Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 19 mai 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, vous avez la parole.

5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Fadil Banjanovic, par M. Groome.)

6 M. Groome (interprétation): Monsieur Banjanovic, au moment où nous nous

7 étions arrêtés, il y a une semaine, vous étiez en train de décrire une

8 réunion à laquelle vous avez assisté en compagnie de Grujic et Jovo

9 Mijatovic. Je vais vous poser quelques questions afin d'obtenir des

10 détails quant à cette réunion. Mais pourriez-vous, en quelques phrases,

11 nous dire qui était Brano Grujic?

12 M. Banjanovic (interprétation): Brano Grujic, c'était un citoyen de

13 Zvornik, un homme du groupe ethnique serbe. Et il a été le numéro 1 dans

14 la municipalité, le maire.

15 Question: Qui était Jovo Mijatovic?

16 Réponse: Jovo Mijatovic a été l'un des premiers hommes politiques de

17 Zvornik. Il a été député à l'assemblée populaire.

18 Question: Et enfin, connaissez-vous un certain Marko Pavlovic?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Pourriez-vous nous dire, en quelques mots, qui cet homme était?

21 Réponse: Lui se présentait comme étant le premier commandant de l'armée et

22 de toutes les unités qui se trouvaient sur le territoire de la

23 municipalité de Zvornik.

24 Question: Une dernière question avant de vous demander de poursuivre votre

25 déposition: est-ce qu'il y avait une cellule de crise serbe dans la région

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1 de Zvornik? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire où se trouvait son

2 QG?

3 Réponse: Le QG existait, pour cette municipalité de Zvornik; son siège se

4 trouvait à Zvornik même, en effet. Le président de ce QG était Brano

5 Grujic.

6 Question: Est-ce qu'il y avait un bâtiment particulier qui était utilisé

7 par la cellule de crise?

8 Réponse: Je ne sais pas.

9 Question: Merci. Je vais maintenant vous demander de vous remémorer cette

10 réunion. Est-ce qu'à l'occasion de cette réunion, un ultimatum vous a été

11 signifié? Quelle était la nature de l'ultimatum et qui vous a adressé cet

12 ultimatum?

13 Réponse: Le 26 au matin, à Kozluk, au poste de police, Brano Grujic m'a

14 dit qu'il fallait immédiatement quitter Kozluk, déménager de là. Il m'a

15 dit-il… Quant il a dit "tout de suite", il a précisé: "dans une heure".

16 Question: Est-ce qu'au cours de cette réunion, quelqu'un vous aurait dit

17 ce qui allait se passer si vous ne partiez pas de Kozluk dans le temps

18 prévu?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Qui vous a dit cela? Qui vous a dit ce qui allait se passer?

21 Réponse: Jovo Mijatovic, le député à l'assemblée nationale de Bosnie-

22 Herzégovine, m'a pris de côté et m'a dit que l'on préparait une attaque

23 générale sur Kozluk et que, si nous ne déménagions pas, nous allions être

24 abattus.

25 M. Groome (interprétation): Après avoir quitté la réunion, qu'avez-vous

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1 fait?

2 M. le Président (interprétation): Vous dites "nous devrions partir".

3 Qu'entendez-vous par "nous"?

4 M. Banjanovic (interprétation): A Kozluk, il n'y avait que des Bosniens et

5 il restait quelque 2.000, 2.500 Bosniens. On sous-entend par là que nous,

6 Musulmans, nous, Bosniens, nous devions déménager. Ce sont là les ordres

7 qu'on nous avait donnés.

8 M. Groome (interprétation): Après avoir quitté la réunion, qu'avez-vous

9 fait?

10 M. Banjanovic (interprétation): D'abord, j'ai demandé comment rassembler

11 2.000, 2.500 personnes, comment quitter Kozluk. Et Brano Grujic m'a dit de

12 ne pas m'inquiéter à ce sujet, qu'il y avait des moyens de transport

13 d'assurés et que l'on serait déportés vers la Serbie.

14 Question: Est-ce qu'il s'est passé quelque chose d'autre, quelque chose

15 d'important, au cours de cette réunion, avant que je ne vous demande ce

16 que vous avez fait après avoir quitté la réunion?

17 Réponse: Non.

18 Question: Qu'avez-vous fait, après avoir quitté la réunion?

19 Réponse: Eh bien, aussitôt après, je suis parti. J'ai envoyé quelques-uns

20 de mes collaborateurs pour rassembler la population. J'ai pris un porte-

21 voix et j'ai convié la population à venir, à affluer vers le centre de

22 Kozluk. Vers le centre de Kozluk, il y avait de grandes colonnes de

23 véhicules militaires, de chars; il y avait beaucoup de soldats aussi.

24 C'était terrible!

25 Question: Est-ce que vous aviez l'intention de rassembler les gens dans un

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1 lieu qui était central? Où avez-vous essayé de faire se rassembler la

2 population de Kozluk?

3 Réponse: Au centre de Kozluk, à proximité de la maison de la culture.

4 Question: Est-ce qu'il y avait, à la maison de la culture, quelqu'un qui

5 était chargé de prendre le nom des personnes qui s'étaient rassemblées à

6 cet endroit pour partir de Kozluk?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pourriez-vous nous dire succinctement par quel processus on a

9 répertorié le nom des personnes qui devaient quitter Kozluk ce jour-là.

10 Réponse: Devant chacune des maisons, il y avait plusieurs soldats, des

11 policiers ou des membres d'unités paramilitaires. Ces hommes-là

12 bousculaient les gens vers le centre. Ils ouvraient le feu en direction de

13 cette population, ils distribuaient des coups, et la population de Kozluk

14 se sentait comme étant une espèce de troupeau de moutons qui était poussé

15 vers le centre de Kozluk Au centre de Kozluk, à proximité de la maison de

16 la culture, ils s'étaient rassemblés environ 2.000 personnes; il y avait

17 là un grand nombre de membres de l'armée, des unités paramilitaires, de la

18 police et autres forces armées. Une équipe de soldats, de concert avec un

19 groupe de citoyens originaires de Kozluk, a recensé les gens. Les citoyens

20 s'approchaient, signaient et entraient tout de suite après à bord des

21 autocars et des camions qui se trouvaient à proximité.

22 M. Groome (interprétation): Je vais maintenant vous montrer la pièce de

23 l'accusation, intercalaire 4.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Mme Anoya (interprétation): C'est la pièce de l'accusation 445.

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1 M. Groome (interprétation): Merci.

2 Pièce 445, intercalaire 4. Ce document fait plusieurs pages. Est-ce que

3 vous le reconnaissez?

4 M. Banjanovic (interprétation): Oui.

5 Question: Je précise à l'intention des Juges qu'une copie de cette pièce

6 est affichée à l'écran. J'attire votre attention en particulier sur le

7 coin supérieur droit, on y trouve un tampon qui est à l'encre bleue sur

8 l'original.

9 Pourriez-vous nous donner lecture de ce qui se trouve sur ce tampon?

10 Réponse: "Municipalité serbe de Zvornik, quartier général municipal de la

11 Défense territoriale de Zvornik".

12 Question: Examinez maintenant la dernière page de ce document. Est-ce que

13 vous voyez, quelque part sur cette page, votre signature?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Veuillez dire aux Juges ce que document, qui porte la cote 445

16 et se trouve à l'intercalaire 4, représente?

17 Réponse: Il s'agit d'une liste de citoyens originaires de Kozluk. Une

18 liste des pères de famille avec le nombre des membres desdites familles

19 que l'on déménageait de Kozluk de façon organisée.

20 Question: Est-ce qu'un document similaire a été préparé à l'intention de

21 la population de Skocici?

22 Réponse: En effet.

23 Question: Pourriez-vous nous dire où se trouve Skocici par rapport à

24 Kozluk?

25 Réponse: Skocici, c'est une petite localité près de Kozluk.

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1 Question: Est-ce que la population de Skocici devait quitter le village,

2 ce jour-là aussi?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que la population s'est rassemblée au même endroit que

5 celle de Kozluk?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Veuillez maintenant examiner la pièce de l'accusation 445,

8 intercalaire 5. Une fois de plus, j'aimerais attirer votre attention sur

9 le coin supérieur droit. Est-ce qu'on trouve à cet endroit le même tampon,

10 celui de la Défense territoriale de Zvornik?

11 Réponse: En effet, il s'agit bien du quartier général de la Défense

12 territoriale de Zvornik.

13 Question: Je vous demande d'examiner une fois de plus la dernière page; y

14 voyez-vous votre signature?

15 Réponse: Oui, oui.

16 Question: Intercalaires 4 et 5, est-ce que ce sont là les documents

17 originaux tels que vous vous les remémorez de cette journée-là?

18 Réponse: Les documents originaux avec les signatures ont été saisis par

19 les membres de la Défense territoriale de Zvornik. Ceux-ci sont des

20 copies.

21 Question: Est-il exact de dire que ce sont des copies carbone qui ont été

22 produites ce jour-là, ce ne sont pas des photocopies qui auraient été

23 effectuées plus tard?

24 Réponse: Non, ça a été fait le même jour. Seulement, les documents

25 originaux ont été pris par les gens de la Défense territoriale de Zvornik.

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1 Question: Outre ce document, est-ce qu'il vous est arrivé de recevoir un

2 document portant la signature du commandant Marko Pavlovic?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Pourriez-vous relater rapidement les circonstances dans

5 lesquelles vous avez reçu ce document?

6 Réponse: Lorsque nous nous rassemblés au niveau de la maison de la culture

7 et lorsque nous avons apposé nos signatures disant que nous quittions

8 Kozluk, il a été procédé à l'ouverture d'une enveloppe, enveloppe où il y

9 avait un ordre émanant du commandant de la Défense territoriale de

10 Zvornik. Ce document-là, je l'ai vu une quinzaine de minutes avant que

11 nous ne soyons expulsés de Zvornik.

12 Question: Veuillez maintenant examiner la pièce de l'accusation 445,

13 intercalaire 6. Examinez, si vous le voulez bien, la partie

14 dactylographiée qui se trouve dans la première moitié du document. Est-ce

15 bien le document tel que vous l'avez reçu ce jour-là?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Veuillez maintenant donner lecture du deuxième paragraphe de ce

18 document?

19 Réponse: "A l'intention des personnes susmentionnées (majeures), sur leur

20 demande explicite, sans contrainte aucune, en vertu du souhait formulé de

21 quitter, d'éviter la mobilisation dans des formations musulmanes, il a été

22 procédé à l'approbation de leur déménagement."

23 Question: Est-ce que cette déclaration correspond à la réalité? En bas du

24 document tel qu'il apparaît ici dans le prétoire, on voit que cette

25 partie-là comporte quelques notes manuscrites. Est-ce que vous

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1 reconnaissez, tout d'abord, l'écriture que l'on trouve dans cette partie-

2 là?

3 Réponse: Oui.

4 Question: C'est l'écriture de qui?

5 Réponse: C'est mon écriture à moi.

6 Question: A quel moment avez-vous apporté ces notes manuscrites sur le

7 document que vous aviez reçu, document qui, lui, était dactylographié?

8 Réponse: Le 26 dans l'après-midi à Loznica.

9 Question: Est-ce que ces notes montrent les calculs que vous avez établis

10 montrant le nombre de personnes qui ont été contraintes de quitter Kozluk

11 ce jour-là?

12 Réponse: Oui.

13 Question: D'après votre décompte, combien de personnes ont-elle été

14 contraintes de quitter Kozluk?

15 Réponse: 525 familles, cela fait 1.822 personnes ou citoyens.

16 Question: Monsieur le Témoin, pourriez-vous dire aux Juges de quelle façon

17 les personnes ont physiquement été contraintes de quitter Kozluk? Comment

18 on les a fait sortir du village? Quels genres de véhicules ont été

19 utilisés?

20 Réponse: Au centre de Kozluk, il y avait 17 autocars et trois camions avec

21 les remorques. Il y avait aussi deux véhicules de tourisme. C'est ainsi

22 que nous avons voyagé en quittant le centre de Kozluk pour aller jusqu'à

23 Loznica. Puis, de Loznica à Ruma; nous avons utilisé les mêmes véhicules.

24 Et à Ruma nous avons été transférés…

25 (Interruption de M. Groome.)

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1 Question: Procédons par ordre pour voir chaque tronçon de ce périple. J'ai

2 des questions à vous poser à propos de Loznica. Cette ville se trouve dans

3 quelle République?

4 Réponse: Loznica se trouve en Serbie.

5 Question: Est-ce que c'est le premier arrêt que les bus ont fait après

6 avoir quitté Kozluk?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Est-ce qu'il y a eu des contrôles à la frontière, du côté serbe

9 de la frontière, au moment où vous êtes passé en Serbie?

10 Réponse: Entre la Bosnie et la Serbie, il y a un passage frontière à

11 Sepak. C'est un pont sur la rivière Drina; c'est là que se trouve le

12 passage frontière et c'est là qu'une grande colonne de véhicules est

13 passée du côté serbe. Là, nous avons été arrêtés à Loznica, juste à côté

14 de la rivière Drina.

15 Question: Combien de temps avez-vous passé à Loznica avant d'en partir?

16 Réponse: Eh bien, nous y avons passé environ cinq ou six heures.

17 Question: Du côté serbe de la frontière, avez-vous vu des gens que vous

18 avez identifiés comme étant des gens appartenant à des forces

19 paramilitaires?

20 Réponse: Eh bien, dès que cette colonne de véhicules s'est arrêtée, il y a

21 eu un grand nombre de personnes à circuler autour du convoi, autour des

22 gens. Ces hommes-là portaient des uniformes variés, ils étaient plutôt

23 sales. Ils portaient des armes très diversifiées, ils avaient des gants

24 sur leurs mains et ils avaient l'air de vautours qui s'apprêtaient à

25 attaquer. Ils cherchaient à ce que des jeunes filles quittent notre

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1 groupe.

2 Question: Est-ce que vous ou quelqu'un d'autre a essayé de contacter la

3 police serbe à propos de cette situation? Et est-ce que la police serbe a

4 réagi?

5 Réponse: Nous avions peur et il y avait un grand nombre d'hommes qui

6 tournaient autour de nos autocars et des camions. Ils ont commencé à tirer

7 les gens par leurs bras et leur demander de l'argent. Alors je me suis

8 adressé à une patrouille de la police et cette patrouille m'a demandé de

9 garder le calme; ils disaient que des renforts allaient arriver.

10 Question: Est-ce que des renforts de police sont arrivés? Et est-ce que

11 ces renforts ont protégé le convoi?

12 Réponse: Il est arrivé trois ou quatre véhicules, donc il est arrivé pas

13 mal de policiers qui étaient bien vêtus, propres, en uniforme approprié.

14 Ils se déplaçaient autour du convoi, autour des véhicules ce qui fait que

15 les hommes en question ne pouvaient plus s'approcher de nous.

16 Question: Dans ce temps que vous avez passé à Loznica, est-ce que vous

17 avez subi des mauvais traitements de la part des forces de police serbe?

18 Réponse: Non.

19 Question: Connaissez-vous un certain docteur Nikolic?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-ce que c'est un médecin serbe installé à Loznica?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce que vous avez pris contact?

24 Je ne sais pas si j'ai entendu la réponse… Ah! Oui! J'ai entendu la

25 réponse. Est-ce que vous avez contacté ce monsieur lorsque vous vous êtes

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1 trouvé à Loznica?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Est-ce que ce médecin est venu vous voir en compagnie de

4 représentants de la Croix-Rouge?

5 Réponse: Ils sont venus et ils se sont réunis avec moi-même et ils m'ont

6 affirmé qu'ils allaient nous fournir de l'aide.

7 Question: Avez-vous parlé à ces deux hommes à propos de l'autorisation

8 qu'ils voudraient obtenir avant de poursuivre votre voyage et à propos de

9 qui allez-vous donner cette autorisation?

10 Réponse: Nous avons demandé beaucoup de vivres, parce qu'il y avait

11 beaucoup d'enfants. Nous leur avons demandé de nous aider à continuer,

12 parce qu'il y avait des batailles à proximité, il y avait un grand nombre

13 d'unités paramilitaires et ils m'ont répliqué qu'ils allaient faire tout

14 ce qu'ils pouvaient.

15 Question: Est-ce qu'ils ont parlé de la nécessité pour vous d'obtenir une

16 autorisation avant de poursuivre votre route?

17 Réponse: Les gens de la Croix-Rouge de Loznica m'ont dit qu'ils allaient

18 envoyer un courrier à Belgrade pour demander une autorisation aux fins de

19 nous permettre de poursuivre notre voyage.

20 Question: Avez-vous rencontré une deuxième fois les représentants de la

21 Croix-Rouge? Et est-ce qu'à l'occasion de cette deuxième réunion, ces

22 personnes vous ont dit que l'autorisation avait été obtenue?

23 Réponse: Oui. Dans le courant de l'après-midi, ils ont apporté un document

24 et ils ont dit:" Mais c'est une chance, vous avez le papier qu'il faut

25 pour pouvoir continuer".

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1 Question: Veuillez examiner maintenant un document qui porte la cote:

2 pièce de l'accusation 445, intercalaire 7.

3 Reconnaissez-vous ce document?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Veuillez donner lecture de ce qui se trouve dactylographié dans

6 le coin supérieur droit. Et est-ce que vous pouvez poursuivre en nous

7 donnant le titre, l'intitulé de ce document?

8 Réponse: "République de Serbie, Commissariat aux réfugiés, n°untel, le

9 26/6/1992, Belgrade.". On dit ensuite: "QG chargé de l'accueil et de

10 l'hébergement des réfugiés". Ce document, je l'ai vu le 26 dans l'après-

11 midi.

12 Question: Les Juges pourront lire la totalité du document, mais essayons

13 de synthétiser la substance de ce document. Est-ce que ce document

14 autorisait la population de Kozluk à poursuivre sa route en Serbie?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous avez reçu ce document. Est-ce qu'ensuite, le convoi est

17 parti de Loznica vers une nouvelle destination?

18 Réponse: Le convoi s'est dirigé au travers de la Serbie pour aboutir à

19 Ruma.

20 Question: A quelle heure ce convoi est-il arrivé à Ruma,

21 approximativement?

22 Réponse: Assez tard.

23 Question: Vous êtes arrivés à Ruma, mais qu'est-ce qui s'est passé à ce

24 moment-là?

25 Réponse: La police qui nous a escortés a dit qu'il y avait un train, que

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1 nous allions monter à bord de ce train et que ce train nous emmènerait

2 pour continuer notre voyage.

3 Question: Et est-ce que vous et les autres personnes appartenant à Kozluk

4 êtes montés à bord de ce train?

5 Réponse: La police s'en est allée et nous avons quitté les autocars et les

6 camions pour monter à bord de ce train. Il y avait quelques wagons et il y

7 avait plusieurs wagons destinés au transport du bétail.

8 Question: Pourriez-vous nous dire si quelque chose s'est passé au moment

9 où les gens de Kozluk montaient à bord de ce train?

10 Réponse: Lorsqu'on montait dans le train, on nous a jeté des pierres

11 dessus… il y avait des citoyens qui nous jetaient des pierres, d'autres

12 qui nous tapaient, qui nous tapaient, qui nous tapaient dessus avec des

13 chaises. Ils nous traitaient de Turcs, de "balijas", d'armée à Alija… Il y

14 a eu beaucoup de gens qui ont été blessés, parce que c'était une masse de

15 2.000 personnes qui essayaient de monter à bord de ces wagons qui étaient

16 essentiellement des wagons pour le bétail. Il nous tombait des pierres

17 dessus, des bouts de bois. Bon nombre de personnes ont été blessées à la

18 tête; il y en avait pas mal qui saignaient.

19 Question: Une fois que ces personnes se sont trouvées dans ce train, ce

20 train, où est-il parti?

21 Réponse: Le train allait… du moins, c'est ce qu'on nous a dit, on nous a

22 dit qu'on allait vers Subotica. Mais chemin faisant, à plusieurs endroits,

23 on nous a encore jeté des pierres dessus. Les vitres étaient cassées, les

24 gens n'osaient plus se relever du sol. A plusieurs reprises, on nous a

25 lapidés.

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1 Question: Ce train vous a emmené de Ruma à Subotica. Est-ce que c'était un

2 train ordinaire? Je vous demande ceci: est-ce qu'il y avait des gens qui

3 n'étaient pas de Kozluk qui se trouvaient dans le train, ou est-ce que ce

4 train, il avait été réservé uniquement à la population de Kozluk?

5 Réponse: C'était un train à part, tout à fait particulier; c'était destiné

6 au bétail.

7 Question: Vous êtes arrivés à Subotica à quelle heure, à peu près?

8 Réponse: Je n'arrive pas à m'en souvenir au juste. Je sais que nous avons

9 voyagé longtemps. Et je sais que dans le courant de la journée, nous

10 sommes arrivés à Subotica. Ce que je sais aussi, c'est que les gens

11 étaient épuisés. Il y en a qui saignaient. Un grand nombre d'enfants

12 étaient malades.

13 Question: Où avez-vous, vous et les autres passagers du train, où avez-

14 vous passé cette première nuit à Subotica?

15 Réponse: A Subotica, nous avons passé la nuit sur des pierres, dans les

16 wagons, dans des prés. Il y avait quelque 2.000 personnes sans condition

17 requise aucune. Ils avaient faim, ils étaient malades. Ils ont passé

18 quelques jours dans des conditions terribles.

19 Question: Est-ce qu'à un moment donné, les personnes ont été déplacées

20 vers un autre endroit?

21 Réponse: Eh bien, c'est alors que nous avons reçu la visite de gens de la

22 Croix-Rouge. Un grand nombre de journaliste sont venus; ils ont tourné des

23 films. Et nous, on avait l'impression d'être dans un cirque, comme si nous

24 étions des bêtes de cirque. Et on a fourni assistance aux personnes qui

25 étaient blessées à la tête. On nous a dit que nous allions être transférés

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1 vers Palic où il y avait un camp, une sorte de centre de rassemblement

2 destiné aux réfugiés.

3 Question: Est-ce que vous et les autres gens de Kozluk avez été envoyés à

4 Palic dans ce centre pour réfugiés?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Est-ce qu'il y avait à Palic, dans ce centre de réfugiés, des

7 gardes?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Dites-nous ce que vous avez appris à propos des gardes qui

10 surveillaient les gens à Palic?

11 Réponse: Ces hommes se vantaient d'avoir été sur les champs de bataille en

12 Croatie et en Bosnie. Ils s'écriaient tout le temps qu'ils avaient abattu

13 un grand nombre de Turcs. Leur apparence physique était terrifiante, ils

14 portaient des barbes, et à les voir on savait tout de suite que c'étaient

15 des combattants, des guerriers.

16 Question: Les gardes de ce camp ont-ils dit quoi que ce soit aux personnes

17 qui étaient détenues? Est-ce qu'ils ont expliqué à ces gens ce qu'ils

18 devaient faire s'ils voulaient quitter ce camp?

19 Réponse: Ceux qui avaient de l'argent, on leur arrangeait, par relation,

20 piston, tous les papiers nécessaires, les passeports qu'il fallait; et ces

21 gens-là s'en allaient… étaient transférés jusqu'à la gare et pouvaient

22 s'en aller vers la Hongrie. Les gens qui, eux, n'avaient pas d'argent,

23 restaient là à Palic, dans ce camp.

24 Question: Est-ce qu'à un moment donné, vous avez pu établir un contact

25 avec des amis à vous, ceci dans une usine en Serbie?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Avez-vous pu prendre des dispositions avec ces amis, de façon à

3 vous aider vous et les autres habitants de Kozluk?

4 Réponse: Il y avait là la direction de l'usine de "Suboticanka", l'usine

5 de Subotica. Il y avait un groupe de Hongrois qui étaient, eux, des

6 dirigeants quelconques et, comme nous avions entretenu une bonne

7 coopération à Kozluk avec les gens de cette usine-là, ce sont ces gens-là

8 qui nous ont apporté des jus de fruits. Je leur ai demandé de nous aider à

9 nous procurer des passeports, à nous faire prendre en photo; parce que

10 nous n'avions pas l'argent nécessaire, nous n'avions pas la possibilité de

11 le faire par nous-mêmes.

12 Question: Est-ce qu'ils ont pris des mesures pour que des photographes

13 viennent faire des photos en vue d'établir des passeports? Et est-ce

14 qu'ils ont pris de l'argent afin effectivement d'acheter ces passeports?

15 Réponse: Au bout de quelques jours, ils ont amené cinq photographes qui

16 ont fait des photos de toute cette population. Ils sont venus avec le chef

17 de la police de là-bas, et c'est devant nous qu'ils lui ont remis un

18 chèque pour payer la délivrance de ces passeports.

19 Question: Pourriez-vous nous dire, de façon approximative, combien de

20 passeports serbes ont été fournis aux habitants de Kozluk?

