation): J'ai entendu des choses provenant de

8 sources différentes. Moi, j'étais particulièrement déterminé à établir la

9 vérité sur tout cet événement, et j'essayais de me faire un peu l'avocat

10 du diable à un certain moment, et l'on m'a dit que certaines informations

11 avaient été fournies par le biais d'interceptions de communications radio,

12 et je suppose que ces interceptions ont eu lieu en Macédoine ou quelque

13 part dans les environs de l'endroit où ces conversations ont été

14 entendues. C'est quelque chose que l'on m'a dit, ce n'est pas quelque

15 chose que j'ai pu lire moi-même ou dont j'ai pu disposer directement.

16 Jamais je n'ai eu ces éléments entre les mains.

17 Question: C'est ce que je voulais établir. Dans votre rapport, vous dites

18 que le MUP et l'armée de la Yougoslavie appelaient toujours les membres de

19 l'UCK des "terroristes", est-ce que vous pensez qu'il s'agissait de

20 terroristes ou est-ce que vous pensez qu'ils n'étaient pas des

21 terroristes?

22 Réponse: Je pense qu'il y avait parmi eux des terroristes, mais je crois

23 qu'il y avait également un grand nombre de personnes qui étaient des

24 membres de milices villageoises qui essayaient de préserver leurs biens et

25 leurs familles. Je dirais que certaines personnes qui se trouvaient au

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1 sein de l'UCK se livraient à des actes terroristes, et je n'hésite pas à

2 dire qu'ils se comportaient comme des terroristes.

3 Question: Et pourquoi alors est-ce que vous étiez gêné par le fait que les

4 forces armées, les forces de la police appelaient ces personnes des

5 "terroristes", puisque vous-même vous reconnaissez qu'il y avait des

6 terroristes?

7 Réponse: Parce qu'il y avait généralisation. Ils disaient que "tous les

8 Albanais étaient des terroristes". On n'établissait pas un distinguo entre

9 un petit nombre de cellules terroristes et le reste de la population.

10 Question: Ces personnes qui tiraient sur l'armée, sur la police, est-ce

11 qu'elles étaient des terroristes ou non? Et ces personnes qui ont fait

12 sauter des bus, qui ont lancé des bombes sur des marchés, sur des

13 magasins, est-ce qu'elles n'étaient pas des terroristes?

14 Vous dites qu'il y avait coordination entre l'armée et la police. Vous

15 dites également qu'ils étaient organisés. Pour qu'il y ait organisation,

16 il faut qu'il y ait organisation au niveau le plus bas. Et le niveau le

17 plus bas, ça aurait été le niveau de commandant. Ça, c'est votre opinion

18 en tant que militaire, et je ne la conteste pas.

19 Mais ma question est celle-ci: est-ce qu'il n'est pas logique, s'il y a à

20 la fois l'armée et la police dans une zone, que les deux forces sachent où

21 elles se trouvent? Est-ce qu'il n'est pas normal que l'armée sache où la

22 police se trouve? Est-ce qu'il n'est pas normal que la police sache où

23 l'armée se trouve? Est-ce que ce n'est pas logique, lorsque ces forces

24 appartiennent à un seul et même Etat?

25 Réponse: Oui. Moi, j'ai dit "le rang de commandant", parce qu'un

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1 commandant, c'est généralement un commandant de Bataillon; il est logique

2 effectivement qu'il sache où se trouvent les forces et ce qu'elles font.

3 Question: C'est donc quelque chose d'assez logique si l'on se place du

4 point de vue du fonctionnement de toute police ou de toute armée, oui ou

5 non?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Vous avez décrit un événement qui s'est produit après ce qui

8 s'est passé sur la route Podujevo/Pristina, lorsqu'une patrouille de

9 l'armée est tombée dans une embuscade: au cours de cette embuscade, un

10 colonel a été abattu. Vous avez déclaré qu'à ce moment-là l'armée de la

11 Yougoslavie avait fait entrer des chars et qu'elle avait entouré le

12 village, et qu'un cordon avait été établi à un ou deux kilomètres de là,

13 et qu'un cordon intérieur avait été établi autour du village -un cordon

14 fait de chars- et qu'ensuite des personnes ont été envoyées en ville pour

15 essayer de débusquer le tireur embusqué. Il n'y a pas eu de représailles,

16 pas de tueries. Est-ce que vous considérez que c'est un acte normal et

17 logique de la part des forces militaires?

18 Réponse: J'ai essayé de dire cela pour montrer de quelle façon la VJ avait

19 mené à bien une opération. J'ai essayé de démontrer qu'elle fonctionnait

20 dans le cadre des limites légales et qu'elle s'était comportée de façon,

21 eh bien, humaine et décente, et qu'elle avait également bien fonctionné en

22 tant qu'unité militaire. Contrairement à ce que faisait le MUP.

23 Question: Vous parlez du rôle joué par le MUP au Kosovo et à Metohija, et

24 vous parlez par ailleurs du rôle que le MUP avait à jouer. Sur la base de

25 ce que vous dites, il semble que le MUP n'avait pas un rôle de force de

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1 police. Vous dites même que le MUP ne prenait pas part aux actions de

2 contrôle de la circulation, de lutte contre la criminalité. Est-ce que

3 vous avez vu des policiers chargés du contrôle de la circulation pendant

4 tout votre séjour au Kosovo et à Metohija?

5 Réponse: Pendant mon séjour à Pristina, j'ai vu des policiers qui

6 régulaient la circulation, qui jouaient un rôle d'îlotier tout à fait

7 habituel.

8 Question: Est-ce qu'il vous apparaît clairement que ces policiers qui

9 régulaient la circulation étaient également des membres du MUP?

10 Réponse: Oui. Cela m'apparaît tout à fait clairement.

11 Question: Alors comment pouvez-vous dire que le MUP ne menait pas à bien

12 ces tâches?

13 Réponse: Je n'ai vu que quelques policiers se livrer à ce type

14 d'activités. 99% des membres du MUP que j'ai pu voir au Kosovo se

15 livraient à des activités militaires.

16 Question: Lorsque l'on cherchait… Lorsque l'on cherche des terroristes,

17 des meurtriers, des personnes qui posent des bombes, est-ce qu'on se livre

18 à une activité militaire ou est-ce que c'est une fonction qui revient

19 plutôt à la police?

20 Réponse: Eh bien, je dirai que c'est la police qui doit prioritairement

21 agir en ce sens. Par exemple, en Irlande du Nord où nous travaillons

22 contre des terroristes, nous utilisons l'armée comme force de soutien,

23 mais l'armée mène plutôt à bien certains types d'opérations, tandis que la

24 police essaie de mener à bien des enquêtes.

25 Question: Bien. Dans les cas que j'évoque, la police mène des enquêtes et

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1 essaie de trouver quels sont les auteurs des crimes qui ont été perpétrés.

2 Ce n'est pas clair.

3 Réponse: Je crois que la méthode qui était utilisée, était assez

4 différente, Monsieur Milosevic.

5 Question: Outre le contrôle de la circulation, vous dites que la police se

6 livrait à d'autres activités. Mais qui d'autre que la police aurait pu

7 chercher les auteurs des crimes, qui d'autre que la police aurait pu

8 essayer d'arrêter les criminels, qui d'autre aurait pu essayer de trouver

9 les auteurs des meurtres, des actes pillages, de tous les autres crimes

10 qui étaient commis, qui d'autre aurait pu le faire, à part la police. Vous

11 dites que la police ne menait pas à bien ses tâches?

12 Réponse: Il revenait à la police de mener à bien ses tâches et de remplir

13 ses fonctions. Mais toutes les activités que nous avons pu observer de le

14 part des membres du MUP, étaient des activités d'infanterie, des activités

15 militaires, des activités de fantassins.

16 Question: Vous avez déclaré, dans votre déclaration, qu'il y avait des

17 policiers locaux et des policiers qui étaient généralement chargés du

18 trafic de la circulation, qui n'appartenaient pas au MUP. Vous dites que

19 ces personnes étaient revêtues d'uniformes de police traditionnelle avec

20 des ceinturons blancs; c'est généralement ce que porte les îlotiers, cela

21 les rend plus visibles pour les conducteurs. Et vous dites qu'ils ne

22 portaient que des armes légères. Vous dites, par ailleurs, que le MUP et

23 les membres du MUP étaient en tenue de combat, etc. Est-ce qu'il vous

24 apparaissait que ces autres policiers étaient également des membres du

25 MUP?

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1 Réponse: Les policiers qui réglementaient la circulation constituaient une

2 petite sous-division du MUP. Nous faisions référence aux gens du MUP en

3 ayant à l'esprit des personnes en tenue de combat, portant des

4 kalachnikovs, des gilets, des casques, etc.; 99% des membres du MUP qui se

5 trouvaient au Kosovo avaient cette apparence.

6 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous quelle était la structure du

7 MUP? MUP, je vous le rappelle, cela veut dire: Ministère de l'Intérieur,

8 ministère de la Police. Vous le savez, cela, n'est-ce pas.

9 (Le Témoin fait un signe affirmatif.)

10 Est-ce que vous saviez qu'au sein de la structure du MUP, il y a un

11 service pour la réglementation de la circulation, il y a un département

12 chargé de la prévention contre le crime; il y a un certain nombre de

13 départements de services qui sont responsables, par exemple, de l'émission

14 de passeports?

15 Est-ce que vous saviez quel était l'organigramme du MUP? Est-ce que vous

16 saviez que le MUP fonctionne de façon tout à fait habituelle et mène à

17 bien ses tâches comme toute autre force de police du monde?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Il y avait des personnes au sein de la

19 Mission qui étaient chargées justement d'établir la structure de cette

20 organisation. Moi, ma mission, c'était d'essayer de coordonner les

21 activités de la Mission, de travailler sur le terrain, d'essayer de mener

22 à bien le travail de vérification. Je vous remercie de l'explication que

23 vous venez de me donner.

24 M. Milosevic (interprétation): Comment expliquez-vous le fait qu'il y ait

25 autant de différences entre vos déclarations et les déclarations de votre

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1 patron, Drewienkiewicz?

2 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas au Témoin de se

3 prononcer sur ce point.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il s'agit pourtant de

5 différences absolument fondamentales, Monsieur May.

6 Est-ce qu'il est vrai que dans les rapports mensuels de l'OSCE, qui

7 étaient établis sur la base de vos rapports journaliers et hebdomadaires

8 sur la situation qui prévalait au Kosovo entre mi-janvier et mi-février

9 1999, est-ce qu'il n'est donc pas exact qu'il apparaît qu'au Kosovo, les

10 terroristes urbains étaient en train de se livrer à certains types

11 d'activités?

12 M. Ciaglinski (interprétation): Je ne me rappelle pas exactement, mais si

13 c'est ce qui est apparaît, eh bien, je l'accepte.

14 Question: Ce que vous dites dans votre déclaration à propos du fait que le

15 niveau de conflit était un peu moindre mais que l'UCK avait attaqué les

16 forces de police, est-ce que c'est vrai aussi? Oui ou non?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Qu'utilisait l'UCK pour attaquer les unités de l'armée et du

19 MUP? Vous, vous meniez à bien une Mission de vérification des armes; cela

20 supposait également de prendre note des armes qui étaient utilisées dans

21 le cadre des déploiements d'unités sur le terrain. Alors, qu'utilisait

22 l'UCK pour attaquer les unités du MUP et de l'armée?

23 Réponse: L'UCK utilisait toutes sortes de fusils d'assaut, des

24 kalachnikovs, des armes légères; nous avons même vu une personne utiliser

25 une arme de poing, une arme britannique de poing. Il y avait également des

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1 fusils à lunette qui étaient utilisés, des armes de gros calibre, des

2 armes produites aux Etats-Unis ou en Russie, des draganovs, par exemple,

3 des armes de toute première classe.

4 Question: Outre les mortiers, dont vous dites qu'ils étaient également

5 utilisés, est-ce qu'ils n'utilisaient pas également des lance-roquettes

6 portatifs lorsqu'ils attaquaient des blindés, des positions fortifiées?

7 Réponse: C'est exact.

8 Question: Des mortiers de quel calibre?

9 Réponse: Au début, ils utilisaient des calibres un petit peu moins

10 importants et, par la suite, ils avaient acquis des armes de beaucoup plus

11 gros calibre, qui allaient de 16mm à 120mm.

12 M. Milosevic (interprétation): Comment ont-il pu obtenir ces mortiers?

13 Comment les ont-ils trouvés? Parce que les armes de 120mm sont des armes

14 lourdes. Où se les sont-ils procurées?

15 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous dire quoi

16 que ce soit à ce sujet?

17 M. Ciaglinski (interprétation): Ce que je peux dire, moi, c'est que

18 certaines de ces armes sont arrivées d'un jour à l'autre par la frontière,

19 par les montagnes, en direction de l'Albanie. Je ne peux rien vous dire de

20 plus.

21 M. Milosevic (interprétation): Et comment ont-ils obtenu ces armes de

22 fabrication américaine dont vous avez parlé il y a un instant?

23 Réponse: Je pense qu'elles ont pris le même chemin.

24 Question: Est-ce que vous savez qu'au cours de 1998 et de 1999, donc qu'au

25 cours de la période de temps pendant laquelle votre Mission se trouvait

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1 sur le terrain, l'UCK a lancé un très grand nombre d'attaques terroristes,

2 contre l'armée, contre le MUP, contre des civils qu'ils soient Albanais,

3 qu'ils soient Serbes, qu'ils soient Musulmans, qu'il s'agisse de Roms ou

4 d'autres, et que plus d'attaques terroristes ont été menées pendant cette

5 période de temps que pendant la période de temps de plusieurs années qui a

6 précédé? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

7 Réponse: Je sais qu'il y a eu beaucoup d'attaques qui ont été lancées,

8 mais je ne peux pas donner d'estimation quantitative.

