Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 26 mai 2003.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 09.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

5 première partie de la matinée à votre disposition pour poursuivre le

6 contre-interrogatoire. Nous commençons assez tard. Nous tiendrons compte

7 de ce retard; ce temps vous sera rajouté.

8 M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur May.

9 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Renaud de La Brosse, par l'accusé, M.

10 Milosevic.)

11 Monsieur de La Brosse, au paragraphe 61, page 60, paragraphe 2 de votre

12 rapport, en parlant des témoignages de civils à Vukovar, vous dites que

13 les témoins ne sont jamais des témoins de première main. Je vous cite, là,

14 ce que vous vous dites: "Les témoins ne sont jamais de première main".

15 Paragraphe 59, page 57. On dit que, contrairement à l'éthique

16 professionnelle, les reporters présentent, en guise de témoins de crimes,

17 des personnes se trouvant trop près ou trop loin des événements dont ils

18 sont venus témoigner, et ainsi de suite. Et au paragraphe 105, page 87, en

19 parlant des possibilités, des possibilités des journalistes étrangers pour

20 ce qui est de rapporter ce qui se passait au Kosovo, il n'y avait que des

21 informations de deuxième main, ce qui sous-entendait des risque d'erreurs

22 et d'imprécisions, et ainsi de suite.

23 Ma question est la suivante: donc vous estimez, selon vous, qu'informer

24 les gens de façon indirecte n'est pas fiable, donc il faut l'éviter parce

25 qu'il y a risque d'erreur; c'est bien ce que vous pensez?

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1 M. de La Brosse: De façon générale, la profession journalistique,

2 effectivement, recherche des témoins directs des événements qu'elle

3 souhaite relater.

4 Question: Bon. Mais il n'y a pas que le fait que vous ne parliez pas le

5 serbe. Mais, partant de la teneur de votre rapport, il découle clairement

6 le fait que vous fondez vos conclusions sur les textes d'autrui, sur des

7 articles, sur des livres qui parlent de la situation des médias à

8 Belgrade, en Serbie; et vous l'indiquez dans les notes de bas de page.

9 Mais ce n'est pas de façon… de par une constatation directe que vous le

10 dites.

11 Bon. Alors, dites-moi maintenant: ce que vous reprochez aux autres, le

12 fait d'informer les autres de façon indirecte, vous l'admettez quand il

13 s'agit de vous. En quoi pensez-vous devoir constituer une exception à la

14 règle?

15 Réponse: Le travail sur lequel je me suis basé s'est effectué sur un

16 certain de sources -sur lesquelles, je pense, on aura peut-être l'occasion

17 de revenir- qui sont donc constituées par les ouvrages académiques, des

18 articles académiques, des articles de presse, des rapports de personnes

19 qui étaient sur le terrain. Et par ailleurs, j'ai rencontré un certain

20 nombre… J'ai eu un certain nombre d'entretiens avec des journalistes et

21 des chercheurs qui étaient présents sur place. Je pense que

22 l'échantillonnage est suffisamment large, de mon point de vue.

23 Question: Mais puisque vous parlez déjà de sources, je crois vous avoir

24 demandé -vers la fin de notre session, la fois passée- quelque chose au

25 sujet de ces sources; et vous m'avez dit qu'il fallait se référer à

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1 l'intercalaire n°3. Il s'agit là d'un texte assez court qui n'occupe que

2 trois pages. Vous avez des livres d'académiciens et articles, puis des

3 revues analytiques et des articles, puis encore des articles, puis des

4 agences et enfin, des rapports émanant d'organisations diverses, puis,

5 pour finir, des interviews avec bon nombre de journalistes, des

6 conversations.

7 Donc vous n'avez pas fait de rapport sur la situation des médias parce que

8 vous n'avez pas pu suivre les médias, mais vous parlez de cela partant de

9 ce que vos sources pensent des médias. Par conséquent, il s'agit, de façon

10 évidente, d'une façon de procéder sélective; oui ou non?

11 Réponse: Une précision sur l'objet de mon travail. Comme j'ai eu

12 l'occasion de le dire la semaine dernière, l'objet de mon travail

13 consistait à décrire les mécanismes de propagande présents dans la presse

14 serbe. Ce travail, il s'est donc basé sur ces sources -la liste n'est pas

15 exhaustive- que j'ai donc listées dans ce document n°3. Par ailleurs, ce

16 travail, il est aussi basé sur le travail d'enquête qui a été fait par

17 l'équipe avec laquelle j'ai travaillé à Belgrade et qui a également, de

18 son côté, non seulement exploité la presse, mais a une connaissance bonne

19 de la situation sur place.

20 Question: Bon. Si nous cernions le sujet en entier, nous pourrions voir

21 que vous avez choisi sélectivement certaines sources plutôt que d'autres;

22 des sources que vous avez pu juger pouvoir vous être utiles pour

23 construire ce que vous avez constaté. Mais il n'est point de doute que

24 vous n'avez pas procédé à une analyse de la presse en Serbie et en

25 Yougoslavie, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Les sources qui ont servi à la réalisation de ce rapport sont

2 donc le travail… à la fois, le fruit d'un travail personnel et de l'équipe

3 sur place à Belgrade. La sélection des sources s'est faite sur la base de

4 la représentativité de ce que l'on pouvait trouver à l'époque dans la

5 presse serbe. Donc c'est un corpus de sources qui n'est pas exhaustif en

6 ce sens, mais qui consiste en une représentativité de ce que l'on trouvait

7 à l'époque dans la presse de Belgrade ou à la télévision.

8 Question: Bien, Monsieur de La Brosse. Mais partant de quels critères

9 avez-vous pu conclure qu'il s'agissait là d'exemplaires représentatifs ou

10 de corpus représentatifs? Parce que nous avons déjà constaté que vous

11 n'avez pas examiné les textes de la presse, vous ne les avez pas analysés;

12 vous vous êtes servi de sources indirectes. En quoi pensez-vous que le

13 corpus soit représentatif; mis à part le fait que vous souhaitiez le

14 présenter en tant que tel?

15 Réponse: Le corpus qui a été étudié -je l'ai dit la semaine dernière-

16 représente à peu près 20.000 documents qui ont été examinés par l'équipe

17 de chercheurs et de journalistes de Belgrade. Bien entendu, cela ne

18 représente pas l'ensemble de la production discursive littéraire de la

19 presse de Belgrade. Néanmoins, les chercheurs et les journalistes qui ont

20 travaillé sur ces textes ont sélectionné les articles dans lesquels

21 étaient patents et manifestes des faits de propagande.

22 Question: Oui, bon. Mais, Monsieur de La Brosse, partant de ce corpus

23 important que vous dites avoir sélectionné… ou plutôt, vous dites que

24 c'est eux qui ont fait cette sélection; chacun procède à une sélection

25 suivant la motivation qui l'anime. Or vous avez trouvé ou jugé nécessaire

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1 de reproduire ici un extrait de discours à moi, où je parle de terrorisme

2 au Kosovo et où je parle du droit à l'autodéfense.

3 Je le dis à présent aussi: au Kosovo, c'est du terrorisme et les gens ont

4 le droit à l'autodéfense. Mais est-ce là tout ce que vous avez pu tirer de

5 ce corpus entier, en guise d'illustration de votre assertion aux termes de

6 laquelle les médias étaient si passionnés qu'ils engendraient ou mettaient

7 en œuvre toute une série de sentiments négatifs et ainsi de suite?

8 Réponse: Est-ce que vous pouvez préciser davantage votre question, s'il

9 vous plaît?

10 Question: J'ai dit que, dans ce corpus que vous avez examiné, nous n'avons

11 vu qu'un extrait à moi dans l'assemblée où j'ai parlé de terrorisme et

12 j'ai parlé du droit à l'autodéfense. D'ailleurs, je le dis à présent

13 aussi: je ne vois rien à changer. Où cela peut-il constituer de la

14 propagande? Estimez-vous qu'au Kosovo il n'y ait pas eu de terrorisme, que

15 je l'ai inventé moi-même? Et est-ce que quelqu'un pourrait contester le

16 droit de se défendre contre le terrorisme?

17 Réponse: Je ne prendrai pas position sur le fond des événements. Ce que

18 j'ai dit à propos de l'article que vous citez, c'est que vous véhiculez

19 vous-même dans ce discours une terminologie qui est une terminologie

20 véhiculée dans les médias et qui tente à présenter de façon péjorative et

21 à stigmatiser une communauté; en l'occurrence, la communauté des Albanais

22 du Kosovo et également la communauté croate.

23 Question: Enfin, bon, je croyais que l'on avait tiré la chose au clair; il

24 ne s'agit pas de communauté albanaise ou croate, il s'agit de terroristes

25 albanais. Et il est question d'extrémistes en Croatie, extrémistes qui ont

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1 perpétré toute une série de crimesn déjà à l'époque, à l'encontre des

2 Serbes en Croatie. Je ne sais pas pourquoi vous placez un signe d'égalité

3 entre "extrémistes" et le groupe ethnique, la nationalité dont ces gens

4 sont ressortissants.

5 Le terrorisme n'a pas de nation propre. Un terroriste, c'est un

6 terroriste; un meurtrier, c'est un meurtrier, quel que soit son groupe

7 ethnique, quelles que soient ses origines. Pourquoi parlez-vous de

8 stigmatiser une communauté ethnique parce que certains terroristes se

9 trouvent être du groupe ethnique auquel ils appartiennent? Vous ne

10 trouverez nulle part cela. Trouvez-moi un exemple.

11 Tenez, lisez les textes et dites-moi où je parle de Croates ou d'Albanais

12 en général en tant que criminels. Au contraire, il est toujours question

13 d'extrémistes. Est-ce que cela éclaire ou pas partant de ce que vous avez

14 réussi ou pu lire?

15 Réponse: Ce que j'ai tenté de montrer dans ce rapport, ce que j'ai dit la

16 semaine dernière, c'est qu'à travers les médias, a été utilisée une

17 terminologie, un vocabulaire visant à stigmatiser, à véhiculer des

18 stéréotypes sur telle ou telle communauté, tel ou tel groupe ethnique. Ce

19 que j'ai voulu dire relativement à l'exemple que vous citez, c'est que, à

20 travers le discours en question, vous participez vous-même à la diffusion

21 de tels stéréotypes.

22 Maintenant, quant à savoir si les Albanais du Kosovo sont un mouvement

23 terroriste comme vous l'affirmez, là, je ne puis me prononcer puisque ce

24 n'est absolument pas le sujet du rapport que j'ai écrit qui consistait -je

25 le rappelle- à décrire les mécanismes de propagande. Je rappelle aussi les

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1 conditions de réalisation de ce rapport qui repose donc en partie sur les

2 résultats de la collecte de la recherche de sources d'une équipe à

3 Belgrade. Ce rapport a été fait dans l'espace, on va dire, d'un mois

4 environ. Etant donné l'objet et le temps qui étaient dévolus à ce rapport,

5 il m'était impossible -je l'ai souligné la dernière fois- y compris pour

6 l'équipe de trois personnes qui a travaillé sur les sources à Belgrade, de

7 faire le tour de l'ensemble du corpus effectivement existant et qui,

8 idéalement, devrait être analysé pour montrer de façon exhaustive l'impact

9 qui a été celui des médias dans la diffusion de ces stéréotypes.

10 Maintenant, je pense pouvoir dire à travers ce à quoi j'ai eu accès, à

11 travers l'analyse des mécanismes de propagande dans cette presse serbe… je

12 crois pouvoir dire, même si j'ai conscience du fait qu'il ne s'agit pas

13 d'un travail sur des sources exhaustives, que ces médias ont participé à

14 la diffusion de stéréotypes, ont propagé des messages de haine ethnique et

15 ont quasiment…, enfin, très régulièrement, se sont livrés à une

16 manipulation de… à une instrumentalisation de l'histoire à des fins

17 politiques.

18 M. Milosevic (interprétation): Mais cela serait exact si ce que vous venez

19 de dire était exact, à savoir que l'on affirme ici que les Albanais du

20 Kosovo constituent un mouvement terrorisme. Or cela n'a jamais été dit,

21 nulle part. Il est toujours question de terroristes et non pas d'Albanais.

22 Il n'est pas question d'une communauté ethnique albanaise dans son

23 ensemble, chose que vous devriez connaître sous l'appellation "d'inversion

24 des thèses". Et je ne pense pas qu'en qualité d'homme de sciences, vous

25 soyez habilité à procéder à cette sorte d'inversion.

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1 M. le Président (interprétation): Je pense que vous avez fait valoir votre

2 argument; nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin. Et le témoin a

3 donné la réponse qu'il a fournie. Il nous revient à nous de juger. Passez

4 à un autre sujet, s'il vous plaît.

5 M. Milosevic (interprétation): Bien. Etant donné que cela devait

6 ressembler à un travail d'homme de sciences, cette élaboration de rapport,

7 eh bien, pensez-vous qu'il faille utiliser des sources qui ne sont pas

8 caractérisées par ce que l'on désigne par "neutralité"? Ne pensez-vous pas

9 que, contrairement à ce que vous avez fait, vous auriez dû utiliser des

10 sources neutres qui seraient donc objectives, qui ne seraient pas

11 passionnées et qui ne comporteraient pas de parti pris?

12 M. de La Brosse: Encore faut-il s'entendre sur l'objectivité.

13 Question: La finalité de l'objectivité, à mon avis, est celle de

14 déterminer la vérité; c'est du moins la façon dont je comprends le terme.

15 Pensez-vous que, pour un travail d'expert, l'on puisse se servir de

16 textes, partant des titres desquels on voit qu'il y a haine des auteurs à

17 l'égard du peuple serbe, à mon égard personnel et ainsi de suite?

18 Je vais vous donner lecture de certains textes que vous avez utilisés, que

19 vous avez indiqués dans les notes en bas de page. Dans la 87, on voit le

20 titre "Monstre d'opportunisme", dans le journal "Le Soir"; et une partie

21 du texte cité dit que Slobodan Milosevic, d'après bon nombre de

22 témoignages, a inspiré lui-même les messages de propagande à la télévision

23 pour propager son hystérie nationaliste. Or avez-vous quelque illustration

24 que ce soit, pour ce qui est de la propagation de cette hystérie

25 nationaliste, dans mes discours? Et est-ce qu'un texte aussi partial peut,

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1 à votre avis, servir de fondement pour un rapport d'expert?

2 Réponse: Est-ce que vous pouvez me dire exactement où se trouve ce

3 passage?

4 M. Milosevic (interprétation): Je l'ai indiqué; cela se trouve…

5 M. Kwon (interprétation): Paragraphe 45.

6 M. Milosevic (interprétation): Note de bas de page 87.

7 M. Kwon (interprétation): Paragraphe 45.

8 M. de La Brosse: Donc là, je me suis effectivement basé sur un article

9 fait par un journaliste du "Soir", qui est un journal…, qui est l'un des

10 principaux journaux de la Belgique francophone. C'est le témoignage d'un

11 journaliste qui était sur le terrain.

12 Ce témoignage est la mainmise de Milosevic sur le contenu de la presse. Il

13 est également confirmé -et je le cite plus loin- par Borisav Jovic, donc

14 l'un de ses plus proches collaborateurs, qui, dans son carnet qu'il tenait

15 quotidiennement, écrit le 2 août 1990 que Slobodan Milosevic a inspiré… a

16 fait passer, pardon, trois articles qu'il lui a demandé d'écrire dans le

17 quotidien "Politika", dans lequel il attaque directement le Premier

18 ministre fédéral, Ante Markovic. Donc ce que je dis… je m'appuie à la fois

19 sur le journaliste du "Soir", Jen-Paul Colette, mais je me base également

20 sur le témoignage de Borisav Jovic.

21 Je pourrais également citer l'extrait qu'on a vu, l'extrait audiovisuel

22 qu'on a vu de Dusan Mitevic, qui a été le directeur de la RDS… de la RTS,

23 pardon, et qui souligne bien que Milosevic avait une responsabilité

24 directe dans la diffusion de faux reportages et de fausses informations.

25 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas quel est le reportage erroné

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1 ou faux qu'il aurait cité. Vous confondez constamment les choses. Mais je

2 vais vous donner quelques autres exemples.

3 Moi, j'ai posé une question de principe qui est celle de savoir si vous

4 êtes en mesure de vous servir de textes qui seraient jugés comme étant

5 objectifs et qui, dès le départ, montre leur partialité.

6 Vous vous servez d'un texte d'Internet de Bénédicte Chesnelong intitulé:

7 "Serbie. Le trou noir des Balkans".

8 M. le Président (interprétation): Un instant, je vais vous arrêter. Vous

9 qualifiez la réponse du témoin comme étant une réponse qui ne répond pas

10 vraiment à votre question. Il vous a dit qu'il s'était basé sur ces

11 documents que vous avez cités, mais qu'il s'était inspiré aussi d'autres

12 documents; il a donc répondu.

13 Maintenant, abordons cette question… vous parlez de la page 82, nous

14 allons voir si nous sommes en mesure de trouver la référence. Je me

15 souviens effectivement de cette référence, mais je ne sais plus si elle se

16 trouvait à la page 82.

17 M. Milosevic (interprétation): On dit "Serbie. Le trou noir des Balkans".

18 Le titre lui-même disqualifie le texte en tant que source d'information

19 pour une étude d'expert, n'est-ce pas?

20 M. le Président (interprétation): Oui, abordons d'abord cette question qui

21 se trouve, en fait, à la page 84. C'est la note de bas de page 208.

