Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 13 juin 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Il y a des questions de procédure à

6 aborder en premier lieu.

7 Monsieur Nice, je vais tout d'abord rendre une décision en ce qui concerne

8 les requêtes relevant du 92bis pour les dix prochains témoins. La Chambre

9 de première instance veut aussi soulever la question posée par la

10 prochaine liste des témoins. Et puis, il y a la question de la requête

11 relevant de l'Article 70, et la question de la déposition de M. Vllasi.

12 Autant de questions qu'il faut aborder. Comme d'habitude, nous sommes

13 pressés par le temps.

14 M. Nice (interprétation): Effectivement, je pense que nous pourrons

15 aborder la plupart de ces questions de façon concise et brève, de façon à

16 rendre le procès encore plus efficace.

17 M. le Président (interprétation): Fort bien. J'aborde maintenant la

18 question de la requête à l'encontre de la liste que j'avais au départ, qui

19 concerne les dix prochains témoins, témoins qui devraient être appelés à

20 la barre en vertu de l'Article 92bis: MM. Thaqi Milazim, Mustafa Draga,

21 Loshi Liri, Hoxha Hani, Haxhiavdija Ismet, Berisha Shyrhete, Gjogaj Ali,

22 Berisha Halit, Berisha Hysni et Xhemajli Sadik. C'est la liste qui nous a

23 été remise par le Bureau du Procureur.

24 La Chambre de première instance a eu l'occasion d'examiner ces

25 déclarations. Il s'agit de témoins qui parleront des infractions elles-

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1 mêmes. Aucun de ces témoins ne parlera des actes et comportements de

2 l'accusé. Ce sont autant de déclarations cumulatives qui pourraient donc

3 faire l'objet de tout argument présenté et qui seraient admissibles en

4 vertu de l'Article 92bis.

5 Sur le plan technique, l'accusé a le droit d'être entendu sur ces

6 questions.

7 Monsieur Milosevic, y a-t-il quelque chose que vous voudriez nous dire?

8 Nous allons de toute façon donner l'ordre qu'il y aura contre-

9 interrogatoire pour chacun de ces témoins, à moins que vous ne décidiez

10 d'abandonner ce contre-interrogatoire pour tel ou tel témoin. Avez-vous

11 quelque chose à propos de cette décision ou des arguments militant contre

12 une telle décision?

13 M. Milosevic (interprétation): Je pense que, dans aucune des affaires, on

14 n'y a eu recours à ce point. Je suis le seul à qui on limite le temps de

15 contre-interrogatoire à 45 minutes. Je suis donc hostile à cela.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous avons examiné la

17 question du contre-interrogatoire et de sa durée, à la lumière de tous les

18 autres facteurs intervenant dans ce procès, et cet argument n'intervient

19 pas pour savoir si ces déclarations seront admises ou pas. Elles seront

20 toutes admises en vertu de l'Article 92bis.

21 Monsieur Nice, abordons la dernière liste en date des témoins de

22 l'accusation.

23 Permettez-moi d'aborder cette question d'abord assortie d'un commentaire.

24 A ce jour, nous avons entendu 78 témoins. La nouvelle liste, qui nous a

25 été remise aujourd'hui, ne contient pas de numérotation; or nous avions

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1 demandé une telle numérotation: c'est important pour ceux qui doivent

2 travailler avec ces listes. Ça, c'est une chose. Mais peut-être que cela

3 ferait comprendre à ceux qui citent ces témoins combien ils veulent en

4 appeler.

5 Il y a 72 noms repris sur cette liste. Nous avons déjà entendu l'un de ces

6 témoins, M. Walker. L'un devra être rappelé: il s'agit de M. Baccard. Mais

7 si nous donnions le feu vert à tous ces 70 témoins, on arriverait à un

8 chiffre de 148 témoins pour les témoins du Kosovo. Au départ, nous avions

9 prévu 90 témoins. Une requête aux fins de modification de ce chiffre avait

10 été déposée le 2 mai. A ce jour-là, 41 témoins avaient été appelés et vous

11 demandiez l'autorisation d'appeler encore 95 témoins, ce qui donnait un

12 chiffre total de 136.

13 Ce qui préoccupe la Chambre de première instance, Monsieur Nice, c'est

14 qu'au lieu d'avoir une diminution du nombre maintenant, il y a une

15 augmentation de ce nombre.

16 M. Nice (interprétation): Permettez-moi d'expliquer. Je suis désolé que

17 cette liste vous ait alarmés. Ce n'était pas l'intention recherchée. Elle

18 devait vous rassurer, vous consoler pour des raisons que je vais énumérer.

19 Je sais que nous allons aborder avec davantage de détails ces questions la

20 semaine prochaine, mais, si je vous présente cette liste aujourd'hui, je

21 vais vous expliquer le pourquoi de cela dans un instant.

22 Nous voulions éliminer d'autres noms de la liste précédente –vous verrez

23 que cela a été fait- et puis nous avons repris des éléments pour couvrir

24 aussi bien le Kosovo et les éléments d'Acte d'accusation qui étaient

25 considérés par cette liste-ci. La semaine prochaine, nous allons nous

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1 rapprocher énormément de la date butoir qui avait été imposée, sans

2 préjudice de notre argument sur le caractère opportun ou pas de cette date

3 butoir qui nous avait été imposée.

4 Nous avons fait des calculs –vous le verrez plus clairement la semaine

5 prochaine- et, si nous suivons vos observations faites la dernière fois

6 que nous avons discuté de ce sujet et si nous prenons des témoins plus

7 tard que plus tôt, on arrive très près de la date butoir du 26 juillet.

8 Mais tout ceci peut se faire avec certaine souplesse.

9 Je vais vous expliquer pourquoi il était utile de vous présenter

10 maintenant cette liste de témoins annotée, et peut-être qu'il faudra

11 revenir sur certains de témoins à noter et, peut-être, qu'il faudra

12 revenir sur certains des témoins que nous prévoyons, en vertu du 92bis.

13 Pour ce qui est de la souplesse, je pense que nous allons pratiquement

14 arriver, d'ici à la fin de la semaine prochaine, à la fin de la

15 présentation des témoins factuels, à quelques-uns près.

16 Nous avions des témoins factuels qui attendaient. C'est pour cela que nous

17 avons veillé à ce que les journées d'audience soient vraiment remplies.

18 C'est ce que nous voulions. Mais lorsque ce réservoir de témoins factuels

19 sera épuisé, ce sera plus difficile d'utiliser vraiment le temps imparti

20 de façon maximale.

21 Comment veiller à ne pas perdre de temps? C'était notre interrogation. Si

22 vous avez l'obligeance d'examiner la page 4, si nous vous présentons ce

23 document cette semaine un peu à l'avance, c'est pour que tout le monde

24 puisse prendre ses dispositions, l'accusé y compris. Et puis vous verrez

25 aussi que nous avons Coo et Torkildsen qu'on a fait avancer dans la liste;

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1 bien sûr, sous réserve d'éléments qu'il faudrait respecter parce que nous

2 avons des difficultés à prévoir ces témoins. Il se peut qu'ils se

3 présentent de temps à autre des "blancs" dans cet emploi du temps, nous

4 voulions donc préparer des témoins à temps pour qu'ils puissent être cités

5 à temps, s'il y avait tout d'un coup un témoin qui nous faisait faux bond

6 et s'il était nécessaire de les appeler à ce moment-là.

7 M. Robinson (interprétation): Il y a un expert financier. Est-ce qu'il va

8 parler uniquement du Kosovo, Torkildsen?

9 M. Nice (interprétation): Non, pas nécessairement. On peut toujours

10 l'avoir en dehors du volet Kosovo, mais on se disait qu'il était plus

11 utile de l'avoir ici, mais on peut revenir sur cette décision et avoir sa

12 déposition à un stade ultérieur du procès.

13 M. le Président (interprétation): J'interviens en mon nom personnel. Je me

14 permets de vous interrompre. Je pense qu'il serait utile d'avoir les

15 témoins plus vastes, si vous voulez, plus généraux plus tard, lorsqu'on

16 aura une idée plus précise de l'ampleur même du procès et au moment où la

17 Chambre sera mieux à même de saisir les points-clés qui seront identifiés.

18 M. Nice (interprétation): Merci de cette information très utile. Nous

19 allons peut-être revoir la question à la lumière de ce que vous avez dit

20 aujourd'hui.

21 Pour Coo, c'est un témoin assez précis pour ce volet-ci du procès. Donc,

22 je pense qu'il serait utile de l'avoir.

23 M. le Président (interprétation): Un instant. Il serait peut-être utile de

24 faire cette observation-ci. Les amis de la Chambre ont formulé quelques

25 objections à une partie de la déposition de M. Coo. Objections qui

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1 tiendraient à dire que le témoin tire des conclusions. A première vue, il

2 ne semble pas adéquat qu'un témoin procède de la sorte. Si vous voyez la

3 réponse des amis de la Chambre, vous le comprendrez.

4 M. Nice (interprétation): Je n'ai pas étudié la question récemment et je

5 pense que plusieurs de ces inquiétudes peuvent être écartées quand on voit

6 les éléments qui sont les conclusions elles-mêmes, davantage que le témoin

7 formulant lui-même ses conclusions. Mais on peut revenir là-dessus plus

8 tard.

9 Autre élément de souplesse que nous avons retenu pour élaborer cette

10 liste, s'agissant des témoins du 92bis, nous nous sommes dit qu'il y avait

11 peut-être certains de ces témoins, où l'accusé vu le statut de ces

12 témoins, ne souhaitait peut-être pas faire un contre-interrogatoire. K31,

13 par exemple, à la page 3. Mais bien d'autres témoins…

14 Nous reviendrons dans le détail, si vous nous le permettez la semaine

15 prochaine là-dessus, des témoins pour lesquels nous nous sommes dit que la

16 Chambre pourrait se demander si ces témoins méritent un contre-

17 interrogatoire parce qu'il n'y a pas seulement l'accusé qui exige le droit

18 au contre-interrogatoire. C'est une question que doit trancher la Chambre.

19 Afin d'écourter la durée de ce volet du procès la semaine prochaine, nous

20 allons vous demander s'il est possible que certains témoins soient

21 écartés, mais il faudra avoir l'issue de la discussion de la semaine

22 prochaine. Tout ceci pour raccourcir le procès, si vous voulez. Ceci nous

23 semble important, nous l'avons dit dès le début, nous tenons à ce que les

24 délais soient respectés.

25 M. le Président (interprétation): Je parle de nouveau en mon nom

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1 personnel, je pense que cela suffira pour aujourd'hui. Avez vous d'autres

2 éléments, Monsieur Nice, à examiner?

3 M. Nice (interprétation): Non.

4 M. le Président (interprétation): Mais je le répète, il n'y a pas d'erreur

5 sur la question, la date butoir c'est le 26 juillet.

6 M. Nice (interprétation): Je comprends bien ça. La dernière requête en

7 date visait à une prorogation de ce délai, mais je crois que vous serez

8 rassuré de voir qu'on pourra effectivement se rapprocher de cette date

9 butoir sur laquelle il y a nécessité de déposer une requête. Permettez-moi

10 de dire deux choses qui me semblent importantes, butoir.

11 M. le Président (interprétation): Il y a de bonnes raisons tout à fait

12 compréhensibles à vouloir prendre des témoins qui peuvent couvrir plus

13 qu'un seul volet de l'Acte d'accusation et les entendre plus tard plutôt

14 que plus tôt. Si on les entendait maintenant, peut-être que cela nous

15 rendrait la tâche difficile; tâche qui consiste à respecter cette date

16 butoir. Mais il y a peut-être des témoins qu'il faut entendre plus tôt.

17 Soit parce que c'est en raison de leur situation personnelle, soit parce

18 qu'ils ont peut-être des choses à dire dans le cadre de leur déposition

19 qui auront une incidence sur d'autres. Je reviendrai sur la question la

20 semaine prochaine.

21 Autres éléments.

22 (Le Président et le Juge Robinson se concertent.)

23 M. Robinson (interprétation): Qui sont ces deux témoins?

24 M. Nice (interprétation): K33 est un de ces deux témoins. Il est prévu

25 pour trois jours. Vous aurez peut-être reçu une requête le concernant, à

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1 propos de son pseudonyme. Je pourrai peut-être en dire davantage la

2 semaine prochaine.

3 Nous avons déjà constaté qu'il y avait une modification, une évolution au

4 cours du procès. Nous l'avons constaté s'agissant de l'attitude de témoins

5 qui viennent de comparaître. C'est une évolution tout à fait heureuse qui

6 se fait lentement et que nous encourageons.

7 (Le Président et le Juge Kwon se concertent.)

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 M. Nice (interprétation): Je pense que je pourrais…

10 M. le Président (interprétation): Non, non, attendez!

11 Nous nous rapprochons du délai de la date butoir du 26 juillet et ceci ne

12 nous permet pas, s'agissant des témoins, de nous donner suffisamment de

13 temps pour les autres témoins relevant de l'Article 70 qui ne sont pas

14 nommés dans la liste. Tout d'abord, je ne peux pas en parler et puis aussi

15 s'ils étaient disponibles et si la Chambre estimait que leur déposition

16 était nécessaire, il faudrait un certain temps pour y procéder. Mais tout

17 ceci sera abordé plus tard.

18 Il y a une requête qui demande deux témoins supplémentaires, requête que

19 vous avez déposée. Nous l'autorisons. Nous y faisons droit.

20 M. Nice (interprétation): Est-ce que je peux parler rapidement de Vllasi?

21 Vous aurez eu l'occasion de voir sa courte déposition ou plus exactement

22 sa déclaration préalable. C'est une personne qui pourrait nous donner des

23 éléments détaillés sur la proximité avec l'accusé à des moments qui sont

24 importants dans le développement de l'histoire. Mais même s'il est

25 précieux pour le volet Kosovo, nous nous sommes dits qu'il pourrait être

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1 un témoin plus adéquat pour la totalité de procès, pour autant que ce soit

2 le cas.

3 Nous allons donc retirer notre requête visant à demander sa comparution et

4 nous la présenterons à un stade ultérieur du procès, peut-être sera-t-il

5 ajouté à une autre liste. Et nous reviendrons sur ce point plus tard.

6 Est-ce que je peux maintenant parler du Dr Baccard? Nous aimerions pouvoir

7 le citer la semaine prochaine. Il y a encore une question en suspens.

8 M. le Président (interprétation): Oui, il est autorisé à être rappelé.

9 M. Nice (interprétation): Merci. Il y a aussi le général Naumann.

10 La Chambre a déjà donné une idée de la démarche qu'elle aura à l'encontre

11 la déposition du général Naumann. Il est prêt à déposer aujourd'hui.

12 Le résumé en anglais, résumé signé, a été communiqué le 3 mai, et la

13 version signée de son résumé de préparation aussi au mois de mai, le 30

14 plus exactement. On n'aurait pas pu l'appeler plus tôt, c'est un témoin

15 dont le statut aurait pu être ambigu s'agissant de l'Article 70. Et dès

16 que toutes les ambiguïtés ont été dissipées, son statut a été bien défini.

17 M. le Président (interprétation): Nous avons donné l'autorisation de

18 l'appeler, me semble-t-il.

19 M. Nice (interprétation): Effectivement, la Chambre a rendu une ordonnance

20 portant calendrier s'agissant des volets Croatie et Bosnie du procès pour

21 un retour jeudi prochain.

22 Je pense que j'ai déjà dit à la Chambre que je tiens vivement à vous

23 soumettre un ordre de comparution des témoins pour les volets Croatie et

24 Bosnie, pour couvrir les trois ou quatre premiers mois de ces volets-là.

25 Et je devrais pouvoir le faire.

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1 Pourquoi voulais-je le faire? C'est notamment pour veiller à ce que

2 l'accusé qui a fait des remarques quant au volume de documents lui étant

3 remis, pour avoir une idée précise de ce que lui et ses associés doivent

4 faire comme travail de préparation, notamment pendant les vacances

5 judiciaires. Ceci sera donc remis la semaine prochaine dans le cadre des

6 documents généraux soumis à la Chambre pour lui donner une idée de

7 l'évolution du procès.

8 Pour ce qui est de l'ordonnance portant calendrier, mon collègue M.

9 Groome, ici présent, est en particulier responsable du volet Bosnie. Et

10 nous espérons que vous serez rassurés de voir que sur les 47 municipalités

11 prévues au départ, 9 ont été tout à fait éliminées. Nous allons aborder de

12 façon complète 14 de ces municipalités dont 8 pourront être couvertes par

13 le 92bis. En d'autres termes, il faudra apporter la preuve complète

14 uniquement pour 6 municipalités. S'agissant des 24 municipalités

15 restantes, nous voulons diminuer encore davantage les documents les

16 concernant, pour nous concentrer sur les meilleurs éléments de preuve

17 sélectionnés à partir de ces 24 municipalités. Ce sera peut-être difficile

18 de terminer ce travail d'ici jeudi prochain.

19 Nous allons tout à fait répondre d'ici à jeudi à votre ordonnance, à

20 l'ordonnance portant calendrier. Nous aurons peut-être des difficultés à

21 terminer ce travail de réduction du nombre des municipalités à 24.

22 M. le Président (interprétation): Fort bien.

23 M. Nice (interprétation): Ceci m'amène à l'examen de l'Article 70.

24 Pourrais-je le faire à huis clos partiel, vu les sensibilités des

25 gouvernements concernés?

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1 M. le Président (interprétation): Oui.

2 (Huis clos partiel à 9 heures 56.)

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9 (Audience publique à 10 heures 36.)

10 M. Milosevic (interprétation): …

11 M. le Président (interprétation): Nous venons d'entendre ce que vous venez

12 de dire à ce sujet.

13 M. Milosevic (interprétation): (Inaudible.)

14 M. le Président (interprétation): Allez-y.

15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Nice a expliqué que, pendant les

16 vacances judiciaires, j'avais le temps de prendre connaissance des

17 documents.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons revenir à cela. Nous nous

19 occuperons la semaine prochaine de la partie ultérieure du procès et, à ce

20 moment-là, nous verrons quel est le temps dont vous avez besoin pour vous

21 préparer comme il se doit. Tout cela sera résolu la semaine prochaine.

22 Nous ne pouvons résoudre cela aujourd'hui.

23 Il nous faut procéder aux dépositions. De toute façon, il nous faut citer

24 un premier témoin.

25 Monsieur Nice, dites-nous de qui il s'agit. Je pense que c'est à 11 heures

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1 que nous suspendrons.

2 M. Nice (interprétation): Nous avons prévu de citer un témoin factuel et

3 puis le général Naumann. Je pense qu'il serait préférable de citer tout

4 d'abord le général Naumann, mais je sais que M. Ryneveld, qui posera des

5 questions à ce témoin, souhaiterait le voir pendant quelques instants

6 auparavant.

7 Donc le témoin factuel prendra peut-être une heure, comme c'est

8 généralement le cas. Par la suite, nous pourrions avoir une petite

9 suspension. On ne peut demander aux interprètes de retravailler plus d'une

10 heure et demie.

11 M. le Président (interprétation): L'interrogatoire principal du général

12 Naumann prendra combien de temps?

13 M. Ryneveld (interprétation): J'ai l'intention de parcourir avec lui la

14 déclaration qui a été communiquée. Je pense que cela prendra à peu près

15 une session et demie, donc pour l'interrogatoire principal. Le témoin est

16 arrivé ce matin; je n'ai pas eu l'occasion de lui parler depuis le mois

17 d'avril dernier, je dois dire. J'ai besoin de quelques minutes pour

18 m'assurer que tout se déroulera sans entrave et sans problème dans le

19 prétoire.

20 M. le Président (interprétation): Il est à notre disposition pour demain?

21 M. Ryneveld (interprétation): Oui, aujourd'hui et demain.

22 M. le Président (interprétation): Demain, nous travaillons de 9 heures à

23 13 heures 45.

24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, ce serait bien si nous pouvions

25 terminer avec sa déposition. Il serait peut-être mieux de commencer avec

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1 la déposition du général Naumann.

2 Je demanderai à la Chambre de m'excuser pendant un instant.

3 (Les Juges se consultent sur le siège.)

4 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre à présent. Nous

5 reprendrons à 11 heures 10 et nous prolongerons légèrement la session

6 suivante, si les interprètes l'acceptent.

7 M. Nice (interprétation): J'ai ici la liste des témoins.

8 M. Ryneveld (interprétation): La liste numérotée.

9 M. le Président (interprétation): Je suspends la séance.

10 (L'audience, suspendue à 10 heures 41, est reprise à 11 heures 13.)

11 (Le témoin, M. le général Klaus Naumann, est dans le prétoire.)

12 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de prononcer la

13 déclaration solennelle.

14 M. Walker (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

17 (Le témoin s'assoit.)

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Klaus Naumann, par M. Ryneveld.)

19 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 avant de commencer j'aimerais informer les Juges que le général Naumann a

21 eu la gentillesse d'accepter de venir témoigner devant ce Tribunal. Il

22 était un témoin en application de l'Article 70, l'agrément a été obtenu à

23 son sujet, il connaissait les conditions stipulées dans les C) et D) de

24 l'Article 70. Le cas échéant, si nous devons évoquer des questions

25 confidentielles, nous demanderons un huis clos partiel.

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1 (Les Juges se concertent sur le siège.)

2 M. le Président (interprétation): L'application de l'Article 70 dans ce

3 cas précis peut susciter quelques préoccupations de notre part, mais il se

4 peut qu'il soit bon d'entendre d'abord l'interrogatoire principal avant

5 d'en revenir à l'examen des dispositions de l'Article 70.

6 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président, des

7 questions peuvent se poser. Je voulais simplement en informer les Juges.

8 M. Robinson (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld. Il y a un obstacle

9 que l'accusation doit surmonter d'emblée avant que l'Article 70 ne puisse

10 s'appliquer, notamment s'agissant du B). Je crois qu'il importe que les

11 Juges se persuadent que le Procureur est bien en possession d'éléments de

12 preuve qui lui ont été remis confidentiellement et que ces éléments de

13 preuve n'ont été utilisés qu'à des fins d'obtention de nouveaux éléments

14 de preuve. Toutes les autres dispositions de l'Article 70 découlent du B).

