Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 4 juin 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 (Le témoin, M. Frederick Cronig Abrahams, est dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

6 (Contre-interrogatoire de Frederick Abrahams par M. Milosevic.)

7 M. Milosevic (interprétation): Si vous vous souvenez où nous nous en

8 sommes arrêtés hier, au niveau des événements de Gornje Obrinje que vous

9 avez décrits, les informations, vous les avez reçues de qui: d'hommes

10 américains?

11 M. Abrahams (interprétation): Vous faites allusion à un contact avec le

12 KDOM: cela s'est passé le matin du 29 septembre avant que nous n'arrivions

13 à Gornje Obrinje.

14 Question: Oui, ce qui est marqué sur la page 7, troisième paragraphe: vous

15 avez dit que c'est le KDOM américain qui vous a envoyé cette information.

16 Est-ce qu'à cette époque-là, quand vous vous êtes rendu à Gornje Obrinje,

17 vous avez également pris contact avec des témoins oculaires?

18 Réponse: Il n'est pas exact que nous ayons été informés par le KDOM. Nous

19 avons confirmé l'incident auprès de KDOM; plus précisément, on a informé,

20 d'un rapport non confirmé le 28 septembre, que des meurtres auraient peut-

21 être eu lieu à Gornje Obrinje.

22 Le 29, avant de voyager, d'entrer dans Drenica où une offensive était en

23 cours, moi-même et mon collègue, avec un journaliste du "New York Times",

24 nous nous sommes rendus au bureau du KDOM pour leur poser deux questions.

25 D'une part, est-ce que quelque chose était arrivé? Est-ce que quelque

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1 chose s'était passé à Gornje Obrinje? Ils ont dit "oui", sans plus de

2 détails. Et deuxièmement, nous leur avons demandé quelle route nous

3 pourrions emprunter pour éviter, dans toute la mesure du possible, des

4 mines.

5 Parce qu'au cours des derniers jours, je crois le 26, précisément, un

6 véhicule canadien KDOM avait touché une mine. Et le 29 ou le 30, je crois,

7 un véhicule du CICR avait également touché une mine. Nous voulions nous

8 assurer que cela ne nous arriverait pas également.

9 Question: La question que je vous ai posée était de savoir si vous avez eu

10 un entretien avec un certain nombre de témoins oculaires à Gornje Obrinje?

11 Réponse: Oui, bien entendu. Nous avons parlé avec toutes les personnes

12 possibles, toutes les personnes qui pouvaient nous aider pour mieux

13 comprendre l'affaire, la situation.

14 Est-ce que vous faites allusion précisément au KDOM?

15 Question: Non, je vous ai posé la question auparavant; je vous l'ai

16 demandé, car c'est marqué dans votre rapport du 28 septembre.

17 Et la deuxième question que je vous ai posée était de savoir si vous avez

18 parlé avec les témoins oculaires et je pense que vous m'avez répondu que

19 c'était le cas.

20 Par conséquent, dans votre déclaration page 7, première déclaration, il

21 est dit -je cite-: "Un certain nombre de personnes, qui nous ont raconté

22 ce qui s'était passé d'après eux, se sont sauvés au moment où la police

23 est arrivée." Eux, ils n'étaient pas les témoins des événements qui ont eu

24 lieu. Par conséquent, vous dites que vous vous êtes entretenu avec les

25 gens qui n'étaient pas témoins oculaires.

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1 En d'autres termes, vous n'avez pas vu vous-même ce qui s'était passé ni

2 ceux avec lesquels vous avez parlé? En d'autres termes, vous n'avez pas

3 parlé avec des personnes qui ont eu l'occasion d'être sur les lieux quand

4 cela s'est passé?

5 Je vais vous le rappeler, c'est l'avant-dernier paragraphe, page 7 -je

6 cite-: "Ils n'étaient pas témoin des événements." (Fin de citation.)

7 Réponse: Oui, c'est exact. Il n'y avait personne qui avait vu de ses

8 propres yeux ces meurtres. Mais nous avons parlé avec des personnes qui

9 ont été témoins des circonstances qui ont entouré les meurtres, qui ont pu

10 nous expliquer ce qui s'était passé avant et après ce moment-là. Donc nous

11 avons pu reconstituer l'incident.

12 Question: Oui, mais d'après ce que vous venez de dire, ce que vous avez pu

13 rétablir, vous avez dit qu'au cours des opérations de combats autour de

14 Gornje Obrinje, il y avait 14 policiers qui avaient été tués, n'est-ce

15 pas, que ceci indique qu'il s'agissait d'opérations de combat assez dures

16 et importantes, d'envergure?

17 Réponse: Il ne fait aucun doute qu'il y ait eu des combats dans Gornje

18 Obrinje et dans les alentours. Comme je l'ai déjà dit hier, l'UCK avait

19 déjà une base dans le village voisin de Likovac.

20 Cela dit, à notre avis et sur la base des faits, ces choses-là n'avaient

21 aucun rapport avec les meurtres des 21 membres de la famille Delijaj, dont

22 14 se trouvaient dans la forêt, comme je l'ai dit hier. Il s'agissait de

23 femmes et d'enfants, exclusivement.

24 Question: Vous l'avez déjà expliqué, il ne faut pas perdre de temps. J'ai

25 bien compris et je pense que la Chambre également. Ce que je veux

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1 également mettre au clair avec vous, c'est que vous avez, sans avoir de

2 preuve et même sans entretien avec les témoins oculaires des événements,

3 cet événement où les 14 policiers avaient été tués, vous l'avez expliqué

4 comme un certain crime commis par les forces serbes. Est-ce exact ou non?

5 Réponse: Tous les faits nous ont amenés à tirer cette conclusion, oui.

6 Question: Mais moi, je n'ai pas réussi quand même à comprendre de quel

7 fait vous avez disposé? Vous avez parlé avec des gens qui ne sont pas des

8 témoins et vous en tirez des conclusions: comment? sur quelles bases?

9 Est-ce que vous pouvez faire des commentaires? Ce sont mes collaborateurs

10 qui ont reçu le courrier électronique d'un de vos compatriotes, George

11 Tintor. Est-ce que vous pouvez faire un commentaire?

12 "Pour moi, il était évident qu'il travaillait main dans la main avec ceux

13 qui propageaient la propagande de l'OTAN pour ternir l'image des Serbes.

14 Abrahams a fait sa déclaration à CNN quelques jours avant que les

15 bombardements ne commencent et un jour seulement après que le gouvernement

16 ne commence sa campagne de propagande, dimanche matin, dans les journaux

17 télévisés aux Etats-Unis.

18 Même si les allégations exprimées par Abrahams étaient vraies, il aurait

19 été impossible pour une personne dans sa situation, à New York, d'avoir

20 rassemblé et d'avoir vérifié suffisamment de preuves dans une période

21 aussi brève et chaotique."

22 Et il parle également de la lettre que…

23 M. le Président (interprétation): Donnez l'occasion au témoin de traiter

24 cela. Vous lui soumettez des questions qu'il devrait pouvoir traiter.

25 Rappelez-vous que vous lui posez des questions.

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1 Mais avant de faire cela, dites-nous qui est ce M. George Tintor.

2 M. Abrahams (interprétation): Je regrette de dire que je ne connais pas ce

3 nom.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, de qui s'agit-il?

5 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit d'un compatriote du témoin; il

6 est de New York.

7 Et moi, je voulais donc donner lecture de la lettre qu'il avait adressée à

8 CNN.

9 M. le Président (interprétation): Non. Alors, permettez d'abord au témoin

10 de parler de cela.

11 Un habitant de New York était apparemment de l'opinion que vous

12 travailliez de concert avec les personnes qui faisaient de la propagande

13 pour l'OTAN, afin de ternir l'image des Serbes. Et puis, il aurait dit

14 même qu'en étant à New York, il aurait été impossible pour vous de

15 rassembler et de vérifier l'authenticité de ces éléments de preuve.

16 Donc en fait, il y a M. Tintor -on ne sait pas très bien qui c'est- qui a

17 exprimé cette opinion. Vous devez pouvoir vous exprimer à ce propos.

18 M. Abrahams (interprétation): En ce qui concerne le fait d'avoir été à New

19 York, je ne peux que mettre l'accent sur ce que j'ai déjà dit hier, c'est-

20 à-dire que nous avons mené notre enquête sur le terrain. Ce rapport-ci sur

21 les meurtres à Gornje Obrinje était fondé sur plus de trois semaines de

22 recherches, et il en va de même des autres rapports. Donc, nous avons été

23 très prudents, justement pour ne pas juger de la situation depuis New York

24 uniquement.

25 Par ailleurs, pour ce qui est du fait de travailler main dans la main avec

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1 l'OTAN, ma réponse est de vous renvoyer à notre recherche et à nos

2 rapports qui ont été critiques de l'OTAN. D'ailleurs, notre rapport sur

3 l'OTAN a exprimé une position différente de celle du Tribunal pénal

4 international, fondée sur l'enquête préliminaire du Bureau du Procureur.

5 Donc je pense que nous avons toujours été très équilibrés en la matière.

6 M. Milosevic (interprétation): Comment pouvez-vous faire le commentaire au

7 sujet de la lettre qui a été adressée à CNN?

8 "Les remarques de Fred Abrahams sur la situation au Kosovo étaient

9 honteuses. Il accuse les Serbes d'avoir systématiquement commis des

10 atrocités contre les Albanais du Kosovo, mais ces accusations ne se

11 fondent sur aucun moyen de preuve fiable, si ce n'est les rapports de

12 journalistes et de militants de Human Rights Watch.

13 Monsieur Abrahams ne mentionne pas le fait que ces militants et ces

14 journalistes sont sans doute tous Albanais de souche. Il parle d'histoire;

15 il utilise des termes tels que "histoire" et "comportement" ou "histoire

16 cohérente" pour fonder ses allégations. Mais de façon générale, ce qu'il

17 dit semble trop bien orchestré pour être plausible. Il semblerait que son

18 objectif principal serait d'aider l'administration des Etats-Unis, le

19 gouvernement dans ses tentatives désespérées de justifier le bombardement

20 de la Serbie. Le Président Clinton sait très bien que, sans de tels

21 témoignages, il n'y aurait pas de soutien public pour les bombardements."

22 Pensez-vous ce que c'est exact, ce que Georges Tintor vient d'écrire juste

23 au moment où vous envoyez les déclarations et le témoignage de New York?

24 M. le Président (interprétation): Donnez au témoin l'occasion de

25 s'exprimer!

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1 M. Abrahams (interprétation): Avec tout le respect que je dois à mes

2 concitoyens de New York, je ne sais pas du tout de qui il s'agit, cette

3 personne que vous citez. Mais bon, je vais réagir à ses allégations.

4 D'une part, je rejette vigoureusement l'accusation selon laquelle nous

5 aurions accusé les Serbes de commettre des atrocités. Ce n'est pas exact,

6 cela ne traduit pas bien nos conclusions. Nous avons accusé les

7 gouvernements serbe et yougoslave, ou les forces serbes et yougoslaves, de

8 commettre de telles violations, et c'est une distinction absolument

9 fondamentale. Fondamentale. Nous n'avons pas attaqué la nation serbe ou le

10 peuple serbe.

11 Par ailleurs, ce rapport "Aux ordres" comporte plus de 60 pages de notes

12 de bas de page; tous les autres rapports ont un nombre tout aussi élevé de

13 notes de bas de page. Et si vous étudiez cela, un très grand pourcentage

14 de ces notes se réfèrent aux entretiens sur le terrain; nous donnons la

15 date et le lieu de l'entretien. Il est donc tout simplement faux de dire

16 que nous restons dans nos bureaux et que nous imaginons des atrocités, ou

17 nous référons à des informations données par les journalistes et les

18 militants locaux. Bien entendu, ces informations peuvent nous donner des

19 indices ou peuvent confirmer des choses sur lesquelles nous avons déjà

20 d'autres informations, mais nous ne les utilisons pas comme source

21 principale.

22 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, lorsque vous citez des

23 personnes qui sont critiques de témoignages, à mon avis, ces critiques

24 seraient plus crédibles si nous en savions plus sur la personne qui a

25 formulé ces critiques. Par exemple, ce Georges Tintor que vous citez.

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1 Bon, comme le Président l'a dit, c'était un résident parmi d'autres de la

2 ville de New York et il serait beaucoup plus crédible, le contre-

3 interrogatoire serait bien plus efficace si vous aviez davantage à nous

4 dire sur les personnes que vous citez.

5 Nous avons ici devant nous M. Abrahams; vous critiquez sa déposition.

6 C'est bien sûr votre droit, mais nous en savons beaucoup sur M. Abrahams.

7 Mais ce que je vous propose, c'est qu'à l'avenir, si vous citez d'autres

8 personnes, d'autres auteurs, demandez à ceux qui font des recherches pour

9 vous de vous donner plus d'informations sur ces personnes qui expriment de

10 telles critiques.

11 M. Milosevic (interprétation): Merci pour votre suggestion, mais en ce qui

12 me concerne, je pense que ce qui est très important ici, c'est que les

13 faits qu'il cite, que M. Georges Tintor cite, ne sont pas contestables; ce

14 sont des faits qui sont de l'évidence même.

15 M. le Président (interprétation): De quels faits parlez-vous? Quels faits?

16 Il s'agit d'une série d'allégations formulées à l'encontre du témoin. Il

17 n'y a aucun fait.

18 Maintenant, Monsieur Abrahams, il y a une deuxième partie de cette

19 citation de M. Tintor qui ne figure sans doute plus, que vous ne voyez

20 sans doute plus à l'écran, mais c'était comme suit -c'est une opinion qui

21 est certainement partagée par l'accusé, donc vous devriez pouvoir vous

22 exprimer à ce propos-: il est suggéré que votre but était d'aider le

23 gouvernement des Etats-Unis à justifier ces bombardements; c'est une

24 allégation qui est faite et vous deviez pouvoir vous exprimer à ce propos.

25 M. Abrahams (interprétation): Monsieur le Président, je rejette cette

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1 allégation. Nos rapports ont été critiques de la politique des Etats-Unis,

2 la politique étrangère. Nous avons clamé haut et fort qu'il y avait des

3 violations des Droits de l'homme au Kosovo, dans les années 1990, et

4 personne ne nous a écoutés dans les capitales occidentales. Puis, nous

5 avons critiqué la manière dont le bombardement de l'OTAN a été mené. Et

6 Human Rights Watch n'a jamais appelé de ses vœux ce bombardement. Nous

7 avions préconisé une action politique économique pour tenter de mettre un

8 terme aux abus au Kosovo, mais je pense que la meilleure façon de répondre

9 à ces allégations, c'est de citer nos critiques formulées à l'égard des

10 gouvernements occidentaux et de l'OTAN.

11 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, quand je parle des faits, je

12 pense au fait que les informations sont collectées de deuxième main, par

13 les activistes partisans journalistes, les autres également qui

14 participaient à la campagne des médias et la guerre des médias contre la

15 Yougoslavie. Et on ne peut absolument pas accepter la crédibilité de tels

16 types d'informations.

17 Vous pouvez, par exemple, Monsieur Abrahams, faire un autre commentaire.

18 Il s'agit du rapport du 29 janvier et c'est lié à Racak.

19 "Human Rights Watch a rejeté catégoriquement les affirmations selon

20 lesquelles les victimes de l'offensive contre Racak étaient soit des

21 soldats de l'Armée de libération du Kosovo, tués dans les combats, ou des

22 civils qui ont été pris dans des échanges de tirs."

23 Vous parlez ici d'une enquête détaillée, etc., mais comment est-ce

24 possible?

25 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous nous citez là au

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1 juste? Est-ce que vous pourriez nous dire cela?

2 M. Milosevic (interprétation): Je cite le rapport de Human Rights Watch;

3 c'étaient les enquêtes.

4 J'estime que les forces yougoslaves sont coupables d'avoir commis des

5 crimes de guerre au Kosovo à Racak. Je cite leurs rapports.

6 M. le Président (interprétation): Eh bien, veuillez nous indiquer de quel

7 rapport il s'agit plus précisément afin que nous puissions retrouver cela.

8 Monsieur Abrahams, est-ce que pouvez vous retrouver cela?

9 M. Abrahams (interprétation): Oui, c'est dans ce recueil-ci, ce rapport, à

10 la page 76.

11 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction 198,

12 "Une semaine de terreur à Drenica"? Merci. Donc la page 76, vous avez dit?

13 M. Abrahams (interprétation): Oui.

14 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas vraiment s'il s'agit de

15 cela. Moi, je viens de citer ce qui est écrit.

16 Par conséquent, avec vos activistes, avec les journalistes, vous vous

17 accordez le droit de constater que vous avez procédé à une enquête

18 détaillée et que, comme ceci est marqué ici, après une enquête détaillée,

19 l'organisation a accusé -quand je dis "organisation", je pense à Human

20 Rights Watch- "les forces de police spéciales serbes et l'armée serbe pour

21 les attaques des civils, tortures des prisonniers et exécutions sommaires.

22 Alors que les preuves existent selon lesquelles le gouvernement avait

23 donné des ordres directs". (Fin de citation.)

24 D'ailleurs il a été démontré par la suite que c'était tout simplement une

25 tromperie, que ce n'est pas exact. Il est vrai également que les membres

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1 de l'UCK avaient été tués.

2 M. Abrahams (interprétation): Ce rapport -je pense que vous citez le

3 communiqué de presse en fait qui accompagnait ce rapport-, ce rapport

4 était donc fondé sur notre recherche sur le terrain. Comme je l'ai dit

5 hier, un consultant pour Human Rights Watch, Gordana Igric, a passé une

6 semaine pour faire des recherches à Racak et dans les alentours, et a

7 rédigé ce rapport sur la base de ses recherches, de son travail sur le

8 terrain.

9 M. Milosevic (interprétation): En d'autres termes, la question que je vous

10 ai posée: pensez-vous que Human Rights Watch a utilisé les activistes, les

11 journalistes et que c'est comme ça qu'il s'est accordé le droit de parler

12 des estimations selon lesquelles il s'agissait de crimes et de commenter

13 également disant qu'il s'agissait d'une culpabilité de quelqu'un, etc.?

14 M. Abrahams (interprétation): Non, nous ne fondions pas nos conclusions

15 sur le travail effectué par des journalistes ou des militants. Nous

16 fondions nos conclusions sur notre recherche menée sur le terrain.

17 Question: Hier, vous avez dit, quand je vous ai posé la question "qui a

18 financé Human Rights Watch?", vous avez dit que chaque donation qui

19 dépassait 5.000 dollars devait être enregistrée, donc que c'était un

20 budget assez important dont vous disposiez, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui, c'est exact.

22 Question: Seriez-vous d'accord avec moi qu'il faut être assez riche, assez

23 riche -je le répète- pour pouvoir attribuer des donations de 5.000, et un

24 peu plus de 5.000, pour les activités d'une organisation comme la vôtre?

25 Réponse: Très riche ou quelqu'un qui est très préoccupé par les questions.

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1 Question: Ne pensez-vous pas que cette organisation est quelque chose que

2 les riches financent pour aider les riches à mettre sous leur contrôle les

3 pauvres? Et que c'est en effet la substance même de cette organisation

4 sous le prétexte de se soucier des Droits de l'homme? Ce sont les riches

5 qui financent l'organisation, qui aident les riches à mettre sous leur

6 contrôle les pauvres. Ne pensez-vous pas que c'est comme ça?

7 Réponse: Non. Je ne crois pas que ce soit le cas.

8 M. Milosevic (interprétation): Et ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une

9 nouvelle forme de colonialisme?

10 M. le Président (interprétation): Non, là franchement, nous nous écartons.

11 Nous allons bien au-delà des limites d'un contre-interrogatoire.

12 Donc veuillez poser d'autres questions, Monsieur Milosevic.

13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, d'accord.

14 Quelque chose qui vous concerne, Monsieur Abrahams. Comment vous,

15 Américain, quelqu'un qui est citoyen de New York, l'homme qui a sur le

16 cœur les Droits de l'homme dans cette organisation Human Rights Watch,

17 vous vous préoccupez davantage des droits des Albanais en Yougoslavie que

18 des droits de l'homme aux Etats-Unis?

19 M. le Président (interprétation): Cela n'a aucune pertinence. Veuillez

20 poser une autre question.

21 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous des données concernant combien de

22 sans-abri, combien de gens qui ont faim, combien de gens de couleur?

23 M. le Président (interprétation): Non. Monsieur Milosevic, nous vous avons

24 accordé une heure. Si vous perdez votre temps avec de telles questions qui

25 n'ont aucune pertinence, nous allons mettre un terme, d'ores et déjà, au

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1 contre-interrogatoire.