21 Réponse: Plus de mille.

22 Question: Examinez maintenant la pièce de l'accusation 445, intercalaire

23 8. Vous y voyez une copie de deux passeports, en tout cas, de la page où

24 se trouve la photographie. Je vous demande de vous concentrer sur le

25 passeport de Saha Hadzic. Est-ce que vous le voyez maintenant apparaître à

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1 l'écran qui se trouve devant vous? Connaissez-vous cette personne?

2 Réponse: C'est l'une des citoyennes de Kozluk elle s'appelle Saha Hadzic.

3 Question: Est-ce que c'est l'une des personnes qui a été obligée de

4 quitter Kozluk dans des circonstances que vous avez relatées aux Juges de

5 la Chambre?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce bien là la photographie du passeport délivré par la

8 République de Serbie au cours de cette période?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Veuillez maintenant examiner la page du deuxième passeport où se

11 trouve la photographie. Reconnaissez-vous les deux personnes qui

12 apparaissent à l'écran devant vous? Reconnaissez-vous ces deux personnes?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est-ce que ce sont des habitants de Kozluk qui ont été

15 contraints par la force de quitter Kozluk le 26 juin?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Examinez maintenant la question du tampon ou cachet que l'on

18 trouve sur ce passeport. Je vais tout d'abord vous demander ceci: qui a

19 délivré ce passeport?

20 Réponse: Assemblée municipale de Subotica.

21 Question: Monsieur le Témoin, regardez à l'écran, regardez cette page qui

22 est affichée à l'écran.

23 Réponse: Oui, c'est ce que je fais.

24 Question: Qui a délivré ce passeport?

25 Réponse: Le secrétariat à Subotica.

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1 Question: Mais le secrétariat de quelles instances gouvernementales?

2 Réponse: De Serbie.

3 Question: A quelle date ce document a-t-il été délivré?

4 Réponse: Le 29 juin.

5 Question: Des passeports ont été délivrés. Est-ce qu'ensuite les habitants

6 ont été embarqués dans ces trains et envoyé vers la frontière avec la

7 Hongrie.

8 Réponse: Au fur et à mesure qu'ils recevaient leur passeport, ces citoyens

9 en groupe se dirigeaient vers la frontière, ils montaient à bord de trains

10 et se dirigeaient vers la Hongrie et vers l'Autriche.

11 Question: Ces trains qui sont allés de Subotica vers la Hongrie ou

12 l'Autriche, est-ce que c'étaient des trains ordinaires, des trains de

13 passagers ou est-ce que c'étaient des trains spéciaux à usage réservé?

14 Réponse: Je ne sais pas, mais je pense que c'étaient des trains plutôt

15 organisés à cette fin.

16 Question: Je vais maintenant demander à l'huissier de placer

17 l'intercalaire 9 de la pièce 445 sur le rétroprojecteur. Vous voyez qu'on

18 a placé une carte à votre gauche, Monsieur le Témoin. La reconnaissez-

19 vous? Vous pouvez lire à gauche, l'original se trouve sur le

20 rétroprojecteur qui se trouve à votre gauche. La reconnaissez-vous, cette

21 carte?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Qui a apporté les annotations qui s'y trouvent?

24 Réponse: C'est moi.

25 Question: Vous avez tracé une ligne sur cette carte, qu'est-ce qu'elle

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1 indique?

2 Réponse: Elle indique l'itinéraire que nous avons suivi, l'itinéraire par

3 lequel nous avons été déportés.

4 Question: Je vous remercie. Commençons par le bas, commençons par Kozluk.

5 Pourriez-vous, à l'aide du pointeur, suivre cet itinéraire que vous avez,

6 vous et les autres habitants de Kozluk, emprunté? A quel point, à quel

7 endroit avez-vous franchi la frontière vers la Serbie? Oui, à votre

8 gauche, s'il vous plaît, sur la carte même.

9 Réponse: Ici, on voit la localité de Kozluk en Bosnie-Herzégovine. Sur la

10 rivière de Drina, il y a cette localité de Sepak où il y a un passage

11 frontière; c'est par là que nous sommes passés. Et nous sommes arrivés en

12 Serbie entre la localité de Banja Koviljaca et celle de Loznica. Nous

13 avons passé là un certain temps. Et nous avons ensuite voyagé en direction

14 de Sabac et de Ruma. Puis, à Ruma, nous avons quitté nos autocars et nous

15 sommes passés dans un train, et ces quelques 2.000 personnes qui sont

16 montés à bord de wagons destinés au bétail. Nous avons été lapidés et

17 frappés, et nous avons poursuivi notre voyage en train jusqu'à Subotica. A

18 Subotica, nous avons eu une installation quelconque; nous avons dormi à

19 côté de la voie ferrée. Il y avait un grand nombre de personnes blessées.

20 Puis, c'est là que sont venus des journalistes et des gens de la Croix-

21 Rouge, puis quelques braves gens, des Hongrois qui nous ont aidé à aller

22 vers Palic.

23 Question: Monsieur le Témoin, pendant ce voyage, est-ce que vous avez eu à

24 un moment donné la liberté voulue vous permettant de quitter ce convoi?

25 Est-ce qu'il vous est jamais arrivé de vous trouver dans cet état de

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1 liberté?

2 Réponse: Non.

3 Question: Qu'avez-vous constaté? Qu'avez-vous vu qui vous a montré que les

4 habitants de Kozluk n'avaient pas la liberté de quitter ce convoi et

5 d'aller en Serbie où ils voulaient?

6 Réponse: D'abord, on ne nous a laissé rien emporter avec nous. Puis, dans

7 le courant de cette déportation, nous étions escortés par des forces de la

8 police. Au cours du transport, on a été frappés, on a été affamés. A

9 Subotica, on nous a installés, non pas à la gare, mais c'était une espèce

10 de voie en cul-de-sac; et là, il y avait un grand nombre de policiers. Et

11 nous ne pouvions pas bouger de là, nous n'avions pas les moyens, nous

12 n'avions pas de documents, de pièces d'identité, nous étions des espèces

13 d'otages de cette politique. Nous avons été emmenés à Palic où il y avait

14 un établissement, une installation de type fermé que nous ne pouvions pas

15 quitter.

16 Question: Est-il possible de brancher l'écran du témoin de façon à ce

17 qu'il voit les pièces présentées par voie d'affichage électronique?

18 Est-ce que vous pourriez maintenant examiner des photographies,

19 photographies prises par des journalistes présents? Je vais vous demander

20 également si vous reconnaissez ces photographies, les gens qui sont

21 photographiées? Je demande maintenant que ces pièces soient affichées à

22 l'écran. Reconnaissez-vous ces gens?

23 Réponse: Ici, on voit le train qui nous a déportés de Ruma à Subotica. On

24 y voit que quelques wagons. Le reste était des wagons pour le bétail, il

25 n'y avait pas de fenêtre dessus.

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1 Là, on voit des citoyens de Kozluk, Majevica. Et Halija Mehic, Zehrudin,

2 Kalabankovic (phon.) Muhamed, Mulajbisevic Sana, c'était un grand nombre

3 de concitoyens à moi qui avaient des enfants en bas âge, des femmes aussi

4 des personnes qui ont été blessées, qui ont beaucoup souffert.

5 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions à poser à ce

6 témoin. Je vous remercie, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Fadil Banjanovic, par l'accusé, M.

9 Milosevic.)

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Banjanovic, je voudrais tout

11 d'abord vous poser des questions au sujet du séjour que vous avez effectué

12 en Serbie. Je comprends parfaitement que vous avez été aidé par des gens

13 en Serbie. En votre qualité de réfugié, vous avez reçu une aide de leur

14 part; ai-je raison de le dire ou pas?

15 M. Banjanovic (interprétation): Ecoutez, laissez-moi vous dire si vous

16 considérez comme "aide" le fait d'être entouré, encerclé, de ne pas

17 pouvoir se déplacer, si cette aide se traduit par une lapidation, si elle

18 se traduit par le fait d'avoir 30 ou 35 personnes blessées; si cette aide

19 c'est de nous faire dormir dans des wagons et à côté des wagons et de nous

20 laisser écouter tout le temps des récits de guerre en Bosnie et en

21 Croatie, enfin des personnes qui nous disaient combien de gens ils avaient

22 tué; ça, c'est une façon d'aider que vous considérez devoir être la vôtre.

23 Question: Donc vous pensez que la Serbie ne devait pas vous laisser

24 passer, mais laisser advenir de vous ce que l'on voulait bien vous faire

25 subir en Bosnie, c'est donc de notre faute si on vous avait aidés?

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1 Réponse: La Serbie ne devait pas envoyer d'unités paramilitaires à Kozluk,

2 unités qui ont malmené autant de Serbes honnêtes que nous, les Bosniens,

3 et qui ont contribué à la déportation des habitants de Kozluk et d'un

4 grand nombre de citoyens autres.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Banjanovic, je ne vais pas

6 m'aventurer maintenant à prendre en considération ce que vous dites ici,

7 c'est tout à fait contraire à ce que vous nous avez expliqué. Toutes les

8 personnes que vous avez citées, ainsi que ce que vous avez lu partant des

9 documents -et il est vrai que vous n'avez lu qu'en partie-, cela n'a pas

10 concerné du tout la Serbie. Penchez-vous une fois de plus…

11 Montrez-lui une fois de plus l'intercalaire 4, cette espèce de rectangle

12 jaune où vous avez pu lire "Cellule de crise -et ainsi de suite-de la

13 municipalité de Zvornik"; et donnez-nous lecture de ce qui y figure au

14 juste. Lisez le tout, pas seulement ce qu'on vous a fait lire.

15 M. le Président (interprétation): Quelle question posez-vous?

16 M. Milosevic (interprétation): La question, Monsieur May, est celle de

17 savoir ce qui est écrit au juste.

18 (Le Président coupe le micro de M. Milosevic.)

19 Par exemple, on y indique "la République serbe de Bosnie-Herzégovine". En

20 dessous, il est dit: "Province autonome serbe de Semberija et Majevica".

21 Puis, en dessous, il y a "municipalité serbe de Zvornik" et ainsi de

22 suite. Je ne sais plus ce qui est écrit, mais je n'ai pas tout retenu. Par

23 conséquent, il s'agit d'un Etat autre, n'est-ce pas, Monsieur Banjanovic,

24 ou pas? Il ne s'agit pas de Serbie, là?

25 M. Banjanovic (interprétation): Il s'agit d'un autre Etat de la Bosnie-

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1 Herzégovine où le commandant est un citoyen de la République de Serbie, un

2 certain Marko Pavlovic. C'est aussi une République où la prédominance est

3 celle d'unités paramilitaires de Nis, de Loznica, les surnommés "Gogicevi"

4 et autres unités paramilitaires qui étaient à Zvornik, Kozluk et autres

5 localités.

6 Question: Monsieur Banjanovic, vous n'êtes certainement pas le témoin avec

7 qui je me proposerai de débattre d'unités paramilitaires. Mais vous

8 n'ignorez certainement pas le fait que les autorités de Serbie se sont

9 opposées aux unités paramilitaires. Alors, pour ce qui est des unités de

10 volontaires, il y avait très peu de gens qui se sont portés volontaires

11 par rapport à ceux qui se sont portés volontaires pour combattre dans les

12 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

13 Réponse: Pour autant que je le sache, Monsieur Milosevic -et les citoyens

14 de Bosnie-Herzégovine le savent-, vous avez relâché tous les criminels,

15 tous les détenus qui se trouvaient dans les prisons, tous ces gens des

16 prisons qui se sont abattus comme des vautours sur les gens de notre

17 région.

18 Question: Monsieur Banjanovic, vous êtes très mal informé. Personne n'a

19 relâché des prisonniers ou des criminels détenus qui purgeaient leur peine

20 dans les prisons de Serbie. Cela, c'est une information tout à fait

21 erronée qu'on vous a servie.

22 Réponse: Ce sont les gens qui sont arrivés à Kozluk qui disaient cela. Ce

23 sont des gens des unités de Zuti. Question: Etaient-ce des gens de Serbie?

24 Réponse: Oui, de Loznica, de Nis, de Valjevo.

25 Question: Ils seraient donc venus de toute la Serbie vers Kozluk, n'est-ce

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1 pas? Ecoutez, je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition. Je voudrais

2 que nous tirions au clair certains éléments.

3 Dans cette intercalaire n°6 où l'on retrouve votre écriture à vous, si

4 l'on considère les choses de façon ne serait-ce quelque peu objective, si

5 l'on observe les choses du point de vue des instances officielles de la

6 Serbie ou de la Yougoslavie, si vous le préférez, il est dit ce qui suit:

7 "Nous prions les instances de la République fédérale de Yougoslavie de

8 permettre le passage organisé et sans entrave de personnes figurant sur

9 cette liste vers la zone frontalière avec la Hongrie. Ces personnes

10 majeures, sans contrainte aucune, donc…". Et vous remarquerez que la

11 variante de la langue est la variante bosniaque et non pas serbe.

12 Donc, on dit: "Ces citoyens ont affirmé vouloir éviter la mobilisation par

13 des formations militaires de Bosnie-Herzégovine et il leur a été accordé

14 un déménagement vers le territoire de la République fédérale de

15 Yougoslavie et d'autres pays de l'Europe occidentale. Les chefs de famille

16 confirment avec leur signature que leur départ se fait de leur plein gré

17 et qu'il n'y a pas de mesures de répression. Conscientes des risques pour

18 leurs biens immobiliers, les personnes sont conscientes du fait que les

19 autorités de Zvornik ne peuvent pas assumer la responsabilité afférente à

20 leurs propriétés immobilières et des biens qu'ils laissent dans leur

21 maison ou appartement".

22 On dit également dans ce cachet qu'il s'agit de l'assemblée municipale de

23 Zvornik, qu'il s'agit du QG municipal de la Défense territoriale et il

24 s'agit de la région serbe de Semberija et Majevica.

25 Par conséquent, ce sont là des instances de Yougoslavie, voire de la

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1 République de Serbie, qui reçoivent un courrier qui les prie de vous

2 rendre possible à vous qui avez signé cette liste pour dire que vous

3 souhaitiez aller vers l'Europe occidentale, donc de vous assurer un libre

4 passage. Quelle avait été la réaction des instances de la République

5 fédérale de Yougoslavie? Elles ont répondu par l'affirmative.

6 On vous a montré une carte. Vous êtes tout de suite passé à Loznica. Banja

7 Koviljaca et Loznica, c'est la municipalité de Loznica. Vous êtes passé

8 immédiatement vers cette localité-là, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Il est venu là des gens pour vous aider. Vous avez dit qu'il y

11 avait autour de vous des voyous de toutes espèces et des brigands. C'est

12 ce que vous nous avez dit?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Il est arrivé une patrouille de police. On vous a dit qu'on

15 allait faire venir des renforts?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que ces renforts sont arrivés?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et vous avez dit qu'ils s'étaient comportés de façon tout à fait

20 décente, que leur apparence était tout à fait correcte, qu'ils étaient

21 propres et bien tenus?

22 Réponse: Oui.

23 Question: A la différence de ceux qui étaient mal vêtus et qui étaient

24 malpropres, ces policiers vous ont protégés contre ces gens-là, n'est-ce

25 pas? Est-ce bien vrai?

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1 Réponse: Mais cette foule et ces unités paramilitaires, comment pouvaient-

2 ils être en Serbie?!

3 Question: Mais comment étiez-vous là, vous?

4 Réponse: Nous avons été contraints à venir là.

5 Question: Justement, il y avait une guerre à côté. Vous avez dit à cette

6 police qu'on vous avez fait venir par la force?

7 Réponse: Monsieur Milosevic, vous semblez oublier que plus de 3.000

8 personnes armées ont chassé les gens vers ce centre.

9 M. le Président (interprétation): Ecoutez, ne l'interrompez pas, laissez

10 le témoin finir ce qu'il voulait dire!

11 M. Milosevic (interprétation): Je n'oublie pas.

12 M. le Président (interprétation): Mais laissez-le finir!

13 Monsieur le Témoin, si vous souhaitez répondre, vous pouvez le faire et

14 sans être interrompu. Donc si vous voulez continuer, faites-le.

15 M. Banjanovic (interprétation): Merci. Vous avez l'air d'oublier qu'il y a

16 eu une déportation forcée. Plusieurs personnes ont été blessées. Ont été

17 mises à feu plusieurs maisons. On a commencé à piller, on a commencé à

18 torturer, à abattre, on a essayé de fusiller des gens. On nous a fait

19 monter à bord de camions, de remorques.

20 Et l'acte par écrit que vous dites être illisible, c'est quelque chose qui

21 a été rédigé par des gens à vous, par la direction d'une municipalité

22 serbe, souligné par un commandant appelé "Marko Pavlovic", qui est

23 originaire de Sombor en Serbie. On nous a emmené cela quinze minutes avant

24 de vous faire monter dans ces camions ou dans ces autocars. Ce n'était

25 donc pas de notre plein gré, mais c'était une déportation forcée. Nous

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1 étions escortés par des unités paramilitaires, par des policiers.

2 Et en Serbie, sur la rivière Drina, à Loznica, grâce notamment à la police

3 locale, nous avons été sauvés de ces vautours qui ont commencé déjà à

4 trier les jeunes filles, à arracher des colliers, à enlever des bagues et

5 à nous attaquer. Ça, c'est la vérité, il n'y a pas d'autre vérité.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Banjanovic, vous dites que

7 j'ai oublié. Je n'ai pas oublié ce que vous avez déclaré. J'ai entendu

8 parler de la localité de Kozluk et j'en ai entendu parler maintenant que

9 vous êtes venu témoigner. Avant, je n'ai jamais entendu parler de votre

10 localité. Je ne sais pas par quoi cette localité était connue, mais vous

11 avez affirmé vous-même que, dès que vous avez traversés la Drina, vous

12 avez été protégés par des membres de la police régulière de la République

13 de Serbie, que ce sont ces gens-là, ces policiers-là qui vous ont

14 protégés. Je suppose qu'il doit y avoir eu des violences, qu'il doit y

15 avoir eu des comportements très variés qui peuvent être qualifiés de

16 violents, mais la police de la République de Serbie vous a bel et bien

17 protégés.

18 Réponse: Monsieur Milosevic, Kozluk était une localité réputée par sa

19 multiethnicité. Les Bosniens et les Serbes ont vécu en bons termes pendant

20 des centaines d'années. Une fois arrivés en Serbie, nous avons été

21 agressés par plusieurs groupes de personnes variées qui portaient des

22 uniformes diversifiés, qui portaient des gants, c'étaient des gens sales,

23 des gens armés; c'était ça notre premier contact avec la Serbie. Nous

24 avons été agressés à Loznica.

25 Question: Monsieur Banjanovic, je veux bien que, quelque statut de réfugié

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1 que ce soit, en voyageant, en traversant des territoires, ce n'est

2 certainement pas une chose agréable.

3 Ma question, à moi, était tout à fait concrète. Il y a eu des gens qui

4 voulaient perpétrer des actes de violence à votre égard, et les policiers

5 serbes vous ont protégés, n'est-ce pas?

6 Réponse: Les policiers nous ont protégés et nous ont escortés tout le

7 temps, depuis Loznica jusqu'à Ruma, puis jusqu'à Subotica et Palic. Ils

8 nous ont protégés pour que nous n'allions pas ailleurs et que nous

9 faisions partie de ce que convoi de la mort.

10 Question: Ecoutez, il n'y a pas eu de morts.

11 Réponse: Il y a eu plus de 20 personnes blessées à Ruma. Moi, j'ai été

12 blessé. Des groupes de citoyens nous ont jeté des pierres, nous ont jeté

13 des chaises, ils nous appelaient "Balijas", ils nous disaient d'aller en

14 Turquie.

15 Après Ruma, notre train a été arrosé de cailloux, toutes les vitres ont

16 été cassées, Roy Gutman et les journalistes internationaux ont tout filmé.

17 Question: C'est une très bonne chose que Gutman ait filmé cela. Vous nous

18 avez dit que les vitres ont été brisées. Vous avez dit que vous étiez

19 transportés par des wagons destinés au bétail. D'où sortez-vous ces

20 wagons?

21 Réponse: J'ai déjà dit que les deux premiers wagons étaient des wagons de

22 passagers et que les autres wagons étaient des wagons pour le bétail. Je

23 l'ai dit à deux reprises: les deux wagons étaient des wagons de passagers

24 qui étaient destinés au bétail.

25 Question: Mais où a-t-on pris les photos qu'on nous a montrées ici?

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1 Réponse: A Subotica.

2 Question: Mais je ne vois pas de vitres brisées, toutes les vitres sont

3 intactes. Est-ce qu'on a changé les wagons ou quoi? Est-ce que c'est

4 maintenant, en témoignage de reconnaissance pour l'assistance qui vous a

5 été apportée par la Serbie, que vous souhaitez noircir au maximum la

6 Serbie?

7 Réponse: Je ne saurais la noircir davantage. Vous-même, vous l'avez déjà

8 suffisamment endeuillée et il y a eu plus de 30 blessés.

9 Question: Oui mais, dites-moi, quels sont les médecins qui vous sont venus

10 en aide? Quels sont les médecins qui ont examiné les personnes blessées?

11 Sur ces 2.000, il en a été blessé une trentaine dans des incidents variés.

12 Réponse: Ce n'étaient pas des incidents.

13 Question: Mais c'était quoi alors?

14 Réponse: C'était une lapidation dans une localité, à Ruma, où un groupe de

15 Serbes nous a lapidés, nous Bosniens.

16 Question: Mais comment savez-vous que c'étaient des Serbes?

17 Réponse: Parce qu'ils nous disaient, ils nous criaient: "Allez vers la

18 Turquie", vous, armée d'Alija".

19 Question: Ils vous ont traités d'armée d'Alija?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Mais, à Subotica, il n'y a que des Hongrois qui vous ont aidés,

22 il n'y a pas eu de Serbes qui vous ont aidés?

23 Réponse: Je ne sais pas qui c'étaient. C'étaient de bons médecins, ils ont

24 donné de l'eau, ils ont donné de l'eau aux enfants. La Croix-Rouge est

25 arrivée; ils nous ont donné à manger. Les médecins nous sont venus en

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1 aide. Et ce que je dois dire: c'est que nous devons une grande

2 reconnaissance à l'égard de ces gens. Et, en Serbie, il y a de braves

3 personnes également.

4 Question: Eh bien, je constate que lorsque des bonnes choses sont faites,

5 vous les imputez à des Hongrois de Subotica. Je n'exclue d'ailleurs pas

6 que ce soit le cas, parce qu'il y a beaucoup de Hongrois qui habitent à

7 Subotica. Mais, dès qu'il y a quelque chose de mal qui est fait, vous

8 l'imputez aux Serbes. C'est bien cela?

9 Réponse: Non pas aux Serbes, mais à ceux qui ont envoyé les vôtres là-bas.

10 Question: Très bien, très bien, Monsieur Banjanovic. Je ne sais pas

11 pourquoi vous placez, dans un contexte aussi négatif, les choses qui ont

12 été faites à votre égard. Mais M. Groome vous a demandé si quelqu'un vous

13 a maltraité parmi les policiers serbes, et vous avez répondu "non", n'est-

14 ce pas?

15 Réponse: En effet.

16 Question: Donc c'est exact, ça. Ils ne vous ont pas maltraité, et en

17 outre, ils vous ont protégé. Et puis, vous poursuivez en parlant de

18 l'arrivée du Dr Nikolic. Vous avez parlé du Dr Nikolic, n'est-ce pas? A en

19 juger par son nom de famille, je suppose que c'était un Serbe, n'est-ce

20 pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et la Croix-Rouge est venue, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Ils vous ont dit qu'ils venaient vous aider. Et ils vous ont

25 aidés, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Il y a un instant, vous avez dit que vous leur avez demandé de

3 l'aide pour aller plus loin, pour poursuivre votre chemin; c'est bien

4 cela?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Donc c'est vous qui leur avez demandé de l'aide pour que vous

7 puissiez poursuivre votre chemin vers l'Europe occidentale qui était votre

8 destination. C'est bien cela?

9 M. Banjanovic (interprétation): En effet.

10 M. Milosevic (interprétation): Alors comment pouvez-vous parler d'une

11 quelconque déportation ou d'une participation négative de la part d'une

12 quelconque instance de Serbie, alors que c'est vous qui vous êtes adressé

13 à la Croix-Rouge et à ce Dr Nikolic pour qu'ils vous aident à poursuivre

14 votre chemin?

15 Voilà, je propose que nous regardions l'intercalaire 7…

16 M. le Président (interprétation): Non, un instant. Un instant. Une seule

17 chose à la fois.

18 Ce qui vient d'être dit, Monsieur le Témoin, c'est que vous n'avez pas été

19 déportés, mais que vous demandiez à vous rendre en Europe occidentale ou

20 ailleurs, et que les Serbes vous ont aidés à le faire. Voilà ce qui vient

21 d'être dit. Quel est votre commentaire à ce sujet?

