Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 16975

1 (Jeudi 27 février 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 5.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Colm E. Mangan, est dans le prétoire.)

5 (Questions relatives à l'ordre de présentation des témoins.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le Greffe me fait

7 comprendre qu'il y a une difficulté à propos de la liste des témoins. Est-

8 ce exact? Apparemment, elle ne vous a pas été transmise. Si c'est le cas,

9 manifestement, il faut se pencher sur la question.

10 Mais voici ce que nous allons faire. Puisque le témoin est déjà dans le

11 prétoire, nous allons l'entendre. Et nous examinerons ces questions après

12 sa déposition ou à un moment qui s'y prête mieux au cours de l'audience.

13 Oui, Madame Uertz-Retzlaff, vous pourrez peut-être voir la question de la

14 liste des témoins qui n'a pas, apparemment, été envoyée. De toute façon,

15 nous allons entendre la question en temps utile.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Et j'insiste sur le fait qu'il y

17 a des contraintes de temps à l'encontre de ce témoin. Toutes les questions

18 de procédure devraient être évoquées par la suite, si vous le voulez bien.

19 M. le Président (interprétation): Vous l'aurez constaté, nous avons pour

20 coutume d'examiner les questions de procédure une fois la déposition d'un

21 témoin terminée.

22 Madame Uertz-Retzlaff, il faut demander au témoin de faire sa déclaration

23 solennelle.

24 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, ceci n'a rien à voir avec une

25 question administrative. En fait, il s'agit simplement de simple

Page 16976

1 politesse. Moi, je ne sais absolument pas qui comparaîtra en qualité de

2 témoin après M. Okun.

3 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas vous interrompre une fois

4 de plus, Monsieur Milosevic, mais nous allons nous occuper de la question

5 plus tard, au cours de la journée.

6 Nous allons d'abord demander au témoin de prononcer sa déclaration

7 solennelle, et puis nous l'entendrons.

8 M. Mangan (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur, veuillez

11 vous asseoir.

12 (Le témoin s'assoit.)

13 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.

14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Colm E. Mangan, par Mme Uertz-

15 Retzlaff.)

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.

17 Pourriez-vous décliner votre identité, à l'attention du dossier de

18 l'audience?

19 M. Mangan (interprétation): Je m'appelle Colm E. Mangan.

20 Question: Vous êtes chef de l'état-major de la force de Défense nationale

21 d'Irlande?

22 Réponse: C'est exact.

23 Question: Quel est votre grade?

24 Réponse: Je suis général de division.

25 Question: Vous étiez chef de l'équipe de l'ECMM en Croatie, en 1991 et en

Page 16977

1 1992. Est-ce exact?

2 Réponse: Je faisais partie de cette mission avant de devenir chef de cette

3 équipe.

4 Question: Et quand exactement avez-vous travaillé en Croatie?

5 Réponse: De juillet 1991 jusqu'à la fin de janvier 1992.

6 Question: Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire quel était le mandat,

7 quelles étaient les attributions de l'ECMM, et de vous-même?

8 Réponse: Nous nous sommes rendus dans la région, tout d'abord ou dans un

9 premier temps, pour surveiller, pour contrôler les dispositions de cessez-

10 le-feu en République fédérale de Slovénie. Et, par la suite, nous nous

11 sommes engagés dans le contrôle du conflit qui se poursuivait en

12 République fédérale de Croatie.

13 Question: En mars 2001, vous avez fourni une déclaration au Bureau du

14 Procureur. Vous l'avez examinée à nouveau, hier. Et vous avez, en fait,

15 confirmé sa teneur, mais par voie aussi d'un addendum?

16 Réponse: C'est exact.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, nous aimerions

18 demander le versement de cette déclaration en application du 92bis.

19 M. le Président (interprétation): Une cote, s'il vous plaît?

20 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 399.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il y a un addendum qui se situe à

22 l'intercalaire 9. Vous avez apporté une correction à cet addendum et, plus

23 exactement, aux paragraphes 8 et 9 de votre déclaration préalable qui

24 concerne le Dr Milan Babic. Est-ce exact?

25 M. Mangan (interprétation): Oui.

Page 16978

1 Question: Ces paragraphes 8 et 9 de votre déclaration préalable, est-ce

2 qu'ils portent sur les négociations en vue d'un cessez-le-feu dans la

3 région d'Osijek, en septembre 1991?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: Etiez vous présent à ces pourparlers?

6 Réponse: Pendant peu de temps, à cet endroit, effectivement.

7 Question: Vous avez rencontré une personne qui était le négociateur en

8 chef du côté serbe. Comment vous a-t-il été présenté? Cet homme, qui

9 était-ce?

10 Réponse: Il m'a été présenté comme étant le ministre de l'Agriculture en

11 République de Baranja, Srem occidental et Slavonie.

12 Question: Et vous avez discuté, dans le cadre de la préparation à votre

13 déposition, ce faisant. Est-ce que vous avez passé en revue une liste de

14 ministres, de responsables officiels qui se trouvaient dans cette SAO de

15 Baranja, Srem occidental et Slavonie? Il s'agit ici de la pièce 327,

16 intercalaire 6; nous avons déjà discuté de cette liste.

17 Je voulais vous demander ceci: est-ce que vous avez vu dans cette liste le

18 ministre de l'Agriculture avec, au regard de cette fonction, le nom de

19 Slavko Dokmanovic?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-ce que vous vous souvenez de cet homme et de son nom?

22 Réponse: Nous avons discuté et négocié avec le ministre de l'Agriculture

23 de l'époque, et pas le nom que j'ai donné au départ.

24 Question: Est-ce que vous avez rencontré Milan Babic, Président de la SAO

25 de Krajina?

Page 16979

1 Réponse: Non.

2 Question: Vous avez fait cette déclaration. Dans ce cadre, avez-vous

3 également fourni des exemplaires de plusieurs rapports de l'ECMM, en guise

4 d'annexes?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Est-ce que ces rapports portent sur la situation générale qui

7 prévalait en Croatie, surtout à Dubrovnik?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Ces documents, qui les a rédigés?

10 Réponse: Ils ont été préparés par plusieurs personnes qui travaillaient au

11 centre situé au QG de la Mission à Zagreb. Ces personnes ont reçu des

12 rapports des divers équipes qui se trouvaient de par le pays, et ils ont

13 rassemblé tous ces rapports pour en faire un rapport unique qui a alors

14 été transmis à La Haye, puisque ce sont les Pays-Bas qui avaient la

15 présidence à l'époque. C'était donc un rapport de synthèse à la suite des

16 rapports établis par les différentes équipes se trouvant et fonctionnant

17 en Croatie.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Les intercalaires concernés sont les

19 intercalaires 1 à 8. Et vous les trouvez dans le résumé concernant ce

20 témoin. Nous demandons le versement de ce résumé et nous demandons qu'on

21 lui attribue une cote provisoire, pas une cote de pièce à conviction.

22 M. le Président (interprétation): Voulez-vous demander le versement de ces

23 rapports?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il ne serait pas plus simple

Page 16980

1 de verser au dossier ces rapports qui sont en annexe à la déclaration

2 préalable? Nous allons en discuter avec Mme la Greffière pour voir comment

3 s'y prendre au mieux.

4 Oui, Monsieur Kay?

5 M. Kay (interprétation): Une question surgit, c'est qu'il manque un

6 document, le RM-CM-01. Vous vous souvenez que nous en avons parlé dans le

7 cadre des discussions portant sur le 92bis, l'Annexe I. Dans la deuxième

8 moitié, il y a une partie intitulée "Expérience en matière de contrôle en

9 Yougoslavie". Ce témoin a fourni un addendum dans le cadre de sa

10 déposition aujourd'hui; et là, il y a une espèce de dispense sur cette

11 partie de sa déposition, pour tout ce qu'il a écrit ou tout ce qui est en

12 rapport avec lui.

13 M. le Président (interprétation): Oui, nous prenons note de cela. Nous

14 allons en tenir compte.

15 M. Kay (interprétation): Il faudrait peut-être faire sortir ceci de la

16 pièce?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous allons aborder cette question

18 précisément avec le témoin.

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation –je parle ici

21 des annexes-, la pièce P400.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que, quand vous étiez à

23 Zagreb, l'ECMM a reçu des informations selon lesquelles la JNA préparait

24 une attaque sur Dubrovnik?

25 M. Mangan (interprétation): Oui. Des informations de la part des autorités

Page 16981

1 croates à ce propos, à propos d'une masse sur Dubrovnik.

2 Question: Et comment avez-vous réagi?

3 Réponse: Je dois dire que nous n'étions pas très enclins à croire cela, au

4 départ.

5 Question: Pourquoi?

6 Réponse: Parce que toutes les activités de la JNA, avant ce moment-là,

7 étaient destinées à soutenir la population serbe locale. Et nous savions

8 qu'il n'y avait pratiquement pas de Serbes, sinon peu de Serbes, à

9 Dubrovnik. Par conséquent, nous n'avons pas pensé que la JNA allait

10 menacer la ville de Dubrovnik parce que nous ne voyions aucune raison de

11 le faire.

12 Question: Est-ce que Dubrovnik revêtait une signification militaire

13 apparente?

14 Réponse: Non, pas à notre avis.

15 Question: Est-ce qu'il y a une équipe de l'ECMM appelée "l'équipe Whisky",

16 qui était envoyée, dépêchée à Dubrovnik?

17 Réponse: Ce fut la première équipe. Elle devait vérifier les rapports que

18 nous avions reçus à propos des menaces qui pesaient sur la ville.

19 Question: Je vais demander l'aide de l'huissier pour présenter au témoin

20 l'intercalaire 1 de la pièce 400.

21 En fait, il y a plusieurs documents dans cette pièce. Nous allons examiner

22 le premier qui porte pour titre: "Visite effectuée par l'équipe

23 'Whisky'.". Est-ce là le rapport établi par cette équipe, cette première

24 équipe qui a été dépêchée sur place?

25 Réponse: Oui, c'est le rapport établi par cette équipe.

Page 16982

1 Question: Avant dernier paragraphe de la première page. On y trouve une

2 référence à une conférence de presse faite par cette équipe. Elle lance un

3 appel au nom de l'ECMM pour que ceux qui sont concernés renoncent aussitôt

4 à ces attaques qui n'ont pas été, apparemment, provoquées. Etes-vous au

5 courant de cette conférence de presse?

6 Réponse: Je sais que c'est ce que pensait l'équipe qui se trouvait à ce

7 moment-là à Dubrovnik.

8 Question: Deuxième page, premier paragraphe. On fait référence à des

9 efforts intenses destinés à contacter la JNA de façon directe, mais ces

10 tentatives auraient échoué. Etiez-vous au courant de la situation?

11 Réponse: Lorsque nous avons pris la relève de cette équipe, nous étions

12 conscients que c'était là la situation; nous en avions été informés.

13 Question: Milieu de la deuxième page. On y fait référence à l'équipe qui a

14 succédé à la première, l'équipe "Charlie". C'était votre équipe?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Examinons maintenant le document suivant qui fait partie de la

17 même pièce et qui porte comme en-tête: "Visite de Dubrovnik faite le 29

18 octobre 1991".

19 Etiez-vous au courant du fait que des ambassadeurs, des hommes politiques

20 s'étaient rendus ce jour-là dans cette ville?

21 Réponse: Oui, nous le savions.

22 Question: Je vais faire une citation à partir du premier paragraphe. On

23 dit que "même si des dégâts physiques sont minimes pour ce qui est du

24 centre historique de la ville, on voit qu'il y a tout autour des dégâts

25 provoqués par des pilonnages; des voitures sont endommagées. Et ceci ne

Page 16983

1 peut avoir qu'un objectif, c'est-à-dire qu'on veut faire une guerre

2 psychologique sur la population pour vider la ville de ses habitants.

3 L'équipe a reçu des informations selon lesquelles il y a des bien dégâts

4 plus conséquents dans tous les villages entourant Dubrovnik, là où il ne

5 semble y avoir aucune nécessité militaire non plus".

6 Est-ce que c'était l'opinion qui prédominait, à l'époque?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Examinons maintenant la page 3 pour ce même document portant sur

9 la visite à Dubrovnik, dernier paragraphe. On dit ici: "Tous les membres

10 de cette équipe, y compris les experts militaires, estiment qu'il n'y

11 avait pas…, et ils ont convenu du fait qu'il n'y avait aucun intérêt

12 militaire à détruire la ville ou encore à la vider de sa population civile

13 qui compte encore plusieurs dizaines de milliers d'habitants.".

14 Un commentaire, s'il vous plaît?

15 Réponse: C'était l'avis non seulement de ceux qui ont fait cette visite,

16 mais c'était un avis général à l'ECMM, à l'époque.

17 Question: Et que pensiez-vous personnellement?

18 Réponse: Oui, ceci concordait avec mon avis personnel.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pouvons-nous maintenant examiner le

20 document suivant qui s'appelle "Expérience en matière de contrôle en

21 Yougoslavie"? Pourriez-vous faire un commentaire sur ce document, sans

22 entrer dans trop de détails?

23 M. Mangan (interprétation): Juste un commentaire. Vous l'aurez constaté,

24 dans ce démenti…, c'était contenu dans l'ensemble des rapports que j'ai

25 soumis. Mais il ne s'agit pas là d'un rapport; c'est un avis tout à fait

Page 16984

1 personnel, particulier, et ceci ne constitue pas un rapport officiel. Je

2 ne sais pas qui l'a écrit et je ne sais pas d'où il vient.

3 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai lu la première phrase. Et je

4 ne pense pas qu'il serait exact ou juste de le verser au dossier.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'insistais pas pour qu'il soit

6 versé au dossier. C'était simplement nous avions reçu une liasse de

7 documents dans le cadre de la déclaration préalable.

8 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons enlever ce document de

9 la liasse de documents.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Voyons le document suivant qui fait

11 partie de la même pièce. Ceci a pour titre: "Déclaration au sujet de

12 Dubrovnik'". Je voudrais vous citer un extrait qui se trouve à la page 3.

13 "Le processus en vigueur à Dubrovnik en Dalmatie et sur les autres lignes

14 de front est un processus d'intimidation intentionnelle. L'objectif n'est

15 pas nécessairement de faire de l'occupation, d'occuper, ce qui semble que

16 la JNA est de moins en moins en mesure de le faire, mais c'est plutôt

17 d'intimider la population pour chasser, en fait, les Croates du centre

18 agricole et économique de la Dalmatie et de la Slavonie, de causer des

19 dégâts à son économie, et de la laisser sans foyer -nous parlons ici de la

20 population croate. Et si la JNA se retire, elle veut faire une politique

21 intentionnellement de terre brûlée."(Fin de citation.)

22 Un commentaire, s'il vous plaît?

23 M. Mangan (interprétation): Je vous l'ai dit, ce paragraphe a été rédigé

24 au quartier général de Zagreb, c'est une décantation, si vous voulez, des

25 rapports envoyés par les diverses équipes qui travaillaient dans la

Page 16985

1 région. Mais ceci donnait une bonne idée du type de rapports fournis par

2 les équipes qui travaillaient à l'époque en Croatie.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Autre citation du paragraphe...

4 M. le Président (interprétation): Les interprètes n'ont pas les documents.

5 Est-ce que vous avez une copie à leur intention?

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Apparemment, ceci figure à

7 l'intercalaire 1, c'est un document en anglais.

8 M. le Président (interprétation): Voyons comment nous pouvons poursuivre.

9 Si vous voulez faire des citations, faites-les lentement!

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je cite maintenant le paragraphe 4,

11 qui commence de la façon suivante. Ici, on parle d'une démarche

12 systématique en tant que telle, qui commence par des feux circonscrits,

13 par exemple des tirs de mortiers et qui donnent l'occasion aux citoyens de

14 s'échapper avec le moins de perte possible. Puis, il y a une escalade, on

15 passe à des tirs de chars et d'artillerie destinés à détruire les villages

16 de façon plus systématique. Après un certain détail, cela se poursuit, on

17 dit: "C'est là le produit intentionnel de cette guerre qui explique de

18 façon incidente pourquoi la JNA tient souvent à aider à l'évacuation de

19 civils et pourquoi les Croates sont quelquefois réticents à marquer leur

20 accord, voire Ilok." (Fin de citation.)

21 Pourriez-vous nous faire un commentaire?

22 M. Mangan (interprétation): Ceci cadre bien avec les rapports établis à

23 Zagreb par la mission de contrôle de la Communauté européenne.

24 Question: Qu'est-ce qui s'est passé à Ilok? Le savez-vous?

25 Réponse: Il s'agit de la ville d'Ilok, qui se trouve en Slavonie

Page 16986

1 orientale, qui avait été coupée, isolée, qui était une zone occupée mais

2 n'avait pas subi de pilonnage ni de destruction au cours des combats en

3 Slavonie orientale. C'est alors que le village a été évacué avec l'accord

4 du maire d'Ilok. Les autorités croates ont quelque peu été perturbés par

5 ce fait, par le fait que l'ECMM avait aidé à l'évacuation du village et

6 estimé que l'ECMM avait aidé à éloigner la population.

7 Question: Un peu plus loin, on trouve un paragraphe portant sur Dubrovnik

8 qui parle de tirs aveugles, de pilonnages aveugle, dirigeaient une fois de

9 plus sur des cibles civiles. Est-ce que c'est exact?

10 Réponse: Oui. Aveugles, dans la mesure où il n'y avait pas de cible

11 militaire apparente qu'on aurait pu cerner de façon précise. C'est en ce

12 sens-là qu'il faut prendre cette appellation, cette qualification.

13 Question: J'en ai ainsi terminé de l'examen de ce document. Je vous

14 demande maintenant de vous pencher sur le paragraphe 17 de la déclaration

15 préalable, qui fait référence à l'utilisation des armes et aux

16 observations que vous avez faites jusqu'alors.

17 Vous avez donc effectué votre mission à Dubrovnik. Est-ce qu'au cours de

18 cette mission, il y a eu pilonnage de la ville par air, par terre et par

19 mer?

20 Réponse: Oui, c'est exact.

21 Question: A combien d'attaques aériennes avez-vous assisté?

22 Réponse: Une attaque aérienne, un bombardement depuis la mer et plusieurs

23 attaques d'artillerie et de mortier sur la ville.

24 Question: Et cela s'est passé au cours de quelle période?

25 Réponse: Dans la période qui va à peu près du 5 octobre 1991 jusqu'au 7

Page 16987

1 octobre 1991.

2 Question: Vous avez été témoin de cette attaque navale. Quelle était la

3 cible de celle-ci? Qu'avez-vous vu?

4 Réponse: C'est l'hôtel "Excelsior" qui a été pris pour cible. Il se trouve

5 tout juste au sud de la Vieille Ville de Dubrovnik. Il s'est trouvé pris

6 sous le feu de canon, venant de la mer. C'étaient des canons de 57

7 millimètres ou de 76.

8 Question: Peut-on placer la carte devant le témoin? Il s'agit de la pièce

9 326, intercalaire 24.

10 Réponse: Je crois que j'ai touché un bouton et je ne vois plus rien à

11 l'écran.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Question: Je vous demanderai de placer le pointeur sur l'emplacement de

14 l'hôtel "Excelsior", je vous prie. Sur le rétroprojecteur, pas sur

15 l'écran. Merci beaucoup.

16 Etant donné votre passé de militaire et vos connaissances en matière

17 militaire, je vous demanderai de formuler un commentaire au sujet de la

18 précision de l'arme dont vous venez de parler?

19 Réponse: Cette arme est généralement considérée comme une arme très

20 précise, qui doit être capable d'atteindre sa cible avec un certain degré

21 de précision. Quant à l'hôtel "Argentina" qui se trouve ici, c'est

22 l'endroit à partir duquel j'ai pu observer le pilonnage de l'hôtel

23 "Excelsior" qui, sans aucun doute, constituait la cible de cette attaque

24 navale.

25 Question: L'hôtel était-il, à ce moment-là, une cible militaire, à votre

Page 16988

1 avis?

2 Réponse: Pas que je sache. Il n'y avait aucune présence militaire visible

3 à cet endroit.

4 Question: S'agissant à présent des forces terrestres que vous avez vu

5 opérer, je vous demanderai quelles sont les armes que vous les avez vu

6 utiliser? Et est-ce que vous avez vu à partir de quel endroit ces forces

7 tiraient?

8 Réponse: Je n'ai pas pu voir depuis quel endroit ces forces tiraient, car

9 il s'agissait de tirs indirects, tirs de mortier et tirs de canon.

10 Question: Pourriez-vous nous dire quelques mots de la précision de ces

11 armes?

12 Réponse: Les canons d'artillerie sont en général des armes assez précises,

13 alors que les mortiers sont moins précis. Mais tout cela dépend beaucoup

14 d'un certain nombre de facteurs et notamment, dans une très grande mesure,

15 du degré d'entraînement des hommes, de ceux qui dirigent le tir, de ceux

16 qui contrôlent la visée, et des conditions logistiques à tous moments.

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pouvez-vous, je vous prie, examiner

18 maintenant l'intercalaire 13 de la pièce à conviction 326 de l'accusation?

19 C'est une carte géographique plus grande où l'on peut voir Dubrovnik.

20 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, une rectification, je

21 vous prie. La carte qui vient d'être utilisée constitue l'intercalaire 23

22 et non l'intercalaire 24.

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, tout à fait.

24 Monsieur le Témoin, avez-vous vu quelles étaient les cibles des forces

25 terrestres? Je vous demanderai, pour répondre à cette question, de bien

Page 16989

1 vouloir vous tourner du côté du rétroprojecteur en plaçant sur le

2 rétroprojecteur votre pointeur pour nous indiquer les différents lieux

3 dont vous parlez.

4 M. Mangan (interprétation): Ici se trouvait un centre, une marina, un club

5 nautique qui se trouve donc au nord-est de la Vieille Ville de Dubrovnik

6 et qui a été très engagé dans les tirs de mortier. C'est à cet endroit que

7 des dommages importants ont été causés à des yachts de très grande

8 qualité, ainsi qu'aux différents bâtiments qui bordent la marina.

9 Question: La zone dont vous parlez, diriez-vous qu'elle constituait une

10 zone militaire?

11 Réponse: Je n'ai rien vu qui ait une quelconque valeur militaire aux

12 abords de la marina.

13 Question: Les tirs ont-ils frappé d'autres régions, à ce moment-là?

14 Réponse: Oui. Vous vous rendrez bien compte qu'à ce moment-là, il y avait

15 des tirs très nourris. Donc, je pourrais indiquer sur quels secteurs

16 tombaient les obus. Et, en fait, ce secteur va depuis la marina, que je

17 viens de montrer, jusqu'ici, mais également jusqu'au mont Srdj.

18 Question: Y avait-il des cibles militaires qui étaient visées, oui ou non?

19 Réponse: La seule cible militaire tout à fait claire que j'ai observée

20 était en fait le mont Srdj, où se trouvait un très ancien fort, une

21 forteresse de l'époque napoléonienne qui abritait une tour de

22 transmission, une tour émetteur-récepteur et des éléments de l'armée

23 croate. C'est la seule cible militaire que j'ai pu observer dans la région

24 de Dubrovnik depuis la marina que j'ai montrée tout à l'heure, au sud de

25 la ville de Dubrovnik. Toutes les autres zones étaient, à mon avis,

Page 16990

1 occupées par des civils.

2 Question: Ces obus qui atterrissaient dans les régions peuplées par des

3 civils, aurait-il été possible qu'ils soient tombés par accident?

4 Réponse: Je ne pense pas, non.

5 Question: Pourquoi ne le pensez-vous pas?

6 Réponse: Je pense que si l'on tient compte des possibilités d'erreur dues

7 à des mauvais calculs ou à des erreurs humaines, l'intensité des

8 bombardements montre bien, à mon avis, qu'il ne pouvait pas s'agir

9 d'erreurs humaines ou d'erreurs de calcul, mais bien de tirs délibérés.