15 J'ai donc été un peu inquiet quand je vous ai entendu dire que cette

16 déposition allait se situer, allait relever de l'application de l'Article

17 70 du Règlement.

18 M. Ryneveld (interprétation): Il est peut-être préférable de prendre note

19 du fait qu'une autorisation est nécessaire pour un tel témoignage, que

20 cette autorisation a été accordée et que le témoin va parler de ce qui a

21 été communiqué dans le cadre de la communication des pièces. Je pense

22 qu'il parlera de certaines questions qui iront peut-être un peu plus loin

23 que cela, et à ce sujet le témoin pourra peut-être invoquer la

24 confidentialité.

25 M. le Président (interprétation): En fait, le problème qui se pose ici est

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1 celui de la confidentialité.

2 M. Ryneveld (interprétation): Oui, oui, c'est ce qui implique

3 l'application de l'Article 70.

4 M. le Président (interprétation): Bien. Entendons donc l'interrogatoire

5 principal.

6 M. Ryneveld (interprétation): Général Naumann, je crois savoir que vous

7 êtes entré à la Bundeswehr allemande en 1958, que vous avez été formé et

8 avez occupé un certain nombre de postes de commandement opérationnel,

9 n'est-ce pas?

10 M. Naumann (interprétation): C'est exact.

11 Question: Vous avez ensuite été promu au grade de général de brigade, à

12 quel moment?

13 Réponse: C'était en 1986.

14 Question: Et en 1991, vous avez été à nouveau promu?

15 Réponse: Oui, une nouvelle fois au grade de général 4 étoiles.

16 Question: Monsieur, occupez-vous un poste quelconque au sein de l'OTAN?

17 Réponse: J'occupais un poste à l'OTAN avant d'être promu au grade de

18 général de brigade, en tant que colonel. Et en 1994, j'ai été élu au poste

19 de président du comité de l'OTAN en tant que militaire de haut rang, le 14

20 février 1996.

21 Question: Combien de temps avez-vous servi à ce poste?

22 Réponse: Jusqu'au 6 mai 1999.

23 Question: Monsieur, dans votre rôle en tant que président du comité de

24 l'OTAN, je crois savoir que vous avez présidé un certain nombre de

25 comités. Pouvez-vous très brièvement décrire le rôle que vous aviez?

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1 Réponse: Le rôle de président d'un comité militaire de l'OTAN consiste à

2 traduire les orientations provenant du Conseil de l'OTAN et qui sont

3 établies à différents niveaux au sein de l'OTAN. C'est-à-dire à partir du

4 niveau d'ambassadeur jusqu'au niveau des ministres de la Défense et des

5 ministres des Affaires étrangères, et même jusqu'au niveau des chefs

6 d'Etat et de Gouvernement. Et ce, dans deux orientations stratégiques

7 différentes, c'est-à-dire à l'adresse de deux commandements stratégiques:

8 celui du commandement suprême des alliés pour l'Europe et celui du

9 commandement suprême des alliés pour l'Atlantique.

10 En même temps, cet homme doit recevoir les demandes et propositions des

11 deux commandements stratégiques, les discuter au sein du comité militaire,

12 et progresser dans la mise en oeuvre des propositions du conseil vis-à-vis

13 des nations et des commandements stratégiques, s'il souhaite en discuter.

14 Question: Je vais demander une pause entre les questions et les réponses

15 pour faciliter le travail des interprètes puisque nous parlons la même

16 langue.

17 Général Naumann, en 1998 et 1999, dans le poste que vous occupiez, aviez-

18 vous quoi que ce soit à voir avec le Kosovo?

19 Réponse: Au début de 1998, l'OTAN s'est impliquée sérieusement dans le

20 conflit du Kosovo. Et en ma qualité du président du comité militaire,

21 j'avais pour tâche de rendre compte de l'évolution de la situation et de

22 traduire les directives politiques du conseil quant à la façon de traiter

23 de la question.

24 Question: Au cours de votre mission, Monsieur -et je me rends compte que

25 vous aviez des tâches multiples, mais je me contenterai de me concentrer

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1 sur celles de commandant du comité militaire-, en cette qualité, avez-vous

2 eu des rencontres avec le Président de la République fédérale yougoslave?

3 Réponse: J'ai rencontré à trois reprises le Président de l'ancienne

4 République yougoslave. La première fois, j'ai accompagné le Secrétaire

5 général de l'OTAN, M. Solana, lors d'une visite à Belgrade. Je crois que

6 cela s'est passé le 15 octobre 1998. Ensuite, je l'ai rencontré une

7 deuxième fois avec le général Clark, commandant suprême pour l'Europe. Les

8 24 et 25 octobre 1998, nous avons rencontré à ce moment-là M. Milosevic.

9 Et l'OTAN nous a envoyés sur place une troisième fois après les événements

10 de Racak, le 19 janvier 1999.

11 Question: J'aimerais que nous parlions de ces trois rencontres dans

12 l'ordre chronologique, Monsieur, et que nous commencions par la première

13 rencontre qui s'est déroulée le 15 octobre 1998. Pouvez-vous nous dire

14 quel était l'objet de cette rencontre et comment avait-elle été organisée?

15 Réponse: La rencontre a été organisée en raison des préoccupations

16 croissantes de l'OTAN vis-à-vis des événements du Kosovo qui ont débouché

17 sur une dégradation grave sur la situation.

18 Je crois que ceci s'exprime très bien par les chiffres reçus du HCR qui

19 mentionnait 220.000 habitants du Kosovo qui se trouvaient quelque part

20 dans les bois et qui étaient réduits à l'état de réfugiés.

21 L'hiver arrivait. Les hostilités se poursuivaient au Kosovo. Et l'OTAN

22 cherchait à faire ce qu'il était possible pour mettre un terme au conflit

23 et trouver une solution permettant à ces personnes de rentrer dans leur

24 village et dans leur ville.

25 A cette fin, l'OTAN a discuté des options possibles en dehors du recours à

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1 la force militaire et il a été décidé que l'OTAN devait se tenir prête à

2 agir. Et, à cette fin, un ordre d'activation a été rendu par les 16

3 nations membres de l'OTAN.

4 Le Secrétaire général de l'OTAN, M. Solana, avait été prié par le Conseil

5 de se rendre à Belgrade afin de livrer un message très ferme au Président

6 de l'ancienne République yougoslave dans le but de trouver un moyen de

7 mettre un terme aux hostilités, de mettre un terme à la violence au

8 Kosovo, puisque toutes les nations membres de l'OTAN estimaient

9 unanimement que les événements qui se produisaient dans cette partie de

10 l'Europe impliquaient un risque important puisque toute la région risquait

11 d'être menacée dans sa stabilité et que la paix était en danger.

12 Ce message délivré à M. Milosevic par M. Solana lors de sa visite, a été

13 reçu par M. Milosevic. Et M. Clark et moi-même étions pratiquement des

14 témoins militaires, notre rôle consistant à expliquer quel était le sens

15 exact de ce message délivré par l'OTAN et quelles étaient les exigences

16 exprimées.

17 Question: Je fais une petite pause, si vous me le permettez, Monsieur.

18 Vous venez d'utiliser l'expression "Ordre d'activation décidée par les 16

19 nations membres de l'OTAN". Que signifie exactement un "ordre

20 d'activation"?

21 Réponse: Nous avons notre jargon à l'OTAN, bien entendu; et je vous prie

22 tous de m'excuser pour utiliser ce jargon. Mais dans le jargon de l'OTAN,

23 le jargon militaire de l'OTAN, il existe trois niveaux de préparation des

24 forces à l'action.

25 Le premier niveau est ce que nous appelons un "avertissement

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1 d'activation", ce qui signifie que les forces des nations concernées

2 reçoivent un ordre d'avertissement à se préparer pour une action

3 militaire.

4 Le deuxième niveau est ce que nous appelions une "demande d'activation", à

5 savoir que les nations membres de l'OTAN sont priées de fournir les forces

6 nécessaires et de les tenir prêtes à l'action à très court terme. Ensuite,

7 des rapports sont envoyés à l'OTAN et ce rapport doit contenir les mots:

8 "Nos forces sont prêtes au déploiement". Par exemple, si les forces

9 doivent être déployées outre-mer à partir des Etats-Unis et du Canada,

10 elles peuvent être envoyées sur des bases en Europe si le quartier général

11 des opérations se situe en Europe.

12 Le troisième niveau est celui de "l'ordre d'activation" qui signifie que

13 les nations membres de l'OTAN émettent l'ordre à leurs forces, ordre qui

14 engage ces forces à participer à une opération de l'OTAN, c'est-à-dire à

15 exécuter des opérations militaires contre un pays ou une alliance, dès que

16 l'autorisation du Conseil de l'OTAN est donnée.

17 Donc, selon les pays, le sens est un petit peu différent. Dans mon pays,

18 cela signifie que le Parlement doit prendre la décision de voter cet ordre

19 d'activation puisque, selon l'ordre d'activation, les forces de tous les

20 pays de l'OTAN doivent être prêtes à entamer des opérations militaires où

21 que ce soit, dès que nécessaire.

22 Question: Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, Monsieur, à ce niveau

23 particulier il y a autorisation provenant des diverses autorités des pays

24 représentés au sein de l'OTAN et "l'ordre d'activation" signifie que l'on

25 est prêt à agir dès que la nécessité s'en fait sentir. C'est bien cela,

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1 n'est-ce pas? Dites-moi si je me trompe.

2 Réponse: Non, vous ne vous trompez pas. Vous comprenez très bien ce que

3 cela signifie. Je rappellerai que M. Holbrooke s'était rendu à Belgrade

4 pour négocier avec M. Milosevic, pas au nom de l'OTAN, mais en tant

5 qu'envoyé américain en exercice. Il est revenu et a dit à l'OTAN que

6 l'OTAN pouvait conclure un accord, mais que les derniers arguments avaient

7 été avancés et qu'une menace pesait sur l'OTAN qui pourrait éventuellement

8 la forcer à entreprendre une action militaire le cas échéant, si aucun

9 accord n'est conclu.

10 A son retour, l'impression qu'il avait était que le Conseil de l'OTAN -si

11 je ne me trompe pas, c'était le 12 octobre 1998, après délibération et

12 consultation avec les capitales- devait conclure au milieu de la nuit, ce

13 qui était assez inhabituel, de décider de prendre cet ordre d'activation.

14 Et avec cette décision de l'OTAN dans la poche, M. Holbrooke est retourné

15 à Belgrade.

16 M. Ryneveld (interprétation): Je vois. Je vous remercie d'avoir répondu à

17 ces questions, mais je voudrais revenir à l'importance de la journée du 15

18 octobre.

19 Vous avez dit, je crois, qu'il y avait un certain nombre de personnes

20 représentants de l'OTAN qui se sont rendues à Belgrade. Vous avez parlé de

21 M. Solana et du général Wesley Clark, ainsi que de vous-même bien entendu.

22 Lorsque vous avez eu cette rencontre à Belgrade, qui avez-vous rencontré?

23 Vous rappelez-vous, ou bien devez-vous vous aider de vos notes?

24 M. Naumann (interprétation): Je pense… En fait, je me souviens très bien

25 que M. Milosevic était présent dans son palais à Belgrade. Il y avait

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1 aussi le général Perisic, chef de l'état-major général, ainsi que M.

2 Milutinovic. Ce sont les trois hommes dont les noms me reviennent de

3 mémoire. Mais pour vous donner le nom des autres personnes présentes, je

4 crois devoir demander l'autorisation de jeter un coup d'oeil à mes notes.

5 M. le Président (interprétation): Si vous avez besoin de vos notes,

6 Général, vous pouvez vous y référer chaque fois que cela sera nécessaire.

7 M. Naumann (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 (Le témoin sort son bloc-notes et le consulte.)

9 Comme je l'ai dit dans ma déclaration écrite: étaient présents à cette

10 réunion M. Milosevic, M. Milutinovic, M. Perisic, le conseiller personnel

11 de M. Milosevic, et peut-être… qui s'appelait peut-être Bojan Bugarcic. Et

12 du côté de l'OTAN, il y avait: M. Solana, M. Clark et moi-même.

13 M. Ryneveld (interprétation): Vous nous avez déjà dit quelles étaient les

14 bases de cette réunion. Des questions précises ont-elles été discutées au

15 cours de cette rencontre? En effet, vous venez de nous dire, de façon

16 générale, les raisons qui suscitaient la préoccupation de l'OTAN et ce que

17 l'OTAN avait fait à titre de préparatifs. Mais avez-vous délivré un

18 message précis à l'accusé, M. Milosevic, lors de cette rencontre?

19 Réponse: Le message précis que le Secrétaire général, M. Solana, a délivré

20 à M. Milosevic consistait à lui dire que l'OTAN était prêt à agir

21 militairement si les violences ne cessaient pas au Kosovo, si les

22 militaires, qui avaient pris position sur le terrain pour appuyer la

23 police, n'étaient pas renvoyés dans leurs casernes et si le déploiement

24 excessif des forces de police spéciale -que l'on appelait le "MUP"- ne

25 cessait pas. Donc si les effectifs n'étaient pas réduits aux effectifs

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1 normaux en temps de paix, il y aurait action de la part de l'OTAN.

2 Nous avons également présenté à M. Milosevic un certain nombre des preuves

3 dont nous disposions, que nous avions obtenues par les services de

4 renseignements. Et afin d'éliminer les préoccupations exprimées par M.

5 Milosevic quant au fait que les allégations de l'OTAN étaient erronées et

6 ne reposaient pas sur la vérité, des éléments très précis ont été soumis à

7 la partie yougoslave. Le général Clark, en particulier, a cité le nombre

8 des unités policières que nous avions vues en action au Kosovo, ainsi que

9 le nombre des unités militaires employées au Kosovo et qui n'avaient pas

10 leurs casernes au Kosovo. Nous avons donc fourni les effectifs de ces

11 unités policières et militaires.

12 Je me souviens très bien que M. Milosevic s'est tourné vers le chef

13 d'état-major et lui a dit : "Ces forces sont-elles bien présentes sur le

14 terrain?". Et, après un instant de réflexion, le général Perisic a

15 confirmé que les forces militaires dont nous avions parlées étaient bien

16 présentes sur le terrain et que leurs casernes ne se trouvaient pas au

17 Kosovo en temps de paix, qu'elles ne faisaient donc pas partie du Corps de

18 Pristina; elles avaient été amenées au Kosovo de l'extérieur.

19 Question: Vous ai-je bien compris, Monsieur, quant au fait que le général

20 Perisic a confirmé à M. Milosevic ce que vous-même aviez dit?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Des interprètes ont-ils travaillé au cours de ces rencontres ou

23 bien les réunions ont-elles eu lieu en anglais? Vous rappelez-vous cela?

24 Réponse: La conversation s'est déroulée entièrement en anglais. Bien

25 entendu, il y a eu des moments où M. Milosevic a parlé à ses hommes dans

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1 sa langue maternelle, mais les échanges entre M. Milosevic, qui était le

2 principal orateur du côté des autorités yougoslaves, et l'OTAN se

3 déroulaient en anglais.

4 Question: Puisque nous parlons de ces éléments précis, mention a-t-elle

5 été faite de la proportionnalité des forces au cours de ces discussions?

6 Réponse: Eh bien, pour nous au sein de l'OTAN, le principe de

7 proportionnalité fait pratiquement partie de nos principes de base. Nous

8 connaissons bien la situation d'un pays qui, par exemple, peut être en

9 présence d'attaques terroristes sur son territoire; et dans ce cas, nous

10 comprenons très bien que le pays est tenu de se défendre contre ces

11 attaques terroristes. Mais dans une telle situation, la proportionnalité

12 des forces en présence est une règle d'airain pour l'OTAN.

13 Je me souviens que le 24 et le 25 octobre -donc pas lors de la première

14 réunion mais lors de celle du 24 et du 25 octobre- j'ai dit à M. Milosevic

15 et à ses conseillers que dans mon pays il y avait également eu des

16 attaques terroristes dans les années 1970 au moment où l'Armée rouge

17 constituait une menace réellement très grave pour l'Allemagne, que nous

18 n'avions jamais envisagée. Et je crois l'avoir dit, littéralement, que

19 nous n'avions jamais considéré à l'époque le recours à la force militaire

20 pour nous opposer au terrorisme et que nous n'avions jamais envisagé de

21 recourir aux forces policières et militaires dans des proportions aussi

22 inacceptables.

23 Donc, lorsque nous avons été opposés à des attaques terroristes, nous

24 n'avons même pas envisagé dans nos rêves les plus fous d'encercler une

25 ville avec des chars et de l'artillerie et de tirer sur la ville pour

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1 ensuite combattre les terroristes.

2 Question: Nous reviendrons sur ce point plus en détail, un peu plus tard:

3 la réunion du 24 et du 25 octobre, je veux dire.

4 Entre-temps, Monsieur, vous nous avez dit que, lors de la première

5 rencontre, s'agissant des thèmes précis qui ont été évoqués entre le

6 général Perisic et l'accusé, certains échanges se sont produits. Passons

7 maintenant, si vous le voulez bien, à la durée de cette première

8 rencontre?

9 Réponse: Nous sommes arrivés tard dans l'après-midi et la rencontre s'est

10 achevée aux environs de 22 heures; donc, au total, je crois qu'elle a duré

11 à peu près cinq heures. J'ai été présent pratiquement tout le temps,

12 hormis un bref instant où M. Solana a demandé un tête-à-tête avec M.

13 Milosevic. Et c'est seulement lors du débriefing de M. Solana que j'ai

14 appris le message qu'il avait transmis à M. Milosevic en tête-à-tête. Il

15 m'a dit plus tard qu'il avait, à ce moment-là, adressé à M. Milosevic un

16 nouveau message très ferme en lui indiquant que l'OTAN était prête à

17 prendre des mesures sérieuses et que c'était pour M. Milosevic la dernière

18 chance d'éviter des hostilités.

19 Question: Y avait-il une raison particulière pour laquelle ces messages

20 étaient délivrés à M. Milosevic? En d'autres termes, qu'y avait-il dans le

21 poste occupé par M. Milosevic qui faisait que l'OTAN estimait que c'était

22 à lui qu'il importait de parler?

23 Réponse: D'abord, il était le chef d'Etat du pays concerné; il était, pour

24 autant que je m'en souvienne, le commandant en chef des chefs des forces

25 militaires également. Or les militaires participaient à des actions à ce

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1 moment-là et, en tant que chef d'Etat, je pense qu'il était au moins

2 quelque peu responsable des actes de la police. Je pense savoir que la

3 police est officiellement sous le commandement du ministère de

4 l'Intérieur, mais, à mon avis, en tout cas dans mon interprétation du

5 terme "responsabilité", le soutien à de telles actions de la part de la

6 police est indivisible.

7 Question: Donc c'est ce que vous comprenez s'agissant de son statut

8 juridique, de son statut de jure. Mais y avait-il quelque chose dans le

9 comportement de M. Milosevic, au cours de ces réunions, qui vous a permis

10 de conclure qu'il était la personne la plus opportune à laquelle il

11 convenait de s'adresser?

12 Réponse: Lors de toutes les rencontres avec M. Milosevic, j'ai acquis le

13 sentiment qu'il était réellement l'homme qui contrôlait la situation:

14 c'est lui qui donnait des orientations à nos interlocuteurs, c'est lui qui

15 prenait les décisions finales.

16 Et je pourrais citer un épisode qui est très convaincant, s'agissant de

17 cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

18 Cela s'est produit le 24 octobre 1998, lorsque nous discutions avec des

19 représentants de la police et de l'état-major, dans le bâtiment de l'état-

20 major. Après deux ou trois heures de négociations, nous n'avons pas obtenu

21 grand-chose -ceci figure dans ma déclaration écrite-, nous n'avions obtenu

22 qu'un accord relatif à une toute partie du Kosovo. Mais si nous

23 poursuivions dans la même voie, il était tout à fait clair que nous

24 n'obtiendrions rien dans les 48 heures qui nous avaient été imparties pour

25 ces discussions.

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1 Nous avons donc demandé à M. Perisic de le rencontrer; et M. Clark et moi-

2 même, ainsi qu'un haut gradé de la police, nous nous sommes rendus dans le

3 bureau de Perisic. Une fois que M. Perisic a réussi à se débarrasser du

4 représentant de la police qui nous accompagnait, il nous a dit -je cite-:

5 "Si vous souhaitez obtenir quelque chose, vous devrez demander une

6 nouvelle rencontre avec le Président Milosevic puisqu'il est le seul homme

7 qui peut faire la différence, il est le seul qui peut donner des

8 instructions". (Fin de citation.)

9 A partir de là, j'ai acquis le sentiment que la réalité concrète existait

10 bien également au niveau théorique.

11 Question: Je vois. Monsieur, vous nous avez déjà dit qu'aux environs de 22

12 heures, ce jour-là, la réunion s'est achevée et la délégation est ensuite

13 retournée à Bruxelles, n'est-ce pas?

14 Réponse: Nous sommes d'abord revenus dans notre hôtel à Belgrade où le

15 Secrétaire général Solana a tenu une conférence de presse; il y avait des

16 journalistes présents qui, si je ne m'abuse, n'étaient pas très appréciés

17 par le gouvernement. Certains d'entre eux étaient manifestement du côté de

18 l'opposition. Cette réunion s'est tenue à l'hôtel à Belgrade. Monsieur

19 Solana a répondu à des questions posées par les journalistes et a rendu

20 compte de l'objet de notre visite. Après quoi, nous sommes rentrés à

21 Bruxelles.

22 Question: Je ne vous demande pas de détails, Monsieur, mais vous nous avez

23 déjà parlé de votre présence le 12 octobre, date à laquelle M. Holbrooke a

24 obtenu cet "ordre d'activation" que vous avez défini à notre intention. Je

25 crois que vous étiez également à Bruxelles le jour où le Secrétaire

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1 général Solana a informé l'OTAN de tout cela, n'est-ce pas?

