Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 5 juin 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez trois

5 quarts d'heure pour mener votre contre-interrogatoire.

6 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Xhemajl Beqiri, par M. Milosevic.)

7 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, vous avez signalé

8 que votre famille habite depuis des centaines d'années dans le village de

9 Racak; est-ce exact?

10 M. Beqiri (interprétation): Oui.

11 Question: Est-ce qu'il y avait des Serbes également à Racak?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Quand les Serbes ont-ils vécu à Racak? Je vous pose cette

14 question.

15 Réponse: D'après mes souvenirs et d'aussi longtemps que je m'en souvienne,

16 maintenant ils ont quitté Reçak, ils ont commencé à partir même avant. Et

17 un seul est resté, si je me souviens bien.

18 Question: Mais votre compatriote Adrita m'a dit qu'il n'y avait pas de

19 famille serbe à Racak.

20 Réponse: Au milieu de Petrova, Pristina et Reçak, dans ces alentours, il y

21 avait à peu près trois ménages qui, jusqu'au massacre de Reçak, y ont

22 vécu. Il n'y avait qu'une seule personne qui y vivait.

23 Question: Vous dites que les rapports avec les Serbes n'ont jamais été

24 bons; c'est ce que vous avez marqué dans la déclaration: il y avait les

25 trois familles dans les environs et dans la ville de Racak.

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1 Réponse: Dans la zone de Shtime, les rapports étaient tout à fait bons

2 jusqu'en 1999. Personne n'a harcelé les Serbes, d'après mes souvenirs.

3 M. Milosevic (interprétation): Quand a-t-on commencé à maltraiter les

4 Serbes?

5 M. le Président (interprétation): Pourquoi ne pas commencer par poser la

6 question de savoir s'il y a eu des harcèlements?

7 Monsieur Beqiri, la question devrait donc être la suivante: les Serbes

8 ont-ils été maltraités ou ont-ils subi des harcèlements?

9 M. Beqiri (interprétation): Personne n'a harcelé les Serbes, c'était tout

10 le contraire: les Serbes ont harcelé les Albanais.

11 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous me réduisez le contre-

12 interrogatoire. Je ne vois pas pourquoi c'est vous qui devez poser les

13 questions à ma place.

14 M. le Président (interprétation): Si vous posez des questions qui

15 comportent une présomption qui est injuste vis-à-vis du témoin, je dois

16 vous arrêter. La question aurait dû être formulée ainsi: les Serbes ont-

17 ils été harcelés? Ou alors vous pouvez dire: les Serbes ont été harcelés,

18 n'est-ce pas?

19 Mais vous ne pouvez pas poser une question qui présuppose une réponse que

20 le témoin n'a pas encore donnée. Si vous procédez ainsi, nous allons vous

21 arrêter.

22 M. Milosevic (interprétation): J'espère que ce critère, vous allez

23 l'appliquer également à l'égard de l'autre partie, car l'autre partie ne

24 fait que poser des questions de ce type-là.

25 M. le Président (interprétation): Oui.

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1 M. Milosevic (interprétation): Où est-ce que vous étiez chauffeur de taxi,

2 étant donné que vous étiez chauffeur de taxi à Racak? Où est-ce que vous

3 avez payé les impôts, les taxes, l'électricité et toute autre taxe en tant

4 que citoyen du village de Racak?

5 M. Beqiri (interprétation): Je travaillais en tant que chauffeur de taxi,

6 de 1992 à 1994, dans la municipalité de Shtime; c'est là où j'ai payé mes

7 impôts jusqu'en 1994. En 1994, j'ai renoncé à travailler en tant que

8 chauffeur de taxi parce que je ne pouvais plus continuer à travailler là-

9 bas.

10 Question: Vous avez dit que c'est entre 1992 et 1996 que vous avez

11 travaillé comme cela. Combien de temps avez-vous travaillé? Deux ans ou

12 six ans?

13 Réponse: J'ai travaillé pendant deux ans et, pendant le reste de cette

14 période, j'ai renoncé parce que je n'étais pas en très bonne santé. Mais

15 j'ai continué à payer des impôts jusqu'en 1996; la police m'y a contraint.

16 Question: Etant donné que vous étiez chauffeur de taxi et habitant de

17 Racak, vous avez eu l'occasion de circuler. Vous avez certainement connu

18 la situation dans l'ensemble de Stimlje et de Racak, n'est-ce pas? Vous

19 connaissiez la situation?

20 Réponse: Je n'avais pas ces pouvoirs, leurs pouvoirs. Je veillais sur ma

21 famille; vous devriez le savoir.

22 Question: Quand, pour la première fois, les membres de l'UCK ont-ils

23 organisé leur mouvement dans votre région? Quand se sont-ils établis pour

24 la première fois dans votre région?

25 Réponse: Je ne sais rien à ce propos. Je ne connais aucun secteur dans mon

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1 village.

2 Question: Est-ce que vous savez combien de membres de l'UCK il y avait

3 dans votre région avant la guerre?

4 Réponse: Je ne saurais vous donner un chiffre exact. Je pourrais aller

5 demander aux chefs militaires et aux supérieurs hiérarchiques.

6 Question: Est-ce que vous savez approximativement combien il y en avait?

7 Réponse: Je regrette de dire que je n'étais pas moi-même membre de l'UCK.

8 Question: Je ne vous demande pas si vous étiez membre de l'UCK mais,

9 d'après votre estimation, combien il y avait de membres de l'UCK dans

10 cette région, approximativement. Si vous ne pouvez pas me répondre, à ce

11 moment-là, dites que vous ne savez pas et puis, nous pouvons poursuivre.

12 Réponse: Je ne sais pas puisque je n'étais pas chef militaire.

13 Question: Savez-vous qui est Mehmet Mustafa, de Racak?

14 Réponse: Il y a de nombreux Mustafa. Je ne sais pas, je ne connais pas

15 cette personne-là.

16 Question: Mehmet Mustafa; vous dites qu'il y en a beaucoup qui portent le

17 même nom, Mehmet Mustafa, à Racak?

18 Réponse: Il y a de nombreux Mehmet Mustafa puisqu'il y a plus de 300

19 foyers dans le village et plus de 2.000 habitants. Donc je n'en sais rien.

20 Question: Et moi, je pense à Mehmet Mustafa dont la maison a été le siège

21 de l'UCK à Racak. Est-ce que vous le savez?

22 Réponse: Non.

23 Question: Est-ce que vous savez qui est Boue Shukri?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Qui c'est?

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1 Réponse: J'ai vu cette personne après la guerre. Il est de Bujan… Si vous

2 voulez lui parler, vous devriez le citer à comparaître.

3 Question: Entendu. Et savez-vous qui autour de Racak avait creusé des

4 tranchées? Est-ce que vous-même vous y avez participé?

5 Réponse: Non. Je n'ai pas participé à cela. Je sais que c'est l'armée qui

6 a fait cela: votre armée était positionnée à Racak de temps en temps ou

7 presque tout le temps après le massacre.

8 Question: Moi, je vous demande pour les tranchées qui ont été creusées par

9 les membres de l'UCK et les civils de Racak qui ont aidé l'UCK. Je vous

10 demande au sujet d'un certain nombre de dépositions par d'autres témoins,

11 ici même, dans le prétoire.

12 Est-ce que vous êtes au courant?

13 Réponse: Je ne peux pas me prononcer sur ce qu'ils ont fait, sur ce qu'ils

14 ont creusé. Tout ce que je sais, c'est que l'armée a creusé ces tranchées.

15 A Pisha, l'armée a stationné des chars; il y avait la police, toutes les

16 personnes qui étaient stationnées. C'est tout ce que je sais et je sais ce

17 qui s'est passé le 15 janvier. C'est tout ce que je sais.

18 Question: En d'autres termes, l'UCK et les civils de Racak n'ont pas

19 creusé des tranchées; il n'y avait pas de tranchées pour les civils et les

20 citoyens de Racak et pour les membres de l'UCK à Racak?

21 Réponse: A Racak même, il n'y en n'avait pas. Sur les collines

22 environnantes, peut-être, je n'en sais rien.

23 Question: Mais vous-même, vous n'avez rien vu?

24 Réponse: Non. Je ne pouvais pas sortir parce que ma maison avait été prise

25 pour cible depuis Cesta par des artilleries lourdes.

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1 Question: En d'autres termes, vous n'avez rien vu de ces tranchées, vous

2 n'avez pas vu des activités des membres de l'UCK? Vous n'avez strictement

3 rien vu. Est-ce que je vous ai bien compris?

4 Réponse: Oui.

5 M. Milosevic (interprétation): Merci. Dans votre déclaration, vous dites -

6 je cite-: "Les Serbes voulaient expulser tous les Albanais du Kosovo et

7 voulaient emmener les gens de leur propre nationalité de Bosnie, de

8 Croatie et les installer sur notre terre". (Fin de citation.)

9 Est-ce que c'est ce que vous avez déclaré? Je vous ai cité.

10 M. Beqiri (interprétation): Oui, c'est bien cela.

11 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de finir.

12 M. Beqiri (interprétation): Ils étaient tous là; les Serbes de Shtime ont

13 vécu à Racak et ils y sont du 15 janvier. Cela a eu lieu à 7 heures moins

14 le quart.

15 Mon frère a été tué; on a tiré sur lui à une distance de 50 mètres. Ils

16 ont tiré sur moi également, ils m'ont atteint au chapeau. Ils ont

17 également tiré sur un cousin qui avait 12 ans.

18 M. Milosevic (interprétation): Excusez-moi, Monsieur May, mais, de toute

19 façon, vous me limitez le temps de mon contre-interrogatoire. Vous ne me

20 laissez pas poser les questions et cela n'a rien à voir avec ce que j'ai

21 posé comme question. La réponse ne correspond pas.

22 M. le Président (interprétation): Vous lui avez soumis ce passage

23 concernant la volonté des Serbes d'expulser les Albanais. Il vous donne un

24 exemple.

25 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, vous m'avez déjà dit, d'ailleurs

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1 le témoin vient de trouver que les Serbes voulaient emmener ses

2 compatriotes de Bosnie, Croatie etc. Mais ils n'ont pas d'exemple.

3 D'ailleurs, il n'a pas répondu à ma question, Monsieur May.

4 Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que les Serbes de Bosnie et de Croatie

5 ont essayé de venir s'installer à Racak? Est-ce que vous le savez?

6 M. Beqiri (interprétation): Oui, oui, ils sont venus à Racak; notamment

7 sur les collines qui surplombent Racak et ils s'y trouvaient lors du

8 massacre. Ils y sont restés environ trois mois après le massacre.

9 Question: Vous parlez de l'armée de la police?

10 Réponse: Votre police et votre armée serbe, oui.

11 Question: Je vous parle des Serbes de Bosnie et de Croatie qui soi-disant,

12 d'après votre déclaration, voulaient s'installer à Racak. Est-ce qu'il y

13 avait des Serbes de Bosnie et de Croatie qui sont venus s'installer à

14 Racak et qui voulaient s'installer à Racak?

15 Réponse: Vos Serbes étaient un peu partout ou, en fait, il y avait un

16 mélange entre eux et les Serbes.

17 Question: Qui vous a dit que les Serbes voulaient expulser des Albanais?

18 Qui vous l'a appris?

19 Réponse: Après l'incendie de Racak, au mois d'août 1998, le 23 août pour

20 être précis.

21 Question: Qui vous a dit que des Serbes voulaient expulser des Albanais?

22 C'était ma question, s'il vous plaît.

23 Réponse: C'était tout à fait évident.

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui s'est

25 rendu chez vous, dans votre maison, et qui vous a dit que vous deviez

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1 sortir de votre maison?

2 M. le Président (interprétation): Il a dit tout ce qu'il pouvait à ce

3 sujet et il ne sert à rien de vous disputer à ce propos. Nous allons nous-

4 même devoir statuer sur cette question. Il vous a donné un exemple, comme

5 je vous l'ai dit donc passez à autre chose.

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, est-ce que je vous dérange

7 avec les questions que je pose?

8 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre simplement.

9 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, vous dites que "le

10 15 janvier à 6 heures 45, vous avez entendu une explosion assez puissante,

11 intense". Et ensuite, vous dites que "vous vous êtes dirigé vers la

12 colline". Pourquoi êtes-vous partis en direction de la colline?

13 M. Beqiri (interprétation): Le 15 janvier 1999, à 6 heures 45 du matin,

14 nous avons entendu des tirs, nous sommes sortis dans la cour. Mon frère

15 est venu chez nous lorsqu'il a entendu ces tirs, puis nous avons grimpé la

16 colline en traversant la vallée, la vallée Beqaviq. Nous voulions essayer

17 de sauver toute la famille, donc nous sommes partis dans les montagnes.

18 D'autres villageois se sont joints à nous. Nous sommes allés vers Çesta.

19 Et c'est là où l'armée et la police serbes ont entouré le village entier

20 de Racak.

21 M. le Président (interprétation): Oui mais la question était: "Pourquoi

22 est-ce que vous aviez décidé de grimper la colline?". Et vous répondez:

23 "Pour sauvegarder la famille". Est-ce exact?

24 M. Beqiri (interprétation): Oui.

25 M. Milosevic (interprétation): Vous étiez combien quand vous vous êtes

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1 dirigés vers la colline? Au moment où vous êtes partis vers la colline,

2 vous étiez combien au total?

3 Réponse: 16 de ma propre famille, 16 personnes. Il y avait à peu près 12

4 maisons dans mon quartier et toutes ces personnes sont parties pour tenter

5 de sauver leur vie.

6 Question: Vous étiez 150. Si on compte que vous étiez 16 dans votre

7 famille et qu'il y avait à peu près ce nombre-là pour les autres familles;

8 vous étiez 150 à peu près, n'est-ce pas?

9 Réponse: Je n'ai pas pu les compter parce que les balles pleuvaient, les

10 balles des forces serbes.

11 Question: Vous dites: 16 familles, votre famille en avait 16. Les autres

12 par exemple étaient 10. C'était entre 150 et 200. Vous dites que vous êtes

13 tous partis vers la colline. Est-ce que vous pouvez nous dire

14 approximativement combien vous étiez?

15 Réponse: Nous sommes tous partis, mais je n'ai pas pu les compter. Il y

16 avait également des réfugiés de Belincë, cinq à six d'entre eux.

17 Question: Dans ce groupe-là, il y avait des personnes qui étaient armées?

18 Vous avez parlé de ce groupe qui est parti vers la colline: vous étiez

19 armés? Est-ce que vous étiez armés?

20 Réponse: Il s'agissait uniquement de civils, d'enfants qui avaient 12 ans:

21 ils ne pouvaient pas être des soldats et ils ont été tués sur place.

22 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous pose pas de question au sujet

23 des enfants, des enfants qui avaient 12 ans, mais est-il vrai que vous

24 vous êtes dirigés vers des tranchées que vous aviez déjà creusées et qui,

25 en effet, étaient des positions des membres de l'UCK qui ont été creusées.

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1 Je vous pose une question tout à fait directe. Je ne vous pose pas la

2 question au sujet des enfants de 12 ans. Mais vous, vous avez déjà creusé

3 des tranchées auparavant?

4 M. le Président (interprétation): Le témoin ne sait rien à propos des

5 tranchées, donc alléguer qu'il avait déjà participé à creuser ces

6 tranchées, c'est donner une impression erronée des preuves.

7 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas dit: lui. Je ne regarde pas

8 comment c'est traduit, mais de toute façon, je n'ai pas dit: lui.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, la question qui vous

10 est posée est de savoir si l'une ou l'autre des personnes qui est partie

11 avec vous vers les collines était armée?

12 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas encore eu de réponse à cette

13 question.

14 M. Beqiri (interprétation): Non, personne d'entre nous ne portait des

15 armes.

16 Question: Vous avez dit qu'il y avait des enfants de 12 ans qui ont été

17 des victimes. Moi, je ne suis pas au courant du fait qu'il y avait des

18 enfants de 12 ans qui avaient été des victimes.

19 Réponse: Apparemment, vous n'avez connaissance d'aucun fait. Si vous étiez

20 au courant, vous auriez su que des gens ont été tués, les corps ont été

21 emmenés. Shyhde a été tué notamment. Et puis les corps ont été emmenés et

22 les cercueils sont restés vides.

23 Question: C'est un nouveau fait à ce moment-là que vous nous présentez,

24 qu'il y avait des enfants à Racak qui avaient été tués. Jusqu'à

25 maintenant, on n'a jamais appris qu'il y avait des enfants qui avaient été

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1 tués à Racak.

2 Réponse: Vous avez tué des enfants, des personnes âgées, des civils,

3 toutes les personnes qui se trouvaient sur place sans arme. Nous n'aurions

4 pas pu rester dans le village si nous avions été armés; les Serbes ne nous

5 y auraient pas autorisés. Nous n'étions que des agriculteurs, nous

6 n'avions pas d'armes. Les Serbes ont fait tout ce qu'ils ont fait.

7 Question: Vous parlez de Rizah Beqiri, Zenel Beqiri, Harida Beqiri; vous

8 dites que ce sont des victimes. Qui les a tués?

9 Réponse: Les forces serbes, vos forces. Et ils étaient tous des Serbes de

10 Shtimje, des policiers de Shtimje; ils portaient des uniformes

11 paramilitaires.

12 Question: D'accord. Vous dites que vous avez vu que ces trois personnes

13 avaient été tuées. Vous décrivez l'événement. Est-ce que vous avez vu de

14 vos propres yeux quand ils ont été tués? Est-ce que vous pouvez rafraîchir

15 votre mémoire? Vous parlez de la manière dont ils ont été tués: est-ce que

16 vous vous souvenez de cela?

17 Réponse: Ils ont été tués à une distance de 50 mètres environ par vos

18 forces, aussi par les obus que vous avez tirés à partir de Çesta,

19 Gështenja et de tous côtés. De Pishat également.

20 Question: Ça veut dire qu'ils ont été victimes des obus?

21 Réponse: Ils ont été tués par des balles, non par des obus. Après, ils ont

22 été mutilés.

23 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai pas très bien compris.

24 Premièrement, ils ont été tués par des balles, ensuite par des obus. Ou

25 bien d'abord il y a des obus, ensuite des balles, et ensuite ils ont été

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1 massacrés. Qu'est-ce que vous avez dit? Je ne vous ai pas très bien

2 compris.

3 M. le Président (interprétation): Mais il a répondu! Vous lui avez

4 demandé: "Est-ce qu'ils ont été tués par balle ou par obus?". Et il a

5 donné pour réponse: "Ils ont été tués par balle, non par obus".

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne sais pas ce que vous me

7 reprochez quand je pose des questions. Je lui demande quel était l'ordre

8 et comment les affaires se sont déroulées. Je ne sais pas pourquoi vous

9 intervenez tout le temps. De toute façon, je lui pose des questions, c'est

10 un témoin.

11 M. le Président (interprétation): Parce que vous posez des questions qui

12 sont susceptibles de semer la confusion dans l'esprit du témoin et c'est

13 injuste à son égard. Donc que voulez-vous dire au juste? Venez-en au fait.

14 M. Milosevic (interprétation): Pourriez-vous nous dire, Monsieur le

15 Témoin, comment sont mortes les personnes dont vous décrivez le meurtre,

16 l'assassinat?

17 M. Beqiri (interprétation): Ce sont là vos remarques. Je ne sais pas qui

18 l'a dit.

19 M. le Président (interprétation): Je sais qu'on vous demande de répéter ce

20 que vous avez déjà dit, mais pour accélérer les choses, on vous demande de

21 nous parler des membres de la famille Beqiri qui ont été tués. Maintenant,

22 qu'est-ce qui les a tués? Comment ont-ils été tués?

23 M. Beqiri (interprétation): Ils ont été tués par les forces barbares des

24 Serbes, à une distance de 50 mètres.

25 M. le Président (interprétation): Oui, mais qu'est-ce qui les a tués?

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1 M. Beqiri (interprétation): Des tirs de fusils-mitrailleurs, de tireurs

2 embusqués.

3 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, ce n'étaient pas les obus à

4 cause desquels ils sont morts?

5 M. Beqiri (interprétation): Non, pas à ce moment-là. Vous avez tiré les

6 obus à partir de… autour de Reçak pour que l'UCK ne puisse pas venir dans

7 le secteur.

8 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, vous avez expliqué quel

9 était le but des obus. Et maintenant, si vous voulez bien m'expliquer:

10 vous avez dit qu'ils ont été tués et ensuite, ils ont été massacrés.

11 Pouvez-vous nous donner la description? Comment ont-ils été massacrés?

12 M. Beqiri (interprétation): Après qu'ils les ont rassemblés, qu'ils ont

13 rassemblé les gens, ils les ont enfermés dans les maisons, ils les ont

14 passés à tabac. Je n'ai pas pu voir tout cela parce que je me trouvais à

15 un autre endroit. Et puis, il y a eu des blessés et puis les observateurs

16 sont arrivés.

17 Et puis moi-même, quand je suis redescendu, ils m'ont dit qu'ils venaient

18 de la colline de Bebush, à une dizaine de mètres plus loin. Ils ont tiré

19 sur Idriz Hajrizi. Quelques villageois m'ont accompagné; il y avait

20 d'autres villageois également ou des membres… Oui, d'autres villageois.

21 Ils ont cherché à s'abriter dans une sorte de cave et, lorsque nous étions

22 dans cette cave, ils ont continué à tirer sur nous par des tirs embusqués

23 provenant de la colline de Bebush. Et ils ont tué mon cousin Bajram

24 Mehmeti et sa fille Hanemshah; et son fils a été blessé. Nous avons

25 entendu des hurlements.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, mais la question était: comment les

2 corps ont-ils été mutilés?

3 M. Beqiri (interprétation): Ils ont décapité une personne, ils ont enlevé

4 les yeux d'une autre personne; j'ai vu cela moi-même dans la mosquée,

5 lorsqu'ils l'ont emmenée à la mosquée, le 16. C'est la chose la plus

6 barbare que j'ai jamais vue. Et ce sont les Chetniks qui ont fait cela.

7 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Vous dites qu'ils tiraient des

8 snipers de la colline et d'une distance de 50 mètres. Est-ce que les deux

9 choses sont véridiques, comme vous le déclarez, ou bien il y a une chose

10 qui est véridique et l'autre non?

11 M. Beqiri (interprétation): Ce n'était pas bien loin de la colline,

12 seulement à une distance de 50 mètres environ.

13 Question: Vous dites qu'ils tiraient des obus pour que l'UCK ne s'approche

14 pas de vous. Et la police se trouvait à quelle distance par rapport à

15 vous? Et à quelle distance se trouvaient les membres de l'UCK?

16 Vous étiez à cet endroit-là où vous étiez: à quelle distance par rapport à

17 vous se trouvaient les membres de l'UCK et à quelle distance se trouvait

18 la police, s'il vous plaît?

19 Réponse: Peut-être voudriez-vous bien réitérer la question? Je n'ai pas

20 bien saisi.

21 L'UCK se trouvait à une distance de 4 kilomètres à Rance, à Petrova ainsi

22 qu'à Mullopolc, dans le sud. Mais je ne les ai jamais vus parce que je ne

23 m'y trouvais pas.

24 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez pu voir un policier

25 quelconque qui tirait dans votre direction?

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1 Réponse: Quand ils sont entrés pour nous expulser de la maison, la maison

2 de Hisni Emini, un policier est donc entré, a d'abord emmené quelques

3 membres de ma famille, a tué mon frère sur le seuil même de la maison. Et

4 puis, un policier de Shtime est arrivé; je ne connais pas son nom, je sais

5 que son père s'appelait Branko.