9 Question: Il y a eu donc une augmentation très importante du nombre

10 d'attaques pendant la présence de votre Mission sur le terrain. Est-ce que

11 ces attaques ont fait l'objet d'analyses de votre part? Est-ce qu'elles

12 ont retenu votre attention? Est-ce que vous parliez de ces attaques

13 pendant les réunions qui vous réunissaient vous, Walker et Drewienkiewicz?

14 Réponse: Oui, nous évoquions ces attaques terroristes lors de nos réunions

15 et nous essayions de voir comment nous pourrions persuader les deux camps

16 en présence de mettre un terme à leurs hostilités, nous essayions de voir

17 comment nous pourrions réduire le nombre de morts, le nombre d'attaques.

18 Question: Et est-ce que vous êtes arrivés à quoi que ce soit eu égard à

19 l'UCK et eu égard à ce que vous souhaitiez en obtenir?

20 Réponse: Je crois que nous avons obtenu certains résultats: nous avons

21 obtenu de l'UCK qu'elle se retire de certains postes qu'elle tenait et

22 nous avons eu des discussions avec la Commission de coopération qui nous a

23 demandé de retirer toutes nos positions près de Podujevo. Nous avons

24 effectivement passé un accord avec l'UCK pour qu'elle retire ses tireurs

25 embusqués qui se trouvaient sur les positions qui dominaient cette route;

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1 cela a été fait pendant une période de temps assez importante.

2 Question: Il y a donc eu cette augmentation spectaculaire d'attaques

3 terroristes: comment est-ce que vous avez pu réussir à faire rapport des

4 actes qui constituaient une violation de l'accord passé avec le MUP, alors

5 qu'il était évident que l'UCK était le responsable de toutes ces

6 violations.

7 Réponse: Nous avons fait état de ces violations au fur et à mesure

8 qu'elles se produisaient. Si c'était une attaque lancée par l'UCK, nous

9 l'établissions très clairement. S'il était apparent que c'était l'UCK qui

10 avait ouvert le feu, qui avait attaqué, qui avait détruit des biens, eh

11 bien, nous l'indiquions, et nous faisions également part des activités

12 serbes qui étaient menées en réponse à cela.

13 Question: Et au point de contrôle, est-ce que vous les considériez comme

14 des points de départ d'opérations préventives ou répressives?

15 Réponse: Burns a essayé de limiter le nombre de points de contrôle, il a

16 essayé de les réduire à un minimum parce qu'il pensait qu'un grand nombre

17 de points de contrôle aurait simplement empêché la liberté de mouvements

18 au Kosovo. Et je pense que je peux être tout à fait d'accord avec vous

19 lorsque vous dites que lorsqu'il y a augmentation de l'activité, il faut

20 essayer d'augmenter le nombre de points de contrôle et le nombre de points

21 de vérification, mais les points de contrôle ont toujours été très

22 nombreux, et ça été le cas depuis notre arrivée.

23 Question: Vous avez également déclaré que 30 ou 40 points de contrôle

24 étaient considérés par vous comme constituant une violation de l'accord.

25 En quoi est-ce que 40 points de contrôle sur un grand territoire, je pense

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1 au territoire du Kosovo et du Metohija qui comptent un certain nombre

2 municipalités, qui comptent plusieurs milliers de lieux d'habitation,

3 pourquoi est-ce que vous considérez que ce nombre de 30-40 est un nombre

4 excessif?

5 Réponse: Eh bien, comme vous le savez, Monsieur Milosevic, le Kosovo n'a

6 qu'un nombre réduit de voies d'accès qui peuvent être utilisées toute

7 l'année. Et avec 40 patrouilles on peut réussir à totalement bloquer la

8 circulation de la région, on peut même établir un cordon infranchissable.

9 Au Kosovo, 40 postes de contrôle suffisaient à faire cela, c'est en ce

10 sens que 40 est un nombre trop excessif.

11 Question: Mais cela n'aurait jamais été nécessaire si nous n'avions pas eu

12 à débusquer les terroristes et à leur faire cesser leurs activités?

13 Réponse: Eh bien, si c'était effectivement ce que vous étiez en train de

14 faire, je pense que les choses auraient été un peu différentes, mais je

15 crois que vous essayez également d'empêcher la liberté de mouvements, je

16 pense que c'est cela que vous essayez de faire.

17 Question: Est-ce que votre mission n'a jamais essayé de s'assurer que des

18 armes étaient saisies des mains des terroristes pour essayer de réduire le

19 nombre d'attaques perpétrées? Je précise à nouveau qu'il y avait un grand

20 nombre d'attaques.

21 Réponse: Cela ne faisait pas partie de notre mission. Et il nous ne nous

22 revenait pas à nous de nous emparer de leurs armes. Nous n'étions pas non

23 plus à même de leur retirer leurs armes. Je vous rappelle que nous étions

24 une force désarmée, une force de vérification.

25 Question: Mais vous aviez une idée générale de la position de toutes les

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1 armées qui se trouvaient en Yougoslavie, du MUP, des armements etc. Vous

2 disposiez d'une idée très précise et très complète des positions de

3 l'armée en Yougoslavie, ainsi que des armements dont elle disposait, est-

4 ce exact ou non?

5 Réponse: Ce n'est pas vrai.

6 Question: Pourtant, vous avez rencontré de manière régulière les membres

7 de la commission yougoslave, et vous avez parlé de toutes ces questions,

8 n'est-ce pas?

9 Réponse: Comme je l'ai déjà dit précédemment, il nous était rarement donné

10 l'autorisation de nous rendre sur les lieux pour procéder à des

11 vérifications et à des inspections.

12 Question: Oui, mais hier vous nous avez parlé de toutes les armes dont

13 disposait l'armée, vous les avez identifiées, si bien que vous aviez des

14 connaissances, vous aviez des informations sur toutes les choses dont vous

15 avez parlé ici.

16 Réponse: Eh bien, cela c'est parce que nous observions avec beaucoup de

17 soins toutes les armes qui arrivaient, si bien que par exemple vous

18 n'aviez pas déclaré l'arrivée de nouvelles armes, et lorsque nous vous

19 posions la question, vous nous disiez: "C'est la même chose. De toutes

20 façons, un char c'est un char, après tout". Et je crois que la suite de

21 cette phrase c'est: "Comme une femme en vaut une autre".

22 Question: Et vous-même personnellement, est-ce que vous avez rencontré

23 l'UCK?

24 Réponse: Au tout de début, car je travaillais à côté de Podujevo et je

25 procédais à des négociations avec David Wilson, j'ai rencontré Rémi.

Page 3316

1 Ensuite, les seules réunions que j'ai eues avec les membres de l'UCK,

2 c'est lorsque votre gouvernement m'a donné l'autorisation de rendre visite

3 aux onze prisonniers qui se trouvaient à Nis. Mais, dans les derniers mois

4 de ma mission, toutes les activités ayant trait à l'UCK en ce qui me

5 concernait sont arrivées au point mort. L'essentiel de mes activités,

6 c'était d'assurer la coopération et la liaison avec la VJ et avec la

7 commission.

8 Question: Et lorsque vous avez rendu visite à ces onze personnes que vous

9 avez évoquées, avez-vous pu constater que l'on se comportait bien envers

10 eux, qu'il n'y avait aucun problème en ce qui concernait la manière dont

11 ils étaient traités étant donné qu'ils étaient en prison.

12 Réponse: Quand je les ai vus, j'ai vu qu'ils bénéficiaient de conditions

13 de vie tout à fait satisfaisantes, ils étaient correctement vêtus, mais

14 ils m'ont dit que précédemment ils avaient été traités de manière assez

15 peu agréable, avant ma visite.

16 Question: Est-ce qu'ils portaient les traces d'un traitement de ce genre,

17 le traitement dont vous nous dites qu'ils avaient subi?

18 Réponse: Je ne leur ai pas demandé de se déshabiller afin que je puisse

19 inspecter leurs blessures éventuelles, mais il s'agissait essentiellement

20 de manœuvres psychologiques. Par exemple: on interdisait aux prisonniers

21 de s'asseoir, ils étaient contraints de se tenir debout pendant toute la

22 journée, ils n'avaient le droit ni de s'asseoir ni de s'étendre.

23 Question: Et ça, c'est que ce qu'ils vous ont dit?

24 Réponse: Oui, c'est ce qu'ils m'ont dit.

25 Question: Mais, d'un autre côté, lorsqu'ils ont été libérés les soldats

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1 serbes, est-ce qu'ils portaient des traces de coups, des traces

2 manifestes? Ils n'ont pas eu besoin de se déshabiller pour qu'on les voit?

3 Réponse: Vous parlez des neuf soldats capturés par l'UCK ou vous parlez

4 l'UCK?

5 Question: Je parle des soldats serbes et de leur état lorsqu'ils ont été

6 libérés. Est-ce qu'ils portaient des traces de coups?

7 Réponse: J'ai vu ces soldats peu après leur capture, et je les ai filmés

8 au moyen d'une caméra vidéo, j'ai communiqué l'enregistrement vidéo à la

9 commission. Il est vrai que l'un ou deux d'entre eux portaient des traces

10 sur le visage. Ils avaient été agressés, ils avaient été frappés.

11 Question: Donc vous avez vu les prisonniers albanais, vous avez vu les

12 prisonniers serbes, et vous avez constaté qu'il y avait une différence

13 entre les deux, est-ce que vous êtes allé en Albanie pendant la durée de

14 votre séjour sur place?

15 Réponse: Non.

16 Question: Est-ce que les dirigeants de l'UCK vous ont fait part des

17 activités qu'ils avaient l'intention d'entreprendre? Est-ce qu'ils vous

18 ont communiqué leurs plans ou toutes autres informations allant dans ce

19 sens?

20 Réponse: Non.

21 M. Milosevic (interprétation): Haredinaj, dans les déclarations qu'il a

22 faites, parle de nombreuses réunions au cours desquelles il a rencontré

23 des représentants anglais, américains, allemands et autres.

24 M. le Président (interprétation): Le Témoin nous dit qu'il ne les a pas

25 vus.

Page 3318

1 M. Milosevic (interprétation): Bien.

2 Ces rapports que vous avez envoyés, est-ce que vous les avez également

3 communiqués aux institutions yougoslaves, aux autorités yougoslaves?

4 M. Ciaglinski (interprétation): Dans le cadre du système qui était mis en

5 place, nos rapports étaient transmis à la Commission de coopération.

6 Question: Si bien que tous les rapports que vous avez transmis, ces

7 rapports ont également été transmis aux autorités yougoslaves, c'est cela?

8 Il vous appartenait de le faire, c'était quelque chose qui était précisé

9 dans l'accord: vous savez que cela figure dans cet accord?

10 Réponse: A ma connaissance, nous nous sommes efforcés de transmettre

11 autant de rapports que possible par le truchement de la Commission. Et il

12 est indéniable qu'il y a également des rapports qui ont été envoyés à Bo

13 Pellnas, à Belgrade.

14 Question: Et qui ensuite s'est chargé, conformément à ce qu'il devait

15 faire, de les communiquer aux autorités yougoslaves? Oui ou non?

16 Réponse: Soit lui, soit la Commission à Pristina.

17 M. Milosevic (interprétation): Et ceci signifie, en fait, que tout ce qui

18 n'était pas communiqué aux autorités yougoslaves ne pourrait pas être

19 considéré comme un incident, comme un événement.

20 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que le Témoin puisse

21 répondre.

22 Monsieur Milosevic, il y a maintenant plus de trois heures que vous

23 contre-interrogez le Témoin. Je vous accorde encore 20 minutes.

24 M. Milosevic (interprétation): Il est difficile pour moi de m'y retrouver

25 dans toutes ces questions et surtout si l'on ne m'accorde que 20 minutes.

Page 3319

1 Mais je vais faire de mon mieux et passer sous silence un certain nombre

2 de choses.

3 Est-il vrai que les prisonniers de l'UCK que vous avez rencontrés en

4 prison, vous ont dit qu'en fait, c'est contre leur volonté qu'ils étaient

5 devenus membres de l'UCK, qu'on les y avait contraints?

6 Réponse: Certains, oui, effectivement, ils l'ont dit.

7 Question: Si bien qu'ils ont été forcés de rejoindre les rangs de l'UCK,

8 n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que vous leur avez demandé comment on les a obligés à

11 devenir membres de l'UCK?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et que vous ont-ils dit?

14 Réponse: Eh bien, un homme m'a raconté que l'UCK était venue chez lui. Ils

15 lui ont dit que, le lendemain matin, il fallait qu'il ait préparé une

16 petite valise parce qu'il partait pour l'Albanie où il allait recevoir une

17 formation de terroriste; il a refusé et les autres lui ont dit: "Si tu

18 refuses, on va te tuer!"

19 Question: Est-il exact que, dans le rapport mensuel de l'OSCE, concernant

20 la période de mi-janvier à mi-février 1999, il est déclaré que "l'UCK

21 contrôlait la communauté albanaise par le biais de la police et prenait

22 des mesures de représailles à l'encontre de ceux qui étaient accusés de

23 collaborer avec les Serbes"? Oui ou non?

