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1 (Vendredi 28 février 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 08.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. l'Ambassadeur Herbert Okun, est dans le prétoire.)
5 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Herbert Okun, par l'accusé, M.
6 Milosevic.)
7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.
8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, nous avons fait une réunion…
9 M. Kwon (interprétation): Nous ne recevons pas l'interprétation.
10 M. Okun (interprétation): Moi, non plus.
11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, nous avons
12 quelque problème au niveau de l'interprétation: nous ne recevons pas
13 l'interprétation. Est-ce que vous pourriez répéter votre question?
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, est-ce que vous m'entendez
15 maintenant?
16 M. Okun (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Milosevic, je reçois
17 l'interprétation en français maintenant. Maintenant, je reçois
18 l'interprétation en anglais.
19 Question: Nous avons entamé, hier, le sujet de votre réunion chez moi, en
20 date du 13 octobre. Nous avons constaté que je vous avais dit que la
21 solution pacifique était la seule solution possible, n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui, c'est ce que vous avez dit.
23 Question: J'ai dit que la Croatie et la Slovénie s'étaient aventurées dans
24 une entreprise sécessionniste. C'est bien ce que je vous ai dit?
25 Réponse: Oui, c'est exact. C'est bien ce que vous avez dit.
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1 Question: Ensuite, j'ai précisé qu'en Croatie on voyait réapparaître des
2 manifestations de fascisme et de nazisme?
3 Réponse: Vous avez déclaré cela, et j'ai consigné ceci dans mon carnet.
4 Question: J'ai également indiqué que toute modification des frontières par
5 la force était illégale et vous m'avez dit quelque chose de ce style-là,
6 si j'ai bien compris. Vous avez dit qu'en vertu de la Constitution, il y
7 avait le droit des Républiques de décider d'une dissociation quelconque,
8 moi, je vous ai demandé de me montrer l'article de la Constitution qui le
9 disait, qui prévoyait l'existence d'un tel droit. Je ne sais pas si, de
10 nos jours, vous seriez en mesure de me m'indiquer l'article en question?
11 Réponse: Pour répondre à l'échange que nous avons eu hier, j'ai noté que
12 l'accord d'arbitrage de la Communauté européenne lui a demandé de se
13 prononcer sur l'état dans lequel se trouvait l'ex-Yougoslavie, que cette
14 cour a pris une décision, et que l'Etat se trouvait dans un état ou un
15 processus de dissolution, et que, par la suite, ils ont pris pour décision
16 que les Etats en voie de sécession avaient le droit de procéder à cette
17 sécession. C'est la décision prise par cette cour.
18 C'est en fait ce qui s'est passé, puisqu'en réalité, ce sont tous des
19 Etats indépendants qui sont tous aujourd'hui membres des Nations Unies, et
20 bénéficient d'une reconnaissance généralisée de la part de la communauté
21 internationale. C'est ce qui s'en est suivi effectivement.
22 Question: Oui, pour ce qui en est des faits aux termes desquels ils ont
23 sécession, cela n'est pas contesté. Moi, j'ai posé ma question au sujet de
24 la Constitution. C'est le hic. La communauté internationale a perpétré un
25 crime à l'égard de la Yougoslavie, le pensez-vous ou pas?
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1 Réponse: Je ne pense pas que j'ai une compétence pour me lancer dans une
2 conjecture quant à savoir si la communauté internationale a commis un
3 crime ou pas. Bien sûr, c'était votre avis à l'époque, cela ne fait pas
4 l'ombre d'un doute.
5 Question: Et vous ai-je fait savoir clairement, à ce moment-là, que la
6 Serbie n'avait aucune prétention territoriale?
7 Réponse: Effectivement.
8 Question: Vous ai-je dit à l'époque que de gros crimes étaient commis,
9 qu'il y avait des pressions, des licenciements, des violences à l'égard
10 des Serbes en Croatie?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Ai-je attiré votre attention sur le fait que l'histoire de la
13 Deuxième Guerre mondiale se refaisait à l'époque à laquelle des centaines
14 de milliers de Serbes ont été tués en Croatie?
15 Réponse: C'est ce que je vous ai entendu dire.
16 Question: Vous ai-je clairement indiqué également que l'Armée populaire
17 yougoslave -d'après ce que j'en savais- ne faisait que séparer les parties
18 au conflit, et que cela était le seul rôle qui était le sien, n'est-ce
19 pas, Monsieur Okun?
20 Réponse: Oui, c'est ce que vous avez affirmé. C'est bien ce que vous avez
21 déclaré.
22 Question: Et vous ai-je dit, à l'époque, que les Serbes en Croatie
23 devaient bénéficier d'une protection et qu'ils devaient bénéficier d'un
24 statut spécial, parce qu'en vertu de toutes les Constitutions de la
25 Croatie, c'était l'un des peuples constitutifs, l'un des peuples des
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1 slaves du sud qui était constitutif. Vous en souvenez-vous?
2 Réponse: Je me souviens que c'est ce que vous avez déclaré.
3 Question: Vous ai-je dit que -partant des connaissances qui étaient les
4 miennes- l'Armée populaire yougoslave n'intervenait que lorsqu'elle était
5 attaquée et qu'elle ne réagissait pas dans d'autres situations quelles
6 qu'elles soient?
7 Réponse: Oui, c'est ce que vous avez déclaré.
8 Question: Vous ai-je dit alors que l'armée était tout à fait neutre,
9 qu'elle évitait tout conflit ethnique. Ou, au contraire, elle s'efforçait
10 de les empêcher, de dissocier les parties au conflit, indépendamment du
11 fait que les Serbes aient été victimes des violences perpétrées à l'époque
12 en Croatie?
13 Réponse: Je vous ai entendu dire cela, effectivement.
14 Question: Vous avez mentionné, ou plutôt c'est M. Vance qui a mentionné le
15 rôle de l'armée. Et je pense qu'à l'époque, nous avions fait la lumière
16 sur ces questions. Ne vous ai-je pas dit alors -quand je dis "vous ", je
17 ne pense pas à vous seul, mais je pense à M. Vance et vous-même,
18 ensemble-, ne vous ai-je donc pas dit que nous ne voulions, en aucun cas,
19 une Grande Serbie?
20 Réponse: C'est ce que vous avez affirmé.
21 Question: Il va sans dire que vous avez eu des entretiens avec des
22 dirigeants militaires. Vous vous êtes entretenu avec le secrétaire de la
23 Défense nationale, Veljko Kadijevic et vous avez rencontré le chef du camp
24 d'état-major, Blagoje Adzic, n'est-ce pas? Le même jour, j'entends?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-il exact de dire que le général Kadijevic vous a indiqué
2 clairement le souhait de l'armée de voir toute chose résolue par voie
3 pacifique?
4 Réponse: Il l'a déclaré, oui.
5 Question: Et Kadijevic vous a-t-il dit, de façon non ambiguë et explicite,
6 que l'armée souhaitait éviter la guerre?
7 Réponse: Disons que c'était le sens général des remarques qu'il a faites.
8 Question: Et est-il exact de dire qu'à l'époque, il vous avait parlé des
9 blocus par terre, mer, des blocus d'aéroports, et qu'ils avaient demandé
10 d'influer dans le sens d'un déblocage de ces installations et garnisons?
11 Réponse: La question du blocus ou du siège des casernes de la JNA faisait,
12 sans aucun doute, l'objet des préoccupations les plus importantes du
13 général Kadijevic. Je ne sais pas s'il a demandé de façon précise à ce que
14 l'OTAN contribue à la levée de ces sièges. Ce qui est sûr, c'est qu'il
15 nous a imploré, M. Vance et moi, de faire l'impossible pour faire
16 comprendre aux autorités civiles et militaires de Croatie qu'il fallait
17 libérer les effectifs se trouvant dans les casernes assiégées; je parle
18 ici des hommes et de leurs familles.
19 Question: Il vous a dit précisément tout ceci. Et je lis dans ce que vous
20 avez noté vous-même, dans votre bloc-notes. Vous avez dit que, tout de
21 suite, il s'agissait de lever le siège des casernes, de lever le siège au
22 niveau des ports sur l'Adriatique, d'ouvrir l'espace aérien; et il vous a
23 indiqué qu'il n'avait pas levé le siège, qu'au contraire on en avait
24 assiégé deux autres de plus. Il vous a dit également qu'on s'était emparé
25 de plus de 100 garnisons pendant le cessez-le-feu. C'est exact?
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1 Réponse: Oui, si cela se trouve dans mes carnets, dans mes notes, c'est
2 bien que ce qu'il a dit. Et je me souviens, d'ailleurs, qu'il l'a dit.
3 Question: Est-il exact de dire aussi, qu'à La Haye, en date du 15 octobre,
4 Milo Djukanovic, Premier ministre du Gouvernement du Monténégro que vous
5 avez rencontré, vous a aussi indiqué le problème de violation des droits
6 de l'homme fondamentaux des Serbes en Croatie. Vous en souvenez-vous?
7 Réponse: Oui, c'est ce qu'il a déclaré.
8 M. Milosevic (interprétation): Et, si vous vous en souvenez bien, ne vous
9 a-t-il pas dit qu'une fois de plus le mouvement Oustachi et le fascisme
10 étaient, une fois de plus, sur la scène publique croate?
11 M. Okun (interprétation): Me permettez-vous de consulter mes notes à ce
12 propos?
13 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, vous pouvez les
14 consulter quand vous voulez.
15 (Le témoin consulte ses notes.)
16 M. Milosevic (interprétation): Si vous avez du mal à retrouver, je vais
17 vous donner lecture moi-même. Le problème en Croatie, c'est la violation
18 des droits humains élémentaires des Serbes; c'est ce que dit Djukanovic.
19 M. Okun (interprétation): Oui, je le vois maintenant, Monsieur le
20 Président.
21 Question: Oui, aujourd'hui, puisqu'il y a une montée du fascisme.
22 Réponse: Oui, je le vois. C'est à la page 93.
23 Question: Vous a-t-il également dit, à ce moment-là, que le statut des
24 Serbes devait être garanti par la communauté internationale? Cela figure à
25 la page suivante. On en dit que "ces droits doivent être respectés grâce à
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1 l'intervention des grandes organisations ou institutions internationales".
2 Des institutions internationales.
3 Réponse: Oui, c'est à la page 94, c'est exact.
4 M. Milosevic (interprétation): Donc pour ne pas aller plus avant par
5 rapport à la date du 15 octobre, je vais faire une petite digression pour
6 ce qui est du journal que vous avez tenu à jour. Parce qu'on en viendra au
7 18 octobre, à la session de La Haye, dont vous avez déjà témoigné dans le
8 cadre de l'interrogatoire principal.
9 Je ne l'ai pas trouvé dans le bloc-notes, mais je voudrais vous poser à ce
10 sujet plusieurs questions. Vous ai-je bien compris, Monsieur Okun?
11 Vous avez déclaré ici: "Milosevic a rejeté le papier à Carrington". Et M.
12 Groome vous a demandé comment vous aviez compris la chose; et vous avez
13 effectivement cru comprendre que cela signifiait que la Serbie voulait la
14 guerre et que nous avions quitté de façon démonstrative la session, les
15 travaux de la Conférence sur la Yougoslavie. C'est ce que vous avez dit,
16 n'est-ce pas, Monsieur Okun?
17 M. Okun (interprétation): Oui, c'est exact. C'est consigné dans mon
18 journal…
19 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de terminer.
20 M. Okun (interprétation): C'est exact. C'est ainsi que j'ai pris ces notes
21 qui sont consignées dans mon journal, "Mission Vance 1", à la page 145.
22 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas ce qui est noté dans le
23 journal, je n'ai pas cette page sous les yeux. Je me pencherai dessus plus
24 tard.
25 Mais comme vous étiez là-bas, n'est-ce pas, vous vous en souvenez très
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1 bien de ce qui s'est pas passé là-bas, n'est-ce pas?
2 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)
3 Je vais alors continuer à vous poser des questions concernant le fait que
4 nous ayons quitté la salle, et que nous ayons adopté une attitude
5 négative, défavorable vis-à-vis de cette conférence de paix.
6 Je voudrais vous demander la chose suivante, Monsieur Okun: n'avez-vous
7 pas confondu quelque chose?
8 Réponse: Je ne pense pas que c'était le cas, Monsieur Milosevic.
9 Question: Bien.
10 Réponse: Puis-je poursuivre? Il y avait, en fait, à cette conférence, la
11 représentation de toutes les six Républiques de la Yougoslavie avec la
12 Présidence dans sa totalité, à savoir les huit membres de celle-ci. Ceux
13 qui se sont levés et ont quitté physiquement cette pièce -ceci se trouve à
14 la page 145-, c'étaient M. Jovic de Serbie, M. Bajramovic du Kosovo et M.
15 Cosic de Vojvodine; ce sont ces hommes qui sont physiquement sortis de la
16 salle de conférence.
17 Question: Mais c'est quelque chose d'autre?
18 Réponse: Il n'est donc pas incorrect de dire que les représentants serbes
19 ont quitté la conférence?
20 Question: Ils n'étaient pas des représentants de la Serbie; eux étaient
21 membres de la Présidence fédérale. Et je vais vous rappeler maintenant -et
22 j'espère que vous allez vous en souvenir- parce que le vice-Président de
23 la Présidence fédérale, Branko Kostic, avait auparavant été Président du
24 Monténégro; puis, par la suite, il est devenu membre de la Présidence et
25 vice-Président de cette même Présidence de la Yougoslavie. Vous ne
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1 l'ignorez pas, n'est-ce pas?
2 Réponse: Oui, c'est vrai.
3 Question: Vous souvenez-vous d'un incident que je désignerai comme tel? Le
4 Président de cette conférence, Lord Carrington, n'a pas autorisé Branko
5 Kostic, qui se trouvait être vice-Président de la Présidence de
6 Yougoslavie, à parler à l'occasion de cette session. Il lui a contesté le
7 droit de parler au nom de la Présidence de la RSFY. Il avait exigé… Ou
8 plutôt, la Communauté européenne a contesté la légitimité de ce qu'il
9 désignait par "présidence croupion, tronquée", et il estimait que le seul
10 représentant légitime de la Yougoslavie était la Présidence entière de la
11 RSFY, et non pas la présidence tronquée. Vous en souvenez-vous?
12 Réponse: C'est effectivement comme cela que j'ai relaté les choses.
13 M. Milosevic (interprétation): Alors, aurai-je raison, Monsieur Okun, si
14 j'affirme qu'une telle attitude de la Communauté européenne était
15 inacceptable, parce qu'aucun organe au sommet de quelque pays que ce soit
16 n'a le droit d'abdiquer et d'abandonner le pays dans le chaos? Et en cas
17 de décès…
18 M. le Président (interprétation): Ceci ressemble beaucoup à un argument.
19 Pouvez-vous répondre à ceci, Monsieur le Témoin, à ce commentaire?
20 M. Okun (interprétation): Je n'ai pas ici le droit, ce n'est pas le lieu
21 pour moi d'essayer de revenir en arrière pour voir ce qui était à l'esprit
22 de la Communauté européenne en 1991. C'est elle qui a pris cette décision.
23 M. le Président (interprétation): Quant à savoir si c'est exact ou pas, si
24 c'est juste ou pas, c'est peut-être une question qui se posera à propos de
25 ce procès et que nous devrons trancher. Mais pour le moment, le témoin ne
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1 saurait répondre à des choses dans ce genre.
2 Vous pouvez demander ce qui s'est passé, ce qui se trouve dans ses
3 carnets. Mais là, vous partez dans la polémique; vous demandez des
4 commentaires qu'il ne saurait vous livrer.
5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, le témoin est un diplomate de
6 carrière qui a eu une carrière très longue. Au début de son témoignage, il
7 a indiqué qu'il enseignait à l'université.
8 Je crois que vous avez mentionné l'Université de Georgetown. Et que vous
9 enseigniez le droit international. Ou c'est une université à Washington,
10 peut-être, n'est-ce pas?
11 (Signe affirmatif du témoin.)
12 Par conséquent, il est compétent pour répondre et, étant présent à une
13 conférence de paix, pour répondre à des questions qui concernent le droit
14 international. Par conséquent…
15 M. le Président (interprétation): Non, non, donnez-moi le temps
16 d'expliquer. Un instant, s'il vous plaît.
17 S'il n'est pas en mesure de répondre à ces questions ou n'est pas autorisé
18 à le faire, c'est parce qu'ici on se trouve dans un tribunal. Et dans un
19 tribunal, les juges sont ceux qui décident s'agissant des points de droit;
20 ils déterminent, ils disent le droit. Ce n'est pas le témoin qui le fait,
21 à moins que ce ne soit un expert dans un domaine particulier. Ce qui n'est
22 pas le cas ici.
23 Ici, ce témoin dépose à propos des événements auxquels il a participé.
24 Vous pouvez lui poser des questions à ce propos. Mais son avis en tant que
25 juriste en droit international, ce n'est pas quelque chose qui nous
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1 intéresse, avec tout le respect que je lui dois. C'est nous qui statuons
2 sur ce point. Posez-lui les questions sur des questions de politique, mais
3 pas sur le droit; plutôt sur les événements.
4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, cela ne me gênera outre
5 mesure. Lorsque mon tour sera venu, il y aura des experts mondiaux des
6 plus éminents qui soient pour vous expliquer de quoi il en retourne et
7 comment le crime a été commis du point de vue du droit international.
8 Aussi n'ai-je pas besoin de ses explications, j'avais seulement voulu
9 entendre l'opinion de M. Okun. Mais si vous l'interdisez, cela ne me gêne
10 pas.
11 Toujours est-il… Serait-il contestable que de dire, Monsieur Okun, qu'un
12 représentant de la RSFY, le vice-Président de la RSFY qui se trouvait être
13 à la tête de cette composition de la Présidence, n'a pas eu la possibilité
14 de prendre la parole, et que c'est pour cela, par protestation, qu'ils ont
15 quitté la salle? Est-ce exact ou pas? Répondez par un oui ou par un non et
16 allons de l'avant. Je ne vais pas polémiquer avec vous. Il y a des notes
17 écrites là-dessus, je n'ai pas de problème à ce sujet.
18 Mais je voudrais que vous me disiez, oui ou non, est-ce exact qu'on ne lui
19 a pas fourni la possibilité de parler, et que c'est pour cela qu'ils
20 avaient en guise de protestation quitté la salle? Est-ce exact?
21 M. Okun (interprétation): "Après que Branko Kostic a déclaré que les
22 conditions de l'accord général -dont nous avons déjà discuté- n'était pas
23 acceptable à ses yeux, Lord Carrington l'a entendu tenir ses propos. Puis,
24 il a poursuivi, Kostic a poursuivi, Lord Carrington lui a demandé
25 d'arrêter". Tout ceci est consigné dans mes notes. "Et puis, il a menacé
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1 de sortir en claquant la porte". C'est ce qui est dit à la page 145. "Ce
2 sur quoi, les trois membres de la Présidence venant de Serbie, à savoir M.
3 Jovic, M. Bajramovic, et l'autre Kostic -il y avait deux Kostic-, Monsieur
4 le Président, ces trois hommes sont sortis de la salle de conférence".
5 Voilà comment se sont déroulés les événements dans la chronologie que j'ai
6 consignés dans mon carnet.
7 Question: Les quatre représentants de ce qui avait été désigné, par la
8 CEE, comme étant une "présidence tronquée" ont quitté la salle donc, une
9 fois qu'ils se sont vus privés ou dépossédés du droit de parler, par Lord
10 Carrington. C'est bien cela, n'est-ce pas?
11 Réponse: Vous avez raison, Monsieur le Président, M. Branko Kostic est lui
12 aussi sorti. Ils ont été quatre à sortir, pas trois.
13 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Par conséquent, l'incident a eu
14 lieu, il a eu lieu parce qu'on l'a dépossédé du droit à la parole, et non
15 pas parce qu'il voulait miner la conférence de presse. Etant donné que
16 nous ne parlons que des faits, nous ne parlons que des faits! J'espère que
17 vous ne contesterez pas qu'au niveau de la proposition qui avait été
18 examinée, le point clé, c'est la partie 1, l'alinéa 1 de l'article 1, qui
19 prévoyait la disparition de la Yougoslavie en sa qualité d'Etat et en sa
20 qualité d'intervenant au niveau du droit international, et ce, par voie de
21 consensus des dirigeants des Républiques yougoslaves, et de ceux qui ont
22 été conviés par la CEE à La Haye. C'est bien ce qui figurait dans ce
23 texte-là, n'est-ce pas?
24 M. Okun (interprétation): Oui, c'est une partie de ce document. Je ne l'ai
25 pas sous les yeux. Je suppose que vous en donnez lecture. Nous parlons ici
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1 de cet accord général. C'est à ce document que fait référence M.
2 Milosevic.
3 M. Groome (interprétation): (Hors micro.)
4 M. le Président (interprétation): Le micro ne marche pas.
5 M. Groome (interprétation): Je propose que soit présenté au témoin
6 l'intercalaire 5, de la pièce 396.
7 M. le Président (interprétation): Oui, remettons ce document au témoin.
8 M. Milosevic (interprétation): C'est le papier de Carrington, rien de
9 contestable à cela.
10 M. le Président (interprétation): C'est peut-être le cas, mais il faut que
11 le témoin dispose de ce document si on lui pose des questions à son
12 propos.
13 Vous parlez de l'AGS, vous pourriez nous rappeler ce que signifie ce
14 sigle?
15 M. Okun (interprétation): Disposition en vue d'un règlement général. Il
16 s'agit du document 124.
17 M. le Président (interprétation): Oui, nous l'avons maintenant. Merci.
18 Poursuivez, Monsieur Milosevic. Le témoin dispose maintenant du document.
19 M. Milosevic (interprétation): Ne vous semble-t-il pas, du point de vue de
20 la profession qui est la vôtre et du point de vue de l'expérience
21 internationale que vous avez, que la disparition d'un Etat par
22 autodestruction est véritablement une innovation?
23 M. le Président (interprétation): C'est précisément ce domaine-là que vous
24 n'êtes pas autorisé à sonder d'après notre décision. Vous pourrez vous
25 adresser à nous en temps utile, mais il ne revient pas au témoin
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1 d'apporter ses commentaires. Posez-lui des questions à propos des faits,
2 c'est pour cela qu'il vient déposer. Il n'est pas censé ici donner son
3 avis sur la question.
4 M. Milosevic (interprétation): Savez vous, Monsieur Okun, en votre qualité
5 d'homme traitant du droit international, qu'il y a eu auparavant un cas,
6 un seul cas d'autodestruction de quelque Etat que ce soit…
7 M. le Président (interprétation): Non, non, Monsieur Milosevic. Nous
8 n'avons que peu de temps, il ne sert à rien de répéter des questions qui
9 ne sont pas autorisées. Vous ne faites que perdre votre temps à vous, ce
10 faisant.
11 M. Milosevic (interprétation): Bien. Puisque vous ne lui permettez pas de
12 nous donner son avis, je suppose qu'il sera légitime de lui demander ou
13 lui poser des questions sur ce qui s'est passé lors de la conférence.
14 M. le Président (interprétation): Tout à fait. C'est précisément là-dessus
15 que doivent poser vos questions.
16 M. Milosevic (interprétation): Etant donné qu'il était présent, qu'il a
17 suivi très attentivement, et que M. Okun sait pertinemment bien ce qui
18 s'est passé à la conférence; cela, je peux lui demander, n'est-ce pas?
19 Vous souvenez-vous, Monsieur Okun, précisément de ce qui est dit à
20 l'article 1, que la Yougoslavie devait cesser d'exister, que je vous ai
21 répliqué… A ce moment-là, moi, on ne m'a pas privé de parole, et je
22 n'étais pas sorti des locaux. Je vais vous donner citation de ce que j'ai
23 dit, vous nous direz si vous en avez souvenance. Vous me direz donc,
24 seulement si vous vous souvenez, que c'est bien ainsi que cela s'est
25 passé.
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1 J'ai dit que: "La proposition ne saurait être acceptée, parce qu'elle
2 suspendait l'ordre constitutionnel en vigueur, et qu'elle supprimait la
3 Yougoslavie en sa qualité d'Etat qui existait en continuité depuis 70
4 ans". Est-ce bien ce que j'ai dit, Monsieur Okun?