2 C'est à vous de décider si vous souhaitez continuer à poser des questions

3 pertinentes ou non. Si vous continuez à poser des questions qui n'ont

4 aucune pertinence, nous allons mettre un terme à ce contre-interrogatoire.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il s'agit là de crédibilité;

6 et l'objectif même de l'organisation Human Rights Watch n'est pas non

7 pertinent, au contraire, c'est pertinent.

8 M. le Président (interprétation): Non, cela n'a aucune pertinence.

9 Souhaitez-vous poser d'autres questions ou en rester là?

10 M. Milosevic (interprétation): Il y a beaucoup d'autres questions que

11 j'aimerais poser, Monsieur May.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

13 M. Milosevic (interprétation): Vous avez parlé d'Orahovac. Est-ce que vous

14 êtes au courant que l'UCK a essayé de s'emparer de Orahovac? Est-ce que

15 vous savez combien de Serbes civils sont portés disparus au cours de deux

16 jours au moment où Orahovac a eu des combats? Vous-même, à la page 12,

17 vous dites qu'il y avait 40 civils serbes qui sont portés disparus au

18 cours de ces deux jours.

19 M. Abrahams (interprétation): Oui, c'est exact. L'UCK, en effet, a

20 brièvement pris le contrôle d'Orahovac et 85 civils serbes ont été

21 emprisonnés.

22 Mais après quelques jours, si je me souviens bien, je crois que 45 d'entre

23 eux ont été remis en liberté et 35 d'entre eux sont restés en détention.

24 Ces 35 personnes sont toujours portées disparues à l'heure actuelle. Et, à

25 mon avis, ils ne sont sans doute plus en vie.

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1 C'est un des incidents les plus sérieux qui remontent à 1998.

2 Question: Voyez-vous, ils n'ont pas tué 40 mais 35 civils serbes au cours

3 de ces deux jours, alors que vous vous affirmez qu'au cours des combats à

4 Orahovac, il y avait 42 personnes de nationalité albanaise qui avaient été

5 tuées.

6 Par conséquent, au cours de combat, il y a 42 membres de l'UCK qui ont été

7 tués alors que 40 serbes civils sont portés disparus. Vous, vous affirmez

8 probablement qu'ils avaient été tués et jusqu'à maintenant, on ne sait

9 toujours pas ce qu'ils sont advenus.

10 Pourquoi mettez-vous sur un pied d'égalité les victimes tuées au cours de

11 combats et d'autres qui n'avaient aucune chance de se sauver et qui sont

12 des civils? Pourquoi dans le cas concret, cette attaque d'UCK sur

13 Orahovac, vous avez d'un côté des civils qui ont été des victimes, de

14 l'autre côté des membres de l'UCK? C'est une organisation terroriste.

15 Vous, vous jetez la culpabilité sur les "forces gouvernementales", comme

16 vous les appelez, et sur la police yougoslave. Qui, à ce moment-là, avait

17 attaqué qui?

18 Réponse: Comme je l'ai dit, je crois que l'UCK a tenté de s'emparer

19 d'Orahovac en partant de Malisheva qu'ils tenaient à l'époque.

20 Je ne crois pas que nous tentions de mettre sur un pied d'égalité ces

21 violations, ces abus. Nous condamnons sans ambiguïté l'enlèvement et la

22 disparition, pour ainsi dire, de ces 35 civils serbes.

23 Question: Moi, je suis d'accord que vous n'essayez pas de mettre sur un

24 pied d'égalité, mais c'est la culpabilité que vous rejetez sur les

25 autorités yougoslaves, sur les autorités de Serbie, bien évidemment, que

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1 vous ne mettez pas sur un pied d'égalité.

2 Mais revenons sur votre propre affirmation à Gornje Obrinje où vous avez

3 dit que les 14 policiers avaient été tués. Vous avez dit qu'il y avait des

4 combats qui étaient très graves et très durs, alors que vous concluez que

5 c'étaient les forces serbes qui ne correspondaient pas de façon

6 proportionnelle.

7 Qu'est-ce qui, d'après vous, devrait être considéré comme proportionnel:

8 combien de policiers auraient dû être tués pour que vous estimiez que

9 c'était proportionnel?

10 Réponse: Ecoutez, le nombre de victimes dans les forces armées qu'il

11 s'agisse de 14 ou de 1.400, ne justifie pas le fait de prendre pour cible

12 ou de tuer un seul civil. Je suis absolument et profondément convaincu que

13 les membres de la famille Delijaj n'étaient pas des combattants, ne

14 participaient pas aux combats. Ils se cachaient dans les bois. Il

15 semblerait qu'on leur ait tiré des balles dans la tête. Je n'ai pas trouvé

16 la moindre preuve qui indiquerait qu'ils aient participé à des activités

17 militaires.

18 Question: Vous n'avez pas trouvé la moindre preuve, non plus, de qui les a

19 tués?

20 Réponse: Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait des forces

21 serbes. Je reconnais que c'est un terme quelque peu vague parce que nous

22 n'avons pas trouvé de preuve pour pouvoir désigner directement les forces

23 spéciales de la police ou les unités antiterroristes.

24 Encore une fois, nous ne formulerons pas d'allégation sans de telles

25 preuves.

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1 Question: Par conséquent, vous fondez les allégations sur le fait que

2 c'étaient les Albanais qui ont été tués. Donc, à partir du moment où les

3 Albanais ont été tués, ce sont les Serbes qui les ont tués. C'est comme

4 cela que vous agissez; c'est votre mécanisme de conclusion, n'est-ce pas?

5 Savez-vous combien de terroristes d'UCK avaient tué des Albanais en 1998

6 et 1999? Savez-vous combien d'Albanais ils avaient tué?

7 Réponse: Tout d'abord, je rejette l'allégation selon laquelle nous

8 présumons certaines choses. Bien au contraire, nous aurions plutôt

9 tendance à présumer qu'aucune exaction n'avait eu lieu. Nous essayons de

10 réunir des preuves afin de démontrer que nos préoccupations ne sont pas

11 fondées. C'est ainsi: c'est l'approche qui sous-tend nos enquêtes, nos

12 recherches.

13 En ce qui concerne la question que vous avez posée concernant les victimes

14 albanaises, en d'autres termes, les violences commises par des Albanais

15 contre d'autres Albanais, je n'ai pas de chiffres précis, mais il est

16 certain que des Albanais de souche ont été tués, intimidés, maltraités

17 physiquement.

18 La plupart de ces individus étaient considérés comme des collaborateurs

19 avec l'Etat serbe. Je ne les justifie pas. J'explique les raisons. Cela a

20 été sans aucun doute un problème et, après le bombardement de l'OTAN, au

21 mois d'août 1999, intitulé "abus commis contre les Serbes et les Roms dans

22 la nouvelle Kosovo", eh bien, nous avons fait état de crimes commis par

23 les Albanais à l'encontre d'autres Albanais.

24 Question: Oui, mais pour ce qui concerne les victimes du côté serbe, vous

25 en avez parlé après le mois de juin 1999, quand on parle de massacres en

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1 masse. Mais quand vous dites qu'ils tuaient des Albanais qui étaient

2 considérés comme des collaborateurs de l'Etat où ils vivaient, d'après vos

3 critères des droits de l'homme, pouvez-vous accepter que, par exemple, les

4 facteurs ou les forestiers, les médecins qui travaillent dans les

5 institutions publiques, tout simplement parce qu'ils travaillent aux PTT

6 ou bien dans une compagnie forestière ou ailleurs, peuvent être tués en

7 justifiant cela par "ils collaborent avec l'Etat", alors qu'ils exercent

8 leur profession dans l'Etat où ils vivent?

9 Quels sont ces critères? Pouvez-vous accepter de tels types de critères?

10 Réponse: Tout d'abord, il est faux de dire que nous avons uniquement fait

11 état d'exactions serbes après le bombardement de l'OTAN. Notre rapport en

12 date de 1998 comprend un chapitre tout entier sur des exactions commises

13 par l'UCK; nous avons également fait d'autres déclarations concernant

14 l'enlèvement de journalistes, de Serbes et ainsi de suite.

15 Pour en venir à votre question, je dirai: non, absolument pas, nous

16 n'acceptons pas cela. Les Albanais qui ont choisi de travailler pour

17 l'Etat, qui auraient même choisi de travailler au sein de la police, eh

18 bien, c'était leur droit. Ils sont citoyens de la Yougoslavie. Nous

19 condamnons toute exaction commise à leur encontre et nous l'avons fait, à

20 l'époque.

21 Question: Eh bien, vous, de manière rhétorique, vous venez de le déclarer:

22 vous êtes arrivé ici pour témoigner soi-disant pour des crimes qui ont été

23 commis, des crimes de guerre, mais avez-vous témoigné sur les crimes de

24 guerre commis par l'UCK et leurs leaders, étant donné votre expérience,

25 compte tenu du fait également qu'hier, vous avez dit qu'ils ont commis des

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1 crimes? Est-ce que vous avez témoigné de leurs crimes?

2 Réponse: Toutes les informations que nous avons publiées à ce propos ont

3 été communiquées au Bureau du Procureur.

4 Question: En d'autres termes, vous avez approché les deux parties de la

5 même façon: le traitement que vous avez accordé était le même?

6 Réponse: Je ne saisis pas bien la question. A quel propos?

7 Question: A la lumière de la morale élémentaire en ce qui concerne

8 l'accusation des forces légales qui combattent le terrorisme, et

9 concernant les crimes commis par ces groupes terroristes en Yougoslavie.

10 Réponse: Je pense que nous avons tenté d'être aussi objectifs que

11 possible, et cela, en toute sincérité.

12 Question: Dans cet article que vous avez eu l'occasion de voir et qui date

13 du 5 août 1998, vous avez également marqué -je cite ce qui est le plus

14 important, je vous cite-: "Washington sous-estime le fait qu'il n'y aurait

15 pas de stabilité dans les Balkans tant que Milosevic reste au pouvoir".

16 Est-ce que, quand on parle de stabilité, ceci sous-entend qu'il n'y aurait

17 pas d'occupation? En d'autres termes, il y avait un témoin qui,

18 actuellement, est administrateur d'occupation en Bosnie-Herzégovine,

19 Ashdown…

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, tout d'abord, je

21 vous rappelle que vous êtes censé poser des questions et, en deuxième

22 lieu, nous ne souhaitons pas que qui que ce soit soit maltraité ici.

23 Alors, venez-en à une question. Quelle est la question?

24 Monsieur Abrahams, peut-être devrions-nous vous donner l'occasion de vous

25 exprimer sur la citation, le passage cité? Je ne sais pas si vous vous en

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1 souvenez?

2 M. Abrahams (interprétation): Oui, je m'en souviens.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voudriez vous exprimer à

4 ce propos?

5 M. Abrahams (interprétation): Oui, tout à fait. J'ai écrit cela dans un

6 éditorial publié dans le "Herald Tribune" et je maintiens à 100% ce que

7 j'ai écrit. C'était mon opinion personnelle et c'était aussi l'opinion de

8 l'organisation que "les Balkans continueraient à être instables tant que

9 M. Milosevic resterait au pouvoir". Ce n'était pas une opinion politique

10 que nous avons par la suite tenté d'appuyer en trouvant des faits à

11 l'appui; c'est une conclusion que nous avons tirée sur la base de nos

12 recherches sur le terrain, qu'il y avait un cycle de violences,

13 d'exactions, une réticence continuelle à résoudre les conflits de manière

14 paisible. Il y avait une tendance à provoquer, à être hostile et, même si

15 vous partagez l'opinion selon laquelle… Enfin, il y avait l'opinion selon

16 laquelle le conflit aurait été utilisé à des fins politiques. Donc c'est

17 sur la base de tout cela que je suis arrivé à la conclusion qu'il serait

18 impossible de réaliser une stabilité tant que ce gouvernement restait au

19 pouvoir.

20 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous fait la différence entre la

21 cause et l'effet?

22 M. Abrahams (interprétation): Vous pourriez préciser la question? De façon

23 générale ou dans ce contexte?

24 Question: Eh bien, premièrement, je pense au général, si vous faites la

25 différence entre ces deux choses?

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1 Réponse: Oui, oui, je fais la différence.

2 Question: Alors comment peut-on dire que rien de ce que vous avez dit ne

3 se passait pas avant que des comportements de force et criminels n'ont

4 commencé début 1998 et 1999? Comment, jusqu'à cette époque-là -c'est un

5 gouvernement qui était en place pendant dix ans-, comment, jusqu'à cette

6 époque-là, il n'y avait strictement rien qui se passait, sauf au moment où

7 l'on a commencé à tuer les policiers, les forestiers, les médecins, les

8 autres et que, tout d'un coup, ce gouvernement est devenu un gouvernement

9 criminel parce qu'il voulait tout simplement défendre son territoire des

10 terroristes?

11 Réponse: Le Kosovo était un endroit, un lieu où il y avait énormément de

12 violences pendant toute la décennie précédente. Et les rapports que nous

13 avons publiés dans les années 1990 font état de toute une série

14 d'exactions, de violations.

15 Donc il n'est pas vrai que nous ayons commencé à formuler des critiques en

16 1998. Nous avons publié des rapports sur ces exactions avant le début du

17 conflit armé et nous avons intensifié ces rapports lorsque les exactions

18 elles-mêmes se sont intensifiées.

19 Question: Eh bien, dans votre déclaration, vous avez parlé de l'exode des

20 Serbes des années 70 et 80. D'où l'exode des Serbes? Qu'est-ce qui s'est

21 passé? Est-ce que vous avez réfléchi là-dessus? Est-ce que vous avez

22 collecté des données? Est-ce que vous avez constaté de quoi il s'agissait?

23 Qui a commis la violence contre qui? Pourquoi l'exode des Serbes en ces

24 années-là, au moins ce que vous avez dit?

25 Réponse: Oui, Human Rights Watch s'est penché sur la question. Bien que

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1 d'une perspective historique, nous n'avons jamais mené de recherches à

2 l'époque sur le terrain, mais nous sommes parvenus à la conclusion qu'il y

3 avait certaines formes de discrimination à l'encontre de la population

4 serbe du Kosovo dans les années 80, 1980. Cependant, nous sommes également

5 parvenus à la conclusion que cette discrimination était loin d'être aussi

6 intense, aussi généralisée que Belgrade le prétendait. Je fais allusion au

7 mémorandum de l'Académie des Sciences qui disait que "le génocide avait

8 été commis au Kosovo, génocide à l'encontre des Serbes". Nous avons

9 toujours estimé qu'il s'agissait là d'une grande exagération. Bien qu'il y

10 ait eu des problèmes, cela n'a jamais eu cette intensité, cette envergure.

11 Nous sommes également parvenus à la conclusion que nombre de Serbes ont

12 quitté le Kosovo pour des motifs économiques. Le Kosovo était la région la

13 plus pauvre, la province la plus pauvre de l'ex-Yougoslavie et c'est cette

14 misère qui a eu un impact très négatif sur les relations interethniques.

15 Notamment, nombre de Serbes sont partis pour chercher une vie meilleure

16 ailleurs.

17 Question: Si vous dites que, dans le mémorandum de l'Académie des Sciences

18 -c'est une institution suprême en Serbie-, il y avait des exagérations,

19 est-ce que Human Rights Watch s'est rendue à l'Académie des Sciences? Est-

20 ce que vous avez essayé de comprendre les explications, d'avoir les

21 arguments pour vérifier, pour informer, et ensuite, tout en suivant vos

22 critères, de voir s'il s'agissait d'exagérations? C'étaient peut-être des

23 constatations qui se fondaient sur les faits? Est-ce que vous l'avez fait

24 ou non?

25 Réponse: Notre recherche au Kosovo a commencé en 1990.

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1 Question: Vous dites, à la page 3 de votre deuxième déclaration, vous

2 affirmez que la plupart des rapports de Human Rights Watch concernaient

3 "l'abus des droits de l'homme ou des crimes de guerre qui ont été commis

4 par les autorités serbes ou yougoslaves, car ils reflètent également

5 l'abus, l'intensité sur le terrain. C'est comme ça que vous l'avez marqué

6 d'ailleurs". (Fin de citation.)

7 Ne trouvez-vous pas que c'est trop évident, que c'est pratiquement une

8 coïncidence invraisemblable entre ce que vous avez dit et ce faux Acte

9 d'accusation, même en ce qui concerne l'ordre chronologique des

10 allégations qui s'y trouvent? Vous avez analysé l'Acte d'accusation; vous

11 l'avez déjà déclaré, c'est vous-même qui avez rédigé la déclaration. Ne

12 trouvez-vous pas que c'est une coïncidence assez invraisemblable entre

13 l'Acte d'accusation et votre propre vision des choses?

14 Réponse: Tout d'abord, il n'est pas exact de dire que j'ai analysé l'Acte

15 d'accusation. J'ai effectué des recherches.

16 Question: C'est ce que vous avez écrit!

17 Réponse: La réponse exacte consiste à dire que j'ai effectué des

18 recherches dans le cadre de cette affaire du Kosovo. Pour ce qui est des

19 ressemblances auxquelles vous faites allusion, je ne peux que vous dire

20 que les faits nous ont amenés à tirer ces conclusions, les faits fondés

21 sur nos recherches sur le terrain.

22 M. Milosevic (interprétation): Ne pensez-vous pas que cette argumentation

23 qui est la vôtre, ainsi que celle de l'Acte d'accusation, dans la

24 substance même, ce procès a également pour but de justifier les crimes qui

25 sont commis par l'OTAN lors de l'agression sur un Etat souverain?

Page 6162

1 M. le Président (interprétation): Nous l'avons déjà dit. Il n'appartient

2 pas au témoin de faire des commentaires sur le but même du procès. Il est

3 ici pour témoigner. Vous avez déjà formulé ces allégations concernant la

4 justification des bombardements de l'OTAN, qu'en fait, il témoignait pour

5 justifier ces bombardements. Il vous a déjà répondu, il vous a dit que

6 c'était tout à fait faux. Donc il est inutile de revenir sur cela.

7 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous affirmez qu'il n'est pas

8 vrai que vos rapports avaient été commandés?

9 M. Abrahams (interprétation): Oui, c'est ce que j'affirme. C'est faux.

10 Question: Et quand vous dites que vous avez étudié les rapports concernant

11 l'exode des Serbes et le reste, est-ce que vous avez également coopéré

12 avec quelqu'un en Serbie, exception faite de ces dames dont vous avez

13 parlé.

14 Réponse: Oui. Nous étions également en contact avec diverses organisations

15 qui avaient un siège en Serbie, organisations pour lesquelles j'ai

16 beaucoup de respect. Il y a en Serbie des organisations qui se consacrent

17 aux droits de l'homme, que je respecte beaucoup, qui travaillaient dans

18 des conditions très difficiles. Je parle notamment du Centre du droit

19 humanitaire, "Fond za Humanitarno Pravo", le Cercle de Belgrade et le

20 Centre de Belgrade pour les Droits de l'Homme, le Comité des avocats pour

21 les Droits de l'Homme, le Comité de Helsinki, et d'autres encore.

22 Nous avons travaillé de concert avec nombre de ces organisations et de ces

23 personnes.

24 Question: Est-ce que vous pensez qu'un certain nombre de ces particuliers

25 étaient également des activistes et qu'il fallait humilier les Serbes? Et

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1 les Serbes et la Serbie?

2 Réponse: Je ne peux pas m'exprimer sur leur psychologie, le rôle qu'ils

3 auraient joué dans la société. Je peux simplement dire que je considérais

4 que la plupart d'entre eux étaient des personnes éminemment

5 professionnelles, qui prenaient de grands risques afin de s'exprimer et de

6 faire des rapports objectifs, ce qui n'était pas du tout une tâche aisée.

7 Question: Vous affirmez que les Serbes, le 24 mars 1987, ont manifesté au

8 Kosovo à cause des Albanais qui ont été maltraités. Est-ce que c'est

9 correct?

10 Réponse: Auriez-vous l'obligeance de répéter la question? Je ne l'ai pas

11 saisie.

12 Question: Vous avez dit qu'en 1987, les Serbes ont manifesté à Kosovo

13 Polje à cause du fait que des Albanais les ont maltraités. De quel type de

14 maltraitances s'agissait-il? Est-ce que vous l'avez constaté?

15 Réponse: Oui, dans une certaine mesure: il y a eu de la discrimination,

16 des mauvais traitements infligés par les autorités locales contre les

17 Serbes principalement. Il s'agissait là de ce que j'appellerais, que je

18 qualifierais de harcèlement continuel. Mais il ne s'agissait pas là

19 d'exactions ou de mauvais traitements généralisés ni extrêmes. A mon avis,

20 la communauté serbe du Kosovo se sentait, je pense, très isolée.

