Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 27 janvier 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Petar Kriste, est dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la

6 parole.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, il faut

8 d'abord que le témoin prononce la déclaration solennelle.

9 M. le Président (interprétation): Effectivement, je vais demander au

10 témoin de prononcer la déclaration solennelle. Je demande à avoir une

11 copie du résumé.

12 Monsieur le Témoin, veuillez prononcer la déclaration solennelle.

13 M. Kriste (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

16 Monsieur.

17 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Kriste Petar, par Mme Uertz-

19 Retzlaff.)

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le

21 Président, Messieurs les Juges.

22 Bonjour, Monsieur le Témoin. Vous m'entendez?

23 M. Kriste (interprétation): Oui.

24 Question: Veuillez décliner votre identité et nous dire quelle est votre

25 date de naissance?

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1 Réponse: Je m'appelle Petar Kriste. Je suis de Dubrovnik, et je suis né le

2 5 janvier 1936.

3 Question: Vous êtes Croate de nationalité?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Quelle est votre profession, Monsieur?

6 Réponse: Je suis économiste.

7 Question: Est-ce que vous étiez le ministre de la Défense du Gouvernement

8 de Croatie pendant plusieurs mois, en 1990? Pourriez-vous nous préciser

9 pendant quelle période vous l'avez été?

10 Réponse: Oui, je l'ai été à partir du 30 mai jusqu'au 24 août 1990.

11 Question: Etant donné votre formation, vous n'avez pas été militaire de

12 carrière. Pourquoi avez-vous été nommé à ce poste de ministre de la

13 Défense?

14 Réponse: A cette époque, après les premières élections pluripartites, la

15 Croatie est devenue une République démocratique, c'est ainsi qu'elle a été

16 constituée. Et les dirigeants de la Croatie de l'époque pensaient

17 généralement qu'il était normal que ce soit un civil qui occupe ce poste

18 de ministre de la Défense.

19 Réponse: Au moment où vous étiez ministre de la Défense, est-ce que vous

20 vous attendiez à une évolution violente de la situation en ex-Yougoslavie?

21 Réponse: Je craignais personnellement que ceci ne soit le cas ou le risque

22 d'être le cas. Cependant, la Croatie a fait l'impossible pour éviter une

23 telle situation. En outre, après la passation de pouvoir pacifique au

24 niveau des plus hauts dirigeants, la conviction s'est installée qu'il

25 était possible d'éviter la violence.

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1 Question: A quel moment avez-vous été remplacé, et par qui avez-vous été

2 remplacé?

3 Réponse: J'ai été remplacé à ce poste, le 24 août, par le général Spegelj.

4 Question: Y a-t-il eu une raison particulière, à cette époque, à cette

5 mutation, au fait que vous en tant que civil vous avez été remplacé par un

6 général?

7 Réponse: Oui, le 17 août, il y a eu des troubles généralisés, ou plutôt

8 une rébellion dans la région de Knin dans une partie de Lika. Des citoyens

9 d'appartenance ethnique serbo-croate ont érigé des barricades, ont arrêté

10 des véhicules, les ont fouillés, et il y a une rébellion à grande échelle

11 qui a été instituée.

12 Question: Etes-vous resté membre du gouvernement? Et si vous êtes resté

13 membre du gouvernement, quelles fonctions avez-vous occupé?

14 Réponse: J'ai été membre du gouvernement jusqu'au 15 avril 1992, et

15 j'étais ministre du Commerce.

16 Question: Quelle était la situation pour ce qui est de la TO, et surtout

17 des armes de la TO, lorsque vous êtes devenu ministre de la Défense?

18 Aviez-vous un contrôle technique sur ce qui se passait en matière d'armes

19 à l'époque?

20 Réponse: Lorsque j'ai pris mes fonctions, la Défense territoriale avait

21 déjà été désarmée. L'armée yougoslave avait décidé, après le premier tour

22 de scrutin au moment des élections, que la Défense territoriale de

23 Croatie, de Slovénie et de Bosnie-Herzégovine soit désarmée. Ce qui a été

24 fait.

25 La formule était la suivante: on pensait que les entrepôts ou les arsenaux

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1 n'étaient pas en toute sécurité puisque des armes de la TO avaient été

2 dérobées. On pensait qu'il fallait les placer, ces armes, dans des

3 entrepôts plus sûrs sous le contrôle complet de la JNA.

4 Question: Lorsque vous étiez ministre de la Défense, avez-vous suggéré des

5 modifications au niveau de la Défense territoriale? Quelles furent les

6 modifications que vous avez proposées?

7 Réponse: Oui, la Défense territoriale dans le système juridique et

8 constitutionnel de l'époque faisait partie intégrante des forces armées de

9 la Yougoslavie, mais, de fait, cette armée territoriale relevait des

10 ingérences des Républiques. Cette composante territoriale des forces

11 armées faisait partie intégrante des forces armées et, conformément à la

12 Constitution et aux dispositions constitutionnelles tant de la Yougoslavie

13 que de la Croatie, la République en question prenait soin, préparait,

14 organisait et commandait les effectifs de la Défense territoriale.

15 Cependant, lorsque le parti qui a gagné aux élections a pris le pouvoir,

16 le commandant du quartier général de la République de cette TO a refusé de

17 coopérer avec la direction nouvellement élue. Et ma proposition avait été

18 celle de procéder à un remplacement de cette personne et à une solution

19 dans laquelle la TO serait placée dans des cadres juridiques et

20 constitutionnels en vigueur, à savoir placée sous le contrôle de la

21 République de Croatie.

22 Question: Votre suggestion a-t-elle été suivie d'effet?

23 Réponse: Ma proposition n'a pas été acceptée. Le Président Tudjman voulait

24 à tout prix éviter quelque conflit que ce soit, et il s'est efforcé,

25 notamment, d'éviter les conflits avec l'armée populaire yougoslave. C'est

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1 la raison pour laquelle il a rejeté ma proposition, à cette époque-là.

2 Question: Avez-vous tenté de contrôler la question des armes? Avez-vous

3 fait quoi que ce soit, pour ce qui est des armes de la TO?

4 Réponse: Nous avons demandé directement au ministre fédéral de la Défense

5 nationale, M. Veljko Kadijevic, et nous avons demandé aussi la chose par

6 le biais du général Novoselic qui, lui, était commandant de l'état-major

7 de la République de Croatie, pour que les armes soient restituées.

8 Cependant, ces armes-là n'ont jamais été restituées.

9 Question: Pendant la période où vous avez été ministre de la Défense, est-

10 ce que vous, vous avez acheté des armes? Après que M. Spegelj, le général

11 Spegelj vous a remplacé, est-ce que lui a acheté des armes? Et si c'était

12 le cas, quel type d'armes a-t-il acheté?

13 Réponse: Pour autant que je le sache, le ministère de l'Intérieur, pendant

14 que j'étais ministre moi-même, avait demandé aux autorités fédérales des

15 armements complémentaires pour équiper la police, tant pour ce qui est de

16 sa composition régulière que des compositions de réserve. Et ces

17 effectifs-là avaient été quelque peu augmentés. Mais les instances

18 fédérales ont rejeté cette requête-là, tout comme celle pour ce qui est de

19 la restitution des armes. D'après ce que j'en sais -et je n'ai pas pris

20 pas part à la chose directement, ce qui fait que je n'ai pas de

21 renseignements précis à ce sujet-, il a été acheté des quantités d'armes

22 d'infanterie, des armes légères.

23 Question: Savez-vous à quel moment elles ont été achetées?

24 Réponse: Eh bien, cela s'est fait vers l'année 1990.

25 Question: Est-ce que le général Spegelj a fait d'autres suggestions, pour

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1 ce qui est des préparatifs à activer en vue d'avoir une défense efficace?

2 Si c'est le cas, pour ce qui est du Président Tudjman, comment a-t-il

3 réagi face à ces suggestions?

4 Réponse: Ce que je sais, c'est que le général Spegelj avait présenté trois

5 plans de la défense de Croatie. Mais il n'a pas été débattu de ces plans-

6 là aux sessions du Gouvernement, ce qui fait que je n'ai pas

7 d'informations détaillées pour ce qui est du sort connu par ces plans-là

8 ou du sort réservé à ces plans-là. Mais d'après ce que M. Spegelj et

9 d'autres collègues m'ont raconté, le Président Tudjman a rejeté les trois

10 plans de défense proposés par M. Spegelj.

11 Question: Pourquoi les a-t-il rejetés?

12 Réponse: Je pense que les raisons avaient été les mêmes que celles qui

13 l'ont motivé à refuser ma proposition concernant les modifications à

14 apporter au niveau de la Défense territoriale. Il voulait à tout prix

15 éviter la guerre et les conflits, en premier lieu avec l'armée populaire

16 yougoslave.

17 Question: Pendant que vous étiez ministre du Commerce au sein du

18 gouvernement, avez-vous reçu des renseignements selon lesquels il y aurait

19 eu des réunions, des négociations entre M. Tudjman et M. Milosevic en

20 1991?

21 Réponse: Le Gouvernement n'a jamais reçu d'informations officielles de ce

22 genre. Cependant, dans la presse croate, il a été publié un petit

23 communiqué vers la fin du mois de mars 1991, disant que M. Tudjman et M.

24 Milosevic s'étaient rencontrés dans une localité limitrophe entre la

25 Serbie et la Croatie, donc dans une localité sise à la frontière des deux

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1 Républiques.

2 Question: Est-ce que c'est à Karadjordjevo?

3 Réponse: Oui. Par la suite… Je pense que, dans le communiqué, on n'avait

4 pas mentionné Karadjordjevo. Mais par la suite, nous avons appris

5 qu'effectivement, il s'agissait de Karadjordjevo.

6 Question: Avez-vous eu l'occasion de parler brièvement avec M. Susak à

7 propos de cette réunion qui s'est tenue en mars 1991 à Karadjordjevo?

8 Réponse: Non. Je n'ai pas eu d'entretien direct avec M. Susak concernant

9 la conversation en question.

10 Question: Est-ce que vous avez rencontré M. Susak ou est-ce que vous

11 l'avez croisé, à cette époque? Est-ce qu'il vous a dit quelque chose en

12 particulier?

13 Réponse: Juste après cela, peut-être 10 ou 15 jours après, je ne sais pas

14 vous dire au juste, j'ai rencontré M. Susak. Il était d'assez bonne humeur

15 et je lui avais demandé quelles avaient été les raisons de sa bonne

16 humeur; il m'a répondu qu'on avait finalement décidé -je crois que c'est

17 ainsi qu'il s'est exprimé- que l'Herzégovine soit annexée à la Croatie.

18 Sur un plan affectif, je pouvais comprendre la chose parce que M. Susak

19 était originaire de l'Herzégovine et, pour moi, il semblait tout à fait

20 naturel de voir… de le voir se féliciter de voir cette partie de

21 l'Herzégovine faire partie de la République. Mais, d'autre part, cette

22 information m'a troublé.

23 Question: Vous a-t-il donné une indication selon laquelle… pour dire

24 quelle est la personne qui a repris cette décision?

25 Réponse: Non, il ne m'a pas dit qui a pris cette décision; il m'a dit

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1 qu'il venait de "chez le vieux" et que cette décision a été prise. Donc

2 cela ne pouvait être une décision formelle. J'ai cru comprendre qu'il

3 s'agissait plutôt d'un entretien dans un cercle officieux où telle

4 solution a été convenue.

5 Question: Une référence a été faite au chef. Est-ce que l'allusion était

6 faite au Président Tudjman?

7 Réponse: Absolument.

8 Question: A l'époque, est-ce que M. Susak était ministre de l'Emigration?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Etait-il un proche du Président Tudjman?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Avez-vous discuté avec des collègues du sujet qui aurait été à

13 l'ordre du jour des réunions entre Milosevic et M. Tudjman?

14 Réponse: Nous avons tous été surpris par l'information disant que M.

15 Tudjman et M. Milosevic s'étaient rencontrés, et cela a suscité beaucoup

16 d'intérêt. Bien entendu, nous avons discuté de la teneur possible de ces

17 entretiens-là. Et quoi qu'il n'y ait pas eu d'informations ou de

18 confirmation de sources officielles, on disait qu'il pouvait s'agir d'un

19 accord entre la Serbie et la Croatie qui tiendrait compte de certains

20 partages ou de certaines divisions au sein de la Bosnie-Herzégovine.

21 Question: Passons maintenant à Dubrovnik. Avant et pendant la guerre, est-

22 ce que vous vous êtes attaché à savoir ce qui se passait dans la région

23 même de Dubrovnik?

24 Réponse: Oui. Dans le courant de la guerre…, je me suis trouvé à Dubrovnik

25 juste avant le début de la guerre et pendant le début ou les débuts de la

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1 guerre, et deux ou trois fois encore pendant la durée du blocus et de

2 l'occupation des régions autour de la ville même; puis, tout de suite

3 après le retrait de l'armée yougoslave des régions ou des environs de

4 Dubrovnik.

5 Question: Fin septembre, début octobre, est-ce qu'à cette époque-là vous

6 étiez à Dubrovnik? Pourriez-vous, si c'est le cas, nous préciser les

7 dates?

8 Réponse: J'étais à Dubrovnik du 26 septembre au 5 octobre. Oui, oui, c'est

9 à ces dates-là que je me suis trouvé là-bas et c'est à cette époque-là

10 qu'ont commencé des attaques directes et puissantes sur Dubrovnik même.

11 Question: Pourquoi vous êtes-vous rendu à Dubrovnik, le 26 septembre? Est-

12 ce qu'il y avait une raison particulière à cette visite?

13 Réponse: Oui, il y avait une raison particulière. Nous avons obtenu des

14 informations assez fiables disant que des attaques sur Dubrovnik étaient

15 imminentes. Et, compte tenu des effectifs au sujet desquels nous savions

16 exactement quelle était leur importance et leur déploiement -ces forces

17 étant prêtes à s'attaquer à Dubrovnik-, nous avions évalué que nos

18 effectifs à nous étaient tout à fait faibles, insuffisants et qu'il

19 s'agissait de les renforcer, notamment de leur fournir des armes; parce

20 que bon nombre de personnes étaient, à Dubrovnik même, disposées à

21 défendre la ville et la Croatie.

22 Question: Est-ce que le général Marinovic a demandé à obtenir des armes

23 notamment, ou d'autres formes d'appui de la part du Gouvernement de

24 Croatie?

25 Réponse: Le général Marinovic, qui était lieutenant-colonel à l'époque, a

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1 demandé des suppléments d'armes. Il avait envoyé un fax à Zagreb dans ce

2 style; et mes collègues originaires de Dubrovnik m'ont suggéré d'essayer

3 de faire notre possible pour répondre au maximum aux requêtes présentées

4 par le général Marinovic.

5 Question: Le colonel… il était alors colonel, le colonel Marinovic, que

6 vous a-t-il demandé et qu'a-t-il obtenu?

7 Réponse: Je n'ai pas eu d'informations pour ce qui est des listes exactes.

8 Dans le fax, il avait présenté une spécification précise de ce qu'il lui

9 fallait, de ce qui était indispensable à la défense. Mais je sais que mon

10 collègue Jorica et moi-même -qui était député au Parlement et qui est, lui

11 également, originaire de Dubrovnik, il est né à Dubrovnik-, nous n'avons

12 pas fourni le nécessaire. Nous n'avons pratiquement rien fourni comme

13 armes. Nous avons apporté un camion, un semi-remorque d'explosifs et de

14 mines; ce qui était nécessaire aussi. Mais le général Marinovic, lui,

15 était préoccupé par l'absence, la pénurie d'armes d'infanterie et,

16 notamment, d'armes un peu plus lourdes.

17 Question: Et pourquoi n'a-t-il pas obtenu cet armement? Est-ce qu'il n'y

18 avait pas de tels armements, à l'époque? Etait-ce indisponible ou…; le

19 savez-vous?

20 Réponse: La Croatie n'était pas prête à la guerre. J'ai dit, tout à

21 l'heure, que la Croatie voulait éviter à tout prix la guerre. Et à un

22 moment, elle a cru que cela était possible. Et l'on voulait éviter à tout

23 prix les conflits avec l'armée populaire yougoslave; ce qui fait que la

24 Croatie a omis de procéder aux préparatifs indispensables, tout d'abord,

25 pour ce qui est de l'approvisionnement de certaines quantités d'armes ou

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1 pour ce qui est de la fabrication de ces armes dans les usines à sa

2 disposition. Et, lorsque l'attaque sur Dubrovnik a commencé, en Croatie,

3 il n'y avait véritablement pas de quantités d'armes suffisantes pour

4 répondre entièrement aux demandes du général Marinovic. Mon impression

5 -peut-être était-elle suggestive-, c'est que l'on n'avait pas fait non

6 plus ce qui pouvait être fait parce que l'organisation n'a pas été des

7 meilleures en raison de l'absence des préparatifs au préalable, pour ce

8 qui est de cette défense-là.

9 Question: Au moment où vous êtes arrivé à Dubrovnik, qu'avez-vous trouvé

10 comme situation? Combien de personnes y avait-il devant assurer la défense

11 de Dubrovnik? Et de quel genre de personnes s'agissait-il?

12 Réponse: Lorsque je suis arrivé à Dubrovnik, j'ai trouvé là-bas au maximum

13 quelque 300 défenseurs. C'étaient les effectifs de la police normale. Il y

14 avait une petite unité du ZNG. Et le reste, c'étaient des civils ou ceux

15 qui étaient jusque-là des civils qui, suite à ce danger imminent

16 d'attaque, s'étaient présentés pour prendre part à la défense. Alors, ces

17 gens-là étaient assez nombreux, mais nous n'avions pas assez d'armes à

18 leur distribuer.

19 Question: S'agissant de soldats et de policiers de carrière, combien de

20 policiers y avait-il, à peu près? Seriez-vous en mesure de le dire? Et

21 combien de soldats y avait-il, de la Garde nationale? Si vous n'avez pas

22 de chiffres précis en tête, dites-le.

23 Réponse: Je n'ai pas de chiffres précis en tête.

24 Question: Vous avez parlé des citoyens; est-ce que ces citoyens qui ont

25 pris les armes avaient un uniforme?

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1 Réponse: Non. A cette époque-là, non. Dans toute la Croatie, à l'époque,

2 très peu de gens disposaient d'uniforme. Il n'y avait que les policiers

3 qui avaient des uniformes, et une partie des membres de la ZNG, du

4 rassemblement de la Garde nationale. Les jeunes portaient des blue-jeans

5 ou des vêtements civils; et c'est ainsi que se sont battus tous ceux qui

6 avaient réussi à se procurer quelque arme que ce soit, et ils ont pris

7 part à la défense organisée.

8 Question: Vous avez déclaré qu'ils s'étaient portés volontaires. Ils

9 s'étaient effectivement portés volontaires pour défendre la ville ,ou est-

10 ce qu'ils ont été forcés et contraints de le faire? Je parle des jeunes

11 hommes ici.

12 Réponse: J'ai compris. Ils s'étaient présentés de façon tout à fait

13 volontaire, tout à fait bénévole. Et ils s'en étaient présentés beaucoup

14 plus que l'on ne pouvait en recevoir dans nos rangs, parce qu'il n'y avait

15 pas assez d'armes.

16 Question: Je vois. Et de quel type d'armes ces personnes disposaient-

17 elles?

18 Réponse: Essentiellement, c'étaient des armes d'infanterie, des fusils

19 ordinaires, quelques fusils automatiques, des kalachnikovs.

20 Question: Vous avez dit que vous aviez reçu des renseignements à propos de

21 la partie adverse, à propos des effectifs de la partie adverse. En quoi

22 consistaient ces informations? Apparemment, combien y avait-il de soldats

23 de l'autre côté?

24 Réponse: Le général Marinovic, d'après ce qu'il avait été convenu

25 auparavant, est arrivé à Dubrovnik depuis Trebinje, où il était commandant

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1 de la garnison de la JNA à Trebinje. Et il disposait de renseignements

2 exacts pour ce qui est des effectifs orientés ou dirigés contre Dubrovnik.

3 Au tout début, d'après ce qu'il nous a dit, il devait y avoir face à nous

4 quelque 5.000 hommes avec 105 pièces d'artillerie.

5 Ils avaient aussi le soutien d'unités de blindés et de l'aviation venant

6 de Mostar et d'ailleurs, je ne sais trop d'où.

7 Question: Vous êtes-vous rendu dans le village de Brgat avec des

8 observateurs de l'ECMM, le 27 septembre? Et si vous avez effectué cette

9 visite, pourquoi l'avez-vous fait?

10 Réponse: Le 26 septembre, nous sommes arrivés à Dubrovnik, et on nous a

11 dit qu'à la frontière vers le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, il y

12 avait déjà bon nombre d'incidents et qu'en fait l'attaque avait déjà

13 commencé. On a mentionné notamment Konavle et la frontière avec le

14 Monténégro et l'axe en direction de Trebinje. Aussi, avons-nous décidé de

15 nous diriger immédiatement vers Konavle, ce 26, pour voir ce qui s'y

16 passait, notamment vers Molunat parce qu'on nous avait dit qu'une invasion

17 était sur le point d'avoir lieu. C'est pourquoi, ce 26, nous avons pris la

18 route jusqu'à Molunat et nous y avons vu deux bâtiments de guerre de la

19 marine de guerre yougoslave qui n'avaient pas jeté l'encre, mais qui se

20 trouvaient à proximité des rives. Quand nous sommes arrivés près de

21 Molunat, ils ont ouvert des tirs de canon, ils ont ouvert le feu depuis

22 leurs canons en direction de nos véhicules.

23 Puis, sur la route, plus loin, on nous a tiré dessus au mortier, à l'arme

24 d'infanterie. Déjà avant que d'arriver à Dubrovnik, les citoyens du

25 village de Vitaljina ont quitté le village en raison de ce qui se passait,

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1 et ont été installés dans un hôtel à Babetko.

2 Question: Monsieur le Témoin, permettez-moi de vous interrompre. Je ne

3 vous demandais pas autant de détails, en fait.

4 Une question corollaire, est-ce que vous vous déplaciez dans un véhicule

5 civil ou était-ce un véhicule militaire?

6 Réponse: C'était un véhicule civil.

7 Question: Je vous ai demandé ceci: êtes-vous allé dans le village de Brgat

8 avec des observateurs de l'ECMM, et pourquoi cette visite a-t-elle eu

9 lieu?

10 Réponse: Oui, le lendemain, à savoir le 27 septembre, nous avons effectué

11 une visite à Brgat parce qu'on nous avait informés du fait que plusieurs

12 obus avaient déjà été tirés à Brgat. Avec les observateurs de la

13 Communauté européenne, nous sommes allés visiter ce village. Nous avons

14 effectivement trouvé plusieurs maisons légèrement endommagées et une

15 maison complètement détruite. D'après les évaluations des soldats, cela

16 s'était fait à la "Maljutka" tirée depuis Ivanica qui se trouve en Bosnie-

17 Herzégovine, et Brgat se trouve à proximité immédiate de la frontière

18 entre les deux républiques.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de Mme

20 l'Huissière afin que soit présentée la pièce 3367, une carte de l'atlas.

21 Il n'est pas possible de voir ce lieu dit Brgat.

22 Je vais demander au témoin de nous indiquer sur la carte placée sur le

23 rétroprojecteur où se trouve cet endroit.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 M. le Président (interprétation): Apparemment, nous éprouvons quelque

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1 difficulté, ou est-ce que cela marche?

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En fait, nous avons déjà annoté

3 Brgat.

4 M. Kriste (interprétation): C'est bien là, Brgat.

5 Question: Est-ce qu'il y a une route qui relie Brgat à Trebinje?

6 Réponse: Oui, Brgat se trouve sur la route allant de Dubrovnik vers

7 Trebinje, et cela se trouve à moins d'un kilomètre de la frontière avec la

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Question: Brgat, vous attendiez vous et les défenseurs à subir une attaque

10 venant de cette route?

11 Réponse: Oui, on s'y attendait. L'attaque avait déjà été lancée depuis le

12 côté est, depuis le côté monténégrin, et on s'attendait à ce que cette

13 route-là soit empruntée également parce que c'est pratiquement la seule

14 route entre Trebinje et Dubrovnik. Et, comme je l'ai dit, certaines

15 activités militaires avaient déjà commencé, à savoir plusieurs obus

16 avaient déjà atterri sur ce village quand je suis arrivé là-bas.

17 Question: Est-ce qu'à Brgat même, il y avait déjà une défense croate? Le

18 savez-vous?

