Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 7 octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 08.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

6 M. Nice (interprétation): Je pense que la Chambre aura été informée très

7 rapidement de l'existence d'un problème concernant le témoin qui était

8 prévu aujourd'hui, M. Samardzic. Ceux qui l'ont rencontré hier auront

9 compris que même s'il était décidé à déposer dès qu'on lui demandait de le

10 faire, il était en mauvaise santé; de retour à l'hôtel, il est devenu

11 clair qu'il était vraiment indisposé.

12 Plusieurs dispositions doivent être prises à son égard. Je m'attends à ce

13 que… enfin, l'homme est de nature à dire qu'il sera en forme le plus vite

14 possible, mais on pourrait espérer qu'il le sera demain. Rien n'est sûr,

15 cependant. Nous en saurons davantage ce matin ou dans le courant de la

16 journée.

17 Lorsque nous avons compris qu'il ne devrait pas essayer de déposer

18 aujourd'hui, nous avons pris des dispositions pour voir si M. Matovina

19 pouvait déposer; il est en mesure de le faire. Je n'ai pas pu contacter

20 l'accusé, si ce n'est, en fin de compte, qu'en prenant contact avec le

21 chef de l'Unité de détention et apparemment ce dernier a dit, peu de temps

22 après 19 heures hier, qu'il était possible qu'il y ait permutation en

23 matière de témoin.

24 Madame Uertz-Retzlaff va interroger le témoin. Vous le savez, Monsieur le

25 Président, Messieurs les Juges, je ne serai pas de retour avant 10 heures

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1 demain matin. Et si M. Samardzic est en mesure de déposer demain, nous le

2 saurons cet après-midi, nous en tiendrons compte. Mais cet homme mis à

3 part, nous avons deux témoins qui sont disponibles pour cette semaine; il

4 y en a un qui ne le sera pas demain matin, puisqu'ils ne seront pas encore

5 arrivés; je pense qu'il arrivera demain matin. Je ne sais pas s'il va

6 falloir toute la journée d'aujourd'hui pour la déposition de M. Matovina.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Matovina va nous parler de

8 Slatina, n'est-ce pas? Là aussi, il serait utile d'avoir une carte.

9 M. Nice (interprétation): Permettez-moi d'intervenir sur la question de la

10 carte. Jusqu'à présent nous avons fourni à quelqu'un –je ne sais plus qui

11 l'a reçu- cet atlas routier; je ne sais pas si cet atlas est parvenu à la

12 Chambre. Il y a d'autres éléments que les cartes et c'était un atlas

13 beaucoup plus lourd que celui… ou l'équivalent de celui-ci que nous avions

14 pour le Kosovo. Avez-vous déjà vu cet atlas?

15 M. le Président (interprétation): Je l'ai vu, mais je ne sais pas si

16 d'autres l'ont vu.

17 M. Nice (interprétation): En l'absence d'autre chose, je ne sais pas si

18 ceci pourra vous être utile, mais si c'est le cas…

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous pouvons le voir?

20 M. Nice (interprétation): Si ce livre vous est utile, nous allons en

21 chercher d'autres exemplaires.

22 M. le Président (interprétation): Il est à disposition?

23 M. Nice (interprétation): Oui, cela à peu près ou autre chose. Il devrait

24 y avoir atlas. Quelquefois, nous avons l'atlas pour la Croatie et la

25 Bosnie dans le même volume; je pense que c'est utile puisque, finalement,

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1 ce n'est pas une région géographique tellement étendue qu'il soit

2 impossible d'avoir les deux pays qui soient repris dans le même atlas.

3 Vous avez bien sûr un sommaire très utile pour la Chambre, sans doute pour

4 diverses raisons.

5 (Les Juges se consultent sur le siège et prennent connaissance de

6 l'atlas.)

7 M. le Président (interprétation): Oui, nous aimerions l'avoir, pour autant

8 bien sûr qu'il soit disponible.

9 M. Nice (interprétation): Je vais vérifier s'il est disponible. Si cet

10 atlas ou quelque chose qui y ressemble est disponible, je veillerai à ce

11 qu'il y ait suffisamment d'exemplaires pour les Juges de la Chambre.

12 M. le Président (interprétation): Merci. Et quelle devrait être la durée

13 de la déposition de M. Matovina pour l'interrogatoire principal?

14 M. Nice (interprétation): D'après ce que me dit Mme Uertz-Retzlaff, deux

15 heures.

16 M. le Président (interprétation): Il va, en fait, produire beaucoup de

17 pièces, n'est-ce pas?

18 M. Nice (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas pourquoi, mais dans mon

20 classeur il semble commencer -peut-être que je me trompe- l'intercalaire

21 n°1. Oui, non, je me trompe.

22 Bien. Et l'accusé n'a pas appris cette modification du programme avant

23 hier soir?

24 M. Nice (interprétation): Non.

25 M. le Président (interprétation): Ce qui veut dire qu'il n'aura vraiment

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1 pas eu le temps de préparer –ou à peine- son contre-interrogatoire?

2 M. Nice (interprétation): Non.

3 M. le Président (interprétation): Par ailleurs, on espère que M. Samardzic

4 pourrait déposer demain matin?

5 M. Nice (interprétation): C'est ce que nous espérons; il faudra voir. Nous

6 avons insisté pour qu'il voie un médecin mais c'est le genre d'homme qui,

7 en dépit de tous ses problèmes, répugne à le faire. Il va peut-être tenir

8 le coup, vouloir tenir le coup, mais nous avons essayé de lui dire qu'il

9 devrait voir un médecin.

10 M. le Président (interprétation): Et puis vous auriez les deux autres

11 témoins; nous avons K-1 et Trbojevic?

12 M. Nice (interprétation): Pas demain matin. Pas demain matin.

13 M. le Président (interprétation): Pourquoi?

14 M. Nice (interprétation): Plus tard, mercredi.

15 M. le Président (interprétation): Mercredi? Je vois.

16 M. Kwon (interprétation): A quel moment l'accusé a-t-il reçu la

17 déclaration préalable de M. Matovina?

18 M. Nice (interprétation): Jeudi.

19 M. Kwon (interprétation): Jeudi dernier?

20 M. Nice (interprétation): Oui.

21 M. Kwon (interprétation): Donc cette déclaration avait déjà été

22 communiquée?

23 M. Nice (interprétation): Oui, mais on lui a remis un autre exemplaire

24 parce que l'accusé disait qu'il n'avait pas pu le trouver.

25 M. le Président (interprétation): Donc en ce qui concerne l'ordonnance,

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1 vous avez déjà communiqué la déclaration, vous avez donc respecté

2 l'ordonnance?

3 M. Nice (interprétation): Tout à fait.

4 M. le Président (interprétation): Mais le problème le plus immédiat, c'est

5 le degré de préparation de l'accusé.

6 M. Nice (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Apparemment, il n'y a pas d'inconvénient

8 à ce que nous entendions l'interrogatoire principal de M. Matovina. Nous

9 allons voir ce que M. Milosevic a à dire en matière de contre-

10 interrogatoire.

11 Monsieur Milosevic, vous venez d'entendre ce qui se passe: le premier

12 témoin est malade; manifestement, il n'est pas en mesure de déposer ce

13 matin, ni aujourd'hui. Etes-vous en mesure de procéder au contre-

14 interrogatoire de M. Matovina ce matin ou est-ce que vous allez demander

15 un délai supplémentaire? Je crois que le plus simple serait d'entendre M.

16 Matovina et de voir ce qu'il en est, voir si vous avez besoin de davantage

17 de temps pour préparer votre contre-interrogatoire. Qu'en dites-vous,

18 Monsieur Milosevic?

19 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai aucune demande à vous faire,

20 Monsieur May.

21 M. le Président (interprétation): Fort bien. Merci.

22 Oui, Madame Uertz-Retzlaff, faisons entrer le témoin.

23 (Le témoin, M. Djuro Matovina, est introduit dans le prétoire.)

24 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de prononcer

25 la déclaration solennelle.

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1 M. Matovina (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

4 vous asseoir.

5 (Le témoin s'exécute.)

6 M. Matovina (interprétation): Merci beaucoup.

7 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Madame Uertz-

8 Retzlaff.

9 (Interrogatoire principal du témoin, M. Djuro Matovina, par Mme Uertz-

10 Retzlaff.)

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Bonjour, Monsieur.

13 M. Matovina (interprétation): Merci.

14 Question: Veuillez décliner votre identité ainsi que vos lieu et date de

15 naissance.

16 Réponse: Je m'appelle Djuro Matovina. Je suis né le 22 mars 1949, et je

17 suis originaire de Slatina.

18 Question: Quelle est votre appartenance ethnique?

19 Réponse: Je suis croate.

20 Question: Et quelle est votre profession?

21 Réponse: Je suis expert en criminologie, diplômé.

22 Question: Pendant combien de temps avez-vous travaillé en qualité de

23 membre de la police?

24 Réponse: Trente ans.

25 Question: Et, au cours des années allant de 1990 à 1992, où avez-vous

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1 travaillé?

2 Réponse: J'ai travaillé à Podravska Slatina.

3 Question: Et où se trouve cet endroit, est-ce en Slavonie occidentale?

4 Réponse: Podravska Slatina se trouve sur la route nationale entre

5 Virovitica et Osijek, c'est à 100 km de Osijek et à 30 km à peine de

6 Virovitica; cela s'appelle "province de Virovitica Zupanja".

7 Question: Inutile de nous donner des informations et des détails; je

8 voulais simplement savoir si cet endroit se trouvait en Slavonie

9 occidentale.

10 Réponse: Oui, tout à fait, sur le territoire de la Slavonie occidentale et

11 c'est la région limitrophe avec la Slavonie orientale.

12 Question: Quel était votre grade en 1990 jusqu'en 1992?

13 Réponse: J'étais inspecteur de police.

14 Question: Et est-ce qu'en fait vous étiez le chef de la police par intérim

15 à Slatina?

16 Réponse: Oui. Je l'ai été jusqu'en 1989, jusqu'au début de la guerre.

17 Question: Au cours des événements, est-ce que vous êtes resté dans les

18 rangs de la police? Je veux parler de la guerre.

19 Réponse: Oui, je suis resté dans la police et j'ai été l'adjoint du chef

20 du poste de police.

21 Question: Est-ce que vous avez participé aux combats, au conflit?

22 Réponse: Non, j'ai exercé mes fonctions à Slatina et j'ai été chargé de la

23 coordination des activités de la police, des activités chargées de l'ordre

24 public et de la circulation routière dans le domaine de Slatina et les

25 parages. Je n'ai pas pris part au combat.

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1 Question: Quelle était la composition ethnique de Podravska Slatina en

2 1990 avant que la guerre n'éclate?

3 Réponse: Sur le territoire de l'ex-territoire de la municipalité de

4 Podrasvka Slatina, il y avait 56-57% de Croates, 36% de Serbes, et les

5 autres étaient des membres de groupes ethniques autres.

6 Question: Les rapports entre les groupes ethniques étaient-ils bons avant

7 la guerre?

8 Réponse: Les relations entre les groupes ethniques avant la guerre avaient

9 été assez bonnes mais, après les premières élections pluripartites, au

10 bout de plus de quarante ans de règne communiste, d'autorité communiste et

11 après l'élection d'un Parlement croate, il y a eu mise en place de

12 relation entre ethnies qui peut être caractérisée de plus complexe.

13 Question: Est-ce que la section du SDS a été créée, à un moment donné, à

14 Slatina?

15 Réponse: En effet, le département du Parti démocratique serbe a été créé à

16 Slatina, le 9 juin 1990. Mais dès que ce parti a été créé, il y a eu

17 nombre de provocations, aggravation des relations entre les groupes

18 ethniques et la direction et le comité d'initiative de ce SDS avaient

19 déployé des activités de propagande, notamment sur le plan psychologique,

20 qui ont influé d'une manière considérable sur l'aggravation des relations

21 interethniques. Et c'est notamment entre le 31 mai et le 1er juin de

22 l'année 1990 lorsqu'à Slatina, Donji Melani, Bakici, Spanat, Medinci,

23 Sladojevci et autres villages, il a été fait des inscriptions, des slogans

24 ont été marqués sur des immeubles ou des murs d'immeuble où l'on a incité

25 à la haine interethnique.

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1 Des graffitis ont donc été trouvés; on disait: "On tuera Tudjman. On dira

2 que Serbija, la Serbie, cela va jusqu'à Karlobag, cela va jusqu'à la

3 rivière de Una.". Puis il y a eu des symboles avec les quatre lettres "S"

4 en caractères cyrilliques, des inscriptions disant "Vuk Draskovic". Il

5 s'agissait donc d'un langage de haine qui a beaucoup révolté.

6 Question: Permettez-moi de vous interrompre; nous n'aurons pas besoin de

7 ce degré de détail. Par conséquent, je vais vous demander de répondre de

8 façon plus concise à mes questions. Est-ce qu'il y a eu un meeting au

9 moment de la création du SDS à Slatina?

10 Réponse: Oui. Ce meeting a eu lieu le 9 juin 1990, dans un pré, entre 16

11 heures et 19 heures. Et il y avait quelque 5. 000 Serbes originaires de

12 Slatina et des localités environnantes.

13 Réponse: Est-ce qu'ont participé à ce meeting des personnes qui n'étaient

14 pas de Slatina ni de Slavonie occidentale?

15 Réponse: Oui. Il y avait pas mal de gens originaires de villages

16 environnants. Et l'on a noté la présence de personnes avec toute une

17 iconographie qui n'était pas originaire de la région. Il y avait le Dr

18 Jovan Raskovic, Jovan Opacic et quelques autres personnalités éminentes du

19 SDS originaires de Knin qui étaient là-bas.

20 Question: Vous parlez de Jovan Raskovic et de Jovan Opacic. Qui étaient

21 ces hommes? D'où étaient-ils originaires?

22 Réponse: Ils étaient dirigeants du Parti démocratique serbe et étaient

23 venus sur invitation du comité d'initiative de mise en place du SDS à

24 Slatina; et c'étaient eux qui avaient été les intervenants principaux au

25 meeting.

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1 Question: Parlons un instant de M. Raskovic. Vous avez dit que ça a été un

2 des principaux orateurs. Lorsqu'il a prononcé son discours, est-ce qu'il a

3 parlé de la situation qui prévalait pour les Serbes en Croatie? Et si

4 c'était le cas, qu'a-t-il dit précisément?

5 Réponse: Le discours de Jovan Raskovic avait été un discours de haine; il

6 avait en effet encouragé à la discorde entre les peuples croate et serbe

7 sur ce territoire.

8 Si mes souvenirs sont bons, il disait que les Serbes ne sauraient

9 subsister dans un Etat croate indépendant, et que, sur scène, il y avait

10 un pouvoir des autorités oustachis, une fois de plus. Si les Croates

11 voulaient l'autonomie, ils n'avaient qu'à la demander et à l'édifier et

12 les Serbes allaient en faire de même.

13 Il avait terminé son discours en disant: "Frères serbes, nous nous

14 reverrons dans la Krajina parce que vous ne sauriez trouverez le bonheur

15 dans un Etat oustachi".

16 Question: Qu'est-ce que cela veut dire, "Nous nous reverrons en Krajina"?

17 A quoi faisait-il allusion?

18 Réponse: Eh bien, d'après ce qui est arrivé par la suite, cela devait

19 signifier que sur un territoire qui allait être dissocié de la République

20 de Croatie pour être annexé ultérieurement à la Serbie et au Monténégro…

21 comme, d'ailleurs, les résultats du référendum tenu ultérieurement ont

22 montré que l'intention avait été telle.

23 Question: Est-ce qu'il l'a déjà fait comprendre dans son discours?

24 Réponse: Eh bien, c'est ce qui a découlé de son discours et du discours

25 des membres du comité d'initiative. On a pu clairement distinguer de quoi

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1 il s'agissait et quelles avaient été les intentions de ce meeting et de

2 tous les autres meetings, par la suite.

3 Question: Est-ce que l'un quelconque des intervenants a dit si les Serbes

4 et les Croates allaient pouvoir cohabiter à l'avenir? Est-ce que cette

5 question a été évoquée?

6 Réponse: Il avait été question du fait selon lequel les Serbes ne

7 sauraient plus vivre de concert avec les Croates dans un Etat croate

8 indépendant.

9 Question: Au cours de son intervention, est-ce que M. Raskovic ou d'autres

10 orateurs ont fait allusion à la position qu'occupait ou qu'allait occuper

11 à l'avenir Slatina?

12 Réponse: A cette assemblée, le Président du SDS pour Slatina, Milun

13 Karadzic, a également pris la parole. Après la tenue du meeting, les

14 membres du SDS ont propagé une sorte de psychose de la peur dans la

15 population en disant que Slatina devait devenir le Knin de Slavonie, à

16 savoir le centre de l'insurrection pour la Slavonie.

17 Question: Vous avez mentionné M. Milun Karadzic. Quelles étaient les

18 autres personnalités de proue du SDS à l'échelon local, en Slavonie

19 occidentale?

20 Réponse: Eh bien, il y avait Ilija Sasic puis Simpranga Vladimir, Rajko

21 Bojcic, Jovan Bojcic…

22 Question: Je vous interromps; je crois que cela suffit. Est-ce que les

23 orateurs ont fait référence à M. Milosevic?

24 Réponse: Monsieur Milosevic n'avait pas été mentionné, si mes souvenirs

25 sont bons. Mais pour autant que je m'en souvienne également, il y avait

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1 une prédominance d'une iconographie où des photos de M. Milosevic étaient

2 présentes et plusieurs autres personnes avaient été enveloppées dans des

3 drapeaux de la République de Serbie; certains autres portaient, sur leur

4 couvre-chef, des cocardes qui avaient rappelé celles de la Deuxième Guerre

5 mondiale.

6 Question: Au cours de la période qui a suivi ce meeting destiné à la

7 fondation, est-ce qu'on a organisé un ou des référendums?

8 Réponse: Oui, il a été organisé trois référendums dans la deuxième moitié

9 de cette année 1990, et ces trois référendums ont, à chaque fois, été

10 organisés lorsque le Parlement croate avait organisé des référendums pour

11 la détermination de la position du statut de la République de Croatie au

12 sein de l'ex-Yougoslavie. Et ces référendums avaient été organisés

13 auparavant pour compliquer les relations interethniques. Le premier

14 référendum a eu lieu le 16 août.

15 Question: Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur le Témoin. Inutile

16 de parler dans le détail de cet élément, puisqu'un autre témoin l'a déjà

17 évoqué. Mais dites-moi ceci: est-ce que la population croate a pu

18 participer à ces référendums organisés par les Serbes?

19 Réponse: Non. Les Croates n'ont pas pris part à ces référendums parce que

20 ces référendums étaient illicites, étant donné que le premier d'entre eux

21 était organisé de sorte à convier les gens au référendum en se déplaçant

22 d'une maison à l'autre et, après, dans les bureaux.

23 Question: J'aimerais savoir ceci: les Croates n'étaient-ils pas

24 intéressés, ne voulaient-ils pas voter, ou est-ce qu'ils n'étaient pas

25 autorisés à le faire?

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1 Réponse: Eh bien, ils n'ont pas été conviés aux référendums. Et comme je

2 l'ai dit, ces référendums avaient été illicites. Les Croates et les autres

3 Serbes, ceux qui avaient accepté les autorités qui avaient été votées en

4 République de Croatie, sont allés prendre part aux référendums qui ont été

5 organisés par le Parlement croate.

6 Question: Est-ce que la police ou un autre organe, une institution croate,

7 a essayé d'empêcher la tenue de ces référendums, a essayé d'y poser des

8 obstacles?

9 Réponse: Non, la police croate n'est pas intervenue parce qu'elle avait eu

10 des instructions pour ne pas aggraver les relations interethniques. On

11 savait, de toute façon, que ces référendums étaient illégaux et qu'ils ne

12 pouvaient produire aucun effet.

13 Question: Est-ce que la police a perturbé les activités du SDS avant la

14 guerre?

15 Réponse: Jamais. Ni le SDS, ni les autres partis.

16 Question: Est-ce que des instructions sont parvenues à votre poste de

17 police selon lesquelles il fallait arrêter, voire tuer les Serbes

18 radicaux?

19 Réponse: Au contraire! Les instructions qui venaient disaient toujours

20 d'essayer d'apaiser la situation, d'être tolérant, d'aller de l'avant en

21 essayant d'avoir des pourparlers pour ne pas aggraver les relations

22 interethniques parce que l'on s'attendait qu'au final, la situation allait

23 être apaisée.

24 Question: Savez-vous si des ordres ont été donnés dans ce sens à d'autres

25 postes de police? Je parle de l'ordre consistant à arrêter, voire à tuer

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1 des Serbes radicaux.

2 Réponse: Je pense que non, du moins je ne suis pas au courant. Et je ne

3 suis pas allé au-delà de Slatina. Mais, pour autant que le sache, il n'y a

4 pas eu d'instructions.

5 Question: Est-ce qu'il s'est passé quelque chose le 2 octobre 1990?

6 Réponse: Eh bien, il y a eu une première attaque contre le poste de police

7 vers 19 heures et ce, de la part de 800, voire 1.000 Serbes, militants

8 serbes armés qui s'étaient rassemblés à Slatina.

9 Question: Et savez-vous qui avait organisé ce rassemblement à Slatina?

10 Réponse: D'après ce que nous avons pu voir, la masse a été amenée là par

11 des dirigeants du Parti démocratique serbe, et qui était conduite par

12 Milun Karadzic, Ilija Sasic, Momcilo Subotic et autres dirigeants, autres

13 têtes de file.

14 Question: Vous dites: "Il s'agissait d'une attaque dirigée contre le poste

15 de police". Ces gens qui se sont rassemblés devant le poste de police, que

16 voulaient-ils?

17 Réponse: Ils voulaient à tout prix entrer dans le poste de police,

18 séquestrer les armes et mettre en place à Slatina leur pouvoir à eux.