21 La distance entre le Kosovo et Belgrade, donc le cœur même de la Serbie,

22 est très grande. Les Serbes constituaient une minorité au Kosovo, donc

23 cela était à l'origine de différentes formes de pression et, à mon avis,

24 c'est cela qui a motivé la manifestation à laquelle vous faites allusion.

25 Question: Est-ce que vous considérez qu'il est logique qu'en Serbie, ils

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1 devaient se sentir minoritaires ou devaient accepter d'être maltraités de

2 la manière dont vous venez de parler?

3 Et puis, je vais rajouter également: ne pensez-vous pas qu'il s'agissait

4 tout simplement, comme vous l'avez dit, de formes bénignes de mauvais

5 traitement alors qu'il s'agissait également de meurtres, de viols et

6 d'autres crimes de même nature, incendie, etc.?

7 M. Abrahams (interprétation): Je n'atténue jamais quelque exaction que ce

8 soit. Les citoyens de Yougoslavie avaient tous le droit d'être protégés

9 contre des exactions de ce genre.

10 Le gouvernement est tenu de mettre en place toutes les mesures nécessaires

11 pour garantir une telle protection. Absolument.

12 M. Milosevic (interprétation): Où est le problème dans ce cas?

13 M. le Président (interprétation): Quel problème?

14 M. Milosevic (interprétation): Où est le problème quand un gouvernement

15 prend des mesures pour protéger les citoyens contre la terreur, les

16 persécutions, etc.?

17 Pourquoi, dans ces conditions, le gouvernement qui agit de façon tout à

18 fait légitime est accusé pratiquement de crime, pas pratiquement

19 d'ailleurs, mais effectivement accusé de crime?

20 M. Abrahams (interprétation): Le problème ne réside pas dans l'action

21 entreprise par le gouvernement, comme je l'ai déjà dit hier, le problème

22 consiste dans la façon dont le gouvernement a agi. Le gouvernement a le

23 droit de défendre le droit de ses citoyens, bien sûr; le gouvernement est

24 d'ailleurs obligé de le faire. Le gouvernement a le droit de réagir face à

25 une insurrection armée, mais le gouvernement n'a pas le droit de violer sa

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1 propre législation, de violer les normes internationales lorsqu'il

2 entreprend ses actions. Et c'est là que réside le cœur de la critique

3 formulée par nous, par rapport aux événements survenus au Kosovo.

4 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous dites qu'il s'agit de

5 violations commises par le gouvernement et que vous avez été témoin

6 oculaire, vous êtes citoyen de New York, je vous demande combien de

7 meurtres et de viols sont commis tous les jours à New York?

8 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, ne répondez pas à

9 cela.

10 Monsieur Milosevic, le moment est arrivé de terminer votre contre-

11 interrogatoire. Si vous avez d'autres questions pertinentes, vous pouvez

12 très certainement les poser.

13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai de très nombreuses

14 questions pertinentes à poser. Je ne vois pas pourquoi vous limitez mon

15 contre-interrogatoire, y compris en présence d'un témoin qui ne témoigne

16 pas dans le cadre de votre fameux Article 92bis, mais témoigne en chair et

17 en os dans ce prétoire. Pourquoi est-ce que vous limitez la durée de mon

18 contre-interrogatoire dans ces conditions?

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous n'allons pas

20 polémiquer sur cette question en ce moment. Votre temps est limité pour

21 les raisons que vous connaissez parce que la durée de ce procès est

22 limitée.

23 Et en raison d'un autre motif encore plus important, à savoir le temps

24 important que vous consacrez à des questions non pertinentes et à des

25 disputes avec le témoin au sujet de sa réputation que vous mettez en

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1 cause. Nous avons de nombreux exemples de cela.

2 Pouvez-vous maintenant poser deux questions encore à ce témoin.

3 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas remarqué que je me sois disputé

4 avec le témoin, je n'ai pas vu cela. Cela doit être une impression qui

5 vous est personnelle.

6 En page 6, paragraphe 6, il est écrit que l'Assemblée du Kosovo, le 2

7 juillet 1990, a proclamé l'indépendance du Kosovo en tant qu'élément

8 constitutif de la Yougoslavie.

9 En tant que chercheur, avez-vous jamais lu la Constitution de la

10 Yougoslavie?

11 M. Abrahams (interprétation): J'ai lu les chapitres pertinents qui portent

12 sur la défense des Droits de l'homme.

13 Question: Eh bien, si vous avez lu cela, sur la base de quoi vous appuyez-

14 vous pour déclarer que des séparatistes albanais, membres de l'Assemblée,

15 auraient dû se voir accorder un statut particulier au Parlement du Kosovo,

16 le Kosovo qui est peuplé non seulement par des Albanais mais également par

17 des Serbes, des Roms, des Gorani et de nombreux autres groupes ethniques?

18 Ne savez-vous pas qu'il s'agissait d'un acte illégal?

19 Réponse: L'organisation Human Rights Watch n'a jamais prétendu que cette

20 action était légale ou illégale. Nous avons déclaré que c'était un fait

21 historique qui avait eu lieu.

22 M. Milosevic (interprétation): Dans ce texte que nous sommes en train de

23 citer, vous avez dit qu'il fallait envoyer un message aux dictateurs leur

24 montrant que la violence et le manque de respect pour la vie humaine ne

25 sont pas tolérables. Et que ces dictateurs ne doivent pas espérer que cela

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1 sera toléré parce que la communauté internationale ne le permettra pas, et

2 ce, dans l'intérêt de l'intérêt de l'intégrité territoriale.

3 Savez-vous que la question de l'intégralité territoriale des Etats est le

4 principe majeur en droit international, le respect de l'intégralité

5 territoriale de chaque pays? Savez-vous cela?

6 M. Abrahams (interprétation): Je sais que l'intégrité territoriale est un

7 principe majeur dans le domaine des affaires internationales, mais notre

8 travail consistait, en tant qu'organisation, à trouver les documents, à

9 créer des documents et à rendre compte des violations du droit, violation

10 du droit aussi bien national qu'international. Dans le cas du Kosovo, nous

11 avons affirmé que ces violations des droits étaient massives.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je mets un terme à

13 ce contre-interrogatoire.

14 Vous avez eu, vous êtes arrivé au terme du temps qui vous était imparti.

15 Les amici curiae ont-ils des questions?

16 (Questions de l'amicus curiae, M. Wladimiroff, au témoin, M. Abrahams.)

17 M. Wladimiroff (interprétation): Monsieur Abrahams, le Tribunal a, par le

18 passé, rendu de nombreuses décisions selon lesquelles les enquêteurs

19 n'étaient pas autorisés à témoigner au sujet de leur évaluation des

20 événements. Ils n'étaient pas autorisés à communiquer à une Chambre de

21 première instance leurs synthèses ou leurs interprétations de ce que

22 d'autres avaient dit ou de ce dont d'autres avaient été témoins.

23 Donc, il me semble qu'il importe d'être très précis quant à ce que vous

24 avez dit avoir vu de vos yeux et quant à ce qui est, de votre part, une

25 évaluation de ce dont d'autres ont été témoins.

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1 Dans votre déposition, vous dites à plusieurs reprises "ma conclusion", ou

2 bien "nous avons constaté", ou "nous n'avons pas constaté", ou bien "nous

3 estimons", ou bien "nous rendons compte de ceci, de cela". Donc je vais

4 vous poser quelques questions dans quelques instants au sujet des pièces à

5 conviction qui ont déjà été versées au dossier.

6 Commençons par la pièce 145, l'ouvrage intitulé "Aux ordres". Vous n'avez

7 pas écrit toutes les parties de cet ouvrage, n'est-ce pas?

8 M. Abrahams (interprétation): Non.

9 Question: Pouvez-vous dire à la Chambre quels sont les chapitres dont vous

10 êtes l'auteur?

11 Réponse: Ce livre a surtout été écrit par moi-même et Benjamin Ward, un

12 autre chercheur. Mais voulez-vous savoir quels sont les chapitres dont je

13 suis l'auteur, chapitre par chapitre?

14 Question: Je vous en prie, seulement les chapitres dont vous êtes

15 l'auteur?

16 Réponse: Dont je suis l'auteur? Bien. J'ai écrit la synthèse, le chapitre

17 relatif au contexte, aux forces en présence dans le conflit; une partie du

18 plan; je crois, la moitié.

19 Question: Pourriez-vous être plus précis?

20 Réponse: Plus précis au niveau des parties de l'ouvrage? Oui, d'accord.

21 J'ai écrit la partie de l'ouvrage traitant des massacres, du nombre de

22 victimes tuées, des arrestations arbitraires, du nombre de civils pris

23 pour cible, de la pollution des puits et de la pose de mines.

24 Question: Très bien. Et pouvez-vous nous dire la même chose au sujet des

25 autres chapitres?

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1 Réponse: J'ai rédigé le chapitre traitant de Djakovica, d'Istog, de

2 Rahovec, de Pec, de la route Prizren/Djakovica, de Suva Reka, de Vucitrn.

3 J'ai écrit le chapitre relatif aux statistiques et certaines parties du

4 chapitre traitant des violences constatées après le 12 juin, mais ce

5 chapitre a surtout été l'œuvre de M. Ward. Et puis, je suis également

6 l'auteur de ce qui est dit au sujet du Tribunal qui juge les crimes de

7 guerre et des normes juridiques; cela, je l'ai écrit en coopération avec

8 notre bureau juridique de Human Rights Watch.

9 Question: Prenons les paragraphes dont vous êtes l'auteur. Est-ce que ces

10 paragraphes reprennent ce dont vous avez été témoin, donc ce que vous avez

11 pu constater vous-même comme étant des faits ou bien synthétisez-vous,

12 évaluez-vous, rendez-vous compte du travail accompli par d'autres?

13 Réponse: A quels chapitres faites-vous référence? Parce qu'il y a des

14 différences.

15 Question: Vous avez dit à la Chambre quels étaient les chapitres dont vous

16 étiez l'auteur?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Je vous demande quelles sont les parties de ces chapitres que

19 vous avez écrits, qui ont été écrits sur la base de ce que vous avez vu de

20 vos yeux et quels sont les chapitres écrits par vous sur la base de ce que

21 d'autres personnes ont vu de leurs yeux et que vous avez synthétisé dans

22 des rapports, des rapports de comptes rendus, d'évaluation ou autres, en

23 tout cas chargés de transmettre une information à la Chambre dans cet

24 ouvrage.

25 Réponse: Il y a un mélange des deux. Chaque fois que cela était possible,

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1 nous nous rendions…

2 Question: Monsieur Abrahams, je vous prie, n'utilisez pas le terme "nous".

3 C'est à vous personnellement que je pose ces questions.

4 Réponse: A moi, oui. Je me suis rendu sur un certain nombre de scènes de

5 crimes, telles que le village de Cuska ou Velika Krusa ou Bela Cerkva. Et

6 d'autres conclusions se fondent sur les entretiens que nous avons eus avec

7 des villageois.

8 Question: Que voulez-vous dire par "entretiens"?

9 Réponse: Excusez-moi, les entretiens menés par moi. Les chapitres que j'ai

10 écrits se fondent avant tout sur les entretiens que j'ai menés moi-même.

11 Cependant, il y a quelques chapitres… Par exemple je me rappelle,

12 s'agissant du village de Belanica ou de Gornja Studime, que les recherches

13 ont été faites par d'autres que moi et que moi, j'ai rassemblé les notes

14 établies par ces personnes et rédigé le chapitre en concertation avec ces

15 personnes. Il y a deux ou trois villages où les choses se sont passées de

16 cette façon; pour le reste, c'est moi qui ai mené les recherches moi-même.

17 Question: Merci. Approfondissons un peu cette question, si vous le voulez

18 bien.

19 Lorsque vous avez écrit un chapitre s'appuyant sur le travail accompli par

20 d'autres, avez-vous synthétisé ce que ces personnes vous ont remis comme

21 résultat des entretiens réalisés par elles? Avez-vous évalué les rapports

22 de ces personnes? Comment avez-vous procédé exactement?

23 Réponse: Le processus sur le plan du travail était le suivant: nous

24 maintenions le contact pendant les recherches, nous discutions des

25 premières constatations et de la démarche à appliquer au travail que nous

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1 voulions accomplir, mais les communications entre nous étaient réalisées

2 surtout plus tard. L'ensemble des entretiens, de la teneur des entretiens

3 était tapé à la machine et relu très soigneusement par moi-même avant que

4 l'écriture, la rédaction ne commence, en concertation avec le chercheur

5 qui avait travaillé sur le terrain. Je crois que c'est ainsi que les

6 choses se sont passées dans les trois villages que j'ai mentionnés:

7 Belanica, Gornja Studime et un autre village; des villages donc où

8 d'autres ont procédé aux recherches.

9 Question: Mais lorsque vous parlez de rédaction, cela signifie que c'est

10 vous qui avez fait la synthèse de choses lues par vous, ou que c'est vous

11 qui avez évalué ce que d'autres ont lu et interprété à votre intention?

12 Réponse: Je dis que j'ai écrit, mis par écrit les conclusions de ces

13 personnes. Je ne sais pas comment m'exprimer mieux que cela.

14 Question: Autrement dit, vous approuvez leurs conclusions?

15 Réponse: Non. Nous avons déclaré que les conclusions obtenues par le biais

16 des entretiens sur le terrain étaient mises par écrit. Et lorsque je dis

17 "il" ou "elle", il s'agit d'une personne, en fait, dont j'ai donné la

18 référence tout à l'heure.

19 M. Wladimiroff (interprétation): Voyons un peu les autres pièces à

20 conviction maintenant.

21 Pièce à conviction 188, votre rapport sur la Serbie et le Monténégro.

22 Peut-on fournir cette pièce à conviction au témoin, je vous prie?

23 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, pendant la distribution

24 de ce document ou, en tout cas, la recherche de ce document par le témoin,

25 je prends la parole pour faire observer –parce que je pense qu'il peut

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1 être utile de le faire- que le témoin est autorisé à témoigner au sujet de

2 son évaluation des événements.

3 Ce qui a été dit tout à l'heure est peut-être allé un peu loin, s'agissant

4 des décisions du Tribunal jusqu'à présent, quant au fait que les

5 enquêteurs du Bureau du Procureur ne seraient pas autorisés à synthétiser

6 les documents établis par d'autres parce qu'en fait, cette décision n'a

7 été rendue par la Chambre que pour deux documents bien précis, celui-ci et

8 d'autres documents de l'OSCE.

9 M. le Président (interprétation): Oui, c'est absolument exact.

10 M. Wladimiroff (interprétation): Merci.

11 Monsieur le Témoin, en page 40 de cette pièce à conviction, vous voyez une

12 série de reconnaissances?

13 M. Abrahams (interprétation): Oui.

14 Question: Suis-je en droit de penser que vous avez participé à

15 l'élaboration de ce rapport en enquêtant sur le terrain vous-même et

16 qu'ensuite, vous avez pris des parties de rapports provenant d'autres

17 personnes, que vous avez revues et intégrées au rapport?

18 Réponse: Ce rapport se fonde sur une mission de trois semaines que j'ai

19 menée au Kosovo, trois semaines pendant lesquelles je me suis rendu dans

20 de nombreux villages de la province, et sur les conclusions des recherches

21 que j'ai faites à ce moment-là. Il me faudrait examiner le rapport de plus

22 près pour être plus précis dans ma réponse à votre question, mais je peux

23 dire sans l'ombre d'un doute que des sources secondaires, des rapports

24 émanant d'autres organisations -voyez-vous ces rapports, lorsqu'il en est

25 question, sont toujours cités- mais en tout cas, le gros de nos

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1 conclusions se fonde sur les recherches effectuées par nous.

2 Question: Lorsque vous dites "nous", vous dites…?

3 Réponse: Je veux dire moi.

4 Question: Bien. Merci. Passons à la pièce à conviction 190.

5 On voit, en page 29, la liste des sources. Et je vous repose la même

6 question: dans quelle mesure avez-vous participé à ce rapport d'enquête et

7 dans quelle mesure avez-vous rendu compte du travail accompli par

8 d'autres? Est-ce uniquement le résultat de votre travail, uniquement du

9 leur ou un mélange?

10 Réponse: Ce rapport se fonde sur des recherches que j'ai menées au cours

11 de deux semaines en Serbie, deux semaines au cours desquelles je me suis

12 entretenu avec des victimes et des témoins de violences policières après

13 les élections de 1996.

14 Question: Merci. Passons à la pièce à conviction 191.

15 La liste des sources, des références se trouve en page… Je ne trouve pas

16 la page, semble-t-il. Vous pourriez peut-être m'aider?

17 Réponse: Tout à fait au début.

18 Question: Oui, oui. Tout à fait au début. Je l'ai maintenant sous les

19 yeux.

20 Ceci est écrit par vous, mais est-ce que ceci s'appuie également sur ce

21 dont vous avez été témoin?

22 Réponse: Ce rapport repose principalement sur mes recherches au Kosovo.

23 Question: Lorsque vous dites "mes recherches", vous voulez dire que vous

24 avez vous-même parlé aux personnes sur place, que vous vous êtes rendu sur

25 les lieux? Ou bien est-ce que vous vous êtes servi de ce que d'autres

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1 avaient fait sur le terrain, en fait?

2 Réponse: Ceci s'appuie principalement sur notre recherche sur le terrain

3 mais, comme je l'ai déjà dit, il y a des cas où nous citons le travail

4 accompli par d'autres.

5 Question: Chaque fois que vous dites "nôtre" et "nous"?

6 Réponse: Excusez-moi. C'est une trop grande habitude de l'appartenance à

7 une institution. Oui, cela s'appuie sur les recherches effectuées par moi,

8 mais, comme je l'ai déjà dit, il nous arrive également de citer, çà ou là,

9 le travail accompli par d'autres. Chaque fois que nous citons le travail

10 accompli par d'autres, nous le faisons de façon très explicite en

11 fournissant une référence et en citant la source.

12 Question: Lorsque vous dites "source d'un travail accompli par d'autres",

13 voulez-vous dire par des personnes qui ne font pas partie de Human Rights

14 Watch?

15 Réponse: Effectivement. Par exemple, des personnes membres d'une autre

16 organisation.

17 Question: Mes questions portent plus précisément sur les rapports ou les

18 conclusions de ce dont ont été témoins des personnes travaillant pour

19 Human Rights Watch, dont vous avez lu les rapports.

20 Dans ces cas-là, est-ce que vous avez été témoin de tous les événements

21 dont vous rendez compte, ou bien est-ce que vous vous êtes appuyé sur des

22 événements dont d'autres employés de Human Rights Watch ont été témoins?

23 Réponse: Oui, les conclusions que nous présentons sont les nôtres; elles

24 s'appuient sur nos recherches sur le terrain.

25 M. Wladimiroff (interprétation): Que voulez-vous dire lorsque vous dites

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1 "nous"?

2 M. Abrahams (interprétation): Ah, excusez-moi! Elles s'appuient sur mes

3 recherches sur le terrain ou sur les recherches effectuées par mes

4 collègues, mais...

5 M. Kwon (interprétation): Monsieur Abrahams, j'aimerais vous demander un

6 éclaircissement sur ces recherches dont vous fait état, s'agissant de vous

7 sur cette page et également des recherches de M. Bouckaert et d'autres

8 personnes?

9 M. Abrahams (interprétation): Oui, dans ce rapport, il y a des recherches

10 qui ont été menées par des collègues à moi; Peter Bouckaert est un

11 chercheur qui a travaillé très précisément sur les affaires de Gornje

12 Obrinje et de Golubovac, qui sont citées en annexe de ce rapport.

13 Aimeriez-vous que je vous apporte d'autres explications sur d'autres

14 personnes, Monsieur le Juge?

15 M. Kwon (interprétation): Cela me suffira.

16 M. Abrahams (interprétation): Ce sont des collègues à moi donc,

17 travaillant pour Human Rights Watch.

18 M. Wladimiroff (interprétation): Passons à la pièce à conviction 198.

19 L'autre fascicule.

20 Là encore, je vous demanderai de prendre des références. Il est écrit ici

21 que, dans cet ouvrage, il est question de trois séries de recherches

22 effectuées par vous, donc de trois missions menées par vous, mais qu'en

23 est-il des autres missions où d'autres recherches ont été effectuées?

24 J'appelle votre intention sur le rapport relatif à Racak.

25 M. Abrahams (interprétation): Ce rapport relatif à Gornje Obrinje et

Page 6176

1 Golubovac s'appuient sur trois missions menées par moi et M. Bouckaert.

2 Mais vous avez raison…

3 M. Nice (interprétation): Je vous prie de m'excuser d'interrompre, mais il

4 y a un problème avec le compte rendu d'audience en anglais. Je ne sais pas

5 si les Juges ont le même problème sur leurs écrans. Je ne sais pas si le

6 compte rendu va revenir à l'écran, mais j'appelle votre attention sur ce

7 fait.

