Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 14460

1 (Mercredi 18 décembre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Petar Poljanic, est dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Monsieur Nice.

6 (Interrogatoire principal du témoin, Petar Poljanic, par M. Nice.)

7 M. Nice (interprétation): La semaine dernière, à la fin des questions

8 posées par Mme Uertz-Retzlaff, elle venait de parler de l'onglet 39.

9 Je voudrais que l'on place le document sur le rétroprojecteur.

10 M. le Président (interprétation): Aujourd'hui, nous aurons le contre-

11 interrogatoire de ce témoin et j'espère que nous en aurons terminé avec

12 l'audition de ce témoin. Par la suite, nous parlerons de la procédure et

13 de la façon dont les audiences se poursuivront. La Chambre de première

14 instance a quelque chose à dire là-dessus; nous le ferons vers la fin de

15 la journée d'aujourd'hui.

16 Nous allons devoir terminer à l'heure, car nous avons une autre audience

17 cet après-midi, dans une autre affaire.

18 M. Nice (interprétation): Je comprends tout à fait.

19 Nous avons reçu des documents quant à certaines objections et je crois

20 qu'il vaudrait mieux traiter de ces documents un peu plus tard.

21 M. le Président (interprétation): Très bien, mais d'abord il faudra mettre

22 un terme à l'interrogatoire du témoin.

23 M. Nice (interprétation): Bien. Veuillez, je vous prie, placer le document

24 sur le rétroprojecteur.

25 Monsieur Poljanic, vous avez sous les yeux un document original que vous

Page 14461

1 avez entre les mains. La traduction en langue anglaise se trouve sur le

2 rétroprojecteur. C'est un document qui provient du vice-amiral Jokic. Il

3 s'agit d'une demande du groupe opérationnel concernant la région de

4 Dubrovnik pour que l'on procède à la levée de siège de l'île de Miljet.

5 Ce sont les bâtiments qui se trouvent sur la péninsule de Peljesac. Il

6 faudrait retourner l'équipement militaire des armées et les civils dans la

7 ville de Dubrovnik. On demande également l'extradition des officiers de la

8 JNA qui n'ont pas terminé leur service afin de poursuivre un échange. Il

9 s'agit également du démantèlement des unités paramilitaires, une reddition

10 inconditionnelle de Dubrovnik.

11 Est-ce que vous pourriez nous dire si, au moment de sa rédaction, vous

12 connaissiez l'existence de ce document?

13 M. Poljanic (interprétation): Oui.

14 Question: A quel moment est-ce que vous avez reçu ce document et à quel

15 moment l'avez-vous vu?

16 Réponse: Je l'ai reçu le 12 octobre 1991.

17 Dans la localité de mots Mocici, à Konavli, juste devant la piste

18 d'atterrissage de l'aéroport; si vous voulez, juste au début ou à la fin

19 de cette piste, sur l'extrémité occidentale de cette piste; c'est le

20 capitaine de frégate Milan Zec qui me l'a remis à l'époque.

21 Question: Je vous demanderai de nous entretenir un peu sur la réunion lors

22 de laquelle vous avez reçu ce document. Vous nous avez parlé de l'endroit,

23 de Mocici.

24 Quelle était l'atmosphère qui prévalait lors de cette réunion? Qui était

25 présent, outre vous-même?

Page 14462

1 Réponse: Le jour d'avant, nous avions eu une réunion à Kotor; nous avons

2 parlé de la chose lorsque j'ai témoigné la fois passée, il y a 8 jours. A

3 cette réunion, la partie adverse avait insisté pour que la réunion

4 suivante, à savoir celle dont nous parlons aujourd'hui, celle du 12

5 octobre, soit également une réunion en présence de représentants de

6 l'armée croate. Et ce jour-là, nous sommes arrivés.

7 Ces négociations étaient censées se tenir à Cavtat, mais lorsque nous

8 sommes arrivés à Cavtat, on nous a dit qu'elles auraient en fait lieu à

9 Mocici. Nous y sommes allés en jeep. Il y avait avec moi le président du

10 conseil exécutif de la municipalité de Dubrovnik, M. Sikic; il y avait un

11 représentant de l'armée croate, le docteur Antun Karaman; il y avait un

12 membre de l'équipe de négociation, Hrvoje Macan, qui était chargé des

13 affaires communales et M. Miso Mihocevic, qui était interprète.

14 Question: D'autre part -et souvenez-vous, je vous prie, Monsieur Poljanic,

15 que nous n'avons pas beaucoup de temps, donc je vous demanderais d'être

16 assez bref-, d'autre part, qui parlait pour la partie adverse? Décrivez-

17 nous l'atmosphère, je vous prie?

18 Réponse: Fort bien. D'autre part, il y avait de l'autre côté le capitaine

19 de frégate Zec, puis il y avait, je crois, le capitaine de frégate

20 Sofronije Jeremic. Je crois qu'il y avait un autre capitaine de frégate;

21 aujourd'hui, c'est un amiral, un dénommé Zdravkovic. Je ne me souviens pas

22 de l'équipe militaire s'il y avait qui que ce soit d'autre.

23 Question: Quelle était l'attitude de l'autre partie durant cette réunion,

24 je vous prie?

25 Réponse: Nous avons été accueillis d'une façon assez incroyable, pour ce

Page 14463

1 qui me concerne, avec une centaine, au moins une centaine de réservistes

2 qui avaient des fusils au poing. On avait l'impression qu'on se ferait

3 tous abattre sur place; c'est à peu près l'accueil qu'on nous a réservé.

4 Entre-temps, toutefois, la chose n'avait pas été convenue, mais je ne sais

5 comment les observateurs européens de la Mission de l'ONU sont arrivés.

6 Ces négociations, qui n'en avaient pas été du tout, car il s'était agi

7 d'un ultimatum: le capitaine Zec m'a remis le texte de l'ultimatum, je

8 l'ai examiné rapidement et je lui ai dit: "Capitaine, j'ai l'impression

9 qu'il s'agit là d'un ultimatum et..."

10 Question: Est-ce que quelque chose a été dit concernant un incident à

11 Ravno?

12 Réponse: Oui, suite à cette phrase que j'ai prononcée, le capitaine Zec

13 m'a dit: "Je n'en sais rien. A Ravno, vous avez tué trois des nôtres,

14 hier". Et il a dit à la lettre: "Nous allons intervenir". Alors, je lui ai

15 rétorqué: "Mais, Capitaine, le village de Ravno ne se trouve pas dans le

16 territoire de la municipalité de Dubrovnik; cela ne se trouve même pas en

17 Croatie! Je n'ai aucune idée des conflits et je n'ai aucune idée des

18 victimes qu'il aurait pu y avoir". Il a dit: "Je n'en sais rien, mais nous

19 allons intervenir!" Et le lendemain matin, ils sont entrés dans Cavtat.

20 Question: Je demanderai à Mme l'huissière de prendre ce document et de le

21 placer sur le rétroprojecteur.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 Nous pouvons voir Ravno sur cet exemplaire de cette pièce que nous sommes

24 en train de vous soumettre présentement. L'endroit de Ravno se trouve

25 juste sous l'autocollant jaune.

Page 14464

1 Réponse: Ravno, c'est ici; voilà. C'est exactement là où je vous indique

2 la chose.

3 (Le témoin pointe sur le document.)

4 On voit d'ailleurs l'inscription "Ravno" dessus.

5 Question: Donc il a fait référence à Ravno. De quoi a-t-il été questions

6 d'autre, lors de cette réunion? Qu'a dit le capitaine Zec, si vous pouvez

7 vous souvenir?

8 Réponse: Il a dit peu après: "Nous allons intervenir". Et, comme je vous

9 l'ai dit tout à l'heure, ils sont, par la suite, entrés dans Cavtat. Nous

10 avons quitté les négociations et ils ont occupé, ils se sont emparés de

11 Cavtat.

12 Question: L'attitude de vos négociateurs était de rejeter l'ultimatum;

13 pourriez-vous nous donner les raisons, je vous prie, pour cela?

14 Réponse: Eh bien, c'était tout à fait inacceptable. Cela signifiait que

15 nous rendions toute cette région qui n'était pas encore prise. Ils avaient

16 insisté sur la reddition de toutes ces unités ou formations paramilitaires

17 que nous n'avions pas, dont nous ne disposions pas. Comment voulez-vous

18 que nous procédions à une reddition de quelque chose qu'on n'a pas?

19 Question: Et vous craigniez pour la population, si jamais il y avait eu

20 reddition?

21 Réponse: Absolument. Oui, nous étions très déterminés à nous défendre, en

22 dépit du fait que nous ayons été, sur le plan militaire, très faibles.

23 Question: S'agissant de l'amiral Zec, quelles étaient ses opinions sur la

24 situation politique?

25 Réponse: L'amiral Zec faisait partie de cette armée qui avait déjà occupé

Page 14465

1 la région tout entière de Konavli, la partie occidentale de la

2 municipalité de Dubrovnik, donc qui faisait partie du projet.

3 Question: A-t-il exprimé des opinions politiques? Savez-vous s'il en avait

4 et, si oui, quelles étaient-elles?

5 Réponse: Dans chaque circonstance, il exprimait des positions politiques

6 qui étaient les siennes. Et vous aurez l'opportunité d'en parler, si tant

7 est que vous n'avez pas déjà obtenu des enregistrements de l'époque. Mais

8 je crois que vous pourrez entendre de sa propre bouche la teneur de ses

9 dires.

10 Question: Dites-nous, en une phrase, quelles étaient ses opinions

11 politiques, si vous le pouvez?

12 Réponse: Il faisait partie intégrante de ce projet de mise en place d'une

13 Grande Serbie.

14 Question: Je vais passer maintenant à ce qui s'est passé après le 12

15 octobre, après la réunion du 12 octobre.

16 Dites-nous: vous occupiez vos fonctions en tant que maire; est-ce que vous

17 vous êtes concentré surtout sur votre travail en tant que maire? Est-ce

18 que vous avez eu des négociations? Est-ce que vous avez parlé à certaines

19 personnes, concernant les négociations futures?

20 Réponse: Après cette journée, donc après le 12 octobre 1991, nous, qui

21 jusque-là faisions partie de l'équipe de négociations, pour des raisons de

22 sécurité et par prudence, dans la ville, nous avons décidé de mettre en

23 place une équipe de grande qualité et qui serait chargée de négocier, à

24 l'avenir, avec la partie adverse. Nous avons mis en place cette équipe-là.

25 Si vous le désirez, je puis vous donner les noms de ces personnes.

Page 14466

1 Mais ce jour-là avait été la dernière des journées où j'ai pris part

2 personnellement à des négociations avec la partie adverse, donc cette

3 journée du 12 octobre.

4 Question: Donnez-nous, je vous prie, des personnes qui faisaient partie de

5 cette équipe de négociation.

6 Réponse: Il y avait là M. Niksa Obuljen, qui était mon adjoint, le maire

7 adjoint. Puis, il y avait M. Djuro Kolic, M. Miso Mihocevic, Hrvoje Macan

8 et M. Ivo Simunovic. Donc cinq personnes.

9 Question: Au cours des négociations menées par cette équipe, est-ce que

10 des plaintes ont été formulées concernant le pilonnage de cibles civiles

11 et des conditions de vie qui prévalaient dans la ville de Dubrovnik?

12 Réponse: Eh bien, des remarques ont été formulées à l'occasion de chaque

13 pilonnage. Par conséquent, il y a eu beaucoup de remarques ou

14 d'observations de formulées en raison du grand nombre de pilonnages

15 survenus. La partie adverse n'a pas prêté attention à cela; elle a

16 poursuivi ses plans et a continué à pilonner à chaque fois qu'elle avait

17 jugé nécessaire de pilonner.

18 Question: Jusqu'à quel point la JNA connaissait-elle la situation qui

19 prévalait dans la ville et le nombre de personnes qui la défendaient?

20 Réponse: La JNA était consciente de toute chose qui se passait en ville.

21 D'abord, ils avaient un contact visuel avec la ville; ils étaient à

22 quelques centaines de mètres de la ville même et ils étaient fort bien

23 informés; nous avions un émetteur-récepteur qui fournissait des

24 renseignements sur ce qui se passait. Ils avaient certainement écouté la

25 radio en question et, chaque fois qu'il y avait des négociations, notre

Page 14467

1 partie leur disait ce qui s'était passé, ce qu'ils avaient fait; donc ils

2 étaient au courant de tout détail de cette tragédie qui était la nôtre.

3 Question: Combien y avait-il de défenseurs à Belgrade?

4 Réponse: Au début -et je crois l'avoir déjà dit-, lorsque le général

5 Marinovic, qui était à l'époque colonel, est venu à la tête de la défense

6 de Dubrovnik, il me semble qu'il devait y avoir 59 ou 69…, mais disons une

7 soixantaine de soldats. Le nombre a crû par la suite, mais jamais jusqu'au

8 chiffre de 7.000 qui a été avancé.

9 Question: Passons maintenant à l'onglet 14. Je vous prierai de placer

10 l'original brièvement sur le rétroprojecteur afin que nous puissions voir

11 de quoi il s'agit, voir le document.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Je vous prierai également de remettre l'original au témoin et de placer la

14 version en langue anglaise sur le rétroprojecteur.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 S'agit-il ici d'un document, Monsieur Poljanic, daté du 26 octobre

17 provenant du lieutenant-général Strugar, intitulé "Supplément au message

18 qui a été diffusé à la radio de Belgrade", envoyé ou adressé aux citoyens

19 de Dubrovnik de toutes nationalités qui désirent être évacués en direction

20 de Split, Rijeka, Herceg Novi, Trnovo, Trebinje ainsi que…

21 S'agit-il d'une proposition pour la normalisation de la vie dans Belgrade

22 et de la façon dont on pourrait faire en sorte que la vie à Belgrade soit

23 sûre?

24 S'agit-il également des armes trouvées, et des armes et armements que la

25 Communauté européenne, que la Mission de la Communauté européenne contrôle

Page 14468

1 lors de la remise de ces armes?

2 S'agit-il également d'un document faisant état des membres du MUP de

3 Dubrovnik qui n'ont pas régi leur statut de résidence et qui n'ont pas

4 encore quitté la région?

5 S'agit-il également de mercenaires étrangers qui devaient, lors d'une

6 mission diplomatique, remettre les armes?

7 S'agit-il également d'affaires internes et d'une façon d'essayer de

8 restaurer les choses de la meilleure façon possible?

9 Est-ce que vous connaissiez ce document? Est-ce que vous aviez

10 connaissance de l'existence de ce document à l'époque?

11 Réponse: Oui, j'avais connaissance de la chose; c'est bien ce document.

12 Question: Et quelle était la réponse de l'équipe de négociations, pour ce

13 qui est de Dubrovnik?

14 Réponse: Il est clair que nous ne pouvions pas accepter chose de ce genre

15 parce que cela signifiait reddition de la ville, reddition de ces

16 personnes et reddition de toute la région. Et si nous étions tombés

17 d'accord avec ceci, cela aurait été notre fin.

18 Ce texte-ci constitue un ultimatum un peu plus élaboré.

19 Question: Merci. Parlons maintenant des négociations du 5 décembre.

20 Y avait-il de telles négociations? Combien de personnes étaient présentes,

21 appartenant à la Croatie et combien de personnes ont mené ces

22 négociations?

23 Réponse: Les négociations du 5 décembre ont effectivement eu lieu. Du côté

24 croate, il y avait le ministre de l'époque, le Dr Davorin Rudolf, puis un

25 autre M. Pero Kriste, M. Cifric, et d'autres négociateurs de notre côté.

Page 14469

1 Les négociations ont eu lieu. Il y avait été question entre autres de

2 problèmes communaux, de mises en place de conditions minimales de vie.

3 Question: Passons maintenant à l'intercalaire 38, je vous prie.

4 Normalement, je demanderais de montrer l'original sur le rétroprojecteur,

5 mais je crois qu'il serait sans doute mieux de placer la première page de

6 la version en langue anglaise sur le rétroprojecteur. Je ne vais pas

7 passer en revue le texte, je crois que nous pouvons tous voir de quoi il

8 s'agit.

9 Monsieur Poljanic, s'agit-il d'un accord qui a été rédigé et auquel on est

10 parvenu en décembre 1991?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Très bien. Vous pouvez maintenant nous parler des conditions,

13 nonobstant le cessez-le-feu imposé par l'accord.

14 Est-ce que, finalement, on a pilonné la ville de Dubrovnik à l'été de

15 1992?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Combien de temps la JNA est-elle restée dans la région de

18 Dubrovnik, nonobstant cet accord?

19 Réponse: La partie occidentale de cette municipalité de Dubrovnik a été

20 quittée par la JNA le 27 ou le 29 mai.

21 Pour ce qui est du territoire oriental, cela s'est fait le 22 octobre, de

22 l'année 1992, il s'entend.

23 Question: Très brièvement, dites-nous, je vous prie, s'agissant de

24 l'intercalaire 31, pourriez-vous nous parler un peu de ce qui s'est passé?

25 L'appel public qui a eu lieu concernant le sort de Dubrovnik?

Page 14470

1 Je demanderai que l'on place l'intercalaire 41 sur le rétroprojecteur et

2 que l'on remette l'original au témoin.

3 Effectivement, il s'agit d'une version qui n'existe qu'en langue anglaise,

4 car l'original est également en langue anglaise.

5 Réponse: D'accord.

6 Question: Et on parle de la République de Croatie, on parle de Dubrovnik.

7 C'est un document émanant de l'opstina de Dubrovnik, destiné à la

8 Communauté européenne, et aux chefs d'Etat et aux ministres. On parle du

9 fait que l'armée ne s'est pas retirée. Ce document envoie une protestation

10 à la Communauté internationale en demandant une action immédiate. Est-ce

11 exact?

12 Réponse: Oui, c'est exact.

13 Question: Je vous prierais de placer l'intercalaire 42 sur le

14 rétroprojecteur et de le remettre au témoin.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 C'est un document rédigé le 28 novembre.

17 Nous pourrions peut-être placer l'original sur le rétroprojecteur.

18 Je vous prierai, Madame la Greffière, de placer cette page que je vous

19 remets.

20 (Intervention de l'huissière.)

21 Il s'agit d'un document où l'on voit que les observateurs de l'UNESCO à

22 Dubrovnik… Nous pouvons lire trois paragraphes un peu plus bas: "Monsieur

23 le Maire a demandé à demander à toutes les parties impliquées dans le

24 conflit de respecter les principes de la convention concernant la

25 protection de la propriété et des biens culturels". Et plus tard, nous

Page 14471

1 pouvons voir que M. Poljanic, sur une base quotidienne, a contacté le

2 maire et qu'il y a une campagne internationale qui est en train d'être

3 préparée. Je vous remercie.

4 Est-ce que ce document vous rappelle les événements, Monsieur Poljanic?

5 Réponse: Cela correspond aux événements, mais il a été commis une erreur.

6 Ce n'est pas M. le maire qui a contacté M. Poljanic, mais c'est M. Mayor,

7 c'était l'homme n°1 de l'UNESCO. C'est un jeu de mots en fin de compte,

8 parce que l'homme en question s'appelait Federiko Mayor et "major" en

9 anglais, c'est le maire. Mais il est vrai qu'il m'a contacté et j'ai eu

10 des entretiens avec lui, en effet.

11 Question: Merci. Nous allons maintenant placer le document suivant sur le

12 rétroprojecteur. Il s'agit de l'intercalaire 43.

13 Veuillez, je vous prie, placer ce document sur le rétroprojecteur.

14 (Intervention de l'huissière.)

15 S'agissant de l'onglet 43, l'original est en BCS, mais nous pouvons voir

16 qu'il s'agit d'une protestation concernant les tirs d'artillerie dans la

17 région de Dubrava.

18 Vous souvenez-vous que cette plainte avait été formulée, cette remarque a

19 été formulée le 6 décembre 1991, document émanant de la cellule de crise

20 de Dubrovnik?

21 Réponse: Je me souviens de la chose. Cette protestation a été faite tôt le

22 matin, vers 7 heures et demie, 8 heures du matin, alors que la ville était

23 encore dans une situation qui permettait d'écrire ou de faire des

24 démarches. Par la suite, il y a eu des dévastations de telle nature qu'il

25 n'a plus été possible d'écrire quoi que ce soit d'autre, donc après le 6

Page 14472

1 décembre. Mais cela a été fait ce matin-là.

2 Question: Très bien. Vous pouvez maintenant reprendre le document, Madame

3 l'Huissière.

4 (Intervention de l'huissière.)

5 Dites-nous, Monsieur, les Serbes ont-ils pris la responsabilité du

6 pilonnage? Ont-ils blâmé leurs forces, ont-ils jeté le blâme sur leurs

7 forces, ont-ils reconnu des erreurs qu'ils auraient pu commettre?

8 Réponse: Je n'en sais rien. Je ne sais pas s'ils ont reconnu leurs torts.

9 Je sais que l'un des commandants de la région, il y a trois mois, a

10 déclaré qu'il regrettait beaucoup pour toute grenade, tout obus qui avait

11 loupé Dubrovnik. Il l'a déclaré il y a trois mois à peine.

12 Question: Je voudrais que l'on passe en revue très brièvement une autre

13 pièce. Il s'agit de l'intercalaire 4 et de la pièce 338. Je voudrais que

14 l'on place ce document sur le rétroprojecteur, je vous prie.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 Il s'agit d'un document daté du 5 octobre 1991, document émanant du

17 Gouvernement de Serbie à Belgrade.

18 Il s'agit d'une session de la République de Serbie, tenue le 5 octobre,

19 parlant du danger qui existe pour la population civile concernant la ville

20 de Dubrovnik et disant que Dubrovnik fait partie de l'histoire serbe et

21 croate, est un monument culturel qui fait partie du patrimoine

22 international. Et par la suite, nous pouvons voir qu'il y a une décision

23 d'instaurer des unités paramilitaires, des légions noires et un grand

24 nombre de mercenaires étrangers et que cela consiste un acte incivilisé,

25 non humain.

Page 14473

1 Est-ce qu'il y a une vérité dans ce que je viens de lire? Y a-t-il quelque

2 vérité que ce soit dans cette allégation formulée par le Gouvernement de

3 Serbie?

4 Réponse: Aucun de ces détails ne se trouve être conforme à la vérité. La

5 vérité est, en effet, que ceci a été rédigé, ça oui, mais le contenu est

6 faux.

7 Question: Merci. Passons maintenant et j'arrive presque à la fin de mon

8 interrogatoire.

9 Monsieur Poljanic, le 22 décembre 1991, vous êtes-vous rendu à Washington

10 où vous avez rencontré le secrétaire d'Etat américain Lawrence

11 Eagleburger, à qui vous avez montré les photographies de l'attaque faite

12 sur Dubrovnik. Est-ce que vous saviez que M. Eagleburger a montré les

13 mêmes photographies plus tard à Borislav Jovic?

14 Réponse: Oui. Je voudrais préciser que cela n'est peut-être pas une chose

15 qui est arrivée le 22 décembre. Peut-être le 19 décembre, mais cela n'a

16 plus aucune espèce d'importance.

17 Question: Avez-vous entendu dire quoi que ce soit, et si oui par le biais

18 de qui et quelle était la réponse de M. Jovic, concernant ces

19 photographies qu'on lui avait montrées?

20 Réponse: Monsieur Jovic. Et il l'a dit dans son livre d'ailleurs, dans le

21 livre que nous avons au procès-verbal. Ce n'est pas une autobiographie de

22 sa part, mais c'est un livre qu'il a écrit sur ces événements. Il a

23 reconnu dans ce livre donc qu'il n'y a pas eu de poussière de tombée sur

24 Dubrovnik et rien d'autre n'est tombé sur Dubrovnik; que les

25 photographies, c'étaient des montages photos, que ce sont des bêtises, que

Page 14474

1 Dubrovnik est sauvegardée entièrement et que pas même de la poussière

2 n'est tombée sur la ville de Dubrovnik.

3 Question: Merci. Dernière pièce, intercalaire 45. Il s'agit d'une pièce en

4 langue anglaise. Je vous prie de la placer sur le rétroprojecteur. Je

5 lirai à partir du rétroprojecteur. Il s'agit d'un document provenant du

6 comité de crise de Dubrovnik.

7 C'est un document qui provient de l'amiral Jokic. Il regrette que "les

8 difficultés, une situation désagréable ont été créées. Cela ne faisait pas

9 partie de mon plan. Je ne voulais pas que les choses se déroulent de cette

10 façon-là. Le général Kadijevic vous a envoyé un message et il a dit qu'il

11 prendrait les responsabilités, qu'il enquêterait sur les coupables de cet

12 événement et j'espère que vous trouverez des responsables de votre côté

13 pour essayer de clarifier les circonstances et les événements, eu égard

14 aux événements de ce matin et de la nuit dernière. Le général Kadijevic

15 s'en allait à Belgrade. Donc je ne serais pas en mesure de continuer les

16 négociations. Je propose les pourparlers suivants, les négociations

17 suivantes: d'accepter l'accord de cessez-le-feu pour que l'on puisse

18 contrôler les navires entre Cavtat et Dubrovnik." Et ainsi de suite.