10 Donc aucun accident, à mon avis, n'était vraisemblable.

11 Question: Merci. On peut reprendre les cartes géographiques.

12 Et je vous demande, Monsieur, d'expliquer aux Juges de cette Chambre, en

13 quelques mots, quels étaient les éléments de planification, coordination,

14 de contrôle de commandement des troupes que l'on trouvait dans une

15 opération terrestre?

16 Réponse: S'agissant d'une opération impliquant une liaison des forces

17 terrestres, maritimes et aériennes, il fallait qu'il y ait contrôle et

18 coordination de la part du commandant de l'opération. Afin de réaliser

19 cette coordination et ce contrôle, le commandant devait coordonner la

20 visée du tir, et pour ce faire, il fallait coordonner un certain nombre

21 d'activités liées au tir. Et puis, il fallait également regrouper et

22 contrôler, de façon mixte, les moyens mis à la disposition des troupes

23 pour l'opération, ainsi que divers éléments sur le terrain. Donc il

24 fallait que la coordination soit bonne à tous les moments pour qu'une

25 opération de ce genre soit possible.

Page 16991

1 Question: A votre avis, qui commandait l'ensemble de ces troupes?

2 Réponse: Selon les informations dont je disposais, il s'agissait du

3 général Strugar.

4 Question: Savez-vous quelles étaient les fonctions exactes, le grade du

5 général Strugar, à l'époque?

6 Réponse: Selon les informations dont nous disposions, le général Strugar

7 était commandant d'un groupe opérationnel et également commandant régional

8 dans le secteur.

9 Question: Pouvez-vous expliquer de quelle façon les cibles étaient

10 choisies au cours de telles opérations, notamment si l'on tient compte du

11 fait qu'il y avait de nombreux bâtiments résidentiels et monuments

12 culturels dans le secteur?

13 Réponse: Le premier élément à prendre en compte, c'était la réalisation de

14 la mission; donc quelles étaient les cibles les plus efficaces pour

15 permettre une bonne réalisation de la mission. Et puis, le deuxième

16 facteur, c'était la sécurité de ses propres forces. Troisième facteur

17 intervenant dans le raisonnement: c'était le patrimoine présent dans les

18 zones habitées par les civils; mais cette question du patrimoine n'était

19 prise en compte qu'après les deux premiers critères.

20 Question: Vous avez vu un certain nombre de choses se passer. Sur cette

21 base, pouvez-vous conclure quelle était la nature de la mission?

22 Réponse: La nature exacte de la mission qui était menée à l'époque était

23 difficile à déterminer. Difficile à déterminer.

24 Question: Vous avez déjà parlé d'un plan préétabli s'agissant des tirs. Je

25 vous demande s'il y avait également des situations où des cibles

Page 16992

1 devenaient des cibles de tirs, sans aucune planification préalable?

2 Réponse: Bien entendu, tout ne peut pas être planifié à l'avance. Donc

3 lorsque des tirs sont réalisés au cours d'une opération, ils ne sont pas

4 tous planifiés à l'avance. Mais si des cibles apparaissent au cours de

5 l'opération, qui menacent la réalisation de votre mission ou qui mettent

6 en danger vos hommes, eh bien, ces cibles sont alors visées.

7 Question: Vous avez déjà dit que le commandant de l'opération dans son

8 ensemble, à savoir Strugar, dans le cas qui nous intéresse, a sans doute

9 participé à la planification préalable. Mais qu'en est-il des cibles que

10 l'on prend pour cibles en cours d'opérations? Qui prend la décision,

11 s'agissant de ces cibles non planifiées?

12 Réponse: La décision, s'agissant des cibles non planifiées, peut être

13 prise à un niveau inférieur, au sein de l'unité ou au sein de la formation

14 qui est menacée. Mais il y a coordination tout de même parce que l'état-

15 major, le quartier général est informé de la décision qui est prise.

16 Question: Qu'avez-vous vu de vos yeux à Dubrovnik? Pourriez-vous nous

17 indiquer quelles étaient, selon vous, les cibles planifiées à l'avance et

18 les cibles non planifiées?

19 Réponse: Je ne suis pas en mesure de dire ce qui était cible planifiée, ce

20 qui était cible non planifiée. Mais je pense qu'à ce moment-là, il y avait

21 des cibles planifiées à l'avance.

22 Question: Pourquoi pensez-vous cela?

23 Réponse: Parce que rien ne se passait qui pouvait indiquer que des cibles

24 étaient prises par hasard, étaient visées par hasard. Le pilonnage -pour

25 nous, en tout cas, c'était tout à fait évident- prenait pour cible des

Page 16993

1 éléments qui existaient dans la région depuis longtemps. Et il était

2 impossible de penser qu'il s'agissait de cibles visées par hasard.

3 Question: Vous avez dit que la planification préalable pouvait se faire…

4 devait se faire au niveau de Strugar. Est-ce que la planification de

5 l'attaque contre Dubrovnik, à laquelle vous avez assisté, aurait également

6 été le fait du grand quartier général?

7 Réponse: Le contraire me surprendrait. Je serais surpris de constater

8 qu'une telle opération n'était pas cordonnée, à ce niveau-là.

9 Question: Alors que ces opérations étaient en cours, est-ce que les

10 fantassins, les hommes des troupes terrestres, étaient en contact constant

11 avec le commandant global de l'opération? Et est-ce que ce commandant de

12 l'opération au niveau global était en contact avec le grand quartier

13 général, selon votre expérience?

14 Réponse: Je pense que oui. Je serais surpris s'il n'en était pas allé

15 ainsi.

16 Question: La marine impliquait des opérations prenant pour cible des

17 cibles non prévues à l'avance. Mais est-ce qu'il y avait coordination

18 entre les forces navales et les forces terrestres?

19 Réponse: Au cours d'une opération de ce genre, je pense, je suppose qu'il

20 devrait y avoir coordination entre les forces terrestres et les forces

21 navales, oui.

22 Question: Avec l'aide de M. l'huissier, j'aimerais que l'on transmette au

23 témoin la pièce à conviction 400, intercalaire 2.

24 Général, j'aimerais vous demander d'examiner la page 2 où l'on voit un

25 paragraphe relatif à Dubrovnik.

Page 16994

1 Nous lisons ici: "A Dubrovnik, nos équipes ont rendu compte de pilonnages

2 importants durant la soirée. Les forces serbes ont épargné la Vieille

3 Ville jusqu'à présent, semble-t-il, mais des attaques au mortier venant de

4 la mer ont été lancées contre la population civile. Il n'y avait pas de

5 cibles militaires dans le secteur". (Fin de citation.)

6 Cela correspond-il bien aux observations faites par vous à l'époque?

7 Réponse: Oui, c'est un rapport de synthèse, du type de rapport de synthèse

8 que nous avions l'habitude de rédiger au sujet de Dubrovnik.

9 Question: A la même page, sous l'intitulé "Au-delà de Zagreb", au

10 paragraphe 3, nous trouvons une référence aux événements de Karlovac. Et

11 nous lisons –je cite-: "La JNA a appuyé des forces irrégulières serbes."

12 (Fin de citation.)

13 Connaissiez-vous l'existence de ces forces irrégulières?

14 Réponse: Si ce que vous me demandez consiste à savoir si je savais que des

15 forces de cette nature existaient dans la région de Karlovac à l'époque;

16 je dois vous rappeler que j'étais, pour ma part, à Dubrovnik. Et dans la

17 région de Dubrovnik, je n'ai pas eu connaissance de la présence de telles

18 forces.

19 Question: Lorsque vous travaillé à Osijek, est-ce que vous avez eu

20 connaissance de la présence de forces irrégulières serbes à Osijek?

21 Réponse: Un peu plus tôt, donc lorsque j'étais à Osijek, j'ai eu

22 connaissance de certaines forces irrégulières dans le secteur, oui.

23 Question: Saviez-vous qui commandait ces forces irrégulières?

24 Réponse: Non, je ne connaissais pas le nom du commandant.

25 Question: J'aimerais que M. l'huissier vous soumette à présent

Page 16995

1 l'intercalaire 4 de la pièce à conviction 400. Il s'agit toujours d'un

2 rapport. Page 1, dernier paragraphe. Nous lisons –je cite-: "J'aimerais

3 que vous sachiez que ces attaques aveugles se poursuivent, malgré toutes

4 les déclarations disant le contraire qui émanent des autorités serbes et

5 des autorités fédérales". (Fin de citation.)

6 Pouvez-vous expliquer ce passage, je vous prie?

7 Réponse: Ce paragraphe particulier s'appuie sur des déclarations que l'on

8 entendait à l'époque, selon lesquelles Dubrovnik n'était pas engagée dans

9 les combats; et ces déclarations venaient du quartier général de Zagreb.

10 Mais le dimanche 6 octobre, j'étais, pour ma part, dans la ville de

11 Dubrovnik. J'ai donc pu voir ce qui s'y passait, ainsi que les autres

12 membres de mon équipe, et nous avons vu l'attaque de la ville.

13 Question: Lorsque vous dites "émanant de l'état-major de Zagreb", de quel

14 état-major parlez-vous?

15 Réponse: Je parle de l'état-major de la Mission de surveillance de la

16 Communauté européenne.

17 Question: Comment se faisaient les contacts? Parce qu'ici, nous lisons des

18 déclarations disant le contraire, provenant des autorités serbes et des

19 autorités fédérales.

20 Réponse: Il y avait des contacts avec l'amiral Brovet à Belgrade. Je pense

21 qu'il avait été chargé de la liaison; en tout cas, c'était la personne qui

22 réalisait les contacts avec l'ECMM en représentant les autorités

23 fédérales. Mais je sais qu'à Belgrade donc, c'était lui le point de

24 contact.

25 Question: En page 2 de ce même rapport, on trouve une référence à la

Page 16996

1 population. Nous lisons –je cite-: "Entre-temps, la population, augmentée

2 par un flux important de réfugiés, fait face non seulement à une pénurie

3 d'eau et d'électricité, mais également à une campagne délibérée

4 d'intimidation." (Fin de citation.) Et puis, des détails supplémentaires

5 sont fournis dans la suite du texte. Est-ce bien ce que vous avez pu

6 constater sur place à l'époque?

7 Réponse: Oui, il y avait un grand nombre de réfugiés à Dubrovnik, logés

8 dans les hôtels. Nous recevions des récits de première main de leur bouche

9 quant à la façon dont ils avaient dû quitter leurs foyers. Ils avaient été

10 chassés de leurs foyers et ces bâtiments avaient été soumis à des

11 destructions et à des pillages.

12 Question: Il est question ici d'une campagne délibérée d'intimidation. A

13 votre avis, est-ce bien ce qui se passait à l'époque?

14 Réponse: Compte tenu du genre de traitement auquel ces personnes étaient

15 soumises, je pense qu'effectivement il s'agissait bien d'intimidation.

16 Question: Merci. Nous devrions en avoir fini avec ce rapport.

17 Lorsque vous vous trouviez dans la ville de Dubrovnik, avez-vous vu des

18 tirs frappant la Vieille Ville?

19 Réponse: Vous vous rendrez bien compte que pas mal de temps s'est écoulé

20 depuis ces événements, mais, si je me souviens bien, j'en ai vu deux au

21 maximum dans la Vieille Ville.

22 Question: En vous fondant sur ce que vous avez vu, diriez-vous que ces

23 deux tirs qui ont frappé la Vieille Ville, étaient des tirs délibérés ou

24 diriez-vous qu'il s'agissait d'erreurs de tir ou d'accidents?

25 Réponse: Mon avis -et je le pense fermement- c'est qu'il s'agissait

Page 16997

1 d'erreurs de tir car, à mon avis, la Vieille Ville n'a pas été prise

2 délibérément pour cible. Il était tout à fait visible qu'à ce moment-là,

3 elle ne constituait pas une cible prédéterminée.

4 Question: Savez-vous que la Vieille Ville a été visée en novembre, à la

5 mi-novembre ainsi que le 6 décembre 1991?

6 Réponse: A ce moment-là, je travaillais au quartier général, c'est-à-dire

7 à Zagreb, au quartier général de la Mission de surveillance de la

8 Communauté européenne. Et je savais que Dubrovnik était prise pour cible.

9 Je parle en ce moment d'une période différente. Plus tard, bien sûr, la

10 Vieille Ville de Dubrovnik a effectivement été visée.

11 Question: Est-ce que vous avez vu une séquence vidéo qui montre le

12 pilonnage de décembre?

13 Réponse: Non, pas au moment des faits, mais plus tard oui.

14 Question: Et vous avez vu quoi qui vous permettait de penser qu'il

15 s'agissait à ce moment-là une campagne planifiée à l'avance? Je parle de

16 celle du 6 décembre.

17 Réponse: Je pense que c'est l'intensité de l'opération, l'intensité des

18 tirs qui est un élément susceptible de démontrer qu'il s'agissait d'une

19 opération planifiée à l'avance, en effet.

20 Question: Veuillez nous donner une idée, je vous prie, de ce niveau de

21 planification préalable, à ce moment-là? Quels étaient les éléments de

22 planification préalable nécessaire? Et combien de temps fallait-il

23 consacrer à cette planification? Une heure? Davantage? Plusieurs jours?

24 Que pouvez-vous nous en dire?

25 Réponse: Il fallait certainement plus d'une heure pour planifier une telle

Page 16998

1 opération. Je dirai 24 heures à 48 heures. Je ne peux pas vous dire

2 combien de temps exactement, mais la planification d'une opération de

3 cette ampleur prend tout de même quelque temps.

4 Question: Lorsque vous étiez à Dubrovnik, avez-vous eu accès sans

5 contrainte à toutes les parties de la ville qui n'étaient pas contrôlées

6 par la JNA?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Avez-vous rencontré des membres de la cellule de crise?

9 Réponse: Oui, nous avons rencontré le président de la cellule de crise

10 ainsi que le maire de la ville.

11 Question: Y avait-il une cellule de crise civile ou une cellule de crise

12 militaire à ce moment-là?

13 Réponse: Non, non, c'était une cellule de crise civile.

14 Question: Quel était le niveau d'organisation que vous avez pu constater?

15 Réponse: Je crois que le mot "chaotique", le mot "désordonné" est celui

16 qui s'applique le mieux. Tout le monde était très secoué par ce qui était

17 en train de se passer à Dubrovnik. Il ne fait aucun doute que la

18 population était totalement traumatisée en raison de la situation dans

19 laquelle elle se trouvait.

20 Question: Avez-vous vu des hommes en arme dans la ville de Dubrovnik? Et

21 pourriez-vous en estimer le nombre?

22 Réponse: Dans toute la région de Dubrovnik, je serais incapable de vous

23 donner une estimation chiffrée. Mais si nous parlons de la Vieille Ville

24 de Dubrovnik, j'ai vu au maximum 10 à 15 Croates armés dans la Vieille

25 Ville. Cela dit, en dehors de la Vieille Ville, j'ai vu à plusieurs

Page 16999

1 reprises des Croates en arme sur le mont Srdj et à d'autres endroits. Ils

2 n'étaient pas nombreux.

3 Question: S'agissait-il de soldats de métier, à votre avis?

4 Réponse: Non. Dans leur majorité, ce n'étaient pas des soldats de métier.

5 J'ai vu quelques membres de la Garde nationale, mais pas beaucoup.

6 Question: Pourriez-vous décrire leurs uniformes, leurs armes… les

7 uniformes et les armes que vous avez vus sur ces Croates en armes?

8 Réponse: Les uniformes que portaient les très rares membres de la Garde

9 nationale étaient des uniformes du type DPM, des uniformes bigarrés. Et

10 puis, j'ai vu des uniformes de police et, pour les autres, il s'agissait

11 de civils. S'agissant des armes, j'ai vu des armes légères, des carabines,

12 des fusils d'assaut également. L'arme la plus lourde que j'ai vue était un

13 RPG7 d'ailleurs, que je n'ai vu qu'entre les mains d'un seul homme; c'est

14 une roquette portable. Et puis, j'ai vu également un véhicule blindé armé

15 d'une mitrailleuse au poste de police.

16 Question: Au début du mois d'octobre, existait-il déjà une défense

17 effective de Dubrovnik?

18 Réponse: Non, il n'y avait aucune défense organisée de quelque façon que

19 ce soit à ce moment-là. Je ne dirai pas d'ailleurs que Dubrovnik était une

20 ville défendue.

21 Question: La JNA était-elle au courant de cela à votre avis?

22 Réponse: Je ne suis pas dans l'intimité de la JNA, donc je ne sais pas ce

23 qu'elle savait ou ce qu'elle ne savait pas. Je serais très surpris que la

24 JNA n'ait pas eu connaissance de l'état de défense de la ville, car elle

25 était capable de faire des observations directes dans le secteur à partir

Page 17000

1 de ses forces navales qui étaient déployées au large.

2 Question: Pendant votre séjour à Dubrovnik, avez-vous vu des positions

3 croates ou avez-vous vu des Croates se préparer à établir des positions

4 dans la Vieille Ville ou près de la Vieille Ville?

5 Réponse: Non.

6 Question: Avez-vous vu de telles positions ou de tels actes de préparation

7 dans les hôtels abritant les réfugiés dont vous avez parlé tout à l'heure?

8 Réponse: Non.

9 Question: Vous avez parlé d'hommes armés que vous avez vus dans la Vieille

10 Ville. Etaient-ils là pour jouer un rôle défensif ou offensif, à votre

11 avis?

12 Réponse: Non, non, ils n'étaient pas là pour jouer un rôle militaire

13 quelconque. Les quelques hommes que nous avions vus semblaient tout à fait

14 épuisés, ils semblaient traumatisés par les événements qui se déroulaient

15 dans certains secteurs et totalement hors d'état de combattre.

16 Question: Avez-vous vu des Croates qui auraient pu être considérés comme

17 ayant provoqué les pilonnages de la JNA?

18 Réponse: Non.

19 Question: La JNA était-elle menacée par les armes que détenaient les

20 Croates, à ce moment-là?

21 Réponse: Non, aucune menace existait contre eux. Aucune menace importante.

22 Question: Y avait-il un quelconque intérêt militaire à ce que la JNA

23 attaque Dubrovnik, est-ce que cela pouvait lui donner un avantage sur le

24 plan militaire?

25 Réponse: Non, je n'ai vu aucun avantage militaire important que la JNA

Page 17001

1 aurait pu gagner en s'emparant de Dubrovnik.

2 Question: Lorsque vous étiez à Dubrovnik, avez-vous essayé de parler à des

3 membres de la JNA pour obtenir une solution du problème par voie de

4 négociation?

5 Réponse: Notre mission principale consistait à nous rendre à Dubrovnik

6 pour essayer d'obtenir un cessez-le-feu dans la région. Et nous avons, à

7 de nombreuses reprises, tenté d'établir un contact avec les responsables

8 de la JNA. Je dirai qu'avant d'aller à Dubrovnik, on nous avait fourni le

9 nom du commandant à savoir le général Strugar, et nous avions passé

10 plusieurs coups de téléphone à son quartier général pour essayer de le

11 contacter. Et à notre arrivée à Dubrovnik, et pendant toute la période où

12 nous y sommes restés, nous avons à plusieurs reprises tenté de contacter

13 des membres de la JNA par téléphone. Tout cela sans succès.

14 Question: Parce que la liaison ne se faisait pas sur le plan technique? Ou

15 la liaison pouvait-elle se faire?

16 Réponse: Il y avait dans mon équipe quelqu'un qui parlait le serbo-croate,

17 un certain Lars. Il a établi le contact à plusieurs reprises. Il a obtenu

18 un interlocuteur au bout du fil. Mais dès que cette personne entendait

19 dire qu'elle parlait à un membre de l'ECMM, elle raccrochait.

20 Question: Vous êtes vous fait un avis quant à la volonté de la JNA de

21 négocier?

22 Réponse: Il était tout à fait clair qu'elle ne souhaitait avoir aucun

23 contact avec nous.

24 Question: Qu'en était-il des autorités croates?

25 Réponse: Les autorités croates à ce moment-là, comme je l'ai déjà dit, se

Page 17002

1 trouvaient dans une situation tout à fait déplorable et souhaitaient

2 désespérément un cessez-le-feu.

3 Question: Que diriez-vous de ce qui se passait à Belgrade ou à Zagreb? Y

4 avait-il, dans ces deux villes, des négociations? Et, si oui, entre qui et

5 qui?

6 Réponse: Nous étions en contact avec Zagreb, en tout cas avec notre QG à

7 Zagreb, par téléphone. Et lorsque nous avions nos représentants à Zagreb,

8 nous décrivions ce qui se passait à Dubrovnik, et nous nous efforcions

9 d'obtenir que le QG fasse ce qu'il fallait pour que l'attaque cesse. Je

10 crois savoir que le QG était en rapport avec les autorités de Belgrade, je

11 crois savoir d'ailleurs que ces contacts se faisaient avec l'amiral

12 Brovet.

13 Question: Des protestations ont-elles été entendues de la part de l'ECMM

14 au sujet de ce qui se passait?

15 Réponse: La direction nous a assuré que des protestations étaient émises

16 au sujet de ce qui était en train de se passer à Dubrovnik.

17 Question: A qui ces protestations étaient-elles adressées, si vous le

18 savez?

19 Réponse: On m'a dit qu'elles étaient adressées aux autorités de Belgrade.

20 Question: Aux autorités militaires?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Mais qu'en était-il des autorités politiques? Est-ce que vous

23 savez si des protestations ont également été adressées aux autorités

24 politiques?

25 Réponse: Non. Comme je l'ai déjà dit, les contacts se faisaient avec le

Page 17003

1 chef d'état-major, l'amiral Brovet.

2 Question: Y a-t-il eu des réactions à ces protestations, si vous le savez?

3 Réponse: Apparemment, il n'y a eu aucune réaction, ou alors des réactions

4 très faibles que je n'ai pas pu percevoir depuis l'endroit où je me

5 trouvais sur le terrain.

6 Question: J'aimerais que l'on soumette au témoin l'intercalaire 6 de la

7 pièce à conviction 400. Il s'agit d'un rapport datant du 10 octobre 1991.

8 Je vous réfère à la page 2 de ce rapport, paragraphe 5, où nous lisons -je

9 cite-: "Un bombardement partant des positions de la JNA, aux environs de

10 Cavtat et de Plat, a cessé une heure après que notification en ait été

11 faite à Belgrade, ce qui indiquerait que les nouvelles du cessez-le-feu

12 n'ont sans doute pas atteint les équipes concernées." (Fin de citation.)

13 Pouvez-vous formuler un commentaire sur le contenu de ce paragraphe?

14 Réponse: Et bien, ce retard d'une heure, c'est assez indicatif pour la

15 période de temps nécessaire pour que les instructions en provenance de

16 Belgrade arrivent jusqu'aux unités sur le terrain, ce n'est pas quelque

17 chose qui est momentané, il faut du temps pour que les choses se fassent.

18 Question: Compte tenu de votre expérience, pouvez-vous nous dire si cela

19 nous dit quoi que ce soit au sujet du commandement et du contrôle exercés?

20 Réponse: Cela indiquerait que les unités qui se battaient dans le secteur

21 de Dubrovnik se trouvaient au sein d'une chaîne de commandements reliés

22 avec l'état-major de Belgrade.

23 Question: A présent, je voudrais que nous placions l'intercalaire 8 de

24 cette pièce à conviction 400 sous les yeux du témoin.

25 (Intervention de l'huissier.)

Page 17004

1 Je me réfère à la page 2. Nous pouvons voir plusieurs paragraphes qui

2 portent sur la Dalmatie. On y fait état de discussions et de cessez-le-

3 feu, de déblocages de casernes, de cessez-le-feu le long de la côte.

4 Vous êtes au courant de tout cela?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Au paragraphe 11 du même document, il est fait mention de

7 violations du cessez-le-feu. Il est laissé deux possibilités: il se peut

8 qu'il y ait mauvais contrôle au niveau des unités locales de la JNA ou des

9 unités irrégulières, ou il se peut qu'il y ait un minimum de sélection au

10 niveau du regroupement des cibles.

