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1 (Lundi 3 février 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin est déjà dans le prétoire.)
5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Charles Kirudja, par M. Groome.)
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, veuillez poursuivre.
7 M. Groome (interprétation): Je rappelle aux Juges que la pièce 378,
8 intercalaire 5, se trouvait ou se trouve sur le rétroprojecteur. C'est une
9 partie du résumé de la déposition de ce témoin.
10 Lorsque nous en avons terminé vendredi dernier, vous étiez en train de
11 décrire un rapport à propos d'un incident concernant plusieurs personnes
12 détenues au stade de football de Bosanski Novi, le 6 juin 1992.
13 Avant de poursuivre à partir de ce point, je voudrais vous demander s'il y
14 a d'autres détails que vous souhaiteriez ajouter à ce que vous nous avez
15 relaté jusqu'à présent à propos de l'incident?
16 M. Kirudja (interprétation): Rien pour le moment.
17 Question: Je vais demander qu'on montre au témoin la pièce de l'accusation
18 378, intercalaire 7.
19 (Intervention de l'huissière.)
20 Monsieur Kirudja, pour cette pièce comme pour les autres, je vais vous
21 demander de la parcourir.
22 Je vais demander que la deuxième page de cette pièce soit placée sur le
23 rétroprojecteur.
24 Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous la pièce de l'accusation 378,
25 intercalaire 7?
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1 Réponse: Oui, c'est un mémo que j'ai rédigé.
2 Question: Qui porte quelle date?
3 Réponse: Celle du 3 juillet 1992.
4 Question: Dans ce mémo, mentionnez-vous notamment l'incident du stade de
5 football de Bosanski Novi?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Avant le 3 juillet, est-ce qu'il y avait d'autres mémos dans
8 lesquels vous aviez fait référence à ce rapport?
9 Réponse: Oui. Au cours des rapports que j'ai écrits à propos des réfugiés
10 qui passaient dans le Secteur Nord.
11 Question: Pourriez-vous nous dire ceci: ce rapport à propos du stade de
12 football de Bosanski Novi, est-ce que c'était un rapport confidentiel ou
13 est-ce qu'il y avait d'autres membres de votre bureau des Nations Unies
14 qui avaient également accès à ce rapport?
15 Réponse: Comme vous pouvez le constater, il y a une mention apposée en
16 anglais "restricted", "à diffusion limitée ou confidentielle", dans le
17 coin supérieur droit. Cependant, si vous voyez la fin de ce mémo, on
18 indique quels sont les destinataires. "A diffusion limitée", cela veut
19 dire que c'est limité aux destinataires de ce mémo.
20 Question: Peut-on remettre au témoin la dernière page de cette pièce?
21 Inutile de la placer sur le rétroprojecteur. Laissez cette page-là,
22 Madame, sur le rétroprojecteur.
23 Monsieur Kirudja, quels étaient les destinataires de ce mémo?
24 Réponse: Vous pouvez le constater vous-même, il s'agit de Mme Yolanda
25 Auger, qui était le directeur adjoint des affaires civiles. Mais des
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1 copies avaient été envoyées à M. Magnus Magnusson… une copie à M. Magnus
2 Magnusson de Zagreb.
3 Question: Vous voyez la première page de ce mémo sur le rétroprojecteur.
4 Je vais vous demander de donner lecture du troisième paragraphe, celui qui
5 commence par les mots "Nous croyons".
6 Réponse: "Nous croyons que les détenus du terrain de football ne sont que
7 le sommet de l'iceberg impliquant une action concertée des autorités
8 locales serbes en Bosnie-Herzégovine qui essayent d'établir une République
9 serbe de Bosnie-Herzégovine sans Musulmans… nettoyée des Musulmans. Au
10 cœur de ce processus, les maires, la police et la TDF -Défense
11 territoriale- de Bosanski Novi, agissant de concert avec leurs homologues,
12 non seulement dans les zones protégées des Nations Unies (Dvor et
13 Kostajnica), mais aussi avec Bosanska Dubica, Banja Luka, Prijedor, Sanski
14 Most et Kljuc. Les Serbes, apparemment, sont impliqués ou sont engagés
15 dans un processus résolu consistant à désarmer, par la force, les
16 Musulmans lorsque ceux-ci sont manifestement une minorité, une faible
17 minorité encerclée, comme à Bosanski Novi, ou consistant à assurer un
18 siège complet de leur ville, comme à Bihac. Apparemment, le terrain de
19 football, c'est le lieu où sont détenus les groupes musulmans pendant
20 qu'on est en train de 'fouiller ou perquisitionner leurs maisons'. Les
21 hommes sont isolés et transportés dans des camps de concentration."
22 Question: Et puis, est-ce que nous pouvons voir la partie où vous
23 mentionnez les camps de concentration?
24 Réponse: Je cite: "Les représentants du Haut-Commissariat aux Réfugiés des
25 Nations Unies et des Affaires civiles ont réuni des rapports venant de
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1 Musulmans qui viennent de se réfugier sous la protection de la Forpronu, à
2 Dvor et Kostajnica.
3 Apparemment, il y a des camps de concentration aux endroits suivants.
4 -Keraterm: situé dans une station ferroviaire de Prijedor sur la route de
5 Banja Luka. De 100 à 200 Musulmans sont supposés se trouver là dans des
6 conditions absolument exécrables.
7 -Trnopolje: également situé à une gare ferroviaire de Prijedor sur la
8 route de Banja Luka. Un camp de réfugiés pour femmes, enfants et hommes
9 âgés."
10 Vous voulez que je poursuive la lecture?
11 Question: Oui.
12 Réponse: "Omarska, se trouvant dans un village uniquement serbe.
13 Apparemment un camp pour des hommes musulmans et les autorités locales
14 musulmanes avant la prise de contrôle serbe, surtout à Prijedor.
15 -Manjaca: à l'extérieur de Banja Luka. Un grand camp, apparemment avec des
16 soldats croates faits prisonniers au cours des combats de Kostajnica."
17 Question: Veuillez terminer la dernière phrase; ce sera la fin de votre
18 lecture.
19 Réponse: "Le traitement des Musulmans et des autres minorités dans les
20 camps est apparemment atroce. Il y a des sévices réguliers; les gens sont
21 privés d'eau et de nourriture, sont mal abrités, etc."
22 Question: J'ai quelques questions à vous poser à propos de ce mémo.
23 Dans le premier paragraphe, vous parlez de "milicija" en BCS. Pourriez-
24 vous définir ce terme?
25 Réponse: C'est un terme que j'ai appris à associer avec les forces de
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1 police régulière. Ceux qui étaient en tenue de camouflage à distinguer de
2 ceux se trouvant…, à distinguer des forces de combat régulières en tenue
3 de camouflage. La police était en tenue bleue et on la qualifiait comme
4 étant la "milicija".
5 Question: Et cette "milicija" existait après la démobilisation?
6 Réponse: Mais en particulier dans les zones protégées après la
7 démobilisation, la police en uniforme de camouflage s'est mélangée de plus
8 en plus avec les autres forces. Elles étaient difficiles à dissocier.
9 Question: Vous parlez de plusieurs endroits, notamment de Dvor et
10 Kostajnica. C'est dans quel pays?
11 Réponse: A ce moment-là, c'était dans une partie de la zone protégée à
12 l'intérieur de ce qui est aujourd'hui la Croatie.
13 Question: Et maintenant, on a vu Bosanska Dubica, Banja Luka, Prijedor,
14 Sanski Most. Et Kljuc se trouve où?
15 Réponse: De l'autre côté de la frontière, dans ce qui est aujourd'hui la
16 Bosnie-Herzégovine.
17 Question: Quelles sources avez-vous utilisées pour rédiger ce rapport? Je
18 vais demander à Mme l'Huissière de reposer la pièce précédente,
19 l'intercalaire 5.
20 Réponse: Un instant, s'il vous plaît.
21 (Intervention de l'huissière.)
22 Dans ce mémo, il y a un paragraphe qui fait référence à plusieurs autres
23 mémos antérieurs portant sur les mêmes sujets.
24 Vous posez une question à propos de nos sources, mais il y a,
25 effectivement, des sources utilisées dans d'autres rapports de même
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1 nature. Ceci découle du fait -je parle ici de ce mémo, en particulier- que
2 nous avions un flot et un flux de réfugiés qui arrivait dans le secteur,
3 ces gens cherchaient protection. Nous avons fourni cette protection et, ce
4 faisant, nous leur demandions pourquoi ils arrivaient là, d'où ils
5 venaient et ce qui avait causé leur fuite.
6 Ce mémo, en particulier, a été rédigé après que… je ne sais plus combien
7 de réfugiés c'étaient, mais après que plusieurs réfugiés n'aient cessé
8 d'arriver au cours de la nuit dans notre secteur. Notre police et moi-
9 même, nous avons interrogé ces personnes; et c'est ainsi que nous avons
10 rédigé ce résumé pour savoir d'où elles venaient, d'où elles prenaient la
11 fuite et pourquoi.
12 Question: Pourriez-vous nous donner une citation des sources primaires,
13 donc ce que vous ont dit ces réfugiés à propos du fait qu'ils avaient fui
14 et où ils allaient arriver?
15 Réponse: Ce ne sont pas les réfugiés qui ont fait ce rapport eux-mêmes, ce
16 sont nos gens, c'est notre personnel qui a parlé à ces réfugiés pour leur
17 demander comment ils étaient arrivés. Et tout ceci a été répercuté dans ce
18 rapport de synthèse.
19 Question: Et nous parlons de dizaines de personnes?
20 Réponse: Tout à fait.
21 Question: Pourriez-vous nous donner combien de personnes ont été
22 consultées avant d'établir un rapport de ce genre?
23 Réponse: Je ne serais pas surpris si ce n'était pas au moins 100
24 personnes. Je ne connais pas le chiffre exact mais je vous l'ai dit: toute
25 la journée, toute la nuit pratiquement nous avons parlé à ces gens.
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1 Question: Je vais demander qu'on place une autre pièce sur le
2 rétroprojecteur. C'est la pièce 378, intercalaire 8.
3 (Intervention de l'huissière.)
4 Dans l'intervalle, Monsieur le Témoin, le 6 juillet 1992, avez-vous reçu
5 une lettre de quelqu'un?
6 Je vais demander qu'on place la version serbe sur le rétroprojecteur et
7 qu'on remette au témoin le texte en anglais.
8 Réponse: Effectivement, je reconnais cette lettre. Je l'ai effectivement
9 reçue.
10 Question: Est-ce que la régie peut faire un plan rapproché, s'écarter afin
11 que nous voyions la totalité de la page?
12 Qui envoie cette lettre?
13 Réponse: Radomir Pasic, c'est le maire de Bosanski Novi.
14 Question: A-t-il signé la lettre en sa qualité de maire de Bosanski
15 Novi/Vonovi?
16 Réponse: Non.
17 Question: En quelle qualité l'a-t-il signée?
18 Réponse: Président de la cellule de crise.
19 Question: Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez
20 reçu cette lettre et quelle est sa teneur?
21 Réponse: Il était venu me voir dans mon bureau au cours d'une ou deux
22 réunions. Il se peut que cette lettre ait été reçue à l'occasion de notre
23 deuxième ou troisième réunion dans mon bureau.
24 Il essayait de nous convaincre, et moi en particulier, des raisons pour
25 lesquelles nous devrions être… de marquer notre accord à ce que ces 5.000
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1 réfugiés passent par le Secteur Nord.
2 Question: Il y a une copie de l'original sur le rétroprojecteur. Est-ce
3 que vous reconnaissez la signature de ce monsieur, ainsi que le sceau qui
4 est apposé à cette lettre?
5 Réponse: Il y a une signature et un sceau caché. C'était la première fois
6 que je voyais sa signature. Je ne sais rien d'autre que ceci: c'est-à-dire
7 que c'est un aspect officiel.
8 Question: Est-ce que, dans cette lettre, il est dit qu'un bon nombre de
9 personnes veut quitter Bosanski Novi? Apparemment, on affirme qu'ils ont
10 reçu tous les documents nécessaires à leur départ.
11 Réponse: Je cherche l'endroit où se trouvent ces termes en particulier. Je
12 ne vois pas ces mots précis.
13 Question: Eh bien, essayez -en vos propres termes- de nous résumer la
14 teneur de cette lettre que vous avez reçue.
15 Réponse: Au fond, ceci résume ce qui m'avait été rapporté oralement et ce
16 qui m'avait été expliqué de façon plus détaillée lorsqu'il s'était adressé
17 à nous, en nous expliquant pourquoi, à son avis, les gens partaient de
18 leur plein gré de Bosanski Novi, et qu'apparemment il avait commencé à
19 obtenir un accord avec ces gens afin qu'ils puissent partir de leur plein
20 gré.
21 Question: Est-ce qu'il donne le nom de cette entreprise de transport avec
22 laquelle il est convenu de transporter ces gens?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous indique-t-il également les dispositions prises afin que ces
25 bus, transportant ces soi-disant volontaires, soient pris?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Avec qui a-t-il pris ces dispositions?
3 Réponse: C'est l'entreprise "Kozaraprevoz" ou "Autoprevoz" de Dvor, ainsi
4 que des véhicules privés, mais aussi d'autres moyens de transport.
5 Question: Qui était censé escorter ces bus?
6 Réponse: Ce seraient "les ouvriers de la République de la Krajina serbe".
7 Question: Est-ce que le MUP, ministère de l'Intérieur, est mentionné
8 quelque part? J'attire votre attention sur deux paragraphes avant la fin.
9 Réponse: Oui, c'est là qu'on parle des "travailleurs de la République de
10 Krajina serbe". Donc on parle effectivement du MUP de la Krajina serbe.
11 Question: Je vous remercie, j'en ai terminé de cette pièce. Replaçons
12 l'intercalaire 5, le résumé.
13 Le 10 juillet, est-ce que l'adjoint au maire de Bosanski Novi et le maire
14 de Dvor ont de nouveau exigé que 5.000 Musulmans puissent quitter de leur
15 plein gré la région?
16 Réponse: Je pense que oui.
17 Question: Et le 18 juillet, avez-vous reçu une directive de votre
18 supérieur à propos des observations que vous avez faites, s'agissant de ce
19 qui se passait en Bosnie?
20 Réponse: Oui, j'ai reçu une directive de mes supérieurs de Zagreb. Je ne
21 devais pas m'impliquer dans ce qui se passait en Bosnie.
22 Question: Comment avez-vous réagi à cela?
23 Réponse: J'étais assez attristé, même si ce n'était pas quelque chose
24 d'inattendu. J'étais déçu parce que c'était, dans le fond, une façon de
25 voir nos rapports de façon bureaucratique. Nous, nous répondions à des
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1 gens en détresse qui venaient non pas de Bosnie-Herzégovine, mais de
2 l'endroit où nous avions toute légitimité d'être. Pourtant, mon QG, mes
3 supérieurs voyaient cela comme étant une implication, un "engagement" en
4 Bosnie-Herzégovine.
5 Ceci m'a fortement attristé et déçu et je leur ai dit clairement que nous
6 n'outrepassions pas notre mandat; qu'en fait, nous répondions à des gens
7 qui étaient dans le besoin, qui étaient poussés à venir dans l'endroit où
8 nous étions parce qu'il y avait le drapeau des Nations Unies qui flottait
9 au-dessus de l'endroit où nous étions. De ce fait, j'ai appelé mon
10 personnel et j'ai dit que nous n'allions pas cesser de répondre aux
11 besoins de ces gens ni cesser d'écrire des rapports. J'ai donné l'ordre de
12 dire à notre QG et au reste du monde pourquoi ces gens venaient et dans
13 quelles conditions ils arrivaient.
14 Question: Est-ce que vous avez continué de faire état de ce qui se passait
15 en Bosnie, dans la mesure où ceci avait une incidence sur votre travail?
16 Réponse: Oui.
17 Question: J'attire votre attention sur la fin du mois de juillet, sur le
18 23 en particulier. Est-ce que le Gouvernement de Croatie a accepté
19 d'accueillir 4.000 de ces réfugiés de Bosanski Novi?
20 Réponse: Oui, c'est vrai. Et je le répète: cet accord, il est parvenu
21 après beaucoup de temps où ils ont fait opposition, résistance à cette
22 idée-même.
23 Question: Que s'est-il passé après l'accord fourni par le Gouvernement de
24 Croatie permettant à ces gens d'entrer? Réponse: Il suffisait encore, à ce
25 moment-là, de veiller à ce que ces 4.000 personnes concernées par l'accord
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1 soient bien traitées et reçoivent tout le soutien dont elles avaient
2 besoin pour pouvoir sortir du secteur en toute sécurité et entrer dans la
3 partie de Croatie qui étaient limitrophe, mais qui se trouvait donc en
4 Croatie et se trouvait sous le contrôle officiel de la Croatie. Je pense
5 plus particulièrement à Karlovac.
6 Question: Est-ce que, en fait, ces 4.000 personnes ont quitté Bosanski
7 Novi, ont traversé le Secteur Nord pour aller en Croatie?
8 Réponse: Ce n'était pas 4.000; c'était plutôt de l'ordre de 9.000
9 personnes ou plus.
10 Question: Il se pouvait qu'à l'avenir, il y ait d'autres évacuations de ce
11 même genre dans le cadre de ce qu'on peut appeler "le nettoyage ethnique".
12 Etiez-vous d'accord avec cette idée?
13 Réponse: Non, non. Dès que ces questions ont été comprises clairement, que
14 ce soit au niveau de mon QG au CICR ou au Haut-Commissariat aux Réfugiés,
15 puisqu'il y avait eu ce passage de plus de 9.000 personnes, nous avons
16 essayé de leur faire comprendre que c'était un début et que, s'ils le
17 permettaient, cela allait devenir une véritable marée humaine. Et je suis
18 content, je suis satisfait de pouvoir vous dire qu'ils ont changé d'avis.
19 Je pense ici au CICR et au Haut-Commissariat aux Réfugiés; ils ont changé
20 d'avis, ils ont compris qu'effectivement, c'était un sujet pour lequel
21 nous devions nous engager.
22 Question: Examinez maintenant l'intercalaire 9 de la pièce 378. Je
23 demanderai que la première pièce soit placée sur le rétroprojecteur. Vous,
24 vous allez examiner la seconde.
25 (Intervention de l'huissière.)
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1 Je vais vous poser quelques questions à propos du rapport en général et
2 puis, des questions plus ciblées.
3 D'abord, examinons le sujet, la date et la question de savoir qui a rédigé
4 ce mémo.
5 Je vais vous demander d'abord si vous reconnaissez ce mémo?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Qu'est-ce qu'il représente?
8 Réponse: C'est un mémo de la main d'un de mes assistants, M. Paolo
9 Raffone, qui s'occupait des Affaires civiles dans mon bureau, qui me
10 faisait rapport. Il l'avait préparé aussi, et vous voyez que ceci a été
11 publié sous ma signature.
12 Question: On voit votre signature sur ce document?
13 Réponse: Oui.
14 Question: J'attire votre attention sur le premier paragraphe de la
15 deuxième page. Vous l'avez? Je vais vous demander d'en donner lecture.
16 Réponse: Je cite: "Il y a une stratégie délibérée consistant à nettoyer la
17 région des Musulmans; elle semble s'être intensifiée au début du mois de
18 mai 1992. Les maisons sont incendiées, il y a des déportations, des
19 exécutions sommaires, des coups tirés dans les maisons.
20 Tout ceci fait partie de la situation qui se présente actuellement dans
21 les villages et les villes se trouvant le long du nord de la frontière de
22 Bosnie-Herzégovine. Bosanski Novi, Bosanska Kostajnica et Bosanska Dupica.
23 Il est rapporté que la police ou les miliciens ne semblent pas intervenir.
24 Quelques maires et d'autres Serbes qui travaillent dans d'autres
25 "opstinas" auraient essayé d'aider les Musulmans à quitter leurs maisons
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1 en sécurité. A Bosanski Novi, la police militaire aurait son QG à l'hôtel
2 "Una". Des rapports nous parviennent de tortures brutales infligées dans
3 cet hôtel ". (Fin de citation.)
4 Question: Une fois de plus, seriez-vous en mesure de nous dire quelles
5 sont vos sources, de qui tenez-vous ces informations consignées dans ce
6 rapport?
7 Réponse: Il y avait ce flux de personnes, ces personnes qui affluaient
8 dans le secteur et qui étaient interrogées avant de pouvoir passer
9 ailleurs, en sécurité.
10 Question: J'en ai terminé de cette pièce. Je demande une fois de plus
11 qu'on replace l'intercalaire 5.
12 Monsieur Kirudja, j'attire maintenant votre attention sur d'autres zones
13 que celles de Bosanski Novi, et je vous poserai des questions plus
14 précises. Les zones qui m'intéressent maintenant sont: Prijedor, Bosanski
15 Novi, Kljuc, Dubica, Sanski Most et Banja Luka.
16 1er juin 1992: est-ce que M. Kupresanin, le maire de Banja Luka, a fait un
17 rapport ou a eu une discussion avec vous avec votre bureau en ce qui
18 concerne la situation des Musulmans dans ces municipalités?
19 Réponse: M. Raffone avait reçu un coup de fil.
20 Question: Et sur quoi portait-il?
21 Réponse: C'était un coup de fil qui a été reçu par M. Raffone, et ce
22 dernier a pris note de ce que lui disait le maire de Banja Luka. Pour
23 l'essentiel, le maire de Banja Luka lui a dit qu'il y avait déjà 15.000
24 réfugiés en train de quitter la région, et notamment les villes que vous
25 venez de citer: à savoir Bosanski Novi, Sanski Most, Prijedor, Kljuc et
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1 Bosanska Dubica; et qu'il y en aurait ensuite une autre vague de 15.000.
2 Il suppliait les Nations Unies et le HCR d'apporter de l'aide à toutes ces
3 personnes. C'était cela le sens de son appel.
4 Question: Monsieur Kupresanin, est-ce que vous savez quelle est son
5 appartenance ethnique?
6 Réponse: Non.
7 Question: J'aimerais maintenant appeler votre attention sur d'autres
8 municipalités telles Velika Kladusa, et Bosanska Krupa. Est-ce que ces
9 municipalités se trouvent également en Bosnie?
10 Réponse: Oui, Velika Kladusa. Et Bosanska Dubica?
11 Question: Non, Bosanska Krupa.
12 Réponse: Oui.
13 Question: Le 13 juin, est-ce que le maire serbe de Dvor vous a informé de
14 la présence de réfugiés? Je parle de la ville croate de Dvor?
15 Réponse: Quel jour?
16 Questions: Le 13 juin 1992.
17 Réponse: Oui, je trouve une mention de cela dans mes notes.
18 Question: J'aimerais vous demander de retrouver vos notes pour le 12 août
19 1992. La question que je vous pose à ce sujet est la suivante: une fois
20 que le premier groupe de réfugiés de Bosanski Novi composé de 9.000
21 personnes est passé par le Secteur Nord, est-ce que d'autres essais ont
22 été faits pour que des réfugiés supplémentaires, d'autres réfugiés,
23 passent également pas ce Secteur Nord?
24 Réponse: Le 12 août?
25 Question: Oui, le 12 août.
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1 Réponse: Oui, nous avions des craintes très importantes quant au fait que
2 ces 9.000 réfugiés risquaient de ne pas être les derniers réfugiés. Et la
3 rencontre tenue ce jour-là a confirmé ces terribles craintes.
4 Question: Le maire serbe de la ville, que j'ai cité tout à l'heure, vous
5 a-t-il lancé un avertissement ce jour-là?
6 Réponse: Oui, il est entré et a dit cette fois-ci qu'ils avaient besoin
7 que d'autres réfugiés fassent la même chose que ce qu'avaient fait les
8 9.000 précédents.
9 Question: A-t-il dit quoi que ce soit quant à ce qui se passerait s'il
10 était laissé à lui-même pour résoudre ce problème? Et j'appelle votre
11 attention sur le fait que, pendant la préparation de votre déposition, je
12 vous ai demandé de placer un autocollant vert sur le passage qui
13 m'intéresse en ce moment.
14 Réponse: Oui, c'était un avertissement en fait qui nous était lancé si
15 nous ne faisions pas ce qu'il demandait.
16 Question: Pourriez-vous nous lire une citation particulière à ce sujet?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Pouvez-vous la lire?
19 Réponse: Oui. J'ai écrit -je cite-: "Si la partie serbe n'est pas
20 respectée, il pourrait y avoir un nombre très important de morts des deux
21 côtés. Si on nous laisse régler le problème seul, nous le résoudrons très
22 rapidement. Par exemple, il y a 7.000 réfugiés serbes venus de Croatie à
23 Bosanski Novi, et personne dans le monde n'a condamné le sort vécu par ces
24 personnes". (Fin de citation.)