19 Réponse: Au moment où nous étions sur place, nous n'avons remarqué aucune

20 formation militaire. Nous n'avons pu que constater ces détériorations. Et

21 les gens de là-bas nous ont dit qu'il y avait eu pilonnage.

22 Question: Je vous remercie.

23 Madame l'Huissière, nous n'aurons plus besoin de cette carte.

24 A cette époque, est-ce que les autorités de Croatie ou la population

25 croate de Dubrovnik et de sa région représentaient un risque quelconque,

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1 un danger quelconque pour les Serbes de la région?

2 Réponse: Il n'y a pas eu de mise en péril des Serbes dans cette région.

3 Qui plus est, dans cette région il n'y avait qu'un pourcentage très faible

4 de Serbes; ils n'étaient que 5%. Ils ont vécu dans des circonstances tout

5 à fait normales. Il n'y a pas eu d'incident, du moins pas d'incident qui

6 se baserait sur ce fait-là.

7 Question: Est-ce que les autorités croates…, est-ce que la population ou

8 la défense croate représentait un danger quelconque pour la JNA à

9 l'époque?

10 Réponse: Aucun danger. Pour deux raisons. Premièrement, parce que la

11 Croatie ne voulait pas de guerre; au contraire, elle voulait éviter cette

12 guerre à tout prix. Deuxièmement, il aurait été ridicule de procéder à

13 quelque activité offensive que ce soit avec le peu d'effectif dont

14 disposait la défense de Dubrovnik.

15 Question: Est-ce que les Croates ont tiré ou ont lancé des pilonnages en

16 direction du Monténégro ou de la Bosnie-Herzégovine? Le savez-vous si

17 c'était le cas?

18 Réponse: Je sais, pour sûr, qu'il n'y a pas eu de pilonnage de ce genre.

19 C'est le contraire qui s'est passé. C'est depuis les régions du Monténégro

20 et de la Bosnie-Herzégovine que l'on a tiré vers Brgat, Zupa, Dubrovacka

21 et d'autres localités.

22 Question: Est-ce qu'il y avait eu des incidents à la frontière opposant

23 des Croates ou les forces croates aux forces monténégrines aux Serbes?

24 Nous parlons ici du 26 et du 27 septembre.

25 Réponse: A cette époque, en régions limitrophes, il y avait très peu

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1 d'effectif à nous. C'étaient essentiellement des effectifs policiers.

2 Ces effectifs n'ont pas ouvert le feu. De fait, ils n'ont pas présenté ou

3 fourni quelque forme de résistance que ce soit. A ce moment-là, l'ennemi

4 était encore invisible, car il tirait depuis l'autre côté de la frontière

5 en direction des régions ou des sites vers Konavle et autres.

6 Question: Lorsque les tirs, les pilonnages ont commencé, est-ce que la

7 population croate a fui les villages dans lesquels elle vivait le long de

8 la frontière?

9 Réponse: Dans ce village de Vitalina, qui se trouve juste à côté de la

10 frontière avec le Monténégro, la population a été évacuée vers Dubrovnik.

11 Et ceci avant même que nous n'arrivions à Dubrovnik nous-mêmes.

12 Mais le 26, lorsque nous sommes arrivés à Konavle, on a pu voir que les

13 gens des autres villages se retiraient. Par grands groupes, ils allaient

14 vers Grude ou Gruda, à proximité de Konavle, pour continuer leur chemin

15 vers Dubrovnik; et il y avait en leur compagnie une dizaine de policiers.

16 Question: Les autorités locales ont-elles essayé de contacter la JNA afin

17 d'éviter une guerre? Inutile de nous donner trop de détails, dites-nous

18 simplement si c'était le cas ou pas.

19 Réponse: Je pense qu'il n'y a pas eu de contact avec les représentants de

20 la JNA. Mais les autorités locales ont contacté les autorités locales de

21 l'autre côté de la frontière, à savoir à Trebinje et à Herzeg-Novi.

22 Question: Ces autorités politiques, ou la JNA que vous venez de

23 mentionner, de la Serbie ou du Monténégro, ont-elles présenté des

24 revendications auprès des autorités de Dubrovnik qui auraient permis

25 d'éviter la guerre? Ont-elles présenté des revendications ou des exigences

Page 14854

1 précisant ce qu'aurait dû faire la population de Dubrovnik?

2 Réponse: Il n'y a pas eu de déclaration directe de ce genre. Au contraire,

3 on nous affirmait que les choses allaient s'arranger et qu'il n'y aurait

4 pas d'attaque; c'est ce que j'ai cru comprendre partant de ce que nous ont

5 dit les gens qui ont pris part assez contact.

6 Question: Au niveau de l'Etat en Croatie, est-ce que des exigences ont été

7 posées eu égard à Dubrovnik à l'époque? Je m'explique, au niveau

8 d'échanges entre Etats -Yougoslavie, Croatie-, est-ce qu'on a fait des

9 revendications à propos de Dubrovnik auxquelles le Gouvernement de Croatie

10 n'aurait pas obtempéré?

11 Réponse: Il n'y a pas eu d'exigences de cette nature; car, s'il y en avait

12 eues, j'aurais certainement été au courant.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Savez-vous, dès lors, pourquoi

14 Dubrovnik a été attaquée?

15 M. Kriste (interprétation): Dubrovnik a été attaquée dans le cadre d'un

16 plan général d'attaque contre la Croatie, et qui est l'expression d'une

17 politique "Grand Serbe", plan au terme duquel la Yougoslavie était censée

18 être centralisée complètement. Ou autre variante qui devait être acceptée

19 à l'époque: procéder à une modification des frontières de l'époque en

20 Yougoslavie ou plutôt déplacer les frontières de la Serbie vers l'Occident

21 aux fins de faire vivre tous les Serbes dans "un seul et même Etat", comme

22 on avait l'habitude de s'exprimer à l'époque. Il s'agissait de la ligne

23 Virovitica-Karlobag-Karlovac. Dans cette région ou plutôt à l'est de cet

24 axe-là, il y avait Dubrovnik. Donc c'est dans ce contexte que l'on s'était

25 attaqué à Dubrovnik aussi.

Page 14855

1 Et le fait que cela ait fait partie du plan en question est confirmé par

2 le général Kadijevic dans son livre, qui précise dans quelles unités et

3 sur quels axes on allait attaquer Dubrovnik pour rejoindre les forces

4 sises sur la rivière de Neretva, pour continuer en direction de Split.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Kriste, il y a des éléments

6 repris dans l'ouvrage de M. Kadijevic, mais, outre cela, quelles sont vos

7 autres sources qui vous permettent de dire que cette attaque faisait

8 partie d'un plan plus vaste?

9 M. Kriste (interprétation): En ma qualité d'homme actif en matière

10 politique, avant les événements en Slovénie et Croatie, j'ai suivi tout ce

11 qui se passait sur un plan yougoslave d'une manière générale. Et les

12 requêtes allant en faveur des modifications constitutionnelles, j'entends

13 qu'avant de modifier la Constitution de 1974 en Serbie, on avait limogé

14 les directions de Voïvodine et du Kosovo.

15 On a fait de même au Monténégro. On a supprimé les autonomies en Voïvodine

16 et au Kosovo. On a tout organisé suivant un système de meetings, de

17 rassemblements de masse qui prétextait des dangers qui menaçaient soi-

18 disant les Serbes.

19 M. le Président (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, mais je

20 suppose que ce sont là des questions de notoriété publique qui relèvent de

21 votre expérience, des conclusions que vous, vous avez tirées à partir des

22 événements qui sont produits.

23 Cependant, pourriez-vous être plus précis dans l'assistance que vous nous

24 fournissez? Pourriez-vous nous dire quelles seraient les sources

25 particulières dont vous disposeriez? Est-ce que des gens vous ont dit quoi

Page 14856

1 que ce soit? Est-ce qu'il y a eu des réunions auxquelles vous avez

2 participé, qui vous ont permis de savoir plus précisément ce qu'il en

3 était de l'existence de tels plans? Est-ce que vous me comprenez? Nous

4 avons besoin d'éléments précis, dans la mesure du possible, sur ce genre

5 de sujet.

6 M. Kriste (interprétation): Je n'ai pas de preuves aussi concrètes. Ce que

7 je puis dire, c'est que nous avons débattu de la chose à des sessions à

8 huis clos au niveau du Gouvernement, et que des avis analogues à celui que

9 j'ai présenté ont été exprimés. Mais je n'ai pas vu de documents de cette

10 nature.

11 M. le Président (interprétation): Vous dites que vous avez discuté de la

12 question. Vous parlez des discussions qui ont eu lieu dans le camp croate,

13 disons, et qui vous ont permis de tirer ces conclusions?

14 M. Kriste (interprétation): Oui, oui, c'est exact.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander l'aide de Mme

17 l'Huissière pour poser sur le rétroprojecteur la page 137 en version BCS.

18 Page de cet ouvrage écrit par Veljko Kadijevic, et qui s'intitule "Mon

19 avis sur le démantèlement - Une armée sans Etat".

20 Tout d'abord, Monsieur le Témoin, avez-vous lu cet ouvrage auquel vous

21 avez fait référence? Est-ce que vous l'avez lu?

22 (Intervention de l'huissière.)

23 M. Kriste (interprétation): Oui, je l'ai lu. Et j'ai le livre sur moi,

24 ici.

25 Question: Bien. Vous parlez… Ce livre, vous l'avez?

Page 14857

1 Réponse: Oui, je l'ai.

2 Question: Fort bien. Peut-on placer la version en anglais sur le

3 rétroprojecteur? On trouve un paragraphe dans lequel le général Kadijevic

4 parle de la création, après cette nouvelle Yougoslavie constituée de

5 nations qui désirent être des nations; et il parle aussi de la façon dont

6 la JNA pourrait donner son aide, des idées de principe ou des principes

7 par rapport à la JNA.

8 Je vous fais cette citation: "Ici, il fallait protéger les Serbes de

9 Croatie, de façon à ce que toutes les régions où il y avait une majorité

10 serbe seraient tout à fait libérées de la présence de l'armée croate et

11 des autorités croates pour que la JNA se retire de la Croatie, en veillant

12 tout d'abord à ce que cette tâche mentionnée ci-dessus soit menée à bien,

13 pour veiller à ce qu'il y ait cette transformation, dans tout le pays, de

14 la JNA en une armée de la Yougoslavie à venir qui se concentrerait sur sa

15 structure au niveau national interne".

16 Et aussi, pour ce qui est de sa disposition sur le terrain même, il

17 continue en disant ce qu'il en est des idées de principe. Il dit qu'il

18 faut la défaite totale de l'armée croate si la situation le permet et,

19 dans la mesure où ceci permet de remplir les objectifs poursuivis, il

20 faudrait également un retrait complet de la Slovénie pour ce qui est des

21 forces de la JNA qui demeurent; une conscience absolue du rôle que doit

22 jouer la nation serbe en Bosnie-Herzégovine, et que ceci serait essentiel

23 pour l'avenir de la nation serbe dans sa totalité. On parle aussi de la

24 nécessité d'ajuster la situation en matière d'emplacements des forces de

25 la JNA.

Page 14858

1 Et vers la fin de la page, on dit ceci: "Les offensives du gros des

2 effectifs de la JNA doivent être reliées à la libération des régions

3 serbes en Croatie et des garnisons de la JNA à l'intérieur même du

4 territoire croate".

5 Vers la fin, on dit qu'il faudrait, pour ce qui est de la Croatie, "la

6 couper suivant l'axe Gradiska-Virovitica, Bihac-Karlovac-Zagreb, Knin, et

7 puis qu'il faudrait bloquer Dubrovnik, séparer Dubrovnik du reste de

8 l'intérieur; et une séparation sur la vallée de la Neretva pour relier les

9 opérations avec les forces qui opèrent le long de l'axe Mostar-Split."

10 (Fin de citation.)

11 Est-ce que vous avez vu la JNA agir conformément à ces idées ou qu'avez-

12 vous se produire exactement?

13 Réponse: La JNA s'est conformée précisément à ce plan-là.

14 Question: Je vous remercie. Ceci suffira.

15 Cependant, revenons à la région de Dubrovnik. Est-ce que cette région a

16 été attaquée, le 1er octobre 1991?

17 Réponse: Oui. Tôt le matin, vers 6 heures, on s'est attaqué au secteur de

18 Dubrovnik, au sens restreint du terme.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges, j'ai omis une chose. Nous aimerions verser ce document en tant que

21 première pièce concernant ce témoin, mais nous n'avons toujours pas de

22 cote. Ceci serait l'intercalaire n°1.

23 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 370.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie.

25 Est-ce que les effectifs de la JNA ont, par la suite, pris le contrôle de

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1 la région entourant la ville de Dubrovnik?

2 M. Kriste (interprétation): Les effectifs de la JNA ont contourné

3 Dubrovnik, l'ont encerclée et bloquée complètement, et sont arrivés

4 presque jusqu'à la Neretva à savoir jusqu'à la frontière où la Bosnie-

5 Herzégovine avait son accès sur la mer, à proximité de la ville de Neum

6 depuis l'axe en provenance du Dubrovnik.

7 Pour ce qui est des autres axes, je ne saurai rien vous dire du tout. Mais

8 la ville même a été brutalement pilonnée, ce premier jour, le 1er octobre

9 déjà. Et dans un premier coup, on a détruit un poste de transformation

10 d'électricité par le biais duquel la région de Dubrovnik s'approvisionnait

11 en énergie électrique. On a détruit les installations d'alimentation en

12 eau et on a détruit les émetteurs-récepteurs; ce qui fait que Dubrovnik,

13 dès les premières heures, s'était trouvée privée d'électricité, d'eau, de

14 téléphone et autres moyens de communication.

15 Question: Monsieur le Témoin, je ne souhaite pas avoir autant de détails

16 en ce qui concerne ces attaques, puisque nous aurons des témoins qui en

17 parleront. Je vous pose des questions précises sur les événements.

18 Au moment où vous vous trouviez sur place, où y a-t-il eu effectivement

19 des combats entre les défenseurs croates et l'armée qui s'opposait à eux?

20 Le savez-vous?

21 Réponse: Dans le courant du tout début de l'attaque, il n'y a pas eu

22 pratiquement de combat du tout; parce que depuis les régions limitrophes,

23 la JNA et les autres effectifs qui l'accompagnaient avaient procédé à des

24 pilonnages puissants depuis leur territoire à eux. Mais du côté de notre

25 territoire, il n'y a pas eu d'ouverture de fait, parce que nous n'avions

Page 14860

1 pas d'armes appropriées.

2 Par la suite, les attaques se sont surtout concentrées du côté est; et nos

3 effectifs ont résisté autant qu'ils le pouvaient sur l'axe allant vers

4 Herzeg-Novi, à savoir la frontière avec le Monténégro et la région de

5 Dubrovnik.

6 Question: Y a-t-il eu, au début de la guerre, des combats à Brgat? Le

7 savez-vous?

8 Réponse: Pour autant que je sache, ces combats ont eu lieu, mais un peu

9 plus tard.

10 Question: A votre connaissance, est-ce que la JNA a essuyé de lourdes

11 pertes pendant cette période durant laquelle vous vous êtes trouvé là? Je

12 parle ici de la période allant jusqu'au 5 octobre.

13 Réponse: Elle n'a pas eu de grosses pertes.

14 Question: Pendant la prise de contrôle de la région entourant Dubrovnik,

15 est-ce qu'il y a des biens appartenant à des Serbes, des localités serbes

16 qui ont été détruites à desseins croates?

17 Réponse: Oui, des cités ont été délibérément détruites, incendiées; et ce

18 qui n'a pas été détruit a été systématiquement pillé. J'ai eu l'occasion

19 de m'en rendre compte sur la région complète sous l'occupation de l'armée

20 populaire yougoslave, juste après son retrait à Konavle sur le littoral de

21 Dubrovnik, à proximité de Ston et autres localités.

22 Question: Lorsque vous étiez à Dubrovnik, début octobre, est-ce que

23 l'ancienne ville, la vieille ville a été attaquée? Pourriez-vous nous le

24 dire rapidement?

25 Réponse: A cette époque-là, non.

Page 14861

1 Question: Avez-vous été à Dubrovnik, fin octobre, avec le Président de la

2 RSFY, M. Mesic?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce qu'il vous a fallu demander une permission pour arriver à

5 Dubrovnik, une autorisation de la part de la JNA de Belgrade?

6 Réponse: Nous ne pouvions pas arriver à Dubrovnik parce que, dans un canal

7 de Miljevo, nous avons été bloqués par la marine de guerre avec cinq ou

8 six bâtiments et nous avons passé la journée entière là-bas en essayant de

9 convenir avec le commandement à Belgrade de laisser passer le convoi en

10 question.

11 Question: Qui a fini par vous autoriser à aller à Dubrovnik?

12 Réponse: S'agissant d'une autorisation explicite, il n'y en a pas eu parce

13 que M. Mesic, qui était -au sens formel- commandant de la marine de guerre

14 aussi, n'a pas réussi à contacter l'amiral Brovet ni qui que ce soit

15 d'autre. Donc après ou au bout d'une journée de séjour dans le canal de

16 Mljet, au bout d'une journée de déplacement ou plutôt d'une nuit de

17 déplacement, tout à fait lentement, nous avons atteint Dubrovnik au matin.

18 Et il n'y a pas eu d'attaque armée contre le convoi; donc une permission

19 tacite avait été donnée.

20 Question: Je ne vous demande pas de détails à propos de cette visite qui

21 n'a bien duré qu'un jour, c'est cela?

22 Réponse: Une journée.

23 Question: Est-ce qu'avec deux autres membres du Gouvernement de Croatie,

24 vous êtes de nouveau allé à Dubrovnik, en novembre 1991, afin de

25 participer à des négociations?

Page 14862

1 Réponse: Oui, en effet.

2 Question: Je vais demander l'aide de l'huissière pour présenter

3 l'intercalaire 2 de la pièce P370.

4 (Intervention de l'huissière.)

5 Il s'agit d'une décision rendue le 29 novembre 1991 qui consiste à vous

6 dépêcher, vous, le ministre Cifric et le ministre Rudolph, à Dubrovnik. La

7 date était le 30 novembre 1991. On vous donne pour mission d'établir des

8 contacts et de maintenir des contacts avec les organisations

9 internationales, avec le commandement de la JNA. On vous demandait

10 d'organiser le retour de la population qui avait quitté la ville à titre

11 temporaire. Il y avait aussi d'autres missions qui vous étaient données.

12 C'est bien le document qui porte sur votre mission?

13 Réponse: Oui.

14 Question: On fait également référence à la cellule de crise de certains

15 villages, dont la ville de Dubrovnik. Mais de quelle cellule de crise

16 s'agissait-il? Etaient-ce des organes civils ou des organes militaires?

17 Réponse: Les cellules de crise étaient des organes civils et la finalité

18 de leur mise en place était celle d'organiser, dans ces circonstances très

19 difficiles, la vie de la population et de venir en aide, sur le plan

20 logistique, aux effectifs chargés de la défense.

21 Question: Afin de parvenir à Dubrovnik, est-ce que vous deviez, pour ce

22 faire, obtenir l'aval l'autorisation du grand état-major de la JNA et à

23 Belgrade?

24 Réponse: Sans une telle autorisation, il ne nous était pas possible

25 d'accéder légalement; ni par voie terrestre ni maritime.

Page 14863

1 Question: Et qui vous a donné cette autorisation? Quelle est la personne

2 qui vous l'a donnée, le savez-vous?

3 Réponse: L'amiral Brovet.

4 Question: Est-ce qu'en route vers Dubrovnik, vous avez passé une journée à

5 Split au cours de laquelle vous avez participé à des négociations entre le

6 commandant du district naval militaire de la JNA, le général Nikola

7 Mladenic et les autorités de Split?

8 Réponse: Oui, je crois que c'était bien Mladenic.

9 Question: Et ces négociations portaient-elles sur le retrait de la JNA de

10 la région? En quoi consistaient-elles?

11 Réponse: Oui, cela avait trait au retrait de la marine de la JNA de la

12 région de Split, du port de Lora; c'était un port de la marine de guerre à

13 proximité immédiate de Split. Et il avait été question de la restitution

14 des armes de la Défense territoriale. Ces deux questions-là avaient été

15 liées l'une à l'autre dans les négociations.

16 Question: Est-ce qu'elles ont débouché sur un accord?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Après votre arrivée à Dubrovnik, avez-vous assisté à des

19 négociations ou participé des négociations, le 5 décembre à Cavtat?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et, avec vous, il y avait deux autres ministres du Gouvernement

22 croate. Mais qui d'autres étaient présents?

23 Réponse: L'amiral Jokic et un capitaine de frégate, Sofronije Jeremic.

24 Question: A quel titre l'amiral Jokic a-t-il participé à ces négociations?

25 Réponse: Il était représentant du commandement suprême.

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1 Question: A t-il dit?

2 Réponse: C'est ainsi que nous avions préparé les négociations. Et l'accord

3 qui a été signé indique bien, au niveau de la signature, que les

4 négociations avaient lieu entre le Gouvernement croate et le commandement

5 suprême représenté par l'amiral Jokic.

6 Question: Quelle était la raison d'être de la présence du capitaine

7 Jeremic? Est-ce qu'il a vraiment participé de façon active à ces

8 négociations?

9 Réponse: Il n'a pas pris part du tout à ces négociations, il n'a fait

10 qu'être physiquement présent à la réunion.

11 Question: Quelles étaient les exigences posées par votre délégation?

12 Pourriez-vous nous relater comment ont évolué, comment se sont produites

13 ces négociations?

14 Réponse: Nous avions demandé un cessez-le-feu, cessez-le-feu sérieux et

15 long. Puis nous avions demandé de débloquer Dubrovnik et le port de Gruz.

16 Puis, nous avons demandé de remettre en marche les installations

17 électriques et les installations d'approvisionnement en eau potable, afin

18 que la ville -comptant quelque 40.000 habitants- puisse recevoir

19 l'électricité et l'eau. D'une manière générale, nous voulions assurer à la

20 population de la ville des conditions de vie plus appropriées.

21 Question: Et comment l'amiral ou le général Jokic a-t-il réagi? Qu'a t-il

22 dit?

23 Réponse: Le général Jokic a dit que nous pouvions négocier de la chose et

24 du retrait de la JNA vers des lignes un peu plus en arrière mais à

25 condition que tous nos effectifs quittent Dubrovnik; et il avait parlé de

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1 15.000 hommes en disant qu'il s'agissait d'Oustachis et de mercenaires.

2 Question: Quelle fut votre réaction? Relatez-nous l'échange que vous avez

3 eu avec lui.

4 Réponse: Nous ne pouvions pas accepter ce type d'exigence. Tout d'abord,

5 parce qu'il n'y avait pas assez d'effectifs à Dubrovnik; et deuxièmement,

6 le retrait de nos effectifs à nous permettait le libre accès à la JNA vers

7 Dubrovnik. Nous lui avons précisé qu'à Dubrovnik, il n'y avait pas 15.000

8 hommes armés mais qu'il y avait 5.000 hommes bien armés prêts à se battre;

9 ce n'étaient certainement pas des Oustachis ou des mercenaires, mais des

10 citoyens de Dubrovnik qui étaient prêts à défendre leur ville et la

11 Croatie. Nous avons précisé que nous n'allions pas retirer ces effectifs,

12 que nous ne pouvions pas les retirer, parce que l'armée yougoslave allait

13 dans ce cas-là immédiatement entrer dans Dubrovnik.

14 L'amiral Brovet nous avait demandé si nous n'avions pas foi en la parole

15 d'honneur d'un haut officier yougoslave. Nous lui avons dit que non, parce

16 que nous avions eu auparavant un cas analogue. A l'occasion des

17 négociations précédentes où des représentants des autorités municipales

18 avaient pris part à la réunion de Mocici près de Cilipi, l'aéroport de

19 Dubrovnik, la JNA avait promis qu'elle ne s'approcherait pas des lignes de

20 Dubrovnik; et dès que nos négociateurs avaient quitté la réunion, ils

21 n'avaient pas encore quitté Cavtat pour arriver à Dubrovnik, que Cavtat a

22 été prise par la l'armée populaire yougoslave.

23 Jokic s'est arrêté là-dessus, et puis il a posé une autre question:

24 "Pensez-vous que l'armée populaire yougoslave ne dispose pas d'effectifs

25 ou de forces suffisantes pour ce qui est de prendre Dubrovnik en dépit de

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1 la présence de vos forces de défense ou de vos effectifs?". Nous avons

2 répondu en disant: "Oui, vos effectifs sont bien plus importants que les

3 nôtres, mais au final vous n'allez pas le faire parce qu'il faudrait tout

4 d'abord détruire complètement la ville; et vous n'allez pas le faire parce

5 que vous redoutez les réactions de l'opinion publique internationale.