6 J'ai été le premier parmi les membres de ma famille à sortir de la maison.

7 Il m'a donc dit de sortir et j'ai vu qu'ils portaient des masques, mais

8 j'ai pu reconnaître Bozo, le fils de Pero Marinkovic, un homme de Shtime,

9 et d'autres. Mais lorsque j'ai vu que mon cousin était tombé par terre,

10 ils ont mis un fusil automatique à la gorge et je n'ai pu rien voir de

11 plus.

12 Question: Vous nous avez dit qu'il y avait des observateurs qui sont

13 arrivés. Quand pour la première fois, le 15 janvier, vous avez vu des

14 observateurs qui se sont rendus sur les lieux, il était quelle heure, s'il

15 vous plaît, à peu près?

16 Réponse: Les observateurs sont arrivés à 5 ou 6 heures du soir. Ils sont

17 venus emmener les blessés Serafeta et Hasan Malici Il y avait aussi le

18 jeune fils de Bajram, Elhami. Et une autre femme, Gabrija.

19 Question: Est-ce que vous avez vu sur la colline, étant donné qu'ils ont

20 des véhicules qui sont assez caractéristiques d'une couleur orange, est-ce

21 que vous les avez aperçus au sommet de la colline?

22 Réponse: Non, je ne les ai pas vus parce que je subissais une sorte de

23 blocus.

24 Question: Vous dites dans votre déclaration que "vous étiez déjà dans la

25 colline, dans la profondeur de 100 mètres" et que "vous avez vu de l'autre

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1 côté de la colline sur la route, des policiers". Est-ce que j'ai bien

2 interprété ce que vous avez dit dans votre déclaration?

3 Réponse: Ce sont là des remarques qui ne sont pas tout à fait exactes.

4 J'ai dit que, lorsque je suis sorti de ma maison, à 10 mètres, on voyait

5 cette colline Cesta, où j'ai vu des chars positionnés. Ils ont tiré et mon

6 frère, mon cousin ont été tués, et la femme de mon voisin. J'ai pu voir

7 d'où je me trouvais les chars sur Cesta. Ce sont là des remarques que vous

8 faites.

9 Question: Entendu. Si vous avez vu des observateurs -les observateurs sont

10 arrivés, supposons, entre 5 heures et 6 heures de cette après-midi-,

11 pourquoi étant donné qu'à ce moment-là, il n'y avait pas notre police,

12 pourquoi vous n'avez pas dit aux observateurs quelles étaient les

13 personnes qui avaient été tuées et dont vous avez parlé? Pourquoi n'avez-

14 vous pas indiqué les personnes qui avaient été tuées? Pourquoi vous n'en

15 avez pas parlé, de cela?

16 Réponse: Les observateurs nous ont posé des questions concernant les

17 personnes tuées. Les blessés ont été emmenés à l'hôpital et les personnes

18 massacrées sur la colline de Bebush: 24 personnes ont perdu la vie 5 ont

19 survécu et les autres ont été retrouvés sur cette colline, le 16.

20 Question: Est-ce que vous l'avez dit aux observateurs ce jour-là?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Par conséquent, vous les avez informés de ces personnes tuées,

23 tout ce qui s'était passé ce jour-là, n'est-ce pas? Vous avez informé les

24 observateurs?

25 Réponse: Oui.

Page 6259

1 Question: Très bien. Et pourriez-vous me dire maintenant qui vous a dit de

2 transporter, le 17 au matin, les corps dans la mosquée?

3 Réponse: Les vérificateurs sont arrivés le 16, ils ont regardé comment se

4 présentaient les lieux. Ils sont arrivés en hélicoptère, ils sont venus

5 pour observer, pour voir les personnes mutilées, massacrées puis sont

6 retournés chez eux. Le soir même, les villageois ont emmené les corps à la

7 mosquée avant qu'ils ne soient enterrés. J'y suis allé le 16. Le dimanche,

8 j'ai aidé à transporter ces corps. Nous étions six à les transporter à la

9 mosquée; les personnes qui avaient été tuées dans le quartier Berisha, sur

10 les hauteurs.

11 Puis, vous êtes revenus, vous vouliez en fait les emmener. Il y a eu

12 encore des combats, les 17 et les 18, vous avez emmené les cadavres à

13 l'hôpital de Pristina à l'aide de forces militaires et policières. Puis

14 vous les avez gardés un mois à l'hôpital avant de les restituer: 26 corps

15 ont été restitués et nous les avons inhumés.

16 Question: Est-ce que vous avez vu Williams Walker, le 16, à Racak?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que vous avez parlé avec lui?

19 Réponse: Il est venu sur place, il a vu les victimes, les membres de la

20 famille Beqiri. Il s'est rendu sur la colline de Bebush.

21 Question: A quelle heure s'est-il rendu dans le village?

22 Réponse: Je n'ai pas regardé l'heure, je ne sais pas si c'était 10 heures,

23 11 heures du matin, midi. Je dirais entre 10 heures et midi, le 16.

24 Question: Vous dites également que le corps de Mehmet Jakupi était en état

25 de décomposition au moment où vous avez vu les autres corps. Comment

Page 6260

1 était-il possible que son corps soit en décomposition alors que les autres

2 corps étaient en état, disons, normal?

3 Réponse: Tous ces corps étaient en décomposition, mais il s'agissait d'un

4 ami personnel, donc cela m'a d'autant plus perturbé de voir ce qu'on lui

5 avait fait. Il y avait des personnes décapitées dont on avait ôté les

6 yeux, on leur avait ôté le cœur; seuls des barbares, seuls des Chetniks

7 auraient pu faire cela. Les Albanais n'auraient pas pu faire cela.

8 Question: Vous avez vu, par conséquent, des cœurs qui ont été sortis, des

9 corps qui ont été décapités. Vous avez vu beaucoup de barbarie comme vous

10 l'avez constaté. Qu'est-ce que vous avez vu encore, s'il vous plaît?

11 Réponse: De quelles autres choses encore plus terribles pourrais-je

12 parler, plus terrible que de mutiler ainsi les gens?

13 Question: Pourriez-vous énumérer tout ce que vous avez vu? Vous avez dit

14 qu'il y avait des corps qui ont été décapités dont on avait sorti le cœur

15 des cadavres. Qu'est-ce que vous pouvez énumérer tout ce que vous avez vu,

16 toutes ces barbaries?

17 Réponse: Les femmes étaient à l'intérieur ce jour-là. Pas un seul de vos

18 policiers n'a été tué ce jour-là. Les femmes et les enfants ont été

19 rassemblés. Les hommes ont été séparés de leur famille, emmenés et tués

20 ailleurs.

21 M. Milosevic (interprétation): A la question que je vous ai posée

22 concernant les cadavres et comment ils se présentaient, les gens sans vie.

23 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà passé suffisamment de

24 temps sur cela. Le témoin a fait son témoignage et vous n'avez maintenant

25 plus de temps. Le temps qui vous était imparti est épuisé.

Page 6261

1 Y a-t-il des questions que les amici souhaiteraient poser?

2 Monsieur Tapuskovic?

3 Monsieur Milosevic, le micro a été interrompu, coupé.

4 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Xhemajl

5 Beqiri.)

6 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges, j'aimerais poser quelques questions à M. Beqiri.

8 Monsieur Beqiri, dans votre déclaration, vous avez dit que votre frère

9 Rizah Beqiri avait deux fils qui étaient membres de l'UCK, dont Beqe a été

10 depuis le tout début membre de l'UCK. Est-ce que c'est exact?

11 M. Beqiri (interprétation): Oui, c'est exact. Beqe était membre depuis

12 août 1998, lors de l'incendie de Reçak; c'est à ce moment-là qu'il a

13 rejoint les rangs de l'UCK.

14 Et pour ce qui est du deuxième fils; après que ses deux frères et son père

15 aient été tués par eux, il a également rejoint, il a également pris les

16 armes et il est monté dans les collines le 20 mai 1999.

17 Question: Vous avez parlé de ce fils qui, à partir de 1998, était membre

18 de l'UCK. Est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre où il opérait comme

19 membre de l'UCK? Est-ce qu'il opérait dans le village où vous étiez ou

20 bien à un autre endroit?

21 Réponse: Il se trouvait à Rance. C'est là qu'il était en poste, stationné

22 dans le village de Rance. Alors que le deuxième se trouvait dans le

23 village de Petrova.

24 Question: Je vous demande autre chose. Au moment où les événements ont eu

25 lieu à Racak, est-ce que Beqe étaient à Rance à cette époque-là ou à

Page 6262

1 Racak?

2 Réponse: Il se trouvait à Rance.

3 Question: Et Rance se trouve à quelques kilomètres seulement par rapport à

4 Racak, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui. A quatre, trois ou quatre kilomètres.

6 Question: Merci. Ensuite, Monsieur Beqiri, vous avez dit que le 15

7 janvier, au moment où vous avez entendu l'explosion à 6 heures 45, vous

8 êtes sorti dans la cour de votre maison, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et ensuite, avec d'autres personnes, vous êtes parti plus loin?

11 Réponse: Oui, avec ma famille, mon frère avec sa fille et sa femme; et son

12 fils a été tué, Halim. Donc nous avons grimpé à une dizaine de mètres au-

13 dessus de la maison. Ils ont été tués dans mon quartier.

14 Question: Monsieur Beqiri, ce que je voulais vous demander tout d'abord:

15 étant donné que vous êtes sorti subitement en vitesse de chez vous,

16 qu'est-ce que vous avez mis comme vêtements sur vous? Je parle du 15

17 janvier.

18 Réponse: Des habits civils ordinaires, comme je porte aujourd'hui. Parce

19 que moi, quand j'ai entendu les tirs, j'ai sauté du lit, je me suis

20 habillé. Mon frère était en chemin, il venait me chercher. Puis nous

21 sommes sortis dans la cour et c'est là que nous avons pu voir que tout le

22 village avait été encerclé. Ils étaient sans doute entrés dans le village

23 depuis Belincë pendant la nuit.

24 Question: Par conséquent, vous étiez vêtu en civil, vous n'aviez qu'un

25 seul vêtement, n'est-ce pas?

Page 6263

1 Réponse: Une veste, un pantalon. Qu'est-ce que vous voudriez que je porte

2 d'autre?

3 Question: Merci. Merci. C'est ce que voulais savoir.

4 Ce qui m'intéresse maintenant, Monsieur Beqiri, au moment où vous vous

5 êtes dirigés vers la colline, on vous a ordonné de vous diriger vers la

6 colline, n'est-ce pas?

7 Réponse: Personne ne nous a donné des ordres, ils ont continué à tirer sur

8 nous chaque jour en direction de Reçak. Et ce sont les tirs de ces

9 barbares, de ces Chetniks qui nous ont contraint à grimper la colline.

10 Nous savions que nous ne pouvions pas rester à l'intérieur, parce que

11 s'ils trouvaient des personnes chez eux dans leurs maisons, ils les

12 tuaient, ils les mutilaient.

13 Question: Monsieur Beqiri, dans votre déclaration…

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit de la page 4,

15 dernier paragraphe, version en anglais.

16 Dans votre déclaration, vous avez dit que Cvetko vous a ordonné de vous

17 diriger vers la colline et de monter vers la colline. C'est comme ça que

18 vous avez dit dans votre déclaration, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, mais Cvetko n'est pas venu à ma maison mais à la maison de

20 Hysni. Et c'est là où il est venu, il nous a obligés à quitter la maison.

21 Il nous a donné l'ordre de montrer sur la colline Bebush. Mais nous

22 n'avons pas obéi, nous sommes partis dans la direction opposée. Les femmes

23 et les enfants se sont réfugiés dans une autre maison, et on nous a dit

24 d'aller rejoindre l'UCK mais il n'y avait pas d'UCK sur place. Il n'y

25 avait que les policiers serbes de Shtimje qui ont tiré sur nous. Nous

Page 6264

1 avons eu la chance de survivre mais ils ont emmené Sheida, ils l'ont

2 emmenée et ils ont redescendu la colline.

3 Question: Je vous ai compris, Monsieur Beqiri, mais vous dites dans votre

4 déclaration que vous vous êtes dispersés, que chacun s'est caché où il

5 pouvait trouver de l'abri. Est-ce que c'est exact ce que vous dites dans

6 votre déclaration?

7 Réponse: Je me suis rendu chez mon cousin Mehdi, après qu'on m'a eu tiré

8 dessus et que j'ai survécu. Donc je me suis réfugié chez mon cousin et

9 c'est de là que j'ai pu observer ce qui s'était passé sur la colline

10 Bebush où des fusils-mitrailleurs ont été utilisés. Tout cela s'est passé

11 vers 1 heure, ou 2 heures, voire midi; à peu près à cette heure-là. C'est

12 à ce moment-là qu'ils ont été tués. Et nous pouvions très bien voir cela

13 du lieu où nous nous trouvions.

14 Question: Pourriez-vous également me dire la chose suivante: est-ce que le

15 15 janvier, il y avait un membre de l'UCK qui a été victime dans le

16 village? Je parle du 15 janvier.

17 Réponse: A l'époque, dans mon quartier, je n'en ai pas vu.

18 Je ne pense pas qu'il y avait des membres de l'UCK, des membres de l'UCK

19 en ces lieux. Il y avait des civils.

20 Question: Est-ce que le lendemain matin, vous avez appris qu'il y avait

21 éventuellement quelqu'un qui avait été tué et qui était membre de l'UCK?

22 Réponse: Non. Encore et toujours des civils, le 16, le 17. Les seules

23 personnes que j'ai vues tuées étaient des civils. Il n'y avait pas de

24 soldats, pas de soldats tués à Racak.

25 Question: Et encore une toute dernière question.

Page 6265

1 Monsieur Beqiri, savez-vous combien de policiers serbes ont été tués à

2 côté de la mosquée, le 18 janvier? Est-il vrai qu'il y en avait 17 qui ont

3 été tués au moment où les corps ont été repris?

4 Réponse: Le 17?

5 Question: Le 18.

6 Réponse: Je me trouvais à Luzhak, le 12. Je ne sais pas ce qui s'est passé

7 lors des heurts entre l'armée de libération et les barbares serbes. Je ne

8 sais pas qui a été tué, ni combien de personnes.

9 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. Monsieur le Président, c'est tout.

10 (Interrogatoire principal supplémentaire de M. Xhemajl Beqiri par M.

11 Ryneveld.)

12 M. Ryneveld (interprétation): Une brève question qui se rapporte au

13 contre-interrogatoire.

14 Si je vous ai bien compris, Monsieur le Témoin, lors du contre-

15 interrogatoire, vous avez indiqué que vous avez vu les observateurs entrer

16 à Racak vers 5 ou 6 heures du soir, le 15 janvier? Est-ce que je vous ai

17 bien compris?

18 M. Beqiri (interprétation): Oui.

19 M. Ryneveld (interprétation): L'accusé vous a ensuite demandé si vous

20 aviez raconté aux observateurs, si vous leur aviez parlé de tous les

21 corps, de toutes les personnes qui avaient été tuées? Est-ce que vous vous

22 en souvenez?

23 Réponse: Oui, par l'intermédiaire des interprètes qui accompagnaient les

24 vérificateurs, nous leur avons parlé des six qui avaient été tués.

25 Question: Oui, voilà ce que je voulais juste expliciter.

Page 6266

1 Est-ce que vous avez également indiqué qu'il y avait eu 24 personnes tuées

2 ainsi que 5 survivants sur la colline de Bebush, qui en fait ont été

3 découverts le 16?

4 Réponse: Tout ce que nous avons entendu dire, c'est qu'ils avaient été

5 emmenés par la police serbe, emprisonnés et que, le lendemain, ils ont été

6 retrouvés. Moi-même, j'ai retrouvé cinq d'entre eux dans les collines. Ils

7 s'appelaient Ramov, Reza…

8 Question: Je vous arrête, c'est de ma faute. Je vais poser une question

9 plus simple.

10 A 5 heures ou à 6 heures du soir, le 15 janvier, est-ce que vous saviez

11 déjà que des personnes avaient été tuées sur la colline de Bebush?

12 M. Beqiri (interprétation): Non. Je n'en n'avais pas connaissance. Tout ce

13 que je savais, c'est qu'ils avaient été emmenés par les Serbes.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci beaucoup. Voilà, je n'ai plus de

15 question.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Beqiri, ceci met un terme à

17 votre témoignage.

18 Nous vous remercions d'être venu ici devant cette Chambre et au Tribunal

19 pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.

20 M. Beqiri (interprétation): Merci.

21 (Le témoin, M. Xhemajl Beqiri, est reconduit hors du prétoire.)

22 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que je peux poser une question,

23 Monsieur May?

24 M. le Président (interprétation): Qui est le témoin suivant, Madame

25 Romano?

Page 6267

1 Mme Romano (interprétation): Le témoin suivant est Nusret Shabani.

2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, quelle est

3 votre question?

4 M. Milosevic (interprétation): Il y a deux jours, je vous ai informé que

5 j'ai reçu tout un camion de papiers et la question que je vous ai posée

6 c'est: "quand pensez-vous que je pourrais lire tout cela?"

7 Et si vous voulez, ici, à gauche, il y a 1.000 pages que je viens de

8 recevoir…

9 (Le micro est coupé.)

10 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas étudier cette question

11 pour l'instant. Nous gardons à l'esprit que l'on vous soumet énormément de

12 documents. Vous l'avez déjà évoqué et, en temps voulu, nous allons revoir

13 comment l'affaire sera menée. Mais nous devons maintenant procéder.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, laissez-moi finir ma

15 phrase!

16 M. le Président (interprétation): Mais quel est le but?

17 M. Milosevic (interprétation): Moi, je considère que si ce n'est pas dans

18 ma langue maternelle, à ce moment-là, je considère que cela n'a pas été

19 communiqué, cela n'a pas été communiqué.

20 Deuxième point, quand pensez-vous que je peux lire le camion plein de

21 papiers que vous m'avez remis hier et avant-hier?

22 Donc il y a les deux points que je soulève: d'abord que je dois avoir tous

23 les documents dans ma langue maternelle et, deuxièmement, de me dire quand

24 puis-je lire tous ces documents?

25 M. le Président (interprétation): Ce sont des questions que nous allons

Page 6268

1 trancher le moment venu, mais qui n'ont rien à voir avec le témoignage à

2 l'heure actuelle.

3 Maintenant faisons entrer le témoin suivant.

4 Mme Romano (interprétation): En fait, comme je l'ai indiqué dans le

5 résumé, ce témoin ne sera pas en mesure de lire lui-même la déclaration;

6 donc il faudra lire la déclaration à son intention.

7 M. le Président (interprétation): On peut très bien faire cela comme on le

8 fait d'habitude.

9 Mme Romano (interprétation): Merci.

10 (Le témoin, M. Nusret Shabani, est introduit dans le prétoire.)

11 M. le Président (interprétation): Veuillez faire lever le témoin, s'il

12 vous plaît.

13 On peut mettre la déclaration sur le rétroprojecteur à moins que les

14 interprètes puissent la lire?

15 M. Shabani (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur

18 le Témoin.

19 M. Shabani (interprétation): Merci.

20 (Interrogatoire principal du témoin, M. Nusret Shabani, par Mme Romano.)

21 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous donner

22 votre nom?

23 M. Shabani (interprétation): Monsieur Shabani.

24 Question: Quelle est votre date de naissance, Monsieur Shabani?

25 Réponse: J'ai 62 ans, je suis né le 6 juin 1940.

Page 6269

1 Question: Etes-vous né à Racak et viviez-vous à Racak?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Monsieur Shabani, le 2 mai 1999, vous avez fait une déclaration

4 au Bureau du Procureur, vous en souvenez-vous?

5 Réponse: Oui. Je crois que je m'en souviens.

6 Question: Et le 6 février de cette année, à Racak, est-ce que vous vous

7 souvenez d'avoir participé à une réunion en présence d'un principal

8 officier nommé par le Greffe de ce Tribunal? Et à cette réunion, est-ce

9 que vous vous souvenez avoir reçu une copie de votre déclaration en langue

10 albanaise?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et à ce moment-là, est-ce qu'on vous a lu la déclaration?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Avez-vous eu la possibilité de confirmer que cette déclaration

15 était correcte?

16 Réponse: Oui, certains points étaient corrects, d'autres ne l'étaient pas.

17 Question: Nous pourrons revenir aux points qui étaient incorrects un peu

18 plus tard.

19 A ce stade de l'audience, l'accusation voudrait soumettre cette

20 déclaration comme pièce à conviction. Versement au dossier de cette pièce.

21 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation n°209.

22 Mme Romano (interprétation): Le résumé de la déclaration du témoin est le

23 suivant.

24 Le témoin est un Albanais du Kosovo qui réside à Racak, qui est marié et

25 qui a quatre enfants, dont deux sont au sein de l'UCK.

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1 Durant l'été 1998 et à partir de l'été 1998, la police et l'armée étaient

2 positionnées dans les collines environnantes. Il y avait déjà eu trois ou

3 quatre échauffourées entre la police serbe et l'UCK, et au moins quatre

4 attaques contre le village par les forces serbes, avant les événements du

5 15 janvier 1999.

6 Le 15 janvier 1999, le témoin s'est réveillé au son de coups de feu et

7 d'explosions, il a vu des soldats qui entraient dans le village, et lui et

8 sa famille ont quitté leur famille et se sont rendus dans la maison de

9 Sadik Osmani. Les hommes se sont cachés dans la cave, alors que les femmes

10 et les enfants sont restés au premier étage.

11 A environ 13 heures, la police est arrivée dans la maison avec des

12 uniformes de camouflage bleu foncé et a ouvert le feu en direction de la

13 maison alors qu'ils approchaient. On a fait sortir les hommes de la cave

14 et on leur a demandé de se coucher sur le sol, alors que la police les a

15 battus avec des gros bâtons et les ont insultés. Tous les hommes étaient

16 en habits civils. On a demandé aux hommes de monter sur le ravin et

17 d'aller à l'UCK dans le village de Rance.

18 Quelques minutes plus tard, il a entendu des cris et des coups de feu. Le

19 témoin et les autres sont restés dans la tranchée jusqu'à 5 heures,

20 lorsqu'ils ont vu les forces serbes qui se sont retirées. Il a vu que les

21 autres hommes avaient été tués, il a vu les corps et il a également vu le

22 corps de son propre fils. Après deux semaines, le témoin s'est rendu chez

23 sa belle-fille à Urosevac. Alors qu'il était là, l'armée serbe est entrée

24 dans la maison et a ouvert le feu; ils ont fait aligner les occupants dans

25 la rue et ils ont exigé de l'argent et des cigarettes. Le témoin a eu un

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1 fusil qui a été porté à sa tempe. Les mêmes soldats sont retournés à la

2 maison la nuit suivante et ont demandé plus d'argent. Le témoin est parti

3 en Macédoine le 26 avril 1999.

4 Les scènes qui sont mentionnées par ce témoin sont décrites dans le

5 classeur de Racak qui porte la cote 156 onglet 7. Les photographies

6 montrent également la maison de Sadik Osmani, ainsi que la ferme, sur la

7 route que les hommes ont prise, en direction du ravin. Il y a des photos

8 dans des actions qui portent la cote "Lieu du crime 5 - Scène 10" et une

9 autre photographie avec la cote "Lieu du crime 5 - Scène 11".

10 Le témoin a mentionné qu'il y avait certains aspects de sa déposition qui

11 étaient exacts et d'autres qui étaient inexacts.

12 Voulez-vous le mentionner maintenant?

13 M. Shabani (interprétation): Vous voulez dire moi? Oui, il y avait un

14 aspect que j'avais à l'esprit. Sur la colline de Çesta, il n'y avait qu'un

15 de mes fils qui était membre de l'UCK, pas les deux. C'est un domaine que

16 je souhaitais préciser.

17 Mme Romano (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin.

18 M. Shabani (interprétation): Je vous en prie.

19 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Nusret Shabani, par l'accusé

21 Milosevic.)

22 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que Nijaz et Rame étaient

23 membres de l'UCK, n'est-ce pas? C'est bien ce que vous avez dit dans votre

24 déclaration?