25 Question: Dans ce passage… à la fin du passage, il fait référence à des
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1 Serbes de Croatie qui sont devenus des réfugiés en raison des événements,
2 n'est-ce pas?
3 Réponse: Là-bas et à Bosanski Novi.
4 Question: Tout à fait. A la fin de juin 1992, avez-vous également obtenu
5 des rapports faisant état d'expulsions ou de harcèlement de Croates par
6 les autorités serbes et des personnes en armes dans le Secteur Nord?
7 Réponse: Oui.
8 Question: De quoi s'agit-il, précisément?
9 Réponse: Il s'agit d'un groupe de cinq Croates, si je ne m'abuse, qui ont
10 été expulsés par la force hors de leurs maisons. Ces maisons se trouvaient
11 quelque part au sud de Korenica et ces personnes ont été chassées vers le
12 Secteur Nord. Et nous avons dû leur trouver un hôtel à Slunj.
13 Question: Le 21 juillet 1992, avez-vous informé vos supérieurs de la
14 présence de 10.000 réfugiés non serbes provenant de la région de Bihac en
15 Bosnie?
16 Réponse: Nous avons fait allusion à des rapports qui nous indiquaient ce
17 genre de chose.
18 Question: Le 12 août 1992, est-ce qu'une exigence a été faite aux Serbes?
19 Le 12 août 1992, est-ce que les Nations Unies ont reçu des exigences en
20 rapport avec des réfugiés?
21 Réponse: Cela s'est passé dans le cadre de la réunion dont je viens de
22 parler, celle de Bosanski Novi. On avait reçu une liste de réfugiés
23 éventuels provenant d'un certain nombre d'endroits et le chiffre de 500 a
24 été donné concernant le total de réfugiés.
25 Question: Dans la deuxième semaine du mois d'août, avez-vous obtenu une
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1 estimation du nombre de réfugiés non serbes qui cherchaient à quitter la
2 Bosnie en passant par le Secteur Nord?
3 Réponse: Oui. Lorsqu'ils ont pensé à une deuxième vague d'évacuation qui
4 pourrait traverser le Secteur Nord, le premier chiffre était celui de
5 5.000. A la fin de cette période, le nombre en question avait crû pour
6 atteindre 28.000.
7 Question: Jusqu'à ce moment-là, toutes les communications que vous aviez
8 reçues s'agissant de l'évacuation de ces personnes provenaient toutes des
9 maires serbes ou de responsables serbes, n'est-ce pas?
10 Réponse: Au début du processus, il s'agissait de responsables serbes, mais
11 immédiatement, nous avons dû informer la partie croate de tout cela parce
12 que les réfugiés devaient passer par le secteur qui était aux mains de la
13 partie croate. Donc nous avons, au départ, traité de la question avec les
14 Serbes et, à la fin, avec les Croates, mais avec des allers-retours entre
15 les deux groupes.
16 Question: Ce que je vous demande, c'est si, jusqu'à ce moment-là, les
17 rencontres et les appels téléphoniques, ainsi que les courriers envoyés,
18 provenaient tous de Serbes, et est-ce que vous avez eu une réunion à
19 laquelle assistaient des Musulmans avant le mois d'août?
20 Réponse: Oui. Au cours d'une réunion, M. Pasic et son groupe m'avaient
21 demandé parce qu'ils étaient venus accompagnés de deux Musulmans qui
22 voulaient me parler de toute cette question. En dehors de cela, personne
23 d'autre n'avait été impliqué.
24 Question: Et la réunion du 19 août 1992, de quoi a-t-elle… est-ce qu'elle
25 s'est tenue ce jour-là?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Donc avant le 19 août, aucun Musulman n'était jamais venu dans
3 votre bureau pour vous demander de partir volontairement?
4 Réponse: Non, et d'ailleurs pas davantage après. Ils sont venus en
5 compagnie du groupe de Serbes.
6 Question: Avant cette réunion, vous estimez qu'au moins 28.000 personnes
7 s'étaient transformées en réfugiés?
8 Réponse: Non. Les 28.000 personnes, c'était le chiffre qui avait été cité
9 lorsqu'il avait été question d'une nouvelle série de réfugiés après les
10 9.000 premiers.
11 Question: J'aimerais vous interroger au sujet de cette rencontre. Pouvez-
12 vous nous dire, avec quelques détails, qui a participé à la réunion du 19
13 août?
14 Réponse: Le 19 août, j'ai reçu M. Vrkes, Vlado Vrkes, qui portait le titre
15 de président du SDS de Sanski Most; M. Majkic, Dragan Majkic, qui
16 représentait la "milicija", la police de Sanski Most; Monsieur Islamcevic
17 Besim, Islamcevic, représentant des Musulmans et des Croates qui
18 souhaitait quitter Sanski Most; la personne dont j'ai parlé tout à
19 l'heure, comme l'une des deux personnes musulmanes participant à cette
20 réunion; M. Hasanovic, Esad Hasanovic, représentant des réfugiés musulmans
21 de Bosanska Krupa qui étaient désormais à Sanski Most; et, bien sûr, il y
22 avait également les représentants du HCR lors de cette rencontre dans mon
23 bureau.
24 Question: Au cours de cette réunion, est-ce qu'on vous a demandé
25 d'apporter votre aide à l'évacuation d'un certain nombre de non-Serbes qui
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1 quittait certaines municipalités bien précises?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Je vous demanderai de nous dire de quelles municipalités il
4 s'agissait, ainsi que du nombre de personnes que vous deviez aider à
5 évacuer.
6 Réponse: Le nombre se divise en deux, mais on m'a dit qu'au total, on
7 s'attendait à ce que 11.000 personnes demandent à quitter Sanski Most.
8 Pour Bosanska Krupa, 600 demandes étaient faites, et pour Prijedor 8.000.
9 Question: Est-ce qu'on vous a donné quelque chose lors de cette réunion?
10 Réponse: Oui. A ma grande surprise, on m'a fourni une liste d'ordinateur
11 qui se présentait comme les listings des anciens ordinateurs, c'est-à-dire
12 un listing continu, donc à la fin, on plie ce listing; et on y trouvait la
13 liste des noms des personnes qui demandaient à partir avec toutes sortes
14 de détails. Et puisque je n'ai pas de copie de ce listing dans mon
15 rapport, je travaille actuellement en m'appuyant sur ma mémoire. Mais, en
16 tout cas, je me souviens que tout cela était fort bien imprimé et qu'il y
17 avait toutes sortes de détails en dehors des noms.
18 Nous avons passé ces noms en revue et il y en avait au moins 7.700.
19 Question: Est-ce que ceci vous a été donné parce qu'on vous disait que
20 c'étaient les gens qu'il fallait que vous aidiez à faire partir de Bosnie?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Quelle a été votre réaction lorsque vous avez reçu cette liste?
23 Réponse: J'étais tout à fait choqué. Nous avions déjà discuté de tout
24 cela. Nous avions déjà dit quelle était notre incrédulité par rapport à la
25 volonté réelle de toutes ces personnes de quitter leurs domiciles. Et
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1 apparemment, cela n'avait pas fait le moindre effet à nos interlocuteurs.
2 Et maintenant, on voyait qu'ils avaient élaboré avec le plus grand soin
3 ces listes.
4 Je dois dire que, lorsque je me rappelle ce qui s'est passé au cours de la
5 Deuxième Guerre mondiale, dans les diverses tentatives de déplacer les
6 gens et à quel point tout cela était fait méticuleusement, c'est l'une des
7 raisons pour laquelle moi-même et les gens qui travaillaient avec moi ont
8 eu du mal à raconter tout cela sans parler de la directive que j'avais
9 reçue de mon QG me demandant de ne pas participer à ce genre de chose.
10 Je parle de la directive reçue dans mon bureau à l'UNPA et pas en Bosnie.
11 Question: Vous êtes-vous fait une opinion quant au niveau d'organisation
12 qui existait parmi les Serbes et les Croates, donc des deux côtés de la
13 frontière et du côté bosniaque?
14 Réponse: Une impression?
15 Question: Oui. Je vous demande votre impression. Lorsque vous avez reçu
16 cette liste, est-ce que vous vous êtes fait une impression quant au niveau
17 élevé ou pas d'organisation qui existait parmi les dirigeants serbes ou du
18 côté croate ou parmi les dirigeants serbes du côté bosniaque?
19 Réponse: En fait, je me suis fait une opinion assez mitigée. D'une part,
20 même si on me disait que tout cela était mauvais, il m'apparaissait
21 malheureusement qu'une certaine naïveté -c'est le mot que j'utiliserai-
22 présidait à tout cela. Ils ne semblaient pas se rendre compte de la
23 perversion de tout cela; il y avait une espèce de naïveté, un certain
24 refus à comprendre ce qui se passait, d'un certain côté. Et, par ailleurs,
25 il semblait y avoir détermination à préparer tout cela et notre accord
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1 était demandé en permanence.
2 Question: Passons maintenant à septembre 1992. Est-ce que des réfugiés
3 bosniaques ont continué à arriver vers le Secteur Nord de façon régulière?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Avant de conclure cette partie de votre déposition, j'ai oublié
6 de vous poser une question au sujet de la lettre du maire de Bosanski
7 Novi, M. Pasic. Et j'aimerais vous soumettre donc une pièce à conviction,
8 cette même pièce vue tout à l'heure. Est-ce qu'il a signé en tant que
9 maire de Bosanski Novi la lettre en question?
10 Réponse: Non.
11 Question: Vous rappelez-vous de quelle façon il a signé?
12 Réponse: Président de la cellule de crise, si je ne m'abuse.
13 Question: Aviez-vous jamais entendu parler de cette instance précédemment?
14 Réponse: Non.
15 Question: Je vous interroge maintenant au sujet de la pièce à conviction
16 de l'accusation 378, intercalaire 10, dont je demanderai qu'elle soit
17 placée sur le rétroprojecteur.
18 Il y a une correction que j'aimerais souligner à l'intention de la
19 Chambre, cela se trouve en pages 26 et 27 de la pièce de l'accusation 336,
20 à savoir l'atlas, où on voit une copie d'un certain nombre de pages. La
21 numérotation n'est pas exacte, il s'agit des pages 26 et 27.
22 Monsieur Kirudja, est-ce que vous reconnaissez ce que l'on voit sur cette
23 carte?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Je demanderai à la régie de faire un zoom arrière afin que nous
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1 voyions bien les deux municipalités en haut de cette page. Encore un peu,
2 très bien merci.
3 Monsieur Kirudja, est-ce que je vous ai demandé d'apposer un certain
4 nombre d'annotations sur cette carte?
5 Réponse: Oui.
6 Question: J'aimerais vous demander de nous expliquer quelles sont ces
7 annotations et de nous dire, en quelques mots, ce qu'elles indiquent.
8 J'attire votre attention sur le fait que nous sommes au niveau de la
9 frontière internationale de la Bosnie, donc frontière reconnue
10 internationalement.
11 Comme vous le voyez, on a un certain nombre de zones annotées et on
12 pénètre à l'intérieur de la Bosnie. Nous sommes partis de l'extérieur,
13 donc de l'extérieur de la frontière et le flot de réfugiés s'est dirigé
14 vers le Secteur Nord en passant par cette zone?
15 Monsieur Kirudja, est-ce que je suis en droit de dire que Dvor est la
16 seule municipalité croate que vous avez encerclée sur cette carte?
17 Réponse: Exactement.
18 Question: Très bien. Pourriez-vous, en partant de la gauche et en allant
19 vers la droite, nous dire quelles sont les localités qu'on trouve et ce
20 qu'indiquent vos annotations?
21 Réponse: On a ici la ville de Bihac. Et nous avons inscrit une estimation
22 de 10.000 réfugiés à cet endroit, arrivant, traversant Bihac.
23 Bosanska Krupa, le chiffre estimé de 600 qui m'avait été donné dans mon
24 bureau et que j'ai mentionné tout à l'heure lors de la réunion du 19 août
25 est indiqué.
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1 Ensuite, Sanski Most, estimation de 11.000, toujours dans la réunion…, au
2 cours de la réunion dans mon bureau.
3 Il y en avait qui devaient venir de Klijuc, mais je ne me souviens plus
4 quel était le nombre estimait de ces réfugiés.
5 Puis Banja Luka, là c'est le coup de fil dont j'ai parlé, qui a été reçu
6 par mon adjoint, avec l'avertissement lancé par le maire qui parlait de
7 15.000 réfugiés existants et de 15.000 réfugiés encore à venir.
8 Et puis Prijedor, où le nombre de 8.000 a été cité dans mon bureau comme
9 nombre potentiel de réfugiés.
10 Puis Bosanska Kostajnica. Encore une fois, nous sommes donc à la frontière
11 et on nous a dit que le nombre estimé de réfugiés était de 500.
12 Puis, une autre ville frontalière: Bosanska Dubica, où nous avions
13 également été informés qu'un certain nombre de réfugiés allaient quitter
14 la ville.
15 J'ai encerclé un autre élément dans le mémorandum dont nous avons parlé il
16 y a quelques minutes. J'ai mentionné un certain nombre d'endroits où on
17 nous avait dit qu'il y avait des réfugiés. Et Omarska est l'un des
18 endroits que j'ai encerclés sur la carte.
19 Question: Merci. Nous en avons fini avec cette pièce.
20 Monsieur Kirudja, ne parlons plus des estimations concernant le nombre des
21 personnes évacuées, mais je souhaite vous ramener à ce que vous disiez au
22 sujet du maire de Vrgin Most, M. Obradovic. Vous nous en avez déjà parlé
23 dans votre témoignage. Pourriez-vous nous dire ce qui lui est arrivé?
24 Réponse: Monsieur Obradovic, un matin, je me souviens que c'était un
25 samedi aux environs de 9 heures, a été tué sur une partie de la route qui
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1 va de Vrgin Most à Topusko, dans une région boisée. Il a été victime d'une
2 embuscade et a reçu…, a été abattu de plusieurs coups de feu.
3 Question: Vous êtes-vous rendu sur la scène de ces coups de feu, ce jour-
4 là?
5 Réponse: Oui. Une heure plus tard à peu près, je me trouvais sur place.
6 L'endroit n'était pas loin de celui où je me trouvais auparavant.
7 Question: Avez-vous essayé de transporter son corps dans un hôpital plus
8 important?
9 Réponse: Je suis allé sur les lieux du crime et il n'est pas mort sur
10 place, il avait été évacué vers un hôpital de la région. On essayait de
11 sauver sa vie, mais il lui fallait des installations plus importantes.
12 C'est ainsi qu'il a trouvé la mort.
13 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui lui est arrivé? Quel était son
14 rapport avec les négociations?
15 Réponse: Nous avons dit qu'il nous serait plus facile de l'évacuer à
16 l'aide de nos hélicoptères s'ils l'emmenaient jusqu'à Zagreb qui n'était
17 pas très loin de l'endroit où nous trouvions, mais notre demande a été
18 rejetée.
19 Question: Qu'est-il arrivé à M. Obradovic?
20 Réponse: Ils ont rejeté notre requête car ils voulaient l'emmener à
21 Belgrade qui se trouvait beaucoup plus loin. Et avant que nous ayons pu
22 nous entendre sur ce point, M. Obradovic, malheureusement, est mort aux
23 environs de 2 heures.
24 Question: Y a-t-il eu enquête sur les circonstances entourant la mort du
25 maire Obradovic?
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1 Réponse: Oui. Immédiatement après, alors qu'il était à l'hôpital entre la
2 vie et la mort, un certain nombre de barrages routiers ont été dressés
3 dans la zone opérationnelle de Kordun. Donc les unités militaires de
4 Kordun et de Cedo Bulat, ainsi que la police avec Djuro Skaljac, tout le
5 monde a essayé d'apprendre qui étaient les personnes qui s'étaient
6 infiltrées du côté croate. Et on m'a dit tout de suite que des Croates
7 s'étaient infiltrés parmi eux, dans leurs rangs.
8 Question: Avez-vous pensé qu'Obradovic avait réellement été tué par des
9 personnes infiltrées en provenance de Croatie?
10 Réponse: Pas vraiment. Il y avait de nombreuses raisons qui me
11 permettaient de douter de cette existence de personnes infiltrées en
12 provenance de Croatie. Non pas que cela n'ait jamais existé, il y en avait
13 eu auparavant; mais ce n'était pas le cas cette fois-ci.
14 Question: Pourquoi?
15 Réponse: Cette fois-ci, il y avait un certain nombre de choses assez
16 bizarres qui s'étaient passées. J'ai déjà parlé de l'hôpital avec la
17 présence uniquement d'un ou deux responsables. Celui qui était le plus
18 important était Mile Paspalj; il est arrivé avec un fusil qu'il portait
19 pour la première fois. Et pendant que je leur parlais, il était clair
20 qu'ils s'inquiétaient beaucoup plus de ce qui se passait dans leurs rangs
21 qu'à l'extérieur.
22 Question: Qui, à votre avis, est responsable de la mort de M. Obradovic?
23 Réponse: Je n'en suis pas sûr, je n'en étais pas sûr et je n'avais guère
24 de moyens de le découvrir, malgré les très bonnes sources d'information
25 dont je disposais, mais je ne pouvais pas avoir de nombreux détails sur un
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1 événement aussi important que cela. Personne, en fait, n'a osé me parler
2 dans le détail, à ce moment-là.
3 Et puis, deuxième chose: s'ils croyaient vraiment en l'existence de ces
4 infiltrés en provenance de Croatie, je n'ai jamais eu le fin mot de
5 l'histoire; parce qu'ils en auraient parlé à la partie croate, si tel
6 avait réellement été le cas. Donc l'histoire au sujet de ces personnes
7 infiltrées en provenance de Croatie a été discutée un jour et a fait long
8 feu très rapidement.
9 Au total, il était tout à fait clair que la terreur régnait parmi les
10 Serbes, y compris dans le secteur, s'agissant de cette mort.
11 Question: Pouvez-vous nous dire à l'intention des Juges, en quelques mots,
12 quelles étaient les orientations politiques de M. Obradovic?
13 Réponse: Monsieur Obradovic était un homme tranquille par rapport aux
14 autres maires qui étaient habitués à parler beaucoup et à tenir des propos
15 assez nationalistes, notamment le fait que tous les Serbes devaient vivre
16 dans un seul et même pays. Donc lui, c'était un homme assez tranquille; il
17 interprétait le plan Vance de façon précise, comme le plan devait être
18 interprété. Et il semblait accepter qu'il était, avec le chef de la
19 police, la seule autorité compétente. En bref, il y avait un air
20 d'indépendance tranquille, quand on le regardait; et il accomplissait son
21 travail dans ce sens-là.
22 Question: Pouvez-vous nous dire quelle a été la conséquence de sa mort,
23 parmi les autres dirigeants politiques serbes du secteur?
24 Réponse: Cela a jeté un froid tout à fait considérable. Peu de temps
25 après, plusieurs de ces dirigeants ont quitté leurs fonctions et de
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1 nouveaux maires ont fait leur apparition. A Vojnic, un nouveau maire est
2 apparu. Et à part ce froid, donc, il y a eu les changements parmi les
3 maires.
4 Question: Donc un certain nombre de maires ont été remplacés?
5 Réponse: Oui, notamment dans ces deux endroits, Dvor et Vojnic.
6 Question: Pouvez-vous… Ou plutôt, la semaine dernière, vous nous avez
7 parlé des niveaux les plus élevés du gouvernement local et des signataires
8 du plan Vance. Mais, en tout cas au niveau local, le niveau le plus élevé
9 était bien le niveau municipal, n'est-ce pas?
10 Réponse: Reconnu par le plan Vance.
11 Question: Reconnu par le plan Vance?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Le meurtre d'Obradovic a provoqué un certain nombre de
14 modifications dans le rôle joué par Knin par rapport au fonctionnement des
15 autorités locales au niveau municipal, n'est-ce pas?
16 Réponse: Je souligne que le rôle de Knin s'était intensifié peu de temps
17 après notre arrivée en avril ou en mai, je ne me souviens plus exactement
18 de la date. Le rôle de Knin est devenu plus important parce que les maires
19 et les responsables ont donné plus d'importance à Knin à partir de ce
20 moment-là.
21 M. Groome (interprétation): Et d'après ce que vous avez dit…
22 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, quelle est la date
23 de l'assassinat du maire? Est-ce que vous avez une idée?
24 M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous donner
25 une estimation, ou en trouver une dans votre carnet, s'agissant de la date
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1 de cet assassinat?
2 M. Kirudja (interprétation): Je ne m'en souviens pas exactement, mais
3 c'était un samedi matin.
4 M. le Président (interprétation): En temps utile, le témoin pourra nous
5 rappeler cette date.
6 M. Kirudja (interprétation): Je pourrai vous la donner plus tard.
7 M. Groome (interprétation): Pendant l'une des pauses, je vous demandai de
8 revoir vos notes et de nous donner cette date.
9 M. Kirudja (interprétation): Oui.
10 Question: En avril 1993, avez-vous eu connaissance d'une incursion en
11 provenance de la République serbe de Krajina en direction de la Bosnie?
12 Réponse: En avril?
13 Question: Avril 1993.
14 Réponse: Vous parlez de l'incursion en Bosnie?
15 Question: Oui.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Pouvez-vous nous dire quels sont les hommes qui sont entrés en
18 Bosnie?
19 Réponse: A la frontière internationale, dont j'ai déjà parlé, il y a une
20 bande de territoires qui s'étend de la ville de Velika Kladusa à Bihac.
21 Cette bande de territoires était très perturbée, nous avions des
22 observateurs militaires des deux côtés, aussi bien à Velika Kladusa qu'à
23 Bihac. Les Serbes ont fait une incursion en traversant cette zone de
24 Velika Kladusa après trois heures de bombardements d'artillerie.
25 Question: J'aimerais vous interroger au sujet de M. Fikret Abdic. Savez-
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1 vous qui est cet homme? Avez-vous eu l'occasion de le rencontrer?
2 Réponse: Oui je connaissais M. Abdic et je l'ai rencontré très souvent,
3 plusieurs fois. Il était basé à Velika Kladusa et nous avions un certain
4 nombre de questions militaires et humanitaires à discuter avec lui.
5 Question: Pouvez-vous décrire rapidement, à l'intention des Juges, cet
6 homme?
7 Réponse: D'abord, d'une part c'était un responsable politique, membre de
8 la présidence de Sarajevo, qui avait gagné les élections. Il ne manquait
9 pas de nous le rappeler chaque fois qu'il nous voyait. En d'autres termes,
10 c'était un responsable politique membre de la présidence. Et par ailleurs,
11 il était également un homme d'affaires chef de l'une des plus grands
12 entreprises agricoles, agronomiques, connue sous le nom de "Agrokomerc" et
13 basée à Bihac.
14 Question: Est-ce qu'il vous a jamais parlé d'un accord conclu entre lui et
15 Milosevic?
16 Réponse: Oui. Et là encore, nous étions en train de parler des incursions.
17 Normalement, nous aurions dû -selon l'ordre du jour- parler des
18 incursions, de différents cessez-le-feu. Il a laissé l'ordre de jour de
19 côté et a commencé à nous parler de ce qu'il a appelé "la déclaration de
20 Belgrade".
21 Question: Vous a-t-il dit quand a été conclue cette déclaration de
22 Belgrade?
23 Réponse: Je crois que c'était le 22 octobre.
24 Question: Je vous demanderai d'ouvrir vos notes à cette page.
25 Réponse: Oui, il l'a rencontré le 26 octobre à Maljevac.
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1 Question: Vous a-t-il décrit quels avaient été les accords obtenus avec le
2 Président Milosevic?
3 Réponse: Eh bien, avant de répondre, je dois vous expliquer ce qui s'est
4 passé avant. Nous avons essayé de résoudre des incursions en région
5 frontalière de la part de Serbes et de Musulmans. D'autre part, lorsqu'il
6 a parlé de "la déclaration de Belgrade", il y avait une raison de ce
7 faire; il avait cru qu'en effet c'était une bonne formule pour résoudre
8 tout conflit entre Musulmans et Serbes, et cela devait servir d'exemple
9 pour les raisons pour lesquelles nous avions parlé de ce cessez-le-feu. Il
10 a dit qu'après "la déclaration de Belgrade", il avait été mis en place des
11 conditions pour ce qui est de résoudre le problème de ce que l'on appelait
12 "la Bosanska Krajina militaire". C'est ce qui nous a menés là aujourd'hui.