19 Cette attaque a eu lieu une fois que le poste de police de Knin avait été

20 pris, ainsi que certains postes de police dans la région de Banja. Il y

21 avait eu une attaque au poste de Petrinja, puis à Pakrac. Et tout de suite

22 après l'attaque contre le poste de Pakrac, il y a eu l'attaque contre le

23 poste de Slatina.

24 Donc l'objectif avait été de s'emparer du poste, de s'emparer des armes et

25 de mettre en place, d'installer le pouvoir, leur pouvoir. Et ils voulaient

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1 occuper la route nationale principale pour couper la Slavonie orientale de

2 la Croatie.

3 Question: Comment le savez-vous? Est-ce qu'ils l'ont dit expressément?

4 Comment se fait-il que vous le sachiez?

5 Réponse: Eh bien, c'était clair, partant de la chronologie des événements:

6 Knin, Banija, Petrinja, Pakrac, tout cela se trouvait sur l'itinéraire où

7 le chemin de ce corridor Karlovac-Karlobag-Virovitica, donc la frontière

8 supposée qui devait être celle de la Grande Serbie ou de ce qui devait

9 rester de la Yougoslavie.

10 Question: Est-ce que vous étiez sur les lieux au moment où cela s'est

11 passé au poste de police? Est-ce que vous étiez présent?

12 Réponse: Oui, j'ai dirigé la défense de ce poste de police. J'avais à mes

13 côtés une vingtaine de policiers du groupe ethnique croate, il y avait

14 quelques Serbes qui avaient accepté l'autorité croate, et c'est moyennant

15 de gros efforts que nous avons réussi à défendre notre poste de police.

16 Question: Avez-vous discuté avec les Serbes et les dirigeants du SDS qui

17 étaient présents? Et, si ça a été cas, qu'ont-ils dit?

18 Réponse: Les chefs de file du SDS on pris contact avec moi. Je me trouvais

19 à l'entrée même du poste de police, mais ils se sont dirigés pour des

20 négociations chez le chef du poste de police, Libl Kresimir. Par la suite,

21 j'ai appris qu'ils étaient venus pour empêcher que des armes sont

22 transportées hors du poste de police parce qu'ils avaient redouté que ces

23 armes ne soient emportées. Nous avions au poste de police 150 fusils pour

24 les effectifs de réserve et pour les effectifs actifs; et les armes

25 étaient au poste, elles n'étaient pas parties ailleurs, donc il n'y avait

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1 aucune raison de s'attaquer au poste de police.

2 Question: Vous pourriez peut-être me fournir un complément d'explication.

3 Je lis le compte rendu d'audience et j'y vois ce que vous dites: "J'ai

4 découvert qu'ils avaient empêché que les armes soient emmenées du poste de

5 police".

6 Qui est venu empêcher que les armes soient emmenées du poste de police?

7 Réponse: D'après les assertions des dirigeants du SDS, les citoyens

8 étaient venus là pour empêcher qu'elles ne soient emportées. Nous ne nous

9 attendions pas à ce que le poste de police soit attaqué, et je ne voyais

10 pas pourquoi un millier de citoyens armés s'attaqueraient au poste de

11 police pour réclamer des armes, les armes du poste de police qui

12 appartenaient, de par leur affectation, au poste de police lui-même.

13 Question: Vous venez de dire que vous pouviez défendre le poste de police,

14 mais est-ce qu'il y a eu véritablement un combat? Comment, de quelle façon

15 avez-vous défendu ce poste de police?

16 Réponse: Nous avions placé un cordon de policiers devant le poste de

17 police, et ce cordon avait interdit l'accès au poste pour cette masse de

18 gens. Et il y avait Mesaros Mato qui est venu franchir la foule, se frayer

19 un passage. Il était en voiture, la masse avait commencé à cogner contre

20 sa voiture et c'est à grand-peine qu'il a réussi à franchir cet obstacle

21 parce qu'il était pressé pour récupérer…, il voulait aller récupérer sa

22 femme au centre hospitalier.

23 Question: Inutile d'avoir autant de détails, Monsieur. Est-ce qu'il y a eu

24 des blessés au cours de cet incident? Ne nous donnez pas tous les détails,

25 ce n'est pas nécessaire.

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1 Réponse: Ce citoyen-là, lorsqu'il voulait repasser avec sa voiture au

2 travers de cette masse, le véhicule a été renversé et il a été poignardé;

3 on lui a coupé le ventre, l'estomac au couteau, au poignard, et ses

4 intestins étaient sortis. Nous avons déployé de gros efforts pour lui

5 sauver la vie.

6 Question: Est-ce que ce violent incident a mis fin à la question?

7 Réponse: Non. Une fois que nous avons conduit le blessé à l'hôpital,

8 devant le bâtiment, les chefs de file du Parti démocratique serbe avaient

9 fait des discours. Ces discours offensaient gravement l'Etat croate et le

10 peuple croate, incitaient à la violence. Et la masse, lorsqu'elle se

11 retirait, avait tiré plusieurs centaines de coups de feu en l'air, et

12 c'est ainsi qu'ils ont porté atteinte à l'ordre public.

13 Question: Est-ce qu'à Slatina il y avait une caserne de la JNA?

14 Réponse: Oui, il y avait à côté du poste de police une caserne qui se

15 trouvait à quelque 50 mètres de là.

16 Question: Lorsque cet incident s'est produit, est-ce que la JNA est

17 intervenue pour essayer d'arrêter la foule?

18 Réponse: Cette fois-là, la JNA n'est pas intervenue. Et, le 4 août 1991,

19 cette JNA nous a attaqués à l'arme lourde.

20 Question: Nous allons en parler dans un instant. Vous avez déjà dit qu'à

21 l'époque les effectifs de police à Slatina étaient des effectifs mixtes

22 comptant et des Croates et des Serbes. Est-ce que la situation a changé

23 après ces événements que vous venez de décrire?

24 Réponse: Eh bien, jusqu'à cet événement au poste de police de Slatina, il

25 y avait eu 80-85% de Serbes et les autres étaient croates. Tout de suite

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1 après cet événement, une partie des policiers du groupe ethnique serbe a

2 commencé à quitter la police et le ministère de l'Intérieur a normalement

3 commencé à compléter ces postes par des cadres nouveaux.

4 Question: Les policiers serbes sont-ils partis, ont-ils pris l'initiative

5 de partir ou est-ce qu'ils ont été congédiés, licenciés?

6 Réponse: C'est de façon tout à fait bénévole qu'ils sont partis; aucun

7 d'entre eux n'a été licencié.

8 Question: Où sont partis ces policiers? Qu'ont-ils fait par la suite?

9 Réponse: Au début, ils partaient chez eux. Par la suite, lorsqu'on a

10 commencé à armer les réservistes de la population serbe, donc à partir du

11 mois d'avril de l'année 1991, dans cette région insurgée, ils ont tous

12 rejoint les unités paramilitaires.

13 Question: Avez-vous remarqué quoi que ce soit concernant l'armement de la

14 population serbe?

15 Réponse: Nous avons remarqué, comme je l'ai déjà dit, depuis le mois

16 d'avril 1991, le Parti démocratique serbe, voire la JNA, a commencé à

17 armer la population serbe, c'est-à-dire les réservistes, qu'on convoquait

18 dans les casernes de Slatina et de Nasice.

19 Question: Est-ce que tous les hommes ont été appelés à un entraînement

20 militaire ou est-ce que, seuls, les Serbes l'ont été?

21 Réponse: On n'a convoqué que des Serbes, et ceci essentiellement lorsqu'il

22 s'agissait de personnes qui avaient fait l'école des sous-officiers de

23 réserve dans l'ex-JNA. Et c'est essentiellement aux fins d'avoir des

24 cadres pour commander les effectifs. On n'a convoqué aucun Croate.

25 Question: Vous dites que la JNA a également armé les Serbes. Qu'avez-vous

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1 remarqué à cet égard? Comment ont-ils procédé?

2 Réponse: Eh bien, ceux qui avaient eu une formation dans les casernes de

3 Slatina ou de Nasice s'en allaient avec des armes vers les régions

4 insurgées. Et, au mois de juin, depuis la caserne de Nasice, la police

5 avait reçu instruction de récupérer plus de 40 camions chargés d'armes, de

6 Nasice à Mikleus. La police ne pouvait pas aller au-delà de cet endroit-

7 là, elle ne pouvait se déplacer que par la route nationale. Par la suite,

8 un convoi de la JNA avec des armes s'en est allé vers les régions

9 insurgées, vers Vocin notamment.

10 Question: Je crois qu'il faut apporter un éclaircissement. Vous parlez

11 d'un convoi qui s'est formé: est-ce qu'il venait de la caserne? Si ce

12 n'est pas le cas, d'où venait-il?

13 Réponse: De la caserne!

14 Question: Est-ce que ce convoi avait pour destination une autre caserne ou

15 un autre lieu?

16 Réponse: Non, ce convoi s'était dirigé vers la région insurgée qui avait

17 été ensuite occupée par les Serbes, donc vers Vocin et vers le camp de

18 Sekulinci, Lager Sekulinci où l'on a déchargé les armes. Et cette même

19 nuit, on a commencé à distribuer les armes à la population serbe.

20 Question: A quel moment ceci s'est-il passé?

21 Réponse: Cela s'est passé au mois de juin 1991. Un Serbe qui avait refusé

22 des armes, lorsqu'il s'était dirigé vers Slatina pour déclarer la chose à

23 la police, a été abattu vers le cimetière de Ceralije et la police est

24 venue faire un constat.

25 Question: Vous dites que la police avait dû escorter ce convoi

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1 transportant des armes et vous avez dit que vous vous trouviez sur la

2 route uniquement et que, par la suite, vous n'avez pas pu suivre.

3 Pourquoi?

4 Réponse: Ce convoi a été escorté par des policiers de Nasice. Cela pouvait

5 aller seulement de la station d'essence de Mikleus jusqu'à la région qui,

6 par la suite, a été occupée. Les gens qui faisaient partie de l'escorte

7 nous ont fait savoir ultérieurement que des membres de la JNA les avaient

8 arrêtés là-bas et leur ont donné l'ordre de cesser d'effectuer cette

9 mission.

10 Question: Avez-vous vu le convoi au moment où il est revenu?

11 Réponse: Je n'ai pas vu le convoi revenir, mais j'ai eu connaissance du

12 rapport qui disait que le convoi était revenu le même jour dans la soirée

13 et que le chargement était resté là-bas dans la région qui était insurgée.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier

15 pour présenter au témoin la pièce 327, intercalaire 13.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 M. le Président (interprétation): C'est une pièce?

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est une pièce déjà utilisée au

19 moment où nous avons eu la déposition du témoin C-037. Je vais poser

20 quelques questions supplémentaires à ce témoin-ci, questions auxquelles le

21 témoin précédent n'a pas pu répondre.

22 M. le Président (interprétation): Si nous avons des pièces dans ces

23 grosses liasses, vu la logistique qui régit nos débats, il est difficile

24 de trouver ces pièces aussitôt. Donc, si vous voulez les présenter au

25 témoin, il faudra prévoir de les photocopier plutôt que nous obliger à les

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1 sortir de la liasse.

2 Est-ce que je comprends que cela se trouve dans la nouvelle liasse?

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Fort bien.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous l'avez dans le classeur

6 concernant ce témoin. Il suffit d'utiliser la cote qui a été attribuée à

7 ce document.

8 M. le Président (interprétation): Ne tombons pas dans la confusion. Vous

9 demandez donc le nouveau versement d'une pièce mais, en temps utile, ce

10 document sera retiré du classeur. Nous allons examiner bientôt les pièces

11 présentées par l'intermédiaire de ce témoin. Voyons ce qu'il en est.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que vous connaissez ces

13 documents ou ce document? Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de le

14 voir?

15 M. Matovina (interprétation): Oui, ces documents ne me sont pas inconnus.

16 Ils ont été retrouvés au sein du commandement des unités paramilitaires de

17 Zvecevo et ceci, une fois que ces unités-là se sont retirées après le 14

18 décembre 1991. On a retrouvé là ces documents-là et d'autres documents qui

19 avaient englobé toutes les unités, l'organisation de ce qu'ils avaient

20 appelé la Défense territoriale, l'Unité de "Papuk" et les unités

21 subalternes.

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

23 M. Milosevic (interprétation): Je crois qu'avec ces pièces à conviction,

24 cela perd toute signification. On va outre la ligne de l'absurde, la

25 limite de l'absurde. On montre qu'il s'agit d'un document établi au niveau

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1 du poste de police des autorités croates qui est intitulé "Liste des

2 unités serbo-terroristes". Ce n'est pas un document, cela ne peut pas être

3 traité comme étant un document parlant des unités de là-bas parce qu'on

4 n'a pas pu retrouver de liste d'unités serbo-terroristes où cela aurait

5 été laissé par des Chetniks.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pourrez

7 présenter vos arguments lorsque le contre-interrogatoire sera à l'ordre du

8 jour. Nous nous sommes déjà occupés de ce document, ou plutôt du classeur

9 dont émane ce document, la semaine dernière; vous vous en souviendrez. Et

10 comme nous vous l'avons dit, nous admettons ici l'ouï-dire en tant

11 qu'élément de preuve. Ensuite, nous décidons du poids à accorder à ce ouï-

12 dire.

13 Vous semblez être en train d'affirmer au sujet de ce document qu'il

14 concerne les membres d'unités serbo-terroristes, c'est bien cela?

15 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, n'est-il pas clair à vos yeux

16 qu'il était impossible qu'un tel document soit découvert dans quelque

17 bureau serbe que ce soit? C'est bien la preuve; vous ne voyez pas que

18 c'est un document de la police croate?

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 M. Milosevic (interprétation): Et ceci n'a rien d'un document officiel.

21 Même si c'était effectivement un document de la police, il faudrait qu'il

22 comporte une date et un sceau. Ce n'est pas un document officiel, ça,

23 c'est juste deux morceaux de papier regroupés.

24 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous entendons que vous

25 contestez l'authenticité de ce document, mais bien entendu il a déjà été

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1 versé au dossier par le biais du témoin précédent.

2 Un instant, ne m'interrompez pas.

3 Ce document a donc déjà été versé au dossier. Madame Uertz-Retzlaff, vous

4 venez d'entendre la contestation de l'authenticité; il vous appartient d'y

5 répondre. Il vient d'être dit que c'était manifestement un document

6 croate, au vu de l'en-tête et que, de ce point de vue, il ne pouvait guère

7 être d'une quelconque utilité pour nous.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'ai

9 l'intention de parler de ce document avec le témoin parce qu'il a des

10 choses à dire à ce sujet.

11 M. le Président (interprétation): Allez-y.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dit que

13 ce document avait été découvert à Zvecevo et qu'il a ensuite été restitué.

14 En quelle année ce document a-t-il été découvert?

15 M. Matovina (interprétation): Eh bien, je vais supprimer toute ambiguïté.

16 Ces deux premières feuilles que nous avons ici ne constituent qu'une liste

17 des documents et des unités. Pour le reste, il s'agit de photocopies d'un

18 document original. Alors, il est vrai que ces deux premières pages sont

19 une liste qui a été établie par la police, mais le reste des documents

20 sont des photocopies d'originaux.

21 Ces autres documents ont été découverts, comme je l'ai déjà dit, au

22 commandement de Zvecevo, une fois que ce territoire a été placé sous le

23 contrôle de l'armée croate. On y voit de façon très claire la structure du

24 Détachement de "Papuk" ainsi que des autres formations qui ont été créées.

25 On voit également quelles étaient leurs tâches, les affectations, leurs

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1 noms, les patronymes et prénoms des membres de ces unités, le type et la

2 quantité d'armes en leur possession. Et en dehors de ces documents, j'ai

3 déjà dit que nous en avions trouvé bien d'autres.

4 J'ajouterai que le quartier général du commandement ainsi que l'ensemble

5 de ce centre de loisir ont été incendiés après le départ de ces unités et

6 totalement détruits.

7 Question: Qui a découvert les documents? La police ou une autre instance?

8 Réponse: Des membres de l'armée croate ont découvert ces documents et ces

9 documents ont ensuite été remis à la police.

10 Question: Dans le cadre de votre travail en tant qu'officier de police,

11 qu'étiez-vous censé faire de ces documents et qu'en avez-vous fait?

12 Réponse: Le procureur régional et le procureur militaire ont été informés

13 de l'existence de tous ces documents et ces documents leur ont ensuite été

14 adressés en tant que documents d'information pour leur dossier.

15 Question: Il y a des annexes à ces rapports, et je vous demande qui a

16 compilé ces annexes, qui les a établies?

17 Réponse: Je ne vois pas très bien, car il n'y a pas de signature. Mais

18 c'est sans doute quelqu'un qui s'est ensuite occupé de l'ensemble de

19 l'affaire et qui a donc organisé la remise des documents au ministère de

20 l'Intérieur et, pour être plus précis, au Tribunal.

21 Question: Ensuite, si vous regardez les documents qui viennent après ces

22 deux listes, tous comportent le sceau croate. Savez-vous qui a apposé ce

23 sceau?

24 Réponse: Le sceau a été apposé par l'employé qui a rassemblé les documents

25 et il a été apposé ici pour confirmer l'authenticité, puisque nous sommes

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1 en présence de photocopies.

2 Question: Vous avez prononcé le nom de Zvecevo. De quel lieu s'agissait-il

3 exactement? Etait un quartier général, était-ce un poste de la JNA? Qu'en

4 était-il exactement?

5 Réponse: Zvecevo est un endroit où se trouvait un hôtel qui dépendait de

6 l'entreprise "Rade Koncar" de Zagreb et on y trouvait également toutes

7 sortes d'installations destinées aux sports et aux loisirs. Les membres

8 des unités paramilitaires et du Détachement de "Papuk" se sont emparé de

9 cet endroit pour y établir leur quartier général.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Lorsque vous dites "unités

11 paramilitaires", à quoi pensez-vous exactement?

12 M. Matovina (interprétation): Eh bien, nous pensons au Détachement de

13 "Papuk" qui a été créé suite à la 12e Brigade d'assaut de Slavonie, ou

14 d'après la 12e Brigade d'assaut de Slavonie qui avait participé à la

15 Deuxième Guerre mondiale. Et nous pensons également à toutes les autres

16 unités qui ont suivi le Détachement de "Papuk" et qui constituaient la

17 soi-disant Défense territoriale qui, en fait, n'était pas la Défense

18 territoriale parce que la République croate avait sa propre Défense

19 territoriale et avait créé des formations militaires héritées de l'ex-

20 Yougoslavie. Et les armes des Croates avaient été confisquées par la JNA

21 car elles étaient stockées dans les entrepôts de la JNA et l'armée a remis

22 ces armes aux rebelles serbes.

23 M. le Président (interprétation): Où est-ce que nous pouvons trouver ce

24 quartier général de Zvecevo, je vous prie?

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avec l'aide de l'Huissier, je vais

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1 vous le montrer. Il s'agit de la carte géographique qui constitue la pièce

2 à conviction 338.

3 M. le Président (interprétation): Pièce à conviction 325.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. C'est une pièce qui a déjà été…

5 Oui, Monsieur l'Huissier, pouvez-vous placer cette carte sur le

6 rétroprojecteur et je demande au témoin de nous montrer où se trouve

7 Zvecevo.

8 Monsieur le Témoin, je vous demande de regarder la carte en tant que telle

9 et pas l'écran.

10 (Le témoin montre l'endroit sur la carte.)

11 Monsieur le Président, le témoin vient de placer le doigt sur l'endroit en

12 question.

13 M. le Président (interprétation): L'endroit où nous lisons le mot "Novo

14 Zvecevo".

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Puisque nous en sommes à la

16 carte, Monsieur le Témoin, pouvez-vous également nous montrer où se trouve

17 Vocin?

18 (Le témoin place le pointeur sur le lieu marqué "Vocin".)

19 Quelle est la distance approximative qui sépare Zvecevo et Vocin?

20 M. Matovina (interprétation): A peu près 15 kilomètres.

21 Question: Merci. Nous en avons terminé avec la carte. Monsieur le Témoin,

22 vous rappelez-vous à quel moment ces installations de Zvecevo ont commencé

23 à fonctionner en tant que quartier général de la Défense territoriale

24 serbe?

25 Réponse: Pendant toute la période où ce territoire a été sous le contrôle

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1 des Serbes insurgés, Zvecevo a été le centre du commandement, donc

2 jusqu'au 14 décembre 1991, date à laquelle ces installations sont passées

3 sous le contrôle de l'armée croate. Mais, par ailleurs, ce territoire a

4 été occupé, en tout cas en partie, depuis le 18 août 1991.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous n'avons pas besoin de rentrer

6 dans tous les détails de la structure de l'armée, car nous n'en avons pas

7 le temps. Mais j'aimerais vous soumettre un certain nombre de documents

8 tirés de cette pièce composite et dont le premier sera le n°57 dans la

9 table des matières. On trouve également le n°57 inscrit sur le document.

10 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, essayons de nous

11 entendre, car il faut bien que ces pièces soient produites dans un certain

12 ordre. Et c'est vous qui êtes chargée de nous les présenter. Vous ne vous

13 voulez pas que nous cherchions dans cet énorme classeur?

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président. En haut,

15 au début du classeur, vous trouverez l'index avec des numéros.

16 M. Kwon (interprétation): Des numéros de documents?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, des numéros de documents et vous

18 trouverez ces mêmes numéros sur les originaux et les traductions

19 correspondantes. Donc, si vous regardez les numéros figurant sur les pages

20 de garde de chaque document…

21 M. le Président (interprétation): Oui, nous le voyons, nous pouvons

22 suivre. Mais, de toute façon, lorsque vous présentez une nouvelle pièce à

23 conviction, il faut que vous attendiez tout de même à ce qu'une cote lui

24 soit affectée, parce que vous, vous avez votre propre numérotation,

25 déterminée par le Bureau du Procureur, qui ne nous sert à rien à nous.