25 M. Shabani (interprétation): J'ai dit un de mes fils. Je crois que

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1 l'interprète a fait une erreur à l'époque, je n'ai dit qu'un seul fils. Et

2 si j'avais pu, j'aurais également rejoint ses rangs, si j'avais su ce qui

3 nous attendait.

4 Question: Vous avez dit là, maintenant, que l'autre n'était pas membre de

5 l'UCK, mais j'ai mal compris probablement ce que vous avez corrigé dans

6 votre déclaration?

7 Réponse: C'est exact, un seul de mes fils était un soldat.

8 Question: Ce fils qui avait 33 ans, c'est lui qui était membre de l'UCK,

9 n'est-ce pas?

10 Réponse: Non, c'était le plus jeune, celui qui avait 22 ans.

11 Question: Quand il a rejoint les rangs de l'UCK?

12 Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais pas quand il a rejoint l'UCK. Je

13 n'étais pas présent. Je ne me souviens pas de la date, du mois, de la date

14 exacte à laquelle il a rejoint l'UCK. Et si j'avais su ce qui nous

15 attendait, j'aurais également rejoint les forces de l'UCK.

16 Je dirai la vérité ici, et si ce n'est pas la vérité, je ne le dirai pas.

17 Je suis un vieil homme.

18 Question: Est-ce que lui, pour rejoindre les membres de l'UCK, vous a

19 demandé votre autorisation, étant donné que vous étiez son père? Est-ce

20 que l'UCK vous a demandé également une autorisation?

21 Réponse: Je ne l'ai pas vu quand il est parti.

22 Question: Où se trouvait le groupe de l'UCK? Où ont-ils été déployés? Je

23 parle de ce groupe où était votre fils.

24 Réponse: Ils étaient basés à Rance, à environ 10 ou 12 kilomètres du

25 village.

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1 Question: C'est à 10, 12 kilomètres de Racak, Rance, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui, aux environs de cela.

3 Question: Et qu'est-ce qu'ils avaient comme armes?

4 Réponse: Ils n'avaient pas vraiment d'armes, ils n'en avaient pas du tout.

5 C'étaient des armes qui n'avaient aucune utilité; c'étaient des vieux

6 fusils, des fusils de chasse.

7 Question: Est-ce qu'ils étaient vêtus en uniforme?

8 Réponse: Ils n'avaient pas d'uniforme. Au début, ils n'en avaient pas,

9 mais après, ils en avaient.

10 Question: Quand, après, s'il vous plaît?

11 Réponse: Je ne sais pas, je ne me souviens pas des dates. Je ne pourrais

12 pas me souvenir de ce genre de choses. Je n'ai pas participé à tout cela.

13 Question: Dans votre déclaration, vous dites que votre village a été

14 attaqué au moins quatre fois au cours de 12 mois. Est-ce que, à quatre

15 reprises, quand le village avait été attaqué, les membres de l'UCK étaient

16 dans le village? Est-ce que votre fils était avec un groupe de l'UCK?

17 Réponse: Le village n'a pas été attaqué, comme cet homme l'a dit, à quatre

18 reprises; le village a été attaqué quotidiennement. Et comment était-il

19 attaqué? Par des armes légères, mais également par des fusils venant de

20 tous les côtés. Et c'était tous les jours qu'il y avait des tirs. Il n'y

21 avait pas de membres de l'UCK au village.

22 J'ai dit que l'UCK n'était pas à Racak; l'UCK était à Rance, dans les

23 montagnes. Dans le village, il y avait la population: des malades, des

24 vieillards, des femmes, des enfants. C'était la population du village.

25 Question: Vous, vous étiez sur place, moi je n'étais pas sur place; c'est

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1 la raison pour laquelle je vous demande.

2 Réponse: Demandez, demandez. Oui, allez-y, posez-moi des questions.

3 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est la raison pour laquelle je vous

4 demande…

5 (Le témoin commence à parler en serbe.)

6 M. Shabani (interprétation): D'accord, je réponds.

7 M. le Président (interprétation): Souvenez-vous, Monsieur Shabani, qu'il

8 s'agit d'un Tribunal.

9 Alors maintenant, Monsieur Milosevic, quelle est votre prochaine question?

10 M. Milosevic (interprétation): La colline où vous dites qu'il y avait un

11 camp s'appelait Cesta. Vous dites également que le camp était tenu par les

12 policiers. Et -je vous cite- vous dites "qu'il y avait trois ou quatre

13 conflits entre l'UCK et les Serbes, et chaque fois, c'est l'UCK qui avait

14 emporté la victoire"; c'est ce que vous avez marqué dans la déclaration.

15 La question que je vous pose: est-ce que les conflits entre l'UCK et les

16 Serbes coïncident avec les combats dont vous avez parlé et que vous avez

17 décrits comme les attaques qui ont eu lieu quatre fois sur votre village?

18 M. Shabani (interprétation): Non.

19 Question: Et quand vous parlez des Serbes, est-ce que vous pensez aux

20 forces de police?

21 Réponse: Oui, des forces de police et des soldats.

22 Question: Quand vous dites que chaque fois, l'UCK avait emporté la

23 victoire, qu'est-ce que vous sous-entendez par cette victoire?

24 Réponse: Mais il n'y avait rien à faire. L'UCK, en fait, ne faisait

25 qu'observer, car il n'y avait pas de frontière, à cette époque.

Page 6275

1 Question: Qui était l'observateur? C'est l'UCK qui était observateur?

2 Réponse: Je veux dire que l'UCK ne faisait qu'observer la situation.

3 Question: Comment, à ce moment-là, l'UCK a-t-elle pu vaincre en observant

4 tout simplement ce qui se passait? Je ne comprends pas. Cela veut dire que

5 l'UCK ne luttait pas et observait tout simplement, regardait ce qui se

6 passait?

7 Réponse: Mis à part ce qui s'est passé, ils sont retournés d'où ils

8 venaient.

9 Question: Je comprends, mais est-ce que vous voulez être gentil et

10 m'expliquer? Vous avez dit qu'il y avait trois ou quatre attaques dans la

11 colline Cesta, entre l'UCK et les Serbes, et que chaque fois, c'est l'UCK

12 qui avait vaincu. Vous avez dit que vous n'avez pas participé, mais vous

13 étiez témoin. Est-ce que vous pouvez décrire comment se sont déroulés les

14 combats? Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui s'était passé, s'il

15 vous plaît?

16 Réponse: Rien ne se passait. Il y a eu des échanges de coups de feu, mais

17 rien d'autre ne se passait.

18 Question: Mais est-ce qu'il y avait des tués ou des personnes qui ont été

19 blessées au cours de ces conflits?

20 Réponse: Non.

21 Question: Il n'y en avait pas? Et est-ce que ces combats qui ont été menés

22 étaient menés de la part des membres de l'UCK avec les fusils de chasse?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce qu'ils ont tué un policier quelconque ou des soldats? De

25 votre côté, il n'y avait pas de blessés, mais est-ce que, de l'autre côté,

Page 6276

1 il y avait éventuellement des victimes, des policiers ou je ne sais pas

2 qui?

3 Réponse: Non, non.

4 Question: Où les membres de l'UCK se rendaient-ils après les victoires

5 qu'ils avaient remportées?

6 Réponse: Il n'y a pas eu de victoire, il n'y a pas du tout eu de victoire.

7 Ils se sont retirés dans les montagnes; je ne sais pas exactement où ils

8 se sont retirés.

9 Question: Là, maintenant, vous dites qu'il n'y avait pas de victoire alors

10 que vous avez dit, dans votre déclaration, que l'UCK l'avait emporté

11 chaque fois. Comment là, maintenant, vous dites qu'il n'y en avait pas?

12 Réponse: Personne ne gagnait, ni les Serbes ni les Albanais.

13 Question: Entendu. Mais pourriez-vous nous dire si les mêmes membres de

14 l'UCK participaient aux combats ou éventuellement, ils se relayaient?

15 Réponse: Comment voulez-vous que je sache? Je ne peux pas savoir où ils

16 étaient envoyés, où ils étaient postés.

17 Question: Moi, j'avais compris que vous étiez témoin oculaire; c'est la

18 raison pour laquelle je vous pose la question.

19 Réponse: Je ne sais pas.

20 Question: Entendu.

21 Est-ce qu'il est vrai que tous les membres de l'UCK qui participaient à

22 ces combats étaient de Racak, en gros, et des environs de Racak? Est-ce

23 que c'est exact ou non?

24 Réponse: Je ne sais pas qui était basé là-bas. Je ne sais pas qui était

25 là-bas, dans quelle partie du pays, qui faisait quoi, ou qui ne faisait

Page 6277

1 pas quoi.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous avez parlé des combats dans la

3 colline, que vous en étiez témoin oculaire. Vous avez dit que l'UCK avait

4 emporté la victoire. Ensuite, vous avez dit que ce n'était pas le cas,

5 qu'ils s'étaient retirés, qu'ils ont battu retraite. Est-ce que c'étaient

6 les gens de Racak ou des environs?

7 M. le Président (interprétation): Il ne sait pas. Continuons.

8 M. Shabani (interprétation): Je ne peux pas savoir d'où venaient ces

9 personnes. Je n'étais pas là pour vérifier leurs papiers d'identité, pour

10 savoir d'où ils venaient et ce qu'ils faisaient.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, posez une autre

12 question.

13 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, une question pour laquelle vous

14 n'avez pas besoin que l'on vérifie si vous avez une carte d'identité ou

15 non.

16 Est-ce que vous pouvez nous dire combien il y en avait, dans cette

17 formation de l'UCK, qui tenaient cette colline? Et qui commandait à cette

18 unité, cette formation?

19 M. Shabani (interprétation): Comment pourrais-je savoir qui était le

20 commandant de cette unité? Je ne sais pas. Je n'étais pas là pour savoir

21 combien il y avait de personnes. C'était un petit groupe et je ne sais pas

22 qui le commandait. Je ne sais pas non plus et je ne sais pas comment je

23 pourrais le savoir.

24 Question: Bien sûr que vous ne savez pas qui était commandant, mais est-ce

25 que vous savez combien il y en avait?

Page 6278

1 Réponse: (en serbe) Je ne sais pas.

2 M. Milosevic (interprétation): Mais approximativement, pouvez-vous nous

3 dire combien vous étiez? Pouvez-vous nous le dire?

4 M. le Président (interprétation): Je vous demande d'arrêter de mettre le

5 témoin sous pression de cette manière: ce n'est tout simplement pas juste.

6 Et de toute façon, c'est le moment de faire une pause.

7 Avant de suspendre la séance, il y a quelques questions administratives

8 que je souhaiterais régler.

9 Monsieur Nice, puisque vous êtes ici, vous pourrez peut-être m'aider. Je

10 vais vous mentionner les différentes questions que je souhaitais soulever.

11 Il y a une requête orale pour une authentification en ce qui concerne un

12 témoin. Il serait bon d'avoir une requête par écrit pour savoir ce que

13 vous voulez authentifier ou certifier. Faites-le nous savoir dans les sept

14 jours, s'il vous plaît.

15 L'autre point que je souhaitais soulever a trait à un outrage, pas du

16 témoin; c'est un sujet qui a été mentionné, donc ce serait utile que vous

17 nous fassiez un rapport et que vous nous fassiez des propositions sur les

18 mesures que vous souhaitez prendre.

19 M. Nice (interprétation): Est-ce qu'il s'agit du journal?

20 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice. Oui, certainement.

21 Bien sûr.

22 Je ne me souviens pas s'il s'agissait d'une question qui était en audience

23 publique. Mais je vous demande sept jours.

24 La dernière question que je voulais soulever c'est la pièce du Dr Baccard

25 et vous vous souvenez que vous aviez soulevé cela?

Page 6279

1 M. Nice (interprétation): Oui.

2 M. le Président (interprétation): Oui, en partie. Je crois que ce serait

3 utile d'entendre des soumissions orales à ce sujet.

4 C'était une pièce supplémentaire, si vous vous souvenez, au sujet des

5 preuves du Dr Baccard.

6 M. Nice (interprétation): Oui, si vous le voulez par écrit, je le ferai

7 par écrit.

8 M. le Président (interprétation): Oui, si vous pouviez le faire rapidement

9 par écrit.

10 M. Nice (interprétation): Certainement.

11 M. le Président (interprétation): Je vous avais dit que j'aimerais des

12 soumissions orales, mais je voudrais également avoir un canevas grossier

13 de ces soumissions orales.

14 M. Nice (interprétation): Oui, nous pourrons le faire. Je crois que j'ai

15 fourni à cette Chambre d'audience, la dernière fois que nous en avons

16 discuté de cette référence, les numéros des pages des transferts

17 d'audience.

18 M. le Président (interprétation): Oui, ce serait très utile.

19 La dernière question que je voudrais soulever concerne les documents qui

20 seront versés à l'affaire.

21 M. Nice (interprétation): Oui, cela a trait à la prochaine partie de

22 l'affaire, mais peut-être qu'on pourra en discuter également.

23 M. le Président (interprétation): Oui, c'est au moment voulu. L'accusation

24 pourrait peut-être reconsidérer cette position.

25 Oui, nous allons donc lever la séance.

Page 6280

1 Monsieur Shabani, vous êtes en déposition, donc je vous demande de ne

2 parler à personne entre-temps. Ceci inclut les membres de l'équipe de

3 l'accusation. Et je vous demande d'être de retour ici à la demie.

4 (L'audience, suspendue à 11 heures 02, est reprise à 11 heures 32.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

6 M. Milosevic (interprétation): Et ce groupe, comment s'est-il

7 approvisionné, ce groupe de l'UCK qui se trouvait dans la colline? Est-ce

8 que vous-même et quelques membres de votre famille vous vous êtes rendus

9 dans la colline pour leur apporter de la nourriture ou, je ne sais pas,

10 quelque chose d'autre?

11 M. Shabani (interprétation): Je ne sais pas, je ne sais rien à ce sujet.

12 Je ne sais rien sur qui leur envoyait du pain et des articles

13 d'alimentation. Je ne sais pas, je ne participais pas à

14 l'approvisionnement.

15 Question: Est-ce que vous savez où ils dormaient?

16 Réponse: Où ils ont dormi? Mais ils dormaient à Ranac (en serbe).

17 Question: Connaissiez-vous Dzemal Batiqi de votre village?

18 Réponse: Non, je ne le connais pas.

19 Question: Connaissez-vous ce qui s'est passé le 18 novembre 1998 quand les

20 membres de l'UCK ont incendié la maison d'un Albanais qui répondait au nom

21 de Dzemal Batiqi? C'était en novembre 1998.

22 Réponse: Non, je ne sais pas.

23 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous les membres de l'UCK qui se

24 trouvaient dans votre région?

25 M. Shabani (interprétation): A quelques reprises, ils ont attaqué la

Page 6281

1 police. Par exemple, le 10 septembre 1998, le 29 octobre 1998, ensuite le

2 10 janvier 1999, quand on a tué des policiers Sinisa Mihajlovic, Nazim

3 Oljuri.

4 M. le Président (interprétation): Je vous demande un moment. Nous n'avons

5 pas besoin de noms.

6 Monsieur Shabani, je vous demande un moment. Est-ce que vous savez quelque

7 chose de ce que l'accusé vous demande? Si vous ne le savez pas, dites que

8 vous ne le savez pas.

9 M. Shabani (interprétation): Non, je ne sais rien de ce qu'il demande et

10 je ne pourrais pas le savoir.

11 M. le Président (interprétation): Très bien. Monsieur Milosevic, il y a un

12 témoin qui pourra répondre à ces questions. Cela ne rime à rien de poser

13 des questions à ce témoin sur ce village, sur des questions auxquelles il

14 ne peut pas répondre.

15 Avez-vous d'autres questions à lui poser, à part les questions sur l'UCK?

16 M. Milosevic (interprétation): Bien Sûr, j'ai des questions. Je viens de

17 commencer mon contre-interrogatoire, Monsieur May.

18 Les Albanais que vous énumérez sur la page 2 de votre déclaration, vous

19 affirmez qu'ils étaient dans la maison de votre cousin, Sadik Osmani? Ceux

20 que vous connaissez, vous les énumérez. Ils étaient dans la maison de

21 Sadik Osmani: est-ce qu'eux, ils étaient membres de l'UCK?

22 M. Shabani (interprétation): Non, ils n'étaient pas membres de l'UCK.

23 Question: Ils n'y étaient pas?

24 Réponse: Non, ils n'y étaient pas. L'un d'eux était membre de l'UCK, mais

25 il a été tué.

Page 6282

1 Question: Il y en a un seul qui y était?

2 Réponse: Oui, un seul.

3 M. Milosevic (interprétation): Comment un groupe d'hommes, 22, c'est un

4 grand groupe?

5 M. Shabani (interprétation): Dans ce groupe, comme je l'ai expliqué…

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Shabani, vous pouvez continuer.

7 M. Shabani (interprétation): On m'a expulsé du village de Racak, pas

8 uniquement moi, mais tous les habitants du village. J'étais dans d'autres

9 villages et nous sommes revenus soit le 8, soit le 9. Je ne m'en souviens

10 pas et vos forces sont arrivées et nous ont expulsés de la maison de Sadik

11 Osmani. Nous étions dans l'écurie; il y avait 29 personnes qui étaient

12 dans cette écurie.

13 Nous n'étions pas dans la maison, nous étions donc dans l'étable. Ce

14 n'étaient que des personnes âgées, des enfants, des personnes comme cela;

15 vos forces sont arrivées et sont entrées dans cette remise, dans cette

16 écurie. Nous étions à côté des vaches. Et ils nous ont fait sortir de

17 l'étable, ils nous ont demandé de mettre nos mains derrière le dos. Ils

18 nous ont roués de coups, ils nous ont saisi nos cartes d'identité, ils

19 nous ont mis dans la cour et ils nous ont battus avec des bâtons. Ils nous

20 ont dit: "Montez sur la colline!". C'est ce que nous avons fait.

21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

22 M. Milosevic (interprétation): Racak est un grand village; il y a 230

23 familles. Est-ce que, le 15 janvier, tous les habitants étaient dans le

24 village?

25 M. Shabani (interprétation) Il y avait des habitants qui étaient dans le

Page 6283

1 village, il y en avait d'autres qui n'étaient pas arrivés, mais qui

2 venaient pour le festival de Bajram, pour les célébrités du festival de

3 Bajram.

4 Question: Je parle du 15 janvier, je ne sais pas si nous parlons bien de

5 la même date.

6 Réponse: Oui, c'est cela, le 15. Oui, c'est cela, le 15 janvier 1999.

7 Question: Est-il vrai de dire que pratiquement tous ou la majorité des

8 citoyens avaient quitté Racak en été 1998 et que, le 15 janvier, on ne

9 voyait uniquement le feu que de deux cheminées? Est-ce que c'est exact?

10 Réponse: Certains étaient revenus, n'étaient pas allés très loin. Ils

11 étaient allés dans la plaine du Kosovo, ils étaient allés à Shtime et

12 certains étaient revenus. De manière générale, ils étaient revenus. Mais

13 je n'avais pas liste pour faire un appel et pour savoir qui était revenu

14 et qui n'était pas revenu. J'étais dans ma propre maison, avec ma femme et

15 avec ma famille pour fêter le festival de Bajram. C'est la raison pour

16 laquelle nous étions là. Nous n'étions pas là simplement à attendre d'être

17 tués ou massacrés.

18 Question: Entendu. Est-ce que vous pouvez nous dire, sur les 2.306

19 citoyens de Racak, combien sur les 2.300 citoyens de Racak, il y en avait

20 ce jour-là à Racak: c'était la moitié, un tiers, ou plus de la moitié?

21 Combien ils étaient à Racak, le jour dont nous parlons?

22 Réponse: Il n'y en avait pas beaucoup. Certains étaient revenus, d'autres

23 n'étaient pas revenus. Je ne peux pas vous dire exactement combien étaient

24 revenus; je ne peux pas vous dire combien il y en avait qui étaient

25 revenus. Je peux simplement vous parler de ma propre maison, de mon propre

Page 6284

1 foyer.

2 M. Milosevic (interprétation): D'après vous, d'après votre information et

3 les connaissances que vous avez, combien il y avait au total d'habitants à

4 Racak?

5 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu à cette question. Cela

6 ne sert donc à rien de reposer la même question. Il a dit qu'il ne savait

7 pas.

8 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas une question très difficile

9 pour quelqu'un qui est villageois de Racak de dire combien ils étaient.

10 M. le Président (interprétation): Cela ne fait rien.

11 M. Milosevic (interprétation): Merci. D'accord. Ça va, ça va.

12 Est-ce que vous savez si la police était sur place pour capturer les

13 terroristes qui avaient tué précédemment le policier Svetislav Przic?

14 M. Shabani (interprétation): Mais vous savez, on ne me disait pas qui

15 avait été tué. Je ne m'occupais pas des affaires des autres. Je sais

16 simplement ce qui s'est passé: j'ai été capturé, on m'a roué de coups et

17 ma famille a été tuée ou mutilée.

18 Qui a été tué? Je ne sais pas. S'il vous plaît, je ne peux pas vous dire

19 cela!

20 M. Milosevic (interprétation): Cette unité dans laquelle se trouvait votre

21 fils, est-ce qu'elle avait participé à l'attaque sur le policier Przic?

22 M. le Président (interprétation): Non, s'il vous plaît, cela fait

23 plusieurs minutes que l'on pose ces questions. Si vous n'avez pas d'autres

24 questions à poser à M. Shabani, mis à part les questions sur l'UCK, dans

25 ce cas-là, nous allons clore ce contre-interrogatoire.

Page 6285

1 Si vous voulez continuer ce contre-interrogatoire, vous devez passer à un

2 autre sujet.

3 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, vous ne voulez pas que je

4 lui pose des questions au sujet de l'UCK.

5 Je vais poser une autre question: est-ce que le 15 janvier vous avez vu

6 les observateurs de l'OSCE dans leurs véhicules orange? C'est assez

7 caractéristique comme couleur.

8 M. Shabani (interprétation): Non, je ne les ai pas vus ce jour-là. Le 15,

9 je ne les ai pas vus, je n'ai vu personne de ce type-là ce jour-là. Je

10 n'étais pas libre le 15 janvier.

11 Question: Eh bien, quand, à Racak, en date du 15, les combats ont-ils

12 terminé?

13 Réponse: Environ à 5 heures, à peu près à cette heure-là, je ne sais pas.

14 Question: A 5 heures, vous voulez dire?

15 Réponse: Oui, 5 heures en soirée.

16 Question: Est-ce que, par la suite, vous avez vu les observateurs de

17 l'OSCE après les combats, la fin des combats, le jour même?

18 Réponse: Non, je dormais sur la colline et il pleuvait, il y avait de la

19 neige. C'est même le lendemain que je suis revenu au village.

20 Question: Par conséquent, le 15, vous n'êtes pas retourné à Racak?

21 Réponse (En serbe): Bien sûr que je ne suis pas retourné à Racak. Et

22 comment! (En albanais): Je ne suis même pas retourné à Racak, j'ai pu

23 survivre aux forces parce que j'étais là-bas et j'y suis resté toute la

24 nuit, toute la nuit, sur la colline, sous la pluie et sous la neige, et je

25 ne suis revenu que le 16.

Page 6286

1 Question: Vous avez parlé de cet événement. Vous vous êtes caché avec un

2 certain nombre de personnes; c'était dans un ravin, quand ce groupe a été

3 tué. C'est à ce moment-même, tout de suite après que vous les avez vus -et

4 je lis votre déclaration, page 5, je cite-: "J'ai vu beaucoup de cadavres

5 qui ont été tués par des balles ou qui ont été égorgés, les yeux

6 arrachés."