13 Cela devait permettre d'entamer le processus avec une certaine confiance
14 parce qu'il avait été signé dans le passé bon nombre de documents, mais
15 malheureusement aucun d'entre eux n'avaient été appliqués. Donc j'étais
16 complètement disposé à respecter la déclaration, j'entends "la déclaration
17 de Belgrade".
18 Question: Mais vous a-t-il dit que de cette "déclaration de Belgrade"
19 était un document qu'il avait personnellement signé?
20 Réponse: Deux choses découlent de mes notes. Il a dit que "la déclaration
21 commençait à être appliquée à partir de ce moment-là". Et en même temps,
22 je tiens à préciser que j'avais relevé les éléments dudit accord mais je
23 n'ai pas obtenu les détails directement de la bouche de M. Fikret Abdic
24 mais de son assistant. Je dirai que M. Abdic avait mentionné, partant de
25 mes notes, la chose suivante: il a dit qu'il allait avoir une réunion avec
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1 M. Karadzic qui s'était entretenu ce jour-là au téléphone avec M.
2 Milosevic et il a promis de contacter Karadzic à cet effet." Fin de
3 lecture.
4 Donc le cadre général de sa déclaration, si j'ai bien compris, avait aussi
5 englobé un accord avec M. Tudjman. En réalité, cela devait illustrer les
6 vues d'ensemble de M. Fikret Abdic, et il en avait discuté avec les
7 représentants des Nations Unies. Je crois pouvoir résumer la chose de
8 façon suivante: à savoir si lui, M. Abdic, venait à être chargé de toutes
9 ces questions, il pourrait mettre un terme au combat entre les Musulmans
10 et les Croates parce qu'il était en mesure d'aboutir à un accord avec M.
11 Milosevic et M. Karadzic du côté serbe, ainsi qu'avec M. Tudjman du côté
12 croate. Il était en mesure de s'ériger en qualité de représentant des
13 Musulmans. Pour illustrer la chose il avait créé une Province autonome de
14 la Bosnie occidentale pour illustrer la vision qu'il avait des choses.
15 Question: Pour être tout à fait certain d'avoir compris ce que vous venez
16 de nous dire, je voudrais vous demander si, à cette réunion avec M. Abdic,
17 il a été dit qu'il y avait eu un accord entre lui et M. Milosevic avec
18 l'approbation de M. Tudjman, et ce même jour, M. Milosevic était censé
19 appeler Fikret Abdic?
20 Réponse: Il devait l'appeler.
21 Question: Et il devait également arranger une visite de M. Karadzic à
22 Bihac pour prendre part à la chose?
23 Réponse: Et il devait également être partie prenante à cet accord.
24 Question: Vous avez dit que, par la suite, vous avez eu connaissance des
25 détails de cet accord entre M. Milosevic et M. Abdic, et vous avez entendu
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1 cela de la bouche de l'adjoint de M. Abdic. Y a-t-il eu là des détails que
2 vous n'avez pas décrit et que vous pourriez nous citer à présent?
3 Réponse: Non, je vous ai situé le cadre de cet accord tel que je l'ai
4 compris.
5 Question: Oui, mais est-ce que, par la suite, il a y eu un certain niveau
6 de coopération entre le colonel Bulat et M. Fikret Adbdic?
7 Réponse: Oui, en effet, cela s'est passé avant et après cela. En réalité,
8 il y a eu une très importante collaboration entre M. Cedo Bulat et Fikret
9 Abdic dans le secteur de Kordun, ainsi qu'avec M. Tarbuk du côté de la
10 Banja.
11 J'ai déjà mentionné auparavant que la raison de la réunion avait été
12 l'incursion des Serbes de Bosnie dans la Krajina militaire de Bosnie, et
13 c'est la raison pour laquelle il y a eu dissension. La collaboration en
14 question était censée aider Fikret Abdic, aussi ironique que cela puisse
15 le paraître, à combattre le 5e Corps d'armée musulman de Bihac, et cela
16 lui faisait obtenir une assistance militaire de la part de Cedo Bulat et
17 de Tarbuk à ce sujet.
18 Question: Mais, à votre avis, est-ce qu'il y a eu, à ce moment-là, un
19 cessez-le-feu qui s'est installé dans la région?
20 Réponse: Il y a eu mieux qu'un cessez-le-feu; ils avaient convenu de se
21 retirer de ce secteur de Bosnie où les Serbes étaient entrés.
22 Question: Vous nous avez dit qu'il y avait eu un accord entre M. Milosevic
23 et M. Abdic avec l'approbation. Mais ce que je voulais vous demander,
24 c'est s'il a été fait mention du Gouvernement fédéral de Yougoslavie qui
25 aurait pris part à l'élaboration de cet accord, ou est-ce qu'ils auraient
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1 signé, eux, un accord avec M. Abdic?
2 Réponse: Je n'ai… Il est évident que, partant de votre dernier
3 commentaire, vous êtes en train de parler de "la déclaration de Belgrade".
4 Mais nous ne sommes pas en train de parler de "la déclaration de
5 Belgrade", j'étais en train de parler d'un accord parallèlement réalisé
6 dans le secteur appelé "secteur militaire" ou la "Krajina militaire de
7 Bosnie". Donc cela n'a rien à voir avec Belgrade.
8 Question: Mais le document de Belgrade que vous avez mentionné, est-ce que
9 c'est un document qui a conduit à une cessation des hostilités?
10 Réponse: Je ne sais pas si cela a joué un rôle direct. Il y a eu autre
11 chose qui a aidé à faire cesser les hostilités au niveau local, mais cela
12 n'a rien à voir avec "la déclaration de Belgrade".
13 Question: Est-ce que vous pouvez nous donner une description plus précise?
14 Réponse: Il s'agit d'un effort concerté entre les Nations Unies et le côté
15 serbe, ainsi que Fikret Abdic, pour qu'il y ait désarmement. Les Serbes
16 eux-mêmes ont reconnu qu'il a été fait une erreur et qu'il fallait s'en
17 sortir.
18 Question: Revenons maintenant à "la déclaration de Belgrade". Est-ce que
19 le Gouvernement fédéral de Yougoslavie a pris part à l'élaboration de cet
20 accort avec Abdic?
21 Réponse: Abdic lui-même l'a dit clairement: il avait besoin d'une province
22 autonome de Bosnie occidentale, et il a dit qu'il était lui-même capable
23 de prendre soin de la région.
24 Question: Oui, mais je ne suis pas en train de parler du Gouvernement
25 fédéral ou du Gouvernement bosnien, je parle de la Yougoslavie même.
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1 Réponse: Oui, j'ai compris. La réponse qu'il a faite a été la suivante: il
2 avait besoin d'une approbation de Belgrade pour pouvoir mettre en place
3 une province autonome de Bosnie occidentale. Il avait déjà obtenu l'accord
4 de la bouche de Tudjman. Il lui fallait une approbation ou il oeuvrait en
5 faveur de l'obtention d'une approbation de la part de Karadzic et de
6 Belgrade.
7 Question: Quand avez-vous mis un terme à votre mission dans le Secteur
8 Nord?
9 Réponse: Au bout de deux ans, il était normal de mettre un terme au mandat
10 et cela tombait vers 1994.
11 Question: Est-ce que vous avez été transféré vers Belgrade pour prendre en
12 charge d'autres responsabilités au sein des Nations Unies?
13 Réponse: Oui. Peu de temps après, j'ai fait quelque temps à Zagreb au
14 niveau du bureau du chef de bureau chargé des affaires civiles.
15 Question: Et quel avait été votre titre?
16 Réponse: J'étais conseiller ou représentant spécial du secrétaire général,
17 donc collaborateur direct de M. Akashi.
18 Question: Quand est-ce que vous avez commencé à exercer vos fonctions là-
19 bas?
20 Réponse: Oh! Probablement vers le mois d'août 1994.
21 Question: Pouvez-vous nous donner une brève description de vos tâches à
22 l'époque?
23 Réponse: Une partie de ces responsabilités consistaient à aider dans les
24 communications diplomatiques entre le QG de la Forpronu et le QG de M.
25 Akashi, ainsi que le Gouvernement de Belgrade. Donc cette mission
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1 comportait une composante diplomatique très importante.
2 Question: Pouvez-vous nous donner une description, à l'intention de la
3 Chambre: quelle avait été la procédure que M. Akashi vous avait demandé de
4 suivre lorsqu'il s'agit des autorités yougoslaves? Et pouvez-vous nous
5 dire comment vous en êtes arrivé à rencontrer les gens que vous avez
6 rencontrés?
7 Réponse: C'était une procédure bien établie. Il y avait une commission
8 chargée des relations avec la Forpronu. Cela faisait partie du ministère
9 des Affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie. A cette
10 époque, le ministre des Affaires étrangères était M. Jovanovic.
11 Et ce comité ou cette commission avait un secrétaire qui répondait au nom
12 de M. Pesut. Et si M. Akashi, M. de Mello ou quiconque d'autre souhaitait
13 établir un contact diplomatique, on prenait rendez-vous et j'étais chargé
14 d'informer M. Pesut, secrétaire de cette commission, pour lui dire que
15 telle réunion était demandée pour telle raison. Et c'est lui qui prenait
16 contact avec les personnes en question et qui fixait rendez-vous.
17 Question: Est-ce que c'est M. Jovanovic qui déterminait les personnes que
18 vous alliez rencontrer en fonction des questions soulevées?
19 Réponse: Rarement. Et, quoique j'aie eu le plaisir et l'opportunité de
20 rencontrer M. Jovanovic, cela n'était pas nécessaire. Il suffisait que M.
21 Pesut transmette lui-même les requêtes ou les demandes de rencontre. Et,
22 dans le cas où il s'agissait d'une rencontre avec le Président de Serbie,
23 c'était à l'époque M. Milosevic.
24 Question: Combien de rencontres avez-vous eues avec M. Milosevic?
25 Réponse: Je crois qu'il y en a eu six.
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1 Question: Pouvez-vous nous citer les thèmes dont vous avez discuté?
2 Réponse: Les réunions avaient habituellement été demandées par M. Akashi,
3 et ces réunions couvraient tout un éventail de questions dont traitait la
4 Forpronu, indépendamment du fait de savoir qu'il s'agisse de la Bosnie, de
5 la République de Krajina serbe ou des zones protégées par les Nations
6 Unies, voire de questions plus concrètes qui avaient quelque chose à voir
7 avec la problématique afférente au territoire de l'ex-Yougoslavie, ce qui
8 sous-entend la Serbie et le Monténégro également.
9 Il était question de la presqu'île de Prevlaka au Monténégro, de la
10 Résolution 781 qui avait trait à une interdiction de survoler certains
11 territoires de l'ex-Yougoslavie et qui consistaient en un monitoring de
12 certains territoires.
13 Question: Comment pourriez-vous caractériser les relations avec M.
14 Milosevic?
15 Réponse: Cela était très professionnel. Je tiens à préciser qu'il a été
16 toujours très courtois, très poli et que nous avons obtenu de sa part des
17 réactions toujours faites en temps utile.
18 Nous obtenions des réponses telles que souhaitées par M. Akashi. En
19 d'autres termes, il n'y a jamais eu de cas où une requête de M. Akashi
20 aurait été rejetée.
21 Question: Je voudrais attirer votre attention sur plusieurs de ces
22 rencontres, dont l'une a eu lieu le 26 octobre 1994. Cette rencontre a été
23 officieuse. Cette rencontre avec M. Milosevic a été une rencontre
24 officieuse pour discuter de la position, des positions de la RFY
25 concernant le conflit en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous voulez
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1 consulter vos notes pour vous rappeler cette réunion?
2 Réponse: Y a-t-il eu encore M. Akashi ou quelqu'un d'autre?
3 Question: Oui, il y avait M. de Mello?
4 Réponse: En effet. Si mes souvenirs sont bons, il s'agissait d'une
5 rencontre informelle. Cela s'est passé à l'époque où les fonctions de M.
6 de Mello prenaient fin en ex-Yougoslavie, et il a profité de l'opportunité
7 pour faire cette réunion de courtoisie et dire au revoir au Président de
8 l'époque.
9 Question: Mais la position de la RFY par rapport au conflit en Bosnie, a-
10 t-elle été soulevée?
11 Réponse: Dans ce contexte, je voudrais dire qu'il y a eu deux personnes,
12 M. de Mello et M. Milosevic qui se sont référés à des sujets discutés
13 auparavant. Ils ont discuté également du sujet que vous venez de
14 mentionner tout à l'heure.
15 Question: Mais, M. Milosevic a-t-il présenté les positions de la RFY par
16 rapport au conflit en Bosnie?
17 Réponse: En effet, il a clairement précisé que les solutions de guerre ne
18 produisaient aucun résultat. Il a longuement parlé de ses efforts pour ce
19 qui est d'aboutir à une issue pacifique et non pas à une issue
20 belligérante.
21 Question: Mais après, dans le courant de cette réunion, avez-vous discuté
22 avec M. Milosevic de nationalistes à l'intérieur de la Serbie, en
23 particulier de M. Seselj?
24 Réponse: En effet, pour souligner l'option qui était la sienne, en faveur
25 de la paix, il avait parlé des soi-disant "faucons", de ceux qui faisaient
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1 partie de la ligne dure en Serbie. Et il a précisé qu'ils gagnaient en
2 influence.
3 Toutefois, leur influence, en réalité, ne faisait que diminuer. Par
4 exemple, il a cité M. Seselj qui a dit que le Parlement de la République
5 fédérale de Yougoslavie avait retiré son immunité pour pouvoir lui faire
6 répondre de certaines accusations. Il a mentionné également que le soutien
7 dont bénéficiait Seselj au sein de la Krajina serbe de Knin… il a souligné
8 que les personnes qui avaient appuyé M. Seselj avaient été limogées. Et M.
9 Milosevic a, ainsi, souligné à l'intention de M. de Mello que les forces
10 de la paix l'emportaient sur celles qui étaient favorables à la guerre.
11 Question: Je voudrais attirer votre attention sur une réunion qui a eu
12 lieu par la suite, un mois plus tard, donc le 23 novembre 1994. Avez-vous
13 rencontré M. Milosevic et M. Milan Martic?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Pouvez-vous nous donner une description de cette réunion?
16 Réponse: Je crois que la réunion avait été convoquée par M. Akashi, dans
17 le cadre d'une réunion de l'OTAN, qui avait pour visée un aéroport sous le
18 contrôle des Serbes, c'est l'aéroport de Udbine.
19 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé dans le courant de
20 cette réunion?
21 Réponse: C'était une réunion où il y a eu des tensions parce que le côté
22 où le segment militaire de la Forpronu et M. Martic étaient en train de
23 parler d'une action qui s'était soldée par des frappes aériennes. Et la
24 majeure partie de la réunion s'était passée de la façon à avoir M. Martic
25 réfuter certaines choses, et dire et affirmer qu'il s'agissait là en
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1 réalité d'une agression de la part de l'OTAN, contre la population de la
2 République serbe.
3 Ce que je veux dire, c'est que la population de cette République de
4 Krajina serbe était très troublée. Ils étaient affectés par la chose et
5 ils s'efforçaient -la population- de ne pas s'attaquer à la Forpronu en
6 raison de ce type d'intervention. Il a passé un long moment à parler de
7 tout cela, en se plaignant de ce qui s'était passé -j'entends par là M.
8 Martic- et il avait demandé que M. Akashi condamne ces frappes aériennes
9 pour faire preuve de sa bonne volonté à l'égard des Serbes dans les zones
10 UNPA, les zones protégées des Nations Unies. A ce moment-là, M. Milosevic
11 n'était…, n'avait fait qu'écouter, il n'avait pas conversé avec lui.
12 M. Groome (interprétation): Oui mais, dans le courant de la réunion, M.
13 Milosevic a-t-il pris un rôle plus actif?
14 M. Kirudja (interprétation): Oui, à la fin de la présentation des aspects
15 militaires, M. Milosevic est intervenu. Si je m'en souviens bien, M.
16 Milosevic a dit…, a fait deux choses. Il a effectivement précisé que
17 l'action de l'OTAN n'était pas nécessaire et c'était à peu près ce que M.
18 Martic avait affirmé lui-même. Mais, étant donné que M. Milosevic avait
19 été d'accord avec Martic pour ce qui est de l'aspect superflu de
20 l'intervention de l'OTAN, il avait précisé que l'obligation de M. Martic
21 était celle de ne rien faire de ce qui conduisait à une option de guerre.
22 Parce qu'au plan des résultats, cela se faisait contrairement aux intérêts
23 des Serbes. Et M. Milosevic avait parlé à plusieurs reprises de guerre et
24 de paix.
25 M. Kwon (interprétation): Juste un moment, Monsieur Groome. Revenons à la
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1 question un moment.
2 M. Groome (interprétation): Oui, en effet.
3 M. Kwon (interprétation): Monsieur Kirudja, pouvez-vous revenir à cette
4 question qui concernait, tout à l'heure, M. Seselj et Knin?
5 M. Kirudja (interprétation): Oui, en effet.
6 M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic a dit que Seselj avait fait
7 certaines choses lui-même?
8 M. Kirudja (interprétation): Il a dit qu'il n'avait pas fait cela lui-
9 même, mais que des événements étaient survenus? Et il avait parlé de cette
10 perte d'influence.
11 M. Kwon (interprétation): Merci.
12 Autre chose. Pouvez-vous nous expliquer la question de l'immunité qui
13 avait été accordée à M. Seselj?
14 M. Kirudja (interprétation): En qualité de membre du Parlement de la
15 République fédérale, je crois que vous bénéficiez d'une certaine immunité
16 pour ce qui est de poursuites judiciaires. Et quand vous êtes membre du
17 Parlement, on peut… il faut lever l'immunité pour qu'on puisse
18 entreprendre des mesures à votre égard.
19 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.
20 M. Groome (interprétation): Je veux maintenant que nous parlions d'une
21 réunion tenue le 3 mai, et à propos du sujet de cette réunion du 3 mai
22 1995.
23 M. Kirudja (interprétation): Excusez-moi de revenir à la réunion
24 précédente. Je vous ai dit qu'on avait parlé des grèves à Udbine, c'était
25 le deuxième sujet à propos duquel M. Milosevic est intervenu.
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1 Question: Excusez-moi. Poursuivez.
2 Réponse: Le deuxième sujet évoqué à cette réunion, c'est en fait une
3 remarque faite par Martic à propos du fait que les forces serbes faisaient
4 de leur mieux pour essayer d'empêcher que l'aide humanitaire parvienne à
5 Bihac. Voilà Martic qui disait ouvertement qu'ils avaient essayé
6 d'empêcher que l'aide, que l'assistance humanitaire parvienne à la poche
7 de Bihac. Et ceci illustrait des choses que nous n'avions eu de cesse de
8 dire, à savoir que Bihac était assiégée, encerclée, et était dépourvue de
9 toute aide humanitaire.
10 A ce moment-là, au moment où Martic a fait cette remarque, M. Milosevic
11 est intervenu pour dire de façon claire et sans ambiguïté à M. Martic
12 qu'une telle action ne pouvait pas être envisagée et qu'il fallait
13 autoriser l'arrivée de l'aide humanitaire dans la poche de Bihac.
14 Question: Aimeriez-vous ajouter quoi que soit qui vous paraisse important
15 à propos de cette réunion?
16 Réponse: C'est ce à quoi je pense pour le moment, mais si je consultais
17 mes notes, je pourrais regarder, effectivement, s'il y a d'autres choses.
18 Question: Parlons maintenant du 3 mai 1995, réunion avec M. Milosevic au
19 cours de laquelle on a discuté de la Slovénie occidentale. Est-ce que vous
20 vous souvenez de cette réunion?
21 Réponse: Oui. C'est de nouveau M. Akashi qui avait demandé que cette
22 réunion ait lieu.
23 Question: Est-ce que le sujet de la commission militaire a surgi, au cours
24 de cette réunion?
25 Réponse: Oui. Une fois de plus, dressons le contexte. A ce moment-là,
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1 c'était quelque chose que les Croates avaient appelé "Opérations du
2 Secteur Ouest", où ils avaient pris des mesures militaires contre le
3 Secteur Ouest, les Serbes du Secteur Ouest. Evidemment, les autres Serbes
4 vivant dans les autres régions en étaient indignés parce ceci leur donnait
5 une idée de ce qui allait se passer dans toute la zone. Je parle ici des
6 zones occupées par les Serbes en Croatie.
7 Monsieur Milosevic, cela va de soi, à l'instar d'autres n'était pas en
8 faveur de cette action militaire entreprise par la Croatie; il l'a exprimé
9 dans ce sens. Et de façon générale, à propos de la Bosnie-Herzégovine, il
10 a fait revenir une idée qui avait déjà existé auparavant; il s'agissait
11 d'une commission sur le désarmement. C'était une commission consacrée au
12 désengagement militaire; il voulait que cette idée reçoive… ou qu'une
13 nouvelle vie soit insufflée à cette idée, pour essayer de contrer des
14 actions militaires déclenchées par un camp ou l'autre.
15 Question: Je vais demander que la pièce de l'accusation 378, intercalaire
16 11, soit remise au témoin. Et je vais demander qu'on place la première
17 page sur le rétroprojecteur.
18 (Intervention de l'huissière.)
19 Au cours de cette réunion, est-ce que M. Milosevic a décrit les rapports
20 qu'il avait avec Ratko Mladic?
21 Réponse: Effectivement, on y fait référence.
22 Question: Et comment qualifie-t-il ses rapports avec M. le général Ratko
23 Mladic?
24 Réponse: Est-ce que je peux prendre cette page?
25 Question: Bien sûr. Si vous voulez, vous pouvez également consulter vos
Page 15464
1 journaux de bord.
2 Réponse: Effectivement, dans ce mémo, je fais référence au fait que la
3 frontière entre la République fédérale de Yougoslavie et la Bosnie était
4 fermée à tous les hommes de la RS, Republika Srpska.
5 Et voici comment j'ai interprété les choses: "Etant donné les actions
6 entreprises, ceci aurait sûrement plusieurs incidences et implications.
7 L'une d'entre elles serait qu'il y aurait moins de réfugiés qui allaient
8 franchir cette frontière pour venir de notre côté. Et d'un autre côté,
9 ceci allait bien sûr accroître le rapport avec M. Mladic, puisque ceci
10 allait couper les rapports et les liens avec la BSA".
11 Question: Revenons à cette réunion du 3 mai. J'utilise toujours cette
12 pièce.
13 Est-ce que M. Milosevic a aussi précisé comment il voyait M. Karadzic et
14 M. Krajisnik?
15 Réponse: Oui, et de façon… Il considérait certains comme des hommes à
16 tendance dure. C'était tout à fait constant de sa part, cette attitude. Il
17 disait qu'il fallait battre en déroute cette stratégie qui était la leur
18 et qu'il fallait trouver une solution politique.
19 Question: Je vais vous demander maintenant d'examiner la deuxième page de
20 cette pièce. C'est un rapport dans lequel vous examinez, vous analysez
21 cette réunion avec M. Milosevic.
22 Réponse: Oui, c'est à propos de cette période.
23 Question: Est-ce que vous pourriez lire le paragraphe?
24 Réponse: "Après une réunion de cinq heures, le 16 mai, avec Frasure, tous
25 les plus hauts dirigeants du SPS au pouvoir ont commencé à arriver au
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1 bureau du Président Milosevic à Belgrade, apparemment pour recevoir des
2 informations à propos des négociations. Il y avait notamment Radmilo
3 Bogdanovic, l'ancien ministre de l'Intérieur, aujourd'hui président du
4 comité du Parlement fédéral sur la diaspora serbe, Boris Jovic, président
5 du Comité en matière de politique étrangère du Parlement fédéral, et
6 Milomir Minic, le secrétaire général du SPS au pouvoir.
7 Ce côté de la reconnaissance, pour ce qui est de l'équation de la
8 négociation, est apparemment chose conclue. La négociation se poursuit
9 pour ce qui est des rapports avec les Etats-Unis et s'est caractérisée
10 comme étant une espèce de carte routière devant présider à la démarche
11 adoptée pour les solutions apportées aux sanctions.".
12 Question: Merci. J'en ai terminé de cette pièce.
13 Est-ce que vous pourriez nous nous dire rapidement quelle était la
14 situation générale pour ce qui est de la fermeture de la frontière et d'un
15 incident concernant des observations faites d'hélicoptères yougoslaves
16 franchissant la frontière, allant de la Serbie en Bosnie? Donnez-nous le
17 contexte et nous parlerons des détails après la pause.