8 M. le Président (interprétation): Quelqu'un peut-il répondre à cette

9 question, nous aider sur ce point?

10 Bien.

11 M. Abrahams (interprétation): Oui, ce petit livre a effectivement été

12 rédigé sur la base des trois missions menées sur le terrain, mais vous

13 avez raison: en annexe, on trouve le rapport relatif à Racak qui était le

14 résultat d'une quatrième mission. Donc là, il y a peut-être un tout petit

15 manque de précision dans la liste des références. La mission à Racak a été

16 menée à la fin du mois de janvier 1999.

17 M. Wladimiroff (interprétation): Avez-vous enquêté sur Racak en personne?

18 Réponse: Non, non.

19 Question: Vous êtes-vous rendu à Racak?

20 Réponse: Non.

21 Question: Passons maintenant à la pièce à conviction 200.

22 Pourriez-vous expliquer aux Juges de cette Chambre si ce qui est écrit ici

23 s'appuie sur votre expérience personnelle, sur ce dont vous avez été

24 témoin ou sur l'expérience de tierces personnes, autres que vous?

25 Réponse: Ce rapport fait suite aux travaux de recherches menées par une

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1 autre personne qui travaillait également pour Human Rights Watch.

2 Question: Merci. Pièce 201, il s'agit du rapport relatif aux exactions

3 commises contre les Serbes et les Roms dans le nouveau Kosovo. Et

4 j'appelle votre attention sur la page 18 de ce rapport.

5 Avez-vous participé à la rédaction de ce rapport?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Quel a été votre rôle dans la rédaction de ce rapport?

8 Réponse: Les recherches relatives à ce rapport et la rédaction de ce

9 rapport sont principalement l'œuvre de Benjamin Ward, un autre chercheur

10 de Human Rights Watch. Pour ma part, j'ai contribué aux recherches; je me

11 rappelle notamment avoir dirigé les recherches dans la population rom et

12 j'ai également travaillé à la relecture de ce rapport, à la correction.

13 Question: Très bien. Merci.

14 Pièce 202, je vous prie. Il s'agit du rapport sur le Kosovo intitulé "Le

15 viol, une arme pour le nettoyage ethnique". J'aimerais appeler votre

16 attention sur la page 38 de ce rapport. Dans la liste, des références, on

17 voit que c'est vous qui avez relu et corrigé ce rapport.

18 La question que je vous pose est la suivante: quel est le rôle exact que

19 vous avez eu dans la rédaction de ce rapport ou dans les recherches qui

20 ont donné lieu à la rédaction de ce rapport?

21 Réponse: Les recherches ont principalement été l'œuvre de Martina

22 Vandenberg, aidée de Joanne Mariner. Quant à mon rôle, je le qualifierai

23 d'associé consultant. Madame Vandenberg est arrivée au Kosovo en août

24 1999, alors que je travaillais déjà à des recherches, et nous avons

25 consacré un temps très important tous les deux à la discussion de ce

Page 6178

1 rapport, à la mise en place de la stratégie nécessaire pour la réalisation

2 de ces recherches. J'ai également apporté mon aide à Mme Vandenberg au

3 cours des recherches. Je me souviens avoir eu un entretien avec un médecin

4 de Djakovica par exemple, mais les entretiens ont évidemment été menés

5 principalement par Mme Vandenberg et Mlle Mariner.

6 Question: Passons à la pièce 204: le rapport sur les exactions et les

7 tensions au Kosovo. Quel a été votre rôle dans la rédaction de ce rapport?

8 Réponse: J'ai été le seul chercheur impliqué et le seul rédacteur de ce

9 rapport.

10 Question: Merci. Passons maintenant à la pièce 205, le petit fascicule

11 jaune, page 9.

12 Quel est le rôle que vous avez joué dans la rédaction de ce fascicule?

13 Réponse: Nous avons le même fascicule entre les mains?

14 Question: Oui, je pense que oui. Grand 9.

15 Réponse: Ah! Grand 9. D'accord. Je ne travaillais pas pour Human Rights

16 Watch à cette époque-là.

17 Question: Merci. Prenons enfin la pièce à conviction 206, intitulée "Mort

18 de civils au cours de la campagne de bombardement de l'OTAN".

19 J'appelle votre attention sur la page 79 de ce document. Pourriez-vous

20 dire quel a été votre rôle dans l'établissement de ce rapport?

21 Réponse: Oui, j'ai mené les recherches relatives au Kosovo, donc

22 recherches liées aux 90 incidents causés par les bombardements de l'OTAN

23 ayant donné lieu à des morts de civils. Un tiers de ces incidents à peu

24 près ont eu lieu au Kosovo, et c'est moi qui ai effectué les recherches

25 pour ce tiers-là. Par exemple, à la prison de Dubrava, ou sur la route qui

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1 sort de Djakovica. Là, c'est moi qui ai mené les recherches et des

2 collègues à moi ont effectué les recherches pour des régions qui n'étaient

3 pas situées au Kosovo, c'est-à-dire pour les autres régions de

4 Yougoslavie.

5 Question: Merci. Deux questions encore à vous poser. Il y a deux jeux de

6 lettres qui ont été versés au dossier par l'accusation. Un de ces jeux de

7 correspondance est la pièce à conviction 189, et, très rapidement,

8 j'aimerais qu'on vous mette ces lettres sous les yeux. Ce sont bien des

9 lettres dont vous êtes l'auteur et qui ont été envoyées par vous ?

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Le deuxième jeu de correspondance constitue la pièce à

12 conviction 192 de l'accusation. Ces lettres-là ont-elles été écrites par

13 vous et envoyées par vous?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Mais signées par quelqu'un d'autre?

16 Réponse: Elles ont été signées par mon directeur, mais c'est moi qui les

17 ai écrites et envoyées.

18 Question: Vous avez vérifié également s'agissant de ces courriers s'ils

19 avaient reçu réponse ou pas?

20 M. Abrahams (interprétation): C'est exact.

21 M. Wladimiroff (interprétation): Merci beaucoup, je n'ai plus de

22 questions. Vous nous avez été d'une grande aide.

23 M. Nice (interprétation): Cinq à dix minutes sans doute de questions

24 supplémentaires, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Il serait préférable de finir ce témoin

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1 témoignage avant la pause.

2 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Frederick Abrahams,

3 par M. Nice.)

4 M. Nice (interprétation): Monsieur Abrahams, les autres chercheurs, dont

5 vous avez cité les noms en réponse aux questions de M. Wladimiroff, sont-

6 ils disponibles? Peuvent-ils être contactés, si nous souhaitions le faire?

7 M. Abrahams (interprétation): Oui, absolument.

8 Question: Vous nous aiderez dans ce cas: vous pourriez chercher à les

9 retrouver, le cas échéant, s'il était proposé de les faire venir comme

10 témoins?

11 Réponse: Oui, bien sûr, je pourrai apporter ma contribution sur ce plan.

12 Question: Quant à vos rapports, à tous ces rapports dont il a été

13 question, on voit que de nombreux rapports ont été établis, qu'ils ont été

14 envoyés à des adresses très différentes avant même qu'il ne soit question

15 du bombardement de la Serbie ou du Kosovo, n'est-ce pas?

16 Réponse: C'est exact.

17 Question: S'agissant de la période au cours de laquelle ces rapports

18 antérieurs au bombardement ont été établis et envoyés à différentes

19 personnes, a-t-il été dit, par qui que ce soit, que Human Rights Watch

20 pouvait être accusé d'une quelconque partialité? Est-ce que cela a été dit

21 par l'accusé ou l'un quelconque des organes gouvernementaux auxquels

22 l'accusé était associé?

23 Réponse: Je n'ai été informé d'aucune accusation directe portée contre

24 nous directement à partir du gouvernement. Il est certain que des réponses

25 étaient publiées dans la presse qui mettaient en cause notre objectivité;

Page 6181

1 elles émanaient de commentateurs et d'autres personnes de ce genre.

2 Question: De façon que nous ayons une idée plus précise, quel genre

3 d'allégations de partialité ont-elle été formulées contre Human Rights

4 Watch? Et quelle a été la réponse faite par Human Rights Watch à ces

5 allégations, d'où qu'elles viennent?

6 Réponse: Ce qui est intéressant, c'est que dans les Balkans nous avons été

7 accusés d'être partiaux par rapport à la Macédoine et contre les Albanais

8 dans certains cas, contre les Serbes, dans d'autres, contre les Croates

9 également, et dans le cas qui nous intéresse, nous avons été accusés de

10 partialité anti-Serbes.

11 Question: Des raisons peuvent-elles motiver cela? Des raisons, je veux

12 dire des raisons explicables? Avant que l'explication ne commence avec

13 l'OTAN, ces allégations de partialité peuvent-elles être explicables?

14 Réponse: Je ne peux que supposer qu'elles trouvaient leur origine dans le

15 mécontentement suscité par nos constatations.

16 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant de George

17 Tintor, l'auteur de ce document, nous avons procédé à quelques recherches

18 au cours du contre-interrogatoire parce que le témoin ne pouvait pas nous

19 aider à ce moment-là. Et nous avons vérifié le site web intitulé "anti-

20 war.com": nous avons donc lu des lettres relatives à la cause serbe.

21 Question: Il est allégué que Human Rights Watch n'est soutenu que par les

22 riches.

23 Avez-vous reçu un appui de personnes qui donnaient moins de 5.000 dollars

24 à la fois?

25 Réponse: Absolument.

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1 Question: Est-ce que vous avez été soutenu par des étudiants, par des

2 jeunes gens?

3 Réponse: Oui, 5.000 dollars est une somme qui constitue le seuil requérant

4 une mention dans la comptabilité annuelle, mais bien entendu de nombreuses

5 contributions, de nombreux dons se situent en dessous de ce seuil. Je me

6 rappelle d'enveloppes où il y avait même de la petite monnaie qui arrivait

7 dans notre bureau.

8 Question: L'ouvrage intitulé "Aux ordres": vous avez été interrogé en

9 détail quant à ce qui était le résultat de votre travail et ce qui avait

10 été écrit par d'autres. Est-ce que, s'agissant des entretiens menés par

11 d'autres chercheurs, vous avez vous-même lu les documents établis par eux?

12 Réponse: Oui, de façon approfondie.

13 Question: Au moment où les rapports étaient en voie de préparation pour

14 publication, et notamment cet ouvrage intitulé "Aux ordres", avez-vous

15 relu les chapitres écrits par votre collègue? Et est-ce que votre collègue

16 a relu les chapitres écrits par vous?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Avez-vous pu l'aider en lui proposant des corrections à tel ou

19 tel moment, dans des cas où, selon vous, elles étaient nécessaires?

20 Réponse: Oui, le projet a été fait en collaboration entre nous dans une

21 très grande mesure.

22 Question: Vous nous dites que Human Rights Watch était au courant des

23 discriminations anti-Serbes dans les années 80.

24 Pouvez-vous nous aider en nous disant si ce qui est mentionné dans vos

25 rapports traite de cela ou s'il s'agissait d'une période trop antérieure

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1 pour avoir traité de cela dans vos rapports?

2 Réponse: Cette période est traitée dans les chapitres relatifs au

3 contexte, dans certains rapports. Très concrètement, dans le rapport

4 intitulé "Aux ordres", c'est dans le chapitre relatif au contexte.

5 Question: Il y a un point de détail sur lequel vous pourriez sans doute

6 nous aider.

7 Nous avons entendu des témoins -je ne sais pas si vous pourrez nous

8 aider-, mais nous avons entendu des témoins qui nous ont dit que des

9 Albanais du Kosovo avaient perdu leur travail au sein du gouvernement, ou

10 leur travail tout court, dans le secteur de la banque par exemple et

11 d'autres entreprises du même genre, pour être remplacés par des Serbes qui

12 venaient d'arriver. Avez-vous eu connaissance de cela? Ceci est-il abordé

13 dans l'un quelconque de vos rapports?

14 Réponse: Oui, mon travail personnel traite de cela de façon un peu

15 collatérale. Le seul rapport établi à ce sujet est celui de 1996 où il est

16 question de discrimination. Nous avons écrit au sujet de la discrimination

17 dans les domaines de l'éducation et de l'emploi; mais avant moi, je crois

18 qu'un rapport avait déjà ouvert la voie. C'est la documentation la plus

19 exhaustive relative à la période à laquelle vous faites référence.

20 Question: Pièce à conviction 205, je vous prie.

21 Cette pièce traite-t-elle, dans votre souvenir, du processus d'arrivée de

22 Serbes et du fait qu'ils prenaient la place des Albanais qui étaient

23 renvoyés de leur travail? Et si vous vous souvenez de cela, dites-le.

24 Avez-vous vérifié cela?

25 Réponse: Je ne sais pas. Ceci figure dans le document relatif à la

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1 discrimination dans les différents secteurs de la société.

2 Question: Un autre point de détail, je vous prie. Pièce à conviction 198,

3 le document en couleurs, page 76.

4 Comme vous l'avez expliqué aux Juges de cette Chambre, les citations

5 accusatrices venaient d'un article de presse datant du 29 janvier 1999,

6 relatif aux événements de Racak. L'accusé vous a soumis un passage de cet

7 article qui se trouve au deuxième paragraphe et qui traite d'exécutions

8 sommaires.

9 On vous a également interrogé quant à ce qui vous semblait acceptable,

10 supportable ou pas. Pourriez-vous reprendre cette pièce à conviction 200,

11 qui est le rapport bref établi par un collègue à vous, à la rédaction

12 duquel vous n'avez pas contribué?

13 Je parle de cela car, devant cette Chambre, nous ne pouvons pas explorer

14 l'ensemble des événements survenus à Racak dans le détail. Nous devons

15 nous concentrer sur un certain nombre d'événements limités pour simplement

16 donner une représentation de l'importance de l'incident.

17 Si vous avez ce rapport de votre collègue sous les yeux, on voit en page

18 2, en bas de page, votre collègue dit qu'elle s'est fondée sur des

19 entretiens avec des survivants, qu'elle a procédé à un certain nombre de

20 tels entretiens. Enfin, en note en bas de page, on parle de tortures. Elle

21 est allée voir ce qui s'est passé dans la cour de Sadik Osmani. Et

22 ensuite, on passe au début de la page suivante, on voit qu'elle parle en

23 détail -et je laisse peut-être le temps aux Juges de retrouver ce passage

24 et de le lire-, en tout cas, votre collègue stipule qu'elle relate ce qui

25 s'est passé dans cette cour.

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1 Au troisième paragraphe, il est question des gens qui fouillaient à la

2 recherche d'armes, de jeunes garçons qui ont été emmenés, de la façon dont

3 ils ont été traités, etc.

4 Ces documents étaient-ils contenus dans votre rapport justifiant les

5 allégations de torture et les autres allégations évoquées dans cet article

6 de presse?

7 Réponse: Ce rapport se fonde sur une semaine de recherche à Racak et dans

8 les environs de la part de Human Rights Watch.

9 Question: Mais il s'agissait d'entretiens avec des témoins survivants et

10 donc à une date très proche des événements?

11 Réponse: C'est exact.

12 M. Nice (interprétation): Merci. Un peu de géographie maintenant,

13 s'agissant de plusieurs pièces à conviction parce que les Juges ont

14 exprimé leur intérêt par rapport à la géographie de la région de Drenica

15 notamment.

16 Si nous prenons la page de couverture de ce document, nous y voyons une

17 carte géographique, nous y voyons une carte géographique qui montre où se

18 trouvent Gornje Obrinje, Golubovac et Plocica.

19 Je n'ai pas de numéro de page, mais cela se trouve immédiatement après la

20 table des matières. Vous voyez, je vous montre à quoi ressemble cette

21 carte. Les Juges trouveront les endroits annotés sur notre pièce à

22 conviction, c'est-à-dire l'Atlas des routes du Kosovo, en page 6.

23 Et au niveau de ce petit carré ici, le carré en bas à gauche de cette

24 page, vous voyez les emplacements de Plocica, Golubovac, Gornje Obrinje,

25 juste ici, un peu au-dessus de ce carré. Donc c'est là que se situent ces

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1 villages.

2 La seule description que l'on trouve dans votre livre au sujet de Drenica

3 se trouve dans la pièce à conviction 191 en page 14. C'est une citation

4 très brève où vous dites que les auteurs décrivent Drenica comme "une

5 région vallonnée au centre du Kosovo". Pouvez-vous aider les Juges de

6 cette Chambre en donnant davantage de détails au sujet de la région connue

7 sous le nom de Drenica, de cette zone de façon générale?

8 M. Abrahams (interprétation): Drenica est une région, pas une

9 municipalité. Je ne connais pas les frontières précises de cette région

10 mais, de façon générale, elles s'étendent depuis Komorane, non loin de

11 Gllogovac, jusqu'au nord de Srbica, et elle est limitée à l'est par les

12 monts Çicavica et, à l'ouest, elle s'étend sur 30 ou 40 kilomètres de Pec.

13 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, je pense que j'avais vu Drenica

14 en page 156 de l'ouvrage intitulé "Aux ordres"?

15 M. Nice (interprétation): Oui.

16 M. Abrahams (interprétation): Oui, oui. On voit que Drenica s'étend entre

17 les deux municipalités, celles de Srbica et de Gllogovac.

18 M. Nice (interprétation): Je suis désolé de ne pas avoir souligné cela à

19 l'intention des Juges précédemment, mais j'ai deux questions encore à

20 poser. L'une qui porte sur la pièce à conviction 198 au sujet de laquelle

21 vous avez été abondamment interrogé par l'accusé.

22 Au moment de la publication de ce rapport en février, les bombardements

23 avaient-ils déjà commencé ou pas?

24 Réponse: Non, ils n'avaient pas encore commencé.

25 Question: L'ensemble de l'ouvrage a été préparé et publié avant le début

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1 des bombardements, alors qu'il a été dit que cet ouvrage appuyait les

2 bombardements?

3 Réponse: C'est exact.

4 Question: Vous avez été critiqué hier, je crois, pour le fait de ne pas

5 avoir produit de photographies des dommages dus à l'UCK et à l'OTAN. Vous

6 avez dit que des photographies existaient et qu'elles avaient été prises

7 en compte par vous.

8 Souhaitez-vous nous dire si l'on trouve de telles photographies dans l'un

9 quelconque de vos rapports, ou si vous pourriez indiquer où se trouvent

10 ces photographies aux Juges de cette Chambre, d'une façon ou d'une autre?

11 Réponse: Oui, les photos relatives aux violations commises par l'UCK se

12 trouvent dans l'ouvrage "Aux ordres", au chapitre traitant des exactions

13 commises après le 12 juin. Je crois que je pourrais vous donner le numéro

14 de page.

15 Question: De façon générale, dites-nous où cela se trouve?

16 M. Abrahams (interprétation): En outre, il y a les photographies relatives

17 à l'UCK, en page 50 du chapitre relatif au contexte. Il y a deux

18 photographies à cet endroit. S'agissant de l'OTAN, le rapport sur les

19 morts civils de la campagne de bombardement de l'OTAN, on y trouve une

20 série de photographies, plus d'une douzaine je crois, qui montrent les

21 dommages provoqués par les bombes de l'OTAN. Certaines de ces photos sont

22 reprises dans l'ouvrage intitulé "Aux ordres".

23 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Je n'ai plus de question.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Abrahams, ceci met un terme à

25 votre déposition. Merci d'être venu devant le Tribunal international pour

Page 6188

1 déposer.

2 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection!

3 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous retirer, Monsieur le

4 Témoin.

5 Que se passe-t-il, Monsieur Milosevic?

6 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection.

7 M. le Président (interprétation): Très rapidement, je vous prie, Monsieur

8 Milosevic.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous ne m'avez pas autorisé à formuler mes

10 objections au sujet des pièces à conviction qui ne sont toutes que des

11 publications et je les mets en cause, de même que toutes ces

12 photographies.

13 Il ne peut pas s'agir de pièces à conviction en l'espèce. Elles n'ont

14 aucune valeur probante. Rien ne permet d'authentifier ces pièces à

15 conviction, rien ne prouve qui sont les personnes mentionnées et rien

16 n'indique qu'il s'agit de civils, citoyens de Yougoslavie. Qui sont les

17 personnes dont les cadavres ont été montrés? Le témoin n'était pas présent

18 sur les lieux le 5 mars 1998, il n'était pas à Racak, à la fin du mois de

19 janvier 1999, il n'était pas à Likoshane ni à Cirez aux dates des

20 incidents dont il a été question, il n'était pas non plus Suva Reka ni à

21 Gornje Obrinje ou certaines choses se sont passées.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vais vous

23 arrêter. Nous avons admis ces rapports comme pièces à conviction; les

24 photos, nous les avons admises également. Le témoin a identifié les

25 endroits où il dit que les photos ont été prises. Nous avons admis ces

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1 photos, maintenant, la question est de savoir quel poids leur sera

2 accordé; c'est une autre question sur laquelle il appartient aux Juges de

3 se pencher.