19 Que dites-vous, concernant ce document? Avez-vous des commentaires à

20 formuler sur ce document qui suggère qu'il y a eu démantèlement ou qu'on

21 n'a pas suivi la chaîne de commandement, concernant les forces qui ont

22 attaqué? Est-ce que vous avez quelque chose à dire là-dessus?

23 Réponse: Le document est véridique, mais je ne crois guère aux propos qui

24 sont contenus. Parce que le 6 décembre, dans l'après-midi, je me suis

25 entretenu, à un moment donné, j'ai eu l'opportunité de m'entretenir au

Page 14475

1 téléphone avec le ministre des Affaires étrangères de Croatie, M. Zvonimir

2 Separovic. Je lui ai indiqué quelle avait été la situation en ville et je

3 lui ai dit que, littéralement, "ce devait être notre dernière conversation

4 parce que je m'attendais à ce que nous périssions tous, en ville; parce

5 que la ville avait l'air de brûler toute entière". Il devait être vers 3

6 heures 30 de l'après-midi.

7 Le docteur Separovic m'a dit: "Tenez bon encore un peu; je viens d'avoir

8 au téléphone M. Federiko Mayor à Paris -c'était l'homme n°1 de l'Unesco-

9 et il m'a affirmé que des garanties étaient venues du sommet, à Belgrade,

10 disant qu'à 4 heures tout cesserait". Et à 4 heures exactement, 4 heures

11 pile, tout a été interrompu, comme si de rien n'était. Donc, comme je vous

12 l'ai dit, il est impossible que Belgrade n'ait pas été au courant de la

13 chose. Et non seulement Belgrade a été au courant, mais était en mesure de

14 mettre un terme à tout cela; il n'y a plus eu un seul obus à tomber sur la

15 ville.

16 Question: Monsieur Mayor vous a expliqué qu'il était en contact avec

17 Belgrade?

18 Réponse: Il ne me l'a expliqué à moi-même parce qu'il ne pouvait pas

19 établir de communication avec moi, mais il l'a expliqué au docteur

20 Zvonimir Separovic qui était, à l'époque, ministre des Affaires étrangères

21 de Croatie. Et c'est M. Separovic qui me l'a transmis, parce que lui avait

22 réussi à entrer en communication avec l'intéressé.

23 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Poljanic. Je n'ai

24 plus de questions à vous poser.

25 (Intervention de l'huissière.)

Page 14476

1 M. Poljanic (interprétation): Je vous en prie.

2 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Monsieur Milosevic.

3 M. Milosevic (interprétation): Combien de temps ai-je, Monsieur le

4 Président?

5 M. le Président (interprétation): Je regarde les moments de la pause, mais

6 je crois que vous devriez avoir deux heures et demie.

7 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Petar Poljanic, par l'accusé, M.

8 Milosevic.)

9 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

10 Monsieur Poljanic, vous avez commencé à répondre aux questions de M. le

11 Procureur, partant d'une date où vous aviez été élu maire de Dubrovnik?

12 M. Poljanic (interprétation): Oui.

13 Question: Vous souvenez-vous… Et je dirais que cela n'étaient pas

14 seulement des élections locales, moment où vous avez été élu, donc

15 c'étaient aussi des élections parlementaires, des élections législatives

16 pour le Parlement de Croatie. Vous souvenez-vous donc qu'en cette année

17 1990, la plupart des Serbes, ou je dirais tous les Serbes de Banija,

18 Kordun, Slavonie orientale et ainsi de suite, avaient voté en faveur de

19 l'ex-Ligue des communistes de Croatie, à savoir le parti à Racan? Et 21

20 députés ont été élus au Parlement, au Sabor, faisant partie de cette Ligue

21 des communistes? Donc la plupart des Serbes de Croatie avaient, à

22 l'époque, voté en faveur de la Ligue des communistes de Croatie?

23 Réponse: C'est exact.

24 Question: C'est bien exact?

25 Réponse: Oui, c'est exact.

Page 14477

1 Question: Si cela est exact, comment pouvez-vous déclarer, dans votre

2 déposition, dans la déclaration préalable que je n'ai pas obtenue en

3 langue serbe, bien entendu, mais ce que j'ai reçu en anglais dit la chose

4 suivante: "Après la chute du mur de Berlin, les Serbes ont vu une

5 opportunité, qui est celle de réaliser une soi-disant idée de création de

6 Grande Serbie".

7 Comment pouvez-vous affirmer chose pareille alors que nous venons de

8 constater le fait que nous avons constaté tout à l'heure?

9 Réponse: Vous savez très bien que cette idée de création de Grande Serbie

10 n'est pas née de ce jour-là. Ce n'est pas ici un cours d'histoire, mais je

11 puis répondre à votre question. Ce n'est pas une idée qui a pris sa

12 naissance à ce moment-là, mais bien avant cela.

13 S'agissant maintenant de la chute du socialisme ou du communisme en sa

14 qualité de système mondial ou international, à l'époque, selon l'avis de

15 certaines personnes, il s'est créé des conditions pour la mise en place de

16 ce projet, en tout état de cause, irrationnel.

17 Question: Mais vous n'ignorez pas que ce projet n'a jamais existé. Et,

18 s'agissant de la thèse de Grande Serbie, dès le début du siècle passé, à

19 savoir dès après la tenue du congrès de Berlin et l'occupation de la

20 Bosnie-Herzégovine, cela a été lancé comme étant un projet de la Serbie,

21 mais pour justifier son occupation. C'était là prétexte à ce qui s'est

22 passé dans les Balkans?

23 Réponse: Vous le savez très bien.

24 Question: Il n'est pas du tout nécessaire que nous en débattions.

25 Réponse: Vous savez très bien de quoi il s'agit.

Page 14478

1 Question: Je sais parfaitement bien de quoi il s'agit, je sais de qui

2 vient l'idée et je sais comment cela a été lancé, mais les autres le

3 savent aussi bien; les autres, ici, le savent aussi bien.

4 Vous avez parlé d'un document afférent à la création d'une République de

5 Dubrovnik, un mouvement pour la mise en place d'une République de

6 Dubrovnik. Je vous demanderai de nous dire si quelqu'un, en Serbie, a pris

7 part à la chose, si vous le savez.

8 Il importe peu, maintenant, de nous parler d'hypothèses de votre part; je

9 voudrais que vous nous parliez de ce que vous savez à ce sujet. Est-ce que

10 quelqu'un en Serbie a pris part à la chose?

11 Réponse: Je ne suis pas au courant de contacts directs de qui que ce soit

12 de Serbie, de ce comité ou conseil chargé de la restauration de la

13 République de Dubrovnik, mais il est une logique dans la réflexion. Mais

14 je suis d'accord avec vous pour dire que, partant d'hypothèses, on ne

15 saurait faire le procès de qui que ce soit.

16 Question: Mais, Monsieur Poljanic, je ne suppose rien du tout. Ici, dans

17 ce texte, il y a un intitulé qui dit: "Mouvement chargé de la restauration

18 de la République de Dubrovnik"; et on dit "mouvement". En outre, on

19 ajoute, dans la version croate ou croato-serbe, serbo-croate, ou

20 maintenant croate… "Depuis cette République démocratisée et modernisée,

21 sous la protection des Républiques voisines et des Nations Unies. Donc on

22 dit "Protection des Républiques voisines et des Nations Unies". Mais,

23 comme vous le savez, la République de Serbie n'est pas une république

24 limitrophe avec Dubrovnik. C'est trop loin.

25 Est-ce que vous voyez quelque lien que ce soit entre la Serbie et les

Page 14479

1 événements de Dubrovnik?

2 Réponse: Vous le savez très bien, elle n'est pas limitrophe mais elle

3 aurait été limitrophe…

4 Question: Ecoutez, Monsieur Poljanic, nous y viendrons, s'agissant des

5 faits dont vous avez témoigné.

6 Donc personne originaire de Serbie, d'après vos connaissances, n'y a pris

7 part. Mais avez-vous eu des contacts quelconques, s'agissant de tous ces

8 événements à Dubrovnik, avec l'un quelconque des représentants de la

9 Serbie?

10 Réponse: Non. Les hauts responsables de la Serbie se promenaient dans

11 Dubrovnik à l'époque où j'étais président de l'assemblée municipale. Et à

12 l'occasion du témoignage du Président de la République de Croatie, M.

13 Mesic, vous avez dit, commentant une observation de sa part disant que bon

14 nombre de personnes venaient à Knin. Et il avait dit, lui, qu'il serait

15 bon s'il s'était présenté devant les représentants de la municipalité.

16 Mais ils ne se sont pas présentés pour venir me voir. Et l'une de ces

17 personnes, c'était vous.

18 Question: Mais comme vous le savez -et vous devez le savoir forcément-,

19 j'ai, pendant plus de 10 ans, passé mes vacances là-bas, j'y passais mes

20 vacances avec ma famille. Mais je n'étais pas dans l'obligation de

21 rencontrer des représentants de la municipalité.

22 Réponse: Je ne tenais pas du tout à vous rencontrer, mais je vous parle de

23 l'ordre des choses. Et je sais que vous aviez rencontré des personnes qui

24 vous convenaient. Mais ne perdons pas de temps sur ces sujets.

25 Question: Fort bien, Monsieur Poljanic. Mais je voudrais vous dire que

Page 14480

1 j'aimais beaucoup passer mes vacances à Dubrovnik. Et du moins, c'est la

2 chose notoirement connue à l'époque des événements, lorsque les premières

3 informations à ce sujet sont parvenues à moi; et j'étais à La Haye. Il y

4 avait Tudjman, il y avait Lord Carrington. Et j'ai condamné toute

5 intervention au niveau de Dubrovnik.

6 La Serbie, la direction de Serbie et moi-même, moi personnellement,

7 l'avons fait.

8 Je voudrais savoir si vous avez quelque connaissance que ce soit

9 concernant une corrélation quelconque que nous aurions, que j'aurais avec

10 les événements de Dubrovnik?

11 Réponse: Je crois qu'il a été suffisamment question de cela.

12 Question: Bien. Vous avez également parlé de l'attaque de la JNA sur

13 Dubrovnik. Puis vous avez dit que la JNA avait occupé ces territoires et

14 ainsi de suite. Je ne vais pas répéter ce que vous avez raconté pour ne

15 pas perdre de temps. Donc tous ces événements dont vous avez parlé sont

16 des événements datant de 1991, n'est-ce pas?

17 Réponse: Pas tous. Il y a eu des événements de 1992 également et certains

18 événements ont eu lieu même en 1995. Et le dernier des obus est arrivé de

19 Trebinje en 1995 et a tué trois jeunes gens sur la plage.

20 Question: Non, moi, je vous parle des événements qui ont fait l'objet du

21 gros de votre témoignage. De là à savoir si quelqu'un a tiré un obus en

22 1995 en provenance de Trebinje ou d'ailleurs, je ne veux pas m'aventurer

23 sur ce sujet-là.

24 Mais êtes-vous conscient de ce fait, à savoir du fait qu'en 1991, il

25 existait une RSFY et que l'armée populaire yougoslave se trouvait sur un

Page 14481

1 territoire yougoslave? Elle se trouvait donc sur son propre territoire à

2 l'époque de tous ces événements dont vous venez de nous donner

3 description, pour ce qui est des mois de septembre, octobre, novembre,

4 décembre 1991. Pendant tous ces événements dramatiques, cette armée se

5 trouvait sur son territoire?

6 Réponse: Mais êtes-vous conscient du fait que, le 21 juin, la Croatie a

7 proclamé son indépendance et cela n'est pas en contradiction avec la

8 Constitution à laquelle vous vous référez?

9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Poljanic, si vous me posez cette

10 question, je tiens à préciser que c'est moi, ici, qui pose des questions

11 et pas vous.

12 M. Poljanic (interprétation): Je vous ai répondu quand même.

13 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il faut mettre un peu

14 d'ordre dans ceci.

15 Monsieur Poljanic, je vous prie de vous concentrer sur les réponses que

16 vous avez à apporter aux questions. Mais l'un et l'autre, vous ne devez

17 pas perdre de vue que ce que vous dites l'un et l'autre doit être traduit.

18 M. Poljanic (interprétation): Le 25 juin, la Croatie a proclamé son

19 indépendance et, d'après la compréhension que nous en avions, conformément

20 à la Constitution de l'Etat dont vous parlez, à savoir la constitution de

21 la Yougoslavie, nous étions un Etat libre.

22 Question: Avez-vous pris lecture, étant donné que vous dites que cela

23 s'est fait de façon constitutionnelle -et quand je dis cela, j'entends la

24 sécession par la force de la République de Croatie-, avez-vous lu le

25 livre, ou avez-vous lu les textes rédigés par le président de cette Cour

Page 14482

1 illégale, de ce Tribunal illégal, le Président Cassese de l'époque, qu'il

2 n'y avait pas de fondement légal pour procéder à une sécession et que vous

3 l'avez fait de façon violente? Avez-vous lu cela?

4 M. Poljanic (interprétation): Je n'ai pas lu cela.

5 M. le Président (interprétation): Nous avons parlé de cela avec le témoin

6 précédent. Nous avons décidé de la pertinence de ce sujet et nous

7 demandons à ce témoin de parler de ce qui s'est passé. Il vient d'affirmer

8 que la Croatie était indépendante. Et si vous voulez vous attarder sur les

9 points légaux de cette question-là, je crois que vous pouvez le faire,

10 mais au moment opportun. Et il nous appartiendra de déterminer où se

11 trouve la vérité sur ce point de droit.

12 Continuons.

13 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vous avez expliqué que

14 c'est à partir du 1er octobre que l'on a ouvert le feu...

15 M. Poljanic (interprétation): Avant cela, vers le 15 septembre à peu près.

16 Mais s'agissant de la ville même, le 1er octobre, oui. Et sur Konavle.

17 Réponse: Ecoutez, j'ai noté ce que vous avez dit, je me réfère à ce que

18 vous avez dit. Nous n'allons pas analyser le moindre détail de ces choses-

19 là.

20 Question: Monsieur Poljanic, j'ai ici devant moi des constatations et des

21 conclusions formulées par l'assemblée de la République du Monténégro, le

22 Parlement du Monténégro. Je me réfère au 8 octobre 1991. Il y a eu une

23 session du parlement.

24 Savez-vous que le 1er octobre, il y a eu une session commémorative de la

25 direction de cette République en raison du décès de jeunes gens qui

Page 14483

1 s'étaient trouvés à la frontière du Monténégro et de la Croatie, et qui

2 ont été tués précisément par ces forces à vous, qui se trouvaient dans la

3 région de Dubrovnik?

4 Réponse: A la frontière?

5 Question: Oui, oui, à la frontière et sur le territoire du Monténégro. Et

6 ceci par des tirs qui ont été tirés de votre côté. Ils ont été tués donc

7 par des forces qui s'étaient trouvées sur votre territoire à vous.

8 Réponse: Je garantis et je suis prêt à signer que cela n'est pas vrai.

9 Question: Mais, écoutez, prenez les journaux.

10 Réponse: Je garantis et je signerai volontiers qu'aucun Monténégrin, aucun

11 Serbe sur le territoire du Monténégro n'a été tué du côté de la Croatie,

12 aucun.

13 Question: Ce 1er Octobre, il y a eu la commémoration.

14 Réponse: Donc ils ont été tués avant. C'est un mensonge! C'est un mensonge

15 pur et simple.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais partant des documents qui vous ont été

17 présentés tout à l'heure et qui disent tout à fait autre chose, qui disent

18 le contraire de ce que vous nous dites, ils disent…

19 Tenez, dites-nous si ceci est un mensonge: la guerre qui a eu lieu dans le

20 secteur frontalier du Monténégro avec la République de Croatie a été

21 imposée à l'armée populaire yougoslave par la République de Croatie; cette

22 guerre prouve que les menaces de la direction de l'Etat croate et les

23 prétentions territoriales de la Croatie à l'égard de la baie de Kotor et

24 des autres régions du Monténégro n'avaient pas été des menaces vaines. La

25 frontière du Monténégro et de la Croatie se trouve menacée par des

Page 14484

1 formations armées de la République de Croatie; c'est inexact aussi?

2 M. Poljanic (interprétation): C'est inexact. C'est inexact. A tel point

3 que je ne m'attendais pas à ce que vous présentiez de telles inexactitudes

4 ici.

5 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur Poljanic, veuillez ne

6 pas oublier que ce n'est pas matière à débat. Vous êtes ici au Tribunal,

7 je vous prie de répondre aux questions. Même si elles sont provocatrices,

8 répondez.

9 M. Poljanic (interprétation): Ce n'est pas vrai.

10 M. Milosevic (interprétation): Je suis en train de vous donner lecture des

11 conclusions du Parlement du Monténégro.

12 M. le Président (interprétation): Oui, et le témoin a dit que cela n'était

13 pas vrai. Il n'a pas dit que ce n'étaient pas des conclusions, mais il a

14 dit que ça n'était pas vrai. Allons de l'avant.

15 M. Milosevic (interprétation): Mais, bon, comme ceci n'est pas exact, donc

16 les prétentions territoriales ne sont pas vraies. Vous n'avez aucune

17 connaissance des prétentions territoriales de la part de la Croatie à

18 l'égard de la baie de Kotor de la Bosnie-Herzégovine? Rien du tout?

19 M. Poljanic (interprétation): Rien.

20 Question: Et vous êtes au courant de cette charte du mois de juin? Est-ce

21 que vous avez lu cette charte?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Qu'est-ce qu'on dit dans cette charte: le territoire de la

24 Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la baie de Kotor, et ainsi de suite?

25 Réponse: J'admets qu'il y a eu des maladresses ça et là, mais il n'y a pas

Page 14485

1 eu de véritables prétentions de la Croatie à l'égard de la baie de Kotor.

2 Il n'y en a pas eu et il n'y en a pas de nos jours non plus.

3 Question: Donc ce que vous admettez, ce que vous venez d'admettre, c'est

4 qu'il y a eu certaines prétentions?

5 Réponse: Je n'ai pas dit "prétentions", j'ai dit "maladresses".

6 Question: Bien, maladresses, disons, maladresses.

7 Mais serait-il exact de dire, comme on le dit dans ces conclusions, que le

8 Monténégro n'a pas une armée à soi? Et j'imagine que vous allez être

9 d'accord avec ce fait-là, mais les conscrits de cette République, partant

10 des dispositions de la législation fédérale que le Monténégro continue à

11 respecter et qui traduit son orientation fédérale yougoslave et sa

12 détermination à défendre les institutions de ses fédérations, prennent

13 part aux formations militaires de la JNA pour combattre les effectifs

14 oustachis. Donc le Monténégro appuie la sauvegarde de cette fédération

15 yougoslave, et dit que toutes les modifications de la Constitution doivent

16 se faire conformément à la loi?

17 Réponse: Il n'y a pas eu de forces oustachies sur le territoire de

18 Dubrovnik. Maintenant, de là à savoir ce qu'il y avait au Monténégro, je

19 n'en sais rien.

20 Question: Je suis en train de parler et vous pouvez contester ou admettre

21 un fait ou plusieurs faits: étant donné qu'il y a eu des attaques contre

22 le Monténégro, le Monténégro a entrepris des démarches; le Monténégro a

23 précisé qu'il n'avait pas une armée à soi. Le Monténégro a précisé que ses

24 réservistes avaient pris part aux effectifs de la JNA et qu'ils

25 respectaient la Yougoslavie et les institutions de cette Yougoslavie:

Page 14486

1 c'est une chose que vous devez savoir, tout de même? Et ils s'emploient en

2 faveur, bien sûr, d'une solution pacifique et non pas en faveur de la

3 violence.

4 Et comme vous venez de nous dire qu'il y a eu des maladresses, est-ce que

5 d'autre part, Monsieur Poljanic, la Serbie ou la République fédérale de

6 Yougoslavie, ultérieurement, a-t-elle, oui ou non, exprimé des prétentions

7 territoriales à l'égard de quelque partie que ce soit de votre territoire?

8 C'est une chose que vous savez ou pas?

9 Réponse: Je suis au courant. Parlons du sud de la Croatie maintenant, la

10 guerre au sud de la Croatie: on y est allé pour des prétentions

11 territoriales, et rien que pour ça à l'égard de la Croatie. Et dans cette

12 guerre au sud de la Croatie, il y a eu une armée serbe et monténégrine.

13 Maintenant, si vous allez la désigner comme étant yougoslave ou autre

14 chose, c'est une question de convention. Mais il y avait des soldats

15 serbes et monténégrins; je les ai vus de mes yeux: ils avaient des fusils,

16 une centaine d'entre eux avaient des fusils braqués vers moi à ces soi-

17 disant négociations.

18 Question: Monsieur Poljanic, il est très probable qu'ils aient été en

19 uniforme et avec des armes, mais comment saviez-vous qu'il s'agissait

20 seulement de Serbes et de Monténégrins? Il y avait peut-être un

21 Macédonien, un Bulgare, un Croate, un Hongrois, un Ruthène, un Musulman.

22 Et Dieu sait s'il y en a eu de ces représentants de différents groupes

23 ethniques dans la JNA!

24 Réponse: Et des insignes très variés.

25 Question: Vous aviez la JNA là-bas ou encore une armée là-bas?

Page 14487

1 Réponse: J'ai dit "d'autres insignes". J'ai dit qu'il avait des uniformes

2 de la JNA, mais avec des insignes variés. J'ai vu des étoiles à cinq

3 branches et j'ai vu des cocardes.

4 Question: Je ne crois pas qu'ils aient eu des cocardes, ils avaient des

5 étoiles.

6 Réponse: Oui, ils avaient cela; je l'ai vu.

7 Question: Fort bien, Monsieur Poljanic. Je ne peux pas, pour ma part,

8 affirmer ce que vous vu vous-même.

9 Réponse: Mais moi, je peux l'affirmer.

10 Question: Mais vous nous avez affirmé ici que, voilà, il y avait eu des

11 prétentions qui visaient à occuper Dubrovnik. Puis vous avez parlé de

12 Split, de Sibenik, de Zadar et ainsi de suite.

13 Réponse: Oui, en effet.

14 Question: Bien. Mais, Monsieur Poljanic, je veux bien, mais j'ai quand

15 même une certaine mémoire -et il y a des documents qui le disent-: n'en a-

16 t-il pas été à l'opposé, au contraire? N'est-ce pas dans les villes tout

17 au large de la Croatie qu'il y a eu des blocus de casernes de la JNA, des

18 sièges de ces casernes, coupures d'alimentation en eau et en électricité?

19 N'a-t-on pas ouvert le feu en direction de ces casernes de la JNA, vous

20 souvenez-vous? Et nous avons visionné, enfin, nous avons entendu les

21 conversations téléphoniques entre le secrétaire fédéral à la Défense

22 nationale de l'époque, M. Veljko Kadijevic, et le décès du Président de la

23 Croatie, M. Franjo Tudjman, où Kadijevic avait demandé à ce que l'on

24 respecte l'accord signé avec Lord Carrington à Igalo, où il souligne que

25 ce jour-là il y a eu des attaques très graves sur la caserne assiégée de

Page 14488

1 Sibenik. Il a demandé que l'on mette un terme à cela et que les gens de la

2 caserne puissent sortir.

3 Est-ce que vous vous souvenez de la chose? Donc qu'il a été tout à fait à

4 l'opposé, à savoir que l'armée ne s'est pas attaquée à Sibenik ou à Zadar,

5 mais qu'on s'était attaqué aux casernes et aux membres de la JNA, non pas

6 seulement à Sibenik, Zadar, mais tout au large de la Croatie. Vous en

7 souvenez-vous?

8 Réponse: Ce que vous nous avez dit n'est qu'en partie exact. Il y a eu des

9 sièges, mais la question qui se pose, c'est de savoir ce qui s'est passé

10 au préalable. Vous n'ignorez pas que les armes de la Défense territoriale

11 ont d'abord été sorties de la Croatie et, une fois que la Croatie a été

12 attaquée, il nous a fallu rechercher des possibilités pour ce qui était de

13 nous récupérer certaines armes au moins. Et en guise de conséquence, il y

14 a eu des blocus de casernes.