2 Réponse: C'est exact.

3 Question: Vous-même et le général Wesley Clark, avez-vous été chargé d'une

4 mission, une fois que M. Holbrooke a établi le cadre d'un accord formel?

5 Réponse: Si vous parlez de la deuxième mission qui nous a été confiée,

6 s'agissant de notre deuxième visite à Belgrade, mission qui nous a été

7 confiée le 24 et le 25, effectivement, nous étions chargés d'une mission.

8 Monsieur Holbrooke avait -si je puis m'exprimer ainsi- réussi à

9 internationaliser le conflit du Kosovo, mais il n'avait pas négocié dans

10 le détail le retrait des forces présentes sur le terrain, en nombre

11 excessif par rapport au nombre acceptable en temps de paix. Et la fin des

12 hostilités n'était pas évidente, après la visite de Holbrooke, à Belgrade.

13 La signature de l'accord impliquant un régime de vérification au Kosovo et

14 un accord bilatéral entre les autorités yougoslaves et la SACEUR n'avaient

15 rien créé de tout à fait clair.

16 Mais le retrait des forces n'était pas encore effectué. Donc le Conseil de

17 l'OTAN était toujours inquiet de la situation puisqu'il craignait que la

18 situation continue à se dégrader; il a décidé d'envoyer le général Clark

19 et moi-même à Belgrade avec mandat de trouver le moyen de réduire les

20 forces en présence, les effectifs en présence. Je parle de cette façon,

21 qui peut paraître un peu étonnante, afin d'éviter d'utiliser le mot

22 "négocier" puisqu'au moins une nation du Conseil de l'OTAN avait des

23 réticences graves quant à l'envoi de généraux aux fins de négocier dans le

24 cadre d'une mission politique.

25 Il nous avait été demandé, à nous les militaires, de le faire, mais on ne

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1 souhaitait pas utiliser officiellement le mot "négocier". Et je pense que

2 M. Milosevic se souviendra, car nous le lui avons expliqué, que dans une

3 certaine mesure nous lui avons dit que la situation était assez étonnante,

4 que nous n'étions pas là pour négocier, mais que le résultat que nous

5 étions censés obtenir était le même que celui d'une négociation, c'est-à-

6 dire un accord. Donc nous sommes retournés là-bas dans le but d'obtenir un

7 accord qui autoriserait l'OTAN à ne pas exécuter l'ordre d'activation.

8 Nous souhaitions trouver une solution pacifique qui éviterait des

9 hostilités entre l'OTAN et l'ancienne République de Yougoslavie.

10 Voilà quel était notre objectif et c'est dans cette intention que nous

11 sommes allés à Belgrade.

12 Question: Cela nous amène donc à la réunion des 24 et 25, n'est-ce pas?

13 Réponse: C'est exact.

14 Question: Vous venez de nous dire quel était l'objet de cette rencontre et

15 c'est la raison pour laquelle vous vous êtes rendus à Belgrade?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Très bien. Lorsque vous êtes allé à Belgrade, que s'est-il

18 passé?

19 Réponse: Eh bien, à l'aéroport, nous avons été reçus par son excellence

20 l'Ambassadeur Miles ainsi que le chef de la mission KDOM, dans le cadre de

21 la Mission d'observation du Kosovo qui avait été créée en décembre à peu

22 près, M. Shaun Byrnes. Ils nous ont informés brièvement de la situation et

23 ils nous ont accompagnés au Palais Blanc où nous avons été reçus par M.

24 Milosevic.

25 Question: Lorsque vous dites "nous", vous étiez accompagné par

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1 l'Ambassadeur américain M. Miles et par Shaun Byrnes?

2 Réponse: Ils étaient avec nous lorsque nous sommes arrivés au Palais

3 Blanc.

4 Question: Oui.

5 Réponse: Nous avions un certain nombre de collaborateurs qui nous

6 accompagnaient. Il était présent pendant la plus grande partie des

7 discussions. C'était le conseiller diplomatique du commandant allié

8 suprême, M. Mike Durkee, citoyen américain et employé de l'OTAN qui

9 travaillait donc à nos côtés.

10 Question: Et est-ce qu'il y avait quelqu'un qui prenait des notes?

11 Réponse: Il y avait avec moi le général des forces aériennes, Gerhard

12 Bischoff, c'était mon conseiller. Et, avec M. Durkee, sur le chemin du

13 retour à partir des notes prises par M. Durkee, ils ont rédigé le rapport

14 que nous avons alors remis au Conseil de l'OTAN, rapport écrit.

15 Question: Là, nous avons un peu pris les devants, mais nous essayons de

16 voir quelle est la structure générale.

17 Samedi 24, dimanche 25, vous avez des réunions séparées. Est-ce bien

18 exact?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Qui était présent pour représenter les autorités yougoslaves?

21 Réponse: Nous avons été accueillis par M. Milosevic. Manifestement,

22 c'était lui qui était là pour nous accueillir. Il y avait aussi le général

23 Perisic, le chef d'état-major, le vice-Premier ministre de la République

24 fédérale de Yougoslavie, M. Sainovic, qui était présenté comme étant celui

25 qui avait la responsabilité des questions du Kosovo. Etaient également

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1 présents M. Milutinovic et, je pense aussi, le chef du cabinet personnel

2 de M. Milosevic et le conseiller en matières étrangères. Plus tard, nous

3 avons rencontré quelques autres généraux de police et de l'armée.

4 Cette première réunion a duré à peu près une heure et demie. Elle avait

5 pour objectif général de dresser le cadre…, de fournir des explications à

6 notre mission, à notre envoi et pour expliquer quels étaient nos

7 objectifs.

8 Cette réunion a été suivie d'une autre à laquelle M. Milosevic n'était pas

9 présent. Elle s'est tenue au quartier général du grand état-major. Nous y

10 avons rencontré quelques généraux, des colonels, des officiers. De notre

11 côté, il y avait aussi du personnel de la mission de la KDOM.

12 Question: Avant d'arriver à cela, parlons de la première réunion qui a

13 duré une heure et demie. Est-ce qu'à ce moment-là vous avez fourni un

14 message à M. Milosevic?

15 Réponse: Oui, je me souviens parfaitement des termes utilisés à cette

16 occasion. Je pense que nous avons commencé par ceci, nous avons dit:

17 "Monsieur le Président, nous sommes venus vous remettre un message très

18 clair, sans aucune ambiguïté. Je pense que l'heure tourne, vous avez

19 encore 24 heures pour répondre à ce message."

20 C'était la quintessence de ce message. C'était un langage clair, direct,

21 qui n'était pas très diplomatique et qui n'a pas été accueilli avec

22 beaucoup d'enthousiasme -je dois dire- mais vraiment, cela a planté le

23 décor.

24 Question: Est-ce que lors de cette première réunion d'une heure et demie,

25 vous avez discuté de la façon détaillée de la façon dont on pouvait éviter

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1 la mise en œuvre de l'ordre d'activation?

2 Réponse: Nous avons dit que la clef, la clef de tout, c'était de diminuer,

3 de réduire les forces de police et les effectifs de l'armée se trouvant au

4 Kosovo, que tous les contingents supérieurs à ceux prévus en temps de paix

5 soient redéployés ailleurs, au Kosovo et pour aussi éviter l'utilisation

6 disproportionnée de la force contre la population civile.

7 Nous avons dit aussi à M. Milosevic que si nous étions là, c'était

8 uniquement pour avoir une réponse à nos exigences que nous avions relayées

9 au Conseil de l'OTAN. Nous lui avons dit que nous n'avions pas le droit de

10 nous engager, de prendre quelques engagements que ce soit pour l'OTAN

11 s'agissant de l'ordre d'activation, car cette décision devait être prise

12 par le Conseil.

13 Question: Vous avez délivré ce message. Est-ce que M. Milosevic a répondu

14 d'une quelconque façon?

15 Réponse: Si je m'en souviens bien, M. Milosevic a rejeté l'idée selon

16 laquelle l'OTAN avait le droit de menacer son pays par le recours à la

17 force. Il a aussi rejeté ce qu'il a qualifié de nos accusations selon

18 lesquelles les effectifs de police et les effectifs de l'armée auraient

19 recours à un usage disproportionné de la force.

20 Il nous a dit que, d'après ce qu'il savait, ses forces de police et son

21 armée agissaient dans le plein respect de la législation yougoslave. A

22 plusieurs reprises, de façon répétée, il a nié que ces forces, qu'elles

23 soient de police ou forces militaires, se soient servies de chars ou

24 d'artillerie contre des villages et des civils.

25 Question: Est-ce à ce moment-là que vous lui avez relaté le récit de

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1 l'expérience que vous aviez faite dans votre pays?

2 Réponse: Oui. J'ai d'ailleurs donné un exemple des informations que nous

3 avions reçues quelques minutes avant notre atterrissage, qui portait sur

4 un incident qui s'était produit -selon ces informations- dans un village

5 qui avait été pilonné. Monsieur Milosevic s'est tourné vers le général

6 Perisic, lui a demandé s'il était au courant. Celui-ci a dit que non et a

7 nié que ce se soit passé.

8 Mais je ne voudrais blâmer ni M. Perisic ni M. Milosevic de pas être au

9 courant d'un incident qui s'était passé peut-être quelques heures à peine

10 auparavant. Car nous le savons, je le sais -vous ne le savez peut-être

11 pas, Messieurs les Juges- mais je sais combien il faut de temps pour

12 qu'une information passe par tous les échelons de la voie hiérarchique

13 pour arriver dans les mains d'un chef d'Etat ou d'un chef d'état-major

14 général.

15 Question: Suite à cette conversation qui a duré, vous l'avez dit, à peu

16 près une heure et demie, est-ce qu'il s'est passé autre chose? Je veux

17 dire, est-ce que vous avez été rencontrer d'autres personnes? Vous avez

18 dit d'ailleurs que vous aviez rencontré notamment des généraux?

19 Réponse: Après ce premier échange et après avoir expliqué l'objet de notre

20 mission à M. Milosevic, celui-ci a dit à son équipe qu'il fallait négocier

21 avec nous sur la façon d'arriver à un accord. Je pense que nous avions

22 qualifié cette partie-là de la discussion de "discussion technique" que

23 nous allons tenir au quartier général du grand état-major, après quoi, il

24 fallait lui faire rapport du résultat.

25 Question: Et cette seconde réunion s'est passée ce jour-là?

Page 6979

1 Réponse: Oui, elle a commencé dès notre arrivée en voiture, quelque part à

2 Belgrade, là où se trouvait le quartier général du grand état-major. Et

3 comme je vous l'ai laissé entendre auparavant, nous avons commencé par un

4 volet assez technique.

5 Il y avait une grosse délégation de l'autre côté et nous n'avons pas

6 réussi à beaucoup progresser. Tout d'abord, nous nous sommes concentrés

7 sur une zone, je pense, qui entoure la petite ville de Malisevo au Kosovo

8 et, à partir de là, nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire

9 pour atténuer les tensions dans la région, pour essayer de trouver un

10 accord. Cela a dû durer à peu près deux ou trois heures; c'est seulement

11 après ce laps de temps qu'on était arrivé à une situation plus ou moins

12 valable pour cette toute petite zone.

13 Monsieur le général Clark et moi-même, nous nous sommes dit qu'il était

14 vraiment inutile de poursuivre de la sorte parce qu'on serait encore là

15 lorsque l'OTAN lancerait ses premières bombes; cela ne nous poserait pas

16 beaucoup de problème, mais cela voudrait finalement dire qu'on ne

17 parviendrait pas à notre objectif qui consistait à éviter les hostilités.

18 Question: Vous vous préoccupiez du temps considérable qu'il fallait pour

19 discuter de détails minuscules, peu importants?

20 Réponse: Oui, on avait que 48 heures pour arriver à un résultat concret,

21 que l'on pourrait présenter au Conseil de l'OTAN afin que ce Conseil ne

22 décide pas de déclencher la guerre. C'est la raison pour laquelle nous

23 avons insisté, car nous étions pressés par le temps. Nous nous sommes

24 demandés comment faire pour accélérer la procédure pour vraiment arriver à

25 un résultat.

Page 6980

1 Perisic nous a conseillés de retourner voir M. Milosevic. Nous l'avons

2 fait, nous avons été autorisés à avoir un second entretien avec le

3 Président au Palais blanc.

4 Question: Est-ce que c'est à cela que vous pensiez lorsque vous avez dit

5 que M. Perisic vous avait dit que "si vous vouliez parvenir à un résultat,

6 il fallait aller voir Milosevic"?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Je vois. C'est ce que vous avez fait?

9 Réponse: Oui. Monsieur Milosevic a accepté de nous voir une seconde fois;

10 nous sommes repartis au Palais blanc et je crois que nous avons eu un

11 échange "assez animé", dirais-je, si je me souviens bien. Et nous avons

12 expliqué "qu'il incombait désormais aux autorités yougoslaves de faire

13 quelque chose pour changer de cap, pour réduire les effectifs sur place,

14 pour cesser les hostilités et pour ne plus avoir cet usage disproportionné

15 de la force".

16 C'était la teneur des échanges qu'il y a eu entre le général Clark, moi-

17 même et M. Milosevic. Si je me souviens bien, une heure et demie, deux

18 heures se sont écoulées; c'est seulement alors que M. Milosevic a dit

19 qu'il voulait consulter ses conseillers les plus proches; il est allé dans

20 la pièce adjacente. Une demi-heure s'est peut-être écoulée; ce sur quoi,

21 il est revenu pour nous dire qu'il avait donné à ses hommes l'instruction

22 de négocier avec nous pour parvenir à un accord. Il a dit à M. Milutinovic

23 qu'il devait participer à ces entretiens au quartier général du grand

24 état-major. Nous sommes donc repartis et nous avons entamé ces

25 négociations; elles ont dû commencer vers 23 heures et ont duré… Je crois

Page 6981

1 que nous nous sommes retournés à l'hôtel à 5 heures du matin, mais nous

2 avions à ce moment-là un document accepté de part et d'autres ad

3 referendum; c'était un document que nous étions prêts à présenter à M.

4 Milosevic le lendemain matin, à 10 heures, au Palais blanc.

5 Question: Je vous arrête un moment.

6 Messieurs les Juges, il y a quelques détails repris aux paragraphes 16 à

7 20 de façon à finir le paragraphe 20. Il suffit de quelques questions pour

8 aborder ces détails.

9 Ne mentionnez pas les diverses personnes qui ont participé à ces réunions

10 techniques, au volet technique des discussions. Je vais vous demander

11 ceci: est-ce que vous avez discuté du chiffre ou du nombre des effectifs

12 qui étaient censés être présents au Kosovo en temps de paix?

13 Réponse: Oui, nous avons discuté de cela.

14 Je n'hésite pas à vous informer, Messieurs les Juges, de ceci: Clark et

15 moi-même, nous sommes allés à Belgrade ayant en tête le chiffre de 6.000

16 effectifs s'agissant des effectifs policiers au Kosovo en temps de paix.

17 Ceci a été démenti, refusé avec véhémence par les autorités yougoslaves

18 qui nous ont fournis par écrit des informations selon lesquelles on avait

19 comme chiffre peut-être environ 10.000.

20 Et il a bien fallu reconnaître que nous avions des renseignements fiables

21 s'agissant des effectifs. Ce sont des informations qu'on peut obtenir

22 grâce à des images aériennes permettant de calculer les importances des

23 effectifs. C'est possible pour l'armée, mais pas nécessairement pour la

24 police. Nous avons eu des échanges d'informations et puis, nous avons

25 accepté le chiffre de 10.000 offert par les autorités yougoslaves. Mais

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1 cela voulait dire qu'ils devaient réduire les effectifs policiers, se

2 trouvant à ce moment-là au Kosovo, d'environ à 5 à 6.000 hommes en

3 l'espace de 48 heures.

4 Question: Vous aviez des éléments d'information limités portant sur

5 l'importance des effectifs de police du MUP. Est-ce que vos renseignements

6 vous disaient aussi d'où venaient ces hommes supplémentaires? Est-ce que

7 c'étaient des personnes venant des localités concernées ou pas?

8 Réponse: Nous savions assez bien d'où venaient ces hommes, quelles étaient

9 leurs positions en temps de paix. Ce que nous ne savions pas -et je vous

10 l'ai laissé entendre-, nous ne connaissions pas l'importance des unités de

11 police. Parce que, quelquefois, ces policiers faisaient leur travail en

12 vêtements civils; donc c'est beaucoup plus difficile que lorsque vous avez

13 des militaires, difficile d'établir des estimations lorsqu'il s'agit de

14 personnel de police.

15 Question: Nous sommes au paragraphe 19, Messieurs les Juges.

16 Vous avez dit que, suite à l'entretien privé que vous aviez eu avec

17 Perisic, au cours duquel il vous a dit que pour arriver à quelque chose,

18 il fallait parler à Milosevic, vous avez donc eu cet entretien: il

19 s'agissait de cet entretien de deux heures dont vous avez parlé.

20 A l'occasion de cette réunion, au cours de celle-ci, est-ce que vous avez

21 parlé de la réduction des effectifs de police ou de l'armée? Je ne sais

22 pas si vous en avez parlé, j'ai peut-être oublié. Pourriez-vous donner

23 plus de détails? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez dit

24 expressément à Milosevic?

25 Réponse: Messieurs les Juges, je pense que nous avons dit clairement à M.

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1 Milosevic que nous voulions réduire les effectifs de polices aux effectifs

2 qu'il y avait en temps de paix au Kosovo, et que toutes les forces

3 militaires devaient être retirées des positions qu'elles occupaient sur le

4 terrain et qu'elles devaient revenir dans leurs garnisons ou casernes.

5 Question: Est-ce qu'au cours de ces discussions, vous avez fait référence

6 de l'UCK?

7 Réponse: Bien sûr, à plusieurs reprises nous avons fait référence à l'UCK.

8 Lorsque M. Milosevic a expliqué qu'ils prenaient des mesures, qu'ils

9 utilisaient des moyens contre, que l'UCK utilisait la force contre les

10 forces de polices serbes, contre les citoyens serbes, il estimait que

11 c'était son devoir de veiller à la défense de son pays contre de telles

12 choses et que ces citoyens devaient pouvoir vivre sans crainte.

13 Question: Quelle a été votre réponse?

14 Réponse: Eh bien, ceci nous ramène à ce dont nous avons déjà discuté. Les

15 deux parties à cette discussion, et ceci se répercutait dans l'accord,

16 effectivement un pays doit se défendre contre toutes menaces terroristes,

17 mais il faut tenir compte de la proportionnalité de ces mesures de

18 défense. Or, ce n'était pas le cas d'après les informations que nous

19 avions et la conclusion que nous avions tirée.

20 Question: Si je comprends bien l'évolution des événements -corrigez-moi si

21 je me trompe-, après cette réunion il a eu des consultations avec ses

22 conseillers, puis il est revenu, il a dit: "D'accord, poursuivez la

23 négociation" –je paraphrase là- et puis vous êtes parvenus à un accord à 5

24 heures du matin. Puis vous deviez, le lendemain matin vers 10 heures,

25 retrouver ce dimanche matin, retrouver Milosevic?

Page 6984

1 Réponse: Oui, dimanche matin, 10 heures au palais.

2 Question: Reprenez le récit des événements à partir de ce moment-là.

3 Réponse: Eh bien, nous avons soumis nos résultats à M. Milosevic. Je pense

4 qu'il les avait déjà lus et qu'il en avait discuté avec ses conseillers,

5 et surtout avec Milutinovic. Cette réunion-là a duré trois heures.

6 Certains détails n'ont pas été appréciés par M. Milosevic. Et puis, nous,

7 nous avions aussi un certain problème puisque nous avions posé des

8 exigences précises: quant aux forces, aux effectifs de police sur place,

9 un des pays de l'OTAN a éprouvé des difficultés à cette encontre.

10 Par conséquent, nous avons négocié pour apporter quelques modifications au

11 document, et nous avons appelé cet accord "Déclaration".

12 Je pense que la Chambre dispose de ce document, n'est-ce pas?

13 Question: Effectivement, je vais peut-être vous le montrer, ce document.

14 Je pense que c'est la pièce 94, intercalaire 3, me semble-t-il.

15 Monsieur l'Huissier, est-ce que c'est le document en question? Veuillez le

16 montrer au témoin.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Intercalaire 3 de la pièce 94. Je pense que c'est le procès-verbal de

19 réunion à Belgrade du 25 octobre 1998, 0076663.

20 Réponse: C'est exact. C'est bien ce document dont nous sommes convenus et

21 que nous avons signé.

22 Question: Fort bien.

23 Ayez l'obligeance, Monsieur, de nous dire si on voit quelques signatures?

24 Nous reviendrons sur le document en tant que tel par la suite, mais

25 pourriez-vous nous parler de ces signatures, dans quelles circonstances

Page 6985

1 ont-elles été apposées?

2 Réponse: Il était manifeste que ce document devait être signé par ceux qui

3 avaient participé aux négociations: il y avait M. Sainovic qui a signé,

4 celui qui était responsable de tout ce qui se passait au Kosovo, il a

5 aussi reçu la signature du général Djordjevic qui était responsable de la

6 sécurité publique à ce moment-là au ministère de la République de Serbie,

7 et puis il y avait le général Clark et moi-même qui avons signé au nom des

8 autorités militaires de l'OTAN. Et puis il y a eu toute une discussion sur

9 la question de savoir si M. Milosevic devait signer ou pas. Nous avons

10 insisté, M. Clark et moi, pour qu'il signe.

11 Question: Pourquoi?

12 Réponse: Eh bien, M. Milosevic a posé la même question. Au départ, il

13 n'était pas tellement prêt à signer mais nous lui avons dit ceci:

14 "Monsieur le Président, nous sommes convaincus de l'importance de votre

15 signature apposée à ce document car, sans votre aval, ce document ne sera

16 pas vraiment respecté dans votre pays. C'est la raison pour laquelle nous

17 vous demandons de signer."

18 Une assez longue discussion s'en est suivie et, si je peux le dire, M.

19 Milosevic, un peu à contre-cœur, a accepté de signer. Et c'est la

20 signature que vous voyez ici sur ce document, là où il n'y a pas de nom

21 imprimé.