18 Réponse: Nous parlons ici de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. Le
19 Président Milosevic, à cette époque, a effectivement pris une décision qui
20 a eu pour conclusion que la frontière a été fermée à tous, sauf pour ce
21 qui de l'aide humanitaire. Cela veut dire qu'il fallait aussi essayer de
22 voir ce qui se passait, vu la fermeture de la frontière.
23 Il faut voir ceci dans le contexte de la Résolution 781 du Conseil de
24 sécurité qui interdit tout vol militaire de cette façon à l'extérieur de
25 la frontière avec la Serbie et le Monténégro.
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1 A cette date, vous aviez le contingent néerlandais à Srebrenica qui a
2 remarqué et a fait état de l'apparition soudaine d'hélicoptères qui
3 franchissaient la frontière avec la République fédérale de Yougoslavie.
4 Question: Quelle est la date approximative?
5 Réponse: Une date?
6 Question: Oui.
7 Réponse: Malheureusement, je n'ai pas de date ici sous la main, en ce
8 moment.
9 M. Groome (interprétation): Peut-être pourrez-vous les fournir après la
10 pause.
11 M. le Président (interprétation): Oui, nous faisons une pause de 20
12 minutes.
13 (La séance, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 52.)
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, veuillez poursuivre.
15 M. Groome (interprétation): Monsieur Kirudja, avant la pause, vous parliez
16 des effectifs des Nations Unies à Srebrenica qui avaient observé le
17 franchissement de la frontière par des hélicoptères. Est-ce qu'il s'est
18 passé quelque chose, également au cours de ces observations, s'agissant
19 des observateurs militaires des Nations Unies cantonnés dans une salle de
20 contrôle radar en Serbie?
21 M. Kirudja (interprétation): Oui. Avant l'interruption, deux autres
22 questions m'avaient également été posées. Est-ce que j'y réponds
23 maintenant ou après?
24 Question: Oui. Commençons par cela. D'abord, il y avait la mort du maire
25 Obradovic. A quel moment a-t-il été tué?
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1 Réponse: D'après mes notes, début juillet 1992.
2 Il y avait une autre question sur laquelle je voulais apporter un
3 éclaircissement. J'ai essayé de me rappeler le nom de cette commission;
4 c'était cette commission militaire mixte ou conjointe. Je pense que vous
5 m'avez posé une question à propos d'une réunion de cette commission,
6 commission mixte militaire.
7 Monsieur Milosevic voulait, à son propos, qu'elle trouve une nouvelle vie
8 après l'opération "Eclair", à la fin de laquelle le Secteur Ouest a été
9 pris. C'est dans ce contexte qu'on en a parlé.
10 Dans cette commission mixte militaire, on avait Rupert le commandant de la
11 force. On avait aussi le chef du groupe musulman, ainsi que le chef de la
12 VRS.
13 A l'occasion de cette réunion, eh bien, c'est à ce moment-là que M.
14 Milosevic a fait ce commentaire-ci. Il a dit: "Mladic est un de mes amis
15 personnels, mais ce n'est pas le cas de Karadzic." Krajisnik non plus, à
16 cette époque-là, parce que pour eux… ces deux hommes préconisaient
17 l'option de la guerre, option à laquelle il faisait opposition. Donc c'est
18 là le contexte.
19 Question: Quand vous dites Rupert, c'est M. Rupert Smith?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Après l'opération "Eclair", est-ce que vous parlez là de
22 l'offensive croate qui a débouché sur la reprise du Secteur Ouest des
23 Serbes?
24 Réponse: Oui. Et cette réunion, elle avait lieu dans ce contexte-là
25 précis.
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1 Question: Revenons, une fois de plus, aux observations faites de ces
2 hélicoptères. Pourriez-vous nous relater s'il y avait quelque chose
3 d'inhabituel s'agissant des observateurs militaires des Nations Unies au
4 moment où ces observations ont été faites.
5 Réponse: Avant ces observations, nous avions, de façon routinière, accès à
6 la salle des radars. Quand je dis "nous", ce sont les observateurs
7 militaires des Nations Unies à Zagreb. Nous avions, de façon routinière,
8 accès a à la salle de contrôle des radars afin de faire respecter la
9 Résolution 781 à propos de l'interdiction de vol.
10 Deux jours avant… Deux ou trois jours avant ces observations, nous avions
11 reçu un rapport selon lequel il y avait des événements assez inhabituels.
12 Ce qui avait fait dire aux observateurs qu'ils n'avaient plus accès à
13 cette salle de contrôle. Ils se plaignaient du fait qu'on leur avait
14 empêché l'accès.
15 Question: Qui leur avait empêché cet accès?
16 Réponse: Eh bien, leurs homologues. Il y avait toujours des observations
17 faites avec les homologues serbes dans cette salle.
18 Question: Et leurs homologues avaient été des membres de l'armée
19 yougoslave?
20 Réponse: C'est exact.
21 Question: Quelle est la raison affichée pour laquelle l'armée yougoslave
22 aurait refusé cet accès aux observateurs militaires, alors qu'auparavant,
23 ça a été accordé, cet accès?
24 Réponse: Eh bien, la seule raison officielle que je peux vous donner,
25 c'est celle qui m'a été donnée ex post facto, pas avant les faits.
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1 L'explication que j'ai reçue, je l'ai reçue le jour où j'ai rencontré
2 l'ambassadeur Cicanovic; c'était la personne en charge des rapports avec
3 la Forpronu de la République fédérale de Yougoslavie. J'avais une réunion,
4 et c'est lui qui m'avait fourni cette explication.
5 Question: Pourriez-vous la résumer?
6 Réponse: Volontiers. Apparemment, il y avait eu méprise, il y avait eu des
7 défauts ou des carences au niveau de la salle de contrôle parce qu'il y
8 avait des… à cause des sanctions contre la Yougoslavie. Donc finalement,
9 c'était une méprise de la part des observateurs des Nations Unies qui
10 pensaient qu'on leur avait empêché l'accès, alors que ce n'aurait pas été
11 le cas. Mais c'est une explication qui m'a été donnée après les faits.
12 Question: Je vais maintenant demander qu'on montre la pièce 378, pièce de
13 l'accusation, 378, intercalaire 12.
14 Dans l'intervalle, je vous demande ceci. Est-ce que vous avez répercuté de
15 façon détaillée l'avis du Gouvernement de la RFY dans un rapport que vous
16 avez envoyé à M. Akashi?
17 (Intervention de l'huissière.)
18 Réponse: Effectivement, je l'ai fait dans un rapport. Ça fait dix pages de
19 détails.
20 Question: Je ne vais pas vous demander de donner lecture d'une partie de
21 ce rapport, nous allons simplement verser ce document au dossier au cas où
22 les Juges aimeraient examiner ces explications de plus près.
23 Maintenant, je vais demander qu'on vous présente la pièce de l'accusation
24 378, intercalaire 13.
25 (Intervention de l'huissière.)
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1 Madame l'Huissière, veuillez placer la deuxième page sur le
2 rétroprojecteur.
3 Est-ce que la première ligne se lit comme suit: "Les observateurs de
4 l'aérodrome de la RFY"?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Examinons le point 3, premier paragraphe. Je vais vous demander
7 de donner lecture de ce paragraphe.
8 Réponse: Vous parlez des Allemands?
9 Question: Oui. Uniquement ce premier paragraphe.
10 Réponse: "Les observateurs militaires n'ont pas pu avoir accès à la salle
11 de contrôle des vols de l'aérodrome. L'explication était qu'on devait
12 réparer les écrans qui avaient été affectés aux "UNMOs". Cette unité… Un
13 problème pour maintenir ces autres éléments de contrôle. L'accès avait été
14 interdit aux observateurs militaires parce que, apparemment, on avait dit
15 qu'ils avaient examiné les écrans par-dessus l'épaule des autres
16 observateurs.
17 Question: Et le paragraphe qui commence par un mot: "N'ont pas été
18 autorisés"?
19 Réponse: Je lis: "Les observateurs militaires n'ont pas été autorisés à
20 avoir un moyen indépendant de communication dans leurs bureaux, aux
21 aérodromes ou dans leurs véhicules. Les violations suspectées ne
22 permettent donc pas de faire rapport de façon adéquate en matière de temps
23 et en matière de contenu, de façon à avertir New York. New York a été
24 averti avec un certain retard.
25 La raison qui est toujours donnée, c'est qu'il y a des difficultés au
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1 niveau des systèmes de communication et qui provoquent des interférences
2 avec le contrôle des avions. Et ceci est fort improbable."
3 Question: Examinons la première page. Est-ce que ce câble codé que vous
4 avez reçu…, est-ce un code codé que vous avez reçu de M. Akashi, le 13
5 février 1995?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Veuillez examiner la pièce 378 toujours, mais à l'intercalaire
8 14. Dans l'intervalle, vous avez parlé termes ICFY qu'est-ce que ceci
9 représente?
10 Réponse: Contacts internationaux avec l'ex-Yougoslavie. C'était une
11 mission qui, à l'époque, avait à sa tête Stoltenberg et Lord Owen du côté
12 européen, du côté de l'Union européenne; Stoltenberg représentant les
13 Nations Unis.
14 Question: Toute la pièce va vous être remise. Examinez-là. Est-ce que vous
15 la reconnaissez?
16 Réponse: Oui.
17 Question: La troisième page. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire en quoi
18 ceci consiste?
19 Réponse: Il s'agit ici d'un rapport informant mon QG du fait que nous
20 étions en train d'échanger des rapports entre cette ICFY et nous. En
21 d'autres termes, nous étions en train de partager certains renseignements.
22 Question: Je vais demander qu'on place la troisième page de ce document
23 sur le rétroprojecteur.
24 Monsieur le Témoin, je vous demande d'examiner le tableau qui se trouve au
25 bas de cette page?
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1 Réponse: Oui, je le vois.
2 Question: Ce tableau, qu'est-ce qu'il représente, en fin de rapport?
3 Réponse: C'est un résumé des confiscations effectuées sur la frontière
4 avec la Bosnie-Herzégovine, à partir du 4 août jusqu'au 31 janvier 1995.
5 Ce sont les observations faites par les observateurs de l'ICFY.
6 Question: Ce sont donc les biens confisqués alors qu'on essayait de les
7 transporter depuis la Yougoslavie vers la Bosnie?
8 Réponse: Je ne suis pas sûr de la direction. Ceci a été confisqué à la
9 frontière, mais je ne sais pas dans quelle direction il y avait
10 acheminement de ces biens, mais c'était peut-être dans les deux sens.
11 Question: Combien d'essence a été confisquée?
12 Réponse: Ici, on voit qu'il y a 45.368 tonnes d'essence et 399.513 tonnes
13 de diesel.
14 Question: Je vais demander qu'on place la dernière page sur le
15 rétroprojecteur. Dans l'intervalle, à votre avis, quelle a été
16 l'efficacité de cette mesure consistance à fermer la frontière entre la
17 Serbie et la Bosnie-Herzégovine?
18 Réponse: Ce n'est que mon opinion et je ne pourrais pas vraiment étayer ce
19 que je dis, puisque je n'avais pas cette responsabilité dans mes
20 attributions.
21 Question: Je retire cette question.
22 Dernière page du document, y a-t-il eu des renseignements à propos de
23 l'existence possible d'un oléoduc entre la Serbie et la Bosnie en dessous,
24 qui passerait en dessous de la rivière Drina? Ici j'appelle votre
25 attention sur le tout dernier paragraphe de ce rapport.
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1 Réponse: Oui. Disons que ma confirmation serait différente dans la mesure
2 où des gens de l'autre côté m'ont présenté le sujet de façon un peu
3 différente. C'étaient des représentants l'ICFY, I-C-F-Y, qui demandaient
4 notre assistance pour la réparation de certains tronçons de cet oléoduc.
5 Question: Peut-on maintenant présenter au témoin l'intercalaire 15 de
6 cette même pièce P378? Je vais d'abord demander qu'on montre la totalité
7 du rapport à M. le Témoin et je vais lui demander s'il reconnaît la teneur
8 de ce rapport?
9 Réponse: C'est un mémo que j'avais envoyé le 1er mars 1995 à M. Akashi, à
10 propos de ces vols qui franchissaient la frontière.
11 Question: Examinez rapidement ce document. Est-ce que, dans ce rapport,
12 vous relatez des rapports que vous avez reçus à propos du fait qu'il y
13 avait engagement d'effectifs de l'armée yougoslave en dehors du territoire
14 de la Yougoslavie et plus exactement en Bosnie?
15 Réponse: Vous parlez de la totalité du rapport ou de certaines parties en
16 particulier?
17 Question: J'appelle votre attention sur la deuxième page.
18 Réponse: Oui.
19 Question: Est-ce que vous voyez peut-être ce deuxième paragraphe? Est-ce
20 que ceci vous rafraîchit la mémoire?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Veuillez nous dire ce que vous avez écrit dans ce rapport en
23 mars 1995, plus exactement le 1er mars, à M. Akashi?
24 Réponse: Au début de ce paragraphe, on lit ceci: "Comme mentionné dans des
25 rapports précédents, l'armée yougoslave ou la maison de la JNA dans la RFY
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1 est prise dans une vague de troubles internes qui opposent les éléments
2 durs contre les partisans de la paix à laquelle se trouve M. Milosevic.
3 Aujourd'hui, il a été dit que des ordres écrits ont été délivrés à tous
4 les officiers ou soldats de carrière de la JNA, nés de l'autre côté de la
5 Drina ou qui ont des parents ou de la famille qui y vit encore."
6 L'ordre consiste à dire qu'il y a un "détachement" de six mois pour que
7 ces éléments soient versés dans la RS ou dans la RSK, dans ces armées-là.
8 S'ils refusaient de d'obtempérer à cet ordre, il y a risque de démission
9 immédiate et sommaire. Ces ordres semblent avoir été acceptés sans
10 contestation et ne s'appliquent pas aux non-Serbes qui se trouvent
11 toujours dans la JNA même s'ils sont originaires de Bosnie-Herzégovine."
12 Question: Est-ce qu'on parle de ceci aussi dans une phrase plus tard?
13 Réponse: "Il y a deux jours, deux unités d'infanterie antiaérienne ayant
14 la taille d'une superbe brigade, disent avoir… apparemment auraient
15 franchi la frontière pour aller en Bosnie-Herzégovine avec leur batterie
16 d'origine soviétique assez ancienne de missiles d'un type appelé "Volkov"
17 et "Dina". La destination ou l'intention n'est pas claire."
18 Question: Et le 26, est-ce que vous avez fait état dans ce rapport du fait
19 que, le 26 février 1995, des effectifs de l'armée yougoslave avaient été
20 observés se déplaçant vers la frontière avec le Secteur Est, tout près de
21 Vinkovci-Mirkovici?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et au moment où vous écriviez ce rapport, serait-il exact de
24 dire que M. Milosevic avait une participation active dans ces négociations
25 en vue du processus de paix?
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1 Réponse: Oui, je pense que ceci est une façon équitable de dire les
2 choses.
3 Question: Je n'ai plus de questions à poser à propos de cette pièce.
4 Peut-on montrer maintenant au témoin l'intercalaire 16 de la pièce 378? Ce
5 sera là le dernier élément de correspondance concernant les vols
6 d'hélicoptère.
7 Examinez d'abord toute la pièce et, une fois ceci fait, dites-nous si vous
8 reconnaissez ce document.
9 (Le témoin parcourt le document.)
10 Reconnaissez-vous ce document?
11 Réponse: Oui.
12 Question: De quoi s'agit-il?
13 Réponse: Il s'agit d'un mémo que j'ai adressé une fois de plus à M. Akashi
14 au sujet de ces hélicoptères et de leur franchissement de la frontière.
15 Nous en avons déjà parlé.
16 Question: La deuxième page peut-elle être placée sur le rétroprojecteur?
17 Monsieur Kirudja, lisez la première phrase du premier paragraphe complet
18 de cette page. Elle commence par les mots suivants: "M. Krtes".
19 Réponse: "M. Krtes, en expliquant qu'il parlait au nom du Gouvernement de
20 la RFY, a émis des protestations: apparemment, la RFY n'avait pas été
21 informée immédiatement des allégations concernant le vol d'hélicoptères le
22 jour où ceux-ci se sont produits, et a affirmé que la ICFY n'avait ni le
23 mandat ni la compétence lui permettant d'examiner ces allégations à propos
24 des vols d'hélicoptère."
25 Question: Je vous interromps, ceci suffit.
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1 Réponse: Fort bien.
2 Question: Avant la survenue de cet incident, est-ce que vous étiez au
3 courant de l'implication de M. Krtes dans les rapports existants entre les
4 UNMOs et l'armée yougoslave, pour ce qui est de l'accès à la salle de
5 contrôle radar?
6 Réponse: Non, ce n'était d'ailleurs pas quelque chose qui relevait de mes
7 attributions. C'était la responsabilité des observateurs de l'Union
8 européenne qui m'ont fait part de ce problème.
9 Question: J'en ai terminé. Maintenant, passons à un autre sujet.
10 Est-ce qu'à un moment donné vous avez eu une participation dans une
11 situation ou une négociation qui portait sur le fait qu'il y avait eu
12 prise d'otages de membres des Nations Unies en Bosnie?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pourriez-vous -en quelques mots- nous dire ce qui s'est passé à
15 ce moment-là et je vous poserai des questions de détails?
16 Réponse: A un moment donné, tous les journaux et les médias internationaux
17 en ont parlé. Des observateurs des Nations Unies et d'autres personnels
18 onusiens avaient été pris en otage dans cette région qui se trouve au
19 voisinage de Sarajevo. Ceci s'était passé au moment où la frontière était
20 fermée, je parle ici de la frontière entre la Serbie et la Bosnie-
21 Herzégovine. Cette frontière avait déjà été fermée.
22 Vu ce contexte, il fallait absolument assurer la libération de ces otages,
23 d'abord depuis Sarajevo, c'est le commandant Rupert Smith qui exigeait
24 cela; et puis la question est parvenue à Belgrade où on demandait
25 l'assistance de Belgrade pour ce faire.
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1 Question: Et avec qui avez-vous négocié directement?
2 Réponse: Avec M. Stanisic.
3 Question: Comment s'appelait-il? Est-ce que vous avez son nom complet?
4 Réponse: Excusez-moi, mais son nom ne me revient pas en tête.
5 Question: Peut-on montrer au témoin un rapport qu'il a rédigé? Il s'agit
6 là de l'intercalaire 17 de la pièce 378.
7 (Intervention de l'huissière.)
8 Examinez d'abord ce rapport, Monsieur, et dites-nous si vous le
9 reconnaissez.
10 Réponse: Effectivement, c'est un mémo qui consigne les circonstances dans
11 lesquelles j'ai eu affaire avec cette question où on demandait
12 l'assistance de Belgrade pour que soient libérés ces otages par
13 l'intermédiaire de M. Jovica Stanisic.
14 Question: Et ce rapport a été rédigé quand?
15 Réponse: Le 9 juin 1995.
16 Question: Quelle était la fonction de M. Stanisic au moment où vous avez
17 négocié avec lui en vue de la libération des otages en Bosnie?
18 Réponse: Apparemment, si j'ai bien compris, il était le chef du ministère
19 de l'Intérieur serbe des forces spéciales de sécurité. On m'a fait
20 comprendre cela, on ne m'a pas donné l'intitulé exact de son poste. Il
21 était le chef du ministère de l'Intérieur serbe.
22 Question: Pourriez-vous nous dire, de façon approximative, combien de fois
23 vous l'avez rencontré dans le contexte de la crise des otages?
24 Réponse: Je ne sais plus exactement, mais au moins trois fois.
25 Question: Ces réunions, où ont-elles eu lieu?
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1 Réponse: Dans son bureau à lui.
2 Question: Au moment où ces réunions ont eu lieu avec lui dans son bureau,
3 qui était présent?
4 Réponse: J'étais là, il y avait simplement un membre de mon personnel qui
5 consignait ce qui se disait.
6 Question: Est-ce que M. Stanisic, lui, avait, présents dans ce bureau, des
7 membres de son personnel ou d'autres officiels, serbes ou du gouvernement
8 fédéral?
9 Réponse: Non.
10 Question: Vous aviez des négociations à propos de certains otages. Où se
11 trouvaient-ils, en Bosnie?
12 Réponse: Eh bien, ceci, c'était aussi un des objets de la négociation.
13 Certains membres de notre personnel pris en otage avaient été déjà
14 libérés, je ne sais plus combien; mais d'autres, eh bien, on ne savait pas
15 où il se trouvaient ou qui les détenait en otages. Et c'était là le sujet
16 essentiel de notre réunion.
17 Question: Question générale, avant que je vous pose une question plus
18 précise à propos de ce rapport. Pourriez-vous, à l'intention des Juges,
19 nous dire à quel moment vous avez produit ces rapports, par rapport aux
20 dates de réunions?
21 Réponse: C'était une question d'heure. Ça devait être la fin de la journée
22 ou le lendemain. Chaque fois qu'il se passait quelque chose, il fallait
23 produire un rapport pour ce jour-là, et ça se passait à la fin de la
24 journée ou le lendemain.
25 Question: Et puis, vous avez vos notes personnelles, vous avez lu certains
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1 passages. Où les avez-vous écrites, ces rubriques? Quand exactement?
2 Réponse: C'est pareil. Pour chacun de ces journaux ou chacun de ces
3 passages que j'ai lus, c'était sans doute le même jour ou dans l'espace de
4 24 heures après la survenue d'un incident, j'envoyais un rapport avec tous
5 les détails.
6 Question: Je vais demander que la deuxième page de ce rapport soit placée
7 sur le rétroprojecteur.
8 Monsieur Kirudja, veuillez lire le cinquième paragraphe. Lisez la totalité
9 du paragraphe.
10 Réponse: Le paragraphe 5?
11 Question: Oui.
12 Réponse: "Stanisic propose, s'il y a effectivement un groupe armé des
13 Nations Unies dans une situation telle que décrite, qu'il se rende en
14 territoire de Bosnie tout en maintenant le contact avec notre bureau de
15 Belgrade pour établir un moyen d'identifier ses forces par rapport à ceux
16 qui ont capturé les Serbes sur le terrain. Simultanément, le groupe des
17 Nations Unies qui est bloqué recevrait des ordres de coordination
18 débouchant sur un transfert vers les forces de Stanisic."
19 Question: Attachons-nous à ceci: est-il exact de dire que M. Stanisic a
20 dit qu'il allait établir un moyen d'identifier ses forces à lui?
21 Vu le contexte de toute cette conversation, est-ce que, d'après vous, cela
22 voulait dire que M. Stanisic, après cette réunion, allait envoyer,
23 dépêcher certaines de ses forces en Bosnie avec pour mission précise de
24 déterminer où se trouvaient les otages, ou est-ce que ça voulait dire pour
25 vous que ces forces, elles étaient déjà présentes en Bosnie et qu'il
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1 allait se contenter de déterminer quelles étaient ces forces qui étaient
2 les plus importantes, vu la situation des otages?
3 Réponse: D'après ce que j'ai compris, il avait déjà sur place et en place,
4 en Bosnie, les effectifs dont il avait besoin pour contacter de façon
5 discrète ceux qu'il fallait, à cette fin précise.
6 Question: Je vais demander maintenant qu'on présente au témoin
7 l'intercalaire 18 de la pièce 378.
8 (Intervention de l'huissière.)
9 Je n'ai pas de question précise à vous poser à l'encontre du document,
10 mais je veux être complet; c'est pour cela que je vous le présente. Il
11 s'agit ici d'un autre rapport suite à une réunion ultérieure, une nouvelle
12 réunion que vous auriez eue avec M. Stanisic?
13 Réponse: C'est exact.
14 Question: Quelle est la date?
15 Réponse: La date a été corrigée. Normalement, la date qui est la bonne,
16 c'est celle qui est écrite à la main, celle du 10 juin 1995.
17 Question: Pour que tout soit clair, je vous demande ceci. Vous avez évoqué
18 plusieurs rapports aujourd'hui; et, pour certains de ceux-ci, il y a des
19 corrections faites à la main, des éléments soulignés. Est-ce que c'est
20 vous qui avez souligné ou corrigé certains éléments de ces rapports?
21 Réponse: Non. Parce que ces rapports émanent de moi et, en fait, moi, je
22 ne les ai plus jamais vus après les avoir envoyés; jusqu'au moment où, du
23 fait de ce processus, de cette procédure, j'ai eu l'occasion de les revoir
24 et je les ai revus avec toutes ces annotations.