7 Vous les avez vus pratiquement après l'événement. Je pense que vous étiez

8 caché, si je vous ai bien compris; ensuite, vous êtes sorti quand

9 l'échange de feu s'est arrêté et c'est comme cela que vous les avez

10 retrouvés égorgés, les yeux crevés, dans un état lamentable, n'est-ce pas?

11 Réponse: Nous nous étions retranchés dans les collines. Il y avait cinq

12 personnes et, lorsqu'ils ont terminé leur massacre, ils sont redescendus

13 et sont allés au village. Au village, ils ont commencé à chanter. Nous

14 sommes donc restés deux ou trois heures de plus sur la colline avant de

15 redescendre au village. Et quand nous avons vu qu'il n'y avait plus de

16 soldats et d'officiers de police, nous sommes redescendus et nous avons vu

17 des corps. On leur avait arraché le cœur, d'autres on leur avait arraché

18 les yeux.

19 Et nous sommes repartis en laissant les corps, nous sommes remontés sur la

20 colline. Et, comme je l'ai dit précédemment, nous avons dormi sur la

21 colline sous la neige, sous la pluie, et le lendemain, nous sommes revenus

22 au village.

23 Question: Vous venez de décrire ce que vous avez vu. C'est le 15 après-

24 midi que vous l'avez vu, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui.

Page 6287

1 Question: Et puis vous rajoutez -je cite-: "Tous les hommes dont j'ai

2 parlé et que j'ai dit qu'ils ont été tués à Racak, ils gisaient sur la

3 route. C'est tout ce que je peux vous dire, je ne sais rien d'autre". (Fin

4 de citation.)

5 Réponse: C'est tout à fait exact.

6 Question: Et est-ce que vous êtes au courant que, selon tous les résultats

7 des équipes étrangères et autres, on n'a pas trouvé de cadavres qui ont

8 été égorgés, dont le cœur a été arraché, les yeux arrachés? Tous ceux qui

9 ont été des victimes à Racak, le 15, donc toutes les équipes qui ont

10 examiné les cadavres n'ont pas trouvé ce que vous dites?

11 Réponse: Je ne sais pas qui était là et qui s'est penché sur tout cela.

12 Nous étions cinq et, quand ils ont eu terminé le massacre, nous sommes

13 redescendus de la colline et nous avons vu cela. Je ne sais pas qui

14 d'autre s'est penché sur ces corps. Moi, je n'y suis pas retourné.

15 Question: Vous dites qu'il y en avait auxquels on arrachait le cœur ou, à

16 d'autres, des yeux. Vous pensez à deux, trois ou cinq? A combien de

17 personnes pensez-vous quand vous le précisez?

18 Réponse: Je dirais quatre personne, car certains corps étaient entassés

19 les uns sur les autres.

20 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas, vous parlez d'un certain

21 nombre de cas, mais est-ce que vous pouvez nous dire combien il y en avait

22 que vous avez vus dans un tel état?

23 M. le Président (interprétation): Il a dit qu'il en avait vu quatre.

24 M. Shabani (interprétation): Comme je vous l'ai dit, il y en avait peut-

25 être trois, mais je ne me suis pas penché pour observer de près. Nous les

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1 avons vus les uns après les autres, et je ne dis que la vérité. C'est ce

2 que j'ai vu, de mes yeux vu, c'est ce que j'ai vécu. Et je ne vous

3 parlerai pas de choses que je n'ai pas vues ou que je n'ai pas observées.

4 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous étiez aux obsèques? Est-ce

5 que vous avez assisté aux obsèques de ceux qui ont été tués à Racak? Est-

6 ce que vous avez assisté aux obsèques le jour-même où ils ont été

7 enterrés?

8 M. Shabani (interprétation): Non, car j'étais malade en raison des

9 blessures que m'avaient infligées vos hommes. J'avais les membres blessés.

10 C'est la raison pour laquelle je n'étais pas là.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que vous avez entendu dire que,

12 le jour des funérailles, les membres de l'UCK ont arrêté un nombre…

13 M. le Président (interprétation): Il n'était pas là, cela ne sert à rien

14 de lui poser cette question.

15 M. Milosevic (interprétation): Je voulais demander tout simplement s'il

16 était au courant et s'il connaissait les hommes qui ont été arrêtés,

17 quelqu'un de ceux qui ont été arrêtés. On sait, on se raconte ces choses-

18 là.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Shabani, connaissez-vous

20 certaines des personnes qui ont été arrêtées lors des funérailles?

21 M. Shabani (interprétation): Je vous ai dit, il y a quelque temps, que je

22 n'étais pas présent aux funérailles, j'étais chez ma fille. Ma fille et ma

23 femme étaient aux funérailles.

24 M. le Président (interprétation): Très bien.

25 Alors, Monsieur Milosevic, avez-vous d'autres questions à lui poser?

Page 6289

1 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

2 M. Shabani (interprétation): Non, je n'ai pas vu.

3 M. le Président (interprétation): C'est moi qui ai éteint votre micro. Il

4 vous reste dix minutes. Avez-vous d'autres questions à poser sur d'autres

5 sujets, mis à part ceux que vous avez déjà mentionnés?

6 M. Milosevic (interprétation): J'ai essayé de poser la question, mais vous

7 ne me laissez pas parler.

8 Par conséquent, vous étiez malade à cette époque-là, mais est-ce que vous

9 avez entendu un mois plus tard, le 13 février 1999, que dans votre village

10 à Racak, on a kidnappé deux Albanais, Tahib et … (l'interprète n'a pas

11 retenu l'autre nom.). C'étaient vos compatriotes, deux Albanais qui ont

12 été kidnappés par les membres de l'UCK.

13 M. Shabani (interprétation): Non.

14 M. Milosevic (interprétation): Vous ne connaissez alors aucun crime qui

15 avait été commis à Racak et dans les environs? Est-ce que je vous ai bien

16 compris?

17 Réponse: Aucun crime n'a été commis à Reçak. La proximité de Reçak ne

18 m'intéresse pas. Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas ce qui s'est passé

19 dans les environs de Reçak, mais je n'ai pas eu connaissance de crime qui

20 aurait été commis à Reçak même.

21 Question: Quand, pour la première fois… Vous ne les avez pas vus le 15 –

22 vous me l'avez bien précisé-, mais quand, pour la première fois, avez-vous

23 vu les vérificateurs de l'OSCE dans les environs de votre village?

24 Réponse: Je n'ai pas vu les vérificateurs de l'OSCE, je l'ai déjà dit.

25 Peut-être que je l'ai marqué dans ma déclaration, mais je l'ai oublié.

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1 Mais, de toute façon, je n'ai pas vu d'observateur ce jour-là. Nulle part.

2 Car ce jour-là, c'était un vendredi, c'était le 16, ils ont pris les corps

3 et ils les ont transportés à la mosquée.

4 Peut-être que j'ai rencontré un observateur ce jour-là, c'est possible,

5 mais nous nous sommes rendus à la mosquée pour aller voir les corps et ils

6 nous ont dit qu'il fallait nous dépêcher, car les Serbes allaient emporter

7 ces corps. C'est votre armée et vos forces de police. Et c'est là que je

8 suis ensuite allé à Koshare.

9 Question: Est-ce que vous avez parlé avec quelqu'un d'autre, outre les

10 habitants de votre village?

11 Réponse: Non.

12 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Je n'ai plus de question. Merci.

13 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Nusret

14 Shabani.)

15 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Monsieur Shabani, j'aurais quelques questions et je vais vous demander,

17 s'il vous plaît, ce qui s'est passé en date du 15 janvier et pas autre

18 chose.

19 Dans votre déclaration, comme ceci est marqué, vous avez déclaré que "vous

20 avez entendu trois ou quatre explosions et que vous avez également

21 remarqué que les fantassins s'approchaient".

22 Est-ce que c'est bien ce que j'ai compris?

23 M. Shabani (interprétation): Où étaient ces explosions? De quoi parlez-

24 vous?

25 Question: Non. Vous étiez à la maison, à 7 heures du matin, et vous avez

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1 entendu dire que des choses se passaient comme cela. C'est ce que vous

2 avez dit.

3 Réponse: Oui, c'est exact. C'est tout à fait vrai. Mais il n'y avait pas

4 d'artillerie lourde, il n'y avait que des armes légères qui ont été

5 utilisées. Il n'y a pas eu de tir d'obus sur le village; sur les

6 montagnes, oui.

7 Question: Vous l'avez expliqué. Vous avez dit que, par la suite, vous vous

8 êtes enfui et vous êtes parti dans la maison de votre cousin.

9 Quand vous êtes parti de chez vous, qu'avez-vous mis comme vêtements sur

10 vous?

11 Réponse: Les uniformes de police ou de l'armée, je n'ai pas fait très

12 attention. Les uniformes de l'armée, je crois.

13 Question: Vous ne m'avez pas compris, Monsieur Shabani, excusez-moi.

14 Ecoutez-moi bien: je vous ai demandé ce que vous, vous-même, vous avez mis

15 sur vous quand vous êtes parti.

16 Réponse: (en serbe) Mais c'est comme ça, là, maintenant. Je portais les

17 mêmes vêtements qu'aujourd'hui.

18 Question: Je voudrais, Monsieur le Président, me référer à la page 4 de la

19 version anglaise de la déclaration du témoin.

20 Monsieur Shabani, la question que j'aimerais vous poser est la suivante:

21 vous nous avez décrit ce qui s'était passé dans la cour de la maison où

22 vous étiez; par la suite également, vous nous avez précisé -et je cite-:

23 "On nous a ordonné de nous lever, de mettre les mains derrière la nuque".

24 Est-ce que c'est bien ce qu'on vous a demandé?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et pendant que vous aviez les mains derrière la nuque, on vous a

2 demandé de vous diriger vers la colline, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Pendant tout ce temps-là, vous avez été escortés par un

5 policier, n'est-ce pas?

6 Réponse: Non, non. Nous n'étions pas accompagnés, nous y sommes allés

7 seuls. Nous n'étions pas accompagnés de policiers, nous étions seuls.

8 Question: Vous venez de dire dans la déclaration -je cite-: "J'ai vu qu'un

9 policier en uniforme bleu donne des signes aux gens de se dépêcher; il

10 était à une vingtaine de mètres par rapport à moi. On marchait lentement

11 avec les bras derrière la nuque". N'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et ensuite, vous avez réussi à vous cacher dans ce ravin, n'est-

14 ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Ensuite, vous avez entendu des rafales?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous n'avez rien donc vu d'autre?

19 Réponse: Non.

20 Question: Et à 5 heures de l'après-midi, dans ce ravin, vous y étiez donc.

21 Et ensuite, vous êtes sorti, vous avez dit qu'Omer Rakipi était avec vous,

22 Halim Azemi, Abdi Bilali et Ramiz Shabani; c'est bien ça?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que, pendant tout ce temps-là, dans le ravin, il y avait

25 Avdi Bilali qui était avec vous?

Page 6293

1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce qu'il avait perdu connaissance pendant qu'il était dans

3 le ravin avec vous?

4 Réponse: Oui. Il était à une certaine distance, il n'était pas avec notre

5 groupe. Nous nous trouvions à un endroit un peu surélevé. Mais cela a été

6 notre destin de survivre; nous aurions très bien pu mourir également.

7 Question: Vous dites qu'Arti Belali était avec vous pendant toute la

8 période?

9 Réponse: Oui. Oui, nous sommes montés dans les montagnes, nous y avons

10 passé la nuit; nous sommes revenus le lendemain.

11 Question: Est-ce que vous l'avez vu à côté de vous à chaque moment? Il

12 était à quelques mètres de vous?

13 Réponse: Nous étions ensemble. Il était environ à une distance d'environ

14 cinq mètres. Nous étions allongés par terre.

15 Question: Restait-il conscient ou inconscient?

16 Réponse: (En serbe): Je ne le sais pas.

17 (En albanais): Je n'en sais rien. Il pourrait lui-même venir déposer ici.

18 Franchement, cela ne m'intéresse pas de savoir qui est tombé malade. Je ne

19 peux que vous dire la vérité et rien d'autre que la vérité.

20 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur Shabani.

21 Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

22 M. Shabani (interprétation): Je vous en prie.

23 Mme Romano (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions.

24 (Questions de M. le Juge Kwon au témoin, M. Nusret Shabani.)

25 M. Kwon (interprétation): Moi, j'aurai quelques questions.

Page 6294

1 Monsieur Shabani, vous avez parlé d'une vingtaine de policiers qui sont

2 venus à la maison de Sadik Osmani, qui vous ont passé à tabac et vous ont

3 harcelé pour vous amener à monter à la colline Bebush. Est-ce exact?

4 M. Shabani (interprétation): Oui, c'est ce qui est arrivé.

5 Question: Avez-vous vu, à ce moment-là, des policiers qui portaient des

6 talkies-walkies ou autre chose de ce type?

7 Réponse: Oui. Ils parlaient, en effet, donc dans la maison de Sadik

8 Osmani. Ils parlaient à quelqu'un, mais je ne sais pas à qui.

9 Question: Je vois que vous semblez comprendre la langue serbe; est-ce le

10 cas?

11 Réponse: Oui, oui, je parle un peu le serbe.

12 Question: Vous souvenez-vous de la teneur de conversations qui auraient eu

13 lieu grâce à des talkies-walkies, à ce moment-là?

14 Réponse: Non. Ils parlaient à quelqu'un, mais je n'arrivais pas à entendre

15 ce qu'ils disaient, ni à qui ils parlaient.

16 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

17 M. Shabani (interprétation): Je vous en prie.

18 M. le Président (interprétation): Ceci met un terme à votre témoignage.

19 Monsieur Shabani, merci d'être venu pour déposer devant nous. Vous êtes

20 maintenant libre de vous retirer.

21 M. Shabani (interprétation): Je vous remercie vivement. Merci beaucoup.

22 J'espère que vous allez pouvoir travailler de façon assez rapide pour

23 pouvoir mener à bien votre tâche. (Le témoin quitte le prétoire.)

24 M. le Président (interprétation): Oui, c'est le sentiment que nous

25 devrions tous partager.

Page 6295

1 M. Nice (interprétation): Oui, et approuver.

2 Le témoin suivant: avant qu'il n'entre dans le prétoire… On lui a accordé

3 un pseudonyme et des mesures de protection à un moment où il souhaitait

4 que sa déclaration ne soit pas rendue publique à l'avance, avant qu'il ne

5 témoigne; c'est un sentiment tout à fait compréhensible.

6 Mais il y a eu là un malentendu parce qu'il est tout à fait disposé à

7 témoigner en séance publique. Il s'agit du commandant de l'UCK à Racak, à

8 la période qui nous intéresse, et il serait peut-être utile, avant qu'il

9 n'entre dans la salle d'audience…

10 Je ne sais pas si la Chambre se réfère à la carte routière que nous vous

11 avons soumise?

12 M. le Président (interprétation): Oui, nous nous y référons.

13 M. Nice (interprétation): Dans ce cas, je vais me retrouver ici, j'avais

14 annoté certains endroits.

15 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la page 11.

16 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup.

17 Outre le village de Racak même, les endroits auxquels il va se référer

18 comprennent, à l'ouest de Racak, Rance, presque au même niveau. Puis au

19 sud, il y a Petrova et au sud-est, encore, Mullopolc. Puis à gauche de

20 Racak, vous voyez un petit carré. Il y a un ravin, une ravine de Laniste,

21 ou les gorges de Laniste. Ce sont donc là des endroits auxquels le témoin

22 fera allusion.

23 Il pourra bien sûr nous fournir des informations concernant l'UCK; je vais

24 lui poser certaines questions à ce propos. Mais nous estimons qu'il est

25 très important que l'on circonscrive les éléments de preuves qui vont être

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1 présentés. Nous ne nous intéressons pas ici aux autres activités de l'UCK.

2 Donc même si sa déclaration est très détaillée, je ne vais pas entrer dans

3 tous les détails; j'aimerais limiter ces moyens de preuve aux questions

4 qui sont réellement pertinentes dans le cadre de ce procès.

5 Une autre chose: plusieurs témoins ont parlé de corps mutilés, de cœurs

6 arrachés et ainsi de suite. Il se peut que cela puisse être attribué aux

7 blessures par balle, il faudra déterminer cela. Mais il faut dire que

8 c'est vraiment très perturbant de voir de telles photos en public, de les

9 montrer au témoin, qui était sur place; cela ravive des souvenirs

10 douloureux. Mais avec ce témoin, il sera nécessaire de regarder les photos

11 de ces cadavres selon que l'on a retrouvé dans la ravine. Même si cela est

12 fort désagréable, nous allons devoir regarder les photos de ce cadavre

13 dont la poitrine a été détruite, peut-être par des balles ou par d'autres

14 moyens qui donnent peut-être l'impression de mutilation, alors qu'il n'y a

15 peut-être pas eu mutilation.

16 Donc, je vais devoir m'appesantir un peu sur cela afin d'avoir quelques

17 remarques de la part du témoin à ce propos et cela permettra à d'autres

18 témoins de ne pas subir la même épreuve.

19 Nous allons aussi demander qu'on utilise un tableau afin de pouvoir

20 montrer de grandes cartes.

21 Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin dans le prétoire?

22 M. le Président (interprétation): Oui.

23 (Le témoin, M. Buja Shukri, est introduit dans le prétoire.)

24 M. le Président (interprétation): Que le témoin prononce la déclaration

25 solennelle.

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1 M. Buja (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

4 (Interrogatoire principal du témoin, M. Shukri Buja, par M. Nice.)

5 M. Nice (interprétation): Votre nom, s'il vous plaît?

6 M. Buja (interprétation): Shukri Buja.

7 Question: Monsieur Buja, est-ce exact qu'en 1999, vous étiez commandant de

8 l'UCK à Racak?

9 Réponse: J'étais commandant de la zone opérationnelle de Nerodimlje.

10 Question: Cela englobait Reçak?

11 Réponse: Oui, en effet.

12 Question: Nous allons y revenir sous peu.

13 Mais d'abord sur votre histoire personnelle, sur votre curriculum vitae:

14 vous avez 36 ans à l'heure actuelle?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous êtes indépendant, vous avez votre commerce ou entreprise?

17 Réponse: Oui.

18 Question: En 1989, aviez-vous participé à des manifestations au Kosovo

19 portant sur la situation politique?

20 Réponse: Oui.

21 Question: S'agissait-il de manifestations paisibles ou violentes?

22 Réponse: Elles étaient paisibles.

23 Question: Est-ce que vous auriez l'obligeance de vous rapprocher quelque

24 peu du micro afin que l'on puisse vous entendre? Merci.

25 Réponse: Oui.

Page 6298

1 Question: La police est-elle intervenue dans ces manifestations?

2 Réponse: Oui, ils sont intervenus de façon violente.

3 Question: Et avez-vous été arrêté?

4 Réponse: Oui, j'ai été arrêté le 7 juin 1989.

5 Question: Afin de nous faire une idée de ce type d'arrestations fondées

6 sur le fait qu'on participait à une manifestation, comment est-ce que vous

7 avez été traité pendant la phase de l'interrogatoire ou de l'enquête?

8 Réponse: L'interrogatoire, l'enquête a duré pendant trois mois et il y a

9 eu beaucoup de violences.

10 Question: Est-ce que la violence a été telle que vous en avez gardé des

11 cicatrices que vous pouvez montrer à des tiers?

12 Réponse: Oui, je les ai montrées au Tribunal.

13 Question: Nous allons y venir. Mais d'après vous, qui était le Procureur

14 dans cette affaire, cette audience?

15 Réponse: Je crois qu'il s'agissait de Danica Marinkovic.

16 Question: C'est donc le nom de la Juge qui s'est rendue à Racak pour y

17 mener l'enquête?

18 Réponse: Je crois que oui.

19 Question: Vous avez donc montré vos cicatrices, vos contusions au

20 Tribunal. Combien de temps cette affaire, ce procès a-t-il duré? Le procès

21 concernant vos délits ou crimes politiques?

22 Réponse: Environ trois heures.

23 Question: Et quelle a été la peine?

24 Réponse: Une peine de 13 ans de prison.

25 Question: Et d'après votre expérience, est-ce qu'une telle peine était

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1 similaire ou plus élevée que d'autres peines imposées à la même époque

2 pour des activités semblables?

3 Réponse: A l'époque, les militants politiques se voyaient imposer entre 10

4 et 15 ans ou moins, 15 ans de peine de prison.

5 Question: Et, en prison, en tant que prisonnier politique, est-ce que vous

6 avez été détenu de manière séparée, séparé d'autres prisonniers tels que

7 des voleurs, des violeurs ou autres? Ou est-ce qu'on vous a traité de la

8 même manière, d'une façon identique dans le système d'incarcération?

9 Réponse: Nous avons été détenus au même endroit.

10 Question: Est-ce que vous avez subi des mauvais traitements des mains des

11 autorités lors de votre emprisonnement?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Cela veut dire que vous avez été maltraité?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Dans le cadre de cette peine de 13 ans d'emprisonnement, vous

16 êtes resté cinq ans en prison avant d'être remis en liberté, en 1994?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Comment la police a-t-elle réagi lorsque vous avez été remis en

19 liberté? Est-ce qu'ils vous ont laissé en paix ou est-ce qu'ils sont

20 restés en contact avec vous?

21 Réponse: Le premier jour, avant que je n'arrive à la maison, que je ne

22 rentre chez moi, ils m'ont arrêté dans la rue. Ils m'ont gardé deux

23 heures, ils m'ont menacé en me disant que, si des personnes se

24 réunissaient pour m'accueillir, alors que je rentrais chez moi, qu'ils

25 m'arrêteraient une fois de plus.

Page 6300

1 Question: Est-ce que vous avez respecté ces indications, ces instructions

2 données par la police? Est-ce que vous avez cédé ou est-ce que vous avez

3 insisté sur votre indépendance?

4 Réponse: Je suis resté indépendant. Je ne pouvais pas organiser une

5 manifestation pour m'accueillir, mais je ne pouvais pas non plus empêcher

6 les gens qui souhaitaient m'accueillir de le faire.

7 Question: Est-ce que la police a essayé de maintenir le contact avec vous?

8 Réponse: La police est venue et m'a arrêté une deuxième fois. Ils m'ont

9 interrogé pendant deux jours, deux jours ininterrompus.

10 Question: Avant d'aller de l'avant, vous avez donc été une parmi de

11 nombreuses personnes qui ont été détenues pour avoir participé à des

12 manifestations, avoir donc subi des peines de prison. A votre

13 connaissance, oui ou non, est-ce que l'accusé s'est exprimé en public

14 concernant de telles manifestations de personnes participant à ces

15 manifestations?

16 Réponse: Oui, normalement, il s'y référait comme des manifestations de

17 terroristes séparatistes, des termes de ce type.

18 Question: Vous parlez de quels médias: de la télévision, de la radio, des

19 journaux?

20 Réponse: Il s'agissait de déclarations publiques à la télévision, dans les

21 journaux quotidiens, à la radio, la presse quotidienne.

22 Question: Vous avez quitté le Kosovo en quelle année à l'origine?

23 Réponse: En 1995.

24 Question: Où vous êtes-vous rendu?

25 Réponse: J'ai cherché l'asile, j'ai demandé l'asile en Suisse, l'asile

Page 6301

1 politique.

2 Question: Est-ce que vous avez vécu en Suisse pendant quelque temps? Et

3 lors de votre séjour en Suisse, est-ce que vous avez continué à défendre

4 les intérêts des Albanais du Kosovo?

5 Réponse: Oui, j'y ai vécu et j'étais actif dans des activités destinées à

6 venir en aide à mes compatriotes au Kosovo. Nous organisions différents

7 types de manifestations.