22 On regarde la signature.

23 Question: Pour un profane, pourriez-vous nous dire quelle est l'écriture,

24 le type d'écriture. Est-ce que c'est bien un "C" puis un point?

25 Réponse: Vous avez un "C" et un point: ça représente le "S" en cyrillique.

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1 Question: Ah! je comprends. Donc, vous voulez dire que cette ligne que

2 l'on voit à la droite de cette désignation, vous étiez présent au moment

3 où M. Milosevic a signé?

4 Réponse: Oui, tout à fait, j'étais là, présent au moment où M. Milosevic a

5 signé.

6 Question: La Chambre dispose déjà de cette pièce, je ne vais pas

7 l'importuner par un examen approfondi de cette pièce. Mais, en quelques

8 mots, si vous deviez synthétiser l'impact de ce document, que devait-il

9 montrer?

10 Réponse: La première page, celle où se trouvent les signatures, c'est

11 simplement la consignation de ce qui s'est passé. Et faisant partie

12 intégrante de cette première page, succinctement, c'est la déclaration qui

13 indique sur quoi portait la négociation, quelles étaient les obligations

14 incombant à la République fédérale de Yougoslavie qui étaient de ramener

15 les troupes dans leurs garnisons de temps de paix. Et il était également

16 dit que l'armée yougoslave allait conserver trois compagnies en position

17 de terrain afin d'assurer la protection des lignes de communications qui

18 sont mentionnées expressément dans ce document. Le document indique à quel

19 moment devraient se faire le retrait et le redéploiement, et il stipule

20 aussi quelles sont les obligations auxquelles s'engage la Yougoslavie pour

21 informer la KDOM et par la suite, les observateurs de l'OSCE de

22 l'exécution de ces tâches, notamment pour le redéploiement des forces. Je

23 pense qu'il y avait aussi un accord séparé sur le comportement adopté par

24 la police.

25 Question: Intercalaire n°4 de cette pièce 94. Peut-on montrer cette pièce

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1 au témoin?

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Ce document a pour titre "Accord entre le ministère de l'Intérieur et la

4 KDOM". Il y a un autre numéro 006672. Il y a une date aussi, celle du 24

5 octobre 1998. Est-ce bien de ce document dont vous parliez?

6 Réponse: Tout à fait. Il est précisé ce que peut et ce que doit faire la

7 police. 27 points d'observation seront établis le long des lignes de

8 communication qui sont précisées dans ce document, le nombre de postes

9 d'observation est indiqué également. Ce document précise les obligations

10 incombant aux forces de police d'après l'accord, et ce document est signé

11 par M. Djordjevic et par M. Shaun Byrnes qui était à l'époque le chef de

12 la mission de la KDOM.

13 Question: Pour que tout soit clair et que la Chambre ait bien compris,

14 est-ce que ce document a été signé en même temps que l'autre ou est-ce que

15 ce document existait déjà? Je comprends bien qu'il portait sur le même

16 jour.

17 Réponse: Ce document était déjà là au moment où nous avons présenté le

18 fruit de nos travaux à M. Milosevic. Et je précise à l'intention des Juges

19 que c'était sans doute l'élément qui avait nécessité le plus de temps de

20 négociations, car là nous avons dû faire face à l'attitude adoptée par

21 ceux qui négociaient au nom de la police. Ceux-ci voulaient plus ou moins

22 établir un contrôle complet et permanent de chacun des sentiers au Kosovo.

23 Question: Lorsque vous dites qu'une réunion s'est tenue entre 11 heures et

24 17 heures, vous voulez dire que c'est la rédaction de ce document qui a

25 pris ce temps-là?

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1 Réponse: Oui, nous avions besoin de pas mal de temps pour arriver à ces

2 chiffres.

3 Question: Très bien, mais ce document était à la disposition de M.

4 Milosevic, il a pu le lire à l'époque où on lui a demandé de le signer. Il

5 s'agit donc de l'intercalaire 3 de la pièce à conviction 94?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Très bien. Vous avez dit qu'il semblait un peu récalcitrant, il

8 n'était pas prêt à le signer. Est-ce qu'il y a donc eu un changement

9 d'attitude après la signature?

10 Réponse: Après la signature du document, je pense que nous avons vu une

11 certaine détente dans l'ambiance par rapport à ce qui était le cas avant;

12 et M. Milosevic nous a offert à boire un verre d'eau-de-vie, de

13 sljivovicu, et nous avons pu nous entretenir, dans une ambiance un petit

14 peu plus détendue, au sujet de l'avenir. Je pense qu'à l'époque nous

15 estimions, nous espérions qu'il y aurait eu moins d'hostilité et qu'il ne

16 serait pas nécessaire de mettre en pratique ce pourquoi nous avions été

17 envoyés à Belgrade, donc de mettre en pratique les avertissements que nous

18 avons dû fournir à M. Milosevic.

19 Question: Très bien. Pendant les discussions, vous rappelez-vous une

20 déclaration en particulier qui a été faite et qui vous a semblé

21 intéressante?

22 Réponse: Oui, je me rappelle une déclaration. Et puisque cette déclaration

23 est d'une certaine importance, je l'ai re-vérifiée encore une fois avec le

24 général Clark, qui était présent. Pour autant que je m'en souvienne, M.

25 Milosevic a déclaré qu'il allait essayer de trouver une solution au

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1 problème kosovar au printemps de l'année 1999. On peut ajouter, à

2 l'intention de la Chambre, que nous avons également discuté de la question

3 de la proportion entre la population serbe et la population non-serbe, en

4 particulier les Albanais de souche ou les Kosovars.

5 Monsieur Milosevic et nous-mêmes n'avions pas à l'esprit les mêmes

6 chiffres. Je dois ajouter qu'il a toujours parlé de 900.000 Kosovars et à

7 peu près 600.000 personnes appartenant aux autres nationalités, y compris

8 les Serbes. Mais nos chiffres étaient considérablement plus importants

9 pour ce qui est des Albanais de souche, des Albanais kosovars.

10 Et dans ce contexte, il a déclaré également -et je pense que c'était

11 également l'affirmation de Sainovic- que l'une des conditions préalables à

12 ce qu'on trouve une solution pour le Kosovo était d'arriver à un équilibre

13 entre les deux groupes ethniques. Il me semble que c'est Sainovic qui a

14 fait part de ses préoccupations concernant la natalité, le taux natalité

15 considérablement plus élevé de la population kosovare que celui des

16 Serbes, et qu'il fallait trouver une solution qui ne ferait pas

17 réapparaître le même problème en l'espace de quelques années.

18 Dans ce contexte, il a été question d'une solution pour le printemps 1999.

19 Ensuite, nous avons demandé à quoi il se référait en parlant de solution,

20 et en réponse, on nous a dit: "Mais nous ferons la même chose que ce que

21 nous avons fait à Drenica en 1945 ou 1946".

22 Question: Vous saviez ce que cela signifiait?

23 Réponse: Non, bien sûr, nous ne le savions pas. Nous avons posé la

24 question quant au sens de cette réponse. Au début, nous avons eu du mal à

25 l'admettre comme telle, mais en effet la réponse était de dire: "Nous

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1 devrons les rassembler et leur tirer dessus, les tuer." A l'époque, c'est

2 ce que nous avons fait.

3 Question: Qui était présent à cette réunion?

4 Réponse: Milutinovic et son conseiller. Monsieur Milosevic saurait mieux

5 qui était présent. Je pense que Bugarcic était là, le général de police,

6 Perisic, et de l'autre côté, il y avait Clark, moi-même, et je pense aussi

7 que Michael Durkee était présent.

8 Question: Je parle donc aujourd'hui de toute la journée du dimanche, donc

9 la réunion du 25. Avez-vous eu l'impression que l'accusé était au courant

10 ou n'était pas au courant des activités de la police serbe?

11 Réponse: De manière générale, je suppose qu'il était en effet au courant.

12 Je ne sais pas cependant s'il disposait de tous les détails, si tous les

13 détails lui ont été rapportés. Je ne peux pas savoir quelle est la

14 quantité de ces points particuliers qu'il connaissait, mais j'ai eu

15 l'impression que M. Milosevic était la personne qui contrôlait la

16 situation.

17 Quant à savoir s'il a donné son aval sur tous les points en particulier,

18 eh bien, au mieux, je ne peux pas vous répondre à cette question.

19 Question: Je me réfère à la pièce à conviction 94, intercalaire 4. Il est

20 question de relations entre la KDOM et le MUP. Durant vos conversations,

21 l'accusé semblait-il être au courant des détails contenus dans ce

22 document?

23 Réponse: Monsieur le Président, je suis tout à fait certain que M.

24 Milosevic était informé en détail du contenu des documents, et l'une des

25 raisons de cette opinion qui est la mienne est que M. Milosevic, à

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1 plusieurs reprises, a laissé entendre qu'il était très préoccupé par le

2 fait que la souveraineté de la Serbie devait être pleinement respectée.

3 Nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'une autorité internationale

4 étrangère, dans un premier temps la KDOM américaine, mais dans une phase

5 ultérieure elle devait être remplacée par un régime de vérification, la

6 KVM, eh bien, que ce sont ces forces-là qui contrôleraient les forces de

7 police serbe. Et il y a eu également d'autres accords portant sur les

8 forces militaires. Donc pour un homme qui était à ce point préoccupé par

9 la sauvegarde de la souveraineté nationale, ceci était une manière

10 d'enfreindre à ce droit.

11 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur Sainovic vous a été présenté par M.

12 Milosevic qui a précisé qu'il avait une capacité particulière?

13 M. Naumann (interprétation): Oui, comme Premier ministre adjoint et la

14 personne qui était responsable des affaires du Kosovo.

15 M. Kwon (interprétation): Excusez-moi d'interrompre.

16 Lorsque M. Milosevic a dit: "On les a tous rassemblés, on les a tués",

17 comment avez-vous réagi en entendant cela? Avez-vous essayé d'obtenir des

18 précisions?

19 M. Naumann (interprétation): Non, nous ne l'avons pas fait. Nous nous

20 sommes retrouvés incapables de réagir, abasourdis! Et c'était quelque

21 chose qui était complètement invraisemblable, inconcevable.

22 M. Ryneveld (interprétation): Je passe au paragraphe 27, Monsieur le

23 Président, Messieurs les Juges.

24 Monsieur Naumann, vous nous avez dit quel était l'objectif de cette

25 réunion. Nous avons vu les pièces 94-3 et 4 et, en tant que résultat de

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1 cela, pour vous, le fait que le document a été signé signifiait que

2 l'ordre d'activation ne serait pas nécessaire?

3 M. Naumann (interprétation): Donc, comme je l'ai dit très clairement à M.

4 Milosevic, nous n'avions aucune autorité, aucune compétence d'émettre des

5 promesses à ce sujet.

6 Mais je pense que j'ai également laissé entendre que nous allions donner

7 une recommandation en notre capacité militaire au Conseil, donc la

8 recommandation de pas activer ou émettre cet ordre d'activation si

9 l'accord était entièrement respecté.

10 M. Ryneveld (interprétation): Très bien, je vois. Donc vous êtes revenus à

11 Bruxelles?

12 M. Naumann (interprétation): Oui, nous sommes revenus à Bruxelles et,

13 directement de l'aéroport, nous sommes allés à la résidence de M. Solana

14 où nous l'avons rencontré. Nous avons rencontré le Secrétaire général

15 adjoint M. Ballanzino et la personne qui était à la tête du cabinet

16 personnel, M. Domecq.

17 Nous leur avons fait notre rapport oralement et nous avons rédigé un

18 rapport écrit détaillé que nous avons fourni à l'institution, au Conseil

19 de l'OTAN avant minuit, le dimanche en question.

20 Nous l'avons donc rédigé, nous l'avons distribué et le Secrétaire général

21 a convoqué une réunion du Conseil où nous avons dû présenter oralement

22 plus en détail ce qui était contenu dans le rapport. Nous avons pu

23 échanger nos vues avec le Conseil.

24 Le 22, le Conseil a pris la conclusion suivante: si l'accord était

25 pleinement respecté et si nous avions confirmation de ce fait par la KDOM,

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1 à ce moment-là, il n'y aurait pas d'ordre d'activation.

2 Question: Donc à condition que l'accord était respecté, l'ordre

3 d'activation n'allait pas être donné?

4 Réponse: C'est cela. Il resterait là comme une potentialité, mais comme un

5 instrument en pression en cas de violation de l'accord. Mais le jour même,

6 je pense que le Conseil de l'OTAN a été très satisfait de voir qu'il y

7 avait une possibilité d'éviter les hostilités.

8 Question: Pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'on a pu observer sur

9 le terrain sur cet accord était respecté ou non?

10 Réponse: Pour autant que je le sache, je dois dire que les autorités

11 yougoslaves ont respecté l'accord. Elles ont retiré leurs forces

12 conformément aux termes de l'accord. Cela n'a pas duré très longtemps, je

13 dois ajouter, mais cela a eu lieu.

14 Question: Donc dans un premier temps, il a eu conformation à l'accord?

15 Réponse: Oui, initialement, c'était cela. Et je dois leur rendre hommage,

16 on doit rendre hommage aux Yougoslaves pour ce qu'ils ont fait, ce n'était

17 pas facile, il y avait 6.000 policiers qu'il a fallu replier en l'espace

18 de 48 heures, mais ils y sont parvenus. Et je pense que nous étions tous

19 très optimistes, fin octobre. Nous nous sommes dit que c'était un progrès

20 majeur.

21 Question: Monsieur Milosevic a donc signé cet accord et c'était cela le

22 résultat de sa signature?

23 Réponse: Oui, c'était cela les conséquences de la signature. Comme je l'ai

24 dit, il y a un instant, ce que M. Milosevic ordonnait de faire était fait.

25 Question: Est-ce que cela s'est maintenu?

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1 Réponse: Non, cela n'a pas duré très longtemps. Donc en novembre, de

2 nouveau, nous avons reçu des rapports réitérés rapportant des violations

3 et, très franchement, je dois dire qu'à en juger d'après les informations

4 que j'ai reçues du terrain de la KDOM et de la Mission de vérification,

5 nombre de ces incidents ont été déclenchés par l'UCK. De toute évidence,

6 l'UCK a essayé d'exploiter le vide qui s'est créé après le retour, le

7 repli des forces de sécurité et ils se sont donc simplement engouffrés

8 dans la brèche afin de prendre le contrôle de la région ou de certaines

9 zones.

10 J'ajoute également qu'il y a eu des provocations et que cela ne s'est pas

11 passé sans actes de violence. Dans nombre de cas, pour autant que je l'aie

12 vu plus tard, durant novembre et décembre, du côté serbe, il y a eu une

13 réaction disproportionnée, encore une fois. Donc je dois dire que ce sont

14 les vieilles habitudes qui se sont manifestées à nouveau, donc une manière

15 de réagir: par exemple, un incident. Quelqu'un a essayé de tuer un

16 policier et là, en riposte, on a utilisé des armes lourdes à l'encontre

17 des villages. Donc c'était une manière de recourir d'une façon

18 disproportionnée à la force, de nouveau.

19 Question: En décembre 1998, est-ce que ces rapports ont suscité vos

20 préoccupations?

21 Réponse: Oui, j'ai eu à réagir et à en référer, de plus en plus souvent et

22 de manière quasiment permanente, devant le Conseil de l'OTAN.

23 Nous avions deux préoccupations principales: premièrement, le système de

24 vérification était en train de s'effondrer et on revenait dans une

25 escalade de la violence, dans cette logique-là; deuxièmement, il nous

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1 fallait des instruments afin de pouvoir contrôler l'UCK, afin de pouvoir

2 influer sur leur action. Nous n'avions pas entre nos mains un instrument

3 qui nous permettrait de les forcer à se conformer aux accords. Et puis, je

4 dois dire que nous n'avions pas cette autorité; je n'ai jamais, en tant

5 que représentant de l'OTAN, eu la possibilité, le feu vert de m'entretenir

6 avec quelqu'un de l'UCK. Il faut savoir qu'initialement, l'OTAN les a

7 qualifiés de terroristes et que la règle d'or est que l'OTAN n'allait pas

8 négocier avec des terroristes. Lorsque vous voyez quelle est la

9 composition de l'OTAN, lorsque vous savez qu'il y a des mouvements

10 terroristes ou des groupes terroristes dans un certain nombre de ces pays,

11 c'est compréhensible. Mais rétrospectivement, on peut se dire que c'était

12 une erreur.

13 M. Ryneveld (interprétation): Donc, compte tenu du fait qu'il y a cette

14 directive, vous n'avez pas pu vous entretenir avec l'UCK?

15 M. Walker (interprétation): Je dois dire que je n'en ai jamais rencontré

16 un seul.

17 M. Robinson (interprétation): Lorsque vous dites que, rétrospectivement,

18 vous considérez que cela a été une erreur?

19 M. Naumann (interprétation): Oui.

20 M. Robinson (interprétation): Pourquoi?

21 M. Naumann (interprétation): Lorsqu'il s'agit d'un tel conflit, en

22 principe, il faudrait pouvoir s'adresser aux deux parties au conflit, afin

23 d'influer sur leur action au mieux. Nous aurions peut-être pu réduire

24 l'importance des difficultés dans cette zone. Je ne peux pas dire

25 aujourd'hui si nous aurions pu trouver une solution de paix, une solution

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1 pacifique, mais je pense pouvoir affirmer que nous aurions dû déployer

2 tous les efforts possibles afin de désamorcer l'intention, avant qu'on ne

3 soit mis en position de devoir recourir à la force militaire pour remettre

4 en place la paix.

5 M. Ryneveld (interprétation): Vous avez déposé, il y a un instant, au

6 sujet de vos entretiens avec M. Milosevic et Sainovic. Il a été question,

7 le 25 octobre, de ce problème kosovar, donc d'Albanais de souche; vous

8 avez exposé les commentaires. Monsieur, avez-vous eu la possibilité de

9 vous interroger au sujet de ce qui s'est passé après décembre 1998?

10 M. Naumann (interprétation): Eh bien, bien entendu, après le mois de

11 décembre 1998, il y a eu une escalade de la violence, il y a eu davantage

12 d'hostilité, il y a eu un nombre croissant de réfugiés et nous avons pu

13 constater que plus ou moins les deux parties en conflit essayaient

14 d'expulser, de chasser les personnes appartenant à l'autre groupe ethnique

15 de l'endroit où ces personnes habitaient. C'était vrai pour la partie

16 serbe sans aucun doute, mais, jusqu'à un certain point, c'était vrai

17 également pour la partie albanaise, donc il s'agissait de chasser les

18 Serbes des enclaves où ils étaient majoritaires.

19 Sur la base des informations que nous avons reçues de la part la Mission

20 de l'OSCE, ils agissaient vraiment de manière tout à fait ouverte et ils

21 avaient recours à la force brute pour le faire, jusqu'à un certain point.

22 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. Nous en arrivons à la réunion du

23 19 janvier.

24 M. le Président (interprétation): Nous allons travailler jusqu'à 12 heures

25 45.

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1 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. Je vais aborder le paragraphe 30.

2 Nous allons donc parler de la troisième réunion: qui s'est tenue quand?

3 M. Naumann (interprétation): Le 19 décembre 1999.

4 Question: C'est après Racak, me semble-t-il? Vous l'avez dit.

5 Réponse: Oui, c'est après Racak. Et c'est Racak qui a déclenché notre

6 arrivée à Belgrade.

7 Question: Qui vous a envoyés? Pourquoi?

8 Réponse: Nous avons été envoyés par le Conseil de l'OTAN afin de dire à M.

9 Milosevic que ce genre d'événements comme ceux qui se sont produits à

10 Racak n'étaient pas tolérables. Encore une fois, je n'hésiterai pas une

11 seconde à vous informer que le général Clark et moi-même avons fait tout

12 ce qui était en notre pouvoir afin d'éviter que le Conseil ne nous y

13 envoie, parce que nous considérions que nous n'étions pas les bonnes

14 personnes à exécuter cette mission puisque nous étions des militaires.

15 Pendant la réunion qui s'est tenue en octobre, encore une fois, je dois

16 dire que nous n'avions pas d'arguments convaincants ou décisifs pour

17 convaincre M. Milosevic. Il n'y a que la menace de mettre en oeuvre

18 l'ordre d'activation, mais qui a perdu de son poids depuis, de sa force.

19 Donc nous n'étions pas, à proprement dire, ravis d'y aller, mais nous

20 avons reçu un ordre et, pour un officier, il n'y a pas le choix à partir

21 du moment où un ordre est donné.

22 Question: Donc vous vous êtes conformés à cet ordre, vous y êtes allés et

23 qu'avez-vous fait?

24 Réponse: Nous y sommes allés pour transmettre à M. Milosevic, d'une

25 manière tout à fait claire, le message qui était le suivant: à savoir que

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1 Racak et un autre événement semblable à Racak n'étaient pas acceptables et

2 cela allait déclencher une réponse militaire. Nous devions également

3 demander à M. Milosevic de voir s'il ne pouvait pas donner une

4 autorisation à Mme Arbour, qui se trouvait avec l'équipe du Tribunal pénal

5 international de Skopje, en Macédoine, d'entrer sur le territoire kosovar

6 et de se rendre sur le terrain, là où les événements de Racak se sont

7 produits.

8 Nous avons également discuté avec le Président Milosevic la décision qui a

9 consisté à déclarer l'ambassadeur Walker persona non grata; nous devions

10 lui demander de revenir sur cette décision et d'accorder à M. Walker la

11 possibilité de rester sur le territoire yougoslave.

12 Nous devions également demander à M. Milosevic de respecter les termes de

13 l'accord du 25 octobre 1998.

14 Question: Vous lui avez dit qu'il n'y avait plus de respect des termes de

15 cet accord?

16 Réponse: Il n'y avait plus de respect des termes de cet accord pour ce qui

17 est des forces de la police, puisqu'il y avait plus au Kosovo à ce moment-

18 là que ce qui était prévu par l'accord. Ensuite, ce qui est peut-être le

19 plus important, c'étaient les effectifs militaires qui étaient très

20 excédentaires par rapport à ce qui a été prévu; donc il y avait aussi le

21 problème de "disproportionalité"; cela a été initialement notre motif pour

22 négocier cet accord.