6 Deuxièmement, vous devez forcément compter sur un fait: à savoir toute

7 rue, toute maison détruit se transformerait en bunker, et vous auriez

8 beaucoup de pertes vous-même. Et pour votre opinion publique à vous, vous

9 ne pouvez pas vous le permettre. Aussi sommes-nous sûrs que vous

10 n'accéderez pas à la ville même." (Fin de citation.)

11 Par la suite, il a fait une petite pause et il a proposé des alternatives.

12 Il avait proposé que nos effectifs soient formellement désarmés, qu'il

13 fallait filmer la chose pour l'opinion publique de chez eux, puis que

14 cette même armée rentre à Dubrovnik en passant par les îles de Dubrovnik,

15 la seule voie encore praticable. Puis, il s'agissait de faire un

16 communiqué conjoint disant que nous allions retirer toute l'armée et la

17 désarmer; cela serait publié en Serbie et au Monténégro pour apaiser

18 l'opinion publique serbe et monténégrine. Nous ne pouvions pas accepter la

19 chose non plus parce que nous avions compris qu'il s'agissait là de

20 manœuvres.

21 Question: Témoin, excusez-moi de vous interrompre. Vous venez de relater

22 ses suggestions à lui; mais ce serait donc un simulacre de retrait de la

23 JNA afin que la JNA ne perde pas la face, ou cela revient à dire autre

24 chose?

25 Réponse: C'est à peu près cela. En raison de son opinion publique là-bas,

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1 c'est ce qu'il nous disait; il ne pouvait pas faire de concessions vis-à-

2 vis de notre partie à nous sans atteindre son objectif qui était celui de

3 voir se retirer et se désarmer complètement nos effectifs et leur départ

4 de Dubrovnik. Ils ne pouvaient pas passer outre pour leur opinion publique

5 à eux. Et il a proposé ces alternatives que nous avons cru comprendre

6 comme étant des manœuvres, comme étant une sorte de retrait… faux.

7 Question: Une question supplémentaire. Vous avez mentionné 5.000 personnes

8 qui auraient pu combattre, lutter contre la JNA dans la ville même. Est-ce

9 que vous aviez effectivement 5.000 hommes? Ou pourquoi avez-vous donné ce

10 chiffre?

11 Réponse: Nous n'avions pas ce chiffre-là; nous avions bien moins d'hommes.

12 Nous avions 300, 400, au grand maximum 500 hommes. Mais nous avions parlé

13 de ce chiffre parce que nous ne voulions pas révéler les effectifs exacts,

14 parce que l'armée n'aurait aucune raison de négocier avec nous; sachant la

15 réalité, elle pouvait tout simplement entrer dans la ville. Nous étions

16 donc des négociateurs du Gouvernement croate, nous n'étions pas des agents

17 de renseignement de la JNA et c'est la raison pour laquelle nous n'avons

18 pas fourni de renseignements exacts.

19 Question: Ce jour-là, est-ce qu'on est parvenu à un accord finalement?

20 Réponse: Oui, ce jour-là, nous avons abouti à un accord que nous avons

21 jugé comme étant, somme toute, assez favorable parce qu'il y avait une

22 atténuation du régime d'entrée et de sortie des navires dans le port de

23 Gruz, et il a été convenu de permettre la réparation des installations

24 d'approvisionnement en électricité et en eau. Il s'agissait d'ouvrir des

25 lignes de communication maritime avec les îles à proximité de Dubrovnik

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1 qui n'étaient pas accessibles pendant les quelques journées précédentes,

2 depuis Cavtat à ces îles.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander à Mme l'Huissière de

4 présenter une pièce déjà versée au dossier…

5 M. Kwon (interprétation): Avant que nous n'abandonnions l'intercalaire 2

6 de cette pièce, le témoin pourrait-il nous dire qui est Franjo Greguric? A

7 la fin du document, on fait référence à cette personne. Nous sommes à la

8 deuxième page. Est-ce qu'il était Président du Gouvernement de la

9 République de Croatie?

10 M. Kriste (interprétation): Oui, c'était le Président…, le Premier

11 ministre, le chef du Gouvernement croate.

12 M. Kwon (interprétation): Merci.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez maintenant sous les yeux un

14 autre document, Monsieur le Témoin.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 Il s'agit, en fait, de l'accord signé le 7 décembre 1991. Cependant, si

17 vous examinez les articles de cet accord, ceci représente-t-il bien le

18 niveau des négociations auquel vous étiez arrivés le 5?

19 Réponse: Oui, au fond, cela traduit l'accord que nous avons réalisé le 5

20 décembre. Mais ce 5 décembre, à la fin des négociations, M. Jokic ne

21 voulait pas signer le document en question, en affirmant qu'il n'avait pas

22 les attributions nécessaires de la part de son commandement suprême et

23 qu'il lui fallait procéder à des consultations au préalable. Il a donc

24 proposé que nous nous retrouvions le lendemain pour procéder à la

25 signature du document en question.

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1 Question: Vous pouvez laisser ce document sur le bureau pour que le témoin

2 l'examine.

3 Vous êtes rentré à Dubrovnik. En route, est-ce que vous vous êtes dit que

4 vous étiez parvenus à avoir cet accord et que la guerre serait terminée à

5 Dubrovnik?

6 Réponse: Nous étions satisfaits de la teneur de l'accord obtenu. Ce qui

7 nous préoccupait, toutefois, c'est le fait que M. Jokic n'ait pas signé

8 l'accord en question. Nous pensions que l'accord finirait par être signé

9 le lendemain et que cela fournirait des conditions de vie bien meilleures

10 pour la population de Dubrovnik.

11 Question: Vous êtes revenu à Dubrovnik. A votre retour, avez-vous discuté

12 avec le général Marinovic? Que vous a-t-il dit?

13 Réponse: Une fois rentrés à Dubrovnik, nous avons informé la direction

14 locale et le commandant Marinovic de ce que nous avions convenu, et nous

15 les avons informés de ce qui s'était passé lors de cette réunion à Cavtat.

16 Monsieur Marinovic n'a pas partagé notre optimisme parce que, dans la

17 journée, l'on avait remarqué des déplacements de la JNA à Bosanka et

18 Zarkovica et il a dit qu'il redoutait une attaque. Cela a eu un effet sur

19 nous et cela a résulté par une chute d'optimisme de notre part aussi.

20 Question: Y a-t-il eu une attaque dirigée sur Dubrovnik, le 6 décembre,

21 avec un assaut lancé sur les positions croates à partie du mont Srdj, aux

22 toutes premières heures du matin?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Avez-vous suivi ce qui se passait depuis l'hôtel où vous étiez,

25 l'hôtel Argentina?

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1 Réponse: Eh bien, depuis l'hôtel Argentina, dès 6 heures du matin, heure à

2 laquelle l'attaque a commencé, nous pouvions voir que sur la forteresse de

3 Srdj se trouvant sur les auteurs de la ville, il y avait des explosions

4 d'obus et l'on a vu se déplacer des chars. Peu après, le feu a été ouvert

5 en direction de la ville même, y compris l'hôtel où nous nous trouvions et

6 y compris le noyau de la vieille ville.

7 Question: Pendant que se déroulait cette attaque, étiez-vous en contact

8 avec le général Marinovic?

9 Réponse: Oui, nous étions en contact avec le colonel Marinovic.

10 Question: Le colonel Marinovic a-t-il aidé ou essayé d'aider ces hommes,

11 les hommes qui se trouvaient sur le mont Srdj, en tirant depuis des

12 positions qui se seraient trouvées à l'intérieur de la ville?

13 Et si de telles positions existaient, savez-vous où elles étaient?

14 Réponse: Monsieur Marinovic nous a informés de l'attaque à effectif

15 puissant sur la forteresse de Srdj, et il a dit que l'équipage là-bas ne

16 pourrait résister longtemps sans support, sans appui ou aide. Et il a dit

17 qu'il allait essayer de les aider depuis des positions qui n'étaient pas

18 encore occupées dans le secteur de Dubrovnik. Je ne sais pas exactement

19 combien de batteries ou de mortiers ont été déployés par les effectifs de

20 la défense, mais je sais que dans la vieille ville, il n'y avait aucune

21 pièce d'artillerie, ni dans la vieille ville ni dans les environs

22 immédiats de la vieille ville, et pas d'installations militaires du tout.

23 Question: A quel moment a commencé le pilonnage de la vieille ville, et à

24 quel moment s'est-il terminé; le savez-vous?

25 Réponse: Le pilonnage de la vieille ville a commencé vers 7 heures. Cela a

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1 duré de façon intense jusqu'à 1 heure de l'après-midi. Puis cela a repris

2 jusqu'au début de la soirée, mais l'intensité n'était plus la même, elle

3 était moindre.

4 Question: Disposez-vous d'un enregistrement, d'une cassette qui montre ces

5 pilonnages? Et est-ce que c'est images ont été filmées depuis l'hôtel

6 Argentina?

7 Réponse: J'ai cet enregistrement. Je dirais que ce pilonnage de Dubrovnik

8 a été filmé par un amateur, le réceptionniste de l'hôtel Argentina; et

9 j'ai pu le voir tourner ou prendre les vues en question. Il a filmé ce qui

10 se passait à partir de l'endroit où nous observions nous-mêmes ce qui se

11 passait en ville. Ce que l'on voit sur la vidéo, ce n'est pas aussi

12 impressionnant que ce que nous avons pu voir nous-mêmes parce que nous, on

13 a regardé toute la journée, et toutes sortes de projectiles nous

14 survolaient pour atterrir là-bas.

15 Question: Dans quelles circonstances avez-vous obtenu cette cassette? Et y

16 a-t-il d'autres extraits qui s'y trouvent, outre ceux qu'a filmé ce

17 cameraman amateur?

18 Réponse: En sus du pilonnage de la ville sur cet enregistrement,

19 l'enregistrement étant daté du 6 décembre 1991, on voit aussi des vues de

20 la ville après le pilonnage; vues qui ont été prises le lendemain, à

21 savoir le 7 décembre 1991. On voit également quelques vues qui ont été

22 diffusées par la télévision de Belgrade et du Monténégro. Les vues de la

23 ville ont été prises par le même amateur; et les vues enregistrées ou

24 diffusées par la télévision de Belgrade et la télévision du Monténégro

25 étaient rajoutées à ce même enregistrement. Et la télévision de Croatie a

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1 capté les signaux des télévisions de Belgrade et du Monténégro, a

2 enregistré ces vues-là pour les diffuser dans un programme à elle qui

3 s'appelle "TV Izbor", à savoir "choix des télévisions", différent de ce

4 qui a été diffusé par les autres télévisions. Le tout a été diffusé en

5 date du 7 décembre 1991.

6 Question: Dans quelles circonstances avez-vous obtenu cet enregistrement?

7 Qui vous l'a remis?

8 Réponse: C'est un policier, l'un de nos policiers, qui nous escortaient

9 pendant que nous étions à Dubrovnik, qui m'a offert ces enregistrements-

10 là.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, le témoin nous

12 a fourni cet enregistrement, il constitue l'intercalaire 3 de cette pièce.

13 Une transcription des parties que nous souhaitons diffuser est disponible.

14 Un enregistrement, en tant que tel, est assez long: il fait plus de 45

15 minutes; nous voulons nous contenter dans diffuser 5 minutes. Pas la

16 partie où l'on montre les dégâts subis, mais 3 minutes où on voit

17 effectivement le pilonnage, tel qu'il a été filmé depuis l'hôtel

18 Argentina, ainsi qu'un extrait de ce qui a été diffusé à la télévision de

19 Belgrade et à la télévision du Monténégro. Cela fait en tout à peu près 5

20 minutes. Et je me demande si, après cela, nous pourrons avoir la pause.

21 M. le Président (interprétation): Si la diffusion peut se faire

22 maintenant, nous allons voir ces images, et puis nous ferons la pause.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): La cassette est prête.

24 Monsieur le Président, il y a des interruptions entre les différentes

25 séquences.

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1 (Diffusion de la vidéo.)

2 C'est la vue que vous aviez depuis l'hôtel, Monsieur le Témoin?

3 M. Kriste (interprétation): Oui, oui.

4 Question: Et savez-vous ce qui est en train de brûler, là?

5 Réponse: Probablement des voitures qui étaient garées au coin. Et là, on

6 voit des bateaux.

7 Question: Est-ce que c'est, en fait, le bateau dont vous vous êtes servi

8 pour les négociations?

9 Réponse: Oui, l'un des deux bateaux a été utilisé pour aller, le jour

10 d'avant, aux négociations de Cavtat. Là, on entend les explosions.

11 Question: Messieurs les Juges, vous voyez ici l'heure qu'il est. L'heure

12 indiquée sur les images, est-ce l'heure exacte à laquelle ces images ont

13 été filmées?

14 Réponse: Oui.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et maintenant, il nous faudrait

16 entendre les voix.

17 (Début de la traduction de la cassette vidéo.)

18 "-Le journaliste: On dit qu'à 20 ou 30 kilomètres de là où vous êtes, est-

19 ce que vous réussissez à le faire?

20 -Réponse: Nous avançons assez vite. Je crois que nous allons aller assez

21 vite. La semaine prochaine, nous prendrons d'autres sites.

22 -La journaliste de télévision de Belgrade: On dit que les formations

23 oustachis et les mercenaires étrangers qui ne tiennent pas du tout à

24 Dubrovnik, détruisent la ville pour accuser la JNA de ces actes de

25 vandalisme, dit-on dans le communiqué du secrétariat à la Défense

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1 nationale.

2 -L'officier (inconnu): La réalisation de ces tâches nécessite une

3 concentration plus grande des effectifs et des effectifs de soutien,

4 notamment d'artillerie, pour exposer le moins possible les combattants au

5 péril, pour briser les effectifs de la ZNG et du MUP sur ces secteurs-là.

6 -Le journaliste: Tout ce que nous voyons n'existe pas, tout cela est monté

7 de toutes pièces. La télévision du Monténégro… toutes les informations

8 disant que la JNA a pilonné Dubrovnik sont pur mensonge et invention, dit-

9 on dans le communiqué des services d'information du secteur la Boka. Dans

10 ses activités, à ce jour, la JNA n'a pas tiré d'obus du tout sur

11 Dubrovnik.

12 -La journaliste (interviewant un officier): On dit que la ville de

13 Dubrovnik a été détruite.

14 -L'officier: On n'a rien pilonné à Dubrovnik, on n'a pas tiré sur

15 Dubrovnik. Ce n'est pas vrai.

16 -Un journaliste (interviewant un autre officier): Est-ce qu'ils essaient

17 de miner la vieille ville?

18 -L'officier: C'est une partie du scénario qui a été mis en place depuis le

19 début, et on est en train de le réaliser. Ils s'efforcent d'accuser la JNA

20 en disant qu'elle n'a aucun respect pour les monuments de la culture ou du

21 patrimoine culturel mondial, comme cela est le cas pour ce qui est de la

22 vieille ville de Dubrovnik. Eh bien, cela a été mis en place et préparé au

23 niveau de la vieille ville. Ils ont placé des…, désigné des sites pour y

24 placer des explosifs et ils ont prétendu que c'est la JNA qui a tiré des

25 obus en direction de la vieille ville.

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1 (Un autre journaliste interviewant un soldat.)

2 -Le soldat: Nous sommes presque arrivés à Dubrovnik. Voilà, derrière cette

3 colline, on peut voir Dubrovnik. Nous nous sommes arrêtés ici et nous

4 n'allons pas de l'avant. Mais s'ils continuent à ouvrir le feu depuis

5 leurs positions, nous allons aller de l'avant. Mais ils sont encerclés, de

6 l'autre côté aussi. Et la ville de Dubrovnik se trouve encerclée. Nous

7 attendons donc des ordres pour aller de l'avant vers eux, pour les

8 désarmer."

9 Voilà pour ce qui est des extraits."

10 (Fin de la traduction de la vidéo.)

11 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

12 M. le Président (interprétation): Le moment se prête bien à la pause.

13 Monsieur Kriste, au cours de cette pause et de toute autre pause

14 éventuelle ultérieure, veuillez ne parler à personne de votre déposition;

15 attendez pour ce faire que la déposition soit terminée. Et ceci concerne

16 également les représentants du Bureau du Procureur.

17 Veuillez être de retour à l'audience dans 20 minutes.

18 M. Kriste (interprétation): J'ai parfaitement bien compris.

19 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)

20 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la

21 parole.

22 M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, j'aimerais revenir à la

23 question que j'ai posée au début de l'audience. Je n'ai pas bien compris

24 la réponse du témoin. Est-ce que M. Gregoric était un autre nom pour M.

25 Tudjman parce que le témoin a dit qu'il était président de la Croatie,

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1 n'est-ce pas?

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, chef du gouvernement, Premier

3 ministre.

4 M. Kwon (interprétation): A la fin de l'intercalaire, on lit que M.

5 Gregoric est président du gouvernement. Donc président du gouvernement,

6 c'est différent de président de la république, Président de la Croatie.

7 Pourriez-vous vous expliquer, Monsieur le Témoin?

8 M. Kriste (interprétation): Oui. Gregoric, était chef du gouvernement, il

9 n'était pas président de l'Etat. Ce n'est pas un autre nom pour M.

10 Tudjman.

11 M. Kwon (interprétation): Bien. Cela semble tout expliquer, merci

12 beaucoup.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, compte tenu des

14 contraintes techniques qui pèsent dans ce prétoire, je vous signale que

15 dans la cassette originale qui existe aujourd'hui en copie -les Juges ont

16 une copie à leur disposition-, donc je vous demande si vous pouviez voir

17 sur les images les obus en train de tomber et de frapper les bâtiments? Je

18 vous parle de l'original.

19 M. Kriste (interprétation): Oui, on pouvait les voir.

20 Question: Messieurs les Juges, vous ne pouviez pas le voir dans le

21 prétoire, mais si vous diffusez la cassette, vous verrez que ceci est tout

22 à fait visible.

23 Monsieur le Témoin, d'où venaient ces obus? Quelles étaient les forces

24 terrestres ou autres, qui lançaient ces obus?

25 Réponse: Ce jour-là, il s'agissait des forces terrestres qui agissaient

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1 avec la marine, mais c'étaient avant tout les forces terrestres.

2 Question: Nous avons entendu des officiers faire des commentaires, et l'un

3 d'entre eux dit à la télévision que les représentants de Dubrovnik

4 préparent des mines, qu'ils ont l'intention d'activer pour ensuite les

5 faire passer pour des obus lancés par la JNA. Est-ce que ceci s'est

6 vraiment produit?

7 Réponse: C'est une invention, de la propagande idiote, censé justifier les

8 actes de la JNA à Dubrovnik.

9 Question: A votre connaissance, des pneus ont-ils été incendiés pour

10 donner l'impression que la ville était en feu? Ou bien était-ce la ville

11 qui était incendiée?

12 Réponse: Ce jour-là, la ville était en feu: neuf maisons ont été

13 incendiées et 600 projectiles de nature différente sont tombés sur la

14 ville. Il n'y a pas eu d'incendie de pneus, mais une dizaine d'automobiles

15 garées derrière les remparts de la ville ont été incendiées; et lorsque

16 ces voitures ont flambé, bien entendu, leurs pneus ont flambé également,

17 et des automobiles ont également été incendiées à l'aide d'obus.

18 Question: J'aimerais que l'on soumette au témoin l'intercalaire 4 de la

19 pièce à conviction 370.

20 (Intervention de l'huissière.)

21 Il s'agit d'une carte géographique, d'un plan où l'on voit la vieille

22 ville de Dubrovnik.

23 Monsieur le Témoin, connaissez-vous ce plan? Pouvez-vous nous dire qui est

24 à l'origine de ce plan?

25 Réponse: Je connais ce plan, j'en possède un exemplaire. Ce sont les

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1 services officiels de la municipalité de Dubrovnik qui ont établi ce plan

2 avec l'aide des services correspondants de l'Unesco.

3 Question: Vous venez de dire que neuf bâtiments ont été entièrement

4 détruits. Figurent-ils sur ce plan? Pourriez-vous peut-être utiliser le

5 pointeur pour nous montrer de quelle façon ils sont indiqués sur ce plan?

6 Réponse: Ces bâtiments sont indiqués en noir sur ce plan.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Et les petits triangles que l'on voit

8 sur le plan, qu'indiquent-ils?

9 M. Kriste (interprétation): Ces triangles indiquent les endroits où sont

10 tombés divers projectiles. On voit des triangles et des points ronds, je

11 ne sais pas quelle est la différence entre les deux. Sur mon plan, ces

12 points d'impact sont tous indiqués par des cercles. Il s'agit peut-être

13 ici d'une distinction entre les impacts directs et les dommages causés par

14 des impacts qui ne sont pas des impacts directs.

15 M. Kwon (interprétation): Pourriez-vous demander aux interprètes de nous

16 interpréter la légende, Madame Uertz-Retzlaff?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Les interprètes pourraient-ils nous

18 dire ce qui est indiqué dans la légende, et quelle est la signification

19 des points ronds et des triangles? Ah! D'ailleurs, on me dit que nous

20 avons une traduction.

21 M. Kwon (interprétation): Je viens de la voir.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, je n'avais pas fait attention.

23 Donc la légende est bien expliquée, y compris en traduction.

24 Monsieur le Témoin, j'ai encore une question à vous poser au sujet de ce

25 plan. Pourriez-vous nous indiquer où se trouve l'endroit dont vous venez

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1 de parler, à savoir l'endroit où étaient garées les voitures, où elles ont

2 été incendiées, à l'extérieur de la ville? Pourriez-vous nous l'indiquer

3 du pointeur?

4 M. Kriste (interprétation): Les parkings se trouvent au nord des remparts.

5 A cet endroit que j'indique ici, il y en a un certain nombre dans cette

6 zone que je vous montre actuellement à l'aide du pointeur.

7 Question: Le témoin a placé le pointeur sur le haut du plan où l'on voit

8 un certain nombre de rectangles à l'extérieur des remparts.

9 Merci beaucoup, Madame l'Huissière. Vous pouvez reprendre le plan.

10 Monsieur le Témoin, combien de personnes ont été tuées ce jour-là, si vous

11 le savez?

12 Réponse: 19 civils ont été tués et 60 à peu près ont été blessés.

13 Question: En dehors de la vieille ville, d'autres zones résidentielles

14 ont-elles été prises pour cible, et notamment des hôtels qui hébergeaient

15 des réfugiés?

16 Réponse: Oui. En fait, toute la superficie de la ville a été prise pour

17 cible par les obus et, entre autres, des bâtiments d'habitation et des

18 hôtels qui hébergeaient des réfugiés. Il y en a eu à peu près… Il y en

19 avait à peu près 15.000, à Dubrovnik.

20 Question: Avez-vous vu des tirs partant de la vieille ville et y avait-il

21 des cibles militaires ou des positions militaires à l'intérieur de la

22 vieille ville?

23 Réponse: Non, il n'y a pas eu de tirs à partir de la vieille ville. Et

24 d'ailleurs, pas seulement à partir de la vieille ville, mais il n'y en a

25 pas eu non plus à partir des abords immédiats des remparts. Depuis l'hôtel

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1 où nous étions, nous n'avons vu aucun point de départ de tir. Or, depuis

2 l'hôtel où nous étions installés, on voyait très bien la vieille ville.

3 Question: La partie croate a-t-elle provoqué les pilonnages? Est-ce la

4 partie croate qui, par ses provocations, a été à l'origine des tirs?

5 Réponse: Non, elle n'a rien provoqué, elle attendait la conclusion d'un

6 cessez-le-feu secret et la signature d'un accord qui avait été mis au

7 point à Cavtat la veille.

8 Question: Au moment des pilonnages, avez-vous joint l'amiral Jokic à

9 plusieurs reprises?

10 Réponse: Oui, dès le début des pilonnages, nous avons essayé d'établir le

11 contact avec l'amiral Jokic. Mais au début, nous n'avons pas réussi à le

12 joindre. Plus tard, nous avons utilisé un téléphone satellitaire, et nous

13 sommes parvenus à le joindre et à discuter avec lui à plusieurs reprises.

14 Question: Quand lui avez-vous parlé pour la première fois, et que lui

15 avez-vous dit, à ce moment-là?

