Page 4606
1 (Jeudi 9 mai 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures.)
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Saxon, c'est à vous.
5 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Messieurs les
6 Juges, bonjour.
7 Comme je vous l'ai promis hier, nous disposons maintenant des copies de la
8 déclaration de M. Salihu et, en vertu de l'Article 92bis, je demande leur
9 versement au dossier.
10 (Intervention de l'huissier.)
11 Une fois encore, je vais demander aux Juges et à la partie adverse de bien
12 vouloir noter la correction apportée hier par l'accusé à la deuxième page:
13 là où l'on lit actuellement 200.000 personnes, il convient de lire 20.000
14 personnes.
15 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de
16 l'accusation n°142.
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
18 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Abdullah Salihu, par l'accusé M.
19 Milosevic.)
20 M. Milosevic (interprétation): Avant de commencer, je souhaiterais faire
21 une objection pour dire qu'hier, nous n'avons pas eu un résumé pour ce
22 témoin, le témoin, le résumé qui a été donné hier, mais je passe à ma
23 question.
24 Dans votre déclaration, vous dites que vous avez terminé vos études
25 élémentaires à Cirez, c'est cela?
Page 4607
1 M. Salihu (interprétation): Oui.
2 Question: Donc c'est à cet endroit que vous avez étudié pendant huit ans?
3 Réponse: Oui, j'ai fait mes études primaires à Qirez et puis, l'école
4 secondaire à Pristina. L'école de huit ans à Qirez.
5 Question: Qu'avez-vous étudié à Pristina?
6 Réponse: Je n'ai rien étudié, j'ai fait des études secondaires seulement.
7 Question: Oui, mais il y a un instant, j'avais compris que vous étiez allé
8 à l'université à Pristina. Alors, est-ce que vous avez étudié à
9 l'université ou pas?
10 Réponse: Vous devez faire la différence: vous devez savoir ce que c'est
11 que l'université, ce que c'est que c'est le secondaire. J'ai dit: les
12 études primaires, donc les huit premières années, je les ai faites à Qirez
13 et les études secondaires, je les ai faites à Pristina, une école
14 "medresa".
15 Question: Est-ce que c'est une école religieuse?
16 Réponse: Oui, oui.
17 Question: Peut-on donc en déduire que vous connaissez très bien le village
18 de Cirez, ainsi que ses habitants?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Qu'avez-vous fait entre 1986 et septembre 1998?
21 Réponse: Jusqu'à ce moment-là, j'ai travaillé dans la construction. J'ai
22 suivi un cours de construction et, jusqu'il y a quatre ans, je travaillais
23 dans la construction.
24 Maintenant, je travaille comme imam dans le village de Baks.
25 Question: Oui, je comprends. Donc vous travailliez dans le domaine de la
Page 4608
1 construction et vous travaillez également comme hodja, c'est-à-dire prêtre
2 musulman. C'est cela?
3 Réponse: J'ai travaillé comme muezzin parce qu'il n'y avait pas d'emploi
4 mais, en effet, moi j'ai fait un cours sur la construction et j'ai
5 travaillé dans la construction jusqu'il y a quatre ans.
6 Question: Et vous avez travaillé comme muezzin dans le village de Baks.
7 Est-ce que vous avez travaillé ailleurs que dans ce village?
8 Réponse: J'ai travaillé aussi dans le village de Jashanica en 1974, 1975.
9 Question: Toujours comme hodja, comme muezzin?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et de quand à quand avez-vous travaillé en tant que hodja dans
12 ce village de Baks?
13 Réponse: A Baks, j'ai travaillé comme muezzin lors du mois de Ramadan,
14 pendant 25 ans, c'est-à-dire un mois par an, juste le mois du Ramadan.
15 Maintenant, je travaille comme imam puisque la mosquée du village de Baks
16 a été construite et je travaille comme imam dans ce village. Je suis
17 l'imam du village.
18 Question: Dans votre déclaration, vous dites que 80% de la population a
19 quitté le village de Baks et que seules, un certain nombre de personnes
20 sont restées; il s'agissait d'hommes; ils sont restés pour s'occuper du
21 bétail. Est-ce exact?
22 Réponse: Oui.
23 M. Milosevic (interprétation): Combien d'hommes sont restés?
24 Mme Rrahmani (interprétation): Ils sont restés quelques hommes. Lors de la
25 première offensive, en septembre 1998, la rébellion serbe qui s'est
Page 4609
1 approchée de nous depuis Gllogofc, ensuite Skenderaj. Ensuite, toute la
2 population, les Serbes l'ont expulsée, l'ont chassée en direction de
3 Çiçavica. Plus de 20.000 personnes ont été entassées et rassemblées à cet
4 endroit. A ce moment-là, le village de Baks a été totalement ou à 90%, je
5 peux dire, incendié: on a mis le feu au village.
6 Après quoi, après cette offensive, après cette attaque qui a duré deux
7 jours, nous avons reçu quelques aides de l'OSCE...
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Salihu, je vais vous
9 interrompre.
10 Veuillez simplement vous contenter de répondre aux questions qui vous sont
11 posées, après les avoir bien écoutées. De cette manière, nous procéderons
12 plus rapidement.
13 M. Milosevic (interprétation): Combien d'hommes sont restés au village
14 quand, comme vous l'avez dit, la population a quitté le village, les
15 hommes qui restaient là pour s'occuper du bétail?
16 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il ne pouvait s'en souvenir.
17 Monsieur, pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner une vague estimation
18 de cela?
19 M. Salihu (interprétation): A peu près vingt, trente personnes puisque la
20 population ne pouvait plus revenir dans le village, car 90% du village
21 avait été en flammes, les maisons ont été brûlées.
22 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais moi, je vous demande combien de
23 gens sont restés au village. Vous nous dites que les hommes sont restés
24 pour s'occuper du bétail?
25 M. Salihu (interprétation): Je vous ai dit 20 ou 30 personnes.
Page 4610
1 M. Milosevic (interprétation): Bien, très bien. Est-ce que ces hommes
2 étaient armés?
3 M. Salihu (interprétation): Non.
4 M. Milosevic (interprétation): Bien. Alors, s'ils n'étaient pas armés,
5 comment pouvez-vous parler d'une attaque contre le village?
6 M. le Président (interprétation): Quelle est la signification de cette
7 question? Un instant. Essayons de voir si nous pouvons comprendre la
8 signification de cette question.
9 Que signifie votre question, Monsieur Milosevic?
10 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans le village, il y avait 10 à
11 30 personnes qui n'étaient pas armées et le témoin affirme qu'une attaque
12 a été lancée contre un village qui était vide, à l'exception de quelques
13 personnes armées. Est-ce exact?
14 M. Salihu (interprétation): Mais je vous ai dit: lorsque l'offensive a
15 commencé, en octobre 1998, on a mis le feu au village de Baks. Les maisons
16 ont été brûlées, les villageois ne savaient plus où rentrer. Les 20 ou 30
17 personnes ont juste trouvé un refuge pour ne pas passer la nuit dehors et
18 ces gens-là n'étaient pas armés.
19 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie. Vous avez dit que 80% des
20 gens avaient quitté le village de Baks et que certaines personnes sont
21 restées pour s'occuper du bétail. Et ensuite, vous avez dit qu'une
22 offensive avait suivi. Est-ce bien exact? Est-ce bien ce que vous avez
23 dit?
24 M. Salihu (interprétation): L'offensive de 1998, justement, c'était cela.
25 Et après cette offensive, les maisons ont été brûlées. Je ne sais pas si
Page 4611
1 tu me comprends ou pas! Les gens ne savaient plus où rentrer.
2 M. Milosevic (interprétation): Moi, je ne veux rien du tout. Je vous
3 interroge simplement au sujet de votre déclaration.
4 M. le Président (interprétation): C'est un dialogue de sourds, c'est
5 évident. Je vous propose donc de passer à une autre question.
6 M. Milosevic (interprétation): Bien.
7 Vous dites que de 180 à 190 personnes ont été tuées dans la zone?
8 M. Salihu (interprétation): A l'offensive de Çiçavica.
9 Question: Sur quelle base faites-vous reposer cette affirmation?
10 Réponse: C'est vrai, c'est exact.
11 Question: Donc vous parlez de l'offensive qui a eu lieu à Çiçavica, des
12 combats?
13 Réponse: Il n'y a pas eu... A Çiçavica, il y a eu seulement l'offensive
14 de... Il n'y a pas eu de combat, c'étaient seulement les attaques de
15 l'armée serbe: pilonnages à 10 kilomètres, à 15 kilomètres de distance au
16 point que le village avait été brûlé. On ne savait plus où rentrer.
17 Comme je l'ai dit tout à l'heure, de Gllogovc, de Skenderaj, ils ont
18 pilonné justement vers Çiçavica. Il n'y a pas eu...
19 Question: Monsieur Salihu, essayons de préciser quelque chose. Il y a
20 quelques instants, vous avez parlé d'une offensive au mont Çiçavica. Est-
21 ce bien exact?
22 Réponse: Oui, c'est cela.
23 Question: Savez-vous que, sur le mont Çiçavica, il y avait un grand nombre
24 de forces de l'UCK? Le savez-vous?
25 Réponse: Ce n'est pas vrai qu'il y a eu des forces de l'UCK au mont de
Page 4612
1 Çiçavica à ce moment-là.
2 Question: Bien. Alors, nous pouvons passer à autre chose parce que,
3 d'après vous, il n'y avait pas de forces de l'UCK à Çiçavica. Bien.
4 Alors, quelles étaient vos sources d'information s'agissant de ce que vous
5 affirmez et de ce que vous nous dites s'être passé au mont Çiçavica?
6 Réponse: Je suis parti moi-même, avec ma famille, avec mes voisins, avec
7 mes neveux et, tous ensemble, nous sommes partis vers ce lieu. Ce sont des
8 choses que j'ai vues de mes propres yeux, que j'ai vécues.
9 Question: Bien. Donc ceci confirme une fois encore, à moins que je ne me
10 trompe, que vous êtes quelqu'un de très bien informé au sujet de tous les
11 événements qui ont eu lieu.
12 Est-ce que l'on peut en arriver effectivement à cette conclusion?
13 M. Salihu (interprétation): Ce que j'ai déclaré, j'ai vécu les événements
14 que j'ai déclarés et je suis sûr de ce que j'ai déclaré ici.
15 M. Milosevic (interprétation): Bien.
16 M. le Président (interprétation): Veuillez nous dire la chose suivante:
17 vous nous avez donné un chiffre de 180 à 190 personnes qui ont été tuées à
18 ce moment-là. Sur quelle base repose ce chiffre?
19 M. Salihu (interprétation): Je le connais ce chiffre parce que ce sont des
20 gens que j'ai enterrés de mes propres mains. A peu près 40 personnes au
21 moins, je les ai enterrées de mes propres mains.
22 M. Milosevic (interprétation): Peut-on continuer?
23 M. le Président (interprétation): Oui.
24 M. Milosevic (interprétation): Bien. Savez-vous, dans ces conditions, que
25 les terroristes de l'UCK présentaient un danger tout particulier dans les
Page 4613
1 attaques menées jour et nuit, et surtout dans le village de Cirez. Etes-
2 vous au courant de cela?
3 M. Salihu (interprétation): Je ne connais pas de terroriste. Je ne connais
4 pas de terroriste, mais les gens de l'UCK n'étaient pas dangereux. L'UCK,
5 c'était la protection du peuple, ils protégeaient le peuple tant qu'ils
6 pouvaient.
7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ça, c'est votre description des
8 choses et de la nature de leurs activités. Moi, je vous demande si vous
9 avez connaissance de ces activités précises qu'ils menaient.
10 M. Salihu (interprétation): L'UCK, je l'ai dit tout à l'heure, les gens de
11 l'UCK, c'étaient les protecteurs du peuple.
12 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, nous aider à
13 comprendre la chose suivante: dans la période dont nous parlons, c'est-à-
14 dire l'automne de 1998, les mois de septembre et octobre, est-ce qu'il y
15 avait des membres de l'UCK à Cirez, oui ou non?
16 M. Salihu (interprétation): A Qirez? Il y en a eu à Qirez. Il y en a eu à
17 Gllogovc. Mais l'UCK -je suis sûr de ce que je dis, je suis convaincu de
18 ce que je dis et c'est pour ça que j'en témoigne-, les gens de l'UCK
19 n'étaient pas des terroristes, ils étaient les protecteurs du peuple.
20 L'unique soutien qu'on avait, c'était les gens de l'UCK.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Moi, je ne vous interroge pas au
22 sujet de votre interprétation de leurs activités. Je vous demande s'ils
23 étaient là, vous avez répondu "oui".
24 Est-ce que le nom de Krasniqi Kapuci vous dit quelque chose?
25 M. Salihu (interprétation): J'en ai entendu parler, mais je ne le connais
Page 4614
1 pas.
2 Question: Bien. Si vous avez entendu parler de cette personne, même si
3 vous ne la connaissez pas personnellement, savez-vous que, dans cette
4 zone, il a tué par exemple des policiers? Savez-vous cela?
5 Réponse: Non, je ne sais pas. Les secrets de l'UCK, je ne sais pas! Je ne
6 sais pas, bien sûr.
7 Question: Et savez-vous qui est Ramush Haradinaj?
8 Réponse: Oui, mais lui, il est de Gjakovë, moi je suis de Drenica: c'est à
9 70 kilomètres. J'ai entendu parler de lui à la télévision. J'ai entendu
10 parler de lui, c'est tout.
11 Question: Et savez-vous que Krasniqi Kapuci, celui dont j'ai parlé tout à
12 l'heure et dont vous avez entendu parler, avec Ramush Haradinaj, savez-
13 vous qu'ils opéraient dans cette région et qu'ils ont commis un certain
14 nombre d'actions au cours desquelles des gens ont trouvé la mort ou ont
15 été enlevés? Le savez-vous ?
16 Réponse: Non, je ne sais pas. Je n'ai aucune information sur cela.
17 M. Milosevic (interprétation): Et avez-vous peut-être vu un livre qu'il a
18 écrit, un dialogue en fait...
19 M. le Président (interprétation): Il ne dispose d'aucune information à ce
20 sujet. Passons à autre chose.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Alors concentrons-nous sur les
22 éléments au sujet desquels il dispose d'informations.
23 Vous avez dit que l'UCK se trouvait dans les villages environnants de
24 Cirez et à Cirez même. Alors, que faisaient-ils concrètement, que
25 faisaient-ils exactement?
Page 4615
1 M. Salihu (interprétation): Le peuple était aidé par ces gens-là. Ils nous
2 ont aidés, ils nous ont soutenus. On n'avait pas d'autre protection, à
3 part l'UCK.
4 Question: Je vous en prie! Moi, je vous demande ce qu'ils faisaient.
5 Réponse: Et je vous dis qu'ils nous aidaient. C'était la protection du
6 peuple.
7 Question: Bien. Alors, expliquez-nous exactement comment ils défendaient
8 le peuple?
9 Réponse: Quand il y avait besoin de nous aider… En effet, ils n'avaient
10 pas de grandes possibilités, car les pilonnages étaient permanents. Et
11 souvent, ils ne pouvaient même pas nous aider parce que la population se
12 trouvait toujours loin de l'UCK. Donc il n'y avait pas de contact entre
13 l'UCK et les civils. A 10 kilomètres ou jusqu'à 15 kilomètres.
14 Question: Bien. Il y a quelques instants, vous avez dit qu'à Cirez -et
15 vous avez parlé d'un autre village d'ailleurs dont le nom a été consigné
16 au compte rendu d'audience, mais là je n'arrive pas à me souvenir du nom
17 de ce village-, en tout cas, vous avez dit que l'UCK était à cet endroit.
18 Or maintenant, vous nous dites qu'ils étaient en dehors du village.
19 Alors, est-ce qu'ils étaient dans le village ou en dehors du village?
20 Réponse: L'UCK se trouvait toujours loin des gens. Je vous ai dit et je
21 vous dis encore: l'UCK, il n'y avait pas de contact entre les gens et
22 l'UCK, enfin entre la population civile et l'UCK. C'était toujours à six
23 kilomètres, dix kilomètres de distance.
24 Question: Bien. Alors ça, ça change un petit peu par rapport à ce que vous
25 avez dit, il y a quelques instants.
Page 4616
1 Dans votre déclaration, vous dites que personne dans votre village n'a été
2 tué. Est-ce bien exact?
3 Réponse: Quoi? Je n'ai pas très bien compris la question. A l'époque, à ce
4 moment-là, personne n'a été tué lors de l'offensive de 1998.
5 M. Milosevic (interprétation): Et d'où sortez-vous ces chiffres de 180 à
6 190 personnes qui auraient été tuées et dont vous nous avez parlé.
7 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu à cette question. Il a
8 dit qu'il avait lui-même enterré 40 de ces personnes.
9 M. Salihu (interprétation): Il y avait là au moins 40 villages qui ont fui
10 l'offensive des Serbes. De Klina, de Gllogovc, de Skenderaj, toutes ces
11 régions, toute la population de ces villages a dû se rassembler au mont de
12 Çicavica.
13 M. Robinson (interprétation): Monsieur Salihu, les personnes que vous avez
14 enterrées, les avez-vous enterrées dans le cadre de vos fonctions d'imam?
15 M. Salihu (interprétation): Non. On était tout un groupe, c'est-à-dire on
16 était tout un groupe d'hommes qui avons…, nous nous sommes occupés des
17 cadavres et on les a enterrés.
18 M. Robinson (interprétation): Merci.
19 M. Milosevic (interprétation): Vous avez enterré des membres de l'UCK qui
20 avaient été tués à Çicavica, est-ce exact ou pas?
21 M. Salihu (interprétation): Ce n'est pas vrai. J'ai enterré des gens, des
22 civils. Le docteur Lec de Gradica, qui était l'un des massacrés au mont de
23 Çicavica, sa main avait été déchiquetée, mais je n'ai pas enterré des
24 membres de l'UCK; il n'y avait pas des personnes tuées de l'UCK. Là, avec
25 nous, il n'y avait que des civils.
Page 4617
1 Question: Il n'y a donc pas de soldats de l'UCK qui étaient morts?
2 Réponse: Non, il n'y avait pas des gens de l'UCK qui ont été tués.
3 Question: Si bien que, dans tous ces villages, il y avait des membres de
4 l'UCK, il y avait une offensive, mais aucun des membres de l'UCK n'a été
5 tué. Cette offensive n'était pas dirigée contre l'UCK, mais contre les
6 civils: est-ce cela que vous nous dites?
7 Réponse: Oui, c'est la vérité.
8 Question: Et à quel endroit ces personnes ont-elles été tuées?
9 Réponse: Ces gens ont été tués lors du chemin entre Gllogovc et Dubofc sur
10 un chemin de 13, c'est-à-dire à une distance de 13 kilomètres.
11 Question: Est-ce que vous avez vu cela de vos yeux, est-ce que vous les
12 avez vues, ces personnes, lorsqu'elles ont été tuées?
13 Réponse: Je vous ai dit que je les ai enterrées! Maintenant elles étaient
14 tuées et après je les ai enterrées, bien sûr. Pas les voir au moment quand
15 elles ont été tuées, c'était impossible. J'en ai vu trois ou quatre au
16 moment où elles ont été tuées. J'ai vu quelqu'un de Kozica, du village de
17 Kozica, lorsqu'il a été coupé au milieu, lorsque son père, en effet, est
18 mort sous le coup des balles, mais lui-même il est vivant encore
19 aujourd'hui.
20 Question: C'est donc ça ce que vous avez vu de vos yeux, de vos propres
21 yeux. Vous avez vu ces deux personnes être tuées lorsqu'un arbre s'est
22 abattu sur elles, est-ce bien exact?
23 Réponse: Non, pas un arbre, mais c'est la grenade qui a coupé l'arbre en
24 deux et son père avait été tué et le petit garçon qui se trouvait dans les
25 bras de son père est encore vivant aujourd'hui. Le petit, il est encore
Page 4618
1 vivant.
2 Question: Oui, oui, je comprends. Ça, c'est ce que vous avez vu de vos
3 yeux?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Bien. Il y a un instant vous avez dit que l'UCK n'a pas été en
6 mesure de défendre les gens parce que nos forces tiraient d'une certaine
7 distance, de loin. C'est bien cela?
8 Réponse: Oui, bien sûr. Ils ont pilonné à 10 kilomètres, 15 kilomètres de
9 distance, à 7 kilomètres de distance. De Gllogovc, de Skenderaj...
10 M. Milosevic (interprétation): Donc affirmez-vous que, pour cette raison,
11 les membres de l'UCK n'ont absolument pas tiré, pas tiré du tout parce
12 qu'ils n'avaient pas sur qui tirer? C'est bien cela?
13 M. Salihu (interprétation): Il n'y a pas eu des gens de l'UCK.
14 Monsieur Milosevic, s'il vous plaît, n'abusez pas de ma déclaration. Il
15 n'y a pas eu de gens de l'UCK. Il n'y a eu que des civils et les
16 pilonnages faits depuis Skenderaj, depuis Gllogovc ont été faits en
17 direction de Çicavica.
18 M. le Président (interprétation): Dans cette période, pour autant que vous
19 ayez pu le constater, l'UCK a-t-elle tiré des coups de feu? Avez-vous vu
20 des coups de feu ou plutôt des membres de l'UCK tirer des coups de feu?
21 M. Salihu (interprétation): Non, il n'y a pas eu de coups de feu.
22 M. Milosevic (interprétation): Donc ils n'avaient pas sur qui tirer parce
23 que, d'après ce que vous dites, nos forces agissaient depuis une certaine
24 distance. C'est bien ce que vous affirmez, n'est-ce pas?
25 M. Salihu (interprétation): Je n'ai pas dit de loin, j'ai dit qu'ils nous
Page 4619
1 ont pilonnés; ils nous ont poussés, entassés au mont de Çicavica. Ils nous
2 ont pilonnés. Ils sont arrivés avec leurs chars jusqu'à côté de chez nous,
3 c'est-à-dire juste… (inaudible).