22 M. Banjanovic (interprétation): D'abord, je dirai que Brano Grujic, le

23 maire de Zvornik, nous a ordonné de nous rendre au centre de Kozluk en une

24 heure. C'est ce qui s'est passé le 26 dans la matinée. Donc nous ne sommes

25 pas partis parce que nous voulions partir, mais sur instruction du premier

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1 citoyen de Zvornik, à savoir Brano Grujic.

2 Deuxième chose: nous avons été chassés de chez nous. A côté de chacune de

3 nos maisons, il y avait plusieurs soldats, plusieurs paramilitaires,

4 plusieurs policiers qui poussaient la population comme du bétail vers le

5 centre de la ville.

6 Et troisième chose: des tortures inconnues jusqu'à ce moment-là ont

7 commencé à être perpétrées à Kozluk; des maisons ont été incendiées, des

8 gens ont été frappés, soumis à toutes sortes de sévices, plusieurs hommes

9 ont été blessés. C'était vraiment l'horreur! Et, en quelques heures, ils

10 ont entassé les gens à bord de camions avec des remorques. Ils ont entassé

11 les gens également dans 17 ou 18 autobus. Il y avait plus de 2.000 hommes

12 qui se trouvaient là. Et, sous bonne escorte de la police avec

13 accompagnement de militaires et de paramilitaires, on nous a emmenés à la

14 frontière.

15 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, Monsieur May, vous conviendrez que

16 ceci n'a aucun rapport et qu'il ne sert à rien d'écouter sans cesse la

17 même histoire. Ce n'est en tout cas pas une réponse à ma question.

18 M. le Président (interprétation): Bien sûr que ce n'est pas une réponse à

19 votre question, mais ce que dit le témoin c'est qu'on les a forcés à

20 partir, on les a fait monter à bord de trains et qu'on les a emmenés

21 jusqu'à la frontière sous la contrainte jusqu'à la Serbie. Donc, bien sûr,

22 il répète la même histoire, mais vous devez lui permettre de dire ce qu'il

23 a à dire dans sa déposition.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire

25 quel a été le rôle du Dr Nikolic dans tout cela car vous avez laissé

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1 entendre qu'il vous a aidés? Quel est votre commentaire à ce sujet?

2 M. Banjanovic (interprétation): Nous étions en Serbie. On nous a emmenés

3 là, et on nous a parqué dans une colonne composée d'un grand nombre de

4 personnes dans la ville même de Loznica. Un grand nombre de paramilitaires

5 ont voulu d'ailleurs faire sortir les femmes de la colonne afin de pouvoir

6 leur infliger d'autres sévices…

7 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de vous concentrer

8 sur le rôle du Dr Nikolic; nous avons entendu votre déposition. Est-ce que

9 le Dr Nikolic vous a aidés?

10 Ensuite, Monsieur Milosevic, vous pourrez poser votre question suivante.

11 M. Banjanovic (interprétation): Oui, je connaissais le Dr Nikolic; il nous

12 a aidés.

13 M. Milosevic (interprétation): Qui était le Dr Nikolic?

14 Réponse: Le Dr Nikolic était un médecin de Zvornik en Bosnie, nous le

15 connaissions. Et puis, la Croix-Rouge est arrivée, et il est arrivé aussi;

16 et nous leur avons demandé de nous apporter des vivres et de l'eau. Et la

17 Croix-Rouge nous a apporté de l'eau et des vivres, de la nourriture pour

18 les enfants.

19 Question: Monsieur Banjanovic, je vais revenir sur les événements de

20 Kozluk, si vous me le permettez. J'aimerais d'abord que nous tirions au

21 clair ce qui s'est passé en Serbie. Les autorités serbes, la Croix-Rouge

22 de Serbie, la police qui vous a protégés à Loznica avaient à s'occuper

23 d'une colonne composée d'un grand nombre de personnes; c'est bien cela,

24 n'est-ce pas? Et il y avait aussi des camions pleins de réfugiés de

25 Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Avez-vous parlé à des représentants des autorités serbes en

3 dehors des policiers à qui vous avez demandé de vous protéger?

4 Réponse: Avec la Croix-Rouge et la police locale.

5 Question: Très bien. Vous avez demandé à la police locale de vous

6 protéger; et c'est ce qu'elle a fait. Quant à la Croix-Rouge, comme vous

7 l'avez dit il y a un instant, vous lui avez demandé de vous apporter de

8 l'aide pour que vous puissiez poursuivre votre chemin; c'est bien cela?

9 Réponse: Tous les documents officiels ont été rédigés par ces hommes. Il

10 n'y avait pas eu de mobilisation et beaucoup de choses ont été ajoutées à

11 ces documents, artificiellement. Ils nous ont dit que, pour traverser la

12 Serbie, il fallait demander l'autorisation de Belgrade et qu'il fallait

13 envoyer une lettre à Belgrade.

14 Question: Très bien. Examinons maintenant l'intercalaire 7. Ce même jour,

15 il y avait donc en Serbie cette colonne de réfugiés qui passait par le

16 territoire serbe avec ces autobus et ces camions. Et à Loznica, les

17 responsables demandent à la Commission chargée des réfugiés de s'occuper

18 du problème. Donc la demande est adressée à Belgrade le 26 juin, et la

19 réponse vient le même jour; il n'y a pas eu le moindre retard.

20 Et, dans ce document, on lit que les responsables de l'accueil et des

21 soins aux réfugiés sont concernés. Je cite: "Nous avons examiné les

22 déclarations écrites de 1.822 personnes qui se trouvaient à bord de 17

23 autobus, 3 camions avec remorque et 2 véhicules, 2 voitures particulières

24 originaires de Kozluk, dans la municipalité de Zvornik (qui déclarent que,

25 de leur plein gré et sans aucune pression, elles souhaitent quitter le

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1 territoire de la Yougoslavie et se rendre dans des pays d'Europe

2 occidentale)".

3 Donc il s'agit temporairement de réfugiés résidant à Loznica; voilà ce qui

4 est écrit dans ce document.

5 Et c'est à ce document que Belgrade répond. Et il est dit dans ces

6 documents que les déclarations écrites émanant des personnes

7 susmentionnées -là, il y a un passage assez difficile à lire, la copie est

8 de mauvaise qualité-, au nom de ces personnes et de leur famille et de

9 leurs enfants, donc que les documents sont valables car ils ont été émis à

10 la demande de ces personnes qui exprimaient leur volonté, disaient où

11 elles souhaitaient vivre, ce qui, bien sûr, est un des Droits de l'homme

12 fondamentaux.

13 "Au vu de ce qui précède, nous estimons que les demandes émanant de ces

14 personnes devraient être satisfaites" -là, il y a un passage que vraiment,

15 je ne peux pas lire- "donc, il faudrait leur permettre de réaliser leurs

16 objectifs, s'agissant des intentions exprimées dans les déclarations

17 soumises par ces personnes." (Fin de citation.)

18 Donc voilà la réponse qui a été apportée à la requête. Je vous parle de ce

19 qui vous est arrivé en Serbie parce que, comme vous le savez, j'étais

20 Président de la Serbie et ce qui m'intéresse, c'est l'attitude des

21 autorités de la Croix-Rouge, de la Commission chargée des réfugiés et de

22 toutes les instances responsables de Serbie.

23 Donc la colonne arrive… la police vous protège. La Croix-Rouge arrive,

24 vous lui demandez son aide, elle vous l'apporte. Vous demandez à la police

25 de vous protéger, elle vous protège. Vous lui demandez de vous aider à

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1 poursuivre votre chemin, elle le fait. Et vous arrivez jusqu'à Subotica.

2 C'est bien cela? Et puis, vous dites que vous avez dormi sur des cailloux.

3 Je ne sais pas s'il y a des lits en pierre dans toute la Vojvodine; en

4 Vojvodine, à mon avis, il n'y en pas.

5 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question. Ce sont des

6 discours sans fin, vraiment, des discours sans fin de votre part. C'est

7 tout ce que nous entendons de vous jusqu'à présent.

8 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas où ils ont trouvé des

9 cailloux en Vojvodine. Mais peut-être que c'est lui qui a trouvé quelques

10 petits cailloux?

11 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie. Il y avait une

12 question; laissez le témoin répondre.

13 M. Banjanovic (interprétation): Toute réponse est superflue. Les sévices

14 que nous avons subis en Serbie sont laissés de côté et semblent être

15 oubliés. Les hommes blessés à Ruma…

16 M. le Président (interprétation): Ecoutez, essayons d'en finir avec cette

17 question le plus rapidement possible. Il a été dit que vous aviez exagéré

18 en disant que vous aviez dormi sur des pierres. Alors, est-ce que c'est

19 exact ou pas?

20 M. Banjanovic (interprétation): Nous avons dormi à côté des rails de

21 chemin de fer. Nous n'étions pas dans le bâtiment de la gare. Nous étions

22 dans une espèce de cul-de-sac, une voie de garage, et c'est là que nous

23 avons passé la nuit, dans ces wagons. Il y avait pas de mal de gens qui

24 ont dormi à côté des wagons parce qu'il n'y avait pas assez de place à

25 l'intérieur pour 2.000 hommes. Les gens avaient faim, ils avaient soif. Il

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1 y avait toutes sortes de journalistes qui ont filmé tout cela, ces

2 souffrances et ces sévices infligés à la population.

3 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, les médias serbes n'ont pas

4 caché ce qui arrivait aux réfugiés venus de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

5 pas?

6 M. Banjanovic (interprétation): En effet.

7 M. Milosevic (interprétation): Tout cela est très malheureux, très

8 malheureux. Evidemment, il n'est pas agréable d'être réfugié.

9 Vous avez dit que des gens en colère vous ont lancé des pierres, ce qui

10 est tout à fait possible, mais la police vous a protégés comme il était de

11 son devoir de le faire. Vous dites que 30 personnes ont été blessées; je

12 ne crois pas qu'il y en ait eu beaucoup. Mais en tout cas, le personnel

13 médical vous a apporté son aide et ces personnes ont été soignées. Il

14 s'agissait d'incidents qui peuvent toujours survenir dans ces conditions.

15 Alors, la question que je vous pose est la suivante: quelle a été la

16 réaction des autorités? Et par le mot "autorités", je parle de la police

17 et des responsables médicaux.

18 M. le Président (interprétation): Ecoutez, passons à autre chose. Nous

19 avons entendu la déposition du témoin, nous avons entendu vos arguments;

20 il ne sert à rien de revenir sans cesse sur les mêmes éléments. Nous avons

21 également des documents. Alors, passons à autre chose.

22 M. Milosevic (interprétation): Oui, nous passerons à autre chose. Mais je

23 regarde ces documents, Monsieur May.

24 Qu'est-ce que les autorités serbes auraient pu faire d'autre? C'est cela,

25 que je vous demande? Il était question, là, de défendre les Droits de

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1 l'homme fondamentaux, et c'est ce qui a été fait.

2 Monsieur le Témoin, j'ai pris note de…Non, non, je reviendrai là-dessus un

3 peu plus tard.

4 Voyons ce qui s'est passé d'abord à Palic. Vous avez dit qu'on vous avait

5 emmené dans un camp à Palic. Est-ce que vous savez qu'à Palic, il y a des

6 lieux de vacances très connus?

7 M. Banjanovic (interprétation): Je ne sais pas.

8 Question: Et on vous a installés dans un centre destiné aux touristes? Ce

9 n'était pas un camp, à Palic? On a placé les réfugiés dans un centre très

10 connu et très confortable, destiné aux touristes, qui se trouve dans les

11 environs de Subotica. Et tous ceux qui connaissent Palic savent de quoi je

12 parle. Alors, comment pouvez-vous parler d'un camp?

13 Réponse: Vous ne dites pas la vérité. On ne nous a pas emmenés dans un

14 centre touristique ou dans un hôtel; on nous a emmenés jusqu'à un pré où

15 il y avait des tentes. Il y avait une clôture en fil de fer autour et il y

16 avait un portail avec des gardes en armes qui gardaient l'entrée et qui se

17 vantaient du nombre de personnes qu'ils avaient tuées en Croatie et en

18 Bosnie.

19 Vous appelez ça "un centre touristique"?

20 Question: Monsieur Banjanovic, est-ce que nous parlons du 26 juin 1992?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Mais comment est-ce que ces gardes barbus auraient eu le temps

23 de tuer des gens en Bosnie, et puis de revenir à Palic et à Subotica? De

24 quoi parlez-vous? Pourquoi est-ce que vous inventez tout cela?

25 Réponse: L'attaque de Zvornik a eu lieu le 8 avril et ces hommes se

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1 vantaient de s'être trouvés à Zvornik et d'avoir fait ce qu'ils y avaient

2 fait. Cela s'est passé du 26 au 29 juin. Donc trois mois plus tard et la

3 Croatie c'était bien avant.

4 Question: Monsieur Banjanovic, pourquoi est-ce que vous inventez tout

5 cela? Etes-vous en train de dire que vous avez été placé dans un camp de

6 concentration à Palic?

7 Réponse: Je répète: on a été gardés dans un pré où il y avait des tentes,

8 il y avait une clôture en fil de fer autour, et il y avait des gardes

9 barbus qui intimidaient les gens et qui exigeaient de l'argent et qui

10 confisquaient leurs passeports aux gens. Pour nous, c'était un camp.

11 Question: Soyons clairs sur une chose, Monsieur le Témoin, s'il vous

12 plaît. Monsieur Groome vous a demandé combien de passeports serbes vous

13 avez reçu. Et vous avez dit que, finalement, vous avez tous reçu un

14 passeport serbe, n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Alors, premier point: savez-vous qu'il n'existe pas de passeport

17 serbe? Cela n'existe pas.

18 Réponse: Mais là-bas, tout est serbe y compris les passeports.

19 Question: Vous avez eu entre les mains un passeport où on pouvait lire les

20 mots "République fédérale socialiste de Yougoslavie". C'était écrit en

21 serbo-croate ainsi que dans une langue étrangère -probablement le français

22 ou l'anglais-, donc c'était un passeport yougoslave. Je n'ai pas noté

23 exactement tous les détails lorsque j'ai lu ce document, mais vous avez lu

24 la date d'émission du passeport, le 29? Donc vous étiez en train de

25 voyager, vous êtes arrivé à un certain point de votre voyage, tout cela

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1 s'est passé jusqu'au 29. Et puis, on vous a aidé à obtenir un passeport

2 parce que vous vouliez poursuivre votre voyage. Vous vouliez aller en

3 Hongrie. Est-ce que ce n'est pas une aide normale? Est-ce que ce n'est pas

4 une aide en tout cas de vous donner un passeport, un document de voyage

5 qui vous permet sans obstacle de partir en tant que citoyen libre?

6 Réponse: Vous déformez tout. Cela ne s'est pas passé en trois jours, les

7 passeports ont été émis pendant une période de 10 jours environ. Ils ont

8 été donnés aux gens selon l'argent dont ces gens disposaient, plus les

9 gens payaient, plus ils obtenaient vite leur passeport.

10 C'est un crime, en fait, qui a été commis par ces gens à Palic. Les

11 gardes, les gens qui avaient de l'argent obtenaient un passeport des

12 gardes beaucoup plus vite. Les autres attendaient des jours et des jours

13 dans ce pré avec des tentes sans avoir de l'eau à boire et dans des

14 conditions de vie extrêmement pénible. Est-ce que vous appelez ça "un

15 centre touristique"? C'était un camp, en fait!

16 Question: Monsieur Banjanovic, il m'est arrivé de passer un mois à faire

17 du travail volontaire et j'ai été logé dans des tentes. Je n'ai jamais

18 considéré que j'étais dans un camp. Vous étiez sous des tentes à Palic,

19 tout près du lac de Palic, et vous nous dites quoi? Vous dites que les

20 gens qui avaient de l'argent tenaient un passeport de jour et que ceux qui

21 n'en avaient pas devaient attendre 10 jours.

22 Réponse: Mais vous oubliez que ces gens qui nous ont soi-disant reçus, ces

23 "autres" comme vous les appelez étaient des gardes qui nous gardaient.

24 C'étaient des hommes en arme, dépenaillés, sales, des hommes qui avaient

25 combattu en Bosnie et en Bosnie.

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1 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je suppose qu'ils ne vous ont

2 pas fait des conférences sur leur combat en Croatie et en Bosnie, mais

3 qu'ils vous ont aidé dans la mesure du possible. Ils vous ont apporté du

4 jus de fruits, ils vous ont apporté à boire et vous avez bu. Il y a des

5 photos qui existent où l'on vous voit avec eux à côté du train. C'est un

6 train emmenant des réfugiés. On ne vous a même pas traités comme des

7 réfugiés, parce qu'en fait vous avez été traités comme des citoyens de

8 l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui existait à l'époque. Donc ils vous ont

9 simplement aidé à faire votre voyage. C'est bien cela?

10 M. le Président (interprétation): Mais quelle est votre question? Le

11 témoin vous a dit qu'il avait reçu des passeports, il a témoigné à ce

12 sujet. Alors, quelle est votre question?

13 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que tout cela n'est pas de l'aide?

14 Est-ce que vous ne vouliez pas aller en Europe occidentale?

15 M. Banjanovic (interprétation): De l'aide aurait consisté à nous emmener

16 ailleurs que dans un camp. De l'aide aurait consisté à ne pas nous faire

17 payer si cher pour les passeports. De l'aide aurait consisté à ne pas nous

18 faire subir le moindre sévice. Parce que, pour obtenir un passeport il

19 fallait payer cher et ceux qui n'avaient pas d'argent ont dû attendre très

20 longtemps.

21 Question: Combien de temps avez-vous attendu, je parle pour ceux qui

22 n'avaient pas suffisamment d'argent?

23 Réponse: 5, 7, 8, 10 jours, cela dépendait.

24 Question: Eh bien, dites aux habitants de la Yougoslavie que vous avez dû

25 atteindre 5, 6, 7, 8 ou même 10 jours pour obtenir un passeport! Vous

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1 dites que pour obtenir un passeport, certains ont dû attendre 5, d'autres

2 6, d'autres 7 ou 8 jours. Mais, pour faire un passeport, il faut un

3 certain nombre d'opérations. Et, normalement, on demande un passeport qui

4 doit ensuite être imprimé, enregistré, tamponné et remis; tout cela prend

5 du temps.

6 Réponse: Mais lorsqu'on attend chez soi, à la maison, c'est une chose, et

7 lorsqu'on attend dans un présent sous une tente, sur un pré, sans eau et

8 sans vivres, et qu'on entend les bruits de la guerre c'est quelque chose

9 d'autre.

10 Question: Donc vous prétendez que vous étiez sous la tente et qu'il y

11 avait des espèces d'indiens qui hurlaient autour de vous, avec des cris de

12 guerre?

13 Réponse: C'étaient vos Chetniks qui faisaient la guerre en Croatie et à

14 Zvornik.

15 Question: Monsieur Banjanovic, je n'ai pas de Chetniks qui

16 m'appartiennent, comme vous le savez parfaitement bien mais je vois que

17 vous avez l'intention de faire l'impression ici. Mais, enfin, ce ne n'est

18 pas grave.

19 Revenons à Kozluk, si vous le voulez bien, une ville que vous connaissez.

20 Je regrette de ne jamais en avoir entendu parler et de ne pas la

21 connaître.

22 Le 26 mai, combien de soldats avez-vous dit qui se trouvaient à Kozluk ce

23 jour-là? Ou étaient-ce des soldats réguliers ou des paramilitaires ou des

24 policiers ou un peu de tout cela?

25 Réponse: Il y avait 1.200 à 1.300 maisons dans la ville. Et devant chaque

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1 maison, il y avait au moins 3 soldats, donc cela fait au moins 3.000

2 soldats. Il y avait aussi des membres des formations paramilitaires, des

3 policiers, des membres de la Défense territoriale. Je n'avais jamais vu

4 autant de représentants de ces organismes réunis en même temps, parce

5 qu'autour de Kozluk il y avait beaucoup de villages serbes. Donc, au

6 total, je pense qu'ils étaient plus de 3.000.

7 Question: Très bien, Monsieur Banjanovic.

8 Vous présidiez la communauté locale, donc vous saviez bien ce qui se

9 passait dans la région. Mais, à votre avis, quelle était l'intention de

10 ces 3.000 hommes en arme lorsqu'ils sont venus à Kozluk? Est-ce qu'il

11 fallait 3.000 personnes pour vous déplacer de l'endroit où vous vous

12 trouviez?

13 Réponse: Pendant plusieurs jours, "Radio Loznica", qui se trouve en

14 Serbie, et "Radio Zvornik", qui se trouve en Bosnie ont exercé des

15 pressions médiatiques très importantes en prétendant qu'il y avait des

16 fusils, des armes, des hommes armés jusqu'aux dents, qu'il y avait donc un

17 blindé transports de troupes de l'armée populaire yougoslave sur lequel

18 était inscrit "Corps de la Drina" qui circulait autour de Kozluk et dans

19 les villages environnants, et qui exigeait que les gens qui avaient des

20 armes rendent leurs armes et cessent de se cacher. Donc, voilà la campagne

21 médiatique qui a été diffusée par la radio, y compris à l'aide de haut-

22 parleurs.

23 Question: D'abord, il n'y avait pas d'armée populaire yougoslave à cet

24 endroit. Il n'y avait que la Défense territoriale ou l'armée de la

25 Republika Srpska. Il n'y avait aucun soldat de la JNA à Kozluk. Est-ce que

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1 vous êtes au courant de cela ou pas?

2 Réponse: Le colonel Milosevic s'est présenté à Kozluk en disant qu'il

3 commandait le Corps de la Drina. Il a dit cela lors d'une réunion

4 publique, il l'a dit devant les représentants de la communauté

5 internationale. Mais est-ce que c'était vrai ou pas…?

6 Question: En mai/juin, donc pendant les événements dont vous parlez?

7 Réponse: Non, non, pas le 26 mai. Avant.

8 Question: Est-ce que des membres de la JNA ont participé à tous ces

9 événements?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Qui est venu de la JNA?

12 Réponse: Des hommes en uniforme. Pour nous, c'étaient des soldats de

13 l'armée.

14 Question: Très bien, cela me suffit. Mais dites-moi, est-ce que le 26 juin

15 à Kozluk quelqu'un a été tué?

16 Réponse: Quelques jours avant, oui; Medo Marhocevic a été tué.

17 Question: Ecoutez, attendez une minute. Cela faisait quelques jours avant.

18 Je ne peux pas m'occuper de chaque cas individuel, mais dites-moi

19 simplement si le 26, le jour dont vous parlez dans votre déposition, le

20 jour où vous dites que l'on vous a forcé à quitter Kozluk, est-ce que ce

21 jour-là quelqu'un a été tué?

22 Réponse: Galib Hadzic a été gravement blessé dans le centre de Kozluk, un

23 soldat a tiré sur lui.

24 Question: Je vois, il a été blessé. Mais est-ce que quelqu'un a été tué?

25 Réponse: Non, personne n'a été tué.

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1 Question: Je vois. Vous dites que vous étiez encerclé, qu'on vous a

2 frappé, qu'on a tiré sur vous, c'est cela que vous avez dit?

3 Réponse: Nous étions encerclés, nous avons été entassés dans le centre de

4 Kozluk comme du bétail. On tirait de tous les côtés pour nous intimider et

5 les maisons ont été incendiées.

6 Réponse: J'ai pris des notes et on peut également vérifier ce que vous

7 avez dit au compte rendu d'audience puisque nous parlons la même langue,

8 nous nous comprenons. Donc vous dites qu'on a tiré sur les gens; c'est

9 bien ce que vous dites, qu'on a tiré sur les gens?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et vous dites que personne n'a été tué?

12 Réponse: Galib Hadzic a été gravement blessé.

13 Question: Mais vous dites que 3.000 hommes tiraient sur la population et

14 que Galib Hadzic, un seul homme, a été blessé.

15 Réponse: Ils tiraient en l'air, ils tiraient dans la direction des

16 maisons.

17 Question: Je vois. Ils tiraient en l'air et dans la direction des maisons,

18 je vois. Donc vous dites que des documents originaux ont été saisis par la

19 Défense territoriale de Zvornik.

20 Réponse: Le commandant de la police militaire, Studeni, était au courant.

21 Question: Cela ne m'intéresse pas, je ne le connais pas et je ne connais

22 pas non plus le président de la municipalité. Donc vous parlez de la

23 Défense territoriale de Zvornik; mais est-ce que c'est bien la Défense

24 territoriale de Zvornik en Bosnie-Herzégovine?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Vous dites qu'on vous a donc forcé à vous regrouper et qu'on a

2 établi une liste de tous les habitants de Kozluk?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Donc si on voulait vous faire partir par la force, pourquoi est-

5 ce que des listes ont été établies? En quoi est-ce que c'était nécessaire?