5 M. Okun (interprétation): Il se peut que vous ayez dit cela, Monsieur le
6 Président, mais je ne me souviens pas si ce fut le cas cette fois-là.
7 D'ailleurs, ceci ne se retrouve pas non plus dans mes notes.
8 Nous sommes ici à la page 145 où je trouve la rubrique suivante: "Ils sont
9 sortis à 3 heures 56"; j'ai noté l'heure exacte.
10 Ligne suivante. Elle se lit comme suit: "Carrington annonce que la
11 Conférence sur la Yougoslavie est suspendue, que les travaux sont
12 suspendus." Ceci se passe à 4 heures, ce qui veut dire qu'il y a un temps
13 qui s'écoule de trois minutes.
14 Monsieur le Président, je me contente de répéter ce qui trouve dans mes
15 notes, ce que ces notes montrent. Quant à savoir si vous avez parlé ou
16 pas, je ne sais pas, je ne l'ai pas consigné. Bon, ici, je ne conteste pas
17 ce que vous dites, mais je ne me souviens pas d'une intervention de votre
18 part.
19 Question: Mais vous souvenez-vous que j'ai dit, à ce moment-là, que cette
20 décision de suppression d'un Etat ne saurait être prise par quelque forum
21 international que ce soit et que cette décision ne pouvait être prise que
22 par les intervenants… ceux des intervenants qui ont, à l'époque, créé cet
23 Etat; et que, s'agissant du mandat pour l'acceptation de l'arrangement en
24 question, ce mandat n'était celui que possédait aucun des participants à
25 cette conférence, et que tel mandat ne saurait être donné à la conférence
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1 en tant que tel?
2 Réponse: Oui, Monsieur le Président, c'est comme cela que ceci est
3 consigné dans mes notes à la page 139 ainsi qu'à la page 140. C'étaient
4 des remarques que vous aviez faites auparavant et que j'ai consignées dans
5 mes notes.
6 Question: Très bien. C'est pour cela que je ne vous pose pas de questions
7 au sujet de ce que je vous ai dit lorsque la conférence a été terminée; je
8 vous ai posé la question de savoir ce que j'ai dit pendant la conférence.
9 Vous en avez pris bonne note. J'ai dit qu'aucun participant à cette
10 conférence n'avait le mandat de décider de telles choses et que la
11 conférence ne pouvait pas avoir ce mandat parce que, s'agissant de la
12 Constitution en vigueur de ce pays qui est dénigrée, ignorée par les
13 propositions en question, il n'est fait exception à ce sujet-là que des
14 unités fédérales et de leurs frontières. Et je précise qu'il s'agit de
15 frontières administratives.
16 Or ces unités administratives ou fédérales n'ont été créées qu'après la
17 Deuxième Guerre mondiale, alors que leurs frontières n'ont jamais été
18 délimitées par quelque acte juridique ce soit qui aurait été vérifié ou
19 entériné de façon démocratique. Et j'ai dit que l'on légalisait un acte
20 unilatéral de sécession et que c'est précisément la sécession unilatérale
21 des Républiques qui était la cause des conflits armés; et fuir les causes
22 véritables de la crise ne pourrait que nous éloigner ainsi d'une paix
23 durable et stable en Yougoslavie, chose qui est notre objectif à tous.
24 Tout un chacun doit comprendre que le foyer de crise en Yougoslavie est la
25 position, le statut du peuple serbe en Croatie qui est exposé à un
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1 anéantissement pour la deuxième fois au cours du même siècle, et qu'il ne
2 saurait y avoir d'arrangement de la crise yougoslave sans assurer la
3 protection et la survie nationale du peuple serbe. C'étaient mes termes.
4 Réponse: C'est ce que je vous ai entendu dire.
5 M. Milosevic (interprétation): Et comment, alors, après dix ans, vous
6 pouvez dire que vous compreniez qu'il était clair que la Serbie voulait la
7 guerre? Au contraire, moi, j'ai parlé en faveur de la paix. Parce que ce
8 qui s'était passé a été à l'origine de la guerre.
9 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre.
10 Vous posez une question, il faut lui laisser le temps de répondre.
11 M. Okun (interprétation): Je l'ai dit, Monsieur le Président. Parce que,
12 sur les six Républiques yougoslaves présentes à cette réunion du 18
13 octobre, cinq de ces six Républiques avaient accepté les dispositions de
14 cet accord général, du règlement général tel qu'il avait été préparé. La
15 seule République à ne pas accepter, ça a été le représentant de la Serbie,
16 pour utiliser la terminologie de M. Milosevic.
17 Par conséquent, vous aviez cinq des six Républiques qui acceptaient ce
18 règlement général du problème, tel qu'il était proposé par Lord Carrington
19 à cette conférence et une République qui les rejetait, ces dispositions.
20 Et je crois que ceci se passe de commentaires.
21 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, la conférence s'est
22 poursuivie; elle a duré et duré. Elle a duré en octobre, puis elle a duré
23 dans le courant de l'année suivante; puis, il y a eu la Conférence de
24 Londres, celle de Genève, et ainsi de suite. Par conséquent, ceci n'a pas
25 été une interruption véritable.
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1 J'estime, de nos jours encore, que mes arguments étaient fondés. Et
2 j'estime, de nos jours encore, que le non-respect de ces arguments a
3 conduit à la guerre, parce qu'il s'agissait là d'un acte de sécession
4 violente qui a engendré génocide à l'égard de tout un peuple. Bien sûr,
5 vous ne serez pas d'accord avec cela, n'est-ce pas?
6 M. le Président (interprétation): Il ne revient pas au témoin de répondre
7 à cette question. Lui, il peut uniquement parler de ce qui s'est passé à
8 l'époque. Posez-lui des questions à propos de ce qu'il a dit, s'agissant
9 de cette conférence, bien sûr. Mais quant à ses opinions, surtout à l'avis
10 qu'il aurait sur ce qui s'est passé par la suite, ce n'est pas l'objet de
11 vos questions.
12 M. Milosevic (interprétation): Vous souvenez-vous qu'en octobre, il y a eu
13 une autre réunion de cette même conférence?
14 M. Okun (interprétation): Je ne trouve pas ceci dans mes notes, mais je
15 suppose que ça pourrait effectivement être le cas.
16 Question: Alors c'est: "Session plénière au niveau des Présidents des
17 Républiques, prévue pour le 25 octobre", d'après les notes dont je dispose
18 ici.
19 Et même après cela, si vos souvenirs sont bons, après cette réunion,
20 Tudjman, qui s'était entretenu avec moi, a fait une déclaration qui est la
21 sienne -pas la mienne- que vous retrouverez dans la presse de l'époque,
22 disant que la Serbie n'avait aucune prétention territoriale. L'affaire
23 relative à Dubrovnik a commencé et Tudjman a dit que j'avais condamné,
24 moi-même, toute violence autour de Dubrovnik. Vous en souvenez-vous? Et
25 c'est précisément à cette conférence suivante, fin octobre, que cela a eu
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1 lieu?
2 Réponse: Je n'étais pas présent à cette réunion, Monsieur Milosevic.
3 Monsieur Vance et moi, nous sommes rentrés aux Etats-Unis soit le 18, soit
4 le 19 octobre, après notre première mission. C'était le 18, aussitôt après
5 cette sortie de la conférence; je le vois ici à la page 145. Puis, nous
6 nous sommes retrouvés à New York, aux Nations Unies; nous faisions notre
7 travail là-bas. Je vais vous donner le jour exactement: nous sommes
8 repartis le 4 novembre, un lundi, au cours de cette période intervenue.
9 Entre-temps nous étions aux Etats-Unis.
10 Question: Vous n'avez pas suivi l'évolution des événements, vous n'avez
11 pas suivi l'évolution de la conférence, vous n'avez plus prêté attention à
12 ce qui se passait. Vous étiez présent à une conférence; puis, après, cela
13 vous était égal?
14 Serait-il exact de dire que Borislav Jovic, à l'occasion de la réunion que
15 vous avez eue avec lui, le 10 octobre, vous a parlé de façon très
16 explicite de la sécession qui était en train de se faire au niveau des
17 Républiques?
18 Réponse: Si je peux revenir à votre premier commentaire: bien sûr que nous
19 avons suivi comment se déroulait cette conférence. Le 17, M. Jovic…
20 Permettez-moi de consulter mes notes...
21 (Le témoin consulte ses notes.)
22 Oui, j'ai retrouvé cette rubrique, elle se trouve à la page 128 du carnet
23 consacré à la mission n°1. Et là, j'ai consigné que M. Vance avait dit
24 ceci -je cite-: "J'ai prévu la guerre si les parties à la sécession sont
25 autorisées à exécuter leur plan, mais j'ai eu raison. Cependant,
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1 l'Occident n'a pas voulu écouter. Maintenant, nous avons la violence qui
2 est causée par ceux qui sont favorables à la sécession, ceux qui font la
3 sécession". Et moi, j'ai noté entre parenthèses mon commentaire sur son
4 comportement: "Ton agressif dès le départ." (Fin de citation.)
5 Monsieur Jovic a donc dit que c'étaient les partisans de la sécession qui
6 étaient à l'origine de la guerre. C'était là son avis que j'ai consigné
7 dans mes notes.
8 Question: Et vous a-t-il dit combien de personnes avaient quitté la
9 Croatie, suite aux opérations militaires croates qui ont causé bon nombre
10 d'événements malheureux. C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur?
11 Réponse: C'était son avis à lui, son opinion.
12 Question: Et Jovic ne vous a-t-il pas dit lui-même que le Gouvernement
13 croate n'était pas d'accord pour lever le siège des garnisons, et qu'il
14 continuait à lancer des attaques contre l'armée, et que, d'autre part, au
15 niveau de l'armée il y avait des ordres disant de ne pas riposter
16 s'agissant de ces attaques, à moins du strict nécessaire en autodéfense?
17 Réponse: C'était son avis.
18 Question: Et Jovic n'a-t-il pas dit, à ce moment-là, que la seule chose
19 importante était d'essayer d'influer sur les Allemands pour que ceux-ci
20 disent aux Croates de s'arrêter?
21 Réponse: C'est ce qu'il a dit.
22 Question: Et revenons maintenant à la conférence en question. Vous étiez
23 favorable à l'attribution d'un statut spécial aux Serbes en Croatie,
24 n'est-ce pas, ainsi que cela s'est passé, tant vous que M. Cyrus Vance?
25 Réponse: C'est exact.
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1 Question: Vous avez précisé que ce statut devait être garanti par des
2 institutions internationales?
3 Réponse: A travers les opérations de maintien de la paix des Nations
4 Unies. C'était notre avis.
5 Question: Savez-vous qu'à cette réunion que j'ai eue avec Tudjman, lui
6 aussi était très près d'accepter une autonomie des régions serbes en
7 Croatie, il voulait l'accepter?
8 Réponse: Je n'étais pas présent à cette réunion, mais si c'est ce que vous
9 dites.
10 Question: Mais savez-vous quand est-ce qu'il a changé d'avis et qu'il n'a
11 plus rien voulu accepter? Savez-vous quand est-ce qu'il n'y a plus eu de
12 raison de s'entretenir de quelque façon que ce soit, précisément après sa
13 visite en Allemagne, où les Allemands lui ont dit qu'ils allaient le
14 reconnaître dans ses frontières administratives et qu'ils n'avaient pas à
15 prendre soin du tout des Serbes?
16 Réponse: Je vous entends, je vous écoute, j'entends ce que vous dites.
17 Mais je n'avais pas de connaissance à ce propos.
18 Question: Vous n'en savez rien, n'est-ce pas? Nous aurons l'occasion, en
19 des temps autres, d'en faire la preuve ici. Mais pour ce que Jovic vous
20 avait dit, pour ce qui était d'essayer d'influer sur l'Allemagne aux fins
21 de lui faire changer d'avis quant au démantèlement de la Yougoslavie, cela
22 vous vous en souvenez; n'est-ce pas?
23 Réponse: C'était l'avis affiché par Jovic, et c'était la position générale
24 des Serbes.
25 M. Milosevic (interprétation): Nous avons eu des entretiens le 18 novembre
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1 aussi. N'ai-je pas dit à M. Cyrus Vance et à vous-même qu'il était
2 indispensable de continuer les négociations?
3 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous
4 retrouver la rubrique dans vos notes? Vous pouvez bien sûr y faire
5 référence.
6 M. Okun (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
7 (Le témoin consulte ses notes.)
8 M. Milosevic (interprétation): Vous vous en souvenez de cette réunion,
9 n'est-ce pas? Le ministre…
10 M. Okun (interprétation): Oui, je m'en souviens. Je consulte mes notes.
11 Question: Le ministre Jovanovic et moi-même…
12 Réponse: Je suis en train de consulter mes notes, Monsieur Milosevic.
13 M. Milosevic (interprétation): "En négociant, WO, bain de sang…".
14 M. Okun (interprétation): Nous sommes à quelle page?
15 M. le Président (interprétation): Peut-on aider le témoin?
16 M. Milosevic (interprétation): Je parle du 18 novembre 1991, page 77 de ce
17 texte tapé, page tapée à la machine. C'est plus facile pour moi de m'y
18 retrouver que dans les manuscrits.
19 M. Okun (interprétation): Oui, je suppose que c'est plus facile pour la
20 lecture du texte, mais j'ai du mal à retrouver la rubrique dans le carnet.
21 M. le Président (interprétation): L'accusation peut-elle nous aider sur ce
22 point?
23 M. Groome (interprétation): Nous allons ici veiller à ce que le texte soit
24 copié; ceci sera plus facile pour le témoin.
25 M. Okun (interprétation): Je viens de retrouver cette déclaration de M.
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1 Milosevic qui suit, dans mes notes, la première discussion portant sur le
2 plan de maintien de la paix de la part de M. Vance. Il a demandé l'avis de
3 M. Milosevic et ceci a déjà été dit. Monsieur Milosevic a déclaré que
4 "ceci est tout à fait correct, pour ce que nous avons en Yougoslavie". On
5 parle ici des opérations de maintien de la paix.
6 Puis, la déclaration suivante a été –je cite ici-: "Retour aux
7 négociations sans effusion de sang, sans bain de sang". Effectivement,
8 c'est exact.
9 M. Milosevic (interprétation): Soyons clairs…
10 M. le Président (interprétation): Nous nous référons à la page 41?
11 M. Okun (interprétation): Oui, c'est exact, au haut de la page 41. Et
12 quand le Président est parti, nous avons des notes sous les yeux disant:
13 "La situation se complique. Il y a différentes sortes de troupes, de
14 commandements, de Gardes nationales, etc.. Et la partie croate a alors
15 commencé à s'attaquer aux Serbes qui vivaient dans des zones compactes de
16 la Croatie, dans une sorte de Krajina militaire de l'ex-Etat austro-
17 hongrois. Et cela date de la Première Guerre mondiale où il y avait deux
18 Etats indépendants. J'ai noté tout cela dans mon journal, entre
19 parenthèses.
20 Et avec le respect que je vous dois, Monsieur le Président, j'ai noté
21 entre parenthèses: "Leçon par M. Milosevic", parce que nous avions entendu
22 cela si souvent que nous avions pris l'habitude de parler de cela comme
23 d'une leçon.
24 Question: Mais moi, ça ne me dérange pas parce que vous aussi vous donniez
25 des leçons, vous enseigniez.
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1 Monsieur Okun, au début vous avez dit que, jusqu'au mois de janvier 1992,
2 votre mission était achevée, que la mission avait réussi à faire cesser la
3 guerre, que les Casques bleus étaient arrivés dans les zones protégées qui
4 portaient, à cette époque-là, le nom officiel de "Zones protégées par les
5 Nations Unies", et que, suite à ce succès -parce que vous estimiez que la
6 mission avait été couronnée de succès- donc en janvier 1992 vous êtes
7 retourné en Amérique, n'est-ce pas? Et ensuite, en octobre 1992, lorsque
8 les problèmes dont s'est à nouveau occupé Cyrus Vance, c'est-à-dire les
9 problèmes en Bosnie-Herzégovine, quand ces problèmes ont commencé, vous y
10 êtes retourné, n'est-ce pas?
11 Réponse: Il y a une erreur, Monsieur le Président. Nous sommes partis en
12 janvier, une fois que les hostilités dues à la sécession avaient cessé en
13 Croatie; et c'est à cela que je fais référence quand je parle de "mission
14 couronnée de succès". Mais nous n'avons pas attendu le mois d'octobre pour
15 revenir; nous étions de retour en ex-Yougoslavie au mois de mars; très
16 précisément, le 3 mars. Donc nous y étions déjà avant.
17 Question: Oui, je me rends bien compte que c'est ce que vous avez dit.
18 Cela n'a pas d'importance. Mais ce dont nous avons parlé, cette mission,
19 vous veniez me voir… En fait, Cyrus Vance venait me voir pour solliciter
20 mon aide et mon appui au plan de paix, ainsi que mon appui à
21 l'installation d'une mission de paix qui mettrait un terme à la guerre,
22 mais n'était pas censé constituer une solution politique. C'est bien cela?
23 Réponse: Oui, c'était l'objectif de l'opération de maintien de la paix, de
24 faire prévaloir une situation de tranquillité pour le peuple croate et le
25 peuple serbe en Croatie, de façon à ce que des négociations politiques
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1 puissent se mener -je parle des négociations que dirigeait Lord
2 Carrington-, donc que ces négociations puissent se poursuivre.
3 Question: Eh bien, si nous conjuguons tout cela, nous voyons que vous
4 veniez me voir pour solliciter mon appui, par le biais principalement de
5 l'influence politique et du rôle politique joué par la Serbie à l'époque,
6 au niveau qu'était ce rôle, auprès des dirigeants de la Krajina
7 principalement, donc auprès de Hadzic et auprès de la Krajina de Knin,
8 c'est-à-dire Babic et ses collaborateurs. C'est bien cela, n'est-ce pas,
9 Monsieur Okun?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Vous me demandiez de prendre langue avec eux?
12 Réponse: En rapport avec l'opération de maintien de la paix, oui.
13 Question: J'ai appuyé les opérations de maintien de la paix dans le but
14 unique de mettre un terme à la guerre et de passer à la discussion d'une
15 solution pacifique. C'est bien cela, Monsieur Okun, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui. Et d'autres l'ont fait également, sur instruction venue de
17 vous. Et il y en a eu bien sûr également du côté croate.
18 Question: Je pense que vous avez fait erreur dans l'utilisation de
19 l'expression "sur instruction venant de vous" car, à l'époque déjà, je
20 vous disais que je ne pouvais avoir d'influence politique que publique
21 compte tenu des fonctions qui étaient les miennes, et que cette influence
22 politique ne pouvait exister que dans la mesure où l'opinion me soutenait,
23 mais que j'allais m'investir complètement en faveur de la paix. Ce que
24 j'ai fait. C'est bien cela, n'est-ce pas, oui ou non?
25 Réponse: C'est ce que vous nous avez dit.
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1 Question: Mais dites-moi, je vous prie: en dehors du fait que ce qui s'est
2 passé lors de la rencontre du 11 et lors de la rencontre du 18 n'est pas
3 contesté, à savoir que nous sommes retournés à la table des négociations
4 -c'est ce que nous venons de lire dans votre journal il y a un instant-,
5 ai-je indiqué à votre intention que des extrémistes croates attaquaient
6 les Serbes un peu partout sur le territoire de la Croatie, à l'époque?
7 Réponse: C'est ce que vous ne cessiez de répéter.
8 Question: Saviez-vous quel était déjà le nombre de réfugiés provenant de
9 Croatie et installés en Serbie à ce moment-là? Avez-vous fait ce qu'il
10 fallait pour déterminer ce nombre?
11 Réponse: Nous avons entendu citer des chiffres par des sources diverses et
12 nous en avons tenu compte.
13 Question: Ne vous ai-je pas dit une nouvelle fois, à ce moment-là, que
14 l'armée avait pour seul et unique rôle de s'interposer entre les deux
15 parties? Ne vous ai-je pas dit cela une nouvelle fois lors de cette
16 réunion également?
17 Réponse: Vous l'avez fait. Mais, Monsieur le Président, je dois ajouter
18 que ce que nous avons vu de nos propres yeux, à plusieurs reprises
19 d'ailleurs, c'est que tel n'était pas le cas. J'en ai parlé dans ma
20 déposition.
21 Question: Ce qui s'est passé, nous pouvons l'établir à partir de sources
22 provenant de toutes les parties. Mais, je vous prie, ne vous ai-je pas dit
23 qu'en Serbie nous n'autorisions l'existence d'aucune formation
24 paramilitaire?
25 Réponse: Oui, et j'ai déjà rendu compte de cela.
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1 M. Milosevic (interprétation): Dans vos notes, vous mentionnez fréquemment
2 le fait que je dis que les formations paramilitaires serbes sont sous le
3 contrôle de Hadzic ou je ne sais quoi de ce genre. Puisque ce n'est pas
4 moi qui ai utilisé cette expression, j'espère que vous admettrez avoir
5 fait une confusion. Car la Défense territoriale serbe pouvait être sous le
6 contrôle de Hadzic ou d'Adzic. Mais la Défense territoriale de Krajina ne
7 constitue pas des formations paramilitaires serbes.
8 Il pouvait s'agir de la Défense territoriale de la province autonome serbe
9 de Slavonie, de Baranja, et du Srem occidental. Il pouvait s'agir de la
10 Défense territoriale de la Krajina de la région serbe. Mais nous parlions
11 bien, n'est-ce pas, Monsieur Okun, de Défense territoriale et non pas de
12 formation paramilitaire serbe, n'est-ce pas?
13 M. Okun (interprétation): Je ne suis pas d'accord avec cela. Ce que nous
14 avons vu -comme je l'ai déjà dit dans mon témoignage- c'étaient des
15 irréguliers serbes à Dalj qui étaient sous le commandement du commandant
16 du Corps d'armée de JNA. Nous avons vu des hommes qui étaient extrêmement
17 irréguliers –et je n'irai pas plus loin dans mes qualificatifs, car tout
18 autre qualificatif pourrait ne pas être accepté par le Tribunal- mais, ce
19 que nous avons vu à Vukovar après la chute de la ville, c'étaient des
20 hommes correspondants à cette description. Ce dont je parle, c'est ce que
21 j'ai vu.
22 M. le Président (interprétation): La question qui se pose est la suivante:
23 lorsque l'accusé a fait référence à des paramilitaires -comme vous l'avez
24 consigné dans vos notes- se contentait-il de parler de la Défense
25 territoriale ou d'autre chose? Pourriez-vous tirer peut-être cela au
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1 clair, Monsieur l'Ambassadeur, à partir de vos notes?
2 M. Okun (interprétation): Oui, oui, Monsieur le Président. En haut de la
3 page dans mes blocs-notes, j'ai écrit que le Président Milosevic avait
4 déclaré -je cite-: "Nous, en Serbie, n'avons pas autorisé l'existence de
5 troupes irrégulières ou paramilitaires. En Krajina orientale des membres
6 locaux de la communauté serbe ont aidé l'armée." (Fin de citation.)
7 Il n'a pas parlé d'unité de la Défense territoriale. Il est possible que
8 c'est ce qu'il ait eu à l'esprit, mais ce que nous avons vu ce sont des
9 espèces de troupes, lorsque nous nous sommes rendus sur le front.
10 M. Milosevic (interprétation): Vous avez cité très précisément ce que j'ai
11 dit. J'ai dit que nous, en Serbie, n'autorisions pas de troupes
12 paramilitaires ou de troupes irrégulières. Dans la situation de chaos due
13 au conflit et dans un certain nombre de situations conflictuelles, dont
14 vous avez parlé, ils ont fait leur apparition. Cependant, nous parlions à
15 l'époque du fait de savoir qui contrôlait les paramilitaires. Lorsque j'ai
16 parlé de Hadzic, je parlais de lui en tant que dirigeant de la Défense
17 territoriale. Il n'était pas à la tête d'un groupe d'irréguliers de
18 Krajina. J'espère que ceci est tout à fait clair. Donc il s'agissait de
19 forces régulières de la SAO de Krajina.
20 M. le Président (interprétation): Ecoutez, ceci est très important, il
21 faut que les choses soient tout à fait claires.
22 Monsieur l'Ambassadeur, la question soulevée par l'accusé consiste à
23 déterminer s'il a parlé de Hadzic en tant qu'homme qui dirigeait les
24 paramilitaires; oui ou non?