24 Réponse: Oui, c'est sans doute vrai.

25 Question: Est-il également exact que, dans ce même rapport, on dit qu'à

Page 3320

1 Pec, plusieurs Albanais, qui avaient été décrits fidèles et loyaux envers

2 les Serbes, avaient été tués au cours de plusieurs incidents? Vous

3 souvenez-vous de cela?

4 Réponse: Je ne m'en souviens pas avec précision mais, si cela figure dans

5 le rapport, c'est ce que c'est vrai.

6 Question: Vous souvenez-vous s'il est vrai que tous les Albanais ont été

7 tués d'un coup d'arme à feu dans la tête?

8 Réponse: Je ne me souviens pas des incidents précis que vous évoquez, je

9 ne me souviens pas de la manière dont ces personnes ont été tuées.

10 Question: Savez-vous, ou saviez-vous à l'époque, combien de civils serbes,

11 de membres de l'armée serbe ou de représentants du ministère de

12 l'Intérieur serbe étaient entre les mains de l'UCK au début de 1999?

13 Réponse: On nous a communiqué des chiffres divers et variés. A un moment

14 donné, j'ai entendu dire qu'il y en avait plus de 20; et les Albanais ont

15 toujours nié détenir autant de personnes, détenir autant de policiers en

16 captivité.

17 Question: Et sur toutes ces personnes, combien êtes-vous parvenu à

18 libérer, en dehors des soldats dont on a parlé précédemment?

19 Réponse: Très peu.

20 Question: Savez-vous qu'il y a plusieurs jours, au Kosovo, en divers

21 lieux, des charniers ont été découverts, des charniers contenant des

22 victimes serbes et l'on est en train de procéder à l'identification de ces

23 corps? Le savez-vous, en avez-vous entendu parler?

24 Réponse: Non.

25 Question: Etes-vous déjà allé dans le village de Dragobilje?

Page 3321

1 Réponse: Je ne m'en souviens pas.

2 Question: Je n'ai pas entendu votre réponse.

3 Réponse: Je ne me souviens pas m'être rendu dans ce village; ce nom ne me

4 dit rien a priori.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est là que se trouvait le quartier

6 général de l'UCK et c'est là que se trouvait un poste avancé de la Mission

7 de vérification au Kosovo, ainsi qu'un poste de la KDOM, chargé d'établir

8 la communication et la liaison avec l'UCK.

9 M. le Président (interprétation): C'est ce que vous affirmez.

10 Est-ce que vous savez quoi que ce soit à ce sujet, Monsieur le Témoin?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Je ne sais rien parce que moi, j'étais

12 affecté à la Commission; donc ce genre d'informations ne m'était pas

13 communiqué. Donc je ne me suis pas rendu près de ce village, je ne savais

14 pas ce que faisait la KDOM et j'imagine que M. Milosevic fait référence à

15 la KDOM américaine.

16 M. Milosevic (interprétation): Hier, à un moment donné quand on parlait de

17 Ramush Haradinaj, leur chef, je voudrais savoir si vous avez entendu

18 parler de ce qu'il a déclaré après la guerre quand il a dit que les

19 réunions avec la KVM ont eu une importance particulière dans le cadre des

20 préparatifs de l'agression de l'OTAN?

21 Réponse: Je n'ai pas entendu parler de cette déclaration.

22 Question: Bien. Je ne vais donc pas vous poser les quelques questions qui

23 suivent, puisqu'il est évident que vous ne savez rien de cela. Est-ce que

24 vous connaissez son opinion et l'opinion d'autres chefs de l'UCK, opinion

25 selon laquelle ils ont été sauvés et pratiquement par l'arrivée de votre

Page 3322

1 mission, car l'arrivée de votre mission les a pour ainsi dire ressuscités?

2 Réponse: La seule chose que je les ai entendu dire, c'est que bien

3 évidemment la KVM leur permettait de ressentir un plus grand sentiment de

4 sécurité au Kosovo. Ils ont dit que leur objectif principal, leur objectif

5 éventuel c'était de trouver une stabilité encore plus, une sécurité encore

6 plus grande pour le pays, avec la venue de forces armées occidentales, de

7 l'OTAN ou des Nations Unies, afin d'y maintenir la paix. Voilà le genre de

8 choses que j'ai entendu dire peu après notre arrivée.

9 Question: Dans le cadre de votre mission, est-ce que vous avez eu des

10 connaissances ou est-ce que vous avez parlé des liens existants entre

11 l'UCK au Kosovo et l'organisation Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden?

12 Réponse: Jamais à ma connaissance.

13 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez qu'en novembre 2001,

14 et il s'agit d'informations qui ont été publiées dans le "Wall Street

15 Journal", qu'on a parlé de la présence au Kosovo et en Bosnie...

16 M. le Président (interprétation): J'ai l'impression que nous nous

17 éloignons un petit peu trop de la déposition du Témoin. Veuillez, s'il

18 vous plaît, lui poser des questions au sujet des points abordés lors de

19 son interrogatoire principal.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais donc revenir au sujet

21 qu'il a lui-même évoqué.

22 Etant donné que l'accord relatif à la mise en place de la mission, stipule

23 qu'en principe, stipule les positions de la KVM dans le cadre de sa

24 coopération et des missions de vérification et de coopération, et stipule

25 que la KVM doit respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de

Page 3323

1 la Yougoslavie. Tout cela vous le savez, n'est-ce pas? Mais, d'un autre

2 côté, je suis sûr que vous connaissez les objectifs de l'organisation

3 terroriste de l'UCK? Ces objectifs allaient précisément à l'encontre de ce

4 qui figurait dans l'accord que vous aviez passé avec le gouvernement

5 yougoslave?

6 Réponse: Nous savons qu'ils n'avaient pas signé cet accord, qu'ils

7 n'étaient pas signataire de cet accord.

8 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous aviez des relations de

9 coopération avec eux?

10 M. le Président (interprétation): Nous avons parlé très longuement déjà de

11 ce sujet, la KVM, ses relations avec l'UCK, etc., et il est vraiment peu

12 utile de continuer à s'appesantir sur cette question.

13 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Donc, étant donné toutes ces

14 restrictions, toutes ces limitations, je vais m'efforcer de résumer ce que

15 j'ai ici, autant que possible.

16 Vous savez que des poursuites judiciaires ont été lancées contre les

17 membres de l'UCK qui avaient été arrêtés, je suis sûr que vous le savez?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

19 Question: Et savez-vous que dans le rapport de l'OSCE -il s'agit toujours

20 du rapport qui a trait à la période, mi-janvier, mi-février 1999-, on peut

21 donc lire dans ce rapport, que les vérificateurs chargés des droits de

22 l'homme ont remarqué, que les procès qui ont eu lieu à Pec et à Pristina,

23 au tribunal de district, ont respecté les normes internationales en

24 matière de procédure pénale et qu'il n'y a eu aucune infraction aux droits

25 de l'homme, lors de ces procès? Le savez-vous ou non?

Page 3324

1 Réponse: Je ne me souviens pas de ce rapport.

2 Question: Vous ne connaissez pas ce rapport?

3 Réponse: Non.

4 Question: Il s'agit de votre propre rapport, un rapport sur les mois de

5 janvier et février. Donc si cela n'est pas exact, à ce moment-là ma

6 question importe peu. Mais étant donné que cela est vrai, ou disons

7 partons du principe que ceci est vrai, je voudrais savoir pourquoi Keller

8 a pris note de ce fait, a insisté pour les faire libérer, alors qu'ils

9 étaient l'objet de poursuites judiciaires?

10 Réponse: Qu'est-ce qu'a fait Keller?

11 M. Milosevic (interprétation): Keller importe peu ici. Mais ce que je dis,

12 c'est que la Mission de vérification et ses dirigeants, il en faisait

13 partie, pourquoi est-ce qu'il a insisté pour que les membres de l'UCK

14 soient libérés, alors qu'il y avait des poursuites judiciaires en cours à

15 l'encontre de ces personnes? Est-ce que vous avez une explication à ce

16 sujet?

17 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous répondre?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Oui. En fait, c'est simple. Un accord

19 avait été passé quand on a libéré les 9 prisonniers Serbes: il avait été

20 conclu que les 11 prisonniers Albanais seraient libérés ultérieurement. Un

21 peu plus tard. Pas trop tôt, parce que vous aviez insisté de votre côté à

22 ce que cela ne donne pas l'impression d'un marché ou d'un troc, que les

23 gens seraient libérés et que les autres seraient libérés ensuite. Mais, en

24 fait, c'est exactement ce qui s'est passé.

25 M. Milosevic (interprétation): Et comment ce principe du troc, ce

Page 3325

1 marchandage s'applique-t-il à des personnes qui sont des terroristes, qui

2 purgent des peines de prison, si des Serbes sont amnistiés et libérés?

3 M. le Président (interprétation): Ceci n'a rien à voir avec ce Témoin.

4 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

5 Est-ce que vous avez assisté à un enterrement qui a lieu à Racak?

6 M. Ciaglinski (interprétation): Je n'étais pas au village de Racak; je

7 n'étais pas loin.

8 Question: Est-ce que l'UCK a fourni des patrouilles supplémentaires à

9 l'occasion de cette cérémonie? C'est ce que j'ai cru comprendre.

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Est-il exact qu'au cours de cet enterrement, l'UCK a arrêté 40 à

12 60 Albanais parce qu'ils ont affirmé que ces gens-là étaient connus et que

13 ce n'étaient pas des gens avec qui on pouvait coopérer?

14 Réponse: Je n'ai pas connaissance de cela.

15 Question: Mais, dans un rapport de l'OSCE concernant la période de janvier

16 et février, on précise qu'au cours d'un enterrement à Racak, l'UCK a

17 arrêté des Albanais qui ne coopéraient pas avec elle et qu'ultérieurement,

18 les membres de la KVM les ont libérés. Il n'est pas dit ici si toutes ces

19 personnes ont été libérées, mais est-ce que vous aviez des informations à

20 ce sujet?

21 Réponse: La seule chose que je sais à ce sujet, c'est que vos forces ont

22 arrêté un certain nombre de suspects, à Racak et aux alentours, pendant

23 cet enterrement. Mais je n'ai aucune connaissance d'une libération

24 entreprise par l'OSCE. Je ne vois pas très bien comment nous aurions pu le

25 faire puisque nous ne détenions personne; nous n'avions pas les locaux

Page 3326

1 nécessaires pour tenir des gens prisonniers.

2 Question: C'est peut-être l'interprétation qui nous dessert ici.

3 Ce qui est essentiel -et c'est ce qui figure dans votre rapport-, c'est

4 que l'UCK avait arrêté des Albanais et que la KVM avait tout entrepris

5 pour les libérer. On ne dit pas que c'est la KVM qui a arrêté ces

6 Albanais; voilà ce dont je vous ai parlé. Et je vous demande si vous aviez

7 des informations à ce sujet?

8 Réponse: Non.

9 Question: Savez-vous combien de vos rapports pendant la durée de votre

10 Mission, combien de vos rapports donc ont été transmis à l'OTAN?

11 Réponse: A ma connaissance, je ne pense pas qu'aucun de nos rapports ait

12 été transmis à l'OTAN.

13 Question: Vous affirmez donc qu'il n'y avait aucun échange d'information

14 avec l'OTAN, que vous n'avez pas transmis des informations provenant du

15 terrain à l'OTAN?

16 Réponse: Ce n'est pas une affirmation que je fais. Vous me demandez si

17 j'ai connaissance du fait que des rapports auraient été envoyés à l'OTAN;

18 je vous dis que je n'ai pas connaissance de ce fait. Mais au moment des

19 négociations de Rambouillet, lorsque nous avons pensé que ce serait l'OTAN

20 qui interviendrait au Kosovo, nous avons pris contact avec l'OTAN, nous

21 les avons informés sur ce à quoi il fallait s'attendre lorsqu'ils

22 arriveraient sur place: là où ils seraient cantonnés, l'état des routes,

23 etc. Ceci afin de leur permettre de circuler facilement et plus rapidement

24 au Kosovo, en conséquence des pourparlers de Rambouillet.

25 Question: Vos activités avaient trait aux armements et aux équipements

Page 3327

1 techniques. Dans ces conditions, pouvez-vous répondre à la question

2 suivante?

3 Est-il exact que les membres de la KVM, après être partis du Kosovo pour

4 la Macédoine, ont gardé contact avec l'UCK au moyen de téléphones

5 satellitaires et d'autres équipements?

6 Réponse: Je crois qu'un certain nombre d'Albanais qui se trouvaient à cet

7 endroit et peut-être un certain nombre de nos interprètes ont essayé

8 d'établir le contact par téléphone satellitaire.

9 Question: Et il a été établi -cela est apparu dans la presse, dans les

10 médias occidentaux- qu'ils avaient des contacts directs, grâce à ces

11 téléphones, avec les représentants officiels de l'OTAN, même avec le

12 général Clark en personne. Est-ce que vous avez des informations à ce

13 sujet?

14 Réponse: Je dirais que c'est sans doute faux parce que, lorsque je suis

15 arrivé en Macédoine, à Skopje, au bout de quelques semaines, j'ai été

16 détaché… ou plutôt non, j'ai été nommé officier de liaison auprès de

17 l'OTAN, officier de liaison entre l'OTAN et de l'OSCE. J'étais un des

18 nombreux officiers de liaison; il y en avait d'autres qui venaient du HCR,

19 des Nations Unies ou d'autres organisations non gouvernementales. Donc

20 j'ai assisté à un certain nombre de réunions d'information mais, quand je

21 me suis rendu dans les locaux de l'OTAN, je n'ai jamais entendu quiconque

22 parler de contacts directs entre l'OTAN et l'UCK.