8 Question: Des manifestations paisibles en Suisse?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que vous avez eu, à un moment ou à un autre, des

11 difficultés vis-à-vis des autorités suisses?

12 Réponse: Jamais.

13 Question: A une époque, est-ce que vous avez travaillé comme journaliste?

14 Réponse: Oui.

15 M. Nice (interprétation): En Suisse ou ailleurs?

16 M. Shabani (interprétation): Principalement en Suisse.

17 M. Robinson (interprétation): Pour revenir un peu en arrière: lorsqu'il a

18 été arrêté en 1989, j'aimerais simplement savoir quelle était sa

19 profession à l'époque.

20 Lorsque vous avez été arrêté en 1989, quel était votre emploi à l'époque?

21 M. Shabani (interprétation): J'étais étudiant à Pristina.

22 M. Robinson (interprétation): Ah, je vois, vous étiez étudiant. Et quand

23 vous êtes-vous marié?

24 M. Shabani (interprétation): En 1987.

25 M. Robinson (interprétation): Je vois. Vous étiez donc marié à l'époque où

Page 6302

1 vous avez été arrêté?

2 M. Shabani (interprétation): Oui, c'est cela.

3 M. Nice (interprétation): Et d'après vous, quand l'UCK a-t-elle vu le

4 jour?

5 M. Shabani (interprétation): D'après moi, l'UCK… J'ai eu connaissance de

6 l'UCK en 1996.

7 Question: Quand pour la première fois avez-vous apporté votre soutien à

8 l'UCK?

9 Réponse: Au début de l'année 1996.

10 Question: A l'époque ou à ce moment-là, est-ce que l'UCK avait des visées

11 militaires? Est-ce que vous les aviez comprises ainsi? Est-ce qu'ils

12 avaient l'intention d'essayer de régler les problèmes par la force ou par

13 d'autres moyens?

14 Réponse: L'utilisation de la force n'était qu'un ultime recours pour

15 arriver à régler les difficultés ou la question du Kosovo. Et même à

16 l'époque, on estimait que si une solution politique était envisageable, il

17 fallait plutôt recourir aux moyens politiques.

18 Question: A ce stade initial, en 1996, est-ce que vous-même, vous étiez

19 membre militaire alors que vous étiez en Suisse?

20 Réponse: Non, il n'y avait pas de soldat de l'UCK en Suisse.

21 Question: Comment pourrait-on décrire votre participation? Vous

22 participiez simplement en qualité de journaliste?

23 Réponse: Oui, en leur apportant un soutien politique.

24 Question: Vous êtes retourné au Kosovo par la suite. Quel événement vous a

25 incité à retourner?

Page 6303

1 Réponse: Je suis retourné au Kosovo après les événements de Prekaz, où le

2 commandant Demi Jashari et les membres de sa famille, qui vivaient dans le

3 quartier inférieur de Prekaz, ont donc été tués, ce commandant Jashari et

4 les membres de sa famille, ce commandant légendaire.

5 Question: En raison de cet incident, qu'avez-vous fait?

6 Réponse: Eh bien, suite à cet événement, nous sommes partis pour

7 l'Albanie, nous avons obtenu des armes légères et des munitions, et on

8 nous a donné l'ordre de les emmener vers Drenica.

9 Question: Quand vous dites "nous", combien étiez-vous?

10 Réponse: Une trentaine.

11 Question: Comment êtes-vous entrés au Kosovo avec vos armes légères?

12 Réponse: Nous avions ces armes légères, nous avons voyagé dans les

13 montagnes du Kosovo pendant environ 70 heures.

14 Question: Vous veniez de quelle direction: du nord, du sud?

15 Réponse: Nous venions du nord de l'Albanie. Le village qui s'appelle Vlan.

16 Question: Une fois de retour au Kosovo, est-ce que vous avez cherché un

17 emploi ou est-ce que vous avez passé tout votre temps à œuvrer pour l'UCK?

18 Réponse: Je suis revenu afin de travailler en tant que journaliste pour

19 l'UCK, sous l'égide de l'UCK.

20 Question: Mais en fait, est-ce que vous avez travaillé en tant que

21 journaliste ou avez-vous assumé d'autres fonctions?

22 Réponse: Le quartier général m'a confié une autre tâche, c'est-à-dire

23 celle d'organiser les unités dans les municipalités de Shtime, Kacanik et

24 autres: Shtime, Kacanik, Malishevë et ainsi de suite.

25 Question: Il s'agissait donc d'une question militaire?

Page 6304

1 Réponse: Oui.

2 Question: Vous avez dit dans votre déclaration, qui bien sûr a été

3 communiquée dans son intégralité à l'accusé, aux amici curiae et peut-être

4 même à la Chambre, vous avez parlé d'un certain nombre de questions

5 concernant la structure de l'UCK. Je ne vais pas parler de cela dans les

6 détails. Vous me comprenez?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Vous avez parlé de quartier général.

9 Dites-moi juste: est-ce que l'UCK avait une structure officielle?

10 Réponse: Oui, même si, à l'époque, je ne sais pas qui était membre de

11 l'état-major.

12 Question: Néanmoins il y avait un quartier général qui émettait des

13 instructions que vous devriez suivre?

14 Réponse: C'est cela.

15 Question: Votre première tâche a été… Donc, dans le cadre de ce nouveau

16 rôle, eh bien, quelle a été votre première tâche? Pourriez-vous nous

17 l'expliquer?

18 Réponse: Il s'agissait de recruter de nouveaux soldats, de créer les

19 premières unités qui seraient opérationnelles dans les zones que j'ai

20 évoquées tout à l'heure.

21 Question: Qu'en est-il des armes? Comment l'UCK obtenait-elle des armes?

22 Réponse: La plupart de ces armes provenaient d'Albanie. Certaines armes

23 provenaient de la Tchécoslovaquie, de l'Etat serbe même. Et puis, il y

24 avait d'autres sources d'armes aussi obtenues selon les moyens du bord à

25 l'époque.

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1 Question: Avez-vous participé à un moment ou à un autre au transport

2 d'armes?

3 Réponse: Oui, j'y ai participé.

4 Question: Si quelqu'un souhaite vous poser des questions plus détaillées,

5 vous y répondrez le moment venu. Vous étiez donc commandant d'une sous-

6 zone, si l'on peut dire. A quelle date?

7 Réponse: A partir du début du mois de juin 1998, juin 1998.

8 Question: Combien de brigades étaient sous votre responsabilité?

9 Réponse: Au début, il ne s'agissait pas de brigade. Pendant la première

10 offensive, nous avons pu rassembler les différentes unités, l'unité

11 Çeliku, Sokoli et autres encore. Nous avons donc créé la Brigade 121 qui a

12 ensuite été intégrée à la sous-zone de Pashtrik.

13 Question: Bon, là, c'est peut-être un peu plus de détails que nécessaire,

14 mais vous pourrez, le moment venu, donner des détails de ce type si

15 l'accusé souhaite en savoir plus ou si d'autres souhaitent en savoir plus.

16 Venons-en maintenant à Racak. Racak était donc la zone dont vous étiez

17 responsable, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourrait-on maintenant mettre les deux grandes cartes que nous

20 avons ici à disposition sur les chevalets? Je pense que le témoin a un

21 micro portable, un micro cravate; il pourra donc se tourner vers les

22 chevalets.

23 Pouvez-vous rappeler les cotes de ces pièces? Madame Graham, pourriez-vous

24 m'aider?

25 94, intercalaire 73 pour les deux cartes. Il s'agit là de versions bien

Page 6306

1 plus grandes des cartes que l'on trouve également dans le classeur de

2 Racak.

3 Pour ceux qui ne sont pas dans le prétoire, voyons ce qu'ils peuvent voir.

4 Pour l'instant, il semblerait qu'on ne voie rien du tout.

5 L'échelle de la carte à gauche montre en fait qu'il y a toute la région de

6 la municipalité de Racak. Mais à droite, la carte de droite a une échelle

7 beaucoup plus petite et ne se concentre que sur la municipalité même de

8 Racak et non sur les environs comme la précédente.

9 La Chambre d'audience a déjà écouté les dépositions de M. Cayley au niveau

10 des considérations géographiques. Par conséquent, on pourra lire ceci,

11 même si la Chambre d'audience souhaite peut-être que certains noms de

12 collines, par exemple, soient re-mentionnés.

13 Monsieur Buja, pouvez-vous nous dire quel était l'objectif de la

14 construction de ces bunkers et de ces tranchées, aux environs et dans la

15 ville de Racak? Quand ceci a commencé et à quelles fins?

16 Il serait peut-être utile également d'avoir sur le rétroprojecteur

17 d'autres documents.

18 Je vous demande d'ouvrir ce document qui porte les cartes à la page 11.

19 C'est la pièce 83 que nous allons mettre sur le rétroprojecteur.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Les bunkers et les tranchées ont commencé à être construits ou creusés à

22 quel moment, Monsieur Buja?

23 Réponse: Cela a commencé en décembre 1998.

24 Question: Quelle était, en une phrase, l'importance de Racak comme

25 position pour l'UCK?

Page 6307

1 Réponse: Pour nous, les positions en amont de Racak étaient importantes

2 pour défendre les positions de l'UCK, par exemple. C'était très important,

3 car c'était le seul lien entre la zone de Pashtrik et le commandement

4 général de l'UCK.

5 (Les interprètes de la cabine albanaise demandent que le témoin parle plus

6 près du micro.)

7 Question: Pouvez-vous vous rapprocher du micro? Les interprètes ont des

8 problèmes pour vous entendre.

9 Si vous regardez la carte qui est maintenant sur le rétroprojecteur, et

10 regardez le carré de Stimlje et regardez le carré à côté de celui-là, à

11 gauche…

12 Il faudrait peut-être bouger un peu plus cette carte sur le

13 rétroprojecteur.

14 Y a-t-il une gorge qui est proche de Racak et qui était importante en

15 matière de déploiement de forces? Et si tel est le cas, pouvez-vous nous

16 la montrer sur cette carte?

17 Réponse: Importante pour les forces de l'UCK?

18 Question: Oui.

19 Réponse: Nous étions positionnés sur cette route et le bunker était au-

20 dessus de Racak, ici. Et ici, vous avez la route Kërkova-Recak.

21 Question: Oui, mais je m'intéresse à la gorge qui est à Lanishtë, c'est-à-

22 dire en bas à gauche de l'écran. Est-ce que vous pourriez nous la montrer?

23 Réponse: Vous voulez dire à la gorge de Luzhak? La gorge de Luzhak va de

24 Petrova… Vous avez une partie du village qui s'appelle Luzhak et la gorge

25 va jusqu'à Lanishtë qui était la frontière de la zone opérationnelle de

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1 Pashtrik et c'était notre lien avec le personnel opérationnel.

2 Question: Et quelle était l'importance de cette zone pour les zones

3 environnantes et pour le personnel de l'état-major?

4 Réponse: C'était très important car nous étions en contact permanent avec

5 l'état-major? Nous avions des contacts avec la zone opérationnelle de

6 Pashtrik et nous pouvions coordonner nos opérations si nécessaire. Nous

7 pouvions également fournir de la logistique le long de cette route et

8 toute la vie de notre zone opérationnelle dépendait de cette zone.

9 Question: Nous regardons à la droite des deux grandes cartes sur les deux

10 tableaux. Je vous demande d'utiliser votre micro-cravate ou votre micro

11 portatif, Monsieur le Témoin. Pouvez-vous nous montrer où se trouvaient

12 les bunkers que vous aviez construits en décembre 1998?

13 Réponse: Le bunker était dans cette position et ici, vous aviez les

14 différents couloirs qui connectaient les bunkers à la base. Ici, vous

15 aviez le bunker de l'UCK et ce bunker était relié à nos positions sur la

16 route de Kërkova.

17 Il y avait une montagne également que l'on appelle la gorge de Luzhak.

18 Vous ne pouvez pas vraiment le voir sur cette carte, cependant.

19 Question: Lors des principaux incidents à Racak, en janvier, est-ce que

20 vous aviez commencé à construire d'autres tranchées ou d'autres bunkers?

21 Réponse: Oui, nous avions commencé à en construire mais nous n'avions pas

22 terminé la construction, donc dans la direction de cette localité, c'est

23 là où les tranchées de défense de l'UCK se situaient.

24 Question: Mais est-ce qu'elles étaient déjà exploitables lors de

25 l'incident de Racak?

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1 Réponse: Non.

2 Question: Je voudrais revenir au village lui-même et, en utilisant cette

3 grande carte à votre droite, je voudrais savoir si l'UCK était présent

4 dans le village? Et si oui, pourriez-vous nous montrer exactement où les

5 forces se situaient dans le village?

6 Réponse: L'UCK avait des positions dans cette gorge; il y avait un garde

7 de l'UCK qui ne permettait pas aux civils d'entrer dans cette région.

8 C'est là que se situait l'unité de l'UCK.

9 Question: Le témoin a indiqué les emplacements des bâtiments et des

10 maisons qui sont à la droite de la figure 2 sur la carte.

11 Est-ce qu'il y avait un ou plusieurs bâtiments que l'UCK occupait?

12 Réponse: Oui, il y avait plusieurs bâtiments. Il y avait cinq ou six

13 maisons que nous utilisions pour loger nos soldats et pour le

14 ravitaillement de nos soldats.

15 M. Nice (interprétation): Eh bien, lorsque l'UCK était là –bien sûr, en

16 1999, ils étaient là-, est-ce que des villageois qui n'étaient pas membres

17 de l'UCK pouvaient entrer dans ces emplacements?

18 M. Shabani (interprétation): …

19 (L'interprète de la cabine française n'a pas d'interprétation de la cabine

20 albanaise.)

21 M. le Président (interprétation): Pas d'interprétation.

22 M. Shabani (interprétation): On ne permettait pas aux civils de rentrer

23 dans cette zone, car les villageois de Reçak quittaient leur village et

24 allaient à Shtime; ils étaient maltraités par la police.

25 M. Nice (interprétation): Donc ils étaient maltraités par la police. Est-

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1 ce que c'est parce qu'ils partaient en raison de l'UCK, ou est-ce que

2 c'est parce qu'ils avaient des liens avec l'UCK? Pourquoi nous parlez-vous

3 de cette maltraitance par la police?

4 Réponse: Il s'agit de villageois qui habitaient à Reçak et, lorsqu'ils

5 allaient à Shtime pour y faire des achats par exemple, ils n'avaient pas

6 de lien avec l'UCK, mais ils étaient cependant maltraités par la police.

7 Question: Et pourquoi ceci justifie-t-il qu'ils étaient exclus du village

8 qui était occupé par l'UCK?

9 Réponse: La première offensive a eu lieu en août 1998 et, durant cette

10 offensive, beaucoup de civils de Reçak sont partis parce que leurs maisons

11 ont été incendiées. Il y avait très peu de villageois. Des maisons nous

12 ont été remises volontairement par les villageois.

13 Question: Vous parlez de la première offensive en août 1998 à Racak;

14 étiez-vous présent à ce moment-là?

15 Réponse: J'étais présent mais je n'étais pas à proximité du village. Nous

16 n'avions pas de soldats sur ce territoire car, à Reçak, il n'y avait pas

17 d'unité de l'UCK et les seules unités de l'UCK était à Rance et à Jezerc.

18 Question: Donc vous avez entendu parler de la première offensive parce que

19 d'autres personnes vous ont dit. Est-ce exact?

20 Réponse: Oui, bien sûr, mais également dû aux flammes et à la fumée qui

21 sortaient des maisons.

22 Question: Est-ce que c'est suite à cela que l'UCK a décidé de renforcer sa

23 présence, et de construire des bunkers et des tranchées?

24 Réponse: Non, c'était en août 1998: nous n'avions pas encore de positions.

25 Question: C'est donc après cela que vous avez établi des positions?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: L'incident -vous avez l'incident de janvier 1999, cette

3 attaque-, d'après vous, à l'époque, qu'est-ce qui a été l'élément

4 déclencheur de cet incident?

5 Réponse: Il s'agissait de cette politique d'épuration ethnique mais, sur

6 la base des premières analyses, je dirais qu'il s'agissait du résultat

7 d'une opération qui était prévue avec le positionnement de forces serbes à

8 Shtime et à la gorge de Caraleva.

9 Question: Pour revenir au positionnement des forces, est-ce qu'il y a eu

10 un événement qui a été utilisé comme un événement déclencheur pour cette

11 attaque?

12 Réponse: Oui, la propagande serbe a dit qu'il y avait un officier de

13 police qui avait été tué et un autre qui avait été blessé. C'est un

14 incident qui a été provoqué par les forces serbes qui a occasionné

15 l'arrestation de villageois de Slivovë.

16 Question: Vous voyez donc sur la carte du rétroprojecteur que Slivovo est

17 dans le même carré que Racak et c'est tout à fait à l'extrême droite de ce

18 carré. Ceci représente donc une distance de six à huit kilomètres à vol

19 d'oiseau.

20 Y avait-il des connexions? J'espère que la Chambre d'audience peut voir

21 Slivovo; ce n'est pas très… C'est un peu flou, mais c'est juste en dessous

22 du n°20.

23 J'aimerais savoir donc s'il y avait des connexions ou des raisons, au

24 niveau logistique, entre les habitants et ce qui s'est passé à Slivovo et

25 ce qui s'est passé à Racak?

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1 Réponse: Non, il n'y avait pas de connexion, mais c'était un village avec

2 une population albanaise. Et la police serbe avait essayé de procéder à

3 des arrestations. Les villageois ont essayé de s'enfuir et on a ouvert le

4 feu. Et les unités de l'UCK sont venues à l'aide de la population. Il y a

5 eu une confrontation d'environ 40 minutes, mais nous ne savons pas s'il y

6 a eu des blessés ou des victimes lors de ces affrontements.

7 Question: S'agissait-il de forces sous votre commandement qui ont

8 participé à ces affrontements à Slivovo?

9 Réponse: Il s'agissait de forces qui étaient sur la ligne de front à

10 Mullopolc.

11 Question: Est-ce que ces forces étaient similaires ou différentes des

12 forces qui étaient dans la zone de Racak aux environs du 14 et du 15

13 janvier? S'agissait-il des mêmes forces ou de forces différentes?

14 Réponse: Non. L'unité de Racak était une autre unité, alors que l'unité de

15 Mullopolc faisait partie du 1er Bataillon de la 161e Brigade.

16 Question: Merci. Entre cet incident à Slivovo et l'attaque du mois de

17 janvier, est-ce que des annonces publiques avaient été mentionnées, et

18 qu'on avait donc parlé de revanche?

19 Réponse: Oui. Il y avait des signes. Tout d'abord, il y a eu la visite de

20 Vojislav Seselj qui a demandé une vengeance et il y a eu la position des

21 forces serbes dans les positions que j'ai mentionnées précédemment. Il y a

22 également les opérations paramilitaires que l'on a appelées "Black Hand",

23 donc "la Main noire", qui avaient tué plusieurs personnes à Shtime et à

24 Ferizaj.

25 Question: Si l'on divise ces trois sujets que vous avez mentionnés, vous

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1 avez tout d'abord la visite de Vojislav Seselj où il y a dit qu'il y

2 aurait des représailles. C'était pour quelle ville?

3 Réponse: C'était le même mois du massacre, ou plutôt avant le massacre, en

4 1999.

5 Question: Oui, mais pouvez-vous dire dans quelle ville il a mentionné des

6 représailles? Est-ce que c'était dans un discours? Dans quelle ville? Est-

7 ce que c'était une déclaration écrite?

8 Réponse: Il s'est rendu à Pristina et il s'est rendu également dans le

9 village de Graçanica; c'est là qu'il a fait un discours.

10 Question: En ce qui concerne l'unité "Black Hand", je poserai plus de

11 questions à ce sujet. Il s'agissait de paramilitaires et vous avez dit

12 qu'il y a eu des tueries dans la région de Stimlje et de Ferizaj, entre

13 l'événement de Slivovo et l'attaque de Racak?

14 Réponse: Il y a eu des tueries par les "Black Hand", même avant l'incident

15 de Slivovë et également après les bombardements de l'OTAN. Et les "Black

16 Hand" opéraient depuis longtemps. Ce n'était pas une unité paramilitaire

17 dans tout le sens du terme, mais c'est une unité qui était sous le

18 contrôle des politiciens de Belgrade.

19 Question: Nous y reviendrons un peu plus tard.

20 Donc il y a eu ces tueries et puis, comme vous nous l'avez dit, vous avez

21 parlé de ces indications de représailles, et il y a eu le positionnement

22 des forces serbes. Avant d'arriver à ce positionnement, je voudrais savoir

23 si, au début de 1999 ou à la fin de 1998, il y a eu un cessez-le-feu en

24 vertu d'un accord qui avait impliqué M. Holbrooke et l'accusé.

25 Réponse: Oui, il y a eu l'accord Holbrooke/Milosevic qui a eu lieu

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1 octobre, si je ne m'abuse, en octobre 1998. L'OSCE et ses observateurs

2 sont arrivés à ce moment-là.

3 Question: Le positionnement des forces serbes, que vous allez nous

4 mentionner en utilisant les cartes dans quelques instants, est-ce que ceci

5 était conforme à l'accord ou est-ce que cela violait cet accord?

6 Réponse: C'était tout à fait en violation avec cet accord et, pour cette

7 raison, le commandement de la zone opérationnelle de Nerodime a émis des

8 objections à l'OSCE sur le positionnement des forces serbes, car ceci

9 était précisément en violation de cet accord.

10 Question: Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, maintenant, en

11 utilisant le pointeur, en utilisant la grande carte et le micro portable,

12 nous indiquer où ces forces étaient déployées et, pour autant que vous le

13 sachiez, nous donner une indication du type de forces qui avaient été

14 déployées?

15 Réponse: Puis-je me lever?

16 Question: Allez-y.

17 Réponse: Les forces serbes ont été déployées dans une ville, Pishat ou

18 pinède de Shtime, et nous avons essayé, nous avons identifié 48 blindés,

19 des chars, des APC, etc. Et puis, ils étaient également positionnés dans

20 une autre localité (l'interprète n'a pas compris) où il y avait des

21 blindés.

22 Question: Pour le premier endroit, vous avez une cote A sur la carte et

23 puis, la deuxième localité que vous avez mentionnée, c'est le point C sur

24 la carte. Et vous arrivez maintenant au point B, n'est-ce pas? Alors,

25 parlez-nous de ce point B.

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1 Réponse: La zone C, que l'on appelle Pod i Gështenjeve, est A, c'est-à-

2 dire la pinède de Shtime, et vous avez également un positionnement sur la

3 gorge de Caraleva en direction… sur la route principale de Prizren.

4 C'étaient les positions des forces militaire serbes.

5 Question: Pourriez-vous nous donner une indication de l'effectif de ces

6 forces sur la position qui est marquée de la cote A sur la carte? Pouvez-

7 vous nous donner une idée également, autant que vous sachiez et si vous

8 l'aviez identifié à l'époque, de l'effectif des forces en positions B et

9 C?

10 Commencez par C.

11 Réponse: Eh bien, il y avait des tanks et il y avait d'autres chars qui

12 étaient dans une usine à papier qui était derrière cette colline; il y

13 avait trois chars qui étaient positionnés là. Mais nous n'étions pas en

14 mesure d'observer les autres forces.

15 Vous voyez ici, au point A, au niveau de la pinède, nous avons identifié

16 48 blindés. Et puis, dans la gorge de Caraleva, il n'y avait pas de

17 blindés, mis à part des camions et des Panzer non blindés. Et y avait

18 également un poste de contrôle de la police.

19 Question: Et en ce qui concerne B, y avait-il des positions au point B?

20 Réponse: Il n'y avait pas de positions au point B avant le 15 janvier,

21 mais, tôt le matin, aux environs de 7 heures, il y avait des tanks et des

22 Praga. Et ici, où nous étions, d'après notre position, nous avons pu voir

23 les blindés de transport de troupes ainsi qu'un Praga et également un

24 autre Praga qui était caché derrière ces maisons, ici.