6 Réponse: Il existait une commission du centre culturel et les gens ont

7 signé à côté de leur nom sur la liste. Une fois que cette liste a été

8 établie, ils ont commencé à entasser les gens dans les autobus et les

9 camions, des gens qui n'avaient même pas de bagages et rien à manger.

10 Question: Je ne crois pas qu'on ne vous ait pas permis de prendre des

11 bagages ou de la nourriture. Vous dites qu'on vous a entassés dans des

12 camions et des autobus ainsi que des remorques. Dans le document que j'ai

13 entre les mains, on lit -je cite-: "Nous avons examiné les déclarations de

14 1.822 personnes transportées à bord de 18 autobus, de camions et de deux

15 voitures particulières de Kozluk." (Fin de citation)

16 Donc la plupart des gens ont été transportés en autobus, n'est-ce pas? "17

17 autobus, 3 camions, 2 voitures particulières"; c'est ce qui est écrit dans

18 de document, n'est-ce pas?

19 M. Banjanovic (interprétation): D'abord, ces autobus et ces camions sont

20 arrivés très vite; et on nous a dit qu'il fallait partir, ce qui voulait

21 dire que la chose avait été organisée.

22 Deuxièmement, il n'y a que 50 places dans un autobus, donc vous voyez

23 combien il en fallait. Les autobus et les camions étaient bondés; les gens

24 étouffaient à l'intérieur.

25 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant faire la pause.

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1 Monsieur Milosevic, nous pensons au fait qu'il s'agit d'un témoin en

2 application de l'Article 92bis, par conséquent vous devriez avoir plus de

3 temps. Mais vous pouvez disposer d'une heure et demie, ce qui veut dire

4 que vous avez encore trois-quarts d'heure pour le contre-interrogatoire de

5 ce témoin.

6 M. Milosevic (interprétation): Trois-quarts d'heure, Monsieur May, cela ne

7 suffit pas parce qu'en faisant de ce témoin un témoin relevant de

8 l'Article 92bis, vous avez considérablement restreint mon contre-

9 interrogatoire.

10 M. le Président (interprétation): Non, vous auriez eu suffisamment de

11 temps si vous n'aviez pas discuté avec le témoin, si vous ne vous étiez

12 pas querellé aussi longtemps avec le témoin. Il vous reste trois-quarts

13 d'heure.

14 Suspension de 20 minutes.

15 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 55.)

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, continuez, je

17 vous prie.

18 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Banjanovic, en me penchant sur

19 votre déclaration, je constate que Kozluk, d'après vos dires, avait 12.000

20 habitants.

21 M. Banjanovic (interprétation): Non, 5.000 habitants dans Kozluk. Et avec

22 les environs, à savoir Skocici, Sepak et les autres, c'est 12.000.

23 Question: Donc le chiffre concerne la communauté locale toute entière?

24 Réponse: Kozluk, c'est une communauté locale qui compte 5.000 habitants.

25 Question: Fort bien. Dites-moi maintenant: étant donné que dans la liste

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1 que vous avez fournie, vous indiquez 1.822 personnes qui ont quitté les

2 lieux pour aller en Europe occidentale, qu'est-il advenu des 3.000 et

3 quelques… 3.200 et quelques qui sont restées?

4 Réponse: Les autres citoyens sont également partis vers des pays

5 occidentaux.

6 Question: Donc les autres sont partis également?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Combien y avait-il de Serbes à Kozluk?

9 Réponse: 15 à 20 familles.

10 Question: Et ces gens vivent-ils encore là-bas?

11 Réponse: Il y avait, à Kozluk, quelque 5.000 Serbes lorsque nous avons

12 quitté. Et en ce moment-ci, ils sont un millier.

13 Question: Bien. Vous nous dites en page 2 de votre déclaration préalable

14 qu'après la chute de Zvornik, Kozluk est restée encerclée par des forces

15 serbes; c'est bien ce que vous dites?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Savez-vous nous dire combien de temps ces combats à Zvornik ont

18 duré?

19 Réponse: Non.

20 Question: Savez-vous quoi que ce soit au sujet des victimes de ces

21 combats?

22 Réponse: Non.

23 Question: Comment se peut-il alors, d'après ce que vous nous dites, que

24 Zvornik soit tombée et que Kozluk ne soit pas tombée? Où est la

25 différence?

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1 Réponse: A Kozluk, les citoyens sont restés, les uns et les autres. Il n'y

2 a pas eu de combat au centre même. Nous avons vécu avec nos voisins aux

3 alentours.

4 Question: Donc il n'y a pas eu d'attaque sur Kozluk?

5 Réponse: Jusqu'au 20, non.

6 Question: Mais avez-vous décidé, avant les combats de Zvornik, de

7 constituer dans votre localité une espèce de cellule de crise, dans votre

8 localité à vous?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Y avait-il des Serbes, dans cette cellule de crise?

11 Réponse: Les Serbes ont constitué leur police et cellule de crise à eux;

12 ce qui fait que nous avons été quelques citoyens à avoir mis en place une

13 cellule de crise et nous nous réunissions constamment ensemble.

14 Question: Mais vous nous avez fourni une liste. Vous dites que vous étiez

15 neuf à la cellule de crise. Cela, ça s'est passé avant quelque conflit que

16 ce soit?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Mais si vous dites que vous avez bien vécu avec les Serbes de la

19 localité, que les relations étaient bonnes, pourquoi n'avez-vous pas fait

20 une cellule de crise conjointe? Pourquoi n'avez-vous fait une cellule de

21 crise qu'avec des Musulmans?

22 Réponse: Parce que les Serbes, en temps utile, se sont dissociés. Ils ont

23 fait leur police, ils ont fait leurs unités, leurs cellules; ils ne

24 voulaient pas être avec les Bosniens.

25 Question: Donc vous, vous aviez souhaité être ensemble et les Serbes

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1 n'avaient pas souhaité qu'il en soit ainsi?

2 Réponse: C'est cela.

3 Question: Y a-t-il eu des débats, au niveau de cette cellule de crise,

4 pour ce qui est d'un plan de défense?

5 Réponse: Non.

6 Question: Quelle était votre fonction?

7 Réponse: Nous avions pour mission de contacter les autres localités,

8 Tabanci, Malesici, Rici, Skocici, où y avait une majorité serbe; et ce,

9 pour éviter qu'il n'y ait une guerre. Parce que jusque-là, les gens

10 vivaient en bons termes.

11 Question: Mais précisément parce qu'on vivait en bons termes, je vous pose

12 la question de savoir pourquoi vous aviez besoin de cette guerre? Et avez-

13 vous entretenu des contacts avec les unités paramilitaires bosniennes, en

14 votre qualité de cellule de crise?

15 Réponse: Non.

16 Question: Vous dites que vous avez engagé deux Musulmans et que vous les

17 avez envoyés pour une mission d'espionnage dans les rangs des Serbes pour

18 voir ce qui se passait là-bas; c'est bien cela?

19 Réponse: C'est vous qui le dites.

20 M. Milosevic (interprétation): Vous dites ici… 1, 2, 3, 5… 6e paragraphe.

21 A vrai dire, je ne l'ai reçue qu'en anglais, cette déclaration que vous

22 avez faite. Je ne crois pas que vous l'avez fait en anglais, votre

23 déclaration préalable?

24 M. le Président (interprétation): Fournissez donc au témoin une copie de

25 ses déclarations.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 M. Milosevic (interprétation): Vous y dites, comme on dit ici -et ils

3 n'ont qu'à vous le traduire eux-mêmes-: "J'ai demandé à deux Musulmans

4 -l'un des deux était garde champêtre, garde forestier-, je voulais savoir

5 ce qui se passait dans les environs, du point de vue de la sécurité. J'ai

6 vu… Ils ont vu qu'il y a eu des entraînements militaires à proximité de

7 Kozluk".

8 M. le Président (interprétation): Attendez que le témoin trouve ce

9 passage.

10 Vous l'avez trouvé, Monsieur le Témoin?

11 M. Banjanovic (interprétation): Non, je n'ai pas besoin de la retrouver.

12 M. le Président (interprétation): Un instant. Assurez-vous que vous avez

13 le texte sous les yeux.

14 Poursuivez la lecture, Monsieur Milosevic.

15 Ceci se trouve à la page 2, sixième paragraphe.

16 M. Banjanovic (interprétation): Oui.

17 M. le Président (interprétation): Poursuivez.

18 M. Milosevic (interprétation): Donc ce n'est pas mon propos à moi, mais

19 vos propos à vous.

20 Alors, dites-moi: comment s'appelaient ces deux Musulmans?

21 M. Banjanovic (interprétation): L'un s'appelait Marhocevic Nijaz. Et

22 l'autre, Nedzo.

23 Question: Bien. Mais étaient-ils tenus d'obéir à vos ordres?

24 Réponse: Ce n'étaient pas des ordres du tout.

25 Question: Mais cette mission était-elle dangereuse pour eux-mêmes?

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1 Réponse: Un garde forestier, on sait ce qu'il fait dans la forêt, c'est

2 son travail que d'être dans la forêt. On sait ce que fait un garde

3 champêtre. Nous n'avons pas envoyé des sapeurs-pompiers, nous avons envoyé

4 des gens dont c'était le métier.

5 Question: Donc vous les avez envoyés pour faire une espèce de

6 reconnaissance sur ce qui se passait? Et, comme vous dites, vous vous

7 étiez approché de soldats serbes et vous leur avez demandé ouvertement ce

8 qu'ils faisaient là. Et, amicalement, ils vous ont répliqué qu'ils ont été

9 conviés à venir par un certain Brano Grujic; c'est bien cela?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Dites-moi, alors: de quel type de siège de votre localité

12 s'agit-il si vous vous promenez comme bon vous semble au travers de ces

13 soi-disant lignes ennemies et si vous vous entretenez avec les soldats

14 pour ce qui est des objectifs de leur présence là? De quel type de siège

15 parlez-vous, alors?

16 Réponse: Tout d'abord, Kozluk était entourée de forces serbes de toutes

17 parts. Ils étaient encerclés par des unités de la Défense territoriale,

18 des unités paramilitaires et de la police.

19 Question: Mais n'avez-vous pas dit qu'il s'agissait là de villages serbes

20 autour de vous?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Ils étaient alors plutôt… si je puis dire, vous étiez entouré de

23 Serbes pendant 20 ans auparavant?

24 Réponse: Oui. Mais avant, il n'y avait pas de tranchées, il n'y avait pas

25 de soldats armés. Il n'y avait pas, alors… Ou un an auparavant, il n'y

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1 avait pas de manœuvres, il n'y avait pas eu de coups de feu de tirés.

2 Question: Mais qu'ont vu ces deux hommes que vous avez envoyés en

3 reconnaissance là-bas? Qu'ont-ils vu?

4 Réponse: Ils ne sont pas allés faire de la reconnaissance, ils sont allés

5 là-bas accomplir leurs tâches régulières, garde forestier et garde-chasse.

6 Ils ont vu un grand nombre de personnes qui avaient des uniformes

7 d'éclaireurs militaires. Ils avaient vu que ces hommes portaient des armes

8 et ils ont vu que ces hommes s'entraînaient.

9 Question: Donc ils pouvaient observer sans obstacle l'entraînement

10 militaire, n'est pas?

11 Réponse: De très loin, avec des jumelles.

12 Question: Donc, ils se sont cachés?

13 Réponse: Oui, c'est normal.

14 Question: Fort bien. D'après ce que je vois, ils ont informé de la chose

15 un certain Redzo?

16 Réponse: Redzo, c'est un policier de la police locale, originaire de

17 Zvornik qui était employé à Kozluk en qualité de policier.

18 Question: Et c'est la raison pour laquelle ils l'ont informé, parce qu'il

19 était policier?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et, d'après ce que je puis lire dans votre déclaration

22 préalable, le dénommé Redzo s'en va directement à Zvornik vers le poste de

23 police?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Pour remettre tous ces éléments de preuve concernant les

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1 activités en question, c'est bien cela?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Donc, d'après ce qui découle de ce que vous venez de nous

4 confirmer, Zvornik tombe entre les mains des Serbes qui l'ont encerclée,

5 et Redzo va à Zvornik et déclare à des Serbes que des Serbes ailleurs sont

6 en train de faire un entraînement militaire?

7 Réponse: Non, vous déformez les choses. Cela se passe avant la chute de

8 Zvornik.

9 Question: Ah! Bien avant?

10 Réponse: Oui, en effet.

11 Question: Au paragraphe 8 de la même page, vous dites que les Serbes de

12 Malecici et de Tabanci ont fait une nouvelle route, alors qu'il y avait

13 une bonne route qui passait par Kozluk.

14 Réponse: Oui.

15 Question: Mais qu'y a-t-il de contestable à cela? Pourquoi le citez-vous,

16 ce fait-là?

17 Réponse: Parce qu'il y a de gros engins militaires qui font leur

18 apparition et ce, notamment dans les villages serbes.

19 Question: Donc ils construisent une route et c'est très suspect, n'est-ce

20 pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Mais qu'y a-t-il de suspect dans le fait de construire des

23 routes?

24 Réponse: Mais parce qu'il y a déjà deux routes. Alors, ça faisait un peu

25 trop. Il s'agissait d'établir des liens, des communications entre les

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1 villages serbes et les territoires serbes pour contourner Kozluk. Alors,

2 s'il y a deux routes, pourquoi y en aurait-il trois?

3 Question: Vous dites que les policiers serbes ont transféré toutes les

4 armes qui se trouvaient dans le poste de police vers le poste de police à

5 Celopek; c'est bien cela?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Mais comment le savez-vous?

8 Réponse: Parce lorsque je suis allé à plusieurs reprises à la cellule de

9 crise avec un laissez-passer spécial, j'ai vu un grand nombre de voitures

10 de police, j'ai vu une forte concentration d'effectifs policiers et ainsi

11 de suite. Et "Radio Zvornik" parlait publiquement du partage du MUP en un

12 MUP serbe en un MUP musulman.

13 Question: Donc il y a eu partage du MUP, en MUP serbe et MUP musulman,

14 vous avez déduit de la chose qu'ils ont transféré les armes à Celopek?

15 Réponse: Non. Lorsque je me déplaçais vers Zvornik et vers la cellule de

16 crise, lorsque j'ai reçu un laissez-passer spécial, j'ai pu remarquer une

17 forte concentration de véhicules et d'effectifs policiers.

18 Question: Et vous avez déduit partant de là, que c'est de cela qu'il

19 s'agissait?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Vous dites également que les paramilitaires serbes qui se sont

22 attaqués aux villages de Safka (phon.) et de Kovacevici, passaient souvent

23 par votre localité à vous et que vous redoutiez les réactions des gens de

24 la localité, mais qu'heureusement rien n'était arrivé, c'est bien ce que

25 vous avez dit?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Expliquez-moi comment se fait-il que des forces serbes

3 s'attaquent à toutes les localités environnantes, traversent votre

4 localité à vous-même pour s'attaquer à d'autres localités, et qu'ils ont

5 contourné à chaque fois Kozluk?

6 Réponse: Ils sont passés par Kozluk.

7 Question: Oui, ils sont passés par Kozluk.

8 Réponse: A Kozluk, il y a une police serbe et une police bosnienne qui ont

9 fait des patrouilles conjointes. Il y a deux cellules de crise qui

10 collaborent l'une avec l'autre. A Kozluk il y a des contacts avec les

11 communautés environnantes pour qu'il y ait respect mutuel, coexistence

12 pacifique. Il n'y a pas eu d'incident à Kozluk. Il est vrai que des unités

13 paramilitaires et des policiers soient passés par notre territoire, mais

14 ils n'ont pas touché à nous.

15 Question: Fort bien. Mais quand vous parlez des "localités environnantes",

16 vous parlez de localités serbes. Pourquoi a-t-on placé des barricades là-

17 bas, des barrages routiers?

18 Réponse: Je ne sais pas pourquoi. Ce que je sais, c'est qu'avant cela, un

19 an avant tout cela, avant l'éclatement de la guerre, il y a eu des

20 manœuvres, des rassemblements; il y a eu la présence d'éclaireurs

21 militaires qui portaient des rubans que l'on pouvait voir. Il se passait

22 des choses.

23 Question: Mais vous ne savez pas quoi?

24 Réponse: Non.

25 Question: Fort bien. Dites-moi maintenant: savez-vous… est-il exact de

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1 dire que vos voisins serbes étaient venus vous voir pour essayer de vous

2 convaincre du fait que les Musulmans n'avaient rien à appréhender, qu'ils

3 ne leur arriverait rien. C'est bien ce qui s'est passé?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Que vous avez dit Brano Grujic, à l'occasion d'une réunion qui

6 s'est tenue à Kozluk avec vous?

7 Réponse: Avec le maire, M. Grujic, nous avons eu plusieurs réunions à

8 l'occasion desquelles il y a eu Marko Pavlovic de présent, et d'autres

9 hommes encore. A l'occasion de ces réunions, on nous a promis que l'on ne

10 toucherait pas à nous et qu'il fallait continuer à vivre… et qu'il fallait

11 restituer nos armes, qu'il fallait continuer à travailler la terre et ne

12 pas prêter attention aux lignes de front qui se mettaient en place.

13 Question: S'agissant des seules questions militaires, ce que l'on vous a

14 demandé c'était de restituer les armes, c'est bien cela?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Page 4 de votre déclaration préalable, vous dites que des

17 Musulmans de Sepak et de Skocici qui ont fui leur localité, vous avez

18 essayé de les convaincre de regagner leur localité à eux; c'est bien cela?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Vous avez donc estimé qu'ils n'étaient pas menacés par les

21 Serbes?

22 Réponse: Il y a eu une très forte concentration de gens. A Kozluk, il y

23 avait 12.000 hommes à un moment donné. Il n'y avait plus rien a manger, il

24 y avait des maladies qui avaient fait leurs apparitions; et tous les

25 villages environnants s'étaient déversés sur Kozluk. C'était intenable!

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1 Nous avions convenu que ces gens devaient revenir chez eux, qu'on ne

2 toucherait pas à eux, que l'on ferait régner la paix et qu'il n'y aurait

3 pas d'attaque de lancée et ainsi de suite.

4 Question: Oui, mais ne serait-il pas vrai de dire que l'on a demandé aux

5 citoyens de ces villages-là de restituer leurs armes lourdes, les armes

6 lourdes qu'ils avaient et dont ils n'avaient pas besoin, à moins d'avoir

7 eu des plans de guerre, des intentions belligérantes?

8 Réponse: Ce qui était très marqué, c'était cette campagne médiatique

9 disant qu'il fallait restituer les canons, les armes lourdes; que

10 véritablement les Bosniens n'avaient pas en leur possession. Dans ces

11 localités environnantes, à Sepak, Skocici, parce que nous avions une bonne

12 coopération avec les Serbes et la Serbie, nous n'avions pas d'armes du

13 tout; cela s'est avéré vrai.

14 Question: A Sepak et Skocici, est-ce que l'on a quiconque?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Qui a été tué?

17 Réponse: Plusieurs jeunes gens ne voulaient pas venir avec nous et ils

18 sont passés vers les territoires libres; et, à ce moment-là, ils ont été

19 tués.

20 Question: Quand vous le dites, vous parlez du territoire qui était placé

21 sous le contrôle des effectifs musulmans?

22 Réponse: L'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 Question: Fort bien. C'est là-bas qu'ils ont péri?

24 Réponse: Ils ont péri sur le chemin.

25 Question: Mais après cette persuasion que vous vous êtes chargé

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1 d'accomplir, les citoyens de Sepak et Skocici sont-ils retournés chez eux?

2 Réponse: Il y avait Muhamed Lugavic, Marko Pavlovic, Brano Grujic et moi-

3 même. Suite à plusieurs réunions, quelque 5 à 6.000 personnes sont

4 retournées chez elle, à Sepak, Skocici et les autres petites localités.

5 Question: Mais n'est-il pas vrai de dire que vous avez contacté la JNA

6 pour vous aider en cas d'attaque lancée contre votre localité?

7 Réponse: C'est exact.

8 Question: Donc vous aviez confiance en la JNA?

9 Réponse: J'avais confiance jusqu'à ce moment-là. Mais, lorsque j'ai vu les

10 véhicules se retirer, je savais que ce n'était plus la même JNA.

11 Question: Mais vous n'ignorez pas le fait que la JNA s'était retirée de la

12 JNA, suite à une revendication d'Alija Izetbegovic et de sa direction?

13 Réponse: Moi, je sais que je n'ai vu qu'une grande colonne de chars de

14 camions militaires, j'ai vu des drapeaux de la République socialiste

15 fédérative de Yougoslavie, j'ai vu des étoiles à cinq branches. Mais il

16 n'y avait pas nos soldats à nous. Il y avait des gens sales qui avaient

17 des uniformes variés; ils ouvraient le feu et ils s'arrêtaient au centre

18 ville.

19 Question: Ecoutez, ne perdons pas de temps pour ce qui est de ces tirs

20 ouverts dans votre localité où personne n'est mort. Je pense qu'il est

21 inutile d'en parler d'avantage.

22 Dites-moi maintenant, vous dites que dans votre bureau, vous venez de

23 mentionner une chose à savoir qu'à Kozluk, page 5, paragraphe 4, vous avez

24 reçu la visite de Brano Grujic, Dragan Spasojevic et le Dr Muhamed Jelkic;

25 un Musulman soit dit en passant?

Page 20685

1 Réponse: Oui, c'est cela.

2 Question: Alors ces trois ensemble, avec l'imam Muhamed Efendija Lugavic

3 et un prêtre serbe, Vasilje Kacavenda, vous êtes allés vers les villageois

4 de Sepak et Skocici et vous les avez priés de ne pas avoir recours à la

5 force et de ne pas s'attaquer aux barrages routiers serbes; c'est bien ce

6 que vous avez déclaré?

7 Réponse: Non.

8 Question: Pardon?

9 Réponse: Non.

10 Question: Mais qu'avez-vous déclaré alors?

11 Réponse: C'est écrit dans ma déclaration.

12 Question: Très bien. Comment interprétez-vous cet acte, le fait d'avoir

13 une délégation musulmane-serbe où il y avait des prêtres qui s'efforçaient

14 de calmer la situation? C'était leur intention fondamentale?

15 Réponse: La délégation avait pour intention de faire en sorte que la

16 population bosnienne retourne chez elle, dans les hameaux avoisinants.

17 Question: Mais cette façon de faire démontre-t-elle qu'il y avait

18 intention des Serbes de s'attaquer aux villages environnants, ou cela

19 n'indique-t-il pas qu'ils avaient plutôt l'intention d'apaiser la

20 situation?

21 Réponse: La délégation a affirmé qu'elle ne pouvait pas assumer la

22 responsabilité qu'il y avait des hommes plus haut placés à Zvornik… des

23 commandants plus haut placés qu'eux, et que ceux-ci étaient en mesure de

24 garantir la sécurité.

25 Question: Oui, très bien. Mais si en cette occasion-là, Grujic et

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1 Spasojevic se sont adressés à la population en disant qu'il n'y aura pas

2 de blessé, qu'il n'y aura pas d'arrêté et qu'il n'y a pas de raison de

3 redouter quoi que ce soit, qu'il fallait absolument que chacun retourne

4 chez soi, est-ce qu'on voulait chasser la chose ou intimider les gens? Si

5 cela était le cas, n'aurait-on pas eu plutôt tendance à dire le contraire?

6 Réponse: Cela s'est passé bien avant la déportation parce qu'il était

7 dangereux d'avoir un endroit même 12.000 Bosniens.

8 Question: Oui, mais vous avez demandé à Grujic de voir son supérieur?

9 Réponse: Il a déclaré, en sa qualité de maire, qu'il ne pouvait pas

10 assumer deux responsabilités et qu'il fallait s'adresser à quelqu'un de

11 plus haut placé.

12 Question: Fort bien, et vous êtes allé à Karakaj?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Donc Grujic, lui aussi, avait souhaité que vous soyez convaincu

15 de la sécurité qui vous serait assurée?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Ensuite, vous avez fait la connaissance d'un certain Pejic?

18 Réponse: Oui, mais à Karakaj.

19 Question: Oui, je m'excuse, à Karakaj, en effet. Que vous a-t-il dit

20 celui-là?

21 Réponse: J'ai vu que c'était lui qui était chargé de toutes ces choses, de

22 toutes les questions. Une partie de la délégation n'osait même pas rentrer

23 dans son bureau, alors que les autres étaient au garde-à-vous devant lui.

24 Chez lui, il n'avait que l'imam, Lugavic, et Kacavenda le prêtre orthodoxe

25 et moi-même.

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1 Question: Que vous a-t-il dit?