22 Monsieur de La Brosse, avez-vous trouvé ce passage?

23 M. Kwon (interprétation): Fin du paragraphe 90.

24 M. de La Brosse: Oui.

25 La source en question est un rapport de mission dans le cadre de la

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1 Fédération internationale des Droits de l'homme, qui s'est rendue sur

2 place du 19 au 22 septembre 1997. Donc c'est un rapport fait par une

3 membre de la Fédération internationale des droits de l'homme. C'est une

4 source que j'ai considérée comme objective. Maintenant ai-je raison ou

5 tort, je laisse aux Juges le soin d'en décider.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est… Oui, oui, oui.

7 M. le Président (interprétation): Laissez-lui le temps de finir.

8 M. de La Brosse: Une précision sur le titre d'un article ou d'un rapport:

9 les mécanismes de fonctionnement internes de la presse font que les

10 journaux notamment ont l'habitude de choisir des titres accrocheurs qui ne

11 reflètent pas forcément, dans leur contenu, l'idée véhiculée par le titre.

12 Je pense qu'il ne faut pas se baser uniquement sur le titre d'un article

13 pour juger de son contenu et disqualifier l'article et les faits qui sont

14 rapportés.

15 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien, Monsieur de La

16 Brosse.

17 Je vous demande de vous pencher sur la note de bas de page 81.

18 Madame Florence Hartmann, qui est employée d'ailleurs dans ce Tribunal

19 illégal, a rédigé un livre: "Milosevic, la diagonale du fou". Alors, déjà,

20 ce titre-là ne vous permet-il pas de douter de l'objectivité de cette

21 source?

22 Si la partie adverse n'estime pas que quelqu'un qui témoignerait

23 ouvertement de haine à mon égard et du peuple serbe ne devrait pas être

24 mis de côté pour ce qui est de servir de source objective. Alors; pendant

25 une décennie entière, on a démonisé à tout va ce…

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1 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre à

2 ce point précis.

3 Nous avons une traduction -que nous allons demander à partir du français-

4 de la note 81: "Milosevic, la diagonale du fou". Est-ce qu'on peut avoir

5 la traduction de cela? Merci.

6 M. Milosevic (interprétation): Très bien, très bien.

7 Pensez-vous, oui ou non, que cela est plutôt passionné, que cela est

8 plutôt emprunt de haine pour pouvoir servir de texte objectif pour ce qui

9 des appréciations que vous apportez vous-même?

10 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant.

11 Nous avons reçu pour traduction que c'est "La diagonale du fou" en tant

12 que fou, mais que c'est aussi une référence à l'évêque, disons en anglais

13 le "bishop" qui se déplace diagonalement en échec.

14 M. de La Brosse: Oui, absolument, c'est l'interprétation que je fais de ce

15 livre, qui fait référence directement au jeu d'échecs.

16 Deux mots sur la source que vous me reprochez d'avoir citée. La

17 journaliste qui a écrit ce livre était une journaliste du quotidien "Le

18 Monde", qui était correspondante à Belgrade pendant plusieurs années pour

19 ce journal. C'est une journaliste qui parle le serbo-croate. C'est une

20 journaliste qui a vu et entendu quantité de faits qui se sont déroulés à

21 l'époque en Serbie. Je n'ai pas à porter de jugement valeur sur son

22 travail. Ce que je peux dire, c'est que c'est une journaliste qui est

23 respectée pour son travail.

24 Ce livre, sur lequel je me suis en partie basé, contient un certain nombre

25 d'informations qui ont été collectées, glanées en Serbie durant la

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1 décennie, la première moitié de la décennie 1990. Ce livre a été publié en

2 1999, mais c'est le fruit d'un travail antérieur, d'un long travail

3 antérieur.

4 Maintenant, si cette journaliste a changé d'activité, ce changement

5 d'activité est postérieur à la rédaction de ce livre; et moi, je l'ai

6 utilisé en tant que témoignage d'une journaliste présente à Belgrade, donc

7 en Serbie jusque -je crois- 1995 ou 1996 si j'ai bonne mémoire. Je crois,

8 mais cela reste à vérifier, que si elle a intégré notre activité à

9 laquelle vous faisiez référence tout à l'heure, ceci est postérieur à la

10 rédaction de ce livre.

11 M. Milosevic (interprétation): Bien. Monsieur de La Brosse, il est évident

12 que vous vous servez de façon très sélective de sources qui sont des plus

13 orientées dans un sens déterminé, et ce sont des sources indirectes.

14 Dites-moi, en page 18...

15 M. le Président (interprétation): Laissez le temps au témoin de répondre à

16 cette affirmation. Si vous présentez des telles affirmations, il faut

17 qu'il ait le temps d'y répondre.

18 Ceci a déjà été dit auparavant, mais vous aurez peut-être la possibilité

19 de nous fournir votre réponse, puisque c'est dit plus clairement

20 maintenant. On vous accuse d'avoir uniquement fait preuve de sélectivité

21 dans les sources que vous avez choisies à l'appui de votre thèse. Il en

22 découle forcément que vous auriez ignoré des sources susceptibles de dire

23 le contraire de votre thèse. C'est donc la qualification qui est faite ici

24 de votre déposition et de votre rapport. Il vous faut avoir l'occasion d'y

25 répondre, de nous dire si c'est une qualification exacte ou pas.

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1 M. de La Brosse: J'ai travaillé sur des sources qui m'apparaissent, à moi,

2 objectives, qui sont des sources de mon point de vue variées. C'est un

3 point de vue qui m'est personnel. J'ai travaillé sur beaucoup de rapports

4 émanant d'organisations très diverses, que ce soit des organisations

5 francophones, anglophones et autres, qui sont des organisations dont

6 l'objectif, de façon générale, est la protection des droits de l'homme et

7 de la liberté de la presse. J'ai travaillé sur des rapports officiels des

8 Nations Unies, du conseil de l'Europe. Donc je pense avoir eu accès à des

9 sources qui sont diverses et objectives.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais il est évident que vous n'avez procédé

11 à aucune analyse de la teneur des médias serbes et yougoslaves. Vous ne

12 faites que confirmer vous-même que vous vous êtes servi sélectivement d'un

13 certain nombre de livres qui s'intègrent à ce qui figure dans la commande

14 du travail effectué pour la partie adverse, comme vous l'avez intitulé à

15 la première page. A la page de couverture de votre analyse, vous dites que

16 c'est fait à la demande du Bureau du Procureur du Tribunal; en est-il

17 ainsi ou pas?

18 M. de La Brosse: Les sources sur lesquelles j'ai travaillé -je le répète-

19 sont des sources qui m'ont été, en partie, fournies par l'équipe de

20 Belgrade; elle a fait référence essentiellement aux articles de presse.

21 Les sources sur lesquelles j'ai travaillé sur ce rapport sont aussi des

22 sources qui m'étaient propres.

23 Je rappelle que j'ai commencé à m'intéresser à la question de la

24 propagande diffusée via les médias en ex-Yougoslavie en 1994, dans un

25 livre que j'ai dirigé pour "Reporters sans frontière", qui était une étude

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1 comparative. Et à cette occasion, j'ai pu travailler dès 1994 sur des

2 rapports, sur un certain nombre d'articles, sur un certain nombre

3 d'extraits télévisés. Donc ces sources ne sont pas uniquement le fait de

4 l'équipe de Belgrade.

5 Question: Je comprends que l'appareil qui fonctionne ici enracine son

6 travail dans une propagande qui, en fait, démonise les Serbes depuis

7 plusieurs décennies; vous êtes au courant de cela, je suppose? Oui ou non?

8 Réponse: Je ne peux pas répondre à cette question.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous ne pouvez pas répondre à cette

10 question. Est-ce que vous avez regardé les émissions de CNN hier soir, par

11 exemple? Je vais vous donner un exemple pour vous montrer jusqu'à quel

12 niveau de bassesse peut tomber cette propagande.

13 C'était un journaliste qui ne m'a jamais interviewé, qui était lui-même

14 interviewé et qui me comparait à un dictateur -alors que pendant des

15 années, nous avons eu des élections libres en Serbie- et, parmi ses

16 arguments, il affirme que…

17 M. le Président (interprétation): Voyons d'abord si le témoin a vu cette

18 émission.

19 Est-ce que vous avez regardé CNN hier soir, Monsieur de La Brosse?

20 M. de La Brosse: J'avoue que je n'ai pas regardé la télévision.

21 M. le Président (interprétation): Procédons.

22 M. Milosevic (interprétation): Parmi tous les arguments qu'il a

23 développés, parce que ce n'était qu'un extrait…

24 M. le Président (interprétation): Cela ne sert à rien de l'interroger au

25 sujet de la télévision hier soir. Avancez.

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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je parle du fait que, lorsque

2 les arguments sont ténus et intenables, on en arrive à ce niveau de la

3 bassesse dans la propagande. Ce qui indique que vous êtes… vous avez un

4 certain problème avec la réalité des faits lorsque vous agissez ainsi.

5 M. le Président (interprétation): Le témoin a répondu à cette question.

6 Avez-vous quelque chose de plus précis à lui demander? Et je ne perds pas

7 de vue le fait que le témoin doit se voir accorder la possibilité de

8 traiter d'un certain nombre de documents produits par vous, donc il faut

9 que nous trouvions un moment opportun pour cela.

10 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas à quel moment nous

11 trouverons ce moment opportun, Monsieur May. Quant à moi, je pourrais

12 m'occuper d'un certain nombre de choses si vous m'accordez un temps

13 supplémentaire.

14 Monsieur le Témoin, on m'a dit que la seule critique qu'on pouvait

15 prononcer à mon égard était que mon épouse avait dit que j'étais beau…

16 (Interruption du Président.)

17 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic!

18 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May. Mais puisque nous

19 parlons de mon épouse…

20 Monsieur Nice a placé, sur ce projecteur qui se trouve ici, un paragraphe

21 particulier issu de l'intercalaire n°6; c'est le dernier paragraphe qui

22 traite de ce qui est qualifié "d'attaques verbales sur des médias

23 indépendants". Et ensuite, entre parenthèses, nous lisons le mot

24 "citation". J'ai donc surligné ce paragraphe comme il l'a été sur l'écran.

25 Je cite: "Dans une interview publiée par 'Politika' le 26 mars 1996, Mira

Page 21229

1 Markovic –c'est mon épouse-…"

2 M. le Président (interprétation): Quel est le numéro du paragraphe?

3 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas les numéros des paragraphes

4 sous les yeux, mais c'est l'intercalaire 6, page 1, en bas de page de cet

5 intercalaire n°6. Jetez-y un coup d'œil. Nous avons tous vu ce passage sur

6 l'écran, puisqu'il a été choisi comme un passage apparemment très

7 important. Vous l'avez trouvé?

8 Je cite: "Dans une interview parue dans 'Politika' le 29 mars 1996, Mira

9 Markovic -c'est mon épouse- s'est référée aux médias indépendants comme

10 -et là vient la citation- comme attisant la haine politique et

11 nationaliste, le défaitisme et la violence physique dirigée contre les

12 hommes." (Fin de citation.)

13 Et il est ajouté que ceci est cité dans "Liberté de la presse dans le

14 monde" par "Reporters sans frontières" dans leur rapport de 1997, etc.,

15 etc.

16 Tous ces textes sont publics; j'ai trouvé, pour ma part, l'original. Et ce

17 paragraphe porte sur quelque chose de tout à fait différent. Je vais vous

18 lire le paragraphe en tant que tel car, dans le texte que je viens de

19 lire, les mots "médias indépendants" sont utilisés, alors que le passage

20 en question se lit en réalité comme suit dans l'original -je cite-: "Cette

21 façon de décrire les choses politiquement, sur le plan moral et

22 intellectuel…". (Fin de citation) Et elle parle de la droite, de la droite

23 politique.

24 Je poursuis donc la lecture: "La droite ne pourrait devenir un sujet

25 politique dans les changements justifiés historiquement par la méthode

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1 utilisée et le résultat obtenu. La droite, par son attitude politique et

2 intellectuelle en Serbie -à en juger du moins par la presse qui la

3 soutient- ne peut être le vecteur que d'un nihilisme à bon marché, d'une

4 grossièreté extrême, d'une extrême vulgarité ainsi que de la haine

5 nationale, religieuse et politique, du défaitisme, de la violence physique

6 et politique sur la population, c'est-à-dire du produit d'un nouveau

7 fascisme balkanique." (Fin de citation.)

8 Donc voilà quel est l'original qui a été totalement déformé, car il n'est

9 pas du tout question ici des médias indépendants.

10 Et en deuxième lieu, la phrase est sortie de son contexte, et seule la

11 moitié de la phrase est citée. Et en troisième lieu, Monsieur de La

12 Brosse, vous voyez ici que, lorsqu'on exige que les gens se soulèvent

13 contre la droite et son défaitisme, il n'est pas question ici de liberté

14 électorale ou de quoi que ce soit de ce genre. Donc, c'est un texte écrit

15 au sujet de la droite politique et pas au sujet des médias.

16 M. le Président (interprétation): Voyons ce que le témoin a à répondre.

17 Laissez-lui un moment, laissez-lui le temps de répondre.

18 Alors, Monsieur de La Brosse, ce qui vient d'être dit, c'est que l'extrait

19 en question était un extrait sorti de son contexte et qu'en fait, l'auteur

20 de ce passage se référait à quelque chose de tout à fait différent, pour

21 l'essentiel. Pouvez-vous nous aider sur ce point? Pouvez-vous ajouter

22 quelque chose à ce qui a déjà été dit au sujet de cette pièce à conviction

23 qui a été proposée dans ce prétoire?

24 M. de La Brosse: Comme je l'indique en note de bas de page, cette citation

25 sur laquelle je me suis appuyé est extraite du rapport de "Reporters sans

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1 frontières" sur la liberté de la presse dans le monde, rapport 1997, page

2 362. J'ai utilisé de bonne foi l'information figurant dans ce rapport,

3 visiblement à tort; je pense qu'il s'agit d'une erreur faite par l'équipe

4 chargée de réaliser la partie sur l'ex-Yougoslavie.

5 Ceci étant, j'aimerais quand même resituer cette intervention par rapport

6 à d'autres déclarations de la personne en question, et notamment celle qui

7 précède, ou alors encore celle qui se trouve en page 2, qui n'est pas

8 directement une citation de Mme Markovic, mais une résolution du parti

9 qu'elle dirige, et qui sont des attaques contre la presse indépendante

10 qualifiée de "mercenaires", de "mouchards", de "traîtres".

11 Donc si cette citation est sortie de son contexte, si elle est inexacte,

12 je m'en excuse. Ceci étant, elle doit être replacée dans un contexte

13 d'autres déclarations par Mira Markovic, faites dans…

14 M. Milosevic (interprétation): (Inaudible.)

15 M. le Président (interprétation): Laissez-le finir.

16 M. de La Brosse: … ou alors citées par le rapport du Comité international

17 pour la protection de la presse indépendante en République fédérale de

18 Yougoslavie, qui se trouve en page 2 de cette liste.

19 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, ne perdons pas notre temps. Mais,

20 par bonheur, tout ce que Mira Markovic a écrit a été publié au moment même

21 où elle l'a écrit; donc il est impossible de falsifier cela, quelles que

22 soient les intentions de ceux qui souhaiteraient le faire. Mais avançons,

23 je vous prie.

24 En note en bas de page… Il faut que j'avance vite car, apparemment, le

25 temps vole. Mais en note 44, page 22 de la version BCS, vous dites ce qui

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1 suit: "Une autre fois, par exemple, lorsque les réservistes serbes ont

2 pris possession de Zvornik en Bosnie, les médias serbes ont annoncé la

3 libération de la ville sans dire un mot sur les quelque mille cadavres qui

4 jonchaient les rues". (Fin de citation.)

5 Alors, dites-moi, je vous prie, d'où vous vient ce renseignement au sujet

6 de ces quelque mille cadavres qui jonchaient les rues de Zvornik?

7 Renseignement qui, en toute certitude, est inexact et sur lequel vous vous

8 fondez comme étant absolument indiscutable. Les médias serbes n'ont rien

9 dit des quelque mille cadavres de Zvornik.

10 Eh bien, les gens qui habitent à Zvornik aujourd'hui vous écoutent. Vous

11 pouvez vous imaginer à quel point ils sont ébahis lorsqu'ils voient que

12 vous avez écrit qu'il y avait quelque mille cadavres dans les rues de

13 Zvornik, alors que les médias de Zvornik n'en auraient pas dit un mot…

14 M. le Président (interprétation): Non, non, n'allongez pas exagérément vos

15 questions, nous avancerons plus vite.

16 Monsieur de La Brosse, vous avez trouvé cette référence?

17 M. de La Brosse: Qui vient de la référence 44, note de bas de page 44,

18 n'est-ce pas?

19 (L'interprète précise que c'est la page 24, note de bas de page 44, en

20 effet.)

21 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas la référence. Pouvez-

22 vous nous redonner la référence je vous prie, Monsieur Milosevic, pour que

23 le témoin trouve le passage?

24 M. Milosevic (interprétation): Note en bas de page 44. Je l'ai cité en

25 lisant ce qui est écrit dans cette note, page 22 en version BCS; page 24

Page 21233

1 en version française. J'ai lu le passage où il est dit qu'ils ont annoncé

2 la libération de la ville sans dire un mot sur les quelque 1.000 cadavres

3 qui jonchaient les rues. Vous reprochez à la presse serbe de ne pas avoir

4 rendu compte de quelque chose…

5 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin trouver le passage.

6 Vous avez trouvé le passage?

7 M. de La Brosse: Oui, j'ai trouvé la note de bas de page 44. Donc la

8 source comme indiquée, faisant état de cet événement, donc c'est le livre

9 de Florence Hartmann: "Milosevic, la diagonale du fou".