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1 Elle est sans doute utile pour vous aider à retrouver ce document, mais,

2 une fois ce document versé au dossier, on ne peut plus y faire référence

3 qu'en utilisant la cote donnée à ce document par le Tribunal. Alors, je

4 suppose qu'une cote va maintenant être affectée à ce document.

5 Madame la Greffière pense qu'une cote a déjà été affectée au document.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Si c'est le cas, eh bien, cela m'a

8 totalement échappé. Quand est-ce qu'on a donné une cote à ce document?

9 Madame Uertz-Retzlaff, veuillez avoir l'amabilité de nous expliquer quelle

10 est la situation?

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Ce

12 document a déjà été discuté avec le témoin C-037; à ce moment-là, une

13 cote, la cote 372, a été donnée à ce document. Intercalaire 13.

14 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons cette pièce.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Cette grosse pièce contient toutes

16 sortes de documents. Donc, à l'intérieur de cette grosse pièce, nous avons

17 une division en un certain nombre de documents spécifiques dont les

18 numéros apparaissent sur l'index qui est au début de la grosse pièce, de

19 la pièce composite. Ce n'est pas une autre pièce, c'est simplement un

20 numéro qui a été donné afin que vous vous y retrouviez dans l'examen de ce

21 classeur.

22 M. le Président (interprétation): Alors, est-ce que cela représente la

23 totalité de la 327, intercalaire 13?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Fort bien. Maintenant, nous avons

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1 compris.

2 Avant de commencer à travailler sur une pièce composite aussi complexe que

3 celles-ci, je vous demanderais de nous expliquer de quoi il retourne pour

4 que nous puissions suivre.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Merci.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): … le numéro corrigé.

8 (L'interprète indique que Mme Uertz-Retzlaff a donc corrigé le numéro de

9 la pièce de 372 en 327.)

10 Monsieur le Président, dans l'index dont il vient d'être question, nous

11 trouvons donc le document n°57 et, dans l'index, le titre de ce document

12 est indiqué comme correspondant à "Commandement et composition de l'Unité

13 de Zvecevo". Et on en trouve également une traduction dans l"index.

14 M. Kay (interprétation): Moi, je ne trouve pas l'index du tout.

15 M. le Président (interprétation): Vous le trouverez, mais feuilletez un

16 petit peu le classeur.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): On trouve cela après la longue liste

18 de noms et, pour vous venir en aide,…

19 M. le Président (interprétation): Vous savez, nous sommes au début de la

20 présente partie de l'affaire. Donc il faudrait que tout soit bien clair

21 dès le départ.

22 Pour commencer, c'est tout de M. Matovina, puisqu'il s'agit en fait d'une

23 pièce à conviction déjà versée au dossier. C'est ce qui apparaît à

24 présent. Donc, dès lors qu'une pièce a été versée au dossier et qu'elle

25 constitue une pièce à conviction, je vous demanderai d'y faire référence

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1 en indiquant sa cote.

2 Par ailleurs, lorsque nous avons des intercalaires, je pense que nous

3 pouvons parler des documents en mentionnant l'intercalaire et pas des

4 numéros apposés sur le document lui-même, tel le n°57 dont vous venez de

5 parler qui est très difficile à trouver avec cette méthode. Il serait donc

6 beaucoup plus simple que vous y fassiez référence par le numéro de

7 l'intercalaire.

8 Monsieur Kay, vous avez trouvé le document 57?

9 M. Kay (interprétation): Oui, j'ai fini par me débrouiller.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous

11 demanderai de regarder ce document, donc n°57, c'est le numéro qu'on voit

12 en tête du document. On voit qu'il émane du quartier municipal de la

13 Pozega Slavonska –ce sont les mots qui sont écrits, n'est-ce pas- et nous

14 lisons les mots -je cite-: "Pour votre usage futur, veuillez trouver ci-

15 joint la liste des combattants du détachement dépendant du quartier

16 général municipal de Slavonska Pozega; appui technique aux installations

17 de Zvecevo." (Fin de citation.)

18 Qui a signé ce document au nom du commandant?

19 M. Matovina (interprétation): La signature est celle du commandant Munja

20 et, dans la liste, on voit qu'il s'agit du commandant Borivoj Lukic,

21 capitaine de première classe.

22 M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous reconnaissez

23 le nom d'après la signature?

24 M. Matovina (interprétation): On voit que l'ensemble du document a été

25 signé par une seule et même personne, de même que la page

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1 d'accompagnement, d'après ce qu'on voit en annexe au document.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Etes-vous en train de parler du

3 document qui a été annexé à celui-ci par la police et qui porte également

4 une signature? Est-ce bien cela?

5 M. Matovina (interprétation): Oui. Sur la liste, nous voyons la même

6 signature que celle que l'on trouve sur le document annexé.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, le témoin

8 parle en ce moment de la liste qui est annexée, attachée, donc jointe à la

9 page de couverture.

10 Monsieur le Témoin, savez-vous qui est Munja? Est-ce réellement un nom ou

11 un prénom?

12 M. Matovina (interprétation): C'est un pseudonyme. Et je pense que

13 derrière ce surnom de Munja se cache le commandant Borivoj Lukic.

14 Question: Pourquoi est-ce que vous pensez cela?

15 Réponse: Parce que bien que onze ans se soient écoulés depuis, je crois me

16 rappeler que ce surnom s'est faufilé dans pas mal de documents. Et dans

17 d'autres documents, nous avons découvert également Veljko Vukelic qui

18 signait en utilisant le nom "Munja".

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que vous le saviez en tant que

20 certitude, à l'époque, ou bien de quelle façon avez-vous appris que Veljko

21 Vukelic se cachait derrière le surnom de "Munja"?

22 M. Matovina (interprétation): Lorsque ce territoire est tombé sous le

23 contrôle du gouvernement de Croatie et lorsque des enquêtes ont été menées

24 au sujet de cette insurrection armée, un certain nombre de témoins, dans

25 leurs dépositions, ont mentionné également Veljko Vukelic dont le nom

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1 figure dans certains documents, car il s'agissait de l'un des dirigeants

2 du SDS pour la Slavonie occidentale.

3 M. Kwon (interprétation): Dans la traduction anglaise, pages 12 et 17,

4 j'ai effectivement trouvé le nom de "Munja".

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez vous

6 pencher sur la liste des combattants qui commence par le commandant

7 Borivoj Lukic, capitaine de première classe. Est-ce que c'est bien à ce

8 Lukic que vous venez de faire référence?

9 M. Matovina (interprétation): Oui, oui, c'est le capitaine qui commandait

10 le Détachement de Zvecevo.

11 Question: Boro Lukic, qui était-ce exactement? Etait-ce un membre de la

12 JNA, un habitant de la région? Que pouvez-vous nous dire à son sujet?

13 Réponse: Il était né à Vocin, et avant la guerre, il s'occupait de

14 maintenance dans une usine de Slatina. Il a terminé l'école destinée…

15 L'usine s'appelle "Gaj Slatina". Il a terminé les cours de l'école des

16 sous-officiers de réserve avec le rang de capitaine de première classe.

17 Question: Etait-ce un membre du SDS? Etes-vous au courant de cela?

18 Réponse: Il est entré au SDS dès sa création, dès le début.

19 Question: Le connaissez-vous personnellement?

20 Réponse: Oui, j'ai travaillé pas mal de temps avec lui dans l'entreprise

21 Gaj et je dirai donc que je le connais personnellement.

22 Question: Quelle était son attitude à l'égard des Croates? Pouvez-vous

23 nous dire cela?

24 Réponse: C'était un homme intolérant, un orthodoxe; il a été l'un des

25 premiers à quitter Slatina pour aller d'abord à "Lager Sekulinci" où

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1 existaient des installations destinées à former les réservistes de

2 l'armée. Nous l'avons su parce qu'il a été absent de la ville pendant pas

3 mal de temps. Et chaque fois qu'un réserviste partait, on savait bien

4 qu'il allait rejoindre les rangs de son unité.

5 Question: Le fait qu'il était commandant, est-ce que vous le saviez déjà à

6 l'époque? Et, si oui, comment avez-vous obtenu cette information ou bien

7 l'avez-vous apprise à la lecture de ce document?

8 Réponse: Nous l'avons su dès le début, dès qu'il est parti, parce qu'à

9 l'époque déjà, et je crois que c'était en mai 1991, puisqu'il y avait

10 encore des communications avec ce territoire qui a ensuite été occupé en

11 partie, et donc, dans ces conditions, nous avons pu apprendre que là où il

12 est allé, il entraînait… -comment est-ce que cela s'appelle déjà?- il

13 entraînait les hommes de la Défense territoriale, comme on l'appelait.

14 Question: Cette liste de noms, nous voyons que les noms figurent sous le

15 mot "combattants". Mais saviez-vous à l'époque que tous ces hommes, dont

16 nous voyons les noms ici, avaient le grade qui est inscrit sur ce

17 document? Est-ce que cela correspondait bien à leur grade dans les rangs

18 de la Défense territoriale?

19 Réponse: Oui, c'est une reproduction tout à fait fidèle de la structure de

20 la Défense territoriale. Pour certains de ces hommes, nous étions au

21 courant. Pour d'autres, nous avons constaté leur grade après découverte du

22 document. Mais il y a, dans cette liste, de très nombreux hommes que je

23 connais personnellement.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais à présent que nous

25 passions à l'examen du dernier document faisant partie de ce sous-document

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1 57. Si vous tournez les pages, vous finirez par arriver à un document dont

2 la date est celle du 5 novembre 1991.

3 M. le Président (interprétation): Vous venez de parler de l'annexe 57,

4 Madame Uertz-Retzlaff; c'est bien cela? Pièce jointe?

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ah! Excusez-moi, on vient de me

6 signaler qu'il s'agit en fait du document 58. Excusez-moi. Excusez-moi, je

7 ne l'avais pas placé au bon endroit dans ma version de cette liasse. Donc

8 c'est le document sur lequel on voit le numéro 58.

9 M. le Président (interprétation): Oui, c'est celui qui vient après.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, ce document est

11 une autorisation datant du 5 novembre 1991, signée par Munja. On y trouve

12 une mention manuscrite qui se lit comme suit: "Derrière Munja, c'est

13 Veljko Vukelic qui se cache". (Fin de citation.)

14 Savez-vous comment cette mention manuscrite a été apposée sur le document?

15 M. Matovina (interprétation): C'est exactement ce que je disais il y a

16 quelques instants: j'ai vu cette note manuscrite dans les documents, et

17 elle a dû être apposée par un des officiers chargés de l'affaire, parce

18 que pas mal d'officiers ont travaillé sur cette affaire. Dans des

19 entretiens avec des témoins qui avaient participé à l'insurrection, ces

20 officiers ont appris que le surnom de "Munja" dissimulait une personne

21 répondant au nom de Veljko Vukelic.

22 Question: Donc la note manuscrite a été rédigée à l'époque des faits, si

23 je vous comprends bien, par un officier croate et elle ne se trouvait pas

24 sur l'original lorsque l'original a été découvert?

25 Réponse: Non, cette note a été inscrite, apposée sur le document après que

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1 celui-ci ait été trouvé.

2 Question: Veljko Vukelic est-il de Slatina?

3 Réponse: Oui, il est également de Slatina; c'était le secrétaire de la

4 Ligue des communistes de Yougoslavie et, avant la guerre, juste avant la

5 guerre, il travaillait au ministère de la Défense nationale de Slatina.

6 Question: Quelle est la mission, quelles sont les tâches d'un secrétaire

7 au ministère de la Défense nationale? Quel est son rôle exactement?

8 Réponse: Le secrétaire auprès du ministère de la Défense nationale doit

9 tenir les registres de toutes les recrues et de tous les nouveaux venus

10 dans les installations de formation militaire. Il doit tenir les registres

11 des réservistes qui ont été convoqués -c'est l'une de ses tâches- pour

12 améliorer leur entraînement. Ils sont envoyés dans une école de

13 réservistes et le secrétaire s'occupe également de toutes les questions

14 civiles liées à la défense.

15 M. le Président (interprétation): L'heure est arrivée de la pause. Nous

16 ferons donc une pause de 20 minutes.

17 Monsieur Matovina, je vous demande de ne pas perdre de vue que, pendant la

18 pause, vous ne devez parler à personne de votre déposition, pas plus à des

19 tiers qu'aux membres du Bureau du Procureur.

20 Retour dans la salle d'audience dans 20 minutes.

21 (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 10 heures 56.)

22 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Uertz-Retzlaff, veuillez

23 poursuivre.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.

25 Monsieur le Témoin, avant la pause, nous étions en train de parler de M.

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1 Vukelic et du poste qu'il occupait; c'était celui de secrétaire au service

2 de la défense nationale à Slatina. En sa capacité, en sa qualité, est-ce

3 qu'il devait travailler en étroite collaboration avec la JNA?

4 M. Matovina (interprétation): Oui, il avait des liens très étroits avec la

5 JNA; il a coopéré très étroitement avec la JNA.

6 Question: Du fait du poste, de sa fonction? Que voulez-vous dire? Quelles

7 étaient les fonctions ou attributions incombant à un secrétaire de la

8 Défense nationale? Est-ce qu'il y avait dans ce cadre nécessité de

9 coopérer étroitement avec la JNA ou pas?

10 Réponse: Oui, ses fonctions englobaient également celles de la coopération

11 et, pour autant que j'aie pu le voir, ils étaient proches et la

12 collaboration établie était, je dirai, quotidienne.

13 Question: Dans une municipalité, est-ce qu'un secrétaire à la défense

14 nationale a des rapports de travail avec les organes fédéraux ou plutôt

15 avec les organes de la République dans le cadre de ses fonctions?

16 Réponse: Le secrétaire avait des relations avec le niveau de la République

17 et c'est par les instances de la République que l'on obtenait les

18 instructions et la politique du secrétariat fédéral à la défense

19 nationale.

20 Question: Vous avez dit que M. Vukelic avait été secrétaire, avait donc

21 exercé la même fonction avant la guerre. A quel moment a-t-il quitté ce

22 poste?

23 Réponse: Je pense qu'il a quitté ces fonctions-là vers le mois d'avril

24 1991, c'est-à-dire dès les premières journées du soulèvement armé ou

25 plutôt de l'armement de la population serbe.

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1 Question: Savez-vous quel fut le poste qu'il a occupé après avoir quitté

2 Slatina?

3 Réponse: Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il est parti en Slavonie

4 occidentale et qu'il avait été l'un des dirigeants du Parti démocratique

5 serbe qui avait pris sur soi toutes ces tâches de l'armement de la

6 population, de la formation des unités et, en bref, tout ce qui faisait

7 partie de cette insurrection armée.

8 Question: Nous venons de discuter d'un document, celui qui contenait cette

9 mention manuscrite faisant référence à M. Vukelic. Est-ce que c'est un

10 document qui, effectivement, émane du quartier général municipal de

11 Slavonska Pozega? Zvecevo fait-elle partie de la municipalité de Slavonska

12 Pozega?

13 Réponse: Oui, territorialement, cela appartient, en effet, à Slavonska

14 Pozega mais, sur un plan géographique et de par les voies de

15 communication, toute la région est interconnectée, inter-reliée.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, pour que vous

17 saisissiez mieux ces données géographiques, nous avons une carte de la

18 municipalité. Nous avons certes une copie pour chacun présente dans le

19 prétoire, mais le problème, c'est que nous avons dû le réduire à un format

20 vous permettant de voir la carte, mais il vous faut vraiment un oeil

21 d'aigle pour trouver ce village dont nous parlons. Nous avons une carte

22 assez grande qui devrait nous servir dans le prétoire -vous la recevrez

23 également- mais nous ne l'avons pas encore obtenue; pour le moment, nous

24 n'avons que cette petite carte qui vous permet de voir cette municipalité.

25 M. le Président (interprétation): Fort bien. Voyons ce qu'il en est et

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1 attribuons une cote à cette carte avant de poursuivre. Est-ce la Croatie

2 seulement ou aussi la Bosnie-Herzégovine aussi? Les deux?

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

4 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 333.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En fait, et je le dis à l'intention

6 de l'huissier, la très grande carte doit être placée sur le

7 rétroprojecteur, mais je vais la plier de telle sorte que vous aurez la

8 partie qui nous intéresse.

9 (Intervention de l'Huissier.)

10 Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous indiquer sur la carte les deux

11 municipalités dont nous avons parlé, en l'occurrence Slavonska Pozega et

12 Slatina? Pas sur l'écran, sur la carte même, s'il vous plaît.

13 Le témoin indique du pointeur la municipalité de Pozega.

14 Pouvez-vous descendre un peu la carte?

15 Et maintenant, le témoin est en train d'indiquer la municipalité de

16 Slatina.

17 Peut-on avoir une image plus nette en se concentrant sur les deux

18 municipalités?

19 (Intervention technique.)

20 Voilà, je vous remercie.

21 Pourriez-vous nous indiquer où se trouvait Zvecevo? Nous avons parlé de

22 Zvecevo.

23 Oui, le témoin indique l'endroit qui se trouve pratiquement à la frontière

24 entre les deux municipalités.

25 Veuillez nous indiquer maintenant l'endroit où se trouve Vocin?

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1 Le témoin nous indique l'emplacement de Vocin.

2 Et puis, vous avez parlé aussi de Sekulinci. Pouvez-vous nous indiquer où

3 cela se trouve? Je vous remercie. Ceci suffira.

4 Monsieur le Témoin, puisque nous parlions de Sekulinci, à ce propos,

5 qu'est-ce qui se trouvait à Sekulinci pendant la guerre?

6 M. Matovina (interprétation): Pendant la guerre et pendant l'occupation

7 provisoire de cette région, sur le secteur de Sekulinci, il y avait un

8 camp où des dizaines de Croates avaient été détenus, torturés, malmenés.

9 Et deux d'entre eux ont été tués; leurs cadavres ont été retrouvés à

10 découvert.

11 Question: Comment le savez-vous? Quelles sont les informations que vous

12 avez à ce propos?

13 Réponse: Il est des déclarations de témoins qui ont été torturés là-bas et

14 qui ont été gardés des dizaines de jours durant là-bas, certains deux mois

15 durant. Il y a une femme témoin qui a passé deux mois et demi dans un

16 conteneur en métal; elle a été gardée là-bas, puis violée à plusieurs

17 reprises.

18 Question: Est-ce que vous avez obtenu ces renseignements dans le cadre de

19 votre travail de membre de la police? Est-ce que vous avez participé à

20 cette enquête?

21 Réponse: Oui, au travers d'interrogatoires avec les gens qui ont été

22 détenus dans ce camp et qui ont réussi à se tirer de là-bas pour arriver

23 sur des territoires libérés, j'entends qu'il y a eu des personnes qui ont

24 été échangées. Pour ce qui est des personnes qui se trouvaient sur des

25 territoires sous contrôle des autorités croates, en général, il s'agissait

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1 de membres de famille des hauts responsables de l'autre partie; ils nous

2 ont donc, en échange de cela, livré des gens qui avaient été détenus au

3 camp de Sekulinci.

4 Question: Ce camp de Sekulinci, à quel moment a-t-il existé?

5 Réponse: Eh bien, dès les premiers jours de l'occupation de cette région,

6 à savoir depuis le 18 août 1991, jusqu'au moment où la région avait été

7 placée sous contrôle des autorités croates et le commandant avait été

8 Miscevic Zoran.

9 Question: A quel moment avez-vous parlé avec des témoins? A quel moment

10 avez-vous mené cette enquête?

11 Réponse: Alors que cette région ne se trouvait pas sous le contrôle de

12 l'Etat croate, nous nous étions entretenus avec des personnes venues de la

13 région de Vocin, qui avaient été échangées. Une fois que la région a été

14 libérée, pratiquement toutes les personnes qui avaient survécu ont fait

15 des dépositions; ces dépositions sont recueillies et font l'objet d'un

16 classeur.

17 Question: Si je vous ai bien compris, cela s'est passé en décembre 1991?

18 Réponse: Décembre 1991, mais avant cela aussi.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Revenons au document, à la pièce dont

20 nous avons discuté. Je voudrais que nous discutions du document de

21 l'intercalaire ou de l'annexe 58; nous avons une liste des volontaires du

22 Parti radical serbe qui partent en permission à partir du 9 décembre 1991.

23 M. Kwon (interprétation): Et nous nous trouvons à quel paragraphe du

24 résumé, s'il vous plaît?

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous sommes au paragraphe 21, ainsi

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1 qu'au 22. Nous parlons ici des formations de la Défense territoriale, on

2 parle du Détachement de "Papuk".

3 M. Kwon (interprétation): (Hors micro.)

4 Donc nous ne sommes pas encore au paragraphe 29, n'est-ce pas? Or, le

5 témoin vient d'en parler à l'instant. Il a parlé de Sekulinci, n'est-ce

6 pas? Je vous remercie.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): (Hors micro.)

8 Nous sommes toujours aux formations de la Défense territoriale, Monsieur

9 le Juge, aux paragraphes 22 et 23.

10 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, nous avons une

12 liste des volontaires du Parti radical serbe, qui est signée de la main

13 d'un certain Rajko Bojcic. Est-ce que vous connaissez cet homme et savez-

14 vous quelle fonction il occupait pendant la guerre?

15 M. Matovina (interprétation): Je connais personnellement Rajko Bojcic; il

16 avait été l'adjoint de Boro Lukic et il est décrit ici comme étant

17 commandant du quartier général de la Défense territoriale; mais il était

18 enseignant auparavant, il avait travaillé à Slatina et, dès les premiers

19 jours de l'insurrection armée, il est parti vers les régions où il a été

20 mis en place de ce qu'ils avaient appelé "la Défense territoriale". Il se

21 trouvait être l'adjoint de Lukic Boro, le dénommé étant commandant du

22 détachement.