23 Question: Pendant la mission, est-ce que vous disposiez d'équipements de

24 positionnement?

25 Réponse: Vous me demandez si nous disposions d'équipements de type GPS?

Page 3328

1 Oui. Oui, afin de pouvoir déterminer où nous étions exactement.

2 Question: Est-ce que vous avez pu ainsi déterminer où vous vous trouviez

3 ou est-ce que vous avez également pu déterminer la localisation exacte de

4 points présentant un certain intérêt dans le cadre de l'agression de

5 l'OTAN qui a suivi?

6 Réponse: Bien évidemment, nous disposions de cartes de tout le territoire

7 du Kosovo. Nous n'avions donc pas besoin de déterminer la position de quoi

8 que ce soit sur le terrain. Mais ce qui nous intéressait, c'était de

9 savoir où nous étions à un moment précis et où se trouvaient la VJ, le MUP

10 et l'UCK sur le terrain, afin de pouvoir évaluer de manière précise les

11 événements qui se déroulaient au Kosovo.

12 M. Milosevic (interprétation): Et comment expliquez-vous que ce sont les

13 localités, les lieux qui ont été le plus visités par votre Mission, par

14 les vérificateurs qui ont justement été ceux touchés par les bombardiers

15 de l'OTAN?

16 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que cette question

17 puisse être posée au Témoin. Cela dépend sur quoi vous fondez cette

18 affirmation.

19 Mais, mon Colonel, est-ce que ceci recèle une parcelle de vérité

20 quelconque?

21 M. Ciaglinski (interprétation): Je n'ai participé en aucune façon à la

22 détermination des cibles ni aux bombardements. Moi, à l'époque, j'étais en

23 Macédoine en tant qu'observateur. Mais si les cibles étaient des casernes,

24 eh bien, tout le monde savait où se trouvaient ces casernes; il y avait un

25 accord avec votre gouvernement qui précisait sur quel type d'avions on

Page 3329

1 s'était mis d'accord, des avions qui survolaient le territoire, tout le

2 monde savait où se trouvaient ces sites; il s'agissait de vols de l'OTAN

3 qui se déroulaient avec précision. Donc tout le monde savait où se

4 trouvaient les casernes.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne parle pas des casernes, je parle

6 d'autres locaux, d'autres bâtiments.

7 En tout cas, j'ai une autre question. Vous êtes retourné au Kosovo en tant

8 qu'officier de l'OTAN. Avec combien de vos collègues, êtes-vous retourné

9 sur place en tant qu'officier de l'OTAN? Combien de personnes de la

10 Mission de vérification étaient ainsi concernées?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Dans les deux premiers jours, il y avait

12 juste le général DZ et moi-même; et je n'ai pas vu d'autres collègues,

13 d'autres collègues britanniques. Je ne me souviens pas avoir vu d'autres

14 membres de l'OSCE; il est possible que certains d'entre eux aient été

15 concernés, des gens qui avaient été précédemment au Kosovo se soient

16 retrouvés dans la même condition que moi.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le temps qui vous

18 avait été imparti est maintenant écoulé. Je vous accorde maintenant une

19 autre question.

20 M. Milosevic (interprétation): Difficile pour moi de choisir parce qu'il

21 me reste encore beaucoup de questions, mais je vais passer à celle qui

22 suivait dans l'ordre des questions que j'avais prévu.

23 Vous avez parlé d'un bâtiment précis de l'UCK, vous nous avez dit qu'il

24 s'agissait de leur hôpital. Et vous avez dit que des officiers serbes vous

25 avez dit qu'il s'agissait là d'une cible légitime. Comment pouviez-vous

Page 3330

1 penser qu'ils savaient qu'il s'agissait d'un hôpital, alors qu'il était

2 manifeste que l'UCK se trouvait à cet endroit, que personne n'avait

3 indiqué d'une manière ou d'une autre qu'il s'agissait d'un hôpital, que

4 personne n'en avait informé la partie adverse.

5 M. le Président (interprétation): L'élément de preuve qui nous a été

6 communiqué, ce n'est pas qu'il s'agissait d'un hôpital, mais que c'était

7 un endroit où l'UCK recevait une assistance médicale. Ce qui est important

8 ici, c'est qu'il n'y avait aucun signe distinctif sur ce bâtiment.

9 M. Ciaglinski (interprétation): Oui. Cependant, c'était notoirement connu

10 parce que les Serbes occupaient des positions qui surplombaient le

11 bâtiment, et il est inévitable qu'ils aient vu les personnes blessées que

12 l'on faisait rentrer et sortir régulièrement.

13 M. le Président (interprétation): Et je crois que vous avez dit que

14 c'était la maison du médecin?

15 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, c'est exact, c'était la maison du

16 médecin.

17 M. le Président (interprétation): Fort bien.

18 Maître Wladimiroff avez-vous des questions avez-vous des questions au nom

19 des amis de la Chambre? Ou Maître Tapuskovic, plutôt?

20 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Richard

21 Ciaglinski.)

22 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 Monsieur Ciaglinski, vous avez dit un certain nombre de choses jusqu'à

24 présent. Notamment, vous avez parlé d'un renseignement que vous avez

25 obtenu d'une personne en particulier, et vous traitez de ce point dans

Page 3331

1 votre déclaration préalable, page 6, dernier paragraphe de la version

2 anglaise.

3 Or, cela fait seulement quelques jours que nous avons obtenu votre

4 déclaration préalable. Je vous demanderai, si vous le voulez bien, de

5 donner lecture de ces deux paragraphes où vous traitez de ce point car,

6 dans ce que vous avez dit ici, il y a concordance complète avec ce que

7 vous avez dit à l'époque de la rédaction de ce texte. Hormis un point, à

8 savoir qu'à l'époque vous n'avez pas dit avoir reçu de cette personne la

9 moindre d'information au sujet d'expulsions de personnes.

10 Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous n'avez pas parlé de cela dans

11 votre déclaration écrite?

12 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, je peux le faire.

13 Lorsque j'ai discuté du contenu de ma déclaration, j'en ai discuté avec

14 ceux qui recueillaient ma déclaration, même après leur avoir donné les

15 renseignements que je leur ai donnés. J'ai apporté une nuance en

16 soulignant la nécessité de confidentialité, et d'ailleurs j'ai motivé

17 cette demande de ma part. En effet, j'avais le sentiment que si je m'en

18 tenais au fait qui figure dans le texte, des faits liés à la sphère

19 militaire et sans aller davantage dans le détail, je pensais que cela

20 suffirait, car j'avais de bonnes relations avec la personne dont le nom a

21 été cité et je ne voulais pas lui nuire de quelque façon que ce soit ou

22 mettre cette personne en danger. Et je savais que j'aurais les plus

23 grandes difficultés du monde à expliquer ou à prouver la crédibilité de ce

24 qui m'avait été dit, puisque cette déclaration avait été faite alors que

25 j'étais le seul présent, accompagné de mon interprète. Donc pour

Page 3332

1 l'essentiel, j'ai pensé que j'avais fourni une information suffisante et

2 que rien de plus n'était nécessaire. Comme je l'ai déjà dit, je ne voulais

3 incriminer personne. C'était peut-être une loyauté idiote de ma part à

4 l'égard de cet homme.

5 Question: Selon la liste des témoins et le calendrier initial de ce

6 procès, vous auriez du être entendu le 18. Monsieur Slobodan Milosevic est

7 tombé malade. Mais vous étiez déjà au Tribunal, vous avez eu des

8 rencontres avec les représentants du Bureau du Procureur, et nous avons

9 reçu des résumés, en tout cas des réponses que vous avez faites aux

10 questions de ces représentants. Mais à ce moment-là non plus vous n'avez

11 pas parlé d'expulsions, c'est bien exact? A ce moment-là non plus, vous

12 n'avez pas dit ce que vous avez déclaré hier dans ce prétoire? Vous ne

13 l'avez pas dit aux représentants du Bureau du Procureur?

14 Réponse: C'est exact parce que j'ai eu le sentiment que, puisque tous les

15 paragraphes traitant de ce point étaient caviardés, il n'y avait pas de

16 raison que j'ajoute des détails supplémentaires.

17 Question: Lorsque vous étiez déjà ici ces derniers jours, alors que les

18 premiers entretiens avec vous s'étaient déjà produits et que nous avons

19 obtenu le résumé de votre déposition, là encore vous n'avez pas parlé de

20 ce point, n'est-ce pas?

21 Réponse: En effet.

22 Question: Merci. Vous nous avez apporté des explications, je n'entends pas

23 y revenir en détails. Mais vous avez parlé de cartes géographiques en

24 votre possession qui étaient utilisées pour les opérations de combat et

25 pour les bombardements de l'OTAN.

Page 3333

1 Réponse: Ces cartes ont été transmises à l'OTAN au moment de Rambouillet,

2 pour faciliter l'accès éventuel de l'OTAN à la région du Kosovo. Comment

3 elles ont été utilisées par la suite, je n'en ai pas la moindre idée; je

4 n'avais pas accès à tous les locaux de l'OTAN, hormis le siège de l'OTAN à

5 Skopje. Par conséquent, je ne sais pas ce qui a été fait de ces cartes par

6 la suite.

7 Question: C'est la raison pour laquelle, Monsieur Ciaglinski, j'aimerais

8 que vous vous rendiez en page 6 de votre déclaration en anglais où vous

9 dites que vous vous procuriez des cartes à l'échelle un millier qui ont

10 été utilisées lors des offensives de l'OTAN contre certaines positions.

11 C'est ce que vous avez dit à l'époque, n'est-ce pas exact?

12 Réponse: Vous m'avez demandé si ces cartes ont été utilisées pour les

13 bombardements. Je ne sais pas si elles l'ont été, mais lorsque je suis

14 retourné au Kosovo en tant qu'officier de l'OTAN, je disposais de ces

15 cartes. Oui, nous avons utilisé ces cartes, nous avions ces cartes pour

16 nous faciliter l'entrée au Kosovo, mais je n'ai aucune idée qu'elles aient

17 été utilisées pour les bombardements.

18 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous en prie, j'ai travaillé avec mon

19 assistant qui est également juriste, et nous avons peut-être fait une

20 erreur de traduction, mais je pense que ce n'est pas le cas car, après

21 tout, ces cartes ont été utilisées au cours des offensives de l'OTAN.

22 Sont-ce bien les mots que vous avez prononcés? Si j'ai fait une erreur de

23 traduction, dites-nous ce qu'il en en est.

24 M. Ciaglinski (interprétation): Je n'étais pas au courant des opérations

25 qui se sont déroulées.

Page 3334

1 M. Kwon (interprétation): Monsieur Ciaglinski, avez-vous votre déclaration

2 préalable sous les yeux?

3 M. Ciaglinski (interprétation): Oui. En effet, il y est fait question

4 d'offensive de l'OTAN.

5 M. Kwon (interprétation): Pouvez-vous apporter des éclaircissements sur

6 votre déclaration?

7 M. Ciaglinski (interprétation): Par le mot "offensive", je faisais

8 référence à ce dont il était question comme étant une invasion. Par

9 conséquent, l'invasion concernait le Kosovo, l'entrée au Kosovo; pour moi,

10 c'est cela l'offensive dont je parlais.

11 M. Kwon (interprétation): Bien. Maître Tapuskovic?

12 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. C'est votre explication, je

13 n'insiste pas.

14 Pourriez-vous me parler d'un autre point en rapport avec celui-ci? Vous

15 avez dit aujourd'hui, répondant aux questions de M. Milosevic, que vous

16 aviez par la suite informé le général DZ?

17 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

18 Question: Au sujet des expulsions et de ces autres choses?

19 Réponse: Oui.

20 Question: L'avez-vous fait avant de partir, dès que vous avez obtenu

21 l'information au sujet de cette carte, oui ou non?

22 Réponse: J'ai obtenu cette information, je l'ai ensuite transmise à DZ qui

23 a choisi de ne pas lui accorder le moindre crédit.

24 Question: Avez-vous fourni cette information à DZ avant de quitter le

25 Kosovo?

Page 3335

1 Réponse: Oui.

2 Question: Merci. Maintenant, ce qui m'intéresse, c'est autre chose,

3 Monsieur Ciaglinski, également en rapport avec votre déclaration, en page

4 9, paragraphe 4 de la version anglaise.

5 Vous avez parlé hier de l'incident qui est évoqué dans de ce paragraphe,

6 au cours duquel la VJ s'est comportée de la façon la plus correcte qui

7 soit. Vous avez dit qu'un officier avait été blessé.

8 Avant cela, vous avez dit que: "alors la VJ se comportait de façon très

9 correcte, un colonel avait été tué". C'est ce qui figure dans votre

10 déclaration. Est-ce exact?

11 Réponse: J'ai dit qu'un colonel avait essuyé des tirs. Je suis sûr de ne

12 pas avoir dit qu'il avait été tué. Je ne me rappelle pas que quiconque ait

13 été tué au cours de l'opération de Labenda; il y a une différence entre

14 les mots "essuyer des coups de feu" et le mot "tué": lorsqu'on dit

15 "essuyer un coup de feu", cela veut dire qu'on est blessé, mais pas tué.

16 Mais simplement, on ne dit pas: "la personne a été blessée", on dit "elle

17 a essuyé un coup de feu".