10 M. Milosevic (interprétation): Donc vous vous appuyez sur cet ouvrage

11 comme s'il s'agissait de la Bible. Or c'est un mensonge grossier que vous

12 utilisez pour expliquer, voyez-vous, que la propagande serbe se refuse à

13 écrire un mot au sujet de certains crimes, et notamment de quelque mille

14 cadavres dans les rues de Zvornik. C'est votre Florence Hartmann qui a

15 découvert cela?

16 M. le Président (interprétation): Quelle est la question? Le témoin a déjà

17 fourni la meilleure réponse possible à ce se sujet.

18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, si vous pensez que cette réponse…

19 oui, d'ailleurs la réponse est suffisante; il a sorti cela de l'ouvrage de

20 Florence Hartmann. On peut sortir des choses encore pires de divers

21 ouvrages de propagande. Mais, ici, c'est un mensonge grossier; et la

22 partie d'en face le sait très bien. D'abord, il n'y avait pas mille

23 cadavres dans les rues de Zvornik.

24 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question suivante?

25 M. Milosevic (interprétation): Je dois me dépêcher, Monsieur May.

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1 Monsieur le Témoin, vous avez parlé des informations publiées qui

2 parlaient de l'assassinat d'enfants serbes par les Croates, en Slavonie

3 orientale. Est-ce que vous affirmez que ceci n'était pas une information

4 fidèle à la réalité, cet assassinat d'enfants?

5 M. de La Brosse: Vous pouvez préciser?

6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez parlé ici, dans ce

7 prétoire, du fait que des informations seraient parues, qui auraient

8 traité -semble-t-il- de l'assassinat d'enfants en Slavonie orientale. Je

9 vous demande si vous affirmez que cette information était contraire à la

10 réalité, que les médias l'auraient inventée par exemple.

11 M. de La Brosse: Vous faites référence à Vukovar?

12 M. le Président (interprétation): Eh bien, regardez…

13 M. Milosevic (interprétation): (Inaudible.)

14 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Trouvons d'abord

15 la référence. Intercalaire 26. On y trouve référence à cela, ainsi que

16 dans la séquence vidéo n°9 où il est allégué que des enfants ont été tués.

17 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous partez du fait que tous les

18 crimes qui ont été évoqués dans la presse étaient des inventions pures et

19 simples?

20 M. de La Brosse: Non, bien sûr.

21 M. le Président (interprétation): Je vous demanderai de bien vouloir

22 répondre aux allégations formulées au sujet des enfants. Je vous ai donné

23 une référence: la séquence vidéo n°9, c'est une référence à des propos

24 tenus par un religieux. Et puis, il y en a une autre où il est dit que

25 plus de 40 enfants ont été tués; mais je ne retrouve pas ce passage à

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1 l'instant, il est possible que ce soit quelque part ailleurs.

2 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May?

3 M. le Président (interprétation): Un instant, je vous prie. C'est vous qui

4 évoquez ces éléments, il faut que le témoin ait la possibilité d'en

5 traiter.

6 Dans la séquence vidéo n°1, il est dit que des enfants serbes ont été

7 jetés aux lions dans un zoo.

8 Ensuite il y a cette séquence vidéo n°9.

9 Et puis vous vous souviendrez peut-être, Monsieur de La Brosse, qu'il a

10 été fait référence à l'assassinat de 41 enfants, si je ne m'abuse.

11 Et puis, je vois la séquence vidéo n°13 où il est signalé: "A Vukovar,

12 plus d'un millier de Serbes craignaient d'être égorgés, y compris

13 plusieurs dizaines d'enfants serbes victimes du couteau oustachi".

14 Voilà donc trois séquences vidéo auxquelles vous pouvez faire référence.

15 Si j'ai bien compris, on vous dit qu'il s'agit de faits, de réalités. Est-

16 ce que ces faits, selon vous, ont été fabriqués de toutes pièces?

17 M. de La Brosse: Concernant la nouvelle selon laquelle 41 enfants serbes

18 auraient été assassinés par des Oustachis, la nouvelle a été publiée et

19 s'est révélée fausse, infondée. C'est la raison pour laquelle l'agence de

20 presse "Reuters" a elle-même publié un démenti concernant la survenue de

21 ces faits.

22 Je pense que vous faisiez référence aux trois exemples que je donne. J'ai

23 retrouvé le passage.

24 Dans le paragraphe 59 du rapport, j'essaie de montrer que la télévision, à

25 travers la présentation de tragédies individuelles, en l'occurrence celles

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1 d'enfants serbes qui auraient été victimes des exactions commises par

2 d'autres combattants… Ce que j'ai voulu illustrer à travers ces trois

3 exemples -pour lesquels je ne me prononce pas sur la survenue ou non de

4 l'événement-, je crois qu'en l'occurrence pour le troisième exemple c'est

5 un fait avéré; le second fait référence à la mort des parents d'un jeune

6 garçon; le premier fait référence à la mort d'un garçon qui aurait été tué

7 par des combattants croates. Sur ce premier exemple, je ne sais pas si

8 l'information est exacte.

9 En tout cas, ce que j'ai voulu montrer à travers ces exemples, c'est qu'en

10 présentant des tragédies individuelles où les enfants sont concernés,

11 l'objectif est de jouer ici sur l'émotivité du public en relatant des

12 faits sur lesquels le téléspectateur ne peut que compatir. Il s'agit de

13 faits pour lesquels tout mécanisme de protection de la part du

14 téléspectateur ne joue pas, notamment quand il s'agit des êtres les plus

15 fragiles que sont les enfants. Je ne dis pas, par là, que les faits

16 allégués ou vérifiés dans ces trois exemples ne sont pas survenus, ne se

17 sont pas passés. Ce sur quoi je me penche, c'est l'interprétation qui est

18 faite de ces faits.

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, nous y consacrons

20 beaucoup de temps, mais ceci est un exemple qui réellement n'est

21 susceptible d'honorer personne.

22 Il est dit, ici, que c'est d'abord la station de télévision britannique

23 "ITV" qui a filmé cet assassinat d'enfants, et qu'ensuite les médias

24 serbes ont transmis ce qui avait été diffusé par "Reuters", et qu'ensuite

25 "Reuters" -le premier- a publié un démenti, et que les autres l'ont fait

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1 ensuite.

2 Donc l'information vient de "Reuters". Elle est reprise par des médias à

3 Belgrade et ailleurs. Après quoi, "Reuters" publie un démenti, les médias

4 diffusent le même démenti. Je vous demande donc où on peut trouver de la

5 propagande serbe là-dedans, à moins bien sûr que je n'ai manipulé

6 "Reuters"?

7 Vous avez décrit vous-même ce qui s'est passé, et ceci est un exemple

8 éclatant de la façon dont vous utilisez, à tort, cette fonction de ce

9 qu'il est convenu d'appeler l'expert.

10 M. le Président (interprétation): (Hors micro).

11 M. de La Brosse: Vous revenez sur l'exemple du massacre de 41 enfants

12 serbes par des combattants croates, qui n'a pas eu lieu. Je crois qu'on

13 est d'accord sur ce point.

14 Ce que j'ai dit, c'est que la nouvelle de cet événement, qui s'est révélée

15 inexact, a été largement diffusée, instrumentalisée par les médias serbes.

16 Les médias serbes, une fois l'information démentie, n'ont pas pris la

17 précaution eux-mêmes d'aller vérifier l'information, je note au passage.

18 Cette information a été également démentie par les médias serbes, sauf

19 que, lorsque vous avez une diffusion d'une information de ce type, le

20 démenti de l'information ne gomme pas les effets produits par l'annonce

21 d'une telle nouvelle. On peut le vérifier non seulement, en l'occurrence,

22 en ex-Yougoslavie, mais également à l'occasion d'autres phénomènes de ce

23 type dans d'autres pays.

24 Donc cette très forte médiatisation de la mort de ces 41 enfants est venue

25 conforter aux yeux de l'opinion publique serbe… -il y a une couverture

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1 très large de cet événement qui est infondé-, cette très forte

2 médiatisation est venue conforter l'image, cultivée par ailleurs dans les

3 médias serbes, d'un peuple croate criminel et génocidaire. De même que

4 cette information, elle est venue… elle a été médiatisée, elle a été

5 utilisée également pour affaiblir la voix des opposants à la guerre.

6 Question: Monsieur de La Brosse, est-il contesté que les médias de Serbie

7 ont relayé les informations publiées par "Reuters ITV"? Est-ce que

8 "Reuters" a publié un démenti par la suite, et est-ce que les médias de

9 Serbie ont publié eux aussi un démenti? Donc les nouvelles diffusées par

10 "Reuters" ont été reprises par les médias serbes qui ne diffusaient pas du

11 nationalisme, mais qui ne faisaient que reprendre les informations de

12 "Reuters". Comment est-ce que vous pouvez déformer les choses à ce point-

13 là?

14 Réponse: Une précision: cette information a circulé dans les médias, parmi

15 les journalistes de médias présents en Serbie, en ex-Yougoslavie, à

16 l'époque. Cette information, elle a été diffusée par "Reuters" sans qu'il

17 y ait véritablement vérification sur le terrain. D'autres médias présents

18 sur place se sont, quant à eux, gardés de diffuser cette information parce

19 qu'elle était sujette à caution.

20 Question: Fort bien, Monsieur de La Brosse. Ne perdons plus de temps sur

21 ce sujet.

22 Mais je crois que cet exemple parle de lui-même. Les faits que vous avez

23 énumérés, les informations venaient de "Reuters", les médias serbes ont

24 relayé, "Reuters" a démenti, les médias serbes ont démenti. Et, malgré

25 cela, vous reprochez la chose aux médias serbes et à une prétendue

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1 propagande.

2 Mais pour que la chose soit encore plus complète, Monsieur le Président,

3 j'ai ici le nom d'un témoin…

4 Réponse: (Inaudible.) …de répondre à la question. Vous m'avez demandé si

5 les médias serbes avaient démenti l'information. Je vous citerai l'exemple

6 de "Politika" qui a effectivement démenti l'information à travers une

7 brève de quelques lignes en fin de journal; donc le démenti en lui-même

8 n'occupe absolument pas la même place que l'information occupait lors de

9 sa diffusion. Et en ce sens, elle ne gomme pas l'effet produit.

10 M. Milosevic (interprétation): Le démenti n'efface jamais le contenu de la

11 première information publiée; ça, c'est un effet général de la presse, et

12 vous le savez sans doute mieux que moi. Lorsqu'un mensonge est diffusé, un

13 démenti ne l'efface jamais. Et dix ans plus tard, nous voyons qu'une masse

14 énorme de mensonges a été diffusée.

15 M. le Président (interprétation): Passons à d'autres questions.

16 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, j'ai ici la liste des… le nom d'un

17 témoin de l'accusation qui m'a été transmis. Son nom figurait sur une

18 liste, maintenant il n'y figure plus; mais cela, c'est une pratique

19 constante chez la partie d'en face. Sur le papier que j'ai entre les

20 mains, il n'est pas écrit que c'est un témoin protégé; mais je ne donnerai

21 pas son nom en public car je ne voudrais pas risquer de divulguer le nom

22 d'un témoin qui pourrait être protégé. Or il s'agit -ne l'oublions pas-

23 d'un témoin qui va témoigner contre moi dans ce prétoire.

24 Donc en page 3 du document que j'ai entre les mains, n°39392, il y a donc

25 la déclaration préalable du témoin qui m'a été communiquée par la partie

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1 d'en face pour me permettre de me préparer.

2 Page 3 de la déclaration de ce témoin, vers la fin du paragraphe 2, on lit

3 -je cite-: "Un jour, nous avons trouvé plus de 80 corps d'enfants sans vie

4 alignés dans les locaux de l'hôpital. Chacun d'eux présentait trois

5 blessures à l'arrière du corps, des blessures par balles. Personnellement,

6 je les ai vus, à une distance de 100 à 150 mètres de l'hôpital de Vukovar,

7 dans un fossé. Je sais qu'il s'agissait d'enfants serbes parce qu'ils ont

8 été identifiés par leurs parents survivants, etc., etc.".

9 M. le Président (interprétation): Vous pouvez interroger le témoin en lui

10 demandant s'il a vu ce rapport ou quelque chose du même genre.

11 M. Milosevic (interprétation): Je ne parle pas d'un rapport; il s'agit

12 d'une déclaration…

13 (Interruption du Président.)

14 M. le Président (interprétation): Pour autant qu'il s'agisse d'une

15 déposition de témoin, elle ne peut pas être utilisée; seul un rapport peut

16 l'être. Nous devons entendre le témoin s'exprimer sur ce point.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. En pages 11 et 12, vous dites

18 que la propagande devient nuisible lorsqu'elle est utilisée de façon

19 totalitaire –ceci n'est pas contesté-, ainsi que lorsqu'elle est utilisée

20 pour s'opposer aux Droits de l'homme et au droit international. Ceci n'est

21 pas contesté. Mais ce qui est contesté, c'est le lien que vous établissez

22 avec la situation en Serbie.

23 Et la question que je vous pose est la suivante: comment peut-on parler

24 d'un quelconque totalitarisme -à cette époque, d'ailleurs, pas

25 aujourd'hui- en Serbie, alors qu'il existait en Serbie, à l'époque, un

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1 système pluripartite qui venait d'ailleurs d'être mis en œuvre -il

2 n'existait pas avant-, qu'il existait une Constitution adoptée

3 démocratiquement, que des pactes internationaux et autres conventions

4 internationales étaient respectés, que les élections à bulletins secrets

5 existaient, que l'opposition était très bruyante -et même vociférante

6 dirais-je-, donc tous les deux ans des élections se tenaient. Comment est-

7 ce que, dans une situation de ce genre et en adoptant les critères qui

8 sont les vôtres, vous pouviez parler, comme vous l'avez fait, de la Serbie

9 en la qualifiant d'Etat totalitaire?

10 M. de La Brosse: Vous pouvez me préciser les paragraphes concernés? Vous

11 m'avez donné: pages 10, 11, mais…

12 M. Milosevic (interprétation): Pages 11, 12.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, si vous me

14 permettez d'aider le témoin: il s'agit du paragraphe 12, dernière page du

15 paragraphe 12.

16 M. de La Brosse: Oui, ce à quoi je fais référence dans ce paragraphe à

17 travers la note de bas de page 25, c'est au message, à la création de

18 stéréotypes visant à stigmatiser les autres communautés. On en a examiné

19 les exemples la semaine dernière. J'ai fait référence à la diffusion de

20 messages propageant la haine à travers les médias contrôlés par le régime.

21 Et, en ce sens, je me base sur un certain nombre de textes. Notamment, le

22 Pacte international relatif au droit civil et politique du 16 décembre

23 1966, qui a été signé et ratifié par la Yougoslavie, et qui fait

24 obligation à l'Etat yougoslave et à la Serbie d'interdire et de lutter

25 contre de tels messages de haine. Or je constate -mais je peux peut-être

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1 me tromper, en tout cas je n'en ai trouvé trace nulle part, que ce soit

2 dans des rapports faits par des ONG ou des rapports d'organisations

3 internationales- qu'aucune action en justice n'a été intentée par les

4 autorités yougoslaves ou serbes contre les médias publics qui se sont

5 livrés à de telles pratiques.

6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Dites-moi, Monsieur de La Brosse,

7 comment pouvez-vous affirmer, citer des hommes de science serbes… et

8 j'entends par là par exemple la thèse qui parle de la création d'un seul

9 Etat où vivraient les Serbes. Vous énumérez des citations d'hommes de

10 science, d'académiciens serbes qui, eux, n'en parlent pas du tout.

11 Vous fournissez une citation de l'académicien Mihajlo Markovic, en page

12 21, qui parle de la tragédie des Serbes sous l'autorité croate -qui dure

13 encore et qui pourrait être plus grande encore à l'avenir-, qui parle de

14 la position du peuple serbe en Croatie qui est pire que cela n'est le cas

15 pour quelque minorité nationale que ce soit. Or cela est exact. Ne savez-

16 vous pas qu'en vertu de la Constitution croate, jusqu'en 1990, la Croatie

17 était définie comme étant l'Etat du peuple serbe…

18 M. le Président (interprétation): Un instant. Laissez le temps au témoin

19 de répondre à cela. Si j'ai bien compris, la référence se situe au

20 paragraphe 22 s'agissant de ce qu'a dit M. Markovic.

21 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

22 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.

23 Monsieur de La Brosse, avez-vous trouvé cette référence?

24 M. de La Brosse: Il s'agit de la référence extraite du magazine "Duga" de

25 1990?

Page 21243

1 M. le Président (interprétation): Oui, oui.

2 Quelle est la question que vous posez, Monsieur Milosevic, à ce propos?

3 M. Milosevic (interprétation): Moi, je parle d'une citation de

4 l'académicien Mihajlo Markovic, dont les propos sont reliés par M. de La

5 Brosse avec une thèse aux termes de laquelle les Serbes se trouveraient

6 réunis dans un seul et même Etat. Mais Mihajlo n'en parle pas du tout.

7 Lui, il parle de la tragédie des Serbes sous l'autorité croate, qui dure

8 encore et qui risque d'être plus grande encore à l'avenir. Ce qui se

9 trouve, hélas, être vrai.

10 Ma question était celle de savoir si -à la lecture de cela- vous saviez

11 que, jusqu'en 1990 -année de référence-… ou plutôt qu'en 1990 le peuple

12 serbe a été éjecté, mis hors de la Constitution en tant que peuple

13 constitutif; alors que, jusque-là, il avait été défini comme étant le

14 peuple constitutif de cette République croate, tout comme le peuple

15 croate?

16 M. le Président (interprétation): Un instant. Mais quel est le rapport? A

17 quoi voulez-vous en venir? Quelle est votre thèse, Monsieur Milosevic?