16 Réponse: La première fois que nous avons parlé ensemble, c'était après 8

17 heures du matin et il nous a dit qu'il n'y avait aucun pilonnage, qu'il

18 n'était au courant d'aucun pilonnage.

19 La deuxième fois, une demi-heure ou une heure plus tard, il a dit savoir

20 que des opérations étaient en cours mais que c'était notre partie qui

21 était responsable de ces opérations car, sur le territoire de Zarkovica et

22 de Bosanka, une unité de la JNA aurait été attaquée; nous avons dit que

23 c'était inexact.

24 Lors de notre troisième conversation, il a admis qu'un incident hostile

25 était survenu –ce sont les mots qu'il a utilisés- et il a expliqué les

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1 choses en disant que ce n'était pas le résultat d'un ordre émis par lui.

2 Question: A quel moment a eu lieu ce troisième coup de téléphone,

3 approximativement?

4 Réponse: Peut-être aux environs de midi ou un peu après midi, peut-être à

5 13 heures; je ne saurai pas vous dire avec une très grande précision à

6 quel moment a eu lieu ce coup de fil, mais en tout cas après midi.

7 Question: Avez-vous cru ce qu'il a dit, à savoir qu'il n'avait pas émis

8 cet ordre?

9 Réponse: Nous n'avons pas cru cela, bien sûr, car une opération de cette

10 nature ne peut pas être menée sur la base de l'initiative personnelle d'un

11 commandant; elle ne peut se dérouler qu'en raison d'un ordre venant du

12 commandant suprême, à savoir l'amiral Jokic.

13 Question: Mais lorsqu'il a dit ne pas avoir émis cet ordre, a-t-il parlé

14 de la possibilité d'arrêter cette opération? Avez-vous parlé de cela?

15 Réponse: Oui, nous avons discuté de cela et il a été dit que le cessez-le-

16 feu interviendrait à 11 heures; or l'opération s'est poursuivie après 11

17 heures et ce, jusqu'à la tombée de la nuit. Mais il est vrai qu'à partir

18 de 13 heures, elle était d'une intensité un peu inférieure.

19 Question: Savez-vous où se trouvait l'amiral Jokic lorsque vous l'avez

20 joint le matin à trois reprises, comme vous venez de le dire?

21 Réponse: Nous avons supposé qu'il était quelque part aux alentours de la

22 baie de Kotor, mais nous ne savions pas exactement où il était.

23 Question: Avez-vous essayé de le joindre à Kotor? Est-ce l'endroit où vous

24 avez essayé d'établir la liaison avec lui?

25 Réponse: Nous l'avons cherché un peu partout à Kumbor, à Herceg-Novi et à

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1 Kotor aussi, si je me souviens bien, mais je ne saurais pas vous dire où

2 nous l'avons joint et à partir de quel endroit il nous a appelés, par la

3 suite.

4 Question: Avez-vous tenté de le joindre une autre fois, compte tenu du

5 fait que les pilonnages se sont poursuivis? Vous avez dit qu'après votre

6 troisième conversation, vous vous attendiez à un arrêt des pilonnages.

7 Avez-vous tenté de le joindre une fois de plus, ensuite?

8 Réponse: Plus tard, aux environs de 14 heures, nous avons reçu un message

9 radio dans lequel Jokic nous informait que cette attaque s'était produite

10 malgré eux. Il s'excusait et expliquait que le général Kadijevic avait

11 ordonné une enquête à ce sujet, ainsi que du fait que lui-même devait se

12 rendre à Belgrade; il devrait partir cette après-midi-là et, donc, nous ne

13 pourrions pas nous rencontrer. Or, dans la matinée, nous nous étions donné

14 rendez-vous dans l'après-midi, mais nous n'avions pas pu nous rencontrer

15 en raison du bombardement qui se poursuivait.

16 Question: Je demande l'intercalaire 45 de la pièce 361. J'aimerais qu'on

17 soumette ce document au témoin. Il s'agit d'une pièce qui est déjà versée

18 au dossier.

19 (Intervention de l'huissière.)

20 Monsieur le Témoin, est-ce bien le message, le fax dont vous venez de

21 parler?

22 Il est en anglais. Avons-nous une version en BCS? Non?

23 Très bien. Peut-être pourrait-on placer ce document sur le

24 rétroprojecteur?

25 Vous rappelez-vous, Monsieur, que ce message était en anglais?

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1 Réponse: Je crois que nous avons reçu ce fax en croate. Moi, j'en ai eu un

2 exemplaire en croate. Je ne sais pas si l'original était en anglais et

3 qu'il y a eu traduction par la suite, mais moi je l'ai reçu en croate. Et

4 je reconnais ce document.

5 Question: Le document peut-il être placé sur le rétroprojecteur?

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Je prierai les interprètes de bien vouloir lire le premier paragraphe qui

8 commence par les mots: "Votre Excellence ".

9 Je cite: "Votre Excellence, j'exprime mes regrets sincères pour la

10 situation difficile et regrettable qui a été créée, ceci n'est pas le

11 résultat de notre ordre et je n'aurais jamais eu, en tout bon sens, l'idée

12 d'agir de cette façon. Le général Kadijevic vous a envoyé un message, à

13 vous et à l'ECMM à Dubrovnik, dans lequel il est indiqué qu'une enquête

14 énergique sera lancée pour déterminer nos responsabilités et les coupables

15 de cet événement. Dans le même temps, nous nous attendons à déterminer les

16 responsabilités de votre côté et nous vous demandons tout éclaircissement

17 au sujet des circonstances en question". (Fin de citation.)

18 Est-ce bien le message que vous avez reçu?

19 Réponse: Oui, c'est exact.

20 Question: Savez-vous si une enquête a effectivement eu lieu, et si des

21 officiers ont été mis en accusation ou soumis à des sanctions

22 disciplinaires pour des actes commis sans autorisation à Dubrovnik?

23 Réponse: Je ne sais pas si qui que ce soit a été soumis à des sanctions

24 disciplinaires à cause de cela.

25 Question: Après avoir reçu ce fax, si je vous ai bien compris, vous avez

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1 dit que le pilonnage s'était poursuivi mais avec une intensité moindre?

2 Réponse: C'est exact, on le voit d'ailleurs sur les images de la vidéo. Le

3 pilonnage s'est poursuivi jusqu'aux environs de 16 heures car la nuit

4 commençait à tomber mais les bâtiments étaient toujours en feu.

5 Question: Nous avons vu le document qui contient l'accord du 7 décembre

6 1991. Est-ce que les mêmes personnes étaient présentes, à savoir vous, les

7 trois ministres, l'amiral Jokic, ainsi que Jeremic?

8 Réponse: Oui, c'est exact, les mêmes personnes étaient présentes des deux

9 côtés.

10 Question: Avez-vous protesté contre le pilonnage auprès de qui que ce

11 soit?

12 Réponse: Au début de la réunion, l'observateur de la Mission de l'Union

13 européenne a été le premier à protester; et, après lui, nous l'avons fait

14 également.

15 Question: Qu'a répondu l'amiral Jokic?

16 Réponse: L'amiral Jokic a réitéré les affirmations faites la veille, en

17 disant qu'il regrettait ce qui s'était produit mais que ceci n'était pas

18 le résultat d'un ordre émis par lui. Et il nous a également informés du

19 fait qu'il s'était rendu à Belgrade la veille où il avait discuté avec M.

20 Kadijevic, et que, dans la nuit, les représentants de toutes les

21 ambassades occidentales avaient protesté auprès du commandement suprême au

22 sujet du bombardement de Dubrovnik et que M. Kadijevic était très fâché à

23 cause de cela.

24 Question: Après quoi, l'accord a été signé selon les dispositions conclues

25 le 5, c'est bien cela?

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1 Réponse: C'est exact.

2 Question: La JNA a-t-elle filmé les dommages subis par la vieille ville le

3 lendemain, le savez-vous?

4 Réponse: Je sais! A la fin de la réunion que nous avons eue le 7 décembre,

5 M. Jokic nous a demandé de fournir une équipe de tournage de trois ou

6 quatre personnes qui viendraient à Dubrovnik pour constater les dégâts,

7 disant que ceci pourrait aider à l'enquête lancée par le général

8 Kadijevic.

9 Le lendemain, je n'ai pas rencontré ces personnes mais je sais que des

10 personnes sont venues filmer les dommages que l'on pouvait voir dans la

11 vieille ville.

12 Question: L'accord du 7, a-t-il été respecté? Y a-t-il eu arrêt des

13 pilonnages?

14 Réponse: Le 7, dans la soirée, il n'y a pas eu de pilonnage. Pendant une

15 longue période, une tranquillité relative a régné dans la ville. C'est

16 seulement plus tard en 1992 qu'il y a eu, à plusieurs reprises, de

17 nouveaux pilonnages.

18 Question: Quand la JNA, ou plutôt ce qui était devenu à l'époque "la VJ",

19 s'est-elle retirée de la région?

20 Réponse: Au mois de juin ou de juillet -mais il faudrait que je vérifie

21 pour être tout à fait précis-, elle s'est retirée de la partie occidentale

22 de la municipalité et arrivée jusqu'aux abords de Cavtat où elle est

23 restée jusqu'à la mi-octobre 1992. Et finalement, elle a quitté toute la

24 région de Dubrovnik au mois d'octobre 1992.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, l'accusation n'a plus de question pour ce témoin.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

3 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Petar Kriste, par l'accusé M.

4 Milosevic.)

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kriste, au début de votre

6 déposition, vous avez expliqué dans quelles conditions vous êtes devenu

7 ministre de la Défense de la République de Croatie après les élections de

8 1990. Vous avez dit qu'en raison du développement de la démocratie, il

9 avait été décidé que le ministre de la Défense soit un civil.

10 Comment est-il possible que ce motif, à savoir le développement de la

11 démocratie, n'ait duré que quelques mois, puisque malgré tout, par la

12 suite, le général Spegelj a bel et bien été nommé à ce poste?

13 M. Kriste (interprétation): J'ai déjà dit qu'au mois d'août 1990 les

14 Serbes de Croatie s'étaient soulevés. A ce moment-là, il a été constaté

15 que les choses n'iraient sans doute pas aussi facilement, comme nous

16 l'espérions et nous le pensions au début, immédiatement après les

17 élections démocratiques.

18 Ce soulèvement a été si important que, dès le début, plus de 20 à 25% du

19 territoire croate a été exclu du contrôle exercé par le Gouvernement de

20 Croatie. Et on s'attendait à ce que ce soulèvement se développe avec le

21 soutien de l'armée yougoslave et de la Serbie.

22 Question: Quelle était la cause de ce soulèvement? Vous avez parlé des

23 événements de Knin, de l'érection de barrages, mais quel a été le

24 précédent de ces événements?

25 Réponse: Avant cela, il y avait eu des meetings à Knin, déjà en 1989 ainsi

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1 qu'au début de 1990. Des meetings qui ressemblait beaucoup à ceux qui

2 s'étaient déjà tenus en Voïvodine et au Monténégro, des meetings où les

3 slogans consistaient à dire: "Ici, c'est la Serbie. Donnez-nous des

4 armes".

5 Question: Mais si… c'est bien ce qui s'est passé, si des meetings de cette

6 nature ont eu lieu? Je parle de la région de Lika, Banija, Kordun, dont je

7 suppose que vous les considérez comme nationalistes, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Dans ces conditions, comment est-il possible que, dans ces

10 territoires -à quelques petites exceptions près, quatre municipalités-, la

11 population serbe a majoritairement voté pour le parti de Racan, le SK de

12 Croatie, la Ligue des communistes de Croatie qui, par la suite, a changé

13 de nom? Vous connaissez le résultat des élections à l'époque, n'est-ce

14 pas; et 21 membres de ce parti pour lequel la grande majorité de la

15 population serbe avait voté en Slavonie orientale, sont devenus membres du

16 Parlement croate par la suite?

17 Réponse: Ceci était une action bien organisée, bien réfléchie, de la part

18 de la Serbie, qui avait pour but de créer tous les obstacles possibles de

19 la part des Serbes de Croatie contre les nouvelles autorités proclamées

20 dans le pays. Les Serbes qualifiaient ces autorités d'autorités oustachis,

21 sans la moindre raison pour ce faire.

22 Question: Très bien. Mais y avait-il une raison pour que les Serbes

23 s'inquiètent, s'agissant des événements qui se déroulaient à l'époque, à

24 savoir cette "révolution des troncs d'arbres" bien connue? Avez-vous des

25 renseignements au sujet de la façon dont les Serbes ont été exclus par la

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1 nouvelle Constitution de la Croatie en tant que peuple constitutif? Je

2 suis sûr que vous connaissez bien tous ces événements; vous étiez ministre

3 du Gouvernement.

4 Et savez-vous si un ordre a finalement été donné de désarmer les policiers

5 qui étaient, pour la majorité, des Serbes, dans ces postes de police?

6 Puisque dans la région, la majorité des Serbes… il était donc logique que

7 la majorité des policiers soient serbes également? Donc les Serbes

8 avaient-ils des raisons d'être émus?

9 Réponse: Il n'y avait aucune cause sérieuse pour une telle émotion. Il est

10 vrai que le libellé de la Constitution a été modifié, mais ce changement

11 n'a rien enlevé, sur le fond, aux Serbes; car dans la nouvelle

12 Constitution, les Serbes sont les premiers qui sont mentionnés comme

13 minorité nationale, et ce, comme d'autres populations de Croatie, dans le

14 respect de la définition des minorités nationales que l'on trouve dans

15 d'autres Constitutions d'autres pays également. Par ailleurs, un niveau

16 d'autonomie élevé leur était assuré au sein des communautés locales.

17 S'agissant maintenant du désarmement des postes de police, je dirai ce qui

18 suit: les postes de police n'ont pas été désarmés dans ces municipalités,

19 mais une grande partie des armes qui étaient disponibles dans ces postes

20 de police a été reprise par le ministère de l'Intérieur. Les Serbes,

21 d'ailleurs, n'étaient pas simplement majoritaires en tant que policiers

22 dans ces régions; au sein du ministère de l'Intérieur, il y avait

23 également une proportion de Serbes bien supérieure à la proportion des

24 Serbes au sein de la population croate.

25 Et je dois dire qu'on constatait la même chose au sein du ministère de la

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1 Défense. Par exemple, lorsque je suis arrivé au ministère de la Défense,

2 j'y ai trouvé 48% de Croates, alors que les Croates constituaient 79% de

3 la population totale à l'époque et qu'il y avait 32% de Croates et 12% de

4 personnes qui se déclaraient yougoslaves. Donc rien n'est arrivé à ces

5 personnes.

6 Question: Mais savez-vous qu'à l'époque, il y a eu licenciement massif de

7 Serbes dans la police, dans les entreprises publiques, y compris dans

8 l'enseignement et les institutions médicales?

9 Réponse: En Croatie -et je crois que l'exemple que je viens de citer

10 lorsque j'ai parlé du ministère de la Défense le montre bien- la situation

11 était assez semblable au ministère de l'Intérieur, les Serbes étaient sur-

12 représentés aussi longtemps que la Yougoslavie a existé.

13 Par conséquent, des changements étaient indispensables. Je considérais

14 personnellement que l'harmonisation, l'équilibrage de la représentation

15 nationale au sein des structures existantes, par rapport à la

16 représentation au sein de la population, était une nécessité. Il fallait

17 que l'emploi illustre la situation réelle, de façon à ce que personne ne

18 soit lésé. Mais, dans certains cas, des mesures ont été prises dont on

19 peut dire ici qu'elles n'étaient pas acceptables. Mais ce n'était pas une

20 raison suffisante pour provoquer la rébellion, le soulèvement des Serbes.

21 C'était simplement une circonstance qui a aidé la police serbe à obtenir

22 le soutien d'un nombre de Serbes très important, dans le cadre de ce

23 soulèvement.

24 Question: Mais la République de Serbie a-t-elle eu une influence

25 quelconque sur la structure de la police, sur les entreprises publiques,

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1 sur le ministère de la Défense dont vous avez hérité après le changement

2 de gouvernement? La Serbie avait-elle une influence sur la situation, de

3 façon générale, ou sur l'état des choses dans la République de Croatie

4 jusqu'à ce moment-là?

5 Réponse: La Serbie n'avait aucune influence directe, mais la situation en

6 Yougoslavie était telle que les Serbes étaient favorisés, et que dans les

7 faits ils étaient sur-représentés partout, donc dans les structures

8 judiciaires, dans les structures sanitaires, dans les grandes entreprises

9 et notamment dans les institutions de la Défense et de la Police.

10 Question: Qui exerçait cette "préférence", puisque c'est le mot que vous

11 avez utilisé?

12 Réponse: C'était le climat général qui prévalait en Yougoslavie à l'époque

13 où la Serbie dominait.

14 Question: Et vous affirmez que la Serbie dominait la Yougoslavie jusqu'au

15 début de 1990?

16 Réponse: C'est exact.

17 Question: Savez-vous qu'au cours de toutes les décennies qui se sont

18 écoulées depuis la guerre, un seul président du gouvernement fédéral, un

19 seul chef du gouvernement fédéral ou plutôt du conseil exécutif fédéral a

20 été serbe, alors que, pendant tout le reste du temps, c'étaient surtout

21 des Croates et parfois des Bosniaques qui occupaient ce poste?

22 Réponse: Les postes clés de l'armée et de la police, des institutions

23 financières représentées à Belgrade étaient tenus tout de même par des

24 Serbes. Maintenant, savoir s'il y a eu davantage de chefs du gouvernement

25 provenant d'une République plutôt que d'une autre, je ne saurais pas vous

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1 le dire.

2 Question: Oui, mais s'agissant de ces institutions primordiales dont vous

3 parlez qui se trouvaient à Belgrade -j'imagine que cela se trouvait à

4 Belgrade; parce que Belgrade était la capitale de la Yougoslavie, et c'est

5 là que se trouvait le siège du gouvernement fédéral, de la banque

6 centrale, le siège de tous les autres ministères aussi-, savez-vous que la

7 structure du gouvernement fédéral ainsi que la structure de la banque

8 centrale et des autres établissements primordiaux se conformaient ou

9 suivaient la structure de la composition ethnique de la Yougoslavie de

10 l'époque?

11 Réponse: Les sommets même, oui, en général. Mais les positions, les postes

12 clés au niveau opérationnel étaient détenus par des hommes originaires de

13 Serbie, et s'agissant de la présidence même de la Yougoslavie qui se

14 constituait de huit membres, de huit représentants des républiques et des

15 provinces, n'intervenaient de la sorte que pendant un certain temps après

16 que vous ayez pris le pouvoir en Serbie. Par la suite, il y a eu une

17 situation très étrange, vous avez procédé à une modification de la

18 Constitution en supprimant de fait l'autonomie de la Voïvodine et du

19 Kosovo, mais vous avez maintenu les représentants de ces provinces au sein

20 de la présidence et au sein des autres instances fédérales. En limogeant

21 le président du Monténégro de l'époque, vous avez obtenu quatre voix au

22 sein de cette présidence de huit hommes.

23 Question: Mais est-ce qu'en Serbie quelqu'un a influé sur les changements

24 intervenus au Monténégro, à l'époque?

25 Réponse: Certainement, oui.

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1 Question: Qui, par exemple?

2 Réponse: L'on sait fort bien comment il y a eu changement d'autorité ou de

3 pouvoir en place au Monténégro. Les Serbes, soi-disant menacés du Kosovo,

4 voyageaient comme un cirque en Yougoslavie, organisaient des meetings,

5 désordres des troubles publics et provoquaient du mécontentement. C'est

6 ainsi qu'ils ont procédé au limogeage des élus, et il est certain que cela

7 ne pouvait pas se faire sans la participation des services secrets parce

8 que des dizaines de milliers de personnes ne pouvaient pas se déplacer par

9 la volonté d'un seul l'homme. Cela ne s'est pas fait spontanément. Il y

10 avait une politique serbe.

11 Question: Comment le savez-vous? Avez-vous des renseignements officiels?

12 Réponse: Vous n'avez pas fait de déclaration certifiée chez le notaire de

13 cette nature, mais cela a été clair, et évident. Vous n'avez rien fait de

14 votre part pour faire cesser ces meetings tout au large de la Yougoslavie,

15 vous les avez, au contraire, soutenus. Et lorsqu'un meeting de cette

16 nature a été prévu à Ljubljana et lorsqu'au retour il fallait que cela se

17 passe à Zagreb, quand les autorités en Slovénie ont interdit la tenue de

18 ce meeting, les autorités serbes ont fait cesser toutes les relations

19 économiques avec la Slovénie et la Croatie et elle a entamé une guerre

20 économique sans merci pour porter atteinte au marché unique, porter

21 atteinte au système monétaire, au système douanier et avant même qu'il y

22 ait une guerre, cela a été la réponse à l'interdiction des meetings, cela

23 a généré une situation cauchemardesque dans toute la Yougoslavie.

24 Question: Mais ne vous souvenez-vous pas du péril encouru par les Serbes à

25 l'époque? Ne savez-vous pas que quelque 40.000 personnes ont quitté le

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1 Kosovo sous menaces, sous meurtres, sous mises à feu de maisons dans le

2 courant des années 1980 à 1990? Ne savez-vous pas qu'ils avaient demandé à

3 toutes les autres ethnies de la Yougoslavie, de la compréhension et de

4 l'aide pour ce qui est des pressions et souffrances auxquelles ils étaient

5 exposés? Vous souvenez-vous?

6 Réponse: Je me souviens de quoi cela avait l'air en Yougoslavie pendant

7 ces années-là. Je sais ce que j'ai dit. Vous dites qu'il y en a eu 40.000

8 de chassés, expulsés; mais personne ne peut organiser 40.000 personnes de

9 façon spontanée. Qu'iraient-ils faire à Novi Sad, à Tito Grad, à

10 Ljubljana, à Zagreb, si ce n'est ce qu'ils avaient fait: à savoir créer le

11 trouble, mettre le désordre partout pour faire chuter les élus de l'époque

12 et faire venir au pouvoir des hommes élus de votre part?

13 Question: Mais ne savez-vous pas qu'il n'y avait que quelques centaines de

14 personnes qui s'étaient déplacées pour dire à la population des autres

15 villes, ainsi qu'aux populations des autres Républiques, dans quelles

16 conditions difficiles ils vivaient? Ils étaient allés demander des

17 manifestations de solidarité. Il n'y a pas eu de violence, il n'y a pas eu

18 de blessés. Et les journaux disaient bien, à l'époque, qu'à l'occasion de

19 ces manifestations on n'avait pas écrasé ne serait-ce qu'une fleur dans

20 les jardins. Donc c'étaient des meetings qui avaient réclamé la solidarité

21 avec les peuples qui avaient souffert sur place. Ne vous souvenez-vous pas

22 de la chose?

23 Réponse: Je me souviens de la chose, mais je sais que c'était de la

24 propagande serbe de l'époque.

25 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur. Je vois qu'à ce point

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1 de vue vous avez votre stéréotype à vous, et ce n'est pas chose habituelle

2 pour un intellectuel, parce que je vois ici que vous avez publié deux

3 ouvrages, deux livres, et ainsi de suite.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, abstenons-nous de ce

5 genre de commentaire, ceci ne mène à rien. Poursuivez, s'il vous plaît.

6 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, je vous prie -et on y viendra

7 aussi à ce volet-, vous avez cité le livre de Kadijevic, vous avez même

8 dit que vous l'aviez sur vous. Ce n'est pas vous qui l'avez citée cette

9 page, c'est la dame qui est en face de moi qui m'en a donné citation.

10 M. Kriste (interprétation): J'ai ce livre sur moi.

11 Question: Quel est le titre de ce livre?

12 Réponse: "La façon dont je vois le démantèlement".

13 Question: Bien. D'après "Ce que je sais de ces temps révolus" .

14 Réponse: Oui, "La façon dont je vois le démantèlement" pour le titre du

15 livre.

16 Question: Monsieur Milosevic, pour autant que je me souvienne de ces

17 temps-là, la JNA n'avait mentionné que deux objectifs qui étaient les

18 siens à l'époque: protéger ceux qui étaient en péril, quelle que soit leur

19 appartenance ethnique; et, deuxièmement, protéger ses propres unités qui,

20 tout au large de la Croatie, se trouvaient être assiégées.