4 Question: Il y a un instant, vous avez parlé de tranchées qui avaient été
5 creusées. Mais qui a creusé ces tranchées?
6 Réponse: Ce n'est pas vrai, je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'après
7 l'offensive, quand l'attaque, les attaques ont commencé, nous avons
8 enterré, nous avons creusé des tombes pour enterrer les gens.
9 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous ai interrogé au sujet des
10 tranchées dont vous avez parlé il y a quelques instants. Qui a creusé ces
11 tranchées?
12 M. Salihu (interprétation): Personne ne m'a parlé de cela. Il n'y a pas eu
13 de tranchées. On ne m'a pas parlé de tranchées. Je vous ai dit seulement
14 qu'après l'offensive, nous avons enterré les gens. On ne pouvait pas les
15 laisser sur terre, les cadavres! Je vous ai parlé de quelqu'un, de ce
16 docteur, le docteur Les Gradica, qui a été massacré.
17 M. Robinson (interprétation): Monsieur Salihu, avez-vous connaissance d'un
18 moment quelconque dans cette période où des combats se sont produits entre
19 l'UCK et les forces serbes? D'un quelconque moment durant lequel l'UCK et
20 les forces serbes ont été engagées dans des combats?
21 M. Salihu (interprétation): Non, je ne sais pas. A ce moment-là, à
22 l'époque, il n'y a pas eu de combat. L'UCK a essayé, mais ça n'était pas
23 possible car... Et puis il y a eu... Non, non, il n'y a pas eu de combat
24 après l'offensive, il y a eu des... Ça, n'allait pas, donc non, non, il
25 n'y a pas eu de combat.
Page 4620
1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez contre-
2 interrogé ce témoin pendant une demi-heure et nous ne sommes pas allés
3 plus loin que la première page de la déclaration préalable du témoin.
4 Comme vous le savez, dans cette déclaration, figurent des allégations de
5 sévices graves. Le témoin a été présent lors d'une exécution. Il décrit
6 tous ces faits, et si vous voulez contester les dires du témoin, il
7 conviendrait que vous le fassiez dans la demi-heure qui suit, en sortant
8 de ce qui, pour l'instant, n'est que des préliminaires.
9 M. Milosevic (interprétation): Je conteste totalement le contenu de la
10 déclaration du témoin, mais je ne m'attends pas à ce que le témoin admette
11 que ce qui figure dans le texte n'est pas la vérité puisque ici, les
12 témoins qui viennent à la barre disent des contre-vérités telles que, très
13 certainement, quelqu'un leur a conseillé de le faire. Mais bien entendu,
14 je conteste tout cela.
15 M. le Président (interprétation): Ne faites pas un discours. Si vous
16 voulez contester les dires du témoin, si vous voulez affirmer qu'il dit
17 des contre-vérités, il importe de lui soumettre un certain nombre de faits
18 de façon à lui donner la possibilité de s'exprimer. Si vous voulez
19 remettre en cause ce que dit le témoin, il faut lui soumettre certains
20 éléments de façon à ce qu'il puisse répondre. Cela ne sert à rien de faire
21 des discours qui nous sont adressées à nous, les Juges.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien. Il y a un instant, le témoin a
23 dit qu'après l'offensive, l'UCK était très atteinte, en très mauvais état.
24 Est-ce exact?
25 M. Salihu (interprétation): Oui.
Page 4621
1 Question: Et vous avez dit également, à un autre moment, que l'UCK n'a
2 même pas participé à cette offensive. Alors, comment est-ce que l'UCK a pu
3 être frappé au cœur par une offensive à laquelle elle n'aurait pas
4 participé?
5 Réponse: C'est possible parce qu'après les pilonnages de l'armée serbe,
6 ils ne pouvaient plus les affronter, donc ils se sont retirés.
7 Physiquement, ils ne pouvaient plus, mais pourtant l'UCK moralement s'est
8 bien tenue, a résisté; et l'UCK a repris. Moi, ici, je n'étais pas membre
9 de l'UCK et je regrette de ne pas l'être.
10 Je vous prie de lire ma déclaration, de voir ce qui m'est arrivé. Si
11 j'avais un fusil, moi…!
12 M. Milosevic (interprétation): Bon, mais ce n'est pas ce que je vous ai
13 demandé. Je ne vous ai pas demandé si vous regrettiez d'être membre de
14 l'UCK.
15 M. le Président (interprétation): Une personne doit parler à la fois. Ne
16 parlez pas tous les deux en même temps. Quelle était la question?
17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, êtes-vous au courant du
18 fait qu'en 1998, des actions très intensives ont été mises en oeuvre par
19 l'UCK contre la police et contre d'autres citoyens, précisément dans votre
20 région où Sabit Geci de Laushë; Sabit Geci a d'ailleurs été blessé dans
21 votre village. Donc lui et d'autres hommes ont été blessés ou tués au
22 cours de ces attaques terroristes de l'UCK.
23 Etes-vous au courant de ces faits, compte tenu du rôle qu'a joué votre
24 village dans tout cela?
25 Jashari, de Donji Prekaz, a été blessé aussi.
Page 4622
1 M. Salihu (interprétation): Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Sabit
2 n'a pas été blessé au village de Baks. Et je n'ai jamais entendu que
3 Sultan Selimi, comme vous l'appelez, l'ait attaqué. Ou Jashari; je n'ai
4 pas compris le prénom, mais j'ai entendu seulement le nom. Je n'ai jamais
5 entendu parler d'une attaque contre la police ou quoi que ce soit. Je n'ai
6 pas d'information sur cela.
7 (L'interprète n'a pas saisi les noms propres dans la question.)
8 Question: Donc vous ne savez rien sur tout cela?
9 Réponse: Non.
10 Question: Eh bien, ne perdez pas de temps puisque vous ne savez rien! Mais
11 vous rappelez-vous...
12 Réponse: Vous me demandez de ce que j'ai dit, vous me parlez de ce que
13 j'ai déclaré!
14 Question: Eh bien, je vous interroge puisque vous êtes très bien informé.
15 Vous étiez imam, vous connaissiez bien la région.
16 Savez-vous qu'en 1994 déjà, Shefqet Dibrani, un bûcheron de Gradica a subi
17 des sévices avant d'être tué par des membres de l'UCK? Avez-vous entendu
18 parler de lui?
19 Réponse: Shefqet Dibrani, il a été tué par tes chiens! Et non pas par les
20 gens de l'UCK. Il a été tué à Skenderaj. Tu sais très bien qui a tué
21 Shevqet Dibrani, Monsieur Milosevic.
22 M. Milosevic (interprétation): Bon, donc vous êtes au courant de
23 l'assassinat de Shefqet Dibrani, un bûcheron qui avait un emploi dans un
24 service public.
25 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu, inutile de
Page 4623
1 continuer. Avançons.
2 M. Milosevic (interprétation): Vous rappelez-vous le moment où ces mêmes
3 terroristes ont maltraité Halim Halili, et son père Hasan, des
4 agriculteurs de Cirez? Etes-vous au courant de cela?
5 M. Salihu (interprétation): Oui, je sais.
6 Question: Pouvez-vous me dire combien de jeunes gens l'UCK a recrutés dans
7 les villages de Cirez et de Baks?
8 Réponse: Dans...
9 Question: Combien de recrues a-t-elle faites?
10 Réponse: Dans le village de Baks, il y a eu sept membres de l'UCK; dans le
11 village de Cirez, il y en a eu quatre, d'après ce que je sais.
12 Question: Onze seulement, pas plus?
13 Réponse: D'après ce que je sais, sept seulement.
14 Question: Ils ont été recrutés sous la contrainte, n'est-ce pas, par
15 l'UCK? C'est exact ou pas?
16 Réponse: Non sous la contrainte. Je vous ai dit, moi, je regrette le
17 souhait que j'ai toujours eu, ce que j'ai toujours souhaité, c'est d'avoir
18 été membre de l'UCK, mais je n'avais pas cette chance de devenir membre de
19 l'UCK.
20 Question: Bon, ce n'est pas cela que je vous demande. Mais vous affirmez,
21 n'est-ce pas, qu'ils n'ont pas été recrutés sous la contrainte, de force?
22 Réponse: Non.
23 Question: Est-il exact qu'en tant qu'imam, vous transmettiez le message
24 d'Allah, le message de la Guerre sainte à ces mêmes soldats? C'est exact
25 ou pas?
Page 4624
1 Réponse: Non, non, ce n'est pas vrai.
2 Question: Est-il exact...
3 Réponse: Non!
4 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact qu'en 1994, un accord a été
5 conclu par les imams, accord selon lequel ils décidaient de permettre à la
6 population de faire serment devant les autorités publiques, serment y
7 compris mensonger, car c'était dans l'intérêt de la population albanaise?
8 Ceci est-il exact ou pas que cet accord a été conclu?
9 M. Salihu (interprétation): Non, ce n'est pas vrai. J'ai déclaré et je
10 déclare ce que je re-déclare: ce que j'ai donc raconté ici dans ma
11 déclaration, c'est vrai à 200%.
12 Mais M. Milosevic ne me pose pas des questions sur la déclaration que j'ai
13 faite ici parce que, lorsque j'ai été pris...
14 M. le Président (interprétation): Essayez de répondre aux questions, si
15 vous voulez bien.
16 M. Milosevic (interprétation): Bon, donc vous n'êtes absolument pas au
17 courant du fait que les hodja ont convenu qu'ils pouvaient mentir à leurs
18 fidèles. Vous n'êtes pas au courant de cela, n'est-ce pas?
19 M. le Président (interprétation): Il a dit que ce n'était pas vrai, c'est
20 donc inutile de continuer à l'interroger là-dessus.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien, bien. Dans votre déclaration, vous ne
22 donnez aucune explication au sujet de la période qui va de septembre 1998
23 à mars 1999.
24 Où étiez-vous pendant cette période et que faisiez-vous?
25 M. Salihu (interprétation): Lors de cette période, je me trouvais dans mon
Page 4625
1 village. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait 20 à 30 personnes.
2 L'OSCE nous a aidés à cette époque, nous a donné des tentes, juste pour
3 nous installer dans le village, pour ne pas coucher dehors. Donc on est
4 restés là jusqu'au 30 avril, le 29 avril, lorsqu'il y a eu la deuxième
5 offensive, je peux dire une des offensives les plus difficiles au Kosovo,
6 dans la plaine appelée "la plaine du pommier".
7 Question: Donc vous étiez dans votre village pendant toute cette période?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Bon. Mais vous affirmez, vous prétendez avoir été arrêté dans la
10 forêt, le 29 avril, dans un triangle constitué entre le village de Baks,
11 Vrbovac et Cirez?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Vous dites que 11 autres personnes ont été arrêtées en même
14 temps que vous et que toutes ces personnes étaient membres de votre
15 famille? C'est bien cela?
16 Réponse: Oui.
17 M. Milosevic (interprétation): S'il s'agissait de membres de votre
18 famille, comment se fait-il que vous ignoriez le nom de trois de ces
19 personnes?
20 M. Salihu (interprétation): Les trois noms, je ne les ai pas dits parce
21 qu'ils n'étaient pas de mon village et je ne connaissais pas leurs noms.
22 J'ai cité seulement le nom de leurs villages. On savait de quel village
23 ils venaient. Parce que nous, ce jour-là, lorsqu'on s'est trouvés dans la
24 plaine du pommier, entourés par le village de Baks et Qirez, Peqani,
25 Glogar, Studica, Vërbova, cet endroit-là s'appelait Fusha e Mollës, la
Page 4626
1 plaine du pommier. Et ce jour-là...
2 M. le Président (interprétation): Interrompez-vous là, s'il vous plaît.
3 Monsieur Milosevic, poursuivez vos questions.
4 M. Milosevic (interprétation): Donc, avez-vous été arrêtés dans le village
5 ou au milieu de la forêt? Vous avez affirmé avoir été arrêtés au milieu de
6 la forêt et maintenant vous dites que c'était dans le village. Alors, où
7 avez-vous été arrêtés: dans le village ou dans la forêt?
8 M. Salihu (interprétation): Je n'ai pas dit au village, j'ai dit à
9 l'endroit appelé Fushë Mollo, la plaine du pommier. Nous avons été tous
10 entassées là, tous les villages, tous les habitants des villages que j'ai
11 cités tout à l'heure. Nous nous sommes rassemblés, des hommes, des femmes,
12 des jeunes, des vieillards, des enfants. On s'est tous retrouvés à cet
13 endroit.
14 Question: Bon, vous avez répondu à la question. Et une fois qu'on vous a
15 arrêtés, où vous a-t-on emmenés?
16 M. Salihu (interprétation): Ensuite, ils nous ont emmenés à la mosquée du
17 village de Qirez qui, aujourd'hui, n'existe plus; elle est détruite.
18 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais si vous aviez été arrêté et si
19 l'on vous a emmené jusqu'à la mosquée du village de Cirez, comment avez-
20 vous pu être informé de ce qui s'est passé le 29 avril, puisque vous étiez
21 en état de détention?
22 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas cette question. Je ne la
23 comprends pas. Que voulez-vous dire?
24 M. Milosevic (interprétation): La question que je pose est la suivante:
25 cet homme ayant été arrêté et emmené à la mosquée, comment pouvait-il
Page 4627
1 savoir ce qui s'est passé ce jour-là puisqu'il n'était pas sur les lieux
2 où ces choses se sont passées?
3 M. le Président (interprétation): A quel passage de la déclaration du
4 témoin faites-vous référence? Voyons, voyons cette question d'un peu plus
5 près.
6 M. Milosevic (interprétation): Il y a deux déclarations de ce témoin. Il
7 parle d'un certain nombre d'événements.
8 M. le Président (interprétation): Je vous cite un passage -je cite-: "Le
9 vendredi 29 avril, une nouvelle offensive serbe très importante a commencé
10 contre toute la région. Cette offensive a duré trois jours. Différents
11 secteurs ont été attaqués jour après jour, l'un après l'autre." (Fin de
12 citation.)
13 Est-ce bien ce passage auquel vous faites référence? La question que l'on
14 vous pose, Monsieur le Témoin, est la suivante: si vous étiez dans la
15 mosquée, comment avez-vous pu savoir ce qui se passait ailleurs?
16 M. Salihu (interprétation): C'était le 29 avril, ils nous ont emmenés à la
17 mosquée. Nous avons passé la nuit dans la mosquée. Le lendemain, le jour,
18 on a revu l'endroit où ils nous avaient arrêtés. Le matin, il y a eu trois
19 jeeps, trois à quatre jeeps avec des militaires serbes et ils nous ont
20 fait sortir. On était 176 personnes dans la mosquée. Ils nous ont fait
21 sortir de la mosquée, ils nous ont conduits, ils nous ont emmenés à
22 Gllogovc. Avant d'arriver à Gllogovc, à l'endroit appelé Shavari, trois
23 camions sont arrivés et ils nous ont fait monter dans le camion. Des
24 personnes sont encore restées dans la mosquée. A Shavari, 32 personnes: on
25 les a fait descendre et ils les ont exécutées; ça, je l'ai vu de mes
Page 4628
1 propres yeux. L'exécution a eu lieu à Shavari.
2 M. le Président (interprétation): C'est ce que vous avez vu vous-même et
3 vécu en personne?
4 M. Salihu (interprétation): Oui, j'étais là, j'étais présent.
5 M. le Président (interprétation): Oui, mais y a-t-il autre chose, y a-t-il
6 d'autres éléments dont vous auriez eu connaissance.
7 Vous dites que l'offensive a duré trois jours et que les différents
8 secteurs ont été attaqués l'un après l'autre, jour après jour. Sur quoi
9 vous fondez-vous pour dire cela?
10 M. Salihu (interprétation): Quand on est allés à Shavari et quand on est
11 allés à Gllogofc, j'en ai entendu parler. Ils nous ont gardés dans une
12 salle de cinéma. Le troisième jour, on entendait les coups de feu. Ils ont
13 fait venir un autre groupe de là à Gllogofc. Et ils nous ont racontés que
14 l'offensive était continue: c'était son troisième jour.
15 M. le Président (interprétation): Oui.
16 M. Milosevic (interprétation): Merci de me donner enfin la parole.
17 Mais, Monsieur le Témoin, qui se battait, puisque vous avez dit qu'il y
18 avait encore des combats?
19 M. Salihu (interprétation): Il n'y a pas eu de combat. Personne n'a lutté,
20 il n'y a eu que des civils, des enfants de 5 mois, de 10 ans, des
21 vieillards de 80 ans ont été tués.
22 Question: Ecoutez, je vous en prie, vous venez de dire à l'instant: "ils
23 étaient encore en train de se battre, ils se battaient encore." A ce
24 moment-là, je vous demande: qui se battait? Et vous répondez
25 immédiatement: il n'y avait pas de combat.
Page 4629
1 Ils se sont battus ou ils ne se sont pas battus, oui ou non? Ne perdons
2 pas de temps!
3 Réponse: Il n'y a pas de combat. Je vous ai dit, il y a eu une attaque
4 contre les civils. Il n'y a pas eu de combat. Je vous ai dit qu'on était
5 avec les membres de nos familles.
6 Question: Bon, bon, cette explication, je la connais très bien. On
7 l'entend tout le temps ici. D'après ces explications, l'UCK ne s'est pas
8 battue du tout.
9 Mais, je vous en prie, vous affirmez que l'on vous a emmené jusqu'à...
10 Réponse: (Inaudible.)
11 M. Milosevic (interprétation): Donc vous affirmez qu'ils n'avaient pas
12 besoin de se battre?
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Salihu, nous vous prions de
14 bien vouloir attendre jusqu'à la fin de l'interprétation, sinon vous posez
15 des problèmes aux interprètes.
16 M. Milosevic (interprétation): Le problème, c'est que le témoin connaît le
17 serbe et qu'il veut répondre tout de suite. Il n'a pas envie d'attendre la
18 fin de toutes ces manœuvres.
19 Vous affirmez qu'on vous a emmenés, n'est-ce pas, Monsieur le Témoin,
20 jusqu'à un pré, jusqu'à un champ, que là on vous a frappés et, selon ce
21 que vous affirmez, ils avaient l'intention de vous tuer avec un char, en
22 vous passant sur le corps avec un char. Et puis, parce que les avions de
23 l'OTAN sont arrivés, ils n'ont pas mis le char en mouvement et ils se sont
24 enfuis à l'arrivée des avions de l'OTAN, ce qui signifie qu'à ce moment-
25 là, vous étiez libres puisque nos soldats avaient fui.
Page 4630
1 C'est exact, n'est-ce pas, c'est cela ou ce n'est pas cela?
2 Vous dites que les soldats serbes se sont dispersés, se sont enfuis dans
3 la forêt...
4 M. le Président (interprétation): Laissez-le répondre à la question qui
5 lui a été posée.
6 M. Salihu (interprétation): Lorsqu'ils nous ont arrêtés, nous étions 60,
7 65 personnes. Ils nous ont obligés à nous coucher par terre, ils nous ont
8 battus, ils nous ont passés à tabac et l'un de leur chef leur a dit de
9 nous pousser par derrière.
10 M. Milosevic (interprétation): Mais ce n'est pas ce que je vous demande.
11 Ma question portait sur autre chose.
12 M. le Président (interprétation): Laissez-le donner ses explications.
13 Monsieur le Témoin, que s'est-il passé à l'arrivée des avions?
14 M. Salihu (interprétation): Un ordre est donné au char de nous rouler
15 dessus, mais à ce moment-là, grâce à dieu et grâce à l'OTAN, le char a
16 changé de direction et nous avons échappé; et on n'a pas été écrasés par
17 le char.
18 Et après cela, on nous a emmenés, on nous a mis directement dans la
19 mosquée.
20 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que les soldats avaient pris
21 la fuite vers la forêt, que vous êtes restés seuls sur ce pré.
22 M. Salihu (interprétation): Je n'ai pas parlé de cela. L'armée était tout
23 autour. On nous surveillait avec des armes dressées contre nous, dirigées
24 contre nous.
25 Et après cela, il nous ont pris et ils nous ont emmenés directement à la
Page 4631
1 mosquée.
2 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, que les choses soient
3 claires: ils voulaient vous tuer en vous passant sur le corps avec des
4 chars et, comme les avions sont arrivés, ils se sont enfuis vers la forêt;
5 donc à ce moment-là, vous étiez seuls. Mais est-ce qu'ils sont revenus
6 ensuite?
7 M. Salihu (interprétation): S'il vous plaît, Monsieur Milosevic, ne
8 compliquez ma déclaration.
9 Je vous ai dit le char a changé de direction. L'armée était juste à côté
10 de nous, à trois mètres de nous.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Salihu, je vais donner lecture
12 de ce qui figure dans votre déclaration pour être juste à l'égard de
13 l'accusé -je cite-: "L'homme responsable de l'unité paramilitaire a donné
14 l'ordre au chauffeur, à celui qui conduisait le char, de démarrer le
15 moteur et de nous passer sur le corps. Nous étions alignés sur deux rangs
16 et le char a manoeuvré dans notre direction.
17 A ce même moment, des avions de l'OTAN sont arrivés et ont fait des
18 cercles au-dessus de cette zone. Toutes les forces serbes se sont enfuies
19 dans les bois, y compris celui qui conduisait le char. Les avions de
20 l'OTAN sont restés dans l'air dix minutes.
21 Au départ des avions, nous avons reçu l'ordre de marcher en direction de
22 Qirez. Le char est parti dans la direction de Shtutica. Il nous a fallu
23 marcher avec les mains sur la nuque." (Fin de citation)
24 Alors, la question qui vous a été posée est la suivante: comment se fait-
25 il, si les forces serbes se sont enfuies en courant vers les bois, que
Page 4632
1 vous ayez reçu l'ordre de marcher vers Cirez?