18 M. Milosevic (interprétation): En substance, Monsieur May, c'est que votre

19 expert lui-même fait des citations pour prouver ce qui n'est pas dit dans

20 les citations en question. Par exemple,…

21 M. le Président (interprétation): Fort bien. Cernons les problèmes. Un

22 instant, s'il vous plaît.

23 Qu'essaye-t-il en premier lieu de prouver, à votre avis?

24 M. Milosevic (interprétation): Il souhaite prouver que c'est de la

25 propagande et que l'Académie serbe des sciences a œuvré dans le sens de ce

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1 qui constitue l'intitulé de son rapport, à savoir "Projet d'un seul l'Etat

2 pour tous les Serbes". Il parle de territoires, etc. Mais cela n'est dit

3 nulle part dans les citations qu'il avance dans ses notes en bas de page,

4 à lui.

5 M. le Président (interprétation): Laissons le temps au témoin de répondre.

6 Apparemment, ce que vous dites n'est pas appuyé par ce qu'a dit… par la

7 citation de cet académicien.

8 M. Milosevic (interprétation): Au contraire, dans les citations qui sont

9 reprises dans les notes de bas de page…

10 (Micro déconnecté.)

11 M. le Président (interprétation): Une chose à la fois. Laissez-lui le

12 temps de répondre à cela d'abord.

13 M. de La Brosse: La citation à laquelle vous faites référence vient

14 appuyer le paragraphe 22 du rapport qui met en avant un des mécanismes

15 utilisés pour la propagande, c'est à dire projeter sur l'autre ses propres

16 fautes.

17 Donc, ici, la citation qui est utilisée de Mihajlo Markovic l'est à titre

18 d'illustration. Je n'utilise pas cette citation, je ne m'appuie pas sur

19 cette citation pour les fins auxquelles vous faites allusion.

20 M. Milosevic (interprétation): Mais tout votre ouvrage est utilisé aux

21 fins pour lesquelles il est intitulé "Propagande en faveur du projet de

22 tous les Serbes dans un même Etat". Pourquoi dissociez-vous cela pour dire

23 que cela n'est pas été utilisé à cette fin-là? Donnez-nous un peu de

24 logique élémentaire ou la plus élémentaire, Monsieur de La Brosse!

25 M. de La Brosse: Je suis désolé, je ne peux pas répondre à votre question

Page 21245

1 telle qu'elle est formulée.

2 M. Milosevic (interprétation): Bien. Estimez-vous qu'il soit contraire à

3 la Charte relative aux Droits de l'homme d'affirmer l'identité des droits

4 de son propre peuple? Chose que vous reprochez à l'académicien Dobrica

5 Cosic, duquel vous dites qu'il occupe une place particulière pour ce qui

6 de l'instrumentalisation des frustrations serbes et de la croissance du

7 nationalisme, en disant qu'il est directement responsable de la montée du

8 nationalisme; vous le dites en page 34, en note de bas de page.

9 M. de La Brosse: Je reviens sur ce que je disais tout à l'heure à propos

10 des textes de référence internationaux que j'ai cités.

11 En parlant de propagande illicite -je me répète-, je me suis basé sur ces

12 textes pour dire, en l'occurrence, qu'à l'époque la propagande de haine,

13 de stigmatisation d'une communauté tombait sous le coup de ces textes de

14 référence internationaux auxquels la Yougoslavie a souscrits et qui

15 interdisait le fait de propager ce type de message haineux. Je ne dis pas

16 autre chose. Lorsque je fais référence à ces textes, c'est en ce sens.

17 Question: Donnez-moi une citation dans ces textes que vous citez vous-

18 mêmes, que vous mentionnés. Quels sont les textes que vous considérez

19 comme étant de la propagation de haine? Vous citez des hommes, vous citez

20 des citations où il n'est pas repris ce que vous affirmez, où il n'y a pas

21 de message de haine. Alors, donnez-moi citation de ce qui figure dans

22 votre texte, faites-le.

23 Réponse: Je reviens sur la terminologie employée dans les médias qui est

24 une terminologie de stigmatisation, de dénigrement d'une communauté ou de

25 plusieurs communautés.

Page 21246

1 En ce sens, je crois pouvoir dire… je ne suis pas juriste mais il me

2 semble pouvoir dire que ce type de message, de stigmatisation, de

3 démonisation d'autres communautés sont effectivement des messages

4 véhiculant une haine à l'endroit d'une autre communauté, et qu'en ce sens

5 elle tombe sous le coup de la législation internationale à laquelle a

6 adhéré la Serbie; je ne dis pas autre chose.

7 M. Milosevic (interprétation): Mais vous l'avez falsifié justement parce

8 que vous ne savez pas me citer, partant de vos notes de bas de page à

9 vous, ce que vous qualifierez comme étant un discours de haine.

10 Pour ceux qui écoutent ceci en langue serbe, je vais traduire.

11 "Stigmatiser", cela veut dire noircir le caractère de quelqu'un pour que

12 l'on comprenne bien, "démoniser" quelqu'un.

13 Alors, trouvez-moi une seule citation dans les notes de bas de page que

14 vous avancez où l'on noircirait, où l'on peindrait en traits sombres,

15 négatifs, une communauté ethnique quelle qu'elle soit.

16 M. le Président (interprétation): Vous pourrez réfléchir pendant la pause

17 car, en effet, nous allons faire une pause de 20 minutes.

18 Au retour dans le prétoire, Monsieur de La Brosse, vous pourrez répondre à

19 cette question à l'aide d'un passage.

20 Pause de 20 minutes.

21 Avant d'appeler à la barre le témoin prochain, il y a des éléments qui

22 relèvent de l'Article 92bis qui nécessiteront une décision. Je préviens

23 tout le monde, nous allons en discuter, ceci a trait aux déclarations du

24 témoin B-1455, au témoin B-1775, et nous allons également parler du compte

25 rendu d'audience de M. Selak.

Page 21247

1 M. Kay (interprétation): Effectivement, Monsieur le Président, j'ai reçu

2 la déclaration du témoin B-1455 et celle du témoin B-1775 vendredi

3 seulement; je pourrais parler de la première mais pas de la seconde.

4 M. le Président (interprétation): Nous pourrons en discuter.

5 M. Kay (interprétation): Je vous remercie.

6 M. le Président (interprétation): Pause de 20 minutes.

7 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 53.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur de La Brosse, avant la pause,

9 une question vous avait été posée; elle concernait des discours qu'on

10 pourrait qualifier de discours de la haine. L'hypothèse qui vous a été

11 soumise est celle-ci: vous n'avez pas pu citer vous-même, dans votre note

12 en bas de page, de tels discours. On devrait vous donner l'occasion de

13 répondre, ne serait-ce que brièvement. Je ne sais pas si vous pensez à tel

14 ou tel discours précis? Ce serait bien sûr utile de nous en faire la

15 référence.

16 M. de La Brosse: Je rappellerai que dans un certain nombre d'extraits

17 vidéo qui ont été diffusés la semaine dernière -je fais notamment

18 référence à la note 147 et à la note 126-, on voit que par la terminologie

19 employée, en parlant d'Oustachis, de combattants Djihad, on présente un

20 groupe en s'appuyant sur une terminologie qui vise à le stigmatiser.

21 Pour ce qui est des citations qui se trouvent dans ce rapport et sur

22 lesquelles je me suis appuyé, j'aimerais vous renvoyer à la note 85 de mon

23 rapport et à l'ensemble des citations qui se réfèrent au mécanisme qui

24 allait être employé à l'encontre des Croates que l'on présente comme les

25 héritiers des responsables de crimes commis contre les autres populations,

Page 21248

1 dont les Serbes, pendant la Seconde Guerre mondiale. Et donc, à travers

2 les citations sur lesquelles je m'appuie, s'opère un mécanisme d'amalgame

3 historique qui vise à présenter, à comparer deux situations somme toutes

4 différentes. Par les termes mêmes qui sont utilisés… Peut-être peut-on

5 aller au travers des différentes citations en question, qui sont des

6 citations émanant de "Politika" et dans lesquelles on impute, on établit

7 un lien direct entre le gouvernement croate du début des années 1990…

8 entre la communauté croate du début des années 1990 –pardon!- et le

9 gouvernement croate de la Seconde Guerre mondiale. Et donc, on fait le

10 lien entre les crimes qui ont été commis par ce gouvernement croate de la

11 Seconde Guerre mondiale et les crimes ou les actions du gouvernement de

12 Franjo Tudjman.

13 M. le Président (interprétation): Oui. Oui, et je pense que nous avons la

14 note 85 sous les yeux, et nous pouvons en lire le contenu.

15 Il vous reste dix minutes pour le contre-interrogatoire de ce témoin,

16 Monsieur Milosevic.

17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, dix minutes ne me suffisent

18 pas. Je vous demande donc de vous pencher sur la possibilité de m'accorder

19 un peu plus de temps pour le contre-interrogatoire de ce témoin-ci.

20 (Les Juges se consultent sur le siège.)

21 M. le Président (interprétation): Nous vous accordons une demi-heure à

22 partir de maintenant, ce qui veut dire que vous avez le temps jusqu'à 11

23 heures et demie.

24 M. Milosevic (interprétation): Bien.

25 Ayez l'amabilité, Monsieur, puisque vous venez de nous dire que vous avez

Page 21249

1 cité les citations qui vous ont servi de référence… Est-ce que, dans l'une

2 quelconque de ces citations, on stigmatise une population? Vous parlez

3 d'autorités qui ont expulsé les Serbes de leur Constitution, qui ont

4 expulsé les Serbes des services publics et autres, qui ont organisé des

5 persécutions à l'encontre des Serbes. Mais où, dans les citations que vous

6 avancez, est-il question du peuple, de la nation –donc de la nation croate

7 ou musulmane ou albanaise- qui sont stigmatisés en tant que minorités ou

8 groupes ethniques tout entiers? C'est la question que je vous ai posée

9 tout à l'heure.

10 M. de La Brosse: Dans la note 85, la deuxième citation que vous pouvez

11 lire fait expressément le lien, parle de la... Est-ce que je dois la lire

12 en anglais?

13 (Interprétation de l'anglais): "D'après ce que dit la légende populaire,

14 cette communauté démocratique est fière de Ante Starcevic. D'après une

15 maxime populaire, la Croatie est fière de l'Etat soi-disant indépendant,

16 et, de façon dissimulée et furtive, elle reprend ce nouvel abattage de

17 Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine".

18 (Sans interprétation): On décrit ici la Croatie en tant qu'un ensemble,

19 regroupant l'ensemble de la population.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, Monsieur de La

21 Brosse…

22 M. le Président (interprétation): Laissez-lui le temps de finir.

23 Monsieur de La Brosse, poursuivez.

24 M. de La Brosse: Donc on généralise à l'ensemble de la Croatie, à

25 l'ensemble du peuple croate. J'aimerais également citer, rappeler

Page 21250

1 l'extrait vidéo… Je ne me souviens plus du numéro, mais la transcription

2 de cette déclaration de Jovan Raskovic se trouve en note de bas de page

3 117, paragraphe 54; elle suit une déclaration de Dobrica Cosic qu'on a

4 également eu l'occasion de visionner au début de ma déposition.

5 A travers ces deux exemples, on fait un rappel incessant entre les

6 atrocités commises par l'Etat croate indépendant sous les Oustachis, et

7 les intentions que l'on prête au régime de Franjo Tudjman.

8 Si je lis l'extrait diffusé à la télévision serbe de Jovan Raskovic, donc

9 je rappelle, il parle de génocide.

10 (Interprétation de l'anglais): "Le génocide a commencé et il dépendra des

11 Serbes de Croatie et de Serbie, ainsi que du facteur de la donnée

12 internationale, de l'Europe et du monde, pour savoir si leur mouvement va

13 rouvrir ces camps de concentration et les puits utilisés comme fosses

14 communes. Mais il y a une chose qui est sûre, les Serbes ne seront plus

15 jamais conduits dans ces tombes ou dans ces puits par juste une poignée

16 d'Oustachis. Les Serbes ont opposé une grande résistance. Et l'idée

17 génocidaire va s'effondrer en même temps que l'état génocidaire de

18 Croatie". (Fin de citation.)

19 (Sans interprétation.): Je rappelle que Jovan Raskovic est le promoteur de

20 l'idée selon laquelle le peuple croate aurait une nature génocidaire.

21 J'aimerais également citer un autre exemple de ce type d'amalgame pratiqué

22 par un certain nombre d'intellectuels serbes. Cet exemple, il se trouve

23 dans une déclaration de Jovan Raskovic qu'on peut trouver dans "Politika"

24 du 25 mars 1990. C'est un exemple sur lequel je ne me suis pas appuyé dans

25 le rapport, il n'est pas cité en tant que tel de mémoire.

Page 21251

1 (Interprétation de l'anglais): "J'ai le sentiment que ce qui perturbe les

2 relations entre les Serbes et les Croates aujourd'hui est en rapport avec

3 le génocide commis contre le peuple serbe par le régime d'Oustachis de

4 Croatie. Il est possible d'en conclure que le fait de dissimuler le

5 génocide représente un appel à l'Histoire, un appel pour que l'Histoire se

6 répète". (Fin de citation.)

7 (Sans interprétation.): Seconde citation que je voulais vous donner pour

8 resituer le contexte. C'est toujours un extrait du journal "Politika" du 7

9 août 1992, dans lequel Radovan Samardzic déclare, je cite:

10 (Interprétation de l'anglais): "Les Serbes sont le peuple qui constamment

11 est exposé au génocide". (Fin de citation.)

12 (Sans interprétation.): A travers ces différents exemples de pratiques

13 d'amalgames historiques entre deux situations qui sont différentes, on

14 présente le régime croate et le peuple croate du début des années 1990

15 comme l'héritier du régime croate de la Seconde Guerre mondiale. Et de ce

16 fait, il me semble -mais je peux me tromper- qu'on véhicule un stéréotype,

17 on cherche à démoniser une communauté en s'appuyant sur des amalgames

18 historiques qui restent à prouver.

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, vous apportez des

20 réponses très longues, ce qui fait que la demi-heure qu'on m'a accordée ne

21 suffira pas si vous continuez ainsi. Je vous demanderai, par voie de

22 conséquence, de tenir compte de ce que vous avez dit vous-même.

23 Vous avez dit qu'il était question de la communauté démocratique croate.

24 Vous avez, par la suite, conclu qu'il s'agissait du peuple croate tout

25 entier. Or le HDZ, à savoir le Parti de la communauté démocratique croate,

Page 21252

1 c'est le parti qui a commencé à persécuter les Serbes une fois de plus, au

2 bout de 50 ans, donc 50 ans après. Mais ce n'est pas le peuple croate, le

3 HDZ n'est pas le peuple croate tout entier.

4 Or, dans ce que vous avez dit vous-même, il est précisé qu'il s'agissait

5 des autorités. Puis, vous placez une virgule et vous ajoutez vous-même "le

6 peuple croate qui n'a été apostrophé par personne"; ce qui revient à dire

7 que vous faites une construction qui se résume à une falsification.

8 Or on a vu une séquence vidéo… -parce que je n'ai pas eu le temps d'en

9 montrer davantage, mon temps est ici limité-, on a montré une séquence

10 vidéo de ce qu'a dit Simon Wiesenthal concernant les crimes perpétrés.

11 Estimez-vous que M. Wiesenthal, lui aussi, a été placé au service des

12 objectifs nationalistes de la direction serbe, à la tête de laquelle je me

13 trouvais, et qui réalisait ce type d'objectifs nationalistes?

14 M. le Président (interprétation): Une question à la fois. Nous allons

15 autoriser une réponse du témoin à propos du HDZ. Mais quelle était votre

16 deuxième question?

17 M. Milosevic (interprétation): Ma deuxième question, eh bien, par exemple,

18 c'est en corrélation avec ce que j'ai mentionné tout à l'heure. Au

19 paragraphe 47, vous indiquez qu'il y a manipulation et vous citez le fait

20 que l'on ait rappelé dans les médias le génocide perpétré par l'Etat

21 indépendant croate à l'égard des Serbes dans le courant de la Seconde

22 Guerre mondiale. Or le terme de "génocide" a été placé entre guillemets

23 par vos soins; vous laissez entendre ainsi qu'il n'y a pas eu génocide du

24 tout, que cela est une invention pure et simple. Et à plusieurs autres

25 endroits, à la page 5253, vous reprochez le fait de parler des crimes de

Page 21253

1 l'Etat croate indépendant parce que vous laissez entendre que ces crimes

2 ont été exagérés.

3 Savez-vous que, partant de renseignements officiels de l'ex-Yougoslavie à

4 la tête de laquelle il y avait Tito -qui était croate, lui-, il y a

5 quelque 700.000 Serbes, Gitans et Juifs qui ont été tués dans un camp de

6 concentration à Jasenovac?

7 M. le Président (interprétation): Vous posez une autre question.

8 Deux questions, Monsieur de La Brosse, vous sont donc adressées.

9 Un instant, un instant, Monsieur Milosevic, il faut que le témoin ait le

10 temps de répondre.

11 Première question qui vous est posée…

12 Attendez que le témoin réponde à vos questions.

13 Première question posée: vous faites l'amalgame quelque part entre le HDZ

14 et le peuple croate, et vous attribuez au peuple croate ce qui a été

15 uniquement attribué au HDZ. Quelle serait votre réponse à cette question-

16 là? Essayez d'être bref, s'il vous plaît.