25 Question: Je voulais simplement consigner au dossier de l'audience que ces
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1 rapports ont été reçus dans cette forme-ci; les annotations n'ont été
2 faites par personne au Bureau du Procureur. Et je demande à la Chambre de
3 ne pas tenir compte de ces éléments soulignés ou des ces annotations
4 manuscrites.
5 Je vous remercie, Monsieur Kirudja.
6 Pour terminer l'interrogatoire principal, je vous demande ceci: à partir
7 de votre expérience, de vos entretiens avec M. Milosevic et avec d'autres
8 représentants officiels du Gouvernement de Serbie ou du Gouvernement
9 fédéral, pourriez-vous nous dire, pour autant que vous en ayez une, quelle
10 opinion vous avez, s'agissant de l'autorité qu'avait M. Milosevic par
11 rapport à ces autres membres des gouvernements mentionnés avec qui vous
12 avez eu affaire?
13 Réponse: Une des choses qui m'a frappé, que j'ai trouvée intéressante,
14 c'est à quel point M. Milosevic connaissait dans le détail les questions
15 pour lesquelles nous voulions le voir.
16 Normalement, si vous rencontrez des représentants officiels de
17 gouvernement à son niveau, au niveau le plus élevé, comme c'était le cas
18 pour lui, en général cette personne est toujours accompagnée d'un aide qui
19 connaît le détail des questions évoquées. Ce qui m'a frappé à son propos,
20 c'est qu'il était très informé; il connaissait tout jusque dans le moindre
21 détail, s'agissant de ces différentes questions politiques. C'est quelque
22 chose de particulier que j'ai relevé.
23 Question: Au cours des négociations que vous avez menées, est-ce qu'on
24 vous a dit de vous adresser à M. Lilic qui était, à ce moment-là, le
25 Président fédéral?
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1 Réponse: Non, ça n'a jamais été le cas. Jamais M. Akashi ou qui que ce
2 soit d'autre ne m'a demandé d'avoir des réunions avec quelqu'un d'autre de
3 ce niveau.
4 Question: Il y avait ce rapport du 16 mai 1995. Est-ce que, dans ce
5 rapport, vous avez manifesté vos préoccupations à vos supérieurs,
6 préoccupations selon lesquelles M. Milosevic avait trop un rôle en tant
7 qu'élément individuel dans ces négociations?
8 Réponse: Ce n'était pas une préoccupation. D'abord, je voudrais vous dire
9 que tous ces rapports ont été écrits bien longtemps avant que ce Tribunal
10 n'existe ou que l'idée de ce Tribunal n'ait vu le jour. C'est là, à ce
11 moment-là, que j'ai écrit ces rapports. Et je les ai écrits pour veiller à
12 ce que les personnes à qui j'envoyais ces rapports comprennent mieux, de
13 façon plus détaillée, les risques que nous courions… les risques qui
14 faisaient encourir des risques ou qui causaient l'échec de nos missions.
15 Je voulais qu'ils comprennent cela.
16 Et s'agissant de M. Milosevic, il était important que mes supérieurs
17 sachent qu'il était très bien informé, qu'il ne fallait pas nécessairement
18 une grosse délégation qui le rencontre. Il n'était pas nécessaire qu'il y
19 ait beaucoup de gens qui le rencontrent ou que vous ayez comme homologues
20 de fortes délégations, que lui seul suffisait parce qu'il était très bien
21 informé.
22 Question: Est-ce que vous avez établi un rapport officiel à cette fin?
23 Réponse: Oui, précisément à cette fin.
24 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus d'autre question.
25 Il n'y a qu'une question d'intendance. Nous demandons le versement de tous
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1 ces éléments. Il s'agit de la pièce 378, intercalaires 1 à 18.
2 M. le Président (interprétation): Oui. Nous versons ces documents, à moins
3 qu'il n'y ait une objection officielle.
4 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
5 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Charles Kirudja, par l'accusé M.
6 Milosevic.)
7 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kirudja, en Krajina, en Bosnie, en
8 Croatie.
9 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas d'interprétation.
10 Réessayons. Réessayons.
11 M. Milosevic (interprétation): Et maintenant, vous entendez
12 l'interprétation?
13 M. Kirudja (interprétation): Maintenant, j'entends l'interprétation, mais
14 je ne l'entendais pas jusqu'à présent.
15 Question: Bien. Apparemment, le problème est réglé.
16 Monsieur Kirudja, par rapport à la situation que vous avez découverte
17 lorsque vous êtes arrivé dans le secteur nord, ou plutôt d'ailleurs dans
18 tout le territoire où vous avez circulé en Krajina, en Bosnie, en Croatie,
19 est-ce votre impression que l'armée populaire yougoslave ainsi que les
20 autres autorités vous ont apporté un plein soutien, un plein appui dans
21 l'accomplissement de ce que vous considériez comme étant vos devoirs?
22 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic, il est exact que l'armée populaire
23 yougoslave -comme je l'ai d'ailleurs dit dans ma déposition jusqu'à
24 présent- m'a apporté ce que je considère être une coopération pleine et
25 entière dans l'accomplissement de ma mission, en tout cas dans les
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1 premiers temps de celle-ci.
2 Question: Nous pouvons donc considérer que, du point de vue du soutien
3 logistique également, l'armée et le gouvernement yougoslave ont fait
4 preuve de leur volonté de faire en sorte que votre mission soit pleinement
5 et entièrement accomplie?
6 Réponse: Je souligne encore une fois qu'il y a eu coopération au début,
7 dans les premiers temps de notre séjour. Et, dans d'autres parties de ma
8 déposition, j'ai évoqué les changements survenus par la suite.
9 Question: Très bien. Nous parlerons de ces changements et je vous
10 demanderai des explications complémentaires à ce sujet.
11 En tant que représentant officiel et consciencieux des Nations Unies sur
12 le territoire où vous vous trouviez, je suppose qu'à votre arrivée en
13 Yougoslavie, vous n'avez pas omis d'examiner les dispositions
14 fondamentales de la Constitution yougoslave. Ce n'est pas simplement une
15 supposition de ma part, n'est-ce pas?
16 Réponse: Monsieur Milosevic, vous avez en partie raison. J'étais, bien
17 sûr, obligé de comprendre le mandat de notre mission dont j'ai déjà parlé,
18 à savoir donc le plan Vance qui en faisait partie et un certain nombre de
19 décisions prises par la suite à ce sujet. Quant à la Constitution de la
20 Yougoslavie, j'ai le regret de dire que je ne pense pas la connaître bien
21 et, d'ailleurs, ce n'était pas mon devoir que de la connaître.
22 Question: Connaissez-vous certaines dispositions, en tout cas, par exemple
23 la disposition de la Constitution qui traite des différents droits et
24 devoirs des peuples et nationalités de la Yougoslavie, le devoir des
25 citoyens yougoslaves donc de protéger et de défendre l'indépendance du
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1 pays, sa souveraineté, son intégrité territoriale ainsi que l'ordre
2 constitutionnel?
3 Réponse: En fait, lors d'une des réunions que nous avons eues avec vous,
4 vous vous souviendrez peut-être qu'à l'heure du déjeuner, pendant la
5 suspension de séance, j'ai eu le plaisir de vous entendre m'expliquer un
6 certain nombre d'éléments de cette Constitution. Et c'est encore pour moi
7 un trésor aujourd'hui, car cela m'a permis de bénéficier d'explications
8 très passionnées sur ce sujet.
9 Vous vous souviendrez peut-être que je vous ai demandé des
10 éclaircissements sur une question qui faisait l'objet d'affirmations
11 constantes de la part des Serbes présents dans le Secteur Nord et
12 ailleurs. Ceux-ci ne cessaient de me rappeler une allocution prononcée par
13 M. Tudjman à l'occasion de Noël, pas longtemps après la proclamation de
14 l'indépendance, affirmation selon laquelle la Croatie était un Etat
15 appartenant aux Croates. Et, à cet égard, il disait aux Nations Unies:
16 "Comment est-ce que vous pouvez vous attendre à ce que nous vivions dans
17 un Etat dont le Président affirme que c'est un Etat qui appartient aux
18 Croates?"
19 Donc, Monsieur Milosevic, je vous ai demandé de m'expliquer si la
20 Constitution yougoslave était différente, est-ce qu'elle abordait la
21 question de la Serbie comme étant l'Etat appartenant aux Serbes. Et j'ai
22 eu l'agréable surprise d'obtenir des explications de votre part. Vous vous
23 en souvenez peut-être.
24 Question: Oui, je m'en souviens parce que la Constitution de la Serbie,
25 adoptée en 1990, indique à son article premier que l'Etat de Serbie est
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1 l'Etat de tous les citoyens qui y résident.
2 Réponse: Oui, vous m'avez expliqué cela.
3 Question: Monsieur Kirudja, vous vous souviendrez sans doute également que
4 lors de votre séjour dans telle ou telle région de l'ex-Yougoslavie ainsi
5 que plus tard, ces dix dernières années -je pense que vous pourrez le
6 confirmer- nulle part sur le territoire de la Serbie ou de la nouvelle
7 Yougoslavie, à savoir la République fédérale yougoslave créée le 28 avril
8 1992, vous n'avez pu assister à un conflit ethnique ou observer des actes
9 de discrimination de la part des citoyens d'une appartenance ethnique
10 contre ceux d'une autre appartenance ethnique. Et là, je parle des 28
11 groupes nationalités, des 28 groupes ethniques qui habitent en Serbie.
12 Aucun acte de discrimination n'a pu être constaté par vous. Vous n'avez
13 pas pu…, vous ne pourriez pas témoigner du moindre acte de discrimination,
14 n'est-ce pas?
15 Réponse: Monsieur Milosevic, si je vous comprends bien, vous faites
16 référence notamment aux 10 dernières années?
17 Eh bien, Monsieur Milosevic, la déposition que j'ai faite ici consiste à
18 dire que depuis 10 ans je n'étais plus en Yougoslavie, que j'ai quittée en
19 1992; mon rôle en tant que représentant des Nations Unis à cet endroit
20 s'est terminé à ce moment-là. Donc, manifestement, je ne pourrais pas
21 témoigner de l'époque où je ne me trouvais pas sur place. Donc pour vous
22 répondre…
23 Question: Je vais me rectifier. Je ne pensais pas aux 10 dernières années
24 en fait. Je pensais aux 12 ou 13 années qui se sont écoulées depuis 1989
25 jusqu'en l'an 2000. Toutes ces années couvrent la période où vous avez
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1 séjourné en Yougoslavie. J'ai, en fait, utilisé l'expression "10 ans" de
2 façon symbolique, pour parler d'une décennie. Mais, bien entendu, je n'ai
3 pas fait démarrer ces 10 ans le premier jour de votre arrivée. Je parlais
4 de l'ensemble de votre séjour, c'est à cela que je faisais référence.
5 Réponse: Merci de cet éclaircissement. Si vous me parlez de la période où
6 je me trouvais là-bas, bien sûr mon témoignage que vous avez entendu
7 traite des éléments, des événements survenus à l'époque, qui montrent des
8 efforts concertés, au moins dans la région que je connaissais. Efforts
9 concertés de la part des autorités serbes pour expulser les Musulmans, en
10 tout cas de la région dont je parle dans mon témoignage. Donc, votre
11 déclaration n'est pas tout à fait exacte de façon générale, en tout cas
12 s'agissant des situations dont j'ai parlé dans ma déposition.
13 Question: Je vous ai parlé de la Serbie et la République fédérale
14 yougoslave, pas de la Bosnie, de la Krajina, de la Croatie. Je vous ai
15 parlé de la Serbie et de la Serbie alliée au Monténégro, c'est-à-dire de
16 la République fédérale yougoslave.
17 Réponse: Excusez-moi, je vous présente mes excuses, je n'avais pas compris
18 ceci de façon aussi précise. Dans ce cas, ma réponse est que, à ma
19 connaissance, dans la région Serbie-Monténégro je n'ai pas observé de
20 telles choses.
21 Question: Eh bien, j'espère, Monsieur Kirudja, que vous témoignez de
22 l'atmosphère très tolérante et de l'attention qui était manifestée par les
23 autorités contre toutes discriminations?
24 Réponse: Est-ce que vous me demandez mon avis personnel?
25 Question: Oui.
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1 Réponse: Je devrais vous répondre de façon positive, dans la mesure où, au
2 cours de ma présence en Serbie, j'ai eu un sentiment très important de
3 sécurité personnelle: aucune hostilité n'a été dirigée à mon encontre et
4 je me suis rendu dans de très nombreux lieux en Serbie, dans toutes sortes
5 de conditions. Donc, vous avez raison, personnellement je n'ai ressenti
6 aucune discrimination à mon encontre. Mais je dis cela, et si vous me
7 demandez ce qui se passait ailleurs, je dis qu'ailleurs, en dehors de la
8 zone précise à laquelle vous faites référence, à savoir la Serbie et le
9 Monténégro, il y en a eu.
10 Question: Très bien. Vous connaissez la période pendant laquelle j'étais
11 Président de la Serbie. Donc je vous interroge au sujet du territoire dont
12 je me considérais responsable à ce moment-là?
13 Réponse: Exact.
14 Question: Savez-vous, Monsieur Kirudja, puisque vous avez exposé ici un
15 certain nombre d'exemples précis -et vous en avez parlé de façon
16 détaillée- nous y viendrons plus tard, mais vous avez parlé de réfugiés.
17 Et, vous savez peut-être qu'en Serbie nous avons accueilli jusqu'à un
18 million de réfugiés, savez-vous cela? Des réfugiés venus de différentes
19 parties de l'ex-Yougoslavie?
20 Réponse: Monsieur Milosevic, j'ai reçu un certain nombre de rapports et de
21 déclarations traitant de la présence de réfugiés en Serbie. Et, à
22 l'époque, les gens qui travaillaient sous vos ordres, dans le domaine de
23 l'aide humanitaire, nous parlaient effectivement de la présence de
24 réfugiés en Serbie bis et au Monténégro. Cependant, à aucun moment, je
25 n'ai entendu citer le chiffre d'un million. Je ne sais pas quel était le
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1 nombre de ces réfugiés.
2 Question: Eh bien, à un certain moment le chiffre a atteint celui que j'ai
3 cité. Mais lorsque vous étiez en Yougoslavie, vous rappelez-vous par
4 exemple des informations selon lesquelles en Serbie, par exemple et c'est
5 un exemple très concret, se trouvaient 70.000 réfugiés musulmans de
6 Bosnie-Herzégovine? Ce n'est qu'un exemple. Donc, des réfugiés venus de
7 Bosnie-Herzégovine et des autres territoires frappés par la guerre?
8 Réponse: Vous me demandez d'authentifier ce nombre de 70.000 ou autre
9 chose? Est-ce que c'est cela votre question?
10 Question: Oui. Avez-vous entendu citer ce chiffre?
11 Réponse: Non. J'ai entendu dire qu'il y avait de très nombreux réfugiés
12 venant de très nombreux endroits et j'ai même rencontré des Musulmans en
13 Serbie. Donc, je sais, puisque j'en ai rencontré, qu'il y avait des
14 réfugiés musulmans en Serbie; mais quel était leur nombre exact, je ne
15 saurais le dire.
16 Question: Très bien. Ce n'était pas votre responsabilité ou votre devoir
17 de déterminer ce nombre de choses, mais les réfugiés musulmans qu'il vous
18 est advenu de rencontrer en Serbie et dont vous venez de parler, se sont-
19 ils plaints, à quelque moment que ce soit, du traitement qu'ils auraient
20 subi en Serbie? Auraient-ils parlé de discrimination à leur égard, à
21 quelque moment que ce soit? Ils sont arrivés en Serbie pour s'abriter de
22 la guerre qui faisait rage en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas? Est-ce
23 qu'ils vivaient en Serbie exactement dans les mêmes conditions que tous
24 autres citoyens sans aucune discrimination à leur encontre?
25 Réponse: Monsieur Milosevic, je peux dire ici dans ma déposition que l'un
Page 15490
1 de mes interprètes était un Musulman qui était venu de Bihac et qui a
2 continué à travailler sans le moindre problème à Belgrade; y compris au
3 sein même de mon bureau, je disposais d'un exemple de ce genre.
4 Question: Eh bien, je suis heureux de vous l'entendre dire.
5 Revenons maintenant à la Constitution. Saviez-vous que la défense de
6 l'intégrité territoriale du pays était une des missions confirmées par la
7 Constitution s'agissant des missions incombant à l'armée populaire
8 yougoslave?
9 Réponse: Non, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de m'occuper de ce genre
10 de chose, mais je vous crois sur parole.
11 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais faire la clarté sur un point
12 avec vous, Monsieur Kirudja, dans votre déclaration écrite. Là où vous
13 parlez de la date du 21 avril 1992, on lit entre autres -je cite-: "Parmi
14 les représentants des autorités locales qui se sont adressés aux
15 commandants des forces du maintien de la paix, on trouvait le colonel
16 Slobodan Tarbuk, commandant local de ce que l'on commençait à désigner
17 sous le nom de 'Défense territoriale', TO. Les membres de la Défense
18 territoriale ont choisi cette dénomination dans le désir de se distinguer
19 de la JNA dont on s'attendait que, conformément au mandat des Nations
20 Unies, elle se retire de la Croatie". (Fin de citation.)
21 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président?
22 M. le Président (interprétation): Oui.
23 M. Groome (interprétation): Lorsque des citations sont tirées d'un
24 document qui fait plus de 60 pages, il serait très utile que M. Milosevic
25 nous donne une référence un peu plus précise.
Page 15491
1 M. le Président (interprétation): Oui. Le témoin dispose-t-il d'un
2 exemplaire de ce texte?
3 Monsieur Kirudja, vous avez votre déclaration écrite?
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kirudja se souvient très bien de
5 ce sur quoi je suis en train de fonder ma question.
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, c'est une
7 déclaration de 60 pages, je vous en prie.
8 M. Milosevic (interprétation): Cela ne me gêne pas que le témoin relise
9 son texte, mais je parlais de ce qu'il avait écrit dans ses notes pour la
10 date du 21 avril.
11 Monsieur Kirudja, ma question porte sur le point suivant…
12 M. Groome (interprétation): Page 6 de la déclaration, Monsieur le
13 Président.
14 M. le Président (interprétation): Le témoin doit pouvoir savoir à quelle
15 page vous faites référence, donc lorsque vous voulez citer un passage
16 donnez le numéro de page de façon à ce qu'il puisse suivre.
17 Nous avons ce passage en page 6. La Chambre va peut-être demander un
18 exemplaire à un moment où à un autre. Pour le moment, nous pouvons
19 fonctionner de cette façon.
20 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous aujourd'hui ou saviez-vous à
21 l'époque, Monsieur Kirudja, que la Défense territoriale n'est pas une
22 instance qui a été créée à ce moment-là? Elle n'a pas été créée pour
23 remplacer l'armée populaire yougoslave, elle faisait déjà partie des
24 forces armées prévues par la Constitution et qui ont été fondées sur tout
25 le territoire de l'ex-Yougoslavie bien avant.
Page 15492
1 M. Kirudja (interprétation): Monsieur Milosevic fait référence à une
2 réunion qui s'est tenue le 21 avril.
3 Je vois ce que vous voulez dire. Vous vous souviendrez peut-être qu'à ce
4 moment-là, le commandant local est arrivé pour la première fois dans le
5 secteur, il s'est présenté officiellement. Donc la conclusion implicite,
6 c'est que les conditions du plan Vance commençaient déjà à être
7 appliquées. Et je suppose que vous connaissez bien ces conditions prévues
8 au plan Vance.
9 Sur la base de ces conditions, on devait conclure que la Défense
10 territoriale, qui ne faisait pas partie des forces prévues dans ce plan,
11 devait être proscrite. Il ne devait plus rester aucune force armée dans
12 ces régions.
13 Question: Je parle d'autre chose et je ne suis pas sûr que nous nous
14 comprenions bien. Je disais que la Défense territoriale n'a pas été créée
15 pour remplacer la JNA, car elle existait déjà en tant qu'élément de
16 l'engagement de la population sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie,
17 et ce, bien avant que le conflit n'éclate. La Défense territoriale
18 existait en tant que partie du système de défense et de protection de la
19 Yougoslavie.
20 Réponse: Je ne saurais pas parler de façon certaine de ce qu'était la
21 situation avant notre arrivée, donc d'un contexte tout à fait différent.
22 Si vous le dites, Monsieur Milosevic, je ne vais pas mettre en cause votre
23 description de la situation dans l'ex-Yougoslavie avant notre arrivée,
24 avant le début de notre mandat. Bien sûr, je ne serais pas capable de
25 parler de cela.
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1 Question: Tout ce que je souhaite, Monsieur Kirudja, c'est lever un
2 malentendu entre nous, qui vient probablement de vous -en tout cas, c'est
3 la conclusion que j'ai pu tirer. Car, si j'ai bien compris, vous dites que
4 la Défense territoriale a été créée pour remplacer la JNA en tant que
5 substitut de la JNA; et moi, je déclare pour, ma part, que la Défense
6 territoriale existait bien avant et qu'elle constitue une des modalités
7 d'application de la Constitution yougoslave parce que la Constitution
8 yougoslave stipule à son Article 240.2 que les forces armées de la
9 République socialiste fédérale de Yougoslavie se composent de l'armée
10 populaire yougoslave, ainsi que de la force représentant tous les peuples
11 et nationalités, etc. et qu'elle se compose également de la Défense
12 territoriale qui constitue la forme la plus vaste de l'organisation de la
13 défense sur le territoire.
14 Par conséquent, la Défense territoriale -et c'est sur ce point que je vous
15 interroge, que je vous demande ce que vous avez compris- n'a pas été créée
16 en tant que substitut de l'armée populaire yougoslave mais existait déjà
17 en tant que composante des forces armées yougoslaves, et ceci était prévu
18 par la Constitution à l'époque où la Yougoslavie a été unifiée et est
19 devenue un seul et même pays; c'est depuis ce moment-là que la Défense
20 territoriale existe. Etes-vous au courant de ce fait? Etes-vous au courant
21 que la Défense territoriale était une des parties des forces armées
22 yougoslaves et qu'elle n'a donc pas été créée en tant que réaction au plan
23 Vance? C'est cela que je voulais éclaircir avec vous.
24 Réponse: Je reviens, si les Juges m'y autorisent, sur ma déclaration
25 écrite selon laquelle la Défense territoriale a agi dans le but de
Page 15494
1 démobiliser les forces existantes, comme l'exigeait le plan Vance. Cette
2 démobilisation n'était pas définie dans le détail, mais elle était censée
3 être totale. Donc il ne devait plus rester de forces armées possédant des
4 armes lourdes, excepté la police qui devait faire régner la loi et
5 l'ordre.
6 Dès que nous avons cherché à transformer cela en réalité, la question de
7 la Défense territoriale s'est posée et les Serbes nous ont donné
8 différentes raisons pour expliquer l'existence de cette Défense
9 territoriale à la frontière avec la Croatie, pour éventuellement se
10 protéger contre des infiltrations venant de Croatie.
11 C'est dans ce contexte que j'ai fourni les explications que j'ai fournies,
12 mais je souligne une nouvelle fois que les explications au sujet de
13 l'existence de la Défense territoriale prévue par la Constitution
14 yougoslave, comme vient de l'expliquer M. Milosevic, sont peut-être
15 exactes ou pas, je ne saurais pas le dire. Moi, je parlais du contexte que
16 j'ai décrit, du contexte dans lequel se situe ma déposition.
17 Question: Très bien. Savez-vous que la Croatie se séparait de la
18 Yougoslavie en 1991?
19 Réponse: Si j'ai bien compris, à l'époque de notre arrivée -d'ailleurs,
20 les Nations Unies l'admettaient-, la Croatie et d'autres éléments
21 constitutifs de la Yougoslavie commençaient à s'en séparer; c'est ce que
22 j'ai compris également. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à avoir compris
23 cela; il y a une zone de la Croatie dans laquelle notre mission se
24 déroulait, qui devait aider à résoudre ce problème de contestation
25 territoriale.
Page 15495
1 Dans quelles circonstances exactement la Croatie a fait sécession de l'ex-
2 Yougoslavie en 1991? Malheureusement, je ne connais pas les détails à ce
3 sujet.
4 Question: Vous ne vous occupiez pas de cela, mais vous savez qu'un des
5 rôles du plan Vance consistait à rétablir la paix, à assurer la sécurité
6 des citoyens dans les territoires où des conflits avaient eu lieu, et que
7 la présence des forces des Nations Unies dans les zones protégées par les
8 Nations Unies ne devait pas porter préjudice à la solution politique de
9 ces problèmes et que donc, toute solution devait être de nature politique?