2 M. Salihu (interprétation): Ils étaient à trois mètres de nous, jusqu'à
3 cinq mètres, trois à cinq mètres de nous. L'armée était à côté de nous.
4 Ils ont essayé de se cacher, de se protéger des avions de l'OTAN qui
5 survolaient. Nous étions des prisonniers, à ce moment-là, nous étions des
6 prisonniers.
7 M. Milosevic (interprétation): Cela s'est-il passé au cours de la matinée?
8 Réponse: Oui, vers une heure, deux heures de l'après-midi.
9 Question: Vers midi donc, c'est-à-dire en pleine journée. Les chars serbes
10 se déplacent, les avions de l'OTAN volent là-haut et ils ne voient pas les
11 chars serbes en mouvement? C'est ça que vous affirmez?
12 Réponse: Oui. Je ne sais pas s'ils les ont vus ou pas. On a vu les avions
13 survoler. Je ne sais pas s'ils ont vu les chars ou pas. Moi, je remercie
14 tout simplement que les avions de l'OTAN soient passés juste à ce moment-
15 là sur nous.
16 M. Milosevic (interprétation): Il est évident qu'ils n'ont pas réussi à
17 voir ce char; c'est bien ce que vous affirmez, n'est-ce pas? En pleine
18 journée, à midi, les avions n'ont pas réussi à voir le char?
19 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question à laquelle le
20 témoin peut répondre. Il a dit ce qu'il avait à dire dans sa déposition.
21 Il ne peut pas en dire plus.
22 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas ce qu'un expert militaire
23 dirait de cette déposition.
24 Monsieur le Témoin, combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver
25 jusqu'à Shavari?
Page 4633
1 M. Salihu (interprétation): Pour arriver jusqu'à la mosquée de Qirez, on a
2 parcouru cinq kilomètres. On a passé la nuit à la mosquée. La mosquée
3 était complètement détruite, incendiée. Il n'y avait que les murs.
4 Question: Oui, mais ce n'est pas ma question. Il nous faut gagner un peu
5 de temps. Donc je voudrais savoir si vous vous êtes déplacés en camion ou
6 à pied?
7 Réponse: Je suis en train de te le dire. Donc de Fushë Mollo jusqu'à la
8 mosquée, à pied. De la mosquée jusqu'à Shavari, en camion. De Shavari,
9 ensuite à nouveau en camion jusqu'à Gllogofc.
10 Question: Bien. Nous en sommes maintenant arrivés à la question que je
11 vous avais posée au début et à laquelle vous n'avez pas répondu. Donc
12 Shavarina-Glogovac, vous y êtes allés en camion, c'est cela?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce qu'il y avait des bâches sur ces camions? C'étaient des
15 camions qui étaient ouverts?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Et en plus de vous-même, combien y avait-il d'autres personnes
18 dans le camion?
19 Réponse: Dans mon camion, il y avait aussi 22 personnes. En tout, on était
20 23. Et les trois autres, les trois camions avaient en tout 20 à 30
21 personnes chacun.
22 M. Milosevic (interprétation): Et combien y avait-il de camions en tout?
23 M. Salihu (interprétation): En tout, il y avait trois camions. Ce que l'on
24 a fait, le premier parcours: depuis la mosquée de Qirez jusqu'à Shavari.
25 Mais d'autres personnes sont encore restées dans la mosquée. Alors, les
Page 4634
1 gens qui se trouvaient dans l'un des trois camions ont été exécutés. Il y
2 avait à peu près 30, 32 personnes dans ce camion. On les a fusillées et
3 ça, je l'ai vu de mes propres yeux.
4 Le deuxième camion, les gens se trouvant dans le deuxième et dans le
5 troisième camion, on les a emmenés à Gllogofc. Ensuite, il y a eu une jeep
6 de Gllogofc qui est arrivée. Ils ont parlé entre eux et les gens du
7 deuxième et troisième camion, on les a emmenés à Gllogofc, dans la salle
8 de cinéma.
9 M. le Président (interprétation): Il convient de répondre succinctement
10 aux questions, car nous n'avons pas un temps illimité à notre disposition.
11 M. Milosevic (interprétation): Et à quelle distance les camions étaient-
12 ils les uns des autres?
13 M. Salihu (interprétation): La distance normale! Moi, je n'avais pas un
14 mètre pour mesurer la distance, mais je ne sais pas. Quelque 10 ou 15
15 mètres de distance, l'un de l'autre.
16 Question: Et dans quel camion vous trouviez-vous dans cette ligne de
17 camions?
18 Réponse: Je me trouvais dans le troisième camion.
19 Question: Et vous dites que, dans chacun des camions, il y avait environ
20 20 personnes et que tous ces camions étaient des camions ouverts?
21 Réponse: J'ai dit que, dans chaque camion, il y avait entre 20 et 30
22 personnes. Et les camions étaient ouverts.
23 Question: Pourquoi utiliser tant de camions, alors qu'il n'y avait que 20
24 personnes dans chaque camion?
25 Réponse: Parce que, en tout, il y avait 170 personnes, Monsieur. Et
Page 4635
1 d'autres personnes sont encore restées à la mosquée. Et c'était notre
2 groupe de 160 ou 65 personnes qui...
3 Question: Moi, je parle des gens dans les camions. Et de quel camion a-t-
4 on fait descendre ces personnes dont vous affirmez qu'on les a abattues?
5 Réponse: Oui, du premier camion. Du premier camion, tous les gens qui se
6 trouvaient dans le premier camion, on les a fait descendre; on les a mis
7 sur trois rangs. Et des militaires serbes avec des armes automatiques les
8 ont fusillés, l'un après l'autre. Je les ai vus de mes propres yeux.
9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Abdullah, vous ne voulez pas dire
10 quand même qu'ils ont été tués au moyen de mortier? Ils n'ont vraiment
11 sans doute pas été abattus de la sorte? Et sur un camion qui contenait 20
12 à 30 personnes, il n'est pas possible qu'ils aient fait descendre une
13 trentaine de personnes. Est-ce que vous êtes en train de réaliser ce que
14 vous êtes en train de dire?
15 M. Salihu (interprétation): Je comprends très bien, mais c'est toi qui ne
16 comprends pas! Moi, j'ai vécu cette histoire!
17 M. le Président (interprétation): Un instant! Est-ce que vous avez parlé
18 de mortier? Parce que c'est la traduction que nous avons eue.
19 M. Salihu (interprétation): Je parle de mortier à la fin de la
20 déclaration. C'est juste à la fin. Après les avoir fusillés, ils ont donc
21 tiré un coup de mortier. Mais je n'ai pas encore parlé de mortier. Mais le
22 mot "mortier" existe dans ma déclaration.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous en êtes arrivé
24 à la fin du temps qui vous était imparti. Vous pouvez encore poser deux ou
25 trois questions au témoin.
Page 4636
1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Après cela, je me demande si j'ai
2 vraiment encore besoin de poser des questions!
3 Mais pouvez-vous me donner le nom des personnes qui ont été exécutées,
4 puisqu'il s'agit de personnes qui sont toutes venues de votre village?
5 M. Salihu (interprétation): Oui, je peux le dire. Quelques-uns, je ne me
6 rappelle pas. Les trois premiers, dont les cadavres ont été même brûlés,
7 aujourd'hui, on a trouvé les endroits où on a trouvé leurs cadavres
8 brûlés: Sejdi Osmani, Zeqiri. Leurs cadavres ont été brûlés.
9 Question: Ça, c'est nouveau. S'il vous plaît, dans votre déclaration, vous
10 affirmez que les gens ont été tués...
11 Réponse: Je ne les ai pas mentionnés dans mes déclarations, mais tu m'as
12 parlé des gens de mon village. Il y a eu 38 personnes de mon village qui
13 ont été tuées. Ça ne se trouve pas dans ma déclaration, mais on ne me l'a
14 pas demandé. C'est pour ça. Et j'ai parlé de mon village. On m'a posé des
15 questions sur mon village, j'ai parlé de ça.
16 Question: Sur 34 personnes tuées venant de votre village, combien étaient
17 membres de l'UCK? Je parle de ces 38 personnes tuées? Combien étaient
18 membres de l'UCK?
19 Réponse: Il n'y avait pas de membres de l'UCK! Un enfant de 2 ans, un
20 enfant de 6 ans ne peuvent pas être des membres de l'UCK. Un vieillard de
21 80 ans ne peut pas être un membre de l'UCK.
22 Question: Bien. Maintenant, s'agissant de l'exécution dont vous nous avez
23 parlé, vous affirmez dans votre déclaration, et je vais vous rafraîchir la
24 mémoire, vous dites que les gens ont été tués chacun au moyen de trois ou
25 quatre balles, et ils ont été tués un par un. C'est ce que vous dites?
Page 4637
1 Réponse: Oui, c'est cela.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais il y a quelques instants, vous avez
3 dit qu'ils ont tous été tués avec des tirs de mitraillette, avec un
4 mortier, etc. Et puis, vous nous avez dit que leur corps ensuite ont été
5 brûlés?
6 M. Salihu (interprétation): Je vous prie, Monsieur! Je vous ai dit qu'ils
7 ont été tués, non pas par des coups de rafale, mais par des coups de tirs
8 successifs. Après avoir effectué cette exécution, ils ont lancé une
9 grenade. Je n'ai pas... C'est quelque chose que j'ai vu de mes propres
10 yeux!
11 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant en terminer du
12 contre-interrogatoire. Est-ce que vous souhaitez poser des questions,
13 Monsieur Kay?
14 M. Milosevic (interprétation): Bien.
15 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au témoin, M. Abdullah Salihu.)
16 M. Kay (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
17 Monsieur Salihu, vous avez dit à la Chambre que le 29 avril, suite à une
18 offensive serbe, vous avez quitté votre zone de résidence. Est-ce exact?
19 Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît.
20 M. Salihu (interprétation): Oui.
21 Question: Je souhaiterais vous interroger au sujet de ce qui s'est passé
22 la veille parce que, dans votre déclaration, vous déclarez que le jeudi 28
23 avril, les avions de l'OTAN ont attaqué l'usine Ferronickel à Gllogofc?
24 Réponse: Oui, il y avait des Serbes. Et eux, ils ont été attaqués par
25 l'OTAN.
Page 4638
1 Question: Etiez-vous à ce moment-là dans votre village, le village de
2 Baks?
3 Réponse: Non, je me trouvais dans Fushë e Mollës. C'est à deux kilomètres,
4 deux, trois kilomètres. Fushë e Mollës se trouve à deux, trois kilomètres
5 de Baks.
6 Question: Avez-vous été en mesure de voir les avions de l'OTAN bombarder
7 ces usines?
8 Réponse: Nous avons vu seulement la fumée, les fumées. Parce que c'était…
9 L'endroit où on se trouvait, c'était un peu difficile. Et l'usine se
10 trouvait à sept ou huit kilomètres de là où l'on se trouvait, nous.
11 Question: Les usines Ferronickel sont-elles situées près du centre de la
12 ville de Gllogofc, près de la gare ferroviaire?
13 Réponse: Plus au nord, oui. Près… Au nord de cela.
14 Question: Avez-vous été en mesure de voir quelles ont été les conséquences
15 de ce pilonnage, quels dégâts ont été causés dans la ville?
16 Réponse: Parce que nous nous trouvions derrière une côte, donc on a vu
17 seulement les fumées sortir.
18 Question: Etes-vous allés près de cette zone après que vous êtes partis,
19 le 29 avril?
20 Réponse: Oui, oui, c'est en camion, lorsqu'on nous a emmenés de la mosquée
21 à Shavari.
22 M. Kay (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions.
23 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Abdullah Salihu,
24 par M. Saxon.)
25 M. Saxon (interprétation): Monsieur Salihu, M. Kay vous a posé une
Page 4639
1 question au sujet du 28 avril, jour où les avions de l'OTAN ont attaqué
2 les usines Ferronickel et vous avez dit quelque chose que je souhaiterais
3 que vous précisiez, si c'est possible.
4 Vous avez dit qu'il y avait là des Serbes; c'est ce que vous avez dit:
5 vous avez dit qu'il y avait des Serbes dans cette usine. Qu'entendiez-vous
6 exactement par là en disant qu'il y avait des Serbes là?
7 M. Salihu (interprétation): Il y a eu des chars, de l'artillerie serbe,
8 parce que l'artillerie la plus importante, les Serbes l'a gardée dans des
9 endroits où il y avait de grands objets, comme les usines ou des choses
10 comme cela.
11 Question: Ces chars, ces pièces d'artillerie se trouvaient dans les usines
12 Ferronickel, c'est cela?
13 Réponse: Lorsque l'OTAN a bombardé, je ne sais pas s'il y en avait à
14 l'intérieur ou pas, je n'en suis pas sûr. Mais avant que l'OTAN commence
15 les bombardements, il y avait des chars.
16 Question: Je souhaiterais demander l'aide de la Greffière d'audience et de
17 l'huissier. Je souhaiterais que l'on place sur le rétroprojecteur la pièce
18 18, un montage de photographies.
19 Pendant que l'on procède à cela, Monsieur Salihu, je voudrais vous poser
20 la question suivante: l'accusé vous a interrogé au sujet de ce qui s'était
21 passé à ce Shavari, le 30 avril, lorsque ces hommes ont été exécutés. Vous
22 dites que trois camions sont arrivés à la mosquée, que ces trois camions
23 avaient transporté ensuite des hommes jusqu'à Shavari.
24 Réponse: Oui.
25 Question: Et que 30 hommes se sont vu donner l'ordre de descendre du
Page 4640
1 camion?
2 Réponse: Oui.
3 Question: J'aimerais que l'huissier place les photographies en question
4 sur le rétroprojecteur afin que le témoin puisse les examiner.
5 (Intervention de l'huissier.)
6 Monsieur Salihu, je vais vous demander, s'il vous plaît, de regarder les
7 feuilles de papier où il y a des photographies qui se trouvent à gauche de
8 vous-même. Veuillez regarder les photographies elles-mêmes et non pas
9 l'écran. Merci.
10 Veuillez, s'il vous plaît, nous dire si, sur cette planche de
11 photographies, vous voyez un véhicule qui ressemble au camion dans lequel
12 ces hommes ont été transportés à Shavari ce jour-là. Il y a plusieurs
13 planches de photographies. Donc il sera peut-être nécessaire que vous les
14 feuilletiez.
15 Réponse: Celui-là.
16 Question: Et c'est quel numéro, Monsieur Salihu, s'il vous plaît?
17 Réponse: C'est le n°8.
18 M. Saxon (interprétation): Je n'ai plus de question à poser au témoin,
19 Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Salihu, nous en sommes arrivés
21 au terme de votre déposition. Je vous remercie d'être venu ici au Tribunal
22 pénal international et vous pouvez maintenant quitter le prétoire.
23 M. Salihu (interprétation): C'est moi qui vous remercie et qui m'avait
24 donné la possibilité de raconter ce que j'ai vécu.
25 (Le témoin, M. Abdullah Salihu, est reconduit hors du prétoire.)
Page 4641
1 (Questions relatives à la procédure.)
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld?
3 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
4 Juges.
5 Notre témoin suivant figure actuellement sur la liste sous le pseudonyme
6 de K4. Je crois que mes collègues vous ont fait savoir que ce témoin ne
7 demande plus à bénéficier de mesures de protection et, en conséquence, il
8 va déposer en direct, si je puis dire, sans mesure de protection, sous
9 réserve de la décision quant à la requête que nous avons faite pour qu'il
10 dépose en vertu de l'Article 92bis.
11 Je ne sais pas si la Chambre a eu la possibilité de décider s'il convenait
12 ou non d'accepter sa déposition aux termes de l'Article 92bis? Je serais
13 reconnaissant à la Chambre de me dire ce qu'il en est.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay?
15 M. Kay (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
16 Nous avons reçu hier soir, par fax, un mémo émanant du Greffe nous
17 indiquant que ce témoin déposerait en vertu de l'Article 92bis et qu'il
18 conviendrait de présenter une attestation le concernant. Il figure sur le
19 document qui a été déposé par l'accusation le 2 mai.
20 Il y a une annexe A; je pense que vous connaissez fort bien cette annexe.
21 Il y figure un grand nombre de témoins, le reste des témoins que l'accusé
22 entend citer dans le cadre de la présentation de ses moyens au sujet de
23 cette partie de l'Acte d'accusation conjoint. Il figure dans cette liste.
24 Il est présenté comme un témoin dont l'accusation souhaiterait présenter
25 la déposition en vertu de l'Article 92bis. Les amis de la Chambre sont
Page 4642
1 encore en train d'examiner cette requête. Cela représente beaucoup de
2 travail. Il s'agit pour nous d'évaluer les témoins, leur déposition et
3 d'en arriver à la conclusion si cette manière de procéder est adéquate ou
4 non.
5 J'ai eu la possibilité de lire la déclaration du Témoin K4. C'était un
6 homme qui était un homme de l'intérieur, si je suis dire. C'est un
7 militaire qui nous donne un grand nombre de détails sur ce qu'il dit
8 s'être passé au Kosovo à ce moment-là. Il était même au sein de l'armée
9 pendant la période concernée.
10 Il est possible que les Juges de la Chambre n'aient pas eu le temps de
11 lire la déclaration. Je ne sais pas.
12 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons lu la déclaration, il
13 est vrai qu'elle est très détaillée. Mais la plupart de ces détails ont
14 trait à une seule municipalité et aux activités qui s'y sont déroulées. Il
15 parle également d'un massacre précis, d'une exécution. Il évoque également
16 d'autres sujets.
17 M. Kay (interprétation): Oui, il donne des informations générales au sujet
18 de l'implication des unités paramilitaires et de l'implication d'autres,
19 de tiers, dans les activités qui ont eu lieu dans cette région.
20 Si la Chambre permet l'invocation de l'Article 92bis pour ce témoin, eh
21 bien, il est possible que l'accusé aura beaucoup de questions à poser qui
22 dépasseront l'heure qui lui a été autorisée précédemment parce qu'il y a
23 beaucoup de questions qui se posent.
24 M. le Président (interprétation): Oui, c'est quelque chose qu'il
25 conviendra de prendre en compte.
Page 4643
1 M. Kay (interprétation): Oui, j'évoque la question parce que je me demande
2 si la Chambre souhaiterait que le témoin soit entendu en vertu de
3 l'Article 92bis. En effet, il s'agit d'un témoin qui a peut-être plus
4 d'importance s'agissant des allégations qui figurent dans l'Acte
5 d'accusation contre l'accusé. Je me demande s'il convient de l'entendre en
6 vertu de cet Article parce que cela peut peut-être susciter un certain
7 nombre de préoccupations.
8 (Les Juges se concertent.)
9 M. le Président (interprétation): Nous allons accepter le versement au
10 dossier de la déclaration de ce témoin aux termes de l'Article 92bis
11 puisqu'il nous parle d'une seule municipalité, essentiellement, bien qu'il
12 soit vrai que le témoin aborde d'autres questions relatives à
13 l'organisation de la VJ et du MUP.
14 Mais il s'agit ici de moyens de preuve de nature cumulative puisque
15 d'autres témoins nous en ont déjà parlé ou vont nous en parler puisqu'on
16 parle ici de Djakovica.
17 Cependant, il est vrai, Monsieur Ryneveld, que, lorsqu'il s'agira de ces
18 témoins de l'intérieur, nous allons systématiquement nous demander s'il
19 convient d'utiliser l'Article 92bis. Et peut-être vous aussi, pourrez-vous
20 réfléchir à la question. Je sais bien qu'il convient que le procès se
21 déroule rapidement, mais il faut tenir ce genre de choses à l'esprit.
22 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait. Vous savez, vous devez savoir
23 que nous sommes prêts à entendre les témoins directement dès que c'est
24 possible mais, étant donné les limites de temps qui sont les nôtres et la
25 date butoir qui nous a été fixée, nous devons utiliser tous les moyens
Page 4644
1 appropriés qui sont à notre disposition pour présenter les éléments de
2 preuve de façon la plus équitable possible à la Chambre.
3 Pour ce témoin, nous avons estimé qu'il était approprié de l'entendre en
4 vertu de l'Article 92bis. Mais cela signifie que, peut-être pour d'autres,
5 il conviendra de réévaluer cela.
6 M. le Président (interprétation): L'autre question, ce sera le temps
7 imparti à l'accusé pour le contre-interrogatoire, étant donné la nature et
8 l'ampleur de la déposition du témoin.
9 M. Ryneveld (interprétation): Oui, et je souhaiterais demander votre
10 indulgence pour ce témoin, indulgence quant aux cinq minutes qui
11 normalement me sont attribuées pour présenter les témoins en vertu de
12 l'Article 92bis, parce que je vais présenter un certain nombre de pièces à
13 conviction, qui sont en annexe à sa déposition, et je souhaiterais
14 demander au témoin de me donner quelques explications à ce sujet:
15 l'origine de ces documents, etc. Car, sans explication aucune, je pense
16 que la Chambre aura peut-être un petit peu de mal à comprendre
17 l'importance de ces documents. Je parle ici exclusivement des deux cartes.
18 M. le Président (interprétation): Oui, des explications au sujet des
19 cartes.
20 L'autre question...
21 Un instant, Monsieur Milosevic.
22 L'autre chose, c'est que, demain, nous n'avons pas d'audience, en
23 l'espèce. Est-ce que le témoin sera encore disponible lundi?
24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je crois, en effet.
25 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
Page 4645
1 M. Milosevic (interprétation): Je souhaiterais attirer votre attention sur
2 le fait que ce n'est pas la première fois que l'autre côté, là-bas, garde
3 pour elle un témoin secret et, ensuite, le jour où ce témoin doit être
4 entendu, on nous explique que le témoin n'est finalement plus un témoin
5 secret, mais un témoin que l'on peut entendre publiquement. Et tout le
6 monde sait à quel point les possibilités de se renseigner sur un témoin
7 secret sont limitées.