23 Question: Etiez-vous au courant du fait que des volontaires du Parti

24 radical serbe se trouvaient dans la région de Podravska Slatina?

25 Réponse: Nous avons appris cela vers la fin, à savoir dans la deuxième

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1 quinzaine du mois d'octobre 1991, lorsque, depuis ces territoires occupés,

2 des personnes ont pu être échangées. Dans le courant de ces échanges, des

3 personnes sont arrivées à Slatina en provenance de Vocin; il s'agissait de

4 Croates qui étaient restés là-bas au moment où la région a été coupée de

5 Slatina et de la partie où le pouvoir était exercé par l'Etat croate et

6 les instances croates. Ces personnes nous ont en effet confirmé que, vers

7 la fin du mois d'octobre, il est arrivé à Vocin des volontaires du Parti

8 radical serbe, ceux qu'on appelait les "Aigles blancs". Ils étaient au

9 nombre de 300 ou 400; dans certains dires, ils étaient même 600. Mais

10 plusieurs personnes ont confirmé qu'il s'agissait plutôt de quelques 300 à

11 400 volontaires.

12 Question: Est-ce que vous, vous les avez vus en personne arriver, ces

13 volontaires, ou est-ce que vous les avez vus repartir?

14 Réponse: Non. Cela se trouvait à quelque 25 kilomètres de Slatina; nous

15 n'avions pas la possibilité de voir ce qui s'y passait. Mais des témoins

16 oculaires nous ont confirmé que ces volontaires-là, vers la fin de

17 l'occupation de la région, avaient quitté la région en autocar; il y avait

18 six autocars. Les autres, ceux qui étaient restés, s'étaient trouvés à

19 Vocin lorsque le plus grand des massacres a été perpétré là-bas.

20 Question: Est-ce que vous êtes au courant du fait que d'autres groupes de

21 volontaires, mis à part ceux du Parti radical serbe, se seraient trouvés à

22 Slatina? Est-ce qu'il y avait d'autres volontaires originaires de la

23 Serbie, mis à part ceux dont nous venons de parler?

24 Réponse: Je ne suis pas au courant d'autres groupes, exception faite de

25 celui-ci au sujet duquel, d'ailleurs, il existe une liste partielle qui a

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1 été retrouvée avec les autres documents au siège du commandant sis à

2 Zvecevo.

3 Question: Dernier document de cette pièce. Prenons le document qui se

4 trouve dans la liasse en tant qu'annexe 60.

5 Monsieur le Témoin, je vous demanderai simplement de voir le nom de la

6 personne qui a signé ce document. La connaissez-vous? Pourriez-vous dire

7 qui a signé ce document et quelle était la fonction de cette personne?

8 Réponse: Dans la signature, il est fait état du commandement du quartier

9 général de la Défense territoriale de la région. Et, partant des autres

10 signatures, il me semble que celle-ci devrait être celle de Bora

11 Radosavljevic qui avait également été l'un des chefs de file du SDS et qui

12 avait fait partie du commandement de cette organisation militaire.

13 Question: Est-ce que c'était un militaire de carrière?

14 Réponse: Non. Il avait également été officier de réserve dans la JNA.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je crois que nous n'avons plus besoin

16 de ce document. C'est la seule question que je voulais poser à propos de

17 ce document.

18 A titre de référence, je précise que si vous examinez l'annexe 62, vous

19 verrez, en fait -du moins dans l'un des documents- le nom complet de la

20 personne dont nous venons de parler, Boro Radosavljevic.

21 Je vais demander l'aide de l'huissier pour discuter rapidement d'une pièce

22 avec le témoin. C'est maintenant une nouvelle pièce qui n'a pas été

23 introduite au dossier. Il s'agit donc de la pièce portant le numéro 2775,

24 intercalaire 2 dans votre classeur.

25 M. le Président (interprétation): Et comment allons-nous verser au dossier

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1 le reste des pièces concernant ce témoin? Je pense qu'il y en a encore une

2 dizaine, c'est bien cela?

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Demandez-vous que ceci fasse l'objet

5 d'une cote unique avec plusieurs intercalaires, mais ce serait ainsi un

6 document distinct?

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Tout à fait.

8 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons demander la

9 prochaine cote.

10 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation P334.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est une note de service venant de

12 l'administration de la police de Virovitica, Podravina. On y reprend

13 plusieurs documents.

14 Je vous demande d'examiner les deux derniers points. Ils font référence à

15 des volontaires, une liste de volontaires plus exactement de Serbie. Ce

16 sont des membres de la police qui ont signé ce document. Savez-vous si

17 ceux-ci travaillaient au poste de police et s'ils se sont occupés de ces

18 points-ci en particulier?

19 M. Matovina (interprétation): En signature, on voit les officiers de

20 police Miroslav Gumbarevic et Mirko Kostelac qui étaient commandants. Le

21 premier avait traité de cette affaire depuis le début. Et la liste en

22 question comporte un état de tous les documents qui ont été communiqués

23 aux enquêteurs du présent Tribunal; cela porte la date du 22 février 2001,

24 date à laquelle je n'ai plus travaillé, pour ma part, dans la police.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, nous présentons ce document au témoin afin qu'il nous explique dans

2 quelles circonstances nous l'avons obtenu.

3 Si vous le voulez bien, nous allons passer à l'examen du document suivant

4 se trouvant dans la liasse. Il s'agit de la cote de l'accusation 34328;

5 c'est à l'intercalaire 3 dans la liasse.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Monsieur le Témoin, il s'agit d'un rapport à propos de l'état-major de la

8 Défense territoriale de Slavonie occidentale. Je vais vous demander plus

9 précisément d'examiner plus exactement la rubrique portant sur le quartier

10 général municipal de Podravska Slatina. Nous voyons ici Boro

11 Radosavljevic, dont vous venez de parler, mais un autre nom est mentionné.

12 Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est exactement: quelle est

13 l'orthographe exacte du nom de cette personne, de cette deuxième personne

14 présentée comme étant le commandant?

15 Réponse: Le nom de cette deuxième personne est Keleva Dragomir; il avait

16 été commandant de ce poste de Podravska Slatina. Et, dès les premiers

17 jours, il est allé vers la région insurgée et il a de tout temps occupé

18 des postes éminents. On voit ici qu'il avait été commandant. Mais je tiens

19 à préciser qu'il avait été expert en matière de transmission radio.

20 Question: Je vous remercie. Ce sera tout concernant ce document. Cela fait

21 partie de la liasse, excusez-moi. J'allais demander une nouvelle cote.

22 Monsieur le Témoin, connaissez-vous un certain Trbojevic, membre de la

23 police?

24 Réponse: Non, non. Je ne le connais ça, mais c'est un colonel de la JNA

25 qui est venu dans cette région insurgée en provenance de Novi Sad, avec un

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1 certain officier Simic. Il était censé renforcer les lignes de la défense.

2 En sa qualité d'expert en questions militaires, il était censé renforcer

3 la composante militaire des unités qui avaient été mises en place là-bas.

4 Question: Comment le savez-vous? Quels sont les renseignements que vous

5 avez obtenus à ce propos?

6 Réponse: Je l'ai appris au travers des interrogatoires avec des personnes

7 originaires de Vocin qui connaissaient personnellement le colonel

8 Trbojevic, parce qu'il était né dans la région.

9 Question: Monsieur le Témoin, auparavant, au début de votre déposition,

10 vous avez dit que la JNA avait attaqué le poste de police de Slatina. Cela

11 s'est passé quand? Et pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé

12 précisément?

13 Réponse: Cette deuxième attaque sur le poste de police a eu lieu le 4 août

14 1991, vers 23 heures. C'est depuis la caserne éloignée de 50 mètres de là

15 que la JNA avait ouvert le feu à partir d'armes lourdes appelées BOV. Et

16 ceci, vers les locaux où la passation de fonctions avait eu lieu, mais la

17 passation de fonctions avait déjà été faite, sans quoi il y aurait eu des

18 dizaines de policiers morts, si la passation avait eu lieu au moment

19 précis de l'ouverture du feu.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Les policiers ont-ils provoqué cette

21 attaque de la JNA? Est-ce qu'ils avaient fait quelque chose dans ce sens-

22 là, qui aurait pu être interprété comme une provocation auparavant?

23 M. Matovina (interprétation): L'attaque n'a été provoquée par quoi que ce

24 soit; on ne s'y attendait pas. Il est vrai que, des jours durant, les

25 canons de ces armes lourdes de la caserne avaient été tournés en direction

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1 du poste de police et les policiers du poste s'étaient déplacés vers la

2 ville, vers le secteur pour accomplir leurs missions préventives. Dans les

3 collines, il y avait déjà des insurgés qui avaient tiré plusieurs obus en

4 direction du poste de police et de la caserne. C'est peut-être de cette

5 façon-là que l'attaque a été provoquée. L'attaque, à 23 heures, visait un

6 moment où il y avait passation de fonctions, là où il y avait le plus de

7 policiers. Un policier, M. Pinter…

8 M. le Président (interprétation): Vous nous l'avez déjà dit, Monsieur

9 Matovina. Merci.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais tirer une chose au clair:

11 vous parlez des collines environnantes depuis lesquelles on a tiré sur le

12 poste de police et sur la caserne militaire. C'était le fait de qui: des

13 Croates?

14 M. Matovina (interprétation): Non, cela avait été fait par des Serbes

15 insurgés qui étaient partis vers ce secteur. Nous nous sommes par la suite

16 procuré les noms des hommes qui ont fait cela.

17 Question: Nous n'avons pas besoin de ce renseignement. Merci.

18 Est-ce que la JNA, à un moment donné, a pris le contrôle de Slatina?

19 Réponse: Non, jamais.

20 Question: Et qu'est-il advenu de la caserne de la JNA à Slatina? Est-ce

21 qu'à un moment donné, ce sont les Croates qui s'en sont emparés?

22 Réponse: Après cet événement, il est devenu venu clair que la JNA n'était

23 pas animée de bonnes intentions à l'égard de la police et à l'égard de la

24 population de la ville, de cette même ville où ils avaient vécu sans

25 problème. Quelques jours plus tard, les membres de l'armée croate ont

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1 bloqué la caserne.

2 Le 16 septembre, cette caserne a été confiée à l'armée croate sans qu'il y

3 ait eu combat et sans qu'il y ait eu de victimes ou de blessés, donc de

4 façon pacifique.

5 Question: Est-ce que la JNA a quitté Slatina à ce moment-là? Je parle de

6 ceux qui étaient dans la caserne.

7 Réponse: Les membres de la JNA qui faisaient leur service militaire ont

8 été relâchés pour rentrer chez eux et les officiers ont été également

9 relâchés. Et, le lendemain, il y en a un qui est revenu en disant qu'il

10 avait oublié son pistolet dans la caserne. Mais, par la suite, donc, il

11 n'y avait plus eu de membres de la JNA dans cette caserne.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de l'huissier

13 pour que soit remise au témoin la pièce 338. Il s'agit de la carte sur

14 laquelle se trouve une zone rouge.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Monsieur le Témoin, on voit une partie de la carte qui est en rouge. Est-

17 ce là le territoire contrôlé par les Serbes pendant la guerre?

18 M. Kwon (interprétation): Nous ne suivons pas la numérotation 338.

19 Mme Anoya (interprétation): C'est la pièce de l'accusation 326,

20 intercalaire 2.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je m'excuse, c'était l'ancienne cote.

22 Si vous examinez cette zone en rouge, Monsieur le Témoin, est-ce bien là

23 le territoire contrôlé par les Serbes pendant la guerre à un moment donné?

24 M. Matovina (interprétation): La région est bien délimitée sur la carte,

25 c'est bien de cette région-là qu'il s'agit.

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1 Question: Comment les Serbes ont-ils procédé pour s'emparer de ce

2 territoire? Est-ce qu'il y a eu des combats qu'ils ont dû mener pour y

3 parvenir?

4 Réponse: Non. Après avoir armé la population, après avoir mis en place une

5 organisation militaire, ils ont placé des barrages routiers sur toutes les

6 routes d'accès conduisant vers la région. Et, tout simplement, ils n'ont

7 plus permis aux institutions du pouvoir croate de s'exercer ou d'être

8 réalisées sur place.

9 Question: Mais est-ce que les autorités croates ont essayé de récupérer ce

10 territoire par la force?

11 Réponse: Pendant la période où cette région était sous occupation

12 provisoire, il y a eu plusieurs initiatives de la part des autorités

13 croates pour que la région soit réinsérée de façon pacifique dans l'ordre

14 constitutionnel de la Croatie.

15 Des personnes sont allées là-bas, il a été communiqué des messages et, de

16 façon variée, on s'était efforcé de résoudre la question de façon

17 pacifique.

18 Toutefois, les Serbes s'insurgeaient, n'acceptaient aucunement qu'il en

19 soit ainsi. Et l'on savait pertinemment bien qu'une partie de la

20 population, la majeure partie, d'ailleurs, de la population le voulait.

21 Toutefois, des groupes militants et cette organisation militaire établie

22 ne le permettaient pas.

23 Cela fait qu'après les massacres de Vocin et Cetekovac, et suite aux

24 crimes perpétrés en date du 12 et 13 décembre 1991, ces unités ont obligé

25 la population à se retirer avec les unités jusqu'à la ligne allant de

Page 11041

1 Pozega, Kamensko, Pakrac où l'on a par la suite mis en place cette zone

2 UNPA -zone protégée par les Nations Unies- vers le secteur allant jusqu'à

3 Pakrac.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous interromps un instant. En

5 effet, je voudrais que nous examinions la pièce 2685. Il s'agit-là de

6 l'intercalaire 4 dans la liasse de documents.

7 Mme Anoya (interprétation): C'est la pièce de l'accusation 334.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ici, c'est une note d'enquête portant

9 sur un massacre auquel vous venez juste de faire allusion. Vous venez de

10 parler de Cetekovac. A cet égard, j'aimerais revenir sur certains détails

11 de cette note d'enquête. Est-ce que c'est vous-même qui vous en êtes

12 occupé de cet incident à Cetekovac, Coljug et Balinci?

13 Réponse: Oui. J'ai coordonné personnellement les activités des personnes

14 qui avaient recueilli les renseignements concernant le premier grand

15 massacre qui a été perpétré dès le début de l'insurrection d'une partie de

16 cette population serbe. J'avais été sur les lieux du massacre. J'ai vu les

17 victimes. J'ai pris part à l'évacuation des dépouilles. Et j'ai travaillé,

18 j'ai œuvré sur le parachèvement de l'affaire.

19 Question: Nous parlons ici de Cojlug, Cetekovac, Balinci. Est-ce que

20 c'étaient des villages croates?

21 Réponse: Cetekovac était un village croate alors qu'à Cojlug et à Balinci,

22 il y avait une population mixte. Mais les trois villages se rejoignent

23 pratiquement; ils se trouvent sur la route qui mène vers Vocin.

24 Question: Quand le massacre s'est-il produit?

25 Réponse: Le massacre a eu lieu le 4 septembre 1991, vers 9 heures, dans

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1 les trois villages que j'ai mentionnés.

2 Question: Est-ce qu'il y avait des forces militaires croates dans ces

3 villages?

4 Réponse: Non, il n'y avait là que des civils. Et s'agissant des personnes

5 tuées, il y avait deux policiers qui étaient…, qui se trouvaient dans le

6 village tout à fait par hasard; ils étaient de permission et ils étaient

7 originaires de ces villages-là.

8 Question: Savez-vous combien de personnes ont été tuées?

9 Réponse: Il a été tué 22 civils et deux policiers. Et sur le chiffre que

10 j'ai donné, il y avait trois femmes.

11 Question: Et de quelle façon ces gens ont-ils été tués?

12 Réponse: Ils ont été tués par armes à feu et ce, par tirs rapprochés.

13 Puis, par la suite, certains cadavres ont été mutilés et deux cadavres ont

14 été incendiés.

15 Question: Il y a ce dossier d'enquête dans lequel vous reprenez le nom des

16 24 victimes, mais vous avez ajouté une liste d'auteurs de ce méfait. Ces

17 auteurs faisaient partie de quelle unité? Le savez-vous?

18 Réponse: Il s'agissait d'une première notification pour délit pénal. Et il

19 s'agissait de membres d'unités spéciales dans le cadre du Détachement de

20 "Papuk". Et le chiffre était bien plus grand, mais ce sont là les

21 premières informations qui nous ont été communiquées au travers des

22 entretiens que nous avons eus avec les témoins.

23 Question: Vous dites que vous vous êtes trouvé sur les lieux-mêmes, vous y

24 étiez présent, vous avez vu les cadavres. Est-ce que les villages ont été

25 également détruits? Avez-vous été en mesure de le voir?

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1 Réponse: Oui, la plupart des maisons avaient été incendiées. On avait

2 placé des explosifs et on avait même tiré en direction de certaines

3 maisons à l'armement lourd, à savoir au canon ou au mortier. Et à

4 Cetekovac, pratiquement la moitié des maisons était détruite.

5 Question: Savez-vous si des soldats de la JNA ont participé à cette

6 attaque?

7 Réponse: Non. D'après les informations dont nous disposons, la JNA n'avait

8 pas pris part à cette attaque. C'étaient exclusivement des gens qui

9 étaient originaires des villages environnants.

10 Question: Passons maintenant à Vocin. Est-ce que vous avez mené une

11 enquête sur ce qui s'était passé à Vocin également?

12 Réponse: Oui. J'ai également procédé à la coordination des activités des

13 employés, des policiers qui avaient travaillé sur l'affaire, parce que

14 c'était là un travail de grande envergure qui a été réalisé dès que la

15 région a été placée sous contrôle des autorités croates.

16 Question: S'agissait-il d'un village croate ou plutôt d'un village mixte?

17 Réponse: Vocin était une localité à population mixte.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que les Croates sont partis du

19 village lorsqu'il s'est trouvé sous contrôle serbe?

20 M. Matovina (interprétation): Une petite partie des croates s'est vue

21 contrainte de rester là-bas, ou plutôt n'avait pas pu quitter la région.

22 Et pendant l'occupation, certains d'entre eux ont quitté la région soit de

23 façon illégale, soit au travers des chances. Mais le reste étaient, pour

24 la plupart des cas, des Serbes.

25 M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, avant de poursuivre,

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1 j'aimerais vous demander quelque chose qui porte sur les événements de

2 Cetekovac.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, oui, nous sommes toujours…

4 M. Kwon (interprétation): Effectivement, nous sommes à Vocin. Mais avant

5 d'aller plus loin, est-ce que ces événements sont repris dans l'Acte

6 d'accusation? Parce que d'après le résumé, vous dites que ça fait partie

7 des témoins des lieux des crimes. Un éclaircissement, s'il vous plaît.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce n'est pas retenu comme chef

9 d'accusation. Quand je parle de Cetekovac, j'en parle avec ce témoin pour

10 montrer qu'il y a eu des attaques systématiques et généralisées à divers

11 endroits; je ne vais pas aller plus loin. Pour ce qui s'agit des lieux de

12 crimes, il s'agit de Vocin; c'est d'ailleurs de Vocin que nous allons

13 parler et nous pourrons bientôt terminer l'interrogatoire principal.

14 M. Kwon (interprétation): Vous avez été très utile, je vous remercie.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez dit que des Croates ont été

16 contraints de rester, mais de quelle façon les a-t-on contraints?

17 M. Matovina (interprétation): Ils ne pouvaient plus quitter la région, vu

18 que les voies de communication étaient placées sous contrôle de Serbes

19 armés.

20 Question: Elles n'ont pas été autorisées à partir. Est-ce que quelqu'un

21 les a forcés à rester, les a empêchés de partir?

22 Réponse: Oui, le jour même où l'on s'est emparé du poste de police à

23 Vocin, où les Serbes insurgés se sont emparés de ce poste de police, le 19

24 août 1991, tous les Croates de cette rue -qui vivaient dans Vocin- ont été

25 rassemblés et on leur a fait savoir qu'il fallait qu'ils reconnaissent

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1 l'autorité de la SAO de Krajina, que les lois de la Croatie n'étaient plus

2 en vigueur et qu'il fallait qu'ils restent sur le territoire de Vocin

3 puisqu'il y avait une obligation de travail mise en place. Parce qu'en

4 plus de l'organisation militaire, il y avait les autorités civiles.

5 Question: Vous avez dit que certains sont partis de façon illégale: que

6 vouliez-vous dire par là?

7 Réponse: Eh bien, c'était sous l'abri de la nuit qu'ils s'étaient frayé un

8 passage dans la forêt et ils sont arrivés à Slatina pour témoigner des

9 événements terribles qu'ils avaient vécus pendant cette occupation

10 provisoire.

11 Question: Que s'est-il passé précisément? Qu'a-t-on fait à la population

12 croate?

13 Réponse: Le jour où l'on s'est emparé du poste de police, tous les Croates

14 qui avaient des armes avec des permis de port d'arme -à savoir de fusils

15 de chasse ou de pistolets- qui avaient d'ailleurs été délivrés bien avant

16 cela, ils se sont vu confisquer leurs armes. Il a été procédé à des

17 fouilles de maison et l'on avait recherché une cinquantaine de fusils qui

18 avaient été distribués par les autorités croates, soi-disant. On avait

19 tiré en direction de ces maisons-là, on a fait très peur à la population

20 et il s'en est suivi des mauvais traitements systématiques, les individus

21 étant emmenés vers Sekulinci où ils étaient malmenés. Certains d'entre eux

22 ont même disparu; de nos jours encore, pour six d'entre eux, nous ne

23 savons toujours pas où ils se trouvent.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je demande l'aide de l'Huissier pour

25 présenter la pièce C2684; il s'agit là de l'intercalaire n°6 dans la

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1 liasse des documents.

2 (Intervention de l'Huissier.)

3 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 334.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous venez de parler du camp de

5 Sekulinci. Vous avez sous les yeux un document, un rapport médical

6 concernant M. Zdravko Volf et son éviction.