17 M. de La Brosse: J'ai cité M. Jovan Raskovic à plusieurs reprises. Ce

18 qu'il dit doit être également mis en relation avec sa production

19 discursive. Je rappelle que dans un ouvrage que je cite en note de bas de

20 page, Jovan Raskovic décrit les Croates, le peuple croate comme ayant un

21 caractère génocidaire. Le fait qu'à travers les déclarations qu'il a pu

22 faire dans la presse et dont je viens de vous donner lecture… Il faut

23 rappeler que Jovan Raskovic était invité à toutes les émissions télévisées

24 de la télévision serbe à l'époque, au cours desquelles il a pu présenter

25 cet ouvrage et faire état de cette théorie selon laquelle le peuple croate

Page 21254

1 aurait une nature génocidaire. Donc aux yeux du public le lien se fait.

2 L'exemple que j'ai lu tout à l'heure, me semble-t-il, procède de cet

3 amalgame.

4 M. le Président (interprétation): Fort bien, fort bien. Il faut accélérer

5 la cadence, me semble-t-il.

6 Deuxième élément avancé, c'est que vous avez minimisé le génocide de la

7 Deuxième Guerre mondiale. Est-ce exact ou pas? Est-ce que vous l'avez

8 minimisé ou pas?

9 M. de La Brosse: Absolument pas. Je tiens à être tout à fait clair là-

10 dessus: si j'ai utilisé des guillemets, c'est parce que les historiens

11 eux-mêmes… l'historiographie pose problème puisque l'on ne s'accorde pas

12 sur l'étendue, le nombre de victimes de ce génocide. Donc, pour moi,

13 utiliser les génocides revenait à tenir compte de cette incertitude

14 historique, non pas sur le fait que ces massacres aient eu lieu mais sur

15 leur importance, leur portée. Ce n'est absolument pas une négation de ce

16 génocide.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Etant donné que vous faites

18 exactement ce que fait le nouveau régime croate… ou plutôt ce qu'il a fait

19 après les élections, minimisation de ce génocide, voilà ce que dit le

20 Centre Wiesenthal. Au Centre Wiesenthal -vous pouvez aller sur Internet et

21 rechercher la chose-, on dit: "Jasenovac a été le plus grand des camps de

22 concentration en Croatie entre 1941 et 1945. Au département n°3 du Service

23 de sécurité croate, il y avait 600.000 personnes environ à être tuées là:

24 des Serbes, des Juifs (30.000 de ces derniers), des Gitans et les

25 opposants au régime oustachi." (Fin de citation.)

Page 21255

1 Vous affirmez donc que les renseignements ne coïncident pas, ne concordent

2 pas, et que c'est pour cela que la question doit être mise en doute. Or,

3 pour le Centre Wiesenthal, cela n'est pas mis en doute. Et vous allez

4 entendre la définition du terme "oustachi": "Créés en 1930, les Oustachis

5 étaient une organisation terroriste oustachi de Croates. La haine de ses

6 membres à l'égard des Juifs ne pouvait être égalisée que par la haine à

7 l'égard des Serbes. Le pouvoir hitlérien a fait un Etat marionnette,

8 l'Etat fantoche, un Etat fantoche oustachi qui a tué quelque 500.000

9 Serbes, qui en a chassé 250.000 et qui a forcé 250.000 autres à se

10 convertir au catholicisme. Ils ont tué des milliers de Juifs et de

11 Gitans."

12 Etiez-vous au courant de ces données-là? Voyez-vous qu'il s'agit là...

13 M. le Président (interprétation): Laissez-lui le temps de répondre.

14 M. de La Brosse: (Inaudible.) …tout à fait clair. Il ne s'agit absolument

15 pas de dénier le fait que des centaines de milliers de Serbes et autres

16 communautés aient été massacrés dans ces camps.

17 Ce que je tiens simplement à dire… N'étant pas moi-même historien, j'ai vu

18 des fourchettes d'estimation du nombre de morts, variant -à travers les

19 articles que j'ai pu consulter- de 500 à 900.000. N'étant pas historien,

20 constatant l'absence de consensus sur le nombre exact de morts dans ces

21 camps croates, j'ai cru plus prudent d'utiliser ces guillemets. Si cela a

22 été compris autrement, j'en suis navré, mais c'était là mon intention de

23 non historien; j'ai souhaité faire état de prudence en la matière.

24 M. Robinson (interprétation): Monsieur de La Brosse, il se peut que votre

25 rapport ait été renforcé à cet égard. Si l'explication que vous venez tout

Page 21256

1 juste de donner y avait été intégrée, ne serait-ce qu'en note de bas de

2 page ou encore dans le corps du texte… On vous demande pourquoi vous avez

3 mis "génocide" entre guillemets; c'est de cela que je parle.

4 M. Milosevic (interprétation): Puis-je continuer?

5 M. Robinson (interprétation): J'aimerais le commentaire du témoin à ce

6 propos.

7 M. de La Brosse: J'aurais dû effectivement l'indiquer en bas de page.

8 C'est vrai qu'en réalisant ce rapport, mon objectif était de décrire les

9 mécanismes de la propagande. C'est vrai que je n'ai pas eu conscience de

10 la nécessité… comment dirais-je… forcément de l'importance qu'il y avait à

11 traiter certains faits historiques pour lesquels je ne me sentais pas

12 qualifié. Et donc, c'est peut-être une maladresse.

13 Si je devais refaire ce travail, j'indiquerais effectivement en note de

14 bas de page que c'est la prudence qui m'a conduit -peut-être

15 maladroitement- à utiliser des guillemets pour marquer le fait que,

16 n'étant pas historien, je ne pouvais pas me prononcer moi-même sur la

17 question des faits survenus.

18 M. Milosevic (interprétation): Bien. Je vais vous prouver maintenant le

19 fait que se référer à votre manque d'expertise est chose erronée; cela

20 illustre plutôt votre manque d'objectivité. Parce qu'en note 119, vous

21 citez les plaintes citées par Florence Hartmann pour ce qui est de la

22 présentation qu'on avait faite en parallèle des discours de Tudjman et

23 d'Ante Pavelic –alors, Ante Pavelic, c'était le chef de cet Etat fantoche

24 en 1941- dans une écoute ou plutôt dans une émission de télévision du 27

25 juillet 1991.

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1 Je voudrais vous demander si vous avez connaissance du fait que Tudjman

2 avait, dans ses discours, cité des choses qui avaient été dites par

3 Pavelic.

4 Savez-vous qu'à ce rassemblement général du HDZ des 24 et 25 février 1990

5 à Zagreb, le Président qui venait d'être élu dans ce parti nouvellement

6 créé, le Président Tudjman, a dit: "L'Etat croate indépendant, celui de

7 Pavelic, n'était pas seulement une création de Quisling et un crime

8 fasciste, mais c'était aussi l'expression des aspirations historiques du

9 peuple croate?" (Fin de citation.)

10 Par conséquent, vous dites que vous manquez d'informations, vous dites que

11 vous n'êtes pas historien. Mais cette complainte poussée par Florence

12 Hartmann pour ce qui est du lien établi entre Tudjman et Pavelic, vous

13 avez estimé que cela était utile pour ce qui est d'être cité. Mais, comme

14 vous pouvez le constater vous-même, le lien était tout à fait justifié et

15 tout à fait clair. Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet-là, Monsieur de La

16 Brosse?

17 M. de La Brosse: Si j'ai cité cet extrait de l'ouvrage de Florence

18 Hartmann, c'est relativement au fait qu'elle montre également, avec

19 exemples à l'appui, l'amalgame, l'amalgame qui est fait entre ce qui s'est

20 passé entre les responsables du génocide, des massacres commis par les

21 Croates durant la Seconde Guerre mondiale, et ce que s'apprêterait à faire

22 ou à commettre Franjo Tudjman.

23 Je n'ai pas l'ouvrage auquel vous faites allusion de Franjo Tudjman. Si

24 j'ai utilisé cette citation, c'est parce que le rappel incessant au passé,

25 la comparaison incessante entre le régime, le gouvernement croate des

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1 années 1990 et celui de la Seconde Guerre mondiale créent, dans l'esprit

2 du lecteur, dans l'esprit du téléspectateur, une certaine confusion

3 puisqu'on le laisse penser que ce régime est sur le point de réitérer –on

4 est dans le domaine de l'interprétation- les massacres commis par les

5 Oustachis lors de la Seconde Guerre mondiale. Et la citation que je

6 donnais tout à l'heure de Jovan Raskovic dans le "Politika" du 25 mars

7 1990 me semble éclairante.

8 Question: Vous trouvez là un justificatif, c'est bien cela? C'est ce qui

9 justifie ce que vous avez dit? Et la corrélation, d'après ce que vous

10 venez de voir, a été faite par Tudjman lui-même; parce qu'il dit que cette

11 création a été l'expression des aspirations historiques du peuple croate.

12 Ce n'est pas la presse de Belgrade qui l'a dit, mais c'est lui-même qui

13 l'a dit; vrai ou faux?

14 Réponse: Je n'ai pas lu cet ouvrage de Tudjman auquel vous faites

15 référence.

16 M. Milosevic (interprétation): Mais j'ai dit que c'était un discours à lui

17 au congrès du HDZ. Vous auriez dû le lire, si déjà vous contestez le lien

18 établi par lui-même dans ce discours-là.

19 M. le Président (interprétation): Nous avons compris, nous avons compris,

20 Monsieur Milosevic, pour autant qu'il y ait une raison. Vous dites qu'en

21 1990, M. Tudjman, dans un discours, avait fait référence au gouvernement

22 du NDH (Etat croate indépendant pendant la Seconde Guerre mondiale) et que

23 celui-ci représentait les aspirations du peuple croate.

24 Ce que dit le témoin, ce qu'il vous dit, c'est que la répétition constante

25 de ces erreurs au cours des années 1990, le fait de les répéter sans

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1 arrêt, c'était une façon d'attiser la haine, une façon de justifier le

2 recours à la force et à la violence, le fait de répéter ces griefs. La

3 signification de tout ceci et l'importance que ça risque de revêtir, c'est

4 à nous qu'il importe de la déterminer. Inutile de répéter ce que Tudjman a

5 dit.

6 M. Milosevic (interprétation): Il ne l'a peut-être pas dit? Ah bon? S'il

7 ne l'a pas dit, il n'a peut-être pas établi de corrélation entre ces deux

8 choses-là; alors là, tout va bien!

9 Mais dites-moi, je vous prie, comment en votre qualité d'expert pour les

10 médias -parce qu'il est évident que ce vous êtes en train de faire est une

11 espèce d'amalgame entre ce que vous dites et Florence Hartmann, entre ce

12 que vous dites et ce Bureau de l'accusation illégal, et pas ce que vous

13 dites- alors, en votre qualité d'expert pour les médias ne parlant pas le

14 serbe, vous pouvez vous permettre la constatation que vous faites au

15 paragraphe 52, page 49: vous dites que la télévision a été, pendant très

16 longtemps, la seule source d'information pour la plupart des Serbes.

17 Et en note de bas de page 107, pour confirmer la chose, vous indiquez une

18 citation de Nicole du Roy, une journaliste qui a apporté un titre très

19 modéré "La télé parano". Et vous retrouverez le reste dans la note de bas

20 de page. Et vous dites que "dans ce pays -en Serbie- avec 46%

21 d'analphabètes (ce qui signifierait qu'un habitant sur deux le serait),

22 les informations qui seules couvrent le territoire entier sont les

23 informations de la télévision de l'Etat".

24 Or il me semble, Monsieur de La Brosse, que même pour vous, qui avez -sur

25 commande de la partie adverse- rédigé ce que vous avez rédigé, avez tout

Page 21260

1 de même exagéré un peu pour ce qui est d'affirmer qu'en Serbie il y avait

2 46% d'analphabètes. Il y a des gens en Serbie qui regardent et doivent

3 être stupéfaits. Mais je crois que plus rien ne peut les étonner ici. La

4 moitié d'entre eux serait…

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ceci va être votre

6 dernière question puisque vous avez bénéficié d'une demie heure.

7 Cependant, libre à vous de la finir.

8 M. Milosevic (interprétation): Ce sont vos sources à vous, Monsieur de La

9 Brosse; 46% d'analphabètes en Serbie!

10 M. de La Brosse: Je crois que vous faites une confusion entre

11 l'analphabète et l'illettré. Le mot qui est qualifié est celui

12 "d'illettré", c'est-à-dire que l'on a affaire à des gens qui ne possèdent

13 pour tout diplôme que le diplôme d'école élémentaire; il ne s'agit pas

14 d'analphabète. L'analphabète est quelqu'un qui ne sait ni lire ni écrire.

15 Par ailleurs...

16 Question: Monsieur de La Brosse, cette excuse ne vous servira à rien.

17 Parce que plus tard, un peu plus loin, vous dites que la télévision de

18 l'Etat, fin 1990 début 1991, paragraphe 110, vous indiquez que la

19 télévision de l'Etat -et je vous donne citation: "…pour 30% de la

20 population qui n'a pas terminé ses études primaires était la seule source

21 d'information".

22 Donc, ici, ceux qui n'ont pas fait leurs études primaires de huit ans

23 -parce que l'école élémentaire à l'époque, c'était quatre ans; puis ça a

24 été augmenté pour faire huit ans-, donc le nombre de ceux qui n'avaient

25 pas de diplôme de l'école élémentaire était de 30%. Vous n'avez même pas

Page 21261

1 fait l'effort d'établir une cohérence entre les différentes parties de

2 votre texte pour vérifier les informations variées que vous avez reprises

3 à différents endroits. Qu'est-ce que cela veut dire que d'avoir 30% de la

4 population qui n'ont pas fait d'études élémentaires?

5 Tout à l'heure, vous avez parlé de 46% d'illettrés. Or ni l'une ni l'autre

6 de ces données ne sont exactes.

7 M. le Président (interprétation): Voulez-vous répondre à cette question,

8 Monsieur de La Brosse? Et ceci terminera le contre-interrogatoire. Je vous

9 en prie.

10 M. de La Brosse: Je me suis appuyé sur plusieurs sources, dont Nicole du

11 Roy. Je me suis appuyé également, pour ces chiffres montrant le poids de

12 la télévision et son impact sur la population qui n'est pas familière de

13 la lecture, sur un certain nombre de chiffres.

14 Pour ce qui est précisément du poids de la télévision, le fait que ce soit

15 le principal média couvrant le territoire serbe et donc le principal média

16 d'information pour le gros de la population, je citerai un rapport qui a

17 été fait sur la télévision "Les élections en Serbie 1990-2000", par deux

18 chercheurs de l'université de Belgrade. Cela s'appelle "Television and

19 elections in Serbia 1990-2000", "Images de la télévision et le

20 gouvernement et l'opposition", par Jovanka Matic et par Snezana Milojevic,

21 et qui s'appuie sur les chiffres donnés par la RTF de l'époque.

22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je n'ai plus que quelques

23 questions à lui poser. Vous avez dit que je pouvais encore lui poser deux

24 ou trois questions, mais…

25 (Micro coupé.)

Page 21262

1 …j'ai encore quelques questions à lui poser.

2 M. le Président (interprétation): Je crois que vous avez vraiment eu

3 suffisamment de temps.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May…

5 M. le Président (interprétation): D'accord. Après consultation, mes

6 collègues estiment que vous avez le droit d'avoir deux questions, pas

7 plus, sinon on ne terminera jamais la déposition de ce témoin.

8 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Voilà l'une des questions.

9 Je vous en prie, pour que les choses soient tout à fait claires, j'ai

10 sorti du classeur qui m'a été confié pour M. Kristan, un journal "Borba"

11 auquel s'est référé la partie adverse. La partie adverse dit que j'aurais

12 déclaré que la Yougoslavie était morte. Or la phrase qui est citée ici dit

13 clairement: "La Présidence de la RSFY ne fonctionne plus depuis longtemps.

14 C'est une illusion que de croire que cette Présidence de la Yougoslavie

15 déploie des efforts qui sont inexistants, et c'est cela qui est

16 définitivement mort à compter de la nuit précédente". (Fin de citation.)

17 Et j'affirme que la présidence était morte, que c'était une illusion qui

18 était morte. Or la partie adverse a conclu que j'avais déclaré que la

19 Yougoslavie était morte.

20 Puisque vous êtes un expert pour les médias, voilà ma question: est-ce que

21 vous ne pensez pas qu'il s'agit là d'une manipulation? Si moi, j'ai

22 déclaré qu'il y avait une illusion aux termes de laquelle cette présidence

23 existerait encore et que j'ai dit que c'était mort, est-ce que cela

24 signifie, à mon avis, que la Yougoslavie était morte aussi?

25 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas une question. Vous

Page 21263

1 pouvez encore poser une question au témoin.

2 M. Milosevic (interprétation): Monsieur de La Brosse, je vous ai donné 100

3 pages de texte étranger; non pas texte yougoslave, non pas texte de

4 Serbie. Et j'en ai encore un: le "World Street Journal" du 31 décembre

5 1991, qui parle d'un témoin Barani qui a témoigné ici. Et on a fait des

6 enquêtes sur ce qu'il a affirmé ici; on a déterminé que les choses étaient

7 erronées. Et on termine par la citation suivante, on dit que "M. Barani ne

8 s'en tient pas à ce qu'est l'Histoire".

9 Or, il a fait des suppositions. Il ne s'en tient pas à son récit. Il n'a

10 pas confirmé ces informations, mais il dit que les Serbes… qu'avec les

11 Serbes tout est possible. Donc avec tout ce qu'il a inventé de toutes

12 pièces, et avec ce que vous avez pu lire, la centaine de pages, serait-il

13 permis de tirer d'autres conclusions si vous aviez consulté cela plutôt

14 que d'avoir consulté vos sources sélectives et de deuxième main, qui

15 démontrent bien que vous n'avez pas procédé à la véritable analyse de la

16 teneur de ce que vous avez fait?