2 Réponse: A Brano Grujic, il a dit qu'il fallait forcément que nous soyons

3 protégés et s'il pouvait gouverner, il n'avait qu'à gouverner, sinon il le

4 révoquerait. Moi, j'ai demandé qu'il visite personnellement Kozluk.

5 Question: Donc il a assisté sur la nécessité de vous protéger. Il a dit à

6 Grujic qu'il fallait qu'il fasse son travail et qu'il prenne soin des

7 citoyens, c'est bien cela?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Donc il ne vous a pas intimidé lui non plus? Au contraire, il a

10 fait preuve d'une volonté qui était celle de vous protéger, n'est-ce pas?

11 Réponse: Il nous a demandé si nous avions des armes lourdes de les

12 restituer.

13 Question: Bien, mais cela est logique.

14 Réponse: Moi, je lui ai répondu qu'il pouvait aller à Kozluk et se rendre

15 compte par lui-même que nous n'avions rien de tout cela.

16 Question: Mais n'est-il pas vrai de dire qu'il vous a dit ou qu'il vous a

17 affirmé qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur et qu'il fallait rester

18 chez vous et que la seule chose demandée c'était de restituer ces armes

19 lourdes, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et vous l'avez donc invité à Kozluk, il a accepté votre

22 invitation; et tout de suite ensemble, vous êtes allés à Kozluk. C'est

23 bien cela?

24 Réponse: Oui.

25 Question: N'est-il pas exact de dire qu'il s'était adressé aux citoyens à

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1 Kozluk même?

2 Réponse: En effet.

3 Question: En leur apportant les mêmes garanties que celles qu'il vous a

4 exprimées à vous?

5 Réponse: Oui.

6 Question: N'a-t-il pas promis d'assurer des vivres, des médicaments au

7 plus tôt?

8 Réponse: Il a été horrifié lorsqu'il a vu la situation extrêmement

9 difficile.

10 Question: Fort bien. A-t-il tenu sa promesse?

11 Réponse: Il a vu un grand nombre d'enfants, il a envoyé des médicaments,

12 il a envoyé un camion de vivres, il a envoyé des médecins. Il a donc tenu

13 la promesse qu'il a faite devant 10 ou 12.000 personnes.

14 Question: Mais Pejic vous a-t-il dit que si vous souhaitiez quitter la

15 municipalité, il précisait qu'il était très difficile pour vous de vous

16 diriger en direction de Tuzla? C'est bien ce qu'il a dit?

17 Réponse: Non, non. Il a dit que, s'agissant de Tuzla, nous ne pouvions pas

18 passer. Il a dit que, si nous partions à Tuzla, nous allons rejoindre les

19 rangs de l'armée et faire la guerre contre eux; c'est ce qu'il a dit. Et

20 moi, j'ai vu un très grand nombre de barrages routier et un grand nombre

21 d'hommes en arme.

22 Question: Bien. Mais y avait-il là une ligne de front ou quelque chose de

23 ce genre, n'est-ce pas?

24 Réponse: La ligne de front se trouvait assez loin de Kozluk.

25 Question: Oui, mais en direction de Tuzla.

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1 Réponse: Oui.

2 Question: C'est pour cela que vous n'avez pas pu prendre la direction de

3 Tuzla?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Donc cela n'était pas si sûr pour vous que de vous diriger par

6 là-bas. Et il vous a dit que vous pouviez vous diriger en direction de la

7 Serbie, c'est bien cela?

8 Réponse: Pendant un certain temps, nous avons été complètement encerclés,

9 complètement isolés. On ne pouvait passer qu'en direction de la Serbie et

10 ceci moyennant des laissez-passer spéciaux.

11 Question: Vous êtes tous allés vers la Serbie sans laissez-passer

12 spéciaux, suivant les listes que vous aviez signées, en disant que vous

13 souhaitiez vous diriger vers l'Europe occidentale.

14 Réponse: Moi, je parlais de gens partis avant. Quelque 3000 personnes

15 étaient parties avant.

16 Question: Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à l'une quelconque de ces

17 personnes?

18 Réponse: Les gens qui sont restés à Kozluk, qui ne voulaient pas s'en

19 aller avec nous, ont été abattus.

20 Question: Ils se sont enfuis?

21 Réponse: Non, ils ont été abattus! Il y a eu plus de 20 personnes de

22 tuées.

23 Question: Quand ces personnes ont-elles été tuées?

24 Réponse: Après le 26.

25 Question: Une fois que vous êtes parti déjà vous-même.

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Qui a abattu ces gens-là?

3 Réponse: Cette même garde, à savoir les mêmes gens qui avaient encerclé

4 Kozluk auparavant.

5 Question: D'après ce que je vois dans votre déclaration, Pejic a libéré

6 quelques personnes dans Kozluk en prêtant foi à vos assertions disant que,

7 eux, ils n'étaient pas membres des Bérets verts. C'est bien de cela qu'il

8 s'agit?

9 Réponse: Oui.

10 Question: D'après ce que je vois dans votre déclaration préalable, vous ne

11 connaissez pas les noms de ces prisonniers?

12 Réponse: Si, je les sais! Il y avait un voisin, Idriz, dont la soeur était

13 mariée dans la localité de Skocici. Il s'est dirigé là-bas, il a été

14 arrêté.

15 Question: Est-ce que vous connaissiez ces personnes?

16 Réponse: Oui, un policier serbe m'a dit qu'ils étaient arrêtés; j'y suis

17 allé et je les ai priés de les relâcher, et ils les ont relâchés.

18 Question: Ils ont été relâchés parce que vous avez garanti le fait qu'ils

19 n'étaient pas membres des Bérets verts?

20 Réponse: Oui, c'étaient des citoyens ordinaires.

21 Question: Mais est-ce que vous faisiez la différence entre membre des

22 Bérets verts et non membre des Bérets verts?

23 Réponse: Il n'y a pas eu de Bérets verts dans ma région.

24 Question: Il n'y en a pas eu dans votre région?

25 Réponse: Je ne sais pas du tout qui était dans les Bérets verts!

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1 Question: Fort bien. Vous dites que du 20 au 25 juin on pouvait entendre

2 des tirs dans les environs de Kozluk, c'est bien cela?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Y a-t-il eu des combats, là, alors?

5 Réponse: A Kozluk, le calme régnait. Les gens persistaient à croire en la

6 coexistence. Tout juste avant la déportation, Marko Pavlovic et d'autres

7 unités paramilitaires ont commencé un règne de la terreur dans les

8 villages environnants. Ils ont maltraité les Serbes, ils les ont forcés à

9 se déshabiller, ils les ont battus.

10 Question: Des Serbes?

11 Réponse: Oui. Et la raison en était qu'ils étaient trop proches de nous,

12 les Bosniens. Un grand nombre de personnes ont été passées à tabac.

13 Beaucoup de personnes ont été malmenées par ces unités paramilitaires.

14 Question: Vous dites que des unités paramilitaires maltraitaient les

15 Serbes parce que ceux-ci s'entendaient bien avec les Musulmans de Bosnie.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Mais dites-moi ceci -car j'ai des informations, ici, à ma

18 disposition et je vais vérifier si ces informations sont exactes-: ceci a

19 trait au fait qu'à un moment donné, plus exactement le 26 juin, ils vous

20 ont dit qu'ils ne pouvaient plus garantir votre sécurité; est-ce bien

21 cela?

22 Réponse: Après que Brano Grujic m'ait donné l'ordre de quitter sur-le-

23 champ Kozluk, un membre du Parlement, un certain Mijatovic est venu, s'est

24 approché de moi et m'a dit que rien n'était plus sûr, qu'il était

25 préférable que nous partions car il risquait d'y avoir un massacre.

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1 Question: Quelles en étaient les raisons? Pourquoi?

2 Réponse: Je ne sais pas quelles en étaient les raisons. Ce que je sais,

3 c'est que j'ai vu à Zvornik et dans les environs que personne n'avait plus

4 la maîtrise de la situation.

5 Question: Donc c'était le chaos d'une guerre civile?

6 Réponse: Non, non, le chaos régnait parmi les Serbes, parmi les diverses

7 unités paramilitaires, des unités de l'armée, ainsi de suite. Personne ne

8 savait plus qui contrôlait, qui avait le commandement.

9 Question: C'est bien ce que je dis: situation de chaos caractéristique

10 d'une guerre civile.

11 Est-ce que vous connaissez Rastosnica? A quelle distance du village se

12 trouvait-il du village de Kozluk?

13 Réponse: Il est assez éloigné, assez éloigné.

14 Question: Je vois. Est-ce que ceci a le moindre rapport avec le fait que

15 c'est précisément à ce moment-là que les forces musulmanes avaient détruit

16 ces villages et avaient chassé de la région plus de 4.000 Serbes?

17 Réponse: Nous étions tout à fait isolés. Nous ne savions pas ce qui se

18 passait à 1 kilomètre de chez nous; à fortiori à 100 kilomètres ou plus.

19 Nous avons tout juste vu ces différentes armées traverser Kozluk. Nous

20 savions que quelque chose se passait.

21 Question: Donc plusieurs milliers de personnes venant de ce village

22 détruit se sont enfuies vers votre région, d'après mes informations.

23 Réponse: Moi, j'étais sur place, je n'ai vu personne arriver!

24 Question: Fort bien. Est-il exact de dire qu'à Kozluk rien n'a été

25 détruit?

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1 Réponse: Comment est-ce que Kozluk aurait pu être détruit s'il n'y avait

2 pas de guerre? Je dirais que de 50 à 100 maisons ont été détruites, mais

3 c'étaient déjà des vieilles maisons, et un certain nombre de maisons ont

4 été endommagées ou incendiées pendant la déportation, mais c'est un nombre

5 limité.

6 M. Milosevic (interprétation): Donc par contraste avec Rastosnica? Ce

7 village, lui, a été tout à fait détruit et 4.000 personnes ont été

8 chassées...

9 M. le Président (interprétation): Inutile de répéter cela, puisque le

10 témoin dit ne rien savoir à ce propos.

11 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais le témoin sait bien que Kozluk

12 n'a pas été détruit, qu'il n'y a pas eu de guerre dans cet endroit.

13 M. le Président (interprétation): Oui. Oui, le témoin a déposé assez

14 longuement à ce propos, nous le savons.

15 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Au moment où la Croix-Rouge vous

16 a accueillis en Serbie -nous en avons parlé tout au début du contre-

17 interrogatoire-, vu les circonstances dont nous venons de parler, vous-

18 même vous avez dit que le chaos régnait, que c'était une situation de

19 conflit, même de conflit, entre diverses formations serbes, entre des

20 formations serbes et des formations musulmanes. Peu importe lesquelles…

21 Vous n'êtes pas au courant de la présence de Bérets verts ni de la Ligue

22 patriotique, de rien de la sorte. Vous dites que l'armée de Bosnie-

23 Herzégovine était là.

24 En tout cas, vous avez été évacués, vous êtes arrivés en Serbie. Est-ce

25 que… Les Serbes vous ont peut-être, ce faisant, sauvé la vie? Puisque vous

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1 avez parlé des circonstances dans lesquelles vous êtes parti; ils vous ont

2 dit qu'ils ne pouvaient plus garantir votre sécurité, vous avez dit vous-

3 même que la situation était chaotique. Est-ce que, en vous aidant à

4 procéder à une évacuation, ils ne vous ont pas sauvé la vie?

5 M. Banjanovic (interprétation): Non, non. Ils nous ont tendu une

6 embuscade. Ils nous ont menti. Nous ne sommes pas partis en guerre; nous

7 avons donné nos armes. Pourquoi est-ce qu'on a été chassés de nos emplois?

8 Pourquoi est-ce qu'ils ne nous ont pas laissé labourer nos terres?

9 Question: Mais ça, c'est une autre situation. Il y a un instant, vous avez

10 décrit les tirs; vous avez dit qu'il n'était pas plus possible de garantir

11 votre sécurité. Est-ce que les Serbes vous ont sauvé la vie?

12 Réponse: Ils nous ont écrit cette lettre pour nous faire signer que nous

13 partions de notre plein gré, donc ils nous ont déportés. Nous avons été

14 évacués par des camions, par des camions remorques, des autocars. Et le

15 fait d'avoir été bombardé de pierres, ce n'est pas un acte de bonté, mais

16 une déportation. Pourquoi, autrement, 5.000 personnes auraient-elles

17 quitté leur domicile? C'est du nettoyage ethnique. C'est le scénario.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais je veux dire: pourquoi? Par peur des

19 conflits armés. C'est la raison pour laquelle les réfugiés quittent leur

20 domicile un peu partout dans le monde.

21 M. Banjanovic (interprétation): Mais nous n'étions pas en guerre!

22 M. le Président (interprétation): Nous avons épuisé ce sujet-là. Passez à

23 autre chose, je vous prie.

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que tout le monde a dû quitter la

25 maison, ou seulement ceux qui avaient souhaité s'en aller?

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1 M. Banjanovic (interprétation): Je ne comprends pas votre question.

2 Question: Mais pour ce qui est de s'en aller, d'être contraint de s'en

3 aller, les gens de Kozluk ont-ils été tous obligés de s'en aller, ou

4 seulement ceux qui voulaient bien s'en aller et se diriger vers des pays

5 occidentaux, comme vous l'avez dit?

6 Réponse: Ce n'était pas une question de bénévolat, de bon vouloir. C'était

7 un ordre: il fallait s'en aller. C'était un nettoyage ethnique.

8 Question: Ecoutez, laissez les qualificatifs à quelqu'un d'autre. Combien

9 de gens est-il resté à Kozluk? Si vous avez été 1.822 à avoir signé pour

10 vous en aller, combien en est-il resté à Kozluk?

11 Réponse: Il est resté les familles serbes et il est resté un peu de

12 Bosniens qui ne voulaient pas s'en aller avec nous. Et ces Bosniens ont

13 tous été abattus.

14 Question: Donc il n'est resté que 20 Bosniens à Kozluk?

15 Réponse: Je ne sais pas exactement.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais vous dites qu'ils ont été 20 à être

17 abattus et vous dites maintenant qu'ils ont tous été abattus, donc…

18 M. Banjanovic (interprétation): J'ai répondu avec précision que les

19 Bosniens qui ne voulaient pas venir avec nous ont été abattus. Ils étaient

20 une vingtaine.

21 M. le Président (interprétation): Je veux m'assurer que nous avons bien

22 compris. Il y avait un certain nombre de Serbes et vous dites que 20

23 Bosniens sont restés à Kozluk; est-ce exact? Pourriez-vous nous dire

24 combien il y avait de Serbes; pouvez-vous nous donner une idée de

25 grandeur?

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1 M. Milosevic (interprétation): Il a dit qu'il y avait 15 maisons serbes.

2 M. Banjanovic (interprétation): Les familles serbes étaient entre 15 et

3 20. Ces Serbes sont restés à Kozluk. Personne n'a touché à ces gens-là;

4 eux, ils étaient serbes.

5 Question: Mais moi, j'ai cru comprendre que personne n'avait touché à vous

6 et qu'on vous avait proposé de vous en aller parce qu'on n'était plus en

7 mesure de garantir votre sécurité en raison de ce qui se passait dans les

8 environs?

9 Réponse: Vous ne voulez pas entendre ce que je suis en train de dire.

10 Question: Je veux entendre ce que vous me dites.

11 Réponse: L'armée, les paramilitaires et la police étaient en train de

12 bousculer les gens vers le centre-ville. On a tiré des coups de feu et on

13 a tiré Nedzo Marhocevic. On a blessé Galib Hadzic. Il y a eu beaucoup de

14 gens qui ont été tabassés, qui ont reçu des gifles.

15 Question: Mais attendez. Ce Nedzo n'a pas été tué ce jour-là?

16 Réponse: Le 23 ou 24, il a été tué.

17 Question: Mais, en tout état de cause, pas à l'occasion de ces événements-

18 là. Tout à l'heure, vous nous avez dit que ce jour-là, personne n'a été

19 tué, à part l'homme que vous avez dit avoir été blessé?

20 Réponse: En effet.

21 M. Milosevic (interprétation): Comment les Serbes ont-ils procédé à un

22 nettoyage ethnique en chassant les Musulmans de la Bosnie vers la Serbie?

23 M. le Président (interprétation): Il reviendra en temps utile aux Juges de

24 la Chambre de statuer sur ce point, de qualifier les événements qui se

25 sont produits. Vous l'avez entendu, ce témoin; il ne peut que déposer. Et

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1 il dit qu'ils avaient été envoyés en Serbie. Toute qualification, tout

2 qualificatif -comme vous l'avez dit à juste titre- c'est une question qui

3 est réservée aux Juges de la Chambre de première instance.

4 Avançons, s'il vous plaît. Et je précise qu'il vous reste encore à peu

5 près cinq minutes.

6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais m'efforcer de m'y conformer,

7 Monsieur May. Je lui ai posé la question tout à l'heure…

8 Parce que j'avais compris, Monsieur Banjanovic, que vous étiez à la tête

9 de cette association qui a pour objectif de faire revenir les Bosniens,

10 les Musulmans vers leurs localités?

11 M. Banjanovic (interprétation): Non. Je suis président de la Fédération

12 pour le retour de toutes les populations vers leur domicile, tant pour ce

13 qui est des Bosniens que des Croates et des Serbes.

14 Question: Mais n'est-il pas vrai de dire que le gouvernement de la

15 Fédération de Bosnie-Herzégovine a exercé des pressions sur les Musulmans

16 de Podrinje pour quitter Podrinje et aller vers les municipalités

17 environnantes dans la région de Sarajevo?

18 Réponse: Je ne suis pas au courant.

19 Question: Mais le 23 mai 1996, votre association à vous n'a-t-elle pas

20 fait une proclamation condamnant le gouvernement de la façon la plus

21 véhémente, en raison de ces activités démographiques?

22 Réponse: Nous étions opposés à tous les départs des gens. Notre seule

23 règle, c'était de faire en sorte que les gens retournent chez eux et que

24 la confiance soit réinstallée parmi les populations.

25 Question: Donc… Mais je vous ai posé une question au sujet des pressions

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1 exercées par le gouvernement pour ce qui est des déménagements de

2 Musulmans depuis Podrinje vers Sarajevo. Vous dites que vous n'êtes pas au

3 courant, mais votre association a condamné le gouvernement en raison des

4 pressions exercées dans ce sens-là. Donc, êtes-vous au courant de la chose

5 ou pas?

6 Réponse: Nous avons condamné toutes les institutions qui ont oeuvré en

7 faveur du fait de voir les gens s'éloigner de leur domicile.

8 Question: Mais expliquez-moi quel a été le souhait du gouvernement de la

9 Fédération de Bosnie-Herzégovine, en exerçant ces pressions et en

10 procédant à ces migrations artificielles?

11 Réponse: Moi, je ne suis pas membre du gouvernement, je suis citoyen

12 ordinaire de Kozluk. Je veux continuer à vivre dans Kozluk et je veux

13 collaborer avec tout un chacun.

14 M. Milosevic (interprétation): Oui. Mais vous n'ignorez pas le fait que ce

15 gouvernement a exercé des pressions à l'égard des Musulmans de Podrinje

16 pour quitter cette région et se déplacer…

17 M. le Président (interprétation): Non, non, il ne peut pas.

18 M. Banjanovic (interprétation): Je ne sais pas.

19 M. Milosevic (interprétation): Vous ne savez pas, donc. Et vous n'êtes au

20 courant d'aucune espèce de pression de la part des Musulmans… des

21 dirigeants musulmans…

22 M. le Président (interprétation): Il l'a dit. Il l'a dit. Allez de

23 l'avant.

24 M. Milosevic (interprétation): Fort bien.

25 Etant donné que je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition, je me

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1 propose de vous poser qu'une seule question au sujet du début des

2 questions que je vous ai posées et de ce que vous avez dit vers la fin,

3 concernant votre arrivée en Serbie.

4 D'après vos propres propos, à Loznica, la Croix-Rouge a été sollicitée par

5 vos soins pour fournir de l'aide. Et vous leur avez demandé de vous aider

6 à continuer votre chemin en direction de l'Europe occidentale. Est-ce que

7 ces gens-là -puisque vous leur avez demandé la chose- pouvaient s'imaginer

8 que vous étiez déportés, ou considériez-vous plutôt que vous étiez

9 réfugiés?

10 M. Banjanovic (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons été chassés

11 de Kozluk; 20 Bosniens ont été tués...

12 M. le Président (interprétation): Contentez-vous de répondre à cette

13 question, Monsieur Banjanovic. D'après ce que vous savez, pouvez-vous nous

14 dire si la Croix-Rouge était au courant de votre situation? Est-ce qu'elle

15 savait que vous étiez déportés ou pas?

16 M. Banjanovic (interprétation): Ils le savaient. A partir du moment où ils

17 nous voyaient dans les camions, ils savaient que nous avons été déportés.

18 Et nous leur avons raconté ce que nous avons vécu; ils étaient au courant

19 du fait qu'il s'agissait là d'une déportation pure et simple et que

20 c'était une expulsion sous la contrainte.

21 M. Milosevic (interprétation): Mais êtes-vous en train de nous affirmer

22 que vous avez informé la Croix-Rouge de Loznica du fait que vous n'étiez

23 pas des réfugiés, mais que vous étiez déportés par la force de la part des

24 autorités de Zvornik?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Comment se fait-il que cela ne soit dit nulle part dans les

2 documents qui sont ici?

3 Réponse: Posez la question à ceux qui ont rédigé. Ce n'est pas nous qui

4 avons rédigé la chose.

5 Question: Mais qui avez-vous informé de la chose, étant donné que vous

6 n'avez contacté que la Croix-Rouge et les policiers qui vous ont protégés?

7 Donc avez-vous informé la Croix-Rouge du fait que vous quittiez contre

8 votre volonté, que les listes par vos soins ont été faites sous la

9 contrainte, et que tout cela n'était pas vrai? Pourquoi leur avez-vous

10 demandé de vous aider à vous en aller le plus vite possible vers l'Europe

11 occidentale?

12 Réponse: C'est vous qui le dites.

13 Question: Mais écoutez, dans le compte rendu d'audience, vous avez dit:

14 "Nous leur avons demandé de continuer… de nous aider à continuer plus loin

15 vers l'Europe occidentale, donc de ne pas rester à Loznica mais d'aller

16 au-delà". C'est bien vous qui l'avez dit?

17 Réponse: Les ordres sont venus de Marko Pavlovic, à Kozluk, en disant que

18 nous fuyions la mobilisation et que nous nous en allions de notre plein

19 gré. C'est eux qui l'ont rédigé, ce n'est pas nous; c'est un mensonge pur

20 et simple.

21 Question: Mais, Monsieur Banjanovic, dites-moi… Expliquez-moi, plutôt la

22 déclaration que vous avez faites ici ce matin. Vous avez demandé à la

23 Croix-Rouge à Loznica de vous rendre possible une continuation des plus

24 rapides en direction de l'Europe occidentale. En a-t-il été ainsi?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Donc, si vous les avez suppliés de vous aider pour continuer

2 votre voyage en direction de l'Europe occidentale, comment pouvez-vous

3 dire que vous leur avez raconté que vous étiez là… contraints à être là et

4 que vous ne vouliez pas continuer votre voyage?

5 Réponse: Ça, c'est votre récit à vous. Nous leur avons dit que nous avons

6 été amenés là, que nous étions otages et que nous voulions quitter la

7 Serbie au plus vite; et nous leur avons demandé de nous aider. Ils ont dit

8 qu'ils enverraient un document à Belgrade. Je ne sais pas ce qu'ils ont

9 rédigé dans leur courrier; c'est eux qui ont rédigé, ce n'est pas nous.

10 M. Milosevic (interprétation): Eux, ils n'ont rien rédigé, ils ont envoyé

11 votre liste. Parce que, dans le document en provenance de Belgrade, il est

12 dit… Et, tiens, je tiens à vous rappeler… Tenez, regardez ce qu'il est

13 dit: "Nous avons étudié les déclarations écrites faites par 1.822

14 personnes qui se trouvent dans 17 autocars, deux camions et deux véhicules

15 de tourisme provenant de la municipalité de Zvornik et séjournant

16 provisoirement à Loznica. Nous avons constaté que les déclarations écrites

17 par les personnes susmentionnées -et ainsi de suite, et ainsi de suite-,

18 faites au nom des membres de leur famille, des membres mineurs de leur

19 famille, et ainsi de suite, donc tenant compte du souhait exprimé pour ce

20 qui est de l'endroit de résidence souhaité, droit qui est l'un des Droits

21 de l'homme fondamentaux.".

22 Ce sont là des listes qui ont été envoyées, qui ont été signées par vos

23 soins, qui ont été transmises à Belgrade. Eux y répondent qu'ils se sont

24 penchés sur ces listes, qu'ils ont constaté qu'il s'agit là de Droits de

25 l'homme à respecter, et ils ont approuvé votre déplacement au-delà.