10 Ceci est également un point important. C'est bien cela, n'est-ce pas,
11 Monsieur Kirudja?
12 (Le témoin opine du chef.)
13 Lorsque vous hochez la tête, cela n'est pas inscrit au compte rendu
14 d'audience, donc je vous demanderai de prononcer des mots.
15 Réponse: J'attendais la fin de votre question. Bien sûr, vous avez besoin
16 d'une réponse audible.
17 Je confirmerai tout ce que vous avez dit, à une différence près néanmoins,
18 qui est importante: lorsque vous avez dit que la responsabilité des
19 Nations Unies dans le maintien du droit et de l'ordre consistait à agir
20 alors qu'une solution politique était recherchée, Monsieur Milosevic, je
21 crois que ceci n'est pas tout à fait exact. Le droit et l'ordre devaient
22 être maintenus par la police locale et par les maires des municipalités…
23 M. Milosevic (interprétation): Non, mais je ne rentre pas dans ces
24 détails.
25 M. le Président (interprétation): Attendez la fin de la réponse du témoin.
Page 15496
1 M. Kirudja (interprétation): Merci. Donc la loi et l'ordre, éléments tout
2 à fait cruciaux, demeuraient aux mains des autorités locales. Et le seul
3 rôle qui incombait aux Nations Unies consistait à vérifier que les
4 fonctions exercées par les autorités le soient de la meilleure façon qui
5 soit.
6 Vous vous souviendrez que, dans ma déposition ici, j'ai dit que, du point
7 de vue des Nations Unies, puisque les Nations Unies n'ont pas été capables
8 de remplir cette partie de leurs responsabilités, il y a là une
9 insuffisance importante, une grande lacune.
10 M. Robinson (interprétation): Est-ce que vous avez à l'esprit le
11 monitoring?
12 M. Kirudja (interprétation): Non, non, pas le monitoring. En d'autres
13 termes, j'avais dit qu'il s'agissait d'une omission. J'ai parlé du fait au
14 terme duquel les Serbes avaient transformé ces forces, qui étaient des
15 forces militaires, en quelque chose qui ressemblait à des forces de
16 police. Et, d'après leur puissance ou leur importance, cela allait au-delà
17 de ce qui était prévu par le plan Vance. Ils étaient devenus, en termes de
18 nombre et d'armes, l'armée de la République de la Krajina serbe qui devait
19 traiter d'objectifs tels que l'indépendance de ce secteur.
20 Aussi, les Nations Unies avaient-elles la responsabilité du maintien de
21 l'ordre et de la paix; et ces effectifs des Nations Unies seraient, dans
22 une situation pareille, en nombre différent et auraient une composition
23 différente si tel avait été le cas. Mais ils étaient là plutôt pour
24 observer, pour surveiller le maintien de la paix, de l'ordre.
25 M. Robinson (interprétation): Merci.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est tout à fait ce que je voulais
2 dire.
3 Je parlais de zones non pas surveillées par les Nations Unies, mais sous
4 la protection des Nations Unies. Par voie de conséquence, j'estime
5 légitime de demander la chose suivante: est-ce que les Nations Unies ont
6 protégé ces zones et la population qui se trouvait dans ces zones? Mais
7 nous y viendrons, dans la suite des événements.
8 Je voudrais maintenant, Monsieur Kirudja, que vous me disiez la chose
9 suivante. Etant donné que vous étiez là-bas, vous étiez là-bas en accord
10 ou conformément aux dispositions du plan Vance; vous êtes venu là-bas
11 suite aux événements qui ont précédé l'adoption de ce plan Vance. Vous
12 avez donc pris connaissance de l'évolution des conflits; vous avez pris
13 connaissance des raisons pour lesquelles le conflit a eu lieu, suite à
14 quoi il y a eu plan Vance et disposition des forces de maintien de la
15 paix, à savoir ces forces de protection des Nations Unies.
16 Par conséquent, savez-vous que les premiers incidents sérieux dans la
17 Krajina sont survenus lorsque les autorités croates, en 199, se sont
18 occupées ou préoccupées à confisquer les armes qui se trouvaient en
19 possession de la police serbe?
20 M. le Président (interprétation): Un moment, Monsieur Milosevic. Nous
21 devons nous pencher sur la question, par rapport à la pertinence de son
22 témoignage. Il s'agit d'événements qui sont survenus avant que ce témoin-
23 ci n'arrive sur les lieux. Par conséquent, il ne saurait en parler de
24 façon directe, et le fait de traverser ces événements par le biais de son
25 témoignage n'ajoutera rien à l'affaire. En effet, vous pouvez lui poser
Page 15498
1 des questions concernant les événements survenus après son arrivée, mais
2 point n'est nécessaire de lui poser des questions concernant ce qui s'est
3 passé avant.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai posé à M. Kirudja une
5 question qui est la suivante: étant donné qu'il était venu accomplir une
6 mission importante, je voulais savoir s'il avait connaissance de ce qui
7 avait précédé le plan Vance et s'il savait comment les hostilités étaient
8 survenues. S'il me dit que non, je passerai outre, mais s'il me dit qu'il
9 savait comment les hostilités s'étaient fait jour, je crois que la
10 question est tout à fait justifiée.
11 M. le Président (interprétation): Non, non. Il me semble que son opinion,
12 à moins que vous ne puissiez démontrer la pertinence de la chose, ne nous
13 apportera rien d'utile.
14 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
15 Monsieur Kirudja, saviez-vous que les Serbes de la Krajina ne
16 reconnaissaient pas la cessation de la Croatie, étant donné que celle-ci
17 s'était opérée contrairement à la Constitution en vigueur à l'époque,
18 contrairement au droit international en vigueur à l'époque et que, par
19 voie de conséquence, il y aurait eu, si cela se faisait, dégradation de
20 leurs droits, qui étaient des droits sur pied d'égalité avec les droits
21 des autres citoyens de la Croatie et de la Yougoslavie? Le saviez-vous ou
22 pas?
23 M. le Président (interprétation): Mais quelle est la pertinence de cette
24 question par rapport au témoignage de ce témoin? Je sais que vous
25 n'arrêtez pas d'affirmer cela et vous l'avez déjà dit à bon nombre de
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1 reprises, mais cela n'a aucune pertinence pour ce qui est du témoignage de
2 ce témoin-ci.
3 M. Milosevic (interprétation): La pertinence, Monsieur May, consiste en un
4 droit inaliénable qui est celui du peuple serbe. Et, ce droit n'est ôté à
5 quelque groupe ethnique que ce soit, je parle du droit à l'autodéfense.
6 Les Serbes étant menacés, là où ils se trouvaient, ont fait recours à ce
7 droit à l'autodéfense et ont entrepris des activités, toute une série
8 d'activités en corrélation avec le droit en question. Et je suis en train
9 de poser des questions à ce témoin qui se trouvait être présent au moment
10 où tout ces événements-là ont eu lieu.
11 M. le Président (interprétation): Non. C'est une question dont, sans doute
12 aucun, il nous appartiendra de décider. Comme je l'ai déjà dit auparavant,
13 c'est ce que vous affirmez de votre part, à savoir que les Serbes locaux
14 avaient le droit de se défendre eux-mêmes. Mais -avec tout le respect qui
15 est dû au point de vue du témoin, mais qui n'a aucune pertinence en ce
16 cas-ci- l'entendre parler de ce qui s'est passé avant qu'il n'arrive ne
17 nous apportera rien. Nous sommes, au contraire, en train de perdre notre
18 temps sans nécessité aucune. Vous pouvez en parler avec des témoins qui
19 ont traité de la période en question. Mais, pour le moment, il vous
20 appartient de vous concentrer sur le témoignage de ce témoin, qui concerne
21 la période de temps qu'il a passée en Croatie et en Bosnie.
22 M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur May. Je vais alors sauter
23 quelques questions, quelques-unes des questions que je voulais poser.
24 Indépendamment de tous les efforts que vous déployez, ces questions-là ne
25 pourront toutefois pas être contournées.
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1 Mais, je me propose, à présent, d'être tout à fait précis dans les
2 questions que je poserai à ce témoin.
3 M. le Président (interprétation): Ce genre de commentaire est tout à fait
4 superflu et tout à fait contraire à la vérité. Ces questions seront
5 soulevées et nous allons les traiter au moment opportun. Vous devez le
6 comprendre. Nous sommes en train de parler de choses qui sont pertinents
7 concernant le témoignage de ce témoin-ci. Aussi vous demanderais-je de
8 contre-interroger le témoin, qui est présent ici, sur les questions au
9 sujet desquelles il a témoigné.
10 M. Milosevic (interprétation): Le commandement de la Forpronu est-il bien
11 informé de ce qui se passait sur le terrain?
12 M. Kirudja (interprétation): Eh bien, oui et non. Au tout début, bien
13 entendu, nous devions avoir une certaine ouverture d'esprit et apprendre
14 ce qui se passait sur le terrain. Et je parle au sens collectif du terme.
15 Nous, en tant que Forpronu, en tant qu'ensemble avons appris bien des
16 choses avant et bien plus de choses pendant la période que nous avons
17 passée là-bas.
18 Question: Je parle de la période que vous avez passée là-bas. Est-ce que
19 ce que vous venez de nous dire, si l'on fait exception de quelques
20 incidents isolés qui ont peut-être pu échapper à votre attention pendant
21 que vous étiez présent sur le terrain, donc sans compter ces quelques
22 incidents isolés, pouvons-nous constater qu'aucun événement ou processus
23 d'importance ne saurait passer de façon inaperçue ou sans être enregistrée
24 par les représentants de la Forpronu, par le représentant de la Forpronu,
25 par votre personnel et autres? Est-ce bien vrai ou pas?
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1 Réponse: La vie est bien plus compliquée. Et je ne pense pas pouvoir dire
2 que nous avons pris bonne note de tout ce qui se passait. Nous avons noté
3 ce que j'ai mentionné, mais je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il y a
4 eu tel ou tel autre événement pour lequel X, Y ou Z aurait affirmé que cet
5 événement est effectivement survenu. Mais la vie est telle, que nous ne
6 pouvons pas tout savoir, tout noter.
7 Question: Je suis en train de parler d'événements d'importance, de
8 processus d'importance. Donc ces processus ou événements d'importance ne
9 pouvaient pas passer inaperçus, ne pouvaient pas ne pas être enregistrés
10 par les gens qui avaient fait partie de votre mission, par la Forpronu,
11 n'est-ce pas?
12 Réponse: Vous avez raison, la majeure partie de mon témoignage se trouve
13 être en corrélation avec les événements que nous avions considérés comme
14 étant importants. Maintenant, de là à affirmer que nous avons tout noté;
15 non, je n'en suis pas sûr.
16 Question: Bien. Mais s'agissant d'événements importants, s'agissant de
17 tout ce qui vous a été donné d'apprendre, vous avez certainement dû être
18 informé suivant la chaîne ou la corrélation verticale entre les
19 subordonnés et les supérieurs, tout ceci a traversé cette chaîne
20 d'information, tout ce qui se passait sur le terrain était automatiquement
21 communiqué par cette verticale jusqu'au sommet, jusqu'au général Nambiar,
22 n'est-ce pas?
23 Réponse: Monsieur Milosevic, je vous remercie, je vous suis gré d'avoir
24 posé cette question. Je vous ai, en effet, dit tout à l'heure que nous
25 nous efforcions au maximum d'informer nos supérieurs de tout ce qui se
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1 passait et tout ce que nous considérions comme étant important; nous en
2 informions notre QG, et cela sous-entend ce que j'ai dit ici en
3 témoignage. On m'a même dit: "N'en fais pas autant. Tu en mets trop". Mais
4 nous le faisions sans mettre de côté quoi que ce soit.
5 Question: Donc vous avez tout envoyé, vous avez fait rapport sur tout ce
6 qui vous parvenait comme information?
7 Réponse: Oui, le mieux que je pouvais le faire.
8 Question: S'agissant du général Nambiar, quelles sont vos impressions à
9 son sujet? N'était-ce pas là un soldat consciencieux, capable? N'était-ce
10 pas là un soldat professionnel et un homme d'honneur qui effectuait sa
11 tâche de la meilleure des façons qui lui était donnée de le faire?
12 Réponse: Eh bien, oui, pour moi c'était un homme de cette trempe. Je
13 l'estimais. Oui, je peux dire que c'était un professionnel, un homme
14 consciencieux, tout à fait adapté à la mission qu'il a acceptée.
15 Question: Eh bien, je vais vous donner lecture d'une déclaration de sa
16 part où il s'est référé aux événements en Yougoslavie.
17 Il se trouvait être à l'époque à la tête d'une institution qui s'appelait
18 "Services réunis de l'Inde", et il dit que lui et ses hommes, pendant le
19 temps qu'il avait passé en Yougoslavie… cela signifie que lui, vous et
20 tous les autres qui avaient fait partie de cette mission de plusieurs
21 milliers de personnes, donc mission importante - je le cite-: "Nous
22 n'avons été témoins d'aucun génocide, si ce n'est des massacres ou
23 meurtres qui ont été perpétrés par toutes les parties, et qui sont si
24 typiques de ce type de conflit".
25 En a-t-il été ainsi ou pas?
Page 15503
1 Réponse: Vous venez de donner lecture d'une déclaration faite par le
2 général Nambiar. Moi, je ne l'ai pas vue. Si vous dites que c'est une
3 déclaration qu'il a faite, tout ce que je peux dire c'est que c'est bien
4 cela, une déclaration qu'il a faite.
5 Question: Mais émettez-vous des doutes concernant la véracité concernant
6 ce que je viens de donner comme citation?
7 Réponse: Je ne sais même pas ce que c'est, puisque je ne l'ai pas vu.
8 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous le reproche pas, il ne vous
9 appartient pas de suivre les déclarations de tout un chacun.
10 M. le Président (interprétation): Mais comment aurait-il pu voir cela?
11 Monsieur Groome, est-ce que c'est quelque chose que vous avez communiqué à
12 la défense, une de vos déclarations?
13 M. Milosevic (interprétation): Non, non, ce n'est pas le cas.
14 M. Groome (interprétation): C'est quelque chose de nouveau pour moi.
15 M. le Président (interprétation): C'est encore moins raisonnable. De toute
16 façon, nous acceptons pour le moment qu'il s'agit là d'une déclaration
17 obtenue du général.
18 Je suppose que la question que vous pouvez poser au témoin c'est celle-ci:
19 vous venez d'entendre ce qui vient d'être lu, Monsieur le Témoin, avez-
20 vous des commentaires à faire ou pas?
21 M. Milosevic (interprétation): Laissez-moi le dire pour faciliter la tâche
22 à M. Kirudja. Je vais continuer avec mes questions et, dans le courant de
23 la pause qui est imminente -si cette montre est juste, si l'horloge est
24 juste-, je vais remettre un enregistrement à la cabine technique pour que
25 vous voyez la déclaration du général Nambiar. Et si M. Kirudja souhaite
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1 par la suite faire des commentaires, ce sera son droit, on pourra
2 l'entendre. Mais ne perdons pas davantage de temps concernant les
3 explications afférentes à la déclaration que j'ai citée.
4 Donc il était en train de parler de violences qui étaient présentes au
5 niveau de toutes les parties en présence dans ce conflit, de toutes les
6 parties belligérantes. Seriez-vous d'accord, Monsieur Kirudja, pour dire
7 qu'une telle guerre civile, un tel conflit ethnique une fois survenu, la
8 chose… la seule chose que l'on peut essayer de faire, c'est de faire
9 cesser le conflit, mais il ne serait être procédé à des rectificatifs par
10 quelque moyen que ce soit, donc ce n'est qu'une interruption, une
11 cessation du conflit qui ne peut apporter de solution? Et par cela,
12 j'entends par des moyens politiques. Est-ce vrai ou pas?
13 M. Kirudja (interprétation): La question est assez longue, elle comporte
14 plusieurs volets.
15 Le volet qui me concerne maintenant, c'est la question des violences. A ce
16 propos, je peux dire qu'effectivement, nous avons constaté l'existence de
17 violences émanant des trois groupes, mais ce n'était pas de la même taille
18 ou de la même importance. Et puis, il y a aussi les nombres impliqués au
19 niveau de l'incidence de ces violences; et là non plus, il n'y avait pas
20 égalité.
21 Autre chose. Si vous me demandez si une solution pacifique était la façon
22 de sortir de ce conflit, là, manifestement, forcément, nous serions
23 d'accord avec vous; et nous avons d'ailleurs manifesté cet accord au cours
24 des réunions que nous avons eues avec vous. Parce que si les Nations Unies
25 sont présentes, c'est pour parvenir à une solution pacifique, ça va de
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1 soi. Effectivement, nous serions d'accord là-dessus.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais, d'après votre expérience, pendant
3 toute la durée de ce séjour, de votre séjour là-bas, y a-t-il eu quoi que
4 ce soit de fait par la Serbie officielle et par moi-même à se situer à
5 l'extérieur de cet objectif principal, à savoir d'aboutir à la paix et
6 d'aboutir à une solution politique pacifique? Savez-vous nous dire quoi
7 que ce soit à ce sujet-là?
8 Réponse: Je crains que la question soit tellement vaste que je ne pourrai
9 y apporter qu'une réponse partielle.
10 Dans mon témoignage, je parle notamment de ce que vous nous avez dit, de
11 ce que nous avons entendu de votre bouche. Et vers la fin des questions
12 posées en interrogatoire principal, vous m'avez entendu dire et répéter
13 honnêtement et tout à fait directement que c'était votre référence qui
14 avait été faite, à savoir qu'il fallait une solution pacifique.
15 Mais pour ce qui s'est passé sur le terrain, c'est sans doute… ça peut
16 avoir été contraire à votre politique. Donc je ne peux pas vraiment
17 répondre à cela parce que je n'étais pas au courant de tout ce qui aurait
18 pu exister dans ce domaine.
19 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais vous êtes en train de parler de
20 choses qui vous étaient connues.
21 Le fait de voir le commandant de la Forpronu dire qu'il ne s'agit pas là
22 d'un génocide, est-ce que cela tient compte du système de surveillance de
23 grande qualité que vous aviez mis sur place? Est-ce que cela tient compte
24 des rapports émanant de la région de la Krajina, de la Bosnie-Herzégovine,
25 de la Croatie ou pas? Est-ce que cela peut être considéré comme étant une
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1 allégation digne de foi, ce que je viens de vous citer?
2 M. le Président (interprétation): Le témoin est incapable de faire un
3 commentaire. Parce que d'abord, le terme de "génocide", c'est une question
4 technique, c'est un terme technique, et c'est là un des points sur lequel
5 nous devrons statuer, puisqu'il y a de telles allégations pour ce qui est
6 de l'Acte d'accusation dressé s'agissant de la Bosnie.
7 De toute façon, vous vouliez que soit diffusée une cassette. Vous pourrez
8 veiller à ce que ce soit fait après la pause qui va durer 20 minutes.
9 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 40.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, poursuivez.
11 M. Milosevic (interprétation): J'ai, sur un enregistrement, non pas cette
12 déclaration-ci, il est vrai, mais une déclaration identique. Cette
13 déclaration, celle que j'ai citée, a été faite en Inde, mais une
14 déclaration analogue a été faite en 2002. Il a été invité à la faculté de
15 droit de Belgrade; il a répondu à des questions posées par des étudiants.
16 Et vous allez entendre la même assertion qui vous sera présentée par
17 l'enregistrement vidéo que nous allons voir.
18 Je prie la cabine de nous faire passer l'enregistrement.
19 (Diffusion et interprétation de la vidéo.)
20 (L'interprète ne distingue pas les propos du journaliste.)
21 (Note de l'interprète: Le journaliste est en train de parler de la
22 situation sur le terrain.)
23 "-Q: A votre connaissance, y a-t-il eu génocide en Bosnie-Herzégovine?
24 Je vous poserai d'autres questions par la suite.
25 (Note de l'interprète: Inaudible.)
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1 -R: Moi, je n'étais pas commandant des forces en Bosnie-Herzégovine.
2 J'étais commandant de ce secteur qui comportait une partie de la Croatie.
3 (Note de l'interprète: Le son est vraiment inaudible.)
4 -M. Nambiar: Je n'étais pas commandant en chef seulement pour la Bosnie-
5 Herzégovine, mon mandat concernait toute la Yougoslavie, donc votre pays
6 tout entier. Et en Serbie et au Monténégro, nous avons eu nos ingérences
7 ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine.
8 Alors, nous avons 20.000 soldats qui se sont répartis, disposés sur le
9 territoire de l'ex-Yougoslavie, exception faite de la Slovénie.
10 Et pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, je répondrai
11 directement.
12 En tant que commandant de la Forpronu, aucun de mes effectifs n'a jamais
13 fait rapport de génocide parce qu'il n'y en a pas eu. Il y a eu des
14 allégations formulées par d'autres, mais mes effectifs n'ont pas été
15 témoins de génocide, ils n'ont pas fait de rapport dans ce sens; donc je
16 n'ai jamais fait de rapport dans ce sens."
17 (Fin de la diffusion et de l'interprétation vidéo.)
18 Cela a été très bref. Est-ce que c'était bien le général Nambiar?
19 M. Kirudja (interprétation): Oui, c'était bien lui.
20 Question: Par voie de conséquence, ressentez-vous la nécessité de faire un
21 commentaire concernant les positions qu'il a présentées?
22 Réponse: Effectivement, je serai bref.
23 Cette déclaration reprise sur cette cassette où le général Nambiar, si je
24 l'ai bien compris, dit: "Aucune de mes forces, aucun de mes effectifs ne
25 m'a fait rapport d'incident de génocide." Je pense que ce sont là les
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1 termes qu'il a utilisés.
2 Je l'ai déjà dit, le général Nambiar était un homme très intègre, très
3 correct. Il était très prudent, très précis dans l'utilisation des termes.
4 Remarquez qu'il a dit "aucun de mes effectifs" et je tiens à consigner
5 dans le dossier de la présente audience qu'il y a un mémo dont j'ai donné
6 lecture ici qui énumère plusieurs endroits où j'ai dit: "On nous a dit
7 qu'il y a des camps de concentration, à commencer par Keraterm et se
8 terminant -je pense- par Omarska. Il y a plusieurs endroit de ce genre."
9 Et je me souviens très clairement que, lorsque le général Nambiar a reçu
10 ce mémo, c'est le seul de mon QG, de mes supérieurs -ce n'était pas Cedric
11 ni personne d'autre qui l'a fait-, c'est le seul qui m'a téléphoné. Il
12 était vivement préoccupé, il voulait savoir si c'était exact ou pas. Et,
13 étant le gentleman qu'il était -il était tout à fait courtois, polis; nous
14 sommes restés en contact même après mon départ de la Forpronu et après son
15 départ à lui -, il pensait qu'il… il me mettait en garde quant à
16 l'utilisation du terme "camp de concentration" qui figurait dans ce mémo.
17 Et tout à fait fidèle à la prudence qui était la sienne, il m'a appelé et
18 il a dit: "Ecoute, Charles, c'est vraiment ce qu'il en est?"
19 Je lui ai dit: "Oui, mais c'est ce qu'on m'a dit". Il m'a dit: "Bon. Je ne
20 veux pas ce terme de 'camp de concentration'". Je lui ai demandé comment
21 il fallait appeler cela. Il a répondu: "Peut-être camp de détention".
22 Et moi, j'ai dit: "Non, mais la situation était plus grave et rappelez-
23 vous les photos que nous avons vues". Il y avait des photos qui venaient
24 de cette zone et qui montrait que nous n'exagérions pas.
25 Et constatez ce qu'il dit maintenant, il a dit: "Aucun de mes effectifs".
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1 Moi, je ne comptais pas parmi ses effectifs. Il a peut-être raison dans
2 les propos qu'il tient, mais je n'étais pas un de ses effectifs et,
3 effectivement, moi, je n'en ai pas fait état directement à lui. En tout
4 cas, il m'a rappelé à ce propos.
5 Question: Oui. Mais il n'est pas contesté du tout qu'il avait été informé
6 et qu'on lui avait communiqué tous les rapports, y compris les vôtres?
7 Réponse: Oui. Je parlais de ce qu'il disait sur le plan technique. C'était
8 peut-être correct en disant "Aucun de mes effectifs", mais ce n'était pas
9 tout à fait complet puisqu'il ne me considérait pas comme étant une partie
10 de ses effectifs, un membre de ses troupes.