25 Question: Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir maintenant.

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1 Vous nous avez indiqué sur la carte avec les points de référence et vous

2 avez mentionné que la position que vous occupiez ce matin-là est la

3 position n°10.

4 Je voudrais maintenant passer immédiatement à cette matinée que vous avez

5 mentionnée.

6 Quel était l'effectif des forces de l'UCK dans cette zone assez vaste de

7 Racak?

8 Réponse: Il y avait 47 soldats dans la zone de Racak, avec le personnel du

9 mess et des auxiliaires de ce type.

10 Question: Vous nous avez parlé des bâtiments que vous occupiez et vous

11 avez mentionné des bunkers, vous avez mentionné également des tranchées.

12 Est-ce que ces 47 soldats, est-ce qu'ils se trouvaient dans ces deux

13 emplacements ou est-ce qu'ils étaient dans d'autres parties du village?

14 Réponse: Ils étaient dans ces deux emplacements que j'ai mentionnés, et

15 puis, de la base où ils dormaient, ils se rendaient dans les bunkers. Il y

16 avait des gardes dans les bunkers et les bunkers étaient, de manière

17 générale, surveillés.

18 Mais sinon, à Racak, il n'y avait pas de soldat dans d'autres

19 emplacements.

20 Question: Comment l'incident a commencé, d'après ce dont vous vous

21 souvenez, et à quel moment de la journée?

22 Réponse: Après le massacre, nous avons analysé les opérations des forces

23 serbes.

24 Question: Avant de faire une analyse en aval, j'aimerais que vous nous

25 fassiez une analyse en amont; c'est-à-dire ce que vous avez vu, ce qui

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1 s'est passé, ce que les troupes ont vu, etc.

2 Réponse: Eh bien, au début de l'attaque, lorsqu'on a commencé à ouvrir le

3 feu sur nous, j'ai demandé à mes soldats de se rendre dans la position

4 qu'on appelle la "position vers le mur" et nous avons été rejoints par les

5 membres du Bataillon.

6 Question: Est-ce que cette position que vous appelez la "wall position",

7 la "position du mur", est celle qui porte la cote 10 sur la carte?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Vous vous êtes rendu dans cette position avec vos soldats et

10 vous avez vu qu'on avait ouvert le feu. Qui a commencé à ouvrir le feu?

11 Réponse: Ce sont les forces serbes qui ont ouvert le feu, ce sont eux qui

12 ont ouvert le feu.

13 M. Nice (interprétation): Est-ce que vous avez su tout de suite d'où

14 venaient ces tirs? Vous avez donné des indications sur des forces, les

15 endroits où les forces avaient été déployées: est-ce que vous pouviez

16 immédiatement savoir d'où venaient ces tirs?

17 M. Buja (interprétation): Les premiers tirs venaient du point B sur la

18 carte de Çesta, en direction de nos positions. Et puis, il y avait

19 également un soutien d'artillerie de la pinède, c'est-à-dire le point A,

20 mais également du point C, à savoir les collines de Gështenjëve.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, nous arrivons bientôt à

22 13 heures. Est-ce que ce serait un moment opportun pour s'arrêter?

23 M. Nice (interprétation): C'est le moment opportun pour faire la pause, si

24 moment opportun il y a.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Buja, vous êtes en train de

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1 déposer devant cette Chambre d'audience et vous devez vous rappeler que,

2 durant cette pause, vous ne devez pas -et durant d'autres suspensions

3 d'audience-, vous n'êtes pas autorisé à entrer en contact avec qui que ce

4 soit, y compris les membres de l'équipe de l'accusation.

5 Nous allons suspendre la séance jusqu'à 14 heures 30.

6 (L'audience, suspendue à 13 heures 02, est reprise à 14 heures 34.)

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, je vous en prie.

8 M. Nice (interprétation): Nous en sommes arrivés aux premiers tirs que

9 vous avez entendus; vous nous avez précisé également d'où vous avez

10 entendu ces premiers tirs.

11 Est-ce que vous pouvez maintenant dire à la Chambre ce que vous avez fait,

12 vous-même ainsi que les soldats, dans votre village?

13 M. Buja (interprétation): Il y avait la réponse des soldats: c'était une

14 rafale très brève à partir des positions qui étaient dans les bunkers, ce

15 qui voulait dire également aux autres soldats que c'était un

16 avertissement; il y avait une alarme qui était lancée: ils ont quitté la

17 base.

18 Question: Est-ce qu'ils ont réussi à partir de cette base ou non?

19 Réponse: Ils ont commencé à sortir, mais un certain nombre parmi eux ont

20 été attaqués et tués pendant qu'ils sortaient, qu'ils étaient en train de

21 sortir.

22 M. Nice (interprétation): Et combien ont été tués?

23 M. Buja (interprétation): Il y en avait huit qui ont été tués au cours de

24 ces premiers moments. Deux autres ont été tués dans les positions au

25 bunker: Ismajl Luma, un soldat qui était commandant, officier en

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1 permanence, et puis un autre également, Enver Rashiti, qui y était en

2 permanence. C'étaient deux soldats.

3 Par la suite, il y a eu deux autres soldats qui ont été tués au moment où

4 ils étaient en train de sortir; ils se trouvaient dans la cage de

5 l'escalier.

6 Deux autres soldats également ont été tués. Ils appartenaient à cette

7 base, à un endroit où le commandant de l'unité avait été blessé.

8 M. Robinson (interprétation): Le témoin a précisé qu'il y avait 47 soldats

9 au total. Merci.

10 M. Nice (interprétation): Nous pourrions peut-être vous montrer une autre

11 photographie.

12 Si vous voyez tout d'abord la carte qui est à droite, vous voyez qu'il y a

13 la position de l'UCK dans le village qui sur la route et qui est marqué

14 par la cote 2, n'est-ce pas?

15 M. Buja (interprétation): Oui, ici, à cet endroit-là. Je suis en train de

16 montrer avec le pointeur.

17 Question: Il s'agit d'une photographie qui a été tirée du classeur Racak,

18 intercalaire 7, volume 1; c'est la première photographie.

19 Auriez-vous l'amabilité, Monsieur le Témoin, de voir cette photographie?

20 Est-ce qu'il s'agit de la vue de l'endroit qui longe la route en direction

21 du lieu de crime n°2, où il y a d'autres localités?

22 Est-ce qu'on peut voir également l'endroit qui avait servi comme base,

23 enfin il y avait une maison qui était la base de l'UCK?

24 Réponse: Oui, ils se trouvaient ici, à cet endroit-là dans ce ravin.

25 Question: Je pense que c'était tout à fait au bord du village, n'est-ce

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1 pas?

2 Réponse: Oui, ils étaient à l'entrée du village.

3 Question: En d'autres termes, ils étaient quelque peu éloignés par rapport

4 au reste du village. Ils ont été coupés, ils pouvaient être coupés du

5 reste du village?

6 Réponse: Oui, étant donné que le village est quelque peu en contre-bas, un

7 peu plus bas, la base de l'UCK était isolée, séparée des civils et elle

8 était face au village.

9 Question: Je pense que dix personnes ont été tuées au cours de cette

10 première étape de l'attaque. Jusqu'à quelle heure le matin,

11 approximativement, ils ont été tués?

12 Réponse: Jusqu'à 7 heures du matin.

13 Question: Est-ce qu'initialement, au début, ils sont restés là où ils sont

14 tombés au moment où ils ont été blessés?

15 Réponse: Oui, ils ont été laissés sur place: il n'a pas été possible de

16 les évacuer; les blessés se sont retirés de la base.

17 Question: Est-ce que les blessés et ceux qui n'ont pas été blessés, les

18 membres de l'UCK se sont rassemblés quelque part et où?

19 Réponse: Oui, ils se sont regroupés, ils ont commencé le retrait. Mais il

20 y avait huit blessés; il a été indispensable de les emmener quelque part

21 ailleurs et c'est la raison pour laquelle ils ont battu en retraite du

22 côté de la vallée de Luzhak.

23 Le commandant Afet Bilalli, le commandant de l'unité, a été blessé. Il y

24 avait l'autre soldat également qui a été tué.

25 Question: Etiez-vous avec vos hommes au moment où ils se retiraient vers

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1 les gorges?

2 Réponse: Non, j'ai été sur la position n°10.

3 Question: Est-ce que vous avez riposté? Est-ce que vous avez tiré sur les

4 forces serbes?

5 Réponse: Oui, nous avons riposté par le feu sur les forces qui se sont

6 manifestées à Cesta. Il y avait des blindés, transporteurs de troupes; il

7 y avait donc des APC et une Praga également sur ces armes. Nous avons

8 tiré.

9 Question: Qu'est-ce que vous aviez pour pouvoir tirer à partir de votre

10 proposition n°10?

11 Réponse: Nous avions eu un mortier calibre 500 et puis il y avait d'autres

12 armes qui appartenaient à l'unité de reconnaissance du quartier général.

13 Question: Est-ce que c'était une seule position à partir de laquelle l'UCK

14 a tiré sur les Serbes très tôt le matin ou il y avait éventuellement

15 d'autres positions à partir desquelles l'UCK a tiré sur les Serbes?

16 Réponse: Le matin, c'était la seule position.

17 Question: Combien de temps êtes-vous restés sur cette position, en tirant

18 sur les Serbes?

19 Réponse: La position n°10 était une position où nous sommes restés en

20 permanence. Moi, je ne suis pas resté pendant la journée entière, car

21 j'étais obligé d'aller vérifier la ligne de front qui comprenait les

22 villages Petrova et Jezevc.

23 Question: Pendant combien de temps ont-ils tiré à partir de la position

24 n°10?

25 Réponse: C'est le feu sporadique qui venait de cet endroit-là.

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1 Question: Au cours de la journée toute entière?

2 Réponse: Oui, au cours de toute la journée et à partir de cette position.

3 Question: D'autres hommes, qui se sont retirés dans les gorges, étaient-

4 ils en position également d'attaquer les Serbes ou non?

5 Réponse: Les soldats qui se sont retirés ne pouvaient pas en gros

6 effectuer une attaque, étant donné qu'il y en avait qui avaient été

7 blessés. Huit ont été tués tout au début. Dix ont été tués avant 11 heures

8 et, même si leur état mental n'était pas tel qu'on pouvait facilement

9 attaquer au moment où nous avons commencé les opérations à Kërkova,

10 c'était en général des soldats des autres unités et pas les nôtres.

11 Question: Est-ce que vous pouvez nous montrer la route en direction de

12 Kërkova, car nous ne sommes pas sûrs que nous voyons cette route?

13 Réponse: On ne peut pas voir sur cette carte la route en question.

14 Question: Est-ce que vous pouvez vous référer à l'atlas?

15 Vous êtes en train de nous dire que les autres unités tiraient sur la

16 route de Kërkova. Est-ce que vous pouvez nous montrer cette route?

17 (Le témoin indique où se trouve la route.)

18 Réponse: Ils sont partis de Petrova. Ils ont traversé les gorges de

19 Luzhak; ensuite, cette route se poursuit vers le village de Rance. Et tout

20 ceci après 11 heures.

21 Question: Est-ce que l'UCK a tiré sur les forces serbes en direction de

22 cette route ou bien les forces serbes se trouvaient, d'après vous, sur

23 cette même route, d'après ce que vous comprenez ou ce que vous savez?

24 Réponse: Il s'agissait de riposte au feu qui venait de l'autre côté. Les

25 forces serbes étaient tournées vers le village; elles étaient stationnées

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1 dans la région de Racak alors que nous, on tirait à partir de la route de

2 Kërkova. Mais on ne pouvait pas vraiment se positionner comme il faut.

3 Question: Mais vous nous avez dit que les forces serbes étaient déployées

4 dans les trois positions: au nord et l'est, en général, de Racak. Est-ce

5 qu'on tirait sur ces positions A, B et C ou bien, éventuellement, y avait-

6 il une autre position où se trouvaient les Serbes, d'où ils tiraient?

7 Réponse: Non. De la position A, Pishat, de Cesta, de la position C, de Pod

8 i Gështenjeve. Ce sont des tirs qui ont permis à nos soldats de battre en

9 retraite du côté des positions qui étaient du côté des bunkers; les Serbes

10 étaient déployés autour de Racak. Et puis, il y a une autre partie de

11 Serbes qui est arrivée de Çesta; il y avait l'infanterie qui avançait vers

12 le village.

13 Question: Vous allez donc me corriger si je ne vous ai pas bien compris.

14 D'abord, les Serbes se sont regroupés au sud de Racak, ainsi que dans les

15 renforts que vous avez eus auparavant au nord de Racak, et ils tiré sur

16 les membres de l'UCK; est-ce que c'est correct?

17 Réponse: Oui. Ils ont occupé nos anciennes positions et c'est dans ce

18 sens-là que avons ouvert le feu.

19 Question: Entendu. Ensuite, le temps passait au cours de la journée: vous

20 nous avez dit quelles étaient vos activités. Que s'est-il passé avec les

21 cadavres, avec les corps qui gisaient des soldats qui ont été tués le

22 matin?

23 Réponse: Vous pensez aux corps des soldats qui ont été tués?

24 Question: Oui, tout à fait.

25 Réponse: Il y avait un soldat qui a été tué plus tard, dans une autre

Page 6324

1 position quelque peu au sud, et son corps a été transféré autour de 11

2 heures.

3 Le commandant a été blessé ici, à cet endroit-là que je suis en train de

4 montrer sur la carte. Il a réussi, par une communication radio, à se

5 mettre en contact avec nous, étant donné qu'il était grièvement malade. Et

6 une fois que la nuit est tombée, nous voulions l'aider, nous ne pouvions

7 pas; nous pouvions le faire uniquement au moment où les forces serbes

8 commençaient à battre en retraite. C'est la raison pour laquelle nous

9 sommes retournés vers nos positions.

10 C'est là que nous avons trouvé des soldats morts. Il y en avait un qui

11 était dans le bunker, un autre à côté, à proximité. Ensuite, les soldats

12 ont donc commencé à se diriger vers la base; ils ont trouvé un soldat à

13 côté du canal qui conduisait vers le bunker. Ensuite, il y avait un autre

14 soldat qui a été tué à l'extérieur et au niveau de la dernière maison par

15 rapport à notre base, il y avait deux soldats qui ont été tués un peu plus

16 loin; ensuite, un autre soldat, Skender Qarri, qui a été trouvé à côté du

17 soldat, qui a été blessé, Bilalli.

18 Question: Est-ce que ces cadavres ont été transférés la nuit?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et pourriez-vous nous dire si, ultérieurement, ces cadavres ont

21 été enterrés, si des obsèques militaires ont été organisées?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Dans quel village, s'il vous plaît? Est-ce que vous pouvez nous

24 nommer le village?

25 Réponse: Ils ont été enterrés à Mullopolc; c'est ce qui a été ordonné par

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1 notre commandant.

2 Question: C'était au sud de Stimlje, n'est-ce pas, si on regarde de Racak?

3 (Monsieur Nice s'excuse parce qu'il n'a pas parlé dans le micro.)

4 Réponse: Il s'agit d'un village qui est au sud de Shtime et un peu plus

5 loin de Racak.

6 Question: Est-ce que, au moment où vous avez trouvé les corps des soldats,

7 vous avez trouvé également un civil, éventuellement, ou des civils?

8 Réponse: Il y avait des civils qui avaient été tués, mais leurs corps

9 n'ont pas été enlevés, car nous avions l'ordre selon lequel il fallait

10 enlever uniquement les corps de l'UCK; c'était un ordre qui nous a été

11 délivré, qui était un ordre en vigueur tout au long de la guerre. Il ne

12 fallait pas laisser les soldats morts, mais il fallait les enterrer.

13 Question: Pouvez-vous maintenant jeter un coup d'œil sur la partie droite

14 de ces deux cartes?

15 Ce qui m'intéresse, ce sont les choses suivantes: premièrement, il y a des

16 localités qui ont été désignées; on va commencer par le n°1, on laisse de

17 côté 2, ensuite, au nord, 3 et 4, à l'ouest 3 et 5 –c'est le ravin- et

18 enfin il y a 6, qui est en haut par rapport à la colline de Çesta.

19 Est-ce que l'UCK et les soldats de l'UCK étaient déployés sur les

20 positions que je viens de citer au cours de la journée?

21 Réponse: Non. Uniquement sur la position n°2 où se trouvait le siège, la

22 base de l'UCK.

23 Question: Et sur cette carte, à gauche, il y a un certain nombre de

24 localités où les crimes avaient été commis. Il y a des noms de personnes

25 pour lesquelles on affirme qu'elles avaient été tuées sur ces endroits,

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1 outre le ravin où il y a un très grand nombre de personnes qui avaient été

2 trouvées. C'est la raison pour laquelle on n'a pas cité leurs noms. Mais

3 si nous citons également les noms de ceux qui avaient été tués sur la

4 position n°2, est-ce que vous avez vu tous ces noms? Est-ce que vous

5 pouvez nous dire si, parmi ces noms-là, il y a des noms des soldats de

6 l'UCK?

7 Réponse: Oui, j'ai vu ces noms, mais aucun nom que vous avez mentionné ne

8 peut être mis en connexion, en liaison avec les membres de l'UCK.

9 Question: Et quand, pour la première fois, avez-vous appris que quelque

10 chose s'était passé dans le village? Et là, j'ai en vue des civils, la

11 population civile.

12 Réponse: Ceci s'est passé au moment où la population civile a quitté le

13 village. Il y avait un certain nombre de blessés également parmi les

14 civils. C'est le commandant de la zone et les représentants de l'OSCE qui

15 se sont retrouvés et les civils de Racak ont rencontré également le

16 commandant. C'est lors de cette réunion que nous avons appris qu'un

17 massacre avait eu lieu à Racak. Nous étions assez prudents vis-à-vis de

18 cette information parce qu'au cours de cette journée, nous avons reçu

19 beaucoup d'autres informations. C'était la nuit, le 15 janvier.

20 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous rendre sur les lieux,

21 de vérifier si les rumeurs étaient exactes?

22 Réponse: On n'a pas pu le faire au cours de la nuit du 15 janvier. Il

23 faisait froid, c'était l'hiver, il y avait beaucoup de neige, il faisait

24 noir, et nous ne nous sommes même pas dirigés vers ces localités. A la

25 place, nous avons pris la décision de nous y rendre le lendemain matin, au

Page 6327

1 moment où les observateurs et les représentants de l'OSCE devaient s'y

2 rendre. Fehmi Mujota, également qui était chargé des Affaires politiques,

3 devait s'y rendre.

4 Question: Est-ce que vous vous êtes vous-même rendu dans ce ravin pour

5 voir ce qui s'était passé?

6 Réponse: Il y avait l'équipe de l'OSCE qui s'y est rendue et il y avait

7 également un de nos représentants qui était sur place. Mais ceci a eu lieu

8 le 16 janvier.

9 Question: Est-ce que vous étiez vous-même, parmi ces gens-là qui se sont

10 rendus sur place?

11 Réponse: Moi, je suis allé à l'endroit que vous signalez, plus tard, une

12 fois que William Walker s'est rendu à Reçak.

13 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

14 vais maintenant demander au témoin de voir la cassette vidéo qui a été

15 enregistrée dans ce ravin. Et ceci pour deux raisons: premièrement, je

16 vais lui demander de dire à la Chambre si, éventuellement, d'après ce

17 qu'il va voir sur la cassette, il y avait parmi les gens qui gisaient sur

18 le sol, il y avait des soldats de l'UCK et si les vêtements que ces

19 personnes portent sont des vêtements que portaient les membres de l'UCK.

20 Par la suite, cette cassette vidéo rendra possible également quelque chose

21 dont j'ai parlé déjà tout au début, quand j'avais annoncé ce témoin, quels

22 sont les types de blessures également.

23 Je pense que la cassette vidéo porte la cote 95, la pièce à conviction 95.

24 Elle est déjà dans la cabine technique et il s'agit du numéro ERN1599.

25 Je remercie l'huissier, M. Higgins.

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1 Nous avons également quelques notes qui accompagnent ces deux cassettes

2 vidéo. Il y a d'abord une séquence qui dure 29 minutes et une autre 2

3 minutes. Trois, quatre minutes.

4 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction 95A.

5 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il s'agit de la pièce à conviction

6 95: 95A est un extrait qui a déjà été montré par Lord Ashdown.

7 Etant donné que là également il s'agit d'un extrait, c'est Mlle Graham qui

8 me fait rappeler qu'il y a un certain nombre de détails dont je manque,

9 donc je pense qu'il faudrait verser cette pièce à conviction sous la cote

10 95B. Moi je pense qu'il y a un certain nombre également de bruits que nous

11 pouvons en entendre. Il y a une interview en albanais; je pense que les

12 interprètes vont pouvoir suivre et que nous allons tous, dans le prétoire,

13 pouvoir suivre également ce qui se dit sur la cassette, pas seulement les

14 images.

15 (Diffusion de la vidéo.)

16 Voilà la fin de cette séquence-là, mais je crois qu'il y aura peut-être

17 une autre séquence.

18 Mais j'aurais d'abord deux questions à vous poser, si cela ne pose pas de

19 problème à la régie. Est-ce que l'un ou l'autre des hommes que l'on voit

20 dans cette séquence vidéo était membre de l'UCK?

21 M. Buja (interprétation): Non, aucun.

22 Question: Comment les vêtements qu'ils portaient se comparent-ils avec les

23 vêtements typiques portés par les membres de l'UCK à l'époque?

24 Réponse: On ne peut pas les comparer parce que les soldats de l'UCK

25 arboraient des uniformes, leurs uniformes, des vêtements tout à fait

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1 différents.

2 Question: Y a-t-il eu à l'époque des exemples, à l'époque, de personnes

3 qui portaient des vêtements tels que ceux que nous avons vus, mais qui

4 étaient en fait des soldats de l'UCK ou bien non?

5 Réponse: Non, pas dans ce genre de vêtements. Nous portions des habits

6 civils, uniquement, pour ce qui est de nos sous-vêtements. Nous n'avions

7 pas tous les éléments d'un uniforme pour ce qui est des sous-vêtements,

8 mais à l'extérieur, nous portions toujours des habits militaires.

9 Question: Merci, est-ce qu'on peut voir maintenant la séquence suivante,

10 s'il vous plaît?

11 (Diffusion de la vidéo.)

12 "Je pense que vous avez vu le visage de l'ennemi, l'ennemi qui a kidnappé,

13 enlevé ces civils albanais et qui les a amenés ici afin d'être massacrés.

14 Ces images reflètent bien le visage véritable de l'ennemi. L'UCK a

15 toujours voulu défendre et protéger ces civils; nous ne pouvons rien

16 rajouter à cela. Je crois que cela suffit, ce que vous voyez maintenant de

17 vos propres yeux suffit, je pense. Il ne s'agit pas seulement d'un

18 massacre serbe mais d'un massacre dont la communauté internationale porte

19 aussi une certaine responsabilité.

20 Les forces serbes ont pris position à Shtimje et d'autres positions. Le

21 fait qu'ils se soient emparé de ces positions était contraire en violation

22 de l'accord. Nous-mêmes, nous nous sommes conformés à cet accord, mais ils

23 ont contourné le village pour pouvoir mener cette offensive. Et je n'ai

24 rien d'autre à dire." (Fin de l'interprétation de la séquence vidéo.)

25 C'était vous-même que l'on voit parler dans cette séquence, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Il y avait deux personnes à vos côtés. Donc nous avons pu voir

3 comment vous étiez habillé, mais qui étaient ces deux autres personnes?

4 Réponse: Mes officiers.

5 Question: Ces vêtements que vous portiez étaient-ils typiques ou atypiques

6 pour les soldats de l'UCK à l'époque?