8 On a eu la même chose avec M. Veton Surroi, ce témoin à qui on avait donné
9 un pseudonyme K quelque chose, jusqu'au jour où il est venu déposer:
10 ensuite, il est venu déposer comme tout un chacun, comme tous les autres
11 témoins, sans aucune limite, quelle qu'elle soit.
12 Or nous nous retrouvons une fois de plus dans la même situation. Et comme
13 nous avons ici une redite... Parce que, la première fois, j'ai pensé que
14 c'était simplement le résultat d'une erreur. Maintenant, cela se répète;
15 je ne pense pas qu'il y ait erreur: il s'agit d'une intention délibérée
16 qui a pour objectif de limiter la possibilité d'obtenir des informations
17 au sujet de ces témoins secrets. Si bien que, lorsque le moment vient
18 d'interroger le témoin, on nous dit que c'est un témoin public.
19 D'autre part, ce témoin vient avant Isuf Loku, le témoin que l'on devait
20 entendre maintenant. On pensait qu'on l'entendrait jeudi, un jour plein.
21 Alors, pourquoi sauter un témoin dans la liste? Une fois de plus, ceci se
22 reproduit.
23 Moi, j'insiste pour que l'on ait une liste de comparution des témoins
24 stricte, au moins une semaine à l'avance, une liste à laquelle on se tient
25 et que l'on ne modifie pas de cette manière l'ordre de comparution des
Page 4646
1 témoins.
2 Si la partie adverse est incapable de respecter l'ordre de comparution des
3 témoins, même pour une semaine, cela devrait aller à son encontre, et cela
4 ne devrait pas être au détriment du fonctionnement élémentaire d'un
5 Tribunal, même s'il est illégal comme celui-ci.
6 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà parlé de la liste de
7 comparution des témoins, de l'ordre de cette liste, et nous avons exigé
8 que, sauf circonstances exceptionnelles, nous avons demandé donc que l'on
9 s'en tienne à cette liste.
10 Vous affirmez qu'il y a une intention délibérée de la part de
11 l'accusation; or ce n'est pas le cas. Si c'était le cas, nous
12 n'autoriserions pas l'accusation à procéder de la sorte. Mais ici le
13 témoin a simplement changé d'avis au sujet des mesures de protection, si
14 j'ai bien compris.
15 Monsieur Ryneveld, est-ce bien le cas?
16 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait. Je souhaiterais répondre ou
17 répondre à l'allégation tout à fait injustifiée sur les intentions de
18 l'accusation. On nous prête des intentions inavouées quant à la nature
19 secrète du témoin. Ce témoin n'a jamais été secret, ni pour l'accusé ni
20 pour les amis de la Chambre. Ce témoin n'a jamais été secret pour eux. Ils
21 connaissaient son nom.
22 La seule question, c'était de savoir si, au moment de déposer, le témoin
23 bénéficierait d'un pseudonyme et de la distorsion des traits de son visage
24 ou pas.
25 Le témoin a dit au Bureau du Procureur que maintenant, il souhaitait
Page 4647
1 déposer en public et, dans l'intérêt d'un procès transparent et public,
2 nous encourageons cette manière de procéder autant que possible. C'est la
3 seule raison qui explique ce changement, mais l'accusé connaît l'identité
4 du témoin. Il connaît son vrai nom. Donc ce n'est pas un témoin qui a été
5 secret pour lui.
6 Deuxième chose, nous avons indiqué que ce témoin serait en mesure de
7 déposer le 9 mai. Dans la lettre que nous avons communiquée, nous avons
8 toujours dit que c'était toujours ce jour-là que nous souhaitions entendre
9 ce témoin. Si nous ne sommes pas arrivés à entendre M. Loku avant
10 aujourd'hui, cela n'a rien à voir en tout cas avec la déposition du témoin
11 K4 aujourd'hui.
12 Donc les allégations qui ont été proférées à notre encontre sont tout à
13 fait sans fondement.
14 M. Milosevic (interprétation): Encore une question.
15 M. le Président (interprétation): Non, nous en avons terminé de cette
16 question. L'heure est venue de prendre la pause.
17 Nous allons faire une pause de 20 minutes.
18 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 55.)
19 (Le témoin, M. Peraj Nike, est déjà dans le prétoire.)
20 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la
21 déclaration solennelle.
22 M. Nike (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.
25 (Le témoin s'assoit.)
Page 4648
1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Peraj Nike, par M. Ryneveld.)
2 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur Peraj, je vous demanderais de
3 décliner votre identité devant les Juges de ce Tribunal.
4 M. Peraj (interprétation): Je m'appelle Nike Peraj.
5 Question: Monsieur Peraj, je crois savoir que vous avez 55 ans, que vous
6 étiez enseignant par le passé avant de devenir capitaine au sein de
7 l'armée yougoslave. C'est bien cela?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Vous êtes resté capitaine jusqu'au mois de juin 1999, c'est-à-
10 dire trois jours avant l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosovo. C'est
11 bien cela?
12 Réponse: Oui, j'étais capitaine de première classe.
13 Question: Oui, et je crois savoir, Monsieur, que lorsque vous avez quitté
14 les rangs de l'armée yougoslave, vous avez été jugé par contumace pour
15 désertion par un tribunal militaire. C'est bien cela?
16 Réponse: J'ai entendu parler de cela, mais officiellement, je n'ai pas eu
17 de document, je n'ai jamais reçu de document officiel.
18 Question: Mais avez-vous entendu dire que c'était ce qui s'était passé et
19 que l'on s'était forcé de vous accuser et de vous juger pour désertion?
20 Réponse: (Pas d'interprétation.)
21 Question: Je crois savoir, Monsieur, que vous êtes d'appartenance ethnique
22 albanaise, que vous êtes donc un Albanais né au Kosovo, n'est-ce pas?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Que vous êtes de religion catholique, que vous n'êtes pas
25 musulman, n'est-ce pas?
Page 4649
1 Réponse: Oui.
2 Question: Et je crois savoir que vous êtes marié et que vous avez trois
3 enfants?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Avez-vous, Monsieur, fait plusieurs déclarations devant des
6 représentants du Bureau du Procureur de ce Tribunal, dont la première a eu
7 lieu le 18 avril 2000? Avez-vous ce jour-là fait une déclaration?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Par la suite, avez-vous fait une deuxième déclaration au
10 Tribunal en février 2001, toujours devant des représentants du Bureau du
11 Procureur?
12 Réponse: Oui.
13 Question: A ce moment-là, Monsieur, avez-vous fourni des plans et des
14 cartes à annexer à cette deuxième déclaration?
15 Réponse: C'est correct.
16 Question: Je crois savoir, Monsieur, que plus tard vous êtes donc arrivé
17 ici et qu'hier, le 8 mai 2002, vous avez eu la possibilité de revoir vos
18 déclarations, de les relire dans une langue que vous connaissiez et,
19 toujours hier, vous avez été entendu par un officier instrumentaire à qui
20 vous avez déclaré solennellement que les déclarations faites par vous et
21 relues par vous, corrigées par vous, correspondaient à la réalité, étaient
22 conformes à la vérité. C'est exact, n'est-ce pas?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Au moment où vous avez relu vos déclarations, avez-vous apporté
25 des corrections à celles-ci, avant de prononcer cette déclaration
Page 4650
1 solennelle dont je viens de parler?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Ces corrections ont-elles été enregistrées par écrit, et avez-
4 vous en outre déclaré solennellement que ces corrections correspondaient à
5 la vérité?
6 Réponse: Oui.
7 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
8 à ce stade, j'aimerais, si vous me le permettez, demander le versement au
9 dossier de toute une série de documents liés à l'application de l'Article
10 92bis du Règlement. Au nombre de ces documents, se trouvent les trois
11 déclarations du témoin, dont les corrections apportées par le témoin hier,
12 ainsi que les cartes et plans annexés aux déclarations du témoin.
13 Je souhaite dire que, de façon générale, la date qui figure sur les pages
14 de couverture des déclarations est exacte pour ce qui est des corrections
15 apportées hier. Cependant, nous voyons en page de couverture du document
16 correspondant à ces corrections, une date erronée. C'est donc le document
17 K0223426, qui est la page de couverture des corrections apportées par le
18 témoin, sur laquelle figure la date du 18 avril; c'est une erreur: la date
19 du 18 avril est la date de la première déclaration faite par le témoin et,
20 par omission, elle figure toujours sur ce document.
21 Toutes les autres pages de couverture comportent une date exacte.
22 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira, Monsieur le Président, de la pièce
23 à conviction de l'accusation 143.
24 M. Ryneveld (interprétation): Merci beaucoup. Avant de donner lecture
25 d'une brève synthèse des déclarations du témoin, je vous demande, Monsieur
Page 4651
1 le Président, si le moment est bien choisi pour demander au témoin de
2 donner quelques mots d'explication au sujet des cartes et plans annexés
3 par lui?
4 M. le Président (interprétation): Oui.
5 M. Ryneveld (interprétation): Je demanderai d'abord que l'on place sur le
6 rétroprojecteur -Monsieur l'Huissier, vous pouvez peut-être nous aider à
7 le faire- cette carte de grande taille que je vous présente à l'instant.
8 (Intervention de l'huissier.)
9 Malheureusement, Monsieur le Président, sur l'exemplaire que j'ai entre
10 les mains, on voit deux couleurs qui ont été utilisées, le vert et le
11 bleu, alors que les exemplaires qui vous ont été remis sont des
12 photocopies en noir et blanc sur lesquelles vous ne trouverez pas ces
13 mêmes couleurs. Mais nous avons trois photocopies, n'est-ce pas? Nous
14 disposons donc de l'original et de deux photocopies couleurs, tout de
15 même.
16 Les amici et l'accusé ont reçu cette carte en temps utile, dans le cadre
17 de la communication des pièces, il y a déjà pas mal de temps, et en
18 couleurs.
19 M. le Président (interprétation): Très bien. J'aimerais que l'on passe
20 cette carte sur le rétroprojecteur et qu'on lui affecte une cote dans un
21 instant.
22 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demanderai
23 d'abord de regarder la carte qui se trouve sur le rétroprojecteur et je
24 vous demande d'abord si vous reconnaissez dans ce document le document sur
25 lequel vous avez apposé certaines annotations au cours de votre deuxième
Page 4652
1 déclaration?
2 M. Peraj (interprétation): Oui.
3 Question: Le plan en question comporte-t-il des annotations au stylo vert
4 et d'autres au stylo bleu?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et que souhaitiez-vous décrire grâce à ces annotations faites au
7 stylo de couleur sur le plan? Parce que si nous regardons ce plan depuis
8 le haut...
9 Réponse: (Pas d'interprétation.) …objets qui se trouvent marqués par des
10 cercles en vert, ce sont les positions, les lieux où se trouvaient abrités
11 les commandements; de Gjakove, ensuite le commandement… Et puis le reste
12 du commandement de Corps de Pristina à différents moments et à des durées
13 à peu près…, des durées qui sont marquées sur la carte. Alors qu'en
14 couleur bleue, la couleur bleue montre où se trouvaient les installations,
15 enfin où se trouvaient les postes de police, donc ce qu'on appelle le
16 "MUP".
17 Question: Très bien. Donc la couleur verte représente la VJ, c'est-à-dire
18 l'armée yougoslave, n'est-ce pas?
19 Réponse: C'est ça, l'armée.
20 Question: La couleur bleue indiquant le MUP, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, c'est ça, le MUP.
22 Question: En quelques mots très brefs, Monsieur, parce que le temps nous
23 manque -et les Juges pourront bien sûr prendre connaissance de
24 l'intégralité de vos déclarations-, je vous demanderai que nous partions
25 du haut de cette carte.
Page 4653
1 On voit le n°"K2.4", au bout. Vous voyez ce dont je suis en train de
2 parler? Plus à droite, plus à droite? Plus à droite, encore. Oui, voilà,
3 nous y sommes. Il y a des éléments...
4 Réponse: Là, il y avait une maison privée, individuelle, avec une cave. Et
5 dans cette cave, la police militaire s'était installée dans la cave de
6 cette maison, et des soldats, des gardes...
7 Question: Et puis, en descendant et un peu plus à gauche, au bas d'une
8 courbe un peu à gauche, qu'est-ce qu'on voit là?
9 Réponse: Il y a aussi un autre bâtiment qui disposait d'une cave où se
10 trouvaient les commandants de la Brigade de Gjakova.
11 Question: Très bien. A cet endroit, on voit des annotations bleues et
12 vertes. Que signifie la couleur verte?
13 Réponse: Le vert, là où il y a le vert, c'était le bâtiment de l'unité de
14 la sécurité sociale. Et la police, le MUP s'est installé exactement ici.
15 Question: Il y a aussi du bleu à cet endroit.
16 Réponse: En vert... Ah non! Ah oui! C'est en bleu, voilà, là où il y a...,
17 ça faisait partie du Corps de Pristina. Mais le n°1, là, il y a eu une
18 partie de la police, il y avait une équipe, une unité de la police qui se
19 trouvait là.
20 Question: Très bien. Alors quand on descend un tout petit peu par rapport
21 à cet endroit, on voit l'annotation "K2.3". Que signifie cette annotation?
22 Réponse: Cela veut dire qu'ils sont restés deux jusqu'à trois jours.
23 Question: Excusez-moi. Qu'avez-vous dit?
24 Réponse: Ils sont restés deux jusqu'à trois jours. Et on a marqué
25 également en quel mois, c'est-à-dire, sur la légende de la carte, on
Page 4654
1 trouve aussi le mois.
2 Question: Moi, je vous parle de l'endroit où l'on voit cette annotation
3 "K2.3", parce qu'il y a également un lieu. Je crois que ces numéros ont
4 été utilisés pour identifier un lieu sur la carte. Qu'était donc ce lieu?
5 Réponse: "2.3", c'était le commandement de la brigade de Gjakova. Le
6 commandement était situé dans la cave d'une maison privée.
7 Question: Je vais essayer d'accélérer un peu les choses, Monsieur, et je
8 vais à présent vous demander de pointer sur cette carte l'emplacement, le
9 siège du Corps de Pristina, s'il figure bien sur ce plan, autrement dit,
10 la garnison du Corps de Pristina.
11 Réponse: Il se trouvait à côté du café "Lajci", dans la rue appelée
12 Maréchal Tito à l'époque -maintenant, cela s'appelle Mère Térésa. Avant
13 d'y arriver, avant de s'y installer, il se trouvait dans l'ancienne
14 caserne de Gjakova indiqué par "II,V", en lettres romaines.
15 Question: De façon à ce que les choses soient tout à fait claires,
16 j'indique pour le compte rendu d'audience que vous avez placé le pointeur
17 sur la partie gauche du plan, non loin de la légende. C'est bien cela,
18 n'est-ce pas?
19 Réponse: C'est cela.
20 Question: Un peu plus tôt, vous avez parlé d'un endroit sur le plan où on
21 lit les lettres "ARBR" et, en dessous de ces lettres, un grand "III",
22 "III" en chiffres romains. Qu'est-ce que cela représente?
23 Réponse: Le troisième endroit où le commandement... Cela veut dire, c'est
24 le troisième poste où le commandement s'est installé pour se réfugier.
25 C'est là, le siège.
Page 4655
1 Question: Et puis, je vous demanderai de nous indiquer l'endroit où se
2 trouvait le quartier général de la 52e Brigade d'artillerie.
3 Réponse: "ARBR", là où on marque "ARBR", c'est là le siège du quartier
4 général de l'artillerie, là où on marque "ARBR", de l'artillerie
5 antiaérienne.
6 Question: "ARBR" donc, c'est le sigle qui correspond à "Brigade de
7 roquette d'artillerie", n'est-ce pas, un sigle?
8 Réponse: Oui, c'est cela.
9 Question: Merci. Et puis, on voit encore un peu de couleur bleue au bas de
10 cette carte, "Mustafa Bakia", et puis on y voit les lettres "MUP" dans un
11 grand cercle. Que signifie tout cela?
12 M. Peraj (interprétation): Depuis le bâtiment du MUP, alors, tout le
13 bâtiment, enfin, toutes les forces du MUP sont passées à la nouvelle école
14 "Mustafa Bakia" et dans la partie ancienne de l'école parce qu'il y a deux
15 écoles, l'ancienne et la nouvelle.
16 Les cercles que vous voyez ici, les petits cercles, les quatre petits
17 cercles, ce sont des maisons individuelles qui ont été habitées ou
18 occupées par les policiers.
19 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. J'aimerais maintenant que nous
20 passions à l'examen d'un autre document, également un plan.
21 M. le Président (interprétation): Oui, mais il faut affecter une cote à ce
22 plan.
23 Mme Anoya (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agira de la
24 pièce à conviction de l'accusation 143.1.
25 M. Ryneveld (interprétation): Merci beaucoup.
Page 4656
1 Nous passons donc maintenant à l'examen d'une carte géographique sur
2 laquelle vous avez également apposé des annotations. Il s'agit en fait de
3 la carte de la région de Gjakova. Vous avez apposé ces annotations au
4 cours du recueil de votre déclaration. Vous vous rappelez?
5 M. Peraj (interprétation): Oui.
6 Question: Monsieur le Président, nous sommes face à une feuille de papier
7 de format 21x29.7 qui, normalement, est annexée, fait partie de la série
8 de documents qui vous a été remise il y a quelques instants.
9 Cette carte est extrêmement difficile à lire. J'ai parlé de cela aux amici
10 curiae. Nous pourrons donc bénéficier de l'aide d'un système informatique
11 de cartographie. Je crois que cela permettra d'améliorer la situation du
12 point de vue de la lisibilité de la carte.
13 Monsieur le Témoin, pour le moment, vous avez une carte entre les mains
14 qui porte le numéro de référence K0223471. Vous voyez cette carte?
15 Réponse: Oui, je la vois.
16 Question: Que représente cette carte?
17 Réponse: C'est la carte de Gjakova.
18 Question: Très bien. Et durant la prise de votre déclaration, avez-vous
19 apposé des annotations à la main sur cette carte. Est-ce que vous avez
20 dessiné des cercles? Est-ce que vous avez inscrit des dates? Est-ce que
21 vous avez apposé des flèches?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Durant le recueil de votre déclaration, hier, vous a-t-on montré
24 des documents produits par l'ordinateur, que vous avez pu comparer avec
25 cette carte sur laquelle vous avez apposé des annotations?
Page 4657
1 Vous a-t-on donc montré des documents informatiques? J'aimerais d'ailleurs
2 qu'ils soient distribués dans ce prétoire. Je vais demander à la Chambre
3 d'en accepter le versement au dossier, avec l'autorisation des amici, bien
4 sûr. Ils permettront très certainement aux Juges de lire plus facilement
5 la carte.
6 (Intervention de l'huissier.)
7 Je demanderai qu'un exemplaire, que ces deux documents soient placés sur
8 le rétroprojecteur: d'abord, le document sur lequel, au milieu, on voit
9 cette espèce de cercle de couleur orange, ce document étant une photocopie
10 de la carte annexée aux documents liés à l'application de l'Article 92bis
11 du Règlement.
12 Je vous demande, Monsieur, de nous dire très rapidement si ceci est bien
13 une copie de la carte sur laquelle vous-même aviez fait vos annotations
14 manuelles précédemment, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et le secteur que l'on voit dans ce cercle rouge ou orange, est-
17 il bien le secteur dont vous parlez dans votre déclaration?
18 Réponse: Oui, tout à fait.
19 Question: Donc le secteur de Djakovica?
20 Réponse: Oui, tout à fait.
21 Question: Je demande à présent que l'on montre au témoin la deuxième carte
22 informatique.
23 Monsieur le Témoin, cette deuxième carte est maintenant placée sur le
24 rétroprojecteur. Encore une fois, nous sommes en présence d'un
25 agrandissement d'une partie de la carte sur laquelle vous avez fait vos
Page 4658
1 annotations à la main. Et je vous demande si, hier, vous avez eu la
2 possibilité de comparer les annotations manuscrites apposées par vous aux
3 marques que l'on voit sur cette carte informatique?
4 Réponse: Oui.
5 M. Ryneveld (interprétation): Pouvez-vous dire aux Juges de cette Chambre
6 si cette carte informatique reprend bien de façon exacte les annotations
7 que vous aviez vous-même faites manuellement sur l'autre carte
8 géographique?
9 M. Nike (interprétation): Oui, tout à fait.
10 M. le Président (interprétation): Il faudrait affecter une cote distincte
11 à ces documents provenant de l'ordinateur. Réglons cela d'abord.
12 Je crois comprendre que vous avez d'abord traité de la photocopie de la
13 municipalité avec toutes sortes d'inscriptions qui sont tout à fait
14 illisibles.
15 Peut-on affecter la prochaine cote à ce document?
16 Mme Anoya (interprétation): Ce document fait partie des documents 92bis?
17 M. le Président (interprétation): Mais je souhaite qu'on lui affecte une
18 cote distincte.
19 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de
20 l'accusation 143.2.
21 M. le Président (interprétation): Et puis, la carte avec le cercle rouge?
22 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 143.3.
23 M. le Président (interprétation): Et finalement la carte avec d'autres
24 annotations?
25 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira, Monsieur le Président, de la pièce
Page 4659
1 à conviction de l'accusation 143.4.
2 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, durant le recueil de
3 votre déclaration, vous avez apposé certaines annotations sur le document
4 143.4, celui que l'on voit actuellement sur le rétroprojecteur.
5 Je vous demanderai très rapidement de dire ce que représentent les flèches
6 rouges que l'on voit sur ce document?
7 M. Peraj (interprétation): Les flèches rouges représentent les
8 déplacements en direction du passage, c'est-à-dire montrent le passage de
9 la population en direction de Gjakova, dans la direction de Gjakova et du
10 village de Korenica, en direction de Gjakova, alors que...
11 Question: Très bien. Je vous demanderai d'utiliser votre pointeur, car il
12 y a en fait deux flèches rouges sur le document. Placez le pointeur sur la
13 flèche dont vous êtes en train de parler.