21 Je voudrais que vous me répondiez maintenant. Etant donné que vous êtes en

22 train de parler d'axes Virovitica-Karlobag-Karlovac, puis la vallée de la

23 Neretva et autres, dont aurait parlé Kadijevic, étaient-ce là des

24 déplacements de troupes pour permettre de sortir du siège les unités qui

25 étaient sous blocus dans un grand nombre de villes? Et dans ces mêmes

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1 villes, ces garnisons existaient depuis de décennies durant auparavant. Ou

2 s'agissait-il de prise de territoires au profit d'une quelconque "Grande

3 Serbie"?

4 Réponse: Dans le livre de Kadijevic, on dit qu'il s'agit d'opérations

5 stratégiques d'attaques, qui ont des objectifs déterminés, qui

6 consistaient à couper la Croatie selon les axes indiqués y compris la

7 percée opérée à partir du sud, allant de Trebinje de Herceg-Novi, qui

8 devait donc rejoindre les effectifs sur la Neretva pour continuer vers

9 Split.

10 Je ne sais pas qui est-ce qu'ils libéraient là-bas et qui est-ce qu'ils

11 protégeaient, ces soldats de la JNA, dans la région de Dubrovnik, dans les

12 régions de la Dalmatie et dans tous les autres secteurs.

13 N'oubliez, Monsieur Milosevic, que sur ces territoires libérés où la JNA

14 libérait ou protégeait la population serbe, il vivait en 1991 quelque

15 2.200.000 hommes. Et sur ces 2.200.000, il y avait 1.600 Croates et à peu

16 près 400.000 Serbes.

17 Question: S'agissant de Dubrovnik, pour ce que vous avez dit, on y viendra

18 tout à l'heure.

19 Parce que là, il y a une grosse confusion que l'on fait, Monsieur Kriste.

20 Je ne sais pas si vous êtes conscient de ce fait là ou pas. Je vois que

21 vous avez expliqué que vous n'avez d'abord pas discuté avec les

22 représentants de la JNA, mais que vous aviez négocié avec les dirigeants

23 locaux de l'autre côté de la frontière au Monténégro et en Herzégovine.

24 Puis, la dame d'en face vous a demandé: "Mais quelle avait été l'issue de

25 ces pourparlers avec les autorités au Monténégro et en Serbie". Puis, vous

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1 avez expliqué que c'étaient des entretiens usuels, tout à fait ordinaires.

2 Et je voudrais savoir… ou alors a-t-elle délibérément omis de vous poser

3 la question de savoir si vous avez eu des négociations avec qui que ce

4 soit en Serbie?

5 Réponse: Je n'ai pas dit que j'ai eu des négociations avec les

6 représentants des autorités locales dans le voisinage de Dubrovnik, à

7 savoir en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro. J'ai dit que de tels

8 entretiens ont eu lieu entre des représentants de la municipalité de

9 Dubrovnik et leurs homologues, mais j'ai dit qu'il n'y avait pas eu

10 d'exigence directe disant: "Faites ceci ou alors il y aura attaque sur

11 Dubrovnik".

12 Pour autant que je sache, j'ai précisé qu'il n'y avait pas eu de

13 déclaration de ce type.

14 Question: Mais, pour répondre directement à la question que je vous ai

15 posée, est-ce qu'à un moment donné dans ces entretiens vous avez eu

16 l'opportunité de vous entretenir avec l'un quelconque des représentants de

17 la Serbie?

18 Réponse: Personnellement, non.

19 Question: Est-ce qu'une délégation quelconque de Dubrovnik s'était

20 entretenue avec quelque représentant que ce soit de la Serbie?

21 Réponse: Non.

22 Question: Mais pensez-vous qu'il soit proche de la raison ou du

23 raisonnement habituel des gens, que la Serbie n'avait aucune aspiration

24 pour ce qui est de la prise de contrôle de Dubrovnik?

25 Réponse: Cela semble illogique et dépourvu de sens. Mais on sait que, dans

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1 les milieux culturels serbes, Dubrovnik était désignée comme étant

2 l'Athènes des Serbes, et il est certain qu'en fait, l'attaque sur

3 Dubrovnik faisait partie d'un plan plus vaste encore -comme je l'ai dit

4 tout à l'heure- qui avait pour objectif de déplacer les frontières de la

5 Serbie vers l'Occident.

6 Question: Donc, si j'ai bien compris, vous affirmez que la Serbie avait

7 des aspirations pour ce qui était de la prise de territoires au niveau de

8 Dubrovnik, et ainsi de suite?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Mais sur quoi basez-vous cette opinion-là?

11 Réponse: Sur ce qui s'est passé. Parce que l'armée yougoslave, notamment

12 après la guerre en Slovénie, intervenait en collaboration complète avec la

13 direction serbe, ou je dirais plutôt sous-direction, ou sous le

14 commandement direct de vous-même et de Borislav Jovic.

15 Question: Vous parlez de Jovic?

16 Réponse: Oui, Jovic.

17 Question: Mais d'où tenez-vous cette idée au terme de laquelle la Serbie

18 et moi-même étions en mesure de donner des ordres à l'armée populaire

19 yougoslave? Il s'agissait de conflits entre des formations paramilitaires

20 de chez vous et la JNA, et pas entre la Serbie et la Croatie. Le savez-

21 vous? Vous étiez ministre de la Défense quand même?

22 Réponse: Le travail était effectué par la JNA pour votre compte. Et cette

23 JNA, sous le couvert fictif de la protection des Serbes, ou sous couvert

24 d'une formulation plus neutre qui consistait à dire qu'il s'agissait de

25 séparer les parties au conflit, pour prendre position des Serbes insurgés

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1 en Croatie, pour leur donner des armes, pour leur fournir des cadres de

2 commandement, des officiers, en d'autres termes.Et à chaque fois qu'ils

3 étaient en difficulté ou en péril, elle se plaçait devant, face aux

4 effectifs croates, pour les empêcher de réintégrer des territoires ou,

5 plutôt, rétablir la situation telle qu'elle avait été auparavant.

6 Question: Mais vous venez de parler, de mentionner une explication plus

7 neutre encore, ou ce que vous désignez comme étant une explication encore

8 plus neutre encore. N'était-il pas exact… L'armée n'avait-elle pas essayé,

9 tenté de séparer les forces en conflit et, en même temps, de préserver ses

10 propres unités? Parce que ce que vous venez de donner comme citation de

11 Kadijevic…, il avait parlé de sortir ses unités de ces territoires. Si

12 quelqu'un avait l'intention d'occuper des territoires, on n'envisage pas

13 de faire sortir des unités, mais plutôt de les déployer sur ces

14 territoires-là?

15 Réponse: Kadijevic a dit qu'une fois la Croatie brisée, il sortirait ses

16 unités, mais pas de la Croatie tout entière. Il faut comprendre les choses

17 dans le contexte tel qu'il se présente: il envisageait de faire revenir ou

18 de ramener des unités des territoires au-delà de la frontière occidentale

19 envisagée pour la Serbie.

20 Question: Ecoutez, ça ne figure pas dans le livre, vous pouvez me croire

21 sur parole. Je n'ai pas lu ce livre, mais je viens d'entendre ce que vous

22 venez de citer et je vous affirme que vous avez cité à tort et à travers.

23 Mais bon…

24 Dites-moi, maintenant, pour gagner du temps aussi: vous avez précisé que,

25 pour des raisons politiques, vous n'avez pas eu l'opportunité de faire

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1 votre doctorat; quelles étaient ces raisons politiques?

2 Réponse: Cela n'a rien à voir la guerre avec la guerre de 1990. Je faisais

3 partie du Printemps de Croatie, si c'est que vous voulez savoir, si ça

4 vous intéresse. J'ai été persécuté par la police; pendant 18 ans, j'ai été

5 persécuté, de toute façon. Entre autres, on m'a empêché de passer mon

6 doctorat, alors que la procédure était déjà en cours.

7 Question: Mais, en votre qualité de représentant de ce Printemps croate…

8 Et là, j'entends du français, je ne sais pas comment cela se fait… Ah!

9 Oui, j'ai compris.

10 … Qui vous a persécuté en votre qualité de représentant du Printemps

11 croate? C'était la police croate ou c'étaient des Serbes?

12 Réponse: J'ai été persécuté par la police croate. En effet, dans la

13 composition qui était la sienne, à l'époque, mais je dois dire qu'il n'y

14 avait aucune différence entre les Serbes et les Croates; mais cela se

15 situe dans le cadre de la politique yougoslave qui a été précisée à cette

16 session de la Présidence, dans cette malheureuse localité de

17 Karadjordjevo, une fois de plus.

18 Question: Mais bon, écoutez, Karadjordjevo, c'était la villa, la résidence

19 bien connue du Président Tito, et c'est là que s'est tenue la session

20 plénière du comité central. Cette session aurait pu se tenir ailleurs;

21 Karadjordjevo, en sa qualité de localité, n'a rien à voir. Il y a eu des

22 congrès à Brioni, et nous ne pensons pas que Brioni était un site

23 malheureux. Pour ce qui est d'aucun point géographique, nous ne saurions

24 dire que c'est là un point particulièrement malheureux.

25 Mais étant donné que vous avez fait partie du Printemps croate ou du

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1 Maspok, à savoir du mouvement des masses, n'avait-il pas été question d'un

2 mouvement nationaliste, à l'époque, en Croatie, qui visait à faire

3 sécession de la Croatie vis-à-vis de la Yougoslavie, chose qui n'a fait

4 qu'être reprise en continuité au bout de 20 ans? N'est-ce pas vrai?

5 Réponse: Non, ce n'est pas vrai. Ce mouvement des masses ou ce Printemps

6 de Croatie avait des objectifs tout à fait autres qui se sont avérés être

7 pure illusion. L'un des objectifs principaux qui étaient ceux du Printemps

8 croate était de réaliser un socialisme, comme on le disait, à visage

9 humain; et deuxièmement, faire de la Yougoslavie une communauté

10 véritablement égalitaire en droit pour toutes les nations et minorités

11 nationales.

12 Question: Allez-vous dire que la Croatie n'était pas sur pied d'égalité en

13 Yougoslavie?

14 Réponse: Elle était moins sur pied d'égalité que la Serbie. Quoique la

15 Serbie, notamment après la mort du Président Tito, n'ait pas cessé de

16 clamer qu'elle était la plus en péril.

17 Question: Mais cette Serbie n'a-t-elle pas été divisée en trois parties,

18 et toujours sous la tutelle de quelqu'un d'autre? Et est-ce que la Croatie

19 et la Macédoine étaient divisées ou partagées en trois parties, ou la

20 Slovénie encore? Et est-ce que quelque autre République avait été divisée

21 en plusieurs parties?

22 Réponse: La Serbie avait son histoire, son contexte historique, et il y

23 avait des provinces; il était logique d'assurer une certaine autonomie à

24 ces provinces.

25 M. Milosevic (interprétation): Mais ne savez-vous pas que, conformément à

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1 la nouvelle Constitution de Serbie pour laquelle vous dites qu'elle a

2 supprimé l'autonomie, il a continué à y avoir une Province autonome de

3 Voïvodine et une Province autonome de Kosovo et de Metohija? Et je dirais

4 que Kosovo et Metohija s'appelaient ainsi auparavant; puis on a supprimé

5 Metohija; quelqu'un a trouvé qu'il fallait le faire.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, veillez à poser des

7 questions qui sont en rapport avec la déposition du témoin, notamment

8 pendant le moment où il était ministre de la Défense. Nous vous donnons

9 une certaine marge de manœuvre mais là, je pense que vous dépassez les

10 bornes.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May. Vous avez raison,

12 au fond, car il me faut être rationnel pour ce qui est du temps dont je

13 dispose.

14 Monsieur Kriste, vous avez bien coopéré avec Tudjman depuis la fin des

15 années 1960, si j'ai bien compris les renseignements dont je dispose. Vous

16 étiez rassemblés autour de la Matica Hrvatska; vous avez pris part à ces

17 réunions de Matica Hrvatska, par exemple à Metkovic en 1971, lorsqu'il y a

18 eu une assemblée d'érection d'un monument à Stjepan Radic? Vous étiez les

19 invités principaux, vous-même et Tudjman; c'est bien vrai, n'est-ce pas?

20 M. Kriste (interprétation): Oui, c'est exact.

21 Question: Mais ce n'est pas cela que je vise; c'était une activité

22 politique qui était la vôtre. Vous avez bien connu le Président Tudjman;

23 vous avez bien coopéré, vous avez été son Premier ministre de la Défense

24 dans son gouvernement qu'il a mis sur pied après son arrivée au pouvoir en

25 1990, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Par la suite, vous avez dit qu'en 1989, alors que rien n'était

3 encore arrivé en Yougoslavie, il n'y avait pas eu de secousses, il n'y

4 avait pas eu de remous, et il n'y a pas eu de tensions entre Serbes et

5 Croates notamment, mais en 1989 il avait déjà été envisagé une frontière

6 de la Croatie sur la rivière Drina, donc dans les frontières qui avaient

7 été celles de la création de la Croatie de l'époque, qui avait été

8 l'alliée des Forces de l'Axe pendant la Deuxième Guerre mondiale, donc

9 incorporant le territoire de la Bosnie-Herzégovine, pour faire rétablir la

10 République indépendante de Croatie. C'est bien cela?

11 Réponse: Je n'ai pas dit que Tudjman avait planifié des frontières au

12 niveau de la frontière Drina notamment. J'ai dit que nous avions des

13 conversations, et qu'à l'époque M.Tudjman avait estimé que les Musulmans

14 étaient des Croates et que, compte-tenu de ce fait-là, compte-tenu

15 également des circonstances historiques, il eût été logique d'avoir une

16 frontière à cet endroit-là. Mais M.Tudjman, à aucun moment au niveau

17 opérationnel ou sur le plan politique, n'a entrepris quelque mesure que ce

18 soit pour réaliser ce plan. C'étaient plutôt des réflexions historiques et

19 philosophiques.

20 Question: Donc ce que vous avez tenu, c'étaient des débats ou des

21 réflexions historiques et philosophiques. Mais, dans celles-ci, qui

22 étaient celles des Serbes que vous avez désarmés, que vous avez licenciés,

23 que vous avez maltraités, et qui se souvenaient fort bien de la Deuxième

24 Guerre mondiale et de cette même NDH, de ce même Etat indépendant croate,

25 ils n'avaient pas de réflexions historiques; c'étaient là des criminels,

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1 des assassins, des meurtriers, des bandits, n'est-ce pas?

2 Réponse: C'est vous qui le dites!

3 Question: S'il vous plaît, Monsieur Kriste, voilà votre interview

4 -j'imagine que vous le reconnaissez!- dans un journal qui est de chez

5 vous. Je parle du journal "Nacional", publié à Zagreb. Je n'arrive pas

6 avoir, ici, la date, mais on retrouvera facilement parce que c'est la

7 première page… on retrouvera la date. Vous vous souvenez de cette

8 interview, j'imagine?

9 Réponse: Oui, je m'en souviens.

10 M. Milosevic (interprétation): Bien. Son intitulé… D'abord, vous avez

11 votre photo, vous êtes en train de parler d'un livre intitulé: "Ombrage

12 planant sur la liberté". Et je lis que Tudjman, en 1989, avait planifié

13 une frontière sur la Drina; vous l'avez affirmé à l'époque, maintenant,

14 vous affirmez autre chose. Mais je vais vous donner lecture.

15 Etant donné qu'on fait citation de votre réponse à une question du

16 journaliste, de votre journal de Zagreb, vous dites ce qui suit: "Un peu

17 avant cela, le HDZ avait adressé une proclamation à l'intention du peuple

18 croate où j'ai particulièrement été gêné par une partie".

19 Je fais une parenthèse. Vous êtes donc critique par rapport à cette

20 proclamation. Je ne vous cite pas sous un éclairage négatif.

21 Je continue: "J'ai été dérangé, j'ai été gêné par la partie qui parlait de

22 la Croatie dans ses frontières historiques. J'ai tout de suite compris

23 qu'il s'agissait de la frontière sur la Drina, qui n'a existé seulement

24 que du temps de cet Etat indépendant croate, NDH.

25 J'ai demandé à Tudjman, ce matin-là: 'Penses-tu que les frontières croates

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1 de l'Est devraient se situer sur la Drina?'. Et, sur ce, il a répondu

2 brièvement: 'Oui'. Je l'ai prévenu que cela était impossible parce qu'en

3 BiH -BiH étant la Bosnie-Herzégovine- il n'y a que 18% de Croates. Mais il

4 a rétorqué que tous les Musulmans étaient des Croates; cela était une

5 raison suffisante pour annexer tout un Etat voisin à la Croatie. J'ai été

6 surpris parce que je connaissais bien Tudjman et son attachement passionné

7 à l'idée de la Banovina croate".

8 On vient de me prévenir de ralentir, les interprètes me préviennent de

9 donner lecture plus lentement, donc je vais relire la dernière phrase.

10 "J'ai été surpris parce que je connaissais bien Tudjman et son attachement

11 passionné à l'idée de la Banovina croate". En traduction: Bana croate.

12 Par conséquent, Monsieur Kriste, de quel militantisme serbe êtes-vous en

13 train de parler ici? Parce qu'en 1989 déjà...

14 M. le Président (interprétation): Procédons de façon logique.

15 Il y a d'abord cette citation, Monsieur le Témoin. Vous souvenez-vous de

16 la date à laquelle ceci a été publié, de façon approximative?

17 M. Kriste (interprétation): Cette interview a été publiée, il y a deux ou

18 trois mois.

19 M. Milosevic (interprétation): Le 3 décembre 2002. Voilà, c'est la date

20 qui figure sur toutes les pages de cette revue.

21 M. le Président (interprétation): Fort bien.

22 Ceci étant, on vient de citer un extrait assez long. Voulez-vous apporter

23 un commentaire? Vous pourrez le faire. Ce sur quoi, l'accusé pourra vous

24 poser d'autres questions. Tout d'abord, est-ce que cela traduit bien les

25 propos que vous avez tenus?

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1 M. Kriste (interprétation): Oui.

2 M. le Président (interprétation): Voulez-vous dire quoi que ce soit avant

3 que d'autres questions vous soient posées?

4 M. Kriste (interprétation): Je puis dire seulement une chose: à savoir que

5 ce n'était pas un organe officiel, ce n'était pas une réunion officielle.

6 C'était un entretien où j'ai présenté des vues quelque peu différentes ou

7 des appréciations quelque peu différentes par rapport à celles de

8 M.Tudjman; c'est là que nos opinions ont divergé.

9 M. le Président (interprétation): Oui, poursuivez, Monsieur Milosevic. Que

10 vouliez-vous?

11 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. C'est précisément ce que je

12 demandais au témoin. En effet, ses aspirations sont très claires et nous

13 allons venir aux autres choses un peu plus tard, aux autres domaines.

14 Nous allons revenir aux fonctions que vous avez présentées.

15 Mais de quel militantisme serbe parlez-vous, si l'on tient compte du fait

16 que c'est précisément cette autorité, cette nouvelle autorité croate qui

17 avait pour aspiration de reconstituer l'ancien NDH, Etat indépendant de

18 Croatie, et d'annexer la Bosnie-Herzégovine?

19 M. Kriste (interprétation): Je crois que ceci a fait l'objet d'une

20 interprétation tout à fait erronée, lorsqu'on a voulu dire que les

21 nouvelles autorités voulaient reconstituer le NDH. On a simplement discuté

22 d'un seul l'élément qui concernait une zone frontalière ou une question de

23 frontière.

24 Je voulais souligner autre chose: ce ne sont pas les nouvelles autorités

25 croates de l'époque qui sont concernées, car la Ligue des communistes de

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1 Croatie était toujours au pouvoir à l'époque. Les nouvelles autorités

2 croates n'ont pris aucune mesure concrète qui irait dans le sens de mettre

3 en oeuvre ce type d'idée, pas plus que ceci n'est devenu une partie du

4 programme politique.

5 Question: Mais dites-moi alors ceci, Monsieur Kriste. Nous allons faire

6 une petite digression. Vous dites que les nouvelles autorités croates

7 n'ont jamais pris de mesures agressives ou d'idée agressive à l'encontre

8 de la Bosnie-Herzégovine. Mais savez-vous que les premiers incidents

9 violents, les premiers tirs qui ont été tirés, les premiers assassinats ou

10 meurtres de civils –malheureusement, c'étaient des Serbes- qui se sont

11 produits ont été le fait du rassemblement de la Garde nationale qui avait

12 franchi la frontière, qui était passée de la Croatie en Bosnie-Herzégovine

13 et plus précisément sur le territoire de la municipalité de Bosanski Brod,

14 et avait abattu toute la population civile du village de Sijekovac; et

15 jusqu'alors, il y avait une paix absolue qui régnait en Bosnie-

16 Herzégovine?

17 Etes-vous au courant de la présence de ces formations d'unités de la ZNG?

18 Savez-vous de quelle façon elles se sont emparées du territoire de Bosnie-

19 Herzégovine pour y tuer en masse des civils, ou pour y liquider tout un

20 village serbe dans la municipalité de Bosanski Brod, alors qu'auparavant

21 jamais il n'y avait eu de conflits, d'affrontements ni de tensions

22 ethniques? Rien ne s'était jamais passé dans ce village. C'était la

23 première fois qu'il y avait un conflit sur le territoire de la Bosnie-

24 Herzégovine. Et ceci a été causé par votre propre armée, par le

25 rassemblement de la Garde nationale dans ce territoire de Bosnie-

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1 Herzégovine. Etes-vous au courant de cela?

2 Réponse: C'est la première fois que j'en entends parler, ici-même. Si cela

3 s'était vraiment passé, je suppose que j'aurais été mis au courant

4 auparavant. C'est la raison pour laquelle je considère que ce n'est pas la

5 vérité.

6 Question: D'accord, fort bien. Mais nombreux sont les documents qui

7 portent sur ce fait, beaucoup de témoins qui peuvent en attester. Je n'ai

8 pas tous ces documents sur moi, même si je les ai présentés à l'occasion

9 d'une déposition de témoin ici. Je pense que c'est la 128e Brigade du

10 Corps ou rassemblement de la Garde nationale qui est concerné. On a des

11 certificats de confirmation au moment où ils ont ouvert des bordels, où

12 ils ont arrêté des femmes serbes qui retournaient chez elles pendant la

13 journée, et ainsi de suite.

14 Mais dites-moi, vous étiez un proche associé de M. Tudjman; est-il vrai de

15 dire qu'il s'est basé sur des partis politiques de droite qui fondaient

16 tout leur programme politique sur le passé, sur l'histoire?

17 Réponse: Des partis de droite? Permettez-moi de demander un

18 éclaircissement. Qu'entendez-vous par "partis politiques de droite"?

19 Qu'est-ce que vous entendez par là? Je crois qu'il faut une explication.

20 Là où nous vivons, des politiques ou des partis politiques de gauche ou de

21 droite n'ont pas été définis de façon claire. J'ai dit que ces partis se

22 basaient en partie sur des forces qui s'inspiraient davantage du passé,

23 plutôt que d'avoir une idée très précise, une vision très claire d'une

24 Croatie moderne et démocratique. Mais ceci ne constituait qu'un seul

25 segment, un seul facteur parmi tous les facteurs qui représentaient les

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1 véritables tendances de l'époque.

2 Question: Fort bien. Mais dans cette interview, dont je viens de citer un

3 extrait, vous dites qu'une de ses erreurs a été la suivante, il a fait

4 plusieurs erreurs importantes, dites-vous. Et puis, je vous cite plus

5 précisément, vous dites: "En tout premier lieu, c'est le fait qu'il se

6 soit basé sur des forces politiques de droite dont le programme politique

7 se basait sur le passé".

8 Ce sont vos propres termes, c'est ce que vous avez dit. Je suppose que

9 vous ne contestez pas cela?

10 Réponse: Eh bien, c'est une interprétation assez libre. Je n'ai pas dicté

11 ces termes aux journalistes; moi, j'ai utilisé un libellé des termes qui

12 me semblaient corrects et que je viens de reprendre il y a un instant. Je

13 parle donc des forces qui se tournaient vers le passé, plutôt que de se

14 tourner vers l'avenir, et d'avoir une vision claire de ce que doit être

15 une Croatie moderne et démocratique. Ce n'étaient pas exclusivement là

16 toutes les forces en place, c'était une partie des forces qu'on pouvait

17 trouver sur la scène politique croate.

18 Question: Mais vous avez émis une critique; vous avez dit qu'il aurait été

19 préférable que ceci ne se produise pas? A ce moment-là, rien ne se serait

20 passé, si cela ne n'était pas passé.

21 Réponse: Mais non, Monsieur Milosevic. S'il n'y avait pas eu votre

22 politique, à ce moment-là…

23 Question: Mais ça, c'est la thèse que défend la partie adverse et qui va

24 s'effondrer.