23 M. Ryneveld (interprétation): Où s'est tenue cette réunion? Je ne pense

24 pas qu'on l'ait dit? Et dites-nous, s'il vous plaît, progressivement

25 comment cela s'est passé? Parlez-nous d'abord de Racak mais, avant tout,

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1 donnez-nous le lieu de la réunion.

2 M. Naumann (interprétation): C'était au Palais blanc, le palais

3 présidentiel de Belgrade. Monsieur Sainovic, me semble-t-il, était présent

4 et je crois aussi le ministre des Affaires étrangères.

5 M. le Président (interprétation): La date, s'il vous plaît?

6 M. Naumann (interprétation): C'était le 19 janvier 1999, Monsieur le

7 Président.

8 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. Vous nous avez dit que l'un des

9 points à l'ordre du jour était Racak. Vous en avez parlé avec l'accusé, et

10 si oui, qu'a-t-il dit?

11 Réponse: Oui, nous avons parlé de Racak. En route vers le palais

12 présidentiel, nous nous sommes arrêtés avec l'ambassadeur Walker, et nous

13 avons entendu son rapport au sujet des événements sur le terrain, de ce

14 qu'il a vu lui-même sur place; et nous avons communiqué au Président

15 Milosevic les remarques ou les observations de l'ambassadeur Walker.

16 Les conclusions ont été les suivantes: nous avions toutes les raisons de

17 croire que ces victimes n'ont pas été tuées lors d'un combat, comme cela a

18 été affirmé par la partie yougoslave, mais qu'on a tué ces personnes après

19 l'incident qui s'est produit initialement sur place et il s'agissait donc

20 de civils et que l'une de ces victimes était un garçon âgé de 14 ans.

21 Question: Avez-vous présenté ces allégations au Président Milosevic?

22 Réponse: Oui, c'est ce que nous avons fait. Il les a rejetées sans

23 hésitation, M. Milosevic s'est mis en colère lorsqu'on lui a dit cela. Il

24 nous a dit que les militaires et la police serbes n'auraient jamais agi en

25 contrevenant à la loi serbe. Il nous a accusés de partialité, comme si on

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1 était tombé dans le piège tendu par M. Walker, ce qui a donc entraîné la

2 décision de déclarer M. Walker initialement persona non grata, et alors

3 nous nous sommes rangés du côté de Walker, et que c'est pour cela que nous

4 avons fait ce genre de déclaration.

5 Question: En tant que commandant militaire, avez-vous fait des

6 observations au sujet de ce que vous avez entendu dire par rapport aux

7 blessures?

8 Réponse: Il me semble que nous lui avons montré quelques photographies des

9 personnes tuées. Et je crois que j'ai dit à M. Milosevic que, s'agissant

10 d'une opération menée par l'infanterie, on n'aurait jamais pu considérer

11 que les blessures que portaient les corps des victimes correspondaient à

12 ce genre d'opérations. De toute évidence, ces impacts de balles dans la

13 nuque ne correspondaient absolument pas à une opération menée par

14 l'infanterie.

15 Question: Mais, comment est-ce qu'on entraîne les soldats?

16 Réponse: Ecoutez, quand vous avez la personne qui a des impacts de balles

17 dans la nuque, cela veut dire d'abord que vous avez tiré dans le dos de

18 quelqu'un, et ce n'est pas comme ça qu'on entraîne ou qu'on forme des

19 combattants lorsque… C'est uniquement quand on attrape quelqu'un, qu'on a

20 le droit de le faire, lorsque quelqu'un ne veut pas se conformer à la loi

21 de la guerre.

22 Et un deuxième point, dans un combat, eh bien, la plupart des impacts de

23 balles se situeraient au niveau du buste ou de la tête, donc la partie

24 supérieure et du front, et non le dos et la nuque. Donc, je dois dire que

25 j'ai souvent conduit des exercices de tir et je ne me souviens pas d'un

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1 seul événement où, durant cet exercice, qui que ce soit se soit trouvé

2 dans une position où il aurait tiré dans la nuque de quelqu'un.

3 Question: Vous nous avez dit que M. Milosevic a été très en colère en

4 entendant cela. Comment avez-vous pu apprécier cela?

5 Réponse: Eh bien, il s'est mis à élever la voix, à parler plus fort. Les

6 gens qui se trouvaient dans l'antichambre et qui regardaient les très

7 belles toiles, les peintures, qu'on trouve au palais présidentiel de

8 Belgrade, eh bien, ils ont été distraits par cela et ils se sont rendus

9 compte de cela, et ils se sont mis à plier bagages en pensant qu'on allait

10 les jeter dehors.

11 Question: Plus tard, vous avez abordé la question concernant Mme la Juge

12 Arbour?

13 Réponse: Oui, nous avons essayé d'expliquer à M. Milosevic qu'il devrait

14 autoriser Mme Arbour à se rendre sur le territoire kosovar ou plutôt sur

15 le territoire yougoslave, pour visiter les lieux et je l'ai mis dans ma

16 déclaration écrite. Non, nos suggestions ont été rejetées; il n'y avait

17 aucun moyen de les faire accepter.

18 Bien sûr, nous avons téléphoné à Mme Arbour à Skopje: le général Clark a

19 utilisé son mobile. Eh bien, elle ne voulait accepter rien qui soit moins

20 une autorisation moindre que l'accès tout à fait libre aux lieux. Et je

21 pense qu'elle a eu raison; d'un point de vue professionnel elle a eu tout

22 à fait raison.

23 Question: Il y a eu quelques négociations, mais il y a eu enfin un accord?

24 Dites-nous, s'il vous plaît -je ne voudrais pas paraphraser vos mots-

25 quelle a été la conclusion finale? L'équipe finlandaise a pu se rendre sur

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1 le site?

2 Réponse: Oui, c'est exact. L'équipe finlandaise a pu avoir l'autorisation.

3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez peut-être lu la

4 déclaration écrite du médecin finlandais: il me semble qu'il s'agit de Mme

5 Ranka. Le 17 mars, elle a fait une déclaration publique de l'année 1999;

6 après avoir mené un certain nombre d'autopsies et, de manière tout à fait

7 claire, elle est arrivée à la conclusion que ces personnes n'avaient pas

8 été tuées lors d'un combat, et elle a fourni des détails pour étayer ces

9 conclusions. Donc il y a des raisons de croire, encore aujourd'hui, que

10 Racak n'était pas un endroit où un combat s'est déroulé mais que c'est un

11 lieu où un crime a été perpétré.

12 Question: Monsieur, au moment où se tenaient ces discussions, vous au

13 moment où il y avait ces négociations notamment avec l'équipe finlandaise,

14 savez-vous si les autopsies avaient déjà été réalisées?

15 Réponse: Je n'ai pas d'information précise. Les autorités yougoslaves

16 avaient commencé à effectuer des autopsies avant que cette équipe

17 internationale puisse voir les corps.

18 Question: Je dois apporter une précision. Je ne vous demande pas ici de

19 nous dire si, à votre avis, ces informations étaient exactes, mais

20 étaient-ce là des informations que vous avez reçues et que vous avez

21 transmises à l'accusé? Et si tel est le cas, quelle fut sa réaction?

22 Réponse: Nous avions dit que nous en avions entendu parler et, du coup, il

23 était difficile pour une équipe indépendante de tirer des conclusions.

24 Question: Et est-ce cela que vous avez dit à l'accusé?

25 Réponse: Monsieur Milosevic en a été informé; c'est moi ou le général

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1 Clark qui en avons parlé.

2 Question: Quelle fut sa réponse?

3 Réponse: Il n'a pas accepté cette idée et, si je me souviens bien, on en

4 est revenu à la question de la souveraineté nationale.

5 M. Ryneveld (interprétation): Vous avez dit également que le statut de

6 l'ambassadeur Walker en tant que persona non grata avait été évoqué, et

7 nous vous avez dit que c'était à la suite de ce qu'il avait dit à propos

8 de Racak, n'est-ce pas?

9 M. Naumann (interprétation): Oui, j'ai l'impression que cette décision a

10 été prise après que M. Walker se soit prononcé publiquement pour exprimer

11 son avis personnel sur les événements de Racak.

12 Nous avons essayé… Je crois que c'est moi qui l'ai fait, j'ai tenté de

13 faire comprendre à M. Milosevic quelle était l'impression qu'on avait

14 s'agissant d'un pays comme la Yougoslavie. On pensait qu'un tel pays ne

15 devait pas pratiquement chasser un chef de mission de l'OSCE sans

16 consulter auparavant le Président ou la présidence de l'OSCE, à savoir M.

17 Vollebaek qui était alors ministre des Affaires étrangères norvégien.

18 Nous avons également souligné que M. Milosevic devrait accepter de

19 recevoir M. Vollebaek, lequel était censé se déplacer en tant que

20 responsable de l'OSCE pour aller à Belgrade.

21 Le Président Milosevic a indiqué qu'il n'était pas prêt à revenir pour

22 revenir sur l'attitude qu'il avait manifestée à l'égard de M. Walker

23 puisque, à son avis, M. Walker avait prononcé des propos incorrects et

24 insultants.

25 M. Kwon (interprétation): J'aimerais revenir à quelque chose que vous avez

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1 dit, avant que ceci ne disparaisse de l'écran. Vous avez dit que Racak

2 n'était pas un lieu où s'étaient produits des combats. Est-ce que vous

3 saviez qu'il y avait des unités de l'UCK dans le village de Racak et qu'il

4 y avait eu un combat au cours duquel certains membres de l'UCK avaient

5 trouvé la mort?

6 M. Naumann (interprétation): Je sais que quelques 45 personnes avaient

7 participé à cet événement, certains d'entre eux étaient manifestement des

8 membres de l'UCK qui ont été tués, mais ces gens qu'on a retrouvés dans

9 cette espèce de ravin, ce n'étaient pas des gens de l'UCK. C'étaient des

10 civils sans arme. Et ce n'est pas monté de toutes pièces. Il suffit

11 d'effectuer une autopsie de quelqu'un qui est mort au cours de combats.

12 Vous allez trouver des traces de poudre, notamment sur les mains, si une

13 arme a été utilisée. Or, on montre dans l'autopsie qu'aucune des victimes

14 ne présentait de traces de poudre sur les mains.

15 M. Ryneveld (interprétation): …

16 M. Kwon (interprétation): Encore une question. A quel moment avez-vous

17 appris qu'il y avait parmi les personnes tuées à l'époque des membres de

18 l'UCK?

19 M. Naumann (interprétation): Lorsque nous nous sommes entretenus avec

20 l'ambassadeur Walker, nous lui avons demandé s'il s'était produit quelque

21 chose, une escarmouche opposant l'UCK et les forces yougoslaves. Il nous a

22 dit qu'il y avait eu un incident dans cette zone, qu'il y avait eu un

23 échange de coups de feu, mais il parlait de ce rapport disproportionné et

24 que c'était dans ce sens-là que les forces yougoslaves avaient pénétré

25 dans le village, avaient rassemblé ces gens et avaient commencé à les

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1 séparer et que, manifestement, certaines de ces personnes, certains des

2 villageois étaient tués.

3 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

4 M. Ryneveld (interprétation): Question de suivi. Vous avez eu une

5 conversation avec l'ambassadeur Walker. Ceci s'est produit le 19 janvier,

6 au moment de votre arrivée ou à un autre moment?

7 M. Naumann (interprétation): Non. Le 19, nous sommes allés à l'ambassade

8 et c'est là que nous avons obtenu ces informations.

9 M. Ryneveld (interprétation): Je vais commencer le paragraphe 35. Est-ce

10 que je poursuis?

11 M. le Président (interprétation): Non, non. Nous allons suspendre

12 l'audience pendant une heure et demie.

13 Monsieur le Général, je dois vous communiquer cet avertissement officiel:

14 puisque vous être en train de déposer, vous n'avez le droit de ne parler à

15 personne dans cette déposition tant qu'elle n'est pas terminée, et ceci

16 comprend les représentants du Bureau du Procureur. Veuillez être de retour

17 dans le prétoire à 14 heures 25.

18 M. Naumann (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

19 (Le témoin, M. le général Klaus Naumann est reconduit hors du prétoire.)

20 (L'audience, suspendue à 12 heures 52, est reprise à 14 heures 29.)

21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld, vous avez la

22 parole.

23 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

24 Général, avant la pause du déjeuner, vous nous disiez ce qu'il en était

25 des discussions que vous aviez eues avec l'accusé, le 19 janvier 1999.

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1 Auparavant, vous aviez parlé de quatre points. Nous en étions arrivés, je

2 crois, au quatrième de ces points qui portait sur le fait qu'on avait

3 l'impression que l'accord du 25 octobre n'était pas appliqué ni respecté.

4 Pourriez-vous nous parler des sujets évoqués à ce propos le 19 janvier?

5 M. Naumann (interprétation): Eh bien, nous avons parlé du nombre

6 excédentaire de policiers qui avaient été ramenés dans la zone du Kosovo.

7 Nous avons dit qu'il y avait non-respect de l'obligation d'avoir un usage

8 proportionné de la force, ceci étant le fait de l'armée et de la police.

9 Nous avons également parlé du fait que les unités de l'armée n'étaient pas

10 dans des garnisons, comme il avait été convenu dans la déclaration qui

11 avait été faite et dont nous avons déjà parlé ici.

12 Afin d'étayer nos affirmations de violation, nous avons remis une liste

13 qui reprenait, je pense, dix incidents, incidents pour lesquels, à notre

14 avis, il y a eu violation flagrante de l'accord par les forces de sécurité

15 serbes.

16 Question: Pourriez-vous nous décrire la façon dont l'accusé a réagi à vos

17 affirmations selon lesquelles il n'y avait non-application et non-respect

18 de l'accord?

19 Réponse: Nos allégations n'ont pas été acceptées par lui. Nous n'avons

20 jamais reçu de réaction à la liste que nous avions remise, et ce que nous

21 avons dit a été rejeté par M. Milosevic.

22 Question: S'agissant de l'utilisation disproportionnée de la force?

23 Réponse: Oui?

24 Question: Particulièrement à ce propos, est-ce qu'il y a eu des

25 commentaires quant à la multiplication des mouvements de troupes?

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1 Réponse: Pas de la part de M. Milosevic. C'est nous qui avions dit que

2 nous avions observé une augmentation du nombre de mouvements de troupes à

3 l'extérieur du Kosovo, qui ont été présentées comme étant des manœuvres

4 d'hiver.

5 Question: Et savez-vous ce qu'il entendait par là par "manœuvres d'hiver"?

6 Réponse: Eh bien, c'est ce qu'on comprend généralement: il arrive à toutes

7 les forces armées de faire des manœuvres; et lorsqu'il y a des exercices

8 ou manœuvres d'hiver, cela veut dire que les effectifs ne sont plus dans

9 les garnisons, mais sont à l'extérieur, occupés à faire des exercices de

10 routine.

11 Mais la connotation assez malencontreuse, c'est le fait que ces exercices

12 se déroulent si près de la zone du Kosovo et que le déploiement des forces

13 sur le terrain pouvait se faire plus rapidement que si ces forces

14 s'étaient trouvées plus loin du Kosovo.

15 Question: Au moment où vous avez remis cette liste, quelle a été la

16 réaction, pour autant qu'il y en a eu une, de la part de M. Milosevic?

17 Réponse: Eh bien, la réponse polie habituelle: "On va examiner la

18 question".

19 Question: Et est-ce que, par la suite, vous avez reçu une réponse de la

20 part de l'accusé par rapport à cette liste?

21 Réponse: Non, jamais, mais je suppose que ceci est dû aussi à l'évolution

22 de la situation. Vous le savez, peu de temps après, a commencé le

23 processus de Rambouillet, de Paris et je pense que tout ceci a été un peu

24 pris de vitesse par l'évolution politique, les événements politiques.

25 Question: Quelle a été la durée de cette rencontre?

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1 Réponse: A peu près sept heures.

2 Question: Et qui était présent du côté yougoslave?

3 Réponse: Je vous l'ai déjà dit: il y avait M. Milosevic, M. Sainovic, M.

4 Milutinovic, le ministre des Affaires étrangères, M. Jovanovic, et un

5 monsieur dont j'ai toujours du mal à prononcer le nom: je pense que c'est

6 Bugarcic.

7 Question: Auparavant, vous avez essayé de nous expliquer que vous et le

8 général Clark aviez répugné à assurer cette mission, mais vous l'avez fait

9 parce qu'un ordre vous avait été donné et vous avez accompli votre devoir.

10 Est-ce que, dans ce cadre-ci, vous avez émis un avertissement, quel qu'il

11 soit?

12 Réponse: Nous avons dit que l'OTAN n'allait pas rester impassible devant

13 l'augmentation de l'escalade et la recrudescence de la violence, et que M.

14 Milosevic ne devait pas se laisser bercer par l'illusion que l'OTAN

15 n'agirait pas, n'interviendrait pas.

16 Question: Vous avez donc eu cette réunion. Je suppose qu'à la suite de

17 celle-ci, vous avez préparé un rapport et que vous êtes partis faire

18 rapport devant l'OTAN de l'issue de la réunion?

19 Réponse: C'est exact.

20 Question: A un moment, vous aviez des notes manuscrites. Elles ont été

21 transcrites, n'est-ce pas, pour devenir votre déclaration écrite: c'est

22 bien cela?

23 Réponse: Oui, la plupart de ces notes. Vous l'aurez peut-être constaté à

24 la lecture de mes notes manuscrites, il y a certains éléments

25 d'évaluation, de jugement qui y sont contenus. Et nous n'avons pas repris

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1 de tels éléments dans notre rapport écrit fait au Conseil. Nous avons

2 fourni des informations factuelles sur ce qui s'était passé, sur les

3 objectifs réalisés, et nous avons présenté aussi nos impressions, ces

4 parties de l'évaluation au Conseil, mais de façon verbale.

5 Question: Quelle a été votre impression au cours de cette réunion,

6 l'impression que vous a laissée M. Milosevic? Pourriez-vous le dire aux

7 Juges?

8 Réponse: Eh bien, à l'occasion de cette réunion, j'ai eu l'impression que

9 Milosevic n'était plus prêt à entendre des arguments de notre part. Il

10 semblait déterminé à suivre une certaine politique et il n'était plus prêt

11 à accepter l'argument principal que nous avions invoqué en octobre, à

12 savoir que la Yougoslavie devrait faire partie de l'Europe, en être un

13 élément respecté, et ne devrait pas être un pays qui, par son mauvais

14 comportement, se met au banc de la communauté européenne. Eh bien, cet

15 argument n'avait plus aucune force auprès de lui à l'occasion de cette

16 réunion.

17 C'était peut-être l'impression que j'avais formée à l'époque. Je sentais

18 que M. Milosevic était déçu par le fait que nous, de notre part, si j'ose

19 dire, nous n'avions pas été capables de contenir l'UCK. Il avait espéré

20 qu'en échange, en contrepartie pour ce que lui avait fait dans la mesure

21 où il avait appliqué l'accord du 25 octobre, il avait espéré que l'UCK ne

22 se livrerait plus à ces actions. Peut-être avait-il trop d'espérance, trop

23 d'attente, des attentes trop peu réalistes. Mais, je pense que c'est une

24 évolution qui remonte à bien plus loin que simplement en 1998.

25 Manifestement, il n'entrevoyait plus la possibilité de pouvoir arriver à

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1 un règlement pacifique avec l'UCK, ce que nous avions envisagé.

2 Question: Suite aux discussions que vous aviez eues avec l'accusé, est-ce

3 qu'il vous est apparu clairement que ce dernier était conscient d'un

4 risque certain de voir la Yougoslavie bombardée?

5 Réponse: Oui, M. Milosevic savait que l'OTAN avait cette capacité que

6 l'OTAN pouvait infliger des problèmes sérieux à la Yougoslavie. Et grâce à

7 nos interventions, il avait compris aussi que nous étions déterminés à

8 agir si c'était nécessaire, que c'était le dernier recours si tout avait

9 échoué auparavant

10 Question: Est-ce que vous avez dit cela clairement à l'accusé et est-ce

11 qu'il a réagi d'une façon quelconque?

12 Réponse: Si je me souviens bien, il nous a dit, d'ailleurs assez en

13 colère, que l'OTAN pouvait détruire la Yougoslavie, elle en avait la

14 capacité, et si je me souviens bien, il nous a aussi accusés de ceci, il

15 nous a dit que nous serions coupables, nous aussi, si nous y contribuions.

16 Question: Est-ce qu'il a manifesté des inquiétudes?

17 Réponse: Vous parlez de M. Milosevic?

18 Question: Oui.

19 Réponse: Je vous l'ai dit dans ma déclaration écrite. Il nous a dit: "Eh

20 bien, vous pouvez faire ce que vous voulez, je m'en fiche." Et je pense

21 que ceci indiquait bien, une fois de plus, qu'il avait renoncé à tout

22 espoir de trouver une solution.

23 Question: Vous nous l'avez déjà dit, je pense, Général, que le général

24 Clark et vous, vous vouliez négocier, rencontrer l'accusé, M. Milosevic.

25 Et vous avez eu ces réunions. Est-ce qu'après ces réunions, vous avez eu à

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1 faire à d'autres autorités de l'ex-RFY?

2 Réponse: Non, je n'ai pas eu d'autres contacts avec aucun autre

3 représentant des autorités yougoslaves.

4 Question: Pourquoi?

5 Réponse: Puisque ce procès, ce processus plus exactement, il a été repris

6 par le groupe de contact, c'est comme ça qu'on l'a appelé. C'était un

7 groupe composé de la France, de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, de

8 l'Italie et de la Russie. Ils se sont chargés de la gestion de la crise à

9 ce moment-là et l'OTAN ne faisait pas officiellement partie des

10 négociations. Donc en tant que membre de l'OTAN, je n'ai pas pu prendre

11 part à ces négociations ni les influencer d'une quelconque façon.