25 M. Okun (interprétation): Monsieur le Président, j'estimais et j'estime
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1 toujours qu'il parlait des paramilitaires. Plus tard, au cours de cette
2 même conversation, le Président Milosevic a déclaré -je cite-: "Babic et
3 Hadzic, qui étaient les dirigeants politiques et militaires
4 respectivement." (Fin de citation.)
5 Et nous avons compris cette partie de phrase comme signifiant que les deux
6 hommes cités contrôlaient la situation politique et contrôlaient toutes
7 les forces armées. C'est-à-dire tous les hommes en arme qui étaient
8 présents dans leur sphère d'influence, qu'ils se soient agi de membres de
9 la Défense territoriale ou d'irréguliers, en tout état de cause, ils
10 étaient sous le contrôle de Hadzic et Babic. Je crois que c'était
11 l'opinion généralement répandue à l'époque un peu partout en Croatie et un
12 peu partout en Serbie.
13 M. Kwon (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur…
14 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est justement...
15 M. Kwon (interprétation): Un instant, Monsieur Milosevic, je vous prie.
16 Monsieur l'Ambassadeur, connaissiez-vous l'existence de la Défense
17 territoriale à l'époque? Etiez-vous informé du concept de Défense
18 Territoriale à l'époque?
19 M. Okun (interprétation): Oui.
20 M. Kwon (interprétation): Saviez-vous que des volontaires de Serbie ou de
21 la région avaient été, pour certains, détachés auprès de la Défense
22 territoriale?
23 M. Okun (interprétation): Nous n'avons jamais procédé à des vérifications
24 personnelles sur ce point. Nous n'avons pas interrogé des habitants,
25 Monsieur le Juge, mais nous savions que c'était ce que disaient pas mal de
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1 gens.
2 M. Kwon (interprétation): Il est donc possible que vous ayez parlé de ces
3 volontaires en tant que paramilitaires?
4 Je parle de ceux qui étaient membres soit de la Défense territoriale, soit
5 de la JNA.
6 M. Okun (interprétation): S'il s'agissait de membres de la JNA, je n'en
7 aurais jamais parlé en tant que paramilitaires. Pour la Défense
8 territoriale, c'était un peu plus compliqué. Cela dépendait un peu de la
9 situation au cas par cas: quels étaient leurs actes et qui les commandait,
10 par exemple.
11 Parce que, Monsieur le Juge, nous avons hier parlé brièvement de la
12 période de transition durant laquelle la JNA est devenue la VJ et puis,
13 ensuite, de la période où la VJ s'est transformée en VRS, c'est-à-dire
14 Armée des Serbes de Bosnie. Pendant toute cette période, les concepts et
15 les dénominations changeaient beaucoup.
16 Et les parties -d'ailleurs, c'était souvent le fait de la partie
17 yougoslave- ont procédé à un certain nombre de transformations de
18 nomenclature qui masquaient assez souvent la réalité, plutôt que de la
19 rendre plus claire. Donc, de temps en temps, la tâche est très ardue ici,
20 parce qu'on est en train de s'attaquer à un monceau de spaghetti qu'il
21 faut essayer de démêler les uns des autres.
22 Mais je répète que, si j'en juge par ce que nous avons vu de nos yeux sur
23 les champs de bataille en Croatie, il ne s'agissait pas de troupes
24 territoriales; il ne s'agissait pas de troupes de la Défense territoriale
25 distinctes de celles de la JNA, donc constituées en unités séparées ou
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1 portant des uniformes différents.
2 Les seuls hommes qui, réellement, portaient des uniformes différents se
3 trouvaient du côté serbe, du côté de la police serbe, qui portaient des
4 uniformes de policiers. Les irréguliers portaient des vêtements très
5 variés. Ils portaient souvent des bottes; quelquefois, ils avaient une
6 espèce de veste sur le dos. Nous étions en hiver, il faut se souvenir de
7 cela; donc ils portaient des pull-overs, des vestes, des manteaux. C'était
8 l'hiver 1991. Et, en tout cas, leurs vêtements n'indiquaient en rien
9 qu'ils aient appartenu à quelque type que ce soit d'organisation
10 militaire.
11 Si je me souviens bien, aucun d'entre eux, par exemple, ne portait
12 d'emblème ou d'insigne indicatif d'un grade quelconque. Or, lorsqu'on se
13 trouve au sein d'une structure militaire organisée, chaque homme a un
14 grade et arbore quelque chose qui permet de distinguer ce grade; les
15 Conventions de Genève exigent qu'il en soit ainsi. Et d'ailleurs,
16 l'application des Conventions de Genève stipule, en tant que conditions
17 exigées, que l'on arbore ce genre de signe.
18 Donc, je pense qu'il est tout à fait justifié d'utiliser le terme
19 "paramilitaires" ou "irréguliers".
20 M. Kwon (interprétation): Merci. Vous pouvez procéder.
21 M. Milosevic (interprétation): Merci, Monsieur le Juge Kwon. C'était un
22 point que je souhaitais éclaircir également.
23 Monsieur l'Ambassadeur, vous avez consigné dans vos carnets que j'ai dit
24 que Babic et Hadzic étaient les représentants politiques et militaires en
25 Krajina, l'un à l'est et l'autre à l'ouest; c'est bien cela?
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1 M. Okun (interprétation): C'est exact.
2 Question: Savez-vous qu'ils avaient été nommés à leurs postes par leur
3 gouvernement, c'est à dire par des personnes qui avaient été élues par
4 l'assemblée, et que c'est ainsi qu'à été nommé le chef de la Défense
5 territoriale des Régions autonomes serbes? Le savez-vous?
6 Réponse: Je suis au courant de cela.
7 Question: Donc ce que je vous ai dit, c'est qu'ils représentaient des
8 autorités de facto et de jure, c'est bien cela?
9 Réponse: De facto, c'est exact, c'est juste. Mais est-ce que c'était exact
10 de jure? C'est une autre question.
11 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais, enfin, il ne fait aucun
12 doute que ces hommes avaient été nommés par des assemblées élues et par
13 des gouvernements; cela n'est pas contesté, n'est-ce pas? Je suppose que
14 vous ne mettez pas en cause la légalité de ces assemblées et de ces
15 gouvernements. Donc, ils ont été nommés à leur poste par leurs assemblées
16 élues et par leurs gouvernements? Il me semble tout à fait clair, donc,
17 qu'ayant été nommés à leurs postes par leurs assemblées élues et leurs
18 gouvernements –ce que vous connaissez bien, n'est-ce pas-, ces hommes, les
19 hommes qui leur étaient subordonnés n'étaient pas des paramilitaires, mais
20 avant tout des membres de la Défense territoriale...
21 M. le Président (interprétation): Je vais mettre un terme à ceci. Ceci
22 ressemble beaucoup à une présentation d'arguments très compliqués destinée
23 à nous faire tourner en rond.
24 Monsieur l'Ambassadeur, vous avez consigné des choses par écrit. Quelle
25 était votre interprétation de la situation, quels que soient les arguments
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1 présentés par l'accusé?
2 M. Okun (interprétation): Notre interprétation de la situation consistait
3 à penser que Babic et Hadzic étaient aux commandes sur les plans politique
4 et militaire respectivement dans leurs régions, et qu'ils assumaient la
5 responsabilité suprême, sinon directe, des opérations militaires qui se
6 déroulaient dans leurs régions. Nous pouvions constater que ces opérations
7 militaires étaient menées par des paramilitaires et des forces
8 irrégulières.
9 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Okun, vous vous souvenez,
10 n'est-ce pas, que je vous ai dit –je crois que vous aviez parlé de Hadzic,
11 à ce moment-là- que 95% de ces troupes sont sous un contrôle régulier et
12 qu'elles respecteront sans aucun doute l'accord?
13 Je supposais qu'il pouvait exister quelque 5% de paramilitaires en raison
14 du chaos qui régnait dans cette région. Mais, s'agissant de l'armée
15 disciplinée, de la Défense territoriale donc, je vous ai dit qu'elle
16 allait respecter l'accord. Cela n'est pas contesté par vous, n'est-ce pas?
17 C'est contesté ou pas?
18 M. Okun (interprétation): Pas du tout; je l'ai déjà dit auparavant dans ma
19 déposition.
20 Question: Encore une petite digression par rapport à votre journal. Je me
21 penche à présent sur votre déclaration officielle, la déclaration que vous
22 avez faite devant cette institution. Je vous ai déjà interrogé au sujet
23 d'un point qui figure dans cette déclaration, parce qu'eux souhaitent
24 souligner que j'étais le seul représentant de la partie serbe aux
25 négociations, et vous vous êtes expliqué sur ce point. Mais c'est le même
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1 document dont je parle.
2 Donc un peu plus loin, vous dites -je cite -: "Lorsque Slobodan Milosevic
3 a appris que, selon certaines informations, il existait des paramilitaires
4 serbes qui avaient commis des crimes et qui s'étaient rendus coupables de
5 nettoyage ethnique dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, il a fait
6 semblant d'être étonné ou surpris". (Fin de citation.)
7 C'est bien cela que vous avez écrit, n'est-ce pas? "Feint la surprise",
8 c'est bien cela? C'est ce que vous avez mis noir sur blanc? Etait-ce
9 novembre 1991?
10 Réponse: Vous faites référence à quelle réunion?
11 M. Milosevic (interprétation): J'ai sous les yeux le paragraphe c) de la
12 première page de la déclaration officielle que vous avez faite.
13 M. Okun (interprétation): Pourrais-je recevoir un exemplaire de cette
14 déclaration?
15 M. le Président (interprétation): Bien sûr.
16 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, ne perdons pas de temps. On y
17 reviendra dans votre journal. Avançons, avançons parce que le temps passe,
18 tout de même. Je reviendrai sur ce point un peu plus tard.
19 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président…
20 M. le Président (interprétation): Vous perdez du temps, mais nous devons
21 disposer de ces documents. Le témoin doit recevoir un exemplaire de cette
22 déclaration.
23 M. Groome (interprétation): Non, mais il n'y a pas de déclaration.
24 Monsieur Milosevic parle, en fait, du résumé de la déposition. Nous allons
25 vous en procurer un exemplaire plus propre que le mien, car j'ai déjà
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1 inscrit un certain nombre de notes sur mon exemplaire. Mais je fais
2 remarquer que le passage auquel M. Milosevic fait référence se trouve dans
3 le bloc-notes n°3, page 98 des notes du témoin. Il s'agit d'une réunion en
4 date du 21 novembre 1991?
5 M. Okun (interprétation): Oui, oui, très bien. Vous avez trouvé le
6 passage; effectivement page 98. Et je vais le lire rapidement pour gagner
7 du temps.
8 Il est question du Secrétaire Vance qui dit qu'il a reçu des rapports au
9 sujet d'opérations très inquiétantes de la part d'irréguliers serbes en
10 Bosnie. Et j'ai noté -entre parenthèses-: "A ce moment-là, le Président
11 Milosevic feint la surprise".
12 En effet, à mon avis, vous saviez ce qui se passait et vous prétendiez ne
13 pas le savoir.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, savez vous qu'aujourd'hui je
15 suis également très surpris. Si j'étais surpris en 1991, je le suis
16 également et beaucoup aujourd'hui. Quels sont les conflits qu'il y avait
17 en Bosnie, en novembre 1991? Il n'y avait pas de troupes paramilitaires en
18 Bosnie, rien ne passait en novembre 1991. Vous-même, vous avez dit que le
19 conflit a commencé après l'élaboration du plan Cutilheiro -nous en
20 viendrons d'ailleurs à l'établissement de ce fait- donc en mars 1992. Quel
21 est le conflit qu'il y avait en novembre 1991? De quelles tueries, de
22 quels crimes parlez-vous, en Bosnie, en novembre, en 1991? Tout le monde
23 serait surpris d'entendre ceci; pas seulement en 1991, mais ensuite,
24 également.
25 Quelle était la violence qu'il y avait en Bosnie à ce moment-là? C'était
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1 tout à fait le contraire. La Présidence de Bosnie-Herzégovine était encore
2 opérationnelle; elle travaillait, elle se composait de Musulmans, de
3 Serbes et de Croates. Les organes et institutions de la République
4 travaillaient. Tout le monde estimait qu'un accord serait atteint, et
5 qu'une solution équitable pour les trois communautés nationales, les trois
6 communautés ethniques, serait trouvée. Le plan Cutilheiro est arrivé
7 ensuite.
8 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, une question a été
9 posée au sujet du conflit en 1991. Je pense que le témoin devrait pouvoir
10 y répondre.
11 M. le Président (interprétation): Oui.
12 M. Okun (interprétation): Si je puis répondre, je dirai que nous avions
13 déjà entendu des informations au sujet de combats en Bosnie-Herzégovine.
14 Nous en avions déjà reçu en novembre. Je vous renvoie au bloc-notes n°2 de
15 mes carnets intitulé "Mission Vance", là où le Premier ministre de
16 Yougoslavie, Ante Markovic, a un entretien avec nous. On savait donc qu'il
17 y avait des combats en Bosnie.
18 M. Milosevic (interprétation): Mais qu'est-ce que qui se passait en
19 Bosnie? Vous aviez des informations au sujet de conflits ou
20 d'affrontements, en 1991? Qui a été tué en 1991?
21 M. Okun (interprétation): C'est le Premier ministre Markovic qui nous a
22 dit cela.
23 Question: Qui?
24 Réponse: Le Premier ministre Ante Markovic.
25 Question: Markovic vous a dit cela?
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1 Réponse: Oui.
2 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je suis encore aujourd'hui tout à
3 fait surpris que qui que ce soit ait pu prétendre et que la partie d'en
4 face puisse disposer d'informations quant au fait que de telles choses
5 aient existé en Bosnie à ce moment-là. La partie d'en face, cela fait dix
6 ans qu'elle essaie de traîner, devant ce Tribunal, des Serbes pour les
7 événements de Bosnie, et je ne suis pas au courant que quiconque ait été
8 mis en accusation pour avoir fait quelque chose, en Bosnie, en 1991.
9 M. le Président (interprétation): Le témoin ne peut répondre que par les
10 propos qu'il a déjà tenus. Il a déjà fourni sa réponse.
11 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
12 Dites-moi, je vous prie, Monsieur l'Ambassadeur, cette réunion, la réunion
13 où j'ai dit que la Serbie n'autorisait pas l'existence de forces
14 irrégulières -ce qui est vrai car elle n'existait nulle part en Serbie-,
15 vous ai-je dit également à ce moment-là que plus de 20 villages serbes de
16 Slavonie orientale avaient été incendiés? Vous souvenez-vous de cela?
17 M. Okun (interprétation): Vous avez dit que c'était le cas.
18 Question: Et ce jour-là, avez-vous entendu ma façon d'apprécier les
19 choses? Vous m'avez demandé mon aide auprès de la partie serbe, je veux
20 parler des Serbes de Croatie, et vous avez demandé mon aide pour que
21 l'armée accepte la Mission de surveillance internationale ou plutôt la
22 présence des forces de maintien de la paix des Nations Unies, c'est bien
23 cela?
24 Réponse: Oui, c'est exact.
25 Question: Donc est-il exact que j'ai fait connaître ma conviction que les
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1 Serbes n'avaient qu'un seul désir: le rétablissement de la paix; et qu'ils
2 souhaitaient une solution pacifique au problème qui se posait pour mettre
3 un terme aux violences auxquelles ils étaient exposés?
4 Réponse: Nous avons interprété votre acceptation du premier plan, dû à M.
5 le Secrétaire Vance et destiné à mettre en place une opération de maintien
6 de la paix, donc nous avons interprété cela comme étant un signe
7 d'assentiment de votre part. Que nous avons très bien accueilli, bien
8 entendu. Nous savions que, étant donné que vous l'aviez accepté, la JNA
9 marcherait sur vos traces –comme elle l'a fait d'ailleurs- et que les
10 dirigeants locaux serbes marcheraient également sur vos traces et
11 accepteraient ce plan également. Mon journal comporte de très nombreuses
12 références à tout cela.
13 Et je dirai -si vous me permettez de finir- que nous espérions que
14 l'installation imposée d'une force de maintien de la paix des Nations
15 Unies aboutirait à un règlement pacifique. L'opération de maintien de la
16 paix n'était pas un plan de paix; c'était simplement des dispositions
17 particulières sur le terrain destinées à permettre l'élaboration d'un plan
18 de paix. Malheureusement, celui-ci n'a pas pu être élaboré.
19 Question: Oui, malheureusement. Et précisément pour les raisons que j'ai
20 indiquées, pour ces raisons très précisément.
21 Le 18, avez-vous eu un entretien avec Kadijevic? A t-il parlé de la levée
22 du siège des casernes une nouvelle fois? Bien qu'il en ait déjà parlé avec
23 vous, n'est-ce pas. Est-ce que ce n'est pas ce qu'il a fait ce jour-là?
24 Réponse: Oui, en effet, la question de la levée du siège des casernes de
25 la JNA, et donc de la libération des soldats et de leurs familles, comme
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1 je l'ai déjà dit, était une des priorités principales pour le général
2 Kadijevic.
3 Question: Le 20 novembre, vous avez eu un entretien avec le général
4 Raseta. Est-il exact que ce jour-là il a évoqué très précisément, encore
5 une fois, le problème des officiers et des soldats de la JNA qui avaient
6 été encerclés depuis deux mois déjà, qui n'avaient aucune possibilité de
7 voir les membres de leurs familles, et qui étaient assiégés dans leurs
8 casernes par les forces paramilitaires croates? Ceci est-il exact ou pas?
9 Réponse: En fait, vous avez posé trois questions en une. Eh bien, Monsieur
10 Milosevic, permettez-moi de les reprendre l'une après l'autre.
11 Il est vrai que le 20 octobre, nous avons passé pas mal de temps à
12 l'intérieur de la "caserne du maréchal Tito" de Zagreb qui était
13 encerclée, et nous avons rencontré le général Raseta. Vous trouverez
14 d'ailleurs des notes dans le bloc-notes n°3 de mes carnets, et vous
15 trouverez mention de cela en pages 82 à 85. Donc, oui, nous avons passé
16 pas mal de temps avec les soldats à écouter leurs préoccupations, parce
17 qu'ils en avaient.
18 Et puis, pour répondre à la deuxième partie de votre question, relative au
19 fait qu'ils auraient été encerclés par des paramilitaires croates: je ne
20 sais pas, je n'ai pas d'information à ce sujet, eux ne nous ont pas dit
21 cela. Nous avons été emmenés à l'intérieur de la caserne cependant.
22 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Okun, vous considérez que
23 les forces serbes étaient des forces paramilitaires. Est-ce que vous
24 considérez les forces croates, à ce même moment, comme ayant constitué des
25 forces légales ou des forces paramilitaires?
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez répondre à cette
2 question, Monsieur l'Ambassadeur? Parce qu'apparemment, ce sera une
3 question à laquelle il faudra que nous, les Juges, nous répondions en fin
4 de compte. Quel était votre avis sur la question, à ce moment-là?
5 M. Okun (interprétation): La Croatie possédait une armée, une armée
6 constituée, une armée où il y avait des grades, une armée où les officiers
7 avaient un nom que chacun connaissait. Le général Anton Tus était le
8 commandant en chef de cette armée, je l'ai rencontré, et un grand nombre
9 d'autres personnes l'ont rencontré également. Donc, je ne pense pas que
10 qui que ce soit ait pu considérer ces hommes comme des paramilitaires.
11 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, votre réponse me suffit. Vous
12 considérez que la Croatie ne possédait pas de forces paramilitaires. Ce
13 qui veut dire que ses forces actives en 1990 étaient...
14 M. le Président (interprétation): Non! Ce n'est pas ce qu'a dit le témoin.
15 Prêtez attention à la réponse du témoin, je vous prie. Le témoin a dit ce
16 qui s'est passé lorsqu'il a pénétré à l'intérieur de la caserne. Il dit
17 qu'il estimait que ces hommes n'étaient pas des paramilitaires.
18 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous des informations au sujet de
19 l'existence de forces paramilitaires croates, Monsieur Okun?
20 M. Okun (interprétation): Oui, on m'a dit qu'un homme, répondant au nom de
21 "Paraga" et que je n'ai jamais rencontré, on m'a donc dit que, sous sa
22 direction, une petite bande d'hommes opposés au gouvernement croate,
23 oeuvraient sous ses ordres donc, et combattaient. Et je suis sûr qu'ils
24 ont commis un certain nombre d'actes…. Paraga était le chef de ce qu'il
25 était convenu d'appeler "le Parti des droits"; et ses troupes, ou plutôt
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1 le petit groupe qu'il dirigeait répondait au nom de "HOS". Moi, je n'ai
2 jamais rien vu de ce genre de mes yeux, mais on disait un peu partout, et
3 même très largement, que ce petit groupe était constitué d'Oustachis, tels
4 qu'on pouvait les définir au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais
5 tout cela, c'étaient des choses qu'on entendait, mais que l'on entendait
6 très largement lorsqu'il était question des activités de ce groupe. Il
7 était également dit que Paraga était opposé au Président Tudjman et au
8 Gouvernement de Croatie.
9 M. le Président (interprétation): Il faut que nous levions l'audience. En
10 fait, nous avons un peu dépassé l'heure. Mais, avant de déclarer la pause,
11 j'aimerais faire une annonce au sujet des dispositions du début du mois
12 d'avril, enfin de nos modalités de travail.
13 Nous allons modifier quelque peu les jours de travail prévus. Nous ne
14 siégerons pas le 4, et nous ne siégerons pas le 7 avril. Et nous
15 interromprons nos travaux un peu plus tôt que prévu. Mais nous siégerons,
16 en revanche, le 11 et le 14 avril. Donc, je pense que l'interruption de
17 nos travaux sera, de cette façon, plus logique.
18 Suspension de 20 minutes.
19 Je vous demanderai de revenir dans ce prétoire ensuite, Monsieur
20 l'Ambassadeur.
21 (L'audience, suspendue à 10 heures 36, est reprise à 11 heures.)
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous disposez encore
23 de deux heures pour contre-interroger ce témoin. Il nous faut terminer sa
24 déposition aujourd'hui. Il a dû rester à La Haye déjà longtemps. Essayez
25 d'en tenir compte. Merci.
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1 M. Milosevic (interprétation): Bon. Alors, profitons au moins du temps
2 jusqu'à la dernière minute de cette journée, parce que je dispose vraiment
3 de trop peu de temps pour le contre-interrogatoire de ce témoin, Monsieur
4 May.
5 Donc, Monsieur Okun, vous n'avez aucune connaissance semble-t-il. Si ce
6 n'est ce que vous mentionnez comme personne: à savoir Paraga, l'armement
7 des effectifs paramilitaires croates par le biais du parti au pouvoir, le
8 HDZ. Vous n'avez aucune connaissance des violences perpétrées contre les
9 civils serbes, la population serbe, tout au large de la Croatie, et ce,
10 par les bons soins de ces paramilitaires et de la police régulière croate.
11 Et ainsi de suite. Vous n'avez aucune connaissance de tout cela; je vous
12 ai bien compris?
13 M. Okun (interprétation): Essayons d'aborder chacun des points que vous
14 évoquez.
15 D'abord, il y a la question des paramilitaires. J'avais des connaissances,
16 on m'a informé de l'existence de Paraga et de ses effectifs, même si je
17 vous ai dit que, jamais, je ne les avais vus.
18 Deuxième point: est-ce que le gouvernement de Croatie et le HDZ les
19 avaient armés? Je n'ai aucune connaissance à ce propos.
20 Troisième point que vous avancez: des actes de violence auraient été
21 commis contre les Serbes habitant en Croatie. Vous m'aviez déjà posé cette
22 question auparavant, et j'avais répondu qu'effectivement j'avais
23 connaissance de ces faits, par ce que vous et d'autres dirigeants serbes
24 avez dit. Rappelez-vous, j'avais ajouté que les actes de violence commis
25 contre les Croates étaient plus importants que ceux commis contre les
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1 Serbes habitant en Croatie.
2 Question: Savez-vous combien de réfugiés étaient venus en Serbie depuis la
3 Croatie?
4 Réponse: Je ne connais pas le chiffre exact, je ne l'ai jamais connu.
5 Question: Et saviez-vous combien de Serbes, en Croatie toute entière, ont
6 été tués?
7 Réponse: Je sais ce que vous et d'autres nous ont dit, mais je ne pense
8 pas que vous nous ayez jamais fourni de chiffres, sauf à de très rares
9 occasions. C'est une déclaration dont nous avons, bien sûr, tenu compte.