25 Mais est-il vrai de dire que vous avez essayé de séparer, de diviser la

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1 Bosnie? Qui a essayé de diviser la Bosnie? N'est-ce pas là quelque chose

2 que vous avez critiqué?

3 Réponse: C'est vrai, nous avions reçu des renseignements qui sont toujours

4 restés officieux. Et d'après ceux-ci, vous et M. Tudjman vous avez eu des

5 pourparlers sur la possibilité de structurer des relations serbo-croates,

6 avec un devoir de trouver une voie médiane qui permettrait de satisfaire

7 vos intérêts respectifs sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Mais

8 je n'étais pas présent moi-même, je n'ai pas assisté aux discussions que

9 vous avez eues avec lui. Et je n'étais pas là non plus au moment où a été

10 publiée une information officielle que j'aurais pu voir ou qui aurait été

11 accessible.

12 Question: Monsieur Kriste, si vous aviez eu accès à cette information,

13 tout ce que Tudjman aurait pu vous dire, c'était que ma position n'avait

14 cessé d'être celle-ci: c'est que, pour moi, il y avait comme avenir entre

15 les Serbes et les Croates, un avenir de paix, d'amitié et non pas un

16 avenir de conflit, que c'était la clef, la relation clef dans les Balkans.

17 Il savait très bien que j'avais rejeté des offres en vue d'une quelconque

18 alliance à former entre les Musulmans et les Serbes contre les Croates. Et

19 je leur ai expliqué la même chose: que nous ne voulions pas être les

20 ennemis des Croates; au contraire, que nous voulions être des amis, comme

21 nous l'avions été dans le passé et comme nous allions l'être à l'avenir.

22 Mais je reviens sur ce que vous avez dit dans cette interview. L'autre

23 grande erreur, ça a été la guerre avec les Musulmans, les Bosniens; et la

24 tentative visant à séparer, à diviser la Bosnie-Herzégovine. Est-ce bien

25 là ce que vous avez reproché à M. Tudjman, ou est-ce quelque chose dont

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1 vous vous êtes souvenu en décembre 2002?

2 Lorsque vous pensez qu'il a prôné cette politique, vous étiez un ami de

3 longue date, un proche associé et quelqu'un qui, semble-t-il, avait le

4 courage de lui dire son avis. Est-ce que vous lui avez dit, à l'époque,

5 que c'était une erreur de sa part?

6 Réponse: Jamais je n'ai discuté de ces questions avec le Président Tudjman

7 de façon directe. Mais si de telles politiques devaient être appliquées, à

8 mon avis, c'étaient là des politiques erronées.

9 Question: Pourtant, vous avez dit que cette politique avait été appliquée

10 mais qu'elle était erronée. Mais dites-moi: est-il exact de dire que

11 Tudjman tout comme Susak, et vous l'avez mentionné il y a un instant,

12 pensaient tout du moins que l'Herzégovine devrait être annexée à la

13 Croatie?

14 Réponse: C'est là aussi quelque chose dont je n'ai jamais discuté avec M.

15 Tudjman. Cependant, j'ai reçu les informations selon lesquelles ceci a

16 fait l'objet de discussions; et j'ai recueilli ces renseignements dans une

17 conversation informelle avec M. Susak.

18 Question: Autre citation de cette interview accordée à "Nacional": "Gojko

19 Susak vous a convaincu que les dirigeants du SDS avaient décidé de diviser

20 la Bosnie-Herzégovine." (Fin de citation.)

21 Votre réponse -et je vous cite intégralement- est exacte: "En mars 1991,

22 sur les marches de l'assemblée, j'ai rencontré M. Gojko Susak. Il était de

23 bonne humeur. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a répondu: 'Eh bien, je

24 viens d'aller voir le vieux, le chef, et nous nous sommes mis d'accord à

25 l'instant qu'au moins l'Herzégovine devrait être annexée à la Croatie."

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1 (Fin de citation.)

2 Question: C'est ce que vous avez dit il y a un instant?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Mais dites-moi, qu'est-ce que ceci a à voir avec une réunion que

5 j'aurais eue avec Tudjman à Karadjordjevo? Vous avez dit: "Ils ont eu une

6 réunion et ils se sont mis d'accord pour que l'Herzégovine soit ajoutée à

7 la Croatie".

8 Comment pourrait-on avoir une idée sur ce point, alors qu'il n'y a aucun

9 point commun?

10 M. Kriste (interprétation): C'est vous qui savez le mieux ce dont vous

11 avez discuté. Moi, je n'étais pas là à Karadjordjevo, à cette réunion.

12 Mais après, après cette discussion, des rumeurs ont couru selon lesquelles

13 la teneur essentielle de ces discussions portait sur la Bosnie-

14 Herzégovine.

15 M. Milosevic (interprétation): Si ceci vous intéresse...

16 M. le Président (interprétation): Je pense que le moment se prête bien à

17 une pause.

18 Monsieur Milosevic, n'oubliez pas que vous posez des questions, vous

19 n'êtes pas censé déposer; or nous avons entendu des interventions et des

20 déclarations assez longues de votre part.

21 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes. Après cette pause,

22 vous disposerez d'encore une heure, si vous en avez besoin, pour le

23 contre-interrogatoire de ce témoin.

24 Nous allons siéger jusqu'à 14 heures pour essayer de terminer la

25 déposition de ce témoin aujourd'hui.

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1 M. Milosevic (interprétation): Je crains que ce ne soit pas suffisant,

2 Monsieur May. Je vais vous demander d'avoir l'obligeance de m'accorder

3 éventuellement un peu plus de temps.

4 M. le Président (interprétation): Tout est fonction de l'évolution du

5 contre-interrogatoire et de l'utilisation que vous faites du temps qui

6 vous est donné.

7 Oui, Monsieur Nice?

8 M. Nice (interprétation): J'aurais voulu avoir une ou deux minutes à huis

9 clos partiel avant la fin de l'audience de ce matin.

10 M. le Président (interprétation): Très bien. Pause de 20 minutes.

11 L'audience est suspendue.

12 (L'audience, suspendue à 12 heures 17, est reprise à 12 heures 40.)

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

14 M. Milosevic (interprétation): Donc suite à la citation que j'ai faite

15 tout à l'heure et à ce que vous avez dit, sommes-nous en droit de conclure

16 que Tudjman et Susak se sont entendus sur une sécession nationale et la

17 prise de territoires appartenant à d'autres, c'est-à-dire notamment à ce

18 que l'Herzégovine fasse partie de la Croatie?

19 M. Kriste (interprétation): Ils ont très probablement discuté de

20 l'Herzégovine, à en juger par ce que M. Susak m'a dit.

21 Question: Très bien. Mais l'observation que vous avez faite, montre bien

22 ces relations au sein des nouvelles autorités en Croatie à l'égard des

23 Musulmans. Vous avez dit que ce Susak avait déclaré que les unités de

24 Prozor allaient faire mouvement contre les Musulmans et qu'il n'y aurait

25 pas de prisonniers de guerre.

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1 Je vais vous rappeler cette citation de l'interview. Vous parlez de lui et

2 vous dites -je cite-: "Je savais qu'il était au courant, et j'ai dit que

3 Gojko peut faire ce qu'il convient de faire pour apaiser les tensions

4 entre les Musulmans et les Croates. La réponse a été très froide, bien

5 sûr. Une unité très forte, des nôtres, fait mouvement à partir de Prozor

6 et ne fera pas de prisonniers de guerre.é

7 L'interlocuteur répond: "J'ai été stupéfait parce que je me suis rendu

8 compte que Susak me transmettait, en tant que décision officielle, la

9 nouvelle politique croate à l'égard des Musulmans et des Bosniens."

10 Est-ce exact, Monsieur Kriste?

11 Réponse: Oui, plus ou moins. En fait, je n'ai pas authentifié cette

12 interview. C'était une conversation avec un journaliste, mais les mots ont

13 été inscrits par le journaliste.

14 Question: Mais, sur le fond, c'est bien cela?

15 Réponse: Oui.

16 Question: S'agissant de Dubrovnik, l'offensive dirigée par Bobetko n'était

17 pas une opération défensive destinée à lever le siège de Dubrovnik, mais

18 une tentative pour diviser la Bosnie et s'emparer de l'Herzégovine. C'est

19 bien cela?

20 Réponse: Bobetko, un jour, sur le champ de bataille, s'est donc rendu sur

21 les lieux au moment où, selon le plan Vance, la JNA était censée quitter

22 cette partie de la Croatie. Par conséquent, je devais surveiller le

23 retrait des troupes plutôt que de mener une opération de guerre destinée à

24 libérer cette partie de la Croatie; en tout cas, c'est ce que j'avais

25 compris sur la base des réalités de l'époque.

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1 Question: Vous dites très explicitement dans votre interview, et je vais

2 vous citer mot pour mot -je cite-: "En ouvrant le théâtre de guerre au

3 sud, avec des forces très nombreuses sous le commandement de Bobetko, on

4 tentait manifestement de conquérir l'Herzégovine et, en partie, la Bosnie

5 et Dubrovnik?" (Fin de citation.)

6 Réponse: Personne n'aurait pu dire que le but était de conquérir

7 Dubrovnik. Le seul l'objectif pouvait être de libérer Dubrovnik. Donc, oui

8 j'estime que les forces qui étaient présentes sur place étaient présentes,

9 en partie, pour parer à toute éventualité sur le territoire de

10 l'Herzégovine et de la Bosnie centrale. Oui, en tout cas pour la Bosnie

11 centrale.

12 Question: Très bien, mais les événements du théâtre de Dubrovnik devaient

13 donc être pris en considération dans le contexte des actions de l'armée

14 croate. C'est exact, n'est-ce pas?

15 Réponse: Ceci se passait en 1992. Les opérations principales de l'armée

16 populaire yougoslave ont été menées en 1991. L'attaque sur Dubrovnik a

17 commencé le 1er septembre. Et l'occupation de cette région par l'armée

18 populaire yougoslave, par les forces de la Défense territoriale, par les

19 volontaires -je ne sais plus comment ils s'appelaient- venus de la partie

20 serbe de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, montre bien que cela faisait

21 déjà huit mois que toutes ces forces étaient présentes sur les lieux.

22 Question: Mais, puisque vous parlez de cette époque, il ressort de tout

23 cela, puisque la RSFY existait en tant qu'Etat à l'époque, que c'était la

24 seule instance au titre du droit international. La JNA avait le droit

25 d'être l'armée de tout le pays, et donc de la Croatie également; c'était

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1 d'ailleurs son devoir au titre de la Constitution?

2 Réponse: Au titre de la Constitution, elle n'avait pas pour devoir de

3 faire la guerre à certaines personnes et à certains peuples de la

4 Yougoslavie. Elle avait des obligations très différentes, à savoir

5 défendre le pays contre un éventuel agresseur venu de l'extérieur. Et la

6 JNA n'est pas venue à Dubrovnik pour se promener, elle y est venue pour

7 faire la guerre dans le but de s'emparer de certains territoires. Elle a

8 placé ces territoires sous son contrôle contre la volonté des habitants de

9 Croatie et de toute la Yougoslavie.

10 Par ailleurs, au printemps 1992 déjà, la Croatie était reconnue

11 internationalement et donc faisait partie de la communauté internationale.

12 Question: Mais vous parliez de 1991?

13 Réponse: Mais vous, vous parlez de 1992. Bobetko, c'était en 1992.

14 Question: De 1992 aussi, bien sûr. Mais en fonction de ces aspirations

15 vis-à-vis de l'Herzégovine et de la Bosnie centrale, est-il contestable

16 que la JNA avait pour devoir de défendre l'intégrité territoriale et

17 l'état de droit en RSFY en empêchant une guerre civile d'éclater sur le

18 territoire de la RSFY? Ceci est-il exact ou pas?

19 Réponse: Comment, une guerre civile? Personne en Croatie n'a attaqué

20 personne. Pas un seul soldat de Croatie, pas une seule personne portant un

21 fusil n'a franchi, à cette époque, la frontière de la Serbie ou du

22 Monténégro. La guerre se déroulait sur le territoire de la Croatie avec

23 des Serbes qui s'étaient soulevés et qui bénéficiaient de l'aide de

24 l'armée yougoslave, une aide que la JNA leur a apporté constamment. Il y

25 avait aussi là-bas des unités paramilitaires, les gens de Seselj, d'Arkan,

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1 de Dragan, les "Aigles blancs" et je ne sais quoi encore. Tous ces hommes

2 faisaient la guerre en collaboration avec l'armée yougoslave contre le

3 peuple croate sur le territoire croate.

4 M. Milosevic (interprétation): Mais cette brigade de la Garde nationale

5 qui est allée en Bosnie-Herzégovine et qui est responsable d'un massacre à

6 Sijakovac, ce n'est donc pas une formation armée de la Croatie qui a fait

7 cela?

8 M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà répondu à cette

9 question, il a dit ne rien savoir à ce sujet. Ce que vous dites n'est

10 qu'une allégation venant de vous.

11 M. Milosevic (interprétation): Bien, mais est-il exact que les unités de

12 la JNA avaient pour devoir de maintenir le contrôle sur leurs

13 installations, sur leurs arsenaux, sur ce que j'appellerais "leur base" à

14 cet endroit?

15 M. Kriste (interprétation): Sur le territoire de Dubrovnik, l'armée

16 populaire yougoslave n'avait aucune installation, aucune base, aucun

17 arsenal; elle n'avait rien. Elle avait simplement, à Kupari, un centre de

18 vacances où vous avez, d'ailleurs, je crois, passé vos vacances aussi.

19 Question: Oui, et pendant de nombreuses années. Il existe une cassette

20 vidéo mais, en raison des contraintes de temps, je la garde pour le témoin

21 suivant. Je vous demande si vous confirmez que, sur ces images, on voit

22 qu'à partir de Dubrovnik on tire sur Zarkovica où il y avait un arsenal,

23 un entrepôt d'armes de la JNA qui saute. Est-ce qu'il n'a pas sauté en

24 raison de tirs venant de Dubrovnik?

25 Réponse: Je ne connais pas cette situation concrète. Mais à Zarkovica,

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1 avant 1991, il n'y avait aucun dépôt d'armes de la JNA. Si ce dépôt

2 existait, il n'a été créé à cet endroit qu'après l'entrée de la JNA sur le

3 territoire de la Croatie, en formation de guerre, avec un certain nombre

4 d'armes et de munitions qui auraient pu être conservées dans ce dépôt.

5 Donc si cela s'est produit, cela ne s'est produit que longtemps après le

6 1er octobre, à savoir donc la date de la première attaque sur Dubrovnik,

7 date à laquelle l'armée populaire yougoslave a encerclé Zarkovica et

8 Bosanka.

9 Question: Est-il exact que les unités de la JNA sur ce territoire étaient

10 composées de représentants d'au moins quatre Républiques de la

11 Yougoslavie?

12 Réponse: Je ne sais pas. Je n'étais pas un cadre, je n'étais pas un

13 dirigeant de la JNA. Tout ce que je sais, c'est qu'en Croatie, notamment

14 après le conflit en Slovénie, les représentants de tous les peuples, y

15 compris de la Serbie, ont commencé à quitter la JNA. Les mères de ces

16 jeunes gens venaient les chercher pour les ramener chez eux et nous leur

17 avons offert protection et conditions appropriées pour leur permettre le

18 retour chez eux. Ils quittaient simplement la JNA de leur propre gré pour

19 rentrer chez eux.

20 Question: Mais savez-vous que la JNA à Mostar, à Capljina et ailleurs,

21 contrôlait donc toute la région près de Slano et des endroits que je viens

22 de citer, et qu'aucune ville n'a été détruite ou endommagée, dans cette

23 région, pendant que la JNA y était présente?

24 Réponse: Je sais que ce qui s'est passé dans la zone de Dubrovnik. Je ne

25 pourrais pas parler de la Bosnie-Herzégovine. Mais la région que vous avez

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1 mentionnée, effectivement, à cet endroit l'armée yougoslave a traversé

2 Slano et elle est arrivée y compris jusqu'à Neum et Bistrik; et tout a été

3 plus ou moins détruit, à ce moment-là. Vous avez parlé de Slano; eh bien,

4 il est difficile de trouver un seul hôtel ou une seule maison debout à

5 Slano, tout a été détruit et rasé.

6 Question: Etes-vous absolument sûr que c'était le fait d'actions de la

7 JNA?

8 Réponse: Absolument. Parce que je me suis rendu le 4 octobre à Slano, et

9 Slano était intacte; or c'est la date à laquelle la JNA y est entrée.

10 Question: Est-il vrai que des dizaines d'années avant ces événements, il y

11 avait des installations qui étaient censées assurer la défense, à partir

12 de la mer, de la ville, et que toute cette structure avait son quartier

13 général à Trebinje, mais que Dubrovnik et ses environs immédiats ne

14 disposaient d'aucune installation de ce genre?

15 Réponse: Oui, c'est précisément ce que j'ai dit; il n'y avait pas

16 d'installations militaires à Dubrovnik ou dans ses environs.

17 Question: Donc on peut qualifier cette zone de "zone démilitarisée",

18 n'est-ce pas?

19 Réponse: Exact.

20 Question: Alors, pourquoi avez-vous militarisé cette zone avec des mesures

21 que vous avez prises à cette époque, puisque des provocations ont été

22 menées contre l'armée qui a essuyé des tirs?

23 Réponse: Il n'y a eu aucune provocation à partir de cette zone contre

24 l'armée. Aucun tir n'a été ouvert contre l'armée à partir de cet endroit;

25 tout ça, ce sont des inventions. Nous avions simplement une petite unité

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1 de la Garde patriotique, avant l'attaque, dans cette région; et

2 malheureusement, après l'attaque, ces forces sont restées dans la zone. Et

3 nous avions aussi la police.

4 Je répète qu'à aucun moment et jamais il n'y a eu attaque ou provocation

5 contre l'armée populaire yougoslave. C'est le contraire qui s'est produit:

6 c'est la JNA qui a attaqué la population; et la population, à ce moment-

7 là, a fait ce qu'elle a pu -qui n'était pas grand chose- pour défendre les

8 citoyens.

9 Question: Connaissez-vous la décision de l'état-major? Moi, j'ai cité le

10 numéro et le titre de cette décision où on lit très clairement: "Ne pas

11 s'emparer de Dubrovnik, ne pas bombarder Dubrovnik à partir de la terre,

12 de l'air ou de la mer"?

13 Réponse: Je ne connais pas cette décision mais ce que je connais, ce sont

14 les faits. Et les faits montrent que l'armée populaire yougoslave a

15 attaqué, qu'elle a pilonné toute la municipalité de Dubrovnik à partir de

16 la terre, de l'air et de la mer.

17 Question: Savez-vous que Dubrovnik était assiégée, à l'époque? Et selon

18 les explications dont nous disposons, après tout nous avons vu aussi des

19 images sur la séquence vidéo que vous avez montrée, donc l'explication

20 c'était que dans toute la Croatie, les casernes de la JNA étaient

21 encerclés, que des soldats étaient tués, qu'il leur était impossible de

22 sortir, qu'il était impossible de les évacuer de ces régions. Etes-vous au

23 courant de cela?

24 Réponse: Ce que je sais, c'est qu'aucune évacuation éventuelle de l'armée

25 yougoslave n'a été empêchée sur le territoire de la Croatie. Au contraire,

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1 à plusieurs reprises, du côté croate, nous avons donné nos hommes pour que

2 les moyens techniques dont disposait l'armée populaire yougoslave en

3 Croatie puissent sortir de la Croatie, au moment où la décision a été

4 prise d'agir dans ce sens, parce qu'elle manquait d'hommes.

5 Et même si certaines casernes avaient été encerclées, est-ce qu'il est

6 normal que la réaction à cela soit d'assiéger une ville où, à l'époque,

7 habitaient 55.000 habitants, tous civils? Est-ce qu'il est normal de

8 frapper cette population sans pitié?

9 Question: Je ne vais pas entrer là-dedans parce que la Serbie n'a rien à

10 voir avec toute cette histoire de Dubrovnik, donc je suis incapable de

11 répondre à votre question.

12 Mais dites-moi, je vous prie, puisque vous-même avez dit ici qu'à la fin

13 de 1990, les armes ont été acquises, donc avant le début du conflit -c'est

14 ce que vous avez dit au cours de l'interrogatoire principal-, ces armes

15 ont-elles été acquises de façon illégale?

16 Réponse: La Croatie avait besoin d'armes pour renforcer sa défense à

17 l'intérieur des frontières dans lesquelles elle considérait être menacée.

18 Avant cela, elle avait été désarmée complètement par l'armée populaire

19 yougoslave. A cet égard, je dois dire que dans les municipalités où les

20 Serbes constituaient la majorité de la population, la JNA n'a pas retiré

21 ses armes à la Défense territoriale, elle les a laissées; et ces armes ont

22 été utilisées au cours du soulèvement, c'est cela qui s'est passé.

23 Par ailleurs, la Croatie était dans l'obligation de renforcer aussi sa

24 police à une époque très marquée par une grande instabilité; époque où il

25 était tout à fait clair qu'à partir de l'Est les troubles se développaient

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1 vers l'Ouest et qu'ils ne manqueraient pas de toucher la Croatie.

2 D'ailleurs, dans une certaine mesure, c'était déjà le cas en Croatie où il

3 y avait ce soulèvement.

4 Donc la Croatie a demandé aux autorités policières et militaires de lui

5 fournir un certain nombre d'armes. Les autorités fédérales ont refusé, de

6 même que ces autorités fédérales ont refusé de rendre à la Défense

7 territoriale en Croatie les armes qu'elle avait achetées elle-même. Donc

8 il n'y avait pas d'autre issue que d'acquérir des armes avec les moyens

9 qui le permettaient… qui étaient les seuls à le permettre.

10 Question: Je vais vous citer une phrase de votre interview, si vous voulez

11 bien. Vous dites -je cite-: "L'histoire, selon laquelle Bobetko aurait

12 libéré le Sud de la Croatie, est inexacte. Il n'a fait qu'accompagner le

13 retrait de ces troupes avec des opérations militaires de plus ou moins

14 grande intensité." (Fin de citation.)

15 Donc la JNA s'est retirée de ces territoires?

16 Réponse: Elle s'est retirée seulement en octobre 1992, donc une année

17 entière après le début de la prise de contrôle et de l'occupation de ce

18 territoire par la JNA, et elle l'a fait sur la base du plan Vance.

19 Question: Donc la JNA a respecté le plan Vance, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui, mais elle s'est retirée un an plus tard en ayant créé des

21 conditions de vie inhumaines dans la région qu'elle avait occupée, région

22 qui est restée détruite, pillée et incendiée.

23 Question: Oui, mais c'était la guerre, c'était une guerre qui n'aurait

24 jamais dû avoir lieu.

25 Vous faisiez partie de ce qu'on appelle "la direction" à l'époque. Vous

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1 dites ici, en réponse à une question qui est la suivante: "Est-ce que

2 vous-même ou d'autres en Croatie ont, à quelque moment que ce soit, violé

3 les lois de la guerre?", vous répondez: "Non. Permettez-moi de répéter que

4 le gouvernement n'a jamais discuté en détail des situations dans

5 lesquelles des crimes de guerre ont été commis. C'est par le biais

6 d'échanges d'informations privés que nous en avons été informés.

7 Cependant, je ne savais pas à quelle échelle ces événements se

8 produisaient, nous ne le savons qu'aujourd'hui." (Fin de citation.)

9 C'est bien exact, n'est-ce pas, vous avez dit cela?

10 Réponse: Oui, il est vrai qu'à l'époque nous n'avions pas d'informations

11 au sujet de ces événements. Plus tard, bien sûr, les médias ont diffusé

12 des informations au sujet de ces événements dans le premier, le deuxième

13 et le troisième secteurs.

14 Bien sûr, il appartiendra à la Chambre de première instance de faire toute

15 la vérité mais je considère que, lorsqu'un crime est commis, quelle que

16 soit la partie responsable de ce crime, elle doit être sanctionnée et

17 punie.

18 J'aimerais ajouter ce qui suit: il est vrai que du côté croate, il n'y

19 avait pas que des saints et des anges, mais vous, Monsieur Milosevic, ce

20 que les vôtres ont fait sur le territoire de Croatie, seul Satan aurait pu

21 le faire.

22 Question: Nous ne parlons pas ici de crimes individuels et, bien sûr, nous

23 sommes d'accord sur le fait que des crimes ont été commis de tous les

24 côtés, cela ne fait aucun doute, c'est un fait.