11 Réponse: Il se peut qu'il y ait là des violations de cessez-le-feu, et

12 cela fait l'objet du rapport.

13 Question: Nous parlons ici du secteur de Vukovar. Avez-vous reçu des

14 informations analogues concernant quelque chose d'analogue à Dubrovnik?

15 Réponse: A ce moment-là, je n'étais pas à Dubrovnik, mais j'ai appris que

16 le secteur de Dubrovnik faisait partie de l'accord de cessez-le-feu dans

17 son ensemble, donc cet accord était également valide pour ce secteur.

18 L'équipe qui nous a succédé, à ce que je sache, a réussi à établir le

19 contact et à influer sur le cessez-le-feu.

20 Question: Si nous résumions tout ce qui s'est passé à Dubrovnik pendant

21 que vous vous y trouviez, et même par la suite, pourriez-vous parler de

22 bataille entre deux parties au conflit?

23 Réponse: Non, je ne qualifierais pas la chose de "conflit entre deux

24 parties". J'ai vu très peu de pièces ou d'éléments de preuve disant que la

25 partie croate était armée ou qu'elle se préparait à des actions

Page 17005

1 conséquentes, donc nous ne pourrons pas parler de bataille entre deux

2 forces en présence.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je crois que

4 c'étaient là toutes les questions de l'accusation.

5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

6 A vous, Monsieur Milosevic.

7 (Contre-interrogatoire du témoin, le général Colm E. Mangan, par l'accusé,

8 M. Milosevic.)

9 M. Milosevic (interprétation): Général, une petite question au préalable.

10 La majeure partie ou pratiquement la totalité de votre témoignage se

11 rapporte à Dubrovnik. Il est vrai que…

12 M. Mangan (interprétation): Oui, c'est exact.

13 Question: En arrivant ici pour témoigner, êtes-vous venu dans la

14 conviction ou avec des connaissances quelconques au terme desquelles la

15 République de Serbie -et moi-même, par exemple- avait quoi que ce soit à

16 voir avec les événements de Dubrovnik?

17 Réponse: Je n'avais pas de conviction personnelle ni de preuve que vous,

18 personnellement, vous ayez un lien avec ces événements. J'ai des preuves

19 d'après ce que j'ai vu à Dubrovnik; j'ai vu ces facteurs qui m'ont indiqué

20 que ce qui se passait à Dubrovnik se faisait sous le contrôle du QG

21 général.

22 Question: Oui mais nous ne parlons pas ici de moi seulement; les choses ne

23 sont pas contestables à ce niveau-là. Mais est-ce que vous avez eu des

24 connaissances au terme desquelles la République de Serbie aurait joué

25 quelque rôle que ce soit au niveau des événements dont vous avez parlé?

Page 17006

1 Réponse: Les forces engagées dans la zone de Dubrovnik, c'étaient les

2 forces de la JNA, à ma connaissance.

3 Question: Merci beaucoup. Avez-vous assisté à l'une quelconque des

4 rencontres entre les représentants des autorités de Dubrovnik et les

5 représentants du commandement de la JNA dans ce secteur?

6 Réponse: Non. Je l'ai dit, nous nous sommes véritablement efforcés, à

7 plusieurs reprises, d'établir des contacts, mais ceci a toujours été en

8 vain.

9 Question: Bien. Mais vous devez certainement savoir qu'il y a eu plusieurs

10 rencontres, rencontres dont ont témoigné d'autres témoins qui ont occupé

11 le siège que vous occupez à présent, des témoins qui ont participé à ces

12 rencontres? Et très souvent, ces réunions se sont tenues en présence de

13 représentants internationaux. Avez-vous quelque connaissance que ce soit

14 au sujet de telles réunions?

15 Réponse: Je sais qu'après ma mission à Dubrovnik, l'équipe qui nous a

16 succédé, a eu des réunions dans la zone de Cavtat, réunions avec la JNA et

17 les autorités croates. Effectivement, je suis au courant.

18 Question: Et êtes-vous au courant de la chose suivante? Je consulte des

19 documents également. J'imagine que vous vous êtes renseigné à partir de

20 documents, puisque vous n'étiez pas sur place. Donc avez-vous eu des

21 renseignements disant que les exigences principales de la JNA, les

22 exigences uniques de la JNA, consistaient à faire en sorte que les

23 formations irrégulières armées finissent par quitter Dubrovnik et qu'il

24 n'y avait pas eu d'autres exigences du tout?

25 Réponse: Je suis au courant du fait que ces exigences ont été formulées,

Page 17007

1 oui.

2 Question: Alors, les choses me semblent peu logiques, par conséquent.

3 Vous nous avez parlé de l'existence d'une intention –c'est la première

4 fois que j'en entends parler-, intention de la JNA qui consistait à vider

5 Dubrovnik de sa population. Or, aux réunions que la JNA a tenues avec les

6 autorités de Dubrovnik, il est question de faire quitter Dubrovnik par les

7 forces armées avec leurs armes, et en se dirigeant suivant un tracé tout à

8 fait sûr, donc sans danger ou péril aucun pour ces forces armées. Le

9 savez-vous?

10 Réponse: Je sais que ceci s'est passé après ma mission à Dubrovnik. Moi,

11 j'ai parlé d'événements qui se sont déroulés à partir du 5 octobre

12 jusqu'au 7 octobre. A cette époque-là, au cours de cette période-là, il

13 n'y avait pas de présence armée significative -je parle ici de présence

14 armée de Croates- dans le secteur.

15 M. Milosevic (interprétation): Et qu'entendez vous par "forces armées

16 significatives"? L'interprète a dit "significatives", et vous avez dit

17 qu'il n'y avait pas eu de "présence militaire significative". A quoi bon

18 une présence militaire quelconque si, pendant des dizaines d'années, la

19 ville de Dubrovnik a été une ville démilitarisée, complètement?

20 M. le Président (interprétation): Il y a deux questions ici. La première…

21 M. Mangan (interprétation): Si je reprends l'expression de "présence armée

22 significative", ceci signifie qu'il y a une présence cohérente, bien

23 dirigée, armée, donc davantage que de simples fusils d'assaut ou des armes

24 légères. On peut s'attendre à la présence d'artillerie lourde, d'armes

25 lourdes au sein de forces cordonnées qui pourraient constituer une menace

Page 17008

1 face à la présence considérable de la JNA dans le secteur.

2 Vous avez posé une deuxième question: pourquoi devrait-il y avoir la

3 moindre présence armée dans la zone, dans le secteur. Moi, j'ai vu des

4 armes légères et je peux vous dire qu'elles ne représentaient pas une

5 présence armée significative. Pourquoi devaient-elles se trouver là? Eh

6 bien, d'après les rapports que nous avons reçus…, Au départ, nous n'étions

7 pas prêts à les accepter. On nous disait dans ces rapports que la ville se

8 trouvait menacée. Mais ces rapports se sont avérés être exacts. Et

9 j'aurais été enclin à croire qu'il faudrait avoir une certaine nécessité à

10 cette présence.

11 M. Milosevic (interprétation): Bien, Général. Efforçons-nous d'être

12 efficaces, concernant les questions au sujet desquelles vous avez

13 témoigné.

14 En juin 1992, vous avez été stationné à Zagreb. Il s'agissait d'une

15 mission d'observation de la Communauté européenne, à l'époque, et ceci

16 avait pour objectif d'empêcher la crise, selon les termes qui étaient

17 utilisés à l'époque, n'est-ce pas?

18 Réponse: C'est exact.

19 Question: Savez-vous quelles étaient les parties signataires du mémorandum

20 relatif à la présence de la mission d'observation de la Communauté

21 européenne? C'est un mémorandum daté du 13 juillet 1991 et c'est sur la

22 base de ce mémorandum que vous êtes allé là-bas.

23 Réponse: Je ne pense pas me souvenir des signataires de ce document. Je le

24 crains fort.

25 Question: Je vais vous rafraîchir la mémoire. C'étaient des représentants

Page 17009

1 du ministère fédéral des Affaires Etrangères de Yougoslavie, de Slovénie

2 et de Croatie. Au nom de la Communauté européenne, il y avait le ministre

3 des Affaires Etrangères de la Hollande, et puis -comme vous l'avez dit à

4 juste titre- parce que la Hollande présidait la Communauté européenne, et

5 le nom de leur représentant était Christian Kroner. Vous en souvenez-vous?

6 Réponse: Je ne me souviens pas que cet ambassadeur aurait été le chef de

7 la mission de l'ECMM en juillet 1991, Van den Valk (phon.) était le chef

8 de la Mission. Et puis, il a transmis ses fonctions au mois de septembre à

9 M. Van Houten.

10 Question: Je parle des signataires du mémorandum et non pas du fait de

11 savoir qui se trouvait à la tête de la mission à ce moment-là. Pouvez-vous

12 me répondre, brièvement par un oui ou non, si vous aviez connaissance de

13 la teneur du mémorandum au sujet de la Mission dont vous étiez haut

14 responsable ou officier supérieur à l'époque?

15 Réponse: Vu que tant de temps s'est écoulé, je ne me souviens pas des

16 termes de ce mémorandum et je suppose que je les connaissais à l'époque.

17 M. Milosevic (interprétation): Serait-il alors exact de dire que le mandat

18 principal de cette mission d'observation était le suivant:

19 a) aider à stabiliser le cessez-le-feu dans le cadre duquel il sera

20 procédé à la levée du siège des unités et installations de la JNA;

21 b) supervision de ces installations pendant une période de trois mois,

22 comme convenu avec les parties signataires au niveau de cette mission. Les

23 parties signataires étaient la Slovénie, la Croatie et la Yougoslavie.

24 Vous en souvenez-vous, oui ou non? Est-ce que c'est bien ce que ce

25 mémorandum avait prévu?

Page 17010

1 M. Mangan (interprétation): Effectivement. Peut-être pas dans ces termes-

2 là de façon précise, mais c'était l'idée générale.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous faites des

4 citations à partir de ce document, et si vous voulez vous appuyer sur ce

5 document pour poser des questions à son propos, je pense que la chose la

6 plus équitable serait de lui soumettre ce document. Est-ce que vous l'avez

7 en anglais, de sorte que nous serons tous en mesure de le voir?

8 M. Milosevic (interprétation): Je ne l'ai pas, Monsieur May. Si le témoin

9 estime que je n'ai pas bien cité tel ou tel élément, il peut tout

10 simplement dire qu'il ne s'en souvient pas ou que ce n'est pas ainsi que

11 cela s'était passé. A aucun point de vue, je ne pense le mettre en péril

12 sur le plan de son témoignage.

13 M. le Président (interprétation): Non, non, je ne dis pas que vous étiez

14 en train de l'induire en erreur. Mais si voulons avoir un procès efficace,

15 c'est un document qui va devenir un document du procès, il faudrait

16 pouvoir en disposer. L'accusation pourra peut-être nous dire, le moment

17 venu, si elle a une copie de ce document.

18 M. Milosevic (interprétation): J'estime que la partie adverse pourrait se

19 procurer ce document puisqu'elle dispose certainement de ce document dans

20 leurs archives, cela existe dans les archives de la Yougoslavie.

21 En d'autres termes, le 13 juillet 1991 -date de signature de ce

22 mémorandum- la mission avait pour devoir d'aider à stabiliser le cessez-

23 le-feu, la levée des sièges au niveau des unités des installations de la

24 JNA. Cela ne fait que confirmer qu'à ce moment-là déjà il y avait eu des

25 sièges d'unités de la JNA et, d'un point de vue politique, il s'agissait

Page 17011

1 de superviser l'application des déclarations ou la réalisation des mesures

2 d'indépendance ou des déclarations d'indépendance par les parties

3 concernées pour une période de trois mois. Le gouvernement fédéral de

4 Yougoslavie était d'accord avec les Gouvernements de Croatie et de

5 Slavonie sur ce point-là, n'est-ce pas, Général?

6 M. Mangan (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, c'est

7 exact.

8 Question: Je voudrais vous demander, Général, si vous vous en souvenez:

9 mais ce mémorandum était censé réaliser à la lettre la Déclaration de

10 Brioni qui a été adoptée le 7 juillet, quelques jours auparavant durant

11 cette année de 1991. Cette déclaration avait été adoptée avec une équipe

12 de ministres de la Communauté européenne, trois ministres -une troïka

13 ministérielle de la Communauté européenne-, et en présence des autorités

14 fédérales des représentants de la Slovénie et de la Croatie. Il s'est

15 ensuivi de la déclaration dont il est question au niveau du mémorandum,

16 vous en souvenez-vous?

17 Réponse: Je me souviens de l'Accord de Brioni. Je me souviens que cette

18 déclaration a été rendue publique. Mais en présence de qui, je ne sais

19 plus.

20 Question: Les choses sont incontestables au niveau des documents, je ne

21 vais pas m'attarder davantage. Mais, comme vous nous dites que vous êtes

22 au courant de la déclaration de Brioni, vous souvenez-vous du fait que la

23 Slovénie et la Croatie, aux termes de cette déclaration, s'étaient

24 engagées à débloquer toutes les unités, toutes les installations de la JNA

25 ainsi qu'à mettre en place, réinstaller plutôt le régime précédent aux

Page 17012

1 frontières de la RSFY, et ceci dans un délai de 24 heures? Vous souvenez-

2 vous de cet aspect-là?

3 Réponse: Je ne me souviens pas de tous les détails. Cependant, je me

4 souviens que certains engagements avaient été pris pour ce qui est de ces

5 sièges.

6 M. Milosevic (interprétation): Serait-il exact de dire que les

7 représentants de la Slovénie et de la Croatie s'étaient notamment engagés

8 à une abstention de tous actes unilatéraux et que...

9 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il serait vraiment bien plus

10 simple d'avoir le document plutôt que de vous voir soumettre le témoin à

11 un examen de mémoire pour voir quels souvenirs il a des événements. Je

12 pense qu'il nous faut ces deux documents. Si le Bureau du Procureur peut

13 se charger de les obtenir au cours de la pause, ce serait bien. Je pense

14 que nous avons déjà eu cette déclaration de Brioni. Je pense qu'elle a été

15 versée au dossier, mais il se peut que je me trompe. Poursuivez, Monsieur

16 Milosevic.

17 M. Milosevic (interprétation): La déclaration de Brioni, c'est une chose.

18 Deuxième chose, c'est un document qui est appelé "Mémorandum relatif à la

19 présence de la Mission d'observation de la Communauté européenne", datée

20 du 13 juillet 1991.

21 M. le Président (interprétation): Oui, oui, nous allons obtenir lesdits

22 documents.

23 M. Milosevic (interprétation): Je ne voudrais pas vous fatiguer davantage,

24 Général, avec des questions qui concernent des questions ou des sujets

25 politiques essentiellement.

Page 17013

1 Vous avez dit dans votre déclaration préalable, en page 1: que vous aviez

2 été envoyé d'abord en Slovénie pour suivre, pour surveiller le retrait en

3 toute sécurité des effectifs de la JNA de là-bas. N'est-ce pas?

4 M. Mangan (interprétation): Oui, c'était une de nombreuses attributions.

5 C'est exact.

6 Question: Savez-vous qu'il s'agissait là de redéploiement des unités et du

7 matériel de la JNA en direction des régions autres de la République

8 fédérale de la Yougoslavie, partant de la décision prise par la Présidence

9 de la RSFY adoptée en date du 18 juillet 1991?

10 Réponse: Oui, je suis au courant de cela. Et nous avons assisté au retrait

11 de la JNA de la Slovénie vers d'autres parties de la République fédérale,

12 c'est exact.

13 Question: Aviez-vous en main cette décision de la Présidence? Je vous pose

14 la question parce que cette décision de la Présidence avait été prise de

15 les redéployer à l'extérieur de la Slovénie, mais que cela ne porterait

16 pas préjudice au futur aménagement des relations au sein de la

17 Yougoslavie, et que cela ne mettait pas en question l'intégrité

18 territoriale de cette Yougoslavie. Aviez-vous donc en main cette décision

19 de la Présidence dont les conséquences devaient être supervisées ou

20 surveillées par vos bons soins?

21 Réponse: Je ne me souviens pas que nous ayons pu consulter cette décision

22 de la Présidence, à l'époque.

23 Question: Bon. Si vous ne l'avez pas eue, soit. Mais vous souvenez-vous

24 qu'après cette décision et après le début de la réalisation de celle-ci,

25 savez-vous donc qu'en dépit de cette bonne volonté manifeste, en

Page 17014

1 République de Slovénie et en République de Croatie il y a eu toute une

2 série d'attaques lancées contre les unités de la JNA?

3 Réponse: Non, ce n'est pas le souvenir que j'en ai, surtout pour ce qui

4 est de la Slovénie. La situation était bien plus compliquée que cela en

5 Croatie. Mais, une fois de plus, je ne suis pas au courant d'attaques qui

6 auraient été déclenchées en Slovénie après cela.

7 M. Milosevic (interprétation): Comme vous ne le savez pas, je ne vous

8 poserai pas d'autres questions à ce sujet. Mais avez-vous, à quelque

9 moment que ce soit, obtenu des renseignements au niveau du nombre

10 d'attaques effectuées par la police et la Défense territoriale de Slovénie

11 en direction des unités de la JNA et des convois de la Défense

12 territoriale, des activités déployées et des mauvais traitements auxquels

13 ces hommes-là ont été exposés pendant leur repli?

14 M. Mangan (interprétation): Je dois être très clair sur ce point. A ce

15 moment-là, nous recevions des rapports faisant état de conflits, opposant

16 des conflits, des éléments armés et des effectifs de police en Slovénie

17 avant notre arrivée dans le secteur; ce qui aurait été fin juin, début

18 juillet peut-être. Mais à partir de l'application de l'Accord de Brioni, à

19 partir de notre arrivée dans le secteur, il n'y a pas eu de rapports et

20 aucune information ne nous a été relayée faisant état de conflits opposant

21 les Slovènes et la JNA, après ce moment-là.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

23 Juges, cette déclaration de Brioni vient d'être mentionnée. Il s'agit de

24 la pièce 330, intercalaire 35, mais elle n'a reçu qu'une cote provisoire

25 car elle faisait partie du recueil de documents concernant le Président

Page 17015

1 Mesic. Cette pièce n'a reçu qu'une cote provisoire et c'est peut-être

2 maintenant le moment ou la possibilité qui nous est offerte de verser

3 cette pièce au dossier.

4 M. le Président (interprétation): Nous en parlerons après la pause. Nous

5 allons retrouver ce document et nous allons nous en occuper. Essayez de

6 nous obtenir le mémorandum du 13 juillet au cours de la pause. Nous y

7 reviendrons après celle-ci.

8 Je vous remercie. On vient de me remettre une copie. Est-ce que ce serait

9 utile de verser ce document au dossier?

10 (Signe affirmatif de Mme Uertz-Retzlaff.)

11 Nous allons verser au dossier la déclaration de Brioni sous une cote

12 séparée maintenant. Nous en ferons des exemplaires. Et puis, nous aurons

13 la pièce de défense pour la cote suivante.

14 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de la défense 104.

15 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, je vous remets

16 maintenant ce document.

17 Monsieur Milosevic, vous pouvez poursuivre.

18 M. Milosevic (interprétation): Comme vous avez précisé qu'il n'y avait pas

19 eu d'attaques après la décision en question et après la signature apposée

20 par les représentants de la Slovénie et de la Croatie ainsi que des

21 représentants des autorités fédérales, je voudrais savoir si vous avez eu

22 vent et s'il est des rapports émanant de votre mission disant que des

23 unités paramilitaires croates à savoir le Rassemblement de la Garde

24 nationale, en date du 29 août -vous voyez donc combien de temps après

25 cela-, se sont attaquées à un convoi ferroviaire constitué de 29 wagons?

Page 17016

1 Près du village d'Ivankovo, on a désarmé l'escorte et on a pillé les biens

2 de la JNA. Cela s'est passé dans une phase de redéploiement du matériel de

3 la JNA vers les territoires extérieurs à la Slovénie, et ce, sur un

4 tronçon de la voie ferrée entre Zagreb et Belgrade.

5 M. le Président (interprétation): Nous nous écartons maintenant de la

6 déposition faite par ce témoin. Puisqu'il était présent, je suppose, en

7 Croatie à ce moment-là, il pourra répondre à cette question. Mais il se

8 peut qu'il n'ait pas de connaissances personnelles à ce propos.

9 M. Mangan (interprétation): Permettez-moi d'insister sur une chose.

10 Lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas eu d'attaques ou de combats entre la

11 JNA et les Slovènes, c'est précisément ce que je voulais dire, je veux

12 vous parler du territoire de la République de Slovénie.

13 Mais l'accusé vient de faire référence à quelque chose qui s'est passé sur

14 le territoire croate. Et là, il faudrait que je rafraîchisse ma mémoire en

15 regardant les rapports concernant cet incident-là. Maintenant, je ne m'en

16 souviens pas, mais je n'exclue pas cette possibilité. Ce que j'ai dit

17 précisément, c'est qu'il n'y avait pas eu d'attaques en Slovénie, c'est à

18 cela que je pensais.

19 M. Milosevic (interprétation): Moi, je parle du mémorandum qui est la

20 conséquence de la Déclaration de Brioni, et qui a été signé par les

21 autorités de la Slovénie, de la Croatie et les autorités fédérales. Par

22 conséquent, c'est un tout. Vous souvenez-vous du fait que...

23 M. le Président (interprétation): Non! Non, Monsieur Milosevic. Vous avez

24 posé une question précise au témoin à propos de la Slovénie; il y a

25 répondu. Maintenant, vous voulez passer à la Croatie?

Page 17017

1 M. Milosevic (interprétation): Oui, je lui ai posé la question concernant

2 l'événement en Croatie. Mais ne perdons pas de vue le fait que le général,

3 ici présent, était un haut gradé de cette Mission d'observation de la

4 Communauté européenne, précisément à Zagreb. C'est la raison pour laquelle

5 je lui pose la question.

6 Savez-vous ou vous souvenez-vous que des membres de la ZNG armés, le même

7 jour et le jour d'après, le 30 août, à Mirkovci, ont procédé à un pillage

8 analogue d'équipements de la JNA, ils les ont dépossédés d'équipements de

9 fabrication italienne? Vous souvenez-vous de cet incident-là?

10 M. Mangan (interprétation): Je ne me souviens pas de cet incident-là. Il

11 faudrait que je rafraîchisse mes souvenirs en lisant des rapports le

12 concernant.

13 Question: Serait-il exact de dire que votre mandat, le mandat

14 d'observation de la Communauté européenne a été renouvelé et élargi le 2

15 septembre 1991, et ce, par la signature d'un mémorandum portant mission

16 d'observation?

17 Réponse: Je ne me souviens pas de la date précise, mais cela c'est

18 effectivement passé en septembre.

19 Question: Dites-moi, en principe -parce qu'il est probable que vous ne

20 sachiez pas répondre de façon concrète- mais disons, essayez d'être le

21 plus concret possible. Dans le cadre du suivi que vous avez assuré, pour

22 ce qui est du retrait des soldats et des équipements de la JNA de Slovénie

23 et de Croatie, dites-nous si ces attaques sur les biens de la JNA, à votre

24 avis, à l'avis de la Mission de surveillance de la Communauté européenne,

25 le devoir de cette mission a-t-il été accompli avec succès suite à ce 13

Page 17018

1 juillet 1991, oui ou non?

2 Réponse: Vous faites maintenant mention d'un événement précis. Il faudrait

3 que je rafraîchisse mes souvenirs à partir des rapports élaborés à

4 l'époque. Mais si vous me posez la question générale consistant à savoir

5 si la Mission d'observation de la Communauté européenne a été couronnée de

6 succès, là, je devrais dire que, si l'on pense au fait qu'elle aurait dû

7 empêcher que des conflits n'éclatent dans la région, elle n'a pas réussi.