18 Question: Je ne suis pas un expert en la matière. J'ai reçu ce texte du

19 Procureur, traduit en serbe; et dans la version serbe, il est écrit "tué".

20 Mais suite aux explications que vous venez d'apporter, je n'insiste pas.

21 Vous avez également parlé hier de cette action que vous avez permis

22 d'empêcher, grâce à votre intervention. Vous avez dit avoir déployé des

23 efforts importants pour éviter l'affrontement, plus précisément en raison

24 du fait que, tout près de ce village, se trouvaient entre 1.000 et 2.000

25 membres de l'UCK. Est-ce exact?

Page 3336

1 Réponse: C'est exact.

2 Question: En rapport avec cela, je souhaitais vous poser la question

3 suivante: votre Mission de paix vous a-t-elle permis, à quelque moment que

4 ce soit, de tenter de déterminer le nombre total des effectifs de l'UCK? A

5 ce moment-là, il y avait au voisinage de ce village entre de 1.000 et

6 2.000 membres de l'UCK, mais, grâce à votre chaîne d'information -après

7 tout, c'est pour cela que vous étiez à cet endroit: c'était pour obtenir

8 des informations-, avez-vous jamais recherché l'information constituée par

9 les effectifs totaux de l'UCK?

10 Réponse: C'était une tâche très difficile et même pratiquement impossible,

11 parce qu'au départ, nous nous connaissions même pas les noms des

12 dirigeants, nous ne savions pas qui était responsable de l'opération dans

13 son ensemble. Donc c'est seulement très peu de temps avant notre départ

14 que nous avons réussi à déterminer -mais ce n'était qu'une estimation-

15 qu'il y avait sans doute plusieurs milliers de personnes en uniforme qui

16 faisaient partie de cette organisation. Mais, à ce moment-là, nous avons

17 vu de très nombreuses personnes qui arrivaient à bord de toutes sortes de

18 véhicules: tracteurs d'abord, puis charrettes tirées par des chevaux, puis

19 autres types de charrettes qui transportaient des munitions et des armes.

20 C'est de cette façon que nous apprenions ce qui arrivait.

21 Question: Merci, mais aviez-vous une information au moins approximative

22 quant aux quantités d'armes dont disposait l'UCK? Je ne parle pas

23 uniquement des types d'armes, mais des quantités. Peut-être disposiez-vous

24 de ce renseignement ou peut-être pas, mais je vous pose la question.

25 Réponse: Chaque fois que nous voyions que l'UCK avait acquis un nouveau

Page 3337

1 type d'armes, nous en prenions note et nous savions dès lors que de

2 nouvelles armes étaient arrivées. Nous savions que tous possédaient au

3 moins un fusil, nous essayions d'émettre des suppositions quant au nombre

4 de mortiers et de lance-grenades, mais ce n'étaient que des estimations.

5 Nous ne sommes jamais parvenus à disposer d'un chiffre précis et exact

6 quant aux quantités d'armes et de munitions dont disposait l'UCK.

7 Question: Maintenant, je passerai à un autre point.

8 Vous avez dit avoir rendu visite à ce groupe d'Albanais qui devaient être

9 échangés par la suite contre des prisonniers serbes. Nous n'allons pas

10 revenir sur tout ce que vous avez dit à ce sujet. Mais ces hommes, que

11 vous ont-ils dit? Au moment où ils se trouvaient dans ce convoi qui a

12 essuyé des tirs lors de l'embuscade, ces hommes portaient-ils à ce moment-

13 là des vêtements civils?

14 Réponse: Je pense que, puisqu'ils sont passés par la montagne, ils ont dû

15 porter toutes sortes de vêtements. Je sais que nous avons des

16 photographies prises par des membres de la Mission de vérification, ainsi

17 que par la VJ et par le MUP, et certains d'entre eux portaient des

18 uniformes. Mais il est absolument incontestable qu'ils transportaient des

19 armes puisqu'ils les importaient en contrebande à partir de l'Albanie.

20 Question: Mais ma question portait sur un autre point. Vous dites qu'ils

21 portaient de nombreux vêtements; alors, peut-être que lorsqu'ils étaient

22 en uniforme, portaient-ils deux pantalons l'un sur l'autre? Ou bien quoi?

23 Vous dites avoir fait des photographies et avoir vu que ces hommes étaient

24 vêtus, qu'ils portaient plusieurs couches de vêtements pour traverser la

25 montagne?

Page 3338

1 Réponse: Ils avaient de très nombreux vêtements sur eux. Je n'étais pas

2 présent, je n'ai pas pu examiner les corps. Je ne peux que rendre compte

3 de ce que j'ai vu, lu et des photographies que j'ai vues, mais je crois

4 qu'ils portaient plusieurs couches de vêtements.

5 Question: Nous parlons bien de ceux qui ont été tués?

6 Réponse: Oui. Parce que nous n'avons pas vu les autres prisonniers.

7 Question: Mais quand les avez-vous vus alors? Parce que, si j'ai bien

8 compris, vous vous êtes rendu à la prison?

9 Réponse: C'est la première fois que j'ai vu quoi que ce soit qui était lié

10 à cet incident. J'ai vu les cadavres à moment-là, sur les flancs de la

11 montagne, au nord de Prizren, mais c'était la première fois que je voyais

12 ces hommes. Plus tard, j'ai eu l'autorisation, avec mon interprète, de me

13 rendre à la prison. Et ils portaient les mêmes vêtements en prison que

14 ceux qu'ils avaient auparavant et c'étaient des vêtements civils; certains

15 d'entre eux portaient un uniforme de combat.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Vous savez pourquoi je vous pose cette

17 question, Monsieur? Parce qu'il y a quelques instants, vous avez utilisé

18 l'expression "police villageoise". Mais, dans le cadre de votre Mission,

19 avez-vous appris que, dans les villages serbes -qu'il s'agisse de villages

20 serbes ou autres- il y avait des hommes qui étaient en armes et qui

21 défendaient leurs maisons, les Serbes défendant leurs maisons, les

22 Albanais les leurs? Y avait-il des gens qui étaient armés, qui ne

23 faisaient ni partie de la VJ ni partie de la police ni partie de l'UCK, et

24 qui, malgré cela, portaient un uniforme quelquefois et des armes?

25 M. Ciaglinski (interprétation): Bien sûr. Le Kosovo est une région où,

Page 3339

1 dans pratiquement chaque maison, on trouve une arme. Chaque famille

2 pratiquement a un fusil.

3 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, il est temps pour la

4 pause.

5 Aurez-vous besoin de poursuivre longtemps?

6 M. Tapuskovic (interprétation): Il me faut à peu près encore 15 minutes.

7 M. le Président (interprétation): Nous suspendons 20 minutes.

8 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 42.)

9 M. le Président (interprétation): Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

10 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. J'ai décidé de raccourcir mon

11 interrogatoire, en me limitant aux questions qui se rapportent à trois

12 documents.

13 Les premières questions portent sur la pièce à conviction 94, intercalaire

14 63. Il y est question de la chronologie des événements entre le 15 octobre

15 et le 18 avril que 1999.

16 Monsieur Ciaglinski, hier vous avez dit connaître cette chronologie au

17 sujet de laquelle vous avez déjà été interrogé je ne sais plus très bien

18 par qui. Moi, ce qui m'intéresse c'est la chose suivante.

19 Donc ma première question portera sur la date du 25 février, si vous

20 pouvez la retrouver.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 …dans ce document chronologique 25 février. Le numéro est 110. Vous l'avez

23 trouvé?

24 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

25 Question: Il y est écrit que "des relèves de l'UCK ont été constatées,

Page 3340

1 notamment un changement dans la direction de l'UCK". Et par la suite, vous

2 dites: "Le retour de la direction de l'UCK au Kosovo dans le C-130

3 français". (Fin de citation.)

4 Je ne sais pas pour ma part ce que signifie le "C-130". Mais pouvez-vous

5 nous expliquer ce que vous avez appris au sujet des changements de

6 direction au sein de l'UCK et ce que signifie ce qui figure ici, à savoir

7 que la direction de l'UCK au Kosovo est retournée dans le C-130 français.

8 De quoi s'agit-il? Est-ce un véhicule? Pouvez-vous nous expliquer cela?

9 Qu'est-ce qu'un C-130 français?

10 Réponse: Oui, très bien. Le C130 ou Charlie-130 est un hélicoptère,

11 transporteur de troupes ou de véhicules.

12 Question: Cela signifie que c'est grâce à un hélicoptère américain?

13 Réponse: Non, non. C'est un avion à quatre moteurs.

14 M. Tapuskovic (interprétation): Enfin, cela n'est pas le plus important.

15 Il s'agit donc d'un aéronef américain qui était utilisé par la nouvelle

16 direction. Pouvez-vous nous dire qui composait cette nouvelle direction?

17 M. le Président (interprétation): Veillons à ne pas nous contredire ici.

18 Si j'ai bien compris, il s'agit d'un aéronef, d'un avion de production

19 américaine, alors qu'il était question d'un C-130 français? Donc, il est

20 sans doute fait référence ici à une force, quelle qu'elle soit, qui était

21 chargée du transport?

22 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, les Français ont pris sur eux parce

23 que c'est ce qui a été décidé à Rambouillet: de fournir le transport, les

24 moyens de transport pour relier le Kosovo et la France. C'est la raison

25 pour laquelle il s'agit ici d'un avion français de fabrication américaine.

Page 3341

1 M. Tapuskovic (interprétation): Ce qui est écrit ici est tout à fait

2 différent. D'abord, le général DZ d'ailleurs en a parlé hier. Vous avez

3 constaté le changement de direction, que le nouveau venu était plus ferme

4 que son prédécesseur, il est dit dans ce texte que "la direction a été

5 changée et que les nouveaux membres de la direction sont arrivés au Kosovo

6 à bord de cet avion".

7 Est-ce que c'est bien cela qui s'est passé ou les choses se sont-elles

8 déroulées autrement?

9 Réponse: Nous disons que la direction a changé. Suite aux discussions de

10 Rambouillet, il y a certaines personnes qui sont parties et qui sont

11 revenues; ce sont les mêmes personnes, mais simplement ces personnes

12 avaient des responsabilités différentes au sein du groupe. Certaines

13 d'entre elles ayant des responsabilités plus importantes, et d'autres,

14 suite aux discussions de Rambouillet, ayant des responsabilités moindres.

15 Question: Je crains de constater que nous ne nous comprenons pas bien.

16 Dans le texte, il est écrit que ces personnes sont arrivées en provenance

17 d'Albanie, je suppose? Ou bien quelle était leur provenance, d'où venaient

18 ces personnes?

19 Réponse: Elles sont revenues de Rambouillet.

20 Question: Ah, de Rambouillet?

21 Réponse: Oui.

22 Question: A quel moment a eu lieu le changement de direction?

23 Réponse: J'ai dit que les gens qui ont pris l'avion pour aller à

24 Rambouillet étaient exactement les mêmes que ceux qui sont revenus pour

25 constituer la direction de l'UCK. Simplement, ce qui s'est passé c'est

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1 qu'au sein de ce groupe, certaines personnes ont monté en grade, et sont

2 devenues des dirigeants de ce groupe, alors que d'anciens dirigeants du

3 groupe ont été rétrogradés. Ce qui a entraîné notre nouvelle appréciation

4 quant à l'identité de ceux qui avaient réellement le pouvoir au sein du

5 groupe.

6 Question: Maintenant, les choses sont plus claires. Et en rapport avec ce

7 document, il y a encore quelque chose qui m'intéresse.

8 Au point 121, il est question du 9 mars. Il est donc écrit dans ce

9 document chronologique, et je vous demanderai des explications à ce sujet

10 -je cite-: "Une inquiétude quant au fait que la direction de l'UCK perde

11 le contrôle sur les zones tenues par l'UCK". (Fin de citation.)

12 Qui s'inquiétait?

13 Réponse: Je pense que nous le savons bien. Il y avait une inquiétude au

14 sein de l'OSCE et également au sein de la KVM. Parce que nous pensions

15 qu'en discutant avec l'UCK, nous pouvions avoir une influence, même

16 modeste, sur ce qui se passait, alors que les nouveaux commandants locaux

17 qui ne faisaient pas forcément partis de cette direction commençaient à

18 agir sans en référer à la direction, à leur direction, au plus haut

19 niveau.

20 Question: Pièce 94, intercalaire 53 à présent.

21 Avez-vous connaissance à la date du 15 mars de l'appréciation qui est

22 faite des positions, des thèses de l'UCK?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Dernière page paragraphe, petit "c": "Un membre de la police

25 albanaise qui a été enlevé -vous pouvez lire ce qui figure ici- a reconnu

Page 3343

1 que les services de sécurité de l'UCK avaient arrêté un représentant de la

2 police albanaise, et que ce dernier était détenu dans le centre

3 d'information. C'est la première fois que l'UCK admet posséder une unité

4 policière qui agit de cette façon dans toute la région. Vous disposiez de

5 ces renseignements?

6 Réponse: Quelles informations? Qu'ils avaient une force policière des

7 services de renseignements ou quoi?

8 Question: Tout ce qui est écrit au petit "c", tout ce que vous avez

9 confirmé par le biais d'un de vos officiers.

10 Réponse: Oui, ce qui est écrit ici et ce qu'il a dit est exact.

11 Question: Je ne vais pas insister sur le D-a) où il est question du

12 cessez-le-feu, mais je vais parler du point 7. Je ne vais pas donner

13 lecture de tout le paragraphe, mais il est dit que, dans certaines

14 circonstances, l'UCK va probablement s'efforcer de transférer la guerre

15 dans les villes. Vous disposiez également de ce renseignement, du fait que

16 l'UCK, si certaines choses ne se produisaient pas, allait sans doute

17 transférer la guerre dans les villes. Ceci est-il également un

18 renseignement dont vous disposiez?