25 Mais je suis sûr que vous savez qu'en Croatie il n'y avait pas seulement

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1 cet armement illégal, vous en avez parlé pour 1990, mais aussi des

2 formations et des unités paramilitaires?

3 Réponse: Non, il n'y avait pas de paramilitaires en Croatie. Dans le cadre

4 des forces de police, il y avait le Corps de la Garde nationale croate qui

5 était une formation militaire tout à fait légale.

6 Question: Pouvez-vous alors commenter, très brièvement, la décision

7 diffusée dans le Journal officiel n°32, à la date du 6 août 1990, il

8 s'agit du règlement quant au maintien des registres comportant les noms

9 des jeunes volontaires au sein des unités de la défense civile, ce

10 document est signé par vous en tant que ministre de la Défense.

11 Réponse: Oui, je connais cette décision.

12 M. Milosevic (interprétation): J'ai une photocopie qui peut être

13 distribuée dans le prétoire.

14 M. le Président (interprétation): Oui. Qu'il en soit fait ainsi.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 M. Kriste (interprétation): Oui, c'est effectivement le règlement sur

17 lequel j'ai apposé ma signature. Mais il ne s'agit pas d'un règlement

18 prévoyant la création de quelques formations paramilitaires que ce soit. A

19 la lecture de ce document, on voit qu'il s'agit d'unités de jeunes

20 volontaires censées agir dans le cadre de la défense civile, et ce, avant

21 tout, pour protéger les habitants contre les incendies qui ont frappé la

22 Croatie cette année-là, comme jamais depuis 1971.

23 M. Milosevic (interprétation): Mais ne considérez-vous pas que ce document

24 prouve bien qu'il était question de créer des formations paramilitaires?

25 Réponse: Il ne s'agit pas de formations paramilitaires. La défense civile

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1 est une organisation tout à fait légale dans le cadre des structures

2 juridiques existant à l'époque, et ces unités n'étaient qu'une partie de

3 la défense civile, elles devaient apporter leur aide dans le cadre exact

4 des attributions qui sont celles de la défense civile.

5 M. Milosevic (interprétation): Puisque nous avons constaté quels étaient

6 les objectifs poursuivis par l'armée croate, comme vous l'avez reconnu

7 vous-même...

8 M. le Président (interprétation): Voulez-vous que ce règlement soit versé

9 au dossier?

10 M. Milosevic (interprétation): Si vous voulez, vous pouvez le faire!

11 M. le Président (interprétation): Puisque nous parlons de cela, je vous

12 demande aussi si vous voulez que l'interview dont vous avez tiré un

13 certain nombre de citations soit versée au dossier également?

14 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est possible. Voilà, je vous donne

15 le journal tout entier.

16 M. Kriste (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 j'aimerais ajouter deux phrases de commentaire au sujet de cette

18 interview.

19 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie.

20 Oui, Monsieur le Témoin.

21 M. Kriste (interprétation): Dans l'opinion publique croate, on sait bien

22 que je suis critique vis-à-vis de certains aspects de la politique du

23 Président Tudjman. Ceci transparaît également à la lecture de l'interview

24 dont nous venons de parler. Ce que je considère erroné dans cette

25 politique a d'ailleurs eu des effets négatifs sur notre façon de nous

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1 préparer à la défense et sur l'évolution ultérieure; je veux parler de la

2 privatisation et de l'évolution qui a marqué les entreprises. Cependant,

3 ceci n'a, en aucun cas, été la cause du début du conflit en Croatie.

4 La Croatie a été attaquée, elle s'est défendue, et pas un seul soldat

5 croate n'a franchi la frontière de la Serbie ou du Monténégro. Et ce qui

6 est un fait, c'est que l'armée populaire yougoslave, ainsi que des

7 formations paramilitaires de Serbie et du Monténégro ont pénétré en

8 profondeur à l'intérieur du territoire croate.

9 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, nous devons obtenir

10 des cotes pour ces pièces à conviction.

11 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, la revue datée du 3

12 décembre 2002 sera la pièce à conviction de la défense 77, et le document

13 suivant la pièce à conviction 78.

14 M. le Président (interprétation): Très bien.

15 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

16 M. Milosevic (interprétation): Puisque la JNA était la force armée

17 régulière et légale de toute la RSFY, je vous demande si vous êtes en

18 train d'affirmer que des soldats serbes ont pénétré à l'intérieur de la

19 Croatie, si vous affirmez que des unités serbes ont pénétré à l'intérieur

20 du territoire croate, de quelles unités serbes parlez-vous et quelles

21 étaient donc ces unités qui ont pénétré sur le territoire croate?

22 M. Kriste (interprétation): Eh bien, différentes unités de volontaires

23 prétendument. Comme, par exemple, "les Hommes de Seselj", d'Arkan, "les

24 Aigles blancs", les hommes dirigés par le capitaine Dragan, par exemple.

25 Question: Vous considérez ces unités comme des forces régulières de la

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1 Serbie, c'est bien cela?

2 Réponse: Seselj n'a pas empêché ces actions; il n'a pas empêché ses hommes

3 de franchir la frontière et de pénétrer depuis le territoire serbe dans le

4 territoire croate. Bien au contraire, ces unités ont collaboré, agi

5 ensemble avec les unités de l'Armée populaire yougoslave.

6 Question: Mais dites-moi, je vous prie: au vu de ce que nous avons

7 constaté, à savoir les objectifs des forces dont vous dites qu'elles

8 étaient nombreuses, sous les ordres de Bobetko, et qu'elles ont avancé

9 jusqu'à l'Herzégovine et la Bosnie centrale, etc., donc compte tenu de

10 toute cette situation sur le théâtre de la guerre de Dubrovnik et

11 d'Herzégovine, est-ce qu'on peut considérer cela comme un aspect d'une

12 opération plus vaste menée? Ou bien -comment pourrais-je dire- peut-on

13 considérer cela comme des cas isolés qui méritent un traitement spécial en

14 dehors du contexte général de ce qui se passait à l'époque?

15 Réponse: Je crains de ne pas bien avoir suivi votre question.

16 Question: Qu'est-ce qui se passait sur le théâtre des opérations à

17 Dubrovnik et en Herzégovine? Est-ce que c'était simplement une partie

18 d'une opération plus générale qui avait pour but d'occuper l'Herzégovine

19 et de faire une percée vers la Bosnie centrale? Pour toutes ces forces

20 très nombreuses, vous avez dit que les forces sous la direction de Bobetko

21 étaient nombreuses à l'époque.

22 Réponse: Je ne sais pas quelles étaient les missions exactes confiées à

23 ces forces. Ce que j'ai dit était une interprétation libre de ma part.

24 Question: Bien. Pouvez-vous nous donner votre interprétation libre de ce

25 qui suit?

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1 J'ai ici une lettre qui vient du service fédéral du ministère de

2 l'Information. Il y est dit qu'autorisation est donnée de publier une

3 lettre du général Kadijevic adressée à Lord Carrington; et je vais vous

4 lire plusieurs passages de cette lettre. Je cite: "Les unités de la JNA

5 n'attaquent pas la vieille ville de Dubrovnik. Elles ont des ordres

6 explicites de respecter à la lettre les instructions consistant à ne pas

7 ouvrir le feu sur la ville". (Fin de citation.)

8 On me demande de ralentir, je vais ralentir.

9 Deuxièmement -je cite-: "Les effets provoqués par les unités de la JNA

10 dans la région de Dubrovnik sont dus à des actes de provocation de la part

11 des formations armées de la République de Croatie". (Fin de citation.)

12 Troisièmement -je cite-: "L'un des bastions à partir desquels on ouvre le

13 tir sur les unités de la JNA, ce sont les formations armées de la

14 République de Croatie stationnées à Kupari, à savoir à 5 km de Dubrovnik

15 où il y a un certain nombre d'installations militaires qui ont été

16 reprises précédemment et sur lesquelles les formations armées de la

17 République de Croatie ont pris le contrôle afin de lever le siège des

18 installations militaires de Dubrovnik, le 25 de ce mois, pour mener des

19 opérations ultérieures dans cette région". (Fin de citation.)

20 Tout cela est-il exact, ce que dit Kadijevic, dans sa lettre à Carrington?

21 Réponse: Ce que vous venez de lire est inexact. Parce que la JNA a

22 commencé à agir le 1er octobre. Je répète qu'à plusieurs occasions elle a

23 pilonné la ville de Dubrovnik et notamment la vieille ville sans qu'il y

24 ait eu la moindre provocation de la part des défenseurs de la ville.

25 En dehors de cela, à partir de Kupari, je ne sais pas qui aurait pu

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1 attaquer la JNA puisque le territoire de la République de Croatie était

2 déjà soumis à des opérations de guerre.

3 M. Milosevic (interprétation): Bien. Il y avait des installations armées

4 utilisées en temps de paix dont le contrôle avait été repris précédemment?

5 M. Kriste (interprétation): C'étaient des centres de vacances. Et il est

6 tout à fait normal que, lorsque l'armée lance une attaque sur Dubrovnik,

7 les forces en question utilisent toutes les installations, tous les moyens

8 à leur disposition y compris les centres de vacances de Kupari.

9 Maintenant, dans quelle mesure ces installations ont été utilisées, je ne

10 sais pas.

11 M. le Président (interprétation): Un instant.

12 Madame Uertz-Retzlaff?

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, pouvons-nous

14 avoir la date de la lettre? Cela permettra plus facilement au témoin de

15 répondre aux allégations qui lui sont soumises pour dire si elles sont

16 correctes ou pas.

17 M. le Président (interprétation): Quelle est la date de cette lettre,

18 Monsieur Milosevic?

19 M. Milosevic (interprétation): J'ai cité la date, j'ai dit que c'était

20 celle du 26 octobre.

21 Dans la lettre, il est dit que: "Le 26 de ce mois, j'ai envoyé une

22 proposition au Président de la République de Croatie, le Dr Franjo

23 Tudjman, pour demander la démilitarisation de Dubrovnik sous le contrôle

24 de la Communauté européenne". (Fin de citation.)

25 C'est ce qu'il a écrit. Et il ajoute ensuite -je cite-: "Au moment où

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1 j'écris ces lignes, je dispose de l'information selon laquelle les

2 formations armées de la République de Croatie de Vukovar ont ouvert le feu

3 au mortier sur la caserne de la ville et ce, pendant un temps très long."

4 (Fin de citation.)

5 Il poursuit ensuite, en parlant des blessures, du nombre de blessés dans

6 la population, etc.

7 Donc est-ce que cette information est exacte, selon laquelle le secrétaire

8 à la Défense fédérale, le ministre, le général Kadijevic, a envoyé cette

9 lettre à Lord Carrington? Ou bien est-ce qu'il voulait tromper Lord

10 Carrington ainsi que l'opinion publique yougoslave et croate, et tout le

11 monde?

12 M. Kriste (interprétation): Très manifestement, il a trompé tout le monde;

13 parce que le 26 octobre, à savoir 26 jours après le début de l'attaque de

14 la JNA sur Dubrovnik, les actions ont été tout à fait contraires à ses

15 affirmations. Il a attaqué des installations civiles et il a détruit tout

16 ce qui était nécessaire pour assurer une vie normale à la communauté, à

17 savoir à la population civile.

18 Question: Est-il exact -à en juger par ce dont je dispose dans cette

19 information- que la Serbie n'avait rien à voir avec les opérations menées

20 à Dubrovnik? Je vous demande s'il est vrai que les seules cibles

21 existantes, à l'époque, étaient les installations à partir desquelles le

22 feu a été ouvert sur la JNA parce qu'il s'agissait de cibles militaires;

23 ceci est-il exact ou pas, Monsieur le Témoin?

24 Réponse: Ceci n'est pas exact. D'abord, les unités de la JNA ont ouvert le

25 feu avant le moindre tir de la part de nos forces; j'ai dit cela plus tôt

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1 et je le répète: même avant le 1er octobre, à Konavle, Brgat et Komunalac.

2 Et puis, le 1er octobre, la JNA et ses unités ont également lancé des

3 opérations en l'absence d'une quelconque opposition ou résistance de la

4 part des forces croates. Et je répète que la JNA a agi un peu partout;

5 elle a agi contre les quartiers des villes, elle a agi contre des hôtels

6 qui hébergeaient y compris des réfugiés, à Konavle et dans d'autres

7 régions de la Croatie, des réfugiés venant de l'est de la Croatie de la

8 Slavonie orientale notamment, qui étaient donc arrivés à Dubrovnik après

9 avoir fui ces régions.

10 Il n'y avait d'ailleurs pas de cibles militaires à Dubrovnik, à ce moment-

11 là. C'est seulement beaucoup plus tard, lorsque l'armée yougoslave est

12 arrivée très, très près de la ville, qu'éventuellement il est possible

13 qu'il y ait eu un point ou deux qui aient été créés. Mais tout cela,

14 toujours loin des centres habités par la population et loin de la vieille

15 ville. Donc toutes ces allégations sont fausses.

16 Question: Comment expliquez-vous dès lors que le 15 octobre, d'après mes

17 interventions, la JNA ait pénétré dans Cavtat et qu'à Cavtat, personne n'a

18 tiré sur la JNA? Il n'y a pas eu de combat et Cavtat n'a subi aucun

19 dommage; n'est-ce pas vrai?

20 Réponse: C'est exact, Cavtat n'a subi aucun dégât. Mais tous les villages

21 environnants -Zvekovica, Cilipi, Mocici- ont été détruits, rasés. Je l'ai

22 dit et je le répète: Cavtat s'est trouvée dans une situation où l'armée

23 est entrée en se servant d'un stratagème; l'armée avait dit qu'elle

24 n'allait pas aller plus loin que l'aéroport de Cilipi et dès que notre

25 équipe de négociation s'est retirée et est allé à Cavtat pour aller à

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1 Dubrovnik, l'armée est entrée dans Cavtat.

2 Question: Fort bien. Mais dites-moi: ce conflit entre l'armée et vos

3 formations paramilitaires, c'est quelque chose qui est tout à fait en

4 dehors du contexte des événements qui se produisaient en Yougoslavie à

5 l'époque. Vous êtes un homme politique, vous étiez ministre, à l'époque.

6 Y a-t-il une seule décision, une seule procédure, une seule déclaration

7 officielle de la part d'un quelconque organe, des autorités de la RSFY,

8 d'un représentant du Monténégro, République voisine, ou de quelque organe

9 du pouvoir ou structure politique de la RSFY ou du Monténégro, qui aurait

10 nié le fait notoire que Dubrovnik faisait partie de la République de

11 Croatie et qu'il n'y avait aucune prétention territoriale par rapport à

12 Dubrovnik ou par rapport à une autre partie de la Croatie? Qui que ce

13 soit, au niveau de l'Etat fédéral, de la Serbie ou du Monténégro, y a-t-il

14 qui que ce soit qui aurait manifesté des aspirations, quelles qu'elles

15 soient, à l'égard d'un quelconque territoire à l'extérieur de la Serbie ou

16 du Monténégro; ou ici, en l'espèce, à partir de Dubrovnik?

17 Réponse: Il ne se serait pas logique de que telles aspirations soient

18 rendues publiques mais, dans les faits, elles existaient. Et les unités

19 militaires ont exécuté, ont mis en pratique ces aspirations.

20 Question: Est-il vrai que le 21 janvier 1991, bien des mois avant tout

21 ceci, dans le cadre de cette militarisation qui était tout à fait

22 superflue à Dubrovnik, est-il vrai de dire que ce jour-là, une première

23 livraison d'armes, de munitions, est arrivée qui avait été acquise pour

24 répondre aux besoins de vos unités à Dubrovnik?

25 Réponse: Il n'y a aucune arme qui est arrivée à l'aéroport de Dubrovnik;

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1 ça, c'est certain.

2 Question: Et le 24 janvier 1991?

3 Réponse: Je n'ai pas de renseignements à ce propos. Mais s'il y avait eu

4 un arrivage de cette sorte, ces armes se seraient trouvées à Dubrovnik au

5 moment du début de l'attaque.

6 Question: Et le personnel de la municipalité de Dubrovnik a-t-il été

7 formé, le 6 septembre 1991?

8 Réponse: Quelle date?

9 Question: Le 6 septembre.

10 Réponse: Il existait le personnel de la Défense territoriale.

11 Question: Est-il exact de dire qu'il existait tout un plan destiné à poser

12 des mines tout autour de Dubrovnik?

13 Réponse: Il se peut que ce projet ait été mis au point plus tard, bien

14 plus tard, lorsqu'il est devenu apparent qu'il y avait une attaque

15 imminente qui avait été planifiée contre Dubrovnik, lorsque nous avions

16 des preuves tangibles à cet effet.

17 Question: Et de quelles preuves tangibles disposiez-vous? Quelles preuves

18 aviez-vous, quand cette armée puissante qui se trouvait autour de vous n'a

19 pas essayé de capturer la ville, alors qu'elle aurait pu le faire si elle

20 avait voulu?

21 Réponse: Elle a essayé de le faire. La dernière tentative en date de

22 capturer la ville, de s'emparer de la ville, c'était le 6 décembre; mais

23 cette tentative a échoué et comme elle a provoqué des réactions très vives

24 de la part de la communauté internationale, d'autres efforts de ce genre

25 ne sont pas répétés.

Page 14933

1 Mais je dois dire que toute la zone de Dubrovnik a été saisie par la JNA;

2 la JNA s'en est emparée. La seule partie qui est restée libre et non

3 occupée, ça a été la ville même de Dubrovnik. La ville de Sustjepan

4 jusqu'à l'hôtel Belvédère, cela représente peut-être une dizaine de

5 kilomètres. Pour le reste, le reste de cette zone s'est trouvé sous le

6 contrôle de l'armée qui l'a occupée pendant toute une année.

7 Question: Et quelle en est la raison? Est-ce que la raison, alors que nous

8 nous trouvons dans un centre de réputation touristique mondiale, c'est la

9 formation d'unités armées qui représentaient une menace pour la vie

10 paisible de la population?

11 Réponse: Ces formations ne représentaient aucune menace pour la

12 population?

13 Question: Et quelle était leur intention, alors que personne n'avait

14 l'intention de s'emparer de la ville?

15 Réponse: Et qui vous dit que personne n'avait de telles intentions. Les

16 faits prouvent le contraire. Il y a eu des tentatives en vue de s'emparer

17 de la ville. L'essentiel de ce territoire, en fait, était placé sous le

18 contrôle. On pourrait penser que tout ceci pouvait se produire et semblait

19 plus que probable. Tout comme il était possible de partir de l'idée qu'il

20 allait y avoir une guerre contre la Croatie qui a, effectivement, été

21 déclenchée très peu de temps après, en 1991, et que ceci était destiné à

22 faire se déplacer les frontières de la Serbie vers l'ouest.

23 Question: Vous connaissez la déclaration constitutionnelle de la RSFY du

24 27 avril 1992. Vous savez que celle-ci n'entretenait aucune aspiration de

25 ce genre, que la République fédérale de Yougoslavie n'avait aucunement

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1 d'aspiration envers quelque République que soit après que la Slovénie, la

2 Croatie, la Bosnie-Herzégovine aient été reconnues?

3 Réponse: Oui mais… Non, je ne suis pas au courant de cette déclaration,

4 mais il demeure que, de ces jours-là, 30% du territoire croate s'est

5 trouvé sous le contrôle d'unités paramilitaires, d'insurgés serbes et de

6 l'armée yougoslave.

7 Question: Vous parlez de cette partie du territoire où les Serbes

8 constituaient la majorité?

9 Réponse: Je vous ai déjà dit que les Serbes ne représentaient pas la

10 majorité dans cette zone-là; il y avait davantage de Croates que de

11 Serbes.

12 Question: Mais je ne parle pas Dubrovnik.

13 Réponse: Mais moi aussi, je parle de la totalité de la Croatie. Les zones

14 protégées déclarées par les Nations Unies, eh bien, constituaient une

15 limite qui était hors de portée des autorités croates et elles couvraient

16 pratiquement la moitié de la Croatie, si on voit les zones qui se trouvent

17 entre ces zones protégées, parce qu'en fait elles divisent la Croatie en

18 plusieurs parties.

19 Question: Et dites-moi, qui détermine les confins de ces zones protégées

20 par les Nations Unies? Est-ce que ce sont les Nations Unies qui les ont

21 déterminés?

22 Réponse: Les Nations Unies se sont contentées d'accepter la situation de

23 fait, telle qu'elle se présentait sur le terrain. Les Nations Unies ont

24 maintenu les frontières jusqu'où étaient allés les Serbes, les insurgés,

25 avec l'aide de l'armée et de ses unités paramilitaires.

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1 Question: Et c'est ainsi qu'ont été formées les zones protégées des

2 Nations Unies qui servaient à confirmer la répartition de la population

3 serbe qui était en péril, n'est-ce pas, en Croatie?

4 Réponse: Pas du tout! Ce n'était pas conforme à la réalité du terrain, à

5 la réalité du territoire habité par les Serbes par rapport à la majorité

6 de la population. Je vous l'ai déjà dit: en Croatie, les Serbes même… je

7 sais qu'il y a eu des actes inappropriés commis à titre individuel par des

8 individus; je peux vous dire que les Serbes n'étaient pas en danger, je le

9 dis avec conviction.

10 La politique de la Croatie n'était pas de causer des problèmes ni de

11 mettre en danger qui que ce soit. S'il y avait insurrection, c'était à la

12 suite d'activités déployées par les services secrets, par des agents tels

13 que Seselj et d'autres, qui venaient pour l'essentiel de la Serbie.

14 Question: Fort bien.

15 Monsieur Kriste, alors vous affirmez qu'il n'y a pas eu de militarisation

16 de Dubrovnik avant la survenue de ces événements destinés précisément à

17 provoquer la JNA et à la chasser du territoire de la Croatie?

18 Ecoutez, nous allons voir un extrait, une séquence très brève: c'est

19 quelque chose de très court, un extrait très bref. J'espère que la régie

20 est en mesure de le diffuser, c'est un extrait très court.

21 Si cet extrait n'est pas prêt pour la diffusion…

22 M. le Président (interprétation): Un instant, je pense que cela pourrait

23 être prêt sous peu. Mais poursuivez, Monsieur Milosevic, nous reviendrons

24 à la diffusion de cet extrait par la suite.

25 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

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1 Est-il exact que, le 19 septembre 1991, on a eu un nouvel armement de

2 Dubrovnik alors que Dubrovnik avait déjà été fournie en armes?

3 M. Kriste (interprétation): Il n'y a pas eu d'armement plus tôt ou plus

4 tard. Dubrovnik a réussi à obtenir 300 armes d'infanterie jusqu'au

5 1eroctobre, moment où est intervenue l'invasion. Le 19 septembre, il n'y

6 avait pas eu d'armement, aucune arme n'est arrivée à Dubrovnik.

7 Question: Savez-vous que nous avons ici des preuves fournies par certains

8 témoins venant de votre ville de Dubrovnik, qui ont indiqué les positions

9 occupées par des mortiers, par des canons antiaériens, des positions

10 mobiles à partir desquelles on a ouvert le feu depuis Dubrovnik.

11 Réponse: Mais ça, ça a pu se passer mais seulement après le 1er octobre.

12 Question: Est-il exact de dire que le 29 septembre un ordre a été donné

13 pour qu'il y ait déplacement vers la ligne de séparation, vers la

14 frontière avec le Monténégro qui faisait quelque 700 mètres de long? Et

15 savez-vous qu'au début d'octobre il y a eu une cérémonie à la mémoire des

16 soldats qui avaient été tués sur le Monténégro, car on avait ouvert le feu

17 sur eux depuis le territoire de Croatie? Vous vous souvenez de cela?

18 C'était une réunion de l'assemblée, et les dirigeants du Monténégro ont

19 tenu une séance de travail à cet égard, ceci est passé à la télévision.

20 Réponse: Des soldats yougoslaves ou des Monténégrins ont été tués par des

21 Croates, mais cela ne s'est pas passé à ce moment-là ni plus tard. Peut-

22 être que cela a été publié dans vos journaux, mais n'importe quoi était

23 publié dans vos journaux. Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas eu

24 d'activité militaire menée par nous le long de cette frontière. Ces

25 activités militaires, elles avaient commencé bien plus tôt, c'est-à-dire

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1 fin septembre, et cela avait été déclenché par le côté du Monténégro.

2 J'ai des amis dans la baie de Kotor, je m'y rends chaque été, personne ne

3 m'a jamais parlé de ce que vous racontez.