8 Cela c'est certain. Elle n'a pas réussi à empêcher que des combats, à

9 grande échelle, éclatent dans la région; puisque vous savez qu'au cours du

10 mois de novembre et décembre, c'était donc beaucoup plus tard, qu'il y a

11 eu des combats très intenses dans toute la Croatie.

12 Question: Certes. Mais ne serait-il pas exact de dire que vous étiez en

13 mesure de procéder à des évaluations, à des enquêtes pour les accords de

14 cessez-le-feu, accords de cessez-le-feu signés le 1er septembre 1991, une

15 fois de plus entre les autorités fédérales et les autorités de ces

16 Républiques?

17 Réponse: Des enquêtes ont été menées, suivies de rapports, à propos des

18 nombreux cessez-le-feu qui avaient été convenus. Effectivement, ceci était

19 la mission qui revenait à l'ECMM, et l'ECMM a vu effectivement qu'il y a

20 eu des violations à tous ces cessez-le-feu. Vous parlez de l'élargissement

21 de cette mission qui s'est faite le 2 septembre, et ceci englobait cette

22 autre activité. Les activités étant beaucoup plus nombreuses et la Mission

23 étant beaucoup plus active dans toute la Croatie après cela.

24 Question: Bien, est-il exact de dire qu'en vertu de l'accord que vous

25 étiez censé faire appliquer, toutes les unités paramilitaires et

Page 17019

1 régulières étaient censées être désarmées et démantelées, y compris les

2 effectifs de réserve du Rassemblement de la Garde nationale croate? Cela

3 figure à l'article 1 dudit mémorandum du 2 septembre 1991, mémorandum

4 portant mission d'observation de votre part. Vous en souvenez-vous?

5 Réponse: Je vous l'ai déjà dit, je ne me souviens pas de cela dans le

6 détail. Cependant, je me souviens que la Mission s'est chargée du contrôle

7 des cessez-le-feu dans la région. Ceci était assorti de diverses

8 conditions, mais c'est un autre document, et j'aimerais pouvoir le

9 consulter également.

10 M. Milosevic (interprétation): Je ne l'ai malheureusement pas sur moi. Je

11 suppose que la partie adverse trouvera cela dans les archives et pourra le

12 donner au témoin pour qu'il se penche dessus.

13 Là où je voulais en venir, c'était cet article 1 du mémorandum où les

14 unités paramilitaires, dans leur ensemble, étaient censées êtres désarmées

15 et démantelées, y compris le Rassemblement de la Garde nationale croate.

16 M. le Président (interprétation): Vous en avez déjà parlé. Nous pourrons,

17 là aussi, essayer de retrouver ce mémorandum concernant un cessez-le-feu.

18 Est-ce que l'accusation peut nous aider s'agissant de ces deux documents?

19 Nous en avons désormais deux.

20 L'heure est venue de faire la pause.

21 Monsieur Milosevic, vous aurez encore trois quarts d'heure, si vous les

22 voulez, pour terminer votre contre-interrogatoire. Ceci tiendra compte du

23 fait que ce témoin a déposé ici et que sa déclaration préalable a été

24 admise. Vous disposez donc d'un laps de temps supplémentaire.

25 Mon Général, veillez à être de retour à l'audience dans 20 minutes. Je

Page 17020

1 dois vous rappeler que vous n'êtes censé parler à personne de votre

2 déposition tant que celle-ci ne sera pas terminée et, parmi les personnes

3 à qui vous ne pouvez pas parler pendant la pause, vous ne pouvez pas

4 parler aux membres du Bureau du Procureur.

5 L'audience est suspendue pendant 20 minutes.

6 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 56.)

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons réussi à retrouver les

8 deux mémorandums.

9 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous pouvons les avoir?

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Jusqu'à présent ces documents n'ont

12 pas été versés au dossier.

13 M. le Président (interprétation): Nous allons nous en occuper dès

14 maintenant.

15 Mme Anoya (interprétation): Le mémorandum sera la pièce de la défense 104…

16 Je m'excuse, Messieurs les Juges. Le mémorandum sera la pièce de la

17 défense 105, et le mémorandum concernant le cessez-le-feu en date du mois

18 de septembre 1991 portera la cote "pièce de la défense 106".

19 La pièce de la défense 106 porte accord s'agissant des activités de

20 contrôle de l'ECMM en Yougoslavie.

21 M. le Président (interprétation): Nous avons désormais ces documents.

22 Monsieur Milosevic, si vous voulez poser des questions à leur propos au

23 témoin, il faudra que celui-ci dispose d'une copie. Allez-y.

24 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, j'imagine que le témoin dispose de

25 la copie en question à présent?

Page 17021

1 M. Mangan (interprétation): Oui, c'est exact.

2 Mme Anoya (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

3 M. Milosevic (interprétation): Comme je l'ai déjà indiqué, mon Général, à

4 l'article 1, vous avez en bas de page… puisqu'on énumère tout le reste. En

5 fin de page, vous avez que "la Garde nationale croate et les forces de

6 réserve devraient être démobilisées", et ainsi de suite, ainsi de suite.

7 C'est la chose que j'ai citée lorsque je vous ai posé la question

8 afférente.

9 Je voudrais que vous me disiez, à présent, mon Général, et je me réfère au

10 paragraphe 1, page 2 de votre déclaration préalable, à ce que vous y

11 dites. Vous dites que vous êtes allé une fois en Slavonie avec un groupe

12 du Rassemblement de la Garde nationale croate qui s'appelait "Branko",

13 c'est bien cela?

14 M. Mangan (interprétation): Oui, c'est exact.

15 Question: Saviez-vous à l'époque que le Rassemblement de la Garde

16 nationale était une formation armée illégale paramilitaire, telle que

17 définie par l'accord en question?

18 Réponse: Oui, et il y avait d'autres forces citées ou visées précisément

19 par cet accord. Dans la zone d'Osijek à l'époque en question, les armes,

20 le matériel de la JNA, qui opérait dans ce secteur ainsi que les forces

21 régulières, constituaient la raison de notre présence. Nous essayions de

22 négocier un cessez-le-feu entre ces deux éléments afin qu'il puisse y

23 avoir application en bonne et due forme de cet accord. C'était là la

24 raison de l'envoi à Osijek, à ce moment-là, de cette équipe

25 d'observateurs.

Page 17022

1 Question: Bien. Mais savez-vous que, concernant la création illégale du

2 Rassemblement de Garde nationale, fin juin 1991 déjà, le Gouvernement

3 fédéral de la Yougoslavie a entamé un procès en justice auprès du Tribunal

4 constitutionnel de Yougoslavie pour que cela soit caractérisé en justice

5 par ce tribunal comme étant "un acte inconstitutionnel et illégal" de la

6 part de la République de Croatie?

7 Réponse: Je ne connais pas cette législation dans le détail. Mais ce que

8 je sais, c'est qu'il y avait plusieurs éléments armés de deux côtés de

9 cette équation au cours des hostilités en Croatie. Et, je vous l'ai dit,

10 nous avions pour objectif de nous rendre sur le terrain pour veiller à la

11 mise en oeuvre de cet accord, pour mettre en place un cessez-le-feu et

12 ramener la paix dans la région.

13 Question: Et savez-vous que la Cour constitutionnelle de la Yougoslavie,

14 le 16 octobre 1991, a décidé de l'irrégularité et de

15 l'inconstitutionnalité de la création de ce Rassemblement de la Garde

16 nationale en disant que "outre les forces armées de la Yougoslavie, il ne

17 saurait être admis la création d'autres forces armées", comme cela a été

18 fait par la République de Croatie en créant la Garde nationale croate, et

19 en plaçant cela sous le commandement du ministère de l'Intérieur de la

20 République de Croatie? Etes-vous au courant de la chose ou non?

21 Réponse: Je vous l'ai déjà dit, je ne connais pas cette législation dans

22 le détail. Mais je me dois de dire qu'il y avait un certain nombre

23 d'éléments armés qui opéraient à l'époque en question, et nous, nous

24 avions pour objectif de veiller à ce que tous déposent les armes de façon

25 coordonnée et précise. Et je dois vous dire que nous avons trouvé cette

Page 17023

1 tâche particulièrement ardue.

2 Question: Je le comprends, Général. Cette question n'a rien à voir avec

3 vous, personnellement. Je vous pose toutefois la question de savoir si, à

4 votre avis, votre mission a insisté, de façon conséquente, sur le

5 désarmement et le démantèlement du Rassemblement de la Garde nationale et

6 autre formation paramilitaire mise sur pied à l'époque en Croatie? Du

7 moins dans la même mesure que cela était le cas du suivi du redéploiement

8 des unités de la JNA à l'extérieur de la Slovénie.

9 Réponse: Je considère que la Mission d'observation a essayé de mener à

10 bien sa mission en Croatie, de la façon la plus équitable, la plus juste

11 possible, la plus impartiale. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'a fait

12 preuve d'aucun favoritisme envers qui que ce soit. Elle n'a pas eu peur,

13 non plus, de quelque partie que ce soit. Cette Mission a veillé au

14 maintien de la paix et au respect des Droits de l'homme.

15 Question: Vous avez dit que les effectifs de la JNA dans leur caserne,

16 dans leur base en Croatie, avaient été exposés à des attaques; vous l'avez

17 précisé dans l'un de vos rapports, n'est-ce pas? Savez-vous nous dire

18 quelque chose au niveau de l'échelle, de l'ampleur des conséquences de ces

19 attaques?

20 Réponse: Il n'est pas exact de dire que j'aurais dit, dans ma déclaration

21 préalable, qu'ils étaient exposés à des attaques alors qu'ils se

22 trouvaient dans leur caserne en Croatie.

23 Question: Mais est-ce que ces unités-là ont été exposées à des attaques ou

24 pas?

25 Réponse: De temps à autre, oui.

Page 17024

1 Question: Bien. Aviez-vous connaissance de cela? Et j'imagine que vous

2 devriez certainement savoir qu'il y avait un rapport du Secrétaire fédéral

3 de la Défense nationale, le Général Veljko Kadijevic, daté du 12 septembre

4 1991, et disant que, jusqu'à ces dates à savoir jusqu'au 12 septembre

5 1991, ou plutôt à compter du 2 septembre et jusqu'au 12 septembre, en dix

6 jours en tout, toutes les casernes et installations de la JNA ont été

7 complètement assiégées?

8 Réponse: J'étais au courant du siège imposé à ces installations et

9 casernes, oui. J'aimerais rappeler à l'accusé, qu'à ce moment-là précis,

10 moi j'étais un observateur. Je n'étais pas le chef de la Mission. Bien

11 souvent, je me trouvais sur le terrain, moi-même avec une équipe

12 d'observateurs; par conséquent, il était impossible que je sois au courant

13 de toutes les annonces, de tous les accords passés. Mais évidemment, dans

14 l'esprit de notre Mission et conformément à l'exécution de celle-ci, on

15 m'aurait informé de la teneur de tels accords ou décisions.

16 Question: Savez-vous qu'à compter de la date de signature de cet accord,

17 jusqu'au 11 septembre, les effectifs croates ont réalisé 111 attaques

18 contre les unités de la JNA, et que dans les casernes il a été tué 5

19 officiers, 6 soldats et qu'il a été blessé 40 membres de la JNA? Aviez-

20 vous ce type de rapport? Et ces gens-là, ces hommes-là se trouvaient dans

21 leur caserne, ils n'étaient pas en train de réaliser des activités à

22 l'extérieur de celle-ci?

23 Réponse: Ce degré de détail pour ce qui est des rapports, je ne l'ai pas.

24 Je ne m'en souviens pas. Maintenant, je sais qu'il y a eu plusieurs

25 attaques déclenchées contre les casernes qui étaient occupées à l'époque

Page 17025

1 par la JNA en Croatie.

2 Question: Donc vous saviez qu'il y a eu des attaques contre les casernes,

3 qu'il y a eu des décès, des morts, et ainsi de suite. C'est bien ce que

4 j'ai compris?

5 Réponse: C'est exact.

6 Question: Et savez-vous me dire ce que votre Mission a entrepris,

7 concernant des violations flagrantes de l'accord par les effectifs de la

8 République de Croatie?

9 Réponse: Lorsqu'il y avait des violations des accords de cessez-le-feu de

10 quelque part que ce soit, la Mission a essayé de négocier avec les parties

11 au conflit pour leur faire comprendre que c'est uniquement par la

12 coopération, une coopération avec la Mission, et la pleine application de

13 l'accord, qu'il était possible de rétablir la paix. Je le répète, la

14 Mission a agi avec équité et justice, envers les deux parties.

15 M. Milesovic (interprétation): Moi, ce que je vous pose comme question,

16 Général, c'est ce qui concerne les attaques lancées contre des soldats qui

17 se trouvaient dans leur caserne, qui ne déployaient pas d'activité

18 militaire et qui se trouvaient donc dans ces casernes, dans ces garnisons,

19 comme cela était le cas au cours des 50 ans écoulés. Est-ce que dans votre

20 pays, compte tenu de votre expérience générale et compte tenu de la

21 fonction qui est la vôtre, des attaques lancées contre l'armée régulière

22 d'un pays souverain, étant donné que vous êtes une personne compétente

23 pour nous le dire; est-ce…

24 (Interruption du Président.)

25 M. le Président (interprétation): Je pense que vous allez poser une

Page 17026

1 question sur un point que nous, Juges, devrons trancher en fin de compte.

2 Il ne s'agit pas de poser une question hypothétique au témoin.

3 M. Milosevic (interprétation): Je comprends, Monsieur. Mais je voudrais

4 demander au témoin si dans son pays, à lui…

5 (Interruption par le Président.)

6 M. le Président (interprétation): Non! Non. Je vous arrête. Passez à la

7 prochaine question.

8 M. Milosevic (interprétation): Bon.

9 Dites-moi, s'il vous plaît, serait-il exact de dire qu'en République

10 irlandaise il y a un document contre les actes de terrorisme.

11 M. le Président (interprétation): Sans intérêt. Il n'est d'aucun intérêt

12 pour nous de savoir en quoi consistent les lois de la République

13 d'Irlande. Nous nous intéressons à ce qui s'est passé en Croatie, et nous

14 examinerons la situation en temps utile. Passez à un autre sujet.

15 M. Milosevic (interprétation): Et bien, s'agissant de ce qui s'est passé

16 en Croatie, je voulais savoir si ces attaques pouvaient être caractérisées

17 comme étant des actes de violence, des crimes perpétrés contre la sécurité

18 de l'Etat?

19 M. le Président (interprétation): Mon Général, je ne sais pas si vous vous

20 sentez en mesure de répondre à la question. Si c'est le cas, faites-le.

21 Mais il nous faudra trancher, sans doute.

22 M. Mangan (interprétation): Ce que j'aimerais dire à ce propos, c'est

23 qu'il y avait une situation particulière qui s'était présentée à ce

24 moment-là, en Croatie. La légitimité ou la non-légitimité du régime qui

25 était en vigueur c'est une question d'ordre politique. Moi, je n'ai pas

Page 17027

1 participé à cet élément politique, je ne peux pas, dès lors, offrir de

2 réponse. Je ne vais pas m'aventurer dans ce domaine.

3 Je fais ma déposition à propos des faits, à propos de ce que j'ai vu sur

4 le terrain pendant que je m'y suis trouvé, à propos de la façon dont nous

5 nous sommes acquittés de notre mission. Et je me borderai à cela.

6 M. Milosevic (interprétation): Bon, je ne vous poserai pas davantage de

7 questions là-dessus.

8 Quand vous parlez de votre séjour à Dubrovnik à l'hôtel "Argentina",

9 pendant six jours… et je précise que vous avez indiqué que plusieurs obus

10 étaient tombés à proximité de l'hôtel où vous vous trouviez, n'est-ce pas?

11 M. Mangan (interprétation): Exact.

12 Question: Certains témoins qui sont venus témoigner avant vous, ont

13 précisé que des forces croates avaient déployé des positions de combat à

14 proximité de cet hôtel; est-ce exact ou pas?

15 Réponse: Pas à ce moment-là; ça n'avait pas été le cas. Pendant le temps

16 de ma présence, ce n'était pas le cas. Ici, l'hôtel en question, c'était

17 l'hôtel "Excelsior".

18 Question: Bon. Quand vous parlez de légitimité ou d'illégitimité des

19 cibles militaires dans la région de Dubrovnik -et vous avez parlé des

20 cibles touchées par la JNA-, êtes-vous certain de dire que ce qui a été

21 touché par la JNA a été ou ont été des cibles illégitimes sur le plan

22 militaire?

23 Réponse: Si vous voulez les qualifier de la sorte, oui.

24 Question: Je suppose que vous savez qu'il y a une réglementation de La

25 Haye qui qualifie, sur terre et mer, les localités, les sites qui ont un

Page 17028

1 statut de villes ou de places non défendues?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Donc j'imagine que pour qu'un site ou une ville puisse être

4 considérée ou bénéficier de ce statut de ville ou de site non défendu, il

5 faudrait que tous les équipements, tous les combattants, toutes les armes

6 soient évacués et que toutes les installations non militaires ne soient

7 pas utilisées à des fins militaires. Il faut que les autorités ne

8 déploient pas d'activités offensives ou militaires. Il faudrait donc qu'il

9 y ait… ou quoi que ce soit pour supporter les opérations militaires. Il y

10 a plusieurs éléments à prendre en compte. Etes-vous au courant de tous ces

11 éléments?

12 Réponse: Oui, je suis au courant de cela. Et je n'ai pas décrit Dubrovnik

13 en disant que c'était une ville non défendue au sens de la Convention de

14 La Haye; ce n'est pas comme ça que la ville avait été déclarée. C'était

15 plutôt dans le contexte du verbe "défendre" que je m'étais exprimé; et je

16 me fondais uniquement sur des considérations militaires.

17 Question: Mais j'imagine qu'il n'est pas contesté le fait qu'en ville, il

18 y avait des membres des forces armées, quelle que soit la qualification

19 que vous adoptiez à leur sujet, régulières ou irrégulières.

20 Vous dites, en page 6: "Des groupes de personnes avec des kalachnikov, des

21 fusils à lunette, des fusils de chasse". Vous avez même vu un lance-

22 roquettes. Et vous avez vu que la ZNG avait placé plusieurs mortiers -en

23 page 5, vous le dites- et ainsi de suite. Donc cela est-il contesté ou

24 pas?

25 Réponse: Pas du tout. En fait, c'est ce que j'ai dit dans mon témoignage.

Page 17029

1 La seule chose que je conteste dans ce que vous dites, c'est que j'aurais

2 dit que j'avais vu un mortier. Je n'ai pas vu de mortier; j'ai dit que

3 j'avais entendu le bruit d'un mortier.

4 Question: Bien, vous l'avez entendu. En d'autres termes, on a ouvert le

5 feu en direction de la JNA. C'est contesté ou pas?

6 Réponse: Non, c'est exact.

7 Question: Et savez-vous combien de membres de la JNA sont morts dans la

8 région de Dubrovnik suite au feu ouvert?

9 Réponse: Je ne suis pas au courant.

10 Question: Mais comme vous êtes un soldat de profession, de métier et que

11 vous occupez l'une des fonctions les plus élevées dans l'armée de votre

12 pays, si je vous dis que 152 soldats sont morts dans le secteur de

13 Dubrovnik suite au feu ouvert par les forces croates, est-ce que vous

14 pouvez juger ou estimer que se sont là des tirs qui n'ont pas été des tirs

15 intenses, qui ont été des tirs de faible intensité? Ou pouvez-vous adopter

16 un qualificatif de ce type?

17 Réponse: Première chose: j'aimerais que l'on précise la période au cours

18 de laquelle ces 150 soldats ont perdu la vie. En effet, je l'ai dit; moi,

19 je me suis trouvé dans la ville du 5 ou 7 octobre 1991. Est-ce que c'est

20 au cours de cette période que 152 soldats ont été tués? C'est ce que vous

21 êtes en train de me dire?

22 Question: Non, je n'ai certainement pas parlé de la période que vous avez

23 passée là-bas. Je n'ai pas affirmé une chose pareille, Général. J'ai juste

24 demandé si vous saviez qu'un tel nombre de soldats avaient péri dans le

25 secteur?

Page 17030

1 Réponse: Non. Non, je ne le connaissais pas, ce chiffre. Et vu la quantité

2 de tirs que j'ai observés venant du côté croate, ça ne m'indiquerait pas

3 qu'il y aurait un nombre aussi élevé de pertes infligées.

4 Question: Vous avez mentionné, mon Général, tout à l'heure, à l'occasion

5 de l'interrogatoire principal, le fait qu'on vous avait communiqué une

6 information aux termes de laquelle Dubrovnik était en péril, et vous avez

7 jugé que l'information était infondée. Quand, au juste, avez-vous reçu une

8 information de cette nature?

9 Réponse: Date précise? Là, je ne peux pas vous le dire. C'était vers la

10 fin du mois de septembre 1991, pour autant que je m'en souvienne.

11 Question: Bien. Mais s'agissant de cette information ou d'une information

12 analogue, avez-vous pu la comparer avec les informations de votre équipe

13 qui se trouvait déjà à Dubrovnik? Je crois que cette équipe s'appelait

14 l'équipe "Whisky", alors que la vôtre s'appelait, je pense, "Charlie" ou

15 quelque chose de ce genre?

16 Réponse: Je crois qu'il est préférable que je précise quelque chose.

17 L'équipe "Whisky", elle a été envoyée à Dubrovnik à la suite des rapports

18 que nous avions reçus afin de les confirmer ou de les infirmer. C'est la

19 raison de l'envoi de cette mission-là, à ce moment-là, à Dubrovnik.

20 Question: Je pense que vous avez obtenu cette information-là de la part du

21 côté croate?

22 Réponse: Exact.

23 Question: Peut-on en déduire que la communication d'une information de

24 cette nature se réduisait à des préparatifs pour des provocations à

25 l'égard de la JNA qui se trouvait autour de Dubrovnik, à l'époque?

Page 17031

1 Réponse: Ce n'est pas la conclusion que je tirais, non.

2 Question: Et vous avez dit que les rapports de Zagreb étaient rédigés par

3 des gens qui étaient à Zagreb et non pas sur le terrain. C'est bien ce que

4 vous avez dit ou ai-je mal compris?

5 Réponse: Les rapports, ils étaient envoyés par les observateurs se

6 trouvant sur le terrain à leur quartier général. Le rapport qui était

7 ensuite envoyé à La Haye, à partir de Zagreb, était un rapport de synthèse

8 préparé par les gens se trouvant au quartier général de Zagreb. C'est

9 exact.

10 M. Milosevic (interprétation): Dites-moi, Général, en deux mots si

11 possible, pourquoi avez-vous renoncé à cette pièce à conviction RM-CM-01

12 mentionnée par M. Kay?

13 M. le Président (interprétation): Mais le témoin l'a expliqué: ceci

14 n'avait rien à voir avec lui, ce sont les observations faites par

15 quelqu'un d'autre; il ne peut donc pas produire ce document. C'est ce

16 qu'il a fourni comme explication.

17 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur May.

18 Mon Général, vous avez parlé de la JNA, pouvez-vous me dire pourquoi,

19 lorsque vous parlez de la JNA dans votre rapport -et cela figure au RM-CM-

20 02 du 6 décembre 1991-, vous tirez un parallèle, vous établissez un signe

21 d'égalité avec "forces serbes"?

22 M. le Président (interprétation): Voulez-vous voir ce document?

23 M. Mangan (interprétation): Oui merci.

24 M. le Président (interprétation): Il faut également remettre l'Annexe.

25 Attendez, c'est l'intercalaire... Il faut trouver le numéro de

Page 17032

1 l'intercalaire.

2 De quoi s'agit-il, Madame la Greffière?

3 (Intervention de Mme Anoya.)