7 Réponse: Les soldats de l'UCK arboraient de tels uniformes mais il y avait

8 d'autres uniformes également, mais c'étaient tous des uniformes

9 militaires.

10 Question: Maintenant, j'aimerais aborder quelques autres points concernant

11 cet incident: un soldat typique de l'UCK, à l'époque, portait combien

12 d'armes?

13 Réponse: Les soldats de l'UCK portaient des armes automatiques. Certains

14 d'entre eux avaient des calibres de 47, des AK47. Il y avait des soldats

15 aussi qui n'étaient pas munis d'armes automatiques, mais qui avaient des

16 12.7, 7.9, des calibres donc. Et puis il y avait aussi des 10.7, 7.9,

17 armes auxiliaires et parfois des revolvers.

18 Question: Un soldat typique portait-il en général plus d'une arme à un

19 moment donné ou non?

20 Réponse: Nous n'avions même pas suffisamment d'armes pour en fournir à

21 chaque soldat, donc sans parler d'en fournir deux à un même soldat.

22 Question: Vous avez perdu dix soldats dans les phases initiales; vous avez

23 perdu le contrôle de la base que vous aviez dans le village, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui, nous avons perdu huit soldats au début des combats, puis un

25 autre sur la colline vers les 11 heures, et huit soldats ont également été

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1 blessés, des blessures de gravité différente.

2 Question: Pouvez-vous nous dire, de façon générale, combien d'armes vous

3 avez ainsi perdu ou combien d'armes ont été ainsi livrées aux forces

4 serbes ou à d'autres forces qui sont entrées dans le village?

5 Réponse: Nous avons perdu quatre fusils automatiques, également quelques

6 12.7 et quelques 7.9.

7 Question: Combien de 7.9 aviez-vous en tout?

8 Réponse: Un 7.9 et un 12.7.

9 Question: A l'époque, saviez-vous qu'une enquête avait lieu ou devait

10 avoir lieu, enquête menée par un juge, enquête à Racak?

11 Réponse: Pardon, vous vous référez à quelle période?

12 Question: Après l'attaque et après que l'OSCE a eu visité les lieux.

13 Réponse: Oui.

14 Question: Vous nous avez donné le nom de cette juge, vous nous avez aussi

15 parlé des pertes en armes, pertes subies par les soldats individuels, en

16 fait, le plus grand nombre d'armes qui auraient pu être ainsi perdu.

17 Est-ce qu'il y avait une cache d'armes, un autre entrepôt d'armes dans

18 d'autres bâtiments?

19 M. Buja (interprétation): Ils ont peut-être pris quatre armes automatiques

20 qu'ils ont saisies sur les corps des soldats tués. Ils ont peut-être pris

21 deux armes à bandoulière, avec des munitions, que nos soldats avaient

22 également et toute une quantité de munitions de fusil automatique.

23 M. Nice (interprétation): J'aimerais maintenant demander au témoin de bien

24 vouloir visionner une autre séquence. Comme je l'ai dit hier, c'est une

25 séquence que nous venons de recevoir, que les autorités serbes viennent de

Page 6332

1 nous soumettre dans le cadre de l'enquête ou de l'instruction de la Juge

2 Marinkovic.

3 Il s'agit de la vidéo 0003923. Nous devons attribuer une cote à cette

4 pièce.

5 Mme Ameerali (interprétation): Pièce de l'accusation n°210.

6 M. Nice (interprétation): Merci. Est-ce qu'on pourrait maintenant

7 visionner la vidéo et je vous demanderai, Monsieur Buja, de bien vouloir

8 suivre, regarder la vidéo pour pouvoir nous dire par la suite s'il

9 pourrait s'agir, en tout ou en partie, d'armes saisies auprès de l'UCK à

10 Racak, à l'époque.

11 (Diffusion de la vidéo.)

12 Ce serait bien qu'on fasse une pause maintenant.

13 D'après ce que vous venez de voir, est-ce que vous pensez qu'il est

14 possible qu'il s'agisse là d'armes dont les soldats de l'UCK ont été

15 dessaisis?

16 Réponse: Oui, cela ressemble à nos armes, notamment l'arme lourde, les

17 12.7 millimètres, et les armes automatiques. Mais pas les autres munitions

18 et pas non plus la grande pile d'armes que l'on y voit.

19 Question: Alors, veuillez continuer à faire passer cette vidéo. Merci.

20 (Diffusion de la vidéo.)

21 (Fin de diffusion de la vidéo.)

22 Est-ce qu'on pourrait encore visionner un autre bout de cette séquence?

23 (Diffusion de la vidéo.)

24 On peut peut-être avancer plus rapidement pour arriver au bout de la

25 séquence?

Page 6333

1 Voilà. Si on peut faire une pause ici…

2 Les armes que vous venez de voir, qu'en dites-vous quant à la possibilité,

3 puisque nous n'avons pas encore pu traduire le rapport qui n'existe qu'en

4 serbe, puisque nous ne l'avons reçu qu'il y a quelques jours, mais que

5 diriez-vous de la possibilité que ces armes soient des armes de l'UCK? Que

6 diriez-vous concernant leurs conditions d'entretien, leur propreté et

7 ainsi de suite?

8 Réponse: Il s'agit d'une très grande quantité d'armes. Nous n'avions pas

9 un aussi grand nombre d'armes. Même si deux unités avaient rejoint les

10 unités de Racak et de Rance… Il y a là… On a vu une très grande quantité,

11 un très grand nombre d'armes et l'on sait bien qu'à notre base, neuf

12 soldats ont été tués. Il y a bien trop d'armes ici que pour neuf soldats.

13 Une arme de 12.7 millimètres et l'autre de 7.9 a été saisie, donc le

14 nombre que l'on voit ici est bien trop élevé.

15 Question: (Inaudible.)

16 Réponse: Tout d'abord, les soldats de l'UCK n'avaient pas d'armes

17 automatiques avec des baïonnettes; ils n'avaient que des fusils, des armes

18 sans baïonnette. Et aussi, les grenades: il n'y avait même pas de grenades

19 en possession des unités spéciales qui étaient sous la responsabilité du

20 commandant de zone. Même ces unités-là n'avaient pas autant de grenades.

21 Question: Merci. Je ne vais donc pas entrer dans les détails.

22 Pour ce qui est du reste de la vidéo, il y aurait un autre extrait, le

23 n°4, mais je ne vais pas m'appesantir. L'accusé pourra s'y référer s'il le

24 souhaite et poser des questions à ce propos.

25 D'autres questions de caractère général.

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1 Le village de Racak: vous étiez quelque peu préoccupé par le déploiement

2 des troupes serbes et d'autres éléments; vous anticipiez une offensive.

3 Est-ce que vous avez donné des conseils au villageois?

4 Réponse: De façon générale, nos soldats et le département, ou ceux qui

5 s'occupaient des relations avec les civils, étaient toujours en discussion

6 avec les villageois lorsqu'il y avait un danger en perspective comme en

7 1998. Et à l'époque, donc depuis Rance, nous avions averti les civils

8 qu'il y avait un danger d'offensive serbe. Et donc, avant que les combats

9 ne commencent à Racak, nous les avons avertis, nous ne leur avons jamais

10 donné pour ordre de partir et la plupart d'entre eux, la majorité des

11 habitants de Racak, ont décidé de rester dans le village.

12 Question: Deux autres documents. J'aimerais que vous étudiiez brièvement

13 la pièce 179 d'abord. Il s'agit de documents qui ont déjà été versés. Il

14 s'agit là d'un document que le général Maisonneuve a déjà commenté en ce

15 qui concerne une conversation du 16 janvier, lors d'une réunion à laquelle

16 assistait le colonel Bogoljub Janicijevic.

17 Est-ce qu'on pourrait mettre l'anglais sur le rétroprojecteur et soumettre

18 l'original au témoin qui, je pense, pourra lire? Enfin, plutôt la

19 traduction en BCS pour le témoin.

20 J'aimerais vous indiquer certains passages; je vous demanderai de faire

21 quelques commentaires à ce propos.

22 A peu près au milieu de l'écran, on voit un passage qui se lit comme suit.

23 J'aimerais que vous fassiez une remarque quant à l'exactitude de ce

24 passage et -je cite-: "Quinze terroristes soupçonnés d'avoir été tués:

25 avons essayé de les retrouver, personne dans le village. Nous nous sommes

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1 rendu dans la forêt. Les bunkers au-dessus du village. Pensons que le

2 quartier général à Ljuznic où un large a ouvert le feu avec un fusil de

3 12,7 millimètres. L'UCK a utilisé des tirs embusqués, les MG chinois ont

4 tiré des mines en direction de la police et des mortiers chinois de 80

5 millimètres sur la colline. La police a mené des recherches, des fouilles

6 avant d'arriver au bunker. Se sont arrêtés en raison des tirs, mais après

7 avoir expulsé le personnel des bunkers qui a pris la fuite vers la

8 colline. Ont trouvé des armes Browning 2HMG, quelques mines pour lance-

9 roquettes, dont une mitrailleuse antiaérienne, 36 armes automatiques,

10 2.000 munitions, 2 fusils snipers et autres armes." (Fin de citation.)

11 Que pourriez-vous nous dire de l'exactitude de ce passage?

12 Réponse: Non.

13 Question: Peut-être y a-t-il un petit problème d'interprétation.

14 Que pouvez-vous dire quant à l'exactitude de ce passage ou d'une partie du

15 passage? Y a-t-il eu 15 terroristes tués?

16 Monsieur Buja, m'entendez-vous bien?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Y a-t-il eu 15 terroristes tués ou moins de 15, partant du

19 principe que "terroristes" est ici synonyme de l'UCK?

20 Réponse: Tout d'abord, quand on dit quartier général à Luzhnicë, je ne

21 sais pas à quoi on fait allusion. J'ai un document sous les yeux en serbo-

22 croate et on y lit Ljuznic: cela ne faisait pas partie de ma zone de

23 responsabilité. C'est très loin de Racak donc je ne peux pas vous dire

24 s'ils se sont emparés d'armes, de quelques armes que ce soit. Mais l'unité

25 de Racak et à la base de Racak, 4 fusils automatiques ont été saisis et

Page 6336

1 j'ai déjà dit qu'il y avait une arme de 12,7 et une autre de 7,9.

2 Question: Ainsi, si on dit qu'à Ljuznic -que nous pouvons trouver sur la

3 carte à la page 11, il s'agit du P19, on voit cela vers le haut;

4 manifestement c'est à une dizaine de kilomètres de distance-, s'ils ont

5 trouvé quelques-uns de ces objets, est-ce que cela avait un rapport

6 quelconque avec l'activité de l'UCK à Racak?

7 Réponse: Non, car nous n'avions aucune unité de nos zones, unités ayant un

8 rapport avec notre zone à Luzhnicë.

9 Question: Est-ce que l'huissier voudrait bien maintenant tourner la page?

10 A la page 2, au milieu de la page 2, on y voit une référence à peu près au

11 milieu de l'écran. On voit: "Au début de l'opération, avons vu des hommes

12 habillés de noir, en uniforme noir, policiers de l'UCK qui se servaient de

13 femmes et d'enfants comme d'un bouclier."

14 Plusieurs questions: est-ce que l'UCK avait certaines troupes, certains

15 soldats qui arboraient des uniformes noirs, oui ou non?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Y avait-il des troupes de l'UCK arborant des uniformes noirs,

18 déployés à Racak ce jour-là?

19 Réponse: Non, pas à Racak.

20 Question: A-t-il été question de situations dans lesquelles l'UCK se

21 servait de femmes et d'enfants comme de boucliers à Racak, ce jour-là ou à

22 n'importe quel moment? Mais ce qui nous intéresse ici, c'est à Racak, ce

23 jour-là, en particulier.

24 M. Buja (interprétation): Bien sûr que non. Il s'agissait de la population

25 albanaise, il s'agissait de la famille et des cousins, des proches et des

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1 parents des soldats eux-mêmes.

2 M. Nice (interprétation): Est-ce qu'on peut maintenant voir le deuxième

3 document qui est déjà une pièce enregistrée en date du 16 janvier 1999?

4 Il s'agit d'un rapport à l'intention du MUP de la République de Serbie

5 concernant des événements ayant eu lieu ce jour-là. Je ne vais pas

6 maintenant entrer dans tous les détails, ce serait une perte de temps. On

7 pourra par la suite l'examiner plus avant.

8 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction de

9 l'accusation n°211.

10 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup.

11 Il s'agit donc d'un rapport qui aurait été rédigé le jour même ou au

12 moment des faits.

13 J'aimerais vous demander votre concours, Monsieur Buja, concernant

14 l'exactitude de certains points. Si on pouvait mettre ça sur le

15 rétroprojecteur, l'original, enfin la version anglaise? Merci.

16 A la deuxième page, on y voit un paragraphe qui commence comme suit: "Le

17 15 janvier". On y parle de Racak.

18 Puis, au paragraphe suivant, on y voit que "les combats avec les

19 terroristes ont duré jusqu'à 15 heures 30 et, pendant les fouilles, le

20 ratissage du village, des tirs ont été ouverts par les tirs dirigés contre

21 les policiers utilisant une mitrailleuse antiaérienne 12.7 et des

22 mortiers. Le groupe terroriste a été éliminé, supprimé grâce aux efforts

23 intenses des policiers".

24 Que dites-vous quant à l'exactitude de ce passage, Monsieur le Témoin:

25 l'exactitude ou la véracité, ou l'inexactitude de ce passage?

Page 6338

1 M. Buja (interprétation): Ce sont les Serbes qui ont tout d'abord ouvert

2 le feu à partir de Çesta, la colline de Çesta. Et à 15 heures, selon les

3 analyses qui ont été faites ultérieurement, donc à 15 heures, les

4 opérations ont commencé, opérations qui ont duré jusqu'à 18 ou 19 heures

5 en silence, sans tir, jusqu'à ce qu'ils aient repris position.

6 M. Nice (interprétation): Si nous regardons, si nous lisons ce qu'il y a

7 un plus loin sur la même page, on y lit -je cite-: "Pendant l'opération,

8 quelque 60 membres du groupe terroriste Siptar ont été liquidés". Vous

9 nous avez déjà dit que dix, environ dix ont été tués; les autres qui sont

10 morts n'avaient rien à voir avec l'UCK. Est-ce bien exact?

11 Au bas de la page, on lit: "On a trouvé ce qui suit parmi les terroristes

12 morts: trois mitrailleuses antiaériennes…".

13 Dites-moi si ce serait vrai ou faux qu'on ait retrouvé trois mitrailleuses

14 antiaériennes?

15 Réponse: Non, on a seulement trouvé une arme 12.7.

16 Question: Puis, on continue: "…36 fusils automatiques, 1.802 munitions de

17 différents calibres, des grenades à main...".

18 Est-ce que ce serait exact? Est-ce que cette description est exacte? Je ne

19 suis pas sûr de bien vous comprendre. Vous dites que ces armes ont été

20 retrouvées ou n'ont pas été retrouvées?

21 Réponse: Inexact.

22 Question: Merci.

23 (Les interprètes demandent au témoin de se rapprocher du micro.)

24 Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous rapprocher du micro afin de

25 faciliter la tâche des interprètes?

Page 6339

1 Je n'ai plus que quelques questions au sujet de ce témoin.

2 En 1998 et en 1999, vous avez observé des forces serbes. Vous avez donc

3 observé donc des forces militaires serbes. Est-ce que vous avez également

4 observé des forces serbes de police?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Avez-vous observé des activités de groupes paramilitaires? Vous

7 avez déjà parlé des "Black Hand": est-ce que vous avez vu d'autres groupes

8 paramilitaires?

9 Réponse: Nous avons vu des groupes paramilitaires qui portaient également

10 des uniformes noirs; ils avaient des uniformes blancs durant l'hiver. Les

11 "Black Hand" sont très connus au sein de la population civile albanaise,

12 car ils opéraient durant la nuit et tuaient des civils.

13 Question: Avez-vous eu la possibilité d'intercepter les messages radio

14 émanant de ces groupes, que ce soient des groupes militaires, des groupes

15 de police ou paramilitaires?

16 Réponse: En ce qui concerne l'armée et la police, nous avons intercepté

17 des messages codés très brefs, mais également des conversations non

18 cryptées, mais nous n'avons jamais pu être en mesure d'intercepter de

19 longs messages. D'après les informations que nous avons obtenues des

20 civils, ils utilisaient d'autres moyens de communication, comme par

21 exemple des téléphones portables.

22 Question: D'après les conversations que vous avez interceptées entre

23 l'armée et la police, qu'avez-vous déduit en ce qui concerne les

24 structures qui contrôlaient d'autres structures?

25 Réponse: En général, c'était l'armée qui était responsable et la police

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1 était sous les ordres de l'armée. De cette manière, ils mettaient en

2 oeuvre des opérations conjointes; le massacre de Reçak a été une opération

3 conjointe entre les forces de police et l'armée. Et dans ces groupes

4 conjoints, il y avait également des membres civils de la population serbe,

5 ainsi que des membres des groupes que l'on appelle les groupes

6 paramilitaires.

7 Question: Avez-vous été en mesure d'identifier à quel niveau l'armée

8 exerçait les commandes sur les forces militaires et sur la police, d'après

9 les messages que vous avez interceptés?

10 Réponse: Eh bien, l'armée, comme je l'ai dit, assurait le contrôle à un

11 haut niveau. Nous avions entendu des noms, des numéros, comme par exemple

12 401 –c'était le numéro de l'unité, l'unité 401-; il y avait d'autres

13 numéros. Nous savons que le n°401 était mentionné assez souvent. Je pense

14 que le niveau de commande était à un niveau d'armée.

15 Question: En ce qui concerne le niveau précis, le niveau hiérarchique ou

16 le grade, le niveau duquel les instructions étaient données ou le poste à

17 partir duquel les instructions étaient données, est-ce que vous avez été

18 en mesure de le déterminer?

19 Réponse: Cela pourrait être au niveau d'un colonel.

20 Question: Avez-vous entendu des instructions spécifiques qui ont été

21 données et qui ont eu des conséquences sur la situation des Albanais du

22 Kosovo, notamment après le début des bombardements de l'OTAN?

23 Réponse: Oui, de manière continue, avec des liaisons radio. Nous avons pu

24 également faire des recoupements et, par le biais de la communication

25 radio, nous avons pu intercepter des mots tels que "bande de terroristes"

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1 qui faisaient référence à des civils qui se dirigeaient vers la gorge de

2 Caraleva en direction de l'Albanie.

3 En fait, il y avait des déplacements de population albanaise de tous les

4 environs. Donc je n'étais pas en mesure de voir cette colonne, ce convoi

5 de personnes. J'étais en mesure de voir, d'une certaine manière, qu'il y

6 avait un ordre qui avait été appliqué, un ordre émanant de la police

7 serbe.

8 Question: Alors, vous avez parlé de ce que vous avez vu. Ce qu'il

9 m'intéresse de savoir, c'est ce que vous avez entendu par le biais de la

10 radio, si vous avez entendu quelque chose qui était lié à ce que vous avez

11 vu.

12 Réponse: C'est exactement ce qui se passait. Il y avait des ordres qui

13 devaient être pris au niveau de ces "bandes de terroristes", comme ils les

14 appelaient, qui devaient être pris à l'intention, en direction de

15 l'Albanie. C'était la phrase que nous avons interceptée, qui était

16 communiquée par le biais de la radio. Ensuite, j'ai vu la population de

17 ces "bandes de terroristes", donc, comme ils les appelaient, donc j'ai été

18 en mesure de vérifier que ces bandes de terroristes étaient en fait des

19 populations qui étaient déplacées en direction de l'Albanie.

20 Question: Est-ce que c'était la seule chose que vous avez entendue au

21 niveau des Albanais du Kosovo, ou est-ce que vous avez entendu également

22 d'autres choses par le biais de ces messages radio que vous avez pu être

23 en mesure d'intercepter?

24 Réponse: Les messages étaient en général très brefs et nous n'étions pas

25 en mesure d'élaborer parce que, dans la plupart des cas, ils étaient

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1 également codés. Mais très souvent, il s'agissait d'insultes, de termes

2 insultants comme ceux que j'ai mentionnés.

3 Question: Merci. Peut-être une dernière question: je voudrais revenir aux

4 villageois qui habitaient à Racak, mais cela peut s'appliquer également à

5 d'autres villages.

6 Est-ce que vous vous êtes rendu compte, est-ce que vous avez appris s'il y

7 avait d'autres actions qui avaient été intentées à l'encontre d'autres

8 villages qui n'étaient pas sous la coupe de l'UCK, et s'ils savaient où

9 était basée l'UCK? Est-ce qu'ils ont souffert?

10 Réponse: Oui. D'autres villageois ont souffert qu'il y ait eu une présence

11 de l'UCK ou pas. Il y a eu des occasions où des civils ont été massacrés,

12 qui n'avaient absolument aucun lien avec l'UCK. La municipalité de Lipjan

13 a été l'un de ces exemple. Et puis, il y en eu d'autres également à

14 Kotlina. Il y a eu un massacre également de 12 civils dans la municipalité

15 de Ferizaj.

16 M. Nice (interprétation): C'est tout ce que je souhaitais dire; c'est

17 toutes les questions que je voulais poser à ce témoin.

18 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

19 M. Milosevic (interprétation): Avant de commencer le contre-

20 interrogatoire, j'aimerais savoir également de combien de temps je

21 dispose. L'interrogatoire principal a duré 2 heures 40 minutes. En plus,

22 nous avons la déclaration de 25 pages. Donc j'aimerais savoir de combien

23 de temps je dispose. J'espère que c'est évident.

24 M. le Président (interprétation): Tout d'abord, nous avons déterminé la

25 durée de l'interrogatoire principal.

Page 6343

1 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est marqué sur l'horloge; on ne va

2 pas quand même décider si aujourd'hui on est lundi, mardi ou mercredi.

3 M. le Président (interprétation): D'après mes calculs, la durée totale de

4 cet interrogatoire était d'une heure 44 ou 45.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May…

6 M. le Président (interprétation): Je vous demande d'être exact dans vos

7 déclarations. La durée de l'interrogatoire principal de l'accusation a été

8 d'une heure 45. On peut arrondir ceci à deux heures, avec ceci à l'esprit:

9 on va voir comment vous procédez avec votre contre-interrogatoire. Si, à

10 plusieurs reprises, il y a dans vos questions des questions qui ne sont

11 pas pertinentes, nous réduirons la durée de votre contre-interrogatoire.

12 Vous allez avoir une demi-heure aujourd'hui et puis nous reprendrons deux

13 heures et demie demain. Nous allons donc commencer aujourd'hui et nous

14 reprendrons pour deux heures et demie demain.

15 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Shukri Buja, par l'accusé M.

16 Milosevic.)

17 M. Milosevic (interprétation): Entendu.

18 Vous avez commencé en disant que vous avez été condamné à 13 ans de prison

19 à cause de votre participation aux manifestations: est-ce que c'est exact?

20 M. Buja (interprétation): Oui, pour une participation à des manifestations

21 en 1989.

22 Question: Pouvez-vous nous dire quel était le contenu du jugement? Parce

23 qu'il n'est pas possible que, pour avoir participé aux manifestations,

24 vous ayez eu une peine de 13 ans à purger.

25 Réponse: L'acte d'accusation était basé sur l'article 114 du Code pénal de

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1 Yougoslavie et également l'article 139 de ce code pénal de la Yougoslavie.

2 Ce n'est pas un délit du second degré: l'acte délictueux du second degré a

3 été réfuté, car il n'était pas fondé. Il s'agissait d'une décision en

4 deuxième instance qui a été annulée.