12 Question: Je veux maintenant puiser dans votre expérience militaire, si

13 vous le voulez bien. Rétrospectivement, si vous repensez à ce qui s'est

14 passé au cours du printemps 1999, grâce à cette expérience militaire qui

15 est la vôtre, pourriez-vous nous dire si ce qui semble s'être passé par la

16 suite en mars et avril 1999, si ce qui s'est passé nécessitait une

17 planification quelconque? Et si ce fut le cas, quels auraient été les

18 groupes qui auraient dû participer à cette planification?

19 Réponse: Quand je vois l'ampleur, l'échelle, l'envergure des opérations

20 effectuées par la suite par les forces yougoslaves au Kosovo, j'ai le

21 sentiment qu'une telle opération ne peut pas se mener sans qu'il y ait, au

22 préalable, une préparation, une planification minutieuse.

23 Si on avait procédé de cette façon, sur une base nationale dans un pays de

24 l'OTAN de la même façon, il aurait fallu des préparatifs qui auraient pu

25 durer trois ou quatre mois. En d'autres termes, la décision, le démarrage

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1 de tout ceci doit avoir eu lieu vers la fin 1998.

2 Quand on examine la question, on peut se dire que c'était sans aucun doute

3 une opération minutieusement planifiée et exécutée qui, soit dit en

4 passant, a commencé bien avant la première bombe de l'OTAN.

5 Question: Vous avez parlé des discussions que vous avez eues avec l'accusé

6 et vous avez donné un exemple, l'exemple de votre pays et de la façon dont

7 celui-ci aurait essayé de venir à bout de groupes terroristes.

8 Est-ce que vous êtes au courant, grâce à ce que vous a dit M. Perisic, du

9 fait que des forces militaires auraient été utilisées à des fins d'action

10 de sécurité interne?

11 Réponse: Je n'ai eu qu'une réunion avec le général Perisic le 24 ou le 25

12 octobre 1998, et il m'a donné l'impression de ne pas vouloir engager ni

13 utiliser l'armée yougoslave dans des opérations dirigées contre des

14 citoyens de Yougoslavie.

15 Question: Savez-vous quel est le sort qui a été réservé à M. Perisic par

16 la suite? Est-ce qu'il est resté en fonction?

17 Réponse: Non, il a été démis de ses fonctions du côté du mois de novembre

18 1998. Je me souviens d'une chose qu'il a dite, peut-être que cela joue un

19 certain rôle: il nous a dit savoir sciemment que l'OTAN pouvait détruire

20 l'armée serbe si l'OTAN le souhaitait, et que, lui, il avait pour

21 préoccupation de préserver dans la mesure du possible l'intégrité de

22 l'armée serbe. Il décrivait cette armée -je pense le citer ici-: il

23 estimait que c'était "la seule institution démocratique dans la République

24 de Yougoslavie".

25 Question: Nous sommes maintenant au paragraphe 44. Est-ce que vous avez eu

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1 des conversations avec M. Milosevic qui portaient sur les problèmes

2 militaires rencontrés au Kosovo?

3 Réponse: Oui, nous avons eu des discussions, et au cours de celles-ci, M.

4 Milosevic a manifesté sa conviction et nous a dit penser que les forces

5 armées yougoslaves pourraient détruire, annihiler, éliminer l'UCK en

6 l'espace de quelques semaines à peine.

7 Question: Je vois. Vous avez mentionné trois conversations avec lui. Vous

8 souvenez-vous de laquelle de ces trois a fait l'objet de ces commentaires

9 de sa part?

10 Réponse: Je ne suis plus tout à fait sûr.

11 Question: Etait-ce celle d'octobre ou de janvier?

12 Réponse: Je ne sais plus.

13 Question: A un moment donné, vous avez appris que la KVM s'était retirée

14 du Kosovo. D'après ce que vous savez et d'après votre expérience militaire

15 s'agissant des tactiques utilisées après le retrait de l'UCK, qu'en est-

16 il?

17 Réponse: Eh bien, pendant que la KVM était sur place, on avait

18 l'impression qu'elle avait une incidence un peu restrictive sur les forces

19 de sécurité serbe. Celle-ci ne voulait pas manifester trop clairement

20 qu'il y avait des violences. Mais après le repli ou le retrait de la KVM,

21 nous avons assisté à une recrudescence de la violence. Et cet effet

22 limitatif avait disparu.

23 Messieurs les Juges, vous allez peut-être nous accuser d'entendre ceci et

24 nous demander pourquoi nous avons insisté pour que la KVM se retire. Le

25 problème, c'est qu'on avait quelque 1.400 personnes sans arme sur le

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1 territoire du Kosovo, et nous ne voulions tout simplement pas que ces

2 personnes deviennent des otages, s'il y avait une nouvelle escalade de la

3 violence.

4 Question: Quand vous parlez d'escalade de la violence, d'après les

5 informations dont vous disposiez, est-ce que vous avez pu établir quelles

6 étaient les forces serbes qui étaient impliquées et dans quelle mesure

7 elles l'étaient?

8 Réponse: Pas de façon détaillée, je dois vous le dire parce qu'après le

9 retrait de la KVM, s'agissant de ce qui se passait sur le terrain, nous en

10 étions de moins en moins informés. Il fallait se fier à des moyens de

11 renseignements techniques.

12 Et vous savez, les conditions climatiques à ce moment de l'année 1999

13 n'étaient pas particulièrement favorables, pas au début du mois de mars.

14 Le climat, les conditions atmosphériques ne nous ont pas permis, grâce à

15 toute la technique que nous avions, de savoir ce qui se passait sur le

16 terrain.

17 Question: Savez-vous s'il y a eu une quelconque participation de la VJ?

18 Réponse: D'après les informations que nous avions, les renseignements,

19 nous pouvons répondre par l'affirmatif.

20 Question: Qu'en est-il du MUP?

21 Réponse: Il est certain qu'il y a eu participation du MUP. Je pense que la

22 plupart des actions étaient au départ le fait des forces de police.

23 Question: D'après ce que vous avez pu voir ou établir grâce à votre

24 expérience militaire, est-ce qu'il y avait une coordination entre ces deux

25 forces?

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1 Réponse: Nous avons vu des incidents pour lesquels manifestement la VJ

2 avait reçu l'ordre de donner de l'équipement au MUP. Le MUP a utilisé ce

3 matériel et j'ai conclu aussi, lorsque nous avons examiné la situation

4 dans sa totalité telle qu'elle se développait, que l'opération était très

5 bien coordonnée et qu'il y avait un commandement central situé quelque

6 part à Belgrade.

7 (Les Juges se concertent sur le siège.)

8 Question: Est-ce qu'on vous a parlé d'unités de corps d'armée particuliers

9 qui auraient participé à ces faits?

10 Réponse: Nous avons conclu que le 3e Corps d'armée de la VJ, qui avait son

11 quartier général à Nis, était le centre de coordination. Par ailleurs

12 cependant, le commandement…, le soutien nécessaire à la conduite d'une

13 telle opération ne suffisait pas. Il fallait avoir le soutien d'ailleurs.

14 Il n'y avait donc pas simplement le 3e Corps d'armée qui était concerné.

15 La chaîne de commandement était sans doute au niveau du 52e Corps à

16 Pristina; donc cela partait de là vers le 3e Corps d'armée à Nis, et puis

17 cela allait au grand état-major à Belgrade.

18 Question: Une dernière question, Monsieur le Général, vers le mois de mars

19 1999, M. l'ambassadeur Holbrooke a eu une dernière réunion avec M.

20 Milosevic. Est-ce que vous étiez présent au moment où il en a fait

21 rapport?

22 Réponse: J'étais présent à la réunion du conseil qui s'est déroulée par la

23 suite. L'ambassadeur Holbrooke avait été dépêché à Belgrade après que le

24 processus de Rambouillet avait capoté. Et c'était la dernière tentative

25 afin d'éviter les hostilités.

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1 Monsieur Holbrooke nous a dit que M. Milosevic n'était pas prêt à

2 négocier, ce qui voulait dire que l'option politique ou diplomatique avait

3 échoué. Cette impression a fait l'objet d'une discussion parmi les membres

4 du Conseil qui ont évoqué la situation, et le Conseil a finalement demandé

5 au Secrétaire général de mettre à exécution l'opération.

6 Question: Vous voulez dire par là qu'il s'agissait de mettre en oeuvre

7 l'ordre d'activation?

8 Réponse: L'ordre d'activation existait déjà. Ce que je veux dire par là,

9 lorsque je dis "mise à exécution de l'opération", c'était que les plans

10 opérationnels qui avaient été présentés au Conseil de l'OTAN portaient sur

11 une intervention aérienne limitée sur une zone de l'ex-République

12 d'Yougoslavie et que ces plans ont été exécutés. C'est ce que je voulais

13 dire.

14 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de question à

15 vous poser.

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

17 M. Ryneveld (interprétation): (Hors micro.)

18 Avant que le contre-interrogatoire ne commence, une question: la Chambre

19 peut-elle nous mettre à disposition cinq minutes avant la suspension

20 d'audience d'aujourd'hui, pour quelques questions administratives?

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Klaus Naumann, par l'accusé M.

23 Milosevic.)

24 M. Milosevic (interprétation): Général Naumann, est-il exact ce que je

25 m'apprête à vous lire? "L'attaque sur la Yougoslavie constitue l'agression

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1 la plus flagrante internationale depuis que les Nazis ont attaqué la

2 Pologne afin d'empêcher les atrocités commises contre les Allemands"? Est-

3 ce exact?

4 M. Naumann (interprétation): Je suis tout à fait en désaccord avec cette

5 déclaration.

6 M. Milosevic (interprétation): C'est la position de Walter G. Rockler

7 (phon.), qui se prononce au sujet du procès qui s'est tenu à Nuremberg.

8 Ceci a été publié le 10 mai 1999.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est encore une

10 autre opinion, un autre point de vue.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est pour cela que j'ai posé la

12 question au témoin.

13 M. le Président (interprétation): Il vous a répondu: il n'est pas d'accord

14 avec vous.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous, en tant que général de l'armée

16 allemande, vous avez atteint le plus haut grade dans votre armée, vous

17 avez une longue carrière derrière vous; dites-moi ce que pensez du fait

18 qu'à trois reprises au cours de ce siècle, votre pays...

19 M. le Président (interprétation): Ceci n'a pas de pertinence.

20 Monsieur Milosevic, nous ne souhaitons pas que vous vous lanciez dans ce

21 genre de généralisations. Les événements de 1999 et de 1998 nous

22 intéressent à présent. Je vous prie de vous limiter à cela.

23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je vous prie de tenir compte

24 du fait que le témoin a fait référence à nos conversations; il a même dit

25 que j'ai considéré que l'OTAN n'avait pas le droit de lancer des menaces à

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1 l'encontre de la Yougoslavie. Il a dit que ces menaces s'appuyaient sur

2 des arguments politiques. Il a évoqué cela de manière publique. Il en a

3 parlé aujourd'hui. J'ai tous les droits de l'interroger sur le contexte

4 politique sur lequel il s'appuie lorsqu'il dépose. Vous ne pouvez pas

5 limiter mon droit sur ce point.

6 M. le Président (interprétation): Bien au contraire. Nous sommes tout à

7 fait en position de faire cela.

8 Vous devez poser des questions pertinentes au sujet de la déposition du

9 témoin. Si vous souhaitez l'interroger au sujet de vos entretiens, vous

10 êtes libre de le faire, mais les questions historiques d'ordre général ne

11 sont pas pertinentes. Je vous prie de l'interroger au sujet de sa

12 déposition.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais ceci a trait à sa déposition, Monsieur

14 May.

15 M. le Président (interprétation): Passez à un autre sujet, s'il vous

16 plaît.

17 M. Milosevic (interprétation): Je pense que cela n'avantage pas le témoin

18 que vous le protégiez de cette manière.

19 M. le Président (interprétation): Mais je ne suis pas en train de le

20 protéger. Le Tribunal doit se protéger contre vous. Continuez, s'il vous

21 plaît.

22 M. Milosevic (interprétation): Comment expliquez-vous le fait qu'au sein

23 de l'ex-Yougoslavie, le soutien à l'agression de 1999 a été fourni

24 précisément par les forces kosovares, qui étaient du côté de l'Allemagne

25 pendant la Seconde Guerre mondiale?

Page 7019

1 M. le Président (interprétation): Mais quelle est la pertinence de cela?

2 Ceci n'est pas pertinent.

3 M. Milosevic (interprétation): Parce qu'il s'agit du plus haut

4 représentant de l'OTAN qu'on ait vu dans ce prétoire jusqu'à présent.

5 C'est en même temps le fonctionnaire militaire allemand le plus haut

6 placé. Or il faut savoir que l'Allemagne a joué un rôle clé dans

7 l'effondrement de la Yougoslavie, le démantèlement de la Yougoslavie.

8 C'est précisément de cela qu'il s'agit dans le prétoire.

9 M. le Président (interprétation): Nous allons vous interrompre ici. Le

10 général peut réagir à ces allégations puisqu'elles peuvent avoir une

11 certaine pertinence.

12 Donc ce qui est affirmé, c'est que l'Allemagne a joué un rôle clé dans le

13 démantèlement de la Yougoslavie. Général, vous avez entendu cette

14 allégation. Etait-ce le motif qui vous a poussé à agir?

15 M. Naumann (interprétation): Je peux dire que ce n'était pas la raison qui

16 a présidé à nos actions. J'ai entendu ces allégations à plusieurs reprises

17 en tant que citoyen allemand et en tant que militaire allemand. Monsieur

18 Milosevic se rappellera peut-être que l'Allemagne a fait preuve de retenue

19 très importante lorsque ces événements de l'ex-Yougoslavie ont commencé.

20 Nous parlons aujourd'hui de la quatrième guerre que M. Milosevic a

21 ordonnée à ses forces de déclencher. Lors des trois premières guerres, la

22 Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, en fait l'Allemagne a fait

23 preuve d'une extrême retenue, mais lorsque nous avons vu à la fin qu'il

24 n'y avait pas d'autres moyens de rétablir la paix et la stabilité dans

25 cette région de l'Europe, qui ne se trouve pas si loin de l'Allemagne que

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1 ça, eh bien, nous nous sommes joints au consensus qui prévalait au sein de

2 l'OTAN.

3 Il y a eu des discussions difficiles dans mon pays, Monsieur Milosevic,

4 des discussions très douloureuses, et moi-même, personnellement, j'ai

5 souvent déclaré et j'étais à l'époque à la tête de la défense en

6 Allemagne, que l'Allemagne, compte tenu du fait de ce qu'elle a fait

7 durant la Deuxième guerre mondiale, eh bien, devait tout faire afin de

8 tirer les conclusions et les conséquences qui s'imposaient. Je rappelle à

9 ce Tribunal que l'Allemagne est vraisemblablement le seul pays européen

10 qui prive de sa citoyenneté les citoyens allemands qui violent la

11 constitution. Ceci est une conséquence claire de ce qui s'est passé

12 pendant la Seconde Guerre mondiale, mais nous sommes également arrivés à

13 la conclusion, et c'est pour cette raison-là que l'Allemagne a pris part à

14 l'opération, qu'il faut protéger ses citoyens en même temps que la

15 souveraineté de son Etat. C'est pour cela que nous avons pris part à

16 l'opération de l'OTAN.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je pense que nous en

18 avons entendu assez. Essayons de nous pencher sur la déposition du témoin.

19 Vous étiez présent lors de ces entretiens, donc vous avez eu l'occasion de

20 rejeter les affirmations du témoin. Il a fait une ou deux allégations très

21 graves et vous devriez l'interroger là-dessus pendant votre contre-

22 interrogatoire.

23 M. Milosevic (interprétation): J'y viendrai, Monsieur May, mais permettez-

24 moi tout d'abord d'aborder ce que vient de dire le témoin ?

25 M. le Président (interprétation): Non, ceci était une réponse à

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1 l'allégation que vous avez initialement prononcée. Nous avons épuisé ce

2 sujet avec cette réponse. Passons à autre chose.

3 M. Milosevic (interprétation): Le témoin vient de dire que j'ai envoyé mes

4 forces à la guerre en Slovénie et en Croatie et en Bosnie. Si, à l'époque

5 j'étais Président de la Serbie, je me demande quelle était l'armée que

6 j'avais à ma disposition, quelle était l'armée que la Serbie avait et

7 qu'elle a pu envoyer en guerre en Slovénie, en Croatie et en Bosnie? Eh

8 bien, c'est cela qui m'intéresse.

9 M. le Président (interprétation): Ce sont d'autres points. Nous aborderons

10 ces questions à un stade ultérieur de ce procès. Pour le moment, ceci

11 n'est pas pertinent et je vous prie d'arrêter l'échange d'arguments là-

12 dessus.

13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, donc rien n'a de pertinence,

14 Monsieur May.

15 Monsieur Naumann, s'il vous plaît, savez-vous alors pour quelles raisons,

16 le 6 avril 1992, l'Allemagne a-t-elle reconnu l'indépendance de la Bosnie-

17 Herzégovine? C'est précisément la date d'anniversaire des bombardements

18 lancés par Hitler sur Belgrade!

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ceci ne nous mènera

20 nulle part ce genre de question. Si vous êtes en train de suggérer que ce

21 témoin est partial, de quelque manière que ce soit, posez des questions

22 là-dessus au témoin, mais ce genre d'allégations générales ne nous aide

23 pas.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ceci n'est absolument pas une

25 accusation. Il s'agit d'une question qui se fonde sur un fait. Ce fait est

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1 que l'Allemagne a reconnu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine le 6

2 avril. Or, le 6 avril 1942, sans avertissement préalable, Hitler a

3 bombardé la Yougoslavie.

4 M. le Président (interprétation): Non, non, non, je ne vous autoriserai

5 pas à vous lancer dans ce genre d'accusation. Si vous ne pouvez pas

6 contre-interroger correctement ce témoin au sujet de sa déposition, à ce

7 moment-là nous allons mettre fin à ce contre-interrogatoire. Vous savez

8 quelle est la teneur de sa déposition. Vous devriez lui poser des

9 questions là-dessus.

10 M. Milosevic (interprétation): Vous m'interdisez de poser des questions à

11 ce témoin au sujet de ses points de vue, de ses positions politiques…

12 M. le Président (interprétation): C'est totalement sans pertinence.

13 M. Milosevic (interprétation): Au sujet de ses prises de position

14 publiques?

15 M. le Président (interprétation): Vous devrez le contre-interroger au

16 sujet de ce qu'il a dit en public. En effet, ça c'est possible. Avançons.

17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est par ce bout alors que je

18 vais le prendre.

19 Monsieur Naumann, à l'époque où vous étiez inspecteur général de la

20 Bundeswehr, en fait, vous étiez le chef de l'armée, n'est-ce pas?

21 Dans un journal qui s'intitule "La Sécurité européenne", page 8, je vous

22 rappelle une citation, puis je vous poserai la question: "L'Allemagne

23 depuis le 31 août, l'année dernière, se trouve réunifiée. Elle est libre

24 des forces d'occupation et, ainsi, elle est entièrement souveraine pour la

25 première fois depuis l'époque de Richelieu, pour la première fois depuis

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1 trois siècles, nous pouvons vivre cette satisfaction de ne plus faire

2 l'objet de pressions étrangères, que ce soit de l'Est ou de l'Ouest.

3 Ainsi, notre pays se voit offrir l'occasion d'agir sur la scène politique.

4 Elle devient acteur et non plus seulement objet. Elle doit prendre sa

5 place au sein de l'Union européenne et au sein de l'OTAN. C'est là que

6 l'Allemagne voit sa responsabilité accrue. Et cet article date de 1995.

7 Monsieur Naumann, donc depuis l'époque de Richelieu, puis pendant la

8 Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale, voire à commencer

9 par 1933 à l'époque d'Hitler, vous dites donc que l'Allemagne a toujours

10 fait l'objet de pressions étrangères et qu'enfin elle est libre de ces

11 pressions. Qu'entendez-vous par là? Qu'elle se voit confiée donc une

12 responsabilité politique?

13 M. le Président (interprétation): Je vous ai dit, Monsieur Milosevic, que

14 l'histoire n'est pas pertinente. Passez à autre chose. Trouvez quelque

15 chose dans sa déposition au sujet de la Yougoslavie et vous pouvez

16 l'interroger là-dessus, au sujet de ces événements qui nous intéressent

17 dans ce procès. Bien sûr, cela peut faire l'objet de vos questions. Mais

18 des questions non pertinentes constituent un gaspillage du temps de ce

19 Tribunal.

20 M. Milosevic (interprétation): Souhaitez-vous répondre à ma question?

21 M. le Président (interprétation): Mais s'agissant de la position de

22 l'Allemagne, entre l'époque de Richelieu et 1914, eh bien, ceci ne fait

23 pas l'objet de ce procès. Passons à autre chose.

24 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, une autre question, Monsieur May.

25 A-t-elle une pertinence, celle-ci, je vous prie? A la lumière de ce que je

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1 viens de citer -je viens de citer M. Naumann- je voudrais lui poser une

2 question.

3 Les frontières alors, les frontières dans les Balkans, à quelque

4 différence près, pour quelle raison sont-elles de nouveau les mêmes que

5 durant la Deuxième Guerre mondiale?

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Naumann, si vous voyez une

7 manière de répondre à cette question, allez-y.

8 M. Naumann (interprétation): Tout d'abord, Monsieur le Président, M.

9 Milosevic est en train de confondre des choses. Je n'étais pas un général

10 allemand au service de l'OTAN, je n'ai pas agi au nom de l'Allemagne. J'ai

11 agi au nom des 16 nations souveraines membres de l'OTAN. L'Allemagne n'en

12 est qu'une.

13 Monsieur Milosevic, comme je vous l'ai déjà dit lors de l'une de nos

14 premières conversations: peu importe l'uniforme que je porte, j'étais là

15 en tant que représentant militaire de l'OTAN et non pas d'un pays membre

16 de l'OTAN. Tel était mon devoir en tant que président du comité militaire

17 de l'OTAN.