11 Question: Bon. Allons de l'avant.
12 Dans votre déclaration préalable, vous avez donné cette citation:
13 "Jusqu'au début avril, bon nombre de pays, y compris la Communauté
14 européenne, ont reconnu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Cela a
15 accéléré la détérioration de la situation dont nous avons pris note en
16 Bosnie-Herzégovine, y compris ce Secteur Nord où nous nous trouvions".
17 Je vous demanderai maintenant d'expliquer les effets négatifs qu'a eus la
18 reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine.
19 Réponse: Monsieur Milosevic, est-ce que vous pourriez me redonner le
20 numéro de la page? Vous me citez, mais où était-ce? A quelle page?
21 M. Milosevic (interprétation): Non, malheureusement pas. Mais j'avais
22 pensé que vous alliez reconnaître les opinions que vous aviez émises.
23 M. Kirudja (interprétation): Je reconnais ce paragraphe, mais je crois que
24 je serais plus exact si vous me donniez l'origine de cette citation. Quoi
25 qu'il en soit...
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, essayons de
2 retrouver la page. Parce que si vous contre-interrogez des témoins à
3 partir de déclarations écrites, il faut les renvoyer aux paragraphes
4 idoines. C'est la moindre des choses, il faut qu'ils aient sous les yeux,
5 au moment de répondre, le passage en question pour que la question soit
6 mise..., soit replacée dans son contexte.
7 Voici ce que nous allons faire, Monsieur Milosevic: nous allons
8 poursuivre, nous allons retrouver l'endroit où se trouve ce paragraphe,
9 mais ne perdons pas davantage de temps pour le moment.
10 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
11 Monsieur Kirudja, saviez-vous qu'avant le début de la guerre en Bosnie, à
12 savoir en date du 17 mars 1992, les leaders des trois communautés
13 ethniques en Bosnie ont signé une déclaration pour ce qui est de la
14 solution constitutionnelle à adopter pour la Bosnie-Herzégovine? C'est ce
15 qui se résume à ce que l'on entend par "le plan Cutileiro" au terme duquel
16 la Bosnie serait un pays unique qui conserverait ses frontières existantes
17 avec trois communautés ethniques; et, d'après ce que nous en savons, ce
18 plan était susceptible de préserver la paix.
19 Toutefois, suite à des suggestions faites par l'ambassadeur des Etats-Unis
20 à l'époque, à savoir M. Warren Zimmerman, Izetbegovic a retiré la
21 signature qu'il avait déjà apposée sur cet accord; le saviez-vous ou pas?
22 M. Kirudja (interprétation): Monsieur Milosevic, ici, quand on parle du
23 plan Cutileiro, ça me dit quelque chose, mais pas plus que ça. Je n'ai pas
24 vraiment de souvenir de la date non plus.
25 Question: Vous ne vous souvenez pas de l'événement ni des faits que j'ai
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1 cités à ce sujet, n'est-ce pas?
2 Réponse: Je ne me souviens pas que cela aurait été quelque chose dans
3 lequel nous aurions été engagés de façon suffisante pour en connaître la
4 teneur.
5 M. Milosevic (interprétation): Je vous donnerai lecture de ce qu'a dit, en
6 avril 1999, le général Nambiar dans une déclaration qu'il a faite en sa
7 qualité de chef de cette institution que j'ai citée tout à l'heure et qui
8 est celle de l'Inde?
9 M. Groome (interprétation): Objection. Le témoin a dit qu'il n'avait aucun
10 souvenir, qu'il ne peut soumettre quoi que ce soit à la Chambre.
11 Maintenant, on reprend l'avis de Nambiar qu'on soumet à cet témoin; c'est
12 inadéquat.
13 Si M. Milosevic souhaite citer à la balle M. Nambiar, nous n'aurions pas
14 d'objection. Et si nous pouvions recevoir une copie de cette déclaration,
15 nous pourrions la parcourir et, par voie d'accord, nous pourrions peut-
16 être introduire dans le dossier cette déclaration. Mais je ne pense pas
17 qu'il soit adéquat de soumettre cette question au témoin.
18 M. le Président (interprétation): Mais l'accusé peut demander quelque
19 chose à partir de cette déclaration, pour autant que ce soit pertinent.
20 L'accusé peut soumettre cette déclaration au témoin; il a le droit de le
21 faire, pour autant bien sûr que ce soit pertinent, et libre au témoin de
22 répondre. Bien entendu, le fait qu'une déclaration soit soumise à un
23 témoin -nous l'avons déjà dit- n'en fait pas une pièce à conviction.
24 Monsieur Milosevic, est-ce que ceci concerne le plan Cutilheiro? Est-ce
25 sur quoi votre question portait, il y a un instant?
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1 M. Milosevic (interprétation): Cela a trait à la conclusion de la paix en
2 Bosnie et aux obstacles à cette paix que nous avons rencontrés, auxquels
3 nous nous sommes heurtés, nous autres qui souhaitions que cette paix soit
4 réalisée, Monsieur May.
5 Je ne vais pas du tout insister pour que M. Kirudja nous réponde quoi que
6 ce soit, s'il ne le souhaite pas. J'avais exprimé le vœu qu'il nous fasse
7 quelques commentaires, étant donné qu'il était, à titre officiel,
8 représentant des Nations Unies là-bas.
9 M. le Président (interprétation): Je vous interromps. Nous allons avoir
10 cette citation et nous verrons si le témoin peut réagir à celle-ci.
11 Entendons d'abord le début de cette citation que vous voulez lui
12 soumettre.
13 M. Milosevic (interprétation): Bien. La citation est plutôt courte. Je lui
14 demanderai seulement de répondre si cela coïncide avec les observations
15 personnelles, et c'est une citation de Satish Nambiar.
16 "Il est ironique de voir que l'Accord de Dayton portant sur la Bosnie
17 n'était pas fondamentalement différent du plan de Lisbonne élaboré par le
18 ministre des Affaires Etrangères du Portugal, Cutilheiro et par Lord
19 Carrington, ancien représentant britannique, car les trois parties avaient
20 marqué leur accord avant que des meurtres n'aient lieu… avant qu'aucun
21 meurtre n'ait eu lieu. Ou même avant le plan Vance-Owen que M. Karadzic
22 était prêt à signer. Car, de la part de l'administration américaine, il y
23 avait une réticence à considérer que les Serbes avaient des griefs
24 légitimes."
25 M. le Président (interprétation): Je pense que là nous dépassons la portée
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1 de déposition de ce témoin.
2 Vous venez d'entendre une citation, Monsieur le Témoin. Il était dit que
3 l'Accord de Dayton n'était pas fondamentalement différent du plan
4 Cutilheiro ni du plan Carrington. Pensez-vous pouvoir faire un commentaire
5 utile à ce propos?
6 M. Kirudja (interprétation): Uniquement pour expliquer pourquoi il ne me
7 serait pas possible de faire de commentaire. Je m'explique: le plan
8 Cutilheiro ou la référence faite à Cutilheiro et à Carrington est adressée
9 au chef de l'ICFY avant que cette mission ne soit établie en ex-
10 Yougoslavie. Ici une comparaison est faite avec le plan Carrington, mais
11 celui-ci est bien ultérieur à mon départ de la région. Donc, si vous
12 voulez, je suis un peu en dehors des moyens qui m'auraient permis d'avoir
13 une connaissance directe de la question.
14 M. le Président (interprétation): Ensuite, on allait vous poser une
15 question à propos de l'administration américaine et de son attitude à
16 l'égard des Serbes. Est-ce là quelque chose qui pourrait faire, chez vous,
17 l'objet d'un commentaire?
18 M. Kirudja (interprétation): Non, parce que je n'ai pas le contexte pour
19 ce faire.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, poursuivons.
21 M. Milosevic (interprétation): Je vais alors demander à Monsieur Kirudja
22 s'il se souvient de ce qui est dit au sujet de ce qu'a dit le général
23 Nambiar. Je me souviens qu'un officiel du département d'Etat, à savoir M.
24 George Kenney…
25 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà statué: nous avons dit
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1 que le témoin n'est pas en mesure d'aborder cette question. Il ne peut pas
2 répondre pour ce qui est de l'administration américaine, à moins qu'il
3 n'ait eu à traiter directement avec elle. Il ne saurait répondre.
4 M. Milosevic (interprétation): Mais cela ne concerne pas seulement cet
5 élément-là. Parce que Satish Nambiar dit étant que George Kenney avait la
6 même position que lui; il dit: "Je lui avais proposé une escorte et
7 d'aller là-bas se rendre compte...".
8 M. le Président (interprétation): Qui a offert de fournir une escorte à
9 qui?
10 M. Milosevic (interprétation): Satish Nambiar a proposé à ce diplomate
11 américain George Kenney de lui fournir une escorte pour qu'il aille sur
12 les lieux se rendre compte par lui-même concernant des éléments qu'il
13 avait affirmés. Il dit par la suite: "Il a accepté mon affaire et puis il
14 a changé radicalement d'avis."
15 M. le Président (interprétation): Je dois prendre une décision. Le témoin
16 ne saurait répondre à cela. Si vous voulez citer à la barre le général
17 Nambiar, vous pourrez le faire au moment de la présentation de vos
18 témoins, mais vous ne pouvez pas poser à ce témoin une question à laquelle
19 il ne peut répondre. Ce n'est pas équitable et ce n'est pas bien utiliser
20 la procédure.
21 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai nullement l'intention d'être
22 inéquitable à l'intention de ce témoin. J'avais pensé qu'il était
23 compétent pour faire des commentaires sur ces questions. Mais si vous
24 estimez que ce n'est pas le cas, nous allons aller de l'avant.
25 Je vous demanderai de nous dire si vous estimez que la reconnaissance de
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1 la Bosnie-Herzégovine a accéléré la détérioration de la situation dans
2 cette République-là?
3 M. Kirudja (interprétation): J'ai dit ici, dans ma déposition, que lorsque
4 la mission de la Forpronu a été mise en place, la Bosnie-Herzégovine était
5 un lieu relativement pacifique, d'ailleurs, complètement pacifique au
6 moment où nous y sommes arrivés. A tel point que l'organisation de la
7 mission a été mise en place dans l'idée que le caractère pacifique de la
8 situation allait se poursuivre, et dans une mesure telle que le quartier
9 général de la mission était censé se trouver à Sarajevo et que nous avions
10 deux bataillons logistiques basés à Banja Luka.
11 Cette idée des Nations Unies s'est avérée fausse. Et, dans la période
12 évoquée par M. Milosevic, c'est la seule association que je peux voir, une
13 association qui a coûté cher, à savoir que nous avons vu toute la Bosnie,
14 à partir du moment où nous sommes arrivés là-bas, qui s'est trouvée
15 plongée dans un affrontement armé et que le quartier général de la
16 Forpronu a dû déménager ailleurs.
17 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que des hommes politiques
18 éminents, tels que M. François Mitterrand ou Lord Peter Carrington ont
19 affirmé entre autres que la reconnaissance prématurée de la Croatie avait
20 été une erreur et que cela a entravé les processus de paix. Le saviez-vous
21 ou pas, étant donné que vous traitiez de la question à l'époque?
22 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question à poser à ce
23 témoin qui était responsable des Nations Unies à l'époque. Il ne peut
24 faire aucun commentaire sur des propos tenus par Lord Carrington ou le
25 Président Mitterrand. Si vous souhaitez citer vos propres témoins sur ce
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1 point, comme je l'ai déjà dit, vous pouvez le faire, mais cette question
2 est injuste à l'égard de ce témoin. Et d'ailleurs, le point de vue de ce
3 témoin sur le sujet est sans pertinence.
4 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur May, je vais revenir à
5 des questions tout à fait concrètes.
6 Vous avez témoigné hier et j'ai vu certaines citations faites à partir de
7 votre déclaration préalable, et je tiens à dire que je me félicite de voir
8 que vous avez parlé hier de M. Lazarevic. Vous l'avez fait hier, n'est-ce
9 pas?
10 M. Kirudja (interprétation): Oui, je l'ai fait, Monsieur Milosevic.
11 Question: Je suis fort aise de voir que vous avez confirmé ce que je pense
12 aussi: M. Lazarevic était tout simplement et carrément un voyou. C'était
13 la conclusion que vous avez faite et c'est la mienne.
14 Réponse: Monsieur Milosevic, si vous vous souvenez des propos tenus par
15 moi, je n'ai pas utilisé le terme "voyou". Mais j'ai dit dans ma
16 déposition, que je faisais preuve de la plus grande prudence à son égard,
17 que je faisais attention.
18 Question: Vous avez dit qu'il avait fait beaucoup de dégâts, n'est-ce pas?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Il avait organisé une arrestation d'un interprète?
21 M. Kirudja (interprétation): Oui.
22 M. Milosevic (interprétation): Et il l'a fait probablement pour des
23 raisons d'intérêt personnel, n'est-ce pas?
24 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas ce que le témoin a dit dans
25 sa déposition.
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1 La déposition de M. Lazarevic consistait à dire qu'il avait agi sur
2 instruction et dans un but bien déterminé. Donc ce qu'il est permis de
3 dire, c'est que la déposition de ce témoin confirme celle de M. Lazarevic.
4 M. Milosevic (interprétation): Je pense tout à fait le contraire: le
5 témoignage de ce témoin confirme le fait que M. Lazarevic avait fait des
6 dégâts et qu'il induisait dans l'erreur ses propres compatriotes. Parce
7 que si l'on traduisait de façon erronée l'entretien entre le Colonel
8 Spanovic et M. Kirudja, ce n'est certainement pas un service qu'il rend ni
9 à sa partie à lui ni à M. Kirudja.
10 M. le Président (interprétation): Il nous appartiendra d'en juger en temps
11 utile. Avançons.
12 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit à son sujet la chose
13 suivante: "Dans le courant de ma mission, j'ai appris à ne pas accepter
14 des informations sans pour autant les vérifier une fois de plus par des
15 sources indépendantes." Donc vous aviez conclu qu'il était porté sur le
16 mensonge?
17 M. Kirudja (interprétation): Oui, il m'a donné le sentiment très net
18 d'être harcelé par lui, manipulé par lui.
19 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, puis-je vous aider?
20 Cela se trouve en page 5 de la version anglaise de la déclaration
21 préalable que M. Kirudja a faite auprès des enquêteurs.
22 M. Milosevic (interprétation): Et les officiels de la Krajina vous ont-ils
23 dit que, derrière cette mise en scène de l'arrestation de Mme Indira
24 Kulenovic, il y avait le dénommé Lazarevic?
25 M. Kirudja (interprétation): Oui, ceci au cours de la réunion qui a suivi
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1 ma première rencontre destinée à me plaindre avec M. Mile Paspalj.
2 Monsieur Toso Pajic a rapidement organisé une deuxième réunion où il a
3 cherché à me faire diminuer un peu mes protestations, et il a expliqué que
4 tout cela était dû à M. Lazarevic; si c'est cela que vous avez à l'esprit.
5 Mais je n'ai pas dit que je l'avais cru complètement. J'ai simplement dit
6 que c'est ce qu'il m'avait dit.
7 Question: Vous ai-je bien compris pour ce qui est de l'explication de ces
8 positions? Et, si j'ai bien compris, il était interprète et c'est Bulat
9 qui était officier de liaison. C'est vrai ou faux?
10 Réponse: Exact.
11 Question: C'est précisément ce que j'ai affirmé ici lorsqu'il est venu
12 témoigner; quand je disais qu'il était un interprète ordinaire, il a dit
13 que non, et je lui ai dit que Bulat était officier de liaison et lui,
14 interprète.
15 Réponse: Une correction, Monsieur Milosevic. Bulat n'était pas l'officier
16 de liaison, c'était le chef, le commandant. Lazarevic était l'officier de
17 liaison.
18 Question: Bon.
19 M. Kirudja (interprétation): Monsieur Milosevic, est-ce que vous avez
20 compris que, quand il a dit que c'était Lazarevic qui l'avait fait, il
21 n'était pas le seul à le faire?
22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, j'estime que c'est par intérêt
23 quelconque qu'il a dû le faire. Peut-être avait-il voulu trouver un emploi
24 à un poste d'interprète.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il faut quand même
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1 tenir compte de ce qui a été dit au cours des dépositions. Il ne revient
2 pas à ce témoin de se prononcer là-dessus. Monsieur Lazarevic, dans sa
3 déclaration, a dit que c'était un plan délibéré destiné à faire
4 obstruction. C'était un agent du KOS, il faisait partie du service de
5 renseignements militaires. Il était placé à ce poste afin de faire
6 obstruction au travail de la mission des Nations Unies et d'autres
7 missions. C'est ce qu'il a dit à ce propos.
8 Mais je suppose que vous pouvez demander ceci au témoin: y avait-il quoi
9 que ce soit dans ce qu'a dit M. Lazarevic ou quoi que ce soit s'agissant
10 des circonstances, qui vous a permis de comprendre pourquoi il faisait ce
11 qu'il faisait? Quels étaient ses motifs? Est-ce qu'on a laissé entendre
12 qu'il le faisait par intérêt personnel, pour avancer personnellement? Quoi
13 que ce soit de ce genre?.
14 M. Kirudja (interprétation): Ces indications m'ont été données, selon
15 lesquelles il y avait ces éléments dans tout ce qu'il faisait, donc que ce
16 soit pour des raisons d'intérêts personnels et pour des raisons
17 officielles.
18 Côté personnel -et c'est la partie que je vous ai mentionnée, je vous ai
19 expliqué comment je l'ai rencontré, comment il s'est présenté- en fait,
20 c'était un peu un monsieur qui essayait de vendre sa propre marchandise,
21 de trouver un rôle pour lui-même.
22 Pour ce qui est de l'immixtion dans notre travail, il y a eu la preuve
23 provoquée par l'arrestation de l'interprète. Il y avait cette réunion à
24 laquelle Osmanovic était présent, et là il y avait eu une interprétation
25 erronée de sa part. Nous en avons parlé à Bulat. Donc là, ce ne pouvait
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1 pas être une raison personnelle. Nous l'avons dit à Toso Pajic, comme les
2 dossiers le montrent. Et Djuro Skaljac a effectivement essayé d'arrêter
3 cette personne. Donc s'ils n'étaient pas d'accord avec lui, ils l'auraient
4 licencié immédiatement; et ils ont fait le contraire. Bulat a insisté pour
5 qu'il l'interprète, même après que nous, nous l'ayons mis en garde; parce
6 que nous lui avons dit: "Bulat, alors, à ce moment-là, laissez Lazarevic
7 vous interpréter lorsque vous, vous intervenez. Et quand nous, nous
8 parlons… lorsque l'un d'entre nous parle, à ce moment-là, ce sera
9 quelqu'un d'autre qui interprétera".
10 Donc ce n'était pas personnel.
11 M. Milosevic (interprétation): Vous avez affirmé tout à l'heure, Monsieur
12 May, que Lazarevic était un collaborateur du KOS, du contre espionnage
13 militaire. Il est exact que c'est lui qui l'a affirmé mais, suite au
14 témoignage d'un officier des services de sécurité qui était musulman et
15 qui a témoigné ici, vous avez pu constater vous-même qu'à l'époque où
16 Lazarevic avait affirmé être un collaborateur du KOS, le KOS n'avait pas
17 existé du tout.
18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, d'accord ce n'était
19 pas KOS, c'est KOG. De toute façon, nous pourrons en discuter en temps
20 utile. Ne perdons cependant pas trop de temps avec ce témoin sur ce point.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien.
22 Vous dites aussi "Je me souviens"… Je vous cite, je vous cite; c'est là où
23 l'ami de la Chambre est intervenu pour vous dire où cela se trouve. Vous
24 avez dit, donc: "Je me souviens qu'un jour ou deux après qu'il ait publié
25 son départ à la retraite, il est parti au bureau de Nikovic à Bihac pour
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1 laisser un message du commandement de Kordun qui m'a été peut-être remis
2 par Lazarevic ou ses collaborateurs, en disant qu'il serait arrêté s'il
3 venait à Kordun. J'ai senti qu'il me fallait transmettre le message parce
4 que je ne pensais pas que cette menace ait été une menace en l'air".
5 Je voudrais savoir la chose suivante: donc Lazarevic, non seulement a
6 arrêté votre interprète, mais il a menacé d'arrêter, de mettre aux arrêts
7 un général de la JNA. Est-ce exact, Monsieur le Témoin, ou pas?
8 Réponse: Correction, Monsieur Milosevic. Il a transmis cette idée; ce
9 n'était pas son idée.
10 L'idée, c'est que le général Spiro Nikovic, qui été mis à la retraite, qui
11 avait quitté le commandement auparavant, allait être arrêté s'il mettait
12 le pied sur le territoire de Kordun. Mais il ne l'a pas été. C'était un
13 officier de liaison. Et moi, ce que j'ai compris, c'est qu'il allait
14 communiquer avec moi en tant qu'officiel, quelque chose qui allait être
15 soutenu par ses supérieurs. Il ne disait pas: "Je vais l'arrêter moi-
16 même".
17 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais je vous cite encore: "Je me suis
18 fait l'impression qu'il s'agissait là du type de personne qui pourrait
19 être ou faire un bon mercenaire"; c'est bien ce que vous avez dit?
20 M. Tapuskovic (interprétation): Messieurs les Juges, Monsieur Kirudja, il
21 s'agit de la page 13, paragraphe 1 de la version anglaise qui se trouve
22 sous mes yeux, votre déclaration préalable. Donc je dis, une fois de plus:
23 page 13, paragraphe 1, vers le milieu.
24 M. Kirudja (interprétation): Exact.
25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce que cela peut signifier
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1 également, étant donné que vous avez eu l'impression que cela pourrait
2 faire un bon mercenaire, avez-vous eu l'impression que Lazarevic -en vous
3 mentant à vous et en mentant aux autorités serbes locales, et en faisant
4 toutes sortes d'intrigues- était placé au service d'un intérêt tiers et
5 non pas au service des autorités locales du côté serbe ni dans l'intérêt
6 de la Forpronu sur le terrain? Est-ce que vous seriez porté à rejeter une
7 telle hypothèse ou pas?
8 M. Kirudja (interprétation): Ce que je dis précisément en anglais, c'est
9 ceci –je le cite-: "Il avait l'étoffe…, l'étoffe pour être un mercenaire".
10 Cela ne veut pas dire qu'il l'était pour autant. Il présentait tous les
11 ingrédients, toutes les qualités nécessaires que quelqu'un doit avoir,
12 dont les services sont loués pour faire quelque chose de précis par
13 quelqu'un d'autre. C'est tout ce que j'ai voulu dire.
14 Question: Mais ai-je tort de dire, partant de ce que vous avez dit vous-
15 même… Et je ne vais pas donner citation de tout ce que vous avez dit,
16 parce que vous avez consacré beaucoup de temps au dénommé Lazarevic,
17 puisque vous avez dit: "Peu de temps après, j'ai appris de la bouche de
18 nos interprètes qu'il traduisait autrement les propos des autres lorsqu'il
19 traduisait lui-même", et toute une série d'autres choses… Il y en pour
20 deux pages. Ma question est celle de savoir si j'ai raison de dire,
21 partant de ce que vous avez dit vous-même, ce que j'ai cité et ce que vous
22 savez figurer dans votre déclaration préalable, que vous avez conclu que
23 cet homme-là était une personne qui ferait un bon mercenaire et qui n'a
24 pas d'objectif stable, que c'est quelqu'un qui se présente de façon
25 fausse, qui est portée sur la supercherie? Et c'est ce qu'il a fait, parce
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1 qu'il a traduit de façon erronée, à votre intention. Peut-on donc en
2 déduire que Lazarevic est une personne à qualité morale très faible, qui
3 ne saurait être digne de confiance?
4 Réponse: C'est une longue déclaration que la vôtre, Monsieur Milosevic,
5 contenant plusieurs parties.
6 Avant d'y répondre, examinez la date à laquelle j'ai fait cette
7 déclaration. Je l'ai faite le 29 septembre 1999, si j'ai bien compris,
8 apparemment bien avant qu'on envisage de faire déposer M. Lazarevic. Moi,
9 je n'étais pas au courant de sa déposition. Ce que j'ai dit à l'époque,
10 c'est ce que je savais directement, sans faire de référence quelconque à
11 cette déposition faite plus tard par Lazarevic.
12 Maintenant, vous me demandez de tirer des conclusions. Vous pouvez la
13 faire, cette conclusion, si je la fais. Moi, je voulais simplement
14 exprimer le fait qu'à mes yeux, c'était un facteur déstabilisateur dans le
15 secteur, quelqu'un qui faisait du tort et qui pourrait, à mon avis, faire
16 quelque chose pour d'autres. A mon avis, c'est ce que fait un mercenaire.