15 Mais nous n'avons pas attaqué Sibenik ou Split. C'est vous qui l'avez

16 attaquée. Ce n'est pas parce qu'on avait assiégé des casernes, ce n'est

17 pas nous qui avons attaqué Split, mais vous, vous avez attaqué parce que

18 vous aviez besoin de ces territoires-là et il n'y avait pas d'autres

19 raisons. Et à la tête de ce projet, il y avait vous.

20 Question: Bon, Monsieur Poljanic, vos commentaires, ça vous regarde. Mais

21 vous n'ignorez pas que cela avait été là un conflit entre vos unités

22 paramilitaires et l'armée yougoslave légale, légitime, avec ses unités,

23 ses garnisons tout au large de la Croatie. Et c'est ce que vous estimez

24 comme étant chose inexacte?

25 Réponse: Non, non, il ne s'agit en aucun cas d'un quelconque affrontement

Page 14489

1 entre nos paramilitaires et vos militaires réguliers. Il ne s'agissait pas

2 d'autre chose que d'une agression sur la République de la Croatie. Ce

3 n'était pas une guerre civile.

4 Question: Mais comment est-ce que la JNA aurait pu attaquer un territoire

5 sur lequel elle était présente depuis plus de 50 ans, Monsieur Poljanic?

6 Réponse: Allons-nous de nouveau reparler du 25 juin?

7 Réponse: Monsieur Poljanic, j'ai cru comprendre que vous étiez diplomate.

8 Vous avez servi à différents postes et dans différents pays, et je suppose

9 que vous connaissez les normes en vigueur, les normes les plus

10 élémentaires. Savez-vous quand la Croatie a été reconnue par les Nations

11 Unies?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-ce que c'était à la mi-1992?

14 Réponse: Ce n'était pas à la mi-1992, c'était le 15 janvier 1992. Et

15 ensuite, les autres l'ont reconnue également; et ensuite, le processus

16 s'est poursuivi.

17 Question: Mais nous savons comment les choses se sont développées. Vous

18 vous rappelez la reconnaissance de l'Allemagne qui a été décrite par Lord

19 Carrington comme un événement qui a sonné le glas des négociations, n'est-

20 ce pas?

21 Réponse: Qui a rédigé ce document? Je ne le sais pas. Mais ce qui est

22 important, c'est ce qu'il dit. Il y a plus de 12 pays qui ont reconnu la

23 Croatie, à l'époque.

24 Question: La Croatie a commis une sécession armée contre la Yougoslavie?

25 Réponse: De quoi parlez-vous lorsque vous parlez de sécession armée?

Page 14490

1 Question: Nous parlons du siège des casernes de la JNA, et de tout ce qui

2 s'est passé et que vous connaissez très bien. Tout ce qui concerne la

3 Croatie, les attaques des casernes de la JNA, les assassinats, est-ce que

4 ce sont de pures inventions?

5 Réponse: Je sais ce qui s'est passé au mois de mai à Plitvice, mai 1991.

6 Je sais également ce qui s'est passé à Borovo Selo, je sais ce qui s'est

7 passé à Vukovar aussi.

8 Question: D'autres ont témoigné au sujet de ces événements, donc nous

9 n'avons pas le temps de nous y consacrer très longtemps ce matin.

10 Réponse: Oui, nous parlons de cette période. Vous, vous parlez de la

11 période qui a suivi et moi, de celle qui a précédé. Je parle des causes,

12 vous parlez des effets.

13 Question: Très bien, Monsieur Poljanic.

14 Je vois que vous avez publié une proclamation qui figure dans le document

15 que j'ai ici entre les mains, selon laquelle les unités de la JNA étaient

16 dans votre ville depuis 20 jours. Proclamation adressée aux habitants de

17 Cavtat dans laquelle nous lisons qu'on vous dit depuis longtemps que vous

18 êtes les habitants de la région, que nous ne le sommes pas. Il y a un

19 appel à la coopération, un appel à l'arrêt des attaques contre l'armée, et

20 ainsi de suite.

21 Alors, est-ce que ceci vous paraît une preuve de bonne volonté ou pas?

22 Réponse: Non, c'est une preuve de perfidie.

23 Question: Ah! dans ce cas, très bien.

24 Vous avez parlé de ces attaques, de la violence, etc.; vous avez dit que

25 l'armée populaire yougoslave était l'une des armées les plus puissantes

Page 14491

1 d'Europe. Je ne sais pas à quel rang vous l'avez située, mais en tout cas

2 vous avez insisté sur ce que j'appellerais cet aspect des choses, n'est-ce

3 pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Par ailleurs, vous dites que vous n'aviez aucun moyen de

6 défense?

7 Réponse: En effet.

8 Question: Eh bien, dans ces conditions, si une force d'une telle puissance

9 n'avait ne serait-ce que l'intention de s'emparer de Dubrovnik, pourquoi

10 ne s'en est-elle pas emparée?

11 Réponse: Il est vrai que c'est encore aujourd'hui une question dont il est

12 permis de débattre et le nombre de réponses possible est important. L'une

13 de ces réponses consisterait à dire que cette armée aurait perdu un nombre

14 si important de soldats que je ne sais pas si elle aurait pu le justifier.

15 Disons par exemple, devant le Monténégro.

16 Par ailleurs, le fait que vous aviez besoin de Dubrovnik sans sa

17 population est un fait réel. On sait bien, et vous savez que Dubrovnik et

18 Konavle est un endroit pratiquement pur, sur le plan ethnique. Alors,

19 qu'est-ce que vous auriez fait d'un Dubrovnik et d'un Konavle, d'une

20 région de Konavle, peuplés de 80% de Croates?

21 Question: Ecoutez, je vous en prie…

22 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi avez-vous chassé 35.000 Croates?

23 M. le Président (interprétation): Laissez finir le témoin. Oui, veuillez

24 poursuivre, Monsieur le Témoin.

25 Non, Monsieur Milosevic, laissez finir le témoin.

Page 14492

1 M. Poljanic (interprétation): Qui a chassé 35.000 Croates de Dubrovnik?

2 Est-ce que c'est vous ou est-ce que c'est moi, ou l'un des dirigeants de

3 la ville, peut-être?

4 M. le Président (interprétation): Le témoin doit pouvoir terminer sa

5 réponse. Et je vous demanderai de ménager des pauses entre les questions

6 et les réponses pour les interprètes. Alors, répondez aux questions

7 lorsque vous êtes interrogé. Et si vous voulez ajouter quelque chose qui

8 est de votre cru, vous pouvez le faire après, en parlant des raisons pour

9 lesquelles vous ne vous êtes pas emparé de Dubrovnik.

10 M. Poljanic (interprétation): Je pense que j'ai répondu à la question,

11 mais je peux continuer. Mais je pense que ce que j'ai dit était déjà

12 important.

13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Poljanic, lorsque vous dites que

14 la Serbie est responsable, elle est trop loin, peut-être avez-vous vu une

15 armée qui est venue spécialement de Serbie pour attaquer Dubrovnik?

16 M. Poljanic (interprétation): Oui, je l'ai vue. Il y a de nombreux

17 documents qui en parlent.

18 Question: Des gens qui venaient de Serbie?

19 Réponse: Oui, je l'ai dit il y trois jours; et je les ai vus pendant

20 toutes ces journées à Dubrovnik, après le départ de l'armée. Ces documents

21 sont déposés au Tribunal; je les ai vus la semaine dernière et chaque fois

22 que je me suis trouvé ici.

23 Question: Je ne vous parle pas de l'armée dont vous parlez; je parle de

24 l'armée populaire yougoslave.

25 Réponse: Quel que soit le nom que vous souhaitiez lui donner, je parle de

Page 14493

1 celle de 1991. A ce moment-là, la plupart des soldats avaient inscrit leur

2 nom sur différents registres en disant d'où ils venaient et où ils

3 voulaient aller. Ils avaient dit quel était leur lieu de naissance.

4 M. Milosevic (interprétation): Je vois. Vous parlez des soldats de l'armée

5 populaire yougoslave?

6 M. Poljanic (interprétation): Oui, oui, du territoire de Serbie. Mais ces

7 soldats étaient originaires d'un peu partout en Yougoslavie.

8 M. le Président (interprétation): Je vais vous arrêter, tous les deux,

9 pour vous souligner encore une fois que les interprètes font une

10 observation: ils disent que vous seriez très aimables de ménager une pause

11 entre les questions et les réponses.

12 Donc, Monsieur Poljanic, je sais que, puisque vous parlez tous les deux la

13 même langue, la tentation est parfois forte de répondre sans délai à une

14 question, mais je vous demande de ménager une pause. Et, Monsieur

15 Milosevic, je vous demande la même chose.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais pour être tout à fait sincère, M.

17 Poljanic parle croate et moi, je parle serbe; mais, par un miracle de je

18 ne sais trop quelle sorte, nous nous comprenons. Nous nous comprenons

19 parce que nous avons vécu ensemble si longtemps!

20 Monsieur Poljanic, vous arrive-t-il de penser que, puisque la JNA était

21 une armée si puissante et qu'elle n'a pas pris Dubrovnik, il n'y avait

22 peut-être aucune intention de la part de qui que ce soit de s'emparer de

23 cette ville? Cette possibilité vous est-elle venue à l'esprit? Vous est-il

24 arrivé de penser qu'aucune intention de s'emparer de Dubrovnik n'existait

25 nulle part?

Page 14494

1 M. Poljanic (interprétation): Je pense que j'ai déjà répondu à cette

2 question.

3 M. Milosevic (interprétation): On vous a montré un document du

4 commandement des groupes opérationnels, signé de Miodrag Jokic. Et vous

5 l'avez qualifié d'ultimatum alors qu'on lit dans ce document -je cite-:

6 "transmettre et désarmer toutes les formations paramilitaires, le Corps

7 des gardes nationaux, comme il est convenu de l'appeler, ainsi que les

8 unités du MUP, de façon à revenir aux effectifs réguliers."

9 Et c'était quand? C'était en janvier 1991. J'insiste sur le premier accord

10 datant de l'époque où la République de Croatie, c'est-à-dire Tudjman, a

11 signé qu'il se conformerait à cela.

12 Est-ce qu'on ne vous a pas demandé de faire ce que Tudjman s'était engagé

13 à faire par écrit, avec signature, en janvier 1991, c'est-à-dire

14 démanteler le Corps des gardes nationaux et réduire la police, réduire les

15 effectifs policiers à ce qu'ils étaient en temps de paix?

16 M. le Président (interprétation): Veuillez remettre le document pertinent

17 au témoin. Intercalaire 40.

18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Eh bien, le témoin peut examiner ce

19 document. Ce qui est écrit dans ce document n'est pas contesté. Il y est

20 stipulé la nécessité de désarmer les civils de la région de Dubrovnik, de

21 transférer les anciens officiers de la JNA avec lesquels les relations

22 n'avaient pas été normalisées…

23 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, j'ai fait une erreur; il

24 s'agit de l'intercalaire 39, en fait: c'est cela, le document pertinent

25 que le témoin devrait avoir sous les yeux pour répondre à la question.

Page 14495

1 Bien, le témoin a reçu les documents. Quelle est votre question, Monsieur

2 Milosevic, je vous prie?

3 M. Milosevic (interprétation): Pensez-vous, Monsieur le Témoin, que ce

4 soit un acte criminel quelconque de voir une armée demander de telles

5 dispositions? Je parle des installations qui devraient être laissées à sa

6 disposition. Je ne parle pas de faits tortueux de quelque sorte que ce

7 soit; je parle de la restitution des équipements aux recrues qui en

8 disposaient auparavant, du désarmement des civils, ce qui signifie

9 désarmement des unités paramilitaires, et de tout ce qui menace la

10 sécurité dans la région; le désarmement des unités paramilitaires en

11 application d'un accord signé par Tudjman. Il a déclaré qu'il le mettrait

12 en vigueur le 21 janvier 1991.

13 Est-ce que l'armée demandait cela et est-ce qu'elle n'avait pas totalement

14 le droit, sur le plan légal, de vous demander d'agir de la sorte? En quoi

15 cela constituait un acte criminel d'une quelconque nature?

16 M. Poljanic (interprétation): J'ai déjà répondu à cette question, mais je

17 vais me répéter. A Dubrovnik, il n'y avait pas de formation paramilitaire.

18 Ce qui existait, c'était une armée légale et votre armée a même reconnu

19 cette armée un jour avant la rédaction de ce document. Il y était demandé

20 que le représentant de l'armée croate puisse participer aux négociations à

21 compter de ce jour. Et nous avons envoyé, en toute légalité, un

22 représentant de l'armée croate à ces négociations, le lendemain, à savoir

23 le 12 octobre. Il s'agissait de Anton…

24 (L'interprète n'a pas entendu le patronyme.)

25 Question: Donc il ne savait pas que c'était une armée légale?

Page 14496

1 Réponse: Oui, il le savait.

2 Question: C'est la raison pour laquelle ils ont écrit ce qu'ils ont écrit.

3 C'est la raison pour laquelle ils ont demandé à l'armée légale de

4 participer?

5 Réponse: Non, ils ont écrit cela pour se donner un alibi pour les attaques

6 ultérieures. Ils savaient que nous n'avions pas de formation

7 paramilitaire.

8 Question: Nous y viendrons à ce point, à ce que vous aviez et à ce que

9 nous n'aviez pas.

10 Vous avez dit avoir été reçu à ces négociations avec Jokic, n'est-ce pas?

11 Réponse: Non, ce n'est pas exact.

12 Question: Très bien, alors?

13 Réponse: Ma rencontre avec Jokic date d'un jour avant.

14 Question: J'ai écrit rapidement ce que vous avez dit au sujet de Jokic: le

15 11 octobre.

16 Réponse: C'est exact, en effet.

17 Question: Et vous alliez, entre autres, à ces réunions avec un interprète,

18 n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, mais pas parce que nous parlions des langues différentes,

20 mais en raison des observateurs, des Casques bleus.

21 Question: Très bien, c'est ce que je voulais établir. Donc ce que vous

22 disiez il y a un instant, c'est que des observateurs sont tombés du ciel,

23 soudainement apparus sur les lieux, et qu'autrement vous auriez été tués,

24 n'est-ce pas? Ces observateurs, je suppose, Monsieur Poljanic, assuraient

25 votre sécurité et j'espère que vous n'allez pas contester qu'ils étaient

Page 14497

1 là avec l'autorisation des autorités yougoslaves et de l'armée populaire

2 yougoslave, et qu'ils se déplaçaient dans cette région qui était sous le

3 contrôle de l'armée? Est-ce que vous contestez ce point?

4 Réponse: Je n'exclus pas cela, mais j'affirme que nous ne savions pas

5 qu'ils allaient arriver. Ils sont apparus soudainement, mais je n'en

6 savais rien. Je l'ai dit il y a un instant, je le répète maintenant, je

7 l'ai déjà dit trois fois. C'est une bonne chose qu'ils soient apparus,

8 comprenons-nous bien.

9 Question: Et ils avaient un interprète parce qu'ils ne s'attendaient pas à

10 l'arrivée des observateurs?

11 Réponse: Ils sont arrivés très tard, mais laissons cela de côté pendant un

12 instant. Nous en avons parlé à plusieurs reprises. Nous pouvons y revenir

13 dans quelque temps.

14 Question: Non, j'ai très près peu de temps à ma disposition pour vous

15 interroger; donc je vais m'efforcer de me concentrer sur ce qui est

16 important et d'avancer le plus possible.

17 Vous avez dit que les habitants de Dubrovnik étaient très heureux de voir

18 les modifications qui étaient intervenues, c'est-à-dire le fait qu'un pays

19 communiste était devenu un pays libre, cette évolution-là?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Estimez-vous que la Yougoslavie, avant la guerre, était un pays

22 qui n'était pas libre?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Très bien. Comme vous le dites, un certain nombre de Serbes ont

25 participé à la création d'une section du Parti démocratique serbe, qui

Page 14498

1 préconisait un nationalisme et une ligne très dure.

2 Comment est-ce que vous établissez un lien entre cela et ce que vous dites

3 avant, c'est à dire que la plupart des Serbes ont voté en faveur de la

4 Ligue communiste yougoslave?

5 Réponse: Eh bien, parce que nous étions réellement un pays démocratique,

6 nous n'avons pas oublié ce fait, même s'il y avait des commentaires très

7 malveillants et des chansons très malveillantes qui étaient chantées

8 également, comme "Allez, vas-y, Slobo, envoie-nous la salade, il y aura de

9 la viande, nous égorgerons les Croates". (Fin de citation.)

10 Voilà quelles étaient les paroles de ce chant.

11 Question: Vous ne connaissez pas ce chant?

12 Réponse: Oui, je le connais, il dit que "l'on va égorger les Croates".

13 M. Milosevic (interprétation): Je ne connais pas ce chant.

14 M. Poljanic (interprétation): Eh bien, c'est un chant qui était chanté par

15 de très nombreuses personnes.

16 M. le Président (interprétation): Ne perdez pas de vue la présence des

17 interprètes et leur travail!

18 M. Poljanic (interprétation): Nous avions de telles dispositions

19 démocratiques que le Président du SDS était assez souvent présent aux

20 négociations avec nous, à ces pourparlers.

21 Question: Pourquoi pas?

22 Réponse: Eh bien, je me demande pourquoi pas. Quelles que soient les

23 réalités qui ont suivi, c'est ce que nous avons fait et nous avons été

24 assez larges d'esprit sur ce point.

25 Question: Estimez-vous que le HDZ, de 1989 et 1990, n'était pas un parti

Page 14499

1 nationaliste?

2 Réponse: Selon moi, c'était un parti assez nationaliste et je dirais que

3 son programme était acceptable.

4 Question: Très bien, très, très bien.

5 Comme vous l'avez déjà dit, vous aviez une activité politique par le passé

6 et vous avez été élu, n'est-ce pas, au poste que vous occupiez?

7 Réponse: Non, j'ai passé pas mal de temps à l'hôpital.

8 Question: Mais il y avait des slogans qui étaient écrits un peu partout à

9 Dubrovnik, selon lesquels "les Serbes et les chiens ne pouvaient pas

10 pénétrer à tel ou tel endroit. Nous vous jetterons dans les puits", des

11 slogans de ce genre.

12 Réponse: Je ne sais rien à ce sujet.

13 Question: Les Serbes ont-ils commencé à quitter Dubrovnik à ce moment-là?

14 Réponse: Non.

15 Question: Et savez-vous ce qui suit? Selon un rapport d'Amnesty

16 International, que j'ai sous les yeux, il est question de Veljko Zecevic

17 et vous auriez également parlé d'autres personnes, Milenko Reljic et

18 autres, qui ont quitté Dubrovnik?

19 Réponse: C'est exact.

20 Question: Qui est Veljko Zecevic?

21 Réponse: C'est un de mes voisins, nos maisons sont à 20 mètres de

22 distance. Pendant un certain temps, il a présidé un tribunal. C'est un

23 homme âgé. Nous avions de bonnes relations à un certain moment. Il est

24 vrai qu'un procès a été engagé contre lui à un certain moment, mais il a

25 été déclaré non coupable.

Page 14500

1 Question: Bien. Il y a un rapport d'Amnesty International qui déclare -et

2 c'était la même époque- qu'il a été arrêté en raison d'accusations selon

3 lesquelles il aurait créé un parti démocratique yougoslave indépendant? Un

4 parti yougoslave, je souligne.

5 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, à cette époque, il n'a pas été

6 arrêté. Je ne voudrais pas le dire avec une pleine certitude, mais je

7 pense qu'il a été arrêté à Zagreb. A quel moment exactement, je n'en sais

8 rien. Mais disons que les charges retenues contre lui ont été levées.

9 Question: Et 12 autres personnes de Dubrovnik, des Serbes ou des

10 Monténégrins, comme il est écrit ici, originaires de Dubrovnik. Vous avez

11 entendu parler de Milenko Reljic et de Jovan Pejovic?

12 Réponse: Je les connais tous les deux.

13 Question: Il y en a un qui est plus vieux que l'autre. Quand est-ce que

14 cela a été écrit? Un peu avant, je crois.

15 Réponse: Le plus âgé était un avocat très connu à Dubrovnik depuis des

16 années. Je ne sais pas où il est aujourd'hui mais je le connais très bien.

17 Question: Savez-vous que, dans ce même rapport d'Amnesty International,

18 Milenko Reljic a été accusé par les autorités croates, en même temps que

19 Veljko Zecevic et un autre avocat, un certain Jovan Popovic, qui a été

20 arrêté par les autorités croates et mis en accusation?

21 Réponse: Pour autant que je le sache, Reljic a été arrêté et remis en

22 liberté pour acquittement. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Quant à

23 Pejovic, je ne sais pas exactement ce qui lui est arrivé; je le répète.

24 Question: Mais qu'en est-il de Zecevic?

25 Réponse: Zecevic, c'est vrai, il a été arrêté, mais relâché également. Je

Page 14501

1 l'ai déjà dit également.

2 Question: Cela n'a pas d'importance, mais ce que vous dites, c'est que

3 vous estimez qu'il n'y avait pas de raison pour que ces personnes soient

4 arrêtées?

5 Réponse: En effet, j'estime qu'il n'y avait pas de raison. Et, si vous le

6 souhaitez, je peux vous dire que j'ai entendu dire que M. Zecevic n'avait

7 rien de très bon à dire au sujet des autorités de l'époque, à partir de

8 1990.

9 Question: Vous parlez bien de cette époque?

10 Réponse: Je pense que tout cela s'est passé plus tard.

11 Question: Je vois.

12 Réponse: C'est ce que je pense.

13 Question: Mais il est écrit ici qu'il a été arrêté en décembre 1992?

14 Réponse: Non, en fait, c'était en décembre 1992 qu'il a été mis en

15 accusation. Je pense qu'il a été arrêté beaucoup plus tard.

16 Question: Paragraphe 2, nous lisons: "Un Serbe ou un Monténégrin,

17 originaire de Dubrovnik, deux co-accusés, Jovan Popovic, âge 37 ans,

18 Milenko Reljic, âge 70 ans, sont tous deux avocats." Et nous lisons par la

19 suite: "Nous serons sans doute les seuls accusés présents au procès. Ils

20 sont actuellement en état d'arrestation." Les autres se seraient enfuis.

21 Donc ils étaient en prison déjà avant la mise en accusation, et la mise en

22 accusation s'est faite le 12 décembre.

23 Réponse: Je pense qu'il y a une erreur ici. Je crois qu'il a été mis en

24 prison beaucoup plus tard.

25 Question: Ecoutez, je vous interroge sur le point suivant, dans un certain

Page 14502

1 contexte. Selon vous, quand le HDZ est arrivé au pouvoir et a commencé à

2 persécuter les Serbes?

3 Réponse: Le HDZ n'a commencé aucune persécution des Serbes à Dubrovnik.

4 C'est un mensonge.

5 Question: Je suis d'accord qu'il n'a pas commencé à le faire à Dubrovnik,

6 mais à d'autres endroits?

7 Réponse: Je n'ai pas entendu parler de cela.

8 Question: Les Serbes ont-ils subi des discriminations à Dubrovnik?

9 Réponse: Non.

10 Question: Y a-t-il eu des licenciements de Serbes dans la police, par

11 exemple?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Pour quelles raisons?

14 Réponse: Eh bien…

15 Question: Ce n'est pas une discrimination de licencier quelqu'un?

16 Réponse: Non, ce n'est pas un licenciement. N'ont été licenciés que ceux

17 qui ont refusé de revêtir l'uniforme de la police croate.

18 Question: Bien, ils ont été licenciés. Le seul motif que vous invoquez est

19 celui que vous venez de citer?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Dites-moi, je vous prie, combien de maisons appartenant à des

22 Serbes ont été détruites à Dubrovnik?

23 Réponse: Je crois que nous en avons déjà parlé la semaine dernière. Vous

24 m'avez accusé -enfin ce n'est pas vous qui m'avez accusé, mais votre

25 gouvernement et les journaux ont parlé de cela-, j'ai donc été accusé dans

Page 14503

1 le journal "Politika", je crois. A la une ou en page 2, on pouvait lire:

2 "Poljanic a détruit 400 maisons à Dubrovnik." C'était simplement un

3 mensonge. D'ailleurs, sur ces 400, il n'y avait pas que des maisons

4 d'habitation, mais uniquement quelques-unes. Nous avons, lorsque nous

5 sommes arrivés en 1990, hérité de 7.000 constructions, et ce, des

6 constructions construites sans permis de construire. Il y avait toutes

7 sortes de constructions dans ces constructions. Cela allait du poulailler

8 à la maison d'habitation, je l'ai déjà dit. Il y en avait une soixantaine

9 qui étaient davantage des poulaillers qu'autre chose. Et ces constructions

10 ont été légalisées sur la base des critères en vigueur à l'époque, dans

11 les dispositions légales de Croatie, et il y en a qui ont été démolies. Ce

12 n'étaient pas simplement des maisons appartenant à des Serbes, mais

13 également des constructions appartenant à des Croates et à des Musulmans.