4 Maintenant, nous allons lever la séance.

5 Monsieur Abrahams, merci beaucoup d'être venu. Vous pouvez vous retirer.

6 Il y a une autre question; je prie les interprètes de nous excuser pour ce

7 temps supplémentaire avant la pause.

8 Demain et mercredi, nous commencerons l'audience à 9 heures 30 et l'après-

9 midi nous poursuivrons jusqu'à 16 heures.

10 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, je vais adapter la liste des

11 témoins en conséquence.

12 M. le Président (interprétation): Oui, j'aurais dû dire demain et jeudi.

13 (Le témoin, M. Frederick Abrahams, est reconduit hors du prétoire.)

14 (L'audience, suspendue à 10 heures 47, est reprise à 11 heures 10.)

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je vous en prie.

16 (Questions relatives à la procédure.)

17 M. Nice (interprétation): Avant de revenir à K12, un certain nombre de

18 questions d'intendance.

19 Tout premièrement, M. Walker de l'OSCE: nous avons eu l'occasion de le

20 contacter. Je pense que je vais pouvoir en parler au cours de la matinée.

21 Je pense que nous allons pouvoir le citer la semaine prochaine. Pour

22 pouvoir le citer la semaine prochaine, il faudrait qu'on puisse disposer

23 de l'autorisation pour que sa deuxième déclaration en BCS soit communiquée

24 et remise ultérieurement. Elle existe déjà en anglais, mais la Chambre

25 sait qu'il est indispensable d'attendre la traduction. Nous ne pouvons

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1 rien faire. C'est la raison pour laquelle l'accusé ne dispose pas encore

2 de la déclaration en BCS et c'est la raison pour laquelle je vous demande

3 de bien vouloir m'autoriser à ce que M. Walker soit prévu pour la semaine

4 prochaine.

5 Dans tous les cas, nous allons faire tout pour que la traduction soit

6 faite et qu'il y ait une priorité sur le plan de la traduction. Je pense

7 qu'il serait utile si l'on pouvait avoir davantage de preuves qui

8 concernent Racak, en même temps.

9 M. le Président (interprétation): Est-ce que la traduction est déjà faite?

10 M. Nice (interprétation): Non, on ne sait même pas quand la traduction

11 sera faite. Nous avons essayé de contacter M. Walker et Mlle Graham qui

12 vient de me passer un message.

13 Par conséquent, l'accusé dispose de la déclaration depuis le 26 mars, la

14 déclaration en anglais. C'est la raison pour laquelle la traduction aurait

15 dû nous parvenir, mais cela durera encore quelques jours.

16 M. le Président (interprétation): J'espère que vous allez résoudre le

17 problème jusqu'au week-end, étant donné que l'accusé a le droit de lire la

18 déclaration.

19 M. Nice (interprétation): Oui, nous espérons que l'ambassadeur pourrait se

20 rendre ici, dimanche soir.

21 Il y a une deuxième information, et ceci, encore une fois à l'intention de

22 l'accusé. Nous avons définitivement reçu, par l'intermédiaire des

23 autorités de Marinkovic sur Racak; je pense que c'est en serbe, je pense

24 même en cyrillique. C'est un rapport qui va être traduit et que nous

25 allons remettre à l'accusé le plus tôt possible. Je pense que l'accusé en

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1 dispose d'une autre source de cette même déclaration.

2 Par ailleurs, il y a également une cassette vidéo qui fait partie

3 intégrante de ce rapport de la Juge où l'on peut voir également le général

4 Dimitrijevic, des armes également qui ont été trouvées au cours de

5 l'enquête.

6 En ce qui me concerne, je pense que je vais pouvoir montrer cette cassette

7 vidéo à un témoin. Je vais le citer demain. Je vais remettre la copie de

8 cette cassette vidéo, aujourd'hui même, pour qu'il puisse la visionner dès

9 aujourd'hui.

10 Ensuite, nous avons encore quelques autres questions que nous n'avons pas

11 encore résolues et qui restent tout le temps en suspens, en quelque sorte.

12 Nous avons un certain nombre de moyens de preuve, nous avons quelques

13 journaux, nous n'avons pas encore résolu ce problème-là, mais je pense que

14 Mlle Graham, ainsi que d'autres membres de mon équipe, vont tout faire

15 pour que ces choses-là n'attendent pas la solution pendant longtemps.

16 Maintenant, il y a les trois témoins dont vous avez parlé hier. D'abord,

17 il s'agit de Mehmeti Agron qui aurait dû être un témoin dans le cadre de

18 l'Article 92bis.

19 Et ayant en vue ce fait qu'il y avait un ordre qui a été délivré en date

20 du 11 janvier -je pense que cet ordre se rapporte aux déclarations des

21 témoins qui auraient dû témoigner de vive voix-, nous pensions que cet

22 ordre ne concernait pas le témoin en question, étant donné que cela aurait

23 dû être dans le cadre de 92bis.

24 Mais de toutes les manières, en fin de compte, nous avons remis la

25 déclaration en BCS de sa déclaration en date du 25 janvier, avant que le

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1 procès soit ouvert. Nous avons remis cette déclaration le 25 janvier, je

2 le répète.

3 Ensuite pour Avdyli, la situation est à peu près la même: il aurait dû

4 également être témoin dans le cadre de l'Article 92bis. En anglais, ses

5 déclarations ont été communiquées le 25 janvier.

6 Il y en a deux qui étaient en BCS, la troisième a été remise le 3 mai.

7 Ensuite, il y avait d'autres déclarations également qui n'ont pas été

8 communiquées devant ce Tribunal mais ont été communiquées le 23 avril.

9 Avec tout notre respect, nous pensons que nous avons tenu compte de toutes

10 les conditions préalables à assurer, en ce qui concerne ces témoins, même

11 si Mlle Graham nous rappelle que quand il s'agit de M. Mehmeti, il n'y a

12 que la version en anglais qui a été remise avant le procès, alors qu'en

13 BCS, c'était un peu plus tard. De toutes les manières, on n'a pas porté

14 préjudice à l'accusé.

15 Enfin, il y a le troisième témoin: c'est Agim Jemini. C'est quelqu'un qui

16 aurait dû être cité déjà pour témoigner de vive voix dans l'intégrité de

17 son témoignage.

18 Je pense qu'il faudrait également qu'on puisse profiter de son témoignage;

19 c'est un témoin qui va parler des communications radios. Il était dans le

20 grenier où il se cachait et c'est comme ça qu'il avait entendu les

21 communications par radio. Je pense que c'est un témoignage qui a du poids,

22 non seulement sur le plan des crimes qui ont été commis, mais également

23 par le fait même qu'il avait entendu un certain nombre de choses qui sont

24 importantes pour la Chambre. La décision a été prise en même temps que la

25 décision qui a été prise de réduire le nombre de témoins. Ces déclarations

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1 au Tribunal ont été communiquées le 1er février, en anglais, avant le

2 début du procès, la version en BCS le 15 mars.

3 Et il y a une autre déclaration également en anglais qui a été remise le

4 13 février, tout cela bien avant. Son nom figure depuis le tout début sur

5 la liste; c'est la raison pour laquelle nous avons l'intention de le citer

6 depuis tout le début, même si n'avons pas demandé de manière officielle à

7 compléter la liste. Il se trouve ici.

8 M. le Président (interprétation): D'accord. Nous vous autorisons à le

9 faire comparaître.

10 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation): Mais avant de poursuivre, voulez-vous

12 convoquer M. Elshani? Il est en bas de la page et il est marqué

13 qu'éventuellement, vous n'allez pas le citer?

14 M. Nice (interprétation): Nous avons supprimé Elshani de la liste des

15 témoins.

16 M. le Président (interprétation): En ce qui concerne des allégations dans

17 le cadre du 92bis, la Chambre n'a pas encore arrêté un ordre concernant

18 Mehmeti; c'est donc le témoin suivant. Mais je me souviens tout à fait

19 bien que nous avons pris la décision au sujet de ce témoin.

20 M. Nice (interprétation): Mais dans ce cas-là, c'est bon.

21 M. le Président (interprétation): Je pense que nous sommes allés beaucoup

22 plus loin.

23 M. Nice (interprétation): Oui, dans ce cas-là, c'est bon. Mais K7, à ce

24 moment-là, je ne sais pas s'il est dans la deuxième catégorie?

25 M. le Président (interprétation): Mais je ne sais pas dans quelle

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1 catégorie est K7.

2 M. Nice (interprétation): Nous attendons votre décision, Monsieur le

3 Président. Nous ne savons pas dans quelle catégorie il sera.

4 M. Nice (interprétation): Maintenant, je vais en venir à un autre point.

5 Nous nous souvenons également que vous avez averti que vous alliez réduire

6 le contre-interrogatoire à 45 minutes quand il s'agit du 92bis. Mais j'ai

7 l'impression que l'accusé a le droit également de s'adresser à la Chambre

8 et il faut parler probablement….

9 Et maintenant, nous arrivons une fois de plus au témoin qui a commencé à

10 témoigner hier, K12. Je vais demander à la Chambre de bien vouloir passer

11 en audience à huis clos partiel.

12 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

13 (Audience à huis clos partiel à 11 heures 20.)

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18 (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 32.)

19 (Le témoin K12 est introduit dans le prétoire.)

20 M. le Président (interprétation): Monsieur K12, vous êtes revenu dans le

21 prétoire. Je tiens à vous rappeler que, hier, vous avez fait la

22 déclaration solennelle: vous avez dit que vous diriez la vérité.

23 (Interrogatoire principal du Témoin K par M. Nice.)

24 M. Nice (interprétation): Monsieur K12, je vous ai posé la question hier

25 si vous aviez fait votre service militaire. Est-ce que vous vous souvenez

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1 que vous avez répondu à cette question en disant que vous aviez fait votre

2 service militaire?

3 Témoin K12 (interprétation): Je ne sais pas ce que vous me posez comme

4 question.

5 Question: Est-ce que vous avez fait votre service militaire en

6 Yougoslavie?

7 Réponse: Oui, j'ai fait mon service militaire; je l'ai dit hier.

8 Dites aux Juges que moi, je ne peux pas être traité psychologiquement

9 comme ça. Vous me faites perdre mon esprit, vous voulez me confondre. Moi,

10 je ne peux pas témoigner en faveur de qui que ce soit. Laissez-moi

11 tranquille, sinon je deviens fou! Je ne peux pas continuer comme ça, si

12 eux ils ne comprennent pas mon problème.

13 M. Nice (interprétation): Je lui ai expliqué le problème.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur K12, vous devez comprendre dans

15 quelle situation vous vous trouvez. Vous êtes devant le Tribunal qui vous

16 a convoqué pour témoigner. Vous avez refusé de témoigner. Nous avons

17 examiné nos prérogatives en ce qui concerne votre cas et je vais vous les

18 expliquer.

19 En me référant à nos compétences, nous pouvons vous déclarer coupables

20 ceux qui, sciemment, remettent en question la question de la justice et

21 tout témoin devant une Chambre refusant de répondre à une question malgré

22 la demande qui lui en est faite par la Chambre. Vous devez, par

23 conséquent, comprendre que nous avons le droit de vous déclarer coupable

24 d'outrage au Tribunal si vous refusez de répondre aux questions que le

25 Procureur vous a posées de manière correcte.

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1 Maintenant, je vais vous poser la question: est-ce que vous voulez

2 répondre ou non aux questions?

3 Témoin K12 (interprétation): Si c'est moi qui suis coupable, vous pouvez

4 me mettre en prison! S'ils ne comprennent pas quelles sont les raisons

5 pour lesquelles je ne peux pas déposer, à ce moment-là, je ne peux pas. Je

6 n'ai pas réussi à faire comprendre ni au Procureur ni à vous. Je ne sais

7 pas si vous me comprenez ou non. Si vous voulez, vous m'envoyez en prison.

8 Je vais rester en prison si vous considérez que ceci est la seule

9 solution. Moi, je n'ai pas peur d'ailleurs d'aller en prison! J'ai

10 beaucoup plus de problèmes si je ne vais pas en prison.

11 M. le Président (interprétation): Entendu. Vous refusez de répondre aux

12 questions que la Chambre vous pose. Maintenant, nous allons arrêter une

13 décision.

14 Vous êtes, par conséquent, coupable du non-respect envers le Tribunal;

15 vous refusez de répondre aux questions qui vous sont posées.

16 Nous allons ordonner au Procureur d'entamer une procédure à votre

17 encontre. Nous allons ordonner au Greffe, dans le cas où vous le demandez,

18 de vous désigner d'office un conseil. Vous allez retourner devant ce

19 Tribunal pour que cette question soit résolue au moment où nous allons

20 examiner ce que vous avez à nous dire en passant par votre conseil et nous

21 allons examiner également quelle est la sanction que nous pouvons prévoir,

22 car vous faites outrage au Tribunal. Mais votre nom reste sur la liste des

23 témoins qui sont cités devant le Tribunal.

24 Dans le cas où vous changeriez d'avis, vous n'allez que prévenir le

25 Procureur et vous serez convoqué devant la Chambre.

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1 Entre-temps, nous allons vous informer à quel moment vous devez vous

2 rendre devant le Tribunal pour résoudre la question de l'outrage envers le

3 Tribunal.

4 Nous allons suspendre cinq minutes avant de poursuivre avec l'autre

5 témoin.

6 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, il serait peut-être utile

7 et prudent de déterminer exactement quand le témoin va pouvoir retourner

8 devant la Chambre, pour ceux qui doivent être au courant également, quand

9 ça se fera. Nous pourrons éventuellement prévoir une première date?

10 M. le Président (interprétation): Cela peut être dans un mois, 28 jours

11 précisément. Nous allons suspendre l'audience.

12 (Le Témoin K12 est reconduit hors du prétoire.)

13 (L'audience, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 45.)

14 (Audience publique.)

15 (Le témoin Agron Mehmeti se trouve dans le prétoire.)

16 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce que vous avez à dire,

17 Monsieur Milosevic, a trait à ce témoin?

18 M. Milosevic (interprétation): Non, cela se rapporte à ce qui s'est passé

19 il y a un moment. J'ai une grave objection.

20 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord entendre le témoin.

21 Nous entendrons cette objection en fin de séance. Que le témoin prononce

22 la déclaration solennelle.

23 M. Milosevic (interprétation): Pouvez-vous me dire l'identité de ce

24 témoin?

25 M. le Président (interprétation): Oui, dans un instant.

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1 Veuillez, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, prononcer la déclaration.

2 Il faudrait lui soumettre une déclaration dans la bonne langue.

3 M. Mehmeti (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vie vérité et rien que la vérité.

5 M. le Président (interprétation): Très bien. Veuillez vous asseoir.

6 Veuillez nous énoncer votre nom et votre prénom.

7 M. Mehmeti (interprétation): Agron Mehmeti.

8 (Interrogatoire principal du témoin, M. Agron Mehmeti, par Mme Romano.)

9 Mme Romano (interprétation): Où êtes-vous né?

10 M. Mehmeti (interprétation): Dans le village de Reçak, le 15 juillet 1976.

11 Question: Etes-vous Albanais du Kosovo?

12 Réponse: Oui, je suis un Albanais du Kosovo.

13 Question: Travaillez-vous en tant que coordinateur pour la société Mère

14 Térésa?

15 Réponse: Oui, par le passé. Mais pour le moment, je suis sans emploi.

16 Question: Monsieur Mehmeti, vous avez fait deux déclarations au Bureau du

17 Procureur, dont l'une date du 12 décembre 1999 et l'autre du 24 août 2001;

18 est-ce exact?

19 Réponse: Première date, c'est exact. Pour ce qui est de la deuxième,

20 pourriez-vous me la redire?

21 Question: Le 24 août 2001.

22 Réponse: C'est exact.

23 Question: Et vous avez assisté à une réunion le 6 février 2002 à laquelle

24 était présent un officier de ce Tribunal, un officier instrumentaire de ce

25 Tribunal? Et à cette occasion, les deux déclarations ont été lues devant

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1 vous et on vous en a donné une copie en langue albanaise. Est-ce exact?

2 Réponse: Oui, c'était au début du mois de février.

3 Question: Vous avez donc pu passer en revue la teneur de ces deux

4 déclarations et vérifier que cette teneur était exacte et véridique?

5 Réponse: Oui, ces déclarations étaient exactes. J'aimerais apporter

6 quelques explications, avec la permission de la Chambre.

7 Mme Romano (interprétation): Oui, nous allons y arriver.

8 L'accusation aimerait demander le versement au dossier de ces deux

9 déclarations.

10 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 207.

11 Mme Romano (interprétation): En résumé, la déclaration dit ce qui suit:

12 "Le témoin déclare qu'il y a eu des attaques sans provocation à Racak,

13 menées par les forces serbes, à la fin de l'année 1998. Pendant cette

14 période, il y a eu des pilonnages et plusieurs maisons ont été endommagées

15 ou détruites. Le 14 juin 1998, un policier serbe a été tué à Caraleva;

16 cela a eu pour résultat un raid mené contre la population albanaise du

17 Kosovo. Ils n'ont plus eu le droit de droit de voyager ou de se rendre à

18 Stimlje. Le 25 juillet 1998, une offensive serbe a été lancée contre le

19 village de Zborc; à 6 kilomètres à peu près, le village de Racak a ensuite

20 été attaqué. Le témoin a quitté le village en compagnie de sa famille et

21 ils ont essuyé des tirs venant de forces serbes.

22 Le 23 août 1998, la police serbe et l'armée ont commencé à tirer sur le

23 village. Les villageois se sont réfugiés dans la maison de Shukri

24 Hajrizit, dans la cave, mais ils ont pu être arrêtés, évacués par la

25 police. Le chef du ménage a été enlevé par la police, les maisons ont été

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1 fouillées; environ 80 maisons ont été incendiées.

2 Le 15 janvier 1999, l'oncle du témoin, Bajram, l'a réveillé parce qu'il

3 avait entendu des explosions dans le village. Le témoin a ensuite entendu

4 des tirs; il est allé chercher refuge dans la maison d'Idriz Hajrizit;

5 d'autres personnes y ont cherché un refuge également puis certains ont

6 décidé de prendre la fuite, de partir vers Vesta. En cours de route, ils

7 ont essuyé des tirs. Le cousin du témoin, Elham, a été blessé à la jambe;

8 Bajram a été blessé à la tête et Hanëmshahja a été blessé à la poitrine.

9 Bajram et Hanëmshahja sont tous les deux décédés. Les survivants se sont

10 réfugiés dans une maison jusqu'à la tombée du jour, puis ils ont été

11 récupérer les cadavres. Le jour suivant, le témoin a appris qu'il y a

12 avait eu un massacre dans ce village".

13 J'aimerais demander que l'on soumette au témoin le classeur de Racak,

14 l'intercalaire n°17.

15 Vous y voyez toute une série de photos. J'aimerais que l'on soumette au

16 témoin, à peu près au milieu, le lieu du crime 3, scène 7, ERN K0214950.

17 J'aimerais commencer avec la photo n°1; c'est la feuille suivante.

18 Monsieur l'Huissier, voudriez-vous bien mettre cette photo sur le

19 rétroprojecteur?

20 Très brièvement, Monsieur le Témoin, pourriez-vous expliquer à la Cour ce

21 que l'on voit sur cette photo?

22 Réponse: Il s'agit d'une photo du village de Reçak et ça, c'est le

23 quartier qui est à proximité de la mosquée.

24 Question: Pouvez-vous nous dire où exactement Bajram et Hanëmshahja sont

25 morts? Où vous êtes-vous réfugié?

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1 Réponse: Les maisons où nous avons cherché refuge ne sont pas visibles sur

2 cette photographie. Il me faudrait une autre photographie.

3 Mme Romano (interprétation): Passons à la photo n°6.

4 M. Milosevic (interprétation): Je formule une objection.

5 M. le Président (interprétation): Oui?

6 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que ce sont bien les photos qui ont

7 été prises par Kelly? Parce que je vois "Scène du crime untel, scène de

8 crime untel, n°1, n°2." Ce sont bien des photos prises par Kelly?

9 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait.

10 Les photos ont déjà été admises, versées, les classeurs également et le

11 fait qu'on y voit l'intitulé "Scène du crime", cela n'a aucune pertinence.