14 Très bien. Maintenant, vous nous parlez de la flèche qui part du haut et
15 qui va vers le bas.
16 Réponse: La longue flèche, la flèche rouge la plus longue montre les
17 déplacements de la population du Lugu i Caragojës -ça s'appelle comme ça-
18 en direction du village de Meja; ensuite vers Gjakova, alors qu'à gauche,
19 la flèche courbée, la flèche rouge courbée montre, représente les
20 déplacements de la population.
21 Question: La ligne horizontale?
22 Réponse: Oui, en direction de Gjakova.
23 Question: La flèche bleue, qui est plus ou moins parallèle à la première
24 des flèches rouges, que représente-t-elle?
25 Réponse: La flèche bleue représente la direction de l'attaque des forces
Page 4660
1 du MUP, des forces spéciales du MUP et, en parallèle, vous avez une autre
2 flèche de couleur verte qui montre la direction de l'attaque des forces
3 militaires de la 63e Brigade des parachutistes de Nis.
4 A droite et à gauche, les lignes vertes, les lignes épaisses vertes
5 montrent le territoire bloqué par les forces militaires.
6 Question: Et vous en parlez dans votre déclaration, n'est-ce pas,
7 Monsieur?
8 Réponse: Oui. Alors que les cercles, ici, en couleur verte...
9 Question: Oui, d'abord, on voit ce cercle vert ou cette fenêtre noire, que
10 représente-t-elle?
11 Réponse: Ici, c'était le commandement de l'opération, le siège du
12 commandement de l'opération, composé par des officiers de l'armée qui
13 commandaient les actions, les activités sur le terrain au lieu appelé Qafa
14 e Osekut. Cette colline, cela s'appelle Qafa e Osek, d'où on peut avoir
15 une vue sur tout le territoire sur lequel l'opération a eu lieu. Alors
16 que...
17 Question: Je vais vous interrompre un instant et vous poser la question
18 suivante: où vous trouviez-vous le 27 avril 1999, au moment où vous dites,
19 dans votre déclaration, avoir vu ces événements se produire? Où étiez-vous
20 vous-même pour avoir pu tracer les flèches que vous indiquez sur ce
21 croquis?
22 Réponse: Le 27, je suis arrivé, je suis allé dans la matinée, je venais de
23 Nis et, après avoir appris ce qui se passait -c'est mon frère qui m'a
24 informé...
25 Question: Non, non, je vais préciser ma question. Je voudrais savoir:
Page 4661
1 vous-même, physiquement, où vous vous trouviez: assis, debout, etc., quand
2 vous avez pu observer? Physiquement où étiez-vous?
3 Réponse: Physiquement, lorsque j'ai vu toutes ces choses, je me trouvais à
4 Meja et à Korenica.
5 Question: Bien. L'endroit qui s'appelle Osek, est-ce que vous y avez été à
6 un moment quelconque le 27 avril? Ou le 28?
7 Réponse: Non, le 27 avril, je n'étais pas à Qafa e Osekut. J'y étais le 28
8 avril dans la matinée. Je me suis trouvé également dans le village de
9 Duzhnjë e Nec le même jour.
10 Question: Quand vous étiez à Osek, le 28, avez-vous pu voir les choses que
11 vous nous avez décrites, à ce point de vue?
12 Réponse: Je me trouvais... Oui, je me trouvais à ce point de vue, j'ai
13 parlé, j'ai passé quelque temps avec le colonel Kotur et le colonel
14 Stankovic. Le colonel Kotur était du commandement du Corps de Prishtina,
15 alors que le colonel Stankovic était le grand chef de la Brigade de
16 Gjakove, de l'armée -on parle toujours de l'armée, bien sûr-, lesquels
17 dirigeaient cette opération sur le terrain.
18 Question: Bien. Je comprends avec qui vous étiez, je comprends bien qui
19 sont ces personnes; cela figure dans votre déclaration. Mais moi, ce que
20 j'essaie de savoir et j'aimerais que vous essayiez de vous rappeler, au
21 moment où vous vous trouviez à cet endroit avec ces gens, ce que vous
22 pouviez voir en bas, dans la vallée.
23 En premier lieu, est-ce que vous étiez en mesure de voir cette vallée?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce que vous, personnellement, vous avez vu le déplacement de
Page 4662
1 ces personnes que vous décrivez?
2 Réponse: Le 28, il n'y avait pas de mouvement parce que la population
3 s'était déjà déplacée. Elle était totalement déplacée le 27 dans la
4 matinée, dans les heures de la matinée. On ne voyait que de la fumée et
5 que des flammes qui sortaient presque de toutes les maisons du Lugu i
6 Caragojës. Et même plus loin que cela.
7 Question: Et le 28, avez-vous pu voir les mouvements des forces que vous
8 avez décrites, les forces de l'armée et du MUP?
9 Réponse: Oui, oui. Ce jour-là, l'opération continuait; c'était le deuxième
10 jour de l'opération. Il se trouvait déjà sur la moitié du territoire en
11 question. Elle a continué, elle a poursuivi le lendemain toute la journée.
12 M. Ryneveld (interprétation): Je n'ai plus que deux questions à vous poser
13 au sujet de la carte, parce que tout le reste est contenu dans votre
14 déclaration. Je sais bien que la tentation est grande pour vous de nous
15 donner ces informations, mais les Juges disposent de ces informations.
16 M. Kwon (interprétation): Un instant.
17 M. Ryneveld (interprétation): Oui.
18 M. Kwon (interprétation): Est-ce que c'est la carte que le témoin évoque
19 dans sa deuxième déclaration, au paragraphe 59, ou bien au troisième
20 paragraphe de la page 12? Est-ce que c'est bien cela?
21 M. Ryneveld (interprétation): Permettez-moi de le vérifier parce qu'au
22 départ, cette déclaration ne portait pas de numéro, il n'y avait pas de
23 numérotation des paragraphes. Nous l'avons fait pour essayer de mieux nous
24 y retrouver. Donc je vais essayer de vérifier la chose. Nous avons deux
25 déclarations.
Page 4663
1 M. Kwon (interprétation): Et la seconde déclaration?
2 M. Ryneveld (interprétation): Oui, 59, paragraphe 59 dans la deuxième
3 version. Voici. Paragraphe 59.
4 M. Kwon (interprétation): Merci.
5 M. Ryneveld (interprétation): Encore deux questions. Les cercles rouges:
6 vous ne nous avez pas dit ce que signifiaient ces cercles rouges tracés
7 sur cette carte.
8 M. Peraj (interprétation): Les cercles rouges, le premier que l'on voit,
9 en haut, c'est le point, c'est un centre, vous savez, dans le village de
10 Meja. Le deuxième cercle se trouvait dans le carrefour de Meja, de la rue
11 de Meja, de la route de Meja/Korenica.
12 M. Ryneveld (interprétation): Et, afin que tout soit bien clair, qu'est-ce
13 qui s'est passé à ces points de contrôle?
14 M. Peraj (interprétation): Dans ces points de contrôle… Ces points de
15 contrôle se situaient à Meja. Justement plus de 500 personnes ont été
16 arrêtées par les forces de la police, de la police régulière, de la police
17 locale, par les paramilitaires et d'autres réservistes, par d'autres
18 réservistes qui s'y trouvaient. Et le deuxième...
19 Puis-je continuer?
20 M. le Président (interprétation): Continuons, s'il vous plaît. Avançons un
21 petit peu, nous avons beaucoup de travail aujourd'hui.
22 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, la carte où se trouve
23 Meja -vous avez parlé de Meja dans votre déclaration-, est-ce que Meja
24 figure sur cette carte? Et si c'est le cas, pouvez-vous nous l'indiquer?
25 M. Peraj (interprétation): Meja se trouve à gauche du cercle rouge que
Page 4664
1 vous voyez ici. D'ailleurs, le cercle couvre un peu le nom de Meja.
2 Question: Bien. Il y a deux cercles rouges; c'est celui du haut. Et la
3 partie inférieure du cercle cache les mots, là.
4 Réponse: Il y a une ligne à l'intérieur. Vous voyez, entre parenthèses,
5 vous voyez une parenthèse et vous avez le nom de "Meja".
6 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Voici toutes les questions que
7 j'avais et, avec la permission de la Chambre, je vais rapidement vous lire
8 un très bref résumé de la teneur des deux très longues déclarations du
9 témoin.
10 Dans sa déclaration, dans ses déclarations, le témoin nous explique que,
11 "à partir de décembre 1998, il était officier au sein de la brigade de
12 défense aérienne et d'artillerie, de roquettes dans le Corps de Pristina.
13 En 1999, le général Pavkovic a été nommé commandant de la 3e Armée de la
14 VJ et le général Lazarevic a pris le commandement du Corps de Pristina.
15 Dans ses déclarations, le témoin décrit en détail la structure globale des
16 forces armées et ceci comporte des éléments relatifs à la VJ, au MUP et
17 une structure qu'il désigne sous le terme de "Défense territoriale" ou
18 "TO".
19 Le témoin indique qu'il estime qu'en temps de guerre, le MUP et la TO, la
20 Défense territoriale, étaient placés sous le contrôle de la VJ. Des
21 groupes paramilitaires, et notamment les "Tigres" d'"Arkan", les "Aigles
22 blancs" de Seselj et les unités de Franko Simatovic, les "Frenki"
23 opéraient sous la responsabilité de la défense territoriale.
24 Dans sa déclaration, il indique que la VJ, dans la zone de Gjakova, était
25 responsable des opérations dirigées contre l'UCK, et que des attaques
Page 4665
1 contre des cibles civiles étaient menées par le MUP.
2 Dans sa déclaration, le témoin nous parle d'une arrivée massive de membres
3 de l'armée et de la police entre les mois de février et mars 1999.
4 Parallèlement à ces unités, le témoin va nous parler de la création de la
5 police locale qui opérait dans divers village où le MUP avait des
6 difficultés à mener des patrouilles.
7 Ensuite, le témoin nous dit qu'après les bombardements de l'OTAN, après le
8 début des bombardements de l'OTAN, des groupes de cinq à dix personnes
9 sont arrivées au Kosovo où elles se joignaient aux unités de la VJ. Il
10 s'agissait de personnes qui avaient des tenues vestimentaires négligées et
11 qui, pour beaucoup, avaient des casiers judiciaires qui n'étaient pas
12 vierges.
13 Il nous décrit ensuite les réservistes de la VJ qui portaient les mêmes
14 uniformes de camouflage verts et les mêmes insignes que la VJ, mais
15 c'étaient des gens qui, pour la plupart, étaient plus âgés. Les
16 réservistes du MUP étaient généralement des gens qui avaient servi dans la
17 police, et c'étaient souvent des gens qui étaient retraités du MUP. Il
18 était environ 50 à 70 à Djakovica, mais il y en a beaucoup plus qui sont
19 venus de Serbie.
20 Au début, le MUP avait pour mission de se charger de l'UCK et c'étaient
21 les seuls à le faire. Ils portaient des uniformes bleus de camouflage et
22 avaient un écusson où se trouvaient les couleurs du drapeau serbe et le
23 terme de "milicija".
24 Au sein de la Défense territoriale, on trouvait des gens qui étaient âgés
25 de 15 à 65 ans. Il ne s'agissait pas de membres de la VJ ou du MUP, mais
Page 4666
1 c'étaient des gens qui appartenaient à la défense civile. Apparemment,
2 leur rôle consistait à défendre la population civile.
3 Le témoin indique que la Défense territoriale a commencé à se mobiliser
4 partiellement en octobre et en novembre 1998, et que cette mobilisation a
5 été achevée en janvier et en février 1999. Il indique qu'il y avait des
6 éléments paramilitaires. La plupart d'entre eux étaient des groupes
7 relevant d"Arkan" et de Seselj, et il y avait environ 30 hommes venant du
8 groupe des "Frenki"..
9 Le témoin poursuit en disant que, en théorie, tous les groupes armés
10 étaient subordonnés à la VJ. La VJ et le MUP se rencontraient
11 quotidiennement, même s'ils avaient des quartiers généraux distincts. Des
12 cartes opérationnelles montrant le déploiement des forces étaient
13 préparées par la VJ et ensuite remises au MUP. Et le MUP s'appuyait sur la
14 VJ pour ses opérations de grande envergure.
15 Le témoin poursuit en disant que, au début de mars 1999, une opération a
16 été planifiée contre les Albanais qui se trouvaient dans la zone. Le
17 témoin, dans sa déclaration, explique qu'il était présent lors d'une
18 réunion où l'ordre a été donné d'éliminer 100 "chefs". Il a été ordonné
19 que toutes les maisons soient brûlées, ceci en représailles au meurtre
20 d'un officier du MUP dans une embuscade tendue par l'UCK.
21 Le 27 avril, il y a eu un massacre à Meja et Korenica.
22 Le 28 avril 1999, le lendemain du massacre à Meja, le témoin se trouvait
23 au quartier général de la brigade où il a pu voir un rapport dans lequel
24 la VJ affirmait que 74 terroristes avaient été tués à Korenica et 68 à
25 Meja. Le jour du massacre, le témoin a aidé une dizaine de familles à
Page 4667
1 s'enfuir; il les a aidées à passer un point de contrôle qui était tenu par
2 le MUP.
3 Après le massacre, il a vu environ 20 corps de personnes qui avaient été
4 abattues à bout portant. Il a vu des traces de poudre, de brûlure de
5 poudre sur la tête de ces personnes.
6 Le lendemain, le témoin a aidé deux autres familles à s'enfuir en assurant
7 les membres du MUP qu'il ne s'agissait pas là de membres de l'UCK.
8 Le témoin a reconnu des membres du groupe paramilitaire à Meja au moment
9 du massacre. Le témoin indique quels sont les éléments qui ont participé à
10 ces massacres. Il dit qu'il s'agissait du MUP, de la VJ, de la police
11 locale et d'éléments paramilitaires.
12 Le témoin fournit une carte annotée en annexe à sa déclaration, nous
13 venons d'en parler en détail. Ce sont des cartes qui concernent la vallée
14 de Caragojës et Meja. La VJ se trouvait à l'ouest afin de se défendre
15 contre l'UCK qui venait d'Albanie, et la VJ était également déployée le
16 long de la route Djakovica-Decani.
17 L'armée a descendu la vallée en brûlant les maisons et en forçant les
18 civils à partir vers les groupes paramilitaires qui se trouvaient autour
19 de Meja. Et ces groupes paramilitaires ont mis en place une sorte de
20 blocus, c'était une force bloquante. Cette opération a été coordonnée
21 depuis le quartier général à Djakovica.
22 Le 27 avril 1999, cette poussée est arrivée jusqu'à un endroit où le MUP
23 local et les unités paramilitaires sont intervenus à ce moment-là et ont
24 pris le contrôle de l'opération. Le massacre a eu lieu le même jour.
25 Le 28 avril, cette poussée à continuer vers le sud-est. Nous l'avons vu
Page 4668
1 clairement sur les cartes qui nous ont été présentées.
2 Dans les jours qui ont suivi le massacre, la VJ et le MUP cherchaient des
3 bulldozers; il s'agissait soit disant de dégager les routes, mais le
4 témoin estime que l'on voulait utiliser ces engins pour se débarrasser des
5 corps.
6 Le 29 avril, il a vu deux camions qui allaient vers Djakovica, depuis
7 Meja, et qui étaient couverts de bâches. Lorsque les bâches ont été
8 soulevées par le vent, le témoin a vu des parties de corps. D'après lui,
9 l'UCK avait quitté Djakovica au moment où l'OTAN a entamé ses
10 bombardements.
11 A partir du début de 1999, il n'y avait pas de résistance véritable de
12 l'UCK dans cette zone.
13 Dans ses diverses déclarations, le témoin donne les noms de personnalités
14 importantes au sein de la VJ, du MUP, de la Défense territoriale et de la
15 municipalité et il explique quel était le rôle de ces personnes pendant la
16 période des bombardements de l'OTAN."
17 Voici donc la synthèse la plus succincte qui se puisse faire de
18 déclarations extrêmement détaillées.
19 Mais j'en ai terminé de mes questions, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est à vous.
21 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Peraj Nike, par l'accusé M.
22 Milosevic.)
23 M. Milosevic (interprétation): Le tribunal militaire de Nis vous a
24 condamné à une peine de prison. Est-ce bien exact?
25 M. Peraj (interprétation): C'est ce que j'ai entendu.
Page 4669
1 Question: Vous avez été condamné à une peine de prison de 15 ans, est-ce
2 bien exact?
3 Réponse: C'est ce que j'ai entendu, oui.
4 Question: Et de ce fait, est-ce que vous n'avez pas eu des difficultés à
5 sortir de la région où vous vous trouviez?
6 Réponse: Non, je me déplaçais, j'allais où je voulais.
7 Question: Donc vous avez pu, vous pouvez vous déplacer ou vous pouviez
8 vous déplacer librement à l'extérieur du Kosovo et Metohija et sur tout le
9 territoire de la Yougoslavie, c'est cela?
10 Réponse: On pouvait aller en Serbie également, mais revenir la tête
11 coupée.
12 Question: Oui. Mais cela signifie vu la peine prononcée qu'en fait vous ne
13 pouvez pas, vous n'êtes pas autorisé à aller sur le territoire de la
14 Serbie en sortant du Kosovo?
15 Réponse: Pas seulement moi, mais personne ne pouvait se rendre sur le
16 territoire de la Serbie pour y trouver la mort.
17 Question: Bien. Ce facteur, cet élément que vous venez de nous expliquer
18 et le fait que vous ayez été condamné à une lourde peine de prison, un
19 mandat d'arrêt a été, d'autre part, émis à votre encontre. Est-ce que tous
20 ces faits ne vous encouragent pas, ne vous motivent pas à déposer ici en
21 tant que témoin de l'accusation?
22 Réponse: Je ne suis pas inquiet pour cela. Le Tribunal, là-bas, peut faire
23 comme il considère juste, mais moi je ne suis pas inquiet, je n'ai rien
24 fait contre quiconque. Je n'ai fait que mon devoir lors de mon service
25 dans l'armée yougoslave conformément à la Constitution, pour protéger,
Page 4670
1 défendre le peuple et l'Etat et non pas m'occuper d'autre chose.
2 Question: Ma question, c'était de savoir si ce fait, si les circonstances
3 que vous nous avez explicitées, à savoir que vous vous retrouveriez sans
4 votre tête ou vous finiriez en prison si vous alliez là-bas, le fait que
5 vous ayez été condamné à la peine maximale prévue par le Code pénal
6 yougoslave, le fait que vous ayez été condamné à 15 ans de prison, est-ce
7 que tout cela, c'est un motif qui vous a incité à déposer en tant que
8 témoin à charge?
9 Réponse: Non.
10 Question: Bien. Vous dites que vous avez rempli vos fonctions
11 constitutionnelles et autres, et que vous avez défendu le pays en tant
12 qu'officier de la Yougoslavie, mais de qui défendiez-vous le pays?
13 Réponse: Il n'avait pas besoin de défendre, car l'armée, selon la
14 Constitution, devait défendre le pays des attaques étrangères et non pas
15 être mobilisée dans une guerre contre le peuple.
16 Question: Et le pays a-t-il été attaqué de l'extérieur par les agresseurs
17 de l'OTAN? Oui ou non?
18 Réponse: Nous avons essayé de nous défendre, mais c'était inutile.
19 Question: Mais alors, contre qui étiez-vous en train de défendre le pays?
20 Réponse: En effet, nous faisions une défense, nous nous livrions à une
21 défense insensée parce qu'avec la communauté internationale, parce que
22 cela n'avait pas de sens de se défendre en face de la communauté
23 internationale.
24 Question: Mais qui a attaqué la Yougoslavie? L'OTAN ou la communauté
25 internationale?
Page 4671
1 Réponse: L'OTAN l'a attaquée, mais avec l'autorisation de la communauté
2 internationale. Ce qui se passait au Kosovo et dans l'ex-Yougoslavie,
3 c'étaient des faits jugés par tout le monde.
4 M. Milosevic (interprétation): Cela signifie-t-il que vous affirmez que
5 l'OTAN a attaqué la Yougoslavie après avoir reçu la permission du Conseil
6 de sécurité des Nations Unies?
7 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas le témoin qui peut répondre
8 à ce type de questions. Si cela a une pertinence quelconque, nous pourrons
9 indéniablement entendre des témoins à ce sujet, mais vous devez limiter
10 votre contre-interrogatoire à ce que peut nous dire le témoin, en
11 l'occurrence à sa déclaration.
12 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que le devoir de l'armée n'est
13 pas de réagir contre le terrorisme parce qu'il s'agit là d'un ennemi
14 interne: est-ce que je vous ai bien compris?
15 M. Peraj (interprétation): Si le terrorisme existait, si terrorisme il y a
16 eu, il y a des forces spéciales qui doivent mener la guerre contre le
17 combat contre le terrorisme, qui s'appellent des forces anti-terroristes,
18 et ce n'est pas l'armée régulière qui s'en occupe.
19 Question: Mais c'est justement ce que je vous demande: vous estimez qu'il
20 n'appartient pas à l'armée de lutter contre le terrorisme, que ce n'est
21 pas son devoir?
22 Réponse: Le terrorisme? Ce n'est pas le terrorisme, il ne s'agissait pas
23 d'un terrorisme qui nécessitait également l'engagement de l'armée. La
24 police n'aurait rien à faire dans ce cas-là. Et les autres forces
25 concernées, elles sont payées pour cela.
Page 4672
1 Question: Est-ce que cela signifie donc que, lorsqu'un groupe terroriste,
2 par exemple -et je vous parle à vous, en tant qu'officier de l'armée
3 yougoslave-, donc quand un groupe terroriste attaque l'unité de l'armée
4 yougoslave, à ce moment-là, le devoir de l'armée est d'appeler la police
5 pour que celle-ci vienne protéger l'unité de l'armée en question contre le
6 terrorisme. Est-ce que c'est ceci que vous êtes en train de nous affirmer?