10 Question: Bien. Quand on parle de cette réunion avec Raseta, je crois que
11 c'est précisément dans le contexte des efforts de déblocage des casernes;
12 et je crois que cela est dit dans votre journal, je vois qu'il est
13 intervenu dans ce sens. Si vous l'avez cité, je vous demande de limiter à
14 ce que je vous ai demandé, parce que le temps nous est très limité; vous
15 l'avez compris vous-même.
16 Donc n'est-il pas que, s'agissant de cette personne-là, elle avait établi
17 une corrélation entre ces blocus et ce qui s'était passé à Vukovar? Il
18 vous avait dit qu'il ne voulait pas que ce qui s'était passé à Vukovar…,
19 il ne voulait pas que cela se répète là? Donc n'est-il pas clair que ce
20 qui est arrivé à Vukovar a été dû à l'encerclement de la caserne et aux
21 violences importantes commises par ces effectifs paramilitaires croates
22 dont nous avons déjà parlé?
23 Réponse: D'une façon générale, c'est ce qu'il avait prétendu. Mais bien
24 sûr, nous avons été en mesure de voir de nos propres yeux ce qui s'est
25 passé à Vukovar. Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit, Monsieur
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1 Milosevic. Je suis d'accord avec vous: oui, effectivement, il ne faut pas
2 ici répéter ce qui a déjà été dit, il nous faut avancer. Mais je crois que
3 j'ai fait un rapport circonstancié de la destruction totale de Vukovar.
4 Question: Mais à part Paraga, avez-vous entendu parler de Mercep et de ces
5 criminels qui ont massacré des Serbes dans le secteur de Vukovar? Et
6 s'étaient plaints d'eux même les représentants du gouvernement croate; à
7 savoir l'émissaire du Gouvernement croate, M. Marin Vidic, a écrit à
8 l'intention du Président croate à sujet? Le saviez-vous? Et lui était chef
9 ou représentant légal des effectifs qui avaient été placés là par le
10 gouvernement croate; et il s'agissait notamment de ce Mercep qui a commis
11 des crimes. Avez-vous entendu parler de la chose ou pas?
12 Réponse: Nous avons entendu, reçu divers rapports de ce genre.
13 Question: Oui. Vous avez eu également une rencontre avec Kadijevic le 21
14 novembre à Belgrade. A ce moment-là, vous avez parlé et évoqué Vukovar.
15 N'est-il pas vrai que Kadijevic vous a indiqué ce qui se passait à Vukovar
16 à ce moment-là, déjà? Il avait précisé que la caserne avait été assiégée
17 pendant deux mois, sans vivres et sans eau, et que la population elle-même
18 avait demandé, avait réclamé une aide de l'armée à l'intention de ces
19 gens-là? N'est-ce pas ce que vous avez indiqué vous-même dans votre
20 journal?
21 Réponse: Si. Oui, c'est l'essentiel, c'est la teneur générale de ces
22 commentaires.
23 Question: N'avez-vous pas dit également que vous m'aviez dit à moi que
24 Kadijevic était d'accord avec la solution pacifique, et je vous ai
25 rétorqué que cela était une fort bonne chose?
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1 Réponse: Oui, effectivement, nous étions satisfaits de voir Kadijevic
2 suivre cette ligne qui était la vôtre. Oui, nous étions contents que le
3 général Kadijevic…
4 M. Milosevic (interprétation): N'est-il pas exact que vous m'avez dit que
5 lui, Kadijevic, vous a dit à vous que l'armée se retirerait de Croatie dès
6 que les garnisons seraient débloquées? Et je vous ai dit, moi-même,
7 "parfait"?
8 Réponse: Je l'ai déjà dit, la levée des encerclements au siège de
9 garnison, c'était la préoccupation principale du général Kadijevic. Il
10 nous a effectivement assuré de ce que les combats allaient cesser, que la
11 JNA allait arrêter ses activités militaires dès que le siège des garnisons
12 serait levé. C'est exact.
13 M. Okun (interprétation): Je suis notamment en train de lire dans votre
14 bloc-notes. Cyrus Vance a dit: "Kadijevic a été d'accord", et j'ai dit:
15 "Parfait". Monsieur Cyrus Vance a dit: "Kadijevic a dit que la JNA se
16 retirerait de toute la Croatie une fois que les garnisons seront
17 débloquées". Puis, ensuite, moi, j'ai dit: "Excellent!".
18 Et ensuite, vous parlez du moment où j'aurais feint la surprise concernant
19 la présence de forces irrégulières serbes en Bosnie. Et c'est là une
20 réunion... Je n'arrive pas à retrouver la date précise. Je crois que c'est
21 précisément cette date-là, la date du mois de novembre.
22 Je vois la date de la réunion. Mais nous pouvons aller de l'avant.
23 M. Groome (interprétation): Il s'agit du 21 novembre.
24 M. Milosevic (interprétation): 21 novembre 1991. Donc s'il en est ainsi,
25 s'il en est ce que nous avons cité, vous m'avez dit ce que Kadijevic vous
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1 a raconté et il a été d'accord pour ce faire. D'où, alors, tenez-vous
2 l'idée que c'est moi qui était la personne qui contrôlait Kadijevic et qui
3 avait l'armée sous son commandement?
4 Vous m'avez informé… Ou plutôt, Cyrus Vance m'a informé et m'a dit que
5 Kadijevic était d'accord. J'ai dit: "Excellent". Il avait affirmé qu'il se
6 retirerait dès qu'il y aurait déblocage; j'ai dit "parfait". Donc d'où,
7 partant de là, suite à toutes ces années-là, il se peut que vous tiriez
8 une conclusion qui est celle d'un contrôle exercé par moi sur Kadijevic et
9 sur l'armée?
10 M. Okun (interprétation): Cette conclusion, nous l'avons tirée à l'époque
11 et pas beaucoup d'années plus tard.
12 Je rappelle à l'intention des Juges la conversation que nous avions eue le
13 18 novembre, au moment où le Secrétaire d'Etat Vance et moi-même nous
14 avions présenté le plan de paix pour la première fois à celui qui était
15 alors le Président Milosevic. Celui-ci ayant dit: "Oui, c'est très bien
16 pour nous –là, je rapporte un peu ses propos-, vous n'aurez pas de
17 problème".
18 Et nous avons répété la même chose au général Kadijevic, que nous avons
19 ensuite rencontré. Même si nous, nous n'avions pas auparavant indiqué au
20 général Kadijevic ce que nous étions sur le point de dire.
21 Lorsque, trois jours plus tard, Vance dit à M. Milosevic ceci: "Kadijevic
22 a marqué son accord", il faisait état de l'accord du 18 qui avait suivi
23 l'accord préalable de M. Milosevic, du Président Milosevic. Et c'était une
24 forme de synthèse, si vous voulez, tout simplement, parce que nous nous
25 étions dit que M. Milosevic le savait. Pourquoi ne le saurait-il pas?
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1 Pourquoi est-ce qu'il ne saurait pas?
2 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, mais….
3 M. le Président (interprétation): Laissez-le terminer.
4 M. Okun (interprétation): Par conséquent, ce n'est pas M. Vance qui
5 informe le Président Milosevic du consentement donné par le général
6 Kadijevic; c'est une simple confirmation qu'il fait de quelque chose dont
7 nous nous étions dit et dont nous savions que c'était vrai. C'était en
8 guise d'introduction que ceci avait été dit.
9 M. Milosevic (interprétation): Si nous recourons à cette logique, Monsieur
10 Okun, déjà à la première réunion avec Kadijevic, je crois que l'armée
11 avait affirmé qu'elle était favorable à une solution pacifique, qu'elle
12 souhaitait éviter la guerre. La position de l'armée visait à éviter la
13 guerre. La position de la Serbie visait à éviter la guerre et à résoudre
14 les choses de façon pacifique en Yougoslavie. Par voie de son conséquence,
15 comment pouvez-vous placer cela en corrélation avec un contrôle éventuel
16 de ma part si, au niveau fédéral et si au niveau de la République, toutes
17 ces personnes-là étaient contre la guerre?
18 M. Okun (interprétation): Ici, se pose la question de ce qui est dit et de
19 ce qui est fait: les mots et les actes. Nous avons toujours prêté une
20 oreille attentive. Je l'ai noté, et vous avez cité les rubriques de mon
21 carnet. Je ne me contente pas d'y consigner ce que j'ai dit. J'ai essayé
22 d'être le plus fidèle s'agissant des choses importantes qui nous ont été
23 dites. Mais, bien sûr, il faudra comparer ceci et vérifier ceci au regard
24 des faits qui se produisent sur le terrain.
25 Je vous donne un exemple: la garnison de Vukovar. Vous nous avez dit que
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1 c'était la raison ostensible du siège de la JNA. Au cours de ce siège qui
2 a duré trois mois, une ville de 50.000 à 60.000 habitants a été réduite à
3 l'état… a été détruite de fond en comble. Nous avons vu à ce moment-là la
4 garnison; elle était toute petite, elle était pratiquement intacte. Et M.
5 Jovic, l'ancien Président du pays, a fait état de ceci dans le livre qu'il
6 a consacré au démantèlement de la Yougoslavie. Il a dit que la garnison,
7 elle avait été libérée le 21 septembre; c'est ce que dit M. Jovic, j'ai lu
8 son livre.
9 Et si la garnison avait été libérée effectivement au mois de septembre
10 1991, la question qui se pose est forcément celle-ci: pourquoi ce siège
11 qui se poursuit, ces destructions qui se poursuivent jusqu'au 18 novembre,
12 pendant près de deux mois de plus?
13 C'était simplement une illustration pour vous montrer la différence qu'il
14 y a entre les mots et les actes.
15 M. Milosevic (interprétation): Ça, pour ce qui est du livre de Jovic, il
16 ne peut s'agir que d'une erreur de frappe, parce qu'il est impossible
17 qu'il ait pu affirmer ce genre de chose, d'après les renseignements dont
18 je dispose. Mais comme l'armée était là-bas, je crois que l'interlocuteur
19 le plus approprié pouvait être le général Kadijevic et non pas moi ou
20 Jovic, pour ce qui est de ce qui se passait là-bas.
21 Réponse: C'est ce que je vous entends dire.
22 M. Milosevic (interprétation): Dans le résumé que l'on m'a communiqué –je
23 ne sais comment on l'appelle déjà- "déposition officielle", en parlant de
24 la réunion où je vous avais indiqué que j'étais le seul représentant des
25 intérêts serbes et que vous étiez venu dans mon bureau à moi, et là, vous
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1 indiquez que dans le courant de cette réunion, Milosevic a présenté les
2 observations suivantes démontrant qu'il exerçait le contrôle sur la police
3 serbe concernant la situation politique et militaire de Bosnie-
4 Herzégovine.
5 Donc, les remarques que j'aurais présentées ont été considérées comme des
6 preuves disant que j'exerçais le contrôle. Et on a dit: "a)"… Puisque vous
7 citez les observations qui vous ont permis de déduire que j'exerçais le
8 contrôle moi-même; alors que vous m'aviez demandé de vous aider.
9 (Interruption du Président.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous êtes en train
11 d'interroger le témoin, et ça semble s'éterniser. Est-ce que vous faites
12 référence à ces tableaux que nous avons reçus, dans lesquels sont
13 répertoriés des déclarations et des événements? C'est à ça que vous faites
14 référence?
15 M. Milosevic (interprétation): 0304413. Il s'agit d'une traduction. On
16 dit: "Déposition officielle de l'ambassadeur Herbert Stuart Okun". Et
17 ensuite, il n'y a là que quelques points d'énumérés, cinq points. Et on
18 dit: "Signé…"
19 (Interruption du Président.)
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, pouvez-vous nous aider?
21 A quoi faisons-nous référence?
22 M. Groome (interprétation): Ceci faisait partie des documents de
23 confirmation. J'ai une copie à l'attention des Juges de la Chambre et de
24 l'ambassadeur. C'est une déclaration…
25 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin devrait l'avoir
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1 pour voir à quoi il est fait référence.
2 Poursuivez, Monsieur Milosevic.
3 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, vous dites, au point 3, que
4 j'ai fait des observations qui laissaient entendre que j'exerçais un
5 contrôle pour ce qui est de la situation politique et militaire en Croatie
6 et en Bosnie-Herzégovine. Voyons quelles sont donc ces observations.
7 Vous dites: "a) pour ce qui est du responsable des Serbes en Slavonie,
8 Goran Hadzic, Milosevic a déclaré essentiellement que celui-ci était
9 d'accord en principe avec la mise en place de forces de maintien de la
10 paix des Nations Unies en Croatie, et que Goran Hadzic ne s'opposerait pas
11 à cela. Lorsqu'on a demandé à Slobodan Milosevic de fournir une carte ou
12 une liste des localités où il y avait des Serbes en Croatie, il a déclaré
13 qu'il demanderait cela à Goran Hadzic, donc qu'il demanderait ce type de
14 carte à Goran Hadzic pour vous aider". Donc si tant est que je vous avais
15 dit que j'allais lui demander de vous fournir cette carte, pourquoi cela
16 ou en quoi cela servirait-il de preuve que j'exerçais un contrôle sur lui?
17 Si vous me demandiez une carte, que je n'avais pas, pourquoi, si je lui
18 demandais de vous la fournir, cela prouverait-il telle chose?
19 M. Okun (interprétation): Il y a plusieurs choses ici, plusieurs choses
20 qui ont indiqué le pouvoir que vous aviez sur Hadzic. Il y a ce
21 commentaire selon lequel il allait faire quelque chose que nous, nous vous
22 demandions de faire; là c'est un commentaire normal. A l'évidence, le
23 Président de Serbie devait vaquer à d'autres choses que simplement nous
24 fournir une carte; c'est ce que l'on demande à un subordonné de faire.
25 Permettez-moi de mentionner autre chose. Au cours de cette même réunion,
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1 lorsque M. Vance vous a d'abord demandé ce qu'il en était de Goran Hadzic;
2 vous avez répondu que c'était un jeune homme, gentil, un jeune homme bien
3 -c'est ce que j'ai consigné dans mes notes-, et je pense que c'était là
4 une description exacte de l'attitude que vous aviez envers cet homme, que
5 c'était un jeune homme bien, qui ferait ce qu'on lui demandait de faire.
6 Il y a eu de nombreuses indications de cet état de chose. Rappelez-vous
7 qu'à un moment donné -et j'ai déjà abordé ce point dans ma déposition-,
8 vous avez dit qu'on n'aurait aucune difficulté avec Hadzic et Babic. Vous
9 m'avez dit: "Croyez-moi".
10 M. Milosevic (interprétation): Précisément, c'est ce que je vous demande.
11 Est-ce que vous supposez, compte tenu du fait qu'il n'est pas contesté que
12 ce n'est pas moi qui ai nommé Hadzic et Babic, ils ont été présidents élus
13 de leur région, élus par leurs assemblées respectives. Bien entendu, par
14 la suite, ils ont contacté la Serbie en premier lieu, pour demander de
15 l'aide, parce qu'ils étaient très pauvres, démunis. Donc, se peut-il que
16 j'ai demandé, au préalable, à Hadzic quelle était son opinion? Et se peut-
17 il que je me sois employé en faveur de l'adoption de telle solution? Il ne
18 s'agirait donc pas de contrôle ou de fonction de donneur d'ordre que
19 j'aurais pu exercer à son égard. Quelle fonction de donneur d'ordre
20 pouvais-je avoir au niveau d'organes qui ont été élus à l'extérieur de la
21 Serbie et qui ont été élus sans que je le sache? Je ne les connaissais pas
22 avant que je devienne ce qu'ils sont devenus, à savoir les Présidents de
23 ces Régions autonomes, là?
24 Donc pouvez-vous admettre qu'il se pourrait que je me sois entretenu avec
25 eux, que je leur aie fait suggestions, qu'ils soient tombés d'accord? Et
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1 je vous ai dit, par voie de conséquence, que cela ne causerait pas de
2 problèmes parce que je savais d'ores et déjà qu'ils étaient d'accord. Et
3 vous étiez venu me voir pour vous aider à obtenir leur accord; vrai ou
4 faux? Vous avez précisé vous-même que je vous avais répondu que j'allais
5 m'entretenir avec eux. Je me suis entretenu avec eux, ils sont tombés
6 d'accord. Vrai ou faux?
7 M. le Président (interprétation): Le moment est venu de poser une
8 question.
9 M. Okun (interprétation): Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu, Monsieur
10 le Président.
11 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je m'adressais à l'accusé.
12 Quelle est la question que vous posez?
13 M. Milosevic (interprétation): Donc admettez-vous qu'il se peut que, suite
14 à votre demande de m'entretenir avec eux, je me sois entretenu avec eux et
15 que j'aie mis sur la balance la considération et le poids que j'avais pour
16 faire accepter ce plan, partant de ce que j'avais eu comme entretiens avec
17 vous, mais pas partant d'ordres que je leur aurais éventuellement donnés?
18 M. Okun (interprétation): Voici comment nous avons compris les choses. Les
19 deux choses étaient vraies: la première chose, que vous aviez parlé avec
20 ces hommes et, deuxièmement, que vous aviez en fait une position
21 d'autorité et qu'eux suivaient vos instructions?
22 M. Milosevic (interprétation): La situation au terme de laquelle Babic
23 avait refusé d'accepter ce plan-là ne vous illustre-t-elle pas
24 suffisamment le fait que les modalités de mes efforts étaient de nature de
25 ne pas pouvoir leur donner d'ordres. Je ne me suis servi que de moyens
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1 politiques et publics en m'adressant...
2 M. le Président (interprétation): Non. Ça, c'est la question que vous
3 posez. Le fait que Babic a refusé d'accepter ce plan, est-ce que cela ne
4 montre pas qu'en dépit de ses tentatives, M. Milosevic ne pouvait pas
5 donner d'ordre à ces hommes?
6 M. Okun (interprétation): Par la suite, Babic a eu un accident très grave.
7 Je n'en tire pas de conclusions, mais le résultat fut celui-ci, après
8 tout: avec la levée de l'encerclement de la garnison, ce qui est intervenu
9 tout à la fin de l'année 1991, l'opération de maintien de la paix, via
10 l'accord de mise en oeuvre du 2 janvier 1992, est entrée dans les faits.
11 Et c'est ainsi qu'a commencé l'opération de maintien de la paix.
12 Me permettez-vous d'apporter un commentaire à la question de l'autorité et
13 des titres, dans l'intérêt de la Chambre?
14 M. le Président (interprétation): Soyez bref, s'il vous plaît.
15 M. Okun (interprétation): Je le promets. Et je fais ce commentaire sans
16 vouloir faire de comparaison ou sans vouloir faire preuve d'un manque de
17 respect.
18 Voici mon commentaire: de 1929 à 1953, Joseph Staline n'avait pas de
19 fonctions officielles en Union soviétique; il était le secrétaire général
20 du Parti communiste, un point c'est tout. Il n'était pas le Président du
21 pays, ni rien d'autre, j'en passe et des meilleures. Nous savons bien qui
22 dirigeait l'Union soviétique de 1929 à 1953; c'était un homme qui n'avait
23 aucune fonction, aucun poste officiel. Je vous remercie.
24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que nous pouvons continuer?
25 M. le Président (interprétation): Oui.
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1 M. Milosevic (interprétation): N'avez-vous pas noté vous-même, Monsieur
2 Okun, dans votre carnet de notes sur les entretiens… et là, je n'arrive
3 plus à retrouver, une fois de plus, quelle était la date précise.
4 M. le Président (interprétation): Donnez-nous la page ou la date.
5 M. Milosevic (interprétation): 1er au 9 décembre. Puis on dit
6 "Milosevic/Jovanovic. 2 décembre…" Oui, 2 décembre. Je dis que
7 j'utiliserai toute l'influence que je puis avoir, mais que je ne suis pas
8 leur maître à eux. Et j'étais certain qu'ils allaient tenir leurs
9 promesses. J'ai dit que j'allais utiliser mon influence, que je ne n'étais
10 pas leur maître, mais que j'étais certain qu'ils allaient tenir leurs
11 propres promesses. C'est ce qui est dit dans votre propre journal?
12 M. Okun (interprétation): Effectivement, à la page 33. Et votre influence
13 était considérable, très considérable.
14 M. Milosevic (interprétation): Mais il découle de ceci, Monsieur Okun, que
15 Cyrus Vance et vous-même étiez venus me voir pour me demander mon aide et
16 mon soutien pour que la partie serbe en Croatie accepte des opérations de
17 maintien de la paix des Nations Unies.
18 Je vous ai fourni cette aide et ce soutien. J'ai mis sur la balance toute
19 l'autorité que j'avais. Et maintenant, cela devient le plus gros des
20 défauts de ma part, parce que cela prouve que je les avais placés sous mon
21 contrôle. Donc au lieu de me remercier de l'aide que je vous ai apportée
22 pour les forces de maintien de la paix, vous m'accusez maintenant d'avoir
23 eu sous mon contrôle les choses dans la Krajina et en Bosnie-Herzégovine
24 et ainsi de suite. C'est bien ce que vous voulez dire?
25 M. le Président (interprétation): Allons donc, Monsieur Milosevic. Vous
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1 savez que vous n'êtes pas autorisé à faire ce genre de commentaire. Libre
2 à vous de poser des questions au témoin. Il a convenu du fait qu'il avait
3 demandé votre aide, votre soutien. Vous ne pourrez pas aller plus loin que
4 cela. Le reste, c'est du commentaire.
5 M. Milosevic (interprétation): Moi, j'ai demandé si c'était vrai ou pas,
6 rien d'autre.
7 M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas une question que vous
8 avez posée!
9 M. Milosevic (interprétation): Donc, suite à votre demande, je me suis
10 engagé auprès de l'une et de l'autre de ces autorités, de ces Régions
11 serbes autonomes; j'ai mis sur la balance mon autorité, la considération
12 que j'avais, pour aider les opérations de maintien de la paix. Et vous
13 tirez de là la conclusion que ces gens-là étaient placés sous mon
14 contrôle. Est-ce que vous estimez que cela est logique ou pas?
15 M. Okun (interprétation): Est-ce que c'est une question? Vous me demandez
16 si, à mon avis, c'était logique?
17 M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas une question; c'est un
18 autre commentaire qui est fait ici.
19 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Savez vous, alors... Voilà. Le
20 23 janvier 1992, Jovic, lorsqu'il vous avait dit combien de soldats ont
21 été tués et combien d'incidents il y a eu en Croatie, vous a précisé qu'il
22 y avait un problème avec les chefs, les responsables des Serbes locaux. Et
23 il vous avait demandé votre aide à vous pour influer sur eux. C'est vrai,
24 n'est-ce pas?
25 M. Okun (interprétation): Excusez-moi. On parle de quelle date, ici?
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1 Question: Le 23 janvier 1992, le Président de la Présidence, M. Jovic,
2 vous a indiqué qu'il fallait que vous influiez sur eux, parce que nous ne
3 pouvions pas, seuls, aboutir aux résultats escomptés, si vous ne prenez
4 pas, de votre côté, part active, et engagement actif pour ce faire?
5 Réponse: Effectivement, à la page 43, je vois que Jovic dit: "Nous avons
6 besoin de votre aide pour dire aux gens qu'il sera possible de trouver une
7 solution politique."
8 M. Milosevic (interprétation): Penchez-vous maintenant, je vous prie, sur
9 ce que j'ai sous les yeux, le rapport du Secrétaire général des Nations
10 Unies, conformément à la résolution du Conseil de sécurité 721, daté de
11 1991, où il est dit au point 4 et il est question des activités de Marrack
12 Goulding. Vous vous souvenez de Marrack Goulding et de son rôle dans les
13 préparatifs des opérations de maintien de la paix? Il était allé dans la
14 Slavonie de l'Est et dans la Slavonie de l'Ouest, à Knin.
15 Dans le rapport du Secrétaire général, il est dit: "Avec les chefs, les
16 responsables des communautés serbes, il y a eu rencontre suite à des
17 demandes formulées par la direction fédérale et la direction de la
18 République. Monsieur Goulding était censé fournir, à ses responsables, des
19 explications ultérieures concernant la réalisation, la mise en place du
20 plan des Nations Unies et apporter ses réactions concernant les
21 préoccupations qu'ils avaient formulées, en corrélation avec lesdits
22 plans". (Fin de citation.)