17 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas besoin de répondre à

18 cette question totalement non pertinente. Ce qui a été écrit au sujet de

19 M. Barani n'a rien à voir avec ce témoin. Mais, Monsieur de La Brosse,

20 vous devriez avoir la possibilité de répondre au sujet des articles que

21 nous vous avons invités à examiner, qui vous ont été proposés par l'accusé

22 la dernière fois que vous étiez dans ce prétoire. Si vous avez un

23 commentaire à faire, c'est le moment.

24 M. de La Brosse: J'ai parcouru cet ensemble d'extraits de presse

25 essentiellement internationale, et j'ai eu un certain nombre de problèmes

Page 21264

1 concernant la nature et le statut de ces extraits de ces différents

2 journaux puisqu'il n'y a aucune information sur le statut de l'auteur. On

3 ne sait pas s'il s'agit d'un article ou d'un courrier de lecteur. Certains

4 extraits sont entre guillemets et pas d'autres.

5 J'aimerais simplement faire état de la difficulté de réagir par rapport à

6 ce type de textes en prenant un exemple, celui de la page 13, qui est un

7 article de Thomas Fleiner publié dans un journal suisse en langue

8 allemande "Die Welt Woche", qui est intitulé "Satanisation, la

9 démonisation d'une nation n'est pas permise". Zurich, 14 avril 1994. Cet

10 article est mis entre guillemets. On ne sait rien sur l'auteur donc j'ai

11 pris l'initiative de faire quelques recherches sur l'auteur et j'ai essayé

12 de retrouver cet article. Il se trouve que j'ai eu accès à un document de

13 Thomas Fleiner qui est disponible sur un site serbe, dont je peux peut-

14 être vous donner l'adresse si on met le document sur le rétroprojecteur.

15 Dans ce texte qui est donc publié par un universitaire suisse -ce texte

16 fait une dizaine de pages-, en fait l'extrait qu'on m'a proposé de

17 commenter est présenté comme un discours linéaire. Ce qui ne correspond

18 absolument pas à la réalité puisque, dans le texte publié sur le site qui

19 est la totalité du discours, on a pris le début de l'article qu'on me

20 propose de commenter, la première phrase est prise de la page 2 de ce

21 texte d'un universitaire.

22 Ensuite, la suite de ce texte qu'on me propose de commenter vient sur la

23 page 5 et se prolonge sur la page 6, se prolonge sur la page 8, se

24 prolonge sur la page 10 de ce texte. Or dans l'article qu'il m'est proposé

25 de commenter, on n'indique absolument pas, entre parenthèses avec trois

Page 21265

1 petits points, le fait que les morceaux de cet article sont extraits de

2 différents passages d'un texte proposé par un universitaire. Ce qui est

3 problématique en soi, car je ne suis pas sûr qu'en procédant ainsi, on

4 respecte la pensée de l'auteur. Et il me semble qu'on altère la

5 démonstration et la pensée de l'auteur. Surtout, quand c'est un article

6 dont l'objectif est de voir dans quelle mesure l'expérience du

7 multiethnisme en Suisse peut servir à la quête de paix dans les Balkans.

8 Il y a un certain nombre de prises de positions de l'auteur, notamment en

9 faveur du pluralisme médiatique dans l'espace yougoslave qui me laisse

10 dubitatif sur le sens à prêter au texte de l'auteur, si je compare ce qui

11 m'est demandé de commenter et le texte dans son entier. Donc j'aurais du

12 mal à commenter ce type de texte.

13 M. le Président (interprétation): Oui. Bien.

14 (Intervention de M. Milosevic.)

15 Non, non, non, vous avez parlé suffisamment longtemps!

16 M. Milosevic (interprétation): Mais...

17 M. le Président (interprétation): Non, nous pourrons revenir là-dessus

18 plus tard.

19 Monsieur le Témoin, si nous devons nous occuper de ces documents, il est

20 tout à fait clair que nous ne pouvons pas accepter d'extraits pour

21 versement au dossier; nous ne pouvons accepter que des documents

22 intégraux. Mais il faudra revenir sur cette question.

23 Oui, Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai une objection.

25 M. le Président (interprétation): Non, vous avez disposé d'un temps

Page 21266

1 suffisant aujourd'hui, vous pourrez soulever votre objection à la fin.

2 Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.

3 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin M. Renaud de La

4 Brosse.)

5 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'ai

6 vraiment essayé, dans le grand nombre de thèmes qui ont été traités

7 jusqu'à présent, d'en choisir trois ou quatre qui, à mon avis, pourraient

8 s'avérer utiles pour vous lorsque vous aurez à réfléchir à tous les

9 problèmes qui vous ont été soumis. Je vais m'efforcer d'être rapide. Pour

10 autant que M. de La Brosse réponde par oui ou par non aux questions que je

11 lui poserai chaque fois que cela sera possible, je crois que je pourrai

12 couvrir l'ensemble de mes questions assez rapidement.

13 Donc, Monsieur de La Brosse, j'aimerais que nous partions du paragraphe

14 111 de votre rapport qui se trouve vers la fin. Je commence par-là, car

15 j'ai peur de ne pas pouvoir tout couvrir. En tout cas, ce paragraphe fait

16 partie du chapitre qui était intitulé d'abord "Impossibilité d'une

17 alternative politique démocratique". Après quoi, on nous a soumis un texte

18 modifié qui se lit désormais "Alternances politiques démocratiques

19 impossible". C'est bien cela, n'est-ce pas?

20 M. de La Brosse: Oui.

21 Question: Dans la première phrase de ce paragraphe, vous dites -je cite-:

22 "Le monopole de l'information dont jouissait la télévision d'Etat et dans

23 une moindre mesure la radio nationale, était gage pour Slobodan Milosevic

24 de royalties politiques inestimables". (Fin de citation). C'est bien ce

25 qui est écrit, n'est-ce pas?

Page 21267

1 Vous terminez en disant que cette suprématie des médias serait rentable et

2 source de revenus décuplés lors des élections. Et il est question des

3 élections de décembre 1992, c'est bien cela?

4 Réponse: Décembre 1990.

5 Question: Et de celles de décembre 1992. Ce le sera également pour celles

6 de décembre 1992, c'est écrit dans le texte, n'est-ce pas?

7 (Aucune réponse du témoin.)

8 Eh bien, les questions que j'ai à vous poser sont les suivantes. Lors de

9 l'interrogatoire principal vous avez, en réponse aux questions posées par

10 M. Nice, déclaré que vous étiez arrivé dans l'ex-Yougoslavie en 1994, que

11 vous étiez chargé d'une mission de journalisme et que, lors de la guerre

12 au Kosovo, vous avez également publié un article traitant de la

13 propagande. C'est bien cela?

14 Réponse: Oui, j'ai dit que j'ai dirigé en 1994 un ouvrage sur les médias

15 de la haine et que j'ai écrit un article sur l'impossible couverture

16 médiatique de la guerre du Kosovo.

17 Question: Je vais pour ma part, Monsieur de La Brosse, vous soumettre

18 uniquement un certain nombre de faits.

19 Donc vous avez travaillé pendant pas mal de temps en ex-Yougoslavie; et je

20 vous demande si, dans ces conditions, vous saviez comme un fait de

21 notoriété publique que les Albanais du Kosovo ne sont pas allés voter

22 pendant toute une décennie et qu'ils ont également refusé de le faire

23 -c'est une certitude- en 1990 et 1992? Est-ce que vous connaissiez ce

24 fait, à savoir que les Albanais n'allaient pas voter?

25 Réponse: Non.

Page 21268

1 Question: Vous n'aviez pas connaissance d'un fait aussi notoire, alors que

2 vous avez passé si longtemps dans cette région? Est-ce que vous pourriez

3 faire la comparaison entre la propagande dont vous traitez dans votre

4 rapport, et la propagande qui a été mise en oeuvre afin d'empêcher des

5 gens d'aller voter? Car il est un fait que pendant 10 années pleines, les

6 Albanais ne sont pas allés voter; et notamment ils ne l'ont pas fait en

7 1990 en 1992. Avez-vous entendu parler de cette propagande destinée à

8 obtenir que les Albanais ne participent pas à la vie parlementaire de la

9 Serbie?

10 Réponse: Une précision: j'ai commencé à travailler en 1994; j'ai fait une

11 étude comparative dans le cadre d'un ouvrage plus large sur l'utilisation

12 des médias à des fins de propagande et de diffusion de haine ethnique.

13 J'ai travaillé sur cet ouvrage de 1994 à 1995, puis j'ai publié un autre

14 article en 1996. Je n'ai jamais dit que j'ai passé de nombreuses années en

15 ex-Yougoslavie.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Manifestement je dois me presser, Monsieur

17 de La Brosse. Mais je vous pose cette question parce que, dans le

18 paragraphe 111 de votre rapport, il est écrit -d'ailleurs, c'est un titre-

19 que "l'alternance politique démocratique est impossible".

20 J'aimerais que nous parlions de 1992.Vous avez parlé de Milan Panic qui,

21 en 1992, était candidat contre un autre candidat, Slobodan Milosevic. Et

22 Slobodan Milosevic -même si 10 ans se sont écoulés-, je crois me souvenir

23 qu'il a obtenu quelques voix de plus que l'autre candidat.

24 M. Milosevic (interprétation): Seulement un million!

25 M. Tapuskovic (interprétation): Donc un million de plus. Mais la

Page 21269

1 différence est donc tout à fait notable. Savez-vous qu'en 1992, il y avait

2 déjà des fondations très solides et donc une réaction très notable de la

3 population? Etes-vous au courant de cela?

4 M. de La Brosse: Vous avez fait référence à deux élections: celle de

5 décembre 1990 et celle de décembre 1992.

6 J'aimerais revenir sur l'objet du paragraphe 111. Je fais ici référence à

7 la couverture médiatique des élections de décembre 1990, pendant

8 lesquelles l'opposition n'a pas eu un accès équitable aux médias

9 audiovisuels d'Etat. Je rappelle que la télévision est le principal média

10 d'information pour l'écrasante majorité du peuple serbe, donc il y a eu

11 inégalité, je me réfère à l'étude faite (traduction) "La télévision et les

12 élections en Serbie"…

13 Question: Monsieur de La Brosse, vous avez expliqué cela dans votre

14 rapport. Je ne vous demande pas de répéter ce qui est écrit. Vous avez

15 parlé de l'influence du pouvoir d'Etat sur les élections. Or vous n'êtes

16 pas au courant d'un fait tout à fait élémentaire, à savoir que les

17 Albanais ne sont pas allés voter lors des élections de 1990.

18 Ce qui m'intéresse est différent. Si les Albanais étaient allés voter aux

19 élections de 1992, est-ce que les autorités, et donc Slobodan Milosevic,

20 seraient restées au pouvoir? C'est cela qui m'intéresse, pouvez-vous

21 répondre à cette question, je vous prie?

22 M. de La Brosse: Vraisemblablement non.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Si les Albanais étaient allés voter, cela

24 aurait fait un million de voix à peu près, si on ajoute ces voix à celles

25 obtenues par Milan Panic, on comprend -c'est assez simple- que s'ils

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1 avaient voulu se battre au niveau parlementaire avec le nombre de voix

2 qu'ils représentaient, les résultats auraient été clairs, et Milosevic

3 n'aurait pas pu rester au pouvoir.

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic, passez à autre

5 chose, je vous prie.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais passer à autre chose, car je

7 suppose que la question dont nous venons de traiter est assez claire, vous

8 y réfléchirez et… Finalement, d'ailleurs, moi j'en ai terminé de ce

9 problème. Passons à autre chose.

10 Paragraphe 68, nous en avons parlé longuement, il s'agit de ce que vous

11 avez vous-même appelée "La paranoïa du complot". Vous dites que ce qui a

12 créé… ce qui a fondé le nationalisme serbe, c'était sa paranoïa. C'est

13 bien cela, n'est-ce pas?

14 M. de La Brosse: Oui.

15 Question: Ensuite, au paragraphe 69, vous évoquez Dobrica Cosic qui,

16 lorsqu'il était déjà Président de la République fédérale yougoslave -vous

17 citez ces mots, donc-: "il est question d'une guerre totale menée contre

18 notre peuple". Et vous finissez en parlant de l'influence des mass media.

19 Est-ce que vous pensez, lorsque vous dites "mass media", aux informations

20 mondiales?

21 Réponse: Vous pouvez me redonner le passage?

22 Question: C'est le paragraphe 69, dernière phrase juste avant le

23 paragraphe 70.

24 Réponse: Oui, je pense qu'il parle des médias internationaux.

25 Question: Oui. Et je vous demande maintenant de vous rapporter au

Page 21271

1 paragraphe 75… au début du paragraphe 75 où vous dites: "Quand elles

2 parviennent malgré tout à filtrer, certaines informations mettant

3 directement en cause la responsabilité de Serbes dans la perpétration

4 d'atrocités sont détournées. Le 27 mai 1992, 17 habitants de Sarajevo sont

5 tués et 150 blessés par un obus serbe au moment où ils faisaient la queue

6 pour acheter du pain. Les images de ce massacre ne seront montrées par la

7 RTS qu'accompagnées de la version officielle des Serbes, accusant le

8 gouvernement de Sarajevo de l'avoir organisé pour provoquer l'intervention

9 des Occidentaux." (Fin de citation.)

10 C'est bien cela qui est écrit, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, ce que je dis, c'est que la télévision serbe ne diffuse

12 qu'une version de l'événement.

13 Question: Vous ne savez pas que toute la Serbie a vu les images de cet

14 événement le jour-même et que les habitants de Serbie ont évidemment

15 regardé les images de la mort des civils avec effroi? Vous ne savez pas

16 cela?

17 Réponse: Je vous demande le temps de relire.

18 Donc, votre question?

19 Question: Je ne reviendrai pas sur cette question. Si vous ne l'avez pas

20 comprise, tant pis. Je dois me dépêcher.

21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me vois contraint d'évoquer

22 un certain nombre de questions qui ont été évoquées par M. de La Brosse et

23 qui auront une importance éventuelle dans la suite du procès sur la

24 Bosnie. Ces questions pourraient avoir une très grande importance pour

25 vous; en tout cas, c'est mon avis. Donc je demanderai au témoin de

Page 21272

1 répondre par "oui" ou "non" s'il connaît l'existence des agences "Notar

2 Hill" et "Ruder Fin" qui s'occupent de la publicité, puisque ce témoin

3 s'occupe de propagande. Il est ici à titre d'expert, n'est-ce pas?

4 Réponse: Vous faites allusion à une agence américaine dont il est

5 question…

6 Question: Oui.

7 Réponse: …le livre de M. Parenti?

8 Question: Non, je ne parle pas du livre de M. Parenti. Je vous demande si

9 vous saviez que ces deux agences, "Notar Hill" et "Ruder Fin", existaient

10 et que c'étaient des agences qui travaillaient pour la partie bosniaque et

11 la partie croate? Etes-vous au courant de cela? Veuillez répondre par oui

12 ou par non, je vous prie.

13 Réponse: Non.

14 M. Tapuskovic (interprétation): Et à la télévision française en 1993,

15 puisque vous vous occupez de propagande, avez-vous entendu la déclaration

16 de James Harf, dont je lirai que quelques phrases? Et je vous demanderai

17 de répondre par "oui" ou par "non".

18 Je cite: "Il ne nous appartient pas de vérifier la véracité des

19 informations. Nous ne sommes absolument pas compétents pour ce faire.

20 Notre tâche consiste à produire le plus rapidement possible des

21 informations utiles. Indépendamment de cela, les passés croate et

22 bosniaque ont été marqués par une forte tendance à l'antisémitisme. Dans

23 les camps de concentration croate, des dizaines de milliers de Juifs ont

24 trouvé la mort et tout semblait indiquer que les organisations

25 intellectuelles juives seraient hostiles aux Bosniaques et aux Croates.

Page 21273

1 Pour nous, c'était un défi de modifier la situation à la racine. Pour

2 nous, ceci a été un succès, un succès extraordinaire. Lorsque la partie

3 juive a pris le parti de l'organisation bosniaque, nous avons pu mettre

4 sur un pied d'égalité les Serbes…"

5 (Interruption du Président.)

6 M. le Président (interprétation): Non, non, Monsieur Tapuskovic.

7 M. Tapuskovic (interprétation): "Les Nazis…"

8 M. le Président (interprétation): A votre avis, quelle est la pertinence

9 de cette question, du point de vue du rôle que doit jouer un amicus

10 curiae? En quoi est-ce que cela peut aider la Chambre?

11 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

12 Juges, j'ai dit que j'allais donner des exemples concrets pour établir un

13 lien. Parce que M. de La Brosse a parlé de la rue Vase Miskin et de ce qui

14 s'est passé, et il a dit comment les choses avaient été appréciées en

15 Serbie. Donc ce seront des choses qui reviendront de façon récurrente, et

16 voilà la raison pour laquelle je pose cette question.

17 Il ne connaît rien de cette déclaration? Très bien. La réponse du témoin

18 me satisfait. Elle peut vous être utile, cela dit.

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous dites très simplement

20 qu'il y a eu manipulation de la propagande par les Bosniens et par les

21 Croates?

22 M. Tapuskovic (interprétation): Non. J'ai soumis un exemple à M. de La

23 Brosse. J'ai dit que Dobrica…. Car M. de La Brosse a déclaré que Dobrica

24 Cosic avait dit que les médias serbes avaient été utilisés pour diffuser

25 de fausses informations dans l'opinion serbe; c'est la raison pour

Page 21274

1 laquelle je pose la question que je pose.