7 Réponse: S'il vous plaît, tout un peuple ne peut pas être terroriste.
8 Question: Mais qui a appelé un peuple entier "terroriste"? Est-ce que moi,
9 j'ai dit quelque chose comme cela?
10 Réponse: Cela se comprend puisque vous avez, on a déclaré la guerre à tout
11 le peuple du Kosovo, le peuple albanais du Kosovo.
12 Question: Et qui a déclaré la guerre au peuple albanais?
13 Réponse: La guerre n'a pas été déclarée ouvertement, oralement, mais les
14 faits se sont déroulés de cette façon.
15 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous parlez des Albanais en tant
16 qu'une partie du peuple yougoslave, contre lesquels l'OTAN a mené la
17 guerre?
18 M. Peraj (interprétation): Je n'ai pas compris la question.
19 M. le Président (interprétation): Passons à la question suivante.
20 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vous êtes officier de
21 l'armée yougoslave, je pars du principe que vous connaissez très bien les
22 règlements, les réglementations qui sont en vigueur dans l'armée
23 yougoslave et qui réglementent son fonctionnement?
24 M. Peraj (interprétation): Oui, je connais, dans la mesure du nécessaire.
25 Question: Savez-vous qu'aux termes de ce règlement, l'armée peut être
Page 4673
1 employée en temps de paix à la lutte contre le terrorisme?
2 Réponse: C'est possible. On peut utiliser, on peut employer une unité et
3 non pas toutes les unités. Au Kosovo, toutes les unités existant en
4 Yougoslavie ont été utilisées, sauf les marins, sauf les bateaux. Sinon,
5 toutes les unités, que ce soient des forces physiques ou des moyens
6 militaires, ont été utilisées.
7 Question: Et vous affirmez donc que toute l'armée, la totalité de l'armée
8 yougoslave a été employée au Kosovo dans la lutte contre le terrorisme.
9 C'est bien cela?
10 Réponse: Je sais très bien que quelques casernes à Nis, à Vranje, la
11 Grande Vranje jusqu'à que Kraljev, dans des casernes, il n'y a eu que des
12 gardes qui sont restés et un petit nombre de soldats qui sont restés. Tous
13 les autres ont été mobilisés au Kosovo.
14 Question: Savez-vous que, d'après ce que vous avez dit dans votre
15 déclaration, qu'il y a trois armées dans l'infanterie en Yougoslavie: la
16 1re, la 2e et la 3e Armées. Le savez-vous?
17 Réponse: La 3e Armée était au complet puisque le Corps de Pristina lui
18 appartenait à l'époque, justement à la 3e Armée. Mais je vous dis que,
19 depuis Vojvodine, tout le territoire de la Serbie, toutes les forces
20 militaires, en gardant seulement des forces minimales, le minimum des
21 forces en Serbie, le reste s'était engagé, mobilisé au Kosovo dans la
22 guerre.
23 Question: Et savez-vous, en qualité d'officier, bien que vous soyez un
24 déserteur de l'armée yougoslave, savez-vous que la Yougoslavie était
25 menacée, menacée d'une invasion terrestre?
Page 4674
1 Réponse: Je ne sais pas.
2 Question: Et vous affirmez que la 1re Armée et la 2e Armée, qu'elles sont
3 toutes les deux allées au Kosovo? Et on parle également de la 3e Armée,
4 dans son intégralité elle aussi, qui s'y est rendue?
5 Réponse: J'ai répondu tout à l'heure; je complète tout simplement la
6 réponse de tout à l'heure. Au Kosovo, il y avait des armées, des brigades
7 de la Republika Srpska. Elles se trouvaient à l'ouest de Gjakovë dans la
8 partie appelée "Rezina", concrètement donc.
9 Question: Bien. Nous avons donc fait la clarté sur ce point. Vous affirmez
10 que l'intégralité de l'armée yougoslave a été envoyée au Kosovo. Nous
11 pouvons donc avancer.
12 C'est bien ce que vous affirmez, n'est-ce pas?
13 Réponse: Plus de 150.000 hommes, selon quelques calculs que j'ai entendus
14 aussi d'autres collègues, d'autres ex-collègues qui avaient des postes
15 importants, et vous savez très bien que l'armée a été réduite selon
16 l'accord que vous vous avez signé.
17 Donc il n'y avait pas suffisamment, ces forces n'étaient pas nombreuses,
18 car après ce qui s'est passé au Kosovo, à part les forces se trouvant déjà
19 sur place au Kosovo, toutes les autres forces ont rejoint le Kosovo. Je
20 vous ai dit qu'un petit nombre de militaires sont restés sur leur
21 territoire juste pour être de garde.
22 Question: Vous n'êtes donc pas au courant du fait que les effectifs de
23 l'armée augmentent en temps de guerre? En tant qu'officier yougoslave,
24 vous ne savez rien de cela, n'est-ce pas?
25 Réponse: Merci de me l'avoir rappelé. Il y avait aussi une mobilisation,
Page 4675
1 mobilisation massive en Serbie, et il y a eu des gens qui ont été arrêtés,
2 emprisonnés, des gens qui ont refusé de participer à la guerre et d'être
3 mobilisés.
4 Question: Mais en tant qu'officier, est-ce que cela vous paraît bizarre,
5 étonnant que, lorsqu'un pays est exposé à un risque d'agression, il y ait
6 mobilisation?
7 Réponse: Ca n'est pas étonnant, mais ce qui est étonnant est tout à fait
8 compréhensible pour ceux qui ont refusé de se rendre au Kosovo pour
9 combattre dans une guerre qui n'avait pas de sens.
10 Question: Ça, ce n'est pas quelque chose que vous savez, c'est simplement
11 une affirmation de votre part, n'est-ce pas?
12 Réponse: C'est exact que des gens ont été emprisonnés parce qu'ils ont
13 refusé d'aller en guerre au Kosovo. Ce qui est vrai aussi, c'est que les
14 soldats ont déserté les rangs de l'armée et ils se sont enfuis à
15 l'étranger aussi pour ne pas participer à une guerre, je répète,
16 totalement insensée.
17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Puisque vous êtes déserteur et que
18 vous avez été condamné à une peine de prison, considérez-vous qu'il
19 existe, où que ce soit dans le monde, une armée qui ne mettrait pas en
20 état d'arrestation des déserteurs?
21 M. le Président (interprétation): Ceci n'est pas une question pertinente.
22 Vous avez présenté votre argument, vous avez parlé de la peine prononcée
23 par un tribunal militaire. Ce n'est pas la peine d'insister.
24 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
25 Monsieur le Témoin, vous avez quitté les rangs de l'armée yougoslave trois
Page 4676
1 jours à peine avant l'entrée des forces de l'OTAN au Kosovo. C'est bien
2 cela, n'est-ce pas?
3 M. Peraj (interprétation): Trois jours avant que l'armée yougoslave se
4 retire, j'étais avec eux, je suis resté au Kosovo; je n'avais pas besoin
5 de m'enfuir, de quitter le poste. J'étais juste avant ma retraite. La
6 guerre s'était terminée, donc je n'avais rien à faire en Serbie ni
7 ailleurs. Le seul choix et possibilité étaient de rester dans mon pays
8 natal.
9 M. Milosevic (interprétation): La question que je vous ai posée avait pour
10 objet de localiser dans le temps simplement l'arrêt de vos fonctions au
11 sein de l'armée, autrement dit, la date de votre départ de l'armée
12 yougoslave. Donc du point de vue de la date, ce que j'ai dit est exact,
13 n'est-ce pas?
14 M. Nike (interprétation): Je ne suis pas parti. Je suis resté là où
15 j'étais, là où je trouvais mon unité. Là où c'était mon pays natal, là où
16 était mon logement. Je n'ai pas quitté mon pays, je ne me suis pas enfui.
17 Je n'ai pas quitté mon pays natal: le Kosovo, c'est mon pays et je suis
18 resté dans mon pays.
19 M. le Président (interprétation): Quand avez-vous quitté les rangs de
20 l'armée, Monsieur?
21 M. Peraj (interprétation): Trois jours avant que l'armée yougoslave quitte
22 le Kosovo.
23 M. Milosevic (interprétation): Immédiatement après la fin de la guerre,
24 vous avez eu des rencontres avec l'UCK, n'est-ce pas?
25 M. Peraj (interprétation): Oui.
Page 4677
1 Question: Sinon jusqu'à ce moment-là, votre nom figurait sur la liste de
2 l'UCK qui voulait vous liquider, n'est-ce pas?
3 Réponse: Je ne suis pas au courant.
4 Question: Comment pouvez-vous dire que vous ne le savez pas, puisqu'en
5 page 14, paragraphe 4, de votre avant dernière déclaration -celle que vous
6 avez faite entre le 12 et le 15 février 2001- c'était exactement ce qui
7 est écrit? C'est écrit: comment pouvez-vous dire maintenant que vous
8 n'êtes pas au courant?
9 Réponse: Je ne sais pas, je ne suis pas au courant d'avoir été sur quelque
10 liste. Il est possible qu'il y ait eu des listes, ils ont fait différentes
11 listes. Je n'en sais rien.
12 Question: Mais je vous ai dit exactement à quel endroit de votre
13 déclaration vous affirmez avoir su que votre nom figurait sur la liste des
14 personnes à liquider par l'UCK, mais je ne vais pas insister. Je vais
15 passer à d'autres questions.
16 Vous avez eu donc des entretiens avec l'UCK à plusieurs reprises, n'est-ce
17 pas?
18 Réponse: Ce n'est pas moi qui ai demandé d'aller rencontrer, de parler
19 avec eux. Ils sont venus me chercher, ils m'ont demandé de parler avec
20 moi.
21 M. Milosevic (interprétation): Je ne suis pas en train de discuter du fait
22 de savoir qui a exigé que cet entretien ait lieu. Je vous demande
23 simplement si, oui ou non, vous êtes allé à plusieurs entretiens avec
24 l'UCK. Oui ou non?
25 M. Nike (interprétation): Je ne vous comprends pas. Je ne vois pas le
Page 4678
1 rapport avec ma déclaration si et pourquoi je les ai rencontrés, je me
2 suis entretenu avec eux après la guerre.
3 M. le Président (interprétation): C'est à nous qu'il appartient d'en
4 juger.
5 Monsieur le Témoin, avez-vous eu des rencontres avec l'UCK avant la guerre
6 ou pendant la guerre?
7 M. Peraj (interprétation): Pendant la guerre, je n'ai jamais eu de contact
8 avec l'UCK.
9 M. le Président (interprétation): Et pendant la guerre?
10 M. Peraj (interprétation): Même pas pendant la guerre.
11 M. Milosevic (interprétation): Comme vous l'affirmez vous-même, mais nous
12 y arriverons plus tard, je veux parler du moment où vous avez conseillé à
13 l'UCK de se retirer pour ne pas être totalement détruite à un endroit
14 déterminé; vous en parlez dans votre déclaration. Mais en tout cas, vous
15 avez eu plusieurs rencontres -c'est de cela que je suis en train de
16 parler-, plusieurs rencontres avec l'UCK après la fin de la guerre.
17 Vous vous êtes rendu à plusieurs entretiens de ce genre. C'est exact ou
18 pas?
19 M. Peraj (interprétation): Après la guerre, oui.
20 Question: Entre autres personnes que vous avez rencontrées, vous avez
21 parlé au chef de la police de l'UCK pour le secteur de Djakovica, n'est ce
22 pas?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous avez parlé également avec Ramush Haradinaj, d'après ce qui
25 est écrit dans votre déclaration. Je vous demande, y compris votre
Page 4679
1 rencontre avec Ramush Haradinaj, combien d'entretiens vous avez eus avec
2 l'UCK?
3 Réponse: Ramush Haradinaj, je le connais, mais je ne me suis jamais
4 entretenu avec lui. Lui non plus avec moi.
5 Question: Cela figure au dernier paragraphe de la page 16 de votre
6 déclaration faite du 12 au 15 février 2001. Mais laissons cela de côté!
7 Dites-moi, à combien de reprises avez-vous discuté avec l'UCK? Combien de
8 fois au total?
9 Réponse: Avec les gens de l'UCK, je me suis entretenu après la guerre,
10 dans leurs locaux, à trois reprises.
11 M. Milosevic (interprétation): Vous avez rencontré l'UCK trois fois après
12 la guerre et je ne parle même pas des contacts que vous avez eus avec
13 l'UCK pendant la guerre. Mais essayons de faire un calcul. Je vais vous
14 poser une question...
15 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant, n'allez pas trop
16 vite. Le témoin nie avoir eu le moindre contact avec l'UCK pendant la
17 guerre.
18 M. Milosevic (interprétation): Je ne vais pas lui poser des questions sur
19 ce point maintenant. Nous y viendrons plus tard, mais prenons simplement
20 ce que le témoin a bel et bien confirmé.
21 Donc vous avez été condamné à la peine de prison maximale que peut
22 prononcer un tribunal. Cette peine a été prononcée par le tribunal
23 militaire de Nis, c'est un fait. Deuxième fait, votre nom figurait sur la
24 liste des personnes à liquider par l'UCK. Et ensuite, selon ce que vous
25 dites, vous avez eu trois entretiens avec l'UCK.
Page 4680
1 Pensez-vous qu'il ressort de tout cela, très clairement, que vous êtes
2 venu témoigner ici à la demande de quelqu'un, par exemple à la demande de
3 l'UCK? Oui ou non?
4 M. Peraj (interprétation): Ça, ce n'est pas du tout vrai. Je suis venu ici
5 parce qu'en raison des pleurs, des larmes des mères, des frères, des
6 parents, des sœurs qui ont perdu leurs chers, parce qu'ils m'ont demandé
7 des centaines de fois: est-ce que tu...
8 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez...
9 M. le Président (interprétation): Laissez-le finir!
10 M. Peraj (interprétation): Il m'ont sans cesse demandé, puisque je
11 travaillais dans l'armée, si je savais quelque chose sur le sort de leurs
12 proches. Donc ce serait plus normal que vous nous racontiez quelque chose
13 justement sur eux. Moi, je peux rencontrer les gens de l'UCK tant que je
14 veux et je peux rencontrer qui je veux.
15 Question: Etes-vous en train d'affirmer que votre témoignage ici n'est pas
16 votre police d'assurance vie pour le reste de la vie, compte tenu des
17 circonstances que je viens de rappeler?
18 Réponse: Je n'oublierai jamais les crimes et ce qui est arrivé et des
19 choses que j'ai vues de mes propres yeux, qui se sont produites dans des
20 pays, dans des lieux dont je parle dans ma déclaration, crimes perpétrés
21 par la Main noire, mais surtout par les forces du MUP et les
22 paramilitaires.
23 Question: Ce n'est pas sur ce point que je vous ai interrogé. Mais, quoi
24 qu'il en soit, êtes-vous donc en train d'affirmer que vous êtes venu
25 témoigner ici sans que personne ne vous soumette à la moindre menace, au
Page 4681
1 moindre chantage ou à la moindre pression? C'est bien ce que vous
2 affirmez?
3 Réponse: Je ne suis pas venu ici pour... Je suis venu pour témoigner. Je
4 n'ai reçu aucune pression de personne. Je ne suis pas venu ici pour dire
5 des mensonges. Ce que je dis, j'en suis responsable. Ce sont des vérités
6 et je suis tout à fait en mesure de me trouver en face de qui que ce soit.
7 Je suis là pour dire que la vérité! Tout simplement pour dire la vérité et
8 non pas pour servir à qui que ce soit pour des choses inexistantes. Je
9 parle de ce que j'ai vu de mes propres yeux et ce que j'ai entendu de mes
10 propres oreilles.
11 M. Milosevic (interprétation): Bon. Toutes ces circonstances que nous
12 avons énumérées -la condamnation, la liste des personnes à liquider et les
13 entretiens- ne constituent pas, selon vous, des pressions exercées à votre
14 encontre. Mais la question que je vais vous poser est la suivante...
15 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà dit cela! Monsieur
16 Milosevic, une des façons qui nous fait perdre du temps, c'est précisément
17 ces répétitions. Donc avançons.
18 M. Milosevic (interprétation): Sans problème.
19 Philip Gow, qui est un analyste militaire et qui va témoigner dans la
20 présente affaire -je l'ai trouvé au n°74 sur la liste des témoins- a fait
21 partie des enquêteurs qui ont recueilli vos déclarations ici, entre autres
22 personnes qui vous ont entendu.
23 Est-ce qu'un membre de l'UCK a participé également au recueil de cette
24 déclaration de votre part?
25 M. Peraj (interprétation): Je ne me rappelle pas.
Page 4682
1 Question: Vous ne vous rappelez pas, mais rappelez-vous à quel endroit cet
2 interrogatoire a eu lieu?
3 Réponse: Je ne sais pas de quel interrogatoire vous parlez.
4 M. Milosevic (interprétation): Je parle de la déclaration que vous avez
5 faite à Philip Gow, un analyste militaire qui vous a interrogé. Où cela
6 s'est-il passé?
7 M. Peraj (interprétation): Je n'ai pas donné de déclaration à quelque
8 analyste militaire que ce soit. S'il s'agit de la déclaration, de mes
9 déclarations dont les Juges disposent, là, je peux répondre.
10 M. le Président (interprétation): La déclaration de février 2001, où
11 l'avez-vous faite? A quel endroit?
12 M. Peraj (interprétation): Une déclaration, oui, je l'ai donnée à un
13 représentant du Tribunal, si j'ai bien compris.
14 M. le Président (interprétation): Mais à quel endroit avez-vous été
15 interrogé en février 2001? Vous avez été interrogé en février 2001, vous
16 avez fait une déclaration à ce moment-là. Et la question qu'on vous pose
17 est: à quel endroit cela a-t-il eu lieu?
18 M. Peraj (interprétation): Dans les locaux de l'auto-école, à Gjakova. On
19 y a passé...
20 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce qu'il y a aujourd'hui dans ce
21 bâtiment de l'auto-école de Gjakova, de ce qui, à l'époque, était l'auto-
22 école de Gjakova?
23 M. Peraj (interprétation): Maintenant, c'est un poste de police de la
24 MINUK et des forces de la police du Kosovo.
25 Question: Mais est-ce qu'on y trouve aussi, à cet endroit, un poste du
Page 4683
1 Corps de défense du Kosovo, comme il est convenu de l'appeler, puisque ce
2 Corps travaille avec la MINUK?
3 Réponse: Pas au même endroit. Moi, je ne sais pas.
4 Question: Qui a assisté à cet entretien?
5 Réponse: Je ne me rappelle pas.
6 M. Milosevic (interprétation): Vous rappelez-vous au moins quel était le
7 nombre de personnes présentes au moment où vous répondiez aux questions de
8 Philip Gow?
9 M. Peraj (interprétation): Tout d'abord, ce nom ne me dit rien. Cela ne me
10 dit rien du tout, ce nom.
11 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, cela pourrait être
12 utile que le nom soit correctement prononcé. Je ne dis pas qu'il y a
13 erreur volontaire mais, en page de couverture, on voit le nom des
14 personnes qui étaient présentes, et le nom de cet homme est Philip Coo.
15 M. le Président (interprétation): Qui d'autre?
16 M. Ryneveld (interprétation): Paolo Pastore Stocchi. Et l'interprète était
17 Taulant Saraqini. Philip Coo, Paolo Pastore-Stocchi et une autre personne
18 étaient donc présents. Pour l'entretien précédant, les mêmes noms avec un
19 autre interprète. Et voilà, le nom de toutes les personnes qui étaient
20 présentes au cours de la prise de la déclaration de l'an 2000.
21 Pour le recueil de la déclaration en l'an 2000, il y a un nom
22 supplémentaire; c'est celui du beau-frère du témoin.
23 Et pour ce qui est de l'entretien d'hier, 8 mai 2002, le nom de toutes les
24 personnes présentes est mentionné en page de couverture. Mais il est
25 possible que le témoin ne sache pas exactement quelles sont les fonctions
Page 4684
1 exercées par l'une ou l'autre de ces personnes. Quant aux noms, ils
2 figurent en page de couverture.
3 Et moi, je peux vous apporter mon aide, le cas échéant, pour vous dire
4 quelles sont les fonctions de ces personnes, mais ce n'est pas la question
5 que je voulais évoquer à l'instant même.
6 Je dis simplement qu'il est plus équitable à l'égard du témoin de bien
7 prononcer le nom et que ce nom est Philip Coo.
8 M. le Président (interprétation): L'heure de la pause est arrivée: 20
9 minutes de suspension.
10 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 37.)
11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, c'est à vous.
12 M. Milosevic (interprétation): Avant de poursuivre, je souhaiterais vous
13 demander de faire en sorte que le Procureur ne réponde pas à mes
14 questions. Parce que j'avais une raison quand j'ai demandé au témoin "qui
15 a participé à cet entretien?". J'avais une raison! Et ce qui figure sur la
16 première page, je suis tout à fait capable de le lire moi-même.
17 Deuxième chose: puisqu'on en avait déjà parlé, moi, très franchement, je
18 m'attendais à ce que vous réagissiez, parce que le témoin, il dépose en
19 vertu de l'Article 92bis. Et le sujet de la déposition, de
20 l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire, c'est uniquement
21 ce qui se trouve dans la déclaration.
22 Or le Procureur, dans le cadre de ses questions liminaires, a présenté une
23 carte relative aux expulsions bien que, dans ses déclarations, le témoin
24 ne parle nulle part de ces expulsions. D'ailleurs, dans ses déclarations,
25 le témoin dit avoir vu la vallée de Carragojs après les opérations du 28;
Page 4685
1 et le Procureur l'a interrogé au sujet de la direction dans laquelle les
2 réfugiés se déplaçaient, etc., etc.