23 Est-ce bien ainsi que cela s'est fait?
24 M. Okun (interprétation): Ce rapport du Secrétaire général, il est à
25 quelle date?
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1 Question: 4 février 1992, lorsqu'il y a eu des problèmes. Vous vous
2 souvenez des difficultés que nous avons eues avec eux, en dépit de
3 l'influence que nous avions employée pour ce qui est de faire mettre sur
4 pied des forces de maintien de la paix? Ce n'était pas une chose simple,
5 mais c'était une chose des plus complexes.
6 Ici, on parle du rapport du Secrétaire général des Nations Unies, c'est
7 quelque chose qui est daté du 4 février. Au point 4, il est dit: "Monsieur
8 Goulding a eu des entretiens à Belgrade, le 26 janvier 1992". Puis, ainsi
9 de suite, et ainsi de suite.
10 Et le 29 janvier, il a eu d'autres consultations, et ainsi de suite, ainsi
11 de suite. Et puis, il est allé rencontrer les directions des trois régions
12 concernées, pour ce qui est de la protection des Nations Unies. Je pense
13 que la chose n'est guère contestée. Donc, s'agissait-il là d'efforts
14 concertés entre la direction fédérale et la direction de la République de
15 Serbie, pour ce qui est d'une manifestation de leur propre influence ou un
16 exercice de leur influence aux fins de faire en sorte que les directions
17 de ces régions-là soient convaincues de l'acceptation ou de la nécessité
18 d'accepter ces opérations de maintien de la paix, sans porter préjudice
19 aux solutions politiques ultérieures, mais pour permettre que ces
20 solutions politiques soient trouvées dans des conditions de paix.
21 Et c'était notre objectif à nous, notre souhait à nous, à savoir que
22 d'aboutir à des solutions en condition de paix. Est-ce là chose contestée
23 ou pas?
24 Réponse: Non, non, non. Cela ne fait pas l'objet de contestation. Mais,
25 j'aimerais, si vous me le permettez, revenir au premier argument que vous
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1 avez invoqué, s'agissant de cette visite.
2 Vous vous souviendrez, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, que
3 l'accord de mise en œuvre est daté du 2 janvier 1992? Monsieur Vance, moi-
4 même, le Secrétaire général, le conseil juridique, étions d'avis qu'un
5 délai de six semaines environ serait nécessaire pour que l'on puisse
6 apprécier la situation sur le terrain avant que le Conseil ne vote
7 l'arrivée d'une force de maintien de la paix. Comme nous le savons, à
8 partir de la situation du moment -si je puis la qualifier ainsi- toute
9 prise de décision par le Conseil de sécurité est une chose très grave.
10 Donc, personne ne souhaitait un vote en faveur d'une force de maintien de
11 la paix si le cessez-le-feu ne tenait pas. C'est la raison pour laquelle
12 la Communauté européenne, à l'automne 1991, avait déclaré je ne sais plus
13 combien de cessez-le-feu d'ailleurs. Quinze, vingt? Finalement, on a perdu
14 le compte, parce qu'il y en a eu un nombre très important qui, pour la
15 plupart, n'ont pas duré très longtemps. Même pas le temps de laisser
16 sécher l'encre sur le papier sur lequel ces accords étaient consignés.
17 Tout le monde était très sceptique au sujet des cessez-le-feu. Donc, nous
18 avons donc décidé de laisser passer un délai de cinq ou six semaines. Le
19 cessez-le-feu des Nations Unies, la cessation des hostilités grâce au
20 Secrétaire Vance a fonctionné à ce moment-là, l'accord a tenu. Pendant
21 cette période, il y a eu, bien sûr, quelques actes isolés de violence,
22 comme c'est forcément toujours le cas. Donc, nous avons fait appel à des
23 hommes responsables du maintien de la paix, pour vérifier la situation sur
24 place, et remplir toutes les conditions prévues au plan de paix, et voir
25 comment les choses pouvaient fonctionner au mieux. Enfin, tout ce qui
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1 constitue une opération de maintien de la paix a été fait.
2 Ne perdez pas de vue qu'il n'y avait jamais eu une opération de maintien
3 de la paix sur le territoire du continent européen, dans toute l'histoire.
4 C'était la première opération de maintien de la paix qui se déroulait sur
5 ce continent, depuis la création des Nations Unies.
6 Il était tout à fait compréhensible que les gens ne savaient pas très bien
7 comment cela se passait. Et le Secrétaire général, d'ailleurs, décrit dans
8 son rapport intérimaire au Conseil de sécurité ce qu'il en est; M.
9 Milosevic a très correctement fait un certain nombre de citations de ce
10 rapport. Et la date aussi est quelque chose d'important.
11 Le 2 janvier était la fin des hostilités grâce aux dispositions prises par
12 le Secrétaire Vance. C'est quatre semaines, voyez-vous, quatre semaines
13 plus tard que le début de la période de test. Et 17 jours plus tard, le
14 Conseil de sécurité a agi en adoptant la Résolution 743.
15 Donc, vous voyez, ce rapport était un rapport intérimaire. Je répète que
16 la citation faite par M. Milosevic correspond tout à fait à la réalité.
17 Question: Très bien. Très bien, Monsieur Okun. Je ne pense pas qu'il y ait
18 quoi que ce soit de contestable dans tout cela. Je souhaiterais simplement
19 obtenir confirmation du fait que la direction fédérale et la direction de
20 Serbie ainsi que moi-même personnellement, étions tous investis en faveur
21 de l'application du plan, donc en faveur d'une mise en œuvre du plan
22 destiné à mettre un terme à la guerre, et à rechercher une solution
23 politique dans des conditions pacifiques. Je suppose qu'il n'y a pas de
24 contestation sur ce point?
25 Réponse: Non, pas de contestation.
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1 Question: Merci. Je vais encore jeter un coup d'œil sur ce document. Dans
2 votre résumé de déposition, vous dites quelques mots de Dubrovnik. Il est
3 vrai que le 1er décembre 1991, l'amiral Brovet, le général Kadjevic et
4 Borislav Jovic qui était alors Président, lors d'une rencontre, vous ont
5 apporté des explications selon lesquelles la ville était démilitarisée
6 depuis 20 ans, et qu'il s'agissait donc d'une provocation de la part de la
7 Croatie évidemment?
8 Réponse: Je crois que c'est ce qu'ils ont dit.
9 Question: Dans cette déclaration émanant de vous, il est dit en date du 2
10 décembre 1991, Cyrus Vance déclare:
11 (en anglais): Je cite: "-Puis-je être assuré qu'il n'y aura pas pilonnage
12 de Dubrovnik?
13 -Kadijevic: Dubrovnik n'a pas été attaquée.
14 -Cyrus Vance: Mais les autres secteurs, oui.
15 -Kadijevic: Nous avons démilitarisé Dubrovnik il y a 20 ans. Laissez les
16 Croates refaire ce qu'ils ont l'habitude de faire, c'est de la propagande
17 croate; grâce à une grenade à main, ils en font beaucoup." (Fin de
18 citation.)
19 Et il promet qu'il va procéder à des vérifications, voir ce qui se passe,
20 etc.
21 Et puis, en tout état de cause, vous parlez aux dirigeants fédéraux de
22 Dubrovnik, n'est-ce pas? Avec l'armée aussi?
23 Réponse: Nous avons parlé avec la direction fédérale et nous avons parlé
24 avec la direction de la JNA. Mais nous n'avons pas parlé à Dubrovnik; nous
25 les avons rencontrés à Belgrade.
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1 M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, à Belgrade. Mais le même jour,
2 vous êtes venu me voir avec le ministre Jovanovic, il était avec moi. Et
3 Vance a dit ce qui suit -il était mécontent, il était déçu du fait que les
4 Accords du 11 au 23 à Genève n'avaient pas été totalement mis en œuvre-:
5 "Moi aussi, j'appellerai…"
6 Je ne sais pas ce qu'il dit plus loin, j'ai du mal à lire. Qu'est-ce qui
7 est écrit?
8 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de finir.
9 M. Okun (interprétation): En quelle page sommes-nous?
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, quelle est la page
11 que vous citez? Elle correspond à quelle date? Le 2 décembre, je pense?
12 M. Milosevic (interprétation): Le 2 décembre. 2 décembre. De 12 heures 13
13 à 13 heures 30, selon mes notes. Dans mon bureau, en présence de
14 Jovanovic.
15 M. Okun (interprétation): Un instant, je vous prie.
16 M. Groome (interprétation): Cela se trouve en page 30 du carnet n°4.
17 M. Okun (interprétation): Merci. Oui, oui, Vance dit qu'il a eu un bon
18 entretien avec Kadijevic: "Nous devrons travailler encore un certain
19 nombre de choses. Il va nous falloir appeler Tudjman" –ce qui veut dire
20 que Vance appellera le Président Tudjman- "Nous devrons tous travailler
21 très dur."
22 M. Milosevic (interprétation): Cyrus Vance m'a demandé ce qui se passait
23 en Dalmatie. Ma réponse est que: "Nous n'avons rien à voir avec Dalmatie".
24 De même que nous n'avions rien à voir avec la Dalmatie à ce moment-là,
25 n'est-ce pas?
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1 M. Okun (interprétation): C'est ce qui est indiqué dans le journal, oui.
2 Question: Très bien. Le 4 décembre, une nouvelle fois, vous rencontrez
3 Brovet. Il vous dit que Dubrovnik a été démilitarisée, pour qui concerne
4 la JNA en tout cas, mais que ces armes devaient être retirées de Dubrovnik
5 et que, pour cela, il fallait lever le siège des casernes; à savoir que
6 vous-même, vous écrivez dans votre journal que vous avez eu une
7 conversation avec Brovet. D'abord, vous aviez rencontré Jovic, Kadijevic,
8 puis vous aviez appris l'évolution des choses et, le même jour, vous êtes
9 venu me voir dans mon bureau, vous m'avez demandé ce qui se passait en
10 Dalmatie. Je vous ai dit que la Serbie n'avait rien à voir avec cela. Et,
11 une nouvelle fois, vous avez rencontré Brovet qui vous a expliqué ce qui
12 se passait à Dubrovnik.
13 Donc vous avez discuté de cela avec les représentants de l'armée?
14 Réponse: Oui, nous avons discuté de cette question de façon approfondie;
15 c'était notre tâche.
16 Je devrai également dire en rapport avec cette question -puisque nous
17 sommes en train de parler des premiers jours du mois de novembre (sic)-
18 que le 6 décembre, Dubrovnik a reçu le plus grand nombre d'obus qu'elle
19 ait jamais reçu pendant toute la guerre. Le pilonnage a duré deux jours.
20 C'est au même moment que Dubrovnik a été pilonnée à partir de la terre et
21 de la mer, si je ne m'abuse.
22 Question: Oui, mais...
23 Réponse: Donc lorsque l'amiral Brovet nous a dit, quelques jours avant,
24 que le pilonnage cesserait, il est de mon devoir de rappeler à la Chambre
25 que deux jours plus tard, le pilonnage s'est grandement accru plutôt qu'il
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1 n'a décru, et que la marine s'est trouvée impliquée. Je ne dis pas qui a
2 donné ces ordres à la marine, mais nous savons qui a bombardé Dubrovnik à
3 partir de la mer.
4 Question: Monsieur Okun, tout ce que je me contente de faire, c'est
5 examiner un aspect de la question.
6 Vous parlez de la direction fédérale. Vous avez parlez de l'armée, vous
7 avez discuté avec les représentants de l'armée de la question de
8 Dubrovnik.
9 Lorsque vous êtes venu me voir avec Cyrus Vance ce même jour, Cyrus Vance
10 m'a demandé si je savais quoi que ce soit au sujet de la Dalmatie; et j'ai
11 répondu que nous n'avions rien à voir avec la Dalmatie, que les Serbes
12 n'avaient rien à voir avec la Dalmatie. Et puis vous avez continué, bien
13 sûr, à communiquer avec l'armée ou plutôt avec la direction fédérale sur
14 ces questions; cela ne fait l'objet d'aucune contestation.
15 Je pense que nous pouvons avancer parce que j'aimerais aller le plus vite
16 possible. Manifestement, je vais manquer de temps pour vous poser toutes
17 les questions que je souhaiterais vous poser.
18 Le 1er décembre, donc, est-ce que, dans notre discussion, j'ai parlé du
19 grand nombre de réfugiés provenant de Slavonie; et j'ai dit que c'était un
20 problème important, le fait que la partie croate soit la seule à vouloir
21 la poursuite de la guerre, et qu'en fait c'était Genscher qui souhaitait
22 que la guerre continue. Et vous avez consigné cela dans votre journal.
23 Est-ce que c'est bien ce que j'ai dit ou pas? Répondez par oui ou non,
24 simplement, et puis nous pourrons avancer.
25 Réponse: Vous parlez de la rencontre du 1er décembre. Selon mon souvenir,
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1 mais je voudrais le confirmer à la lecture du texte, vous avez cité le
2 chiffre de 140.000 Serbes, ou plutôt de 140.000 réfugiés serbes de
3 Slavonie occidentale. Mais je ne trouve pas le passage dans mon journal.
4 Question: Je vais le trouver pour vous. Il se trouve en bas de page.
5 C'est… La traduction…
6 Réponse: Vous êtes sûr que c'est le 1er décembre?
7 Question: Je vais vérifier, je ne suis pas tout à fait sûr. Le 1er… Non,
8 non, non, c'est le 2 décembre. Excusez-moi, 2 décembre.
9 Et puis, un peu plus bas, je ne sais pas ce qui est écrit dans l'original,
10 mais dans l'exemplaire que j'ai sous les yeux, je lis ce qui suit:
11 (en anglais): "C'est la raison pour laquelle les Croates poursuivent, ont
12 poursuivi la guerre mondiale. Genscher dit toujours que si la guerre
13 continue, il s'ensuivra une reconnaissance. C'est une véritable invitation
14 à continuer les combats". (Fin de citation.)
15 C'est ce que vous avez écrit ici et c'est une citation que je tire de
16 votre journal.
17 Réponse: Merci. J'ai trouvé cette citation, oui.
18 M. Milosevic (interprétation): J'espère que j'ai bien lu ce passage?
19 M. Okun (interprétation): Revenons sur la première partie, Monsieur
20 Milosevic.
21 Page 34 du bloc-notes n°4 des journaux de la Mission Vance, où vous dites
22 que 140.000 réfugiés serbes avaient fui la Slavonie orientale pour entrer
23 en Slavonie "libre". Et puis, nous lisons: "obtiendrai l'information pour
24 vous. Parler à Hadzic demain.". (Fin de citation.) Cela se trouve en page
25 34 du journal.
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1 J'ajouterai, dans l'intérêt des Juges, que suite à cela, M. Vance et moi-
2 même avons vérifié les chiffres s'agissant du nombre de Serbes habitant en
3 Slavonie occidentale, en prenant les nombres municipalité par
4 municipalité, en tout cas les nombres cités dans le recensement
5 yougoslave. Et en Slavonie occidentale, la population serbe ne dépassait
6 pas 40 à 50.000 personnes au maximum.
7 Donc le chiffre de 140.000 réfugiés serbes provenant de Slavonie
8 occidentale est impossible, ne peut pas avoir existé, si l'on se fonde sur
9 la vérification faite par nous des statistiques officielles yougoslaves.
10 Quant à la question de M. Genscher et de la remarque du Président
11 Milosevic à l'époque, je ne les trouve pas. Mais pour aller un peu plus
12 vite, je suppose que vous avez bien cité ce passage du journal. Non, je ne
13 trouve pas le passage. Ce que je vois ici, c'est: "inquiétudes au sujet de
14 l'Allemagne, l'Italie et le Vatican", page 65.
15 M. Groome (interprétation): J'appelle l'attention du témoin…
16 Le micro ne fonctionne pas. Je vais parler plus fort. J'appelle
17 l'attention du témoin sur le bas de la page 37 du même bloc-notes.
18 M. Okun (interprétation): Oui, oui, merci. J'ai trouvé le passage. Vous
19 m'entendez maintenant?
20 M. Groome (interprétation): Oui.
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 M. Okun (interprétation): Effectivement, en page 37 du journal, nous
23 voyons indiqué que le Président Milosevic déclare que l'attitude allemande
24 consistera à envoyer un cadeau de reconnaissance à la Slovénie et à la
25 Croatie avant Noël, et il exprime son inquiétude au sujet de l'Allemagne,
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1 de l'Italie et du Vatican.
2 M. Milosevic (interprétation): Un peu plus bas, vous voyez la rubrique
3 suivante?
4 Réponse: Oui, oui. Je la vois.
5 Question (en anglais): "C'est la raison pour laquelle les Croates
6 poursuivent la guerre. Genscher déclare que si la guerre continue, il
7 s'ensuivra la reconnaissance. C'est une invitation à poursuivre les
8 combats". (Fin de citation.)
9 Réponse: Mais c'était ce que vous aviez affirmé, et c'est la raison pour
10 laquelle je l'ai consigné dans mes notes.
11 M. Milosevic (interprétation): Etait-ce vrai? Etait-ce exact? Est-ce que
12 ce n'était pas, en fait, une invitation à continuer à combattre:
13 "Continuez à combattre et vous serez reconnu"? Est-ce que cela au moins
14 jette quelque lumière par le rôle joué par l'Allemagne dans le
15 démantèlement de la Yougoslavie?
16 M. le Président (interprétation): Non, non, non, le témoin n'est pas
17 compétent pour répondre à cela.
18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, est-ce que vous contestez la
19 déclaration de Genscher –je cite-: "Si la guerre continue, il s'ensuivra
20 la reconnaissance"? (Fin de citation.) C'est cela que je viens de citer,
21 c'est une invitation comme je l'ai dit...
22 (Interruption du Président.)
23 M. le Président (interprétation): Tout ce qui est écrit est écrit de la
24 main du témoin qui prenait note de ce que vous disiez. Donc, c'est ce que
25 vous avez dit. Et si c'est pertinent, vous pouvez appeler des témoins à la
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1 barre qui déposeront au sujet de tout ce que vous vous voudrez. Mais, en
2 ce moment, nous interrogeons ce témoin. Donc concentrez-vous sur ce
3 contre-interrogatoire.
4 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Eh bien, passons à autre chose.
5 Monsieur l'Ambassadeur, vous rappelez-vous que je vous ai dit, lorsqu'on
6 en est arrivés à parler de la Bosnie, vous m'avez posé des questions, je
7 vous ai dit qu'il y avait un problème et j'ai dit que le problème c'était
8 qu'Izetbegovic avait à l'esprit une république islamiste pure et qu'il ne
9 pouvait pas y avoir de coexistence ou de cohabitation -je ne me rappelle
10 pas exactement le mot qu'il a utilisé; je l'ai déjà cité, il doit être
11 enregistré quelque part- mais en tout cas, il disait qu'il ne pouvait pas
12 y avoir cohabitation ou coexistence entre des institutions islamistes et
13 non-islamistes, et bien sûr les institutions non-islamistes dépassaient
14 les 50% des institutions existant en Bosnie-Herzégovine, en fait.
15 Je vous ai dit qu'il recevait à ce moment-là des moyens matériels de
16 Turquie, d'Arabie Saoudite, et que j'avais été surpris de constater que
17 l'Amérique et l'Europe pouvaient appuyer, entériner quelque chose comme
18 cela. Et je crois que vous trouverez mention de cela dans votre journal
19 également, n'est-ce pas?
20 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-
21 vous rechercher ce passage?
22 M. Okun (interprétation): Vous avez affirmé un certain nombre de choses
23 dont j'ai pris note. Cela se trouve en page 38 du bloc-notes n°4 des
24 carnets de la Mission Vance, en date du 2 décembre. C'est vous qui avez
25 dit cela.
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1 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Est-ce que vous aviez des
2 observations à faire à ce sujet, à l'époque?
3 Réponse: Le Secrétaire Vance et moi-même n'avons pas estimé que notre avis
4 sur la question avait la moindre importance dans le cadre d'une discussion
5 avec vous, ou avec qui que ce soit d'autre sur le sujet. Nous avons donc
6 entendu ce que vous disiez, nous vous écoutions avec le plus grand soin;
7 et, comme vous le constatez, j'ai pris note de ce que vous avez dit.
8 Maintenant, le fait de savoir si nous étions d'accord ou pas, ne compte
9 pas. Parce que ce qui compte c'était de prendre note de ce que vous
10 disiez. Et tout cela s'est passé lors de cette rencontre avec vous et
11 Jovanovic, où il nous a été conseillé de rencontrer le Dr Karadzic. Ce que
12 nous avons fait. Et nous avons déjà parlé de cette rencontre. Tout cela
13 figure dans le journal.
14 Question: Très bien. Et puis, vous parlez ensuite d'une réunion de la
15 Présidence de la Yougoslavie. Et… Je lis en anglais: "Nous appelons votre
16 attention sur vous-mêmes, Milosevic/Jovanovic, c'est une question du
17 ressort de la présidence fédérale, la paix et la sécurité, donc c'est une
18 question qui tombe sous le coup de leur compétence et de leur pouvoir".
19 (Fin de citation.)
20 Réponse: C'est ce que vous avez dit, oui.
21 Question: Très bien. Je ne suppose pas que ceci sera contesté. Mais ce que
22 je souhaite, c'est établir un lien entre notre discussion et les faits qui
23 ont eu lieu par la suite. Donc, avançons, si vous le voulez bien. Et est-
24 il vrai et exact que, lors d'une réunion que nous avons eue le 15 avril
25 1992, je vous ai dit -à haute et intelligible voix- que "les Serbes et
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1 Musulmans pouvaient vivre ensemble, et ce, dans un climat de paix, dans le
2 cadre d'un Etat dont la continuité était assurée et nécessaire. Mais que
3 le problème c'était qu'Izetbegovic souhaitait établir une république
4 distincte, séparée, qu'il souhaitait donc créer une sorte de fédération
5 islamiste". C'est bien cela?
6 Et voilà, je le vois écrit ici. Voilà le passage. C'est ce que vous avez
7 écrit.
8 (en anglais): Je cite: "Milo fait des promesses B&H. Très tragique,
9 personne ne peut l'emporter là-bas. Les Serbes et les Musulmans peuvent
10 vivre ensemble. Tous les citoyens de BH soutiennent la paix. Il faut
11 continuer la conférence sur la BH". (Fin de citation.)
12 Voilà donc ce que je viens de dire, et c'est exactement ce que je disais à
13 l'époque. Les conflits avaient déjà commencé...
14 Est-ce que vous avez trouvé le passage? Ah! Excusez-moi, j'ai peur de
15 m'être encore une fois trompé de date. Non, non, non, c'est bien celle du
16 15 avril. Oui, oui, 15 avril, Belgrade, 10 heures 30, Belgrade. Et puis…
17 Ah, non, non, c'est une autre réunion. Ensuite, "6 heures 45,
18 Milosevic/Jovanovic". Et puis, nous en arrivons au passage que j'ai cité.
19 (en anglais): Je cite: "Il peut y avoir un problème BH. Très tragique,
20 personne ne peut l'emporter là-bas. Ne parler que du résultat: les Serbes
21 et les Musulmans peuvent vivre ensemble. Tous les habitants de BH
22 soutiennent la paix. Nécessité de poursuivre la conférence sur la BH".
23 (Fin de citation.)
24 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, si je peux vous aider?
25 Monsieur Milosevic est en train de citer un passage de ces journaux, page
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1 39, au sujet d'une rencontre tenue le 15 avril.
2 M. Okun (interprétation): Oui, cela se trouve en page 39, je le vois. Et
3 vous notez que nous étions d'accord avec cela. Nous avons dit que le
4 général Hadzic était d'accord.
5 J'ai une note à soumettre au Tribunal à ce sujet: cette conversation a eu
6 lieu le 15 avril, c'est-à-dire cinq ou six semaines après le début des
7 combats en Bosnie-Herzégovine. Et le pilonnage de Sarajevo était sur le
8 point de commencer.
9 M. Milosevic (interprétation): Je suis désolé, Monsieur Okun, je ne parle
10 pas de cela. Ce sur quoi je vous interroge, c'est la rubrique que vous
11 avez consignée dans votre carnet –je cite-: "Et c'était notre avis que
12 personne ne pouvait l'emporter et que le résultat serait la mort et
13 uniquement la mort, qu'ils pouvaient vivre ensemble et que tous les
14 habitants appuyaient, soutenaient la paix."
15 Quelques lignes plus bas, on voit que je considère Izetbegovic comme étant
16 un représentant de l'intégrisme islamiste le plus typique qui soit.