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1 M. Banjanovic (interprétation): Oui. Eh bien, vous oubliez de lire autre

2 chose encore: le fait que le commandant de la Défense territoriale de

3 Zvornik, Marko Pavlovic, a précisé que nous avons quitté de notre plein

4 gré, que nous fuyions la mobilisation et que nous abandonnions de notre

5 plein gré nos biens, que nous n'avons pas été incendiés, que nous n'avons

6 pas été transportés de là-bas pour aller ailleurs. Nous ne l'avons pas

7 écrit.

8 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà évoqué ce sujet à moult

9 reprises, nous n'allons pas le faire une nouvelle fois. Nous avons les

10 documents, nous avons entendu la déposition.

11 Votre temps est épuisé, Monsieur Milosevic.

12 M. Milosevic (interprétation): Le document au sujet duquel vous affirmez à

13 présent qu'il a été rédigé partant de faits erronés, vous l'aviez entre

14 vos mains. Il y a votre écriture dessus, n'est-ce pas?

15 M. Banjanovic (interprétation): Oui.

16 Question: Pourquoi, à l'intention de quelques organes que ce soit en

17 Serbie, vous n'avez pas déclaré que cela n'était pas vrai?

18 Réponse: Je l'ai dit à la Croix-Rouge à Loznica, et je l'ai dit à M.

19 Nikolic.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien.

21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic.

22 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Fadil

23 Banjanovic.)

24 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Messieurs les Juges.

25 Monsieur Banjanovic, il me semble qu'il y a des choses qui n'ont pas été

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1 tirées au clair jusqu'au bout. En effet, vous avez dit, si j'ai bien

2 compris, et je vous demanderai d'expliquer une fois de plus à l'intention

3 de la Chambre, le fait que dans votre communauté locale il y avait quelque

4 12.000 personnes?

5 M. Banjanovic (interprétation): Non.

6 Question: Mais de quoi s'agit-il?

7 Réponse: Kozluk comptait quelque 5.000 habitants. Et les localités de

8 Skocici, Sepak et autres, comptaient en tout et pour tout quelque 12.000

9 Bosniens.

10 Question: Bien. Penchons-nous maintenant sur les 5.000 habitants de

11 Kozluk. D'après ce que vous avez expliqué à l'intention de la Chambre, il

12 n'y en a eu que 1.822 à avoir quitté Kozluk, comme vous l'avez décrit.

13 Est-ce que cela signifie qu'il est resté un peu plus de 3.000 hommes à

14 Kozluk?

15 Réponse: Non. Kozluk avait ses quelque 5.000 habitants, mais depuis le

16 début des combats jusqu'au jour de la déportation donc jusqu'à la date du

17 26 juin, il y a eu quelque 3.000 personnes à s'en être allées vers des

18 pays étrangers.

19 Question: Par quel chemin sont-elles allées?

20 Réponse: Certains sont passés par la Serbie, d'autres pendant un certain

21 temps, ont pu passer par Tuzla avant le blocus total. Mais au moment où

22 nous avons été encerclés complètement, on ne pouvait plus passer qu'en

23 allant vers la Serbie.

24 Question: Mais les gens qui sont passés par la Serbie auparavant, sont-ils

25 partis par leur plein gré ou autrement?

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1 Réponse: Ils obtenaient des laissez-passer et ils partaient de leur plein

2 gré.

3 Question: Les autres personnes qui ont quitté en direction de Tuzla son

4 partis de leur plein gré?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Donc les 8.122 ont été les seuls à ne pas être partis de leur

7 plein gré?

8 Réponse: C'est cela.

9 Question: Bien. Si j'ai bien compris, en plus de ces déclarations

10 conjointes, il y avait des déclarations à part faites par tout un chacun,

11 disant que vous souhaitiez vous en aller vers l'étranger?

12 Réponse: Non.

13 Question: Donc il n'y avait que ces déclarations communes?

14 Réponse: Il y avait cette liste que nous avons signée et il y avait des

15 ordres émanant de la Défense territoriale qui ont été apportés dans une

16 enveloppe. Nous n'avons rien signé d'autre.

17 Question: Mais les 1.822 personnes sont-elles sorties en passant par la

18 Serbie pour aller au-delà?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Donc les 1.822 personnes avaient des papiers, des passeports en

21 bonne et due forme?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Ils ont tous reçu des passeports?

24 Réponse: Un certain nombre de personnes, peut-être une centaine de

25 personnes avaient déjà des passeports.

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1 Question: Et les autres?

2 Réponse: Les autres ont reçu des passeports à Subotica.

3 Question: Mais vous n'ignorez pas quelle est la procédure pour la

4 délivrance des passeports? Vous n'ignorez pas le fait que ces papiers

5 doivent être réglés, c'est-à-dire qu'il y avait des droits à payer

6 Réponse: C'étaient des passeports collectifs, et ceux-là étaient

7 grassement payés par la direction de l'usine "Suboticanka". Il y avait

8 cinq photographes.

9 Question: Certes, certes. Pouvez-vous expliquer une chose: vous avez été

10 escorté par des membres de la Croix-Rouge de Serbie par le territoire de

11 la Serbie?

12 Réponse: Nous avons été escortés par la police.

13 Question: Et les membres de la Croix-Rouge?

14 Réponse: Non.

15 Question: Qui vous a attendu de l'autre côté de la frontière yougoslave?

16 A-t-on organisé votre arrivée là-bas?

17 Réponse: Je n'en sais rien. Les gens sont partis, moi, j'étais le dernier

18 à sortir. Il y avait des trains qui nous emmenaient vers les gares, et on

19 nous a dirigé ailleurs.

20 Question: Mais y avait-il des représentants de la Croix-Rouge étrangère?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Donc il y avait déjà des plans pour ce qui est de votre

23 destination ultérieure?

24 Réponse: Je ne sais pas s'ils avaient des plans.

25 Question: Vous avez été dirigés vers des localités autres?

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1 Réponse: Nous avons été envoyés vers des camps.

2 Question: Et c'est eux qui déterminaient où vous deviez aller?

3 Réponse: Oui, on nous avait regroupés, on a regroupé les familles.

4 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous remercie.

5 (Questions de M. le Juge Kwon au témoin M. Fadil Banjanovic.)

6 M. Kwon (interprétation): Je voudrais poser une question au témoin avant

7 le nouvel interrogatoire de M. Groome.

8 Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous n'aviez pas été autorisé à

9 quitter la colonne pendant que vous vous êtes trouvé en Serbie. Est-ce

10 exact?

11 (Pas de réponse du témoin.)

12 Est-ce que cela veut dire que certains réfugiés souhaitaient rester en

13 Serbie mais n'ont pas été autorisés à le faire, ils ont été contraints de

14 poursuivre leur route?

15 M. Banjanovic (interprétation): Oui.

16 M. Kwon (interprétation): Combien étaient-ils?

17 M. Banjanovic (interprétation): Un nombre pas si important.

18 M. Kwon (interprétation): Pourriez-vous me relater ce récit? Parlez-nous

19 des réfugiés qui, eux, voulaient rester en Serbie.

20 M. Banjanovic (interprétation): Il y avait beaucoup de gens qui

21 travaillaient en Serbie. Il y avait pas mal de mariages mixtes. Au moment

22 où on nous a chassés, nous avons été placés en colonne. A Loznica, il

23 n'était pas autorisé de quitter les véhicules de la colonne; nous n'avions

24 pas le droit de quitter les véhicules et on n'osait pas en descendre parce

25 qu'il y avait beaucoup d'hommes armés qui tournaient autour de la colonne,

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1 qui exigeaient de l'argent, qui demandaient des filles. Ils voulaient que

2 les jeunes filles sortent des véhicules. Les gens avaient peur de quitter

3 les remorques, les autocars, les camions. La police était présente sur les

4 lieux, mais elle n'a permis à personne de descendre de ces véhicules.

5 Une heure ou deux se sont passées, et un nombre important de voitures de

6 la police sont arrivées. Il y avait quatre ou cinq voitures de la police,

7 et plusieurs policiers nous ont forcé à rester dans les autocars, les

8 camions. Et nous n'avions que très peu de temps lorsqu'il a fallu monter

9 dans les trains, il a fallu le faire rapidement parce que ces gens nous

10 lapidaient de toutes parts. Alors, quand quelqu'un vous jette des pierres,

11 qu'est-ce que vous pouvez faire? Eh bien, vous partez en courant vers les

12 wagons du train. Et ce train était la cible de pierres aussi.

13 Lorsque nous sommes arrivés à Subotica, nous avions faim, nous étions

14 fatigués, beaucoup de gens avaient été blessés à la tête du fait de coups

15 reçus. Ce voyage a été un voyage difficile, je le répète. Nous avons été

16 expulsés de Kozluk, mais personne n'a été autorisé à prendre quoi que ce

17 soit, pas de quoi manger, de quoi se chausser, pas de vêtements. Plusieurs

18 familles avaient des parents à Sepak, avaient des parents dans d'autres

19 villes. Ils voulaient aller voir leurs parents et la police ne les a pas

20 autorisés à le faire, personne n'a eu le droit de quitter le convoi.

21 Question: Ce qui m'intéresse, ce sont ces réfugiés qui voulaient rester en

22 Serbie. Ces réfugiés n'ont-ils pas pu parler aux gens de la Croix-Rouge

23 lorsqu'ils ont eu l'occasion de le faire? Est-ce qu'ils n'ont pas pu dire

24 à la Croix-Rouge qu'ils voulaient rester en Serbie?

25 Réponse: J'ai été le seul à parler aux gens de la Croix-Rouge. J'ai

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1 transmis ce souhait, mais les gens de la Croix-Rouge ont dit qu'il était

2 préférable de poursuivre la route parce que la guerre existait, parce

3 qu'il y avait cette tension extrêmement grande. Et nous avons décidé de

4 rester dans cette colonne, nous avons décidé qu'aucun d'entre nous ne

5 partirait.

6 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.

7 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Fadil Banjanovic,

8 par M. Groome.)

9 M. Groome (interprétation): Monsieur Banjanovic, j'aurai à peine quelques

10 questions supplémentaires, elles concerneront l'intercalaire 7 de la pièce

11 445.

12 Je demande que cette pièce soit présentée au témoin, il s'agit du document

13 délivré par la Commission des réfugiés de la République de Serbie.

14 Voici ma première question. Pouvez-vous nous dire combien de temps s'est

15 écoulé entre le moment où les représentants de la Croix-Rouge vous ont

16 laissé en disant qu'ils allaient demander ou chercher à obtenir

17 l'autorisation pour que le convoi poursuive sa route, et le moment où ces

18 mêmes représentants de la Croix-Rouge sont revenus? Nous sommes ici en

19 train d'examiner l'intercalaire 7 de la pièce 445.

20 M. Banjanovic (interprétation): Tout s'est passé très vite, ça s'est passé

21 en l'espace de deux heures.

22 Question: Si nous acceptions à première vue ce que dit l'intercalaire 7;

23 qu'au cours de ces deux heures…, je suppose qu'il fallait envoyer ces

24 informations que vous aviez transmises à Belgrade, et la première ligne du

25 document dit: "Nous avons examiné les déclarations écrites de 1.822

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1 personnes"; et puis, il aurait fallu rédiger ce document se trouvant à

2 l'intercalaire 7 et il aurait fallu aussi que ceci soit renvoyé à Loznica?

3 Réponse: Exact.

4 Question: La copie que vous avez vue à Loznica, était-ce une copie de fax

5 ou pour fax ou était-ce un original?

6 Réponse: Il me semble que c'était un fax, une télécopie.

7 Question: Examinons la dernière ligne du premier paragraphe. Il y est

8 affirmé que vous et les autres habitants de Kozluk aviez une résidence

9 temporaire à Loznica. Au cours de ce déplacement qui vous a mené de Kozluk

10 et puis de la Serbie, est-ce que vous avez passé ne serait-ce qu'une nuit

11 à Loznica?

12 Réponse: Non. Nous ne sommes pas restés à Loznica, nous étions toujours

13 dans les camions.

14 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions à poser à ce

15 témoin. Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Banjanovic, ceci met fin à

17 votre déposition. Merci d'être venu la faire au Tribunal pénal

18 international, vous pouvez désormais disposer.

19 M. Banjanovic (interprétation): Merci.

20 (Le témoin, M. Fadil Banjanovic, est reconduit hors du prétoire.)

21 (Questions relatives à la procédure.)

22 M. Groome (interprétation): Je voudrais évoquer une question

23 administrative s'agissant de ce dernier témoin. J'ai omis de faire

24 référence d'un extrait, d'une cassette vidéo qui a été diffusée, il

25 s'agissait de la pièce de l'accusation 342, intercalaire 13. Et le temps

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1 concerné était de 22 minutes 47 secondes à 24 minutes.

2 En octobre 2002, vous avez pris une décision, Monsieur le Président,

3 Messieurs les Juges, vous aviez dit que nous allions aborder cette pièce,

4 extrait par extrait. Nous allons discuter avec le Greffe pour savoir

5 comment identifier au mieux ces différents extraits de la pièce, et une

6 cote unique sera donnée pour ce segment de la cassette que nous avons

7 entendue avec le témoin que nous venons d'entendre.

8 M. le Président (interprétation): Cela semble marqué au coin du bon sens.

9 Votre prochain témoin?

10 M. Nice (interprétation): Ce sera M. Renaud de la Brosse, expert.

11 Il y a plusieurs pièces qui seront produites par le truchement de ce

12 témoin. Je demanderai une cote générique qui comportera plusieurs

13 intercalaires.

14 Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièce de l'accusation 446.

15 M. Nice (interprétation): Je vais consacrer un certain temps, mais il ne

16 sera pas trop long à l'examen du rapport avec l'auteur de ce rapport pour

17 tous ceux qui suivent les débats. Je vais présenter la structure du

18 document, prendre à titre d'exemple tel ou tel document et présenter une

19 dizaine d'extraits vidéo. Si la Chambre met de l'ordre dans ces documents,

20 elle verra d'abord le curriculum vitae de ce témoin que je ne vais pas

21 aborder dans le détail, mais il y a aussi le sommaire, la table des

22 matières de son rapport. Cette table de matière n'a pas de numérotation de

23 pages. Je vais demander que ceci soit placé sur le rétroprojecteur. Cette

24 table de matière se trouve à la page 2 ainsi qu'à la page 3 du rapport. Et

25 puis, je vous renverrai aux pages pertinentes; leur renvoi sera ainsi plus

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1 aisé.

2 Lorsque nous allons examiner des pièces sur support papier, je ne vais pas

3 nécessairement suivre l'ordre des intercalaires; j'espère que cela ne

4 posera pas de problème. Je pourrai vous donner le numéro de l'intercalaire

5 et l'extrait concerné sera placé sur le rétroprojecteur. Je pense que ceci

6 ne vous causera pas de problème.

7 Dans l'attente du témoin, M. Lopez-Terres n'est pas là et je le regrette

8 car il a déjà abordé cette question dans une autre affaire. Et je peux

9 vous dire que ce témoin va déposer en français. Je ne sais pas si c'est le

10 premier témoin à déposer en français, mais en tout cas c'est l'un des

11 premiers qui va déposer dans ce qui est après tout une des deux langues

12 officielles du Tribunal.

13 (Le témoin, M. Renaud de la Brosse, est introduit dans le prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de déclarer

15 la déclaration solennelle.

16 M. de la Brosse: Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute

17 la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur.

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Renaud de la Brosse, par M.

20 Nice.)

21 M. Nice (interprétation): Veuillez décliner votre identité.

22 M. de la Brosse: Renaud de la Brosse.

23 Question: Quel métier exercez-vous?

24 Réponse: Je suis maître de conférences à l'université de Reims, Champagne-

25 Ardenne.

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1 Question: Vous êtes ici pour faire une déposition concernant la

2 propagande. Vous avez fourni un curriculum vitae très circonstancié dont

3 disposent les Juges et qui a été versé au dossier de l'audience, qui sera

4 donc en temps utile disponible à tous ceux qui s'y intéressent, puisque

5 c'est un document public.

6 Mais nous allons nous attacher aux parties pertinentes de votre expérience

7 professionnelle.

8 Est-ce que vous avez fait du travail de recherche? Est-ce que vous vous

9 êtes aussi intéressé au rôle que la presse a dans des périodes de

10 transition, dans des périodes de crise, depuis à peu près 1991?

11 Réponse: Oui, je me suis intéressé au rôle des médias et à leur place en

12 relation avec les changements politiques intervenus à la fois en Europe de

13 l'Est et sur le continent africain à la fin des années 1980, au début des

14 années 1990. C'est le sujet de ma thèse de doctorat.

15 Question: Dans le cadre de votre recherche, est-ce que vous avez examiné

16 non seulement des questions traditionnelles comme par exemple l'Allemagne

17 nazie, mais est-ce que vous avez fait aussi des études de cas à différents

18 endroits?

19 Réponse: Oui. J'ai, en 1994, dirigé un ouvrage qui a été publié aux

20 éditions "La Découverte", qui se veut une série d'études de cas -il y en a

21 eu neuf précisément- et qui retrace le rôle néfaste qu'ont eu les médias

22 en propageant des messages de haine, des messages racistes. Ces études de

23 cas se passaient à la fois sur le continent africain à travers une étude

24 de cas sur le Rwanda et le Burundi, et également en Europe de l'Est à

25 travers le cas de l'ex-Yougoslavie, que j'ai personnellement écrit, à

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1 travers le cas de la Roumanie, mais également d'autres études de cas sur

2 d'autres continents, notamment Moyen-Orient, Israël, Palestine, Egypte,

3 Caucase.

4 Question: De façon générale, sans nous attacher particulièrement à la

5 question de la propagande, est-ce que votre travail a été considéré comme

6 étant acceptable pour l'Unesco, notamment pour ce qui est des sujets

7 concernant l'Afrique occidentale, et aussi acceptable aux yeux de la

8 Communauté européenne pour ce qui est des autres sujets?

9 Réponse: J'ai eu l'occasion, effectivement, de faire un certain nombre

10 d'études pour l'Unesco et la Commission européenne. La dernière étude que

11 j'ai réalisée pour la Commission européenne a eu lieu de septembre 2001 à

12 septembre 2002; elle portait sur les instances de régulation de la

13 communication en Afrique subsaharienne.

14 Question: Avez-vous préparé, de temps à autre, des rapports pour diverses

15 ONG, et notamment pour "Reporters sans frontières"?

16 Réponse: Oui, j'ai effectué un certain nombre de missions pour eux sur le

17 continent africain, notamment en 1994 en Guinée Conakry et en Guinée

18 Bissau. Par ailleurs, j'ai participé à la réalisation d'un rapport pour le

19 ministère de la Défense français sur le développement des médias en

20 Afrique.

21 Question: Vous avez été chargé par le Bureau du Procureur de rédiger un

22 rapport concernant la propagande sur une période de temps assez prolongée

23 en ex-Yougoslavie. Est-ce qu'à ce moment-là, vous disposiez déjà de

24 certains éléments qui concernaient l'ex-Yougoslavie, du fait des études de

25 cas faites antérieurement?

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1 Réponse: Oui. J'ai commencé à travailler à proprement parler sur le cas de

2 l'ex-Yougoslavie à l'été 1994, donc en dirigeant cet ouvrage et en

3 travaillant directement sur l'étude de cas de l'ex-Yougoslavie. Par

4 ailleurs, j'ai continué à travailler là-dessus en l'approfondissant dans

5 un article qui a été publié dans un livre collectif dirigé par le général

6 Jean Cot en 1996, si ma mémoire est bonne. J'ai continué à m'intéresser au

7 thème de la propagande dans un article que j'ai publié à la suite de la

8 guerre du Kosovo dans "Les clés du journalisme", et je me suis également

9 intéressé à la propagande à travers les médias sur le continent africain.

10 Question: Vous avez été chargé de préparer ce rapport par le Bureau du

11 Procureur. Est-ce que, dans ce cadre, on vous a fourni d'autres éléments,

12 venus surtout de la presse écrite mais aussi des extraits vidéo?

13 Messieurs les Juges, ceci est mentionné dans la pièce et plus exactement à

14 l'intercalaire n°2 de ladite pièce.

15 Réponse: En effet, au-delà de mes propres archives, j'ai pu disposer d'un

16 certain de nombre de documentations de première main, que ce soit des

17 articles de presse écrite ou des extraits de programmes télévisés.

18 Question: Je m'excuse, c'était l'intercalaire 3 qui était concerné, pas

19 l'intercalaire 2.

20 Avant d'aborder le rapport à proprement parlé, pouvons-nous relever ceci:

21 ce rapport a été déposé en tant que document public de ces débats dès le

22 mois de février, me semble-t-il, de cette année. Est-ce qu'à ce propos

23 vous avez reçu des échos ou des commentaires négatifs de la part de

24 personnes qui auraient été susceptibles d'en prendre connaissance ou de le

25 lire?

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1 Réponse: Je sais qu'il y a eu un article dans un journal de Berlin qui,

2 semble-t-il, a été positif. Je sais qu'il y a eu aussi un article publié

3 sur un site Internet.

4 Par ailleurs, je sais que le responsable du bureau "Reuters" à Belgrade,

5 en 1991, a, semble-t-il, contesté dans un article qui a été publié dans

6 "Politika" -je ne saurais vous donner la date parce que je n'ai pas

7 l'article en question- du fait qu'il ait été à l'origine de la diffusion

8 d'une information à propos des 41 bébés serbes qui auraient été massacrés

9 par des Oustachis à Vukovar en novembre 1991.

10 Question: Cette personne vous a-t-elle communiqué d'autres choses? Avez-

11 vous entendu parler d'autres choses de sa part, à part ce premier

12 commentaire? Mise à part cette personne, y a-t-il eu d'autres commentaires

13 négatifs formulés par des lecteurs ou des pairs qui auraient lu ce

14 rapport, puisqu'il est disponible depuis février?

15 Réponse: Non, pas à ma connaissance.

16 Question: Vous accepterez peut-être cette idée: la propagande est utilisée

17 par toutes les parties belligérantes de nos jours. Est-ce exact?

18 Réponse: Oui, absolument.

19 Question: Vous vous êtes concentré dans votre rapport sur l'utilisation

20 qu'en a fait soit l'accusé soit les intérêts serbes. Mais est-ce que vous

21 vous êtes aussi penché sur l'utilisation qu'ont fait les autres

22 protagonistes à ces conflits de la propagande?

23 Réponse: Vous parlez de l'espace yougoslave, j'imagine?

24 Question: Oui.

25 Réponse: Dans cet article que j'ai écrit en 1994, j'ai eu, par honnêteté

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1 intellectuelle, une approche comparative. A partir des documents dont je

2 disposais, donc un certain nombre d'articles mais aussi de rapports d'ONG

3 dont l'objectif est la défense de la liberté de la presse et des médias,

4 j'ai eu assez d'informations, des rapports, des communiqués de presse, des

5 avertissements envoyés aux différents chefs d'Etat ou de gouvernement à

6 l'époque. J'ai dit et écrit que cette propagande a été utilisée par

7 chacune des Républiques à l'époque.

8 Question: Dans votre rapport, vous formulez un avis quant à l'usage que

9 les différentes parties font de la propagande. Comment pourriez-vous

10 corroborer une information sur laquelle telle ou telle partie s'en est

11 servie davantage? Est-ce que vous vous basez sur des travaux antérieurs?

12 Nous sommes ici au paragraphe 67 du rapport, Messieurs les Juges.

13 Réponse: Je me base à la fois sur ce dont j'ai eu accès au moment de la

14 rédaction de cet article. Je me base à la fois sur les conversations que

15 j'ai pu avoir avec des journalistes ou des intellectuels; entendez par là

16 des universitaires ou autres qui se sont intéressés à ces questions et qui

17 m'ont confirmé que, du côté de la Serbie, la propagande s'est échelonnée

18 sur une période de temps beaucoup plus importante qu'en Croatie ou en

19 Bosnie-Herzégovine par exemple.

20 Par ailleurs, l'intensité de cette propagande semble avoir été supérieure,

21 notamment à travers la presse écrite, si l'on considère le quotidien

22 "Politika" qui, jusqu'à sa prise de contrôle par les éléments

23 nationalistes serbes à la fin des années 80, était une véritable

24 institution en Serbie. C'était un journal qui était crédité d'un grand

25 professionnalisme.

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1 La mise en place d'une rubrique, qu'on appelle "Echos et réactions" en

2 français, a conduit à la production de plus de 4.000 articles dans

3 lesquels sont développés les thèmes du ressentiment serbe à l'endroit des

4 autres communautés. Cette rubrique a duré l'espace d'à peu près trois ans;

5 de mémoire, de juillet 1988 à l'été 1991. C'est une somme d'articles très,

6 très importante.