7 Est-ce que vous avez eu affaire à ce M. Volf?

8 M. Matovina (interprétation): Non. Moi, j'ai un document qui porte sur

9 Darko Bozickovic, policier.

10 M. Kwon (interprétation): Monsieur Volf est la personne qui accompagnait

11 ce monsieur?

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, exactement, je m'excuse.

13 Etes-vous informé, en l'occurrence, qu'il y a eu sévices infligés à cette

14 personne, le 22 août, à Sekulinci et à Macute?

15 Réponse: Oui, il s'agit d'un policier, Bozickovic Darko. C'est de la part

16 de Miscevic Zoran qu'il a été emmené vers Sekulinci où il a été torturé et

17 malmené. Par la suite, ils l'ont relâché et il a rejoint les rangs de la

18 police croate à Slatina. C'est là l'un des quatre policiers croates qui,

19 au moment de la prise du poste de police de Vocin, avait été désarmé et

20 chassé des rangs de la police.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Une fois de plus, je vais demander

22 l'aide de l'Huissier pour présenter au témoin la pièce C2687.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

24 M. Milosevic (interprétation): Au niveau de cet intercalaire 6, je n'ai

25 qu'une liste de quatre noms, quatre habitants de la localité de Slatina

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1 qui avaient été envoyés dans la JNA. Je n'ai aucun nom de ceux auxquels se

2 référait la partie adverse tout à l'heure.

3 Et dans le cas du témoin précédent, j'avais aussi des documents tout à

4 fait différents de ceux auxquels se référait la partie adverse.

5 M. le Président (interprétation): Nous allons veiller à ce que vous

6 disposiez d'une copie d'ici à la prochaine pause.

7 Madame Uertz-Retzlaff, veillez, s'il vous plaît, à ce que l'accusé dispose

8 d'une copie de l'intercalaire 6.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur Milosevic a déjà les

10 documents; malheureusement, ils lui ont été remis dans un ordre différent.

11 Je viens de l'apprendre, hélas! La raison en est que M. Milosevic a obtenu

12 les pièces à l'avance et, lorsque moi, je me suis préparée à la déposition

13 de ce témoin, j'ai quelque peu modifié l'ordre. Malheureusement, ceci ne

14 s'est pas répercuté au niveau de l'accusé. L'accusé a ces pièces, mais pas

15 dans l'ordre.

16 M. le Président (interprétation): Mais si ce n'est pas à la bonne place,

17 Madame Uertz-Retzlaff, comment voulez-vous qu'il les trouve? Veillez à ce

18 qu'il obtienne une copie dans le même ordre que celui qui est le nôtre.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

20 M. le Président (interprétation): Et si vous modifiez l'ordre des pièces,

21 autant lui donner à lui aussi cette information.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Le problème a surgi ce week-end: nous

23 nous sommes rendu compte que M. Samardzic ne pouvait pas venir, il était

24 donc impossible de modifier le document pour le présenter à l'accusé.

25 C'est un peu un jour qui sort de l'ordinaire aujourd'hui.

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1 Ceci étant, j'aimerais revenir au document qui porte la cote C2687,

2 intercalaire n°7. Pour aider M. Milosevic, je précise que nous parlons de

3 trois rapports ou documents médicaux concernant Vocin. Ils devraient se

4 suivre.

5 Nous avons aussi un document concernant un certain Antun Simic; il y est

6 dit qu'il avait été frappé le 19 août 1991 à Vocin. Etes-vous au courant

7 de cet incident? Antun Simic?

8 M. Matovina (interprétation): Je connais personnellement Simic Antun et je

9 sais quand cet incident a eu lieu. C'est l'une des personnes, en effet,

10 qui avait réussi à quitter la région en question en passant par la forêt

11 et la région en question et à se sauver. Et, pour ce qui est du passage à

12 tabac, il lui est resté des séquelles graves et durables, il ressent

13 encore les séquelles de ce qu'il a vécu au camp de Sekunlinci.

14 Question: Je vais demander à M. l'Huissier de présenter au témoin la pièce

15 C2688, intercalaire n°8.

16 (Intervention de l'Huissier.)

17 Il est fait état de Kresimir Doric, une victime. Il est dit dans ce

18 document qu'il a été passé à tabac, le 29 août 1991. Etes-vous au courant

19 de cet incident, Monsieur le Témoin?

20 Réponse: Oui, il y a une déposition de Kresimir Doric concernant

21 l'événement survenu le 29 août 1991; il s'agit-là de la documentation

22 médicale. Il se trouve de nos jours à Slatina, il travaille et il est

23 chauffeur, mais il ressent encore les séquelles de ce qui lui est arrivé.

24 Question: Vous avez mentionné le massacre de Vocin. Quand a-t-il eu lieu?

25 Réponse: Le massacre a eu lieu entre le 12 et le 13 décembre 1991, à

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1 savoir le dernier jour où le contrôle de cette région avait été assuré par

2 les Serbes insurgés et par les unités paramilitaires.

3 Question: Que s'est-il passé et qui a commis ce massacre?

4 Réponse: Lors du retrait, ce peloton spécial du groupe le plus extrémiste,

5 d'après les dires des témoins, et ils étaient entre 60 et 80 "Aigles

6 blancs", a perpétré un massacre de la population civile. Ils ont

7 pratiquement anéanti le village de Vocin tout entier.

8 Question: Vous parlez des "Aigles blancs", mais qu'est-ce que cela veut

9 dire précisément? Est-ce que c'est l'unité ou est-ce que ce sont les

10 personnes dont nous avons parlé auparavant, à savoir les volontaires du

11 Parti radical serbe, ou s'agit-il d'un autre groupe?

12 Réponse: Oui, il s'agit des volontaires dont nous avions déjà parlé. Il

13 s'agit d'un groupe d'entre eux qui étaient restés avec le peloton spécial,

14 le peloton affectation spéciale qui a perpétré le massacre à Vocin. Et un

15 autre groupe, plus important que celui-là, un jour ou deux auparavant,

16 avait déjà quitté la région.

17 Question: Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été tuées?

18 Réponse: Eh bien, d'après ce que nous avons déterminé, et partant de la

19 documentation, étant donné que le massacre n'a pas été perpétré seulement

20 à Vocin, mais à plusieurs emplacements autour de Vocin, je dirai qu'il a

21 été tué au total 45 personnes et c'étaient essentiellement des civils.

22 Question: Est-ce que vous avez apporté votre dossier d'enquête à La Haye?

23 Réponse: Oui, j'ai apporté mes notes et je puis expliquer quels sont les

24 sites où il y a eu des massacres en sus du site de Vocin.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, nous ne disposions pas de ce dossier d'enquête auparavant; c'est le

2 témoin qui l'a apporté. Nous n'allons pas en demander le versement au

3 dossier puisque le document n'est pas traduit, mais je pense qu'il

4 pourrait être utile que le témoin s'en serve. Ceci nous permettra de

5 parcourir le nom des victimes tel que ces noms se trouvent dans l'Acte

6 d'accusation.

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce serait sans doute utile pour le

9 témoin s'il pouvait s'en servir.

10 M. le Président (interprétation): Oui. Est-ce que nous avons déjà versé,

11 au dossier, l'intercalaire 9 dans la pièce 339?

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, parce qu'on ne l'avait pas.

13 M. le Président (interprétation): Et qu'est-ce qu'on a à l'intercalaire 9,

14 puisqu'il se trouve que je l'ai sous les yeux?

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous trouvez à l'intercalaire 9 le

16 nom des personnes qui ont été chassées de Vocin, mais nous n'avons pas le

17 dossier d'enquête ni la liste des victimes. Nous demandons seulement le

18 versement au dossier de l'annexe à l'Acte d'accusation, c'est ce document

19 dont nous demandons le versement. En effet, nous avons dans cette annexe

20 le nom des victimes.

21 M. le Président (interprétation): Fort bien. Pour autant, bien sûr, que le

22 témoin puisse en apporter confirmation. Oui, nous aimerions une copie du

23 document.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Je vais demander que l'on

25 présente au témoin l'annexe n°1 de l'Acte d'accusation avec la liste des

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1 victimes originaires de Vocin.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Parallèlement, je vais vous demander, Monsieur le Président, de

4 l'autoriser à consulter ses notes.

5 M. le Président (interprétation): Bien sûr, s'il s'agit de notes

6 contemporaines.

7 Monsieur le Témoin, ces notes ont-elles été rédigées dans le cadre de

8 l'enquête?

9 M. Matovina (interprétation): Oui, oui, ces notes...

10 M. le Président (interprétation): Fort bien, fort bien. Vous pouvez vous

11 en servir à ce moment-ci de votre déposition.

12 Mais, Madame Uertz-Retzlaff, nous avons besoin en temps utile d'une copie

13 de cette pièce pour notre propre dossier.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons déjà fait copie de ce

15 dossier d'enquête à M. Milosevic. De cette façon, il peut suivre les

16 débats. Nous ne demandions pas le versement, tout simplement, parce que la

17 pièce n'est pas traduite.

18 Monsieur le Témoin, vous pouvez vous servir de votre dossier. Monsieur

19 Matovina, vous pouvez utiliser votre dossier d'enquête que vous avez sur

20 vous.

21 M. Matovina (interprétation): Merci beaucoup.

22 (Le témoin prend son dossier d'enquête.)

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pages 20 à 22, on y trouve une liste

24 de victimes. Je vais vous demander de parcourir cette liste; ceci aidera

25 M. Milosevic également. Ceci se trouve aux pages 20 à 22.

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1 Examinons, si vous le voulez bien, l'annexe 1 de l'Acte d'accusation.

2 Pouvez-vous confirmer le fait que les noms repris dans l'annexe de

3 l'accusation, si vous voyez ces annexes…

4 M. Milosevic (interprétation): Excusez-moi, mais d'après ce que vous

5 m'avez donné, sous l'intercalaire que vous mentionnez, je n'ai que sept

6 pages avec une liste de personnes; je crois que c'est l'intercalaire 9.

7 M. le Président (interprétation): La liste arrive, la liste arrive.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Si vous lisez cette liste, à

9 commencer par le premier nom, Jaga Simic, jusqu'au dernier nom, Drago

10 Ivankovic, je vous demande si toutes les personnes dont les noms figurent

11 sur cette liste ont bien été tuées durant le massacre de Vocin en 1991, en

12 décembre 1991?

13 M. Matovina (interprétation): Oui. J'ai compté ici, j'ai dénombré 31

14 victimes tuées à Vocin. Mais lorsque nous avons travaillé sur l'enquête de

15 Vocin, nous avons confirmé qu'entre le 12 et le 13 décembre 1991, date de

16 ce massacre, à peu près dans la même période, un jour ou deux avant ou

17 même le même jour, d'autres personnes, un nombre plus important, ont été

18 tuées dans d'autres lieux.

19 Par exemple, le village de Hum qui se trouve à quatre kilomètres de Vocin

20 a été le site de l'assassinat de Marko Vukovic, né en 1934. Et puis

21 également, Marjan Ridl, né en 1932; ce cadavre a été incendié. Ivo

22 Banovac, né en 1934 également, dans le village de Kraskovic. Le même jour,

23 au moment où les soldats se sont retirés, la famille Kovac a été liquidée:

24 donc Zlatko Kovac, né en 1966, Djuro Kovac, né en 1922, Ana Kovac, née en

25 1927 et Pista Kovac, né en 1953, ont tous été tués ce jour-là. A Zvecevo,

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1 la famille de Slavko Perisic, né en 1914, a été tuée, lui-même étant tué,

2 ainsi qu'Ana Perisic née en 1920.

3 Question: Et à Bokane, que s'est-il passé?

4 Réponse: A Bokane, trois cadavres… Celui de Stojan Nenadovic a été

5 découvert, ainsi qu'un couple dont le mari s'appelait Tomislav

6 Martinkovic. Donc Tomislav Martinkovic et Katica Martinkovic -lui étant né

7 en 1939 et elle en 1936- ont été tués ce jour-là. Leurs cadavres ont été

8 découverts, enterrés à Vocin et ces cadavres avaient été enterrés, mais

9 leurs têtes avaient été jetées dans des sacs d'engrais et apportées au

10 quartier général par des "Aigles blancs" pour être remis à l'officier de

11 service du quartier général qui s'appelait Ninko Djukanovic. Plus tard, il

12 en a fait état dans sa déposition.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Passons à l'annexe de l'Acte

14 d'accusation. Est-ce que, d'après vos documents d'enquête, ce qui figure

15 dans cette annexe est exact?

16 M Matovina (interprétation): Oui. Mais je tiens à dire que l'on trouve un

17 certain Laik Zeljko dans ce document; il est évoqué comme n'ayant pas été

18 identifié, mais il a bel et bien été identifié par la suite; c'était un

19 membre de l'armée croate emprisonné au poste de police de Vocin. Donc il a

20 été maintenu en détention au poste de police en question et son cadavre a

21 été découvert menotté, un cadavre qui était d'ailleurs partiellement

22 brûlé.

23 M. le Président (interprétation): Une cote, s'il vous plaît, pour cette

24 pièce à conviction?

25 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, il s'agira de la pièce

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1 de l'accusation 335.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais maintenant vous interroger

3 au sujet de deux personnes dont les noms figurent sur la liste: la

4 première, c'est Branko Medic: est-ce que ce nom est bien épelé, bien

5 écrit, bien orthographié?

6 M. Matovina (interprétation): Oui, c'est bien Branko Medic.

7 Question: J'aimerais que vous le compariez avec ce qui est inscrit dans

8 votre dossier d'enquête, en page 20. On voit un certain Branko Nedic, N-E-

9 D-I-C, né en 1959?

10 Réponse: En fait, il est question de Medic, Branko Medic, M-E-D-I-C, et

11 pas Nedic, N-E-D-I-C.

12 Question: Très bien. Est-ce que vous voulez bien vérifier pour Marija

13 Majdancic. Est-ce que ce nom est bien orthographié?

14 Réponse: Majdancic Franjo et Majdancic Marija.

15 Question: Je vous pose la question parce que, dans votre dossier

16 d'enquête, on trouve le nom de Marija Mandancic. Je voulais simplement

17 vous entendre confirmer le nom exact de cette personne.

18 Réponse: Majdancic, M-A-J-D-A-N-C-I-C.

19 Question: Très bien. Donc maintenant les noms sont bien orthographiés dans

20 l'annexe à l'Acte d'accusation. Merci bien.

21 Ces personnes dont les noms figurent sur cette annexe, sont-elles des

22 civils ou bien se trouvaient également quelques soldats parmi elles?

23 Réponse: Toutes ces personnes étaient des civils, sauf Zeljko Laik, celui

24 qui avait été emprisonné à Vocin. Zeljko Laik.

25 Question: Vous parlez bien de ce cadavre non identifié, mentionné dans

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1 l'annexe?

2 Réponse: Oui, à l'époque où la liste a été établie, il n'avait pas été

3 identifié, mais il l'a été plus tard. Et il a été confirmé qu'il

4 s'agissait bien de Zeljko Laik.

5 Question: Merci. Parlons maintenant de la façon dont les cadavres ont été

6 découverts. Avez-vous participé à cette recherche des cadavres et à leur

7 découverte?

8 Réponse: Quand nous avons appris que ce massacre avait eu lieu et lorsque

9 l'armée croate est entrée sur cette partie du territoire après retrait des

10 insurgés serbes, le lendemain, a commencé la recherche des cadavres. La

11 plupart d'entre eux se trouvaient à l'intérieur des maisons, d'autres

12 étaient à l'air libre. L'identification a été effectuée avec

13 enregistrement et, ensuite, autopsie de ces cadavres.

14 Certains des cadavres ont été emmenés à Osijek pour subir cette autopsie

15 et il me semble qu'une partie d'entre eux a été emmenée à l'hôpital de

16 Virovitica dans le même but.

17 Question: Bien. Passons maintenant à autre chose, après avoir parlé des

18 événements de Vocin.

19 Vous avez dit au début que… Enfin, vous nous avez parlé de la composition

20 ethnique qu'on trouvait dans la municipalité. De quelle façon cette

21 composition s'est-elle modifiée après la guerre?

22 Réponse: Il est certain que la guerre a provoqué un processus de migration

23 qui a affecté non seulement la municipalité de Slatina, mais des

24 territoires encore plus vastes sur le territoire de la municipalité de

25 Slatina, qui a été celui qui a été le plus durement touché par la guerre,

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1 puisque nous avons été lourdement bombardés par des avions de la JNA: plus

2 de 400 pilonnages frappant la ville également. Un grand nombre de réfugiés

3 sont arrivés dans la ville, plus de 4.000 réfugiés du Kosovo, des Croates

4 expulsés du Kosovo, plus de 5.000 réfugiés arrivant de Bosanska Posavina.

5 Un convoi de réfugiés constitué de personnes expulsées par la JNA d'Ilok

6 également. Puis nous avons vu également arriver certains des réfugiés de

7 Vukovar qui sont aussi venus à Slatina. En plus de toutes ces personnes,

8 des réfugiés de Vojvodine et de Serbie, des Croates qui avaient subi des

9 pressions en Vojvodine et en Serbie. Tous sont venus chercher refuge et

10 chercher un logement en Croatie.

11 Donc cet énorme flot de réfugiés s'est arrêté; en tout cas, un grand

12 nombre de ces personnes se sont fixées à Slatina, dans la région, et, à

13 l'époque, cela a créé un véritable désastre humanitaire. Le problème était

14 gigantesque, on ne savait pas comment loger toutes ces personnes, comment

15 leur donner un toit sur la tête. Après la guerre…

16 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie, pour que nous

17 comprenions bien. Tous ces réfugiés étaient bien des Croates, n'est-ce

18 pas?

19 M. Matovina (interprétation): Exclusivement des Croates.

20 Après la guerre, certains des Serbes qui avaient pris part à

21 l'insurrection armée ont échangé leurs maisons avec des Croates arrivés de

22 Vojvodine pour certains et, pour d'autres, de Bosnie, de Republika Srpska.

23 Certains ont vendu leur propriété à une agence gouvernementale.

24 D'ailleurs, le processus est toujours en cours aujourd'hui; les échanges

25 en question durent encore. Tout dépend de qui a trouvé un lieu

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1 d'existence, à quel endroit. Enfin, tous ces processus de migration ont

2 donc été des conséquences de la guerre et ils ont sans aucun doute influé

3 sur un changement de la composition ethnique, non seulement de la

4 municipalité, mais également de l'évêché et même d'un territoire encore

5 plus vaste.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'ai oublié de vous soumettre une

7 pièce à conviction, je vais le faire maintenant. Il s'agit de la pièce, du

8 document C2691, intercalaire 9 dans le classeur. Je vous demanderai de

9 bien vouloir jeter un coup d'œil à ce document pour nous dire de quoi il

10 traite.

11 M. Matovina (interprétation): Ce document est une liste des réfugiés

12 croates originaires de Vocin, après le début du massacre chez eux. Après,

13 donc, destruction de tout le village de Vocin, ils n'avaient plus où vivre

14 et ils sont arrivés à Slatina. Et dans cette liste, nous voyons auprès de

15 quelles familles ils ont été logés en attendant qu'une infrastructure plus

16 complète soit remise en place avant que, d'ailleurs, le retour à leur

17 domicile ne soit rendu possible.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que cela signifie que Vocin a

19 été détruit, que les maisons des Croates ont été détruites à Vocin?

20 M. Matovina (interprétation): Complètement détruites! L'église de Notre-

21 Dame de Vocin a été minée, rasée totalement, et plusieurs tonnes

22 d'explosifs ont été utilisées au cours de la destruction du village. Cette

23 énorme explosion a détruit une centaine de maisons dont les toits ont

24 sauté. Le toit de l'église, par exemple, s'est retrouvé à deux kilomètres

25 du bâtiment suite à l'explosion; c'est un exemple. L'infrastructure

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1 complète de la ville a été détruite, le centre de santé, la gare routière,

2 la caserne des sapeurs-pompiers et bien d'autres bâtiments ont été

3 détruits. Vocin ressemblait à Hiroshima, après cela.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais vous

5 demander votre aide sur un point particulier.

6 Vous avez parlé du départ des Serbes et vous avez dit: "Nous avons ramassé

7 les cadavres", dont vous avez ajouté que la plupart se trouvaient à

8 l'intérieur des maisons. Qu'entendez-vous par "nous", dans cette phrase?

9 Est-ce que vous avez participé personnellement à ce travail?

10 M. Matovina (interprétation): Non, j'étais à Vocin le lendemain. Mais

11 lorsque j'ai dit "nous", je voulais parler des policiers membres de la

12 police et qui sont allés mener l'enquête sur place, ainsi que des membres

13 de la police qui leur ont apporté leur aide.

14 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous en arrivez,

15 je pense, à la fin de votre interrogatoire car il est pratiquement temps

16 pour la pause?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

18 Monsieur le Témoin, j'ai encore une seule question à vous poser au sujet

19 de l'enquête menée par vous. Est-ce que vous avez retenu des charges

20 contre des personnes suspectes d'avoir commis les crimes perpétrés dans la

21 région de Vocin et de Cetekovac? Et si oui, qu'est-il advenu de ces

22 accusations?

23 M. Matovina (interprétation): Suite à l'enquête menée par la police

24 judiciaire, suite au recueil des éléments de preuve, des poursuites ont

25 été engagées devant le tribunal de district et le tribunal militaire

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1 d'Osijek. Les procureurs militaires et civils ont vérifié les documents

2 d'enquête. Mais la plupart des personnes concernées, notamment celles qui

3 avaient participé à l'insurrection armée, donc des personnes qui étaient

4 en fait des dirigeants, des personnes ayant pris une part active à tous

5 ces événements, eh bien, ces personnes, dans leur majorité, n'étaient plus

6 disponibles et ne pouvaient pas être traduites devant les tribunaux

7 croates puisqu'elles résidaient désormais en territoire serbe, en Serbie,

8 en Bosnie, au Monténégro ou ailleurs.