17 (en anglais): "Recours à l'intégrisme islamiste type." C'était cela, le
18 problème, n'est-ce pas?
19 Réponse: C'est ce que je vous ai entendu dire, et c'est ce que j'ai noté
20 dans mes journaux.
21 Question: Par conséquent, notre position consistait à penser que personne
22 ne pouvait l'emporter à l'issue d'une guerre, qu'il ne pouvait s'ensuivre
23 que des tragédies et qu'il fallait que nous revenions à la table de
24 conférence pour appuyer les efforts de paix. C'était tout à fait clair.
25 Alors, savez-vous si les trois parties ont adopté le plan Cutilheiro, le
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1 plan qui était le résultat d'une espèce de sous-conférence de la
2 Conférence Carrington ou plutôt une annonce de la Conférence Carrington?
3 Réponse: Oui, c'est exact. Les trois parties avaient, au départ, accepté
4 le plan Cutilheiro.
5 Question: Avant cela, il n'y avait eu aucun conflit en Bosnie-Herzégovine.
6 Les affrontements pouvaient être politiques et exprimer verbalement. Mais
7 il n'y avait pas eu de heurts ou d'affrontements physiques, n'est-ce pas?
8 Réponse: Ceci est inexact. Comme nous l'avons déjà dit précédemment, il y
9 avait des combats qui avaient commencé dès novembre 1991.
10 Question: Vous n'avez aucune preuve de cela. Vous dites que c'est Ante
11 Markovic qui vous en a parlé?
12 Réponse: Avant le mois d'avril 1992, il y avait eu des rapports tout à
13 fait authentiques qui parlaient de nettoyages ethniques, à savoir que des
14 Musulmans et des Croates par la force de Bosnie-Herzégovine.
15 Question: Ecoutez, moi, je ne vous parle pas du mois d'avril. Je vous
16 parle des premières attaques qui ont eu lieu au moment où une centaine
17 d'hommes d'une brigade de Croatie -je ne sais pas quel était leur nombre
18 exact, mais j'en ai déjà parlé- ont attaqué Bosanski Brod et cela a été le
19 début des conflits en Bosnie-Herzégovine, invasions dues aux forces
20 croates qui ont pénétré sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. Ceci
21 s'est passé après l'adoption du plan Cutilheiro. Vous rappelez-vous cela ou
22 pas?
23 Réponse: Je me souviens que c'était ce que disaient les Serbes.
24 Question: Bien, bien, donc vous n'avez aucun renseignement à ce sujet.
25 Comme vous savez que les trois parties ont effectivement signé le plan
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1 Cutilheiro, savez-vous également que, suite à cela, suite à une incitation
2 de la part de M. Zimmerman, votre ambassadeur à vous, M. Izetbegovic a
3 retiré sa signature du plan?
4 Réponse: Vous présentez deux points, le premier étant celui-ci. Il est
5 exact de dire que le gouvernement de Bosnie, que le président Izetbegovic
6 a retiré l'accord qu'il avait donné au plan Cutilheiro après son retour à
7 Sarajevo. Il rentrait de l'Europe occidentale, là où le plan avait été
8 signé. Le deuxième point que vous avancez est celui-ci: il l'aurait fait
9 sur les instigations de l'ambassadeur Zimmerman. Il ne me revient pas à
10 moi de faire un commentaire. Tout ce que je puis dire, c'est que
11 l'ambassadeur Zimmerman l'a démenti à plusieurs reprises, de façon
12 répétée, et je crois les dires de M. Zimmerman.
13 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai aucune connaissance du fait qu'il
14 ait fait un démenti. Je crois, au contraire, que, dans son livre, il a
15 admis qu'il a été très peu prudent en lui parlant du fait qu'il lui avait
16 indiqué que ce qu'il avait signé ne lui plaisait pas, il pouvait...
17 M. le Président (interprétation): Non, non. Et il ne revient pas au témoin
18 de faire un commentaire ou de répondre.
19 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas à débattre de cette question
20 avec le témoin ici présent, mais je respecte la solidarité, même quand
21 cette solidarité n'a rien à voir avec les faits mêmes.
22 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire complètement
23 superflu, vous le savez pertinemment.
24 M. Milosevic (interprétation): Serait-il exact de dire que, le 6 mai 1992,
25 vous êtes venu à une réunion chez-moi? Et avec une grande précision, je
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1 vous ai indiqué que j'appuyais les pourparlers des parties en présence en
2 Bosnie-Herzégovine parce que nous souhaitions que les problèmes de la
3 Bosnie-Herzégovine soient résolus. A cette fin, il était indispensable que
4 les Nations Unies soient présentes là-bas et qu'il fallait que ces
5 dernières placent la situation sous leur contrôle. Vous souvenez-vous de
6 cela?
7 M. Okun (interprétation): Oui, c'est ainsi que j'ai consigné cette
8 déclaration faite par vous, à Bruxelles, le 6 mai. C'est dans mon carnet à
9 la page 141, ainsi qu'à la page précédente où l'on trouve aussi certains
10 de vos commentaires à propos de la situation telle qu'elle se présentait
11 en Bosnie.
12 M. Milosevic (interprétation): Je dis que nous appuyons les négociations
13 en Bosnie-Herzégovine et, quoi que vous décidiez, ce sera bon pour nous.
14 Cutilheiro a dit quelque chose. Puis, nous avons dit que nous voulions
15 terminer les entretiens au sujet de la Bosnie-Herzégovine, et que rien ne
16 dépendait de nous, ce n'était pas un problème à nous. Puis, je vous ai
17 parlé des entretiens à Skopje entre Izetbegovic et Hadzic. Puis, il est
18 question des Nations Unies et j'ai dit que, si les Nations Unies se
19 retiraient, la guerre recommencerait. Je précise que tout un chacun
20 accepterait de négocier, d'avoir des pourparlers, que c'était là la seule
21 issue possible.
22 Puis pour revenir un peu en arrière -puisque là, comme je vous avais
23 indiqué que nous n'avions rien à voir avec la Bosnie-Herzégovine, comme
24 c'était un autre Etat- et c'était Izetbegovic et Hadzic qui
25 s'entretenaient à Skopje, Izetbegovic a demandé, à ce moment-là, que les
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1 membres de la JNA originaires de la Bosnie-Herzégovine restent en Bosnie-
2 Herzégovine et que les membres de la JNA de Bosnie-Herzégovine, qui se
3 trouvaient à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, soient renvoyés vers la
4 Bosnie-Herzégovine. C'était ce qu'Izetbegovic avait demandé.
5 Vous avez, pour votre part, expliqué ici que la JNA, en Bosnie-
6 Herzégovine, s'était muée en armée de la Republika Srpska. Alors, je
7 voudrais que nous tirions les choses au clair. La JNA, avant le
8 démantèlement de la Yougoslavie, avant l'anéantissement de la Yougoslavie,
9 se trouvait bel et bien sur tout le territoire de la Yougoslavie, depuis
10 Vardar jusqu'à Triglav.
11 (L'interprète précise que Vardar est une rivière et que Triglav est une
12 montagne.)
13 Lorsqu'il y a eu démantèlement de la Yougoslavie, pour ne pas discuter à
14 présent avec vous de ce qu'il y avait derrière cela, j'en ai déjà parlé,
15 pratiquement toutes les armées qui se sont créées, tant l'armée slovène,
16 que l'armée croate, que l'armée de la Republika Srpska et l'armée de la
17 Fédération musulmane, ainsi que le HVO en Bosnie-Herzégovine, à savoir les
18 effectifs croates de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que l'armée
19 macédonienne, et l'armée de la RSFY, ont été créées à partir de segments
20 de ce qui avait été, à l'époque, la JNA. Est-ce vrai ou faux?
21 Réponse: Nous en avons déjà discuté. Bien sûr que c'est vrai.
22 Question: Par voie de conséquence, on ne saurait parler ici de contrôle
23 quelconque exercé par l'armée de la Yougoslavie suite à la création de
24 l'armée de la Republika Srpska sur l'armée de la Republika Srpska, parce
25 que c'est devenu l'armée de la Republika Srpska. Alors que l'armée de la
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1 Yougoslavie -et là aussi, nous en avons parlé- était constituée de tous
2 les membres de la JNA originaires de Serbie; il était prévu que ces gens
3 se retirent vers la Serbie et ne restent pas sur le territoire de la
4 Bosnie-Herzégovine.
5 Vous avez vous-même mentionné le général Mladic. Je suis d'accord avec
6 vous pour dire que c'est là un général exceptionnellement apte. Il était
7 estimé en tant que tel par le reste des gens mais savez-vous...
8 M. le Président (interprétation): Plutôt que de vous perdre, essayez de
9 poser une question.
10 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que le général Mladic était
11 également originaire de Bosnie-Herzégovine? Il est né en Bosnie-
12 Herzégovine. Il a été nommé commandant de l'état-major de l'armée de la
13 Republika Srpska par le Parlement de la Republika Srpska.
14 M. Okun (interprétation): C'est une question?
15 M. Milosevic (interprétation): Oui. Vous êtes au courant de la chose?
16 Réponse: Oui, oui, nous savions que le général Mladic était né en Bosnie,
17 c'est ce qu'il nous a dit en personne. C'était de notoriété publique, nous
18 savions également, et c'était aussi de notoriété publique, que l'armée des
19 Serbes de Bosnie bénéficiait du soutien logistique: carburants, obus, et
20 munitions et solde de la Serbie. J'en ai déjà parlé.
21 M. Milosevic (interprétation): Bien, mais résumons cette partie-ci de
22 l'interrogatoire. Dans votre journal, à vous -que j'ai réussi à examiner-
23 dans une certaine mesure, vous constatez l'existence de nombreuses
24 réunions, de fort nombreuses réunions que vous avez eues avec des
25 représentants de la Fédération yougoslave; avec tant des représentants
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1 civils que des représentants militaires et autres, et ainsi de suite. Vous
2 avez rencontré des gens de l'armée, de l'état-major, des représentants du
3 gouvernement fédéral, et ainsi de suite. Donc pratiquement, vous avez eu
4 le moins de rencontre avec moi-même, n'est-ce pas, dans cette période-là,
5 à cette période où vous avez circulé un peu partout et tenu des réunions
6 et, en définitive, si l'on fait une analyse quantitative de ce qui est dit
7 dans votre journal, c'est ce qui en découle...
8 M. le Président (interprétation): Posez une question.
9 M. Milosevic (interprétation): Est-ce là votre impression ou pas?
10 M. Okun (interprétation): Je n'ai pas fait le décompte des réunions. Cela
11 pourrait se faire, bien sûr. Je me contenterai de dire que M. Vance et
12 moi, nous n'avons eu de cesse de vous voir en premier lieu, lorsque nous
13 avons été à Belgrade. Et tout du long cela a été très clair; et je pense
14 que ceci n'a pas été contesté par qui que ce soit que c'était vous qui
15 étiez la personne la plus importante qu'il fallait voir.
16 Je pense qu'il faut examiner ceci du point de vue de la qualité, davantage
17 que de la quantité. Mais bien sûr, bien sûr, nous avons essayé de voir
18 toutes les personnes qui comptaient. C'était bien là notre travail.
19 Question: Je veux que les choses soient tout à fait claires. Avant que de
20 revenir au plan Vance -j'utilise cette appellation habituelle, quoique je
21 sache pertinemment bien que cela n'est pas son véritable nom-, étant donné
22 que vous avez participé à ces événements si importants, vous souvenez-vous
23 qu'en date du 7 juillet 1991, sous l'égide de la Communauté européenne, à
24 Brioni s'est tenue une réunion des membres de la Présidence de la RSFY,
25 donc de la Yougoslavie entière, à savoir la direction de la Slovénie et de
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1 la Croatie comprise.
2 Il y avait le Premier ministre du gouvernement fédéral, les ministres
3 fédéraux de l'Intérieur et de la Défense nationale. Donc, il n'y a pas là
4 de Serbie, de Bosnie, de Macédoine, de Monténégro. Il y a là le sommet
5 fédéral, des ministres fédéraux et la présidence fédérale, et le
6 gouvernement fédéral.
7 A ce moment-là, il a été adopté une déclaration concertée, que l'on a
8 appelée "la Déclaration de Brioni", vous en souvenez-vous?
9 Réponse: Je n'étais pas présent, je n'ai pas participé, de quelque façon
10 que ce soit, de façon officielle à cette réunion. Mais je sais qu'il y a
11 eu plusieurs réunions au cours de l'été 1991, réunions avec la Communauté
12 européenne.
13 Question: Vous n'étiez donc pas au courant des événements qui ont précédé
14 les activités qui étaient les vôtres. J'avais supposé que vous vous étiez
15 informé de l'évolution des faits avant le début de vos activités propres;
16 c'est la raison pour laquelle je vous ai posé ma question.
17 Réponse: Oui, nous étions au courant de la situation qui avait prévalu
18 auparavant, notamment la réunion de Igalo et les autres réunions tenues au
19 préalable sur l'ex-Yougoslavie. Nous avions pour devoir de nous préparer à
20 la mission qui allait être la nôtre.
21 Question: Monsieur Okun, puisque nous y sommes déjà, finissons-en avec
22 cette question puisque vous avez présenté cela comme élément de preuve,
23 ici. Avons-nous constaté ou non que la position de la Communauté
24 européenne était celle de ne pas reconnaître la Présidence comme on l'a
25 désigné comme étant "la présidence tronquée"; suite à quoi, il y a eu
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1 abandon de la conférence par la suite -chose dont nous avons déjà débattue
2 ce matin- donc Kostic et les autres?
3 Réponse: Pour ne pas perdre de temps, puisque vous avez soulevé ce point,
4 je vais répondre brièvement. Il y avait un désaccord constant quant à
5 l'autorité ou quant à la légalité de la présidence tronquée.
6 Question: Certes, certes. Vous avez parlé de cet accord de cessez-le-feu
7 où il y avait les signatures de M. Tudjman, de moi-même, de Kadijevic et
8 de Vance. Vous souvenez-vous de l'entretien que nous avons eu à ce sujet?
9 Vous avez dit qu'il n'y avait pas la signature de la présidence fédérale.
10 Mais cette présidence fédérale n'était pas reconnue à cette époque-là,
11 est-ce là un fait ou pas?
12 Réponse: Cela dépend de quelle présidence fédérale vous parlez. Puisque
13 c'était la question qui se posait, était-ce la présidence tronquée ou la
14 présidence pleine et entière?
15 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, on n'avait pas convié cette
16 présidence à signer, parce qu'elle aurait signé, mais vous ne
17 reconnaissiez pas cette présidence, et c'est la raison pour laquelle il
18 n'y a pas de signature de cette présidence. Parce que vous n'avez pas
19 voulu accepter que cette présidence-là signe -vous vous en souvenez-vous
20 ou pas?-, parce que vous ne reconnaissiez pas cette présidence tronquée
21 étant donné qu'elle était tronquée. Alors que cette présidence
22 fonctionnait suite à un acte qu'elle avait adopté lorsque la présidence
23 entière ne pouvait pas fonctionner. Est-ce vrai ou faux?
24 M. Okun (interprétation): Là, vous dites deux choses.
25 Tout d'abord, que la Présidence n'a pas signé l'Accord de Genève du 23
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1 novembre 1991. Et vous ajoutez que c'est du fait qu'elle n'était pas
2 invitée et que, quelque part, elle n'était pas respectée par M. Vance.
3 Vous avez raison pour le premier point: elle n'a pas signé.
4 Mais le second point n'est pas exact. La raison en est -et je l'ai déjà
5 dit dans ma déposition auparavant- c'est que M. Vance et Lord Carrington,
6 qui était présent aussi, avaient clairement compris que votre signature
7 suffisait.
8 M. le Président (interprétation): Le moment est venu de faire une
9 suspension d'audience de 20 minutes.
10 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 40.)
11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
12 M. Milosevic (interprétation): Donc, Monsieur Okun, est-ce que la
13 Présidence fédérale était conviée à signer cet accord, oui ou non?
14 M. Okun (interprétation): (Hors micro.)
15 Je ne m'en souviens pas.
16 Question: Bien. Si vous vous en souvenez pas, je vais vous rafraîchir la
17 mémoire.
18 Réponse: Je le répète, je ne me souviens pas. Le Secrétaire d'Etat, M.
19 Vance, avait compris que votre signature suffisait; c'est ce qu'il
20 pensait. Et puis, auparavant, nous avions déjà eu l'occasion de discuter
21 avec vous, notamment, la question portant à controverse, très
22 controversée, de la Présidence tronquée ou de la Présidence complète.
23 C'était une question qui se posait à ce moment-là, portant à polémique.
24 Question: Oui, mais vous vous souviendrez que ma position à moi était
25 celle d'affirmer que cette Présidence avait sa légalité, qu'elle ne
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1 pouvait pas perdre sa légalité parce que certains de ses membres, de leur
2 propre gré, avaient abandonné les activités de cette Présidence. Est-ce
3 que cela est bien exact, Monsieur Okun, ou pas?
4 Réponse: Il est exact de dire que c'était une question controversée.
5 Question: Bon. Parlons un peu de ma signature. Est-ce qu'il est contesté
6 ou pas que j'avais, à ce moment-là, employé toute mon influence politique
7 pour que ce plan soit accepté et pour qu'il soit mis un terme à la guerre?
8 Réponse: Il est exact de dire que vous et d'autres avez joué un rôle
9 essentiel pour faire accepter l'opération de maintien de la paix. Il
10 serait également exact de dire que l'influence que vous aviez sur les
11 autres protagonistes, surtout les protagonistes du côté serbe, étaient
12 essentielle pour que ceux-ci acceptent les propositions de M. Vance.
13 Question: Donc je dirai que les choses vont un peu autrement, Monsieur
14 Okun.
15 Tirons les choses tout à fait au clair. Si vos souvenirs sont bons, je
16 crois avoir, à l'époque, très bien expliqué qu'il ne m'appartenait pas du
17 tout à signer, parce que la Serbie n'était pas une partie en guerre et
18 n'avait pas de troupes sous son commandement à elle.
19 Lord Carrington a alors pris cela en considération; il a dit que c'était
20 exact. Lui et Vance ont dit qu'en raison de mon influence politique, avec
21 ma signature, l'accord aurait beaucoup plus de poids. Et ils ont même
22 ajouté la définition qui figure à la fin et qui existe dans le texte, qui
23 dit qu'ils se trouvaient sous son influence politique.
24 Donc les parties signataires s'engagent à faire cesser toutes hostilités
25 pour les effectifs qui étaient placés sous leur commandement. Et comme
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1 sous mon commandement il n'y avait personne, on a trouvé une solution, on
2 a rajouté "ou sous leur influence politique respective". Et moi, j'ai
3 placé mon influence politique, toute mon influence politique au service de
4 la paix. C'est vrai ou pas? Et je m'en souviens très, très bien; je crois
5 que vous devriez vous en rappeler aussi.
6 Réponse: Bien sûr, que je m'en rappelle. Je l'ai déjà dit et je le répète:
7 M. Vance était convaincu et Lord Carrington l'était aussi, je crois; moi,
8 je l'étais aussi, j'étais convaincu que votre signature donnait le feu
9 vert… fermement convaincu que votre signature donnait le feu vert aux
10 forces politiques de Serbie, aux forces politiques contrôlées par les
11 Serbes, aux forces politiques influencées par les Serbes. Et nous avions
12 compris que votre signature montrait, marquait cet accord. Et ceci a été
13 consigné de façon tout à fait conforme dans ce document; ceci impliquait
14 aussi les paramilitaires et irréguliers; c'était l'avis de Vance et je
15 crois que ça s'est avéré vrai.
16 Question: Vous m'avez donc demandé que je signe en raison de mon influence
17 politique, et non pas parce que j'avais quelqu'un sous mon commandement?
18 Les choses sont tout à fait claires; est-ce bien ainsi que cela s'est fait
19 ou pas?
20 Réponse: Sauf le respect que je vous dois, je dirai que l'inverse est tout
21 à fait clair, à savoir que vous aviez ce contrôle.
22 Question: Je ne peux plus consacrer davantage de temps. Mais vous vous
23 souviendrez que j'avais précisé que je n'avais personne sous mon
24 commandement. Et alors, Lord Carrington a pris la chose en considération
25 et a rajouté cette phrase: "ou sous son influence politique". J'ai signé
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1 parce que j'ai mis sur la balance l'influence politique que j'avais et
2 maintenant, on me le reproche. Et j'ai employé cette influence politique
3 pour que l'on fasse cesser les tueries.
4 Mais revenons à ce que vous avez dit il y a quelques instants. Je crois
5 que nous avions parlé de la Déclaration de Brioni et j'ai dit qu'il y
6 avait une solution, une décision de solution pacifique de la crise en
7 Yougoslavie. Et il a été précisé que seuls les peuples de Yougoslavie
8 devaient décider de leur avenir et que les négociations devaient commencer
9 au plus tôt. Entre-temps, toutes les parties allaient s'abstenir de toute
10 démarche, notamment de toute violence. Vous souvenez-vous de cela?
11 Réponse: Oui, c'était la teneur générale ou la quintessence de la démarche
12 adoptée par la Communauté européenne, effectivement.
13 Question: Et vous souvenez-vous que le 9 juillet, le Parlement européen, à
14 sa session à Strasbourg, a adopté une résolution portant sur la
15 Yougoslavie où il n'a pas été apporté un soutien aux actes de sécession
16 unilatéraux?
17 Réponse: Je ne me souviens pas de cela en particulier, mais je ne le
18 conteste pas. Je ne conteste pas cette affirmation que vous faites.
19 Question: Et êtes-vous au courant du fait que, tout de suite après le 12
20 juillet 1991, la Présidence de la RSFY a adopté cette Déclaration de
21 Brioni et a décidé qu'avant le 18 juillet il soit procédé à la
22 démobilisation de toutes les formations armées, sauf la JNA et la police
23 régulière, dans ses effectifs prévus en temps de paix, pour rétablir la
24 situation avant le 5 juillet 1991 aux frontières de la RSFY, et de
25 procéder au déblocage des casernes? Vous souvenez-vous de cette décision,
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1 parce que c'était quand même une décision importante au sujet de laquelle
2 vous deviez avoir des connaissances?
3 Réponse: Bien sûr, bien sûr. Nous étions au courant de ce document de
4 base.
5 Question: Et vous souvenez-vous, Monsieur Okun, du fait qu'en date du 3
6 septembre 1991, ici, à La Haye, pour les raisons dont vous avez parlé la
7 Hollande… La Hollande présidait la Communauté européenne et c'est la
8 raison pour laquelle ça s'est tenu à La Haye. On y a donc adopté une
9 déclaration sur la Yougoslavie où il était fait annonce d'une conférence
10 sur la Yougoslavie à La Haye pour le 7 décembre. Et cette conférence était
11 censée adopter des mécanismes permettant d'apporter des solutions aux
12 aspirations contradictoires des peuples yougoslaves, et ce, dans le
13 respect des principes suivants. Il s'agit d'une déclaration de la CE.
14 "Il n'est pas permis de procéder à des changements de frontières par
15 recours à la force; protection de tout un chacun en Yougoslavie; et
16 troisièmement, plein respect des intérêts et des aspirations légitimes de
17 tout un chacun." (Fin de citation.)
18 Vous souvenez-vous de cette déclaration de la Communauté européenne?
19 Réponse: Oui, je suis au courant de cette déclaration. C'est la
20 déclaration qui a établi, comme nous l'avons dit auparavant, la Conférence
21 sur la Yougoslavie sous la présidence de Lord Carrington.
22 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, contrairement à ce qui
23 s'est dit à Strasbourg, contrairement à la déclaration de la Communauté
24 européenne sur la Yougoslavie, cette conférence… Donc, contrairement aux
25 principes annoncés à l'occasion de la conférence –on en a déjà parlé, je
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1 ne vais donc pas y revenir-, on a donc proposé une solution au terme de
2 laquelle il suffisait de supprimer la Yougoslavie…
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ceci ressemble de
4 nouveau à une polémique, à une querelle. Vous pourrez poser au témoin des
5 questions à propos de ce qui se trouve dans ses carnets, de ce qu'il a vu,
6 de ce qu'il a entendu, mais rien d'autre. Vous pouvez faire valoir vos
7 arguments en temps utile, mais devant nous seulement.
8 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur May.