4 Question: Ces informations m'ont été confirmées par bien des côtés.

5 Dites-moi, est-il exact de dire que le 30 septembre des lignes de combat

6 militaires ont été établies, qui faisaient 700 mètres de long, qui

7 allaient de Brgat jusqu'au Mont Barbara, et qu'on a ouvert le feu depuis

8 ces positions, et ceci a été le fait de la garde croate, de la police, de

9 civils armés organisés en peloton. Est-ce exact ou pas? Dites-le moi;

10 dites-moi si vous pensez si c'est vrai ou pas; de cette façon, nous

11 pourrons avancer.

12 Réponse: Je ne sais pas ce qu'il en est du déploiement exact de nos

13 forces. Cependant, le 29 septembre, ça c'est la veille de l'attaque menée

14 par l'armée yougoslave contre Dubrovnik, je vous l'ai dit, on s'attendait

15 à cette attaque; nous avions des renseignements dignes de foi que nous

16 tenions d'un homme qui venait de la garnison de Trebinje. Donc nous

17 savions comment les choses évoluaient, puisque ce village de Brgat se

18 trouve sur la route qui va de Trebinje à Dubrovnik. Or si on avait une

19 attaque, on s'attendait à ce qu'elle vienne de là; je n'exclus pas la

20 possibilité que certaines de nos forces aient été déployées dans ce

21 village ou en direction de celui-ci. Cependant, si vous voyez l'ensemble

22 des effectifs que nous nous disposions, ce chiffre que vous mentionnez est

23 tout à fait réaliste.

24 M. Milosevic (interprétation): Puisque ni vous ni moi ne semblons être au

25 courant de cela… Or, ici, j'ai ici une note, l'ordre précis du grand état-

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1 major de la JNA, 1171 du 4 octobre 1991. Il est dit, dans cet ordre, ceci:

2 "Dubrovnik ne doit pas être conquise et il ne faut pas non plus ouvrir le

3 feu sur la ville, que ce soit par des tirs d'artillerie ou par les forces

4 aériennes." Vous connaissez cet ordre?

5 M. Kriste (interprétation): Je ne connais pas cet ordre, mais je connais

6 les faits, puisque j'étais à Dubrovnik le 1er octobre, quatre jours avant

7 que cet ordre ne soit délivré. Je sais que l'armée yougoslave a mené une

8 attaque sur Dubrovnik par air, par terre et par voie de mer. Dans ce

9 contexte, il m'intéresse peu de savoir que quatre jours plus tard, le

10 grand état-major ait pu émettre un tel ordre, puisqu'il y a eu des

11 attaques incessantes sur Dubrovnik à partir du 1er septembre.

12 M. le Président (interprétation): Je vous interromps, Monsieur Milosevic,

13 pour vous dire que cet extrait est prêt pour diffusion. Si vous voulez le

14 faire diffuser, dites-nous d'où vient cet extrait.

15 M. Milosevic (interprétation): Ça a été filmé à Dubrovnik même par leurs

16 gens à eux; et on voit la prise de serment de ces hommes. Vous allez voir

17 ces images et vous pourrez juger de la valeur à leur donner par vous-même.

18 C'est un extrait très court.

19 M. le Président (interprétation): Vous avez reçu cette cassette du

20 Procureur?

21 M. Milosevic (interprétation): Non, ce sont mes associés qui me l'ont

22 fournie.

23 M. le Président (interprétation): Cela a donc été filmé par les Croates?

24 C'est cela que vous voulez dire?

25 M. Milosevic (interprétation): Mais bien sûr! Les Serbes n'étaient pas là.

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1 (Diffusion de la vidéo.)

2 "-Je prête serment, je prête serment par tout ce qui m'est sacro-saint, de

3 m'en tenir au principe oustachi pour réaliser tous les ordres du

4 commandant. Et je garderai le secret, je ne trahirai rien. Je me battrai

5 en bon Oustachi pour la réalisation d'un Etat indépendant croate et je

6 prête serment de défendre la liberté nationale croate dans les rangs

7 oustachis. Si je viole ce serment, j'accepte d'assumer la pleine

8 responsabilité et j'accepte d'avance la peine de mort."

9 (Fin de la diffusion de la cassette.)

10 M. Milosevic (interprétation): Comment pouvez-vous faire des commentaires

11 à ce sujet? Parce que, d'après ce que je vois, cela ne coïncide pas du

12 tout avec les positions que vous avancez dans l'interview que nous avons

13 vue tout à l'heure et...

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il vous faut quand

15 même poser des questions qui respectent une certaine équité, parce que

16 vous nous avez montré quelques images de gens qui n'ont pas l'air très

17 militaire et qui font une prestation de serment dans un endroit public,

18 une espèce de café. Vous pouvez demander un commentaire au témoin, bien

19 sûr, mais il faudra que vous nous indiquiez en quoi ceci est pertinent

20 face à la déposition du témoin, en quoi ceci contredit les dires du témoin

21 parce que cela ne m'apparaît pas clairement, je dois vous l'avouer.

22 Maintenant que le témoin a vu ces images, peut-être peut-il apporter un

23 commentaire?

24 M. Kriste (interprétation): Non, je ne peux apporter aucun commentaire. Je

25 n'ai vu cet enregistrement nulle part auparavant. Il est évident qu'il

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1 s'agit là d'un groupe de jeunes gens, mais je ne sais pas où cela a pu

2 être filmé; cela a pu être filmé n'importe où. En tout état de cause, cela

3 ne fait pas partie d'une politique croate quelconque, cela n'était pas un

4 acte solennel de quelque sorte que ce soit.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais ce n'est pas le fait de la politique

6 croate; il s'agit d'un serment oustachi.

7 M. Kriste (interprétation): Cela a pu être filmé à Belgrade aussi bien.

8 Question: Oh, bien, très bien! Alors, je n'ai pas besoin de commentaire

9 autre. Si cela est tourné à Belgrade, alors...

10 Réponse: Je n'ai pas dit que cela a été fait à Belgrade, mais cela aurait

11 pu être tourné n'importe où. S'agissant de ces slogans oustachis, en

12 Croatie, il y a essentiellement eu des individus qui étaient secrètement

13 en contact avec les services de renseignement et de contre-renseignement

14 militaires, et on ne s'est servi de cette rhétorique que pour compromettre

15 l'idée de l'indépendance croate.

16 Question: D'après vous, cela devrait être une sorte de montage des

17 services secrets extérieurs à la Croatie, n'est-ce pas?

18 Réponse: Je n'affirme rien de concret. Ce que je dis, c'est que je ne vois

19 en rien que cela ait pu se faire à Dubrovnik et que cela ait pu être le

20 fait d'une instance officielle quelconque.

21 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Donc vous n'êtes pas au courant

22 de l'ordre émis en date du 4 octobre interdisant d'ouvrir le feu?

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vais vous arrêter

24 là parce que vous avez déjà répété cette question plusieurs fois; et

25 chaque fois, le témoin dit ne pas être au courant. Votre temps est

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1 pratiquement épuisé. Demandez-vous un supplément de temps?

2 M. Milosevic (interprétation): Oui, je demande un supplément de temps.

3 M. le Président (interprétation): Combien de temps voulez-vous?

4 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, écoutez, je vais vous dire…, j'ai

5 encore quelque 40 questions à lui poser, questions que je me suis noté

6 chez moi.

7 (Les Juges se consultent sur le siège.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, voulez-vous poser

9 des questions à ce témoin ou pourriez-vous vous en passer pour essayer de

10 terminer l'audition de ce témoin aujourd'hui?

11 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, je pense qu'il y a

12 beaucoup de choses qui peuvent être d'utilité pour la Chambre. Je ne sais

13 pas quelles sont les questions que va poser M. Milosevic, mais s'il ne

14 pose pas les questions que j'ai en tête, j'aurai besoin d'un peu de temps

15 pour poser ces questions. Mais il me convient d'attendre de voir quelles

16 sont les questions dont va traiter M. Milosevic.

17 Mais il y a des questions qu'il convient de poser, concernant tous les

18 événements à Dubrovnik ou autour de Dubrovnik, et qui sont en corrélation

19 avec le témoignage de ce témoin. Et ceci pourrait vous permettre d'avoir

20 une meilleure vue d'ensemble sur tout le sujet.

21 (Les Juges se consultent sur le siège.)

22 M. le Président (interprétation): Vous disposerez d'un quart d'heure de

23 plus, Monsieur Milosevic.

24 M. Milosevic (interprétation): Un quart d'heure seulement? Bon.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais aussi vous mentionner le

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1 fait que j'aurai besoin de cinq minutes, parce que je pense qu'il y a une

2 erreur qu'il faut rectifier.

3 M. le Président (interprétation): Je crains qu'il ne faille faire revenir

4 le témoin demain afin qu'il termine sa déposition.

5 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

6 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que dès le 8 octobre, à savoir

7 quatre jours après l'ordre mentionné tout à l'heure, il a été procédé au

8 sanctionnement (sic) de membres indisciplinés de la JNA, s'agissant de la

9 même opération?

10 M. Kriste (interprétation): Je ne suis pas au courant.

11 Question: Et serait-il exact de dire qu'en date du 17 octobre, il y a eu

12 des activités assez intenses de la part des forces de Dubrovnik, au

13 mortier, sur les positions de la JNA dans les alentours? Le savez-vous ou

14 pas?

15 Réponse: Non, non, je ne suis pas au courant. Et je ne pense pas que ce

16 renseignement-là soit exact.

17 Question: Et savez-vous dans quel hôtel étaient installés les effectifs

18 des ZNG, à savoir du rassemblement de la Garde nationale et du MUP? Je

19 sais qu'à "Tirenja President", "Revelin Tower", il y a eu des munitions;

20 le saviez-vous?

21 Réponse: Dans les hôtels que vous venez de citer, il y avait notamment des

22 réfugiés, des personnes déplacées.

23 Question: Savez-vous que les commandants de la JNA, par le biais de "Radio

24 Herceg-Novi" que l'on entend très bien à Dubrovnik, ont lancé des appels à

25 l'intention de ceux qui se trouvaient à Dubrovnik pour ne pas qu'ils

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1 ouvrent le feu en direction des membres de la JNA? Et on leur disait que,

2 s'ils ne le faisaient pas, on ne tirerait pas une seule balle dans leur

3 direction?

4 Réponse: Mais, en fait, c'était un appel à la reddition.

5 Question: Mais est-ce que j'ai été clair? J'ai dit que, par le biais de

6 "Radio Herceg-Novi", on avait supplié les gens de ne pas ouvrir le feu en

7 direction de l'armée et que l'on ne tirerait pas une seule balle si on ne

8 tirait pas sur l'armée?

9 Réponse: Mais on n'a pas tiré sur l'armée, jusqu'au moment où l'armée a

10 ouvert le feu vers les forces de la défense. La partie croate n'a fait que

11 répondre, que riposter en défense au feu de la JNA.

12 Question: Mais savez-vous qu'on a ouvert le feu non seulement depuis les

13 alentours de la vieille ville mais depuis la vieille ville aussi; il y

14 avait des camions avec des pièces d'artillerie dessus? vous ne le savez

15 pas?

16 Réponse: Non seulement je n'ai pas connaissance, mais cela n'est pas

17 arrivé. Il n'y a pas eu de camions avec des armes qui aient eu accès à la

18 vieille ville.

19 Question: Mais savez-vous que l'on a ouvert le feu à partir des positions

20 à proximité de l'hôtel Neptune, puis de Medarevo où se trouvaient les ZNG?

21 Et là, il y avait des pièces d'artillerie. Puis, de Lapadska Glavica, on a

22 tiré à l'artillerie. Puis, de Gorica, on a tiré à l'artillerie. De Gradac,

23 de la plage Ploce également, à l'artillerie. Puis, des hôtels Belvédère et

24 Libertas, où se trouvaient installés des membres armés en uniforme et qui

25 faisaient partie des unités paramilitaires croates. Le savez-vous?

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1 Réponse: S'agissant de certaines de ces positions, il a pu y avoir des

2 activités militaires, mais seulement bien plus tard, lorsque l'armée, à

3 savoir la JNA et les unités qui l'accompagnaient, ont fini d'encercler

4 Dubrovnik.

5 Depuis la plage de Ploce, il est certain qu'on n'a pas pu ouvrir le feu.

6 Mais s'agissant des hôtels en question, je puis dire qu'il y avait une

7 unité des nôtres qui se trouvait à l'hôtel Belvédère, parce que c'était

8 notre dernière ligne ou dernier point de défense du côté est de la ville.

9 Question: Mais n'est-il pas exact de dire que, le 14 septembre, à Debeli

10 Brijeg, au niveau du village de Vitaljina, il y a eu des mortiers

11 d'installés par les "Zenga"; et au niveau du village de Prsecina, 200

12 membres du ZNG étaient déployés?

13 Réponse: La défense croate n'avait pas autant de membres dans ses

14 effectifs, donc elle ne pouvait pas les déployer à tous ces endroits, ni à

15 Debeli Brijeg ni ailleurs.

16 Question: Et du côté monténégrin?

17 Réponse: Mais il y avait des effectifs du côté monténégrin.

18 Question: Mais savez-vous que le 23 septembre, les membres du ZNG à

19 Vitaljina ont placé des mortiers et des canons pour provoquer la JNA

20 depuis ces positions-là, en ouvrant le feu en direction du territoire

21 monténégrin, justement?

22 Réponse: Ce renseignement est inexact. Si cela était vrai, j'aurais été au

23 courant. A l'époque, Vitaljina, en raison des attaques lancées depuis le

24 côté est, a été vidée de ses habitants qui sont allés à Babin Kuk.

25 Question: Mais qu'est-il arrivé, le 24 septembre, dans le secteur

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1 d'Ivanica?

2 Réponse: Dans le secteur d'Ivanica, ce jour-là, il n'a pu y avoir que des

3 tirs en direction de Brgat. Parce que je suis arrivé le 26 à Dubrovnik, le

4 26 septembre, n'est-ce pas, et on m'a informé que, depuis Ivanica, on

5 avait ouvert le feu vers Brgat.

6 Le lendemain, j'ai visité les localités de Brgat et Komunalac et j'ai

7 constaté que les choses étaient exactes parce que certains bâtiments

8 étaient endommagés et un bâtiment était complètement détruit à la

9 "Maljutka".

10 Question: Mais ces localités se trouvent sur le territoire de la Bosnie-

11 Herzégovine, Ivanica et Komunalac?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et Ivanica a-t-elle été rasée ou pas?

14 Réponse: Quand?

15 Question: Est-ce que ce sont les Serbes qui l'ont rasée?

16 Réponse: S'agissant d'Ivanica, en 1991, il n'y a pas certainement pas eu

17 d'activités déployées du côté croate et on n'a détruit ni maison ni… ne

18 serait-ce qu'une tuile. Je ne sais pas ce qui s'est passé quand la JNA

19 s'est retirée en 1992.

20 Question: Bien. Mais vous nous dites que vous étiez à Dubrovnik avant que

21 la JNA ne lance ses attaques sur cette région. D'où venaient ces attaques?

22 Réponse: Ces attaques venaient de deux directions: depuis le Monténégro en

23 direction de Konavle, la principale attaque vers la ville même venait de

24 cet axe allant d'Ivanica et par la route au-delà de Dubrovnik, sur les

25 hauteurs de Dubrovnik; et c'est si près de la ville que depuis cette

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1 frontière, on pouvait taper sur la ville avec toute latitude. On pouvait

2 donc taper sur les environs et la ville-même, et c'est ainsi que l'on a

3 détruit les installations communales et que l'on a mis hors fonction les

4 installations qui étaient destinées à l'approvisionnement de la ville en

5 eau et en électricité. Le même jour, les avions ont abattu l'émetteur-

6 récepteur sur la montagne de Srdj, ce qui a interrompu les moyens de

7 communication.

8 Question: Mais ces destructions, c'est la JNA qui les a faites ou est-ce

9 le fait d'autres forces?

10 Réponse: C'était la JNA, avec les volontaires de Vucurevic, probablement.

11 Question: Pourquoi dites-vous: "probablement la JNA"? C'était la JNA?

12 Réponse: La JNA avait procédé à ces attaques. De là à savoir maintenant

13 qui il y avait –encore- à ses côtés à l'occasion de ces attaques, ça, je

14 ne le sais pas.

15 Question: Savez-vous que le commandement des ZNG, avec Spegelj à leur tête

16 -s'agissant du commandement de la Croatie-, il avait été placé au premier

17 plan la nécessité d'éliminer la présence de la JNA de Croatie, donc cela

18 avait été la politique et le plan officiellement avancé par la Croatie. Il

19 s'agit de l'année 1991 et du mois de juillet.

20 Réponse: Oui, il s'agissait de juillet 1991. A l'époque, Spegelj avait

21 présenté un plan de défense de la Croatie. Les détails afférents à ce plan

22 me sont inconnus.

23 Mais je tiens à vous rappeler autre chose: cela se passe un mois après

24 l'attaque de la JNA sur la Slovénie et après l'échec de la JNA; c'est par

25 la suite qu'elle s'est dirigée avec plus de force encore, avec plus de

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1 puissance, sur la Croatie.

2 Question: Mais savez-vous que, s'agissant de l'attaque en Slovénie, la

3 direction slovène elle-même, en ma présence, a affirmé que cela n'avait

4 rien à voir avec la chose, que la Serbie n'était même pas au courant; est-

5 ce que vous le savez?

6 Réponse: Je ne sais pas ce que les dirigeants slovènes ont bien pu vous

7 dire. Ce que je sais, c'est que l'armée yougoslave s'était attaquée à la

8 Slovénie et que la guerre s'est déroulée pendant plusieurs jours, suite à

9 quoi la JNA s'était retirée.

10 Question: Oui, mais ils s'étaient attaqués à des soldats qui n'avaient

11 même pas de munitions dans leurs armes?

12 Réponse: Je ne sais pas le dire.

13 Question: Vous souvenez-vous du fait que la dynamique de ce plan de

14 Spegelj prévoyait des attaques sur les casernes, les aéroports et la prise

15 de toutes les installations militaires dans un délai de quatre jours? Vous

16 souvenez-vous de ce plan-là?

17 Réponse: Au cas où, après la Slovénie, l'armée yougoslave viendrait à

18 attaquer la Croatie, il était tout à fait logique de mettre en place un

19 plan qui permettrait à la partie croate de se procurer les moyens

20 nécessaires pour sa défense. Je tiens à faire remarquer que le plan de

21 Spegelj a été rejeté.

22 Question: Mais c'est ce qui a été effectivement fait dans les faits,

23 quoique le plan n'ait pas été accepté?

24 Réponse: Non, cela ne s'est pas fait ainsi. Certaines casernes ont été

25 prises ultérieurement par la volonté des unités locales, des cellules de

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1 crise. C'était la seule façon de se procurer le matériel qui permettrait à

2 la partie croate de résister, autant que faire se pouvait, à un ennemi

3 bien plus fort tel que la JNA.

4 Question: Vous souvenez-vous de l'accord de Igalo où l'on disait qu'il

5 était impératif pour les forces sur les champs de bataille de se retirer

6 pour garantir un cessez-le-feu, qu'il convenait de désarmer et de

7 congédier les unités paramilitaires ainsi que de démobiliser les

8 compositions de réserve de la ZNG et de faire en sorte que la JNA se

9 retire vers les casernes?

10 Réponse: Je sais qu'il y a eu plusieurs accords. Je ne suis pas au courant

11 de la teneur de tous ces accords, y compris celui d'Igalo; mais ce que je

12 sais, c'est que l'armée yougoslave n'a essentiellement pas respecté les

13 accords obtenus. Elle a toujours, là où il y avait des groupes d'insurgés

14 serbes, encouragé leurs activités respectives; puis elle se plaçait en

15 position ou en formation de combat face aux unités croates qui voulaient

16 rétablir la situation précédente.

17 Question: Monsieur Kriste, j'ai fait auditionner ici un enregistrement

18 d'un entretien entre Kadijevic et Tudjman, où l'on avait insisté sur la

19 nécessité de faire adhérer la Croatie à l'accord signé avec Carrington

20 pour ce qui est de faire cesser les attaques contre les casernes, et

21 notamment l'attaque de Sibenik?

22 Réponse: Monsieur Tudjman a fait confiance, a cru M. Kadijevic qui avait

23 affirmé qu'il n'y aurait pas d'attaques contre la Croatie. Effectivement,

24 il avait entrepris tout ce qu'il pouvait pour entraver toute activité du

25 côté croate, qui pourrait être comprise ou interprétée comme étant une

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1 sorte de préparatif à la guerre. C'est pourquoi, dans le courant de la

2 première moitié de l'année 1991, il n'a été procédé à aucune importation

3 d'armes en Croatie, et l'on a même mis un terme à la fabrication locale

4 d'armements. Malgré tout cela, la Croatie a été attaquée et a subi un bain

5 de sang.

6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais savez-vous que le secrétaire

7 fédéral à la Défense nationale de l'époque, le général Kadijevic, avait

8 proposé, s'agissant de Dubrovnik, de procéder à une démilitarisation sous

9 le contrôle de la Communauté européenne, donc de faire en sorte que la JNA

10 se retire de là et de permettre des conditions normales de vie, mais la

11 partie croate avait rejeté la chose? Le savez-vous?

12 M. Kriste (interprétation): L'armée yougoslave n'avait rien à faire là-

13 bas, n'avait rien à chercher là-bas, parce qu'à Dubrovnik il n'y avait pas

14 d'effectifs militaires du tout. Et cette histoire relative à la

15 démilitarisation de Dubrovnik, si elle venait de M. Kadijevic, est plutôt

16 ridicule: démilitariser Dubrovnik est une chose qui ne pouvait être faite

17 que par la JNA, parce que c'est elle qui l'avait démilitarisée.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le temps qui vous

19 était imparti est épuisé. Vous pouvez cependant poser une dernière

20 question.

21 M. Milosevic (interprétation): Il m'est très difficile de choisir laquelle

22 des questions qui me reste devrait être posée. Laissez-moi le loisir de

23 jeter un œil. Il me reste quand même un nombre de questions plutôt

24 important.

25 Bien. Ecoutez, je vais vous poser une question concernant les allégations

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1 qui figurent dans le livre du général Bobetko, disant que c'est

2 précisément à Dubrovnik qu'en 20 jours vous avez détruit 18 chars ennemis

3 sans perte aucune de votre côté. C'est ce qui est dit en page 124 de son

4 livre.

5 Puis, en page 125, on dit qu'il a choisi une tactique se résumant au fait

6 de battre, sur le front entier, le segment le plus faible de l'ennemi, à

7 savoir l'infanterie; cela a été fait jour et nuit.

8 Puis, vous nous avez dit qu'il n'avait pas chassé la JNA et qu'il n'était

9 qu'un observateur qui a suivi l'évolution du retrait de la JNA dans

10 l'interview que j'ai citée.

11 Où est donc la vérité, Monsieur Kriste?

12 M. Kriste (interprétation): Je n'ai pas sous les yeux le texte du livre de

13 M. Bobetko; il me serait difficile de dire ce qui est dit à telle ou telle

14 autre page dans son livre. Cependant, tout ce qui a pu se passer, combien

15 de chars ont effectivement été détruits et dans quelle mesure les

16 opérations déployées par ses soins ont été couronnées de succès au sud de

17 la Croatie, ce sont là des choses qui se sont passés dans la deuxième

18 moitié de l'année, à partir du mois de mai 1992 et au-delà. Mais dans la

19 partie la plus difficile de la guerre pour Dubrovnik et pour la Croatie en

20 1991, il n'en a pas été question, il n'a pas été question de pouvoir

21 détruire des effectifs aussi importants du côté yougoslave.

22 M. le Président (interprétation): Il nous faut en terminer.

23 Monsieur Tapuskovic, avez-vous des questions à poser?

24 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, Monsieur May, il

25 m'est vraiment difficile d'en finir en quelques minutes.

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1 M. le Président (interprétation): Fort bien. Eh bien, vous les poserez

2 demain matin.

3 M. Nice (interprétation): Est-ce que vous m'accordez quelques minutes à

4 huis clos partiel après le départ du témoin, puisque ceci n'a rien à voir

5 avec lui?

6 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, malheureusement je

7 crains que vous deviez revenir pour quelques minutes demain matin pour

8 terminer votre déposition. Veillez à être de retour demain matin à 9

9 heures.

10 M. Kriste (interprétation): Parfait.

11 M. le Président (interprétation): Veuillez vous retirer.

12 (Le témoin, Petar Kriste, est reconduit hors du prétoire.)

13 Nous passons à huis clos partiel.

14 (Huis clos partiel à 14 heures.)

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8 (L'audience est levée à 14 heures 03.)

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