4 Monsieur Milosevic, il faut d'abord trouver ce document, assurons-nous que

5 nous en disposons. Vous parlez du 6 décembre; est-ce que vous voulez

6 plutôt parler du 6 octobre?

7 M. Milosevic (interprétation): Oui, le 6 octobre, je m'excuse.

8 M. le Président (interprétation): C'est notre pièce 400, Annexe 2.

9 Rappelez-nous, s'il vous plaît, la question que vous avez posée au témoin.

10 Où cela se trouve-t-il dans le document?

11 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas cela sous les yeux en ce

12 moment-ci. Mais on place un signe d'égalité entre la JNA et les forces

13 serbes… je crois que l'on en a déjà parlé.

14 M. le Président (interprétation): Voyons si nous sommes en mesure de

15 localiser ce passage.

16 M. Kay (interprétation): Paragraphe 7, deuxième page, c'est le paragraphe

17 du bas où l'on parle de la JNA/forces serbes.

18 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi placez-vous ce signe d'égalité?

19 M. Mangan (interprétation): Ce rapport a été soumis, à l'époque, par

20 Zagreb à La Haye. C'est de cette façon-là qu'il a été rédigé. C'est comme

21 ça que l'on percevait la situation de l'époque. Et je le dis pour faire

22 simple. Il y avait un conflit entre les Serbes et les Croates mais,

23 stricto sensu, il est vrai qu'en ce qui nous concernait à l'époque, ce que

24 nous avons vu, nous, à Dubrovnik, c'était la JNA.

25 Question: Donc ce n'était pas donc des forces serbes mais la JNA, n'est-ce

Page 17033

1 pas?

2 Réponse: C'est comme ça que j'ai compris les choses, oui.

3 Question: Et savez-vous que la JNA avait une structure pluri ou multi-

4 nationale à cette époque-là encore, notamment pour ce qui est du personnel

5 gradé au sein de la JNA?

6 Réponse: Oui, j'en suis conscient.

7 Question: Vous avez parlé, Général, de protestations formulées par la

8 Mission d'observation en raison des activités déployées dans la région de

9 Dubrovnik, et vous avez précisé qu'il n'y avait aucune réaction de la part

10 de l'armée quant à ces protestations. Est-ce que je vous ai bien compris?

11 Réponse: Pendant le temps de ma mission, oui, vous m'avez bien compris.

12 Ces protestations émanaient du quartier général de notre Mission à Zagreb,

13 cela n'a pas provoqué de réaction sur le terrain, oui.

14 Question: Eh bien, je vous demanderai, mon Général, de nous faire un

15 commentaire.

16 Il s'agit d'un document qui émane de la partie adverse, Monsieur May.

17 Le 00544945, page…, ou plutôt il s'agit d'une lettre de l'adjoint du

18 Secrétaire fédéral à la Défense nationale, l'amiral Stane Brovet, à

19 l'intention du chef de la Mission d'observation, M. l'Ambassadeur Van

20 Houten, émanant de Belgrade et datée du 6 novembre. Il dit entre autres:

21 "Au sujet des protestations formulées par la Mission d'observation de la

22 Communauté européenne dans le secteur de Dubrovnik, en date du 2 et 3

23 novembre, nous avons collecté des renseignements dont il découle ce qui

24 suit…".

25 Je voudrais savoir si ces renseignements vous étaient connus? Donc il en

Page 17034

1 découle ce qui suit. Je dis, premièrement, je précise que l'amiral Brovet

2 était l'adjoint du Secrétaire fédéral à la Défense nationale et qu'il

3 était du groupe ethnique slovène. Le saviez-vous ou pas?

4 Réponse: Oui.

5 M. Milosevic (interprétation): Il dit d'abord: "En date du 2 novembre

6 1991, entre 13 heures et 14 heures 20, les positions des unités de la JNA

7 à Glogov, Kamen, Proprez, et on a ouvert des tirs au fusil d'artillerie, à

8 l'arme légère, en provenance de Babin Kuk, de Nuncijat (phon.)…

9 M. le Président (interprétation): Ralentissez, Monsieur Milosevic.

10 M. Milosevic (interprétation): "On a tiré au canon de 85 millimètres et de

11 mortiers de 82 et de 120 millimètres en direction de ces unités. Et, la

12 nuit tombée, on a infiltré un groupe de terroristes constitué de six

13 membres de ZNG. S'agissant de toutes les unités de la JNA, elles ont reçu

14 des ordres stricts pour un cessez-le-feu, étant donné que des travaux ont

15 été entamés pour ce qui est de mettre en état le poste de transformation.

16 Le commandement approprié a fait savoir à la Mission d'observation qu'il y

17 avait eu des violations de cessez-le-feu étant donné que les attaques

18 n'ont pas été interrompues, mais elles ont été intensifiées parce que l'on

19 a ouvert le feu à la mitrailleuse et au mortier vers nos unités, et il a

20 été riposté en direction des forces croates".

21 C'est ce que l'adjoint du ministre fédéral écrit au chef de la mission, M.

22 Van Houten. Le saviez-vous ou pas?

23 M. Mangan (interprétation): Je ne connais pas les détails de cette lettre.

24 Je vous l'ai dit, je me suis trouvé dans la région de Dubrovnik à une

25 période qui n'est pas celle dont vous faites mention ici.

Page 17035

1 M. Milosevic (interprétation): Je parle de la réponse aux protestations

2 envoyées, disant que la JNA avait ouvert le feu. L'amiral Brovet, dans sa

3 lettre, explique quelles étaient les attaques qui ont précédé les

4 ripostes...

5 M. le Président (interprétation): Le témoin a déclaré qu'il ne connaissait

6 pas les détails. Il ne se trouvait pas là, à cette époque-là. Vous pourrez

7 poser cette question à d'autres témoins ou déposer vous-même à ce propos.

8 Mais inutile de demander quelque chose à ce témoin, quelque chose qu'il ne

9 connaît pas du tout; ça fait perdre du temps inutilement.

10 M. Milosevic (interprétation): Mon Général, est-il, oui ou non, clair que

11 l'amiral Brovet a effectivement répondu en toute responsabilité, en

12 expliquant pourquoi on avait dû riposter en ouvrant le feu en direction

13 des positions à partir desquelles l'on tirait sur les unités de la JNA?

14 M. Mangan (interprétation): En cette occasion précise, cela semblait

15 effectivement constituer une réaction de la part de l'amiral Brovet; c'est

16 tout à fait exact. Mais je parle bien là de cet incident particulier au

17 sujet duquel je n'ai aucune information.

18 Question: Mais connaissez-vous la lettre envoyée par secrétaire fédéral à

19 la Défense nationale, le général Veljko Kadijevic, qui était adressée au

20 Président du Conseil ministériel de la Communauté européenne, Hans Van den

21 Broek, et au chef de la Mission de vérification, l'ambassadeur Van Houten?

22 Et, dans cette lettre, il dit –cela date également du 6 novembre-, il dit

23 que les conclusions du Gouvernement de la République de Croatie

24 prendraient effet à partir de 10 novembre, et qu'à partir de cette date,

25 les membres de la JNA sur le territoire de Croatie seraient considérés

Page 17036

1 comme faisant partie d'une armée d'occupation ennemie.

2 Ceci est donc écrit dans la lettre datée du 6 novembre, et c'est en

3 rapport avec ce fait que les forces croates auraient bombardé certaines

4 zones de la République de Serbie, notamment les villes de Sid et d'Apatin.

5 Connaissez-vous la teneur de cette lettre?

6 Réponse: Je ne connais pas la teneur de cette lettre, non.

7 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous...

8 M. le Président (interprétation): C'est une autre lettre. Je ne pense pas

9 que cela vaille la peine de perdre notre temps. Le temps passe, le temps

10 qui vous est imparti.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

12 J'ai un certain nombre de documents sous les yeux ici que je considère

13 importants, et je juge qu'il serait important de tirer tout cela au clair.

14 Je parle bien de tirer les choses au clair. Mais, enfin, je passerai à

15 autre chose si vous me le demandez.

16 En page 6, mon Général, vous analysez la légitimité de l'entrée de la JNA;

17 d'ailleurs, vous faites un lien avec d'autres bases navales de

18 l'Adriatique. Vous dites que tout cela est destiné à protéger, à défendre

19 l'intégrité de la JNA, n'est-ce pas?

20 Alors, la question que je vous pose est la suivante: pourquoi est-ce

21 qu'une armée régulière sur le territoire de l'Etat dont elle relève -et je

22 fais référence là à l'expression utilisée par vous, à savoir la marine de

23 guerre-, pourquoi est-ce qu'une telle armée n'aurait pas le droit

24 d'utiliser ses propres ports, sa propre ligne côtière? Et sur quoi vous

25 fondez-vous pour dire que le port de Dubrovnik n'avait aucune importance

Page 17037

1 militaire stratégique ou aucune importance économique pour la JNA?

2 M. Mangan (interprétation): Je n'ai pas dit qu'elle n'avait aucune

3 importance économique pour la JNA. Ce que je disais dans ce document,

4 c'est que le port de Dubrovnik n'était pas utilisé par l'armée à cette

5 époque-là et que l'armée possédait un certain nombre d'autres bases

6 navales dans l'Adriatique. Donc je ne voyais pas pourquoi la JNA aurait eu

7 besoin d'établir une nouvelle base à Dubrovnik; c'est cet argument-là que

8 je défendais.

9 Question: Oui, mais c'est bien tout le problème, mon Général. Vous dites

10 "s'emparer d'eux", etc. Ne trouvez-vous pas extrêmement illogique qu'une

11 armée soit considérée comme en train de s'emparer d'un territoire qui est,

12 en fait, le territoire de l'Etat dont elle relève? Est-ce que vous pouvez

13 parler de capitulation? Vous dites que la population capitulerait, alors

14 qu'il s'agit de la population de l'Etat dont relève cette armée. Quelle

15 est la logique de ces explications, à votre avis?

16 Réponse: La logique, c'est que la situation effective, la situation… La

17 réalité est laissée de côté. Ici, on ignore les éléments qui se

18 déroulaient sur le terrain. Il y avait une situation d'affrontement entre

19 l'armée dont vous parlez et la population qui résidait sur le territoire

20 de Croatie. En conséquence, la réalité des choses, c'est que nous étions

21 en train d'essayer de normaliser la situation et de rétablir la paix.

22 Voilà quel était l'objectif poursuivi.

23 Question: Oui, mon Général. Mais le comportement de la JNA qui occupait

24 des positions aux abords de la ville et qui n'a jamais pénétré dans la

25 ville, est-ce que cela ne confirme pas la déclaration faite par la

Page 17038

1 direction de la JNA, à savoir que l'armée n'avait aucunement l'intention

2 de s'emparer de Dubrovnik? Mais ce sont les médias, par leurs

3 manipulations, qui ont essayé de créer une espèce de sensation et de

4 provocation qui, finalement, a pris un aspect politique construit de

5 toutes pièces. Et cette sensation reposait sur la provocation dont je

6 viens de parler, tout cela ayant un seul et unique but, à savoir accélérer

7 l'obtention de l'appui international en faveur de quelque chose de

8 complètement absurde. Tel par exemple le fait de dire que des monuments

9 historiques ou des monuments touristiques étaient attaqués, ceci n'était

10 en aucun cas l'intention réelle de l'armée.

11 Réponse: J'ai eu beaucoup de mal, à l'époque, à interpréter les intentions

12 de l'armée mais je savais, pendant mon séjour, la Vieille Ville n'avait

13 pas été bombardée mais les zones entourant de la Vieille Ville, qui

14 étaient habitées par les civils, ont été bombardées. C'est dans ce

15 contexte que j'ai parlé d'attaques sur Dubrovnik.

16 Question: Mon Général, je pense qu'il y a quelque chose d'illogique dans

17 ce que vous dites. Vous expliquez les intentions éventuelles de la JNA

18 comme étant de dépeupler Dubrovnik, en page 2 de votre déclaration

19 préalable.

20 Par ailleurs, vous parlez également d'Ilok qui n'était pas du tout

21 attaquée et qui a été évacuée à ce moment-là; je suppose que ceci était dû

22 au fait qu'Ilok se trouvait tout près des zones de conflit. Et Ilok n'a

23 pas été détruite, contrairement à ce qu'on dit certains, Ilok a simplement

24 été évacuée par les autorités croates et par le maire croate de la ville.

25 Alors, pourquoi cette évacuation? Vous dites même que les observateurs

Page 17039

1 internationaux ont assisté à cette évacuation. Pourquoi la ville a-t-elle

2 été évacuée, si elle n'était pas attaquée? Ici, vous dites que l'attaque

3 était destinée à pousser la population à partir.

4 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Où est votre

5 question?

6 M. Mangan (interprétation): Les renseignements obtenus en rapport avec

7 Ilok consistaient à dire que la population de la ville d'Ilok se sentait

8 de plus en plus menacée et qu'elle a demandé une évacuation. Moi, j'ai

9 trouvé qu'il était bizarre de voir des gens, des habitants, demander à

10 être évacués de leur ville s'il y avait aucune menace contre la

11 population. Donc il n'est pas illogique de dire que si une attaque avait

12 lieu contre la population de Dubrovnik, une évacuation s'en suivrait.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais ne saviez-vous pas que, lors d'une

14 rencontre à laquelle ont assisté les autorités de Dubrovnik, ainsi que des

15 représentants de la JNA, en présence de représentants de la communauté

16 internationale, la seule exigence de la part de l'armée consistait à

17 demander que les mercenaires étrangers, les irréguliers, soient désarmés

18 et contraints à quitter la ville de Dubrovnik?

19 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà parlé de cela, et le

20 témoin a répondu qu'il n'a participé à aucune des ces négociations même

21 s'il a entendu parler de cette revendication. Donc il ne sert à rien de

22 revenir sur le même terrain.

23 M. Milosevic (interprétation): Mais si j'ai bien compris ce qu'a dit le

24 témoin, il a dit qu'il était au courant de cette revendication. Il était

25 au courant de cette demande, que les formations armées quittent la ville.

Page 17040

1 Monsieur May, je ne dis rien de plus.

2 M. le Président (interprétation): Oui, c'est exact. Que souhaitez-vous

3 demander d'autre au témoin? Il vous reste environ cinq minutes.

4 M. Milosevic (interprétation): J'en terminerai en cinq minutes.

5 Mon Général, vous avez dit que, lorsque vous étiez dans la vieille ville

6 de Dubrovnik, vous n'avez vu que des dégâts minimes et que, selon vous,

7 ces dégâts ont été causés par hasard.

8 M. Mangan (interprétation): C'est exact.

9 M. Milosevic (interprétation): Ici, on ne cesse de dire que l'armée

10 voulait s'emparer de Dubrovnik; or, personne ne s'est emparé de Dubrovnik.

11 Ici, on entend sans cesse dire que l'armée souhaitait détruire Dubrovnik;

12 alors que Dubrovnik n'a pas été détruite. C'est bien cela, n'est-ce pas?

13 M. le Président (interprétation): Non, non. Il n'appartient pas au général

14 de commenter des allégations de ce genre qui, à mon avis, n'ont pas été

15 formulées ici. C'est vous qui dites qu'elles l'ont été. Donc, passez à

16 autre chose.

17 M. Milosevic (interprétation): Mon Général, êtes-vous au courant du fait

18 que les forces paramilitaires croates, et votre mission avait connaissance

19 de leur existence, ont ouvert le feu dans la zone de Dubrovnik à partir

20 d'un navire qui a tiré sur un navire de la marine yougoslave? Etes-vous au

21 courant de cela? Le 11 novembre 1991, ceci est arrivé, entre autres.

22 M. Mangan (interprétation): Je ne me souviens pas de cet incident

23 particulier, puisque je ne me trouvais pas dans cette zone le 11 novembre.

24 Le 11 novembre, j'étais sans doute retourné à Zagreb. En tout cas, je ne

25 me souviens pas de cet incident.

Page 17041

1 Question: Vous souvenez-vous du fait que des tirs permanents ont pris pour

2 cible les unités de la JNA dans un certain nombre de villages, dans les

3 villages de Bosanska, de Kriz et de Bogaj? Est-ce que vous avez reçu des

4 rapports relatifs à cela?

5 Réponse: Nous avons été informés du fait que des tirs visaient la partie

6 d'en face, que chacune des parties tirait sur l'autre dans un certain

7 nombre de localité de Croatie. Je ne me souviens pas quelles étaient ces

8 localités particulières ni la date particulière de ces incidents. Je pense

9 qu'à l'époque, personne n'aurait été capable de rendre compte avec une

10 précision totale de chacun des détails de ces incidents.

11 Question: Mon Général, vous avez dit les deux parties tiraient

12 mutuellement l'une contre l'autre. Est-il permis d'en tirer la conclusion

13 que, dans ces endroits, il y avait échanges de feu permanents entre les

14 deux parties? Et je vous demande de répondre sur votre compétence

15 professionnelle.

16 Réponse: Je ne dirai pas que cela était permanent mais il y avait assez

17 fréquemment des échanges de tirs dans cette période, et je parle de la

18 période couvrant les mois de novembre et de décembre.

19 Question: Vous dites donc que les combats ont duré pendant tout le mois de

20 novembre et tout le mois de décembre, donc pendant ces deux mois-là, on

21 tirait des deux côtés. Il y avait un combat impliquant deux parties. C'est

22 bien cela, n'est-ce pas?

23 Réponse: C'est exact.

24 Question: Etes-vous au courant du fait que les représentants des forces

25 paramilitaires croates ont, au cours de ces combats, ouvert le feu y

Page 17042

1 compris à partir de positions situées à l'intérieur de la veille ville?

2 J'ai sous les yeux le bulletin du Secrétariat fédéral à la Défense

3 nationale daté du 12 novembre 1991 où ceci est écrit et je n'ai pas

4 d'autres sources d'information mais je suppose que celle-ci est exacte.

5 Connaissez-vous ce fait que le feu a été ouvert, y compris à partir des

6 positions situées dans la Veille Ville?

7 Réponse: Vous avez cité la date du 12 novembre; je n'ai aucune information

8 indiquant que le feu ait été ouvert à partir de positions situées dans la

9 Veille Ville à cette date. Mais revenons, si vous le voulez bien, à une

10 autre question et à la réponse que j'ai fournie.

11 La question se lit comme suit: "Il y avait un combat opposant deux

12 parties; est-ce exact, mon Général?". Et à cela, j'ai répondu: "C'est

13 exact". Mais je pensais que votre question portait sur tout le territoire

14 de la République fédérale de Croatie, sur tout le territoire de la

15 Croatie, et pas uniquement sur la zone de Dubrovnik; et donc, j'ai répondu

16 dans ce cadre.

17 Maintenant, vous me parlez de la date précise du 12 décembre… Non,

18 excusez-moi, du 12 novembre et de la zone de Dubrovnik. Eh bien, dans ce

19 cadre-là, je n'ai aucune information qu'il y ait eu un incident

20 particulier; en tout cas, pas celui dont vous parlez. Parce que, comme je

21 l'ai déjà dit, je n'étais pas dans cette zone à ce moment-là.

22 Question: Très bien. Mais si nous revenons à la zone de Dubrovnik, avez-

23 vous dit qu'il y avait des combats permanents qui ont duré un certain

24 temps dans ce secteur de Dubrovnik, et qu'il y a eu échanges mutuels de

25 feu dans ce secteur?

Page 17043

1 Réponse: Lorsque je me suis trouvé dans ce secteur, il est certain que des

2 échanges de feu ont eu lieu dans le secteur de Dubrovnik. Donc des tirs

3 ont eu lieu dans la zone de Dubrovnik. Et il y a eu riposte également,

4 mais cela ne concerne pas l'intérieur de la Vieille Ville.

5 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Pas à l'intérieur de la Vieille

6 Ville. Mais pourquoi est-ce que vous appelez les tirs provenant de

7 Dubrovnik des "ripostes"? Est-ce que cela signifie que les forces de la

8 JNA ont été les premières à tirer et que les forces croates ont riposté,

9 ou est-ce que peut-être les choses se sont passées en sens inverse? J'ai

10 lu les parties d'une lettre envoyée par l'amiral Brovet dans laquelle on

11 voit manifestement que des efforts très patients ont été déployés pour

12 mettre un terme aux tirs qui visaient les positions de la JNA.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons déjà

14 parlé de cela; il est inutile d'y revenir. Vous pouvez poser une question

15 supplémentaire -et puis, votre temps sera écoulé- si vous avez un autre

16 sujet à aborder. Nous avons déjà couvert ce terrain.

17 M. Milosevic (interprétation): Oui.

18 Mon Général, savez-vous que pendant toute la période dont vous parlez, le

19 rôle de la JNA consistait précisément à séparer les forces en conflit, et

20 que le conflit avait éclaté en raison des violences commises contre la

21 population serbe par les nouvelles autorités croates? Etes-vous au courant

22 de cela? Savez-vous que la JNA avait pour mission de s'efforcer de séparer

23 deux parties belligérantes, et les Serbes en Croatie constituaient la

24 partie qui avait été attaquée? Etes-vous au courant de cela?

25 M. Mangan (interprétation): J'étais au courant des justifications fournies

Page 17044

1 pour un certain nombre d'actions qui étaient en cours, mais ceci différait

2 de la réalité des événements sur le terrain.

3 M. le Président (interprétation): Oui.

4 Monsieur Kay, est-ce que vous avez des questions?

5 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au témoin, M. Colm E. Mangan.)

6 M. Kay (interprétation): Mon Général, de façon générale, vous étiez basé à

7 Zagreb, n'est-ce pas?

8 M. Mangan (interprétation): Nous étions basés à Zagreb. Et ensuite, nous

9 avons été déployés, dans le cadre d'une équipe d'observateurs, en divers

10 lieux de Croatie, à certains moments.

11 Question: L'ECMM n'avait-elle qu'une seule base principale à Zagreb ou

12 avait-elle également d'autres bases ou d'autres centres, si vous préférez

13 l'expression, en d'autres lieux sur le territoire yougoslave?

14 Réponse: Au départ, la base se trouvait à Zagreb. Et ensuite, l'ECMM a

15 créé un réseau de centres –nous appelions cela des "centres régionaux"-

16 dans un certain nombre d'autres localités, avant tout en Croatie et

17 ensuite à Belgrade.

18 Question: Le centre de Belgrade a été créé à quel moment? Pouvez-nous

19 donner une date approximative?

20 Réponse: Approximativement à la fin du mois d'octobre, mais je ne suis pas

21 sûr du jour exact.

22 Question: L'arrivée de l'ECMM à Zagreb: encore une fois, je vous demande

23 une date approximative pour l'arrivée de l'ECMM à Zagreb.

24 Réponse: L'ECMM est arrivée approximativement le 13 juillet.

25 Question: Lorsque vous êtes arrivé à Zagreb, vous vous trouviez dans ce

Page 17045

1 qu'il est convenu d'appeler "la partie croate" de l'ex-Yougoslavie qui

2 faisait sécession, n'est-ce pas?

3 Réponse: C'est exact.

4 Question: Lorsque vous y êtes arrivé, est-il permis de dire que vous avez

5 été considéré avec suspicion par l'autre partie, à savoir la partie qui

6 n'était pas la partie croate?

7 Réponse: Oui, je dirais que c'est une bonne manière de décrire les choses.

8 Question: Vous avez dit qu'il n'y avait pas de contact ou, en tout cas,

9 pas de réponse de la part de la JNA lorsque vous vous êtes efforcé de

10 remplir votre mission, à savoir mettre en oeuvre un cessez-le-feu, en tout

11 cas, faire cesser les hostilités. Encore une fois, je vous demande s'il

12 est permis de dire, sur la base de l'action que vous avez eue sur place,

13 que ceci était dû au fait que la partie d'en face vous considérait comme

14 partial vis-à-vis de la Croatie? Est-ce que c'était vrai ou pas, ça c'est

15 un autre problème, mais je vous demande de témoigner ici au sujet de la

16 perception de la partie d'en face.