18 Pour ce qui est de ces questions relevant de l'histoire, je ne peux que

19 répéter encore une fois toutes les actions ou tous les conseils que j'ai

20 fournis au conseil de l'OTAN et c'est cela seul qui fait l'objet de nos

21 propos ici. Eh bien, je dois dire que je n'ai jamais reçu d'instructions

22 allemandes de la part de qui que ce soit, je n'ai jamais agi au nom de

23 l'Allemagne. Je me suis contenté d'agir au nom du conseil et en respectant

24 les instructions qui m'ont été données soit par le conseil, soit par le

25 Secrétaire général de l'OTAN. Donc le fait que je sois allemand n'y était

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1 pour rien. Et pour que ce soit consigné au compte rendu d'audience, je

2 tiens à préciser que je n'ai jamais reçu d'instructions nationales de la

3 part de mon pays au cours de la crise kosovare durant toute sa durée.

4 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous ai pas demandé uniquement au

5 sujet de vos instructions. Je vous pose des questions, parce que vous êtes

6 un général allemand qui connaît l'histoire de son pays et qui connaît

7 notamment l'aspect politique de la question. Il y a un instant, vous avez

8 dit que l'UCK était considérée comme une organisation terroriste, qu'il

9 s'agissait d'un mouvement séparatiste. Ceci n'est pas contestable, n'est-

10 ce pas? Est-ce contestable que telle a été votre position?

11 M. Naumann (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

12 puis-je répondre à cela?

13 (Les Juges hochent de la tête.)

14 Mais bien sûr, vous pouvez voir ça dans les déclarations de l'OTAN.

15 Initialement, nous avons considéré que l'UCK agissait en tant

16 qu'organisation terroriste et cela figure dans les conclusions de la

17 réunion ministérielle de Luxembourg de mai 1998. Mais ce serait une

18 interprétation tout à fait erronée ou fausse, si vous cherchez maintenant

19 à délivrer le message selon lequel c'est l'UCK qui a amorcé ou activé tout

20 cela.

21 L'UCK, jusqu'à un certain point, est le résultat de la politique qui a été

22 mis en place par votre gouvernement. C'est le résultat de la négation ou

23 du déni des droits de l'homme. Et vous vous rappellerez peut-être le rôle

24 du processus de Dayton, puisque c'est vous qui avez empêché que la

25 question kosovare ne fasse l'objet des discussions lors de ces

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1 négociations-là. Certaines délégations considéraient qu'il fallait trouver

2 une solution pour les Balkans tout en cherchant également une solution de

3 paix pour le Kosovo. Et telle n'avait pas été votre position. Donc,

4 Monsieur Milosevic, ne cherchez pas à présenter de manière partiale cette

5 situation.

6 M. Milosevic (interprétation): Vous êtes en train d'affirmer que Dayton

7 s'est consacré au Kosovo également, pour autant que je m'en souvienne.

8 Dayton a été consacré à la question de la paix en Bosnie, et pour autant

9 que je m'en souvienne, l'intitulé était la recherche d'une solution

10 globale de paix en Bosnie. Il me semble que nous pouvons nous mettre

11 d'accord sur le fait que le Kosovo n'est pas en Bosnie et que le Kosovo

12 n'a pas fait l'objet une seconde des négociations à Dayton. Ou bien vous

13 ne partagez pas mon opinion?

14 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin préciser cela.

15 M. Naumann (interprétation): Bien entendu, le Kosovo ne se trouve pas en

16 Bosnie. Nous sommes parfaitement d'accord là-dessus.

17 Bien entendu l'Accord de Dayton ne traite pas du Kosovo, mais vous vous

18 rappellerez les négociations. Pendant la phase finale, plusieurs personnes

19 ont cherché à mettre la question kosovare à l'ordre du jour; et ces

20 efforts ont échoué, parce que vous ne vouliez pas que le Kosovo en face

21 partie.

22 M. Milosevic (interprétation): Puisque je vous ai posé une question au

23 sujet de ce mouvement séparatiste. Pourriez-vous me répondre à présent à

24 la question suivante. Pour quelle raison les protagonistes de ce combat

25 cherchant à réaliser divers projets séparatistes dans les Balkans,

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1 pourquoi y a-t-il une continuité entre eux et divers collaborateurs

2 fascistes de la Deuxième Guerre mondiale?

3 M. le Président (interprétation): C'est précisément le type de questions

4 qui ne sont pas pertinentes.

5 Monsieur Milosevic, si vous insistez sur ce genre de questions, nous

6 allons mettre un terme à votre contre-interrogatoire. Je vous prie de

7 poser des questions pertinentes.

8 M. Milosevic (interprétation): Je suis convaincu que tout ceci est

9 pertinent. Essayons ceci, j'espère que vous ne le trouverez pas

10 insignifiant.

11 Le 30 août 1999, vous avez résumé les messages de l'OTAN à la Yougoslavie.

12 Vous avez dit: "Nous ne pensions pas que cela allait durer 78 jours. Sans

13 qu'il ait eu cette image diffusée par les médias, l'image des réfugiés,

14 nous n'aurions pas pu tenir ces 78 jours. Même cela, nous ne l'aurions pas

15 supporté."

16 Eh bien, maintenant...

17 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin répondre. Laissez-le

18 répondre.

19 M. Milosevic (interprétation): L'avez-vous déclaré, oui ou non?

20 M. Naumann (interprétation): Mais je ne cherche pas à nier cela, je l'ai

21 dit.

22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, permettez-moi de vous poser une

23 question à ce moment-là.

24 Vous êtes militaire, moi, je suis civil; alors vous devez pouvoir me

25 répondre à cette question: y a-t-il une guerre sans réfugiés? Avez-vous

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1 jamais entendu parler d'une guerre sans réfugiés, compte tenu de

2 l'ensemble de la doctrine militaire? Oui ou non?

3 M. Naumann (interprétation): Je pense qu'il n'y a jamais eu de guerre sans

4 réfugiés. Mais il y a une différence entre les réfugiés qui s'enfuient à

5 cause des effets de la guerre et des réfugiés qui sont expulsés de leurs

6 maisons, de leurs localités par des forces militaires ou des forces

7 policières du pays dont ils sont citoyens.

8 Question: S'il vous plaît, peu avant la fin de l'interrogatoire principal,

9 vous avez dit: "Les violences ont commencé après le repli de la KVM".

10 Alors, ce sont les bombardements de l'OTAN et l'offensive de l'UCK qui a

11 mené ses attaques en parallèle avec les bombardements de l'OTAN, c'est ça

12 la violence qui a commencé selon vous? Donc ce qui a été commis à

13 l'encontre de la Yougoslavie?

14 Réponse: Je vous ai bien écouté. Sous réserve des erreurs de traduction,

15 Monsieur Milosevic, vous avez remarqué vous-même qu'il y a eu une escalade

16 de violence à partir du moment où il y a eu un repli de la KVM. Cela

17 signifie très clairement qu'il y a eu des actes de violence avant le repli

18 de la KVM et aussi avant qu'il n'y ait des bombardements de l'OTAN. Je

19 pense que je l'ai dit de manière explicite.

20 Question: Oui, mais le premier rapport international dit que ce n'est que

21 le 27 mars que commencent les premières vagues de réfugiés, aux frontières

22 albanaises et macédoniennes. Connaissez-vous ce fait?

23 Réponse: Monsieur Milosevic, apparemment, vous avez oublié un point. Vous

24 êtes l'ancien Président de ce pays et vous devriez le savoir: des milliers

25 de personnes ont quitté le pays en 1998. Si ces gens sont partis, c'était

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1 parce que les forces de votre pays se sont livrées à des actes de violence

2 dans la province du Kosovo. Vous vous rappellerez peut-être également que

3 l'organisation qu'est le HCR parlait de 220.000 citoyens kosovars, dont

4 des citoyens de votre pays, qui étaient sous votre responsabilité,

5 vivaient hors de leurs villages et villes à l'automne de 1998. Et à ce

6 moment là, il n'y a eu aucune opération militaire menée par un pays

7 étranger sur le territoire de votre Etat.

8 Donc je vous en prie, ne cherchez pas à dresser un tableau selon lequel

9 c'est l'OTAN qui a provoqué cette guerre. Cela a commencé bien avant et

10 vous le savez très bien.

11 M. Milosevic (interprétation): Ce que je comprends, c'est précisément ce

12 que vous venez de dire, à savoir que s'il n'y avait pas eu ces images des

13 réfugiés, que vous n'auriez pas tenu 78 jours. Eh bien, est-ce cela

14 l'essence, la substance de votre déposition?

15 Tout comme ce Tribunal illégal cherche à justifier l'agression menée

16 contre la Yougoslavie, vous souhaitez faire croire que la Yougoslavie a

17 mené une agression contre elle-même et que tout ce qui s'est passé, ce

18 sont des crimes qui se sont produits tout simplement parce que la

19 Yougoslavie s'est attaquée. Est-ce que ce n'est pas dû au fait que c'est

20 l'OTAN qui l'a attaquée le 24 mars?

21 M. le Président (interprétation): Comprenez-vous cette question?

22 M. Naumann (interprétation): Oui, je comprends cette question du point de

23 vue de l'accusé. Mais il s'agit d'une question qui doit être placée dans

24 le contexte des actions de l'OTAN et ceci ne correspond pas à la manière

25 dont la majorité des pays, sur la scène internationale, l'ont perçu.

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1 Monsieur Milosevic, vous vous rappelez que le pays qui ne fait pas partie

2 de l'OTAN, en particulier la Suède, a lancé une enquête indépendante afin

3 d'enquêter sur la crise kosovare, que la conclusion de cette enquête a été

4 que l'opération aérienne de l'OTAN a été une opération légitime, bien

5 qu'il y ait eu des défauts sur le plan juridique, puisque le Conseil de

6 sécurité des Nations Unies ne l'a pas autorisée. Mais dans ce rapport,

7 dont je pense d'ailleurs qu'il est absolument neutre, la légitimité de

8 l'OTAN n'a pas été mise en question.

9 M. Milosevic (interprétation): La charte des Nations Unies et la violation

10 de la charte des Nations Unies...

11 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas entrer dans une

12 querelle et, en temps voulu, cela fera l'objet de débats juridiques. Mais

13 le témoin a répondu à une question très générale. Pouvez-vous poser des

14 questions plus spécifiques au sujet de sa déposition?

15 M. Milosevic (interprétation): Dans une émission intitulée "Les Balkans:

16 la violence ne s'interrompt pas", une émission de l'ARD, la télévision

17 allemande, diffusée le 25 octobre 1999 à 21 heures, eh bien, dans cette

18 émission, vous avez dit au sujet du mois de décembre 1998 -et je vous

19 cite-: "Durant cette période, l'UCK a joué un rôle malheureux. L'UCK a

20 perçu ce vide et s'est engouffré dans la brèche dans les zones où elle a

21 pu établir une souveraineté partielle. Ceci lui a permis de provoquer la

22 partie serbe qui a réagi à son tour; et sa réaction correspondait aux

23 réactions des dictateurs communistes, comme on peut le voir en

24 Tchétchénie. Si, quelque part, il y a une organisation terroriste qui

25 apparaît, alors ce sont des chars et l'artillerie qui sont utilisés pour

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1 attaquer des villages et des villes." (Fin de citation.)

2 Je vous demande donc: les Etats-Unis sont-ils dirigés par des dictateurs

3 communistes, dans une lutte contre le terrorisme?

4 M. le Président (interprétation): Je mettrai fin à ce contre-

5 interrogatoire. Vous ne tenez absolument pas compte de mes observations et

6 vous continuez à excéder votre droit au contre-interrogatoire en posant ce

7 genre de questions générales. Je vais consulter mes collègues.

8 M. Milosevic (interprétation): Je ne peux donc même pas poser des

9 questions au sujet des déclarations données par ce témoin à la télévision?

10 (Les Juges se concertent sur le siège.)

11 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas encore vous arrêter,

12 mais vous avez frisé une interruption de votre contre-interrogatoire. Il

13 faut que vous compreniez que le contre-interrogatoire a pour objet

14 d'interroger le témoin au sujet de ce qu'il a dit dans sa déposition. Il

15 n'est pas question dans un contre-interrogatoire de marquer des points

16 politiques, ce que vous êtes en train de faire. Si vous continuez donc à

17 vouloir marquer des points politiques, vous serez arrêté car vous abuserez

18 des droits qui vous sont impartis au titre du contre-interrogatoire, des

19 droits qui vous sont accordés par le Tribunal.

20 C'est donc à vous qu'il revient de décider, Monsieur Milosevic, combien de

21 temps vous souhaitez que dure votre contre-interrogatoire, mais il importe

22 que vous compreniez que ceci est un avertissement officiel. Si vous

23 poursuivez de la sorte, votre contre-interrogatoire sera interrompu.

24 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, je dois vous dire que

25 personnellement, j'ai trouvé que le Général a été très franc et très

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1 sincère dans sa déposition. Par exemple, il a dit avoir regretté ne pas

2 être parvenu à établir des contacts avec l'UCK. J'ai trouvé que ceci était

3 un aveu très franc.

4 Il est possible que vous souhaitiez lui demander si, en conséquence de

5 cette absence de contact avec l'UCK, la conclusion à laquelle vous êtes

6 arrivé, c'est-à-dire que vous avez été lésé, est justifiée de quelque

7 façon que ce soit. Mais je vais poser la question au général moi-même.

8 Général, au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit que vous

9 n'aviez pas pu avoir de contact avec l'UCK, et vous avez admis qu'à votre

10 avis, il aurait été préférable, compte tenu de l'objectif qui était le

11 vôtre, compte tenu de ce que vous vous efforciez de faire -à savoir

12 obtenir la réconciliation et rétablir la paix- il eût été préférable que

13 vous ayez réussi à établir ces contacts.

14 Il m'est donc venu à l'esprit que les conclusions auxquelles vous êtes

15 parvenu ont peut-être pu être affectées par cette absence de contact. Vos

16 conclusions auraient peut-être pu être différentes si vous aviez eu ces

17 contacts, pouvez-vous répondre à cela?

18 M. Naumann (interprétation): Monsieur le Juge, bien sûr vous avez tout à

19 fait raison. Mais pour commencer, je dirais que ce que j'ai essayé de

20 décrire, c'est la période qui s'étendait d'octobre 1995 à 1998 d'une façon

21 aussi équilibrée que possible. Je n'ai accusé aucune partie de porter la

22 responsabilité du début des hostilités et de l'intensification des

23 violences.

24 J'ai essayé de vous dire, Monsieur le Président et Messieurs les Juges,

25 que les deux parties ont contribué à cela.

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1 Ce que j'ai dit dans ma déclaration, Monsieur Milosevic, celle qui a été

2 citée il y a un instant par vous, ne voulait rien dire d'autre que ceci: à

3 savoir que l'absence de proportion qui a été appliquée de façon continue

4 par les forces serbes a contribué à l'escalade de la violence. Et je pense

5 qu'il importe de ne pas perdre cela de vue.

6 Pour en arriver à votre question, Monsieur le Juge, je dirais que si nous

7 avions eu la possibilité de discuter avec l'UCK, nous aurions peut-être pu

8 -mais je n'en suis pas sûr-, nous aurions peut-être pu empêcher cette

9 escalade. Et devant ce Tribunal, je dirais que, rétrospectivement, je

10 pense que nous avons commis une erreur en acceptant cette interdiction de

11 contact avec l'UCK. Est-ce que des contacts avec l'UCK auraient abouti à

12 une solution pacifique ou pas? Je ne suis pas capable de vous le dire,

13 Monsieur le Juge.

14 Très honnêtement, il faut deux parties pour qu'un jeu se joue! Si donc

15 l'une des deux parties ne veut pas envisager une solution pacifique,

16 quelles que soient les discussions menées, elles ne peuvent qu'échouer en

17 dernière analyse.

18 Je crois donc que la leçon qui peut être apprise à l'issue de notre

19 participation au Kosovo, c'est qu'il importe que nous nous efforcions de

20 faire tout ce qu'il est possible pour avoir des contacts avec toutes les

21 parties concernées au cours des crises qui risquent de survenir à

22 l'avenir, avant de décider d'utiliser la force militaire. Puisque, après

23 tout, nous abordons ici les principes fondamentaux de la Charte des

24 Nations Unies, à savoir notamment le principe de la souveraineté des

25 nations.

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1 Je suis tout à fait au courant -c'est peut-être une façon de formuler les

2 choses autrement-, je connais parfaitement bien l'Article 2.6 de la Charte

3 des Nations Unies qui interdit très clairement toute intervention.

4 Mais en dernier recours, si tout le reste a échoué, et s'il y a un risque

5 que des milliers de personnes soient tuées, des personnes innocentes, ou

6 qu'elles soient expulsées de chez elles, la communauté internationale doit

7 avoir la possibilité d'agir. C'est la raison pour laquelle je me

8 permettrais de dire que les actes de l'OTAN ont été légitimes.

9 M. Robinson (interprétation): Merci.

10 M. Milosevic (interprétation): Lorsque vous parlez de la communauté

11 internationale, parlez-vous des Nations Unies ou parlez-vous de

12 l'organisation générale de l'OTAN?

13 M. Naumann (interprétation): Monsieur Milosevic, vous savez peut-être que

14 l'OTAN n'est pas une organisation régionale, compte tenu de ce qui figure

15 au chapitre 8 de la Charte des Nations Unies.

16 M. Milosevic (interprétation): Je comprends bien, mais lorsque vous parlez

17 de la communauté internationale, je suppose que l'institution qui

18 représente la communauté internationale est l'Assemblée générale des

19 Nations Unies, le Conseil de sécurité des Nations Unies, et pas le Conseil

20 de l'OTAN. Est-ce bien cela ou pas?

21 M. Naumann (interprétation): Oui, bien sûr, les Nations Unies représentent

22 l'autorité internationale suprême. Les Nations Unies sont la seule

23 autorité capable d'autoriser le recours à la force, et ce, uniquement dans

24 des situations -et nous étions dans une telle situation-, dans une

25 situation où le Conseil de sécurité n'est pas parvenu à faire son devoir

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1 et a donc autorisé une intervention militaire; également dans des

2 situations où un risque imminent de pertes humaines importante existe.

3 On peut avoir des conclusions différentes. Cela était le cas pour

4 certaines des 16 nations de l'OTAN lors de la discussion sur

5 l'intervention au Kosovo. Mais vous ne devez pas oublier que la décision

6 n'a pas été facile à prendre pour les Etats membres de l'OTAN. Cela a

7 donné lieu à une discussion très pénible; 16 nations ont dû prendre une

8 décision politique. Dans de nombreux pays, une telle décision doit être

9 soumise au Parlement et il a fallu donc obtenir -pas pour tous les pays,

10 mais en tout cas pour certains d'entre eux- l'accord des parlements

11 librement élus par ces nations. Donc je pense que, sur le plan politique

12 également -et je ne suis pas ici pour justifier une quelconque décision

13 politique-, mais je pense que les responsables politiques de l'OTAN ont eu

14 beaucoup de mal à établir un équilibre dans les conclusions qui ont été

15 tirées. En dernier recours, l'autorisation au recours à la force a été

16 obtenue.

17 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, un autre point auquel il

18 faut que vous prêtiez attention au cours de votre contre-interrogatoire,

19 c'est la partie de l'interrogatoire principal au cours de laquelle le

20 général vous a prêté certains propos lors d'une rencontre qu'il a eue avec

21 lui en présence de M. Clark, je crois.

22 On a entendu dire ici que vous auriez dit: s'agissant des rapports avec

23 les Albanais du Kosovo, "nous trouverons la solution". Puis, lorsqu'on

24 vous a demandé de vous expliquer sur ce point…

25 M. Milosevic (interprétation): J'y viendrai, Monsieur le Juge Robinson.

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1 M. Robinson (interprétation): Lorsqu'on vous a demandé de vous expliquer

2 sur ce point, vous avez dit: "Nous ferons la même chose que nous avons

3 fait à Drenica, en 1945 ou 1946".

4 A la question qui vous a été posée: "De quoi s'agit-il, Monsieur le

5 Président?", vous avez répondu: "Nous les avons rassemblés et abattus.

6 Nous devrons en venir à ce point."

7 M. Milosevic (interprétation): J'y viendrai, Monsieur Robinson, mais si

8 vous souhaitez vraiment que j'en parle, je le ferai en toute sincérité. Je

9 ne sais pas même si un enfant en bas âge peut avoir le moindre doute quant

10 à l'absurdité de ce genre de propos.

11 M. le Président (interprétation): Pas de commentaire, Monsieur Milosevic.

12 Nous ne sommes pas ici pour entendre des commentaires. Vous devez poser

13 des questions.

14 M. Milosevic (interprétation): Comment est-ce que quelqu'un qui, cinq

15 minutes avant, a signé un accord, peut, comme M. Naumann l'affirme et au

16 moment où tout le monde se sentait beaucoup mieux, comment peut-il

17 affirmer que nous n'avions pas l'intention de respecter l'accord que nous

18 venions de signer et que nous avions l'intention d'assassiner tout le

19 monde, d'abattre tout le monde? Comment est-ce que quelqu'un de

20 raisonnable peut avoir une telle idée?

21 Pas seulement parce qu'il s'agirait d'un crime, mais aussi parce que cela

22 va contre toute logique et M. Naumann a déclaré que, finalement, nous

23 avions conclu un accord sur ce sujet.

24 M. le Président (interprétation): Vous êtes ici pour poser des questions

25 et pour interroger le témoin et pas pour faire des discours. Je suppose

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1 que cela vous a été dit un certain nombre de reprises. Vous pouvez

2 contester ce qu'a dit le témoin.

3 Monsieur le Témoin, l'accusé affirme que ce que vous dites ne correspond

4 pas à la réalité. Pouvez-vous apporter un éclaircissement sur ce point?

5 M. Naumann (interprétation): Comme je vous l'ai dit dans ma déclaration,

6 Monsieur le Président, j'ai cherché une confirmation de ce fait auprès de

7 la tierce personne qui était présente et qui a exactement le même souvenir

8 que moi. Ce que j'ai dit en réponse à votre question, c'est que nous

9 n'avons pas commenté cela parce que nous ne pouvions simplement pas y

10 croire que qui que ce soit puisse proférer des propos de ce genre.