2 M. le Président (interprétation): Est-ce vraiment un sujet qu'il

3 appartient aux amici de traiter? Est-ce que ce ne serait pas plutôt qu'il

4 aurait appartenu à M. Milosevic de traiter?

5 Oui, oui, vous avez la parole, Madame Uertz-Retzlaff.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je pourrais

7 vous apporter mon aide. Monsieur Milosevic a abordé ce genre d'argument

8 lorsqu'il a fait référence à l'ouvrage de Merlinot -dont il a cité assez

9 longuement un passage- et qui a dit exactement ce que M. Tapuskovic vient

10 de reprendre.

11 M. le Président (interprétation): Mais je croyais qu'il s'agissait d'une

12 citation de M. Harf.

13 Un instant, je vous prie. Nous allons consulter nos collègues.

14 (Les Juges se consultent sur le siège.)

15 Monsieur Tapuskovic, nous devons vous demander de passer à autre chose. Ce

16 sont des questions qui ont déjà évoquées par M. Milosevic. Nous

17 connaissons bien cette argumentation et cela ne nous sera d'aucune aide

18 d'entendre à nouveau les mêmes arguments. Et vraiment, le temps est

19 limité.

20 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je ne vais pas

21 revenir là-dessus, mais les trois événements dont le témoin traite dans

22 son rapport, je pense que je devrais les évoquer devant vous pour entendre

23 le commentaire du témoin.

24 Car il est vrai que, le 27 mai 1992, dans une file de gens qui faisaient

25 la queue pour se procurer du pain, 150 personnes ont été blessées et 17

Page 21275

1 personnes tuées. Ceci est vrai, n'est-ce pas, ce qui est écrit dans votre

2 rapport?

3 M. de La Brosse: Oui.

4 Question: Est-il exact que toutes les agences de presse mondiale ont

5 repris, à plusieurs reprises, cette information le jour même et le

6 lendemain?

7 Réponse: Le fait que les médias des agences internationales aient donné

8 des informations sur le massacre, aient fait état du massacre, oui.

9 Question: Est-il exact que ce jour-là, à Lisbonne, les pourparlers qui se

10 déroulaient au sujet de l'avenir constitutionnel, qui avaient commencé la

11 veille, ont été interrompus. L'ambassadeur portugais Cutilheiro a

12 interrompu la conférence ce jour-là; ceci est-il exact?

13 Réponse: De mémoire, oui.

14 M. Tapuskovic (interprétation): Est-il exact que, le 30 mai, le Conseil de

15 sécurité a adopté la Résolution 757, qui introduisait des sanctions contre

16 la Serbie et la République fédérale yougoslave, sans avoir vérifié la

17 véracité de ces faits?

18 M. le Président (interprétation): Mais à quoi cela sert-il, Monsieur

19 Tapuskovic? J'aimerais savoir quel est l'objet de cette question. Que

20 voulez-vous demander au témoin?

21 Monsieur Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, vous pourrez

22 vérifier la vérité au sujet de Racak, par exemple. Vous pourrez vous

23 prononcer sur le point de savoir ce qui s'est passé à Racak: est-ce que

24 des civils ont été assassinés à cet endroit ou ailleurs? Car, devant

25 l'opinion publique internationale, les informations diffusées ont consisté

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1 à dire qu'un crime avait été commis par les Serbes. Alors, M. de La Brosse

2 était là-bas. Est-ce qu'il a été établi que ces faits ont eu lieu ou est-

3 ce que des sanctions ont été imposées contre les Serbes sans vérification?

4 Voilà l'objet de ma question.

5 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous avons déjà entendu ces

6 arguments. Vous laissez entendre que les Bosniaques sont responsables; ce

7 témoin n'a pas à s'occuper de ce genre de question, il est ici pour

8 traiter du sujet de la propagande. Et nous avons entendu déjà tous ces

9 arguments de la bouche de l'accusé à plusieurs reprises.

10 Alors, en tant qu'amicus, vous n'êtes pas censé proposer une thèse au nom

11 de qui que ce soit. Je dois vous demander d'en finir.

12 Monsieur Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président...

13 M. le Président (interprétation): Je dois vous demander d'en finir dans

14 les dix minutes qui viennent, disons jusqu'à midi et quart.

15 Monsieur Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, j'en

16 terminerai puisque vous le souhaitez, mais je dois dire -avec le plus

17 grand sérieux qui soit- que je subis sans arrêt des contraintes de temps

18 ,et il m'est très difficile de remplir ma tâche en tant qu'amicus curiae

19 dans ces conditions. Je me demande vraiment si je suis utile pour la

20 Chambre de première instance dans ces conditions. Je ne peux pas

21 travailler sous la pression dans ces conditions. Je vous dirais également

22 -ce n'est peut-être pas le bon endroit ni le bon moment pour faire ce

23 genre de remarque- que je suis la personne la plus âgée dans ce prétoire;

24 je ne peux pas subir un stress permanent pour travailler. Donc je vous

25 demande de donner des instructions pour que cela cesse. Je ne peux pas

Page 21277

1 évoquer les questions que j'évoque et remplir mon rôle dans ces

2 conditions. Cela n'a rien à voir avec M. Milosevic, mais ce sont des

3 questions qui sont posées; il faut une décision des Juges. Et si je suis

4 superflu ici, je ne voudrais pas perdre mon temps.

5 M. le Président (interprétation): Passez au point suivant.

6 Monsieur Tapuskovic (interprétation): Nous savons ce qui s'est passé le 5

7 février 1994, l'incident de Markale: 68 morts au cours de cet incident. Ce

8 jour-là, la vérité est diffusée au sujet de Markale -je parle du premier

9 incident Markale- en 1986, il a été établi que c'est la partie musulmane

10 qui avait été l'auteur de cet acte en réalité.

11 M. le Président (interprétation): Nous ne pouvons pas nous occuper de ceci

12 ici, car ce témoin ne peut pas nous aider sur ce genre de sujet. Ce sont

13 des éléments qui auraient dû être abordés par M. Milosevic. Il ne sert à

14 rien de revenir là-dessus.

15 Monsieur Tapuskovic (interprétation): J'en terminerai rapidement.

16 Il a été dit que Cosic et l'Académie des sciences ont insisté sur le fait

17 qu'il y avait complot international. Monsieur de La Brosse a parlé de cela

18 et, s'agissant de moi, je tiens à dire qu'avant que quoi que ce soit ne

19 soit vérifié à l'encontre de tel ou tel Etat -je sais bien, Monsieur le

20 Président, Messieurs les Juges, que vous ne pouvez pas vérifier ce genre

21 de chose-, mais avant des vérifications qui auraient dû être faites à

22 l'époque, des sanctions ont été imposées à un Etat au niveau officiel.

23 Voilà les exemples que je voulais citer pour prouver ce genre de chose. A

24 trois reprises d'ailleurs; ceci s'est fait trois fois dans l'Histoire.

25 Lors de l'incident de Markale, il n'y a pas eu vérification avant

Page 21278

1 imposition des sanctions. Mais je ne vais pas m'appesantir là-dessus.

2 Monsieur de La Brosse, s'agissant de la propagande, vous vous souviendrez

3 que, eu égard au témoin Jeri Laber, une question relative à la propagande

4 lui a été posée parce que, en décembre 1992, les Serbes de Bosnie ont été

5 accusés d'avoir violé des femmes musulmanes. Ce sont les dirigeants

6 musulmans de Bosnie qui ont lancé ces accusations. Donc il y aurait eu

7 viol de 50.000 femmes musulmanes dans les camps où elles étaient détenues

8 en tant que prisonnières. Vous vous souvenez de cela?

9 M. de La Brosse: Vous faites référence à un témoin dans le cadre du

10 Tribunal?

11 Question: Je fais référence à une déposition, effectivement. Mais je vous

12 demande si vous êtes, vous, au courant de ce fait, de cette situation qui

13 est écrite noir sur blanc dans un document qui a été versé au dossier?

14 Réponse: Je n'ai pas eu accès à cette déposition.

15 Question: Est-ce que vous connaissez ce fait, oui ou non? Est-ce que vous

16 avez lu dans "Newsweek" qu'il a été dit que "30 à 50.000 viols ont été

17 perpétrés par des soldats serbes"? Etes-vous au courant du fait que ceci a

18 été affirmé avant la mise en oeuvre des sanctions?

19 Réponse: Je n'étais pas au courant, à l'époque. Je l'ai appris à travers

20 l'ouvrage de M. Parenti.

21 M. Tapuskovic (interprétation): Mais c'est l'un des arguments qui a servi

22 à imposer les sanctions contre la République fédérale yougoslave!

23 M. le Président (interprétation): Ceci n'a rien à voir avec la déposition

24 de ce témoin. La raison pour lesquelles les sanctions ont été imposées n'a

25 rien à voir.

Page 21279

1 M. Tapuskovic (interprétation): Ceci est exact. Mais, Monsieur de La

2 Brosse, savez-vous qu'il existait même un rapport du Conseil de l'Europe

3 qui faisait état du viol de 20.000 femmes musulmanes; et, après cela, le

4 CICR a fait savoir, par le biais de Philippe Miserez, qu'il n'existait

5 aucune preuve quant à l'existence de ces camps par le passé ou dans la

6 période actuelle? Dans ce rapport, il était stipulé que le plus grand

7 nombre de prisonniers de guerre détenus par l'une quelconque des parties

8 belligérantes a atteint 10.000 en 1992, et que les accusations en question

9 étaient exagérées. Etes-vous au courant de cela?

10 M. de La Brosse: Je l'ai appris dans le bouquin de M. Parenti.

11 M. Tapuskovic (interprétation): Puis-je aborder encore un autre sujet,

12 Monsieur le Président? Je ne suis pas sûr de pouvoir en terminer en trois

13 ou quatre minutes. Puis-je au moins commencer, à moins de renoncer à ce

14 troisième sujet?

15 M. le Président (interprétation): Oui, mais commencez tout de suite.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Au paragraphe 96 de votre rapport, vous

17 dites que "le gouvernement serbe, par le biais de la radio et de la

18 télévision serbe jouant sur la fibre nationaliste," comme il est écrit

19 dans le texte "réduit les frappes aériennes à un complot international

20 contre la Serbie". (Fin de citation). C'est ce qui est écrit dans le

21 rapport.

22 Plus loin, vous poursuivez en disant que: "Les dommages collatéraux les

23 plus infimes, dont la responsabilité doit être assumée par l'aviation

24 alliée, par les forces aériennes, sont exploités médiatiquement à

25 l'intention de l'extérieur comme de l'intérieur, pour accréditer l'idée

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1 qu'il s'agit bien d'une guerre menée contre la population civile". (Fin de

2 citation).

3 C'est bien ce qui est écrit dans votre rapport, n'est-ce pas?

4 M. de La Brosse: Je trouve, au paragraphe 96, le premier passage auquel

5 vous faites allusion. Mais je ne trouve pas le second.

6 M. Tapuskovic (interprétation): Il s'agit du paragraphe 97… Non, 98.

7 Milieu du paragraphe 98: "Le moindre dégât collatéral dont se rend

8 responsable l'aviation de l'Alliance est exploité médiatiquement, à

9 destination de l'extérieur comme de l'intérieur, pour tenter d'accréditer

10 l'idée qu'il s'agit bien d'une guerre menée contre la population civile".

11 (Fin de citation).

12 Je fais référence à l'endroit où il est dit que: "Le moindre avion

13 américain F117, lorsqu'il est descendu, constitue un événement qui est

14 ensuite exagéré et exploité".

15 M. le Président (interprétation): Quelle est votre question, Monsieur

16 Tapuskovic?

17 M. Tapuskovic (interprétation): Ma question porte sur le fait qu'il y

18 aurait eu exagération dès lors que des ponts ou des raffineries ou des

19 centrales électriques sont détruits. Donc on prend le moindre incident

20 existant, et on affirme ensuite que 500 à 2.000 personnes, par exemple,

21 ont été tuées. Ceci est-il exact? Le chiffre est-il minime?

22 M. de La Brosse: Vous faites allusion à quel chiffre?

23 M. Tapuskovic (interprétation): Sur l'incident dont il était question…

24 M. le Président (interprétation): Je vais revenir là-dessus.

25 Ce que le conseil déclare -et, en fait, ce serait l'argument d'un conseil

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1 de la défense- consiste à dire qu'il y a exagération, car il y a eu

2 dommages et il y a eu victimes du côté serbe. Est-ce que vous pourriez

3 rapidement répondre à cette question, Monsieur de La Brosse?

4 M. de La Brosse: Je cite l'exemple de l'avion furtif américain F117 dont

5 on ne sait pas très bien s'il a été abattu par la défense antiaérienne ou

6 victime d'une avarie technique, qui est présenté comme une action

7 victorieuse de l'armée serbe.

8 Je vous demande un peu de temps parce que je sens que le représentant des

9 amis de la Cour est stressé, mais moi aussi. C'est difficile de répondre

10 par "oui" ou "non" sans…

11 M. le Président (interprétation): Suspension. Suspension.

12 Monsieur Tapuskovic, il faut vraiment que vous arriviez au terme de vos

13 questions le plus rapidement possible, car le temps est compté. Et à mon

14 avis, tous les arguments que vous avez avancés sont des arguments d'un

15 conseil de la défense.

16 M. Tapuskovic (interprétation): Deux minutes, Monsieur le Président, et

17 j'en aurai terminé rapidement. Je renonce à toutes les autres questions.

18 Je voudrais simplement faire la clarté sur ce point car il n'est bien sûr

19 pas question de prolonger exagérément.

20 M. le Président (interprétation): Nous ne voulons pas que les gens soient

21 stressés, ici. Donc deux minutes encore de questions, voilà ce dont vous

22 disposez.

23 M. Tapuskovic (interprétation): Voilà ce que j'aimerais encore vous

24 demander, simplement, Monsieur de La Brosse: est-ce que le principe clé de

25 tout Etat démocratique est la liberté de la presse? Est-ce que toute

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1 maison d'édition, journalistique, est-ce que toute agence de presse a la

2 liberté de s'exprimer, même si elle diffuse des contrevérités? Est-ce que

3 c'est un principe qui vaut dans tous les Etats démocratiques du monde?

4 M. de La Brosse: Disons que la liberté de la presse est présentée comme la

5 pierre angulaire de la liberté dans une société démocratique.

6 M. Tapuskovic (interprétation): C'est ce que je crois savoir également. Je

7 vous pose deux questions. Eh bien, je vais vous poser deux questions.

8 Etes-vous au courant du fait qu'en Yougoslavie, le directeur de la

9 télévision a été condamné à dix ans de prison pour n'avoir pas fait

10 évacuer le bâtiment de la télévision lorsque le bâtiment a été bombardé?

11 Je ne reviens pas sur cette sanction juridique -il a été condamné à dix

12 ans- mais la question que je pose est la suivante: le symbole de la

13 démocratie, à savoir le bâtiment de la télévision dans un Etat déterminé,

14 qu'est-ce qui peut permettre à un autre Etat de bombarder ce bâtiment,

15 donc ce symbole de la démocratie, et de faire 17 morts parmi les civils,

16 lorsque la liberté de la presse est respectée, et si la liberté de la

17 presse est un principe fondamental?

18 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas à ce témoin qu'il

19 appartient de répondre à des questions de ce genre.

20 Madame Uertz-Retzlaff, dans les conditions dans lesquelles nous nous

21 trouvons, peut-être pourriez-vous renoncer aux questions supplémentaires

22 et peut-être pourrions-nous laisser se retirer ce témoin?

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'ai en fait

24 quelques éléments sur lesquels j'aimerais faire la clarté. Car il s'agit

25 d'articles que le témoin était censé lire: il s'agit de cette question des

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1 41 enfants tués, et une question au sujet de la méthodologie suivie par le

2 témoin.

3 M. le Président (interprétation): Très bien. Suspension. Pause. 20

4 minutes.

5 (L'audience, suspendue à 12 heures 17, est reprise à 12 heures 42.)

6 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la

7 parole.

8 (Interrogatoire supplémentaire principal du témoin, M. Renaud de la

9 Brosse, par Mme Uertz-Retzlaff.)

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci.

11 Monsieur de La Brosse, au cours du contre-interrogatoire, aussi bien

12 l'accusé que M. Tapuskovic vous ont soumis plusieurs événements et

13 plusieurs qualifications de personnalités, de groupes. Ils ont laissé

14 entendre que ces faits étaient exacts; ils ont contesté par là votre

15 conclusion, à savoir que c'était de la propagande.

16 Voici la question que je veux vous poser: une propagande efficace

17 consiste-t-elle simplement à répandre des mensonges, ou est-ce que le fait

18 de rapporter des faits peut être plus efficace qu'un outil de propagande,

19 en tant qu'outil de propagande?

20 M. de La Brosse: Le fait de rapporter des faits qui se révéleraient exacts

21 peut être aussi quelque chose de très effectif en terme de propagande.

22 Question: Durant le contre-interrogatoire, l'accusé a contesté la validité

23 de votre savoir-faire en mentionnant notamment votre méthode de travail,

24 et vous-même, vous vous êtes penché sur certaines limites, à savoir que

25 vous ne connaissez pas le serbe et que vous ne connaissez pas

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1 nécessairement des faits historiques. A cet égard, vous avez précisé que

2 ceci ne vous avait pas permis d'aborder toutes les facettes de cette

3 propagande à l'oeuvre, et que vous n'avez pas été en mesure de

4 reconstituer la portée complète de cette propagande.

5 Le fait que vous n'avez pas pu aborder toutes les facettes de la

6 problématique, est-ce que ceci milite en la faveur de l'accusé, ou est-ce

7 que ceci serait plutôt à son désavantage, toutes ces limites que vous avez

8 évoquées?