17 Réponse: Je ne pense pas qu'il est permis de décrire les choses de cette

18 façon car, en d'autres occasions, la JNA a accepté le contact avec nous et

19 des cessez-le-feu ont pu être organisés. J'ai fait l'expérience

20 personnellement de ce genre de choses à Osijek.

21 M. Kay (interprétation): J'aimerais que nous examinions l'intercalaire 8,

22 page 2, paragraphe 6, là où il est question de la Dalmatie.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 En page 1, nous lisons la date du 14 octobre, donc je suppose que ce

25 document a été rédigé sans doute après votre départ de Dubrovnik. Parce

Page 17046

1 que vous avez parlé de six jours, donc cela nous amène, je pense, je

2 suppose, à la date du 12?

3 M. Mangan (interprétation): Non, non, ce n'est pas exact. J'étais présent

4 sur place entre le 5 et le 7, ou entre le 5 et le 8 octobre. Donc je

5 suppose que cela faisait pas mal de temps que j'étais parti, à la date du

6 14.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, ce document

8 est en fait daté du 11 octobre.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 M. Kay (interprétation): Donc ce rapport, en tout cas le rapport dont nous

11 parlons, se situe-t-il pendant la durée de votre présence ou en dehors de

12 la durée de votre présence? Pouvez-vous nous aider sur ce point?

13 M. Mangan (interprétation): Le rapport fait référence au moment de la

14 transition. Comme vous le constatez, dans le rapport, l'équipe parle d'un

15 autre jour tranquille. Donc c'était le moment où l'équipe était sur place,

16 avant l'arrivée de l'équipe qui la remplaçait. Donc le rapport couvre la

17 période de la transition, pour autant que je puisse apprécier la date.

18 Question: Le paragraphe 6 se lit comme suis -je cite-: "La même équipe

19 rend compte du fait que la JNA a, pour la première fois, réussi à être

20 contactée en vue d'un entretien." (Fin de citation.)

21 Réponse: Oui. Ceci est une référence à l'équipe qui nous a remplacés. Je

22 pense que, dans ma déposition, j'en ai parlé; j'ai dit que l'équipe qui

23 nous a remplacés a établi le contact et qu'elle a eu un entretien avec la

24 JNA et les autorités croates à Cavtat.

25 Question: Mais, selon la lecture que l'on fait du texte, il semble que

Page 17047

1 c'est la JNA qui a établi le contact, et pas l'inverse?

2 Réponse: Eh bien, comme je l'ai dit, il s'agissait de l'équipe qui nous a

3 succédés. Je ne sais pas qui a été à l'origine du contact dans ce cas

4 précis.

5 Question: Passons maintenant à une autre question. Pendant la période que

6 vous avez passée à Zagreb, avez-vous pu recevoir des rapports au sujet des

7 informations diffusées par les médias sur le territoire croate?

8 Réponse: Il existait une cellule particulière, au sein du quartier

9 général, qui recevait des résumés des médias dès lors que des questions

10 intéressantes étaient couvertes.

11 Question: La question que je souhaite vous poser consiste, sur la base de

12 votre expérience et de l'expérience de l'ECMM, à nous dire quelle était la

13 nature exacte des informations au sujet des événements qui se déroulaient

14 sur le territoire croate. Y avait-il donc des rapports de presse locaux

15 dus à des médias croates qui exagéraient l'importance du conflit,

16 l'importance des affrontements?

17 Réponse: J'ai parlé tout à l'heure d'une section spécialisée dans les

18 rapports de presse qui disséquait donc ce que publiaient les médias.

19 Alors, j'ai le sentiment qu'il serait sans doute plus opportun de poser la

20 question aux membres de cette section.

21 Question: Mais avez-vous été informé ou plutôt aviez-vous quelqu'un

22 d'autre que vous, mais en tout cas quelqu'un qui aurait été informé de

23 l'existence de rapports de presse dus à des médias croates et agissant

24 comme je viens de le dire? Je m'exprime de cette façon car, dans le

25 document que nous avons vu ce matin, nous avons pu constater que vous

Page 17048

1 n'étiez pas l'auteur de ce qui était mentionné dans le texte.

2 Réponse: Des commentaires étaient effectivement faits quant au fait que

3 les médias ne rendaient pas compte de façon tout à fait exacte de ce qui

4 se passait réellement sur le terrain.

5 Question: Je souhaiterais discuter de ce point avec vous, à savoir le fait

6 que des rapports de presse émanant de Croatie exagéraient la nature exacte

7 de ce qui se passait sur le terrain. C'est bien cela?

8 Réponse: Je préférerais dire que certains rapports de presse dus aux

9 médias croates exagéraient les événements.

10 Question: Une fois… Ou plutôt, est-il exact de dire que, pour bien

11 comprendre la situation, il fallait qu'un certain temps s'écoule? Lorsque

12 l'équipe de l'ECMM est arrivée à Zagreb, elle n'a pas compris la réalité

13 de cela immédiatement?

14 Réponse: Oui, c'est exact, en effet.

15 Question: Il faut effectivement un certain temps pour bien comprendre la

16 réalité, n'est-ce pas?

17 Réponse: C'est exact. Mais si l'on est pragmatique, je pense qu'il est

18 permis de s'attendre à ce que les rapports établis par une partie ou par

19 l'autre soient assez subjectifs.

20 Question: Oui. Un autre point encore, si vous le voulez bien. Vous avez

21 fait référence au fait qu'il fallait aller à La Haye. Je n'ai pas très

22 bien compris dans quel contexte vous avez situé ces voyages à La Haye?

23 Réponse: A ce moment-là, c'étaient les Néerlandais qui présidaient la

24 Communauté européenne. Et la présidence néerlandaise a reçu, à ce moment-

25 là, un certain nombre de rapports qu'elle a diffusés auprès de tous les

Page 17049

1 autres Etats membres. C'était sa responsabilité.

2 M. Kay (interprétation): Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

3 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Colm E. Mangan, par

4 Mme Uertz-Retzlaff.)

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'ai quelques questions

6 supplémentaires à poser au témoin.

7 Général, s'agissant des informations dont vous disposiez au sujet d'une

8 attaque éminente contre Dubrovnik, l'accusé vous a demandé s'il s'agissait

9 d'une préparation ou d'une provocation éventuelle qui visait la JNA. Avez-

10 vous vu quelque chose de particulier à Dubrovnik, lorsque vous étiez

11 présent dans la ville, qui permettrait de légitimer une telle conclusion?

12 M. Mangan (interprétation): Non.

13 Question: L'accusé vous a également parlé du nombre de tirs provenant de

14 la partie croate à Dubrovnik, et vous avez parlé vous-même de ce que vous

15 avez vu et entendu. Ce que vous avez vu et entendu au sujet des tirs

16 provenant de la partie croate, aurait-il justifié le bombardement auquel

17 vous avez assisté de la part de la JNA?

18 Réponse: Non.

19 Question: L'accusé vous a également parlé de la date du 13 juillet 1991 et

20 d'un accord particulier, à cette date, qui exigeait la levée de

21 l'encerclement des unités et des installations de la JNA. Mais nous lisons

22 également au compte rendu d'audience -je cite-: "Retour inconditionnel des

23 unités de la JNA dans leurs casernes." (Fin de citation.)

24 La JNA, selon les informations dont vous disposiez, selon ce que vous

25 saviez, est-elle retournée sans condition dans ses casernes?

Page 17050

1 Réponse: Non.

2 Question: Et puis, pour revenir à l'encerclement des casernes et au

3 scénario de Dubrovnik, y avait-il, à Dubrovnik, une quelconque caserne de

4 la JNA qui aurait été encerclée?

5 Réponse: Non, à ma connaissance, il n'y en avait pas dans le secteur de

6 Dubrovnik.

7 Question: Est-ce que Prevlaka a été menacée? La JNA était-elle menacée à

8 Prevlaka?

9 Réponse: Non, pas à ma connaissance.

10 Question: Vous nous avez dit que vous n'aviez vu aucun motif militaire

11 pour ce qui s'est passé à Dubrovnik. Alors, à votre avis, à l'époque quel

12 était le motif justifiant ce que vous avez vu à Dubrovnik et ce qui a

13 continué à se dérouler après votre départ?

14 Réponse: Je ne voyais pas très bien quel était le motif justifiant

15 l'attaque contre Dubrovnik. Parce que, comme je l'ai dit dans ma

16 déposition, si la JNA avait souhaité s'emparer de Dubrovnik à ce moment-

17 là, Dubrovnik était si peu défendue que la chose eût été très facile pour

18 la JNA. Mais elle ne l'a pas fait, et, par conséquent, je pense que j'ai

19 été trompé.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

21 M. le Président (interprétation): Mon Général, ceci met un terme à votre

22 déposition. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal pénal

23 international pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.

24 (Le témoin, M. Colm E. Mangan, est reconduit hors du prétoire.)

25 (Questions relatives à la procédure.)

Page 17051

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, il y a une question

2 officielle s'agissant du dernier témoin. Et, apparemment, la même chose

3 s'est produite pour le témoin qui l'a précédé, mais je n'ai pas pris de

4 mesures, à l'époque. On nous a demandé d'accorder une cote provisoire au

5 résumé, mais cela n'a pas été notre pratique jusqu'à présent. Si je me

6 souviens bien, nous n'avons pas versé au dossier les résumés parce qu'ils

7 ont une fonction tout à fait différente. Pour le moment, je n'ai pas

8 l'intention… ou plutôt, nous n'avons pas d'intention, en tant que Chambre

9 de première instance, d'admettre celui-ci.

10 M. Nice (interprétation): Si je l'ai mentionné deux fois auparavant, c'est

11 simplement pour cette raison-ci: si, par la suite, il faut savoir ce qui

12 se trouvait dans ces remarques ou dans ce résumé sans que celui-ci reçoive

13 une cote, cela pourra semer la confusion. Si on fait référence, par

14 exemple, à une partie de l'interrogatoire principal ou du contre-

15 interrogatoire en faisant référence au résumé et qu'on examine les

16 documents sans ce résumé, cela pourrait s'avérer difficile.

17 M. le Président (interprétation): Aucune référence n'a été faite au résumé

18 s'agissant du dernier témoin. Je préférerais que nous laissions hors du

19 dossier, ces résumés. Cela ne fait que semer la confusion. Si une question

20 se pose, je suis sûr que vous allez conserver ces résumés et vous pourrez

21 les produire en temps utile.

22 Nous n'allons pas leur donner une cote provisoire, et ceci vaut également

23 pour la déposition de l'ambassadeur. Apparemment, nous avons accordé une

24 cote provisoire à ce résumé, mais nous allons la supprimer.

25 M. Nice (interprétation): Nous avons bien avancé, ce matin, en matière de

Page 17052

1 temps. L'ambassadeur devrait revenir sur-le-champ. Mais, auparavant,

2 quelques mots à propos de la liste des témoins, vu les préoccupations

3 manifestées par le témoin.

4 Il se peut qu'il y ait deux types de listes de témoins. La liste qui

5 concerne les témoins de la semaine prochaine a été fournie aujourd'hui.

6 L'autre liste à laquelle j'ai fait référence est la liste des témoins qui

7 vont faire partie de la discussion et du calendrier; je crois que nous en

8 avons pratiquement la dernière mouture, on est en train d'y apporter la

9 dernière main. Je ne serai pas ici, mais je pense que nous pourrions

10 fournir des copies de courtoisie. Ceci risque d'être utile à la Chambre et

11 à l'accusé, le week-end, puisque ces questions de procédure doivent être

12 évoquées la semaine prochaine également.

13 Il se peut que la déposition de l'ambassadeur ne prenne pas toute la

14 journée d'aujourd'hui ni celle de demain. Alors, que faire s'il reste du

15 temps demain? Moi, je ne serai pas là, malheureusement. Nous pourrions

16 revenir à M. Blewitt, qui est le témoin que nous avons le plus facilement

17 sous la main, pour combler toute lacune qui interviendrait. Je ne pense

18 pas que nous puissions avoir demain un témoin censé déposer la semaine

19 prochaine.

20 M. le Président (interprétation): Nous pourrions revenir aux témoins en

21 application de l'Article 92bis, nous en avons beaucoup.

22 M. Nice (interprétation): Oui, ma collègue peut en traiter demain en mon

23 absence.

24 M. le Président (interprétation): Il faudra voir si nous pouvons aborder

25 la question demain. Mais combien de temps l'ambassadeur va-t-il

Page 17053

1 nécessiter?

2 M. Nice (interprétation): Je sais que nous devons terminer l'argument

3 financier, les questions de procédure.

4 M. le Président (interprétation): Nous le ferons lundi.

5 M. Nice (interprétation): C'est ce que j'espère. Nous pouvons le faire, de

6 toute façon; le tout est de savoir comment on va faire avec le premier

7 témoin prévu. Il devra peut-être être repoussé à une session ultérieure ou

8 une session ultérieure de lundi en espérant que ce soit terminé. Si ce

9 n'est pas possible mardi, il faudra qu'il revienne après.

10 (Questions relatives à l'ordre de présentation des témoins.)

11 M. le Président (interprétation): Quel sera le témoin suivant?

12 M. Nice (interprétation): Le premier, c'est un témoin expert qui présente

13 beaucoup de données. Notre interrogatoire principal ne devrait pas durer

14 longtemps. Bien sûr, il faut savoir qu'il déposera en tant que témoin

15 expert et il faudra que le contre-interrogatoire se déroule.

16 M. le Président (interprétation): Il s'agit de qui?

17 M. Nice (interprétation): De Grujic.

18 M. le Président (interprétation): Et quel sujet va-t-il aborder?

19 M. Nice (interprétation): Je laisse la parole à Mme Uertz-Retzlaff.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Le colonel Grujic est le chef de la

21 Commission des Croates pour ce qui est des personnes portées disparues et

22 des personnes tuées. Ce témoin va vous fournir énormément de documents

23 statistiques sur les personnes portées disparues, les personnes tuées, en

24 rapport avec le volet de l'Acte d'accusation concernant la Croatie; c'est

25 là-dessus que va porter sa déposition.

Page 17054

1 M. le Président (interprétation): Oui, mais…

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est un nombre considérable de

3 documents, mais je pense que nous pourrons les présenter ici de façon

4 assez sommaire.

5 M. le Président (interprétation): Je suppose que l'interrogatoire

6 principal ne durera pas longtemps?

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non. Il a fourni un rapport d'expert

8 et je me contenterai de relever certains points seulement.

9 M. le Président (interprétation): Qu'en est-il du témoin suivant? Est-ce

10 qu'il va prendre beaucoup de temps? Est-ce que c'est un témoin de Bosnie?

11 M. Nice (interprétation): Il va parler de plusieurs camps de détention. Ça

12 risque d'être un témoin important. Il faudra peut-être qu'il revienne de

13 là d'où il vient, et qu'il revienne après la pause de cinq jours.

14 M. le Président (interprétation): Puisque nous avons ces questions

15 d'intendance que nous ne pouvons pas repousser éternellement, il serait

16 logique d'aborder ceci lors de la première séance de lundi et de repousser

17 à plus tard la déposition du témoin.

18 M. Nice (interprétation): Nous allons vous fournir des copies, notamment

19 cette liste dont j'ai parlé, ainsi que les tableaux.

20 M. Robinson (interprétation): Je n'ai pas suivi. Mais quel est son domaine

21 d'expérience et de connaissance, à M. Grujic?

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est le chef de la commission qui

23 s'est occupée de toutes ces questions et il était aussi présent au moment

24 des exhumations. Voilà ce dont il déposera.

25 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

Page 17055

1 M. Milosevic (interprétation): Il faudrait que vous donniez une ordonnance

2 pour que l'on me communique une liste de témoins et que la pratique soit

3 de me faire savoir au moins une semaine à l'avance quel va être l'ordre

4 des témoins qui comparaîtront; parce qu'il y a constamment des surprises

5 en nombre et dans cette documentation énorme moyennant laquelle la partie

6 adverse s'efforce de me submerger. Il faut que je m'y retrouve, que

7 j'identifie, que je lise, que je voie en tout et pour tout de quoi il

8 retourne. Et il est impossible, avec tout cet appareil énorme dont ils

9 disposent, qu'ils ne soient pas en mesure de me communiquer une liste

10 décente de témoins pour la semaine à venir, une semaine à l'avance, pour

11 que cette liste soit valide.

12 Mais je voudrais aussi que l'on interrompe cette pratique d'expédition

13 d'un témoin, de remplacement par un autre. On a commencé Okun,

14 l'ambassadeur Okun, puis on a eu le général, on l'a contre-interrogé, puis

15 on continue avec Okun et ainsi de suite.

16 Je voudrais ajouter que je ne comprends pas de quel temps vous parlez pour

17 la journée de demain. Parce que, hier, Okun a témoigné pendant toute la

18 journée de travail, et il faudrait qu'il continue aujourd'hui, qu'il

19 finisse son témoignage. Peut-être vais-je commencer le contre-

20 interrogatoire, mais j'imagine que j'aurais toute la journée de demain

21 pour contre-interroger.

22 M. le Président (interprétation): Nous verrons. Hier -rappelez-vous,

23 c'était une journée assez courte de trois heures seulement-, vous avez

24 raison de dire qu'il a déposé au cours de ces trois heures. Et nous

25 ajouterons, bien sûr, le temps de sa déposition en interrogatoire

Page 17056

1 principal à ce temps.

2 Pour ce qui est de l'interposition d'un témoin, ce n'est pas une pratique

3 que nous encouragions, mais, de temps à autre, quand vous avez un témoin

4 tel que le dernier qui doit respecter ses fonctions importantes, il est

5 normal que le Tribunal essaie d'en tenir compte le plus possible, même si

6 ceci est un inconvénient dans le cadre du procès. Quelquefois, il faut

7 faire valoir les intérêts du témoin d'abord. Mais nous essaierons de

8 limiter au maximum cette pratique.

9 J'aimerais me tourner vers l'accusation. Il est certain que l'accusé a

10 comme droit élémentaire le droit d'avoir une liste lui permettant de se

11 préparer pendant la pause de cinq jours qui va intervenir. Une liste qui

12 couvre les témoins à comparaître pour les deux semaines suivantes.

13 M. Nice (interprétation): Oui, bien sûr, en ajoutant que les choses

14 peuvent changer pour des cas de force majeure.

15 M. le Président (interprétation): Il est peut-être sage d'aborder une

16 autre question. Hier, vous nous avez demandé d'examiner le cas du témoin

17 C-032, n'est-ce pas?

18 M. Nice (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): C'est un témoin militaire et, dans votre

20 requête, vous lui demandez qu'on lui permette d'aborder quelques points en

21 application de l'Article 92bis. Il y a diverses questions de droit, de

22 législation, et nous avons l'impression que ceci est recevable en

23 application de l'Article 92bis.

24 Mais, bien sûr, Monsieur Kay, il faudra vous entendre là-dessus.

25 M. Kay (interprétation): La Chambre a rendu sa décision quant à la

Page 17057

1 première requête en application de l'Article 92bis. Nous n'avons rien à

2 dire pour ce qui de la déposition de ce témoin, c'est la raison pour

3 laquelle nous n'avons pas déposé d'écriture.

4 M. le Président (interprétation): Si vous ne voulez pas déposer

5 d'écriture, vous pourrez nous présenter vos arguments à l'audience?

6 M. Kay (interprétation): Oui. Nous n'avons pas de commentaire à faire, ni

7 non plus pour Rousseau; c'était le troisième addendum qui nous concernait.

8 M. le Président (interprétation): Fort bien.

9 M. Kay (interprétation): Puisque ces domaines qui lui conviennent ont été

10 sélectionnés.

11 M. le Président (interprétation): Et ceci ne porte pas sur le comportement

12 de l'accusé ou ne serait pas recevable pour d'autres raisons.

13 Monsieur Milosevic, avez-vous quelque chose à dire à propos du témoin C-

14 032? Sa déclaration sera admise s'agissant des paragraphes que j'ai

15 précisés. Il sera bien sûr appelé à la barre également.

16 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas compris votre question,

17 Monsieur May. Si celle-ci porte sur le témoignage en vertu de l'Article

18 92bis, vous savez d'ores et déjà que je suis opposé à l'application de

19 cette Règle, parce que cela diminue, de façon considérable et restreinte,

20 la possibilité de déterminer la véracité des faits exposés.

21 Vous avez, tout à l'heure, entendu le général. Je n'ai pas eu

22 d'observation à formuler concernant ses priorités. Je sais qu'il est chef

23 d'Etat major au niveau de l'armée irlandaise et qu'il a des obligations

24 qui sont les siennes, mais vous avez entendu ce général rejeter certaines

25 parties de ce qui a été présenté ici. Par conséquent, si l'on suit

Page 17058

1 l'Article 92bis, il n'est plus clair si c'est là une déclaration de témoin

2 ou si c'est quelque chose qui était rédigé purement et simplement par la

3 partie adverse. C'est ça, la substance. Et d'autre part, cela limite à

4 l'extrême mes possibilités de contre-interroger de tels témoins.

5 M. le Président (interprétation): Vous laissez entendre que c'est

6 l'accusation ou l'enquêteur qui aurait rédigé la déclaration préalable?

7 C'est là, une suggestion que nous rejetons. Si cette pratique se

8 poursuivait, évidemment, il nous faudrait examiner la question. Mais il

9 n'est pas laissé entendre que ce soit le cas en l'occurrence.

10 Puis, vous avez déjà manifesté une objection générale en tenant compte du

11 temps dont vous devriez disposer en contre-interrogatoire en fonction de

12 la nature de la déposition. C'est donc prévu.

13 Cette déclaration en application de l'Article 92bis -s'agissant des

14 paragraphes cités- est donc déclarée admissible.

15 M. Nice (interprétation): Merci. Rappelez-vous qu'il y avait des témoins

16 faisant l'objet, en tout ou en partie, de l'application de l'Article

17 92bis, et nous avions demandé l'application de ce processus relevant de

18 l'Article 92bis.

19 Mais, à la lumière des suggestions ou allégations de l'accusé, il serait

20 peut-être utile de rappeler au public comment se déroule la procédure

21 visée par l'Article 92bis lorsque le témoin suivant comparaîtra.

22 M. le Président (interprétation): Fort bien.

23 Nous allons lever l'audience, la suspendre plus exactement, et nous

24 entendrons, après la pause, le reste de la déposition de l'ambassadeur,

25 ceci dans 20 minutes.

Page 17059

1 (L'audience, suspendue à 12 heures 16, est reprise à 12 heures 43.)

2 (Le témoin, M. l'Ambassadeur Herbert Okun, est dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Groome, vous avez la

4 parole.

5 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. Herbert Oku, par M.

6 Groome, suite.)

7 M. Groome (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, nous nous étions

8 arrêtés hier au moment où vous faisiez, à la Chambre, la description du

9 plan Vance. Je vais vous demander d'examiner maintenant l'intercalaire 10

10 de la pièce de l'accusation 396. Etes-vous en mesure de reconnaître ce

11 document?

12 M. Okun (interprétation): Oui.

13 Question: De quoi s'agit-il?

14 Réponse: Il s'agit du texte de la partie politique du plan de paix Vance-

15 Owen. Il y avait aussi une annexe militaire qui ne figure pas dans ce

16 document.

17 Question: Merci.

18 Réponse: Cette annexe, elle portait sur des dispositions militaires.

19 Question: Oui. Quelle était la position de M. Milosevic par rapport à ce

20 plan de paix Vance-Owen, pourriez-vous nous le dire?

21 Réponse: Oui, je crois être en mesure de le faire.

22 Question: Allez-y.

23 Réponse: A mon avis, M. Milosevic était favorable à ce plan. Il était en

24 faveur du plan, et pour ce dire, je me fonde surtout sur une discussion

25 assez longue, une réunion assez longue, disais-je, que Lord Owen et moi,

Page 17060

1 nous avons eue avec le Président Milosevic à Belgrade. Je pense que

2 c'était vers la fin du mois d'avril 1993. Au cours de cette réunion, il

3 avait convoqué Karadzic, et c'est en notre présence que ces deux hommes

4 ont discuté du plan. Le Président Milosevic s'est prononcé en faveur du

5 plan.