9 Quant à un nombre très limité des personnes qui ont joué, en fait, un rôle

10 secondaire dans l'insurrection armée, elles ont été jugées, elles ont eu à

11 répondre de leurs actes et ont été sanctionnées. Mais certaines, y compris

12 de ces personnes, ont été échangées. Donc il est permis de dire que

13 pratiquement personne n'a répondu de sa responsabilité dans tous ces

14 événements.

15 Entre-temps, le Parlement croate et l'Etat croate ont voté une loi

16 d'amnistie et les crimes dont nous parlons ici font partie de ce qu'il est

17 convenu d'appeler "l'insurrection armée"; ils sont donc couverts par

18 l'amnistie. Et je vous dirai que pour la seule municipalité de Slatina,

19 ancienne municipalité de Slatina, plus de 1.600 personnes ont été

20 amnistiées.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ces personnes étaient-elles des

22 membres de la Défense territoriale ou étaient-elles de rang plus élevé?

23 M. Matovina (interprétation): On y trouvait des membres de la Défense

24 territoriale –là, je vous réfère aux listes que nous avons examinées- et

25 aussi des hommes de rang plus élevé. Tous se sont retrouvés confondus par

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1 une espèce de litote due à la tolérance; c'était une sorte de geste de la

2 part de l'Etat.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Matovina, non. Non, non, nous

4 ne souhaitons pas entendre des commentaires politiques de ce genre, qui

5 n'apportent aucune aide aux Juges de cette Chambre. Si M. Milosevic vous

6 interroge à ce sujet, vous pouvez répondre, mais nous, cela ne nous

7 apporte aucune aide.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'ai plus de questions pour ce

9 témoin, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Merci. Suspension et reprise dans 20

11 minutes.

12 (L'audience, suspendue à 12 heures 23, est reprise à 12 heures 47.)

13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

14 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Djuro Matovina, par l'accusé M.

15 Milosevic.)

16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, serait-il exact de dire

17 que dans les années 90, vous aviez été l'un des éminents membres de la

18 Ligue des communistes dans votre région?

19 M. Matovina (interprétation): Ce n'est pas exact. J'avais été membre de la

20 Ligue des communistes, à savoir du Parti social démocrate, comme la

21 plupart de ceux qui avaient travaillé dans la police de l'époque ou dans

22 la milice, telle qu'on l'avait appelée à l'époque. Je n'avais donc pas été

23 un membre éminent.

24 Question: Bien. Mais il n'en demeure pas moins que vous avez été membre de

25 la Ligue des communistes, n'est-ce pas? Et dites-nous pendant combien de

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1 temps.

2 Réponse: Eh bien, peut-être pendant peut-être une quinzaine d'années.

3 Question: Une quinzaine d'années. Dans votre déposition, vous avez précisé

4 que vous étiez commandant ou directeur par intérim du MUP de Slatina entre

5 1989 et 1990.

6 Réponse: Non, 1988-1989, alors que le chef précédent avait été nommé

7 maire. Et le parti communiste n'avait pas donné son approbation pour que

8 je devienne directeur moi-même, je n'avais pas eu l'approbation politique.

9 Question: Mais, si j'ai bien compris, vous avez été révoqué par le parti

10 communiste mais par le HDZ?

11 Réponse: Je n'ai pas révoqué parce que, pendant très peu de temps, j'avais

12 été à des fonctions intérimaires, et les fonctions de responsables avaient

13 été prises par la personne que j'ai nommée.

14 Question: Mais l'autre personne qui est devenue responsable, c'était M.

15 Stjepan Gojmerac?

16 Réponse: Oui, il est venu en 1990, mais avant lui il y avait eu Libl

17 Kresimir.

18 Question: Donc, Stjepan Gojmerac est venu à votre place, et lui, avait été

19 membre du HDZ, n'est-ce pas?

20 Réponse: Je ne sais pas s'il avait été membre du HDZ.

21 Question: Pendant que vous étiez responsable du poste de police, vous

22 étiez dans le secteur de la sécurité publique, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Dites-moi, je vous prie, combien de Serbes il y avait en 1989 et

25 1990 dans la localité de Slatina?

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1 Réponse: J'ai déjà dit que la composition ethnique sur le territoire de

2 l'ex-municipalité de Slatina avait été comme suit: 57% de Croates et 36%

3 de Serbes.

4 Question: Moi, j'étais en train de parler de la ville.

5 Réponse: Dans la ville de Slatina, je crois que le rapport était

6 différent: 48% de Croates et 40… je ne sais plus combien, au juste, il y

7 avait eu de Serbes dans la ville-même.

8 Question: Mais ne serait-il pas exact de dire qu'ils étaient en majorité?

9 Réponse: Non, ils n'étaient pas majoritaires en ville.

10 Question: Mais quelle avait été la situation du point de vue de la

11 sécurité, alors que vous étiez à la tête du département?

12 Réponse: J'en ai parlé également. J'ai dit qu'avec les élections

13 démocratiques, la situation sur le plan de la sécurité se détériorait d'un

14 jour à l'autre, et notamment du point de vue des activités de propagande

15 sur le plan psychologique. Et la direction, par la suite, du SDS en était

16 à l'origine et en était à l'origine également une partie des Serbes

17 insurgés, Serbes qui ne voulaient pas accepter les résultats des élections

18 et l'établissement d'un système démocratique, étant donné que du temps du

19 règne du parti communiste, ils avaient eu à jouer un rôle prédominant dans

20 la politique, dans le pouvoir, dans la défense, dans l'armée, dans la

21 police, dans les secteurs économiques, à savoir à toutes les positions

22 d'importance; et ceci, en dépit du fait que dans la région de Slatina ils

23 avaient été minoritaires.

24 Question: Quand vous dites que la situation s'aggravait, devenait de plus

25 en plus complexe, vous vouliez dire qu'en fait la situation se détériorait

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1 carrément?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Bien. Serait-il exact de dire qu'après l'arrivée du HDZ au

4 pouvoir, vous avez étiez devenu l'un des titulaires des violences à

5 l'égard des Serbes, des arrestations illicites, des tortures, des

6 pressions, des attaques contre les Serbes et leurs biens, leur expulsion,

7 et ainsi de suite?

8 Réponse: Non, ce n'est pas exact. A l'époque, et de nos jours, j'avais un

9 grand nombre d'amis serbes, et ils pouvaient voir en moi, à tout moment,

10 quelqu'un avec qui ils pourraient coopérer, quelqu'un qui serait en mesure

11 de les protéger. Et, s'agissant de l'attitude, elle pourrait être

12 caractérisée par la tolérance et par une largeur de vue pour ce qui est de

13 la co-existence. Et je crois que de ce côté-là j'occupe une position plus

14 éminente; c'est une chose qui pourrait être confirmée par des centaines de

15 Serbes de la région.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais dites-moi, je vous prie: serait-il

17 exact de dire que vous avez fait vos preuves par l'arrestation de plus de

18 400 Serbes et leur incarcération dans une prison d'instruction à Osijek?

19 C'étaient essentiellement des Serbes intellectuels, des Serbes ayant

20 occupé des positions éminentes, et la seule raison de leur arrestation

21 avait été celle de leur appartenance au groupe ethnique serbe.

22 Est-ce que vous êtes conscient du fait qu'il y a des témoins qui peuvent

23 témoigner que vous les avez battus, que vous les avez enfermés dans des

24 sanitaires?

25 M. le Président (interprétation): Restez concentré sur ce que vous disiez.

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1 Vous posiez d'abord comme première question celle-ci: "Apparemment", dit

2 l'accusé, "vous avez joué rôle prépondérant dans l'arrestation de 400

3 Serbes et dans leur détention dans la prison de Coljug. Pourriez-vous nous

4 dire si cela est exact ou pas?

5 M. Matovina (interprétation): Cela n'est pas exact. Dans le courant des

6 années écoulées, à savoir lorsque l'on a étudié l'insurrection, lorsque

7 l'on a fait des enquêtes concernant l'insurrection armée, ce n'était pas

8 moi qui avais effectué ces enquêtes, et je dirais que 60-70% avaient été

9 incarcérés avec des preuves à l'appui.

10 Après interrogatoire, lors de l'instruction, certains ont été relâchés, ou

11 je ne sais ce qui leur est arrivé, mais ils ont été confiés aux autres

12 autorités en justice, aux autres instances de la justice. Donc je n'ai pas

13 été chargé de ces enquêtes et ce n'est pas de ma main qu'un Serbe pourrait

14 dire qu'il lui manque un cheveu de la tête.

15 M. Milosevic (interprétation): Quand vous dites "mis en détention", vous

16 voulez dire "arrêtés", "incarcérés"?

17 Réponse: J'avais en tête les personnes qui avaient pris part à

18 l'insurrection armée, personnes au sujet desquelles il y avait des preuves

19 disant qu'elles avaient appartenu à des unités dont nous avions parlé tout

20 à l'heure.

21 Question: Quand vous dites "mis en détention provisoire", vous voulez dire

22 "arrêtés"?

23 Réponse: Oui, ils ont été acheminés vers un juge d'instruction pour faire

24 des dépositions suivant la procédure légale en vigueur. Il y a des

25 documents qui peuvent le confirmer. Et la police l'a fait conformément à

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1 la procédure légale en vigueur.

2 Question: Bien. Mais serait-il exact de dire que, parmi ceux qui avaient

3 été détenus, il y avait Milan Jorgic, qui est directeur de l'école

4 élémentaire à Backi Brijeg, et puis Tine Jorgic, Misa et Bozo Dobric et

5 bien d'autres. Est-ce que cela est exact ou pas?

6 Réponse: Ces noms ne me sont pas familiers. Quoique, s'agissant de Jorgic,

7 je le connais, mais je ne savais pas qu'il avait été arrêté ou mis en

8 détention; et si cela est effectivement le cas, je puis vous assurer que

9 cela s'est fait conformément à la procédure en vigueur, chose à l'appui de

10 quoi il doit y avoir des documents au Bureau du Procureur, ainsi que des

11 preuves comme cela a déjà été avancé jusque là.

12 Question: Mais serait-il exact de dire que, s'agissant des violences

13 perpétrées contre les Serbes, il y avait un certain Ivan Fekete, qui a

14 souvent battu des Serbes ligotés dans les toilettes, qui étaient devenue

15 une prison?

16 Réponse: Ce n'est pas exact. Ivan Fekete est un inspecteur de la police,

17 qui n'a pas du tout ces manières, qui ne procède pas de la sorte; je le

18 connais personnellement.

19 Question: Mais serait-il exact de dire que Milan Jorgic avait travaillé à

20 l'école primaire de Slatina mais, parce qu'il avait été passé à tabac, il

21 a dû quitter la Croatie en dépit du fait qu'il avait exprimé le souhait de

22 rester là-bas.

23 Réponse: Je ne suis pas au courant du fait que quiconque a battu Milan

24 Jorgic et que quiconque aurait exercé des pressions à son encontre.

25 Question: Mais serait-il exact de dire, suivant les déclarations des

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1 réfugiés originaires de Slatina, que vous aviez été l'un des organisateurs

2 du nettoyage ethnique des Serbes dans cette région?

3 Réponse: Il n'en est pas question du tout. Si vous m'aviez posé la

4 question à moi-même, il n'y aurait jamais eu de guerre. Mes principes, les

5 principes qui régissent ma vie et mon comportement sont tout à fait autres

6 que ceux dont vous êtes en train de parler.

7 Question: Vous affirmez que les Serbes de la région de Slatina n'étaient

8 pas instruits; c'est bien cela?

9 Réponse: Je n'ai pas affirmé cela, j'ai dit que l'aile extrême du SDS

10 avait habilement endoctriné et abusé d'un certain nombre de Serbes, pas

11 tous les Serbes, pour la réalisation de ses propres objectifs et ceci aux

12 fins de radicaliser ses propres actes, chose qui a influé de façon très

13 importante sur les événements ultérieurs à l'occasion de l'insurrection.

14 Question: Mais vous voulez dire qu'on a manipulé les gens et qu'ils

15 avaient été plutôt peu instruits?

16 Réponse: On avait manipulé un certain nombre de personnes. Je n'ai jamais

17 généralisé les choses et, pour ma part, je n'ai jamais parlé de

18 responsabilité collective. Et je n'ai pas parlé de problèmes liés à la

19 collectivité de quelque nation qu'il soit question.

20 Question: Savez-vous qu'à Slatina même, lorsqu'il s'était agi

21 d'intellectuels, il y avait eu beaucoup plus d'intellectuels serbes que

22 d'intellectuels croates?

23 Réponse: Eh bien, je n'ai pas compté les intellectuels d'un côté et de

24 l'autre, mais il est un fait que tous les directeurs des grandes

25 entreprises avaient été serbes, et que, 45 ans après la guerre précédente,

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1 le chef du poste de sécurité publique à Slatina ne pouvait pas être un

2 Croate. Et le fait que les responsables des bureaux de la Défense, ou du

3 secrétariat chargé de la Défense, avaient toujours été des Serbes; à

4 savoir que toutes les positions d'importance sur le territoire de la

5 municipalité, ou dans la ville de Slatina, avaient été détenues par des

6 Serbes; puis le fait que des Croates ne pouvaient pas être officiers,

7 exception faite de rares cas pour ce qui est de la JNA.

8 Donc je ne vais pas aller au-delà de cela, mais je crois que vous avez

9 compris ce que je voulais dire.

10 Question: Vous vouliez dire que jusqu'à l'arrivée des nouvelles autorités,

11 les Croates n'avaient pas occupé des fonctions importantes, mais c'était

12 plutôt le cas des Serbes, y compris la police, l'armée, les services

13 publics. C'est ce que vous êtes en train de dire, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui, c'est exact et il est des preuves qui abondent dans le sens

15 de ces fonctions occupées par les Serbes, des fonctions clés, notamment au

16 niveau des organes de l'Etat ou de l'économie. Et le commandant de la

17 police, de la milice avait pendant 40 ans été serbe. A Sentilj, en

18 Slovénie, les douaniers étaient serbes et le chef de la douane était

19 également serbe.

20 Question: Ecoutez, la Slovénie est un peu plus loin. Mais savez-vous

21 combien de Slovènes il y avait eu à des passages frontière qui ne se

22 trouvaient pas en Slovénie ou de Croates qui étaient affectés à des postes

23 qui n'étaient pas en Croatie, et qui avaient occupé des postes importants

24 aux passages frontière?

25 Réponse: Je n'ai pas compté, mais c'était une chose notoirement connue. La

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1 presse en Croatie, en Slovénie et en Bosnie avait traité de ces problèmes.

2 C'était donc chose notoirement connue pendant toutes ces années, et avec

3 la désintégration de la Yougoslavie, il s'est avéré de plus en plus que la

4 chose était exacte.

5 Question: Quand vous dites "presse", vous parlez de propagande?

6 Réponse: Toute la presse, tous les médias ne sont pas forcément des moyens

7 de propagande.

8 Question: Bien. Ecoutez, nous n'allons pas débattre de façon générale de

9 ces choses-là. Connaîtriez-vous un éminent citoyen de Slatina, avocat de

10 son état, Milan Vukovic?

11 Réponse: Milan Vukovic, je ne le connais pas personnellement. Je crois

12 qu'il est originaire de Orahovica et je n'ai jamais eu, personnellement,

13 de contact avec lui. Je ne saurais vous dire non plus où il se trouve

14 actuellement.

15 Question: Mais vous étiez dans la police, à l'époque. Serait-il exact de

16 dire qu'avant la guerre, il avait été Président du Tribunal municipal

17 d'Orahovica, puis Président du Tribunal de district à Slavonska Pozega?

18 Réponse: J'ignore quelles sont les fonctions qu'il avait accomplies, parce

19 qu'il était originaire de Orahovica et je n'ai point eu de contacts avec

20 lui.

21 Question: Mais savez-vous qu'en 1991, après l'arrivée du HDZ au pouvoir,

22 il a été révoqué de ses fonctions de Président du tribunal de district à

23 Slavonska Pozega et ce n'est qu'après qu'il est devenu avocat et qu'il est

24 rentré à Slatina; et il est rentré à Slatina alors que vous étiez

25 responsable du SUP?

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1 Réponse: Non. Je vous ai dit, avant la guerre, pendant combien de temps

2 j'avais exercé ces fonctions. Mais là n'est pas l'essentiel. S'agissant de

3 Milan Vukovic, je dirai vraiment que je n'ai jamais eu de contact avec

4 lui, et j'ignore même jusqu'au fait qu'il soit à Slatina de nos jours.

5 Question: Mais vous souvenez-vous du fait qu'en août 1991, par un groupe

6 appartenant au ZNG, à la garde nationale et leur commandant Rostas, il

7 avait été arrêté avec un autre groupe de Serbes et il a été incarcéré dans

8 les locaux de votre SUP?

9 Réponse: Non, je ne le sais pas. Je n'ai jamais entendu parler de cet

10 événement et je ne l'ai jamais vu dans les locaux de la police.

11 Question: Serait-il exact de dire que vous avez personnellement été

12 présent lorsqu'on l'a torturé au SUP, lorsqu'on a déchiré ses vêtements au

13 couteau, lorsqu'il a été malmené et lorsqu'on l'a laissé allongé tout nu à

14 même le sol et lorsqu'on lui a éteint des mégots de cigarettes sur le

15 corps? Est-ce que vous vous en souvenez?

16 Réponse: Cela n'est certainement pas vrai. Je suis sous serment et je vous

17 affirme que je n'ai jamais vu cet homme et que je n'ai jamais fait telle

18 chose. Et c'est au prix de ma vie que je ne ferai jamais ce type de chose;

19 je ne voudrais pas grever ma conscience avec des comportements analogues.

20 M. Milosevic (interprétation): D'après les renseignements dont je dispose,

21 en sa qualité d'avocat, d'ex-président du tribunal, en tout état de cause

22 en sa qualité de civil…

23 M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà dit que ce n'était pas

24 exact. Passons à autre chose.

25 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'êtes pas au courant du fait

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1 qu'il ait été tabassé de façon systématique et qu'il n'a pas été en mesure

2 de marcher pendant des mois; il a été battu des orteils jusqu'à la tête?

3 M. Matovina (interprétation): Je l'ignore. Il est certain que je n'en sais

4 rien. Dans ma vie toute entière, je n'ai torturé aucun animal et, il va

5 sans dire, aucun être humain.

6 Question: Mais dites-moi… Est-ce qu'il serait exact de dire que Ante

7 Simara avait été Président du conseil politique…, du conseil municipal du

8 HDZ pendant la période à laquelle vous vous référez dans votre

9 déclaration?

10 Réponse: Oui, il avait été chargé du gouvernement local et était président

11 du HDZ.

12 Question: Etant donné que vous avez occupé les fonctions que vous avez

13 occupées, j'imagine que vous deviez être au courant du fait que cet homme

14 avait été le titulaire principal de l'intimidation systématique et de

15 toute une série de crimes à l'égard de Serbes sur le territoire de

16 Slavina; c'est exact ou pas?

17 Réponse: Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je sais qu'il avait été

18 député au Parlement, qu'il avait été choisi par le gouvernement au moment

19 où six Serbes avaient quitté le conseil municipal et avaient bloqué de la

20 sorte le fonctionnement du conseil municipal. Le gouvernement de la

21 municipalité devait forcément nommer quelqu'un; il avait été cette

22 personne-là. Toutefois, je ne sais pas de quoi vous parlez quand vous vous

23 référez à des tortures, à des intimidations et je ne sais ce que vous avez

24 cité encore. C'est une chose que j'ignore, je ne puis la confirmer, mais

25 il est certain que cela n'est pas vrai.

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1 Question: Mais savez-vous ce qui s'est passé avec un Serbe local, Nikola

2 Kosic, qui avait travaillé dans la banque "Jugobanka" à Slatina? Vous

3 deviez forcément savoir que cet homme-là a été tué en automne 1991?

4 Réponse: Oui, c'est vrai, il a été fait une instruction pénale, il y a eu

5 des procès à l'encontre de personnes. Ces personnes ont fait l'objet de

6 jugements en justice et la procédure en justice a donc été menée à bon

7 terme, tant par la police que le tribunal.

8 Question: Est-ce que vous affirmez que les auteurs de son meurtre ont été

9 condamnés?

10 Réponse: Tous les auteurs ont été condamnés et il est des jugements en

11 justice qui sont entrés en vigueur.

12 Question: Dites-nous les auteurs de ce crime qui ont été condamnés.

13 Réponse: Je ne sais vous dire. Il y avait eu plusieurs personnes de

14 jugées. Et par la suite, lorsqu'il y a eu amnistie, lorsqu'une grande

15 partie des citoyens serbes ont été amnistiés pour des délits pénaux,

16 certains membres de l'armée croate ont également été amnistiés par les

17 autorités croates, mais ces personnes-là ont passé un certain temps en

18 prison et ont été condamnées.

19 M. Milosevic (interprétation): Bien.

20 M. le Président (interprétation): Vous faites référence à "l'amnistie"; en

21 anglais, vous aviez parlé "d'abolition". Est-ce bien d'amnistie dont il

22 est question?

23 M. Matovina (interprétation): Oui.

24 M. le Président (interprétation): Par conséquent, ceux qui ont assassiné

25 M. Kosic, selon vous, ont été condamnés mais, plus tard, ils ont été

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1 amnistiés. Est-ce exact? Est-ce bien ce que vous voulez dire?

2 M. Matovina (interprétation): Après avoir passé un certain temps en

3 prison, peines de prison qu'ils n'ont pas purgées jusqu'au bout, c'est-à-

4 dire qu'ils n'ont pas purgé jusqu'au bout la peine qui avait été prononcée

5 à leur égard.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais étant donné que vous avez été membre

7 de la direction de la police, j'imagine que vous devez forcément être au

8 courant du meurtre de Milutin Gunjevic qui a eu lieu en septembre 1991?