5 Question: Etant donné que je ne suis pas pénaliste, est-ce que vous pouvez

6 me dire quel était l'acte pénal que vous avez commis, si ce n'est pas

7 uniquement la participation aux manifestations? Est-ce que vous pouvez

8 expliquer quel était le fondement pénal?

9 Réponse: Ce n'était pas un crime. Les chefs d'accusation étaient:

10 organisation de manifestation et, également, j'ai fait l'objet d'une

11 condamnation politique.

12 Question: C'est l'article 114 du Code pénal pour les Albanais du Kosovo

13 qui est passible d'un à dix ans de prison? Je ne suis pas un avocat.

14 Réponse: Oui.

15 Question: Malheureusement, ce n'est pas vrai, car ce type de condamnation

16 ne correspond pas à ces délits.

17 Mais en ce qui concerne la période que vous avez mentionnée, est-ce que

18 vous avez attaqué un véhicule qui appartenait à la police, à la suite

19 d'une embuscade, où il y avait un policier qui répondait de Bahim Qerimi,

20 qui était un Albanais de Lipjan?

21 Réponse: C'est quelque chose qui avait été monté par les tribunaux serbes.

22 J'ai obtenu une peine maximum de 13 ans et, en deuxième instance, la

23 décision a été annulée, car il n'y avait aucune preuve suite à ces chefs

24 d'accusation. C'est la raison pour laquelle ma peine a été réduite à neuf

25 ans pour les manifestations en 1989.

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1 M. Milosevic (interprétation): Vous-même, vous avez dit que vous n'êtes

2 pas resté 13 ans: vous y étiez durant quatre ans, un peu plus. Mais on ne

3 vous a donc pas poursuivi parce que vous avez participé aux

4 manifestations, mais parce que vous vous êtes attaqué au véhicule de la

5 patrouille de police. Il y avait votre compatriote de Lipjan qui était

6 également avec vous au moment de l'attaque de ce véhicule; est-ce que

7 c'est exact ou non?

8 M. le Président (interprétation): C'est là où nous perdons du temps; il a

9 déjà répondu à cette question. Il a déjà répondu à cette question. Passons

10 à une autre question.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez que le 2 avril 1999…

12 Monsieur May, si vous le permettez j'aimerais quand même poser une

13 question qui porte sur la personnalité. Ce n'est que par la suite que je

14 vais commencer à poser d'autres questions.

15 A côté d'Urosevac, le 2 avril 1999, Mile Vuksanovic, inspecteur sanitaire,

16 et Demir Lika de Urosevac ont été enlevés.

17 Ceci est donc en corrélation avec le fait que Milazim Derguti, qui a été

18 donc intercepté et emprisonné après la guerre de la part de UNMCO -il a

19 passé trois mois en prison, deux ou trois mois aux Etats-Unis-, il a

20 reconnu que ces deux personnes ont été remises à Shukri Buja, donc au

21 commandant supérieur.

22 Par conséquent, est-ce que vous savez que ce sont vos hommes qui ont

23 kidnappé ces gens-là et que, par la suite, ils ont reconnu que ces gens-la

24 ont été remis à vous-même, en main propre, en tant que commandant

25 supérieur? Est-ce que c'est exact?

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1 M. Buja (interprétation): C'est inexact, car les personnes que vous

2 mentionnez, je ne les connais pas. Et dans ma déclaration, si cette

3 personne existe et si elle a participé à cet enlèvement, elle ou il a

4 donné sa propre version des événements.

5 Question: Est-ce que vous savez que l'avocat Asim Ismajli, Albanais

6 également, qui a été engagé pour trouver les personnes enlevées, a été tué

7 entre Urosevac, Vitina, et ceci, après le 10 juin, une fois que les forces

8 serbes s'étaient retirées? Est-ce que vous êtes au courant?

9 Réponse: Nous n'étions pas responsables de la sécurité; c'était la KFOR

10 qui était responsable de cela, ainsi que l'administration de la Minuk.

11 Question: Je vous demande si vos hommes ont été mêlés à ce meurtre qui

12 avait été commis. C'est que je vous pose comme question.

13 Réponse: Je ne sais pas.

14 Question: Est-ce que vos hommes, et je parle des hommes qui vous étaient

15 subordonnés, est-ce qu'ils ont tué Mehdi Sulejmani, ancien policier? Je

16 pense que vous devriez quand même savoir ce fait-là, étant donné qu'il y

17 avait sept autres Albanais qui ont été tués, qui étaient en contact avec

18 les hommes qui ont été enlevés.

19 Vous dites oui ou non et puis nous pouvons poursuivre; comme cela, on ne

20 perd pas de temps.

21 Réponse: Non, je ne sais pas.

22 Question: Vous viviez en Suisse et vous avez dit aussi que les questions

23 dont vous étiez chargé, c'était d'appeler les Albanais au Kosovo. De quel

24 type d'appui s'agissait-il?

25 Réponse: Il y avait des réunions organisées avec des Albanais. On essaie

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1 de préciser quelle était la situation au Kosovo et comment les personnes

2 étaient maltraitées, etc., etc., etc.

3 Question: Par conséquent, votre activité portait sur l'information

4 uniquement? Il fallait approvisionner les autres en informations?

5 Réponse: Oui.

6 Question: En mars 1998, avec Thaci et Kadri Veseli, qui étaient des chefs

7 -Hasim Thaci et l'autre- avec 27 hommes en plus, avec une femme, vous êtes

8 arrivés d'Albanie armés et vous vous êtes rendus au Kosovo. C'était au

9 mois de mars 1998. Est-ce que c'est exact?

10 Réponse: Oui, nous sommes revenus au Kosovo. Il y avait environ 30

11 personnes, 30 soldats qui sont arrivés au Kosovo.

12 Question: Il s'agit par conséquent des personnes dont j'ai parlé, et

13 toutes armées, n'est-ce pas? Hasim Thaci et Veseli?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Est-ce que c'est vrai que vous avez été formé sur le plan

16 militaire, qu'il y avait également des entraîneurs de Croatie, d'autres

17 également qui étaient à la Légion étrangère?

18 Réponse: Il n'y avait pas de membre de l'UCK en Croatie.

19 Question: Des membres de l'UCK qui venaient de Croatie.

20 Réponse: Je demande à M. le Président et MM. les Juges de ne pas être

21 interrompu lorsque je donne des explications.

22 Je précisais que je faisais partie d'un groupe de 30 personnes qui étaient

23 arrivées au Kosovo. Il y avait deux personnes qui étaient des anciens

24 officiers et qui avaient une certaine expérience de la guerre en Croatie.

25 Et d'après les informations dont je disposais, il y en avait un qui

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1 s'appelait Bekim Berisha, qui avait également fait partie d'autres légions

2 étrangères comme la Légion étrangère française qui vient d'être

3 mentionnée.

4 Question: Quatrième paragraphe de votre page 3 de votre déclaration, il

5 est cité que "parmi vous, il y avait également des membres de l'UCK de

6 Croatie; il y avait aussi deux Albanais qui étaient à la Légion étrangère

7 -je ne les connaissais pas auparavant- et dont la spécialité était de nous

8 former pour mettre en place des structures militaires et la manière dont

9 il fallait la diriger". (Fin de citation.)

10 Est-ce que bien ça ce que vous avez dit?

11 Réponse: C'est exact.

12 Question: En mars 1998, selon l'ordre du grand état-major, vous êtes allé

13 recruter les gens pour la guerre. Est-ce que c'est exact?

14 Réponse: Oui, d'après les ordres de l'état-major, on m'avait demandé

15 d'organiser des unités pour se préparer pour un affrontement armé.

16 Question: Vous-même, vous avez dû mettre en place des unités à Stimlje,

17 Urosevac, Rance, Malisevo, n'est-ce pas?

18 Réponse: Dans la première unité, il y a une première unité qui a été créée

19 et qui a commencé à fonctionner et à organiser les autres unités.

20 Question: Par conséquent, en mars 1998, vous mobilisez les gens sur

21 l'ordre de votre quartier général au Kosovo et sur l'ensemble du

22 territoire.

23 Est-ce que je vous ai bien compris? Est-ce que j'ai bien compris votre

24 déposition?

25 Réponse: Nous parlons de mobilisation et pas d'un appel, car les personnes

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1 étaient des volontaires qui souhaitaient devenir membres de l'UCK. Ils

2 étaient recrutés après des conversations qui ont été réalisées et, en

3 résultat de cela, une première unité a été créée à partir de Drenica.

4 M. Milosevic (interprétation): Pour être tout à fait précis, je vais lire

5 juste deux termes, troisième page -je cite-: "Recruter les gens pour la

6 guerre". (Fin de citation.)

7 En d'autres termes, en 1998, en mars, vous avez recruté les gens pour la

8 guerre. Est-ce que c'est exact?

9 C'est dans votre déclaration: on parle de la mobilisation, de recruter. Ce

10 n'est pas ce que vous dites: est-il vrai, s'il vous plaît?

11 M. Shabani (interprétation): Est-ce que je peux m'exprimer, s'il vous

12 plaît?

13 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

14 M. Buja (interprétation): Je vous demande de ne pas citer certaines

15 parties de ma déclaration car, si vous situez celles-ci hors de leur

16 contexte, cela peut porter à confusion. Il y avait un ordre de recrutement

17 de certains soldats et la manière dont nous avons procédé, c'est que nous

18 avons fait ceci sur une base de volontaires. C'est ainsi que nous avons

19 commencé à organiser ce type d'unité, pour commencer.

20 M. le Président (interprétation): Je ne peux pas trouver l'expression

21 "recrutement pour la guerre" dans la version anglaise. Je ne peux pas, je

22 n'arrive pas à trouver ceci dans la déclaration en version anglaise.

23 M. Milosevic (interprétation): Mais je ne dispose pas de la version en

24 anglais.

25 M. Nice (interprétation): Le témoin devrait également avoir certains

Page 6350

1 documents devant lui ou du moins sur le rétroprojecteur, de façon à ce

2 qu'on vérifie la véracité des propos de l'accusé.

3 M. le Président (interprétation): Donnons-lui, dans ce cas-là, sa

4 déclaration.

5 M. Milosevic (interprétation): Excusez-moi.

6 M. le Président (interprétation): Pendant qu'on lui fournit ce document,

7 en anglais, on lit: "Lorsqu'on est arrivés dans la vallée de Drenica, en

8 mars 1998, cinq de nos unités ont été séparées sur un ordre du quartier

9 général principal de l'UCK pour recruter pour la guerre dans d'autres

10 régions. Nous devions organiser des unités à Shtime, Malisheva, etc.".

11 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, nous avons bien constaté

12 qu'il recrutait pour la guerre.

13 Est-il vrai de dire qu’Azem Syla, 45 ans de Kishna Reke, municipalité de

14 Gllogovac, a été reconnu comme le grand chef de l'UCK? Est-ce que c'est

15 exact?

16 M. Buja (interprétation): Non, ce n'était pas le principal chef de l'UCK,

17 mais Azem Syla, un peu plus tard, a été nommé commandant de l'UCK.

18 Question: Pour que vous ne cherchiez pas le paragraphe suivant tout de

19 suite après celui que vous avez vu et qui est sur la page quatre, précisé,

20 il commence -je cite-: "Hasim Thaçi a donc ordonné la campagne de

21 recrutement… -je ne termine pas "…et cela détermine avec Azem Syla, 45

22 ans, de Kishna Reka, municipalité de Gllogovac, a été commandant principal

23 de l'UCK. Et il a également participé à Rambouillet, en février 1999, aux

24 négociations." (Fin de citation.)

25 Réponse: Oui, à l'époque de la conférence de Rambouillet, on m'avait fait

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1 clairement comprendre que le commandant en chef de l'UCK était Azem Syla,

2 mais l'ordre de mobilisation et non de recrutement de la population est

3 quelque chose qui avait été rendu public par le biais des médias.

4 Et toute la population avait été mobilisée déjà au moment où les

5 bombardements de l'OTAN ont commencé.

6 Question: Ici, dans votre déclaration dans ce paragraphe, c'est encore le

7 même terme que vous utilisez: "recrutement" et "selon l'ordre de Thaçi".

8 Cela ne fait rien: on va passer à d'autres questions.

9 Etant donné qu'il était le grand commandant, comment ce Thaçi pouvait-il

10 être le chef de délégation? Je ne comprends pas: si l'autre était

11 commandant?

12 Réponse: Parce qu'il était directeur du directorat politique sous les

13 auspices de l'état-major. C'était celui qui était responsable de toutes

14 les affaires politiques au sein de l'UCK.

15 Question: Vous avez eu en charge de ramener les armes d'Albanie ainsi que

16 d'opérer sur le plan militaire. Est-ce que c'est exact? En Suisse? Par

17 conséquent, vous avez été chargé des informations et là, maintenant, vous

18 devez ramener les armes d'Albanie et effectuer les opérations militaires.

19 Est-ce que c'est bien cela votre mission?

20 Réponse: Non. J'étais responsable en Albanie d'accompagner 120 soldats, de

21 collecter des armes et j'étais le commandant de la zone opérationnelle de

22 Nerodime. Et ceci a également signifié que j'avais la tâche ou la fonction

23 de commandant régional.

24 M. Milosevic (interprétation): Premier paragraphe, page 6, vous dites de

25 manière explicite -je cite-: "Il était de mon devoir d'organiser des

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1 unités pendant la période la plus difficile, au moment où il fallait

2 ramener les armes d'Albanie et, en même temps, exécuter des opérations

3 militaires." (Fin de citation.)

4 Ensuite vous dites que vous avez essayé de trouver les gens pour rejoindre

5 vos rangs et vous l'avez fait depuis le mois de mars 1998. Par conséquent

6 on vous a emmené les armes; vous opérez sur le plan militaire et vous

7 cherchez les hommes. Quelles étaient les opérations, combien d'hommes

8 avez-vous tués à cette époque-là?

9 M. Buja (interprétation): S'il vous plaît, c'est une question relativement

10 longue et je voudrais répondre à chacun des aspects de manière séparée.

11 M. le Président (interprétation): Oui, la première partie de la question;

12 prenons d'abord la première partie de cette question.

13 Vous deviez organiser des unités durant une période difficile, collecter

14 des armes à partir de l'Albanie et, en même temps, conduire des actions

15 militaires. Est-ce que ceci est une description fidèle de vos fonctions à

16 l'époque?

17 M. Buja (interprétation): Oui, je devais organiser des unités de l'UCK. En

18 1998, les soldats étaient engagés pour collecter des armes et ils étaient

19 envoyés en Albanie où ils étaient armés. Et c'étaient des membres de mon

20 unité.

21 M. Milosevic (interprétation): Il y a une toute dernière question: est-ce

22 que vous pouvez me dire combien d'hommes vous avez tués dans ces

23 opérations, entre le mois de mars et le mois de mai 1998?

24 M. Buja (interprétation): Je ne peux pas dire combien de personnes j'ai

25 tuées, car nous étions sur la ligne de front durant les combats. Mais

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1 soyez sûr que les personnes que j'avais formées sont certainement tombées

2 au combat -je ne sais pas si elles sont toutes décédées- et il y a

3 d'autres personnes qui n'étaient pas de mon côté, mais vous aviez des

4 civils et vous aviez des paramilitaires, et également des membres de la

5 police qui étaient de l'autre côté de la ligne de front.

6 M. Milosevic (interprétation): Combien avez-vous tué à cette époque-là?

7 Pourriez-vous nous répondre?

8 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il a déjà répondu à votre

9 question, il a dit qu'il ne pouvait pas se prononcer.

10 M. Milosevic (interprétation): D'accord.

11 Bon, Monsieur May, on va y revenir de toute façon; vous intervenez et nous

12 le voyons.

13 Est-il vrai que l'UCK, en 1993, a pris une décision militaire et que

14 toutes ces régions -la Macédoine, la Serbie, y compris le Kosovo, le

15 Monténégro- ont été appelées comme un secteur ou zone dont l'objectif

16 était d'usurper les territoires que vous avez proclamés comme des

17 territoires albanais?

18 Je vais vous rappeler quelque chose pour que vous ne peiniez pas. La même

19 page, au milieu de cette page 6, l'UCK, en 1993, on parle de 1993, par une

20 décision militaire: "Les régions de Macédoine, Serbie, Kosovo, Monténégro

21 ont été désignées comme des zones ou des secteurs mais, en effet, il

22 s'agissait d'un plan politique dont l'objectif était de libérer des

23 territoires albanais. En d'autres termes, vous avez proclamé tous ces

24 territoires comme des territoires albanais." (Fin de citation.)

25 Est-ce que c'est exact ou non?

Page 6354

1 M. Buja (interprétation): Je dois faire un commentaire relativement long

2 pour m'expliquer, si je peux me le permettre. La décision politique qui a

3 été prise en 1993, lorsque l'UCK a été créée, avait pour objectif de

4 libérer les territoires albanais occupés qui incluaient des territoires en

5 Macédoine, en Serbie et au Monténégro. Et cette décision a été suivie

6 d'une décision militaire qui a permis de diviser ces territoires en zones.

7 Tout d'abord, vous aviez la première zone opérationnelle du Kosovo et puis

8 la deuxième, la zone opérationnelle de Macédoine, etc., et c'est ainsi que

9 nous avons procédé au départ.

10 Suite à la réponse des décideurs politiques internationaux, l'état-major

11 s'est réuni, a réfléchi à la dimension politique de l'UCK et a pris une

12 décision politique: d'abandonner ces revendications relativement

13 importantes, de se concentrer sur le Kosovo et de libérer le territoire du

14 Kosovo. Donc le Kosovo a été appelé une zone en tant que telle pour les

15 activités de l'UCK et les sous-zones sont devenues des zones

16 opérationnelles. Et c'était beaucoup plus politique que militaire; c'était

17 plutôt une décision politique plutôt qu'une décision d'ordre militaire.

18 Question: Est-ce que cette activité qui s'est manifestée par le recours à

19 la force, par les meurtres dont vous avez parlé tout à l'heure, était en

20 fonction de la prise militaire de ces territoires en Macédoine, en Serbie,

21 au Kosovo, au Monténégro? D'ailleurs, en Macédoine, ça dure encore. Est-ce

22 que c'est exact ou ce n'est pas exact?

23 Réponse: L'objectif de l'UCK avait été précisé par l'état-major et nous

24 avions des objectifs au niveau de la guerre également et j'ai participé à

25 la définition de ces objectifs. Cette guerre nous avait été imposée. Tout

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1 d'abord, il y avait une utilisation de la violence pour emprisonner des

2 populations, pour les renvoyer de leur travail et pour les maltraiter dans

3 la rue. C'était le régime, donc nous étions mis au pied du mur, ainsi que

4 la population.

5 Par conséquent, notre stratégie d'action a été celle-là, même si d'autres

6 territoires en Macédoine et au Monténégro n'avaient pas d'activités en ce

7 qui concerne l'UCK.

8 Question: A la page 8, etc. Je ne vais pas vous rappeler ce que vous avez

9 dit dans votre déclaration, vous la connaissez bien.

10 Vous dites qu'au cours de la guerre, par exemple, il y avait les civils

11 qui sont partis de Rance parce qu'ils se sentaient en danger; vous avez

12 dit également que vous avez dirigé un certain nombre de villageois pour

13 quitter les villages, que vous avez eu également un département civil qui

14 était chargé justement de donner de telles consignes, de telles

15 instructions.

16 Réponse: Dans le cadre du commandement de la zone opérationnelle de

17 Nerodime, comme dans les autres zones, nous avions différentes antennes;

18 un des objectifs de ces antennes était d'attirer l'attention des civils

19 sur la possibilité d'attaques serbes.

20 Et une de ces antennes a réagi à temps face à une première offensive, le

21 23 août, lorsqu'il y a eu une offensive de grande envergure visant à

22 brûler les villages de Reçak et de Petrova. Et dans ces villages, il y

23 avait des responsables de l'UCK.

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous voulez être bien aimable

25 pour répondre de manière très précise à la question que je vais vous

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1 poser? Est-ce que c'était votre tactique de dire aux villageois de quitter

2 le village, ensuite vous vous fortifiez dans ce village, vous l'utilisiez

3 pour attaquer les forces armées et la police, et ensuite, vous démontrez

4 cela comme une attaque sur le village et sur la population civile?

5 Voilà, je suis tout simple: est-ce que c'était bien votre tactique?

6 M. Buja (interprétation): Non, ce n'est pas vrai. Les villageois étaient

7 avertis et ils étaient libres de leurs mouvements. Nous les avons avertis

8 des dangers en tant que population civile; nous sommes restés dans le

9 village, dans des villages tels que Rance. A l'époque, il y avait peu de

10 civils, il n'y avait plus que quatre familles, même s'il y avait au

11 moins70 maisons. C'était une région où il y avait très peu de population

12 civile.

13 A Reçak, à Petrova, à Mullopolc, il n'y avait en fait pas d'unités

14 militaires de l'UCK et, cependant, ils ont été attaqués en 1998, ils ont

15 été brûlés. Et à Petrova et à Mullopolc, où il n'y avait pas de soldats de

16 l'UCK, ils ont également été incendiés et les forces serbes ont cependant

17 détruit ces villages. Notre stratégie était de fortifier nos positions

18 dans les endroits où il n'y avait pas de population civile, de façon à ne

19 pas mettre en danger cette population civile.

20 M. le Président (interprétation): Nous allons lever la séance pour

21 aujourd'hui, Monsieur Milosevic, puisqu'il est 4 heures 10 passé.

22 Je ne vais pas écouter d'autres questions.

23 M. Nice (interprétation): Je voudrais simplement informer, par le

24 truchement de cette Chambre d'audience, l'accusé que nous avons la

25 possibilité de modifier l'arrivée, les jours d'arrivée de certains

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1 témoins, notamment en ce qui concerne les horaires d'avion. Et donc le

2 prochain témoin doit partir vendredi, Isuf Zhuniqi. Par conséquent, nous

3 allons devoir intervertir les deux témoins et, au lieu d'avoir Ian Hendrie

4 demain, nous aurons Isuf Zhuniqi et nous aurons la déposition de Hendrie

5 Ian après-demain.

6 C'est un problème de réservation d'avion; nous ne pourrons pas modifier

7 les réservations d'avion du témoin Isuf Zhuniqi.

8 M. le Président (interprétation): Oui, oui.

9 Monsieur Wladimiroff, il y a une question que je voudrais soulever après

10 la pause, même si ce n'est peut-être pas le moment opportun.

11 Il y a eu un changement de situation: étant donné que l'accusé a

12 maintenant ses associés et que l'on voit comment l'affaire se développe,

13 cette Chambre d'audience doit garder à l'esprit le coût également de ce

14 procès; et ce que nous avons à l'esprit, c'est de considérer une nouvelle

15 structure en ce qui concerne l'amicus curiae et d'en utiliser à un coût de

16 pas plus d'un par jour.

17 Je vous soumets cette proposition. Nous avons une responsabilité au niveau

18 de la communauté internationale de s'assurer que les coûts de ce procès ne

19 soient pas trop élevés. C'est la manière dont nous pensons que nous

20 pouvons faire des réductions budgétaires.

21 M. Wladimiroff (interprétation): Je répondrai à cette question une fois

22 que je me serai consulté avec mes collègues.

23 M. le Président (interprétation): Oui, une semaine de réflexion sera tout

24 à fait acceptable.

25 M. Wladimiroff (interprétation): Merci.

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1 (Le Président consulte Mme Ameerali.)

2 M. le Président (interprétation): Apparemment, à la dernière minute, il y

3 a un problème de salle d'audience. Il est possible que nous devions

4 reprendre notre séance à 9 heures. Pour l'instant, on avait prévu 9 heures

5 30.

6 Monsieur Buja, je vous demanderai d'être prêt à comparaître à 9 heures

7 demain matin. Vous recevrez un message vous confirmant le début de

8 l'audience de demain.

9 (L'audience est levée à 16 heures 17.)

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