7 Et je n'ai pas trouvé, aussi loin que je me souvienne et aussi loin que

8 les conversations que j'ai pu avoir avec d'autres collègues et

9 journalistes, de tels exemples en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Ceci

10 étant, cette constatation ne repose pas à proprement parler sur une

11 analyse comparée exhaustive.

12 Question: Nous allons demander que soit placée sur le rétroprojecteur la

13 table des matières de votre rapport qui fait deux pages.

14 (Intervention de l'huissier.)

15 Ceux qui suivent nos débats pourront ainsi mieux comprendre quelle est la

16 structure que vous avez donnée à votre document. Les Juges ont bien sûr eu

17 l'occasion d'examiner ce rapport. Nous allons prendre quelques

18 échantillons de ce que vous avez écrit.

19 Comme le révèle la table des matières ou le sommaire, nous allons

20 maintenant voir l'autre page.

21 La page 2, s'il vous plaît, Monsieur l'huissier.

22 Avez-vous commencé le rapport par une partie qui s'intitule "La propagande

23 politique, définition, principe de base et spécificité yougoslave"?

24 Messieurs les Juges, ceci va de la page 4 à la page 9 du rapport.

25 J'insisterais à ce stade uniquement sur un point qui se trouve dans le

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1 rapport même, à la page 4, paragraphe 2 plus exactement.

2 Ici, vous rappelez ce que dit le rapporteur spécial désigné par les

3 Nations Unies, et vous dites ce qu'il a abordé dans son rapport établi en

4 1994. Il a expliqué, s'agissant de l'ex-Yougoslavie, que depuis le début

5 des conflits, les informations diffusées par les médias de l'ex-

6 Yougoslavie ont consisté pour l'essentiel en discours nationalistes et en

7 attaques et insultes généralisées dirigées contre les autres peuples. Il a

8 pu dire ceci: "Il n'est pas surprenant que ce phénomène ait conduit

9 directement à la perpétration d'horribles atrocités sur les champs de

10 bataille et dans l'ensemble du territoire." (Fin de citation.).

11 Cette observation souligne-t-elle en une quelconque façon la distinction

12 que vous cherchez à établir, apparemment, entre la propagande qui serait

13 éventuellement acceptable et celle qui ne l'est pas?

14 Réponse: Oui, manifestement.

15 Question: Examinons maintenant l'intercalaire 27, c'est un autre rapport

16 de l'assemblée générale. Nous allons placer sur le rétroprojecteur le

17 paragraphe 206 de ce rapport.

18 (Intervention de l'huissier.)

19 Dans un autre rapport qui porte la date de 1995, est-ce qu'on trouve ce

20 passage-ci?

21 "La rhétorique nationaliste des attaques et insultes généralisées dirigées

22 contre d'autres peuples a été la caractéristique dominantes des nouvelles

23 telles que propagées par les médias de l'ex-Yougoslavie depuis le début

24 des conflits. Ce qui n'est pas surprenant, c'est que ce phénomène a

25 conduit directement à la perpétration d'atrocités redoutables sur les

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1 champs de bataille et dans tout le territoire." (Fin de citation.)

2 Vous ne devez donc pas dépasser votre domaine de savoir spécialiste, mais,

3 dans la mesure où vous êtes en mesure d'apprécier la situation, est-ce que

4 les documents que vous, vous avez vus cadrent avec cette conclusion tirée

5 par le rapporteur dans son rapport?

6 Réponse: Oui.

7 M. Nice (interprétation): Examinons maintenant la page 5 de votre rapport.

8 A quelques endroits, vous citez un livre de Borislav Jovic, la Chambre

9 connaît cet ouvrage. Il reviendra bien sûr aux Juges de déterminer, plus

10 tard, si les passages ou le passage cité est un élément selon lequel

11 peuvent se baser les Juges, mais vous verrez l'original à l'intercalaire

12 4, ici -je cite pour gagner du temps-: "Borislav Jovic a écrit ceci.

13 Pendant des années, il -à savoir l'accusé- s'est surtout intéressé aux

14 médias, en particulier à la télévision. C'est lui qui a personnellement

15 désigné les rédacteurs en chef des journaux et des programmes télévisés de

16 nouvelles, surtout les directeurs généraux de la radio et de la

17 télévision. C'est sans doute dans ce domaine-ci, dans aucun autre, qu'il a

18 été en communication directe avec tous les rédacteurs qui alimentaient le

19 public en nouvelles, en commentaires et en informations. Il tenait

20 absolument à ce que les citoyens se fassent un avis de la situation

21 politique à partir de ce qu'il se voyait présenter et non pas à partir

22 d'éléments réels et de la position politique réelle. 'Ce qui n'est pas

23 publié, ne s'est pas du tout produit'; c'était la devise de Milosevic."

24 (Fin de citation.)

25 Si cette démarche est bien ce qu'elle a été, comment est-ce que ceci cadre

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1 avec la façon dont vous comprenez la situation et l'utilisation qui est

2 faite de la propagande d'après vos études de cas faites antérieurement?

3 M. de la Brosse: Ce témoignage de Borislav Jovic est corroboré par

4 d'autres témoignages de proches collaborateurs de Slobodan Milosevic. Je

5 pense qu'on aura l'occasion, plus tard sans doute, d'examiner l'extrait

6 d'une interview de Dusan Mitevic qui a été directeur de la RTS dans

7 laquelle il confirme ce premier témoignage.

8 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, puis-je vous demander à vous

9 et au témoin de revenir au rapport des Nations Unies, au paragraphe 206

10 que vous avez cité? Je pense qu'il s'agit de l'intercalaire 27. Le rapport

11 précise quelque chose qui a reçu l'assentiment du témoin, à savoir que la

12 rhétorique nationaliste a conduit directement à des atrocités commises sur

13 les champs de bataille et dans d'autres parties du territoire.

14 Je sais que nous sommes au début de la déposition de ce témoin, mais

15 j'imagine que, plus tard, le témoin va nous dire comment il est en mesure

16 de corroborer ce lien qui est ainsi établi entre la rhétorique

17 nationaliste et la commission d'atrocités terribles.

18 M. Nice (interprétation): Nous allons en parler. Mais puisque vous nous

19 ramenez à cet intercalaire, Monsieur le Juge, et au cas ou ce rapport

20 s'avérerait pertinent pour la Chambre, nous pourrons examiner quelques

21 passages se trouvant à des pages précédentes. Il s'agit des paragraphes

22 165 et 167. Je demande au témoin de revenir à ceci, mais je lui demanderai

23 de le faire à la fin de sa déposition.

24 Examinons toujours ce même rapport, mais il s'agit maintenant d'un passage

25 intervenant auparavant. Nous sommes ici au paragraphe 165 des conclusions.

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1 Le rapporteur conclut ceci: "Les gouvernements fédéral et républicain

2 (sic) de la République fédérale de Yougoslavie exerçaient un contrôle très

3 strict sur les médias principaux, surtout sur la télévision d'Etat. Ces

4 médias ont été un outil très utile aux forces politiques dominantes pour

5 leur permettre de formuler un nouveau programme se fondant sur le

6 nationalisme serbe et ont fomenté la haine entre les groupes nationaux de

7 l'ex-Yougoslavie".

8 Paragraphe 167. "Les médias serbes ont joué un rôle négatif dans les

9 guerres de Bosnie-Herzégovine et de Croatie. Les médias serbes ont promu

10 la haine nationaliste. Il y a eu, parmi les termes dominants, la

11 justification des opérations militaires menées dans des pays voisins et la

12 théorie d'un complot international dirigé contre les Serbes".

13 Veuillez garder… Je pense que… Je vous demanderai de garder à l'esprit ces

14 paragraphes. Nous allons y revenir plus tard, Monsieur le Juge, si ceci

15 vous convient.

16 M. le Président (interprétation): L'heure de la pause est venue.

17 Monsieur Nice, voulez-vous évoquer autre chose?

18 M. Nice (interprétation): Oui, j'avais encore une autre pièce à examiner

19 dans ce cadre-ci, si vous me le permettez. Examinons un document venant de

20 l'intercalaire 6.

21 Je vous demande, Messieurs les Juges, d'examiner la page 6 du rapport.

22 Effectivement, fin du paragraphe 4, début du paragraphe 5. Nous pourrons

23 remettre cet ensemble d'extraits. L'intitulé de cet intercalaire le

24 révèle, c'est un recueil d'attaques verbales écrites dirigées contre la

25 presse indépendante.

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1 Je demanderai à M. l'Huissier de placer le document sur le

2 rétroprojecteur.

3 Messieurs les Juges, j'ai attiré votre attention sur cette partie.

4 Monsieur le Témoin, donc, j'ai attiré l'attention des Juges sur ces

5 observations portant sur le contrôle de la presse.

6 Parmi les attaques dirigées contre la presse, nous trouvons ceci: le Dr

7 Milan Jevtic, un expert en questions religieuses, s'adresse à la RTS le 6

8 décembre 1992. Il dit ceci: "S'il y a qui que ce soit à qui on doit

9 imputer la guerre en Bosnie, il faut blâmer les magazines indépendants

10 'Borba' et 'Vreme' de Belgrade, car en faisant campagne pour la paix, ils

11 ont empêché les Serbes de bien se préparer à combattre les Musulmans, ce

12 qui explique la mort de nombreux Serbes dont ces journaux sont

13 responsables".

14 Et vous voyez, en fin de page, vous avez une interview publiée par

15 "Politika" le 29 mars 1996 et Mira Markovic dit qu'on attise la haine

16 religieuse et politique, la haine nationale, le défaitisme et la violence

17 physique qui est dirigée contre ces hommes.

18 Je vais demander également à l'huissier de vous montrer l'extrait qui se

19 trouve à la page 3, deux pages plus loin, pour que le tableau soit plus

20 complet.

21 Nous voyons à cette page que Aleksandar Vucic, ministre serbe de

22 l'Information, dans une lettre adressée à la presse internationale -mais

23 ceci, c'est beaucoup plus tard, nous sommes maintenant en 1998; nous

24 avions 1992, 1996, maintenant nous avons le 31 août 1998-, on dit qu'après

25 un déluge de faux rapports sensationnalistes, on accusait une seule partie

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1 de tout ce qui s'est passé en ex-Yougoslavie, à savoir le peuple serbe.

2 Beaucoup de journalistes et de médias sont directement responsables des

3 décisions prises par le gouvernement et, de façon indirecte, sont

4 responsables de la mort, de la persécution et du fait de se trouver sur le

5 pas de la mort, à l'agonie. Nous parlons ici du peuple serbe.

6 Et reprenons un extrait datant de 1993. Nous avons un présentateur de la

7 télévision de RTS qui dit, en octobre 1993, ceci: il accuse la presse

8 indépendante d'immoralité et de haute trahison, en disant que le scénario

9 qui consiste à fabriquer des informations de toutes pièces est bien connu

10 et est apparu directement après l'effondrement de la Yougoslavie. D'après

11 ce scénario, des informations montées de toutes pièces ont été propagées

12 par beaucoup d'espions étrangers travestis en journalistes et en

13 rapporteurs. On ne s'attend, de la part de ces hommes, ni moralité ni

14 sympathie au nom des victimes innocentes de Klecka, de soldats ou de

15 policiers assassinés.

16 Cependant, lorsqu'on fait la même expérience à propos de magazines et de

17 journaux publiés en alphabet cyrillique, qui créent la panique parmi sa

18 propre population et crée des bombardements, davantage que la relation, le

19 récit précis de ce qui produit à ce moment-là, c'est de l'immoralité. Je

20 pense que cet ensemble de pièces suffira.

21 Si l'on parle maintenant de la presse libre, de la presse de l'autre côté,

22 comment cadrer ces attaques dans votre thèse générale portant sur la

23 propagande? Est-ce que vous pouvez le faire avant la pause?

24 M. de la Brosse: Ces attaques portées contre la presse indépendante ou

25 alternative montrent que l'on est bien conscient… en tout cas, que ceux

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1 qui les profèrent sont bien conscients du rôle néfaste que peut avoir la

2 propagande. Maintenant, est-ce que les faits sont avérés? Ce n'est pas à

3 moi d'en décider. En tout cas, il y a vraiment, manifestement, une

4 reconnaissance du rôle potentiellement négatif des médias.

5 M. Nice (interprétation): Et ceci montre la connaissance…

6 M. de la Brosse: Des effets potentiels? Tout à fait.

7 M. Kwon (interprétation): Est-ce que c'est le témoin qui a préparé ces

8 citations?

9 M. Nice (interprétation): Les avez-vous préparées vous-même ou ont-elles

10 été préparées par quelqu'un d'autre pour vous?

11 M. de la Brosse: Cet ensemble de citations, c'est moi qui les ai

12 réalisées. Parce que ce rapport est très long -je m'en excuse- et les

13 exemples sont fournis dans le rapport, et j'ai souhaité compléter ce

14 rapport par quelque chose de plus systématique; c'est de rassembler à la

15 fois les citations qui étaient dans le rapport; et depuis, j'en ai trouvé

16 d'autres et j'ai estimé utile de les concentrer et de les rassembler pour

17 la Cour.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant faire la pause.

19 Monsieur de la Brosse, rappelez-vous qu'au cours de cette pause ou de

20 toute autre pause risquant d'intervenir dans le cadre de votre déposition,

21 vous n'êtes censé parler à personne de votre déposition tant qu'elle n'est

22 pas terminée. Ceci concerne également les représentants du Bureau du

23 Procureur.

24 Veuillez être de retour à l'audience dans 20 minutes.

25 (L'audience, suspendue à 12 heures 29, est reprise à 12 heures 55.)

Page 20725

1 M. Nice (interprétation): Monsieur de la Brosse, nous avons placé le

2 sommaire sur le rétroprojecteur. Ceci nous montre que, dans la partie

3 suivante de votre rapport, vous parlez des définitions de la propagande.

4 Vous précisez ce qu'est la propagande, la différence qu'il y a entre

5 propagande licite et la propagande illicite; comment ceci a prouvé son

6 efficacité de par le passé. Puis, vous commencez à cerner les principes de

7 la propagande serbe. Vous dites que le message consistait à dire "un Etat

8 pour tous les Serbes". Vous trouvez ceci dans la version en anglais aux

9 pages 9 à 18 du rapport.

10 M. Robinson (interprétation): Poursuivez.

11 M. Nice (interprétation): Je relèverai uniquement deux points, par voie de

12 vidéo et par voie de documents sur papier. C'est un extrait, nous n'avons

13 pas de pièce précise à ce propos.

14 Messieurs les Juges, examinez la page liminaire de cette section-ci, la

15 page 9, note de bas de page 17. Nous allons avoir plusieurs extraits

16 vidéo, soyez prêts. Nous aurons une partie de l'intercalaire 26 à la

17 transcription de l'extrait vidéo. Et nous allons utiliser notre système

18 d'affichage électronique pour faire passer la première séquence.

19 Première séquence vidéo.

20 "Ils ont torturé la nuit dernière, ils ont jeté des enfants serbes aux

21 lions dans le zoo municipal, c'est ce que dit la patrouille serbe". (Fin

22 de traduction.)

23 M. Nice (interprétation): Il s'agit ici d'une partie d'un programme

24 télévisé. Quels sont les commentaires que vous avez à formuler?

25 M. de la Brosse: D'une part, l'information est relayée sans utiliser le

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1 conditionnel. L'information émane d'une seule source; ce qui,

2 professionnellement, lorsque l'on est journaliste ne se fait pas. Par

3 ailleurs, c'est un exemple de mensonge grossier; ce fait n'a jamais été

4 avéré et il vise expressément à stigmatiser une communauté.

5 Question: Voici donc un exemple de propagande. J'aurais peut-être dû

6 l'aborder dans la première partie de votre rapport. N'empêche, vous dites

7 que c'est un mensonge grossier, certains ont peut-être pensé que c'était

8 un récit peu probable, mais qu'est-ce que ceci révèle s'agissant de

9 l'environnement dans lequel était diffusé cette information, comment

10 expliquez-vous que ceci ait pu être diffusé?

11 Réponse: L'information a été diffusée notamment par la télévision de Pale,

12 a été reprise par l'agence des Serbes de Bosnie-Herzégovine et cette

13 information a été relayée telle quelle à la fois par l'agence de "Tanjug"

14 et par la "RTS" qui a crédité le fondement de cette information aux yeux

15 du public de la télévision serbe.

16 Question: Si vous publiez un article de ce genre dans un programme

17 télévisé aux Pays Bas, est-ce que l'opinion publique accepterait ceci?

18 Sans doute pas, mais qu'en était-il de l'environnement dans lequel ceci a

19 été diffusé à l'époque, à savoir en 1992? Comment expliquer que ceci a été

20 accepté?

21 Réponse: Je crois qu'il faut rappeler pour commencer que la stigmatisation

22 de la communauté des Musulmans de Bosnie-Herzégovine est déjà entamée les

23 mois auparavant. D'autre part, on se trouve dans une situation où

24 l'essentiel de la population serbe repose pour son information sur la

25 télévision serbe et les médias écrits contrôlés par le pouvoir.

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1 Question: Merci. Dans la partie de votre rapport que je viens de résumer,

2 je vais demander à M. l'Huissier de placer la page 17 du rapport. Nous

3 allons examiner un seul extrait qui est significatif dans l'idée selon

4 laquelle la propagande prônait un "Etat" pour tous les Serbes. Nous sommes

5 à la note 35. Une fois de plus, est mentionné le livre de Borislav Jovic.

6 Monsieur l'Huissier, remontez, remontez la page. Voilà, merci.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Note infra-paginale 35. Je lis, nous parlons de l'extrait du livre de

9 Borislav Jovic à la date du 17 octobre 1992. "La vague de haine et de

10 préjugés nationale menace de nous ramener à notre passé sanglant. Ceci est

11 devenu le plus grave péril en ce qui concerne la sécurité, l'intégrité du

12 pays. Et tout ceci est promu par la guerre d'informations et de propagande

13 ouverte dans le marché des médias tout à fait divisés en Yougoslavie. Les

14 rapports entre les entités fédérales individuelles ont, à ce point, empiré

15 que les contacts entre institutions responsables ont été coupés ou limités

16 à des confrontations à travers les médias."

17 Puis, on parle de la lettre de démission de la présidence yougoslave

18 adressée aux citoyens via la télévision. Et voici ce qui est cité: "Les

19 médias sont tout à fait divisés et la guerre médiatique est devenue à ce

20 point intense que les parties opposées peuvent être considérées comme des

21 parties belligérantes." (Fin de lecture.)

22 Vous incluez ceci dans le passage consacré à la propagande visant à un

23 "Etat pour tous les Serbes". Quels sont vos commentaires?

24 Réponse: Le premier commentaire que je ferai, c'est que de part et d'autre

25 la classe politique était consciente du rôle potentiellement néfaste des

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1 médias, et notamment des télévisions. D'autre part, la télévision de

2 Belgrade, de concert avec certains organes de la presse écrite -je pense

3 notamment à "Politika" et "Politika Ekspres"- ont constamment mis en avant

4 le ressentiment serbe, celui qui consiste à dire que le peuple serbe est

5 un peuple victime.

6 Ces messages sont articulés autour de quatre grands thèmes que sont, d'une

7 part, le "génocide" -et j'emploie les guillemets- mais dont seraient

8 victimes les Serbes du Kosovo; c'est un premier thème que l'on trouve à

9 l'époque dans les médias serbes.

10 Le second thème développé est celui de l'assimilation qui menacerait les

11 Serbes de Croatie.

12 Un troisième thème, très développé à l'époque dans les médias, est celui

13 de l'exploitation économique dont aurait été victime la République serbe.

14 Et enfin, dernier thème, celui du statut de la République serbe au sein de

15 l'ensemble yougoslave, statut inférieur à celui des autres Républiques

16 parce que sa souveraineté serait limitée par l'autonomie des provinces du

17 Kosovo et de la Vojvodine. Et donc, à travers l'évocation de ces menaces

18 qui pèseraient sur le peuple serbe, les médias ont participé à la

19 propagation de la peur au sein des communautés serbes du Kosovo et de la

20 Croatie. Et je cite un certain nombre d'exemples dans le rapport où...

21 Question: Je vous remercie, je crois que ceci suffit. Et puis, ceci

22 -disons- vient à l'appui de ce que vous dites à propos de la propagande

23 qui sert pour un Etat de tous les Serbes, si j'ai bien compris.

24 Réponse: Oui.

25 Question: Vous comprendrez que nous devrons aborder rapidement ce rapport,

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1 parce qu'il a déjà été lu. Abordons maintenant la page 2 de votre résumé,

2 pages 18 à 26 du rapport.

3 Le sommaire nous montre que vous énoncez quelques principes fondamentaux

4 de la propagande, à savoir que le message doit rester simple, il y a peut-

5 être la volonté de projeter sur l'autre ses propres fautes,

6 d'instrumentaliser les nouvelles à son avantage, il faut que le message

7 soit répété inlassablement, s'appuie sur les mythes et l'Histoire -avec un

8 grand H- afin de bâtir un consensus national. C'est bien la partie

9 suivante de votre rapport, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Deux choses que nous allons examiner. Tout d'abord, intercalaire

12 26. Les Juges, la Chambre trouvera ceci à la page 24 du rapport, note 47

13 qui concerne le paragraphe 26 du rapport.

14 Monsieur de la Brosse, lorsque vous parlez de la nécessité de bâtir un

15 consensus national, vous dites qu'il y a un effet d'entraînement ou de

16 contagion. Nous allons examiner un extrait, l'extrait n°2; puis, je vous

17 demanderai un commentaire. Nous sommes ici au mois de novembre 1991.

18 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

19 -"Reporter: Il n'est pas habituel de voir une jeune femme en uniforme.

20 Qu'en penses-tu?

21 -Jeune femme: Non, ce n'est pas inhabituel. Il faut que nous répondions

22 tous présents à l'école. Je suis mère de deux petits enfants moi aussi.

23 -Reporter: D'où êtes-vous?

24 -Jeune femme: De Pirot. J'ai 33 ans.

25 -Reporter: Comment avez-vous décidé de le faire?

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1 -Jeune femme: Eh bien, j'ai écouté la télévision, j'ai vu ce qui se

2 passait, j'ai voulu aider. Je crois que cela vaut la peine que de se

3 sacrifier."

4 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

5 Merci. N'oublions pas, Monsieur de la Brosse, que la propagande, elle,

6 était utilisée notamment par ceux qui ont participé à la récente guerre en

7 Irak. Vous avez l'image de soldats partant en guerre, ce genre de chose.

8 Quels sont vos commentaires à voir cette jeune femme sur l'écran à la

9 télévision?

10 Réponse: Effectivement, ce procédé, il est utilisé de façon générale dans

11 un contexte de guerre. Alors, en l'occurrence, on est dans un contexte de

12 guerre avec la Croatie. C'est un exemple parmi d'autres, puisque j'en ai

13 cité d'autres dans lequel tout est fait pour mobiliser la population serbe

14 autour de ces objectifs de guerre; et notamment l'objectif de la

15 conscription. Pour ce faire, on a souvent utilisé des personnages qui

16 apparaissent comme des modèles, et notamment cette jeune femme de Pirot

17 -donc d'un endroit de Serbie qui est fort éloigné de Vukovar- qui donc

18 décide de s'engager et d'aller combattre pour la Serbie. Donc ce que l'on

19 tente de faire à travers l'utilisation de tels modèles, c'est de faire en

20 sorte que l'adhésion de ces personnages soit présentée comme l'opinion

21 générale et se traduise par un effet d'entraînement ou de contagion.

22 Question: Merci beaucoup. Passons maintenant à la partie suivante de votre

23 rapport.

24 Monsieur l'Huissier, reprenons la page 2 du sommaire. Les pages concernées

25 sont les pages 26 à 30.

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1 Dans cette partie-ci de votre rapport, vous expliquez comment les médias

2 ont été établis comme étant en fait la pièce maîtresse de la propagande et

3 comment une règle générale de cette propagande semblait être que les

4 communautés yougoslaves doivent être dressées les unes contre les autres,

5 qu'il faut se servir des médias comme étant une arme à part entière. C'est

6 de cette façon-ci que se présente votre rapport, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Y a-t-il des exemples supplémentaires à mentionner pour cette

9 partie? Je ne pense pas que ce soit le cas. Ceci nous permet d'aborder la

10 deuxième section de votre rapport qui a pour intitulé "Les médias au

11 service de la guerre". La première partie commence à la page 32, n'a pas

12 besoin d'être explicitée davantage, mais nous reprenons les différentes

13 parties au sommaire. L'histoire manipulée au profit d'objectifs

14 nationalistes. De la page 33 à la page 56.