14 Ça, c'est certain.

15 Question: Très bien, Monsieur Poljanic.

16 Réponse: Oui, c'est ainsi que cela s'est passé et vous le savez, je l'ai

17 déjà dit.

18 M. Milosevic (interprétation): Tout ce que je vous ai demandé, c'est si

19 des maisons ont été détruites, et vous prétendez qu'il n'y en a pas eu de

20 détruites.

21 M. Poljanic (interprétation): Ce que nous vous disons est la vérité. Il y

22 avait des constructions détruites, mais elles l'ont été de la façon que je

23 viens de décrire.

24 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre.

25 Ce que le témoin vient de dire, c'est que des maisons n'ont pas été

Page 14504

1 détruites, qu'il n'y avait aucun motif discriminatoire derrière tout cela,

2 mais que ce qui a été détruit l'avait été parce que cela avait été

3 construit sans permis de construire, donc illégalement. C'est ce que le

4 témoin a dit, il l'a déjà dit avant et il l'a répété aujourd'hui.

5 Maintenant, si vous avez des éléments de preuve démontrant le contraire,

6 vous pouvez appeler vos témoins pour les présenter, Monsieur Milosevic,

7 mais il ne sert à rien de poursuivre la discussion sur ce point.

8 Monsieur Poljanic, veuillez nous aider sur le point suivant, je vous prie.

9 Un rapport d'Amnesty International vous a été soumis dans lequel il a été

10 indiqué que 12 Serbes ou Monténégrins de Dubrovnik ont été arrêtés par les

11 autorités en décembre 1992.

12 Je pense que vous convenez que ces personnes n'auraient pas dû être

13 arrêtées, mais vous n'avez pas beaucoup de détails à leur sujet. C'est ce

14 que j'ai cru comprendre dans votre déposition sur ce point.

15 Pouvez-vous nous aider sur le point suivant: que savez-vous de toute cette

16 affaire en général?

17 M. Poljanic (interprétation): Tout ce que je sais, c'est ce qui est arrivé

18 à Velimir Zecevic qui, comme je l'ai déjà dit, était mon voisin, président

19 du tribunal pendant longtemps, qui, effectivement, a été arrêté et ensuite

20 remis en liberté. Il y en a certains qui ont été mis en examen, d'autres

21 qui ont été arrêtés, d'autre qui ont été jugés sans être emprisonnés. Sur

22 toute cette affaire, la seule chose que je sais, et je répète que je ne

23 crois pas que cela se soit passé en 1992 mais plus tard, mais enfin, bon,

24 puisque je ne me rappelle pas la date exacte…

25 M. Milosevic (interprétation): Vous avez sous les yeux le rapport.

Page 14505

1 M. Poljanic (interprétation): Je le vois, je le vois, je le vois.

2 Il s'agissait de personnes qui, à ce moment-là, ont été mises en examen

3 pour collaboration avec l'autre partie.

4 Quel était le degré de leur culpabilité, je ne peux pas l'affirmer.

5 S'agissant de M. Zecevic, manifestement, il n'y avait aucune réalité dans

6 ses accusations puisqu'il a été en liberté. Donc je peux parler de lui

7 mais pas des autres. Ce Jovan Popovic, par exemple, je ne sais pas qui

8 c'est. Miljan Karalic, je le connais, je sais qu'il n'est pas à Dubrovnik,

9 mais les autres je ne les connais pas.

10 Question: J'aimerais que nous avancions, si c'est possible.

11 Vous prétendez dans votre déclaration que la JNA a tiré sur les villages

12 avoisinants un peu partout, en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro.

13 Réponse: Je n'ai pas entendu votre question, j'avais enlevé les écouteurs.

14 Pouvez-vous répéter?

15 Question: Eh bien, écoutez, j'ai le texte ici. Vous dites que "la JNA a

16 tiré sur les villages, sur ses propres villages en Bosnie et au

17 Monténégro". Cela n'a aucun sens.

18 Réponse: Ecoutez, j'espère que nous allons pouvoir nous entendre si votre

19 question est bien comprise par vous et par moi.

20 Avant le début de la guerre, c'est-à-dire au début de juillet et jusqu'en

21 septembre, l'armée dont vous parlez, à savoir la JNA, si nous nous

22 entendons bien sur sa dénomination, était une armée qui de facto a tiré

23 sur des villages monténégrins; elle a tiré sur des villages de la régions

24 de Konavle. Mais le public, lui, a été informé qu'il n'y avait pas eu de

25 tir. Alors, il ne reste personne qui aurait pu tirer dans ces conditions.

Page 14506

1 Et il a été dit très clairement à la radio et dans les journaux que les

2 mercenaires croates, des Kurdes et des Oustachis, et toutes sortes de

3 termes utilisés par vous, ont tiré sur des gens au Monténégro, qui ensuite

4 auraient marché sur Dubrovnik. Alors que, pour ma part, je prétends qu'il

5 n'y a pas eu une seule balle tirée depuis Konavle vers le Monténégro. Je

6 l'affirme en toute responsabilité, je suis prêt à signer: pas une seule

7 balle. Même pas une balle de revolver et encore moins une balle de fusil

8 automatique ou d'autre arme militaire.

9 M. Milosevic (interprétation): Non, Monsieur Poljanic...

10 M. le Président (interprétation): Nous sommes arrivés à l'heure de la

11 pause. Mais avant la pause, Monsieur Milosevic, demandez-vous le versement

12 au dossier du rapport d'Amnesty International?

13 M. Milosevic (interprétation de l'anglais): Oui, vous pouvez l'avoir.

14 M. le Président (interprétation): Eh bien, qu'il en soit fait ainsi.

15 Monsieur Nice, vous voulez la parole?

16 M. Nice (interprétation): Non, non, non. Cela n'a rien à voir avec le

17 versement de ce document au dossier. Je reprendrai la parole juste avant

18 la pause.

19 M. le Président (interprétation): Nous admettons ce document. Qu'une cote

20 soit donnée à ce document.

21 Mme Anoya (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 71,

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.

24 M. Nice (interprétation): Rien à voir avec la déposition de ce témoin. Il

25 semble évident que nous ne discuterons de procédure qu'à la troisième

Page 14507

1 partie de notre audience de ce jour, des documents supplémentaires dont

2 j'espère qu'ils seront très utiles pour la Chambre; j'aimerais les

3 distribuer. Et comme, entre maintenant et le moment de la distribution de

4 ce document, il y aura deux pauses, je propose en fait qu'ils soient

5 distribués immédiatement de façon à ce que chacun puisse en prendre

6 connaissance.

7 Nous les avons ici ces documents. Ils sont des éléments de preuve très

8 systématiques. Il y en a un pour le Kosovo qui est dans le dossier, un

9 pour la Croatie qui, je crois, est également dans le classeur. J'aimerais

10 en demander la distribution immédiatement, car cela peut être utile pour

11 chacun d'y jeter un coup d'oeil avant leur mention au cours de l'audience.

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 (Intervention de l'huissière.)

14 M. le Président (interprétation): 20 minutes de pause.

15 (L'audience, suspendue à 10 heures 34, est reprise à 10 heures 53.)

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

17 M. Milosevic (interprétation): Donc, Monsieur Poljanic, si j'ai bien

18 compris, vous avez affirmé une chose plutôt incroyable, à savoir que la

19 JNA avait tiré sur le territoire du Monténégro. Les huit personnes qui ont

20 été tuées à la frontière des trois Républiques et au sujet de la

21 commémoration du 1er octobre, ce n'était pas des gens qui ont été tués par

22 vos effectifs mais par la JNA?

23 M. Poljanic (interprétation): Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que s'il y

24 avait des tués, j'ai affirmé que c'étaient des gens qui étaient tués sur

25 le territoire de la Croatie par des soldats serbes ou monténégrins. Mais

Page 14508

1 il n'est pas question de dire que ce sont des nôtres qui ont ouvert le feu

2 pour les tuer alors qu'ils se trouvaient du côté monténégrin; je n'ai

3 jamais dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que nos gens à nous n'ont pas tiré

4 une seule balle en direction du Monténégro; c'est ce que j'ai dit. Et les

5 morts que vous mentionnez, les huit, je veux bien y croire mais, s'ils

6 sont tombés, ils sont tombés dans le courant de combats qui ont eu lieu

7 sur le territoire croate, non pas à la frontière, mais en plein territoire

8 croate.

9 Question: Et ceux qui ont été tués à Ravno, ce n'était pas vos effectifs à

10 vous, parce que vous dites que ce n'était pas sur le territoire de la

11 municipalité de Dubrovnik?

12 Réponse: Pour ce qui est des morts à Ravno à l'époque, je n'en savais

13 rien. Je l'ai dit dans la déclaration préalable et je le dis à présent. Je

14 ne sais pas qu'il y a eu des combats quelconques là-bas. Ce que ce que je

15 sais, c'est que Ravno par la suite a été rasée de la surface de la terre.

16 Cela a été littéralement rasé, il n'est pas resté une seule maison.

17 Question: Bon, bon. Dites-moi, Monsieur Poljanic, est-ce que, au cours des

18 événements pour lesquels vous êtes venu témoigner ici, Dubrovnik a

19 disposé, oui ou non, de moyens d'information, de médias pour informer les

20 citoyens de ce qui se passait?

21 Réponse: Oui, il y avait Radio Dubrovnik.

22 Question: Et aviez-vous un journal?

23 Réponse: Un journal?

24 Question: Oui!

25 Réponse: Le "Dubrovacki Vjesnik" qui ne sortait pas à l'époque, et il y

Page 14509

1 avait le journal organisé par Lang… Je ne sais plus comment il s'appelait.

2 Lang, L-A-N-G. Je ne sais plus, je ne me souviens plus comment ça

3 s'appelait.

4 Question: Bon.

5 Réponse: Vous saviez que nous n'avions pas d'imprimerie, parce que votre

6 armée a emporté…

7 Question: Je ne sais pas si l'armée a emporté ou pas.

8 Réponse: Elle a tout emporté.

9 Question: Aviez-vous une espèce d'édition de guerre de "Dubrovacki

10 Vjesnik"?

11 Réponse: Oui, en quelque sorte.

12 Question: Bien, mais comme vous étiez maire à l'époque, vous deviez

13 -j'imagine- être intéressé par la possibilité de fournir à l'opinion

14 publique de Dubrovnik des informations exactes et en temps utile. C'était

15 bien votre intention?

16 Réponse: Oui, en effet.

17 Question: Vous avez donc fait cela par le biais de cette publication de

18 temps de guerre du journal "Dubrovacki Vjesnik"?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que ces informations étaient fiables?

21 Réponse: Toutes les informations que nous avions communiquées étaient tout

22 à fait fiables.

23 Question: Fort bien. Etant donné que, dans votre déclaration préalable

24 devant les enquêteurs et en témoignant ici, vous avez déclaré que la JNA

25 s'était attaquée à une région qui était pratiquement non défendue, région

Page 14510

1 de Dubrovnik il s'entend, qu'elle s'était attaquée à une population

2 dépourvue d'armes. Et comme vous venez de nous dire que vous aviez, à

3 l'époque, fourni des informations tout à fait fiable à "Dubrovacki

4 Vjesnik, Edition de guerre". Je parle du 5 octobre 1991 jusqu'au 4

5 janvier 1992, c'est ce qui figure entre parenthèses; je vais vous citer le

6 texte du 1er mars… ou plutôt le 1er octobre 1991, je me reprends.

7 C'est ce que dit "Dubrovacki Vjesnik"?

8 Réponse: Oui.

9 Question: En page 1, on dit: "Dans les combats avec l'ennemi, il est tombé

10 450 soldats ennemis. Et nous apprenons, de sources fiables, qu'il y a plus

11 de 1.000 blessés. Il a été détruit 2 avions de l'ennemi, 3 chars, 2

12 blindés de transports de troupes, plus de 10 camions et autres véhicules.

13 Il a été emprisonné ou se sont rendus bon nombre de soldats, de

14 réservistes. Et il a été saisi une grosse quantité d'équipement

15 militaire".

16 Et vous dites: "Dans nos effectifs, il y a eu 6 morts, 5 blessés et ainsi

17 de suite". (Fin de citation.)

18 Cette partie-là est très courte. Non, "75 blessés, etc."

19 Et puis, vous dites "450 soldats ennemis ont été tués, plus de 1.000 ont

20 été blessés. Il a été détruit 2 avions, 3 tanks, 2 blindés de transports

21 de troupes et plus de 10 camions".

22 Mais dites-moi, s'il vous plaît, comment ce peuple sans arme à Dubrovnik a

23 pu tuer 450 soldats lourdement armés, comment il a abattu 2 avions,

24 comment il a détruit ces chars et ces camions et ainsi de suite, chose qui

25 a été publiée?

Page 14511

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, cela dépend de la

2 source des informations, pour ce qui figure dans le texte. Mais un moment.

3 Avez-vous une copie de ce texte-là?

4 M. Milosevic (interprétation): C'est une copie de "Dubrovacki Vjesnik",

5 journal qui était publié à l'époque; et on dit "Edition de guerre, 1er au

6 5 octobre 1991".

7 M. le Président (interprétation): Mais avant qu'il ne réponde, montrez

8 cela au témoin pour savoir d'où vous tirez votre question, et il pourra

9 peut-être classer la chose dans un contexte; et qu'il sache donc de quoi

10 il s'agit.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 C'est ce qui serait équitable de faire.

13 M. Milosevic (interprétation): J'ai marqué, j'ai surligné en rouge.

14 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur Poljanic, penchez-vous

15 sur ce texte-là et donnez-nous une réponse.

16 M. Milosevic (interprétation): J'ai surligné en rouge ce que j'ai cité,

17 mais vous pouvez prendre lecture de tout ce que vous voudrez.

18 M. Poljanic (interprétation): Ce que je tiens dans la main, c'est la

19 première fois que je le vois. Je ne sais pas d'où cela sort. Je ne sais

20 pas du tout qui a imprimé la chose.

21 Le fait est que jusqu'au 5 octobre, nous n'avons certainement pas abattu 2

22 avions, il est certain que nous n'avons pas tué 450 hommes; ça, vous le

23 savez aussi. Et ce que je puis dire, c'est que la première fois de ma vie

24 que je tiens ce papier dans les mains. Je n'ai jamais vu cela. Je ne sais

25 pas comment cela a été imprimé.

Page 14512

1 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Poljanic, n'avez-vous pas

2 affirmé tout à l'heure que vous aviez, et ce à Dubrovacki Vjesnik, imprimé

3 la chose et que les faits qui étaient publiés étaient exacts?

4 Réponse: C'est que ce que j'ai dit, mais je vous ai dit que ce que j'ai en

5 mains actuellement, c'est la première fois que je le vois, c'est la

6 première fois que je le tiens en ma main et je ne sais pas comment ceci a

7 pu être rédigé. Les faits disent le contraire.

8 Question: C'est ce qui a été publié, c'est un fait.

9 Réponse: Je ne sais ce pas si cela est un fait.

10 Question: C'est votre journal, ce n'est pas le mien.

11 Réponse: Je ne sais pas si c'est notre journal.

12 Question: Donc je vais vous donner ce numéro de Dubrovacki Vjesnik,

13 "Edition de guerre n°2, le 6 octobre 1991". Listopad, c'est le mois

14 d'octobre, n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui, en effet.

16 Question: Dans la région de Konavle, l'ennemi a réussi à faire une percée

17 au char jusqu'à Raducici, mais ils ont souffert de grosses pertes en

18 hommes et en matériel technique. Parmi les morts, si l'on en croit Radio

19 Belgrade, "il y a Krsto Juric, le commandant de la région militaire de

20 Boka et on a blessé grièvement le lieutenant-colonel Jevrem Cokic, qui est

21 coupable de la destruction de Konavle et de Zupa Dubrovacka. Les

22 défenseurs courageux ont fait tomber, ont abattu leur hélicoptère alors

23 qu'il survolait le secteur de l'aéroport." (Fin de citation.)

24 Par conséquent, écoutez, penchez-vous sur le segment de texte dont je

25 viens de vous donner citation. Est-ce que c'est là aussi la première fois

Page 14513

1 que vous voyez cet exemple-là de votre journal Dubrovacki Vjesnik?

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Réponse: Pareil, mais je crois devoir dire que le 4 octobre, l'amiral

4 Djurovic est effectivement mort. Je crois que nous avons parlé des

5 circonstances l'autre jour, il n'est point nécessaire d'en parler à

6 présent. Pour ce qui est des autres faits avancés ici, je n'en ai aucune

7 idée.

8 Question: Bon.

9 Réponse: Il est écrit également, et chose que vous n'avez pas citée tout à

10 l'heure, hier soir, le 5 octobre, on a tiré sur Ploce à partir d'une

11 canonnière de la marine. On a détruit plusieurs maisons, une dizaine

12 d'automobiles et l'écrivain Milan Milicic, qui a à peu près mon âge ou qui

13 avait un an de moins, un homme magnifique -c'était un Serbe d'ailleurs-,

14 est tombé suite à un pilonnage de votre part. Et vos journaux ont dit que

15 nous l'avions tué. Alors sa femme qui est originaire de Belgrade est allée

16 là-bas et a affirmé, elle a dit: "Ecoutez, ce n'est pas eux qui l'ont tué,

17 c'est les nôtres qui l'ont tué". Et donc certaines de ces données-là sont

18 exactes.

19 Question: Donc ce qui ne vous convient pas n'est pas exact, ce qui

20 convient est exact?

21 Réponse: Oui, Krsto Djurovic, c'est exact: il est tombé, je crois, le 4

22 octobre. Pour ce qui est du reste, je n'en sais rien.

23 Question: Mais, Monsieur Poljanic...

24 Réponse: Oui?

25 Question: L'autre jour...

Page 14514

1 Réponse: Oui?

2 Question: Vous nous avez expliqué ici...

3 Réponse: Quoi?

4 Question: Vous nous avez dit que la JNA a ouvert le feu en direction de

5 son hélicoptère et que Djurovic est tombé de cette façon-là. Il était dans

6 un hélicoptère, le général de division -le papier que vous avez sous les

7 yeux et que je n'ai plus sous les yeux-, qui était commandant de l'armée

8 sur ce secteur-là. Donc c'était un capitaine de vaisseau de guerre, ce qui

9 est, si vous voulez, un colonel dans l'armée de terre: c'était ce M.

10 Djurovic. Et vous avez affirmé l'autre jour que c'est la JNA qui l'a tué

11 parce qu'il n'avait pas voulu s'attaquer à Dubrovnik. Et il avait donc été

12 tué par les siens.

13 Réponse: Je n'ai pas affirmé que c'était la JNA qui avait ouvert le feu en

14 direction de l'hélicoptère, je n'ai pas dit que quiconque avait ouvert le

15 feu vers l'hélicoptère, j'ai dit que personne des rangs de notre armée n'a

16 tué le général Djurovic et j'affirme de nos jours encore que cela est

17 exact. Mais, d'après les renseignements de nos services de renseignement

18 et non seulement de nos services de renseignement, j'ai pu dire ce que

19 j'ai dit l'autre jour.

20 Question: Donc c'est en vertu des renseignements de vos services de

21 renseignement?

22 Réponse: J'ai dit qu'il n'y avait pas qu'eux.

23 M. Milosevic (interprétation): Et vous avez dit que vous aviez tiré.

24 M. Poljanic (interprétation): Je n'ai pas dit qu'on avait ouvert le feu en

25 direction de l'hélicoptère. Je n'ai pas dit non plus qu'il avait péri

Page 14515

1 suite au tir contre l'hélicoptère. Le fait est qu'il est mort.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, avez-vous d'autres

3 questions à poser au sujet de ces extraits de ce journal? J'imagine que

4 vous voulez présenter ces documents-là comme pièce à conviction?

5 M. Milosevic (interprétation): Oui, vous pouvez les verser au dossier.

6 Mais autre chose encore: je vous prie de vous pencher sur le 7 octobre.

7 Vous dites: "Les pertes de l'ennemi au cours des dernières 24 heures

8 disent plus de 60 morts, 110 blessés, 2 prisonniers. Il s'est rendu 23

9 soldats et on a détruit un vaisseau, une canonnière de la marine de guerre

10 et je ne sais combien de véhicules, je ne sais pas si c'est 3 ou 5, un

11 hélicoptère et 10 camions". C'est la date du 7 octobre. Et ce que vous

12 avez là, ce sont là également des renseignements.

13 M. Poljanic (interprétation): C'est si cela est exact, je ne sais pas qui

14 serait resté vivant du côté adverse. Vous savez que les renseignements

15 officiels du Monténégro mentionnent 150 morts sur le secteur de guerre de

16 Dubrovnik.

17 Question: Oui, mais du Monténégro; la JNA, ce n'était pas seulement des

18 soldats du Monténégro.

19 Réponse: Ça aussi, c'est exact.

20 Question: Tenez, écoutez, prenez ce texte-là et, Monsieur May, vous

21 pourrez alors verser le tout au dossier.

22 (Intervention de l'huissière.)

23 Réponse: C'est la même chose.

24 Question: Mais dites-nous alors, je vous prie, avez-vous de la bouche de

25 quiconque au niveau de la JNA entendu parler d'une idée de République de

Page 14516

1 Dubrovnik ou d'une idée qui correspondrait à la Grande Serbie?

2 Réponse: Personnellement, non, parce que j'ai eu très peu de contacts avec

3 les gens de la JNA. Mes contacts se résumaient aux négociations que nous

4 avons eues et, s'agissant de ces pourparlers, lorsque j'y ai pris part, il

5 n'ont eu lieu que trois ou quatre fois. Jamais nous n'avons été seuls, moi

6 et quelqu'un de l'autre parti. Il y avait toujours plusieurs personnes de

7 notre côté et plusieurs personnes de l'autre. Et pour être sincère,

8 jamais, à ces négociations, je n'ai entendu personne insister sur la mise

9 en œuvre de cette idée.

10 Ce que je sais, toutefois, c'est qu'à Cavtat, une fois que Cavtat a déjà

11 été occupée, certains responsables militaires, des officiers dignitaires

12 de l'armée yougoslave, en avaient parlé.

13 (Les interprètes n'entendent ni l'un ni l'autre.)

14 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre. Avez-vous fini

15 avec ces textes? Je voudrais que l'on permette à l'huissière de récupérer

16 son siège et je voudrais que ces trois extraits de journaux soient mis

17 ensemble.

18 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce à conviction de la défense

19 n°72, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Milosevic.

21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Poljanic, dites-nous: savez-vous

22 qui sont Bruno Karnicic et Dragan Gajic?

23 M. Poljanic (interprétation): Bruno Karnicic est un juge à Dubrovnik, au

24 niveau du Tribunal du district. Et Gajic est également un juge, l'un des

25 juges de ce tribunal. Maintenant, c'est le tribunal de la province; avant,

Page 14517

1 c'était le tribunal du district.

2 Question: Donc tous les deux sont des juges du Tribunal du district,

3 aujourd'hui tribunal de province?

4 Réponse: Karnicic, je ne sais pas s'il avait été au tribunal municipal;

5 mais Gajic, lui, était déjà juge au niveau du district, du tribunal du

6 district.

7 Question: Fort bien.

8 Réponse: Allez-y.

9 Question: Savez-vous que ces deux juges d'instruction du tribunal de

10 district à Dubrovnik, dans le courant de l'été 1991, s'étaient rendus à

11 plusieurs dizaines de constats à l'occasion de plaintes qui ont été

12 rapportées, concernant des biens de Serbes détruits à l'occasion

13 d'attaques où l'on s'était servi d'explosifs et de moyens analogues?

14 Réponse: Non, je ne suis pas au courant de la chose.

15 Question: Et savez-vous -et j'imagine que vous deviez forcément le savoir,

16 puisque vous étiez le maire- que, suivant leurs rapports, les constats et

17 PV de constats faits sur place, plus de 50 maisons à Zupa, Cavtat et dans

18 les environs et ainsi que dans d'autres localités de la région de

19 Dubrovnik, et ayant appartenant à des Serbes, ont été détruits à la bombe

20 ou la grenade, où on s'était servi de dispositifs ou d'explosifs variés?

21 Réponse: Quand?

22 Question: Je parle de l'été 1991: attaques à l'explosif contre...

23 Réponse: Non, ce n'est pas vrai. Il n'y a pas eu, dans le courant de l'été

24 1991, d'attaques à l'explosif contre des maisons serbes. Moi, je ne suis

25 pas au courant de la chose.