12 M. Mehmeti (interprétation): Cette photo a un rapport avec moi.

13 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous expliquer à

14 cette Chambre ce que l'on voit dans cette photo n°6?

15 Réponse: Oui, je peux vous expliquer cela, si la Chambre veut bien me

16 donner la permission d'expliquer cela brièvement.

17 Question: Oui, très brièvement.

18 Réponse: Cette photographie a sans doute été prise après la guerre parce

19 que je vois là que quelque chose a changé; ce tube que l'on voit ici, ce

20 tuyau n'y était pas auparavant. Il a été installé en l'an 2000 ou en l'an

21 2001.

22 Mme Romano (interprétation): Ce que j'aimerais que vous expliquiez à la

23 Chambre c'est, en fait, quel est cet endroit? Peu importe les changements

24 qu'il y a eu depuis 1999, mais quel est cet endroit au juste?

25 M. Mehmeti (interprétation): En fait, il n'y a que ce tuyau en fer qui ne

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1 s'y trouvait pas à l'époque.

2 M. Robinson (interprétation): Veuillez nous dire, Monsieur le Témoin, ce

3 qui s'est passé à cet endroit?

4 M. Mehmeti (interprétation): C'est ici que mon oncle Bajram a trouvé la

5 mort. Et la fille de mon oncle Hanëmshahja a également été abattue par

6 balles. Makfirete Hajrizi a également été blessé, un certain Mehmeti

7 également. Nous sommes tous, nous avons tous sauté dans cette rivière sauf

8 pour Bajram. Hanëmshahja a pu marcher quelque cinq ou six mètres. En

9 essayant de sauter dans la rivière, c'est ici que Makfirete Hajrizi a été

10 blessé.

11 Question: Les deux personnes que vous avez mentionnées, Bajram et

12 Hanëmshahja, est-ce que se sont les personnes que l'on voit sur les

13 photographies 8 et 9?

14 Réponse: Je ne vois pas ces photographies, mais j'imagine que c'est le

15 cas.

16 Question: L'huissier va vous les montrer.

17 Réponse: Voici Hanëmshahja, la fille de Bajram; elle avait 22 ans. Et ici,

18 on voit Bajram qui avait 54 ans. Si vous le souhaitez, je peux vous

19 expliquer quand ces photos ont été prises.

20 Question: Non, ce n'est pas nécessaire. J'aimerais simplement que vous

21 reveniez à la photo n°1. Si vous pouviez montrer à la Chambre sur cette

22 photo où, exactement, cela s'est passé?

23 Est-ce que vous voyez cela sur la photo?

24 Réponse: Cela ne figure pas sur la photo.

25 Question: Alors dans la photo n°2?

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1 Réponse: Non. Non plus.

2 Question: Est-ce qu'on y voit la maison de Idriz Hajrizi?

3 Réponse: Ce que je vois ici, c'est le quartier de la mosquée et les

4 maisons dans ce quartier.

5 Question: Merci. Lorsque vous avez fait votre deuxième déclaration pour le

6 Tribunal, Kelly, l'enquêteur vous a soumis plusieurs photos de corps non

7 identifiés. Vous avez identifié ces corps, l'un après l'autre. Vous en

8 souvenez-vous?

9 Réponse: Toutes ces personnes massacrées dans le village de Racak, que

10 j'ai identifiées, eh bien, aujourd'hui je peux encore, je peux toujours

11 les identifier si la Chambre le souhaite, par leur nom et leur prénom,

12 leur date de naissance. Je peux vous dire une ou deux phrases sur chaque

13 personne.

14 Mme Romano (interprétation): Non, ce n'est pas nécessaire. J'aimerais

15 simplement que vous nous confirmiez que les photos que je vais vous

16 montrer maintenant sont bien celles qui vous ont déjà été soumises et que

17 vous avez identifiées. Ces photos ne se trouvent pas dans le classeur

18 Racak, j'en ai des copies ici, mais j'aurais besoin que l'on me rende les

19 photos en couleurs pour que je puisse en faire d'autres photocopies.

20 M. Mehmeti (interprétation): Madame, si vous me le permettez...

21 M. le Président (interprétation): Non, permettez-moi, plutôt. Je ne pense

22 pas que nous ayons besoin de revoir tous ces éléments de preuve.

23 Mme Romano (interprétation): Je viens de vous dire que ces photos ne se

24 trouvent pas dans le classeur.

25 M. le Président (interprétation): Alors, très brièvement.

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1 Mme Romano (interprétation): Je ne vais pas demander que le témoin

2 identifie une fois de plus -l'identification figure déjà dans la

3 déclaration-, mais j'aimerais simplement que le témoin confirme que ce

4 sont bien les photos qui lui ont été montrées.

5 M. le Président (interprétation): Très bien.

6 M. Mehmeti (interprétation): La personne que je vois ici, AR170…

7 Mme Romano (interprétation): Vous n'avez pas besoin de nous identifier de

8 nouveau ces personnes. J'aimerais simplement que vous disiez à la Chambre

9 si ce sont bien là les photographies qui vous ont été montrées?

10 Réponse: Oui. Est-ce que je peux les parcourir?

11 Mme Romano (interprétation): Non, ce n'est pas nécessaire, je l'ai déjà

12 fait.

13 M. Mehmeti (interprétation): Madame, je n'ai pas très bien saisi. Quand

14 est-ce que nous avons vu ces photos concernant le jour où nous sommes

15 partis, le 15 janvier, et puis après quand nous avons quitté la maison

16 Hajrizi? Est-ce que je peux les voir?

17 M. le Président (interprétation): Il appartient à l'accusation de décider

18 ce qui est réellement pertinent.

19 En raison des contraintes de temps, nous devons suivre une procédure

20 accélérée. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venu afin de

21 déposer devant nous, malheureusement, nous ne pouvons pas entendre tous

22 les détails.

23 M. le Président (interprétation): Y a-t-il autre chose, Madame Romano?

24 Mme Romano (interprétation): Non, je crois qu'il y a simplement une

25 confusion dans son esprit, en ce qui concerne la première carte, en ce qui

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1 concerne la première grande photo. Parce que précédemment, il avait

2 identifié la carte et la maison… Enfin, ce n'est pas une question

3 importante. Je pense que nous pouvons poursuivre.

4 M. le Président (interprétation): Très bien.

5 Mme Romano (interprétation): Je n'ai pas d'autre question.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je pense que vous

7 nous avez entendu dire que, pour ce qui est des témoins qui tombent sous

8 le coup de l'Article 92bis, puisque leurs déclarations ont déjà été

9 versées, nous voulons limiter votre contre-interrogatoire à trois quarts

10 d'heure, en raison du fait que nous sommes maintenant très familiers avec

11 votre mode de contre-interrogatoire au cours de ces dernières semaines et

12 vous prenez un certain temps, vous consacrez un certain temps à réitérer

13 des choses, et parfois des questions qui ne sont pas pertinentes.

14 Est-ce que vous aimeriez nous dire quelque chose concernant cette

15 décision, cette limitation?

16 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous parlez de l'expérience acquise

17 lors des interrogatoires précédents, je dirai que, se fondant sur cette

18 expérience, une seule conclusion peut être tirée: à savoir qu'une heure de

19 contre-interrogatoire est sans aucun doute insuffisant, car pour tous les

20 témoins que j'ai contre-interrogés dans un temps limité à une heure, j'ai

21 été interrompu par vous; ce qui m'a laissé avec de nombreuses questions

22 sans réponses.

23 Et à présent, sur la base de cette expérience, au lieu de prolonger le

24 temps qui m'est imparti, vous le raccourcissez à la demande de la partie

25 adverse, à laquelle le temps pose problème. Donc compte tenu des problèmes

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1 de temps vécus par la partie adverse, vous raccourcissez le temps qui

2 m'est imparti et, par conséquent, je continue à m'opposer à ce

3 raccourcissement du temps que durent les contre-interrogatoires menés par

4 moi.

5 J'exige qu'ils durent au moins une heure, durée que je considère, en tout

6 état de cause, comme absolument insuffisante. Et vous avez pu constater

7 par vous-même que, lorsque je n'avais pas de nombreuses questions à poser

8 à certains témoins, je n'ai pas fait durer le contre-interrogatoire une

9 heure entière. Je suis donc conscient des contraintes de temps et j'en

10 tiens compte.

11 M. le Président (interprétation): Je m'occuperai de ces questions, à

12 commencer par les problèmes que vous avez évoqués.

13 Tout d'abord, il n'y a aucune vérité dans l'affirmation que vous faites,

14 selon laquelle cette décision a été rendue à la demande du Procureur.

15 Absolument pas. Cette décision repose simplement sur le temps que vous

16 avez gaspillé au cours de vos contre-interrogatoires. Et la raison pour

17 laquelle vous êtes interrompu et continuerez à l'être à l'avenir réside

18 dans le fait que vous posez des questions très longues, vous répétez

19 certaines choses de nombreuses fois, vous posez parfois des questions non

20 pertinentes, ou bien vous vous disputez avec le témoin. Si vous agissez de

21 la sorte, vous serez interrompu. Si vous ne le faites pas, vous ne serez

22 pas interrompu.

23 Nous fondant sur l'expérience de ces dernières semaines, je pense que 67

24 témoins déjà ont déjà été entendus, 66 en personne, je doute qu'il y ait

25 eu plus de deux ou trois témoins pour lesquels le temps à votre

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1 disposition a été jugé insuffisant. Deux ou trois, pas plus, je pense.

2 Donc nous avons raccourci les contre-interrogatoires pour les raisons que

3 je viens d'évoquer à trois quarts d'heure à partir de maintenant pour tous

4 les témoins.

5 Nous allons maintenant, je crois, suspendre pendant un quart d'heure. Je

6 crois que c'est le bon moment avant de commencer le contre-interrogatoire.

7 Monsieur Mehmeti, je vous rappelle que, pendant cette suspension

8 d'audience, vous n'êtes autorisé à parler du contenu de votre déposition à

9 personne, pas même aux représentants du Bureau du Procureur.

10 Nous allons donc reprendre nos travaux à midi et demi.

11 (L'audience, est suspendue à 12 heures 14, est reprise à 12 heures 30.)

12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Agron Mehmeti, par M. Milosevic.)

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

14 M. Milosevic (interprétation): Commençons par ces questions qui

15 (inaudible)… aspects oraux.

16 M. le Président (interprétation): Nous n'avons plus besoin du classeur.

17 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, il y a un instant, que des

18 attaques injustifiées avaient eu lieu sur Racak en 1998. Est-il vrai que

19 personne n'est mort au cours de ces attaques?

20 M. Mehmeti (interprétation): En 1998, personne n'a été tué à Racak.

21 Question: Est-il exact que la police était à la recherche d'armes lors de

22 ce que vous appelez des attaques injustifiées?

23 Réponse: Je ne sais pas si la police cherchait des armes. Ils sont donc

24 venus le 23 août 1998 et ont incendié 80 maisons dans notre village et ont

25 emmené deux personnes.

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1 Question: En rapport avec ce que vous avez dit, à savoir que le 14 juin

2 1998, un policier avait été tué, estimez-vous qu'il est injustifié de la

3 part de la police de rechercher des armes et d'enquêter au sujet de

4 l'assassinat d'un policier?

5 Réponse: Le policier n'a pas été tué à Racak et je ne sais pas très bien

6 de quel type de question il s'agit.

7 Question: Mais c'est vous qui avez dit, il y a quelques instants, que le

8 14 juin 1998, un policier avait été tué?

9 Réponse: J'ai dit qu'on soupçonnait qu'il avait été tué, mais il n'a pas

10 été tué à Racak.

11 Question: Mais il a été tué dans les environs de Racak: c'est bien ça,

12 n'est-ce pas?

13 Réponse: On soupçonne qu'il a été tué à Caraleva.

14 Question: Vous avez dit que ceci a eu pour conséquence, le fait que la

15 police ait été présente a eu pour conséquence que vous ne pouviez plus

16 vous rendre à Stimlje.

17 Pourquoi ne pouviez-vous plus vous rendre à Stimlje?

18 Réponse: Non, non, les policiers y étaient auparavant, mais un policier a

19 été tué, si effectivement il a été tué. Il y avait un point de contrôle;

20 il y avait l'armée qu'on a vue à Pishat e Stimës. Nous n'avions aucun

21 moyen de nous rendre à Stimlje.

22 Question: Mais vous pouviez franchir le barrage, le point de contrôle?

23 Pouviez-vous, oui ou non, franchir ce point de contrôle, ce barrage

24 routier?

25 Réponse: Non. Pour nous rendre à Stimlje, il y avait un point de contrôle,

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1 un barrage, au carrefour. Mais je n'avais aucune raison de m'exposer à un

2 danger, je n'avais aucune raison de m'exposer à un risque.

3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez décrit ce qui s'est passé

4 le 15 janvier de la façon suivante -et je vous demande si ce que vous avez

5 dit est exact-, vous avez dit que votre oncle avait entendu des coups de

6 feu, qu'il s'était enfui dans la maison de Hajrizi, que des habitants

7 couraient, qu'une personne avait été blessée à la jambe, l'autre à la

8 tête, la troisième à la poitrine. C'est en ces termes que vous avez décrit

9 l'incident.

10 Ensuite, vous avez dit que, par la suite, vous aviez entendu parler d'un

11 massacre dans le village. Donc ceci est-il exact ou pas?

12 M. Mehmeti (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

13 est-ce que vous voudriez bien prier l'accusé de ne pas poser de questions

14 aussi longues? Parce que je dois donner des explications détaillées.

15 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous ne comprenez pas, au

16 juste?

17 M. Mehmeti (interprétation): Non, j'ai compris. Mais si je dois répondre à

18 des questions aussi longues, cela me prendra longtemps.

19 M. le Président (interprétation): Répondez simplement du mieux possible.

20 Nous irons plus vite si vous vous contentez de répondre sans commencer à

21 discuter les choses.

22 M. Mehmeti (interprétation): Eh bien, je regrette, mais je ne sais pas

23 comment répondre brièvement à une question aussi longue.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien, Monsieur Milosevic, veuillez

25 poser une autre question au témoin.

Page 6215

1 M. Milosevic (interprétation): Dans votre première déclaration, Monsieur,

2 vous avez dit que votre profession de l'époque, au moment où vous avez

3 donné votre déclaration, consistait à coordonner le travail de

4 l'association de la Mère Térésa. Et répondant aux questions de Mme Romano,

5 vous venez de dire à l'instant que vous ne travailliez plus pour cette

6 association de Mère Térésa.

7 Quand avez-vous cessé de travailler pour cette organisation?

8 M. Mehmeti (interprétation): J'ai encore le badge de cette association de

9 la Mère Térésa, si la Chambre souhaite le voir. Donc je travaillais par le

10 passé pour cette association mais, pour l'heure, l'association ne

11 travaille pas parce qu'il n'y a plus une situation d'urgence dans notre

12 village, donc il n'est plus nécessaire de fournir ce genre d'aide.

13 Question: Bien. Par ailleurs, vous avez dit que vous remplaciez le prêtre.

14 Est-ce qu'aujourd'hui, vous remplacez toujours le prêtre?

15 Réponse: Non, non. Nous n'avons pas, nous les Musulmans, nous n'avons pas

16 de prêtre; nous avons un imam qu'on appelle donc le hodza et, parfois, je

17 le remplace quand il est absent. Et je tiens à dire aussi: j'aimerais voir

18 le compte rendu en albanais, je ne vois que de l'anglais.

19 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous continuez à remplacer cet

20 homme?

21 M. le Président (interprétation): Le compte rendu d'audience est en

22 anglais seulement, donc il est impossible d'accéder à votre requête.

23 M. Mehmeti (interprétation): Merci.

24 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit dans votre déclaration, la

25 première déclaration, en page 1, que les problèmes que vivaient les

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1 Albanais du Kosovo ont empiré, que dans le village de Prekaz ces problèmes

2 ont poussé les Albanais à entreprendre une action pacifique. Je vous

3 demande si vous êtes au courant du fait qu'en 1998, une vague importante

4 de terrorisme a débuté; oui ou non?

5 M. Mehmeti (interprétation): Je ne comprends pas cette phrase, cette

6 phrase "une vague de terrorisme", à moins que vous ne parliez de votre

7 propre police et de votre armée qui a commis des actes de terrorisme à

8 l'encontre de la population albanaise. Je ne vois pas d'autre manière de

9 comprendre cette phrase.

10 Question: Je vous interroge au sujet des actes terroristes de l'UCK, qui

11 ont été nombreux en 1998 et à l'issue desquels de nombreux Serbes et

12 Albanais, ainsi que des ressortissants d'autres nationalités, des

13 représentants de l'armée et des policiers en grand nombre ont trouvé la

14 mort.

15 Est-ce exact, oui ou non?

16 Réponse: Pour moi, l'UCK est une armée de libération. Je ne comprends donc

17 pas les termes que vous employez.

18 Question: Ce que faisait l'UCK, vous le définissez en tant qu'action

19 pacifique?

20 Réponse: Non, non, non. Je parle de la population civile qui a manifesté,

21 de façon paisible, dans la ville de Shtime pendant 54 jours de suite, donc

22 des manifestations pacifiques. Il ne s'agissait pas là d'actes de

23 terrorisme, nous avons protesté.

24 M. Milosevic (interprétation): Moi, je vous ai interrogé au sujet de

25 l'UCK. Vous avez dit que les Albanais avaient entrepris une action

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1 pacifique.

2 M. le Président (interprétation): Non, vous ne vous comprenez pas, là.

3 Posez une autre question. C'est un dialogue de sourds, en fait.

4 M. Milosevic (interprétation): Quelle est la distance qui sépare le

5 village de Prekaz de votre village, à savoir Racak, puisque vous avez

6 établi un lien entre Racak et les événements de Prekaz?

7 M. Mehmeti (interprétation): Je ne peux pas vous dire cela exactement en

8 kilomètres, parce que Prekaz se situe au nord du Kosovo et Reçak est dans

9 la partie centrale, vers le sud.

10 Question: Mais il y a bien à peu près 70 kilomètres quand on passe vers

11 Pristina et Mitrovica?

12 Réponse: Non, non. Je ne saurais vous le dire exactement, mais la distance

13 est longue. Il s'agit d'une municipalité tout à fait différente, sans

14 doute dans la municipalité de Skenderaj.

15 Question: Durant l'année 1998, dans le village de Racak et dans la

16 municipalité de Stimlje, y a-t-il eu des situations qui pouvaient être

17 définies comme des incidents?

18 Réponse: Ce que je qualifie "d'incidents", c'est l'arrivée de l'armée de

19 la police serbe, le 23 août, quand ils ont incendié des maisons et nous

20 ont expulsés de là où nous nous trouvions. Je ne vois pas très bien

21 comment est-ce qu'on pourrait qualifier les choses autrement, le fait

22 d'incendier des maisons du simple fait qu'elles appartenaient à des

23 Albanais.

24 Question: Bien. Mais puisqu'il y a un instant, vous avez mis en cause

25 l'assassinat d'un policier, je vous rappelle qu'en page 2 de votre

Page 6218

1 déclaration, vous dites -et je vous cite-: "Le 14 juin, un policier serbe

2 a été tué. Après quoi, nous n'avons plus pu nous rendre à Shtime". (Fin de

3 citation.)

4 Est-ce exact ou pas?

5 Réponse: Le fait qu'un policier serbe ait été tué n'était pas la seule

6 raison. Même avant que l'on ait soupçonné que ce policier avait été tué,

7 la route avait été barrée, bloquée, et nous ne pouvions plus nous rendre à

8 Shtime. Même pour y acheter de la nourriture. Voilà ce que la police a

9 fait.

10 Et si vous le souhaitez, je peux vous donner davantage de détails, si cela

11 vous intéresse de savoir autre chose sur le fait de savoir si le policier

12 serbe a été tué ou non.

13 Question: Bien. Mais dans le paragraphe suivant, vous dites: "Il semble

14 qu'un policier ait été tué à Crnoljevo". Parlez-vous du même incident ou

15 d'un autre incident?

16 Réponse: Non, c'est ce que l'on a prétendu ou ce que l'on affirmé qu'un

17 policier avait été tué là-bas, sur la base d'informations que nous avions

18 entendues à la télévision, qui ont été transmises en serbe, parfois

19 traduites en albanais. Mais on a pensé qu'il y avait eu un incident à

20 Crnoljevo, où un policier avait été tué. Mais je ne m'y trouvais pas moi-

21 même, donc je ne peux pas vous dire précisément si cela a réellement eu

22 lieu ou non.