6 Question: Et vous pensiez qu'il était sincèrement favorable à ce plan?

7 Réponse: Apparemment, il était sincère dans ce qu'il disait.

8 Question: Pourriez-vous nous dire rapidement, ce que vous pouvez dire aux

9 Juges, en ce qui concerne les rapports existant entre la JNA, l'armée

10 populaire yougoslave, la VJ, l'armée de Yougoslavie, et la VRS, l'armée de

11 la Republika Srpska? Nous examinons ici le paragraphe 72 du résumé.

12 Pourriez nous dire, en quelques mots, ce que vous savez de ces rapports,

13 et tels que vous les avez perçus grâce à vos fonctions officielles à

14 l'époque?

15 Réponse: Oui, les rapports existants entre la JNA, l'armée des Serbes de

16 Bosnie, et qui lui a succédé en Bosnie, c'étaient des rapports très

17 proches, très intimes.

18 Question: Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous savez de la

19 nature de ces rapports? Avant le retrait de la JNA de la Bosnie, et après

20 ce retrait.

21 Réponse: Pour des raisons historiques et géographiques, la JNA considérait

22 que la Bosnie-Herzégovine, c'était, en fait, son cœur-même, sa terre

23 d'origine. Ceci vient de ce qui s'est passé au cours de la Seconde Guerre

24 mondiale; c'est à ce moment-là que les partisans avaient pour base

25 principale la Bosnie, et c'est là que les combats contre l'occupant

Page 17061

1 allemand se sont déroulés. Tito a déclaré l'existence de la République à

2 Jajce en novembre 1943, c'était en Bosnie donc. Il y avait toute une foule

3 d'autres raisons qui expliquent ceci; ce sont surtout des raisons

4 géographiques qui font que l'essentiel du complexe ou de la base militaro-

5 industrielle de l'ex-Yougoslavie se trouvait en Bosnie-Herzégovine,

6 puisque c'était, au fond, au centre du pays.

7 Au moment où cessent les hostilités en Croatie, la JNA dispose de quelque

8 90 à 100.000 hommes déjà déployés en Bosnie. Nous en avons déjà discuté.

9 Ces hommes devaient se retirer ou la JNA devait se retirer de la Croatie;

10 et au moment où commencent les conflits, les combats, en mars 1992, en

11 Bosnie, je pense que la JNA comptait sur place quelque 80.000 soldats,

12 90.000 peut-être. Il y a eu retrait officiel de la JNA en mai 1992, mais

13 c'était quelque chose de théorique, puisque le retrait effectif s'est fait

14 seulement de la Croatie, en octobre 1992. Mais, effectivement,

15 officiellement la JNA s'était retirée en mai 1992; ce qui veut dire que,

16 jusque là, elle se trouvait en Bosnie. Elle a reçu une autre appellation à

17 ce moment-là; on l'a appelée "VJ".

18 Une fois de plus, à ce moment-là, l'armée des Serbes de Bosnie, la VRS, a

19 été créée, sur un plan technique. En fait, cependant, ce qui s'est passé,

20 c'est ceci; je vais le dire en mots simples en anglais, sans me servir de

21 sigles: en fait, la JNA est devenue la VRS, l'armée des Serbes de Bosnie.

22 Nous avons pu nous en rendre compte, c'était quelque chose de visible,

23 parce que le carburant, les munitions provenaient de l'autre rive de la

24 rivière Drina, venaient de la Serbie pour arriver en Bosnie. C'était un

25 secret de polichinelle. Parce que si vous voulez maintenir sur le terrain

Page 17062

1 80.000 ou 90.000 soldats, vous avez besoin d'un énorme soutien logistique.

2 Question: Est-ce que vous avez appris qui payait les soldes des officiers

3 de l'armée de la VRS?

4 Réponse: Oui, nous avions des connaissances assez générales. Même si je

5 n'ai pas une connaissance personnelle directe de ceci. Mais, de façon

6 générale, nous avions pour informations que les salaires et les soldes de

7 l'armée des Serbes de Bosnie, de la VRS par conséquent, étaient payés par

8 le ministère de la Défense, à Belgrade.

9 Question: Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous un commentaire à faire

10 s'agissant de ce que vous savez à propos du général Ratko Mladic?

11 Réponse: Oui, je l'ai rencontré à plusieurs reprises. Et puis, je connais

12 aussi la réputation dont il jouissait, et jouit.

13 Il était le commandant du Corps de Knin en Croatie. Knin étant la région

14 la plus délicate, la plus serbe de tout le territoire de la Croatie,

15 c'était donc un poste déjà important à ce moment-là.

16 Il avait pour réputation générale d'être l'officier de la JNA le plus

17 populaire de toute l'armée, surtout populaire auprès des conscrits, des

18 soldats. On disait même de lui qu'il était le "George Patton" de la JNA;

19 vous connaissez bien cet Américain, ce général américain de la Deuxième

20 Guerre mondiale qui était très célèbre. Oui, je le répète, je l'ai

21 rencontré à plusieurs reprises.

22 Question: Monsieur l'Ambassadeur, les carnets dont vous vous êtes servi au

23 cours de cette déposition font à peu près combien de pages?

24 Réponse: Près de 2.000, je dirai.

25 Question: Est-ce qu'au cours de vos préparatifs en vue de votre

Page 17063

1 déposition, vous avez travaillé avec le Bureau du Procureur de façon à

2 établir des tableaux montrant les rubriques les plus importantes de ces

3 carnets?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Je vais maintenant demander que la pièce de l'accusation 396,

6 intercalaire 11 soit placée sur le rétroprojecteur.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Je vais demander à l'Huissier d'allumer le rétroprojecteur ou… Non!

9 d'appuyer sur le bouton "off" de notre console; de cette façon, nous

10 verrons les rubriques les plus importantes. Et puis, je demanderai à

11 l'ambassadeur Okun de les indiquer… des exemples qui sont montrés par

12 cette pièce. Et cette pièce, qui servira d'illustration, restera sur le

13 rétroprojecteur.

14 Monsieur l'Ambassadeur… J'ajoute ici que cette pièce servant d'exemple, a

15 été ajoutée au résumé du témoin dont dispose l'accusé et dont disposent

16 les Juges.

17 Monsieur l'Ambassadeur, nous avons un premier tableau, est-ce qu'il montre

18 certaines des rubriques les plus importantes montrant les rapports

19 existants entre M. Milosevic et des organisations paramilitaires?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Commencez, si vous le voulez bien, par la première rubrique.

22 Résumez-la. Elle devrait apparaître à l'écran qui se trouve devant vous.

23 Si vous voulez y faire référence -bien sûr, je parle ici d'un document

24 initial- vous pouvez le faire, mais s'il s'agit d'une réunion dont nous

25 avons déjà parlé, essayez de nous renvoyer à ce que vous avez dit dans

Page 17064

1 votre déposition déjà à propos de cette réunion-là?

2 Réponse: Première réunion, elle s'est tenue le 18 novembre 1991. Nous en

3 avons déjà discuté ici dans ce prétoire. C'est à ce moment-là que le

4 Président Milosevic assure à M. Vance que –ici, je cite, je paraphrase

5 ici-: "Que les troupes irrégulières ou paramilitaires ne sont pas

6 autorisées en Serbie".

7 Question: Rubrique suivante?

8 Réponse: Celle du 21 novembre 1991, déjà mentionnée également précédemment

9 dans ma déposition. Le Président informe M. Vance que nous n'allons pas

10 avoir de problème pour ce qui du retrait de la JNA ou des irréguliers

11 serbes de la Croatie, dans le cadre du plan de maintien de la paix.

12 M. Groome (interprétation): Rubrique suivante?

13 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur l'Ambassadeur.

14 Oui, Monsieur Milosevic?

15 M. Milosevic (interprétation): Peut-être y a-t-il eu une confusion

16 quelconque, Monsieur Okun.

17 Le 21 novembre 1991, on dit: "Quand Vance a informé Milosevic que

18 Kadijevic était disposé à retirer la JNA de la Croatie, Milosevic, lui, a

19 dit… etc.". En d'autres termes, c'est Vance qui m'a informé, moi, que

20 Kadijevic était disposé, lui, à retirer la JNA. Ce n'est pas moi qui ai

21 informé Vance que la JNA allait se retirer, n'est-ce pas?

22 M. le Président (interprétation): Oui, oui, nous pourrons tirer ceci au

23 clair au moment du contre-interrogatoire, si vous voulez. Mais, puisque

24 vous soulevez la question maintenant, parlons-en.

25 Oui, Monsieur l'Ambassadeur.

Page 17065

1 M. Okun (interprétation): C'est exact, Président. Vous avez confirmé le

2 retrait. A ce moment-là, vous confirmiez le retrait.

3 M. Groome (interprétation): Poursuivez, Monsieur l'Ambassadeur.

4 M. Okun (interprétation): "23 novembre 1991, le Président Milosevic, une

5 fois de plus, nous le savons -vu nos discussions déjà faites ici dans ce

6 prétoire- il a signé un accord de cessez-le-feu qui avait un effet, une

7 force obligatoire sur toutes les forces serbes armées, y compris les

8 paramilitaires. Et personne, aucune personne de la présidence fédérale n'a

9 signé ce document. En d'autres termes, la signature de M. Milosevic

10 déterminait l'attitude de la présidence fédérale également."

11 Est-ce que je continue?

12 Question: Oui.

13 Réponse: 2 décembre 1991, M. Vance a demandé au Président ce qu'il en

14 était de la réaction des paramilitaires face au cessez-le-feu. Monsieur

15 Milosevic, lui, a dit qu'il le respectait, ce cessez-le-feu. Il nous avait

16 déjà dit que 95% des paramilitaires serbes étaient organisés par Hadzic et

17 se trouvaient sous le contrôle de celui-ci. Nous parlons ici de Goran

18 Hadzic.

19 15 avril 1992, nous avons déjà parlé de cette réunion dans ce prétoire. Au

20 cours de cette réunion, le secrétaire d'Etat Vance a averti le Président

21 Milosevic de la poursuite des activités de "Arkan". Ce sur quoi, M.

22 Milosevic dit -et je ne le cite pas exactement ici- qu'il n'y a que

23 quelques paramilitaires ne se trouvant pas sous le contrôle des autorités

24 serbes. Il y a donc que quelques-uns de ces individus qui sont actifs.

25 Après cette réunion, vous vous en souviendrez Milosevic avait reconnu

Page 17066

1 devant nous que "Arkan" s'était trouvé à Bijeljina au début des combats.

2 Nous, nous avions affirmé qu'il s'était trouvé dans d'autres endroits

3 également.

4 5 juin 1992…

5 Question: Ici, nous utilisons la façon européenne de donner les dates, pas

6 la façon américaine.

7 Réponse: Excusez-moi.

8 6 mai 1992. Le Président Milosevic prend un engagement envers le

9 Secrétaire d'Etat Vance; il s'engage à ce que les paramilitaires –et

10 comprenons par là tous les paramilitaires serbes- aient quitté la Bosnie,

11 se soient retirés de la Bosnie-Herzégovine en l'espace de deux semaines.

12 La citation est la suivante: "Tous les Serbes et la JNA auront quitté la

13 Bosnie-Herzégovine dans deux semaines.". Je pense que nous en avons déjà

14 discuté ici.

15 Question: Peut-on maintenant montrer au témoin la pièce de l'accusation

16 396, intercalaire 12?

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Monsieur l'Ambassadeur, est-ce qu'ici on a la synthèse des rubriques les

19 plus importantes de vos carnets pour ce qui est des rapports qu'avait le

20 Président Milosevic avec la JNA?

21 Réponse: Oui.

22 M. Groome (interprétation): Pourriez-vous parcourir ces rubriques avec

23 nous?

24 M. Okun (interprétation): La première rubrique porte la date du 13 octobre

25 1991; nous en avons déjà discuté. C'est au cours de cette réunion que le

Page 17067

1 général Kadijevic, secrétaire fédéral à la Défense, nous a dit que la JNA

2 n'agissait pas de façon indépendante, mais suivait les ordres de la

3 Présidence tronquée et que ces chaînes de commandement étaient intactes et

4 qu'il n'y avait pas d'éléments hors-la-loi dans ses rangs.

5 Rubrique suivante: 6 novembre 1991. Il y est consigné que le Premier

6 ministre fédéral, Ante Markovic, nous avait informés du fait que la JNA

7 devenait de plus en plus serbe.

8 M. Kwon (interprétation): Est-ce qu'on a eu cette expression dans votre

9 déposition?

10 M. Okun (interprétation): Oui. Oui, Monsieur le Juge.

11 M. Kwon (interprétation): Merci.

12 M. Okun (interprétation): Troisième rubrique: 18 novembre 1991.

13 M. Groome (interprétation): Avant d'en terminer avec le commentaire

14 précédent, celui qui disait que la JNA devenait de plus en plus serbe,

15 est-ce qu'au cours de vos négociations vous avez appris les raisons à

16 cela, les forces qui faisaient que la JNA devenait de plus en plus serbes?

17 M. Okun (interprétation):

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourriez-vous l'expliquer aux Juges?

20 Réponse: Oui. Plusieurs facteurs sont intervenus, qui ont fait que la JNA

21 est devenue de plus en plus serbe. Le premier et le plus important de ces

22 facteurs, c'est que les officiers et les effectifs de l'armée fédérale et

23 de la JNA qui venaient des autres Républiques désertaient de plus en plus,

24 quittaient la JNA pour rentrer dans leurs Républiques respectives.

25 Je donne l'exemple du général Anton Tus qui était le commandant en chef

Page 17068

1 des forces armées croates en 1991; auparavant, cet homme avait été le

2 commandant des forces aériennes de la JNA. Et ceci, en fait, ça s'est

3 répété, quand on voit le nombre d'effectifs, par des désertions par

4 milliers, des dizaines de milliers.

5 Les conscrits, ceux qui étaient appelés sous les drapeaux de la JNA, ne

6 répondaient pas à l'appel dans ces républiques qui étaient en situation de

7 sécession. Et beaucoup de jeunes hommes serbes eux-mêmes ont décidé de ne

8 pas répondre à l'appel sous les drapeaux.

9 Ce sont trois facteurs qui sont intervenus ensemble pour expliquer

10 pourquoi la JNA est devenue de plus en plus serbe et était, de facto, une

11 armée serbe.

12 Question: Poursuivez, s'il vous plaît.

13 Réponse: 18 novembre 1991 -je pense que nous en avons déjà discuté- c'est

14 à cette réunion que M. Vance a fait une proposition initiale et officielle

15 suggérant qu'il y ait une opération de maintien de la paix des Nations

16 Unies, suggestion faite à M. Milosevic. Et le Président a dit à cette

17 réunion que les Serbes et la JNA marqueraient leur accord à

18 l'établissement d'une opération de maintien de la paix.

19 Rubrique suivante: nous en avons déjà discuté, dans l'ordre chronologique

20 que nous avons suivi. Cette réunion suit directement celle du 18 novembre

21 avec le Président Milosevic. A ce moment-là, nous avons rencontré le

22 général Kadijevic qui a accepté le plan.

23 Trois jours plus tard, le 21 novembre, M. Vance informe M. Milosevic que

24 le général Kadijevic est prêt à opérer le retrait de la JNA. Je le répète,

25 c'est M. Vance qui informe le Président. Le Président répond: "Bon, vous

Page 17069

1 n'aurez aucun problème avec la JNA ni avec les irréguliers Serbes.".

2 Réunion suivante: celle du 23 novembre 1991. Une fois de plus, ceci porte

3 sur la signature de l'accord de cessez-le-feu et d'un accord destiné à

4 lever le siège qui est imposé à toutes les forces armées, y compris la

5 JNA, ainsi que sur les forces irrégulières; accord signé par le Président

6 Tudjman, par le général Kadijevic et par le Président Milosevic. Il n'a

7 été signé par personne appartenant à la Présidence fédérale.

8 Nous en avons déjà discuté. A cette époque, Borislav Jovic était le

9 Président fédéral, et il n'était même pas présent à Genève pour cette

10 réunion.

11 Question: Avant de quitter cette rubrique: avant la signature de l'Accord

12 de Genève, est-ce que vous ou M. Vance avez eu des discussions de fond

13 avec Borislav Jovic lui-même, pour ce qui est des conditions reprises dans

14 l'Accord de Genève?

15 Réponse: Oui. Je pense que moi, j'ai eu une réunion avec lui, mais je ne

16 pense pas que c'était le cas pour Vance. J'ai une rubrique dans mes

17 carnets à cet effet. Je me souviens qu'il y a eu une réunion de l'unité

18 fédérale qui se préparait à accueillir ces opérations de maintien de la

19 paix. Le Président Milosevic avait suggéré que je rencontre des personnes

20 de cette unité pour leur expliquer quelles étaient les conditions; je l'ai

21 fait.

22 C'était une réunion assez importante qui s'est tenue dans une grande

23 salle, réunion où il y avait au moins 25 ou 30 personnes assises autour

24 d'une grande table. Monsieur Jovic a présidé la réunion ou, du moins,

25 était le chef du côté yougoslave.

Page 17070

1 Je ne pense pas que M. Vance ait fait davantage que serrer la main de M.

2 Jovic.

3 Question: Poursuivez, s'il vous plaît.

4 Réponse: L'avant-dernière rubrique de cette page concerne le 2 décembre

5 1991; nous en avons déjà parlé.

6 On voit ici la réponse du Président Milosevic à la question posée par M.

7 Vance à propos de la Dalmatie et des combats se déroulant le long de la

8 côte. Monsieur Milosevic a dit qu'une fois que le siège de la garnison

9 serait levé, l'armée n'allait plus s'occuper…, allait laisser tranquille

10 Dubrovnik.

11 Dernière rubrique de cette page: elle concerne le 6 mai 1992, à propos de

12 la réunion dont nous venons de parler à l'instant, à savoir l'engagement

13 pris par M. Milosevic devant M. Vance, selon lequel la JNA allait quitter

14 la Bosnie en l'espace de deux semaines. Et on reprend ici ce dont nous

15 avons déjà discuté, à savoir que la Bosnie-Herzégovine, d'après les dires

16 de M. Milosevic, ne relève pas de la compétence de la République fédérale

17 de la Yougoslavie.

18 Question: Je demande maintenant que soit présentée à M. l'Ambassadeur la

19 pièce de l'accusation 396, intercalaire 13.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Dites-nous, je vous prie, si ce tableau comporte les notes les plus

22 importantes décrivant les relations entre M. Milosevic et les autres

23 chefs, ou plutôt leaders politiques serbes?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Alors, pouvez-vous nous faire traverser le tableau qui est

Page 17071

1 dressé là?

2 Réponse: La première rubrique est datée du 12 octobre 1991; je crois que

3 nous n'en avons pas encore parlé auparavant dans cette Chambre. Il y est

4 question d'une déclaration que le Secrétaire fédéral aux Affaires

5 étrangères, M. Loncar, a faite à l'époque. Il nous a en effet dit que le

6 Gouvernement de la Serbie insistait pour parler au nom des Serbes en

7 Croatie. Je précise que Loncar lui-même est croate.

8 La réunion suivante, datée du 18 novembre 1991, nous en avons déjà parlé.

9 Il y est question des dires de M. Milosevic auprès du Secrétaire Vance

10 pour ce qui est d'affirmer qu'il n'y aurait pas de problèmes avec les

11 dirigeants de la Krajina, Babic ou Goran Hadzic. Et il a ajouté: "Croyez-

12 moi bien".

13 La rubrique n°3 porte sur la réunion du 21 novembre 1991; nous en avons

14 parlé également. A cette occasion, le Président Milosevic nous a, une fois

15 de plus, affirmé que nous n'aurions pas de problèmes, de difficultés avec

16 Hadzic. Et lorsque le Secrétaire Vance a demandé des cartes et une liste

17 de sites où résidaient essentiellement des Serbes, le Président Milosevic

18 a répondu que Hadzic allait le lui fournir.

19 La rubrique suivante se décompose en deux parties. La date est celle du 2

20 décembre 1991. On y décrit l'entretien entre le Président Milosevic, le

21 Secrétaire Vance et moi-même. En cette occasion, le Président a précisé

22 qu'il s'était déjà entretenu tant avec Babic que Goran Hadzic, et ce, un

23 jour après la signature des Accords à Genève; ce jour-là devait donc

24 forcément être le 24 novembre 1991. Et là, le Président a fait savoir

25 qu'ils allaient respecter le cessez-le-feu. En se référant à soi-même, le

Page 17072

1 Président Milosevic a dit à M. Vance et à moi-même: "J'ai promis et je

2 l'ai fait". En d'autres termes, il voulait dire qu'il avait promis qu'il

3 allait s'entretenir avec Hadzic et Babic et que promesse faite, promesse

4 tenue.

5 Par la suite, à la même réunion –et nous en avons déjà parlé-, le

6 Président Milosevic nous a suggéré de nous entretenir avec les leaders des

7 Serbes de Bosnie, et on nous a communiqué le nom de Karadzic comme étant

8 la personne avec qui il convenait de s'entretenir. Nous avons demandé une

9 réunion et, quelques heures plus tard, nous avons rencontré le Dr Radovan

10 Karadzic dans une maison à Belgrade, dans un quartier résidentiel.

11 La réunion suivante est celle du 31 décembre 1991; c'était la dernière

12 journée de cette année-là. Il y a là une erreur de frappe; peut-être dois-

13 je en informer la Chambre? Je crois l'avoir déjà souligné, la date de la

14 signature de l'accord est celle du 2 janvier, et non pas du 7 janvier. La

15 date figure déjà dans ce qui a été remis comme documents à la Chambre. Ce

16 qui signifie, de façon évidente, qu'il s'agit d'une erreur de frappe.

17 Mais, en tout état de cause, au fur et à mesure que la date de mise en

18 oeuvre de l'accord approchait –et il s'agissait du 2 janvier-, nous avons

19 demandé au Président de nous dire ce qui se passerait si un autre leader

20 de la Krajina faisait son apparition, du style de Babic.

21 La raison pour laquelle on avait posé la question était celle de souligner

22 que Babic était très récalcitrant, pour que ce qui est d'accepter de

23 signer ce cessez-le-feu. L'objectif avait été d'obtenir, de la part de M.

24 le Président Milosevic, des garanties aux termes desquelles telle chose ne

25 risquerait pas de se manifester, à savoir, les leaders politiques et

Page 17073

1 militaires de la Krajina étaient sous son contrôle. Le Président nous a

2 assuré que cela n'arriverait pas, qu'il n'arriverait pas d'entrer en scène

3 là-bas d'un nouveau Babic.

4 L'avant-dernière rubrique, sur cette même page, est celle du 4 mars 1992.

5 Je crois que nous n'en avons pas parlé jusque-là. Il y est dit que le

6 Président Milosevic a déclaré au Secrétaire Vance...

7 Question: Monsieur l'Ambassadeur, étant donné que nous n'en avons pas

8 parlé jusque-là, pourriez-vous vous pencher sur la note ou la totalité du

9 texte et nous en dire un peu plus sur ce qui s'est passé à l'occasion de

10 cette réunion?

11 Réponse: Oui, certainement.

12 Question: Et je parle bien sûr du 4 mars 1992. Il s'agit du livret 6, page

13 92.

14 (Le témoin consulte son journal.)

15 Réponse: Oui, merci bien. Cet entretien a duré plus de trois heures. Nous

16 nous sommes entretenus avec le Président Milosevic et nous avons couvert

17 bon nombre de sujets, y compris celui de la JNA, chose que nous avons

18 mentionnée tout à l'heure.