Page 14518

1 M. Milosevic (interprétation): Bon, bon, bon. Monsieur Poljanic, je

2 voulais attirer votre attention sur la chose. J'ai ici une déclaration

3 faite auprès de la partie adverse, "statement", donc déclaration de Gajic

4 Dragan, juge de son état, où il est dit que cette déclaration a été faite

5 du 10 au 15 novembre de l'an 2000; page 5, paragraphe 1 de la version

6 anglaise.

7 Et comme je n'ai que la version anglaise, je vais citer: "Les incidents

8 auxquels je me réfère ont été des dynamitages ou incendies de maisons de

9 Serbes et, parfois, des grenades à main étaient jetées par la fenêtre dans

10 la région de Cavtat. Toutefois, il y a eu deux ou trois cas où il y a eu

11 des personnes à la maison et il y a eu des blessés; et plus de 50 maisons

12 de Serbes ont été endommagées de cette façon dans le courant de l'été 1991

13 jusqu'à l'été 1992."

14 M. Kwon (interprétation): Monsieur Poljanic, êtes-vous en mesure de

15 suivre?

16 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

17 M. Poljanic (interprétation): A compter de l'été 1991 jusqu'à l'été 1992,

18 comme on le cite là, ces régions-là ont été occupées par l'armée

19 yougoslave.

20 La question qui se pose, c'est de savoir comment il avait pu le savoir,

21 comment il pouvait s'y rendre. J'affirme qu'il ne pouvait pas y aller,

22 qu'il ne pouvait pas se rendre là-bas. Par conséquent, excusez-moi de

23 devoir le dire, il ne pouvait s'agir là de que de dégâts occasionnés suite

24 à des matières explosives de l'armée yougoslave et pas des nôtres. Comment

25 les nôtres pouvaient-ils y aller alors qu'il n'y avait personne? C'était

Page 14519

1 une région occupée. Vous pensez bien que l'armée yougoslave n'allait pas

2 laisser passer quelqu'un pour jeter des grenades à main dans la maison de

3 quelqu'un.

4 M. Milosevic (interprétation): Donc il est certain que l'armée yougoslave

5 ne laisserait pas passer des gens avec ces intentions?

6 M. Poljanic (interprétation): Mais comment voulez-vous que les gens s'y

7 rendent?

8 Question: Mais attendez, c'est précisément la question que je vous pose.

9 Il s'agit ici de deux juges du tribunal de district de Dubrovnik qui ont

10 procédé à bon nombre de constats d'office. Par conséquent, est-ce que cela

11 est chose croyable ou pas?

12 Réponse: A mes yeux, c'est incroyable. Parce que la question qui se pose,

13 une fois de plus, c'est comment ces deux juges ont pu, pendant cette

14 période-là, alors que la région était occupée, ont-ils pu s'y rendre? Qui

15 les a laissés passer? Je ne comprends pas.

16 Question: Mais nous venons de citer…

17 Réponse: Ecoutez, à vous de tirer les conclusions; à la Chambre de tirer

18 des conclusions. Mais la question que je pose, c'est: comment Karnicic ou

19 Gajic ont-ils pu se frayer un passage pour arriver là-bas? C'était une

20 région occupée.

21 Question: Voici le rapport que vous avez présenté. Vous avez dit: "Chers

22 concitoyens…" et là, on voit l'armée s'adresser aux citoyens de Cavtat;

23 c'est daté du 7 novembre 1991. Par conséquent, dans le courant de l'été

24 1991, il ne se pouvait pas que, comme vous l'affirmez, l'armée ait détenu

25 la région, l'ait tenue sous son autorité.

Page 14520

1 Réponse: En été 1991, non.

2 Question: Mais, alors l'été 1991, qu'allons nous faire de leurs constats?

3 Qu'est-ce que qu'on va faire de ces dynamitages?

4 Réponse: Il n'y a pas eu de dynamitages à compter du mois de juillet et,

5 par la suite, jamais une grenade n'a été lancée, ni vers une maison croate

6 ni vers une maison serbe. Peut-être cela a-t-il trait à ce que nous avons

7 évoqué au début, peut-être s'agit-il de maisons qui ont été construites de

8 façon illégale? S'il s'agit de cela, c'est tout à fait autre chose.

9 Question: Ecoutez, bon, moi je veux bien.

10 Réponse: Ça, c'est tout à fait autre chose.

11 Question: Mais, en votre qualité de maire, je ne pense pas que vous ayez

12 détruit des maisons, illégalement construites, à la bombe?

13 Réponse: Non, certainement pas moi. C'est l'inspection de la construction

14 urbaine et cela se faisait classiquement à la dynamite, mais pas avec des

15 bombes. Et j'affirme que personne n'a jeté de grenades dans la maison de

16 quiconque.

17 Question: Mais j'imagine que vous connaissez les règles de procédure et,

18 après les activités d'instructions déployées par ces juges que nous avons

19 évoqués -vous les connaissez tous les deux- avaient envoyé des

20 informations, des photographies et des rapports au ministère public, le

21 ministère public se trouvant à Dubrovnik.

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pour que l'on entreprenne des mesures contre les auteurs?

24 Réponse: Ce sont des choses qui devraient être faites dans les règles de

25 l'art. Mais ce que j'affirme, c'est qu'on n'a pas jeté de grenades.

Page 14521

1 Question: Donc vous ne savez pas si l'un quelconque des auteurs a été

2 emprisonné, puni?

3 Réponse: Cela ne pouvait pas être le cas puisque personne n'a jeté de

4 grenades. Peut-être s'est-il agi, là, de maisons qui ont été détruites

5 parce qu'illégalement construites. On en a parlé déjà par le passé.

6 Question: Regardez ce qui dit votre juge à vous.

7 Réponse: Allez-y.

8 Question: Dans sa déclaration préalable faite à la partie adverse, à

9 l'intention de cette institution-ci, on dit -je cite-: "Je pense que,

10 parfois, la police devait savoir qui était responsable de ces infractions,

11 y compris des personnes portant l'uniforme.". (Fin de citation.)

12 Mais cela n'a pas été rapporté aux juges d'instruction et il était souvent

13 notoirement connu en ville que certaines personnes étaient responsables de

14 l'une quelconque de ces infractions. Mais il n'y a jamais eu d'enquête

15 appropriée et personne n'a été poursuivi en justice pour ces crimes

16 nationalistes perpétrés en 1991.

17 Réponse: Quel est le juge qui a rédigé cela, je vous prie?

18 Question: Ceci est une déclaration faite par le juge Gajic Dragan, au

19 sujet duquel vous avez dit qu'il avait été juge du tribunal de district à

20 Dubrovnik.

21 Réponse: Oui, oui, c'est certainement rédigé puisque vous avez donné

22 lecture de la chose. Mais ce que je puis vous redire une fois de plus,

23 c'est qu'il n'y a pas eu d'attaque à la grenade à l'égard de quelque

24 maison que ce soit de la part du côté croate. Si vous avez remarqué, à un

25 moment donné, il précise qu'il a des doutes, mais pas qu'il affirme.

Page 14522

1 Question: Mais un juge d'instruction a toujours des doutes, des

2 suspicions. Il lui appartient d'indiquer que, quoi que sachant de qui il

3 s'agit, il précise que personne n'a été poursuivi en justice ni arrêté?

4 Réponse: Personne n'a pu être poursuivi ni arrêté parce que personne n'a

5 fait l'objet d'un Acte d'accusation.

6 Question: Mais, savez-vous que des criminels locaux, en octobre 1991,

7 suite à des directives des autorités locales, à savoir du président du

8 tribunal du district, Marinko Peric, ont été libérés de la prison, de la

9 détention provisoire, qui se trouvaient au dernier étage de la prison?

10 Réponse: Qui étaient ces criminels locaux?

11 Question: Ecoutez, je vais être plus clair.

12 N'est-il pas vrai d'affirmer que ces gens-là, suite à leur libération, ont

13 fait partie des groupes armés croates et, d'après vos journaux, ce sont

14 ces mêmes personnes qui ont tué autant de gens, comme le disent vos

15 journaux?

16 Réponse: Je n'en sais rien, il se peut. C'était une municipalité de 73.000

17 habitants, il se peut qu'il y ait eu des gens en prison. Il se peut donc

18 qu'il y ait des gens qui étaient emprisonnés. Mais s'agissant de criminels

19 qui auraient été relâchés de prison pour faire partie d'unités, cela je ne

20 le sais pas. C'est encore Gajic?

21 Question: Oui, oui, je ne fais que citer la déclaration de l'intéressé.

22 C'est la déclaration qui m'a été fournie par la partie adverse en vertu de

23 l'application des dispositions de l'Article 68. On dit: "On m'a donné

24 instruction de relâcher un certain nombre de criminels qui avaient été

25 gardés au dernier étage, au sommet du bâtiment. Et ils ont été relâchés

Page 14523

1 sur ordre de Marinko Peric, président du tribunal de district, et des

2 rumeurs ont circulé disant que la JNA allaient accéder à la ville de

3 Dubrovnik. Et nous ne savions pas comment ils allaient traiter des

4 détenus, une fois qu'ils les retrouveraient.

5 Par la suite, j'ai appris que certains de ces hommes avaient continué à

6 perpétrer des crimes en servant dans les rangs des forces croates". (Fin

7 de citation.)

8 Réponse: Je répète une fois de plus que je ne savais pas combien de gens

9 il y avait dans les prisons. Je ne sais pas qu'il y ait eu un grand nombre

10 de criminels à l'époque et je sais encore moins que certains d'entre eux…,

11 que feu Marinko Peric, président du tribunal à l'époque, l'aurait fait. Je

12 ne crois vraiment pas que ces renseignements-là sont exacts, je n'y crois

13 vraiment pas. Qui était en prison? Pourquoi ne donne-t-on pas les noms de

14 ces gens-là?

15 Question: Ecoutez, je ne sais pas, il faudrait lui poser la question.

16 Réponse: Je vais lui poser la question lorsque je le rencontrerai, en

17 effet.

18 Question: Dites-moi, s'il vous plaît, pourquoi passez-vous sous silence le

19 fait qu'au début des conflits entre la Croatie, entre les effectifs

20 indubitablement paramilitaires de la Croatie et la JNA, il est tombé un

21 certain nombre de civils et, par la suite, la plupart des morts se

22 trouvaient porter des uniformes militaires croates?

23 Réponse: Quand est-ce que cela s'est passé?

24 Question: A l'occasion des conflits dont vous avez témoigné.

25 Réponse: Quels sont les civils qui sont tombés et où?

Page 14524

1 Question: La plupart, et c'est là l'essentiel, s'agissant des morts dont

2 vous avez parlé du côté croate.

3 Réponse: Oui?

4 Question: Ce sont des gens qui sont morts portant l'uniforme croate.

5 Réponse: Ce n'est pas vrai. Sur la liste qui m'a été présentée par le

6 Tribunal ici, pas une seule de ces personnes n'était un militaire. Il y

7 avait un dilemme au niveau d'un nom de famille si vous vous en souvenez

8 bien, le dilemme s'était posé parce que le nom de famille était le même:

9 Martinovic, je crois.

10 Question: J'ai compris.

11 Réponse: Mais cet homme-là ne portait pas l'uniforme non plus.

12 M. Milosevic (interprétation): Je m'en souviens parce que M. Kwon avait

13 attiré votre attention sur la date de naissance, l'année de naissance.

14 M. Poljanic (interprétation): Oui, c'est cela. Donc le dilemme ne s'est

15 plus posé.

16 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Il est tout à

17 fait impossible, impossible pour quiconque de faire quoi que ce soit alors

18 que vous parlez en même temps.

19 Ce que vous êtes en train de dire, Monsieur Milosevic, c'est que… Ou

20 plutôt les assertions que vous faites, c'est que la majorité des gens qui

21 sont tombés portaient l'uniforme croate. D'où cela provient-il?

22 M. Milosevic (interprétation): D'après les renseignements dont je dispose,

23 Monsieur May, il a été fait des constats post-mortem sur des personnes qui

24 avaient porté des uniformes croates. Est-ce exact, Monsieur Poljanic, ou

25 pas?

Page 14525

1 M. Poljanic (interprétation): Je ne sais pas de quoi vous parlez, de

2 quelles personnes vous parlez, et de quelles autopsies vous parlez. Mais

3 je parle de la liste que m'a montrée le Tribunal; sur cette liste-là, il

4 n'y a absolument pas un seul soldat croate.

5 S'agissant des autopsies dont vous parlez, autopsies faites sur le corps

6 de soldats croates, tout près de Dubrovnik, je ne crois pas que votre côté

7 à vous procédait ou faisait des autopsies. Car vous allez voir sur les

8 cassettes vidéo –je ne sais pas si le Tribunal en dispose déjà, sinon ils

9 vont les recevoir-, mais vous allez voir ces gens tout juste avant que

10 vous ne les ayez remis, vous allez voir que vos hommes les ont tenus sur

11 des brancards. Et j'ai reconnu certaines personnes, je ne sais pas si on a

12 fait des autopsies sur ces personnes, mais il est tout à fait vrai, c'est

13 un fait qu'il y a eu malheureusement des soldats croates qui sont morts

14 également. Malheureusement.

15 Question: Oui, il est malheureux que quiconque ait été tué.

16 Réponse: Oui. Et plus particulièrement 250.000 personnes.

17 Question: Je présumais, je croyais que vous connaissiez ce fait car, selon

18 la documentation dont je dispose, il est connu que le médecin-légiste à

19 l'époque était le Dr . Je présume que vous le connaissez?

20 Réponse: Oui, je le connais très bien.

21 Question: Et qu'à la majorité des autopsies, pendant ces autopsies, l'une

22 de vos cousines, parentes était présente?

23 Réponse: Oui, c'était une parente assez éloignée.

24 Question: Oui. Bien.

25 Réponse: Je crois que c'était un malentendu.

Page 14526

1 Question: Non, non.

2 Réponse: Oui, les nôtres faisaient des autopsies. Et, effectivement, il y

3 avait environ 150 soldats morts, mais pas un seul qui figurait sur la

4 liste, car il s'agissait d'une liste comportant des noms de civils

5 exclusivement.

6 Question: Concernant cette déclaration faite par le juge d'instruction que

7 je viens de citer il y a quelques instants, le juge d'instruction dit:

8 "Les autopsies étaient menées par le pathologiste, le Dr Ciganovic -un

9 Serbe de l'hôpital de Dubrovnik- en la présence des représentants de la

10 police -la plupart des temps, c'était Damira Poljanic-, ainsi que d'un

11 photographe de la police, accompagné également du juge d'instruction".

12 Par la suite, on lit -je cite-: "Depuis le mois d'octobre 1991 jusqu'au

13 mois de janvier 1992, il y avait environ 150 personnes, des civils, des

14 soldats tués. J'ai participé à environ 40 de ces autopsies".

15 Et par la suite, il dit qu'il estime le professionnalisme du Dr Ciganovic.

16 Réponse: Oui, ce ne sont pas des faits contestés.

17 Question: Bien, poursuivons alors.

18 Dites-moi alors pourquoi est-ce que vous nous dites que vous n'aviez

19 qu'une poignée de défendeurs, alors que tant de soldats ont trouvé la mort

20 lors de ces combats, de ces opérations?

21 Réponse: Environ 150 à 160 soldats ont trouvé la mort d'une période d'une

22 année et il est certain que c'est malheureux que tous ces gens aient

23 trouvé la mort.

24 Question: Non, je ne parle pas de cela mais je dis que vous aviez qu'une

25 centaine de défenseurs de Dubrovnik.

Page 14527

1 Réponse: Et moins, comme je l'ai dit au début. Mais j'ai également dit que

2 ce nombre augmentait avec le temps. Plus particulièrement après le mois

3 d'avril 1992.

4 Question: Donc les données que vous avez concernant les membres de la JNA

5 qui ont été tués, des données que vous avez publiées vous-même dans votre

6 "Vjesnik", dans votre quotidien, c'était le "Vjesnik" du temps de guerre?

7 Réponse: Je n'ai pas dit que nous imprimions ces faits. J'ai dit

8 simplement que je ne savais pas de quelle façon on était arrivé à ces

9 données.

10 Question: Très bien. D'accord. Mais vous-même, vous avez dit que

11 s'agissant du Monténégro 158 personnes ont trouvé la mort?

12 Réponse: Oui, ce sont des données provenant du Monténégro, et que ce

13 chiffre tourne autour de 158 personnes.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que cela parle du fait que les

15 membres de la JNA étaient constamment exposés aux attaques constantes?

16 M. Poljanic (interprétation): Pendant un certain temps, non. Mais après un

17 certain temps, il est tout à fait certain que oui.

18 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie.

19 Je vous écoute, Monsieur Nice.

20 M. Nice (interprétation): Avant de poursuivre, je suis en train de perdre

21 le fil de l'idée, la citation de l'accusé faisant partie de ce rapport, de

22 cette déclaration fournie par le juge d'instruction. Je voudrais que l'on

23 identifie le passage. D'abord… En fait, on parle du passage de 158

24 personnes; je ne sais pas si on fait référence que ces personnes étaient

25 d'une origine particulière ou bien est-ce qu'il accepte qu'il s'agissait

Page 14528

1 de personnes qui ont trouvé la mort durant le pilonnage de Dubrovnik ou

2 qui, possiblement, auraient pu se trouver ailleurs? Je crois que ce serait

3 erroné. Ce n'est pas ainsi que je comprends la déclaration. Je crois qu'il

4 faudrait parler de corps et de décès qui font suite à ce pilonnage.

5 M. le Président (interprétation): Normalement, nous ne permettons pas

6 cette façon de procéder, nous n'admettons pas les déclarations du témoin.

7 M. Nice (interprétation): Eh bien, je ne suis pas tout à fait certain du

8 moment auquel les rapports dont il dispose ont été produits, mais on se

9 réfère certainement aux documents qui ont été préparés sur une base

10 scientifique. Par exemple, s'agissant du sujet des autopsies, on parle de

11 personnes qui ont trouvé la mort lors du pilonnage de Dubrovnik et dans

12 les alentours. Au tout début, on ne parlait que des civils, que seuls les

13 civils ont été tués, mais plus tard, la plupart des personnes qui ont été

14 tuées portaient un uniforme croate militaire.

15 C'est assez détaillé. Nous pouvons prendre le rapport de pathologie et

16 commencer à ouvrir un dossier, car nous pouvons voir qu'il est dit: "Je me

17 souviens une fois qu'il y a eu un échange et que des corps ont été trouvés

18 de l'autre côté. C'étaient des civils des Jupa et de Konavle. Ils avaient

19 été tués deux ou trois mois plus tôt et la JNA avançait."

20 Ensuite, il passe au passage couvrant la période en allant du mois

21 d'octobre 1991 à janvier 1992. Il dit "qu'il y avait environ 150 personnes

22 de tuées dont la plupart étaient des soldats et qu'il y avait 40 autopsies

23 qui avaient été faites". C'est le passage qu'a lu l'accusé.

24 Il s'agit d'une déclaration assez volumineuse; je ne sais pas si vous

25 voulez que l'on accepte, ce document, et que ce document soit versé au

Page 14529

1 dossier? Ce serait certainement une exception: il s'agirait d'une pièce.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous allons faire

3 une exception à la règle habituelle et nous acceptons de verser au dossier

4 le document auquel vous avez fait référence. Il y a des rapports qui ont

5 été faits à l'époque et ce rapport a plus de substance, a plus de poids

6 que la plupart des autres déclarations que nous excluons normalement.

7 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est tout à fait juste. Je crois

8 qu'il faut procéder de la sorte et qu'il faudrait inclure ce document au

9 dossier.

10 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, je voudrais que

11 l'on attribue une cote pour ce document et nous allons en faire un

12 document de la défense.

13 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de la défense D73.

14 M. le Président (interprétation): Bien, on pourra peut-être avoir un

15 exemplaire provenant de l'accusation lorsqu'ils seront prêts. Nous vous

16 écoutons, Monsieur Milosevic.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur Poljanic, puisqu'un si grand

18 nombre de membres de la JNA ont trouvé la mort mais vous avez dit que

19 seules, du Monténégro, 158 personnes provenaient.

20 M. Poljanic (interprétation): Je n'ai pas dit 158, j'ai parlé de 150,

21 selon les données que nous avons.

22 Question: Oui, je dispose du chiffre de 158.

23 Dites-nous, s'agissant des membres des unités paramilitaires et membres

24 des formations croates, qu'en est-il de votre affirmation s'agissant du

25 fait que vous n'ayez eu qu'une poignée de défenseurs, de citoyens à votre

Page 14530

1 disposition?

2 Réponse: Je maintiens ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit est la vérité et,

3 si le vous voulez, je peux ajouter ceci: c'est un fait qu'aucun de ces

4 soldats qui ont été tués -vous avez dit contenir une liste qui comporte

5 158 noms-, eh bien, aucune de ces personnes n'a trouvé la mort sur le

6 territoire de la Serbie ou du Monténégro, mais bien sur le territoire de

7 la Croatie comme faisant partie de l'armée de l'agresseur.

8 Question: Donc vous affirmez qu'en 1991, la JNA, sur le territoire de la

9 RSFY, était une armée d'agresseurs?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce que vous savez que sur ce territoire-là, s'agissant de

12 l'armée serbo-monténégrine, et vous parlez de l'armée de la JNA, comme

13 vous dites, mais est-ce que vous savez que ce n'est pas seulement des

14 Serbes et des Monténégrins qui ont trouvé la mort, mais également des

15 Musulmans et des Croates, membres de peuples divers appartenant à la

16 Yougoslavie, à des minorités nationales qui faisaient partie des rangs de

17 la JNA, car il s'agissait de l'armée nationale yougoslave qui était une

18 armée tout à fait légale et qui se trouvait sur son territoire?

19 Réponse: Oui, mais pas pour ce qui est du territoire croate. Je sais que,

20 s'agissant du Monténégro, il y avait des Croates qui vivaient au

21 Monténégro effectivement, à Boka Kotorska; autour de Boka Kotorska, il y a

22 environ 15.000 Croates ethniques et je sais que ces gens ont été mobilisés

23 aussi. Et je sais que certains d'entre eux ont trouvé la mort également.

24 Je ne sais pas quel est le chiffre exact.

25 Question: Bien. Monsieur Poljanic, pourriez-vous nous dire si le

Page 14531

1 commandement de la JNA a diffusé sur les ondes de la Radio Hercegovina,

2 qui est tout près de Dubrovnik et que l'on peut entendre très clairement à

3 Dubrovnik, a-t-elle fait un appel en vous appelant, vous -je ne parle pas

4 de vous personnellement, mais des forces et des gens qui étaient à la

5 tête- à ne pas ouvrir le feu sur les membres de la JNA? Et que s'ils

6 obéissaient à cet appel, la JNA n'allait pas tirer sur quiconque? Est-ce

7 que vous savez qu'ils avaient envoyé des messages disant: "Ne tirez pas

8 sur la JNA, nous ne tirerons sur personne" et que la JNA disait: "Nous ne

9 tirerons que si nous sommes attaqués"? Est-ce que vous avez entendu ces

10 messages diffusés?

11 Réponse: Non, je ne les ai pas entendus, mais j'avais entendu dire que ces

12 messages existaient et étaient diffusés. Mais j'affirme avec certitude que

13 nous n'avons jamais tiré les premiers. Au tout début, absolument aucune

14 personne de notre côté n'a tiré plus particulièrement sur le territoire du

15 Monténégro. Mais, puisque vous parlez déjà de cette radio, je peux vous

16 dire que cette radio diffusait très souvent les nouvelles disant que

17 30.000… Tous les jours et à plusieurs reprises, on entendait dire que

18 30.000 Oustachis s'étaient dirigés vers Boka Kotorska. Ça, je le sais, je

19 peux vous parler de l'homme, je peux vous dire qui était l'homme, qui

20 était l'annonceur qui parlait dans la radio qui diffusait ces nouvelles,

21 qui disait: "Chers auditeurs, pendant que je vous parle sur ces ondes, des

22 obus d'Oustachis tombent sur Igalo", alors qu'à Igalo, on n'entendait

23 qu'un chant d'oiseau et que la paix régnait. Ça, je le sais et tous les

24 citoyens d'Igalo peuvent vous l'affirmer, ils en sont témoins, vous pouvez

25 le vérifier.

Page 14532

1 Question: Je n'ai rien à vérifier, car ma question visait à savoir "si

2 vous savez que le commandement de l'armée avait envoyé des messages, des

3 avertissements disant ne pas tirer sur la JNA, car la JNA n'allait pas

4 riposter si on ne tire pas sur eux".

5 Réponse: Je le sais, j'en ai entendu parler. Mais je peux vous dire que

6 nous ne l'avons pas fait et que la partie adverse a tiré presque tous les

7 jours; elle avançait graduellement, peu à peu.