23 Question: Quand vous dites que "Le 25 juillet 1998, une attaque a eu lieu

24 sur le village de Zborc", je vous pose la question suivante à cet égard:

25 pourquoi étiez-vous en danger puisque, dans votre déclaration, vous dites

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1 que ce village est situé à six kilomètres de Racak à peu près?

2 Réponse: Six kilomètres de Reçak et de Shtime. Ils ont donc pilonné le

3 village de Zborc à partir de Gështenja, et d'autres villages de la

4 municipalité de Shtime également. Nous avons vu qu'ils pilonnaient Zborc.

5 Et nous nous trouvions non loin de là, à peu près à mille mètres de là.

6 Comment ne pas avoir peur, car nous ne pouvions pas rester dans le village

7 sous cette menace.

8 Question: Vous dites: "Ils ont tiré sur nous à partir d'une colline. Ils

9 ne nous ont pas atteints, mais je crois qu'ils ne voulaient atteindre

10 aucun d'entre nous parce que ce qu'ils voulaient, c'était effrayer les

11 réfugiés". (Fin de citation.)

12 Maintenez-vous ce que vous avez dit dans votre déclaration?

13 Réponse: Oui. C'est peut-être vrai. Il me faut un moment, s'il vous plaît,

14 pour expliquer cela.

15 Quelqu'un qui tire, eh bien, c'est toujours une tentative de meurtre. Je

16 ne vois pas très bien comment on peut se trouver avec des véhicules

17 blindés, n'importe où dans le monde, comment est-ce que l'on pourrait

18 permettre que cela se passe sans que les gens soient terrifiés?

19 Question: Sur les 2.300 habitants de Racak, combien y en avait-il qui

20 étaient membres de l'UCK?

21 Réponse: Reçak comptait 2.370 habitants. Des civils. Je ne sais pas

22 exactement combien étaient soldats de l'UCK et je ne suis pas compétent

23 pour vous le dire. Mais sans doute qu'un autre témoin saura vous le dire.

24 Question: Bon, mais répondez approximativement. Vous n'avez pas le chiffre

25 exact, mais vous avez une idée. Approximativement combien?

Page 6220

1 Réponse: Je ne peux même pas vous donner une idée approximative. Je ne

2 participais pas moi-même, je n'étais pas membre de l'UCK. Je ne peux pas

3 vous donner une liste. Je ne peux pas vous le dire exactement.

4 Question: Mais dans votre première déclaration, en page 2, s'agissant de

5 la période immédiatement ultérieure à l'assassinat du policier le 14 juin

6 -je cite les mots utilisés par vous-, vous dites: "L'UCK commençait peu à

7 peu à préoccuper les Serbes." (Fin de citation.)

8 Donc, si vous n'avez aucune idée à ce sujet, pourquoi dites-vous cela?

9 Vous avez une idée, semble-t-il?

10 Réponse: L'UCK, en tout cas selon les rapports que l'on trouvait dans les

11 médias à l'époque -c'était ma source d'information-, n'était pas une armée

12 de libération de Racak ou de Stimlje; cela concernait le Kosovo dans son

13 intégralité.

14 Question: Après ce que vous dites là, à savoir que l'UCK est devenue de

15 plus en plus visible et a préoccupé les Serbes, vous dites que c'est la

16 raison pour laquelle les Serbes ont entrepris des mesures énergiques. Est-

17 ce que vous maintenez ce que vous avez dit, à savoir que les Serbes ont

18 réagi aux actes de l'UCK, oui ou non?

19 Réponse: Je ne peux pas vous répondre par oui ou par non. Je ne peux pas

20 vous donner une réponse concise. Si la police serbe et l'armée serbe ont

21 pris des mesures contre l'UCK et les ordres ont été donnés par vous-même,

22 par l'accusé, ces ordres ont été donnés d'attaquer le village de Racak.

23 Question: Mais vous avez dit que "parce que l'UCK est devenue très

24 visible, elle a commencé à préoccuper les Serbes".

25 Ceci est la raison pour laquelle les Serbes ont pris des mesures

Page 6221

1 énergiques et ils ont attaqué.

2 Ce que je vous demande c'est la chose suivante: est-il vrai ou pas que les

3 forces de la police ont réagi aux forces de l'UCK? Est-ce vrai ou pas?

4 Réponse: Je n'en suis pas certain. L'UCK et je ne parle pas uniquement du

5 village ou du quartier, mais sur tout le territoire du Kosovo.

6 Question: Eh bien, cela signifie que c'était le cas dans votre village

7 aussi, c'est pourquoi je vous demande combien il en avait dans votre

8 village.

9 Réponse: Il n'y avait pas de soldat de l'armée de libération du Kosovo

10 dans mon village, comme je l'ai dit plus tôt. Je peux seulement vous

11 parler des civils qui vivaient dans mon village. Si vous avez des

12 questions à leur propos, je peux vous répondre.

13 Question: Connaissez-vous la longueur des tranchées que les membres de

14 l'UCK ont creusées et utilisées dans le village de Zborc dont vous parlez?

15 Réponse: Je ne sais pas. Cela se trouve à six kilomètres de Racak, mais je

16 n'ai pas été inspecter les tranchées moi-même.

17 Question: Mais il y a un instant, vous avez dit que vous observiez

18 l'action de la police à une distance d'un kilomètre?

19 Réponse: Pisha et Stimlje se trouvent à peu près à un kilomètre, donc 500

20 à 1.000 mètres au nord-ouest de Stimlje et c'est de là que l'on pilonnait

21 le village de Zborc. J'ai vu les blindés de transports de troupes qui

22 bombardaient, donc j'ai vu l'origine des obus, mais je n'ai pas vu où ils

23 ont atterri.

24 Question: Quand vous dites qu'il restait 300 à 400 personnes dans le

25 village -je vous cite-, vous dites: "J'ai dû protéger le renom de ma

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1 famille comme tous les autres hommes à ce moment-là et ils sont restés

2 dans le village pour protéger leurs biens." (Fin de citation.)

3 Autrement dit, 300 à 400 hommes seulement sont restés dans le village pour

4 protéger leurs biens: qu'est-ce que cela veut dire?

5 Réponse: Il n'y avait pas que des hommes qui sont restés; il y avait

6 d'autres familles également qui n'avaient pas aussi peur, qui avaient

7 moins peur. Certains sont donc restés dans le village, j'ai dit qu'ils

8 étaient restés pour veiller sur le bétail. Mais je ne peux pas comprendre.

9 C'est tout à fait absurde que l'on m'évince de ma propre propriété du seul

10 fait que je sois Albanais, de mon appartenance ethnique.

11 Question: Vous dites vous-même que vous êtes resté dans le village pour

12 vous occuper du bétail, que vous envoyiez à votre famille des légumes du

13 jardin, que vous vous occupiez des cultures.

14 Donc ce que vous dites là est-il un exemple du fait qu'aucun des hommes

15 qui restait dans le village -pas plus vous qu'un autre- n'a été gêné ou

16 ennuyé par l'action de la police? Est-ce que ce n'est pas une preuve de

17 cela?

18 Réponse: Qu'est-ce que vous entendez par là: qu'ils n'ont pas été

19 entravés? Je ne comprends pas, je n'ai pas dit cela. Des menaces

20 existaient. Ce n'est qu'après la guerre que j'ai pu comprendre tout cela;

21 cette vague de menaces que consistait les obus provenant de la police et

22 de l'armée serbe.

23 Evidemment, ce genre de menaces ne pouvaient pas entraver la culture des

24 tomates par exemple, ne peut pas entraver la source d'eau. Il fallait

25 simplement les cultiver pendant un quart d'heure. Peut-être que je me

Page 6223

1 trompe, mais peut-être que si vous aviez pu empêcher ces cultures, vous

2 l'auriez fait.

3 Question: Dans votre déclaration, vous dites que, dans cette période,

4 c'est-à-dire au cours de l'été 1998, la police pilonnait les collines,

5 mais n'a pas pénétré dans le village. Ma question est la suivante:

6 pourquoi la police pilonnait-elle les collines?

7 Réponse: Vous vous trompez. Là, c'est moi qui devrais vous poser cette

8 question. C'est vous qui avez donné ces ordres, vous devriez savoir

9 pourquoi on a mené une offensive dans ces collines.

10 Question: Mais y avait-il des groupes de l'UCK, des bastions de l'UCK dans

11 ces collines?

12 Réponse: De quels villages parlez-vous?

13 Question: Je parle des collines.

14 Réponse: Je ne comprends pas de quelles collines vous parlez: Racak est

15 tout près de Shtimje.

16 Question: C'est vous qui avez dit que la police a pilonné les collines

17 sans pénétrer dans les villages.

18 Réponse: Non, ils ne sont pas entrés dans le village avant le 23 août

19 1998. Ils pilonnaient le village de Racak et les maisons aux alentours. Il

20 y a eu sept ou huit cas, qui ne sont pas évoqués dans la déclaration, de

21 maisons qui ont essuyé des tirs de mortiers.

22 Question: Bien. Mais après la fouille des maisons, les policiers vous ont

23 dit de ne pas aller dans la forêt. Je parle toujours de la même période.

24 Et ils vous ont redit la même chose avant de quitter le village. Ceci est

25 exact ou pas?

Page 6224

1 Réponse: A quelle période faites-vous allusion?

2 Question: De la période que vous évoquez dans votre déclaration.

3 Vous dites que, quand vous avez voulu quitter le village pour aller en

4 direction de la ville, un policier vous a dit -et je vous cite-: "Il ne

5 faut pas que nous allions où que ce soit parce qu'ils vont nous protéger".

6 C'était le cas ou pas?

7 Réponse: La police serbe qui allait nous protéger? C'est cela que vous

8 dites?

9 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est vous qui avez dit et fait écrire

10 ce qui est dans votre déclaration: "qu'on vous a dit que vous n'aviez

11 besoin d'aller nulle part parce qu'ils allaient vous protéger". C'est dans

12 votre déclaration qu'on lit cela.

13 M. le Président (interprétation): Où trouve-t-on ceci, Monsieur Milosevic?

14 M. Milosevic (interprétation): Malheureusement, je n'ai pas pris la

15 déclaration avec moi, mais il ne fait aucun doute que ces mots se trouvent

16 dans la déclaration.

17 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, s'il vous plaît…

18 Page 4, dernier paragraphe de la version anglaise.

19 M. le Président (interprétation): Merci.

20 M. Mehmeti (interprétation): Les Serbes étaient disposés...

21 M. Milosevic (interprétation): Comment expliquez-vous que les policiers

22 qui, selon ce que vous dites, s'appelaient Bozha et Mira -et je cite vos

23 propos-, "étaient très connus et avaient bonne réputation dans la ville de

24 Shtimje" alors que, dans votre première déclaration, en page 3, vous dites

25 -je cite-: "Un Rom a voulu nous attaquer, mais Mira lui a dit de ne pas

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1 toucher à un cheveu de nos têtes et, à ce moment-là, Mira s'est arrêté de

2 nous ennuyer avec la crosse de son fusil"?

3 Est-ce que c'est exact ou pas? Est-ce que cela signifie qu'il voulait vous

4 protéger, oui ou non?

5 Réponse: Je pense qu'il y a là une confusion concernant les noms Miro et

6 Bozha; il s'agit d'autres personnes. Il y avait d'autres… D'ailleurs, je

7 me réfère au 23 août 1998. Il y avait Sasa également, il portait des

8 bandanas; Mira avait autour du bras une bande rouge, un brassard rouge et,

9 en effet, ils essayaient de nous faire avancer avec les crosses de leurs

10 fusils. Mira leur a demandé de cesser. Je crois que c'était un jeu; en

11 fait, ils jouaient avec nous. Cela ne me disait rien. Pour moi, tout cela

12 revenait au même.

13 Question: Est-ce que vous connaissiez un Albanais qui répondait au nom

14 Luri, Nazmi Luri?

15 Réponse: D'où est cette personne?

16 M. Milosevic (interprétation): Il a été tué par les membres de l'UCK entre

17 Zborc et Melenice, à un endroit qui s'appelle Godance. Il a été de trois

18 ans votre aîné. Est-ce que vous le connaissez?

19 M. Mehmeti (interprétation): Non. Il ne faut pas essayer de comparer, de

20 dire qu'ils avaient le même âge que moi, Bozha et Mira; vous ne devriez

21 pas m'assimiler à vos terroristes.

22 M. le Président (interprétation): Tentez de vous concentrer sur la

23 question qui vous est posée, Monsieur Mehmeti; nous avancerons plus

24 rapidement. On vous a demandé si vous connaissiez cet Albanais qui a été

25 tué, oui ou non?

Page 6226

1 M. Mehmeti (interprétation): Non, ce n'est pas une personne qui venait de

2 Reçak. Je ne connais rien à son sujet.

3 M. Milosevic (interprétation): Et connaissez-vous Fehmi Xheladini de

4 Racak, né en 1954, qui a été enlevé par l'UCK le 28 août 1998? C'est une

5 Albanaise, Abazovi Fatime, née en 1958, qui avait porté plainte au SUP

6 contre lui. Il s'agit de l'homme de Racak. Est-ce que vous le connaissez?

7 M. le Président (interprétation): Une question à la fois.

8 M. Mehmeti (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 quant à la première question, je peux vous donner une réponse.

10 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous connaissiez Fehmi Deljadin

12 de Racak?

13 M. Mehmeti (interprétation): Vous voulez dire Fehmi Xheladini?

14 Question: Oui.

15 Réponse: Oui, je le connaissais.

16 Question: Est-ce que vous savez qu'il a été enlevé par l'UCK le 28

17 décembre 1998?

18 Réponse: Non, il n'a été enlevé par personne. Je ne sais pas où il se

19 trouvait à l'époque, où il s'était réfugié après le 12 juin 1999. Comme

20 tous les autres ressortissants de Reçak, il est venu nous demander de

21 l'aide humanitaire, donc à notre association humanitaire à Reçak. Mais en

22 fait, je l'ai vu il y a une semaine dans sa maison ou aux alentours. Je ne

23 sais pas exactement où il est à l'heure actuelle.

24 Question: Savez-vous que c'était Fatime Abazovi, une Albanaise, qui a

25 porté plainte au SUP à cause de cela?

Page 6227

1 Réponse: Il n'y a pas de Fatime Bezove dans le village de Reçak; c'est un

2 nom qui n'existe pas. Ce sont des informations erronées.

3 Question: Avez-vous entendu que le 10 janvier 1999, Svetislav Brzic a été

4 tué à côté de Racak le 10 janvier 1999? Svetislav Brzic.

5 Réponse: Est-ce que vous avez dit le 11 janvier?

6 Question: Le 10 janvier.

7 Réponse: Non, je n'ai pas connaissance du fait qu'un policier ait été tué.

8 Il n'y a pas eu de tirs du tout, à ce moment-là.

9 Question: Je vous ai demandé si vous l'avez entendu, vous dites non. On va

10 poursuivre.

11 Le 11, donc le jour suivant, le 11 janvier, ce qui est marqué page 5 de

12 votre déclaration, vous avez dit à votre oncle -je cite- que votre cousin

13 Vehbi doit être emmené à Gadanca parce que ce serait plus facile si l'on

14 vous attaque.

15 Est-ce que vous saviez également qu'à cette époque-là, la police avait

16 encerclé le village pour arrêter ceux qui avaient tué le policier?

17 Réponse: Je ne comprends pas pourquoi vous ne parlez pas du 9 janvier:

18 c'est ce jour-là où la police serbe est arrivée. C'est la raison pour

19 laquelle j'avais demandé à Vehbi de partir pour que moi-même et mon oncle

20 puissions aussi partir à brève échéance, au cas où quelque chose

21 arriverait, comme ce qui s'est passé le 15 janvier du fait de vos propres

22 forces armées.

23 Question: 24 août, deuxième déclaration. Vous avez emmené l'enquêteur du

24 Tribunal -je cite-: "je voulais lui montrer des endroits importants."

25 Vous savez que les membres de Racak avaient été tués en 1998. Est-ce qu'il

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1 est exact que vous avez désigné ces localités alors que vous n'aviez pas

2 vu un seul meurtre? Oui ou non, s'il vous plaît? Il s'agissait du mois de

3 janvier 1999, du 15 janvier 1999.

4 Réponse: Non. J'ai montré à M. Kelly les sites où je me trouvais, où mes

5 parents -donc mon oncle et sa fille- ont été tués, et les autres sites que

6 j'ai montrés à M. Kelly, c'est ce que j'avais entendu par le biais

7 d'autres personnes, notamment la personne de Shehide Metushi qui a été tué

8 par votre police et son corps n'a toujours pas été retrouvé.

9 Je vous demande… En fait, c'est à vous que je demande où se trouve son

10 cadavre?

11 Question: C'est à propos de cela que je vous pose la question -je vous

12 cite-, vous dites: "Shabani m'a dit que sa mère lui a dit qu'elle avait vu

13 le corps gésir et, jusqu'à aujourd'hui, on n'a pas trouvé ce corps."

14 Par conséquent, vous n'avez rien vu alors que Shabani a déclaré que sa

15 mère lui a dit qu'elle avait vu, est-ce que c'est exact?

16 Réponse: Oui, c'est exact. Je me trouvais à peu près à 200 mètres de

17 distance par rapport au site du meurtre où, enfin bon, la personne a

18 disparu. Et c'est vrai que c'est la mère de Shabani qui m'a dit cela, pour

19 être plus précis la mère de Ram Shabani.

20 Question: Est-il vrai de dire que vous avez montré à l'enquêteur l'endroit

21 où Nazmi Nuha soi-disant a été tué, et ceci sur la base de rumeurs ou de

22 choses qui vous ont été relatées par les villageois, alors que vous ne

23 l'aviez pas vu?

24 Réponse: Non, le meurtre présumé de Nazmi, j'ai vu cela ailleurs, pas là

25 où il a été tué. C'était un homme d'un certain âge, qui n'était pas marié

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1 et qui n'avait pas d'enfant, qui était âgé de 80 ans à peu près; il a été

2 massacré par la police. J'ai la date exacte de sa naissance, si la Chambre

3 souhaite connaître cette date. Il a donc été massacré par la police,

4 l'armée ou les paramilitaires, je n'en sais rien.

5 Question: La question que je vous ai posée c'est que vous ne l'avez pas

6 vu, mais que vous l'avez entendu dire par les villageois?

7 Réponse: En effet, je n'ai pas vu cela de mes propres yeux, je n'ai pas vu

8 le meurtre de Nazmi parce qu'évidemment, je n'accompagnais pas les

9 policiers pour voir qui ils tuaient.

10 Question: Merci. On va pour suivre. Est-ce que vous avez déclaré

11 qu'Asllani a été tué par les Serbes le 15 janvier, que vous ne savez pas

12 où, à quel endroit, que quelqu'un vous l'a dit, mais que vous ne vous

13 souvenez pas qui vous l'a dit. Est-ce vrai?

14 Réponse: Non, je ne me souviens pas de qui il s'agissait. Mustafa Asllani

15 a été tué, je le sais. Il était handicapé mental, je n'ai peut-être pas

16 mentionné cela dans ma déclaration, je ne crois pas l'avoir mentionné.

17 Question: Moi, je vous répète ce que vous avez dit dans votre déclaration.

18 Est-ce que, par la suite, vous avez également parlé de la mort de Shaqiri

19 et de Demaj? Vous avez également cité les deux versions de leur meurtre

20 est la manière dont ceci a été commis, alors que par la suite vous avez

21 dit que vous n'étiez pas sûr de quelle façon ces meurtres se sont

22 produits. Est-ce que c'est exact?

23 Réponse: Oui, c'est exact, je n'étais pas avec Halit Shaqiri quand il a

24 été tué, il se trouvait avec son oncle Adil Ademi. Ils ont été tués à

25 Stimlje; je crois que c'était le 14 avril 1999 -je ne suis pas certain de

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1 la date-, je ne sais pas à quelle heure cela s'est produit. Deux versions

2 différentes ont été données par rapport à cet incident et je ne sais pas

3 laquelle est véridique, mais tout cela est basé sur des informations qui

4 m'ont été données par la famille de Halit Shaqiri. Je m'intéressais plus à

5 ces informations en raison du fait qu'il était de Reçak.

6 En fait, je vois ici une erreur sur le compte rendu, il ne s'agit pas de

7 Halil mais Halit, avec un "t".

8 Question: Qui vous a raconté les deux versions? N'importe laquelle est

9 véridique.

10 Est-ce que vous pouvez nous dire qui a relaté les deux versions de

11 l'événement en question?

12 Réponse: La famille de Halit Shaqiri, les deux versions sont assez

13 similaires, donc c'est soit la première soit la deuxième qui reflète la

14 vérité, et cela montre bien que la police serbe a tué ces gens.