11 Je ne peux donc que répéter ce que j'ai déjà dit: c'est ce qui correspond

12 à mon souvenir, c'est ce que j'ai dit plus tôt. Je ne dis que la vérité.

13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, précisément: parce que cette

14 déclaration est incroyable. Comment en arriver à une déclaration aussi

15 étonnante de ma part? Si j'ai bien proféré ces propos, comment est-ce que

16 vous n'avez pas utilisé cela, alors que l'OTAN commençait à bombarder et

17 que la campagne des médias était lancée contre le pays en recourant à tous

18 les moyens pour discréditer le pays? Pourquoi n'avez-vous pas utilisé

19 cette déclaration?

20 Mais vous y avez réfléchi trois ans plus tard. Vous êtes arrivé avec cette

21 déclaration absolument ridicule trois ans plus tard. Pourquoi est-ce que

22 vous ne l'avez publié nulle part?

23 M. Naumann (interprétation): Vous me permettez, Monsieur le Président?

24 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

25 M. Naumann (interprétation): J'ai dit cela comme le général Clark l'a dit,

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1 en public, bien avant le jour d'aujourd'hui. Et si je me souviens bien,

2 cela figure également dans des publications qui sont parues aux Etats-Unis

3 et qui viennent du général Clark. Donc cela n'a rien de nouveau.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Naumann, ceci est tout à fait

5 nouveau pour moi. Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un de votre rang

6 puisse créer…

7 M. le Président (interprétation): Non. Monsieur Milosevic, je vous en

8 prie.

9 M. Milosevic (interprétation): Estimez-vous aujourd'hui qu'il est tout à

10 fait peu probable que ce que vous venez de me prêter comme propos ait le

11 moindre aspect de vérité, lorsque nous pensons que ce que vous avez cité

12 comme provenant de moi au sujet de Drenica ne s'est pas passé?

13 Savez-vous que, dans la région de Drenica, la guerre menée par l'armée

14 yougoslave à l'époque a duré deux ans entiers avec, en arrière-plan, le

15 souvenir des formations hitlériennes et de leurs actions durant la

16 Deuxième Guerre mondiale? Et savez-vous que ces combats…

17 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas entendu de question.

18 Nous ne sommes pas ici pour entendre des discours.

19 Monsieur le Témoin, êtes-vous au courant de ces aspects historiques que

20 l'accusé est en train d'évoquer?

21 M. Naumann (interprétation): Je connais, dirais-je, les grandes lignes de

22 cette partie de l'histoire. Après notre rencontre, j'ai essayé de

23 retrouver des éléments factuels au sujet de cette histoire de Drenica que

24 je ne connaissais pas. Et dans les livres d'histoire que j'ai pu consulter

25 jusqu'à présent, je n'ai trouvé aucun détail suffisant à ce sujet. Mais je

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1 crois que ceci n'est pas pertinent, car en fait c'est simplement par

2 curiosité que j'ai été poussé à procéder à cette recherche; et je suppose

3 que certains ouvrages, écrits dans une langue que je ne comprends pas et

4 que je ne parle pas, en traitent éventuellement.

5 M. le Président (interprétation): En tout état de cause, la seule question

6 pertinente dans le cadre du présent procès est de savoir si l'accusé a dit

7 cela ou pas. Avez-vous le moindre doute quant au fait qu'il l'a dit?

8 M. Naumann (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, je

9 n'ai aucun doute quant au fait qu'il l'a dit. Et j'ai vraiment interrogé

10 ma mémoire qui, tout au long de ma carrière militaire, a toujours été

11 considéré comme très bonne.

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Naumann, mais vous rendez-vous

13 compte de ce dont vous avez parlé comme s'étant déroulé à Drenica en 1945

14 et 1946 et le fait que soi-disant j'aurais dit que nous agirions de la

15 même façon n'avait rien à voir avec le fait de rassembler les Albanais et

16 de tuer les Albanais, mais n'était que la poursuite d'une guerre contre

17 des bandes et des groupes qui appartenaient aux formations militaires

18 hitlériennes et se cachaient dans les collines. Et que personne n'a parlé

19 à l'époque des Albanais, mais de bandes, personne n'a jamais rassemblé les

20 Albanais en 1945 et 1946 à Drenica pour les tuer. Etes-vous au courant de

21 cela? Si vous avez la moindre connaissance à ce sujet. C'est un fait

22 matériel auquel personne ne peut s'opposer.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, avez-vous compris ce

24 qui vous est dit?

25 Monsieur Milosevic, avez-vous dit au témoin qu'il s'agissait de bandes qui

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1 avaient été regroupés, rassemblés? Est-ce que c'est bien ce que vous lui

2 avez dit à l'époque, Monsieur Milosevic? Que lui avez-vous dit exactement?

3 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je parle d'un événement

4 historique qui date d'un certain temps qui appartient à l'histoire.

5 M. le Président (interprétation): Vous pouvez nous parler d'histoire dans

6 la mesure où celle-ci est pertinente par rapport à la présente affaire. En

7 ce moment, tout ce qui est pertinent, c'est ce que vous auriez dit au

8 Général.

9 Vous avez posé au Général des questions relatives à l'histoire, il vous a

10 répondu ce qu'il savait et rien de plus. Donc il n'est pas nécessaire de

11 poursuivre dans cet ordre d'idées. Si vous avez d'autres questions, posez-

12 les. Si vous avez des questions au sujet du rassemblement de bandes ou de

13 quelque chose de ce genre, posez-les au général de façon à ce qu'il puisse

14 répondre.

15 Dans le cas contraire, je pense que nous sommes arrivés au bout de la

16 discussion sur ce point. Vous devriez dire au témoin que vous estimez

17 n'avoir jamais rien dit de ce genre.

18 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il est absolument certain -et

19 je l'affirme catégoriquement- que je n'ai jamais dit que nous allions

20 rassembler les Albanais et les tuer à Drenica, parce que ceci est absurde.

21 Et je suis revenu sur un fait historique en disant au témoin qu'en 1945 ou

22 en 1946, personne n'a rassemblé les Albanais à Drenica pour les tuer. Mais

23 en 1945 et 1946, ce qui s'est passé c'était une recherche de bandes armées

24 hitlériennes et ces bandes étaient composées en partie d'Albanais.

25 Et j'ajouterai ici qu'entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale…

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1 M. le Président (interprétation): Non, vous n'ajouterez rien de ce genre à

2 moins que cela ne soit pertinent par rapport aux questions que vous avez à

3 poser au Général. Le Général a dit qu'il ne connaissait pas grand-chose de

4 ces événements historiques. Vous pouvez nous en parler lorsque vous

5 présenterez vos éléments de preuve.

6 Il a répondu en disant ce qu'il savait et il a répondu qu'il n'avait aucun

7 doute à ce sujet.

8 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, quelqu'un qui connaît l'histoire,

9 l'histoire de son pays, ne peut pas faire des affirmations de ce genre. Et

10 c'est la raison pour laquelle je présente mes arguments que je présente.

11 C'est matériellement une contrevérité.

12 (Coupure du micro de M. Milosevic.)

13 M. le Président (interprétation): C'est de cette façon que vous perdez le

14 temps de ce Tribunal en présentant sans cesse des arguments polémiques.

15 Le Juge Robinson a une question à vous poser.

16 M. Robinson (interprétation): Ceci est une question importante, car elle

17 peut avoir une incidence sur l'intention délictueuse et d'autres aspects

18 importants dans l'Acte d'accusation.

19 Général, en quelle langue cet entretien a-t-il eu lieu?

20 M. Naumann (interprétation): Vous voulez dire de la conversation entre M.

21 Milosevic et moi?

22 M. Robinson (interprétation): Oui.

23 M. Naumann (interprétation): En anglais.

24 M. Robinson (interprétation): Donc le général Clark, vous-même et

25 l'accusé, avez conversé en anglais?

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1 M. Naumann (interprétation): Oui.

2 M. Robinson (interprétation): Merci.

3 M. Milosevic (interprétation): Donc je vous ai posé une question, Général

4 Naumann. Savez-vous que ce que vous affirmez, que j'ai dit au sujet de

5 1945 et 1946 ne correspond pas la vérité historique?

6 M. le Président (interprétation): Je ne permettrais pas cela. Ceci est une

7 polémique sur laquelle vous revenez sans cesse avec le témoin. Le témoin

8 ne sait rien au sujet de l'histoire, à part ce qu'il a lu dans certains

9 ouvrages. C'est ce qu'il a dit, il y a quelques instants. Et voilà à quoi

10 se résume sa déposition sur ce point s'agissant des aspects historiques.

11 Il ne peut pas vous donner d'autres réponses, donc il ne sert à rien de

12 continuer sans cesse à lui poser les mêmes questions.

13 Passez à un autre sujet.

14 M. Milosevic (interprétation): La BBC a émis une émission spéciale

15 intitulée "Combat moral de l'OTAN pendant la guerre", le 12 mars

16 2000". Cette émission a été préparée par Allan Little. Au cours de cette

17 émission, je cite la citation suivante: "L'ambassadeur Walker, membre de

18 l'OTAN a dit que c'était l'UCK qui était le principal responsable de

19 l'atteinte à la paix". (Fin de citation.)

20 Avez-vous dit cela?

21 M. Naumann (interprétation): Si vous avez cette citation, moi, je ne m'en

22 souviens pas à l'instant même. Mais il y a une chose que j'aimerais vous

23 dire, Monsieur Milosevic.

24 Au cours de l'interrogatoire principal, j'ai dit -et vous l'avez sans

25 doute entendu- que la phase qui s'étendait entre le début de novembre 1998

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1 et décembre 1998, au cours de cette phase, la majorité des incidents qui

2 ont eu lieu ont été dus, d'après ce dont je me souviens, à l'UCK. Mais

3 j'ai également affirmé que la réaction des forces de sécurité serbes a

4 toujours été caractérisée par un recours disproportionné à la force.

5 Je crois que ceci suffit à expliquer ce que j'ai dit, et cela explique la

6 citation de l'ambassadeur Walker à laquelle vous venez de faire référence.

7 Question: Monsieur Naumann, savez-vous combien d'habitants du Kosovo aussi

8 bien Serbes, qu'Albanais, que Turcs, Roms ou autres ont été tués par

9 l'UCK? Combien de policiers ont été tués? Combien de soldats ont été tués

10 par l'UCK pendant toute cette période précédant votre intervention?

11 Gardez-vous tout cela à l'esprit lorsque vous parlez de recours

12 disproportionné à la force?

13 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic, je garde cela présent à mon esprit, et

14 je crois que cela figure également dans ma déclaration écrite qui a été

15 soumise à cette Chambre. J'ai dit avoir parlé à des policiers allemands

16 servant au Kosovo qui, à l'époque, m'ont dit que des éléments de l'UCK

17 commettaient des actes grossièrement répréhensifs en tuant des policiers

18 serbes et que ceci n'était tout simplement pas tolérable. Sur ce point,

19 nous sommes totalement en accord.

20 Il importe de ne jamais oublier d'abord comment les choses ont commencé

21 et, ensuite, qui était responsable de cette série d'escalades qui a

22 ensuite débouché sur un conflit que nous avons considéré comme devant

23 trouver une solution, et pour lequel nous ne trouvions pas de solution. Et

24 n'oubliez pas, je vous prie, ce que nous avons dit des victimes du côté

25 serbe: des centaines et des milliers de personnes, habitants du Kosovo,

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1 citoyens de votre pays, qui ont trouvé la mort en raison d'actes de vos

2 forces de sécurité et cette escalade a commencé au printemps 1998. Je

3 crois que vous le savez.

4 Donc, n'essayez pas de rejeter dos à dos ce genre de choses car, en

5 dernière analyse, cela ne jouera pas en votre faveur.

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Naumann, vous ai-je bien entendu

7 dire que des centaines d'habitants ont trouvé la mort au Kosovo?

8 Réponse: J'ai dit des centaines ou des milliers d'habitants.

9 Question: Des centaines ou des milliers d'habitants? C'est exactement ce

10 dont je parle, c'est exactement ce que je dis, plusieurs milliers de

11 personnes ont trouvé la mort durant la guerre. Plusieurs milliers durant

12 la guerre: des Serbes, des Albanais, des Turcs, des Roms et d'autres sont

13 morts. La guerre est effectivement un crime.

14 Mais, pour autant que j'ai bien compris les choses, cette guerre a été due

15 au Pacte de l'OTAN, Monsieur Naumann, est-ce exact ou pas, la guerre

16 contre la Yougoslavie?

17 (Les Juges se concertent sur le siège.)

18 Réponse: Monsieur Milosevic, selon les déclarations émanant de vos

19 autorités, 500 civils à peu près de votre pays ont été tués durant les

20 opérations de l'OTAN ainsi que quelques centaines de soldats. Je crois que

21 c'est cela qui s'est passé et je n'hésite pas à dire que tout civil

22 innocent qui a perdu la vie, quelle que soit sa nationalité, est un civil

23 de trop. Mais j'irai jusqu'à dire, en toute confiance, que nous avons fait

24 tout ce qu'il était possible de faire pour éviter au maximum les victimes

25 parmi la population civile.

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1 Question: Eh bien, essayons d'avancer peut-être de façon un peu plus

2 dynamique. Vous ai-je bien compris? Les chiffres que vous venez de citer

3 se rapportent, si je vous ai bien compris, aux personnes que vous avez

4 tuées à partir des airs?

5 Réponse: C'est exact, oui.

6 Question: Dans votre déclaration du 3 novembre 1999 destinée à la

7 Commission des services armés du Sénat, vous dites que le plus important

8 est de détruire le mythe selon lequel le nettoyage ethnique n'aurait

9 commencé qu'après le début des bombardements? C'est bien cela?

10 Réponse: J'ai dit cela, vous l'avez par écrit.

11 Question: Oui. Donc, vous vous efforcez par tous les moyens possibles de

12 justifier l'agression de l'OTAN en disant qu'il n'est pas exact que

13 l'exode massif ait commencé après le début des bombardements de l'OTAN, et

14 vous poursuivez en disant que cet exode des civils n'est pas le résultat

15 des bombardements de l'OTAN mais serait le résultat d'une espèce de

16 déchaînements de violences de la part des forces armées. C'est bien votre

17 position?

18 Réponse: C'est absolument exact, Monsieur Milosevic, et je ne sais pas

19 combien de fois…

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien…

21 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin finir.

22 M. Naumann (interprétation): Je ne sais pas combien de fois, je dois

23 répéter que 220.000 habitants de votre pays ont vécu dans des conditions

24 misérables en octobre 1998, quelque part dans les forêts du Kosovo, parce

25 qu'ils y ont été amenés en étant chassés de chez eux par vos forces de

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1 sécurité. Donc l'exode a commencé avant que ne soit lancée la première

2 bombe.

3 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Naumann, savez-vous que les gens

4 ont fui simplement parce qu'ils fuyaient les zones où l'UCK menait des

5 combats contre la police et l'armée? Savez-vous cela, que les citoyens

6 souhaitaient simplement se rendre dans une zone où ils ne seraient pas

7 victimes de tirs? Les déplacements intérieurs de personnes se dirigeant

8 vers d'autres villages étaient dus au fait qu'ils cherchaient à se

9 réfugier chez des parents où il n'y avait pas de tirs, loin de leurs

10 villages où il y en avait. Etes-vous au courant de cela?

11 Réponse: Eh bien, je pense que c'est une façon de présenter les choses.

12 J'ai entendu d'autres témoins qu'ils avaient fui simplement parce que les

13 forces de sécurité, de la police ou d'autres, des milices par exemple, les

14 ont chassés de chez eux, ont mis le feu à leurs maisons et qu'ils

15 n'avaient nulle part où aller sauf dans la forêt et, par ailleurs, nous

16 avons pris des photographies aériennes de tout cela.

17 Question: Très bien. Mais dites-moi, dans ces conditions, expliquez-moi,

18 compte tenu du nombre important de citoyens et de tout le reste, pourquoi

19 si les réfugiés ont été la conséquence d'autres motifs que les

20 bombardements de l'OTAN, pourquoi 100.000 Serbes ont fui le Kosovo durant

21 les bombardements?

22 Réponse: Malheureusement, il se peut que certains d'entre eux soient

23 partis de chez eux parce qu'ils craignaient les attaques de l'OTAN. Par

24 ailleurs, vous serez sans doute d'accord avec moi, si je dis que l'OTAN a

25 vraiment essayé d'éviter de bombarder des zones habitées.

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1 L'OTAN n'a pris pour cibles que des cibles militaires. Et ceci a été aussi

2 vérifié par les autorités internationales qui étaient d'accord dans leurs

3 conclusions pour dire que les règles d'engagement aux combats de l'OTAN

4 respectaient tout à fait le droit international et avaient été appliquées.

5 Question: Si vous dites que vous avez, de façon très rigoureuse, pris pour

6 cibles uniquement des cibles militaires, je voudrais vous demander la

7 chose suivante: ici, par exemple, et c'est le titre que j'ai que je vous

8 cite, la question qui était posée: "Quelle était la cible la plus

9 difficile que vous avez dû autoriser? Qu'est-ce qui vous frappe le plus?".

10 Votre réponse: "Je pense que ce qui était le plus difficile, c'était

11 vraiment le plus difficile d'arriver au centre de Belgrade.

12 Le général Clark nous a demandé, au Secrétaire général et à moi-même,

13 d'autoriser cette frappe contre le QG de la police, le ministère de

14 l'Intérieur, et ainsi de suite.

15 Et vous dites qu'il y avait un hôpital pas loin de là, qu'il fallait

16 prendre soin à ne pas toucher cet hôpital. Il est certain que l'hôpital a

17 été touché.

18 Maintenant, je vous demande, vu ce que vous avez dit, à savoir que Clark

19 vous a posé la question, vous a demandé à vous et au Secrétaire général ce

20 qu'il en était, vous, le Secrétaire général et Clark, est-ce que vous

21 constituiez l'autorité, l'instance qui a autorisé le bombardement de ces

22 cibles?

23 Réponse: J'ai donné cet exemple dans une déclaration destinée au public

24 pour montrer que nous avons pris le plus grand soin lorsqu'il s'était agi

25 de cibler des zones, même dans le centre de Belgrade. Le général Clark

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1 n'avait pas reçu l'autorisation de cibler des cibles au centre de Belgrade

2 sans autorisation spéciale politique; et pour l'avoir, il devait l'obtenir

3 du Secrétaire général. Il nous a montré des vues aériennes des cibles

4 visées, que le quartier général du MUP était l'une de ces cibles, permise

5 au titre du droit international, mais malheureusement, il y avait cet

6 hôpital à proximité. Et j'ai vu sur ces vues aériennes, ce qu'il en était

7 et nous avons demandé au général Clark de refaire le calcul de cette

8 cible-là en particulier, de façon à nous garantir, avec la plus grande

9 certitude possible, que pas une seule des fenêtres de l'hôpital ne serait

10 brisée. Il est revenu et il nous a dit que c'était faisable. Il nous l'a

11 garanti.

12 Là-dessus, le Secrétaire général a donné l'autorisation et, dès le

13 lendemain, nous avons vu sur la vue aérienne et puis nous avons entendu

14 aussi par les médias qu'effectivement, pas une seule vitre n'avait été

15 brisée à l'hôpital et qu'il était resté parfaitement intact.

16 Question: D'accord. Et qui a donné l'autorisation de détruire le centre

17 minier d'Aleksinac, ville minière où il n'y avait aucune installation

18 militaire, où c'était un emplacement tout à fait civil? En Serbie, là

19 aussi, dans cette partie de la Serbie où il y a une population très

20 pauvre? Et comment leurs maisons ont-elles pu être détruites?

21 Réponse: Je ne connais pas chacune des cibles puisque ce n'était pas là

22 une tâche qui incombait au comité militaire. Celui-ci ne devait pas

23 surveiller toutes les cibles visées. Ce qu'il nous fallait faire, c'était

24 autoriser les règles d'engagement élémentaire et poser des limites à

25 l'exécution des ordres du commandement suprême allié. Et nous avons suivi

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1 de très près la chose et nous avons veillé à la bonne exécution de ces

2 consignes.

3 Je peux dire à la Chambre que c'est avec énormément de scrupules que

4 SACEUR est resté dans la limite autorisée. Effectivement, il y a eu des

5 bombes perdues, mais, pour que tout soit dit, 28.000 bombes ont été

6 lâchées pendant cette campagne de 78 jours et je pense qu'il y a eu 1%

7 d'erreur. Sans doute parce qu'il y a eu retour de feu hostile antiaérien

8 et peut-être aussi parce qu'il y a eu des erreurs de pilotage; mais il

9 faut le dire aussi. Et s'il y a eu des pertes civiles, si une seule vie

10 humaine est perdue sur le plan civil, c'est une de trop.

11 M. Milosevic (interprétation): Oui, s'il vous plaît?

12 M. le Président (interprétation): Nous allons mettre un terme à ceci

13 puisqu'il est passé 4 heures. Nous avons une autre question à aborder.

14 Nous poursuivrons le contre-interrogatoire demain matin.

15 Monsieur le Général, veillez à être présent à l'audience demain matin à 9

16 heures pour terminer votre déposition.

17 Monsieur Milosevic, vous avons discuté du temps qui vous restait. Vu la

18 nature et la façon dont vous menez cet interrogatoire -nous n'oublions pas

19 l'importance que revêt cette déposition-, vous aurez deux heures de plus

20 demain matin. Préparez-vous bien en fonction de ce temps qui vous est

21 réservé.

22 Général, je vais vous demander de vous retirer, car nous avons d'autres

23 questions à aborder.

24 (Le témoin, M. Klaus Naumann, est reconduit hors du prétoire.)

25 (Questions relatives à la procédure.)

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1 Mme Romano (interprétation): Pourrions passer à huis clos partiel?

2 (Huis clos partiel à 16 heures 03.)

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20 (L'audience est levée à 16 heures 5.)

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