8 Question: Pourquoi est-ce que vous passez sous silence le fait que…

9 Réponse: Je ne passe rien sous silence.

10 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi ne dites-vous pas qu'il y avait

11 des forces armées croates à l'intérieur de Dubrovnik même? Puisque les

12 habitants de Dubrovnik disent qu'il y avait, par exemple, des formations

13 armées tout près du lycée Nikica Franic qui se trouvait à mi-chemin entre

14 Gruz et la vieille ville à Lovrijenac, tout près de la tour de Saint-

15 Lorens à Gospino Polje, sur la Poljana Mrtvo Zvono, à l'intérieur de la

16 ville même?

17 Nous pouvons retrouver ça dans une déclaration d'un citoyen de Dubrovnik.

18 Voilà la déclaration qui a été jointe; il s'agit de Slobodan Simonovic qui

19 dit qu'il y avait des positions à ces endroits-là.

20 Voilà, je vais vous lire, il s'agit de la page 4; je n'ai malheureusement

21 que la version en langue anglaise.

22 Dans cette déclaration, nous lisons qu'il y avait des positions de

23 mortiers. Il dit: "J'en ai vu une située à l'école élémentaire Nikica

24 Franic, ou bien à Ilina Glavica, à mi-chemin entre Gruz et Leotar. J'en ai

25 également vu un, j'ai vu un mortier au parc de Gradac, tout près de la

Page 14533

1 tour Lovrijenac Saint-Lorens. Et j'en ai également vu un sur le champ de

2 la Madone, Gospino Polje. L'un des mortiers se trouvait également sur le

3 champ Mrto Zvono, dans la vieille ville. Je ne l'avais pas vu de mes

4 propres yeux, mais tous les Croates en parlaient et je ne connais pas une

5 seule personne qui ait vu ces mortiers de ses propres yeux.". Et il parle

6 de la position de Mrto Zvono -de la cloche morte- et je vous lis avec

7 précision chaque lettre qui est imprimée sur ce texte.

8 Donc, même s'agissant des positions de mortiers, selon les citations de ce

9 témoin que je ne connais pas, bien sûr, j'ai reçu simplement cette

10 déclaration qui m'a été fournie par la partie adverse.

11 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de répondre à cette

12 question.

13 Donc s'agissant des positions de mortiers, qu'est-ce que vous avez à dire?

14 M. Poljanic (interprétation): Vous nous avez dit que j'essayais de passer

15 sous silence le fait que, dans la vieille ville, il y avait des formations

16 militaires. Non, je n'essayais pas de passer sous silence ce fait, mais

17 j'ai simplement dit la vérité qui est la suivante: de toutes les choses

18 que vous avez citées, aucun de ces emplacements ne se trouve dans la

19 vieille ville, outre la "Cloche morte", Mrto Zvono, pour lequel même ce

20 témoin, votre témoin ou le témoin de ce Tribunal, dit ne pas avoir vu

21 cette position de ses propres yeux.

22 Donc aucune de ces positions ne se trouve dans la vieille ville et moi-

23 même, j'ai dit que je savais que, pour ce qui est de Gradac, il y avait

24 des mortiers. Et c'était mercredi dernier; je l'ai dit lorsque j'étais

25 assis dans ce même fauteuil. Alors, je ne sais pas où vous voulez en

Page 14534

1 venir.

2 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, où je veux en venir, c'était de

3 citer un témoin qui, comme vous l'avez constaté si bien, n'est pas mon

4 témoin.

5 M. Poljanic (interprétation): D'accord, d'accord; c'est un témoin,

6 néanmoins. Mais il n'a pas dit qu'il s'agissait de la vieille ville; tous

7 ces emplacements qu'il a cités se trouvent à l'extérieur de la vieille

8 ville.

9 Question: Je vais vous citer encore certains autres passages de ses

10 déclarations: "Dans ma rue à moi, il y a un endroit pour les scouts et les

11 jeunes personnes qui a été utilisé par une unité spéciale de la police

12 croate. Ils venaient se reposer à cet endroit-là et prenaient des

13 positions autour de la ville de temps en temps. Ils avaient des Land

14 Rover, des véhicules de type tout-terrain; je crois qu'ils étaient de

15 couleur blanche. Ils avaient également des transporteurs verts,

16 yougoslaves. Ils portaient des uniformes de camouflage, ils étaient armés

17 avec des fusils allemands." (Fin de citation.)

18 Donc vous nous dites qu'ils n'étaient pas très armés, etc. D'où

19 détenaient-ils des fusils allemands?

20 Réponse: Je ne sais pas d'où ils avaient des fusils allemands; je ne

21 savais pas du tout qu'il s'agissait de fusils allemands, de toute façon.

22 Mais de nouveau, on ne parle pas de la vieille ville. Comme vous le savez,

23 dans la vieille ville, les voitures ne pénètrent pas. Toute la vieille

24 ville est une région piétonne.

25 Et je n'ai pas essayé de passer sous silence qu'il y avait eu un certain

Page 14535

1 nombre de soldats; je ne le conteste pas.

2 Question: Très bien. Le passage suivant dit: "… a été déclaré pour cette

3 période-là. Des hommes avec des masques entraient dans des maisons qui

4 appartenaient aux Serbes, passaient à tabac certaines personnes, volaient

5 des choses et une vieille dame a même été violée. Un Serbe nommé Drasko

6 Ljubibrtic était l'une de ces personnes qui a été passées à tabac assez

7 grièvement et même ses documents personnels, des documents universitaires,

8 ont été pris.". Est-ce que vous vous souvenez de cet incident?

9 Réponse: Non? Je connais très bien Drasko Ljubibrtic, il allait à l'école

10 avec moi. Il était un juge, un arbitre pour ce qui est du water-polo. Je

11 le connais très bien.

12 Pour ce qui est… Je sais que, dans cette période-là, il a eu des pontages;

13 il a eu un triple pontage ou un quadruple pontage, à l'époque. Je ne sais

14 pas si cet événement s'est vraiment déroulé, je ne le sais pas, je n'avais

15 pas entendu parler de cet événement. Mais dès que je le vois, je vais lui

16 poser la question.

17 M. le Président (interprétation): Dans cette déclaration, on allègue

18 également qu'une dame a été violée?

19 M. Poljanic (interprétation): J'entends parler de cette chose-là pour la

20 première fois. Je crois que c'est tellement incroyable; je ne crois pas

21 qu'une telle chose aurait pu se dérouler à Dubrovnik. Dans cette guerre-

22 ci, malheureusement, il y a eu beaucoup de viols; mais pour ce qui est de

23 la ville de Dubrovnik, que quelqu'un ait violé quelqu'un dans la ville de

24 Dubrovnik, cela m'est tout à fait incroyable. J'entends parler de cette

25 chose-là pour la première fois maintenant. Cela m'est incompréhensible.

Page 14536

1 Qui est cette personne qui a été violée? Je ne connais pas du tout qui est

2 cette personne qui aurait violé cette dame; je n'ai jamais entendu parler

3 de cela.

4 M. Milosevic (interprétation): Bien. Ce n'est pas écrit, je vous ai

5 simplement cité ce qui est dit dans cette déclaration. Je n'affirme

6 absolument rien, j'essaie simplement de dire que cela est rédigé dans

7 cette déclaration que j'ai obtenue de la partie adverse et c'est tout.

8 Vous pouvez également l'examiner vous-même.

9 Bien. D'accord. Mais est-ce que vous êtes en train de nous dire que les

10 membres de la JNA… On n'a pas tiré sur la JNA depuis les positions de la

11 vieille ville?

12 M. Poljanic (interprétation): Non. J'affirme que non.

13 Question: D'accord. Mais est-ce que vous savez, par exemple, que le 6

14 décembre 1991, ce matin-là, vers 6 heures du matin, on a d'abord tiré des

15 dizaines d'obus provenant de la ville de Dubrovnik même sur les positions

16 de la JNA à Zarkovica et que ce n'est qu'après, qu'on a procédé au

17 pilonnage de ces positions depuis lesquelles on a ouvert le feu en

18 direction de la JNA?

19 Réponse: Eh bien, je suis en vie, c'est incroyable de pouvoir l'entendre

20 maintenant. J'affirme que c'est un mensonge; ce sont des choses qui ont

21 été dites et écrites tout simplement pour pouvoir justifier cette horreur

22 qui s'est passée cette journée-là. Ce jour-là, cette nuit-là, ce matin-là,

23 je me suis trouvé dans la ville, en plein milieu de la ville, j'étais là.

24 Et à 6 heures moins le quart, on a commencé à voir des bombes tomber sur

25 la ville; il pleuvait des bombes comme il pleut lorsqu'il pleut. Et je

Page 14537

1 n'ai pas… Aucun obus, aucune balle de revolver n'a été tirée depuis la

2 ville ou vers cette direction. Je ne sais pas qui a rédigé ceci, mais

3 c'est un mensonge épouvantable. Ce sont des événements si tristes. Je

4 trouve bien pénible de repenser aux événements de cette année-là. Je

5 trouve cela épouvantable et, maintenant, vous me dites que, ce jour-là, ce

6 matin-là, lorsqu'on a vécu la pire journée dans les 2.000 ans de

7 l'histoire de Dubrovnik et que vous me citez des mensonges, je suis tout à

8 fait épouvanté par cette affirmation.

9 Question: Je vous prie de ne pas vous emporter à ce point.

10 Réponse: Je ne m'emporte pas.

11 Question: Je vais vous citer une phrase d'un témoin.

12 Réponse: Est-ce qu'il s'agit de Gajic?

13 M. Milosevic (interprétation): Non, c'est Simonovic.

14 M. Poljanic (interprétation): Eh bien, j'ai dit qu'il s'agissait de

15 quelqu'un qui lui ressemblait, n'est-ce pas, quelqu'un semblable à lui?

16 M. le Président (interprétation): Un à la fois, je vous prie.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

18 M. Poljanic (interprétation): D'accord, d'accord.

19 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je ne sais pas à quel point il y a

20 une similitude, c'est à vous de le conclure. Mais je vais vous citer la

21 première phrase, première phrase de l'avant-dernier paragraphe: "Le 6

22 décembre 1991, j'étais à la maison avec mon épouse et mes enfants ainsi

23 qu'avec ma mère. Vers 6 heures du matin, 6-0-0, donc six heures du matin,

24 j'ai entendu un bruit, le bruit de pilonnages intenses qui étaient tombés

25 sur Zarkovica.". (Fin de citation.)

Page 14538

1 Est-ce que c'est une non-vérité, est-ce que c'est un mensonge?

2 M. Nice (interprétation): Il s'agit de certainement trois phrases.

3 M. le Président (interprétation): Quelle est la phrase en entier, Monsieur

4 Nice?

5 M. Nice (interprétation): Il faudrait que le témoin place les propos dans

6 le contexte. Le contexte dit: "Ma famille et moi, nous nous étions abrités

7 dans une partie la plus sûre de ma maison. Un peu plus tard, quelques obus

8 ont commencé à tomber sur la ville de Dubrovnik. Après environ 8 heures du

9 matin, le pilonnage de la ville est devenu très intense". (Fin de

10 citation.)

11 Je dois maintenant trouver la citation originale qui a été attribuée à

12 cette déclaration, lorsque l'accusé dit que le pilonnage provenait de

13 Dubrovnik. Et c'est à lui de le trouver.

14 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas contesté par ce que dit ce

15 témoin qu'à ce moment-là "il y a eu pilonnage de la ville de Dubrovnik à

16 ce moment-là". (Fin de citation.)

17 Mais ce que dit le témoin -et le témoin est un citoyen de Dubrovnik- il

18 est tout à fait contre, bien sûr, ce pilonnage de Dubrovnik. (Inaudible)…

19 le pilonnage, mais il dit qu'on aurait d'abord tiré sur les positions de

20 l'armée à Zarkovica depuis les positions à l'intérieur de Dubrovnik.

21 M. Poljanic (interprétation): Non, ce n'est pas vrai.

22 Question: Bon, d'accord. Alors, on n'a pas tiré des dizaines d'obus sur la

23 JNA à Zarkovica depuis la ville?

24 Réponse: Non, ce jour-là, aucun, depuis la vieille ville, jamais.

25 Question: D'accord.

Page 14539

1 Est-ce que c'est exact de dire, Monsieur Poljanic, qu'avant même que les

2 conflits ne commencent, pour ce qui est de tout l'ensemble de la région de

3 Dubrovnik s'agissant des autorités locales, on avait organisé des pelotons

4 armés, que ces derniers tiraient sur des positions de la JNA, de concert

5 avec les membres de la police et de la garde nationale?

6 Réponse: Eh bien, de quoi parlez-vous puisqu'il n'y avait même pas d'armée

7 sur le territoire de la municipalité de Dubrovnik?

8 Question: Sur les positions se trouvant tout près de la frontière allant

9 vers le Monténégro.

10 Réponse: Eh bien, mon Dieu, on en a déjà parlé. J'ai dit: aucun coup n'a

11 été tiré vers leur direction, même pas une balle de revolver.

12 Question: Bien. Je ne voulais qu'obtenir une réponse, c'est tout.

13 Réponse: Eh bien, vous l'avez.

14 Question: Est-il également exact de dire que, le 30 septembre, vous avez

15 établi une ligne de défense qui allait depuis le mont Sainte Barbara,

16 depuis Brgat jusqu'au mont Sainte Barbara; et que, depuis ces positions-

17 là, on avait tiré sur les membres de la JNA; qu'ensemble, les membres de

18 la garde nationale, de la police et les civils armées s'étaient organisés

19 dans des pelotons et qu'ils avaient tiré dans leur direction?

20 Réponse: Non, on n'a pas formé de ligne à Brgat le 30 septembre. Mais

21 quelques jours avant cette date, le 30 septembre, depuis les positions de

22 l'armée yougoslave, la JNA comme vous l'appelez, depuis Ivanica, qui n'est

23 pas loin de Brgat, on avait tiré un obus, un "maljutka". C'est un obus

24 incendiaire; je crois qu'il a une portée de trois kilomètres et qu'on

25 aurait tiré sur un marin à Brgat. Et c'est le premier obus qui a été tiré

Page 14540

1 sur le territoire de Dubrovnik. Déjà, au mois de septembre, sur la maison

2 d'un marin qui avait passé toute sa vie en mer pour pouvoir ériger cette

3 maison, ce "maljutka", cet obus, a atterri directement dans son salon.

4 Mais pour le reste, tout ce que vous avez lu n'est pas la vérité.

5 Question: Bien. Monsieur Poljanic, je ne souhaite pas en parler avec vous

6 et entrer en polémique. Mais je vais vous poser simplement des questions

7 fondées sur des déclarations de témoins, comme vous en êtes un vous-même.

8 Je vous cite, par exemple, la déclaration de Stipan Jelavic. Il s'agit

9 également d'un témoin qui témoigne, bien sûr, au profit de cette fausse

10 accusation. Jelavic, il dit à la page 3 de sa déclaration: "Le 30

11 septembre, nous avons reçu des ordres de former une ligne de défense

12 allant de Brgat jusqu'au mont Sainte Barbara, qui avait une longueur

13 approximative de 700 mètres. Cette ligne de défense consistait ou était

14 composée de 110 hommes qui étaient stationnés à divers endroits

15 stratégiques. Ces hommes appartenaient à trois pelotons différents, et

16 chaque peloton était composé de 32 à 34 hommes. Il y avait trois bunkers

17 appartenant à la Deuxième Guerre Mondiale, trois vieux bunkers le long de

18 cette ligne de défense. Nous ne nous sommes servis que de deux de ces

19 bunkers, alors que le troisième se trouvait tout près des maisons de

20 villageois, mais au lieu de nous servir de celles-ci, nous avons creusé

21 des tranchées. Il y avait également des mitrailleuses, des fusils-

22 mitrailleurs à cet endroit-là; une autre mitrailleuse a été placée tout

23 près de l'entrée d'une église. Donc il dit qu'on n'a pas tiré depuis

24 l'église de Sainte Anna. Il y avait néanmoins un nid de mitrailleuse tout

25 près de l'église Sainte Anna.

Page 14541

1 Citation: "Nous avons également placé des mines TV, des grenades TV; je ne

2 sais pas exactement ce que signifient les lettres TV. Et je vois également

3 un diagramme qui nous montre les nids de mitrailleuses tout près de Brgat

4 et près d'autres endroits au village".

5 Ce témoin a remis ce croquis et ce document au Procureur. Je ne sais pas

6 de quelle façon est-ce qu'on peut lire son nom. Je crois qu'il s'agit d'un

7 Hollandais, je crois qu'il s'appelle Huykas; c'est lui qui a donné cette

8 déclaration au Bureau du Procureur.

9 M. Poljanic (interprétation): Je peux répondre?

10 Question: Mais bien sûr, je vous en prie, puisque je vous ai posé une

11 question.

12 Réponse: Eh bien, voilà: il y a un instant, j'ai dit qu'au mois de

13 septembre, tout près de Brgat -parce que je crois qu'entre les deux

14 endroits il y a au maximum deux kilomètres, pas plus- donc j'ai dit qu'un

15 obus avait été lancé sur Brgat. A Ivanica, il y avait une concentration

16 assez importante de soldats, je l'ai vue quelques jours avant lorsque je

17 suis allé à Trebinje. Donc je n'exclus pas la possibilité qu'il y ait eu

18 quelques soldats à nous à Brgat. Pas nombreux, je ne sais pas combien

19 exactement. C'est une possibilité; après tout, il fallait bien qu'on se

20 défende. Mais j'exclus toute possibilité qu'il y ait eu à l'église Sainte

21 Anne le moindre nid de mitrailleuse, notamment au niveau du clocher.

22 L'église Sainte Anne n'a pas de clocher, donc il n'y a pas eu de nid de

23 mitrailleuse à cet endroit-là, car elle n'avait pas de clocher à l'époque,

24 elle n'en a pas aujourd'hui. Donc, physiquement, je ne vois pas comment on

25 peut positionner une mitrailleuse sur un toit qui est couvert ou à

Page 14542

1 l'intérieur d'une église. Et ça c'est, de toute évidence, une affirmation

2 erronée.

3 Cette question n'arrête pas de revenir; et la réalité, c'est qu'en fait,

4 l'église Sainte Anne a été endommagée très gravement par votre armée.

5 Question: Bon!

6 Réponse: C'est la même chose pour le cimetière qui se trouve à côté de

7 l'église Sainte Anne qui a été très endommagé également.

8 Question: Mais lui, il parle comme il parle. Je vous rappelle également la

9 déclaration de Stipan Jelavic qui parle de l'utilisation de bunkers de la

10 Seconde Guerre mondiale.

11 Réponse: Il y a plusieurs bunkers dans cette zone, et c'est votre armée

12 qui en avait pris le contrôle, qui les avait occupés, ces bunkers de la

13 Seconde Guerre mondiale.

14 Question: Bien. Mais dans ce rapport de Stipan fournie par la partie

15 adverse, les enquêteurs ont publié ce texte en 2001, dans lequel il est

16 question d'un commandant des forces paramilitaires, commandant de l'armée

17 -donc ex-JNA- qui vient dans la région inspecter la ligne de défense, et

18 dire qui va être tué et qui ne le sera pas. Il s'agit d'un certain

19 Cengija.

20 Réponse: Cengija était commandant de notre défense. C'est un homme tout à

21 fait honorable. Et il est tout à fait certain qu'il n'a pas dit qui allait

22 être tué et qui n'allait pas être tué, qui aurait pu être tué à ce moment-

23 là? Certains membres de notre armée ont été tués plus tard, pour autant

24 que je le sache, mais pas à ce moment-là.

25 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Mais savez-vous…

Page 14543

1 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic. Monsieur Milosevic,

2 avant que vous ne poursuiviez, je tiens à vous dire que ces déclarations

3 que vous portez à notre attention et qui, si je vous comprends bien, ont

4 pour but d'étayer votre point de vue selon lequel la JNA était attaquée à

5 Dubrovnik, eh bien, je vous rappelle que ces déclarations ont une

6 importance tout à fait centrale par rapport à la thèse que vous défendez.

7 Donc, à mon avis, lorsque vous présenterez vos éléments de preuve, il me

8 paraît indispensable que vous citiez à la barre un témoin pour parler de

9 cela.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Robinson, écoutez: en fait, ce

11 n'est pas une question d'une importance centrale ou vitale. Ce n'est pas

12 possible d'ailleurs, car ni la Serbie ni aucun citoyen serbe n'a le

13 moindre rapport avec ces événements de Dubrovnik. Mais je parle de cela

14 parce que d'autres personnes, notamment des membres de la JNA, ont été

15 condamnées pour des actes qu'ils n'avaient pas commis. En fait, ils ont

16 fait tous les efforts possibles pour régler les difficultés de façon

17 pacifique, et c'est la raison pour laquelle ils ont été attaqués. Ça,

18 c'est la réalité.

19 Monsieur Poljanic, savez-vous que cet homme, Stipan Jelavic, dans sa

20 déclaration… Or c'était -je vous le rappelle- un témoin de l'accusation,

21 pas du tout un témoin de la défense; eh bien, malgré cela, manifestement,

22 il dit dans sa déclaration des choses très contraires à celles que vous

23 dites vous-même. Il dit qu'il y avait également des actions contre la JNA

24 menées par des chars antiaériens, des canons antiaériens à partir de

25 Dubrovnik.

Page 14544

1 M. Poljanic (interprétation): Mercredi dernier, j'ai parlé d'un canon de

2 20 millimètres. Je ne suis pas un expert militaire, mais j'ai dit que je

3 croyais que le calibre était de 20 millimètres; c'était une arme qui était

4 un petit peu intermédiaire entre le canon et la mitrailleuse. Cette arme

5 n'avait pas de culasse, ou bien sa culasse était abîmée –je ne me souviens

6 plus très bien- et elle a été réparée avec les moyens du bord. Mais, en

7 tout cas, elle était à bord d'une camionnette, d'un petit camion, et elle

8 circulait un peu partout en ville, mais pas dans la vieille ville bien

9 sûr. Elle circulait dans les autres quartiers. Et il est vrai qu'il y

10 avait un petit tube, un petit canon antiaérien à bord de ce camion. Donc

11 il a été déplacé un peu partout pour donner l'impression que nous

12 disposions d'un nombre plus importants d'armes alors que c'était la seule

13 arme de ce genre que nous avions. Et, bien sûr, cette arme a tiré: il

14 était normal que nous nous défendions, n'est-ce pas? Nous n'avons attaqué

15 personne avec cette arme; simplement, nous nous sommes défendus.

16 Question: Monsieur Poljanic?

17 Réponse: Oui, je vous en prie, poursuivez.

18 Question: Vous savez qu'en 1997, compte tenu que la grande valeur des

19 monuments culturels et du patrimoine culturel de Dubrovnik, aucune force

20 de la JNA n'a été stationnée dans la vieille ville et la garnison la plus

21 proche se trouvait en fait en Bosnie-Herzégovine?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Donc la vieille ville était totalement démilitarisée à ce

24 moment-là, précisément pour éviter tout dommage, toute destruction de ce

25 patrimoine culturel d'une grande valeur par les hommes de la JNA.

Page 14545

1 Réponse: Oui, oui, en effet.

2 Question: C'est donc bien vous qui avez démilitarisé Dubrovnik en 1991 et

3 qui êtes entrés dans le conflit, d'abord à la frontière monténégrine et

4 ensuite contre la JNA, et par la suite contre les deux? C'est bien cela,

5 n'est-ce pas?

6 Réponse: Non, apparemment, il va ressortir de tout cela que c'est nous qui

7 avons détruit la vieille ville car elle a été détruite.

8 M. Milosevic (interprétation): Combien elle a été détruite, nous allons en

9 parler dans un moment. Nous y viendrons plus tard.

10 M. Nice (interprétation): Avant de perdre de vue ce point, il y a donc ce

11 passage qui vient d'être cité par l'accusé d'un texte particulier où il

12 est question de ce canon antiaérien, c'est le premier paragraphe entier de

13 la page 4, à moins que ce ne soit dans le suivant. Oui, je crois que c'est

14 le paragraphe qu'il a lu et je pense qu'il faudrait le lire intégralement.

15 M. le Président (interprétation): Peut-être pourriez-vous nous le résumer?

16 M. Nice (interprétation): Je vais le lire, si c'est bien le passage auquel

17 pense l'accusé. La personne qui a établi cette déclaration dit qu'elle a

18 vu la JNA emporter ces canons et commencer à pilonner le secteur le 21

19 octobre. "Nous avons été pilonnés à l'aide de missiles venant de la mer,

20 plus précisément du secteur de Zupa. Les missiles tirés étaient des

21 missiles que je n'avais jamais vus auparavant".