15 Question: Est-il vrai de dire quand vous parlez de Hasan Beqiri, de son

16 meurtre, qu'également vous ne l'avez pas vu, que c'est quelqu'un qui vous

17 l'a raconté de seconde main?

18 Réponse: Je n'ai rien entendu dans mes écouteurs, je n'ai pas entendu

19 d'interprétation.

20 Bon maintenant, je l'entends de nouveau.

21 Je n'ai pas vu Hasan Beqiri être tué, son corps a été ramené au village de

22 Petrova et je l'ai moi-même enterré avec d'autres habitants de Reçak.

23 Question: Entendu, mais est-ce qu'en qui concerne la manière dont il avait

24 péri, vous l'avez entendu par un jeune homme pour lequel vous dites, dans

25 votre deuxième version -je vous cite-: "Je ne sais pas comment il

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1 s'appelle." Vous avez entendu cette histoire-là de quelqu'un dont vous

2 ignorez le nom, n'est-ce pas?

3 Réponse: Maintenant, je connais son nom. Après avoir fait cette

4 déclaration à Bane… Bon, si c'est nécessaire je vous donnerai son nom.

5 Question: Oui, mais vous l'avez donc entendu par quelqu'un pour lequel

6 vous avez appris par la suite comment il s'appelait? Sinon, vous ne l'avez

7 pas vu: est-ce que c'est exact? Est-ce que je vous ai bien compris?

8 Réponse: Je n'avais pas vu la police serbe, je n'ai pas assisté… Je n'ai

9 pas vu les policiers serbes tuer Hasan, j'ai vu le meurtre d'une autre

10 personne du village de Dremjak, mais j'ai donc emmené Hasan à partir du

11 village de Petrova et je l'ai moi-même enterré, de mes propres mains, avec

12 d'autres habitants de Reçak. Hasan a été tué près de Petrova, à Caraviki.

13 Question: Est-ce qu'éventuellement, il a été victime, le long des combats,

14 entre la police et l'UCK? Comment savez-vous comment ont été tués ces

15 gens-là, étant donné que vous n'avez pas vu, vous-même, de vos propres

16 yeux comment cela s'est passé?

17 Réponse: Je peux vous renvoyer aux informations d'Arben: il m'a dit qu'il

18 avait entendu les policiers qui parlaient serbe et tous deux ont tiré, ont

19 frappé ou on atteint Hasan à l'estomac. Arben a survécu à ce meurtre. J'ai

20 enterré Hasan à Petrova, et, le 30 août, je l'ai exhumé et je l'ai

21 enterré; nous l'avons enterré avec deux autres au cimetière, avec tous

22 ceux qui avaient été massacrés à Racak.

23 Question: Il a entendu parler les policiers serbes. Qu'est-ce qu'il étant

24 donné que vous citez cela?

25 Réponse: Il ne s'agit pas d'un policier, mais de policiers au pluriel.

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1 Arben a entendu qu'ils parlaient serbe; j'imagine qu'il s'agissait de

2 jurons. Puis ils ont tiré et ils sont allés voir la colonne de réfugiés

3 pour voir où l'on voyait les paramilitaires, pour décider s'ils allaient

4 plutôt envoyer les réfugiés en direction de l'Albanie ou en direction de

5 la Macédoine. C'était la raison pour laquelle ils s'y sont rendus.

6 M. Milosevic (interprétation): En conséquence, c'est ce qu'il avait

7 entendu dire. Cela n'avait rien à voir avec le meurtre, c'était un

8 entretien entre les policiers?

9 M. Mehmeti (interprétation): Je ne sais pas si vous faites exprès de ne

10 pas me comprendre. Il s'agissait de jeune qui avait 15 ou 16 ans; j'ai les

11 détails sur moi. Il ne comprenait pas bien le serbe. Et je suis sûr qu'on

12 ne lui a pas offert de bonbons.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous n'avez plus de

14 temps.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit -c'est la page 03045489- que

16 les Serbes avaient incendié les maisons dans ce village, et vous dites -je

17 cite-: "Je n'ai pas vu son corps, mais je portais son cercueil, et j'avais

18 l'impression que je portais une boîte vide". (Fin de citation.)

19 Est-ce que c'est bien ça votre déclaration?

20 M. Mehmeti (interprétation): Il s'agissait… Avdyl Sejdiu était une

21 personne âgée, il avait 99 ans. Il ne pesait pas plus de 40 kilos. Et

22 pourtant, vos forces ont incendié sa maison alors qu'il s'y trouvait, dans

23 le village de Greme. La famille a été chercher son corps, son squelette.

24 Et quand j'ai porté son cercueil, c'était comme si le cercueil était vide,

25 même si son squelette s'y trouvait.

Page 6233

1 M. Milosevic (interprétation): Merci.

2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic?

3 Je pars du principe que vous n'avez pas de question?

4 M. Tapuskovic (interprétation): C'est exactement cela, Monsieur le

5 Président.

6 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Agron Mehmeti, par

7 Mme Romano.)

8 Mme Romano (interprétation): Deux questions simplement, deux questions

9 supplémentaires.

10 Afin d'expliciter les choses -et on voit cela dans votre déclaration

11 aussi-, est-ce que vous pourriez nous redire les noms des personnes qui

12 ont été tuées et que vous avez vu de vos propres yeux être tuées?

13 M. Mehmeti (interprétation): J'ai vu des personnes qui ont été tuées,

14 alors que je me trouvais à un mètre d'eux: Bajram Mehmeti, 54 ans, et

15 Hanemshah Mehmeti, 22 ans.

16 Question: Est-ce que vous avez vu les corps, les cadavres des autres

17 personnes tuées le 15 janvier, le jour même ou le lendemain?

18 Réponse: Les 42 civils qui ont été massacrés ce 15 janvier, entre 7 heures

19 du matin et 17 heures.

20 Question: Vous avez vu leurs cadavres?

21 Réponse: Oui, le lendemain. Sauf pour quelques corps que j'ai vus le soir

22 même.

23 Question: Et où avez-vous ces corps?

24 Réponse: De quels corps s'agit-il au juste? 24 ont été massacrés sur la

25 colline de Bebushit.

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1 Question: Et vous les avez vus sur cette colline?

2 Réponse: Oui. Le samedi, lorsque l'ambassadeur William Walker est arrivé

3 sur les lieux.

4 Mme Romano (interprétation): Bien. Merci.

5 Monsieur le Président, je suis désolée, mais je dois en revenir au

6 classeur pour traiter le témoin de manière équitable. Parce qu'en fait, la

7 première photographie qu'on lui a montrée n'était pas la bonne. J'aimerais

8 qu'on lui montre la photographie K0214951, à l'intercalaire 7 toujours.

9 M. Mehmeti (interprétation): Oui, en effet.

10 Mme Romano (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est

11 passé à cet endroit et de quel endroit il s'agit?

12 M. Mehmeti (interprétation): Oui. Voilà la maison d'Idriz Hajrizi, ici,

13 sur cette photo. Voici la maison de mon oncle Bajram Mehmeti. Et ici, un

14 peu plus loin, on voit ma maison. Nous nous étions abrités dans la maison

15 d'Idriz Hajrizi, et à 10 heures 25 Hasan Elhami est arrivé, nous a annoncé

16 que la police et l'armée entraient dans le village. Donc nous avons quitté

17 la maison, nous avons suivi ou emprunté cette petite route. Et c'est là

18 que Elhami a été blessé. Mon cousin a crié, a dit que Elhami avait été

19 blessé. Mon oncle est arrivé. Et ici, on voit… enfin, cette flèche indique

20 l'endroit où mon oncle a été touché ou frappé par une balle tirée à partir

21 de la colline de Bebushit, et puis il est tombé; il avait les yeux fermés,

22 en fait. Sa fille a poussé un cri, et les paramilitaires de l'accusé

23 l'avaient atteint à la poitrine. Ensuite, Arben Hajrizi a sauté dans la

24 rivière. Les autres ont suivi son exemple. Et Hanemshah a pu encore faire

25 quelques mètres. Ramiz Hajrizi est venu à son secours et c'est ici qu'elle

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1 est morte. Son corps est resté là jusqu'au soir. Quand les tirs ont cessé,

2 nous avions trouvé refuge ici.

3 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà pris connaissance de

4 tout cela. Nous avons pu lire tout cela.

5 Je vous remercie, Monsieur Mehmeti.

6 M. Kwon (interprétation): Vous avez évoqué le fait que les tirs venaient

7 de la colline Bebushit, est-ce exact?

8 M. Mehmeti (interprétation): Oui, c'est exact, mais les tirs venaient

9 aussi de la route principale ainsi que de Cesta. Donc des tirs venaient de

10 trois directions différentes, et sur la base des blessures de mon oncle,

11 vous pouvez en déduire qu'il a été frappé par une balle qui provenait de

12 Bebushit.

13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Mehmeti, cela met un

14 terme à votre déposition.

15 Nous vous remercions d'être venu pour déposer devant nous. Vous pouvez

16 vous retirer.

17 M. Mehmeti (interprétation): Monsieur le Président, pourrais-je me voir

18 accorder une minute?

19 M. le Président (interprétation): Non, je regrette, ce n'est pas possible.

20 Notre Règlement ne permet pas au témoin de faire des déclarations parce

21 que nous avons vraiment très peu de temps, mais nous vous remercions

22 d'être venu ici.

23 M. Mehmeti (interprétation): Je tiens à vous remercier au nom de tous les

24 habitants du village de Racak.

25 Puis-je maintenant me retirer en le laissant ici, en un endroit ou dans un

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1 cadre dans lequel il mérite de se trouver?

2 (Le témoin, M. Mehmeti Agron, est reconduit hors du prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld?

4 M. Ryneveld (interprétation): Maintenant l'accusation appelle à la barre

5 Xhemajl Beqiri.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, en attendant que ce

7 témoin entre dans la salle d'audience, voudriez-vous bien communiquer le

8 fait, en ce qui concerne le témoin K7, je ne sais pas si c'est vous qui

9 allez l'interroger ou non, mais peu importe, nous avons étudié sa

10 déclaration assez rapidement et il semblerait que cela ne convienne pas à

11 l'application de l'Article 92bis et qu'il ne pourrait pas entrer dans ce

12 cadre. Mais nous allons entendre ce que vous avez à dire à ce sujet le

13 moment venu.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci. A la lumière de cette décision,

15 l'accusation l'appellera donc à la barre en tant que témoin direct.

16 M. le Président (interprétation): Très bien.

17 M. Ryneveld (interprétation): Merci. En attendant la comparution du

18 prochain témoin a la lumière du fait que la Chambre a dit que les

19 documents dans les classeurs ont été versés au dossier, je ne vais pas en

20 revenir donc au classeur Racak dans le cadre de l'interrogatoire du

21 prochain témoin. Je vais simplement lire un résumé et veiller à ce que les

22 annexes soient identifiées de façon précise dans les déclarations que la

23 Chambre pourra consulter à sa convenance, si la Chambre en est d'accord,

24 bien sûr.

25 M. le Président (interprétation): Tout à fait, Monsieur Ryneveld. Merci.

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1 (Le témoin, M. Xhemajl Beqiri, est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Je vais vous demander, s'il vous plaît,

3 de lire la déclaration solennelle.

4 M. Beqiri (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, si vous voulez bien

7 vous asseoir.

8 (Interrogatoire principal du témoin, M. Xhemajl Beqiri, par M. Ryneveld)

9 M. Ryneveld (interprétation): Comment vous appelez-vous?

10 M. Beqiri (interprétation): Je m'appelle Xhemajl Beqiri et je viens de

11 Reçak.

12 Question: Est-ce que vous avez-vous vécu à Reçak tout le temps?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Vous avez 48 ans et vous êtes Albanais du Kosovo, est-ce exact?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Est-ce que vous êtes marié?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Combien d'enfants avez-vous?

19 Réponse: Cinq.

20 Question: Vous étiez agriculteur, mais ces derniers temps, je pense, vous

21 êtes chauffeur de taxi?

22 Réponse: Oui. J'ai été chauffeur de taxi, mais là, maintenant, je suis

23 revenu pour exploiter la terre. Enfin, je suis agriculteur.

24 Question: Merci. Je vais donc très brièvement vous lire le résumé de la

25 déclaration. Excusez-moi, je voudrais poser une autre question.

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1 Est-ce que le 7 décembre 1999, vous avez donné la déclaration aux

2 enquêteurs de ce Tribunal en ce qui concerne les incidents qui ont eu lieu

3 à Racak?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Et est-ce qu'en date du 6 février de cette année, devant un

6 employé, enfin un officier instrumentaire du Tribunal, vous avez confirmé,

7 lors d'une déclaration solennelle, que tout ce que vous avez dit dans

8 votre déposition écrite et préalable était exact, véridique?

9 Réponse: Oui.

10 M. Ryneveld (interprétation): Je vais demander maintenant de marquer cette

11 déclaration comme pièce à conviction de ce procès.

12 M. le Président (interprétation): Entendu.

13 M. Ryneveld (interprétation): Je vais vous demander la cote, s'il vous

14 plaît, Madame la Greffière?

15 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction 208.

16 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 en ce qui concerne la déclaration que vous avez sous vos yeux, il est

18 marqué tout d'abord que, même avant l'attaque de Reçak, qui a eu lieu le

19 15 janvier 1999, Reçak a été exposé aux attaques des forces serbes. Le

20 témoin a décrit que le 15 janvier 1999 à 6 heures 45, le matin, il a été

21 réveillé par une explosion dans le village. Il a compris que les Serbes

22 attaquaient; c'est la raison pour laquelle lui-même ainsi que sa famille

23 ont commencé à monter une colline pour s'enfuir.

24 Il y avait également des réfugiés de Blinc qui se trouvaient à Reçak,

25 étant donné que leurs maisons avaient été incendiées un mois auparavant.

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1 Il décrit également dans sa déclaration que la police serbe est rentrée

2 dans les blindés transporteurs de troupes et Praga. Ensuite, il a

3 identifié, grâce aux photographies également tout ce que les Serbes ont

4 utilisé comme armes: artillerie et autres armes. Pendant qu'il regardait

5 ces déplacements de l'artillerie, en utilisant les lunettes, il avait

6 également vu qu'une balle a traversé son couvre-chef qu'il portait sur sa

7 tête. Ses cousins Rizah Beqiri, Rame, Zemel et Riza ont été exécutés,

8 alors que Zyher et Fetije Beqiri ont été blessés par une arme à feu.

9 Il s'est réfugié dans la maison de Hysni Emini où se trouvaient aussi

10 d'autres villageois. Il explique également qu'Emini est arrivé avec une

11 blessure et il avait expliqué que son frère a été tué dans la maison. Ce

12 villageois a entendu les bruits des tirs et des cris, des hurlements qui

13 venaient de l'extérieur. Il a pu constater également que Bajram Mehmeti,

14 de 54 ans, s'y trouvait sa fille, Mehmeti Hanemshah de 20 ans, qui gisait

15 sur la route. Les deux cousins Bajram Mehmeti.

16 Elham et l'autre ont été membres de l'UCK alors que Mehmeti Agron s'est

17 joint à l'UCK après les meurtres.

18 Ensuite, il était constaté également que les deux policiers répondaient au

19 nom Bozha et Zvetko; d'autres non, ils ne connaissaient pas. Ces policiers

20 ont demandé de s'aligner dans la rue, ils les ont insultés et ensuite les

21 hommes ont été séparés des hommes. La police serbe a accusé les hommes

22 d'être membres de l'UCK; ils ont menacé de les exécuter. Ensuite, ils ont

23 tiré en direction d'un villageois, ils l'ont manqué. Ensuite, ils lui ont

24 demandé de partir du côté d'une colline et d'un ruisseau, Berisha. Les

25 policiers serbes sont venus après eux, ils ont essayé de trouver un abri

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1 et ils n'ont pas été blessés.

2 Dans sa déclaration, il décrit également un certain nombre d'insignes que

3 portaient les policiers sur les bras. Ensuite, les cadavres de son cousin

4 et de l'autre personne ont été ramenés et transférés dans la mosquée. Par

5 la suite, il avait appris également que les 24 cadavres ont été trouvés

6 dans la vallée au moment où William Walker s'était rendu sur les lieux et

7 il a dit qui y avait 40 personnes au total qui ont été tuées.

8 Par la suite, le témoin décrit que le 17 janvier après l'attaque, il avait

9 quitté le village; il s'est rendu à Livno, à deux, trois kilomètres par

10 rapport à Racak. Ensuite, il décrit également qu'il s'est rendu dans

11 d'autres villages ensemble, avec d'autres réfugiés.

12 Par la suite, dans sa déclaration, il précise que le jour de massacre, il

13 n'y avait pas de membres de l'UCK à Racak et, au moment où il s'est

14 préparé pour témoigner ici devant la Chambre, il a dit qu'il n'y avait pas

15 de membres de l'UCK dans la partie qu'il habitait à Racak.

16 Vous n'êtes pas sans savoir, probablement, que Racak se compose de

17 plusieurs quartiers qui s'appellent des Mahala.

18 Il considère que l'UCK s'est rendue à Racak après l'attaque; il a entendu

19 dire également que la juge d'instruction serbe a pu enquêter à Racak et

20 que l'UCK lui a permis cela à condition que les policiers ne se rendent

21 pas avec eux. Le 18 janvier 1999, la police serbe s'est rendue à Reçak et

22 c'est par force qu'elle avait emmené les corps des villageois. Et lui, il

23 est retourné à Reçak un mois plus tard pour assister aux funérailles; il

24 est resté au Kosovo tout le long du conflit.

25 Il s'agissait par conséquent d'un résumé très bref que j'ai tenu à vous

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1 présenter. Maintenant, le témoin est à votre disposition pour le contre-

2 interrogatoire.

3 M. le Président (interprétation): Nous allons poursuivre le contre-

4 interrogatoire demain matin.

5 Monsieur Milosevic?

6 M. Milosevic (interprétation): Objection! Vous m'avez dit que vous me

7 laisserez parler à la fin de la journée et mon objection concerne le

8 témoin K12.

9 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas à vous de parler des

10 questions de procédure. Il s'agit d'une procédure dont la Chambre a décidé

11 mais, de toute façon, cela n'a rien à voir avec votre intervention. Si

12 vous voulez, vous pouvez dire ce que vous voulez.

13 M. Milosevic (interprétation): Je souhaite constater quelque chose.

14 Tout premièrement, le témoin K12 a fait sa déclaration solennelle, il n'y

15 a aucun doute. Ensuite, il a commencé à témoigner; en quelques minutes, il

16 a répondu à quelques questions. Ensuite, on a interrompu son témoignage.

17 En vertu de votre Règlement -et vous nous référez à ce Règlement-, à

18 partir du moment où le témoignage a commencé, où l'on a interrompu le

19 témoignage, la partie adverse ni qui que ce soit n'a pas le droit de

20 communiquer avec le témoin. Dans le cas concret, ceci n'a pas été

21 respecté. Ça, c'est un premier point sur lequel je soulève l'objection.

22 Deuxièmement, dans le micro, le témoin a déclaré qu'il a été traité

23 pendant deux jours. Je vous avertis qu'il y a la Convention internationale

24 qui se porte garante à l'égard des témoins et qu'elle ne permet pas qu'on

25 fasse la pression sur les témoins. Quand il avait déclaré qu'il a été

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1 traité pendant les deux jours, c'est à vous de juger de quoi il s'agit.

2 C'est tout ce que je voulais dire, Monsieur le Président.

3 M. le Président (interprétation): Pour ce qui concerne l'accusation, les

4 deux parties dans le procès ont le droit de communiquer avec le témoin

5 avant que le témoin commence sa déposition. Ils peuvent également demander

6 au témoin des déclarations supplémentaires. De ce côté-là, il n'y avait

7 pas d'irrégularité.

8 Deuxièmement, en ce qui concerne la partie qui… elle peut également, avec

9 l'autorisation de la Chambre, contacter le témoin au cours du procès si

10 ceci est indispensable. Dans le cas concret, on avait autorisé le Bureau

11 du Procureur de contacter le témoin, étant donné que le témoin avait

12 refusé de témoigner.

13 C'est la raison pour laquelle votre objection n'est pas justifiée.

14 Nous allons suspendre notre séance.

15 Monsieur Beqiri, je vais vous demander de revenir demain matin à 9 heures.

16 Excusez-moi, je me trompe: c'est à 9 heures 30 que nous commençons demain

17 matin, pour poursuivre votre témoignage. Et je vais vous demander de tenir

18 compte du fait que vous n'avez pas le droit de communiquer avec qui que ce

19 soit lors de votre déposition; ceci concerne également les membres du

20 Bureau du Procureur.

21 (L'audience est levée à 13 heures 44.)

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