9 J'étais juste, ici, en train de parler de changement de position d'un jour
10 à l'autre. Parce que, d'abord, on a proposé de bons services à la
11 Yougoslavie. Puis, est venue pratiquement une proposition d'abolir la
12 Yougoslavie, et ce, comme si cela se faisait de son propre gré.
13 Je vais sauter à présent un grand nombre de questions parce que le temps
14 imparti est très court.
15 Vous souvenez-vous que, le 9 novembre 1991, la Présidence de la RSFY a
16 envoyé un courrier au Conseil de sécurité des Nations Unies, demandant
17 d'envoyer d'urgence des forces de maintien de la paix en Croatie? Et suite
18 à cette requête, il a été adopté une résolution: la Résolution 721, en
19 1991, le 7 novembre, bien sûr sur recommandation de Cyrus Vance. Et la
20 requête a été certainement présentée par la Présidence de la RSFY à
21 l'intention du Conseil de sécurité des Nations Unies?
22 M. Okun (interprétation): Je me souviens que c'était le mois précédent, et
23 j'en ai parlé en répondant à d'autres questions.
24 Monsieur Vance et moi-même nous étions dits…, nous avions conclu qu'une
25 opération de maintien de la paix par les Nations Unies pouvait aider vu la
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1 situation. Donc cette requête que vous mentionnez cadre tout à fait bien
2 avec l'évaluation de la situation faite par M. Vance.
3 Question: Et vous souvenez-vous que le 23 novembre 1991, soit le
4 lendemain, après la réunion de Cyrus Vance concernant les possibilités
5 d'expédition de forces de maintien de la paix en Croatie, donc c'est le
6 lendemain qu'a été entamée la plus grande des offensives sur le territoire
7 de la Slavonie occidentale, et ce, au moment où les unités de la JNA ont
8 reçu l'ordre de cesser toute activité? Les unités paramilitaires croates
9 ont nettoyé Daruvar, Pakrac, Podravska Slatina, Pozega et autres, le 23
10 novembre?
11 Réponse: Ce n'est un secret pour personne que les combats se sont
12 poursuivis dans toute la Croatie en dépit des efforts les plus louables
13 déployés par toutes les parties jusqu'au 2 janvier, au moment de la
14 signature de l'accord de mise en œuvre?
15 Question: Je ne parle pas de conflit en général. Je parle d'attaques des
16 forces croates sur la Slavonie occidentale.
17 Il n'y a pas eu d'attaques de force serbes du tout. Ils s'attendaient, de
18 leur côté, à ce que l'on parvienne à la paix, et ils n'avaient envisagé
19 aucune attaque. Ils se trouvaient chez eux, ils défendaient leurs maisons.
20 Et cette attaque sur la Slavonie occidentale s'est faite au niveau des
21 territoires où résidait essentiellement une population serbe. C'est exact
22 ou pas? Si ce n'est pas exact, dites que ce n'est pas exact, Monsieur
23 Okun.
24 Réponse: Il est exact de dire que Vukovar est tombée aux mains de la JNA
25 le 18 novembre. Il est exact de dire qu'il y a eu un pilonnage nourri sur
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1 Dubrovnik le 6 décembre. Il est exact de dire qu'il y a eu des combats en
2 Slavonie. Nous le savons, vous le savez, le monde entier le sait: les
3 combats se sont poursuivis dans toute la Croatie.
4 M. Milosevic (interprétation): Moi, j'ai parlé de la réunion qu'a eue
5 Cyrus Vance le 22 novembre, le 23 novembre. Donc une fois que l'on s'était
6 mis d'accord pour qu'il soit mis un terme à toute activité, c'est là que
7 l'offensive est lancée; cela diverge ou diffère de ce que vous venez de
8 nous dire.
9 Mais vous souvenez-vous qu'en sus de cette attaque, la partie croate a
10 alors...
11 M. le Président (interprétation): Non, non, il n'accepte pas qu'il y a eu
12 une attaque; il accepte simplement qu'il y a eu des combats. Avancez.
13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun dénie donc le fait qu'après
14 la réunion avec Vance le 22, dès le 23...
15 M. le Président (interprétation): Le témoin dit qu'il ne sait pas.
16 Uniquement des combats.
17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Moi, ça ne me gêne pas du tout.
18 Je vous prie de me dire si vous vous souvenez si, en sus de ces attaques-
19 là, que la Croatie a lancé encore 794 attaques sur la JNA...
20 M. le Président (interprétation): Vous n'allez pas vous en sortir en
21 déformant les dires du témoin. On n'accepte pas l'idée d'une attaque.
22 Avancez, passez à autre chose.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, je parle de la période qui
24 date du 23 novembre, c'est-à-dire le lendemain de cette réunion du 22
25 novembre entre Cyrus Vance et le Président Tudjman.
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1 Donc à partir du lendemain de cette réunion, à savoir à partir du 23, à
2 partir du lendemain du jour où l'opération de maintien de la paix est
3 décidée et jusqu'au 20 décembre, donc pendant cette période d'un mois, le
4 nombre d'attaques que j'ai cité tout à l'heure a été lancé contre des
5 unités militaires, contre des casernes, des avions, des bateaux de guerre,
6 des colonnes militaires, etc. Est-ce que vous avez une information à ce
7 sujet?
8 M. Okun (interprétation): Puisque j'ai entendu la question, je vais y
9 répondre. Il y a eu des attaques des deux côtés. Les hostilités n'ont pas
10 cessé en Croatie jusqu'à la date du 2 janvier 1992.
11 J'ai déjà entendu des questions à ce sujet, j'ai déjà essayé d'y répondre
12 en parlant de notre visite à Osijek le 3 décembre 1991, au moment où cette
13 ville était pilonnée. Je répète: durant le pilonnage de cette ville par la
14 JNA, donc oui, il y avait des combats.
15 Question: Vous rappelez-vous la rencontre du 13 décembre 1991 du Bureau de
16 coordination des non-alignés à New York où la situation en Yougoslavie a
17 été examinée? Il a été décidé de demander la mise en place d'une solution
18 politique et durable à la crise en ex-Yougoslavie et que soient
19 abandonnées toutes les tentatives risquant de saper, à sa base,
20 l'intégrité territoriale et la souveraineté, ainsi que l'égalité
21 internationale de la Yougoslavie. Vous rappelez-vous tout cela? Des
22 efforts ont été faits un peu partout dans le monde dans ce sens.
23 Réponse: Eh bien, je n'étais pas au courant que le mouvement des non-
24 alignés avait pris cette décision mais, si vous le dites, c'est sans doute
25 exact.
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1 Question: Très bien. J'espère qu'il n'est pas contesté que la Résolution
2 724 du 15 décembre 1991 des Nations Unies appelle à ce qu'il n'y ait
3 aucune action contribuant à augmenter les tensions. J'espère que vous vous
4 souvenez de cela?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Je parlais donc là de la date du 15 décembre 1991, de cette
7 résolution qui en appelle à tous les Etats du monde pour qu'ils
8 s'abstiennent de toute action susceptible de contribuer à l'accroissement
9 des tensions. Mais vous rappelez-vous que le 17 décembre, c'est-à-dire
10 deux jours plus tard, une rencontre se tient entre les ministres des
11 Affaires étrangères de la Communauté européenne, et que, dans leurs
12 déclarations, ils établissent les critères de reconnaissance des nouveaux
13 Etats et adoptent une déclaration sur la Yougoslavie en affirmant que les
14 critères qui sont établis dans ce premier document devraient servir
15 d'orientation à la Communauté européenne dans sa reconnaissance de tout
16 nouvel Etat, et -je cite-: "Conformément aux normes et à la pratique
17 courante en droit international ainsi qu'à la réalité politique de chacun
18 de ces Etats, etc., etc.".
19 Par conséquent, les ministres des Affaires étrangères de la Communauté
20 européenne, par cette décision, obéissant à l'Allemagne, prennent une
21 décision qui est contraire au contenu de la Résolution 724, adoptée deux
22 jours précédemment par les Nations Unies et qui en appelait à tous les
23 Etats du monde pour qu'ils évitent toute action susceptible d'accroître la
24 tension.
25 Réponse: Est-ce que c'est une question que vous posez? Est-ce que vous me
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1 demandez mon avis sur le rapport entre la décision de la Communauté
2 européenne et la Résolution des Nations Unies?
3 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, manifestement, il s'agissait d'une
4 décision qui allait à l'inverse de ce que conseillait la Résolution 724,
5 n'est-ce pas?
6 M. le Président (interprétation): Non, non pas de commentaire de la part
7 du témoin sur ce point.
8 M. Milosevic (interprétation): Il n'appartient donc pas au témoin de dire
9 si le Conseil des ministres de la communauté européenne avait en fait
10 violé le droit international?
11 M. le Président (interprétation): Non.
12 M. Milosevic (interprétation): Savez vous que, le 23 décembre 1991,
13 l'Allemagne a officiellement reconnu l'indépendance et la souveraineté de
14 la Slovénie et de la Croatie sans poursuite des pourparlers ou
15 négociations politiques?
16 M. Okun (interprétation): Je suis au courant de cela.
17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans ce cas, dites-moi quelle
18 était la signification de cette action de l'Allemagne par rapport au droit
19 international et par rapport au respect des bonnes relations avec la
20 Yougoslavie?
21 M. le Président (interprétation): Non, non, non, vous pouvez demander au
22 témoin quel a été l'effet de cela, si vous le voulez. Il est possible
23 qu'il puisse en parler et je pense qu'il doit pouvoir en parler, mais le
24 témoin ne peut pas être interrogé sur des aspects de droit international.
25 M. Milosevic (interprétation): Souvenez-vous que Tudjman, le 28 janvier
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1 1992, a informé le monde qu'il revenait sur son acceptation du plan, parce
2 qu'il a affirmé à l'intention de Goulding qu'après la reconnaissance, il
3 n'y aurait plus de questions politiques à négocier? Vous rappelez-vous de
4 cela ou pas?
5 M. Okun (interprétation): Excusez-moi, je crois que vous parlez du 28
6 janvier 1992. Le fait est que le Président Tudjman a accepté l'envoi de la
7 mission de maintien de la paix. Donc je pense que cet acte parle de lui-
8 même.
9 Question: Suite à des pressions exercées ultérieurement, mais ceci n'est
10 pas contesté. Ceci figure dans des documents des Nations Unies. Mais savez
11 vous qu'au sein du Conseil des ministres de la Communauté européenne et au
12 sein du Conseil de la Commission européenne, donc au sein de tous les
13 organes de la Communauté européenne, il y a eu appui à l'intégrité
14 territoriale de la RSFY?
15 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous répondre au nom de la
16 Communauté européenne, Monsieur l'Ambassadeur?
17 M. Okun (interprétation): Je ne peux pas, mais je peux communiquer à la
18 Chambre la quintessence de l'arbitrage établi par la commission
19 d'arbitrage qui avait été mise en place officiellement par la Communauté
20 européenne pour se prononcer sur ces questions. Si cela vous intéresse, je
21 peux vous dire quelle a été la conclusion de cette commission. Mais je ne
22 tiens pas non plus à utiliser le temps imparti à M. Milosevic, je suis
23 conscient des contraintes de temps. C'est donc à vous qu'il appartient de
24 décider.
25 M. Milosevic (interprétation): J'essaie de démontrer, Monsieur Okun, à
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1 quel point ces actes officiels étaient en contradiction avec la volonté
2 généralement exprimée tant par les habitants de la Yougoslavie que par la
3 Communauté européenne internationale qui voulait défendre l'intégrité de
4 la Yougoslavie.
5 Savez-vous que le Conseil des ministres de l'OSCE, lors de sa réunion à
6 Berlin, à la mi-1991, a adopté une résolution dans laquelle, entre choses,
7 il exprimait son appui, son soutien à l'unité et à l'intégrité
8 territoriale de la Yougoslavie?
9 Réponse: Eh bien, pour répondre à votre question, Monsieur Milosevic,
10 quant au fait de savoir si la Communauté européenne a appuyé, a soutenu
11 l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, la commission d'arbitrage a
12 été chargée d'étudier cette question et la commission d'arbitrage, au mois
13 de décembre, dans un avis officiel, a fait connaître sa position.
14 Je cite, en français: "Et donc la commission d'arbitrage a estimé que la
15 Yougoslavie était en train de vivre un processus de dissolution". Ce sont
16 les mots utilisés par la commission qui s'exprimait en français. Alors,
17 voilà quelle a été la décision de la commission d'arbitrage de la
18 Communauté européenne, à savoir de la commission que la Communauté
19 européenne avait chargée de répondre à la question que vous posez
20 aujourd'hui.
21 Je suppose que, dans ces conditions, s'agissant de moi personnellement, je
22 ne peux reprendre et revenir sur la décision prise à l'époque par la
23 commission d'arbitrage.
24 Question: Monsieur Okun, ce dont je vous parle, c'est du fait qu'à
25 l'époque, nous avions confiance en la Communauté européenne; nous croyions
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1 à la sincérité de sa volonté de défendre l'intégrité territoriale de la
2 Yougoslavie, puisque cela correspondait à nos vœux.
3 Vous rappelez-vous, par exemple, que James Baker, le secrétaire d'Etat
4 américain de l'époque, en juin 1992, a déclaré que les Etats-Unis
5 soutenaient le caractère unifié de la Yougoslavie, et il a insisté sur le
6 fait que les Etats-Unis n'adopteraient aucun document unilatéral
7 reconnaissant un acte de sécession? C'était après sa visite en
8 Yougoslavie.
9 Réponse: Le secrétaire James Baker était un homme très sage et l'est
10 toujours aujourd'hui, d'ailleurs. Il importe de dire que si l'on revient
11 sur l'histoire de la période, on ne peut que constater une évolution sur
12 le plan historique au cours de cette période.
13 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Okun, est-il tout à fait
14 clair que, si l'on parle d'intégrité de la Yougoslavie ou si l'on parle de
15 la "Grande Yougoslavie" comme on avait l'habitude de le dire à un certain
16 moment, c'est avant tout sur pressions exercées par l'Allemagne que
17 certains ont renoncé à défendre cette intégrité territoriale de la
18 Yougoslavie...
19 M. le Président (interprétation): Je vais interrompre ici, parce que vous
20 ne cessez de revenir sur cet argument, vous le faites sans arrêt. Ce n'est
21 pas pertinent. Cela n'a rien à voir avec la déposition de ce témoin. Je
22 vous conseille de vous concentrer sur ce qui figure à l'Acte d'accusation,
23 Monsieur Milosevic; autrement dit, sur les charges retenues contre vous.
24 Si vous avez encore des questions sur un sujet différent, vous pouvez les
25 poser au témoin. Sinon, nous autoriserons le témoin à quitter le prétoire.
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1 M. Milosevic (interprétation): J'ai un encore un grand nombre d'autres
2 questions, Monsieur May, mais je vais devoir en sauter quelques-unes parce
3 que ce témoin a témoigné ici sur un très grand nombre de questions.
4 Monsieur Okun, savez-vous que le 14 février à Sarajevo, la conférence
5 internationale sur la Bosnie-Herzégovine a débuté ses travaux sous la
6 présidence de Cutileiro, à ce moment-là, dans le cadre de l'Union
7 européenne qui l'organisait?
8 M. Okun (interprétation): Oui, oui. Je suis au courant du fait que M.
9 Cutileiro -car ça se prononce "Cutileiro" et non "Cutiliero", puisqu'il
10 n'y a pas de "h" dans l'orthographe de ce nom; je le signale aux
11 sténotypistes, ce nom s'écrit C-U-T-I-L-E-I-R-O-, donc je suis au courant
12 que Cutileiro, comme je l'ai déjà dit dans mon témoignage, s'est chargé de
13 la question de la Bosnie à la demande de Lord Carrington.
14 Question: Vous souvenez-vous que dans la résolution du Conseil de sécurité
15 par laquelle les forces des Nations Unies qui devaient désormais s'appeler
16 Forpronu ont été créées, donc dans cette résolution il était souligné
17 qu'il n'y avait pas de solution politique préexistante pour régler la
18 situation en Yougoslavie?
19 Réponse: Oui, et c'est précisément une des raisons pour lesquelles le
20 Secrétaire Vance et moi-même ne parlons jamais du "Plan Vance" ou "Plan de
21 paix Vance", parce qu'il n'y avait pas de plan de paix. Merci, d'ailleurs,
22 d'avoir cité ce premier paragraphe.
23 Nous disions explicitement que c'était une solution intermédiaire destinée
24 à maintenir la paix sur le terrain; la solution politique était entre les
25 mains de Lord Carrington et de la conférence de la Communauté européenne
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1 sur la Yougoslavie.
2 Question: Très bien, Monsieur Okun. Mais à l'époque, les zones sous
3 protection des Nations Unies étaient créées; j'espère que ceci ne fait
4 l'objet d'aucune contestation?
5 Réponse: Bien sûr que non. C'était l'objectif poursuivi par ce plan. Et le
6 plan impliquait donc de créer quatre zones protégées par les Nations
7 Unies, que l'on appelait "les UNPA". Deux étaient limitrophes l'une de
8 l'autre, donc il arrive parfois que l'on parle simplement de trois zones.
9 L'une de ces zones, c'était la Slavonie orientale; une autre, la Slavonie
10 occidentale, et les deux zones limitrophes étaient la Krajina et Vojna
11 Krajina, c'est-à-dire la Krajina militaire. Mais ces deux zones, si elles
12 étaient contiguës, étaient tout de même divisées en deux sur le plan
13 administratif. Donc il y avait quatre zones protégées par les Nations
14 Unies officiellement. Mais si vous regardez une carte, vous n'en verrez
15 que trois.
16 Question: Oui, oui, c'est de notoriété publique, Monsieur Okun. Ces zones
17 étaient créées officiellement.
18 Mais la question que je vous pose est la suivante: vous rappelez-vous
19 qu'outre le fait que ces zones sous protection des Nations Unies avaient
20 été créées officiellement, plusieurs mois plus tard ou, pour être précis,
21 le 21 juin 1992, les forces armées croates ont lancé une attaque sur une
22 partie du territoire situé à l'intérieur de ces zones protégées par les
23 Nations Unies? Répondez simplement par oui ou non, parce que nous devons
24 faire vite.
25 Réponse: Je sais que les forces serbes n'ont jamais démilitarisé à
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1 l'intérieur des UNPA, contrairement à l'engagement pris par elles…
2 Question: …
3 Réponse: Excusez-moi, Monsieur Milosevic, c'est moi qui ai la parole.
4 Je sais donc que les forces serbes n'ont jamais démilitarisé à l'intérieur
5 des zones protégées par les Nations Unies, que la JNA a remis son
6 équipement aux forces de police. Donc ceci était contraire aux accords
7 conclus, c'était une violation de ces accords et nous nous inquiétions
8 beaucoup de cela. Nous n'avons cessé d'en parler pendant toute cette
9 période en exprimant notre préoccupation.
10 Il n'était donc pas surprenant, dans ces conditions, qu'il y ait des actes
11 de violence ici ou là, y compris à l'intérieur des zones protégées par les
12 Nations Unies. Il y en a eu cependant très peu, de ces actes de violence.
13 Et le problème principal pour le général Nambiar, s'agissant de ces zones
14 protégées par les Nations Unies, c'était le refus opposé par les Serbes de
15 démilitariser, comme ils s'étaient engagés à le faire.
16 Question: Je comprends votre tentative de minimiser ceci, Monsieur Okun.
17 Mais les UNPA, les zones sous protection des Nations Unies, l'attaque du
18 plateau de Miljevac, qui ne constituent qu'une tâche d'encre sur la carte
19 -comme vous le disiez à l'époque- et qui étaient sous protection des
20 Nations Unies… Je pense que vous avez parlé de cela comme étant des tâches
21 d'encre sur la carte, au moment de l'attaque sur le plateau de Miljevac en
22 1992, qui constituait une violation flagrante des accords conclus par les
23 Croates.
24 Est-ce que c'est bien cela ou pas, Monsieur Okun?
25 Réponse: Ce qui était le cas, c'était que les forces serbes des zones sous
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1 protection des Nations Unies n'ont jamais démilitarisé. Ce qui est vrai,
2 c'est que la JNA ne s'est pas retirée immédiatement de Croatie,
3 contrairement aux engagements qu'elle avait pris. Elle n'est partie de
4 façon définitive qu'en octobre 1992, au moment où elle a quitté la
5 péninsule de Prevlaka. La résolution de maintien de la paix a été votée en
6 février 1992 et elle prévoyait un retrait immédiat.
7 Alors, si vous le souhaitez, Monsieur le Président, je peux vous donner
8 d'autres exemples de non-respect par la JNA et par la partie serbe des
9 accords conclus, mais je crois comprendre que vous souhaitez avancer
10 rapidement, donc je m'arrête ici.
11 Question: Il n'y a qu'un point en discussion ici, à savoir si, oui ou non,
12 les zones protégées par les Nations Unies ont été attaquées. Si votre
13 réponse à cette question consiste à dire que les zones sous protection des
14 Nations Unies ont subi des…
15 En répondant à la question de savoir s'il y a eu attaque contre les zones
16 protégées par les Nations Unies, si vous me répondez que des forces serbes
17 ont attaqué d'autres régions, c'est très bien, mais cela n'a rien à voir.
18 Mais ce n'est pas ce qui s'est passé; ce qui s'est passé, c'est une
19 attaque des régions sous contrôle des Nations unies par les forces armées
20 croates. Donc les UNPA ont été attaquées par les forces armées croates.
21 Et la question que je vous pose, c'est: est-ce que vous estimez que ceci
22 s'est fait en violation de la décision relative aux zones protégées par
23 les Nations Unies?
24 Réponse: Je ne suis pas au courant d'une attaque par les forces armées
25 croates d'une quelconque importance contre les UNPA.
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1 Question: Très bien. Si vous le dites, si vous dites que vous ne savez
2 pas, je ne vais pas continuer à vous interroger sur ce sujet. Donc vous ne
3 savez pas qu'il y avait un attaché militaire à Washington qui a été tenu
4 responsable d'un massacre de Serbes?
5 Mais je vais vous poser la question suivante. Dans la presse croate, je
6 lis ici une citation de cette presse, et je vois qu'il est écrit que, le 3
7 "studeni"… Je ne sais pas très bien ce que c'est, ce que veut dire ce mot
8 "studeni". Je suppose que c'est un mot qui fait référence au froid, donc
9 c'est sans doute en hiver que cela se passe. Mais, enfin, je cite:
10 "Certains d'entre eux qui auraient pu être responsables du crime commis
11 contre les Serbes sur le plateau de Milijevac…" (Fin de citation.)
12 (Interruption du Président.)
13 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre. Il n'y a
14 aucune raison de citer une liste de noms à l'intention du témoin.
15 M. Milosevic (interprétation): Ceci a été publié par la presse croate,
16 donc je ne fais que citer la presse.
17 M. le Président (interprétation): Cela ne fait rien, le témoin ne peut pas
18 répondre à cette question.
19 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.
20 Monsieur Okun, vous rappelez-vous que, le 25 juin, le responsable qui
21 présidait le Conseil de sécurité des Nations Unies à partir du mois de
22 juin, à savoir l'ambassadeur de Belgique, Paul Notre-Dame, a envoyé un
23 avertissement très ferme à la Croatie en raison de l'attaque lancée par
24 l'armée croate contre Knin et Drnis?
25 Est-ce que vous savez au moins quel était le libellé très robuste utilisé
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1 par le Conseil de sécurité pour lancer cet avertissement à l'armée croate?
2 Et considérez-vous ceci comme une confirmation du fait que la Croatie
3 avait été responsable d'une violation? Ce n'était pas un avertissement
4 lancé à la République serbe de Krajina ou à quelque autre République
5 serbe, ou à leurs dirigeants, mais bien à la Croatie, et en raison de
6 l'attaque sur Knin et Drnis.
7 M. Okun (interprétation): Je pense que nous avons déjà établi que des
8 violences isolées ont continué, ici et là, en de rares occasions.
9 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous souvenez-vous que le 13
10 juin 1992, le Conseil de sécurité de Nations Unies -donc je parle bien du
11 Conseil de sécurité des Nations Unies- qui, dans sa Résolution 762, a
12 appelé le gouvernement de Croatie à retirer son armée de ses positions
13 qu'elles avaient acquises avant l'offensive du 22, et de cesser toute
14 opération hostile dans les zones protégées par les Nations Unies ou
15 proches de ces régions. Et le Conseil de sécurité répétait que le plan de
16 paix ne constituait pas une solution politique pré-établie. Donc le fait
17 que vous ne disiez n'avoir aucune connaissance de tout cela, nous voyons
18 ici qu'il existait déjà la Résolution 762 du Conseil de sécurité des
19 Nations Unies.
20 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre.