19 Et en page 90, entre parenthèses, j'ai noté que le Président Milosevic

20 nous a, à juste titre, précisé que la taille de la JNA diminuait; cela

21 était en corrélation avec une question qui avait été soulevée auparavant

22 au sujet de la composition de la JNA. Et nous avons discuté du départ des

23 troupes de la JNA des différentes Républiques. Le Président Milosevic nous

24 a donc précisé que la taille de la JNA était réduite, désormais.

25 Mais la grosse partie des entretiens a toutefois porté sur l'aggravation

Page 17074

1 de la situation en Bosnie-Herzégovine. La date en question est celle du 3

2 avril 1992 et les combats avaient déjà cours depuis un mois, à ce moment-

3 là, et le nettoyage ethnique allait de mal en pis.

4 Lorsque le Secrétaire Vance a soulevé le problème, le Président Milosevic

5 a été d'accord pour dire que c'était effectivement un problème. Il a

6 indiqué qu'il préférerait en parler à titre privé avec le Secrétaire

7 Vance. Et en haut de la page 92, il a dit: "J'ai appelé Karadzic et je lui

8 ai dit de calmer les choses un petit peu.". En d'autres termes, il a

9 appelé Radovan Karadzic et lui a dit de ralentir un peu ses activités, de

10 ne pas être si combatif. Alors, le terme "cool it" -"refroidis un peu ton

11 comportement"- est peut-être une expression informelle, mais c'est la

12 bonne expression à utiliser.

13 Question: Continuez, Monsieur l'Ambassadeur.

14 Réponse: En dernière page de cette rubrique, il y a une date qui est celle

15 du 20 octobre 1992; je ne pense pas que nous en ayons parlé jusqu'à

16 présent. Cela se rapporte à une mise en place d'une zone d'interdiction de

17 vol au-dessus de la Bosnie. C'était une idée qui avait été défendue au

18 Conseil de sécurité, essentiellement par les Etats-Unis. Et cela se basait

19 sur le modèle d'interdiction de vol que les Etats-Unis et le Royaume-Uni

20 avaient établi au-dessus de l'Irak, du nord et du sud de l'Irak, et qui

21 existe encore. C'est ce qui a donc fait penser aux Etats-Unis qu'une telle

22 interdiction de survol pouvait être mise en place en Bosnie pour diminuer

23 le niveau des hostilités.

24 Question: Monsieur l'Ambassadeur, avec qui avez-vous tenu cette réunion du

25 2 octobre? Je me réfère au troisième cahier de notes de la période de la

Page 17075

1 Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie.

2 Réponse: Comme je l'ai dit, c'est la réunion du 2 octobre. Il s'agissait

3 là d'une réunion avec Karadzic seul; il était le seul des Serbes de

4 Bosnie. Il y avait le Secrétaire Vance, Lord Owen, moi-même et quelques

5 autres membres de notre équipe.

6 Question: Et avec Radovan Karadzic, a-t-il été question de cette idée

7 d'interdiction de vol au-dessus de la Bosnie?

8 Réponse: Oui. De façon très extensive.

9 Question: Et qu'a-t-il répondu à ce sujet?

10 Réponse: Il a répondu qu'il serait dans un ennui sérieux si cela était mis

11 en oeuvre.

12 Question: Quand il a déclaré cela, qu'avez-vous compris? Que voulait-il

13 dire par là?

14 Réponse: Nous avons compris qu'il serait très ennuyé au niveau du

15 Président Milosevic et de la JNA, l'armée yougoslave, parce que les avions

16 appartenaient à l'armée yougoslave.

17 Question: Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais que l'on vous montre la

18 pièce à conviction de l'accusation 396, intercalaire 14.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 C'est encore un tableau. Vous avez précisé, dans le courant de votre

21 témoignage précédent, qu'une partie de vos tâches consistait à faire

22 savoir aux leaders politiques que des crimes étaient perpétrés, commis en

23 Bosnie et en Croatie. Est-ce que ce tableau reproduit des notes

24 importantes de votre journal concernant les circonstances dont vous avez

25 informé, vous-même et le Secrétaire Vance, M. Milosevic, concernant les

Page 17076

1 crimes commis dans ces deux pays?

2 Réponse: Je crois que c'est cela.

3 Question: Je vous demanderai de nous faire traverser ce tableau.

4 Réponse: En date du 13 octobre 1991, à une première réunion, dans le

5 courant de notre première mission, j'ai posé des questions au Président

6 Milosevic sur les Serbes de Bosnie. Et le Président, comme nous l'avons

7 déjà dit devant cette Chambre, nous a indiqué qu'ils constituaient 30% de

8 la population, mais qu'ils occupaient 60% du territoire, de la terre. Soit

9 dit en passant, c'était un refrain habituel; nous n'avons pas entendu cela

10 de la bouche seule du Président, mais de la bouche de bon nombre d'autres

11 leaders serbes et Serbes de Bosnie.

12 Je comprenais, suite à ce commentaire et à la réunion en question, que le

13 Président savait qu'il y avait possibilité d'une catastrophe humanitaire

14 en Bosnie-Herzégovine, parce qu'il avait déjà établi un lien très clair

15 entre la population et les territoires. Malheureusement, c'est ce qui

16 s'est passé par la suite.

17 A la réunion d'après, celle dont nous avons déjà parlé, il s'agit de la

18 réunion du 21 novembre 1991, cette réunion s'est faite avec le Président

19 Milosevic, peu de temps après notre visite à Vukovar.

20 A l'occasion de cette réunion-là, le Secrétaire Vance a informé le

21 Président des dommages, des dégâts extrêmement graves et du recours

22 disproportionné à la force que nous avons constatés là-bas. Il lui a parlé

23 des paramilitaires que nous avons vus, qui fraternisaient, qui

24 fréquentaient les troupes de la JNA dans les centres d'accueil de réfugiés

25 que nous avions visités.

Page 17077

1 Le Président Milosevic a répondu que Vukovar était un cas à part et que le

2 monde allait finir par comprendre les faits et gestes des Serbes et de la

3 JNA. A l'occasion de cette réunion, nous avons transmis au Président

4 Milosevic les rapports troublants que nous recevions sans cesse pour ce

5 qui est des actes condamnables, répréhensibles, des irréguliers

6 paramilitaires serbes en Bosnie-Herzégovine.

7 Question: Monsieur l'Ambassadeur, pour nous aider à nous orienter, cette

8 réunion a eu lieu quatre mois avant que les militaires ne commencent à

9 commettre des crimes en Bosnie, n'est-ce pas?

10 Réponse: C'est exact. Cette réunion a eu lieu vers la mi ou fin novembre

11 1991, alors que le référendum en Bosnie n'a eu lieu que le 29 février et

12 le 1er mars 1992. Et c'est là que des combats à grande échelle ont eu lieu

13 en Bosnie, donc ce qui s'est passé quatre mois avant l'éclatement des

14 conflits.

15 Question: Veuillez continuer, je vous prie.

16 Réponse: En date du 2 décembre 1991, un membre de notre groupe a informé

17 le Président Milosevic des rapports que nous recevions en permanence

18 concernant les activités des paramilitaires serbes dans la Krajina

19 -j'entends par là la Krajina croate-, décrivant essentiellement les

20 agissements des "hommes de Seselj" et de "Arkan".

21 C'est une conversation que le Président Milosevic ne voulait apparemment

22 pas avoir, étant donné qu'il a changé de sujet, comme nous l'avions déjà

23 précisé. Il a soulevé la question des vols d'uniformes de la JNA par les

24 Croates à Pakrac; des gens qui, par la suite, ont tué des personnes et qui

25 ont commis bon nombre de méfaits à la même réunion.

Page 17078

1 Le Président Milosevic nous a fait savoir qu'il avait lu des textes de

2 journaux concernant les choses atroces qui avaient été perpétrées par les

3 paramilitaires serbes et les forces irrégulières. Il nous a précisé que

4 95% de ces paramilitaires étaient des gens de la localité ou des

5 localités. Il a donc dit que 95% de ces paramilitaires étaient des gens de

6 là-bas, qui étaient originaires des territoires où ils se battaient,

7 qu'ils étaient bien organisés, qu'ils étaient sous le contrôle de Goran

8 Hadzic.

9 Aussi avons-nous compris qu'ils se trouvaient sous son contrôle résiduel

10 parce qu'il nous a, à plusieurs reprises, fait savoir que Goran Hadzic

11 était une personne qui ne refusait pas de se conformer à ses instructions.

12 Question: Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant des notes suivantes dans ce

13 tableau, cela reproduit quelque chose qui a déjà été expliqué à la

14 Chambre. Je vous demanderai de sauter.

15 Réponse: Certes. Puis on arrive aussi en janvier 1993; je crois que cela

16 s'est passé à Genève, mais nous pouvons toujours vérifier, si vous le

17 souhaitez.

18 En tout état de cause, cela s'est passé le 6 janvier 1993. Le Secrétaire

19 Vance a exprimé sa préoccupation au sujet des activités criminelles. Je

20 souligne ici que Vance s'est servi de termes "activités criminelles

21 déployées par Seselj et 'Arkan'". Et il a dit au Président que cela devait

22 être stoppé. Le Président Milosevic lui a assuré que toute personne

23 causant des problèmes devrait être mise en prison. Cela a fait impression

24 sur nous; le Secrétaire Vance et moi-même avons compris que le Président

25 Milosevic était conscient de ces activités criminelles. Il n'avait pas

Page 17079

1 admis que cela était tel que présenté, mais il avait souligné que ceux qui

2 créeraient des problèmes finiraient en prison.

3 Question: Monsieur l'Ambassadeur, lorsque M. Milosevic vous a fourni ces

4 assurances-là, avez-vous bien compris que cela incluait tant Seselj que

5 "Arkan"?

6 Réponse: Absolument.

7 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

8 Je n'ai plus de questions pour l'Ambassadeur Okun.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

10 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Herbert Okun, par l'accusé, M.

11 Milosevic.)

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, vous étiez le conseiller de

13 Cyrus Vance dans cette période que j'ai connue moi-même, c'est-à-dire à

14 peu près à partir d'octobre 1991 jusqu'à mai 1993, n'est-ce pas?

15 M. Okun (interprétation): C'est exact.

16 M. Milosevic (interprétation): Je vois ici que vous dites avoir assisté,

17 le 21 novembre 1991, à une rencontre avec moi. Comme on peut le lire dans

18 le résumé déposé par la partie d'en face, vous dites que ce jour-là

19 j'étais, dans mon bureau, le seul représentant des intérêts serbes; c'est

20 bien cela?

21 M. Okun (interprétation): Permettez-moi de consulter mes notes.

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur l'Ambassadeur. Si, à

23 quelque moment que ce soit pendant ce contre-interrogatoire, vous

24 souhaitez vérifier vos notes, vous pouvez le faire. Si l'on vous interroge

25 au sujet des rubriques qui figurent dans votre journal, il est tout à fait

Page 17080

1 normal que vous le consultiez.

2 M. Okun (interprétation): Excusez-moi. De quelle réunion parlez-vous? Ah,

3 de celle du 21 novembre.

4 (Le témoin consulte son carnet.)

5 M. Kay (interprétation): Page 97.

6 M. Okun (interprétation): Oui, je l'ai sous les yeux maintenant.

7 Oui, Monsieur le Président. Lors de cette rencontre, vous étiez accompagné

8 de quelqu'un qui était chargé de prendre des notes.

9 M. Milosevic (interprétation): C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur

10 Okun? Lors de cette réunion, comme vous l'avez dit, j'étais donc le seul

11 représentant, dans mon bureau, des intérêts serbes; ceci figure au point

12 3. Vous dites, au sujet de la réunion du 21 novembre -je cite-: "J'ai

13 assisté à une rencontre avec Slobodan Milosevic, dans son bureau, au cours

14 de laquelle il était le seul représentant des intérêts serbes" (Fin de

15 citation.)

16 Réponse: Vous étiez la seule personne dans la pièce, hormis celui qui

17 prenait des notes, donc je ne vois pas comment ceci pourrait être inexact.

18 Question: Bien, bien. Mais je vous pose cette question très précisément

19 parce que je n'ai pas très bien compris d'où venait votre constatation.

20 Qui vous attendiez-vous à voir dans mon bureau, à part moi, puisque M.

21 Vance et vous-même avez demandé à me rencontrer? Donc, bien sûr, j'ai dit:

22 "C'est tout à fait normal, je vous en prie." Et vous êtes venus et vous

23 m'avez vu, là. Alors, qui vous attendiez-vous avoir dans mon bureau,

24 hormis moi-même?

25 Réponse: Monsieur le Président, vous avez tout à fait raison. Le recours à

Page 17081

1 cette expression très lapidaire "seul représentant des intérêts" était, je

2 pense, destiné à indiquer que vous étiez, en fait, seul dans la pièce dans

3 laquelle ne se trouvait pas le ministre des Affaires étrangères Jovanovic

4 ou une autre personne qui, éventuellement, aurait pu s'y trouver. Mais

5 cette rubrique, dans mon journal, signifie que nous sommes venus vous voir

6 et que vous-même et le Secrétaire Vance étiez les principaux

7 interlocuteurs durant cette rencontre. Il n'y avait aucune connotation

8 négative à l'expression "seul représentant des intérêts serbes".

9 Question: Très bien. Je suis heureux de voir que ce point est tiré au

10 clair.

11 Donc vous-même accompagniez souvent Cyrus Vance lorsqu'il venait me voir,

12 bien qu'il arriva qu'il vint me voir en votre absence. Est-ce que l'on

13 peut émettre cette appréciation au sujet de toute cette période?

14 Réponse: Nous vous rencontrions souvent, c'est exact. Il est également

15 exact que vous aviez souvent des tête-à-tête avec Cyrus Vance, avant ou

16 après les réunions. Parfois, c'est lui qui le demandait; parfois, c'était

17 vous. Et c'est une procédure tout à fait normale. Je ne me rappelle pas

18 une seule occasion où le Secrétaire Vance serait venu vous voir en tête-à-

19 tête du début à la fin.

20 Question: Il y a eu des occasions de ce genre. Rappelez-vous lorsque nous

21 avons créé la République fédérale de Yougoslavie, à la fin avril 1992;

22 c'est bien cela, n'est-ce pas?

23 Réponse: Je devrais consulter mes journaux; je ne me souviens pas. Je me

24 souviens vous avoir vu un certain nombre de fois en tête-à-tête, et ce

25 sont ces occasions dont je me souviens.

Page 17082

1 Question: Il y a eu des occasions de ce genre puisque, lorsque les

2 instances officielles de la République fédérale de Yougoslavie… Cyrus

3 Vance et Lord Owen, bien entendu, ont continué leurs entretiens avec ces

4 instances officielles. Ils n'avaient plus besoin de communiquer avec moi.

5 Mais Cyrus Vance, même s'il allait à ces réunions officielles, venait me

6 voir par courtoisie car nous avions, depuis très longtemps, des relations

7 que je qualifierais de très bonnes et d'amicales.

8 Réponse: Je me rappelle, Monsieur le Président, ce jour où nous sommes

9 allés à Belgrade dans le cadre de la commission internationale des

10 personnes portées disparues. J'étais conseiller spécial de cette

11 commission et M. Vance présidait cette commission. Quant aux autres

12 membres de la délégation, ils faisaient partie du Haut commissariat chargé

13 des droits de l'homme. Il y avait également le Président du Comité

14 international de la Croix-Rouge et d'autres personnes, assez éminentes. Et

15 je me rappelle que vous avez eu la gentillesse de nous inviter à un petit-

16 déjeuner durant cette visite de la Commission internationale chargée des

17 personnes portées disparues. Vous avez eu la gentillesse d'inviter à ce

18 petit déjeuner le Secrétaire Vance, à Belgrade. Mais je me rappelle aussi

19 que M. Vance, discutant avec d'autres membres de la Commission, a exprimé

20 le sentiment qu'il ne serait pas opportun qu'il petit-déjeune en tête-à-

21 tête avec vous, donc qu'il accepte votre invitation, puisqu'il dirigeait

22 une délégation qui devait rester homogène.

23 Voilà, c'est un exemple de son attitude. Mais bien entendu, il n'y avait

24 rien de négatif dans l'invitation émanant de vous ou dans le rejet de

25 cette invitation par lui. Le fait que vous le rencontriez en tête-à-tête

Page 17083

1 de temps en temps, dans la période 1991-1993, est quelque chose que lui et

2 moi considérions comme tout à fait normal. Mais cela ne s'est pas produit

3 très souvent, Monsieur Milosevic.

4 Question: Fort bien. Je dois éviter toute perte de temps donc je vais

5 m'efforcer de vous poser des questions aussi courtes que possible,

6 Monsieur Okun, puisque dans ce prétoire le temps qui m'est imparti est

7 limité. Donc je vous demande de tenir compte de cette contrainte.

8 Je viens de parler de cette réunion. Vous avez consigné dans votre journal

9 que j'étais le seul représentant et vous vous êtes expliqué sur ce point;

10 très bien. Cependant, avant de venir à une rencontre dans mon bureau, le

11 13 octobre 1991, vous êtes venu également, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et ce jour-là, ne vous ai-je pas dit, dans des termes tout à

14 fait clairs, qu'une solution pacifique était la seule solution

15 envisageable?

16 Réponse: Vous avez, Monsieur le Président, formulé des déclarations de ce

17 genre à plusieurs occasions; je dirais même en de nombreuses occasions.

18 Question: Mais vous ai-je fait savoir très clairement, car vous étiez venu

19 me voir pour discuter de la situation politique du moment en Yougoslavie

20 et de ma position au sujet de cette situation politique, etc. Donc vous

21 ai-je fait savoir de la façon la plus claire qui soit que la Croatie et la

22 Slovénie avaient opté pour la sécession et que c'était là que résidait le

23 problème central sur le territoire de la RSFY, à ce moment-là? Ne vous

24 l'ai-je pas dit précisément lors de cette rencontre?

25 Réponse: Oui. C'était une position constante de votre part. Vous disiez

Page 17084

1 que la Slovénie et la Croatie avaient fait sécession; et, bien sûr, la

2 Croatie et Slovénie, pour leur part, disaient avoir opté pour

3 l'indépendance.

4 Question: Nous considérions cela comme une sécession. Je suppose que cela

5 n'est pas contestable.

6 Mais ne vous ai-je pas dit aussi, très clairement, que, malheureusement,

7 l'on voyait aussi surgir de nouveau en Croatie des signes de nazisme et de

8 fascisme?

9 Réponse: Vous avez exprimé un certain nombre d'opinions, lors de cette

10 rencontre, Monsieur Milosevic, et lors d'autres rencontres également. Et

11 il est certain qu'un des points que vous avez soulignés était la

12 résurgence du nazisme en Croatie.

13 Afin de ne pas abuser de votre temps, je ne vais pas consulter de mon

14 journal pour y trouver mention de ces déclarations. Je me souviens fort

15 bien vous l'avoir entendu dire lors de cette rencontre. Vous avez dit

16 également que les Serbes vivaient dans des localités très compactes en

17 Croatie, qu'ils vivaient regroupés en Croatie. Voilà les principaux points

18 que vous avez évoqués.

19 Question: Oui, qu'ils étaient regroupés. Bien. Mais ne vous ai-je pas

20 savoir également, à ce moment-là, que toute modification des frontières

21 par la violence était un acte illégal et contraire à la loi?

22 Réponse: Oui, c'était l'opinion exprimée par vous. Vous avez déclaré que

23 les frontières administratives... Non, excusez-moi. Vous avez déclaré que

24 les frontières des Républiques de la RSFY n'étaient que des frontières

25 administratives, et ne devaient pas être considérées comme autre chose que

Page 17085

1 comme des frontières administratives.

2 En conséquence de quoi, d'après vous, la sécession comme vous l'avez

3 désignée, ou l'indépendance comme l'ont désignée les autres Présidents,

4 constituait un acte illégal. Quant à l'Union européenne -si je peux en

5 quelques mots faire état de sa position exprimée par le juge Badinter,

6 dans le cadre de la Commission d'arbitrage- estimait que la Yougoslavie

7 avait atteint un stade de dissolution et qu'en conséquence, il ne

8 s'agissait plus d'une simple question de sécession et il ne s'agissait

9 plus de frontières administratives, puisqu'en fait la RSFY était en cours

10 de démantèlement. Je rappelle cela dans le but d'indiquer qu'il y avait

11 effectivement des arguments très fermes sur le plan juridique en faveur de

12 l'autre partie. Mais, oui, vous aviez adopté le point de vue selon lequel

13 les frontières des républiques étaient simplement des frontières

14 administratives.

15 Question: Fort bien. J'espère que vous étiez au courant de cela parce

16 qu'en tant qu'analyste depuis peu, vous disposiez de la Constitution de la

17 RSFY et, dans votre travail d'analyse, vous connaissiez tout ce qui dans

18 cette Constitution établissait un Etat, n'est-ce pas? Du point de vue

19 constitutionnel, il s'agissait d'un acte illégal et contraire à la loi,

20 n'est-ce pas, Monsieur?

21 Réponse: Je ne serais pas d'accord. Avec tout le respect que je vous dois,

22 j'exprimerai une divergence avec cette déclaration que vous venez de

23 faire, car les temps avaient changé. Au fil des années, la Yougoslavie

24 s'était vue dotée de plusieurs Constitutions, comme vous le savez sans

25 doute mieux que moi, Monsieur Milosevic. Il y avait la Constitution dont

Page 17086

1 s'est servie la RSFY dans les années 1990 et 1991. Il y avait eu, par le

2 passé, la Constitution de 1974 qui cantonnait un certain nombre de

3 dispositions relatives aux différentes Républiques et relatives à leur

4 éventuelle sortie de la Fédération yougoslave. Cependant, c'était un point

5 en débat. Cela ne fait aucun doute.

6 M. Milosevic (interprétation): Je vous serai très reconnaissant, Monsieur

7 Okun, si demain vous pouviez me montrer où cela figure dans la

8 Constitution. Mais poursuivons en parlant de la réunion du 21.

9 M. le Président (interprétation): Je dois mettre un terme à la présente

10 audience. Il est 13 heures 45 et une autre affaire se déroule dans ce

11 prétoire cet après-midi.

12 M. Milosevic (interprétation): Pourrions-nous simplement entendre la

13 réponse du témoin à cette question, Monsieur May?

14 Monsieur l'Ambassadeur, est-il exact que, lors de cette rencontre, j'ai

15 dit que la Serbie n'avait aucune prétention territoriale de quelque nature

16 que ce soit?

17 M. Okun (interprétation): Oui, je me souviens vous avoir entendu dire que

18 la Serbie n'avait pas de prétention territoriale. Je devrais vérifier dans

19 mon journal.

20 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je vais vous lire ce que j'ai sous

21 les yeux par chance. Je lis: "10 heures 15/10 heures 35, rencontre avec

22 Slobodan Milosevic. Solution pacifique proposée pour le problème

23 yougoslave". Bien sûr, vous écrivez en style télégraphique, donc en

24 quelques mots très courts.

25 Je lis: "Sécession équivalent à fascisme, pas de Croates mais des

Page 17087

1 fascistes en Croatie qui transforment des frontières nationales en

2 frontières internationales, ce qui est illégal". Et puis, je lis: "La

3 Serbie n'a aucune prétention territoriale…" -entre parenthèses- parce que

4 vous citez le mot "prétention" prononcé par moi. C'est la raison pour

5 laquelle les parenthèses figurent. "Il n'y a pas de prétention

6 territoriale"; c'est ce que vous avez dit et c'est ce que vous avez

7 consigné par écrit. Je cite vos notes, votre journal. Et c'est bien ce que

8 je vous ai dit lors de cette première réunion, n'est-ce pas?

9 M. Okun (interprétation): C'est exact. C'est ce qui figure dans le

10 journal.

11 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

12 Suspension jusqu'à 9 heures demain matin.

13 (L'audience est levée à 13 heures 38.)

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25