9 Est-ce que ces meurtriers à lui ont été poursuivis en justice?

10 M. Matovina (interprétation): S'agissant de la période dont j'ai parlée,

11 il est vrai qu'il y a eu bon nombre de meurtres, chose qui aurait été

12 condamnée par les autorités croates, mais tout ceci se passait dans des

13 conditions, des circonstances cauchemardesques où la ville était pleine de

14 réfugiés, où il y a eu des massacres, des meurtres, des pilonnages. Et,

15 dans cette confusion générale de guerre, la police n'a pas été en mesure

16 de tout empêcher, d'empêcher tous les cas de ce genre. Mais, s'agissant de

17 ces affaires, il y a des dossiers constitués et les informations étaient

18 transmises au Bureau du Procureur, au Procureur public. Des enquêtes sont

19 encore en cours et d'autres auteurs ont été déjà poursuivis en justice.

20 Question: Mais les meurtriers de Milutin Gunjevic n'ont jamais été

21 condamnés?

22 Réponse: On ne les a pas découverts; on ne les a pas identifiés.

23 M. Milosevic (interprétation): Mais dites-moi alors: qui a tué et est-ce

24 qu'on a arrêté le meurtrier de Gojko Oljaca?

25 M. le Président (interprétation): Il n'est pas possible de parcourir

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1 chacun des événements, même s'ils sont graves, même si ce sont des cas de

2 meurtres sérieux, parce qu'ici nous devons ratisser plus large et

3 envisager un cadre plus large pour les événements.

4 Ce qu'a déclaré ce témoin, c'est ceci: il a dit qu'il y a eu des

5 assassinats -il l'a reconnu- au cours de cette situation de confusion

6 générale, comme il l'a dit, et que la police n'a pas pu poursuivre toutes

7 les affaires. Il n'est pas possible pour nous, ici, d'aborder chacun des

8 incidents qui se sont produits à l'époque à Slatina. Si vous voulez

9 soumettre cette question, faites-le de façon générale, s'il vous plaît.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur May, je sous-entends le fait

11 que dans une localité aussi petite que Slatina, le témoin ici présent

12 étant à la tête de la police, il devait être au courant de toute une série

13 de meurtres d'éminents Serbes, meurtres qui se sont produits dans sa

14 ville.

15 M. le Président (interprétation): Très bien.

16 Selon vous, Monsieur le Témoin, combien y a-t-il eu de personnalités

17 serbes qui ont été assassinées? Donnez-nous un chiffre, s'il vous plaît...

18 Ou plutôt…

19 Monsieur Milosevic, nous allons soumettre cette question au témoin.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, dites-nous combien de

21 Serbes a-t-on tués à l'époque à Slatina?

22 M. Matovina (interprétation): Je ne saurais vous dire de chiffre exact. Il

23 y a eu des meurtres de Serbes et de Croates. Le tout se passait, comme je

24 vous l'ai décrit, dans une confusion générale, une situation

25 cauchemardesque et, dans ces circonstances, la police ne pouvait pas

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1 intervenir comme elle le devait. Mais, si elle n'était pas intervenue, il

2 y aurait eu beaucoup plus de meurtres, notamment en raison du fait que ces

3 gens-là étaient arrivés dans la région sans rien avoir sur eux, c'étaient

4 des étrangers, des gens chassés de Vukovar, d'Ilok, du Kosovo, de

5 Vojvodine, sans parler de la colère qui grondait et qui augmentait de jour

6 en jour au fur et à mesure que des massacres se passaient sur les

7 territoires occupés.

8 Question: Dites-moi, vous affirmez que l'on a chassé, que l'on a expulsé

9 des gens de Serbie. Or, vous savez pertinemment bien que personne n'a été

10 chassé de Serbie; du Kosovo jusqu'à la Vojvodine, personne n'a été expulsé

11 de Serbie.

12 Réponse: Mais je ne sais pas pourquoi alors tous ces réfugiés du Kosovo

13 étaient venus en Croatie, de même je ne sais pas d'où ces témoignages de

14 Croates et de Vojvodine, de Svetkovci et autres villages, réfugiés qui

15 étaient venus avec des larmes aux yeux et des sacs en plastique entre les

16 mains pour demander des maisons en échange dans le secteur de la Slavonie.

17 Et ils avaient parlé de pressions, de grenades qu'on avait lancées sur

18 leur maison, de menaces, de menace d'assassinats et toutes autres formes

19 de contraintes que l'on pouvait exercer.

20 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant de menaces?

21 Quand vous parlez de menaces, de meurtres, est-ce que vous êtes au courant

22 d'un cas concret où l'on aurait tué quelqu'un, tabassé quelqu'un en

23 Serbie?

24 M. Matovina (interprétation): Eh bien, sur ces milliers ou ces centaines

25 de réfugiés qui sont venus, je n'ai pas pu moi-même conduire toutes les

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1 enquêtes et je ne pouvais pas faire des résumés sur tous ces

2 renseignements, mais les données existent certainement, ces gens ne sont

3 certainement pas venus de leur propre gré. Et comment se fait-il que,

4 précisément, en temps de guerre, en temps d'insurrection armée, il y ait

5 eu des Croates originaires de Vojvodine?

6 M. le Président (interprétation): C'est un avis, un commentaire, un

7 argument, et c'est à nous qu'il reviendra, en fin de compte, de trancher

8 ces questions. En ce qui vous concerne, vous ne pouvez pas dire davantage

9 que ce que de vous avez dit, à savoir que ces réfugiés sont arrivés à

10 Slatina, et c'est sans doute ce que ces réfugiés vous ont dit.

11 Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

12 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, Monsieur le Témoin, avez-vous

13 une explication quelconque pour ce qui est des raisons de l'assassinat de

14 Stanko Garaca, un ancien combattant qui était si connu, si bien connu, et

15 une personne qui s'était fait une réputation antifasciste?

16 M. Matovina (interprétation): Je sais qu'il a été tué par des personnes

17 inconnues. Nous avons entrepris une enquête, mais nous n'avons pas

18 découvert les auteurs, et l'affaire est encore entre les mains du

19 procureur public.

20 Question: Mais s'agissant de tous ces meurtres de Serbes, d'habitants de

21 Slatina, cela ne vous est pas inconnu? Vous étiez à la tête du SUP à

22 l'époque. Etes-vous en train d'affirmer que vous n'avez rien pu faire pour

23 identifier les auteurs de ces crimes et pour les poursuivre en justice?

24 Réponse: S'agissant de certains meurtres, nous avons découvert leurs

25 auteurs. Et, s'agissant de certains événements qui constituaient des

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1 problèmes au niveau de la sécurité, tels que mise à feu de certaines

2 maisons, et ainsi de suite, nous avons trouvé les auteurs. Donc, pour tous

3 ceux que nous savions avoir fait ou commis des crimes, nous avions

4 entrepris ce qu'il fallait, mais pour d'autres, nous n'avons pas pu le

5 faire.

6 M. Milosevic (interprétation): Donc sans résultat.

7 M. Matovina (interprétation): Nous sommes en train de parler de meurtres

8 qui se sont passés dans la guerre et je pense que, en votre qualité

9 d'architecte de la guerre, vous deviez forcément savoir…

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Matovina, nous ne pouvons pas

11 nous permettre une querelle de ce genre. Veuillez, je vous prie, vous

12 contenter de répondre aux questions qui vous sont posées dans le cadre de

13 ce contre-interrogatoire.

14 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

15 M. Matovina (interprétation): Merci.

16 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, voulez-vous dire que

17 Slatina a été le théâtre d'un certain nombre d'événements liés à la guerre

18 et que les meurtres des Serbes ont été provoqués par les événements de la

19 guerre?

20 Réponse: Bien sûr, c'était le théâtre d'événements liés à la guerre, car

21 la région entière a été systématiquement bombardée. J'ai déjà parlé de

22 plus de 400 attaques d'artillerie. J'ai parlé des attaques aériennes, j'ai

23 parlé d'infiltrations d'ennemis en provenance de la région, j'ai parlé… Et

24 je vais vous donner un autre exemple: l'explosion des rails, des voies

25 ferrées juste avant l'arrivée d'un train rapide. Tous ces meurtres, tous

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1 ces assassinats dont j'ai parlé, eh bien, je pense qu'à l'époque, il

2 fallait occuper un poste important pour se rendre vraiment compte et

3 ressentir ce que signifie la guerre et ce qu'elle amène avec elle.

4 Question: Mais êtes-vous au courant du fait qu'à Slatina précisément, les

5 groupes oustachis de Benes, de Sinisa, de Kosutic, ont fait exploser de

6 nombreuses maisons sur le territoire de votre municipalité, précisément à

7 l'endroit où vous habitiez, là où vous étiez chez vous, bien tranquilles à

8 la maison?

9 Réponse: Il y a eu effectivement des maisons dynamitées et nous nous

10 sommes opposés à cela de façon très énergique. Nous n'étions qu'un nombre

11 très limité de policiers et nous avons agi, aussi bien de façon préventive

12 que de façon active, pour réduire le nombre de ces incidents au minimum.

13 Question: Vous venez de dire qu'il y a eu peu d'incidents de ce genre.

14 Combien y en a-t-il eu d'après votre estimation personnelle, Monsieur

15 Matovina?

16 Réponse: Je ne sais pas. Comme je vous l'ai déjà dit, ce n'est pas moi qui

17 étais chargé de toutes les enquêtes. J'ai décrit précisément les fonctions

18 qui étaient les miennes à l'époque, mais j'ai agi en toute responsabilité

19 aux côtés des autres employés, aux côtés de mes collaborateurs. J'ai fait

20 ce qu'il était possible de faire en temps de guerre.

21 Question: Mais affirmez-vous ne pas savoir combien de maisons ont été

22 dynamitées, incendiées, etc. dans le secteur où vous étiez chef de la

23 police, en dehors de ces meurtres et assassinats?

24 Réponse: Je ne peux pas vous donner le chiffre exact aujourd'hui. Il

25 existe des registres à la police, des enquêtes ont été menées.

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1 Question: Donnez-nous un chiffre approximatif?

2 Réponse: Je ne peux pas vous répondre, car je vous donnerais un chiffre

3 erroné.

4 Question: Ecoutez, s'agit-il de 3 maisons ou de 300 maisons ou de 3.000

5 maisons?

6 Réponse: Ni 3, ni 300, ni 3.000.

7 Question: L'ordre de grandeur se situe où à peu près, puisque vous le

8 connaissez?

9 Réponse: Je vous ai déjà dit que je ne pouvais pas vous donner un chiffre,

10 car je donnerais un chiffre erroné.

11 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, vous pouvez répondre par la

12 négative: est-ce que des villages comme Gornji Miholjac, Sombori, Greda,

13 Medinci, Aleksandrovac ont-ils été totalement détruits, rasés? Tout cela

14 est écrit?

15 M. le Président (interprétation): Quand, Monsieur Milosevic, affirmez-vous

16 que cela s'est passé, de façon à ce que nous puissions suivre votre

17 argumentation? Ceci s'est-il passé avant ou après le mois de décembre

18 1991?

19 M. Milosevic (interprétation): Précisément au moment, c'est-à-dire dans la

20 période dont ce témoin est en train de nous parler, Monsieur May, c'est-à-

21 dire en 1991. C'est de cette période que je parle.

22 M. le Président (interprétation): Très bien. Attendons la réponse du

23 témoin.

24 M. Matovina (interprétation): Ce n'est pas exact. Ces villages existent

25 encore aujourd'hui, il y a des habitants aujourd'hui dans ces villages; on

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1 peut aller voir ce qui s'y passe.

2 Question: Donc il n'est pas exact que ces villages ont été rasés;

3 c'étaient des villages serbes? Qui est-ce qui y habite aujourd'hui?

4 Réponse: Ils n'ont pas été rasés, ils sont habités par des gens qui y

5 habitaient à l'époque ou par des gens qui ont échangé ou vendu ou acheté

6 une maison. Tout dépend de la façon dont chacun règle son propre problème

7 personnel.

8 Question: Combien y a-t-il de Serbes aujourd'hui dans ces villages,

9 Monsieur Matovina?

10 Réponse: Je ne sais pas quel est le chiffre exact à l'instant. Vous me

11 posez des questions qui vont trop loin. Je n'ai pas mis par écrit tous ces

12 chiffres.

13 M. Milosevic (interprétation): Bien. D'accord. Dans ce cas, pouvez-vous me

14 dire si vous savez qui est responsable de l'assassinat des habitants de

15 ces villages serbes?

16 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur Milosevic, vous ne

17 pouvez pas présenter les éléments de preuve d'une façon aussi déformée. Le

18 témoin vous a dit que ces villages n'ont pas été rasés; vous ne pouvez pas

19 lui poser une question par la suite dans laquelle il est entendu que le

20 village a été rasé.

21 Mais, Monsieur Matovina, l'accusé vous a parlé précédemment d'une bande

22 d'oustachis responsables de crimes commis contre les Serbes. Y avait-il

23 une bande d'oustachis répondant à cette description? Y avait-il des gens

24 qui circulaient un peu partout en commettant des crimes?

25 Réponse: Ce n'est pas exact. Ce Sinisa Kosutic, que M. Milosevic a

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1 mentionné, faisait partie de la police militaire et il était de

2 nationalité serbe. Comment serait-il allé faire sauter des maisons serbes?

3 M. Milosevic (interprétation): Et le Tugomir Benes dont j'ai parlé pour

4 l'autre groupe, qu'en est-il de lui?

5 M. Matovina (interprétation): Tugomir Benes était également membre de la

6 police; il n'a jamais eu des activités de ce genre, pour autant que je le

7 sache.

8 Question: Donc ni Kosutic ni Benes? Mais vous affirmez, compte tenu de ce

9 que vient de dire M. May, la façon dont il a compris vos réponses…, vous

10 affirmez que les villages que j'ai énumérés n'ont pas détruits, n'ont pas

11 été rasés?

12 Réponse: Ces villages n'ont pas été rasés, mais dans ces villages il y a

13 eu quelques maisons qui ont été dynamitées.

14 Question: Bien. Mais est-ce que je me trompe si je dis que dans aucun de

15 ces villages ne s'est jamais trouvé un seul membre de la Défense

16 territoriale, que pas une balle n'a été tirée dans l'un quelconque de ces

17 villages et que dans aucun de ces villages il n'y a eu la moindre

18 opération militaire? Je parle des villages que je viens d'énumérer. Est-ce

19 bien exact, Monsieur Matovina?

20 Réponse: Certains membres de la Défense territoriale étaient précisément

21 originaires de ces villages. Et après les massacres qui se sont produits,

22 la possibilité existait de voir certaines personnes désirer obtenir une

23 vengeance immédiate; chacun le savait bien. Donc nous avons agi de façon

24 préventive pour que, dans ces villages précisément, des événements de ce

25 genre voient leur nombre réduit au minimum. En tout cas, c'étaient les

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1 instructions qui avaient été données à la police.

2 Question: Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Est-il exact que

3 dans ces villages, il ne s'est produit aucune opération de guerre et qu'il

4 n'existait aucune formation armée dans l'un quelconque de ces villages?

5 Est-ce exact ou pas?

6 Réponse: Oui, c'est exact. Dans ces villages, il n'y a pas eu d'opérations

7 militaires.

8 Question: Et pourtant, ils ont été détruits. Vous parlez de ces

9 destructions en disant qu'elles n'ont été que partielles et pas complètes.

10 Mais ces destructions sont-elles dues à un souci de vengeance ou à quoi?

11 Comment l'expliquez-vous?

12 Réponse: Eh bien, ces destructions ont sans doute été liées à un désir de

13 vengeance. J'ai parlé de toutes les atrocités qui se sont produites; il

14 est tout à fait possible que certaines personnes plus radicales que les

15 autres aient agi de la sorte, mais la police s'est efforcée de son mieux

16 de combattre ces actions.

17 Question: Très bien. Mais dites-moi, est-ce que vous connaissez le sort

18 subi par les villages de Sekulinci, Pusina et d'autres villages de la

19 région qui étaient tous des villages serbes? Savez-vous ce qu'il est

20 advenu de ces villages?

21 Question: Comme les autres des unités paramilitaires s'étaient retirés de

22 ces villages et ces villages ont, à ce moment-là, été touchés, endommagés.

23 J'ai déjà dit que les villages de Cetekovac, Vocin, Hum, etc., ont subi un

24 sort de ce genre; Zvecevo, en fait, et tous les villages des environs.

25 Question: Qui étaient les auteurs de ces actes?

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1 Réponse: Qui a fait cela? Eh bien, les unités paramilitaires qui étaient

2 en train de se retirer. Et puis, il y a certainement eu également des

3 actions isolées de la part de certains Croates de la région et la police

4 s'est efforcée également d'empêcher ces actions.

5 Question: Donc vous affirmez que ce sont des formations paramilitaires

6 serbes qui ont détruit tous ces villages serbes dont je viens de vous

7 donner les noms à l'instant?

8 Réponse: Pour partie, oui. Qui a détruit Vocin, Hum, Cetekovac, Zvecevo?

9 Question: C'est moi qui vous pose cette question.

10 Réponse: Eh bien, je viens de vous répondre.

11 Question: Donc des formations paramilitaires serbes ont détruit des

12 villages serbes, c'est ce que vous affirmez?

13 Réponse: Elles détruisaient tout derrière elles, elles mettaient le feu à

14 tout ce qu'elles laissaient derrière elles et elles assassinaient

15 quiconque ne voulait pas les suivre.

16 Question: Oui, j'ai entendu parler de ce que vous avez dit il y a quelques

17 instants. Vous avez parlé d'un Serbe qu'ils auraient soi-disant assassiné

18 parce qu'il n'a pas voulu les suivre; c'est ce que vous affirmez?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Bien. Eh bien, dites-moi –et ma question est tout à fait

21 concrète-: combien y a-t-il eu d'attaques contre la caserne de la JNA?

22 Cette caserne se trouvait tout près de votre poste de police à Slatina,

23 c'est pourquoi je vous pose la question.

24 Réponse: Il n'y a pas eu une seule attaque contre la caserne. Je pourrais

25 même dire plus: nous avions entre nous de très bons rapports et nous ne

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1 nous attendions absolument pas à l'attaque qui s'est produite le 4 août

2 1991. Nous considérions qu'il n'y avait, à une telle attaque, aucun motif

3 car nous pensions que l'armée faisait son travail et que la caserne ne

4 pouvait en aucun cas représenter le moindre danger pour nous. Et pourtant,

5 comme je l'ai déjà dit, au moment où la relève a eu lieu, l'intention

6 était de détruire les membres des deux équipes, celle qui était relevée et

7 celle qui relevait les hommes.

8 Question: Très bien, Monsieur Matovina. Vous avez dit un certain nombre de

9 choses au sujet de ces événements dont il ressort qu'un policier a

10 seulement été blessé, suite à ces événements. C'est bien cela?

11 Réponse: C'est cela.

12 Question: Alors, pourquoi parlez-vous d'une destruction de deux équipes de

13 policiers puisque, sur deux équipes de policiers, un seul policier n'a été

14 que blessé?

15 Réponse: J'ai déjà dit que c'est par un heureux hasard que, cette fois-là,

16 la relève s'est produite une demi-heure avant ou, en tout cas, quelque

17 temps avant l'heure prévue qui était 23 heures. Et les canons des armes

18 lourdes et des véhicules blindés étaient dirigés sur les lieux où devait

19 se dérouler la relève. A ce moment-là, il n'y avait pas de policiers sur

20 place. Le policier qui a été blessé était responsable de la sécurité de

21 l'endroit. Donc les policiers étaient en train de se rendre sur leur lieu

22 de travail.

23 Question: Mais il ressort de ce que vous dites qu'ils n'étaient pas au

24 courant, qu'ils ne savaient pas s'il y avait des hommes à l'intérieur ou

25 pas. Comment cela est-il possible puisque vous dites qu'ils étaient à 50

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1 mètres du poste, et vous dites maintenant que les policiers étaient sortis

2 du poste pour remplir leurs tâches.

3 Est-ce que vous pensez qu'à une distance de 50 mètres, ils n'ont pas vu

4 les policiers en train de sortir du bâtiment?

5 Réponse: Le bâtiment était plongé dans l'obscurité et, durant l'attaque,

6 ils ne disposaient sûrement pas d'un renseignement de ce genre. Or,

7 l'attaque a eu lieu à la fin des heures de travail de l'équipe de travail

8 de policiers qui se trouvaient là et qui devaient être relevés, mais

9 l'intention était tout à fait claire.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous nous dites qu'à une

11 distance de 50 mètres, ils n'ont pas pu voir les policiers en train de

12 quitter le bâtiment. Mais maintenant, répondez à la question suivante:

13 combien de temps les soldats ont-ils été assiégés, sans eau ni nourriture,

14 à l'intérieur de la caserne?

15 M. Matovina (interprétation): Les policiers ont eu à manger et à boire

16 pendant toute la durée de leur séjour à l'intérieur de la caserne. Le

17 siège de la caserne a commencé après l'attaque du poste de police et

18 l'attaque, le massacre commis à Cetekovac; parce que le massacre dont je

19 suis en train de parler et dont j'ai parlé, il y a quelques instants, a

20 été commis le 4 septembre et la caserne a été reprise le 16 septembre.

21 Donc nous parlons d'une période qui se situe une semaine avant la reprise

22 de la caserne, période pendant laquelle la caserne était bloquée, parce

23 que les intentions de l'ennemi étaient tout à fait claires: il était tout

24 à fait clair que des réservistes étaient en train de se préparer à

25 l'intérieur de la caserne, que les armes de la Défense territoriale

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1 étaient prêtes à intervenir, elles se trouvaient dans l'entrepôt qui était

2 sur les lieux.