15 Il y a peut-être l'une ou l'autre chose, voire plusieurs choses, que vous

16 allons examiner dans cette partie-ci. Mais auparavant, avant de voir des

17 exemples -et pour ceux qui suivent les débats ou qui n'ont peut-être pas

18 lu le rapport, je précise que vous ventilez ceci en plusieurs parties-,

19 tout d'abord, la responsabilité des intellectuels en matière de

20 propagande, le fait que l'accusé s'appuie sur les médias pour conquérir le

21 pouvoir ou le conforter, l'identité serbe qui serait menacée, d'après la

22 propagande; la propagande qui, d'après vous, montre que l'accusé a

23 exploité la mystique serbe.

24 Puis, vous parlez de la médiatisation des messes politiques avec l'assaut

25 sur les médias -nous l'avons déjà constaté-, avec la télévision qui est,

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1 en fait, la pièce maîtresse du dispositif.

2 Dans cette partie-ci, examinons d'abord le paragraphe 39, à la page 34.

3 Messieurs les Juges, je ne vais vous demander de parcourir ceci dans le

4 détail maintenant. Je tiens simplement à vous aviser du fait que ce

5 mémorandum dont nous avons entendu parler, qui aurait été produit par

6 l'Académie des arts et des sciences, est pour la première fois produit. Je

7 ne pense pas que ceci aurait été versé au dossier auparavant. Le témoin en

8 parle dans son rapport; il s'agit ici de l'intercalaire 28, si vous

9 désirez consulter ce document.

10 Mais poursuivons et parlons de cette partie où vous dites que l'accusé

11 s'appuie sur les médias pour conquérir le pouvoir. Paragraphe 45, page 42.

12 Je sais que je devrais vous donner les numéros de paragraphe parce que les

13 pages ou les numéros de pages ne concordent pas entre les deux versions.

14 Intercalaire 4, vous l'avez?

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Merci, Monsieur l'Huissier.

17 Autre extrait émanant de Borislav Jovic; vous en parlez dans votre

18 rapport. Et je donne lecture de ce passage: "Pendant des années, il

19 -Milosevic- s'est surtout intéressé aux médias, en particulier à la

20 télévision".

21 Excusez-moi, j'ai déjà lu ceci. Je passe au paragraphe suivant.

22 "J'ai écrit une série de trois articles 'La vérité à propos de Ante

23 Markovic', et je les ai envoyés à Slobodan. Il a dit qu'il fallait les

24 publier dans 'Politika' et qu'ils vont paraître les 5, 6 et 7, sous un

25 pseudonyme".

Page 20733

1 Examinons maintenant le passage qui est ensuite cité; il s'agit de la note

2 88. "La règle, c'était de ne jamais être devant les caméras de la

3 télévision, où on pouvait avoir des gens qui s'expriment librement, mais

4 que tout soit fait par voie de communiqués de presse qui affichaient

5 l'avis de Milosevic, et sans qu'il y ait possibilité pour l'autre partie

6 de réagir".

7 J'aimerais avoir votre commentaire sur ces deux passages.

8 Réponse: Ce témoignage de Borislav Jovic nous montre que Slobodan

9 Milosevic avait prise sur le thème de cette propagande, qu'il maîtrisait

10 l'agenda de ce qui devait figurer dans les médias, que ce soit

11 dans"'Politika" ou à la télévision; et je pense que c'est un témoignage

12 très intéressant, à ce niveau-là.

13 Par ailleurs, pour ce qui est du second exemple, c'est assez éclairant au

14 sens où Slobodan Milosevic a conscience du fait que tout ne doit pas être

15 dit dans les médias, qu'il souhaite contrôler le contenu de ce qui doit

16 figurer dans la retranscription de ce qui a été dit lors d'une rencontre

17 avec un dirigeant politique international. Donc c'est une information sur

18 la rencontre qui est orientée, qui ne reflète pas la réalité de ce dont il

19 a été question lors de cette rencontre.

20 Question: Merci. Poursuivons. Passons à la page 50 dans cette partie-ci de

21 votre rapport.

22 Monsieur l'Huissier, nous nous intéressons au haut de la page, page 50.

23 C'est un passage qui renvoie à une note, à la note 108.

24 Mais voyons le corps même du texte, qui dit ceci… Nous parlons à ce

25 moment-là de la télévision qui est la pièce maîtresse et on dit que c'est

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1 la seule source d'information pour 90% des Serbes. Et puis, vous étayez

2 votre propos en tant que tels, en réécrivant l'histoire et en se basant

3 sur des bribes de réalité, grâce à une mémoire sélective qui -je cite-

4 "implique qu'on s'exonère de ses propres crimes pendant qu'on insiste et

5 qu'on ravive la mémoire des crimes commis par autrui."

6 Et puis, vous parlez… vous citez… dans un article qui renvoie à une note.

7 Quelle est la signification particulière à donner à cette démarche quand

8 on parle de l'utilisation qui est faite de la propagande?

9 Réponse: Très souvent, la propagande a été utilisée en essayant de

10 comparer des situations historiques différentes. Des crimes ont été commis

11 pendant la Seconde Guerre mondiale, de part et d'autre; le fait de ne

12 rappeler que les crimes commis par l'une des parties est en soi une

13 opération de propagande fréquente. Et très souvent, la comparaison est

14 faite -et je m'appuie sur, je crois, beaucoup d'exemples dans ce rapport-

15 entre l'attitude qui aurait été celle du gouvernement d'Ante Pavelic, donc

16 du gouvernement pro-nazi croate durant la Seconde Guerre mondiale. Ce

17 gouvernement est comparé à celui de Franjo Tudjman qui serait, en quelque

18 sorte, la continuation historique de ce gouvernement fasciste de la

19 Seconde Guerre mondiale. Donc il y a des amalgames qui sont pratiquées et

20 qui tendent à faire croire à la population, à l'opinion publique, que la

21 situation que vivent, à la fin des années 1980 et au début des années

22 1990, les Serbes de Croatie, est similaire à cette qui a été vécue par les

23 Serbes de Croatie durant la Seconde Guerre mondiale; et de la sorte, on

24 véhicule un sentiment de haine, de peur -excusez-moi- au sein de cette

25 population de Serbes. Et ainsi, on contribue évidemment à la démonisation

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1 de cette communauté.

2 Question: Je demanderai à l'Huissier de se rendre en page 51, dans le même

3 chapitre, paragraphe 54.

4 On constate que vous dites d'emblée, au début du paragraphe 54, ce qui

5 suit -je cite-: "D'une manière générale, avant le déclenchement de la

6 guerre par la Serbie, les médias audiovisuels de Belgrade ont diffusé de

7 nombreuses émissions, etc.". Donc vous comprenez que la question qui se

8 pose aux Juges et qu'il leur appartient de trancher est précisément celle-

9 ci. Mais je vous demanderai d'expliquer comment il se fait que cette

10 phrase figure dans votre rapport, même si c'est manifestement une question

11 qui relève du judiciaire?

12 Réponse: C'est une question qui prête à controverse. Mais lors de la

13 construction de ce rapport, en fait, en considérant que le Conseil de

14 sécurité des Nations Unies, au titre de la Charte des Nations Unies, est

15 l'organe qui s'occupe prioritairement du maintien de la paix et de la

16 sécurité internationale, j'ai considéré que je pouvais me baser sur les

17 résolutions du Conseil de sécurité; notamment, de la Résolution 757 du 30

18 mai 1992 qui parle de la responsabilité de la Serbie et du Monténégro dans

19 la guerre.

20 Question: Merci beaucoup. Je n'ai pas besoin de commentaires

21 supplémentaires. Cela permet aux Juges de comprendre pourquoi cela figure

22 dans le rapport.

23 J'aimerais maintenant que nous nous rendions en page 52, à la note en bas

24 de page 114, où vous dites que la propagande avait pour but de dresser

25 l'opinion publique serbe contre des ennemis désignés.

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1 Intercalaire 26, maintenant, s'il vous plaît, séquence n°3.

2 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

3 "Même les enfants connaissent la vérité au sujet du Kosovo et de la

4 Serbie, donc il est tout à fait superflu d'en dire quoi que ce soit. A

5 ceux qui pensent autrement, je dirai que je refuse de parler de cela parce

6 que nous n'avons pas besoin d'essayer de trouver des excuses pour la

7 volonté serbe de mettre un terme à l'assassinat de Serbes et de

8 Monténégrins au Kosovo ou pour notre réticence à accepter toute discussion

9 quant à la création d'un Etat albanais sur le territoire serbe. Pour

10 éviter toute confusion, je m'empresserai de dire que quiconque chercherait

11 des concessions dans ce sens devrait d'abord renverser les dirigeants en

12 Serbie.

13 Les événements récents, et avant tout les conflits et actes de terrorisme

14 d'Etat très graves qui se sont produits en Croatie, ont aggravé la crise

15 politique yougoslave qui est marquée déjà par une longue histoire de lutte

16 interethnique. Et tout cela a pris la proportion d'un conflit armé avec

17 des éléments de guerre civile et de nombreuses victimes, des colonnes de

18 réfugiés, des interruptions de la circulation, des approvisionnements.

19 Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est une autodéfense naturelle et

20 légitime qui s'enracine dans la dignité historique de toute nation. Tout

21 effort visant à qualifier cela de "banditisme" au moyen d'une propagande

22 vociférante et bien organisée ou d'un vacarme médiatique se révélerait

23 contre-productive et non efficace, fondamentalement chauvine et

24 profasciste, étouffant l'intérêt national et la dignité humaine d'un

25 peuple qui mène un juste combat pour ses droits civiques et son égalité

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1 nationale."

2 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

3 La Chambre trouvera la transcription de ce passage en page 36. Nous avons

4 donc vu cette séquence. L'accusé parle -nous sommes en mai 1991- sur deux

5 sujets différents: le Kosovo et la Croatie.

6 Votre commentaire sur cette séquence, s'il vous plaît, en tant que

7 propagande potentielle?

8 Réponse: Nous avons effectivement affaire à un même discours où les

9 situations des Serbes du Kosovo et des Serbes de Bosnie sont mises en

10 parallèle. Les populations serbes du Kosovo et de Croatie sont présentées

11 comme des victimes de leur voisin. La vision véhiculée, à travers ce

12 discours, de la situation au Kosovo est extrêmement manichéenne. Elle

13 ferme la porte à toute discussion ou solution non nationaliste à propos de

14 la question du Kosovo.

15 Par ailleurs, les termes employés tels que "profasciste" à propos de la

16 Croatie sont connotés historiquement. Et là, je pense à un autre exemple

17 d'amalgame historique. Le fait de comparer les deux situations et, de la

18 sorte, de montrer qu'on a affaire à la continuation de la Seconde Guerre

19 mondiale en Croatie, tout cela participe à une stigmatisation, à la

20 généralisation à outrance des risques qui pèseraient sur la population

21 serbe du Kosovo et de Croatie.

22 Question: Merci. Nous allons passer maintenant à deux autres séquences que

23 l'on voit en page suivante du rapport, en tout cas pour lesquelles on

24 trouve des références dans la page suivante du rapport, page 53. Il s'agit

25 des notes en bas de pages 116 et 117.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 Des propos tenus par Dobrica Cosic, membre de l'Académie.

3 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

4 "-Interlocuteur 1: Est-ce que vous avez une idée précise, enfin une idée

5 personnelle au sujet des frontières de l'Etat serbe?

6 -Interlocuteur 2: Les frontières de la région autonome serbe seront… Il y

7 a un lien historique. Là où le sang serbe a coulé sous le coup des

8 couteaux oustachis se trouveront nos frontières."

9 (Fin de l'extrait vidéo.)

10 Excusez-moi, je me suis trompé, j'ai imputé à tort cette séquence à des

11 propos de Dobrica Cosic.

12 Est-ce que vous pourriez nous donner votre commentaire au sujet de ce

13 passage, je vous prie?

14 Réponse: C'est un passage qui concerne deux exemples parmi les quatre que

15 j'évoque dans ce passage du rapport. On a ici affaire à des slogans qui

16 sont utilisés à la fois pour désigner les ennemis, et pour préparer le

17 terrain à la guerre. Dans le premier extrait, on voit très bien à travers

18 le slogan utilisé; c'est-à-dire, "là où le sang serbe a coulé, là est la

19 terre serbe", le caractère propagandiste de ce discours. C'est un exemple

20 de slogan parmi d'autres.

21 Je pourrais citer les slogans qui ont été utilisés à la télévision et dans

22 la presse écrite, disant par exemple "là où il y a des églises orthodoxes,

23 ce sont des terres serbes; là où il y a des tombes serbes, ce sont des

24 terres serbes".

25 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en fait, nous étions

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1 tout à l'heure à la page précédente, page 52, et nous parlions de la note

2 en bas de page 114. Je vous prie de m'en excuser.

3 Bien. Maintenant, nous pouvons passer à la page 53 du rapport en anglais.

4 Note en bas de page 116, séquence vidéo n°6.

5 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

6 "-Dobrica Cosic: L'un des plus grands péchés commis dans ma génération,

7 c'est les funérailles que nous avons réalisé 50 ans trop tard -je veux

8 parler des funérailles, des martyrs de Prebilovac. Nous avons commis ce

9 péché, parce que nous avons cru, de façon insensée, qu'en oubliant les

10 crimes oustachis, nous pouvions contribuer à la fraternité entre les

11 peuples serbes et croates."

12 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

13 En fait, nous venons de voir deux séquences, la séquence 6 et la 7. Non,

14 non… excusez-moi. Uniquement la séquence 6. Donc il s'agit de la date du

15 22 août 1991, il peut être utile pour les Juges que vous nous disiez si

16 cet événement, le fait de ré-enterrer des ossements est quelque chose de

17 courant ou si cela s'est produit en tout cas de temps en temps?

18 M. de la Brosse: C'est un phénomène qui sera pratiqué à de nombreuses

19 reprises à l'époque et qui sera très souvent couvert par les médias. Là,

20 on est dans un contexte où la guerre ait commencé, on a affaire à un

21 exemple parmi d'autres où sont rappelés les crimes commis par l'Etat

22 croate et les Oustachis pendant la Seconde Guerre mondiale et où on fait

23 état du lien ombilical, on pourrait dire de cela avec le régime croate qui

24 est arrivé au pouvoir au printemps 1990. Et donc là on a encore affaire à

25 un amalgame historique qui est destiné -me semble-t-il- à nourrir la haine

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1 envers la communauté croate dans son ensemble, participe à sa

2 stigmatisation.

3 M. Robinson (interprétation): Lorsque vous dites que ceci s'est produit à

4 plusieurs reprises, voulez-vous dire que cela s'est produit à plusieurs

5 reprises après la Seconde Guère mondiale ou pendant la crise de l'époque?

6 M. de la Brosse: Pendant la crise de l'époque on a excavé les restes de

7 victimes serbes de massacres perpétrés par les Croates durant la Seconde

8 Guère mondiale et on a pratiqué à l'enterrement des dizaines d'années

9 après de ces restes au cours de cérémonies qui étaient médiatisées. Est-ce

10 que je réponds bien à la question?

11 M. Robinson (interprétation): Oui. Mais j'aimerais tout de même que vous

12 me donniez plus de détails en me disant si vous le savez. A combien de

13 reprises cela s'est fait? Est-ce que vous avez un chiffre précis à

14 l'esprit?

15 M. de la Brosse: Non.

16 M. Nice (interprétation): En dehors des événements qui constituent le

17 contexte, en dehors de l'intensification de ce qu'il est permis d'appeler

18 le nationalisme. Est-ce qu'il avait une cause particulière qui, à votre

19 avis, aurait pu expliquer que l'on excave et que l'on réenterre des

20 ossements de cette façon à l'époque?

21 M. de la Brosse: Certainement. Dans les médias à l'époque, on véhicule

22 l'idée selon laquelle un génocide menacerait les Serbes de Croatie. Et je

23 pense que la multiplication de telles cérémonies a participé à la

24 diffusion de la peur au sein de la communauté serbe de Croatie, laissait

25 entendre que ce qui s'était passé durant la Seconde Guerre mondiale était

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1 sur le point de se perpétrer de nouveau en Croatie.

2 M. Robinson (interprétation): Si cela avait été fait avant 1991, vous

3 n'auriez pas qualifié cela de "propagande", ou en tout cas pas de

4 "propagande illicite", n'est-ce pas?

5 M. de la Brosse: Non. Quoique, à partir du moment où -par ce type de

6 procédé- on vise à stigmatiser une communauté, à généraliser un jugement;

7 c'est-à-dire en partant de l'image qui… comment dirais-je… des faits

8 perpétré par certains Croates lors de la Seconde Guerre mondiale, et

9 lorsque ces faits servent à stigmatiser toute une communauté, c'est-à-dire

10 la communauté croate au début des années… dès 1990, je pense qu'on est

11 dans le domaine de la propagande illicite.

12 M. Nice (interprétation): En page 53, note de bas de page 117, nous

13 passons à la séquence suivante, à savoir la séquence n°7.

14 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

15 "-Jovan Raskovic: Le génocide a commencé. Et il dépend des Serbes de

16 Croatie, de la Serbie et de l'élément international de l'Europe, ainsi que

17 du Monde, de voir si leur mouvement rouvrira des camps de concentration et

18 des puits servants de fosses communes. Mais une chose est sûre: les Serbes

19 ne seront plus jamais amenés jusqu'à des puits par quelques Oustachis

20 isolés. Les Serbes ont opposé une résistance importante et l'idée de

21 génocide mourra en même temps que l'Etat de Croatie, auteur du génocide."

22 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

23 Bien. Cela a donc été diffusé le 25 juillet 1991. Il s'agissait de Jovan

24 Raskovic que l'on entendait. C'est un académicien, un dirigeant respecté

25 des Serbes de Croatie. Qu'avez-vous à dire au sujet de cette émission de

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1 télévision?

2 M. de la Brosse: Je crois qu'il faut rappeler que Jovan Raskovic, outre le

3 fait d'avoir été académicien et leader des Serbes de Bosnie, était un

4 psychiatre réputé -il a d'ailleurs été le professeur de Radovan Karadzic-

5 et l'auteur de la théorie selon laquelle le peuple croate aurait un

6 caractère génocidaire. Je vous renvoie à la note 118.

7 Donc on se trouve, là encore, devant un exemple d'amalgame, d'amalgame

8 historique où l'on fait le parallèle entre le génocide qui a eu lieu

9 durant la Seconde Guerre mondiale et le génocide qui -on est dans un

10 contexte de guerre- aurait commencé.

11 Et à travers cet extrait, on comprend bien qu'il s'agit là de pousser à la

12 haine anti-Croates, mais aussi à semer l'effroi au sein de la population

13 serbe vivant en Croatie, et donc incite celle-ci à se regrouper, à se

14 protéger à se prémunir.

15 Question: Madame Uertz-Retzlaff vient de me rappeler, Monsieur de la

16 Brosse, que ceci correspond sans doute à ce que vous avez dit au

17 paragraphe 48, page 44 de votre rapport en anglais, au sujet de la

18 couverture médiatique des masses politiques, et où vous dites que des

19 cérémonies religieuses deviennent de plus en plus fréquentes et jouent un

20 rôle important à cet égard. Admettez-vous cela?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Dernière séquence vidéo pour ce chapitre; on le trouve en page

23 56 de votre rapport en anglais; note en bas de page 136.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Donc, que l'on diffuse la séquence.

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1 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

2 "C'est au moment où les néo-Oustachis s'apprêtent à une attaque décisive

3 sur Knin, précisément à ce moment, qu'une main invisible a lancé le

4 mécanisme destiné à détruire la Serbie et ce, en plein centre de Belgrade.

5 Depuis l'époque de Pierre 1er, nous avons eu la chance d'avoir un

6 dirigeant extrêmement capable, honnête et courageux, Slobodan Milosevic."

7 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

8 C'est une partie d'une allocution prononcée en mars 1991 par Mihajlo

9 Markovic, qui était vice-Président du Parti. Que diriez-vous au sujet de

10 ce discours et de la façon dont il a été diffusé?

11 Réponse: Il faut rappeler le contexte. Cet extrait vidéo s'inscrit dans

12 une série de faits auxquels je fais allusion dans les pages précédentes.

13 En fait, il s'agit d'un discours qui a été prononcé lors d'une contre-

14 manifestation à la suite d'une manifestation organisée le 9 mars 1989 par

15 l'opposition à Belgrade. Ici, ce qu'il est intéressant de noter c'est qu'à

16 la télévision -mais cela se retrouve aussi dans la presse écrite- il est

17 fait un parallèle entre des figures emblématiques de l'histoire de la

18 Serbie, notamment il est fait référence ici à Pierre 1er, mais on pourrait

19 aussi parler du Prince Lazar. Slobodan Milosevic est présenté ici comme le

20 père de la Nation serbe et comme le garant de ses valeurs historiques.

21 Ceci permet à Mihajlo Markovic de dénoncer comme des "mauvais Serbes" ou

22 comme des "traîtres" ceux qui s'opposent à sa politique.

23 Question: Passons au chapitre suivant de votre rapport. Si l'on peut

24 immédiatement jeter un coup d'œil au sommaire, on se rendra compte

25 qu'entre la page 56 et 74, vous traitez des médias au cœur de la guerre

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1 yougoslave.

2 Vous expliquez que le recours à la force contre l'ennemi était justifié,

3 que l'adversaire était stigmatisé, et qu'il existait ce que vous appelez

4 la "paranoïa du complot". Si nous nous penchons sur ce chapitre, nous

5 constatons qu'un certain nombre de séquences vidéo lui sont associées.

6 Donc d'abord page 59 de votre rapport en anglais, toujours dans ce

7 chapitre dont le titre général est "Les médias au cœur de la guerre

8 yougoslave". Note de bas de page 131. Il s'agit de la séquence vidéo n°9.

9 (Début de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

10 "-Le Père Filaret: Les Oustachis ont lancé un raid sur un village serbe

11 non loin de Kukuruzari. Ils ont capturé le petit Ilija et ont forcé sa

12 mère à regarder alors qu'ils égorgeaient le petit garçon. Ensuite, ils ont

13 emporté son cadavre.

14 -Le journaliste: Cela s'est passé le jour de son anniversaire?

15 -Le Père Filaret: Oui, le 2 août de cette année. La mère du petit garçon a

16 couru derrière eux en suppliant qu'on lui rende le corps de son fils, mais

17 ils l'ont emporté et plus tard brûlé. Le crâne est la seule chose qui est

18 restée. Mais elle n'aurait même pas pu recevoir son crâne sans l'aide

19 d'une femme qui, bien que catholique, était humaine et pleine de

20 compassion, et qui lui a montré l'endroit où le corps de son fils avait

21 été enterré. Donc elle est allée à cet endroit et a découvert uniquement

22 un crâne calciné."

23 (Fin de l'interprétation de l'extrait vidéo.)

24 Votre commentaire au sujet de cette séquence? Pouvez-vous nous dire si

25 c'est bien le Père Filaret qui parle? Tout cela se passait lors de la

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1 diffusion du 22 septembre 1991, n'est-ce pas?

2 Réponse: L'exemple que l'on vient de voir est l'un des trois exemples sur

3 lesquels je m'appuie pour insister sur le fait que la télévision a joué

4 sur l'émotivité du public en présentant des tragédies individuelles à

5 travers des drames que vivent ou qu'auraient vécu certains enfants lors de

6 ces conflits et pour lesquels le spectateur ne peut que compatir. Lorsque

7 l'on évoque le cas d'enfants victimes de crimes chez le public, les

8 mécanismes de protection sont moins opérants, et donc pour expliciter

9 ceci, je me suis basé sur trois exemples dont celui-ci. Je n'ai pas trouvé

10 confirmation de l'exactitude de cet événement.

11 Ceci étant, c'est l'utilisation qui est faite de ceci qui pose problème

12 puisque, là encore, on a manifestement la volonté en faisant ce parallèle

13 entre le destin qui est réservé ou qui aurait été réservé à cet enfant et

14 celui que vivraient les Serbes de Croatie. On cherche manifestement à

15 véhiculer la haine au sein de la communauté serbe à l'endroit de ce qui

16 seraient les responsables de ce meurtre, et donc par le biais de tels

17 mécanismes on cherche à provoquer l'adhésion à la cause soient des Serbes

18 de Croatie, soient des Serbes de Bosnie. Ce qui est visible dans

19 l'extrait.

20 M. Nice (interprétation): Merci.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, j'aimerais savoir si un

22 autre procès se déroule dans ce prétoire cet après-midi? Auquel cas nous

23 devrions nous interrompre.

24 Oui, effectivement une autre affaire commence à 14 heures 15, donc il est

25 peut-être temps de nous interrompre. De combien de temps avez-vous besoin

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1 à votre avis?

2 M. Nice (interprétation): Il y a encore six séquences vidéo à peu près et

3 six pièces à conviction sur papier, donc une demi-heure au moins. Je

4 regrette d'avoir eu besoin de tant de temps jusqu'à présent, mais c'était

5 tout de même assez important.

6 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous suspendons jusqu'à 9

7 heures demain matin.

8 (L'audience est suspendue à 13 heures 47.)

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