17 Je ne savais pas exactement ce qu'il faisait, pourquoi il le faisait. J'ai
18 dit que simplement, il présentait des signes très clairs d'un tel
19 comportement et que je l'ai traité de la sorte également.
20 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Mais je vous ai demandé s'il
21 était permis de conclure que Lazarevic était quelqu'un qui avait une
22 morale douteuse et qu'il était impossible de lui faire confiance?
23 M. le Président (interprétation): Non, non, non, ce n'est pas au témoin
24 qu'il appartient de dire cela. Il a témoigné, il a dit comment… quel était
25 son sentiment sur Lazarevic et nous ne pouvons pas aller plus loin.
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1 Savoir si nous acceptons ou pas ce que le témoin dit et ce que dit
2 Lazarevic, c'est une question qu'il nous appartient de décider et vous
3 pouvez nous en parler en temps utile. Mais vous ne pouvez pas pousser la
4 déposition de ce témoin plus loin qu'il ne le fait lui-même. Il nous a dit
5 ce qui s'était passé, il nous a donné son avis; il ne sert à rien de
6 répéter votre question.
7 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, M. Kirudja a consacré une
8 grande partie de sa déposition à Lazarevic, je crois que c'est la personne
9 dont il a parlé le plus longuement dans sa déposition, donc je pensais que
10 nous pouvions entendre son opinion. Peut-être a-t-il modifié son opinion
11 après sa déposition mais...
12 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit quelle était son
13 opinion, il l'a dit dans la mesure de ses possibilités et son opinion; son
14 avis ne repose que sur les actes et les propos de M. Lazarevic alors
15 qu'ils se trouvaient ensemble dans le Secteur Nord.
16 Il a répondu à votre question au sujet du caractère de M. Lazarevic; il a
17 dit qu'il le considérait comme un élément déstabilisateur capable d'agir
18 pour autrui dans toute sorte de sens. Mais, dans quel sens il a agi, le
19 témoin n'en sait rien. C'est à nous qu'il appartiendra de le déterminer.
20 Avançons maintenant.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien. Dans ce cas, nous n'allons plus nous
22 occuper de votre témoin, de cet homme qui est votre témoin.
23 Vous dites, Monsieur, que les Serbes de la Krajina ont justifié la
24 conservation de certaines forces armées en infraction au plan Vance et en
25 contradiction avec la volonté officielle de Belgrade. Vous dites que les
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1 Serbes locaux ont justifié le fait que ces forces armées étaient
2 conservées au titre de l'incapacité présumée des forces de la Forpronu
3 pour défendre les frontières de la RSK par rapport à l'armée croate au
4 nord et aux forces musulmanes sur la frontière avec la Bosnie-Herzégovine.
5 Vous dites que vous avez une explication similaire reçue de Paspalj, le 13
6 mai 1992, et vous dites que Paspalj a déclaré que la RSK ne pouvait pas
7 démilitariser complètement, car les Nations Unies n'étaient pas prêtes à
8 défendre la population contre une éventuelle attaque. Vous dites que la
9 protection de la population ne pouvait localement être garantie que si la
10 Forpronu faisait venir des troupes supplémentaires. Alors, ma question est
11 la suivante: ces objections des Serbes de Krajina étaient-elles exactes ou
12 pas; la Forpronu était-elle effectivement dans l'incapacité d'empêcher ces
13 hommes d'agir?
14 M. Kirudja (interprétation): Votre question contient une paraphrase d'une
15 grande partie de ma déposition et ce que vous dites dans votre paraphrase
16 est, pour l'essentiel, exact. Mais il y a certains éléments de cette
17 paraphrase qui s'écartent un peu de ma déclaration.
18 Cependant, de façon générale, la question quant aux objections des Serbes
19 de Krajina et de savoir si ces objections sont exactes ou pas -je pense
20 que c'est bien, n'est-ce pas, la base de votre question?-, ma réponse à
21 cette question consiste à vous renvoyer à un autre passage de ma
22 déposition où il est dit que les Serbes n'ont pas exécuté le plan Vance et
23 ont utilisé les insuffisances de ce plan pour, en fait, le faire capoter,
24 ce plan Vance.
25 Oui, vous avez raison, les forces des Nations Unies sur le terrain, comme
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1 je l'ai déjà dit, n'avaient pas pour but d'assurer la protection dont vous
2 venez de parler.
3 Ces forces étaient censées permettre le fonctionnement du plan Vance grâce
4 à un contrôle local, et maintenir la paix grâce à une solution qui devait
5 être trouvée ailleurs dans le contexte de la conférence internationale sur
6 l'ex-Yougoslavie.
7 Donc votre question était très longue, et on ne peut pas réduire la
8 réponse à une simple réponse par "oui" ou "non", disant que les Serbes
9 avaient raison d'agir comme ils l'ont fait. J'ai dû diviser votre question
10 en plusieurs parties, et répondre à chacune des parties de cette question.
11 Et, si vous examinez ma déposition, paragraphe par paragraphe, vous verrez
12 que ce que j'ai dit s'impose de soi-même.
13 Question: Très bien. Dans votre déclaration… soyons donc plus précis, vous
14 parlez des attaques des forces croates sur les zones protégées par les
15 Nations Unies, Maslenica en particulier, et d'autres. Vous rappelez-vous
16 toutes les actions d'envergure des forces croates contre la population
17 dans ces endroits et contre la Krajina ou, plus généralement, contre les
18 zones protégées par les Nations Unies?
19 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic. De façon générale, je m'en souviens car
20 ce sont des événements très importants survenus dans ce secteur.
21 Question: Est-il exact que les forces des Nations Unies au moment de ces
22 attaques n'ont pas protégé les Serbes de Krajina qui, finalement, ont fait
23 l'objet d'un nettoyage ethnique et ont été chassés de ces régions? Cela
24 signifie-t-il que les prémonitions des Serbes de la Krajina et leur
25 crainte était justifiées? Puisque vous n'avez pas pu les protéger.
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1 Réponse: Monsieur Milosevic, je répète que ma déposition porte sur une
2 série d'événements qui ont entraîné d'autres événements en retour. Et, à
3 un certain moment, les deux parties, les Serbes comme les Croates, se sont
4 trouvés dans une situation impossible s'agissant de déterminer qui était à
5 l'origine de quoi et qui avait réagi à quoi. Donc si vous parlez de ces
6 événements très importants, oui, j'ai dit dans ma déposition, par exemple
7 qu'en janvier ou aux environs du mois de janvier, les Croates ont
8 entrepris des actions sur le pont de Maslenica, mais les Croates ont
9 également souligné que le pont de Maslenica avait été pris par les Serbes
10 à un autre moment.
11 Donc, s'agissant de chacun des événements que vous évoquez, il y a un
12 point de vue pour les uns, et un point de vue contraire pour les autres.
13 Selon le moment, les choses évoluent. Alors, pour en venir à la base de
14 votre question, vous affirmez que les Nations Unies n'ont pas réussi à
15 assurer la protection de la population. J'en ai parlé il y a quelques
16 instants, la mission avait pour but d'obtenir la démobilisation de tous, y
17 compris des Serbes, et de mettre en place des observateurs des Nations
18 Unies pour observer l'action de la police civile chargée du maintien du
19 droit et de l'ordre avec recherche d'une solution politique. Nous savons
20 que tout cela ne s'est pas produit dans les faits.
21 Question: Mais j'ai maintenant une autre question à votre intention,
22 Monsieur Kirudja. Puisque vous dites que les uns pensaient une chose et
23 disaient une chose et que les autres pensaient autre chose et disaient le
24 contraire, est-il contesté que les attaques dont nous parlons se sont
25 produites dans des zones protégées par les Nations Unies?
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1 Réponse: C'est exact. L'attaque du Secteur Ouest dont nous avons parlé,
2 était une attaque contre une zone protégée par les Nations Unies; c'est
3 exact. Et l'attaque finale, qui s'est achevée avec l'occupation de tous
4 ces secteurs, vous avez raison de la décrire comme vous le faites; elle a
5 été lancée par les autorités croates.
6 Question: Revenons maintenant à ce que vous avez dit hier dans ce
7 prétoire, et dont on retrouve certains éléments dans votre déclaration
8 écrite également, il est vrai. Est-il exact -parce que vous avez parlé de
9 la mise en oeuvre du plan Vance par les Serbes- que, selon ce plan, les
10 Serbes ont effectivement placé leurs armes lourdes sous un double contrôle
11 ou une double clef, selon l'expression utilisée par vous, à savoir le
12 contrôle des Serbes d'une part et le contrôle des Nations Unies d'autre
13 part? Ceci est-il exact?
14 Réponse: Oui. J'ai décrit dans ma déposition ce qui s'est passé jusqu'à un
15 certain moment et, après cette période, les armes ont été retirées du
16 contrôle des Nations Unies.
17 Question: Donc voyons quelles sont les raisons de tout cela, Monsieur
18 Kirudja. Les armes ont été placées sous contrôle, le plan a donc été mis
19 en œuvre, et après un certain moment, quand les hommes en question ont
20 constaté que vous étiez incapables d'assurer leur protection, ils ont
21 repris le contrôle de ces armes? C'est bien cela, n'est-ce pas?
22 Réponse: La séquence des faits que vous venez d'évoquer est exacte. Mais
23 la conclusion selon laquelle ils auraient d'abord établi que les Nations
24 Unies étaient incapables de les protéger, autrement dit incapables de
25 protéger les Serbes; cette conclusion est inexacte, car, comme je l'ai
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1 dit, des obligations pesaient sur la partie serbe qui n'avait pas le droit
2 de militariser la situation.
3 Si vous examinez les éléments de preuve, vous constaterez qu'ils sont
4 allés saisir toutes ces armes dès qu'une action a eu lieu à Maslenica. Et
5 regardez où se trouve Maslenica. Maslenica est très, très loin, dans le
6 Secteur Nord. Donc les Serbes sont allés jusqu'au Secteur Nord pour agir
7 comme ils l'ont fait.
8 Alors, vous avez peut-être en partie raison en affirmant qu'ils
9 craignaient que quelque chose ne se passe, ça, je l'admets; mais les
10 Nations Unies étaient présentes comme prévu et répondaient à la situation
11 perturbée de l'époque. Et nous avons entamé des négociations pour obtenir
12 un retrait. Nous avons dit, témoignage après témoignage, où se trouvaient
13 les Serbes, jusqu'où ils sont entrés en Bosnie-Herzégovine. Par exemple, à
14 Bosanska Bojina, la zone militaire de la Krajina bosniaque, l'armée de
15 Bosnie n'a pas envahi le secteur. Nous avons oeuvré pour une solution et
16 les Serbes se sont retirés. Il n'y avait aucune raison d'agir ainsi après
17 la première attaque de Maslenica, mais les Nations Unies, à partir de ce
18 moment-là, n'avaient plus la moindre chance.
19 Question: Très bien. C'est une affirmation que vous faites, Monsieur
20 Kirudja, mais examinons les faits. Vous avez dit vous-même qu'ils ont
21 placé les armes sous un double contrôle et que c'est seulement en janvier
22 1993, suite à l'action entreprise par les forces croates, que les choses
23 ont changé. C'est exact ou pas?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Cela signifie donc qu'il y avait ces zones de protection des
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1 Nations Unies. Ils ont remis leurs armes; les armes étaient placées sous
2 un contrôle double. Les forces croates ont attaqué et ils ont, à ce
3 moment-là, ouvert les dépôts d'armes afin de reprendre les armes et de se
4 défendre. N'estimez-vous pas que c'est là un comportement tout à fait
5 logique de la part de personnes qui sont en danger?
6 Réponse: Pas réellement, Monsieur Milosevic, parce que, comme je l'ai déjà
7 dit, l'acte qui a été la cause de la suppression du contrôle des Nations
8 Unies sur ces armes s'est déroulé très loin, à savoir à Maslenica.
9 Oui, je l'admets également, il est fort possible que cela ait pu servir de
10 bases à des craintes pour l'avenir, mais ce n'était pas une raison
11 suffisante pour immédiatement s'emparer de ces armes.
12 Question: Très bien. Mais savoir si c'était une raison justifiée ou pas,
13 c'est un peu difficile à dire. En tout cas, vous ne contestez pas le fait
14 que ces personnes étaient en danger.
15 Mais avançons. Un peu plus loin, vous dites qu'en avril, tout était
16 tranquille en Bosnie-Herzégovine et qu'en mai 1992, les premiers problèmes
17 avaient surgi; c'est bien cela?
18 Réponse: Exact.
19 Question: Savez-vous de quelle façon les premiers heurts ont eu lieu en
20 Bosnie-Herzégovine?
21 Réponse: Lorsque vous dites "les premiers heurts", que voulez-vous dire?
22 De quelle période parlez-vous?
23 Question: Je parle du début de l'année 1992.
24 Réponse: Ah oui!
25 M. Milosevic (interprétation): Je parle du fait que le plan de Cutilheiro
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1 existait. Avant le plan Cutilheiro, rien ne s'était passé. Il n'y avait
2 pas eu d'effusion de sang. Les trois communautés s'entendaient très bien
3 et pensaient qu'il y aurait une solution politique et pacifique. Et vous
4 avez dit vous-même qu'en Bosnie-Herzégovine, tout était tranquille.
5 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà parlé du plan
6 Cutilheiro. Le témoin n'a pas pu répondre aux questions à ce sujet, donc
7 je ne crois pas qu'il soit très utile de revenir sur ce sujet. Si vous
8 souhaitez l'interroger au sujet des zones protégées, bien sûr, vous pouvez
9 le faire.
10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Kirudja, êtes-vous au courant du
11 fait que des formations croates venant du territoire de la Croatie ont,
12 dès le mois de mars 1992 -je peux vous donner la date exacte, je ne l'ai
13 pas ici immédiatement sous la main, mais je pourrai la donner plus tard;
14 mais peut-être d'ailleurs vous en souviendrez-vous vous-même-, dès le mois
15 de mars 1992, ces forces ont fait irruption sur le territoire de Bosnie-
16 Herzégovine dans la région de la municipalité de Bosanski Brod-, êtes-vous
17 au courant du fait qu'elles ont, à cette occasion, dans le village de
18 Sjekovac, assassiné un grand nombre de familles serbes; et que c'était le
19 premier acte criminel mené les armes à la main sur le territoire de la
20 Bosnie-Herzégovine, par des armes qui avaient franchi la frontière et qui
21 venaient du territoire de la Croatie?
22 M. Kirudja (interprétation): J'ai entendu pas mal de choses, mais ceci
23 s'étant passé en dehors de mon secteur et aucun réfugié n'ayant traversé
24 mon secteur à ce moment-là, je crains, Monsieur Milosevic, de devoir vous
25 dire que je ne suis pas au courant des détails.
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1 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'avez aucune connaissance de la
2 façon dont les premiers heurts se sont produits?
3 M. le Président (interprétation): Non, le témoin a déjà dit qu'il ne
4 savait pas.
5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous pouvons donc revenir sur la
6 déposition du témoin.
7 Vous avez parlé d'un entretien avec le général Spiro Nikovic à Topusko.
8 Vous avez dit qu'il vous avait appris que la République fédérale de
9 Yougoslavie avait été créée, que la JNA n'aurait plus aucune influence
10 désormais en Bosnie et que les officiers et soldats qui n'étaient pas
11 originaires de Bosnie ou de Croatie allaient retourner en Yougoslavie.
12 Ceci s'est-il effectivement produit?
13 M. Kirudja (interprétation): Vous parlez de la rencontre avec M. Nikovic;
14 c'est là que ceci a été discuté?
15 Question: Oui.
16 Réponse: Oui, cette rencontre a eu lieu.
17 Question: Mais dites-moi alors, est-ce que les choses se sont bien passées
18 ainsi: la JNA s'est-elle retirée, est-elle repartie pour le territoire de
19 la République fédérale yougoslave?
20 Réponse: Comme je l'ai dit ici dans ma déposition, le général Nikovic a
21 donné au général Bamayi, son homologue, un calendrier détaillé du retrait
22 prévu pour la JNA. Son commandement a pris fin quelques semaines plus
23 tard. Mais il contrôlait des parties du secteur englobant Kordun, Banja et
24 Plaski, et ces localités ont bien été désormais contrôlées par des
25 officiers correspondant à la description faite par lui, à savoir des
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1 officiers nés dans la région.
2 Question: Bien, mais alors cela signifie que, selon vous, les informations
3 qui vous ont été fournies ont été exactes. Vous avez même dit que l'on
4 vous avait emmené jusqu'au poste de commandement, que vous avez pu entrer
5 partout où vous le souhaitiez, et que ces hommes ont eu un comportement
6 équitable et correct à votre égard et se sont bien acquittés des tâches
7 sur lesquelles ils s'étaient engagés à les acquitter. C'est bien cela,
8 n'est-ce pas?
9 Réponse: Il est exact que nous avons pu circuler sans la moindre
10 contrainte, chaque fois qu'une rencontre avait lieu, là où nous voulions.
11 Vous avez raison de dire que le comportement de ces hommes à l'égard des
12 forces des Nations Unies a été correct et a permis d'aller dans le sens
13 souhaité.
14 Quant à la nature des résultats, il vous appartient de l'évaluer. Le
15 résultat correspond à ce qui a été décrit, à savoir que la JNA n'a disparu
16 que de nom. Il n'y avait plus de JNA; le commandement, comme vous le savez
17 bien, est demeuré à Kordun. Cedo Bulat avait toujours ce commandement
18 avant notre arrivée, et il a continué après le retrait de la JNA; c'est
19 toujours le colonel Bulat qui assurait le contrôle. La Banja est demeurée
20 sous le contrôle, sous un contrôle qui a changé dans le temps, mais
21 finalement, c'est le colonel Tarbuk qui a pris le commandement et quelques
22 autres qui ont commandé pendant des périodes plus courtes. Et je suppose
23 que Rakovic, qui était du Monténégro, est resté également.
24 Donc la Banja est restée sous le contrôle du colonel Tarbuk, mais le
25 colonel Tarbuk était là lorsque nous sommes arrivés. Et la JNA aussi. Dans
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1 les faits, il est dit, dans mes notes, lors de la première rencontre avec
2 le général Nambiar, qu'il a fait son apparition, donc nous avions les
3 mêmes structures de commandement militaire, mais simplement le nom avait
4 changé. Le nom était "Armée de la Banja" ou "armée de la RSK", mais les
5 structures étaient les mêmes.
6 Question: J'attends la fin de l'interprétation de vos propos avant de
7 reprendre la parole.
8 Monsieur Kirudja, dites-moi, je vous prie, quelle a été la conclusion
9 tirée par vous, au vu de tout cela?
10 Je reformule, pour être plus précis: à l'époque où existait la
11 Yougoslavie, la seule armée était l'armée populaire yougoslave, n'est-ce
12 pas? Ceci n'est pas contesté?
13 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)
14 Lorsque le conflit, la guerre, la sécession de la Slovénie d'abord, puis
15 de la Croatie, puis ces déclarations d'indépendance prématurées…, lorsque
16 tout cela s'est produit, pratiquement toutes les armées dont nous parlons
17 ont été créées: aussi bien celle de la RSFY que celle de la Croatie, que
18 celle de la Krajina, que celle de la Slovénie, que celle de la Bosnie.
19 Donc y compris l'armée de la Bosnie d'Izetbegovic et l'armée de la
20 Republika Srpska, toutes ces armées, antérieurement, faisaient partie de
21 l'armée populaire yougoslave, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui, en effet. C'étaient des éléments, avant, de la structure
23 officielle de l'armée populaire yougoslave.
24 Question: Donc qu'y a-t-il de surprenant à constater que les divers
25 éléments de l'ancienne armée populaire yougoslave, donc les hommes de
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1 cette ancienne armée qui venaient de ce territoire, qu'y a-t-il de
2 surprenant à les voir créer l'armée de la Republika Srpska ou l'armée de
3 la Krajina serbe, tout comme, par exemple, les officiers et les cadres de
4 l'armée originaires du territoire de Croatie avaient créé, un peu avant,
5 les forces armées croates; tout comme également l'armée d'Izetbegovic
6 s'était créée avec des officiers et des hommes qui, antérieurement,
7 faisaient partie de la JNA et qui désormais avaient créé leurs propres
8 forces, même si, dans ce cas précis, cette nouvelle armée comprenait des
9 terroristes et des Moudjahidine de bien des organisations? Ceci ne s'est
10 pas passé ailleurs qu'à cet endroit-là, n'est-ce pas? Alors, est-ce que ce
11 processus s'est déjà produit ailleurs?
12 Réponse: Je suis surpris, Monsieur Milosevic, de vous entendre poser cette
13 question. Parce que vous savez que selon le plan Vance, il fallait qu'il
14 ne reste plus aucune force militaire dans la région. Et vous connaissez
15 tous les détails. Il était exigé que la seule force qui reste soit celle
16 des Nations Unies et la police.
17 Et troisièmement, il ne pouvait pas y avoir de République de la Krajina
18 serbe avec un gouvernement; c'est ça, le problème. Vous connaissez bien
19 tous ces détails.
20 M. Milosevic (interprétation): C'est le problème. Mais n'avez-vous pas
21 tiré vous-même la conclusion selon laquelle il fallait que seule demeure
22 la police, avec des renforts, pour que tout soit tout à fait juste?
23 Cependant, jusqu'au mois de janvier 1993, jusqu'au moment de l'attaque,
24 jusqu'au moment… à la reprise des armes aux Nations Unies, le plan Vance a
25 bien été exécuté, n'est-ce pas? Il n'y avait que la police sur le terrain;
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1 ceci est-il exact ou pas, Monsieur Kirudja? Je veux dire: tout ce qu'il y
2 avait sur le terrain, c'était bien la police, n'est-ce pas?
3 M. Kirudja (interprétation): Eh bien, voyez-vous, c'est ce que je
4 m'efforce de vous dire avec la plus grande précision possible. Nous nous
5 attendions à ce que, depuis le mois d'août et jusqu'au mois de janvier
6 1993, le plan Vance, en tout cas, prévoyait que la police soit la seule
7 sur le terrain et qu'une solution politique soit obtenue. Et, comme vous
8 le savez, cela n'a pas été le cas, mais il y a eu également violation du
9 plan Vance, correspondant aux actes que vous venez de décrire très
10 précisément vous-même.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je ne sais pas si
12 vous pouvez aller beaucoup plus loin avec le témoin. Le témoin a dit ce
13 qu'il avait à dire. Nous avons entendu ce que vous affirmez vous-même et
14 il ne fait aucun doute qu'en temps utile, nous devrons nous prononcer sur
15 la vérité en la matière. Mais il n'y a aucun doute non plus quant au fait
16 que le témoin a dit ce qu'il avait à dire dans sa déposition; il a dit que
17 le comportement qui a causé sa préoccupation correspondait à une violation
18 du plan. Vous affirmez qu'il y a des éléments expliquant ce fait; nous
19 devrons examiner les choses.
20 Mais est-ce qu'une poursuite de cette discussion sert à quelque chose pour
21 les Juges? J'en doute beaucoup.
22 Donc nous devrons, de toute façon, suspendre car l'heure est venue. Peut-
23 être pourrez-vous aborder un autre sujet demain matin.
24 Je voudrais que nous parlions quelques instants du temps qui reste à votre
25 disposition. Vous aurez un temps égal à celui donc a disposé le Procureur,
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1 donc vous disposerez encore d'une heure et demie le matin pour la
2 conclusion de votre contre-interrogatoire, si vous en avez besoin, pour ce
3 témoin.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne suis pas sûr qu'une
5 heure et demie me suffise, car j'ai encore de très nombreux documents à
6 aborder dans le cadre du contre-interrogatoire de M. Kirudja.
7 M. le Président (interprétation): Oui, oui, Monsieur Milosevic. Mais vous
8 savez, n'est-ce pas, qu'au cours de ce procès, des limites sont imposées.
9 Et lorsque vous organisez votre contre-interrogatoire, vous devriez y
10 penser. C'est d'ailleurs, notamment, la raison pour laquelle on vous
11 annonce que vous disposez encore d'une heure et demie, pour que vous
12 puissiez vous organiser.
13 Et l'une des conclusions qu'il vous est permis de tirer de tout cela,
14 c'est qu'il ne sert à rien de discuter inutilement avec le témoin en
15 essayant de lui faire dire des choses au sujet desquelles il n'a aucune
16 connaissance. Par conséquent, vous pouvez utiliser votre temps de façon
17 plus efficace.
18 Nous suspendons jusqu'à 9 heures demain matin.
19 (L'audience est levée à 13 heures 46.)
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