3 Je souhaiterais attirer votre attention également sur la chose suivante:
4 vous-même avez dit connaître cette déclaration -j'imagine que cela fait
5 partie de vos obligations- et il dit, dans sa déclaration, qu'il a vu la
6 vallée de Carragojs après l'opération du 12. Ceci figure à la page 12,
7 avant-dernier paragraphe de cette déclaration donnée le 12 février.
8 Maintenant, je vais poursuivre mes questions.
9 M. Ryneveld (interprétation): Oui.
10 M. le Président (interprétation): Un instant. Je souhaiterais répondre à
11 cela.
12 Premièrement, le Procureur est intervenu, vous a interrompu pour apporter
13 des précisions, un éclaircissement, parce que le nom des personnes ou de
14 la personne présente(s) lors de l'entretien avec le témoin n'avait pas été
15 prononcé correctement, et le Procureur est en droit de faire ce genre
16 d'intervention.
17 S'agissant des expulsions, ceci figure dans la déclaration. Le témoin
18 avait donc le droit de produire cette carte.
19 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Afin d'aider la Chambre, je
20 souhaiterais dire qu'au paragraphe 59 de la deuxième déclaration, on parle
21 de cette question. Puisqu'on se plaint de mon comportement, je dirai qu'au
22 paragraphe 59 de la deuxième déclaration, page 19… Non, pardon! Excusez-
23 moi. C'est la douzième page sur un total de 19, paragraphe 59.
24 Vous constaterez que, dans ce paragraphe, on traite très largement de ce
25 qui a été résumé.
Page 4686
1 M. le Président (interprétation): Oui, on fait référence à une carte
2 annotée de l'opération, des opérations dans la vallée.
3 M. Ryneveld (interprétation): Oui, on parle également de civils qui ont
4 été contraints de se déplacer, qui ont été dirigés vers des groupes
5 paramilitaires.
6 M. le Président (interprétation): Oui.
7 M. Milosevic (interprétation): Certes, mais ceci ne remet pas en question
8 ce que j'ai dit et ce qui figure dans la déclaration, à savoir qu'il n'a
9 vu cette vallée qu'après les opérations du 28.
10 Je viens de vous dire, de vous citer cet extrait de la déclaration.
11 Ma question suivante: est-ce que maintenant vous avez peur de l'UCK?
12 M. Peraj (interprétation): Je n'ai jamais eu peur et je n'ai pas peur.
13 Question: Pendant longtemps, au cours de vos activités au sein de l'armée,
14 vous avez travaillé au sein d'une unité de train, une unité de transport.
15 Vous étiez responsable d'une équipe, un groupe, n'est-ce pas?
16 Réponse: C'est vrai. Pendant quatre ans et demi, j'ai été le référent de
17 communication. Et pendant un an, j'ai été chef de la communication pour la
18 caserne de Prishtina.
19 Question: Si j'ai compris ce que vous dites ou d'après ce que j'ai
20 compris, vous étiez responsable de l'approvisionnement en véhicules et en
21 équipement, etc., tout ce qui est entre dans le cadre d'une telle
22 fonction?
23 Réponse: Aussi pour la planification, pour la gestion des chauffeurs, la
24 planification de ce travail, etc.
25 Question: J'ai compris qu'à partir de décembre 1998, vous avez formé des
Page 4687
1 soldats. Vous avez planifié les exercices et la formation des soldats,
2 pour être plus précis. Est-ce bien le cas?
3 Réponse: Oui, oui.
4 Question: De quelle sorte de formation s'agissait-il? Sur quoi portait
5 cette formation?
6 Réponse: J'enseignais la matière de communication.
7 Question: En fait, vous prépariez des plans, des cartes pour les gardes,
8 n'est-ce pas?
9 Réponse: Lorsque je travaillais comme référent dans le secteur
10 opérationnel de l'enseignement, j'ai été muté, j'ai changé de poste.
11 Question: Cette planification, s'agissant de l'affectation des gardes, la
12 sécurité des personnels, la sécurité des bâtiments, c'est bien cela ce
13 dont nous parlons? J'ai bien compris?
14 Réponse: C'était la sécurité physique des locaux de la caserne.
15 Question: D'accord, cela veut dire que je vous ai bien compris.
16 Au sein de l'armée donc, vous n'avez jamais occupé un poste qui vous
17 aurait permis de disposer d'informations, quelles qu'elles soient,
18 relatives aux effectifs, au nombre de soldats, au déploiement des troupes,
19 au commandement, etc.? N'est-ce pas exact?
20 Réponse: Non, ce n'est pas comme cela.
21 Question: D'accord. Mais vous dites que vous étiez responsable de la
22 sécurité des bâtiments. Voulez-vous dire que vous conduisiez les gens à
23 partir du commandement, que vous assuriez la sécurité des personnes? Vous
24 travailliez à la sécurité concrète et vous n'étiez pas chargé des
25 questions de sécurité en général au sein de l'armée? C'est cela?
Page 4688
1 Réponse: J'ai été la personne de référence dans le secteur opérationnel de
2 l'enseignement et de formation, où l'on prépare et élabore tous les
3 programmes de formation pour les gardes des locaux et d'autres choses du
4 siège. Il ne s'agissait pas de la sécurité dans le sens auquel vous faites
5 allusion.
6 Question: Moi, je vous ai demandé, il y a quelques instants, si l'on
7 pouvait dire que vous n'étiez pas à un poste qui vous permettait de
8 disposer d'informations, quelles qu'elles soient, ayant trait au nombre de
9 soldats, au déploiement des soldats, au système de compte rendu, etc. Vous
10 avez dit que ce n'était pas vrai.
11 Mais pouvez-vous me dire comment vous obteniez ce type d'informations, ces
12 informations relatives au déploiement des hommes, au commandement, aux
13 procédures de compte rendu, etc., si vous dites que moi, ce que j'ai dit,
14 sur la base de votre déclaration, n'est pas exact?
15 Réponse: Dans le secteur où j'ai travaillé, je n'étais pas seul. Il y
16 avait aussi un chef et un collègue, qui est aussi une personne de
17 référence. Là, toutes les notes étaient là, étaient évidentes: le nombre
18 des soldats, le nombre, la quantité de la logistique, des armements, de
19 tous les moyens, des équipements étaient là. Il y avait très, très peu de
20 notes secrètes.
21 Question: Bien. Vous nous parlez des réservistes de l'armée de
22 Yougoslavie. Y avait-il des Albanais parmi eux?
23 Réponse: Au départ, oui, il y en a eu. Plus tard, très peu. Peut-être
24 peut-on les compter sur le bout des doigts.
25 Question: Bien. Vous affirmez que les membres du MUP et les réservistes
Page 4689
1 -et vous parlez même, d'ailleurs, de certains éléments paramilitaires-, en
2 tout cas, vous affirmez qu'ils ont perpétré certains crimes et qu'ils ont
3 échappé au commandement de l'armée. Est-ce exact?
4 Réponse: L'armée régulière a été au complet, a été complétée par les
5 réservistes qui figuraient sur les listes de l'armée. De même, la police
6 également a ses propres réservistes planifiés qui, de temps à autre,
7 peuvent être mobilisés.
8 Or, il y avait également des volontaires, différents volontaires qui s'y
9 sont engagés car, comme une partie des réservistes refusait et ne
10 participait pas à la formation militaire, on était donc obligés aussi de
11 recruter des gens de la rue. Je ne sais pas, moi, des terroristes, des
12 délinquants qui ont eu des précédents, des casiers judiciaires et on les a
13 emmenés au Kosovo.
14 Question: Etes-vous en train d'essayer de nous dire que les autorités ont
15 libéré des criminels de prison afin qu'ils puissent rejoindre les rangs de
16 l'armée? Est-ce que vous connaissez des exemples de ce type?
17 Réponse: Ces personnes ont toujours eu des problèmes au Kosovo, sans
18 cesse. L'armée arrêtait et mettait en prison des personnes pareilles, des
19 individus pareils. Et ils avaient des casiers judiciaires, ils avaient été
20 déjà condamnés à des peines de prison pour différents crimes, et à
21 plusieurs reprises ceci. Car ils ont causé, provoqué des problèmes en
22 ville, mais aussi parmi les rangs des soldats réguliers de l'armée.
23 Question: Essayons de préciser quelque chose. Les réservistes qui sont
24 venus, ils étaient incorporés aux unités régulières: est-ce que c'est vrai
25 ou est-ce que ce n'est pas vrai?
Page 4690
1 Réponse: Il y avait des gens incorporés dans les unités régulières et j'ai
2 dit tout à l'heure que les unités régulières sont complétées par le
3 contingent de réservistes, mais il y avait aussi des cas, des individus
4 qui se présentaient comme des volontaires; ils étaient engagés dans des
5 formations comme "les Tigres d'Arkan", les troupes de Seselj et autres;
6 ils rejoignaient ce genre de formations et d'unités.
7 C'étaient des volontaires. Ils venaient pour piller, pour perpétrer des
8 crimes, pour tuer.
9 Question: Est-ce que cela veut dire que, d'après ce que vous affirmez, il
10 y avait, d'après ce que vous dites, des réservistes qui sont venus là et
11 qui n'ont pas rejoint les rangs des unités régulières de l'armée, mais
12 qu'il s'agissait d'armées, d'unités spéciales.
13 Réponse: Tout d'abord, ils ont été mobilisés dans les unités militaires,
14 mais la discipline des unités militaires ne leur convenait pas et ils
15 décidaient de s'en aller pour rejoindre les unités que j'ai citées tout à
16 l'heure: les "Tigres d'Arkan" et les "Aigles blancs de Seselj".
17 Donc ils provoquaient, ils causaient énormément de problèmes dans l'armée
18 même.
19 Question: Bien. Dites-moi, puisque vous étiez un officier d'active et
20 puisque vous travailliez au commandement, connaissez-vous l'ordre relatif
21 à l'interdiction des formations paramilitaires qui stipulent que, chaque
22 fois et partout où ces unités apparaissent, il faut les arrêter, les
23 désarmer et les démanteler. Etes-vous au courant de cet ordre?
24 Réponse: Je suis au courant de cela, mais pourquoi à l'époque, vous
25 concrètement, vous n'avez pas pris la décision qu'ils soient arrêtés
Page 4691
1 puisque vous disposiez de rapports qui vous arrivaient, qui vous
2 parvenaient du terrain? Vous aviez des informations, mais vous n'avez pas
3 donné l'ordre. Nous, on ne pouvait pas, ils nous restaient qu'à s'entre-
4 tuer. C'était à vous de prendre des décisions.
5 Question: Est-il exact que les commandants de l'armée de Yougoslavie ont
6 arrêté de nombreux soldats, même des soldats qui appartenaient aux unités
7 régulières et aux unités de réserve? Il s'agissait là de soldats qui
8 s'étaient rendus coupables de crimes?
9 Réponse: Il est vrai que l'on a arrêté des soldats. Je sais qu'à Djakova,
10 cela s'est passé, mais le premier jour, le deuxième jour et le troisième
11 jour, il y avait un ordre qui venait qu'il fallait les libérer.
12 Je connais d'ailleurs un cas où le garde -c'était un lieutenant-, un garde
13 qui était là, un sergent, m'a dit: "J'ai reçu l'ordre de les libérer",
14 alors qu'il était de garde dans la cave d'une maison. Donc il avait des
15 ordres pour les remettre en liberté, ces gens-là.
16 Question: Et qui aurait pu donner ces ordres afin que vous les libériez,
17 alors que vous-même, il y a quelques instants, vous nous avez dit que vous
18 étiez au courant de cet ordre issu par le commandement suprême, selon
19 lequel ces personnes-là devaient être arrêtées?
20 Réponse: Cet ordre, cet ordre, d'après ce que je sais, d'après ce que
21 cette personne m'a dit -qui s'appelle Saki Perovic-, cet ordre, il l'avait
22 reçu de Belgrade.
23 Question: Et est-il exact que les soldats que l'on soupçonnait d'avoir
24 commis des viols ont été arrêtés, jugés et condamnés? Est-ce que c'est
25 vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai?
Page 4692
1 Réponse: C'est vrai. Ceci s'est passé dans le village de Gërgoc, à
2 Gjakovë. C'était juste le commencement, le début de ces arrestations. Il
3 s'agissait des réservistes, des forces de l'armée régulière. Voilà donc
4 l'exemple -mais je ne connais pas d'autres exemples de ce genre- de gens
5 qui soient punis pour cela; je connais seulement des exemples de gens qui
6 ont été remis en liberté.
7 Question: Dans votre déclaration, vous n'avez pas dit que des gens avait
8 été ensuite libérés, vous ne donnez pas un seul exemple mais plusieurs
9 exemples, page 4, paragraphe 1 de votre déclaration du 18 avril. Alors,
10 dites-moi, quand avez-vous dit la vérité: au moment de votre déclaration
11 ou maintenant?
12 Réponse: J'ai dit que ces personnes qui ont été arrêtées, emprisonnées,
13 ont été punies, alors que d'autres cas -vous n'avez pas très bien compris
14 ce que j'ai dit-, d'autres personnes -je n'ai pas dit que ceux qui ont été
15 punis ont été remis en liberté, ils n'ont pas été remis en liberté-, mais
16 d'autres qui ont été arrêtés plus tard ont été remis en liberté, tous. Je
17 ne vous parle pas... Parce qu'il n'y a pas eu seulement que quelques
18 arrestations, il y a eu d'autres arrestations et, après, il n'y a pas eu
19 de mesures pour les punir.
20 Question: Et comment savez-vous qu'aucune mesure n'a été prise?
21 Réponse: Le soir, quand je suis allé surveiller les gardes, j'ai vu
22 quelqu'un qui était arrêté, en prison et, le lendemain, je l'ai vu à
23 l'hôtel Pashtrik, dans le restaurant de l'hôtel, en train de boire des
24 bières.
25 Question: Est-il exact que les commandants de l'armée yougoslave n'ont
Page 4693
1 donné l'ordre de commettre aucun acte de violence -et, en particulier,
2 ceci concerne les viols- et que ce type d'incidents a été extrêmement
3 épisodique?
4 Réponse: En ce qui concerne les commandants de l'armée régulière, c'est
5 vrai que je n'ai jamais entendu dire qu'ils aient reçu des ordres ou
6 qu'ils aient donné des ordres pareils.
7 Question: Donc c'est exact.
8 Est-il également exact que, comme vous l'affirmez, chaque municipalité
9 devait avoir une unité de la police composée d'Albanais?
10 Réponse: Pendant un certain temps, il y a eu formation de centres appelés
11 "Centres de police locale".
12 Question: Savez-vous que les membres de ces forces de police locale, dans
13 les villages, étaient élus par les habitants des villages eux-mêmes?
14 Réponse: Je ne sais pas qui les a choisis, ces policiers; je n'ai jamais
15 participé à ce genre de réunion ou d'activité.
16 Question: Eh bien, ils étaient censés s'occuper de la sécurité des
17 villages, ils étaient censés assurer cette sécurité. Est-ce exact?
18 Réponse: Je ne me suis jamais mêlé des affaires de la police. Ils avaient
19 sûrement, je suppose, des fonctions bien déterminées.
20 Question: Oui, mais c'est quelque chose dont vous parlez à la page 5 de
21 votre déclaration du 12 au 15 février 2001. C'est donc la question que je
22 vous pose: est-ce que c'est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai ce que
23 vous dites là, que les policiers albanais étaient chargés de la sécurité
24 des villages? Est-ce que c'est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai?
25 Réponse: Selon la logique, cela a dû être comme cela, cela devrait être
Page 4694
1 comme cela.
2 Question: Bien. Est-il exact que vous n'avez connaissance d'aucun ordre
3 ordonnant une liquidation?
4 Réponse: Je n'ai jamais vu, moi, un ordre, un tel ordre de liquidation.
5 Question: Vous dites dans votre déclaration: "On buvait beaucoup". Est-il
6 vrai que votre commandant vous a donné l'ordre de faire en sorte que ce
7 genre de pratique ne perdure pas?
8 Réponse: Oui. Dans l'hôtel Pashtrik, se trouvaient les forces d'"Arkan" et
9 de Seselj, les "Frenki", parce que l'armée régulière, les soldats de
10 l'armée régulière n'y allaient pas; cela leur était interdit. Mais ceux-ci
11 faisaient la fête, ils maltraitaient, ils tiraient en l'air, ils tiraient
12 sur des vieillards qui passaient par là, et on a demandé à l'hôtel que
13 l'on ne serve plus d'alcool, de boissons alcoolisées. Mais il était
14 impossible de les faire partir.
15 Question: Si bien que vous n'avez pris aucune disposition suite à cet
16 ordre?
17 Réponse: Je l'ai raconté à mon commandant, je lui ai présenté la
18 situation. Ensuite, le chef de la brigade s'est mis en colère. Il a dit:
19 "Je vais m'y rendre moi-même!". Pour lui, c'était pire encore parce que
20 lui, il a été insulté et sa présence a été associée à des coups de tirs en
21 l'air; après, lui aussi a dû quitter les lieux. C'était pire.
22 Question: Il y a quelques instants, vous avez parlé de Seselj, d'"Arkan";
23 vous donnez ces noms et vous donnez les noms de plusieurs personnes.
24 Savez-vous que ni Seselj ni Arkan n'ont jamais été au Kosovo pendant la
25 guerre?
Page 4695
1 Réponse: Lors de la guerre, je ne les ai pas vus au Kosovo ni l'un… Je dis
2 "lors de, durant la guerre". Avant la guerre, ils y étaient. Mais durant
3 la guerre, il y avait leurs gens, il y avait leurs commandants. Ils
4 parlaient, ils racontaient ce qu'ils avaient fait aussi en Bosnie, en
5 Croatie. C'était eux-mêmes qui, tous les jours... Ils racontaient, ils
6 étaient là ... Ils venaient rencontrer à l'hôtel des soldats et ils
7 racontaient eux-mêmes, leurs expéditions.
8 Question: Le simple fait que quelqu'un raconte quelque chose au sujet de
9 lui-même, est-ce que cela veut forcément dire que cette personne raconte
10 la vérité?
11 Réponse: Il ne s'agissait pas d'une personne. Il y avait toute une unité.
12 C'étaient des dizaines de personnes installées… Les gens de "Arkan" se
13 trouvaient dans l'hôtel Pashtrik, les autres aussi.
14 Question: Je vous en prie! Je vous pose cette question parce que vous
15 affirmez des choses qui sont complètement impossibles. Ainsi, par exemple,
16 vous nous parlez des hommes de "Frenki", les "Frenki". Alors, qui sont ces
17 gens-là, ces gens qui s'appellent "les hommes de Frenki"? Les "Frenki",
18 qu'est-ce que cela veut dire "Frenki"?
19 Réponse: "Frenki", c'était l'unité, c'était l'unité la plus terroriste qui
20 a perpétré la terreur, de concert avec les gens d'Arkan. Ce sont des
21 choses que j'ai entendues aussi de mes ex-collègues. Ce sont des gens qui
22 n'ont pas de famille, qui ont grandi dans des orphelinats, des gens sans
23 sentiment, sans émotion. Ils tuent. Pour eux, massacrer quelqu'un, c'est
24 comme si l'on coupe la tête à un poulet. Ce sont des gens qui n'ont pas de
25 scrupules.
Page 4696
1 Question: Savez-vous que ce que vous affirmez aurait été complètement
2 impossible, parce que "Frenki", ou plutôt "Franko", cette unité ainsi
3 dénommée, ce n'était pas une formation paramilitaire. En fait, c'était
4 quelqu'un qui était l'adjoint du chef de la sécurité et, précédemment, il
5 avait été à la tête d'une unité régulière chargée de la lutte
6 antiterroriste. Si bien qu'il est complètement impossible que ces hommes,
7 que vous qualifiez de "bandits", aient appartenu à une telle unité. Le
8 savez-vous? Je vous parle à vous en tant qu'officier!
9 Réponse: Je suis tout à fait conscient quand je vous dis que c'était vrai.
10 C'était réellement une unité particulière, très spéciale, commandée de
11 Belgrade. Moi-même…, le commandant m'a dit: "Ne les contactez pas. Ne
12 provoquez pas de conflit avec eux parce qu'il ne faut vraiment rien avoir
13 à faire avec cette unité. Ils ont leur propre commandement". Toutes les
14 nuits, ils se promenaient, ils se baladaient en ville, entraient dans des
15 maisons, perpétraient des tortures et des massacres. Je ne sais pas
16 exactement comment ils étaient organisés.
17 Question: S'il vous plaît, est-il clair que cet homme n'était pas Frenki,
18 ou plutôt celui que les gens appelaient "Frenki"?
19 Réponse: Je ne connais pas Frenki personnellement. Je ne sais pas qui il
20 est. Mais toute l'unité, les gens de cette unité s'appelaient "Frenki".
21 Ils portaient des foulards noirs sur leur tête. Ils changeaient tous les
22 jours d'uniforme: une fois, un uniforme de police, une fois, un uniforme
23 d'arme militaire, demi-militaire, demi-policier, enfin des tenues civiles.
24 Ils changeaient tous les jours d'uniforme.
25 Question: Ce qui signifie, en fait, que cette unité ne pouvait en aucun
Page 4697
1 cas relever du ministère de l'Intérieur ou des services de sécurité
2 publique. C'est bien ça ou ce n'est pas ça?
3 Réponse: Je peux dire que, d'après les discussions avec nos collègues
4 -parce qu'on en a largement parlé entre nous, entre les collègues-, ils
5 étaient directement commandés de Belgrade; c'était le ministère des
6 services secrets qui leur donnait des ordres, qui les commandait.
7 Question: Mais en tant qu'officier de l'armée yougoslave, êtes-vous au
8 courant du fait qu'une unité antiterroriste des services de sécurité est
9 normalement l'unité la plus disciplinée, composée de sportifs de haut
10 niveau et de personnes qui ont des capacités mentales et physiques très
11 importantes, donc une unité particulièrement bien organisée,
12 particulièrement disciplinée, qui en aucun cas ne peut correspondre à la
13 description que vous venez de faire?