3 M. le Président (interprétation): Vous allez beaucoup trop loin, Monsieur

4 Matovina.

5 Monsieur Milosevic, votre question suivante?

6 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que le siège a duré une semaine

7 jusqu'à la reprise de la caserne; une semaine, n'est-ce pas? Donc vous

8 avez maintenu les soldats à l'intérieur de la caserne sans électricité et

9 sans eau pendant toute cette semaine. C'est bien cela?

10 M. Matovina (interprétation): Les soldats avaient l'électricité, ils

11 avaient de l'eau; de la nourriture leur était apportée régulièrement. Ils

12 avaient tout ce dont ils avaient besoin, à part le téléphone qui avait été

13 coupé.

14 Question: Très bien, Monsieur Matovina. Mais n'avez-vous pas dit, au cours

15 de l'interrogatoire principal, il y a à peine quelques instants, qu'il n'y

16 avait pas de soldats de la JNA aux abords du lieu dont vous avez parlé,

17 aux abords de Cetekovac, et que vous n'avez jamais entendu parler d'un

18 quelconque accrochage avec la JNA?

19 Réponse: J'ai dit la vérité et je dis la vérité encore maintenant. J'ai

20 dit quel avait été le rôle de la JNA dans la formation des réservistes et

21 dans les événements qui s'en sont suivis, la reprise de la caserne

22 notamment.

23 Question: N'avez-vous pas dit qu'il n'y avait pas de combat lorsque les

24 soldats ont quitté la caserne qui a été reprise par vous? Ce n'est pas

25 ainsi que les choses se sont passées?

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1 Réponse: Les soldats étaient retournés chez eux -je parle des soldats de

2 base-, alors que les officiers avaient reçu l'autorisation de partir; ils

3 ont été emmenés en fait à Bjelovar et on leur a rendu ce qui leur avait

4 été pris.

5 J'ai dit que l'un des officiers est arrivé dans sa propre voiture, qu'il

6 pouvait circuler librement, il a pu reprendre son pistolet qu'il avait

7 laissé à la caserne. Donc rien n'est arrivé à l'un quelconque de ces

8 hommes.

9 Question: Il n'y a donc pas eu d'accrochage avec l'armée et l'armée est

10 partie. C'est bien cela?

11 Et le fait que des coups de feu aient été tirés ce jour-là, c'était

12 simplement pour vous avertir de les maintenir assiégés pour qu'ils ne

13 tuent personne. C'est bien cela, Monsieur Matovina ?

14 Réponse: Non, Monsieur Milosevic, cela s'est passé le 4 août et le blocus

15 a commencé après le 4 septembre, c'est-à-dire après le massacre de

16 Cetekovac.

17 Question: L'armée n'avait rien à voir avec tout cela? Vous avez bien dit

18 cela, n'est-ce pas?

19 Réponse: Ce que j'ai dit, c'est que les réservistes avaient été formés,

20 que des armes avaient été distribuées, que le convoi avait été organisé

21 pour effectuer les transports et distribuer des armes un peu partout.

22 Question: Donc, Monsieur Matovina, personnellement, vous ne savez rien,

23 sauf que des recrues ont été entraînées, qui venaient d'un peu partout en

24 Yougoslavie. En fait, il s'agissait des hommes qui faisaient leur service

25 militaire, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui, des recrues ont été entraînées. Cependant, il était assez

2 rare que des réservistes soient appelés qui provenaient justement de la

3 région de Slatina. Je parle de réservistes de la Défense territoriale qui

4 étaient exclusivement des Serbes; on les a appelés pour un entraînement

5 dans les casernes, ce qui était assez inhabituel. Après cet entraînement,

6 ils ont repris leurs armes avec eux et se sont rendus dans les zones

7 insurgées.

8 Question: Comment avez-vous appris tout cela?

9 Réponse: Eh bien, pourquoi est-ce que je ne l'aurais pas appris? Les

10 officiers, les membres de la Défense territoriale ont témoigné, une fois

11 revenus vivre tranquillement chez eux; ils sont revenus à leur domicile et

12 j'ai parlé de la loi sur l'amnistie qui a été votée, j'ai parlé du retour

13 des gens qui avaient précédemment quitté la région. Donc les choses sont

14 devenues évidentes peu à peu.

15 Question: Très bien. Raccourcissons. Il est vrai que des attaques ont été

16 lancées contre des Serbes, membres de l'armée, par les unités d'Ivica

17 Belami, des unités paramilitaires et par l'Unité de Djuro Decak. Vous avez

18 entendu sans doute entendu parler de cela en tant que chef du SUP, du

19 poste de police?

20 Réponse: Non. Ces hommes n'étaient pas de Slatina et n'ont rien à voir

21 avec tout cela.

22 Question: Je ne vous interroge pas uniquement au sujet de ce qui s'est

23 passé à Slatina. Je vous demande si ces unités, celles de Belami et de

24 Decak, ont été engagées dans tout cela, ont participé à tout cela?

25 Réponse: Eh bien, j'ai dit que j'avais passé toute la guerre à Slatina, je

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1 l'ai dit il y a quelques instants. J'ai également dit très clairement

2 quelles étaient mes fonctions pendant cette période. Donc l'armée croate à

3 l'époque venait d'être créée, et les unités de cette armée étaient

4 responsables de ce qui se passait dans leur zone de responsabilité. Elles

5 avaient un certain nombre de tâches à accomplir.

6 Question: Très bien. Donc vous ne savez rien des activités de ces

7 formations paramilitaires de Belami et de Decak? C'est bien ce que vous

8 prétendez?

9 Réponse: Que voulez-vous dire par "paramilitaires"?

10 Question: Eh bien, je vous demande si vous ne savez rien des activités de

11 ces unités. Vous dites que vous ne savez rien; c'est bien ce que vous

12 dites, n'est-ce pas?

13 Réponse: Je ne sais pas à quoi vous faites référence. Je ne connais aucune

14 affaire concrète.

15 Question: Je vous demande en termes très concrets ce que vous savez des

16 activités de ces Unités Belami et Decak?

17 Réponse: Tout ce que je sais, c'est qu'à Virovitica le problème était

18 l'occupation de la caserne qui a été reprise par le corps de la garde

19 nationale.

20 Question: Est-ce que ce sont ces deux unités paramilitaires qui ont fait

21 cela?

22 Réponse: Pas seulement ces deux-là, mais d'autres également. D'autres

23 officiers également, pas seulement ces deux hommes; le Corps des gardes

24 patriotiques, la ZNG. Quand le conflit a éclaté en Croatie, conflit avec

25 la JNA, la JNA était menacée et ces unités ont encerclé les casernes pour

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1 empêcher d'autres actions.

2 Question: Très bien. Mais vous savez, quand l'ordre a été donné

3 d'encercler les casernes de la JNA, vous savez que la JNA n'avait attaqué

4 personne à ce moment-là et qu'elle se trouvait dans ces casernes sur

5 territoire de la Croatie. Ce n'est pas cela qui s'est passé, Monsieur

6 Matovina?

7 Réponse: Eh bien, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que la JNA a

8 pris le parti des Serbes insurgés, elle les a armés, elle a bombardé et

9 pilonné les villes à partir de la mer et à partir de l'espace aérien. Et

10 je sais également que, pendant toute cette période, toute la population

11 croate a été qualifiée d'agresseur.

12 Question: Savez-vous combien il y avait de Croates dans les rangs de la

13 JNA? Combien il y avait de généraux croates à l'époque, dans les rangs de

14 la JNA? Quel était le nombre des autres officiers supérieurs de la JNA

15 représentant toutes les populations, toutes les minorités nationales de

16 Yougoslavie?

17 Réponse: Je ne sais pas combien il y avait de Croates. Tout ce que je

18 sais, c'est que la composition nationale n'était pas à l'époque

19 proportionnelle au nombre d'habitants vivant dans les différentes régions

20 de l'ex-Yougoslavie, et je sais qui, dans les rangs de la JNA, jouait un

21 rôle dominant.

22 M. Milosevic (interprétation): Bon. Dans votre déclaration préalable, vous

23 dites que suite au mémorandum de l'Académie des sciences serbes, une sorte

24 de frontière imaginaire de la Grande Serbie a été tracée qui allait de

25 Karlovac à Karlobag, puis à Virovitica.

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1 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas attendre la réponse du

2 témoin sur ce point. Nous avons entendu de nombreux témoins parler de cela

3 et je ne pense pas que cela puisse nous aider d'entendre le témoin vous

4 répondre alors qu'il n'a pas abordé cette question dans sa déposition. Il

5 n'a pas dit un mot de cela dans sa déposition.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur…

7 M. le Président (interprétation): Ecoutez un instant. Laissez-moi parler.

8 A quoi cela sert-il de poser une question au témoin au sujet de quelque

9 chose qu'il n'a pas abordé? Que cherchez-vous à obtenir de cette façon?

10 M. Milosevic (interprétation): Je ne cherche pas à obtenir quoi que ce

11 soit, mais simplement à prouver et démontrer que les témoins qui viennent

12 ici dans ce prétoire ont appris par cœur et très bien une chanson qui leur

13 a été imposée, et je voudrais simplement montrer combien tout cela est

14 absurde qu'il en ait parlé ou pas. Dans sa déposition, en page 2 de sa

15 déclaration préalable, je lis -je cite-: "Selon le mémorandum…"

16 M. le Président (interprétation): Non, non, non, je ne vais pas vous

17 laisser témoigner au sujet de quelque chose qui se trouve dans la

18 déclaration préalable du témoin. S'il n'en a pas parlé dans le prétoire,

19 il n'en a pas parlé et c'est sur sa déposition que vous devez vous

20 concentrer et pas sur ce qui est écrit dans sa déclaration préalable.

21 A quoi sert votre question? Vous dites que cela démontre quelque chose en

22 des termes qui permettent de prononcer des allégations tout à fait folles

23 contre le Procureur.

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous m'interdisez d'interroger

25 le témoin au sujet de ce qui est écrit dans sa déclaration préalable?

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1 M. le Président (interprétation): Oui, oui, à moins que vous disiez

2 pourquoi, quel est le motif qui vous motive?

3 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, mes raisons consistent à démontrer

4 que le témoin ne dit pas la vérité -ça, c'est le premier point- et le

5 deuxième point, que le témoin ne sait pas de quoi il parle.

6 M. le Président (interprétation): Vous prétendez qu'il est partial. C'est

7 bien votre argument?

8 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je n'ai pas besoin de mettre

9 l'accent là-dessus, c'est tout à fait évident.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Vous pouvez présenter votre

11 argument, mais expliquez par la suite pourquoi vous agissez de telle ou

12 telle façon. Vous n'avez pas carte blanche pour interroger les témoins

13 exactement comme vous le voulez. Maintenant, posez-lui la question.

14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, jusqu'à présent, en dépit de

15 votre partialité, je n'ai pas été empêché de demander au témoin le...

16 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, vous ne

17 proférerez pas des allégations folles comme celle-ci. Je vous l'ai déjà

18 dit: Si vous voulez mener à bien ce contre-interrogatoire, ne perdez pas

19 plus de temps et posez votre question au témoin.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, dans votre déclaration

21 préalable, en page 2, vous affirmez que, selon le mémorandum de l'Académie

22 des sciences serbes, la frontière de la Grande Serbie allait de Karlobag à

23 Karlovac puis à Virovitica, ce qui était regrettable pour la population

24 croate habitant dans cette région. Ce sont les mots utilisés par vous.

25 De façon à ce que l'idée de la Grande Serbie devienne réelle dans ce

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1 territoire, on a fait arriver de Bosnie de très nombreux Serbes. Le

2 gouvernement central yougoslave, par le biais de ses responsables

3 politiques, voulait créer une nouvelle population dans cette région. Il y

4 avait de nombreuses maisons abandonnées par les Serbes, par les paysans

5 serbes dans ce secteur. C'est bien ce que vous dites dans votre

6 déclaration, n'est-ce pas?

7 Alors, puisque vous prétendez que dans le mémorandum de l'Académie des

8 sciences serbes vous avez trouvé cette idée, je vous demande ce que vous

9 avez trouvé dans ce mémorandum? Qu'est-ce qui vous permet de parler ainsi?

10 Quelle partie du mémorandum parle de "Grande Serbie", selon les mots

11 utilisés par vous?

12 M. Matovina (interprétation): Eh bien, c'est un point très bien connu que

13 le soulèvement de l'armée a commencé à partir de l'action des Serbes de

14 Croatie; c'était un fait de notoriété publique. Tous les dirigeants du SDS

15 parlent de la frontière historique qui va de Karlobag à Karlovac et à

16 Virovitica, selon donc cette ligne particulière, et même le Dr Raskovic,

17 un jour, a dit que "si les Croates souhaitaient disposer d'un Etat à eux,

18 ils pourraient regarder à partir du clocher de la cathédrale de Zagreb et

19 regarder un Etat dont il serait possible de faire le tour à bicyclette en

20 une demi-journée".

21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

22 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous affirmez que c'est ce qui

23 est écrit dans le mémorandum de l'Académie serbe des arts et des sciences,

24 c'est bien cela?

25 M. Matovina (interprétation): Non, ce n'est pas écrit dans le mémorandum.

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1 Le mémorandum avait pour but de participer au changement de composition

2 ethnique de la population. Un jour, il y avait une majorité croate à

3 Ceralije et dans un autre village serbe, par exemple, et les Croates,

4 depuis la Deuxième guerre mondiale, se sont déplacés ailleurs. A partir de

5 ce moment-là, les Serbes sont arrivés en grand nombre. Pour autant que je

6 le sache, c'est également ce qui s'est passé dans le corridor dont je suis

7 en train de parler.

8 Question: Très bien. Puisque ce n'est pas écrit dans le mémorandum,

9 pouvez-vous nous dire quelle était la raison de la publication de ce

10 mémorandum et en quelle année il a été publié?

11 Réponse: Je ne m'en suis jamais occupé en détail.

12 Question: Mais vous témoignez à ce sujet?

13 Réponse: Selon ce que j'ai lu, je sais que tout le programme mis en œuvre

14 à l'époque reposait là-dessus.

15 Question: Etes-vous sûr que vous l'avez lu?

16 Réponse: Je l'ai lu.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais vous demander de me

18 trouver une citation à partir de laquelle vous avez pu tirer vos

19 conclusions.

20 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas poursuivre dans ce

21 sens, nous n'allons pas entrer dans un jeu compliqué de genre. Veuillez

22 passer à autre chose.

23 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, je vous prie, ce que vous voulez

24 dire en parlant de "population de paysans serbes de Bosnie". Je viens de

25 citer ce que vous dites dans votre déclaration préalable, n'est-ce pas.

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1 Que voulez-vous dire par là? Qu'est-ce que c'est que cette population

2 paysanne serbe de Bosnie?

3 M. Matovina (interprétation): Les gens qui avaient déménagé étaient

4 principalement des paysans des villages de Bosnie. Ils sont allés dans

5 d'autres villages qui avaient été abandonnés et sont entrés dans des

6 maisons abandonnées.

7 Question: (Inaudible) … que vous parliez du gouvernement central de

8 Yougoslavie qui avait oeuvré au peuplement de ces régions-là par le moyen

9 ou par l'intermédiaire des hommes politiques sur place. Qui se trouvait en

10 tête de ce gouvernement fédéral, central? Et quand cette phase de

11 peuplement a-t-elle commencé?

12 Réponse: Peut-être a-t-on repris à tort et à travers ce que j'ai dit, mais

13 je tiens à préciser que l'on sait fort bien qui a fait quoi; et depuis la

14 guerre précédente, le processus en cours a lentement été réalisé.

15 Question: Donc déjà pendant la période qui a suivi la Deuxième Guerre

16 mondiale, 1945, 1946, etc.?

17 Réponse: Oui, je parle de cette période-là, jusqu'au moment où il y a eu

18 insurrection armée.

19 Question: Donc de 1945 jusqu'à 1990, le gouvernement yougoslave a peuplé

20 ces régions-là moyennant paysans originaires de Bosnie? C'est ce que vous

21 êtes en train de nous dire?

22 Réponse: Non, vous êtes en train d'interpréter de façon tout à fait

23 différente mes dires.

24 Question: Mais dites-nous quand cela a eu lieu, parce que cela ne s'est

25 pas fait pendant tout ce temps-là? Dites-nous quand cela s'est fait.

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1 Réponse: Eh bien, je dirai que ce processus a duré pendant tout ce temps-

2 là mais que, si je puis le dire, cela s'est davantage manifesté à compter

3 de l'année 1980 ou des années 80, lorsqu'il est apparu clairement qu'il

4 allait y avoir une décomposition de la Yougoslavie.

5 Question: Donc depuis les années 1980, un peuplement a eu cours par la

6 politique du gouvernement central de ces régions-là, par l'acheminement

7 des Serbes de Bosnie vers ces territoires; c'est ce que vous affirmez?

8 Réponse: En partie avec des Serbes de Bosnie, originaires de Bosnie. Par

9 exemple, certains villages ont carrément été uniquement peuplés de Serbes

10 de ces régions-là.

11 Question: Et cela a eu lieu en 1980?

12 Réponse: En 1980 et par la suite.

13 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur Matovina. Vous êtes en

14 train de nous dire qu'il s'agissait là d'un plan stratégique au niveau du

15 peuplement de la population rurale et qu'en cas de décomposition de la

16 Yougoslavie, il serait plus facile au gouvernement yougoslave de manipuler

17 avec cette population peu instruite?

18 M. le Président (interprétation): Inutile de reprendre les dires du

19 témoin. Passons à quelque chose de plus pertinent, s'il vous plaît.

20 M. Milosevic (interprétation): Bien. Dites-moi, alors, de quel

21 gouvernement vous êtes en train de parler, pour qu'au moins nous sachions

22 de quel gouvernement vous avez parlé. Et citez-moi au moins le Premier

23 ministre de ce gouvernement, ou ne serait-ce qu'un nom de ministre, membre

24 de ce gouvernement.

25 M. le Président (interprétation): Non, nous n'allons pas aborder cette

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1 question. Passez à autre chose.

2 M. Milosevic (interprétation): Qui vous a expliqué toutes ces choses-là:

3 l'affaire du mémorandum, du Gouvernement yougoslave qui avait ce plan

4 infernal, qui avait été organisé depuis la fin de la Deuxième Guerre

5 mondiale jusque dans les années 80 ou 90? Qui vous a expliqué toutes ces

6 choses-là?

7 M. Matovina (interprétation): En ma qualité de simple citoyen, pour ne pas

8 dire en ma qualité d'homme qui avait pris part à tous ces événements-là,

9 peut-être avais-je pu apprendre par moi-même de quoi il s'était agi et

10 quelles avaient été les visées de ce mémorandum.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur Matovina. Mais avez-

12 vous une idée, ne serait-ce que d'ordre général, du fait de savoir quand

13 les Serbes ont peuplé cette région-là dont vous êtes en train de parler?

14 M. le Président (interprétation): Nous n'allons pas commencer une leçon

15 d'histoire. Monsieur Milosevic, abordez des questions ou des événements

16 plus récents.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

18 Monsieur Matovina, êtes-vous au courant du fait, par exemple, que suite à

19 la proclamation de l'Etat indépendant de Croatie, il a été chassé de

20 Slavonie 105.000 Serbes et ceux-là avaient été des Serbes venus en

21 Slavonie après le 1er janvier 1900. Il en a été chassé 105.000 lorsqu'on a

22 créé la NDH, l'Etat indépendant croate. Et s'agissant de ces 105.000, la

23 plupart provenaient...

24 M. le Président (interprétation): Posez votre question. La question en

25 fait se résume à ceci: savez-vous ou est-il exact de dire… -soyons

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1 honnêtes, parce que la façon dont la question est posée est très

2 tendancieuse- mais peut-on dire que 105.000 Serbes ont été chassés de

3 Slavonie au moment de la déclaration de l'Etat indépendant de Croatie?

4 Pouvez-vous répondre à cette question? Puis, nous allons lever l'audience.

5 M. Matovina (interprétation): Non, je ne suis pas au courant de ce

6 renseignement, de ces données et je ne sais pas de quelle NDH est en train

7 de parler M. Milosevic. Est-ce qu'il est en train de parler de l'Etat

8 croate qui a été créé en 1990, après la décomposition de la Yougoslavie,

9 ou est-ce qu'il est en train de parler de la NDH, celle qui avait été mise

10 en place pendant la Deuxième Guerre mondiale?

11 M. le Président (interprétation): Ce sera la dernière question.

12 Nous parlons ici de questions assez contemporaines, assez modernes. Au

13 cours de la période dont nous parlons ou par la suite, est-ce que des

14 Serbes ont été chassés de la région, de cette zone de Slavonie que vous

15 connaissez?

16 M. Matovina (interprétation): Pour autant que je le sache, il n'y en a pas

17 eu d'expulsés. Je n'ai pas de renseignement de ce genre.

18 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur Matovina.

19 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre.

20 Je rappelle à tout le monde que demain, nous commencerons l'audience à 9

21 heures 30 et nous poursuivrons nos travaux jusque 16 heures. Le même

22 horaire sera respecté pour mercredi.

23 Pour le contre-interrogatoire: vous disposerez de la première partie de

24 l'audience, si vous en avez besoin, pour poursuivre le contre-

25 interrogatoire de ce témoin. Et puis, nous passerons au témoin suivant. Je

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1 suppose qu'il se trouve mieux?

2 M. Nice (interprétation): Oui, il est beaucoup mieux aujourd'hui. Nous

3 avons de bonnes chances de croire qu'il sera présent à l'audience demain.

4 M. le Président (interprétation): Est-ce l'avis du Procureur ou l'avis du

5 médecin?

6 M. Nice (interprétation): L'avis du témoin avec qui le Procureur s'est

7 entretenu; le docteur a été consulté.

8 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veillez à être

9 présent en audience demain matin à 9 heures 30.

10 M. Matovina (interprétation): Merci beaucoup.

11 (L'audience est levée à 13 heures 58.)

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