22 Et, ensuite, dans ce même paragraphe, si c'est bien celui dont parle

23 l'accusé, il est dit "qu'aux environs de 5 heures du matin, le 22 octobre,

24 je me suis rendu compte qu'un char antiaérien venait à Brgat; je crois

25 qu'il était à bord d'un camion, et dès son arrivée il a commencé à tirer

Page 14546

1 avant de repartir très vite. La JNA a battu en retraite dans une certaine

2 mesure suite à cette ouverture du feu." (Fin de citation.)

3 M. Milosevic (interprétation): Très bien, cette déclaration n'est pas un

4 secret pour vous ici et je n'ai pas le temps de la lire intégralement.

5 J'ai simplement choisi des extraits qui me permettront de poser quelques

6 questions au témoin.

7 Je vais maintenant lire une autre partie de ce même texte de la

8 déclaration du même témoin qui s'appelle Stipan Jelavic et qui dit ce qui

9 suit -je cite-: "Pendant que j'étais à Dubrovnik, en service, je me suis

10 rendu compte du grand nombre de positions de défense croate. L'enquêteur

11 -je ne sais pas comment son nom se prononce- m'a fourni un plan de

12 Dubrovnik, et j'ai noté ceci sur le plan que j'ai soumis en annexe au n°1,

13 une annotation indique que c'est l'hôtel Neptune où des membres de la ZNG

14 sont présents, mais aucun coup de feu n'a été tiré; et, au n°2, un canon

15 antiaérien. Au n°3..."

16 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin doit avoir la

17 possibilité de répondre à ces différents points si nous voulons que sa

18 réponse soit précise.

19 L'hôtel Neptune, il vient d'être dit que les membres de la ZNG

20 stationnaient à cet endroit mais qu'aucun coup de feu n'a été tiré.

21 Un instant, Monsieur Milosevic! Laissez répondre le témoin.

22 Ceci est-il exact ou pas?

23 M. Poljanic (interprétation): Je ne sais pas s'il y avait des soldats à

24 l'hôtel Neptune. Je n'exclus pas la possibilité que certains aient pu

25 passer la nuit dans cet hôtel. Et le témoin déclare qu'ils n'ont tiré

Page 14547

1 aucun coup de feu. Je n'étais pas en mesure de savoir qui exactement se

2 trouvait à l'hôtel Neptune. Pour votre information, je vous dirais que

3 l'hôtel Neptune se trouve très à l'ouest de Lapad dans la région de

4 Dubrovnik, ce qui n'est pas dans la ville.

5 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Au point 2 de ce plan, il y

6 avait un canon antiaérien. Au point 3, un camion stationnait également. Au

7 point 4, un autre. Cela se trouvait à 50 mètres environ du poste de la

8 station météorologique et à une distance très faible de l'hôtel Libertas

9 également.

10 On lui demande si un canon antiaérien est stationné là, il ne dit pas quel

11 était le genre de canon mais qu'il y en avait un. Au point 6, est-ce un

12 autre canon dont il est question?

13 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut pas mémoriser tout

14 cela et vous répondre d'un coup; cela va trop vite. Laissez répondre le

15 témoin. Il doit pouvoir répondre.

16 M. Poljanic (interprétation): Tous ces lieux que vous avez cités sont dans

17 la péninsule, la péninsule où l'on trouve Lapad également, à 50 mètres de

18 la station météorologique. Moi, j'habite à cet endroit aussi, en tout cas

19 j'y ai habité tout près de là et je serais surpris de ne pas avoir entendu

20 parler de coups de feu tirés à partir d'un canon.

21 Je n'étais jamais vu canon de ce genre, je n'étais pas, bien sûr, au QG de

22 la défense de Dubrovnik. Je n'étais pas militaire, mais je n'exclue pas la

23 possibilité qu'à Lapad, comme je l'ai déjà dit dans ma déclaration d'il y

24 a huit jours, il y ait eu des positions de défense à Lapad. Je l'admets,

25 mais je ne sais rien de cela et, concrètement et précisément, je ne sais

Page 14548

1 même pas si ce qui est dit au sujet de ce qui se passait à 50 mètres de ma

2 maison ou de mon appartement est exact.

3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais maintenant vous soumettre un

4 plan, un petit dessin avec les positions qui y sont annotées. Mais entre-

5 temps, je vous demanderai si vous avez connaissance d'un rapport du

6 ministère de la Défense nationale, en date du 4 octobre 1991 qui déclare

7 que "les forces oustachis, avec des armes, contrôlaient Dubrovnik et

8 avaient pris la population de la ville en otage. Et de cette position très

9 avantageuse, elles ont ouvert le feu sur la JNA, y compris sur les

10 monuments du patrimoine culturel et historique de la ville. Et que c'est

11 la JNA qui a sauvé ces monuments avec beaucoup de difficulté, les soldats

12 risquant leur vie, alors que les formations d'Oustachis avec des

13 formations de mercenaires préparaient la mise en oeuvre d'un scénario

14 destiné à détruire la ville de Dubrovnik, pour ensuite faire porter la

15 responsabilité à la JNA pour cet acte de vandalisme." C'est un rapport que

16 je vous cite. Avez-vous connaissance de ce rapport?

17 Réponse: Oui, je n'ai même pas besoin de l'écouter, je trouve très

18 douloureux d'écouter cela. Je prétends qu'à part la ville elle-même, le

19 nom de Dubrovnik, chaque lettre contenue sur cette page, chacune des pages

20 de ce document sont des faux. C'est ce que je prétends. Il n'y a pas

21 d'autre expression que je puisse utiliser que l'expression "mensonge et

22 faux".

23 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais nous aurons maintenant deux

24 cassettes qui vont être diffusées que vous allez entendre. Vos

25 commentaires vont être entendus sur cette cassette. J'aimerais demander à

Page 14549

1 la régie de diffuser ces cassettes.

2 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant avoir la pause et

3 nous reprenons dans 20 minutes avec les cassettes.

4 M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic, souhaitez-vous que ces

5 déclarations soient versées au dossier, celles de M. Jelavic?

6 M. Milosevic (interprétation): Oui, Monsieur Kwon, en effet. Et j'ai déjà

7 dit à M. Poljanic que j'aimerais lui montrer quelque chose dans ce

8 rapport, ce petit dessin, ce petit diagramme dessiné par Stipan Jelavic,

9 de façon à ce qu'il l'examine si cela l'intéresse.

10 M. le Président (interprétation): Nous parlerons de cela après la pause.

11 M. Milosevic (interprétation): Il y en a un…

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, nous entendrons vos

13 commentaires sur cette déclaration. Vous allez sans doute dire que c'est

14 une pratique contraire à celle que nous avons appliquée jusqu'à présent.

15 Nous en avons déjà parlé. La meilleure façon de nous soumettre des

16 éléments de preuve, c'est par voie de déclarations de ce genre, à moins

17 que vous ne le souhaitiez que le témoin soit appelé à la barre.

18 M. Nice (interprétation): Je peux répondre rapidement si vous le souhaitez

19 pour éviter un débat après la pause. La politique générale, bien sûr au

20 sujet des déclarations personnelles, consiste à ne pas les verser au

21 dossier et à ne pas citer des passages trop longs pour que les témoins

22 interrogés puissent les gérer, et tout cela sans entrer trop dans le

23 détail. Mais je demanderai à ce que chacun fasse preuve de beaucoup de

24 précautions avant de changer notre pratique par rapport à ce genre de

25 documents. Bien sûr la décision appartient à la Chambre, mais je pense

Page 14550

1 qu'il conviendrait de ne pas la modifier trop considérablement.

2 M. Kwon (interprétation): Si c'est une déclaration qui a été fournie par

3 le Bureau du Procureur, il y a une certaine limite à cette pratique,

4 n'est-ce pas, ou un garde-fou nécessaire?

5 M. Nice (interprétation): Comme vous le savez, Messieurs les Juges, dans

6 d'autres instances j'accepte tout à fait que des déclarations de témoins

7 soient versées au dossier, mais cette Chambre a rendu une décision

8 contraire. De façon générale; j'apprécie beaucoup que les déclarations

9 figurent au dossier, mais ce qui m'inquiète un petit peu ici, c'est

10 l'incertitude qui peut apparaître au sujet du statut de tels documents en

11 tant que pièces à conviction, en tant qu'éléments de preuve. C'est tout.

12 Je ne m'oppose pas au versement au dossier de ces documents pour des

13 raisons autres que ce que je viens de dire. Je ne pense pas que tel ou tel

14 témoin ait menti.

15 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, je disais que vous semblez

16 avoir la même position sur ces déclarations. Je veux dire que ce que vous

17 souhaitez également, c'est placer les références citées par l'accusé dans

18 leur contexte, celles qu'on trouve dans ses déclarations. Mais il me

19 semble que vous accordez une importance très grande à ces déclarations.

20 M. Nice (interprétation): Je ne suis pas sûr de cela. Je veux dire ce

21 témoin particulier, par exemple, nous n'avons aucune objection à ce que

22 lui soient lus des passages et qu'il y réfléchisse. Et pour autant que je

23 le sache, nous n'avons aucune raison de douter de la véracité de ses

24 dires. Mais je ne veux pas en faire un problème. Ce qui est très important

25 pour un témoin, c'est de ne pas avoir un passage précis qui lui est cité

Page 14551

1 et qui peut provoquer chez lui une réaction importante et peut être

2 regrettable et injuste pour lui. Et par conséquent, tout ce que je dis,

3 c'est qu'à trois ou quatre fois, le contexte n'était pas cité de la

4 meilleure manière qu'il soit et pas tout à fait précis.

5 S'agissant des déclarations de témoins, sauf lorsque nous croyons que le

6 témoin ne dit pas la vérité nous n'avons aucun problème à ce que la

7 Chambre les admette et les verse au dossier, les accepte en tant que

8 pièces au dossier. Je répète simplement ce que j'ai demandé aux Juges de

9 cette Chambre, avant de revenir sur les règles édictées par vous: il est

10 risqué de créer des difficultés s'agissant de la qualité…

11 M. le Président (interprétation): Le danger sur le principe, si je puis

12 dire, c'est d'admettre toutes les déclarations automatiquement. Parce

13 qu'une déclaration fournie par le Procureur est une chose, mais nous

14 pourrions nous trouver dans une situation dans laquelle on nous invite à

15 prendre en compte toutes les déclarations préalables, même celles…, en

16 raison du fait qu'elles ont été entendues par les enquêteurs du Tribunal.

17 Et il me semble que, sur le principe, nous devons faire preuve de

18 précaution avant d'admettre de telles déclarations.

19 Nous admettons celle d'aujourd'hui: elle vient d'un juge; elle fait état

20 du travail accompli par lui. Il y a des signes de fiabilité dans cette

21 déclaration qui date de l'époque et qu'il est bon que nous admettions. Il

22 est juste que nous admettions cette déclaration qui appartient à une autre

23 catégorie.

24 Maître Kay, pourriez-vous nous aider?

25 M. Kay (interprétation): Après la pause.

Page 14552

1 M. le Président (interprétation): A la fin du contre-interrogatoire peut-

2 être. Vingt minutes de pause.

3 (L'audience, suspendue à 12 heures 18, est reprise à 12 heures 40.)

4 M. le Président (interprétation): Nous allons passer ces enregistrements

5 maintenant. Est-ce qu'on peut le faire, à présent?

6 (Diffusion de la vidéo.)

7 M. Milosevic (interprétation): C'est tout ce qu'il y a pour ce qui est de

8 cet enregistrement. Je vous demanderai de faire passer l'autre,

9 maintenant.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, qu'avons-nous vu, au

11 juste? Qui a fait cet enregistrement-là? D'où cela vient-il? Avant de

12 commencer à interroger à ce sujet, veuillez nous le préciser.

13 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, je n'ai pas de renseignements

14 précis, mais vous avez vu les intervenants, les personnes qui ont pris la

15 parole.

16 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela peut être également un

17 élément de propagande. Il faudrait que nous ayons davantage d'éléments

18 pour pouvoir décider s'il convient d'y accorder un poids quelconque ou

19 pas.

20 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, pour ce qui est des

21 renseignements précis, je ne les ai pas sur moi. Mais je pense que ni le

22 journaliste de "The Indépendant" de Londres ou le représentant des

23 services de contre-espionnage américains ne représentent pas des

24 intervenants de la propagande de Belgrade. Vous les avez entendus et ils

25 ont parlé en présentant leur identité pleine et entière, donc en parlant

Page 14553

1 en leur nom et prénom.

2 M. le Président (interprétation): Ça, nous ne le savons pas. Je pense

3 qu'il faut que le témoin puisse répondre. Etant donné que cet

4 enregistrement a été présenté, le témoin doit pouvoir avoir l'opportunité

5 de répondre.

6 M. Poljanic (interprétation): Tout ce que j'ai vu ici est une chose qui

7 m'est connue. Je sais à quelle date ceci a été enregistré. J'ai reçu

8 personnellement ces gens à Dubrovnik et je vais vous dire comment ces

9 films ont été pris.

10 Après le 1er octobre 1991, époque à laquelle Dubrovnik a été bombardée de

11 toutes parts, nous avions, autant que faire se pouvait, fait beaucoup de

12 vacarme. Nous voulions, de toutes les façons possibles, informer au

13 maximum le monde de ce qui se passait.

14 Dubrovnik a véritablement été bombardée de façon terrible; il est tombé

15 des milliers et des milliers d'obus sur Dubrovnik. Mais avant le 23

16 octobre, il n'y en a pas eu un seul à tomber sur la vieille ville.

17 En réponse à nos insistances visant à faire savoir au monde, au reste du

18 monde ce qui se passait à Dubrovnik, il a été organisé une visite de

19 journalistes à Dubrovnik. Je répète une fois de plus que je les ai reçus

20 personnellement. Ils sont venus par la mer; on ne les a pas laissés passer

21 par Konavle qui avait déjà été détruit complètement. Ils sont donc arrivés

22 par voie maritime, ils ont débarqué dans le port de la vieille ville. Je

23 les ai accueillis, je les ai reçus moi-même.

24 On les a laissé filmer la vieille ville, chose que vous avez pu voir sur

25 cet enregistrement vidéo. Vous n'avez aucune prise de vue extérieure à la

Page 14554

1 vieille ville. On les a donc laissé visiter la vieille ville. Ils ont

2 enregistré, ils ont filmé la chose à Dubrovnik et ils ont affirmé que

3 c'était complètement faux parce que Dubrovnik n'était pas bombardée du

4 tout.

5 Par la suite, il y a eu de terribles bombardements de la vieille ville

6 aussi, mais cela a commencé le 23 octobre. Les deux premiers obus sont

7 tombés l'un sur le musée, l'autre dans la rue Bosko Vujic, à côté de

8 Stradun, la rue principale. C'est ça, la vérité. Allez-y.

9 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais que nous visionnions le

10 deuxième enregistrement. Cela a été filmé par John Peter Mayer, en date du

11 25 mars 1992. C'est un professeur de l'Illinois, de l'université de

12 l'Illinois. Et après cela, j'aurais des questions à poser aussi.

13 (Diffusion vidéo avec sous-titrages.)

14 M. Milosevic (interprétation): Ici, il n'y a pas de son, on ne fait que

15 présenter des vues en long, en large sur la vieille ville, mais

16 l'enregistrement tout entier ne dure que quelques minutes.

17 (Reprise de la diffusion de la vidéo avec sous-titrages.)

18 (Les Juges se concertent sur le siège.)

19 M. Nice (interprétation): Pendant que nous sommes en train de regarder ces

20 enregistrements, nous aimerions savoir si ce professeur de l'Illinois a

21 été la personne qui a placé les sous-titres sur l'enregistrement vidéo que

22 nous sommes en train de visionner.

23 M. Milosevic (interprétation): Moi, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait

24 d'un film qu'il avait tourné lui-même en sa qualité d'amateur. Ce n'est

25 pas un cinéaste professionnel, il a filmé en long et en large. Je n'ai pas

Page 14555

1 eu l'opportunité de faire un choix, donc j'ai choisi un segment au hasard

2 et je n'ai pas pu abréger.

3 (Diffusion du film sous-titré.)

4 Bon, je crois que cela suffit. Cela a été tourné le 25 mars 1992.

5 Et comme vous pouvez le constater, la vieille ville tout entière est

6 intacte.

7 Et vous n'ignorez pas que ce sont les membres des vôtres, de

8 rassemblements de la garde nationale qui ont incendié la bibliothèque de

9 l'église orthodoxe serbe. C'est la seule construction sérieusement

10 endommagée. C'est bien vrai ou pas, Monsieur Poljanic?

11 M. Poljanic (interprétation): Ce n'est pas exact. D'un, ce n'est pas du

12 tout la librairie de l'église orthodoxe serbe, c'est le bâtiment qui était

13 celui de Mile Grbic, un peintre de l'Académie des arts.

14 Et c'est lui qui a sorti sa mère, âgée de 90 ans, sur ses bras. C'était

15 son bâtiment à lui et ce n'était pas la bibliothèque de l'église orthodoxe

16 serbe.

17 Question: Et là où il est marqué "icône"?

18 Réponse: Oui, ça, c'était un magasin où on vendait des icônes.

19 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est en cyrillique?

20 M. Poljanic (interprétation): Oui, pourquoi pas? Vous voyez que personne

21 n'a détruit ce panneau-là où on indique la direction à suivre pour

22 regarder l'exposition des icônes, c'est préservé. Mais le bâtiment que

23 l'on a montré ce n'est pas le bâtiment de la bibliothèque de l'église

24 orthodoxe serbe, mais le bâtiment de l'artiste Mile Grbic; et c'est le

25 bâtiment qui a été le plus détruit. Peut-être est-ce là l'enregistrement

Page 14556

1 qui a été fait dont la qualité est la meilleure, parce que le reste est

2 assez mal filmé. On peut très peu voir de ce que nous avons vu sur les

3 écrans. On a vu à un endroit, un bout de destruction au niveau du mur de

4 l'église de Saint Blaise, qui est le protecteur de Dubrovnik.

5 A l'époque, la ville avait déjà été assainie, nettoyée. Mais il est

6 notoirement connu le fait qu'il est tombé 1.000 et quelques obus sur

7 Dubrovnik; et on sait fort bien que sur Stradun, il est tombé 56 grenades,

8 Stradun étant la rue principale de la vieille ville. On sait aussi que,

9 sur le monastère des Franciscains, il est tombé 53 obus, sur ce monastère

10 seul. Sur le monastère dominicain que l'on a vu également, il est tombé 23

11 obus. Il est également notoirement connu le fait que sur l'église de Saint

12 Blaise, il est tombé… (L'interprète n'a pu entendre combien d'obus.)

13 Mais vous allez recevoir la visite ou le témoignage ici d'une personne qui

14 est architecte et qui est chargée de la sauvegarde et de la protection des

15 monuments de la vieille ville.

16 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, mais aidez-nous en ceci.

17 L'accusé a affirmé que la bibliothèque de l'église orthodoxe serbe a été

18 incendiée et que ce sont les membres du ZNG qui l'ont fait. Pouvez-vous

19 d'abord nous dire si cette bibliothèque a été incendiée et si, de deux, si

20 cela a été fait par les membres de la ZNG?

21 M. Poljanic (interprétation): Je puis vous garantir, par tout ce qui peut

22 être utilisé pour fournir des garanties, qu'il n'y a pas eu d'attaque

23 lancée par les Zenga, à savoir les membres du Rassemblement de la garde

24 nationale contre la bibliothèque de l'église orthodoxe. Tout ce qui a

25 souffert à Dubrovnik est la bibliothèque, peut-être que je dois être

Page 14557

1 sincère et dire que je ne le sais pas. S'il y a eu des dommages, je veux

2 bien l'admettre, mais cela n'a été dû qu'aux pilonnages effectués par

3 l'armée que l'on a convenu d'appeler serbo-monténégrine ou yougoslave,

4 comme vous le voulez, et que cela n'est l'œuvre que d'eux, cela n'est pas

5 l'œuvre de qui que ce soit d'autre. Il n'est pas tombé d'obus de quelque

6 autre partie que ce soit sur Dubrovnik.

7 M. Milosevic (interprétation): Mais vous avez pu constater, Monsieur le

8 Témoin, que tous ces bâtiments que nous avons vus n'ont pas été détruits

9 par ces pilonnages?

10 Réponse: Vous savez très bien comment Dubrovnik a été construite. Vous

11 savez que tous ces bâtiments qui s'appuient l'un sur l'autre sont

12 difficiles à écrouler, même avec des obus. Mais chacun de ces bâtiments a

13 été, ou presque chacun, touché par des obus; tous les toits ont été

14 détruits. Et lorsque l'on vient à Dubrovnik en venant par les montagnes,

15 par les hauteurs, on ne voit plus la couleur patinée des vieux toits:

16 maintenant, vous voyez des toits rouges, tout neufs, parce que,

17 pratiquement ou entièrement, tous les toits ont dû être refaits.

18 Question: Monsieur Poljanic, vous avez, en faisant des commentaires au

19 sujet du premier enregistrement, dit que cela était fait auparavant et que

20 ce n'est qu'après le 23 ou le 24 octobre qu'on avait pilonné la vieille

21 ville?

22 Réponse: Avec deux obus au début.

23 Question: Et que, par la suite, il y a eu beaucoup de dégâts?

24 Réponse: Exact.

25 Question: En dépit du fait que la vieille ville ait été démilitarisée?

Page 14558

1 Réponse: C'est cela.

2 Question: Comment expliquez-vous le fait que le 30 octobre 1991, à savoir

3 une semaine après l'attaque que vous avez mentionnée tout à l'heure, à

4 savoir le dernier jour du mois d'octobre de l'année 1991, des diplomates

5 étrangers et, parmi eux, l'ambassadeur de la Grande-Bretagne, de la

6 Hollande, de l'Italie, de la Grèce et l'adjoint de l'ambassadeur des USA

7 ont visité la ville et ont constaté que la vieille ville n'était pas

8 endommagée, exception faite de quelques constructions en bord, en bordure

9 de ville, avec des dégâts majeurs, sans indiquer qui les avait détruites,

10 alors qu'ils ont précisé que les récits relatifs à 15.000 obus tirés sur

11 la ville étaient dénués de tout fondement? C'était un communiqué officiel

12 qu'il nous a été donné d'entendre, tous, nous tous, par les médias, le 30

13 au soir de cette année 1991.

14 Réponse: J'ai quand même dit la vérité. Si je me suis trompé, je veux bien

15 admettre que l'erreur a pu se glisser au niveau d'un chiffre trop petit.

16 Il est exact que le 12 octobre, il est tombé sur Dubrovnik au moins 15.000

17 obus et, si je me suis trompé, c'est parce que j'ai dit un nombre trop

18 petit. Les gens que vous venez de citer sont venus, effectivement, le 30

19 octobre; il y a eu tout un convoi que l'on avait appelé "Libertas".

20 Question: Oui, mais ces gens-là ont été là-bas et nous les avons tous

21 entendus dire ce qu'ils ont dit?

22 (Les interprètes demandent de faire des pauses entre les questions et les

23 réponses.)

24 Réponse: De la même façon où on a reçu les journalistes que j'ai reçus

25 moi-même et qui, par la suite, après les bombardements des environs de la

Page 14559

1 ville, ils sont venus dans la vieille ville: ils ont filmé, ils ont

2 constaté que cela n'était pas endommagé et c'est l'information qui a

3 circulé dans le monde entier. Mais on ne les a pas laissés voir les

4 environs immédiats.

5 Question: Mais écoutez, Monsieur Poljanic. Vous venez de nous dire qu'ils

6 avaient vu que la vieille ville n'était pas endommagée et vous avez

7 affirmé qu'il est tombé 15.000 obus sur la vieille ville?

8 Réponse: Non, non, non, je n'ai jamais dit que la vieille ville avait été

9 touchée par 15.000; j'ai dit: la région de Dubrovnik, 15.000. Et la

10 vieille ville, 1.056.

11 Question: Mais vous venez de dire que 1.056 obus sont tombés et il n'y a

12 pas eu de dégâts?

13 Réponse: Non, pas à ce moment-là. C'est tombé par la suite. Concrètement,

14 il est tombé, le 23 octobre, deux obus: l'un sur la rue Boskovic et

15 l'autre sur le toit du musée Rupe. Si quelqu'un ne veut pas le voir, il

16 n'a qu'à ne pas le voir!

17 Question: Ecoutez, Monsieur Poljanic, si nous nous penchons sur la carte

18 qui a été tracée par Stjepan Jelavic, le témoin dont nous avons parlé tout

19 à l'heure, et où l'on voit les positions à partir desquelles on avait

20 ouvert le feu en direction de la JNA, n'apparaît-il pas clairement que la

21 JNA n'avait fait que riposter au feu, aux tirs ouverts, partant des

22 positions que j'ai indiquées?