14 Réponse: L'unique vérité dans ce que vous dites, c'est qu'ils avaient
15 vraiment des capacités physiques très importantes, mais leurs capacités
16 étaient orientées pour commettre des crimes.
17 Question: Etes-vous en train d'affirmer que cette unité correspondait à ce
18 que vous vous êtes efforcé d'expliquer, à savoir une partie des services
19 du ministère de l'Intérieur?
20 Réponse: Ils ont perpétré des crimes, j'en suis tout à fait sûr. Je n'ai
21 pas besoin d'entrer dans le détail.
22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, il est très important de savoir si
23 vous parlez de ce que j'appellerais un "groupe de criminels" ou de savoir
24 si vous parlez d'une unité qui relève des organes du gouvernement de la
25 République de Serbie. C'est quelque chose de tout à fait capital, eu égard
Page 4698
1 à ce que vous dites dans votre déposition. Je suppose qu'il vous apparaît
2 clairement, en tant qu'officier, que votre déposition donne une image très
3 négative des organes réguliers du gouvernement. Si ce que vous dites est
4 vrai.
5 M. Peraj (interprétation): Je ne sais pas comment vous expliquer. Je ne
6 sais pas quel groupe ou quel... Pour moi, un groupe ou un individu qui
7 commet des crimes, il s'appelle un "groupe criminel" ou il s'appelle
8 "criminel". Je ne sais pas quel nom lui donner, sinon.
9 M. le Président (interprétation): Qu'avez-vous vu faire par cette unité?
10 M. Peraj (interprétation): Cette unité, ces hommes, dans quelques villes
11 de Gjakova, ils se trouvaient près de la station Vllaznimi, près du stade
12 Vllaznimi et, pendant toute la nuit, ils mettaient le feu à des maisons
13 dans différents endroits de la ville alors que, pendant la journée, dans
14 l'après-midi, vers 14 heures de l'après-midi, ils se rassemblaient, ils se
15 retrouvaient tous dans le café dit "Rinia" en face des locaux de l'armée.
16 Et quand la nuit tombait, ils reprenaient leurs actions et on voyait des
17 fumées et des flammes en ville. Ils tiraient avec leurs armes, on
18 entendait les bruits des coups de feu. Cela, j'ai pu le remarquer parce
19 que mes gardes se trouvaient, la nuit, près des locaux de l'armée.
20 M. Milosevic (interprétation): Mais n'avez-vous pas dit, il y a à peine un
21 instant, qu'en réalité, il ne s'agissait pas d'une unité organisée, mais
22 d'un groupe de criminels?
23 M. Peraj (interprétation): De l'unité qui s'appelait justement, notamment,
24 "Frenki".
25 M. Kwon (interprétation): Excusez-moi.
Page 4699
1 Monsieur le Témoin, connaissiez-vous personnellement le nom de Franko
2 Simatovic? Saviez-vous exactement ce que cet homme faisait à l'époque?
3 M. Peraj (interprétation): J'ai seulement entendu son nom. Donc si l'on
4 parle de noms de personnes, c'est l'unique nom que j'ai entendu. Mais je
5 ne sais pas ce qu'il a fait.
6 M. Kwon (interprétation): Merci.
7 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Milosevic.
8 M. Milosevic (interprétation): Mais, sachant ce que vous venez de dire à
9 l'instant, ne vous apparaît-il pas clairement que ce groupe ne pouvait pas
10 constituer une unité régulière, et sûrement pas une unité d'élite des
11 forces de sécurité? Cela ne vous apparaît pas clairement?
12 M. Peraj (interprétation): Je n'ai pas dit que c'était une unité régulière
13 de l'armée ou autre chose, je ne l'ai pas dit. Je vous dis qu'ils
14 composaient une unité et ils s'appelaient "Frenki".
15 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais, c'est sans doute un surnom qui
16 leur a été donné par quelqu'un, ou un surnom qu'ils se sont donné à eux-
17 mêmes. Mais ils ne pouvaient avoir aucun rapport avec les services de
18 sécurité.
19 Est-ce que ceci vous apparaît clairement en tant qu'officier de l'armée?
20 C'est ce que vous étiez à l'époque, n'est-ce pas?
21 M. Peraj (interprétation): Je ne vous comprends pas. Qu'est-ce que vous
22 voulez dire?
23 M. le Président (interprétation): Cette unité avait-elle le moindre lien
24 que vous ayez pu constater avec des forces régulières?
25 M. Peraj (interprétation): Non.
Page 4700
1 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous venez de dire qu'ils ne
2 pouvaient pas y avoir de lien avec des forces régulières -vous l'avez dit
3 en réponse à la question posée par M. May-, précédemment, vous avez dit
4 que, manifestement, il s'agissait d'un groupe de criminels et, si l'on
5 tient compte du fait que vous étiez chargé de la sécurité, pourquoi ne les
6 avez-vous pas arrêtés?
7 Réponse: On a tenté de les arrêter, pas seulement les "Frenki", mais tous
8 ceux qui provoquaient des problèmes en ville. C'était impossible. Je vous
9 ai dit tout à l'heure que le grand chef de la caserne, le commandant lui-
10 même s'est rendu sur place et n'a pas pu les arrêter. Ils étaient
11 tellement nombreux et on ne pouvait pas identifier les personnes les plus
12 importantes parmi eux.
13 Question: Vous avez dit que c'était un colonel de l'armée yougoslave, un
14 certain Djosan, qui était responsable du MUP, chef du MUP, si j'ai bien lu
15 le nom qui est écrit ici.
16 Quel rapport peut-il y avoir entre l'armée de la Yougoslavie et le MUP?
17 Comment expliquez-vous ce que vous dites à ce sujet?
18 Réponse: Le colonel Milos Djosan était commandant de garnison et était en
19 même temps le commandant de la brigade de Gjakova.
20 Question: Donc il n'était pas responsable du MUP?
21 Réponse: En temps de guerre, le commandant de garnison est la personne n°1
22 de cette garnison, que ce soit pour la police et pour les autres.
23 Question: Est-ce que c'est Djosan qui vous a donné l'ordre d'arrêter les
24 criminels?
25 Réponse: Non, pas de les arrêter, mais d'interdire que l'on serve des
Page 4701
1 boissons alcoolisées et de les éloigner, de les faire partir, de les
2 renvoyer à leurs propres locaux, à leurs postes.
3 Question: Bon. Il n'y a aucun sens à poursuivre sur ce thème, mais
4 j'espère que les choses sont claires.
5 Vous mentionnez les généraux Pavkovic et Lazarevic -c'est ce qui est écrit
6 dans vos déclarations-, mais, compte tenu du fait que ce que vous en dites
7 est très peu clair, je vous demande s'il est permis de constater que vous
8 n'avez en fait jamais rencontré personnellement ni Pavkovic ni Lazarevic.
9 Réponse: Pavkovic, je l'ai rencontré au moins 200 fois, alors que
10 Lazarevic, moins, puisqu'il est arrivé plus tard à Pristina.
11 Question: Mais essayons de définir le caractère de ces rencontres. Vous
12 étiez responsable de la sécurité des bâtiments du commandement.
13 Quand vous dites que vous l'avez rencontré, est-ce que cela veut dire que,
14 lorsqu'il pénétrait ou sortait du bâtiment, vous le voyiez ou que vous
15 transmettiez un rapport en tant que chef de la sécurité pour dire qu'il
16 n'y a rien à signaler, etc.? Autrement dit, vous l'auriez vu entrer et
17 sortir du bâtiment, et c'est dans ce sens que vous parlez de rencontre?
18 C'est bien cela ou pas?
19 Réponse: Je l'ai rencontré, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que,
20 lors de mon séjour à Pristina, j'étais surveillant de garnison. Je lui
21 rapportais chaque matin, lorsqu'il se rendait au travail, je lui
22 rapportais la situation aux garnisons et puis, lors de la journée, il m'a
23 convoqué de temps à autre pour me charger d'autres tâches. Donc j'ai eu
24 des contacts. Pareil pour Lazarevic; il était son adjoint à Pristina.
25 Question: Etaient-ce des contacts officiels, corrects, réguliers qu'un
Page 4702
1 responsable de la sécurité peut avoir avec le commandement suprême
2 responsable d'un territoire déterminé?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Dans vos déclarations, vous dites que des volontaires sont
5 arrivés en provenance de Russie. Ce matin, j'ai lu les corrections faites
6 par vous, dont lecture a été donnée par M. Ryneveld, et j'ai constaté que
7 vous avez corrigé cette déclaration en disant que ces hommes étaient au
8 nombre de neuf et que, parmi eux, se trouvait un médecin de Russie.
9 Donc, après les corrections faites par vous, il ressort que ce groupe
10 était une sorte de groupe humanitaire. Oui ou non?
11 Réponse: C'était un groupe armé en uniforme de camouflage, des
12 volontaires; ils se présentaient en tant que volontaires. Nous les avons
13 reçus dans la cave du palais de la culture, à Gjakovë, et nous les avons
14 inscrits, les avaient enregistrés. On a défini les unités auprès
15 desquelles ils devaient s'engager. Ce groupe est parti à Kosharë, près de
16 la frontière.
17 Question: Bien, mais est-il exact que le commandant de votre unité a
18 refusé de les admettre, a refusé qu'ils restent à Djakovica?
19 Réponse: Le commandant leur a dit, par le biais de la personne de
20 référence, le commandant était là lorsqu'il lui a dit: "Non, vous devez
21 aller en guerre. Si vous êtes des volontaires, vous devez aller en guerre,
22 parce que, s'il s'agit de piller, il y en a pas mal en ville des gens qui
23 pillent."
24 Question: Bien. Cela veut dire qu'il les a déployés en tant que
25 volontaires à Karaula Koshare, à la frontière en leur demandant, en les
Page 4703
1 chargeant de défendre la frontière.
2 Réponse: Là, c'était la guerre.
3 Question: Vous parlez de Koshare; je suppose donc que vous parlez de
4 Karaula Koshare, de la zone frontière?
5 Réponse: Oui, c'est cela.
6 Question: Bon. Vous dites que, durant l'agression de l'OTAN, des
7 rencontres ont eu lieu entres les représentants de l'armée, du MUP et de
8 la Défense territoriale. Vous est-il arrivé, à quelque moment que ce soit,
9 et si oui, dans quel rôle, vous est-il arrivé de participer à de telles
10 rencontres?
11 Réponse: Il y avait plusieurs rencontres; de temps en temps, j'y
12 participais. De temps à autre, on me disait de ne pas se présenter, mais
13 d'aller contrôler les gardes. Parfois, je suis entré tout à fait par
14 hasard dans ce genre de réunions et je les ai vus en train de faire leur
15 réunion.
16 Question: Il ne ressort pas de vos déclarations que vous avez participé à
17 quelque rencontre officielle de ces instances?
18 Réponse: C'étaient plutôt des briefings, des consultations parce que le
19 temps ne permettait pas de faire de longues réunions. C'était juste des
20 rencontres pour transmettre des informations, pour préciser les fonctions
21 et les tâches, c'est tout.
22 Question: Bien, mais est-il logique, en temps de guerre, que des officiers
23 responsables de l'armée et de la police échangent des informations, c'est-
24 à-dire agissent conformément à ce que vous venez de décrire?
25 Réponse: C'est normal parce que, si toutes les choses étaient normales,...
Page 4704
1 Question: Bien. Vous avez dit que, sur le territoire du Kosovo, étaient
2 stationnés 150.000 soldats. Vous n'avez jamais appris ce chiffre de façon
3 officielle et vous n'occupiez pas une fonction qui vous aurait permis d'en
4 vérifier l'exactitude. C'est bien cela, n'est-ce pas? Oui ou non?
5 Réponse: Mes collègues m'ont dit, enfin des supérieurs, mes supérieurs
6 m'ont dit qu'il y a environ 150.000 soldats.
7 Question: Bien. Vous dites que l'armée yougoslave était responsable des
8 opérations menées contre l'UCK. Etes-vous en train d'affirmer que le MUP
9 n'a eu aucun affrontement avec l'UCK?
10 Réponse: Le MUP s'est livré à plusieurs combats. Plus que l'armée.
11 Question: Des affrontements avec l'UCK évidemment, mais ce que je voulais
12 faire simplement, c'était tenter d'élucider ce que vous avez dit en
13 mentionnant des affrontements entre l'armée et l'UCK, sans parler du MUP
14 mais, bien sûr, c'était avec l'UCK que ces affrontements avaient eu lieu.
15 Mais, enfin, avançons.
16 Dans votre déclaration, vous vous efforcez de fournir certains éléments au
17 sujet de l'armée yougoslave: par exemple, quant aux modalités de transfert
18 d'information, quant au fait que les renseignements recueillis à Nis
19 étaient transmis au ministère à Belgrade. Et, puisque vous parlez de ces
20 éléments, je vous demande, je vous prie de dire qui transmettait des
21 informations, qui était au début le ministre de la Défense, qui recevait,
22 selon ce que vous dites, les informations en provenance de Nis?
23 Réponse: L'information suit. Donc le sens des informations va de bas vers
24 le haut, selon la hiérarchie du commandement militaire. Les casernes qui
25 se trouvaient au Kosovo rapportaient au commandement du corps de
Page 4705
1 Prishtina, le commandement du Corps de Pristina à l'armée de Nis, et puis
2 l'armée de Nis transmettait ses rapports au quartier général de Belgrade.
3 Question: Bien. Donc en fait, vous constatez…
4 En fait, à l'instant, vous expliquez que les informations suivaient la
5 chaîne de commandement, la filière de commandement normale. C'est bien
6 cela, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui, c'est ça.
8 Question: Bien. Vous avez dit que du matériel technique provenant de la
9 Republika Srpska est arrivé à Djakovica. Est-il exact que vous n'êtes pas
10 sûr de cela, que c'est simplement une hypothèse de votre part?
11 Réponse: Je ne peux pas dire. J'ai pris en compte un accord, un accord
12 qu'on connaissait très bien. Le nombre, la quantité d'armement s'est
13 diminué et on avait très bien défini, déterminé les unités, surtout les
14 unités d'artillerie, des moyens lourds. Si une unité avait remis ses
15 équipements à une autre unité, ça je ne sais pas, mais moi je crois que
16 ces unités qui sont arrivées ont apporté également leurs propres
17 munitions, leur propre armement.
18 Question: Bon, mais savez-vous qu'à l'époque, qui fait l'objet de votre
19 déposition, tout comme aujourd'hui d'ailleurs, tout le territoire de la
20 Republika Srpska est, sur le plan militaire, sous le contrôle de la SFOR?
21 Réponse: Je ne suis pas sûr que ce soit comme vous le dites.
22 M. Milosevic (interprétation): Bon, mais est-ce que vous supposez que,
23 dans des circonstances comme celles-là, il existe la moindre possibilité
24 de transférer des moyens aussi lourds que des chars, des blindés, des
25 canons lourds, jusqu'au territoire du Kosovo sans que la SFOR le sache, le
Page 4706
1 voie ou apporte son aide pour ce faire?
2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Témoin?
3 M. Peraj (interprétation): Je dis que je ne suis pas sûr. J'ai dit que je
4 suis tout à fait sûr, puisque j'ai contacté les commandants de cette
5 unité, de cette unité venant de la Republika Srpska, qui se trouvait, qui
6 s'était installée dans le lieu appelé Rezina, à l'est de Gjakovë.
7 M. Milosevic (interprétation): Bon. Vous avez parlé de l'arrivée
8 d'armements en provenance de Republika Srpska, de l'arrivée plus
9 précisément d'armes lourdes. Tout ce que vous avez dit à ce sujet, c'est
10 le fruit de votre imagination; ce n'est pas quelque chose que vous savez
11 avec certitude. Vous ne savez pas cela, n'est-ce pas?
12 M. Peraj (interprétation): C'est que l'unité venant de la Republika Srpska
13 avait… Je sais que leur armement était composé surtout par des chars et
14 d'autres équipements.
15 Question: Oui, mais je vous pose une question tout à fait différente.
16 Vous ne faites que supposer que des chars et d'autres armes lourdes sont
17 arrivés en provenance de la Republika Srpska, oui ou non? Il s'agit d'une
18 supposition de votre part et pas d'une certitude. Oui ou non?
19 Réponse: Je pense que je l'ai déjà dit. Je ne l'ai pas donné comme un
20 fait. J'ai dit: soit ils les ont apportés, soit ils les ont retrouvés
21 quelque part en Serbie, ils les ont empruntées à une autre unité.
22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, ce que vous venez de dire, si je
23 comprends bien, confirme bien ce que je disais dans ma question, c'est-à-
24 dire que ce que vous dites à ce sujet est le fruit de votre imagination et
25 pas le résultat d'un savoir avéré? Oui ou non?
Page 4707
1 M. le Président (interprétation): Ce que le témoin dit, c'est qu'il est
2 certain que l'unité vient de la Republika Srpska, mais il ne sait pas d'où
3 provenaient les armes. C'est là que se situe le distinguo.
4 Et je pense que nous en avons dit assez sur ce sujet.
5 M. Milosevic (interprétation): Oui, je le pense aussi parce que ceci est
6 tout à fait clair.
7 Monsieur, vous dites même que, sur le territoire de Djakovica, se
8 trouvaient stationnés 170 chars. Est-il exact que ce fait n'est pas non
9 plus le résultat d'un savoir avéré de votre part, mais simplement une
10 supposition?
11 M. Peraj (interprétation): Un jour, seulement, un sergent, un vieux
12 sergent a dit qu'il s'occupait des chars, du déplacement de chars sur le
13 terrain. Il m'a dit: "Aujourd'hui, j'ai approvisionné 40 chars et il y a
14 beaucoup de chars". Selon quelques notes qu'il avait prises, il y avait à
15 peu près 170 chars, que des chars, parce que lui était responsable de
16 l'approvisionnement en carburant de ces chars.
17 Question: Soit je n'ai pas compris, soit l'interprétation n'était peut-
18 être pas assez claire. Mais, d'après ce que les interprètes m'ont dit, il
19 vous aurait dit: "Aujourd'hui, j'ai produit 40 chars, j'ai émis 40 chars".
20 C'est bien cela qu'il vous a dit?
21 Réponse: Ce n'est pas bien traduit. Je vous le dis en serbe: "J'ai
22 approvisionné 40 chars".
23 Question: Autrement dit, "j'ai fait sortir du carburant pour 40 chars"?
24 Oui, oui, oui, je comprends ce qui s'est passé. En fait, l'interprète a
25 omis de prononcer le mot "carburant".
Page 4708
1 Mais, dans votre déclaration, il n'est dit nulle part que c'est lui qui
2 vous aurait dit que 170 chars étaient stationnés à Djakovica?
3 Réponse: Cela ne veut rien dire. J'ai dû le dire, cela, je le sais très
4 bien.
5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-il exact que vous ne savez pas
6 avec certitude où se trouvaient les postes de commandement durant
7 l'agression de l'OTAN? Par exemple, le quartier général du Corps de
8 Pristina. Vous n'émettez que des suppositions, des hypothèses, dans votre
9 déclaration sur ce point.
10 M. Peraj (interprétation): Je vous en prie. La partie du commandement du
11 Corps, cette partie-là qui se trouvait dans Gjakova se trouvait dans
12 l'ancienne caserne, quand ils sont arrivés au début, dans l'ancienne
13 caserne de Gjakova.
14 Ensuite, ils sont passés, ils ont déménagé dans le bâtiment près du café
15 bar "Lajçi"; il s'appelait à l'époque "Lajçi". Je ne connais pas le nom du
16 bâtiment mais, là, il y avait eu une très bonne cave, et c'est là qu'ils
17 sont restés jusqu'à la fin.
18 M. le Président (interprétation): Il va nous falloir suspendre, car nous
19 sommes arrivés au terme du temps qui est mis à notre disposition dans ce
20 prétoire, ce qui signifie, Monsieur Peraj, que je vous demande, si vous
21 voulez bien, être présent de nouveau dans ce prétoire lundi matin, car la
22 présente affaire ne se poursuit pas demain.
23 Donc je vous demande de revenir dans ce prétoire lundi à 9 heures du
24 matin, pour la suite de votre déposition, et de ne pas perdre de vue le
25 fait que, pendant la suspension d'audience, vous n'êtes autorisé à parler
Page 4709
1 à personne de votre déposition tant que celle-ci n'est pas terminée. Et
2 lorsque je dis "personne", cela inclut également les membres, l'équipe du
3 Procureur.
4 M. Peraj (interprétation): Oui.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons réfléchi
6 au temps. Ce témoin, bien sûr, mérite un temps plus long que d'autres
7 témoins. Vous pourrez donc disposer de trois quarts d'heure
8 supplémentaires lundi matin, ce qui vous fera un total de deux heures et
9 demie de contre-interrogatoire de ce témoin.
10 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais, je vous en prie, tenez compte du
11 fait que cette déposition ne se déroule pas conformément à l'Article 92bis
12 parce que, normalement, le représentant de la partie adverse n'est en
13 droit que de lire la synthèse de la déposition du témoin. Et aujourd'hui,
14 avant de donner lecture de ce texte, il a interrogé le témoin pendant plus
15 de quarante minutes. Donc il y a eu en fait interrogatoire principal.
16 Je considère pour cette raison que...
17 M. le Président (interprétation): Nous ne pouvons pas poursuivre. Il faut
18 que nous suspendions. Trois quarts d'heure, c'est le temps que nous avons
19 pensé à vous accorder lundi pour la fin de votre contre-interrogatoire.
20 Monsieur Ryneveld, les témoins de la semaine prochaine sont des témoins
21 initiés au sujet des événements. Réfléchissez à l'opportunité qu'il
22 s'agisse de témoins 92bis. Nous en discuterons la semaine prochaine.
23 Nous suspendons jusqu'à 9 heures, lundi.
24 (L'audience est levée à 13 heures 45.)
25