19 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

20 M. Tapuskovic (interprétation): Et finalement nous allons aborder un

21 troisième document, qui ne fait pas partie de la pièce à conviction 94,

22 qui n'a donc pas été soumis aux Juges de cette Chambre, et il y est

23 question de façon très claire de votre quartier général. J'ai la version

24 anglaise entre les mains, nous pouvons la remettre à vous-même et aux

25 autres personnes présentes dans le prétoire. Ce document porte la

Page 3344

1 référence du Bureau du Procureur 03045428. Excusez-moi, Monsieur

2 l'Huissier, je ne vous ai pas donné la bonne version en anglais.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 M. Kwon (interprétation): Peut-on placer cette pièce sur le

5 rétroprojecteur?

6 (Intervention de l'huissier.)

7 M. Tapuskovic (interprétation): C'est un rapport de l'officier de liaison

8 du major de la KVM où il est dit: "Qu'un commandant a annoncé que si un

9 accord de paix est signé dans son unité, il va partir pour la montagne et

10 mener des actions de guérilla. Ensuite, il est dit qu'indépendamment de ce

11 qui va se passer dans la série à venir de pourparlers de paix, la volonté

12 de l'UCK de poursuivre les combats est très claire". (Fin de citation.)

13 Il s'agit donc de ce que vous dit votre officier de liaison, étiez-vous au

14 courant de cela?

15 M. Ciaglinski (interprétation): Vous avez parlé du paragraphe 10.

16 Question: Non, non. Quel paragraphe j'ai dit? Cet élément figure au point

17 3; et c'est l'officier de liaison qui a signé ce texte.

18 Réponse: Il s'agit donc de son appréciation. Celle de Chris Luka.

19 Question: Oui, mais vous êtes au courant de cela, vous avez reçu ce

20 document à votre quartier général?

21 Réponse: Oui. Chris Luka est un de mes collègues.

22 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, allez-y.

24 (Interrogatoire principal supplémentaire du Témoin, M. Richard Ciaglinski,

25 par M. Ryneveld.)

Page 3345

1 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Encore

2 quelques questions peu nombreuses dans le cadre des questions

3 supplémentaires, si vous me le permettez.

4 Monsieur le Témoin, hier au cours du contre-interrogatoire -et cette

5 question a de nouveau été abordée aujourd'hui indirectement par l'accusé-

6 les débats ont porté sur la correspondance avec Donna Phelan, des

7 courriers envoyés et qui portaient la signature du chef de la mission de

8 l'OSCE. En fait, je vais lire le compte rendu d'audience, si vous me le

9 permettez.

10 La question était la suivante: "La méthode prévue initialement par Donna

11 Phelan?"

12 Et vous répondez: "C'est une femme qui était une experte en armes, qui

13 vérifiait l'état des armements un peu partout dans le monde pour le CFE,

14 etc.".

15 Et puis vous ajoutez: "parce que nous avons choisi cette méthode et qu'à

16 ce moment-là Donna Phelan et DZ avaient écrit une lettre à M. Milosevic,

17 laquelle nous détaillions la façon dont nous souhaitions travailler. Sans

18 obtenir de réponse, elle est partie du principe que l'absence de réponse

19 signifiait que nous n'avions pas le choix à ce moment-là et que nous ne

20 pouvions qu'appliquer la méthode que nous avions conçue. Lorsque cette

21 méthode s'est avérée comme ne fonctionnant, nous l'avons modifiée

22 immédiatement. Monsieur Milosevic estime que nous avons continué à

23 utiliser la même méthode. Nous n'avons pas continué à utiliser cette

24 méthode d'antagonisme, nous l'avons abandonnée". (Fin de citation.)

25 Alors, il y a ensuite plusieurs questions-réponses et M. Milosevic déclare

Page 3346

1 qu'il ne savait pas avoir reçu une lettre de Donna Phelan provenant donc

2 de vos vérificateurs ou de l'un quelconque de vos vérificateurs.

3 Votre réponse à cette question est: "Oui. D'abord, la lettre a été écrite

4 par Donna Phelan, signée par le chef de la mission et envoyée à vous".

5 (Fin de citation.)

6 Alors, c'est le contexte dans lequel se situe la question que j'aimerais

7 vous poser au sujet d'un document, qui est une lettre sur laquelle figure

8 la date du 23 novembre 1998 et qui est adressée à "son Excellence Slobodan

9 Milosevic, Président de la République de Yougoslavie".

10 J'aimerais vous interroger au sujet de ces trois pages, signées par M.

11 l'ambassadeur William Walker, qui comporte également des annexes.

12 J'aimerais que vous regardiez d'abord cette lettre, s'il vous plaît; elle

13 est actuellement distribuée.

14 Je demanderais que les Juges examinent également cette lettre, puis que

15 vous nous disiez à quoi elle fait référence.

16 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 99.

17 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Je donne à chacun un moment pour

18 prendre connaissance du contenu de cette lettre et de ses annexes.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 Colonel, je vois que vous avez eu le temps de parcourir cette lettre. Est-

21 ce que vous pouvez nous confirmer qu'il s'agit bien de la lettre à

22 laquelle vous avez fait référence lorsque des questions vous ont été

23 posées par M. Milosevic?

24 M. Ciaglinski (interprétation): Tout à fait.

25 Question: Est-ce que cette lettre contient, pour autant que vous puissiez

Page 3347

1 en juger, les questions auxquelles vous faisiez référence hier et dont

2 vous avez dit hier à M. Milosevic qu'elles avaient été abordées? Et dont

3 vous avez dit par ailleurs qu'il semblait ne pas les avoir vues?

4 Réponse: Oui.

5 M. Ryneveld (interprétation): Nous reviendrons sur cette lettre dans

6 quelques instants, mais pour le moment, je voudrais continuer à citer le

7 compte rendu de la séance d'hier.

8 Page 3250 du compte rendu d'audience, Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges, et 3251.

10 J'ai fait une citation tout à l'heure et je vais poursuivre. Monsieur

11 Milosevic dit -je cite-: "Je n'ai pas connaissance d'avoir jamais reçu une

12 lettre ou des lettres de Mme Phelan ou de l'un quelconque de vos

13 vérificateurs, je dois le dire. Mais par rapport à ce que vous venez de

14 dire à propos de ce que vous avez découvert dans le cadre de vos missions

15 de vérification au sein du MUP, est-ce que vous avez envoyé un rapport

16 portant sur cela aux autorités yougoslaves? Ou plutôt est-ce que vous avez

17 discuté de cela avec la Commission yougoslave présidée par le général

18 Loncar, à Pristina?

19 -Réponse: Oui, tout d'abord, cette lettre a été rédigée par Donna Phelan,

20 elle a été donnée et signée par le chef de mission et elle vous a été

21 envoyée. Par ailleurs, un rapport portant sur nos conclusions…"

22 Je m'excuse auprès des interprètes: je lis et je vais trop vite.

23 "Les conclusions complètes de ce que nous avons pu voir à propos des 27

24 positions occupées ont été transmises au général Loncar, au sein de la

25 Commission de coopération.

Page 3348

1 -Question: Et est-ce que vous avez débattu de cela avec le général Loncar

2 et ses collaborateurs?

3 -Réponse: Absolument. DZ en a personnellement discuté avec le général

4 Loncar.

5 -Question: Donc vous en avez pleinement débattu avec le général Loncar?

6 Quand je dis "vous", je ne pense pas à vous personnellement, je pense à

7 vous, les membres de la Mission de vérification, qui étiez les

8 représentants de cette Mission". (Fin de citation du compte rendu.)

9 Ensuite, je passe une partie du compte rendu. Ensuite, vous reprenez -je

10 cite-: "Oui, j'en ai discuté avec la Mission de coopération avec le

11 général Loncar, en effet". (Fin de citation.)

12 Je souhaite maintenant, mon Colonel, vous soumettre un deuxième document;

13 c'est un document qui est un projet de traduction d'un document émanant

14 d'un bureau de représentants du ministère des Affaires étrangères fédéral

15 à Pristina. Il est daté du 20 décembre 1989, mais, à la lecture du

16 document et si on le replace dans son contexte, on s'aperçoit bien sûr que

17 la date qui devrait apparaître est la date du 20 décembre 1999.

18 Mme Ameerali (interprétation): Pièce de l'accusation 100.

19 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Madame.

20 Ce qui m'intéresse plus particulièrement, mon Colonel, c'est le paragraphe

21 premier, où il est dit -je cite…

22 Enfin, pardon, Monsieur le Président, est-ce que vous avez pu voir le

23 document?

24 Donc je cite: "A l'initiative de la KVM pour le Kosovo et la Metohija, le

25 général Drewienkiewicz et ses collaborateurs ont demandé à rencontrer de

Page 3349

1 toute urgence le général Loncar. En la présence des autres membres de

2 l'équipe de coordination pour le Kosovo et de la Metohija, il a évoqué les

3 problèmes de la vérification qui pouvaient être faite dans la région de

4 Podujevo. Sur la base de nos intérêts, il apparaît que la KVM avait

5 intensifié ses patrouilles dans la région pour établir quelle était la

6 situation qui prévalait, ce que notre camp avait demandé à plusieurs

7 reprises lors des réunions les plus récentes et lors des discussions qui

8 avaient été menées par le vice-Premier ministre Sainovic avec le

9 responsable de la KVM et par le général Loncar. Réunions au cours

10 desquelles le général DZ était présent."

11 Alors, je m'interromps ici. Il apparaît que la date qui apparaît est 1998

12 et non pas 1989, comme je l'ai dit tout à l'heure; j'ai juste inversé les

13 chiffres.

14 Je continue la lecture: "Le général Drewienkiewicz a déclaré que, du fait

15 de notre requête, ils avaient intensifié leurs patrouilles dans la région

16 de Podujevo et qu'à leur grande surprise, ils avaient pu établir la

17 présence d'unités de l'armée de Yougoslavie, présence qui avait été

18 augmentée récemment, de façon tout à fait inadaptée au vu de la situation

19 qui prévalait, etc." (Fin de citation.)

20 Ce document n'est-il pas la confirmation émanant des autorités de la RFY

21 de la tenue de la discussion dont vous avez fait état, discussion qui a eu

22 lieu avec M. Milosevic sur ce point?

23 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

24 Question: Il y a un autre document qui m'intéresse et à propos duquel je

25 vais vous poser des questions.

Page 3350

1 Il se trouve sous l'intercalaire 3, pièce 94. Il faut replacer ce document

2 dans le contexte de cette lettre qui constitue la pièce de l'accusation 99

3 et dans le contexte de ce qui a été dit par les autorités de la RFY, qui

4 reconnaissaient qu'elles avaient été notifiées d'un certain nombre de

5 choses.

6 Intercalaire 3. Le document qui s'y trouve est en fait un procès-verbal de

7 la réunion qui s'est tenue à Belgrade le 20 octobre 1998. Un certain

8 nombre de signatures apparaissent. C'est exact.

9 Réponse: C'est exact.

10 Question: Et puis, il y a une déclaration qui est annexée à cela. Ce qui

11 m'intéresse, c'est le deuxième paragraphe du document. Je crois qu'il y a,

12 en bas à droite, un petit 3 qui apparaît.

13 Ce paragraphe dit -je cite-: "Afin d'encourager encore un retour à la paix

14 et à la stabilité, les forces et les autorités de la RFY vont réduire leur

15 présence, MUP et VJ, et vont ramener les niveaux à des niveaux normaux,

16 partout au Kosovo/Metohija, afin de retrouver les niveaux qui prévalaient

17 avant le début des activités terroristes". (Fin de citation.)

18 Je saute un passage. Ensuite, je reprends: "Les autorités de la RFY ont

19 annoncé la prise des mesures suivantes". Et ces mesures sont énumérées.

20 Et ensuite au paragraphe 8, page 4, on lit: "Afin de mener à bien la

21 vérification qui est supposée par ses dispositions, la VJ et le MUP et

22 leur commandant communiqueront à la KDOM de l'OSCE des rapports

23 hebdomadaires circonstanciés des activités, des armes, et du personnel qui

24 se trouvent sur le terrain et fourniront immédiatement une notification à

25 la KDOM et à l'OSCE de tout déploiement qui serait en contravention des

Page 3351

1 dispositions évoquées, et ils devront par ailleurs expliquer les

2 circonstances qui entourent les décisions relatives à ces déploiements".

3 (Fin de citation.)

4 Est-ce que c'est bien l'accord qui a été évoqué dans la lettre qui a été

5 envoyée par Walker et qui a été adressé à celui qui était alors président

6 de la Yougoslavie, et qui est aujourd'hui l'accusé?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Encore une question, si vous me le permettez. Les informations

9 qui font l'objet de la demande qui est la lettre datée du 23 novembre

10 1998, et qui est la pièce 99 de notre affaire, est-ce que ces

11 informations, si elles n'avaient pas été reçues par la KVM, auraient pu

12 lui permettre néanmoins de mener à bien sa mission?

13 M. Ciaglinski (interprétation): Non.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci, je vous remercie, je n'ai plus de

15 questions supplémentaires, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

17 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Richard Ciaglinski,

18 par M. Slobodan Milosevic.)