23 (Intervention de l'huissière.)

24 Réponse: Ce n'est pas clair et cela ne peut pas être clair. La JNA n'a

25 fait que s'attaquer à Dubrovnik; elle n'a pas riposté à des tirs provenant

Page 14560

1 de Dubrovnik parce que des tirs de ce genre, il n'y en a tout simplement

2 pas eu. Les positions qui ont été tracées ou indiquées ici se rapportent

3 toutes, sauf une… Non, il n'y en a même pas, il n'y a pas d'exception. Il

4 n'y a pas une seule position d'indiquée au niveau de la vieille ville; je

5 ne la vois pas, du moins.

6 Donc sur la carte que vous venez de me montrer, où il y a Jelavic, le

7 témoin Jelavic, il n'y a aucune position de tirs situés dans la vieille

8 ville. Cela ne fait que conforter mes dires.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez donc que l'armée a attaqué, a

10 procédé à une invasion contre son territoire à elle -parce que la

11 Yougoslavie existait encore, à l'époque- et l'armée ripostait à des tirs

12 qui avaient été… qui provenaient...

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez souligné

14 cela à bon nombre de reprises. Le témoin en a déjà parlé. Si vous n'avez

15 rien de nouveau à dire, veuillez mener ce contre-interrogatoire à terme.

16 M. Milosevic (interprétation): C'est très bien. Je veux bien, Monsieur

17 May.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay?

19 M. Kay (interprétation): Si nous pouvons bénéficier d'un peu plus de

20 temps, je réalise la position difficile de cette journée d'aujourd'hui,

21 étant donné ce que nous faisons à la fin des travaux de cette Chambre pour

22 cette journée. Je voudrais vous demander quand même cinq minutes.

23 M. le Président (interprétation): Vous avez cinq minutes.

24 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au témoin Petar Poljanic.)

25 M. Kay (interprétation): Monsieur le Témoin, concernant les

Page 14561

1 enregistrements vidéo qui vous ont été présentés par M. Milosevic dans la

2 matinée, il apparaît clairement qu'un certain nombre de journalistes ont

3 été conviés à venir à Dubrovnik; c'est exact ou pas?

4 M. Poljanic (interprétation): Oui, c'est exact.

5 Question: A l'époque, qui avait exercé le contrôle sur la ville de

6 Dubrovnik?

7 Réponse: La ville de Dubrovnik était placée sous notre contrôle à nous.

8 Question: Quand vous dites "nous", vous entendez par là la cellule de

9 crise?

10 Réponse: Non, j'ai à l'esprit les autorités municipales.

11 Question: Qui avait exercé le contrôle sur la police?

12 Réponse: Le responsable, le directeur de l'administration de la police.

13 Question: Et pour ce qui est de la défense de Dubrovnik, qui se trouvait à

14 la tête de cette défense?

15 Réponse: Est-ce que vous parlez de la fin du mois de septembre? Et au-

16 delà, c'était Nojko Marinovic qui était lieutenant-colonel à l'époque et

17 qui est général de nos jours.

18 Question: Oui. Précisément, ma question a concerné la période allant du

19 1er octobre jusqu'à la fin du mois de décembre.

20 Réponse: Le général Marinovic.

21 Question: Lorsque ces journalistes ont été invités en cette occasion-là,

22 est-il arrivé que d'autres journalistes soient conviés à venir à

23 Dubrovnik?

24 Réponse: Nous n'avons pas convié ces journalistes à venir à Dubrovnik,

25 d'un. De deux, ces journalistes sont venus, pour être sincère, je ne sais

Page 14562

1 pas comment; nous ne les avons pas conviés, ils sont tout simplement

2 venus. Par la suite, nous avions convié des journalistes, mais il était

3 difficile de venir jusqu'à Dubrovnik et il en est venu très peu. Et ceux

4 qui ont pu venir ont envoyé des rapports très corrects à l'intention du

5 reste du monde. Mais il y a eu des journalistes qui ont tourné des films

6 du type de celui qu'on a vu tout à l'heure.

7 Question: L'un de ces journalistes aurait, semble-t-il, dit qu'il y avait

8 eu des provocations qui étaient faites par des gens se trouvant à

9 Dubrovnik et ouvrant le feu en direction de Serbes. Et il s'attendait à ce

10 que l'on riposte, c'est bien exact?

11 Réponse: Si quelqu'un l'a dit, il a menti.

12 Question: Ce que je voudrais dire à présent, c'est la chose suivante: ce

13 que vous avez effectué pendant cette période, courant d'octobre à la fin

14 du mois de décembre, n'a-t-il pas été une campagne publicitaire à

15 l'intérieur de Dubrovnik aux fins de tourner, de procéder à un revirement

16 de l'opinion publique mondiale contre les Serbes?

17 Réponse: Non, non, je ne sais pas ce que vous avez à l'esprit quand vous

18 dites ce que nous avons fait à l'intérieur de Dubrovnik.

19 Pouvez-vous être un peu plus clair? Est-ce que vous parlez des

20 informations que nous avons diffusées vers le reste du monde?

21 Question: Tout d'abord, a-t-on incendié des pneus dans les rues pour que

22 l'on ait l'impression que des bombes ou des obus étaient tombés et que la

23 ville était incendiée? N'a-t-on donc pas mis le feu à des pneus pour

24 donner l'impression d'incendies qui étaient en cours?

25 Réponse: C'est un mensonge odieux. Je jure que cela n'est pas le cas. Il y

Page 14563

1 a des pneus qui ont brûlé, mais ces pneus étaient sur des véhicules qui

2 ont été incendiés par l'armée yougoslave et, non seulement, les pneus,

3 mais les véhicules tout entiers, y compris les pneus, ont brûlé. Mais

4 aucun citoyen de Dubrovnik n'a incendié, n'a mis le feu à des pneus pour

5 diffuser, dans le monde, l'image d'une ville de Dubrovnik en feu. Et il

6 faut qu'on se mette d'accord et que l'on accepte une vérité, à savoir que

7 jamais Dubrovnik n'a autant souffert, n'a autant pâti dans toute son

8 histoire qu'à cette époque-là.

9 Question: Est-ce que des canons ou des mitrailleuses ont été placés sur

10 des toits des bâtiments pour tirer en direction de la JNA et pour rendre

11 possible une riposte que vous saviez devoir arriver?

12 Réponse: Je ne comprends pas votre question. Il n'y avait ni canon ni

13 mitrailleuse sur les toits des bâtiments. Je ne comprends pas votre

14 question.

15 Pouvez-vous la répéter? De quel toit, de quel bâtiment parlez-vous?

16 Question: Vous avez entendu le journaliste qui a donné la description d'un

17 homme qui se trouvait au sommet d'un bâtiment d'hôtel et qui tirait à

18 partir d'un nid de mitrailleuse. Et il a dit que l'on pouvait s'attendre à

19 ce qu'il y ait riposte. Est-ce que cela a été fait, oui ou non,

20 délibérément pour provoquer des réactions, une riposte?

21 Réponse: Pourquoi ferions-nous cela pour provoquer quiconque nous a

22 pilonnés? Où est la logique? Mais allons donc!

23 Question: Une fois de plus, lorsqu'il s'agit de politique, pour conduire à

24 une condamnation des Serbes, on a pu se servir de Dubrovnik comme étant

25 une ville notoirement connue pour placer la chose au service d'une telle

Page 14564

1 politique.

2 M. Poljanic (interprétation): Ce que nous avons fait, les informations que

3 nous avons placées vers le reste du monde, ont été faites pour protéger la

4 ville, pour protéger la municipalité de Dubrovnik, donc les alentours de

5 la ville de Dubrovnik et il n'y avait pas d'autre raison à cela. Donc nous

6 avons fait cela uniquement pour faire connaître la vérité au reste du

7 monde. Nous savions que Dubrovnik était une ville importante, nous savions

8 qu'elle faisait partie du patrimoine culturel mondial et nous avons

9 diffusé ces informations uniquement et exclusivement aux fins de nous

10 protéger, de se protéger.

11 Et nous avions, pour visée unique, la nécessité de faire en sorte que le

12 reste du monde vienne à notre secours pour nous protéger.

13 M. Kay (interprétation): C'est tout ce que j'avais à vous demander.

14 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Petar Poljanic, par M.

15 Nice.)

16 M. Nice (interprétation): J'ai plusieurs questions à vous poser.

17 On a affirmé que vous aviez suscité des tirs en direction de la ville, en

18 direction de vous-mêmes. Est-ce qu'il y a une vérité quelconque pour ce

19 que l'on a suggéré par là?

20 M. Poljanic (interprétation): A l'époque, je tiens à dire que, d'abord,

21 les gens de Dubrovnik aiment trop leur propre ville pour permettre à

22 quiconque de tirer un coup de feu, ne serait-ce qu'un coup de feu en

23 direction de la ville. Donc les gens de Dubrovnik ou les gens des environs

24 de Dubrovnik n'ont jamais tiré une seule balle. Non seulement au cours de

25 cette guerre-ci, mais avant et après, non plus. Pour ce qui est des

Page 14565

1 habitants de Dubrovnik, la ville de Dubrovnik est une divinité et c'est

2 peut-être probablement la seule ville où l'on écrit "ville" avec un grand

3 "V".

4 M. Nice (interprétation): Merci.

5 L'affirmation aux termes de laquelle les Serbes auraient été persécutés de

6 quelque façon pendant cette guerre, y a-t-il donc là une vérité quelconque

7 pour ce qui est d'affirmer que les habitants serbes de Dubrovnik ont été

8 persécutés, qu'on les a privés de leurs droits?

9 Réponse: Non, on ne les a privés d'aucun droit. Ils n'ont, en aucune

10 façon, été persécutés. Et depuis le temps que je témoigne ici, on n'a pas

11 mentionné la chose. Mais il y a eu des Serbes de Dubrovnik qui, de façon

12 très honorable, ont fait partie des rangs de l'armée croate et, avec tous

13 les autres, ont contribué à la défense de la ville.

14 Et il en est de nos jours encore, dans l'armée croate, qui sont

15 originaires de cette région-là.

16 Question: L'accusé vous a posé une question d'une façon quelque peu

17 différente et vous a demandé s'il y avait une corrélation quelconque entre

18 l'attaque lancée contre Dubrovnik et la Serbie elle-même. Vous avez dit

19 qu'il avait été longuement question des liens avec la Serbie.

20 Je voudrais à présent que vous nous citiez, par thèmes, quelles sont les

21 corrélations entre ces éléments-là -corrélations historiques-, entre ces

22 événements, non seulement pour ce qui est de la JNA et de la Serbie, mais

23 du reste.

24 Pourriez-vous donner quelques phrases à ce sujet?

25 Réponse: Si je vous ai bien compris, je dirais qu'il n'y a qu'une seule

Page 14566

1 corrélation entre ce qui s'est passé et la JNA, c'est la tentative de

2 mettre en place une Grande Serbie et rien d'autre.

3 Question: L'accusé vous a affirmé que, dans la JNA, il y avait des

4 représentants de tous les groupes ethniques. Que pouvez-vous dire à ce

5 sujet, s'agissant de la période et s'agissant de la région de Dubrovnik?

6 Réponse: A l'époque, les Slovènes, les Croates avaient déjà quitté la JNA

7 et il en va de même pour ce qui est des Macédoniens; en majeure partie, je

8 crois aussi les Albanais. Ils étaient donc tous sortis de la JNA.

9 Maintenant, s'agissant de l'assertion aux termes de laquelle il y a eu

10 plusieurs Croates de tombés du côté de la JNA, c'est vrai, c'étaient des

11 Croates qui étaient des citoyens du Monténégro. Ils se trouvaient dans

12 l'armée yougoslave et, très naturellement, ils avaient fait partie des

13 effectifs de l'occupant, ils avaient pris part au combat et, très

14 certainement, certains d'entre eux seraient tombés.

15 Question: Restons-en au sujet du Monténégro et des liens avec la Serbie.

16 Savez-vous ou avez-vous connaissance d'excuses éventuelles de la part du

17 Premier ministre ou du Président du Monténégro?

18 Réponse: Oui, le Président Djukanovic a présenté des excuses à l'intention

19 du peuple croate pour ce qui s'était passé au Sud de la Croatie, chose à

20 laquelle avaient pris part des citoyens du Monténégro.

21 Je dois, à ce sujet-là, mentionner autre chose encore. Pendant la guerre à

22 Cetinje -Cetinje est une ville très ancienne du Monténégro, auparavant

23 cela avait été la capitale du Monténégro-, les libéraux avaient organisé

24 un rassemblement populaire où avaient pris part quelque 2.000 personnes.

25 C'était un nombre considérable. Il n'était pas facile de rassembler autant

Page 14567

1 de gens.

2 Et ils avaient fait une sorte de poème disant que la fée de Lovcen s'est

3 écriée: "Pardonne-nous, Dubrovnik" ou "Pardonne-nous, Ville de Dubrovnik!"

4 (Libre interprétation de l'interprète.)

5 Question: Avez-vous connaissance, s'agissant de ces excuses présentées par

6 M. Djukanovic, y a-t-il eu au niveau de ses excuses une référence

7 quelconque à la Serbie? Et si vous ne vous en souvenez pas, nous pouvons

8 vous faire réécouter l'enregistrement.

9 Réponse: Ecoutez, je ne m'en souviens pas, mais vous pouvez me faire

10 réécouter l'enregistrement et je vous répondrai.

11 Question: Une autre fois, nous n'avons pas le temps à présent. Savez-vous

12 nous dire aussi s'il y a eu des Serbes en Serbie même qui ont organisé des

13 manifestations pour ce qui est de Dubrovnik?

14 Non, je m'excuse. Est-ce que des Serbes en Serbie auraient manifesté des

15 manifestations à l'occasion des souffrances endurées par Dubrovnik? N'a-t-

16 il pas été organisé un rassemblement à Belgrade le 30 octobre?

17 Réponse: Je ne suis pas au courant. J'ai entendu dire qu'il y avait eu des

18 protestations individuelles, mais je n'ai pas entendu dire qu'il y avait

19 eu rassemblement en masse.

20 Question: En dernier lieu, je souhaiterais vous poser une ou deux

21 questions concernant ces films que vous venez de voir, ces séquences

22 vidéo. Vous dites que la maison de Ivo Grbic avait été rasée et que vous

23 l'avez vue dans la séquence vidéo. Pourriez-vous me dire de quelle façon…

24 Vous voulez dire qu'elle a été rasée au sol?

25 Réponse: Non, les murs sont restés, les murs mitoyens qui la reliaient à

Page 14568

1 d'autres maisons; elle n'a pas été complètement rasée au sol, mais elle a

2 été incendiée complètement. Elle a fait l'objet de deux ou trois obus et

3 je crois que la destruction qui était de bois a dû s'enflammer. Je ne sais

4 pas s'il s'agissait de la construction de bois qui existait entre les

5 étages ou entre le toit et le restant de la maison, mais la maison entière

6 a brûlé et les murs étaient restés. Aujourd'hui, on a reconstruit cette

7 maison.

8 M. Nice (interprétation): Merci.

9 M. Poljanic (interprétation): Je vous en prie.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Poljanic, cela met fin à votre

11 témoignage. Je vous remercie d'être venu témoigner au Tribunal pénal

12 international et vous pouvez maintenant disposer.

13 (Le témoin, M. Petar Poljanic, est reconduit hors du prétoire.)

14 (Questions relatives à la procédure.)

15 En fait, nous proposons de lever l'audience à 13 heures 30, car nous avons

16 une autre audience une heure plus tard.

17 Il serait utile d'entendre brièvement les amici au sujet de la déclaration

18 de M. Jelavic.

19 M. Kay (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'y réfléchis

20 quelques instants, car il semble tout à fait indispensable qu'il soit

21 possible de maîtriser l'application du critère de pertinence, plutôt que

22 de multiplier le nombre de documents admis.

23 Si l'accusé produit une déclaration au cours du contre-interrogatoire et

24 qu'un témoin est d'accord avec un extrait qui lui est cité, manifestement,

25 cet extrait peut être versé au dossier. Et il conviendrait d'annoter le

Page 14569

1 document d'une manière particulière pour pouvoir retrouver rapidement ce

2 passage et que donc que ce passage soit versé au dossier du procès.

3 Si le Procureur interroge également sur ce même document et que le témoin

4 accepte la véracité d'un autre passage, eh bien, ce passage, lui aussi,

5 devrait être annoté de façon à ce que l'on sache exactement quels sont les

6 éléments du texte qui font partie des pièces à conviction.

7 Mais si l'on admet au dossier l'intégralité du document, à mon avis, cela

8 multiplie le nombre de documents soumis aux Juges alors que la Chambre de

9 première instance n'a pas besoin de tous ces documents qui ne sont pas

10 pièces à conviction explicites dans leur intégralité.

11 Maintenant, si un passage d'une déclaration est soumis au témoin par

12 l'accusé au cours du contre-interrogatoire, que l'accusé accepte que la

13 Chambre de première instance dispose d'une copie de ce document afin de

14 pouvoir suivre plus facilement, alors ce document devient une aide pour

15 les Juges et doit être enregistré aux fins d'identification.

16 A notre avis, dans une étape ultérieure, la Chambre de première instance

17 ou l'accusé peuvent citer le témoin à la barre et demander le versement au

18 dossier de ce document par le biais du témoin, le cas échéant.

19 Nous pensons que cette façon de procéder serait la façon la plus juste de

20 traiter les documents, car nous avons tout de même un problème lorsqu'une

21 déclaration est produite par une partie et puis une autre déclaration par

22 une autre partie. Nous ne savons pas vraiment, à la lecture de ces

23 déclarations, quelle sera la portion qui sera considérée comme pièce à

24 conviction par les Juges.

25 M. le Président (interprétation): C'est une proposition que nous aurons à

Page 14570

1 examiner, sur laquelle il nous faudra réfléchir.

2 M. Kay (interprétation): Oui.

3 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous puissions

4 régler le problème immédiatement.

5 M. Kwon (interprétation): Si le témoin donne son accord à ce qui est dit

6 dans l'extrait d'un texte, d'une déclaration, et si le Procureur ne

7 s'oppose pas au versement au dossier de cette déclaration de témoin, y a-

8 t-il le moindre obstacle pour que ce document soit admis? Notamment, si la

9 déclaration a été faite devant un enquêteur du Bureau du Procureur?

10 M. Kay (interprétation): Monsieur le Président, il existe une cinquième

11 catégorie de documents et je suis d'accord pour qu'il y ait dérogation à

12 la règle dans certains cas. Mais, manifestement, lorsqu'on est en présence

13 d'un document du Bureau du Procureur, le Procureur a examiné ce document

14 également et peut éventuellement lever la dérogation, s'il le souhaite.

15 Mais ça, c'est lorsqu'il y a objection par rapport au contenu du document.

16 M. le Président (interprétation): Et puis, le problème également, c'est ce

17 problème de multiplication de documents soumis aux Juges.

18 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, je vous alerte par

19 rapport à toute pratique qui consisterait à admettre au dossier des petits

20 morceaux ou des petites portions de documents. Je pense que la règle

21 générale admise par vous, c'est que les déclarations peuvent faire l'objet

22 de questions au cours des interrogatoires. La réponse du témoin est dans

23 ce cas l'élément de preuve et vous n'avez pas besoin de la production du

24 document en tant que pièce à conviction.

25 Ce qui me préoccupe dans ce que j'ai dit ce matin, et d'ailleurs à

Page 14571

1 plusieurs reprises, c'est qu'il faut que les questions soient posées dans

2 un contexte équitable. Si l'on fait une exception pour une déclaration

3 particulière, et je sais bien que le nombre de documents est très

4 important, notamment si on ajoute les déclarations de témoins, mais, de

5 façon générale, il faudrait que nous rediscutions de cette question un peu

6 plus tard. Et, avec le respect que je dois au Tribunal, je dis qu'il

7 serait préférable de continuer à appliquer les règles adoptées jusqu'à

8 présent sans exception.

9 M. le Président (interprétation): Admettez-vous que, dans le cas précis de

10 la déclaration de Jelavic, une dérogation soit faite?

11 M. Nice (interprétation): Cela ne me gêne pas.

12 M. le Président (interprétation): Mais, compte tenu de l'absence

13 d'objection, la déclaration Jelavic peut donc être versée au dossier. Ce

14 ne sera pas un précédent pour l'avenir.

15 Monsieur Nice, nous avons maintenant une minute à notre disposition. Il y

16 a une question dont vous vouliez parler. Si elle est urgente, vous pouvez

17 le faire maintenant.

18 M. Nice (interprétation): Eh bien, j'ai fourni un document sous pli

19 scellé, qui aurait dû faire l'objet d'une discussion à huis clos partiel

20 parce qu'il traite du problème de la confidentialité. En tout cas, il

21 exige la confidentialité dans l'un de ces paragraphes. J'espérais pouvoir

22 en dire davantage, expliquer un certain nombre de détails qui, je crois,

23 sont utiles.

24 M. le Président (interprétation): Compte tenu de l'heure, je pense que

25 vous pourriez le faire par écrit.

Page 14572

1 M. Nice (interprétation): Oui.

2 M. le Président (interprétation): Parce que je ne pense pas que cela

3 réduirait l'importance de ce que vous pensiez dire, mais nous n'avons plus

4 de temps.

5 M. Nice (interprétation): Très bien. Si ce que je vais vous dire a la

6 moindre chance de modifier votre avis, je demande la liberté de revenir

7 pour m'exprimer oralement. Mais j'espère que vous admettrez ce que j'ai à

8 dire, qui est tout à fait indispensable s'agissant de la présente

9 procédure. Je pourrai le faire donc par écrit. J'espère que vous admettrez

10 que notre intention est d'obtenir le résultat dont nous souhaitons que la

11 Chambre le souhaite également, à savoir la brièveté des débats, ce qui

12 répond au souci de chacun.

13 M. le Président (interprétation): J'ai déjà fait circuler une note au

14 sujet des pièces à conviction. La déclaration sera donc la pièce à

15 conviction D74. Nous réfléchirons au sujet de l'admission éventuelle des

16 deux cassettes vidéo, qui pourraient être les pièces 75 et 76, mais nous

17 rendrons notre décision plus tard.

18 Il est possible que la cassette où il n'y a pas de son soit versée au

19 dossier puisque c'est un élément relatif aux faits; il n'y a pas de

20 commentaire. Quant à l'autre, elle a un statut un peu plus controversé; je

21 pense qu'il faudrait ne pas l'admettre.

22 M. Nice (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. Peut-être

23 puis-je dire en public que les deux documents que je vous ai fournis ce

24 matin, celui du Kosovo et celui de la Croatie, sont des documents que

25 j'avais prévu de vous soumettre dès le début de ce procès et celui qui

Page 14573

1 porte sur la Croatie, ainsi que celui qui porte sur la Bosnie sont des

2 documents que j'avais préparé de toutes façons. Mais s'ils ont une

3 quelconque utilité -je pense que c'est une éventualité-, je ferai de mon

4 mieux pour les formater comme il se doit de façon à ce que vous puissiez

5 les utiliser comme vous utilisez les autres documents.

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 M. le Président (interprétation): Nous réglerons la question des vidéos en

8 enregistrant les deux cassettes à des fins d'identification comme pièce 75

9 et 76 de la défense.

10 Nous avons reçu plusieurs rapports ces derniers temps, y compris un

11 rapport médical relatif à l'état de santé de l'accusé. Nous avons reçu

12 également des écritures de la part des parties. Donc il est tout à fait

13 normal que les parties sachent quel est l'avis des Juges de cette Chambre

14 de première instance quant à la façon de procéder à l'avenir, car cela a

15 un effet sur leur travail.

16 En bref, nos conclusions sont les suivantes:

17 Premièrement: le procès se poursuivra selon le calendrier prévu, étant

18 entendu qu'il sera tenu compte des jours de maladie éventuels et des jours

19 de repos nécessaires. Mais le Procureur ne bénéficiera d'aucune

20 prolongation du temps qui lui a été imparti pour présenter ses éléments de

21 preuve.

22 Deuxièmement: aucun conseil de la défense ne sera imposé à l'accusé contre

23 sa volonté dans les conditions actuelles. Dans une procédure

24 contradictoire, telle que celle à laquelle nous participons, ceci est un

25 geste inopportun. La Chambre de première instance continuera à examiner la

Page 14574

1 situation au fur et à mesure.

2 Troisièmement: comme nous l'avons déjà décidé, l'accusé ne bénéficiera pas

3 d'une mise en liberté provisoire durant la suite de ce procès, liberté

4 provisoire qu'il avait demandée.

5 Nous suspendons maintenant l'audience jusqu'au 9 janvier.

6 (L'audience est levée à 13 heures 34.)

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25