21 M. Okun (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
22 Je n'ai pas dit que je n'avais aucune connaissance à ce sujet. Vous faites
23 référence maintenant à quelque chose qui s'est passé en juin 1992. Et
24 votre question antérieure -je peux d'ailleurs encore la lire sur l'écran-
25 concernait une attaque sur la Krajina serbe et une attaque sur Knin et
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1 Drnis.
2 Eh bien, je dis encore une fois, à titre d'explication à l'intention des
3 Juges, que M. Milosevic est en train de parler des zones en Bosnie-
4 Herzégovine qui étaient limitrophes des zones sous protection des Nations
5 Unies situées en Croatie. Toutes les zones sous protection des Nations
6 Unies situées en Croatie étaient mitoyennes avec la Bosnie-Herzégovine. Il
7 y avait donc, entre les deux, une frontière pour toutes ces régions.
8 Celles qui étaient à l'ouest dans la zone de Knin, ou dans la Krajina
9 militaire, étaient particulièrement sensibles parce qu'elles étaient
10 habitées par des Serbes; et les combats se sont donc essaimés de l'autre
11 côté de la frontière, c'est-à-dire en Bosnie, et se sont poursuivis là-
12 bas.
13 C'est la raison pour laquelle la Résolution du Conseil de sécurité a été
14 adoptée, celle que le Président Milosevic vient à très juste titre de
15 citer; et c'est pourquoi, dans cette résolution, il est question de zones
16 limitrophes. C'était une façon diplomatique de faire référence à la
17 Bosnie-Herzégovine.
18 Et, dans le même ordre d'idée, la Slavonie occidentale est voisine de la
19 région de Posavina, en Slavonie orientale. Il y a une frontière entre les
20 deux. Donc la situation dans les zones protégées par les Nations Unies
21 situées en Croatie étaient naturellement influencées par les combats qui
22 se déroulaient juste à côté, en Bosnie. C'est pourquoi M. Milosevic parle
23 de cela, je suppose.
24 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas une allusion que je fais à
25 quoi que ce soit, Monsieur Okun. J'ai été très précis lorsque j'ai cité la
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1 Résolution 762 du Conseil des Nations Unies qui appelait le gouvernement
2 croate à retirer son armée des positions prises par elle à une certaine
3 date. Et cette armée était également appelée à cesser toute activité
4 hostile au sein des zones protégées par les Nations Unies. Je n'ai pas
5 parlé du tout de la Bosnie-Herzégovine; et ceci d'ailleurs, à mon avis,
6 n'a rien à voir avec la Bosnie-Herzégovine.
7 Réponse: Comme je l'ai expliqué, l'expression "dans les zones voisines",
8 utilisées par le Conseil de sécurité, concerne les combats qui se
9 déroulaient en Bosnie.
10 Question: Très bien. Si nous nous ne comprenons pas sur ce point, il nous
11 sera difficile de nous comprendre sur d'autres points. Parce que c'est
12 exactement ce que dit la Déclaration 762 du Conseil de sécurité.
13 Mais, maintenant, le rapport du Secrétaire général des Nations Unies
14 adressé parle de 246.000 (sic) hommes comme faisant partie des forces
15 croates le 21 août, c'est à dire la dernière semaine du mois d'août, et
16 parle de civils serbes tués en date du 13 septembre, après le cessez-le-
17 feu. Est-ce que vous êtes au courant de cela? Est-ce que vous êtes
18 informé? Et je cite ici des documents des Nations Unies, Monsieur Okun.
19 Réponse: Si c'est un document des Nations Unies, je suppose que c'est bien
20 ainsi que les choses se sont passées.
21 Question: Et est-il contesté le fait que la Croatie, pendant ce temps-là,
22 n'exerce pas de souveraineté sur ces territoires-là, parce que cela avait
23 été placé sous la responsabilité des Nations Unies? Et lorsque,
24 contrairement à ce fait-là, les représentants des Nations Unies exigent de
25 la part de la Krajina d'entreprendre des mesures pour mettre en place un
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1 système juridique actif ou opérant, comme il s'agissait de zones sous la
2 protection des Nations Unies, ce n'était pas sous l'autorité de la
3 Croatie. Et les représentants des Nations Unies demandent aux
4 représentants de la Krajina de mettre en place un système juridique
5 opérant.
6 Réponse: Excusez-moi, mais vous parlez de quelle période ici? A quelle
7 période faites-vous référence?
8 M. Milosevic (interprétation): Je vais vous dire tout de suite: il s'agit
9 du 14 septembre 1992.
10 M. Okun (interprétation): Puis-je répondre?
11 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.
12 M. Milosevic (interprétation): 14 septembre 1992.
13 M. Okun (interprétation): Vous venez de faire une déclaration qui est très
14 incorrecte et qui est hors de propos. Je la reprends point par point.
15 Vous avez dit que la Croatie était occupée et que les zones protégées ne
16 se trouvaient pas, de fait, sur le territoire de la Croatie. C'est erroné,
17 c'est faux. Elles se trouvaient bien sur le territoire de la Croatie et
18 ceci a été reconnu par nous, par M. Vance, par moi-même. Dès le départ,
19 nous avions compris, effectivement, que ces zones protégées se trouvaient
20 en Croatie. Et tous ces documents -vous n'avez qu'à les vérifier- parlent
21 toujours du fait que ces zones protégées se trouvent en Croatie. Ces
22 documents ne disent pas que ces zones se trouvent en Krajina ou en
23 Slavonie occidentale, ils sont en Croatie.
24 Je reviens maintenant sur votre deuxième point, à savoir que la Croatie,
25 pour ainsi dire, n'était pas une entité. J'aimerais rappeler aux Juges que
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1 la Croatie a été acceptée et admise aux Nations Unies en tant qu'Etat
2 membre, au mois d'avril 1992. Il tombe, dès lors, sous le sens que la
3 Croatie était un Etat souverain.
4 Question: Mais moi, je donne citation des conclusions de la sous-
5 commission du général Nambiar justement, portant cette date le 11
6 septembre 1992, aux fins de faire en sorte que les Serbes mettent en place
7 un système juridique opérant sur cette région. C'est précisément la raison
8 pour laquelle je vous en parle, donc cela ne devrait et ne pourrait pas
9 être contesté. Mais, donc, allons de l'avant.
10 En même temps, donc, Monsieur Okun, je voudrais savoir si vous avez
11 connaissance du fait que, quoique toute ces résolutions et tous ces
12 accords affirmaient qu'il ne saurait être fait ou porté préjudice à la
13 solution politique ultérieure, le Secrétaire général affirme -dans son
14 rapport du 28 septembre 1992- que conformément aux objectifs communs
15 établis par la Résolution 762, il a été établi une autorité croate dans
16 les zones roses. Comment pouvez-vous m'expliquer cette approche, si la
17 Résolution disait bien qu'il ne saurait y avoir de préjudice pour la
18 solution politique à adopter ultérieurement?
19 Réponse: L'explication, si vous me permettez de la donner, est très
20 simple. Je l'ai déjà dit, cette Conférence sur la Yougoslavie a cessé
21 d'exister au mois d'août 1992. Par la suite, on n'a pas essayé de chercher
22 une solution, un règlement complet pour la totalité de l'ex-Yougoslavie.
23 La Conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie -qui était co-présidée
24 par Vance et Owen- n'était pas à la recherche d'un règlement général,
25 complet. Ceci, c'était révolu. Il fallait donc prendre des dispositions au
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1 niveau local, à l'échelon local.
2 Pour ce qui est de l'aspect militaire, technique, dans les zones protégées
3 par les Nations Unies et autour de celles-ci, en Croatie- et c'est ce à
4 quoi M. Milosevic fait référence lorsqu'il parle du fait qu'un appareil
5 judiciaire est établi, que des gens font des allers et venues, à partir
6 des zones roses-, c'étaient des arrangements, des dispositions locales.
7 Question: Bien. Mais vous souvenez-vous que le 30 septembre 1992, sous les
8 auspices et en présence des co-présidents de la Conférence sur la
9 Yougoslavie -à savoir Vance et Owen- le Président de la Yougoslavie, M.
10 Dobrica Cosic et le Président la Croatie, M. Franjo Tudjman, ont signé, à
11 Genève, une déclaration conjointe, le 6 octobre 1992; et le Conseil de
12 sécurité a adopté la Résolution 779, qui se félicitait de la déclaration
13 conjointe signée entre la RSFY et la Croatie, en date du 30 septembre de
14 cette année-là?
15 Réponse: Oui. Est-ce que je me souviens de cette déclaration conjointe;
16 c'est la question? Oui, je m'en souviens.
17 M. Milosevic (interprétation): Toutefois, quelques mois plus tard, le 22
18 janvier 1993, la Croatie procède à une attaque sur le territoire de la
19 République de Krajina serbe, dans les zones appelées "zones roses", sous
20 contrôle de l'ONU. Je suppose que cela n'est pas contesté.
21 Ce que je vous demande, à ce sujet, au sujet de cette attaque, c'est de
22 savoir si vous vous souvenez de cette attaque du 22 janvier? Suite à une
23 session à huis clos du Conseil de sécurité, le Président du Conseil de
24 sécurité, l'ambassadeur japonais, Yoshiro Katana (phon.) a déclaré pour la
25 presse que le Conseil de sécurité condamnait l'attaque croate et demandait
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1 de cesser immédiatement l'offensive afin que les forces croates se
2 retirent immédiatement sur les positions de départ.
3 Et le Secrétaire général, à l'époque, M. Boutros Boutros-Ghali, avait
4 exprimé ses regrets –et je le cite- "en raison de l'action unilatérale des
5 autorités croates qui portait atteinte aux efforts de paix déployés par
6 les Nations Unies." (Fin de citation.)
7 Vous souvenez-vous de ces réactions au sujet de ce que j'ai dit qu'il
8 s'était passé? Ce n'est pas contesté que ce soit vrai, que cela se soit
9 passé? Il n'est pas contesté que la Forpronu…
10 M. le Président (interprétation): Je vous interromps parce que cette
11 question, elle a suffisamment duré, pour autant que ce soit une question.
12 Monsieur l'Ambassadeur, je pense qu'il y a en fait trois questions en une.
13 Est-ce qu'il y a eu une attaque le 22 janvier, comme ceci est affirmé,
14 dirigée contre la Krajina serbe? Vous pourrez peut-être répondre à cette
15 première question et parler de la réaction qu'aurait eue le Conseil de
16 sécurité?
17 M. Okun (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous avons discuté
18 des zones roses. Je dois y faire référence brièvement, en guise
19 d'introduction.
20 Ces zones roses, comme on les a appelées, ça a été une pomme de discorde;
21 parce que le commandement civil des Nations Unies n'a jamais réussi à
22 établir le contrôle effectif qu'il aurait dû avoir au sein des zones
23 protégées par les Nations Unies en Croatie. Une partie du plan de maintien
24 de la paix -ce qu'on a appelé le plan Vance-Owen- a été acceptée, été
25 faite. Mais il y a une partie qui n'a jamais été réalisée: c'est le retour
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1 des civils croates qui avaient été chassés de ces zones pour rentrer chez
2 eux. Ça n'a jamais été fait.
3 Il y a eu donc des combats dans ces zones. Par conséquent, il y a eu des
4 combats menés également par l'armée de Croatie. C'était, si vous voulez,
5 une introduction. Et ceci étant dit, je serai d'accord pour dire que
6 l'armée de Croatie a sans doute déclenché cette offensive, a pris ces
7 mesures; j'entends la déclaration que fait ici, ou qu'a faite celui qui
8 était alors Président du Conseil de sécurité, et je l'ai entendue. Je
9 crois qu'il l'a faite de bonne foi, mais -je le répète- il y a eu de
10 nombreux actes de violence aveugle occasionnels dans les zones protégées
11 des Nations Unies et autour de celles-ci. Mais celles-ci n'avaient pas
12 uniquement trait aux combats très intenses qu'il y avait à côté, en
13 Bosnie-Herzégovine.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Okun, ces questions-là n'ont rien
15 à voir avec la Bosnie-Herzégovine du tout. Mais j'ai parlé du communiqué
16 de la Présidence, j'ai parlé de la déclaration du Secrétaire général.
17 Mais savez-vous que, quelques jours auparavant, le Conseil de sécurité
18 avait adopté une Résolution, la 802? Et comme tout ceci n'avait pas aidé,
19 la Résolution 802 condamnait sévèrement l'attaque militaire des Croates
20 sur les régions protégées par les Nations Unies et demandait que l'on
21 cesse immédiatement les hostilités, le retrait des effectifs, etc., etc.
22 Vous souvenez-vous de cette Résolution 802 du Conseil de sécurité?
23 M. Okun (interprétation): Oui, je m'en souviens, mais assez vaguement.
24 Parce qu'en fait, c'était là, cette poursuite des combats, un peu ce qui
25 se produisait en réponse, sans cesse autour de ces zones et à l'intérieur
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1 de ces zones.
2 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous que le 27 janvier, à une
3 session à huis clos du Conseil de sécurité, une déclaration présidentielle
4 a été adoptée, disant que le Conseil de sécurité était très préoccupé
5 parce que les forces croates, en dépit des avertissements, avaient
6 continué leur offensive, malgré les demandes de toutes parts pour faire
7 cesser les hostilités et demander la mise en œuvre de tout ce qui avait
8 été prévu au terme de la Résolution 802 du Conseil de sécurité?
9 M. Okun (interprétation): Je suppose qu'ils ont fait cette déclaration.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, nous voulons essayer de
11 terminer la déposition de ce témoin qui est ici depuis pas mal de temps
12 déjà. Je ne sais pas si vous êtes prêt à abandonner un éventuel contre-
13 interrogatoire auquel vous voudriez procéder?
14 M. Kay (interprétation): En général, je parle suffisamment haut et fort
15 pour être entendu, même sans micro.
16 Je crois qu'il serait vraiment préférable de laisser le temps qui m'était
17 prévu à l'accusé. J'avais quelques questions importantes à poser à ce
18 témoin. Mais ce que je vous propose, c'est ceci: je propose de les écrire
19 en citant les rubriques du carnet, et je voudrais les présenter à la
20 Chambre afin que celle-ci comprenne ce que je voulais faire valoir à
21 partir des rubriques de ces carnets.
22 Est-ce que ceci reçoit l'approbation de la Chambre de première instance?
23 (Les Juges se concertent sur le siège.)
24 M. le Président (interprétation): Nous devons être sortis de ce prétoire à
25 2 heures moins le quart. Monsieur Groome, ceci vous concerne également,
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1 n'est-ce pas?
2 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, moi, j'aurai à peu près
3 cinq questions. Il me faudrait, pour cela, cinq minutes. Questions
4 importantes à poser.
5 M. le Président (interprétation): Je ne veux pas retenir le témoin ici ou
6 le faire revenir des Etats-Unis. Et l'accusé a droit encore à cinq
7 minutes. Je parle en mon nom personnel: moi, je suis prêt à être saisi de
8 remarques écrites; on pourrait toujours les envoyer au témoin afin qu'il
9 réponde par écrit.
10 M. Groome (interprétation): Puis-je vous aider sur ce point? Il est prévu
11 que ce témoin dépose à un autre procès au cours de l'été, en juin ou en
12 juillet. On pourrait peut-être, de cette façon, terminer sa déposition
13 -s'il reste 10 ou 15 minutes pour celle-ci- à son retour cette fois-là?
14 M. le Président (interprétation): Nous allons voir comment nous allons
15 avancer. Nous allons laisser les six dernières minutes, et puis, nous
16 verrons ce qu'il en est. Nous ferons le point.
17 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)
18 Vous souvenez-vous, Monsieur Okun, du fait que le 30 mars 1993, le Conseil
19 de sécurité a adopté une Résolution portant le numéro 815, prorogeant le
20 mandat de la Forpronu? Et le 6 avril, tout de suite après, donc au bout de
21 quelques jours, une délégation de la République de Croatie et de la
22 Krajina serbe se sont rencontrées à Genève, ont signé un accord pour ce
23 qui est de l'application de la Résolution du Conseil de sécurité n°802. Et
24 au terme de cet accord, il avait été prévu une cessation des hostilités et
25 le retrait des forces de la République de Croatie aux lignes de départ
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1 avant l'éclatement des conflits du 21 et ainsi de suite; et le droit de
2 toute personne d'utiliser le point de Maslenica, l'aéroport de Zemunik, le
3 barrage Peruca et les routes environnantes à des fins civiles, le 22.
4 M. Okun (interprétation): Et cette réunion à Genève s'est faite quand?
5 Question: Le 6 avril 1993.
6 Réponse: Merci.
7 (Le témoin cherche dans son carnet.)
8 Oui, je trouve ceci dans mon carnet. A l'intention de tous ceux qui sont
9 présents dans le prétoire, il s'agit de réunions qui se sont tenues le 6
10 avril 1993, un mardi, dont une réunion d'une heure avec les Serbes de
11 Krajina, Goran Hadzic, Slobodan Jarcevic et Misa Milosevic –je pense qu'il
12 n'y a pas de liens de parenté entre cet homme et vous- et avec une
13 certaine Dragana Milj. Effectivement, nous avons rencontré ces personnes.
14 Auparavant, nous avions rencontré les Croates. Mais quelle était votre
15 question?
16 Question: Je voulais savoir si vous vous souveniez qu'à la fin, on avait
17 entamé une normalisation qui avait certains signes de normalisation entre
18 Knin et Zagreb. Quoique, de tous temps, les activités agressives soient
19 provenues uniquement du côté croate; les Serbes ont fait preuve de
20 réserve, d'abstention. Vous le savez, Monsieur Okun, ou pas?
21 Réponse: Je sais qu'il y a eu des réunions et je constate que j'étais
22 présent, grâce à mes carnets. Et je me souviens même qu'au cours de cette
23 période, je suis allé en personne en Croatie pour présider à diverses
24 réunions qui ont réuni les Serbes et les Croates en rapport avec la
25 poursuite des combats autour des zones protégées par les Nations Unies.
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1 Je ne peux vous dire que ceci: c'est qu'il y avait combat de part et
2 d'autre, et que c'était surtout le côté serbe qui engageait ces combats
3 parce que les Serbes rejetaient notamment des propositions ou une
4 proposition faite par ce Susak, le ministre croate de la Défense, qui
5 visait à ce que les deux parties retirent leur artillerie. C'était ce qui
6 se posait.
7 Il y avait poursuite des combats, les négociations qui se poursuivaient
8 également. Et bien sûr, on peut toujours mettre en exergue tel ou tel
9 moment isolé, mais c'est un peu comme si on essayait de prendre un train
10 en marche. Je crois qu'il est préférable de voir dans ceci un continuum,
11 plutôt que des actes individuels, isolés, singuliers.
12 Question: Ici, d'après ce que je vous ai cité, il s'agissait de toute une
13 série de violations du régime ou du statut des zones sous protection des
14 Nations Unies. Vous souvenez-vous que suite à cela, à Genève, on avait
15 fait l'accord appelé "Accord de Erdut", entre les mêmes parties
16 concernées?
17 Réponse: Je l'ai dit, il y avait des combats continus des deux côtés.
18 Question: Et vous souvenez-vous qu'à la place de respecter tous les
19 avertissements émanant des Nations Unies, du Secrétaire général, du
20 Président du Conseil de sécurité et ainsi de suite… résolution pertinente
21 et afférente. Une fois de plus, le 9 septembre 1993, l'armée croate a
22 lancé une attaque sur les zones protégées et s'est emparée de Divo Selo,
23 Citluk, Pocitelj et Gospic, à proximité de Gospic?
24 Vous souvenez-vous que cela s'est passé le 9 septembre. Et, le 10,
25 Thorwald Stoltenberg a convié le Président de la Croatie, Franjo Tudjman,
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1 et ce, en public, a donné l'ordre à ses forces armées de faire cesser les
2 attaques sur les territoires habités par les Serbes et de se retirer des
3 trois villages qui avaient été pris par la force par ses unités?
4 Vous souvenez-vous de l'appel lancé par le co-Président Stoltenberg qui
5 avait été co-Président au nom des Nations Unies, qui a remplacé Vance.
6 Réponse: A ce moment-là, moi, j'étais surtout concerné par la Macédoine et
7 par la question grecque. Mais, je le répète, j'étais au courant à l'époque
8 et je suis au courant du fait qu'il y avait poursuite des combats dans les
9 zones protégées des Nations Unies et autour de celles-ci.
10 Question: Vous souvenez-vous que le 7 octobre 1993, les Nations Unies
11 demandent au gouvernement croate d'avancer des explications pour le
12 massacre des civils serbes commis par l'armée croate au niveau de la poche
13 de Medak où l'on a tué 70 civils et où il en a disparu 48 autres qui ont
14 probablement, eux aussi, été tués?
15 Réponse: Il y a eu des violations du droit international humanitaire
16 pendant toute la durée du conflit.
17 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous souvenez…
18 (Interruption du Président.)
19 M. le Président (interprétation): Ce sera votre dernière question,
20 Monsieur Milosevic. Nous avons dépassé le temps imparti.
21 M. Milosevic (interprétation): Je regrette beaucoup, Monsieur May. J'ai au
22 moins 50 questions à poser à ce témoin-ci.
23 M. le Président (interprétation): Eh bien, choisissez-en une.
24 M. Milosevic (interprétation): Alors, si ce n'est qu'une seule, je vais
25 vous poser la question suivante.
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1 Vous avez dit que j'avais eu des réunions avec Cyrus Vance auxquelles vous
2 n'avez pas assisté. Je peux même dire que j'ai eu bon nombre de réunions
3 avec Cyrus Vance auxquelles vous n'avez pas assisté.
4 Savez-vous de quoi M. Cyrus Vance et moi avons discuté à ces réunions-là?
5 M. Okun (interprétation): Le Secrétaire Vance me disait, en règle
6 générale, ce dont lui et vous vous discutiez.
7 M. Milosevic (interprétation): Donc je n'ai plus de possibilité de poser
8 de questions, n'est-ce pas, Monsieur May?
9 M. le Président (interprétation): Encore une, si vous voulez. Si vous
10 voulez poser une question qui découle de la réponse que vient de donner le
11 témoin, oui.
12 M. Milosevic (interprétation): Rien qu'une seule. Mais s'il dit tout
13 savoir, je suppose qu'il ne pourrait pas témoigner de quoi que ce soit de
14 contraire aux objectifs permettant d'aboutir à la paix et aux aspirations,
15 aux efforts déployés par la Serbie et moi-même, pour ce qui était
16 d'aboutir à la paix sur ces territoires de l'ex-Yougoslavie.
17 Est-ce qu'à un quelconque moment M. Cyrus Vance vous a laissé entendre
18 quoi que ce soit qui mettrait en doute, qui contesterait ce que je viens
19 de dire?
20 M. Okun (interprétation): Souvent, il m'a donné plus qu'une simple
21 indication, il m'a fait part de son avis. Il pensait que, parfois, vous
22 aviez essayé d'aider, mais que souvent, c'était le contraire, s'agissant
23 des efforts de paix, et que, toujours, vous aviez eu le contrôle.
24 M. le Président (interprétation): Fort bien.
25 Monsieur l'Ambassadeur, ceci met fin à votre déposition d'aujourd'hui.
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1 S'il est vrai que vous allez revenir en tant que témoin dans ce Tribunal,
2 au cours de l'été, il serait peut-être utile que vous veniez terminer
3 votre déposition dans ce procès, pour permettre aux amis de la Chambre et
4 au Bureau du Procureur de vous poser des questions, Je suppose que ça ne
5 devrait pas prendre plus de 20 minutes.
6 Auriez-vous l'obligeance de procéder de la sorte?
7 M. Okun (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
9 L'audience reprendra lundi matin.
10 M. Okun (interprétation): Monsieur le Juge May, est-ce que je peux
11 intervenir?
12 Je tiens à vous remercier tous de m'avoir permis de vous rendre service,
13 et je me tiens bien sûr à votre disposition, si par la suite, je peux vous
14 aider davantage.
15 M. le Président (interprétation): Merci.
16 (L'audience est levée à 13 heures 49.)
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