19 M. Milosevic (interprétation): Pour autant que j'ai pu suivre ce qui a été

20 fait, je crois que la partie adverse essaie d'expliquer certaines des

21 incohérences, des contradictions qui apparaissaient. J'ai moi-même posé

22 des questions à ce sujet; on fait état de la lettre que William Walker m'a

23 adressé, ce qui est tout à fait probable. J'ai simplement été surpris par

24 le fait que l'on dise que Donna Phelan m'avait écrit. Moi, je n'ai jamais

25 entendu parler de Donna Phelan, je n'ai entendu parler de cette femme que

Page 3352

1 lorsque ce Témoin a commencé à déposer. La lettre indique précisément

2 qu'aucune lettre de Donna Phelan ne m'a été adressé. Ce que j'ai reçu,

3 c'est une lettre émanant du responsable de mission, William Walker. Il n'y

4 a donc aucune contestation que ce soit, mais aucune lettre n'a été reçue

5 émanant de qui que ce soit d'autre.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous comprenons.

7 M. Milosevic (interprétation): Oui, donc il n'y a rien qui est contesté.

8 Mais maintenant regardez le contenu de cette lettre qui dit: "Monsieur le

9 Président, nous sommes prêts à mener nos opérations. La RFY doit fournir

10 des éléments d'information aux forces de la KVM de l'OSCE qui se trouvent

11 au Kosovo".

12 Et ensuite, on en arrive aux définitions, des définitions tout à fait

13 habituelles. On définit ce qu'est un armement lourd, des armes de plus de

14 0,7 millimètre. On définit ce que sont des points de contrôle. On définit

15 quel est le nombre d'hommes qui peut s'y trouver. On définit tel ou tel

16 véhicule, on indique que ce sont des points d'observation. On indique que

17 ces postes d'observations ne doivent pas être tenus par plus de 30 hommes.

18 Et on indique quelles sont les tailles des différentes équipes, notamment

19 des compagnies. On parle du fait que les unités doivent avoir la taille

20 d'une compagnie. Tout cela n'est pas contesté.

21 Et ensuite, ce qu'il est écrit dans la lettre est assez clair, toute

22 personne ayant suivi ses cours primaires comprendrait ce qui est indiqué

23 ici. Il demande simplement que ces termes soient définis, tels qu'indiqués

24 dans la lettre, et il dit également qu'il demande à obtenir des

25 informations détaillées sur toutes les forces qui se trouvent en présence

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1 au Kosovo et sur toutes les forces qui vont y être amenées.

2 On voit plus loin qu'il dit, au milieu de la deuxième page: "Nous mettons

3 au point des procédures particulières pour l'inspection des forces armées.

4 Une fois que cela aura été mené et fait, nous vous informerons de ces

5 mesures que nous aurons définies, pour nous assurer qu'il n'y a pas de

6 confusion possible parmi les forces de sécurité de la RFY. Confusions

7 quant à la manière dont doivent se dérouler les missions d'inspection,

8 missions qui seront conduites par des vérificateurs de la KVM". (Fin de

9 citation.)

10 Donc il évoque le fait que la mission est prête à commencer son travail.

11 Ce faisant, il indique que les membres de la mission vont définir, de

12 façon très précise, leur modus operandi, ils vont définir leurs

13 instructions et leurs méthodes de travail, etc. C'est à cela qu'il se

14 réfère. Alors, ma question porte précisément sur ces méthodes: j'ai

15 également fait référence à la déclaration du Témoin selon laquelle Donna

16 Phelan avait conçu une méthode très antagoniste.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, est-ce qu'il y a une

18 question particulière que vous souhaitez poser au Témoin, parce que sinon

19 cela n'a pas de sens de garder le Témoin en prétoire. Vous pouvez peut-

20 être nous poser la question à nous?

21 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, j'ai une question. Elle est comme

22 suit:

23 Nous avons cette lettre de Walker qui fait référence à des méthodes de

24 travail tout à fait habituel. On parle des informations à partir

25 desquelles il va pour pouvoir concevoir ces méthodes de travail. A partir

Page 3354

1 de cette lettre, est-ce qu'on peut conclure qu'il y avait volonté de

2 prendre des mesures qui conduiraient à une situation de confrontation?

3 M. Ciaglinski (interprétation): On n'essaye pas de concevoir une méthode

4 qui conduirait à la confrontation. La méthode qui a été conçue était le

5 résultat des réactions des Serbes et des unités serbes lorsqu'il y avait

6 eu inspection. Parce qu'il y avait eu confrontation, nous avons dû

7 modifier notre façon de procéder. La lettre, je le répète, n'a pas reçu

8 réponse; nous n'avons pas reçu d'informations portant sur l'importance des

9 troupes, sur le type d'armes portées.

10 Les trois points que vous évoqués vous-même, Monsieur Milosevic, n'ont pas

11 fait l'objet de courrier en réponse au nôtre. Moi, j'ai dit que la taille

12 d'une compagnie, c'était environ 30 personnes, mais vous, vous n'avez pas

13 respecté cette indication. Le nombre de tanks, le nombre d'armes que vous

14 aviez sur toutes ces positions était bien plus important que ce qui était

15 prévu.

16 M. Milosevic (interprétation): Nous savions que vous aviez la liberté de

17 mouvement.

18 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas vous laisser revenir

19 sur ce point. Nous vous avons permis de poser une question parce que vous

20 n'aviez pas vu le document précédemment. Nous allons maintenant permettre

21 au colonel de se retirer.

22 M. Milosevic (interprétation): Et puis il y a un autre document qui a été

23 montré et qui fait état de la bonne coopération, d'après ce que je peux

24 voir.

25 M. le Président (interprétation): Nous disposons de ce document, nous

Page 3355

1 pourrons le lire.

2 (Questions de M. le Juge Kwon au Témoin, M. Richard Ciaglinski.)

3 M. Kwon (interprétation): Monsieur Ciaglinski, j'ai moi aussi une question

4 à vous poser. Une question très simple. Elle porte sur les éléments

5 d'informations qui vous ont été transmises par le représentant yougoslave,

6 et qui portaient sur les manœuvres qui étaient prévues.

7 Vous dites que vous avez fait rapport de cela au général DZ. Mais vous

8 avez, à l'instant, dit également qu'il avait choisi de ne pas vous croire.

9 Est-ce la raison pour laquelle cela n'a pas consigné par écrit?

10 J'ai remarqué par ailleurs que tout ce qui pouvait se produire était

11 consigné par écrit, que des rapports très détaillés étaient établis.

12 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, Monsieur le Juge, tout à fait. Cela

13 semblait si improbable, si incroyable. Vous savez, j'en ai parlé avec lui.

14 Il a dit: "Vous savez, il s'agit peut-être de l'opinion d'un seul homme".

15 Moi, j'ai essayé de répondre en disant que c'était trop détaillé pour être

16 l'opinion d'un seul homme, mais à l'époque il se passait tellement de

17 choses, qu'il a simplement choisi de mettre cela de côté.

18 Question: Est-ce que vous avez débattu de cela avec d'autres personnes?

19 Réponse: J'en ai parlé avec de nombreuses autres personnes.

20 Question: Mon autre question porte sur l'incident qui s'est produit à

21 Racak. Est-ce que vous avez participé à la prise de décision qui visait à

22 retirer les membres de la KVM qui se trouvaient sur le lieu d'enquête,

23 lorsque la juge Marinkovic a décidé de faire son entrée dans le village

24 avec une escorte de police armée?

25 Réponse: Oui, DZ était là. Et dès que le juge Marinkovic a dit ce qu'elle

Page 3356

1 a dit, DZ m'a regardé. J'ai quitté la pièce précipitamment. Depuis le

2 balcon qui se trouvait à l'extérieur du poste de police, j'ai pris ma

3 radio et, par voie de radio, j'ai donné instruction à Maisonneuve de

4 veiller au retrait de nos troupes.

5 Question: Mais ce que je ne comprends pas très bien, c'est ceci. Vous

6 dites que votre mission avait passé un accord avec l'UCK, selon lequel

7 l'UCK n'aurait pas d'hommes armés dans la zone. Puisque vous aviez passé

8 cet accord avec l'UCK, pourquoi alors était-il nécessaire pour vous

9 d'envisager une situation dans laquelle, si la juge Marinkovic était

10 accompagnée par le MUP, il y aurait immanquablement échange de tirs?

11 Réponse: Parce qu'en dépit du fait que les hommes de l'UCK ne se

12 trouvaient pas dans le village, ils se trouvaient aux alentours. De même

13 que les forces du MUP trouvaient aux alentours, ils se trouvaient de

14 l'autre côté de la colline qui surplombait le village. L'UCK était à

15 l'extérieur du village d'un côté, et le MUP était de l'autre côté. Donc,

16 ce qui était certain, c'est que si un camp entrait dans le village,

17 l'autre camp entrerait aussi. Nous pouvions en être sûrs.

18 Question: Etant donné que la KVM avait déjà obtenu une promesse de l'UCK,

19 selon laquelle il n'y aurait pas d'hommes armés dans le village, est-ce

20 qu'on n'aurait pas été en droit de penser que si la mission de la KVM à

21 cette époque-là n'avait pas quitté l'endroit, et avait au lieu de cela

22 accompagné la juge d'instruction, il n'y aurait peut-être pas eu d'échange

23 de tirs?

24 Réponse: Nous, nous avons proposé à la fois d'accompagner le juge et de

25 mettre des vérificateurs partout dans le village. Mais ces deux

Page 3357

1 propositions ont été refusées.

2 M. Kwon (interprétation): Mais est-ce qu'il n'est pas humiliant pour un

3 juge de se voir proposer par des étrangers, donc par la mission de la KVM,

4 de ne pas être protégée par la police de son propre pays? Est-ce que cette

5 idée vous a effleuré que cela pouvait être humiliant pour elle?

6 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Ce qui vous préoccupait le plus a

8 priori, c'est l'idée de ce qui pouvait se produire si la juge insistait

9 pour se rendre dans le village accompagnée de ces policiers. Vous vous

10 étiez convaincus qu'ils seraient la cible de tir de l'UCK, n'est-ce pas?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Et c'est effectivement ce qui s'est

13 produit?

14 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

15 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

16 M. le Président (interprétation): Mon Colonel, je vous remercie infiniment

17 d'être venu devant la Chambre. Merci d'être venu déposer. Vous pouvez

18 maintenant partir et quitter le prétoire.

19 (Le témoin, M. Richard Ciaglinski, est reconduit hors du prétoire.)

20 (Questions relatives à la procédure.)

21 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, avant de commencer la

22 procédure d'audition des témoins cités au titre de l'Article 92bis, il y a

23 trois questions de procédure que je voudrais soulever, puisque nous nous

24 trouvons à un tournant de la présentation de nos éléments de preuve,

25 puisque nous sommes sur le point entendre des témoins tout à fait

Page 3358

1 nouveaux.

2 D'abord, pour des raisons qui nous échappent totalement, nous pensons

3 avoir compris que la cabine d'interprétation en albanais cesserait d'être

4 disponible à partir du 10 mai. C'est ce que nous du moins cru comprendre.

5 Nous ferons tout notre possible pour utiliser au mieux le temps qui nous

6 est imparti jusqu'au 10 mai. Nous essaierons de faire venir en priorité

7 des témoins s'exprimant en albanais. Nous pensons que quelque 35 témoins,

8 y compris des témoins 92bis, utiliseront la langue albanaise, après la

9 date du 10 mai. Cela nous préoccupe un peu, et nous sommes également

10 préoccupés par la répercussion que pourrait avoir le retrait de la cabine

11 sur tout ce volet de l'affaire. Et puis nous sommes aussi préoccupés par

12 l'absence d'une diffusion de nos débats en langue albanaise. N'oublions

13 pas l'intérêt que le public manifeste pour nos débats. Je ne sais pas si

14 nos éléments d'information sont exacts, mais s'ils le sont, nous sommes un

15 peu préoccupés.

16 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance serait

17 également très préoccupée si ces éléments d'information s'avéraient vrais.

18 Il me semble absolument indispensable dans le cadre d'un procès de cette

19 importance qu'une interprétation complète soit assurée des débats.

20 M. Nice (interprétation): Et puis il y a une chose que j'ai oublié de vous

21 communiquer depuis bien longtemps. La Chambre se rappellera peut-être

22 qu'au tout début du procès, elle avait demandé à Me Tapuskovic de lui

23 fournir une note portant sur des points historiques, dont il choisirait de

24 dire qu'ils étaient importants dans le cadre de notre affaire.

25 Nous lui avons rappelé que nous n'avions pas encore reçu cette note. Mais

Page 3359

1 je voudrais par ailleurs dire que nous sommes en train de mettre la

2 dernière main à nos éléments de preuve qui touchent au contexte

3 historique; et dès que nous aurons cette note, nous pourrons en faire bon

4 usage. Et le plus tôt sera le mieux parce que cela nous permettra de

5 penser peut-être à des questions auxquelles nous n'avons pas encore pensé

6 jusqu'à présent.

7 Et puis, il y a encore une chose qui est reliée à la demande formulée au

8 titre de l'Article 92 bis, et qui porte sur un témoin expert qui travaille

9 dans le domaine humanitaire. La Chambre aimera peut-être savoir que nous

10 sommes en train de mettre la dernière main à un projet de demande. Je ne

11 sais pas quelle pourrait être la décision de la Chambre, mais si cette

12 requête devait se voir rejetée, nous nous retrouverions confrontés à des

13 difficultés de procédure certaines, du fait du statut tout à fait

14 particulier de l'agence humanitaire à laquelle appartient ce témoin.

15 Et puis, j'en viens maintenant aux témoins au titre de l'Article 92bis.

16 Nous sommes en train de préparer une liste des témoins que nous pensons

17 citer au titre de cet Article. J'espère que ces témoins pourront venir et

18 que rien ne surgira d'inattendu.

19 Dans l'état actuel des choses, les éléments de preuve portant sur le site

20 du massacre de Racak devraient être présentés vers la mi-mai. C'est notre

21 estimation à ce jour. Bien sûr, la Chambre de première instance doit

22 encore se prononcer sur certains points. Mais si la Chambre estime pouvoir

23 accepter ces éléments de preuve, nous pouvons espérer en avoir terminé la

24 présentation vers la mi-mai.

25 Et puis, sur une question plus générale, je crois qu'il y a quelques

Page 3360

1 semaines, j'ai déposé une requête au titre de l'Article 68, dans laquelle

2 je suggérais que nous devions tous, les amis de la Cour et nous-mêmes,

3 nous poser la question de savoir si l'accusé, au cours de ses contre-

4 interrogatoires, avait mis le doigt sur toute question nouvelle qui

5 supposait qu'il fallait que l'on s'y re-penche, en ayant à l'esprit les

6 dispositions de l'Article 68 du Règlement. A ce stade, nous n'avons pas

7 l'impression que de nouveaux éléments ont été évoqués mais je ne sais pas

8 si d'autres personnes présentes dans ce prétoire auront des idées à nous

9 suggérer; je pense à toutes les personnes présentes dans ce prétoire, y

10 compris l'accusé.

11 Maintenant, est-ce que nous pouvons en venir à l'audition des témoins au

12 titre de l'Article 92bis?

13 M. le Président (interprétation): Je me demande si cela vaut vraiment la

14 peine de faire entrer un nouveau témoin à ce stade de nos travaux.

15 M. Nice (interprétation): Je ne sais pas combien de temps l'accusé devra

16 consacrer à son contre-interrogatoire, mais je pense qu'il serait bon de

17 rappeler les règles à respecter dans le cadre de cette procédure de

18 l'Article 92bis. Moi, j'avais trois ou quatre choses à évoquer. Je suis

19 tout à fait prêt à remettre cet exposé à demain.

20 (Les Juges se concertent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Oui, s'il y a un certain nombre de

22 choses à évoquer, il vaudrait peut-être mieux faire venir le témoin

23 demain.

24 M. Nice (interprétation): Il y a également la question du Témoin K22. K22

25 qui va venir témoigner publiquement et donc nous pouvons donner son nom.

Page 3361

1 Nous avons prévu de l'entendre après les témoins au titre de l'Article

2 92bis, dont nous pouvons d'ores et déjà traiter.

3 M. le Président (interprétation): Nous avons à l'esprit une décision que

4 nous souhaiterions rendre à ce sujet.

5 Ce que nous envisagions, c'était la chose suivante: lorsque le témoin sera

6 cité devant nous, nous donnerons à l'accusation cinq minutes pour faire

7 une intervention d'introduction, ce qui permettra au témoin de comprendre

8 ce pourquoi il est là et de quelle façon il doit faire sa déposition; la

9 déposition du témoin sera considérée comme un élément de preuve. Nous

10 aurons lu cette déclaration. Ensuite, nous permettrons à l'accusé de mener

11 à bien un contre-interrogatoire. Nous aurons à l'esprit le temps qui aura

12 été nécessaire pour que le contre-interrogatoire soit mené à bien; il ne

13 faut pas qu'il y ait, comme aujourd'hui, autant de commentaires, autant de

14 digressions, etc. Afin d'empêcher tout type de débordement, le temps du

15 contre-interrogatoire ne pourra être supérieur à une heure; il faudra,

16 pour que le temps soit plus important, que des raisons suffisantes soient

17 invoquées.

18 Ensuite, il y aura contre-interrogatoire de la part des amis de la Chambre

19 et puis des questions supplémentaires.

20 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président, de ces

21 éléments d'explication. Je crois que cela couvre tous les points que je

22 pensais moi-même évoquer.

23 Les déclarations préliminaires des témoins font état de l'adresse actuelle

24 des témoins. Il ne convient pas que cet élément soit rendu public. Nous

25 avons des versions expurgées des déclarations des témoins. Je répugne à

Page 3362

1 surcharger à la fois le Greffe, les Juges, de tout un tas de travail, à

2 leur remettre encore d'autres documents. Cela voudrait dire qu'ils

3 auraient deux déclarations pour chaque témoin, mais il faut toujours avoir

4 à l'esprit l'idée que ces déclarations pourraient un jour ou l'autre

5 devenir publiques.

6 Alors, je ne sais pas ce qui serait le plus simple: est-ce que nous

7 devrions simplement fournir la version de la déclaration qui a été

8 expurgée et est-ce que nous communiquons à part, sur une feuille de

9 papier, l'adresse du témoin? Je ne sais pas. D'expérience, je pense que ce

10 qui est le plus important, c'est de nous assurer que tout est fait de

11 façon aussi efficace que possible, mais c'est d'éviter aussi de devoir

12 manipuler trop de documents.

13 Mais c'est bien sûr l'intérêt du témoin qui est prépondérant.

14 M. le Président (interprétation): Bien sûr.

15 M. Nice (interprétation): Maintenant, encore un sujet que je souhaitais

16 évoquer: ces cinq minutes, c'est justement à cette période de temps que

17 j'avais pensé pour l'introduction du témoin.

18 Vous vous souviendrez que je vous ai expliqué que beaucoup de ces témoins,

19 pour qui l'on a appelé l'Article 92bis et pour qui l'on envisageait

20 l'application de cet Article, souhaitaient que leur histoire soit racontée

21 dans le contexte et en public.

22 Mais ceci ne pourra être connu qu'une fois la déposition du témoin finie.

23 C'est pourquoi, si cela correspond à la décision que vous venez de rendre

24 au sujet de ces témoins, c'est pourquoi je vais m'efforcer, au cours de

25 ces cinq minutes, dans le cadre de ces questions liminaires, je vais donc

Page 3363

1 m'efforcer de donner le plan, le squelette dirons-nous, de la déposition

2 du témoin. De façon que tout le monde, y compris le public, sache que le

3 témoin est venu pour parler de tel ou tel village, de ce qui s'est passé

4 et qui a touché telle ou telle personne, etc.

5 Et si cela est conforme à votre disposition, nous préparerons les témoins

6 dans ce sens.

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 M. Nice (interprétation): Merci d'avoir éclairé ma lanterne à ce sujet.

9 Nous allons donc nous préparer en conséquence.

10 M. le Président (interprétation): Il y a une question à laquelle il

11 convient de réfléchir, c'est que, si effectivement il se pose un problème

12 avec l'interprétation en albanais, il convient d'entendre autant de

13 témoins albanais que possible avant, même si cela bouleverse l'ordre

14 prévu.

15 M. Nice (interprétation): Eh bien, nous allions avoir un grand nombre de

16 témoins 92bis avant la fin avril; cela dépend bien entendu du temps

17 nécessaire au contre-interrogatoire par l'accusé.

18 Donc, sauf un ou deux témoins pendant cette période, qui viendraient

19 parler de sites d'exécution, je pense que tout le monde pratiquement va

20 parler en albanais; je parle de ces témoins 92bis. Si bien que, jusqu'au

21 10 mai, nous aurons beaucoup de témoins albanophones. En tout cas, nous

22 allons étudier la question et reporter à plus tard l'audition des témoins

23 qui n'utiliseraient pas l'albanais.

24 Mais il resterait toujours le problème -si c'est un problème- de la

25 diffusion de nos débats en albanais qui, bien entendu, touche de très près

Page 3364

1 tous les locuteurs de cette langue. Je vais essayer de vérifier si

2 l'information qui m'a été communiquée est bien exacte. En tout cas, c'est

3 ce qu'on m'a dit hier; plusieurs personnes me l'ont dit et ça nous

4 préoccupe.

5 M. le Président (interprétation): Il y a un point que j'évoquais avec M.

6 Ryneveld précédemment, c'est la chose suivante: certains témoins qui

7 figurent sur la dernière version de la liste n'ont pas fait l'objet d'une

8 demande. Cette demande, je souhaiterais que vous nous la communiquiez

9 aussi rapidement que possible.

10 M. Nice (interprétation): Oui, c'est un oubli malheureux et nous allons

11 nous efforcer d'y remédier aussi rapidement que possible.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

13 M. Milosevic (interprétation): Après ce que nous avons entendu, la partie

14 adverse là-bas souhaite déposer au lieu des témoins, contrairement à

15 l'Article 92bis ou plutôt conformément à l'Article 92bis. C'est-à-dire que

16 ce n'est pas le témoin qui va nous raconter ce qui lui est arrivé, mais

17 que c'est M. Nice qui va nous raconter ce qui lui est arrivé à l'intention

18 du public. Je pense, quant à moi, qu'il ne s'agit en aucune manière d'un

19 témoignage ou de ce qu'on entend par témoignage dans les tribunaux du

20 monde entier, que de le voir ainsi nous expliquer ce que le témoin raconte

21 sans que le témoin puisse parler lui-même.

22 M. le Président (interprétation): Non, la déclaration en question sera

23 communiquée au public et puis sera versée au dossier. Et vous serez en

24 mesure de contre-interroger le témoin: c'est ça qui est essentiel.

25 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais ça justement, c'est le problème

Page 3365

1 parce qu'ici, nous avons la déclaration écrite d'un témoin illettré qui

2 signe au moyen d'une empreinte digitale, témoin qui donc n'a pas été en

3 mesure de lire sa déclaration. Et puis la partie adverse là-bas va nous

4 expliquer, en quelques mots, ce qu'on peut lire dans sa déclaration, si

5 bien que le témoin ne dépose plus du tout. Et ensuite, il y aura plus ou

6 moins la possibilité de contre-interroger au sujet non pas de ce que l'on

7 aura entendu dire, mais d'un témoignage écrit dont on ignore qui est

8 l'auteur.

9 Deuxième chose: à plusieurs reprises, j'ai demandé qu'on me prévienne au

10 moins une semaine à l'avance des témoins qui allaient être entendus, qu'on

11 me donne cette liste parce que, vous savez, il y a beaucoup de témoins.

12 Or, la dernière liste de témoins qu'on m'a communiquée, je l'ai reçue à la

13 dernière pause; cette liste est fort différente de la liste de témoins qui

14 m'avait été remise avant-hier.

15 Les déclarations de ces premiers témoins que nous allons entendre demain,

16 en vertu de votre Article 92bis, c'est-à-dire qui ne vont pas témoigner

17 mais que l'accusation va déposer à leur place, eh bien, ces déclarations-

18 là, je les ai reçues il y a quelques instants seulement, au moment même où

19 nous nous apprêtions à entamer cette dernière partie de nos travaux. Ces

20 déclarations sont en albanais et en anglais.

21 Moi, je demande à ce que ces déclarations de témoins me soient remises en

22 langue serbe et qu'elles me soient remises au moins une semaine à

23 l'avance, de façon à ce que je dispose de la liste des témoins au moins

24 une semaine à l'avance. La liste des témoins, on me l'a remise il y a une

25 heure et les déclarations des premiers témoins sont en albanais, en

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1 anglais, ou en anglais et en albanais, et je les ai reçues il y a une

2 demi-heure; c'est la première fois que j'ai vu ces documents.

3 Donc je vous laisse en tirer les conclusions qui s'imposent. Je pense

4 qu'avec une procédure de ce type, avec ce faux acte d'accusation, nous

5 sommes face à un naufrage et les manipulations s'accumulent.

6 M. le Président (interprétation): Il suffit. Plus de commentaires de ce

7 style, s'il vous plaît!

8 Nous allons bien préciser les choses: premièrement, le témoin qui va

9 déposer demain, si j'ai bien compris, c'est K22. Est-ce bien exact?

10 M. Nice (interprétation): Exact.

11 M. le Président (interprétation): Et de combien de temps aurez-vous besoin

12 avec ce témoin?

13 M. Nice (interprétation): Au moins un jour.

14 M. le Président (interprétation): Donc, en ce qui concerne les témoins

15 92bis, ils ne seront pas entendus demain. Le deuxième grief qui a été

16 évoqué, c'est celui des déclarations et de la liste.

17 M. Nice (interprétation): C'est faux, mais procédons par ordre.

18 L'accusé non seulement a reçu ces déclarations une fois, mais il les a

19 reçues deux fois. Nous les lui avons communiquées très régulièrement, au

20 fur à mesure, mais il refuse de lire les documents qui lui sont

21 communiqués. Il dispose de la requête au titre de l'Article 92bis qui

22 concerne ces déclarations. Il a reçu une lettre qui indique l'ordre de

23 comparution des témoins en date du 11 avril et il y a eu une révision peu

24 après; donc il n'y a aucun effet de surprise ici.

25 Permettez-moi de parler du premier témoin qui ne sait pas lire, ni écrire.

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1 Si l'accusé souhaite s'insurger à ce sujet et invoquer une objection, je

2 peux citer à la barre le traducteur-interprète qui, aujourd'hui même, a

3 donné lecture de la déclaration au témoin concerné. Cela va nous prendre

4 un peu de temps, mais cette interprète-traductrice peut venir expliquer ce

5 qui s'est passé, comment elle a procédé, et qu'il n'y a aucune ingérence

6 dans la manière dont le témoin s'est vu donner lecture de sa déclaration.

7 Cela va prendre un peu de temps, mais c'est une solution qui peut être

8 envisagée.

9 M. le Président (interprétation): Nous en déciderons en temps utile.

10 L'audience est levée jusqu'à demain 9 heures.

11 Monsieur Milosevic, nous suspendons l'audience.

12 (L'audience est levée à 13 heures 38.)

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