9 Réponse: Je pense que ce serait plutôt en son désavantage.

10 Question: Dans quel sens, de quelle façon?

11 Réponse: Par le corpus même utilisé. Comme je l'ai dit, on s'est limités à

12 étudier de façon exhaustive un certain nombre de journaux comme

13 "Politika". Le matériel qui a essentiellement servi à l'analyse de la

14 couverture télévisuelle concerne le journal, le principal journal de la

15 télévision serbe. Il y a -comme je le disais, je crois, lundi- quantité

16 d'autres domaines qui sont utilisés pour véhiculer de la propagande qui

17 n'ont pas été étudiés.

18 Question: Monsieur de La Brosse, en fait, je pensais à la connaissance du

19 serbe en tant que langue et à l'absence de connaissance de données

20 historiques. Ceci vous a empêché de voir toutes les facettes de la

21 propagande. Est-ce que ceci serait un désavantage pour l'accusé ou est-ce

22 que ce serait plutôt en sa faveur?

23 Réponse: Le fait que je ne connaisse pas la langue serbe, que je ne

24 connaisse pas… que j'aie des notions d'histoire –mais, je le répète, je ne

25 suis pas un historien- a fait que je n'ai pas pu étudier l'utilisation qui

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1 a pu être faite de certains symboles, de certains emblèmes, c'est donc une

2 limite à l'étude de cette propagande.

3 Question: Si j'ai bien compris, vous avez lu les articles qui vous ont été

4 remis par l'accusé; et vous avez déjà fait état du fait qu'il vous était

5 difficile d'apporter un commentaire à ces articles et que vous aviez même

6 constaté qu'ils étaient inexacts. Je pense ici à un article en Suisse.

7 Messieurs les Juges, il faut que tout le monde ici présent dans le

8 prétoire le sache: la source de ce document est en fait un document fourni

9 par Momcilo Krajisnik à l'ambassade américaine, le 14 avril 1997, à Pale.

10 Monsieur Milosevic ne le savait pas; je pense qu'il est utile qu'il le

11 sache.

12 J'aimerais présenter autre chose au témoin. Nous avons essayé de trouver

13 les articles à l'origine de tout ceci. J'aimerais présenter à M. de La

14 Brosse un autre exemple des articles utilisés comme base. Une fois de

15 plus, c'est un article en allemand; c'est ce qui était le plus facile à

16 faire pendant le week-end. J'ai fourni l'article en allemand publié par M.

17 Tumann dans le journal "Die Zeit"; et un de nos collègues allemands a

18 trouvé une citation qui est surlignée, mise en exergue dans cet article,

19 et l'a traduite. Ce n'était pas moi cette personnalité allemande.

20 Monsieur Milosevic a lu une partie de ce document et a dit que, sur les

21 30.000 Serbes qui vivaient à Mostar, il n'y en a plus que 400. En fait, on

22 fait référence à autre chose: on dit qu'en 1992 et en 1993 les Serbes ont

23 expulsé plus de 50.000 Musulmans et de Croates de la zone de Prijedor, et

24 qu'en même temps, à Mostar, ils vivaient quelque 30.000 Serbes et qu'il

25 n'en vit plus que 400 aujourd'hui.

Page 21286

1 Monsieur Milosevic a fait une autre citation concernant des réfugiés en

2 Serbie. Et la citation complète est celle-ci: "En Croatie aujourd'hui,

3 vivent 515.000 réfugiés qui ont été victimes du nettoyage ethnique. Mais

4 il y a aussi des Serbes qui ont accueilli 405.000 réfugiés, victimes eux

5 aussi du nettoyage ethnique". Les deux choses sont vraies.

6 Monsieur Milosevic a fait une autre citation: elle concernait les

7 journalistes à la recherche de guerre. Là, on fait référence à un

8 contentieux qui a surgi dans les médias, et on commence par un reproche

9 concernant le révisionnisme. C'est alors que suit la citation donnée.

10 Est-ce que vous, personnellement, vous avez trouvé cet article, ou du

11 moins un article analogue où sont citées des choses inexactes, au niveau

12 des exemples fournis?

13 Réponse: Disons que j'ai été gêné concernant la nature et le statut des

14 extraits de journaux qu'on m'a demandé de commenter. J'ai fait la

15 recherche pour un article, je ne l'ai pas faite pour les autres; donc je

16 ne pourrai pas répondre par l'affirmatif.

17 Question: Avez-vous effectué une recherche à propos de Alfred Sherman, qui

18 a été cité aussi dans ce tas de documents? Il est fait référence au fait

19 que les Allemands voulaient contrôler le bassin du Danube dans les

20 Balkans. Saviez-vous qu'au cours de l'été 1993, Alfred Sherman résidait à

21 Pale, près de chez Radovan Karadzic, et était en fait son conseiller?

22 Réponse: Non, je ne le savais pas.

23 Question: Je crois que ceci suffit, Messieurs les Juges. Je pourrais vous

24 fournir d'autres exemples, mais ceux-ci suffisent à mon avis. Je voudrais

25 uniquement me pencher sur la question des 41 enfants qui auraient été tués

Page 21287

1 à Vukovar.

2 Au paragraphe 5 de votre rapport, Monsieur de La Brosse, vous apportez un

3 commentaire sur la totalité de cet épisode en fournissant des détails. Je

4 vous renvoie à ce paragraphe. Dans ce contexte, l'accusé a parlé du

5 démenti apporté à la télévision serbe. Et, à la note de bas de page 13,

6 vous citez d'ailleurs ce démenti.

7 Je veux simplement attirer votre attention sur la phrase suivante: "A

8 supposer que ce reportage n'ait pas été exact, il n'est plus possible de

9 dire s'il était exact ou pas, aujourd'hui, car nous n'avons pas de preuve

10 convaincante et il est toujours facile d'apporter des excuses". Et ainsi

11 de suite. (Fin de citation.)

12 Est-ce que cela est un démenti clair montrant que l'événement ne s'est pas

13 produit, ou est-ce qu'il y a plutôt un message sous-jacent qui va dans le

14 sens opposé? Pourriez-vous lire cette phrase?

15 Je ne sais pas si vous l'avez trouvée, il s'agit de la note de bas de page

16 13.

17 Réponse: Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais -dans

18 l'extrait télévisé que je cite en note de bas de page 13- le journaliste

19 précise

20 (Interprétation de l'anglais): "A supposer que cette nouvelle n'ait pas

21 été authentique, mais il n'est pas possible maintenant de dire si c'était

22 authentique ou pas". (Fin de citation.)

23 (Sans interprétation): La nouvelle a été démentie par l'agence Reuters.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien. Je n'ai pas d'autres questions

25 à poser.

Page 21288

1 M. le Président (interprétation): Nous allons revenir à ce rapport.

2 Oui, Monsieur Milosevic?

3 M. Milosevic (interprétation): J'avais une objection à formuler, comme je

4 vous l'ai annoncé tout à l'heure.

5 En effet, vous avez précisé que vous ne pouviez pas accepter la centaine

6 de pages que j'avais fournie la journée précédente, parce que les textes

7 n'étaient pas complets. Textes où, dans ces 100 pages, il a été fait des

8 références. Le témoin a expliqué, lui, qu'il a voulu un texte sur tous les

9 textes cités au niveau des 100 pages. Or j'ai deux objections à formuler.

10 D'abord, la centaine de pages m'a été communiquée par la partie adverse;

11 ce n'est pas moi qui l'ai dénichée quelque part, mais j'ai fait des

12 références aux documents, sur 100 pages présentées par la partie adverse.

13 Si vous rejetez ces documents-là, cela signifie que la partie adverse me

14 fournit des papiers inadmissibles. C'est une question qui devrait alors

15 être clarifiée, et il faudra qu'on m'explique pourquoi la partie adverse

16 le fait.

17 Le deuxième argument qui va en faveur de ce que je veux exposer ici, ce

18 sont les citations présentées par le témoin, avancées dans sa soi-disant

19 expertise, qui sont incomplètes. Et, dans bon nombre de cas, il y a des

20 parties, des phrases arrachées de leur contexte. On se réfère à cette

21 presse qui manque de conscience…

22 M. le Président (interprétation): Gagnons du temps. Nous allons déterminer

23 le statut qu'il faut donner à ces documents. Dans l'intervalle, je pense

24 que le témoin devrait pouvoir se retirer; inutile qu'il reste pour ce

25 genre de discussion.

Page 21289

1 Monsieur de La Brosse, nous vous remercions d'être revenu à ce Tribunal

2 pour terminer votre déposition. Votre déposition est désormais terminée,

3 vous pouvez disposer.

4 M. de La Brosse: Merci.

5 M. le Président (interprétation): Nous allons voir quel poids donner à ces

6 documents.

7 (Le témoin, M. Renaud de La Brosse, est reconduit hors du prétoire.)

8 (Questions relatives à la procédure.)

9 (Les Juges se concertent sur le siège.)

10 M. le Président (interprétation): Seront versés au dossier les différents

11 articles, les sept premiers éléments du sommaire que j'ai sous les yeux;

12 autant de documents qui seront versés au dossier. Ce ne sont pas des

13 moyens de preuve en tant que tels, mais puisque le témoin a parlé de ce

14 que disait la presse à partir des mêmes principes, ces documents sont

15 déclarés recevables.

16 N'est pas déclaré recevable l'ouvrage de Michaël Parenti. Nous n'avons pas

17 pour pratique ici… Nous l'avons dit très clairement au cours de ce procès:

18 nous n'avons pas pour pratique de verser au dossier de tels ouvrages. Par

19 conséquent, les documents 1 à 7 sont reversés au dossier, le livre ne

20 l'est pas. Mais il faudrait une cote.

21 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de la défense 141.

22 M. le Président (interprétation): Oui?

23 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Permettez-moi de soulever rapidement

24 deux questions d'ordre administratif. Je pense que tout le monde doit être

25 informé afin de ne pas faire de préparatifs inutiles.

Page 21290

1 Première chose: à la lumière de la décision rendue récemment concernant M.

2 le Professeur Kristan, le témoin ne va pas comparaître cette semaine et

3 nous allons voir s'il faut le citer comme témoin ou pas.

4 Pour ce qui est de l'ordre de comparution des témoins, nous aimerions

5 apporter une modification concernant le témoin 47 et le témoin B-1775:

6 puisqu'il y a modification de l'ordonnance portant calendrier, il y a des

7 dispositions d'ordre pratique aussi en matière de déplacement de témoins.

8 Nous allons demander que comparaisse le témoin 1775 avant le témoin 47; ce

9 dernier va donc, d'après nos estimations, témoigner lundi prochain.

10 M. le Président (interprétation): Je ne sais plus qui vous avez décidé de

11 ne pas citer; cela a été annoncé la semaine dernière, mais je ne m'en

12 souviens plus. Je vais vous demander de nous communiquer le numéro donné à

13 ce témoin et son pseudonyme.

14 Merci. Je remercie la Greffière qui a toutes les données, comme

15 d'habitude. Je sais de quoi il s'agit.

16 Autre chose qu'il nous faut examiner: il y a plusieurs questions découlant

17 de l'Article 92bis. J'essaie d'ordonner mes documents avant de poursuivre.

18 Il s'agissait des témoins B-1455, 1725 ainsi que de Osman Selak.

19 S'agissant des deux premiers témoins, leurs témoignages sont cumulatifs

20 dans la mesure où ils parlent de la prise de pouvoir à Zvornik. Par

21 conséquent, ils peuvent être considérés comme recevables en puissance, en

22 vertu du 92bis, avec contre-interrogatoire.

23 Une chose nous inquiète: le fait que ces déclarations arrivent tardivement

24 et nécessitent une modification de l'Article du Règlement. Ce n'est pas là

25 quelque chose que nous aimerions encourager. Pourriez-vous nous aider sur

Page 21291

1 ce point?

2 M. Groome (interprétation): Il s'agit de témoins qui, au départ, devaient

3 témoigner à l'audience de viva voce, et l'accusation a voulu accélérer la

4 comparution. Et en tant que de besoin et là où c'est possible, nous

5 essayons de faire appliquer l'Article 92bis pour ce type de témoins. Nous

6 avons entrepris tous les efforts possibles pour présenter tous les

7 documents et nous essayons de respecter les délais pour ce qui est des

8 témoins qui viendront à l'audience et ceux qui seront en application du

9 92bis. Vu les conditions particulières qui se sont présentées, nous avons

10 fait l'impossible pour accélérer les choses, mais certains retards sont

11 inévitables.

12 M. le Président (interprétation): Avez-vous eu l'occasion, Monsieur

13 Groome, de prendre connaissance des objections soulevées par les amis de

14 la Chambre? Je ne pense pas que ce soit le cas en ce qui concerne M. Osman

15 Selak?

16 M. Groome (interprétation): Si, Monsieur le Président. L'accusation va se

17 baser sur moins de la moitié du compte rendu d'audience, ce qui représente

18 moins de 400 pages.

19 Par souci d'équité, l'accusation estimait qu'il fallait présenter la

20 totalité du compte rendu d'audience y compris le contre-interrogatoire, et

21 pas seulement l'interrogatoire principal. or, c'est sur sa dernière partie

22 que nous allons nous baser. Nous estimons que, même s'il fallait prendre

23 la totalité de cette déposition de viva voce, l'accusé devrait quand même

24 lire ces 400 pages de compte rendu d'audience.

25 L'accusation n'a pas d'avis particulier quant au temps qu'il faudrait

Page 21292

1 impartir à l'accusé. C'est la Chambre qui doit déterminer la durée

2 raisonnable de ce contre-interrogatoire de M. Selak. Mais, pour gagner du

3 temps, il semblait tout à fait adéquat de fournir cette déposition

4 antérieure en application du 92bis-D).

5 M. le Président (interprétation): Les amis de la Chambre évoquent

6 notamment un argument relatif aux moyens de preuve parlant des rapports

7 existant entre les parties militaire et politique du gouvernement. Et, de

8 l'avis des amis de la Chambre, c'est quelque chose d'absolument essentiel

9 pour présenter la position de l'accusé à l'époque. Est-ce que ceci va être

10 présenté à l'audience?

11 M. Groome (interprétation): Une toute petite partie uniquement. Mais nous

12 allons, là aussi, nous baser sur la déposition antérieure. Ne serait-ce

13 que pour gagner du temps, nous ne nous opposons pas que des questions

14 soient posées de nature à guider le témoin dans sa déposition, si les

15 Juges le décident.

16 M. le Président (interprétation): Quelles seraient les parties de sa

17 déposition que nous allons entendre à l'audience, d'après vous? Nous

18 pourrons ainsi mieux préciser notre position.

19 M. Groome (interprétation): Précisément cette partie qui porte sur ce

20 rapport essentiel ainsi que d'autres documents pertinents pour la Chambre,

21 notamment des éléments qui viennent de l'affaire Brdjanin. Si cette

22 déposition faite antérieurement est acceptée en vertu du paragraphe D de

23 l'Article 92bis, la partie de l'interrogatoire principal qui sera entendue

24 à l'audience, prendrait moins d'une heure.

25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

Page 21293

1 Monsieur Kay, vous venez d'entendre la suggestion qui est faite à

2 l'encontre de M. Selak. Nous pourrions d'abord l'avoir et tout ce qui

3 concernerait les actes et le comportement de l'accusé, du moins

4 apparemment, serait entendu directement à l'audience.

5 M. Kay (interprétation): S'agissant de la façon dont on entend présenter

6 la déposition de ce témoin, il se présente un problème, et c'est le

7 suivant: c'est que la totalité de sa déposition antérieure fait quelque

8 800 pages. Si on parcourt ces pages, il est difficile de se faire une idée

9 claire de tous les détails que comporte sa déposition. Il est bien

10 possible de comprendre les aspects généraux, les généralités. Mais ce qui

11 me préoccupe personnellement, c'est que ceci pourrait en fait ouvrir la

12 voie à d'autres problèmes qui surgiront dans ce procès. Si l'accusé n'a

13 pas abordé quelque chose qui se trouvait dans ces pages, un élément qui

14 serait ou deviendrait crucial pour le Bureau du Procureur à un stade

15 ultérieur de la procédure, si la déposition de ce témoin ne se faisait pas

16 selon les modalités du 92bis, mais plutôt de façon simple et concise, ce

17 qui permettrait à l'accusé de connaître la nature des charges portées

18 contre lui; à mon avis, l'objectif déclaré de l'accusation pourrait être

19 tout à fait réalisé et permettrait qu'on ne s'enlise dans des détails. Ce

20 qui serait le cas si on s'appuyait sur le compte rendu d'audience.

21 Il est difficile de maîtriser la totalité de ces détails, surtout dans ce

22 procès-ci, car cette déposition concerne le procès intenté contre le

23 général Talic. Nous faisons preuve de prudence ici car, à première vue, on

24 a l'impression que c'est la totalité du compte rendu d'audience qui est

25 produit, même si on l'a divisé de moitié; on l'a ramené à 400 pages.

Page 21294

1 En fin de compte, on n'aura pas vraiment gagné beaucoup de temps si on

2 agit de la sorte et si on n'a pas abordé ces questions de façon précise,

3 de vive voix ici à l'audience devant vous, Messieurs les Juges.

4 M. le Président (interprétation): N'est-ce pas le Bureau du Procureur qui

5 doit trancher cette question? En fait, tous les éléments de preuve

6 risquent d'être répétés. La seule chose qu'on gagne avec le compte rendu

7 d'audience, c'est qu'il y a une déposition qui a été faite à l'audience

8 auparavant; si on ne fait que répéter tout ceci, cela reviendra au même.

9 Donc c'est une question qui doit être déterminée par le Bureau du

10 Procureur, c'est le Bureau du Procureur qui détermine de quelle façon il

11 va présenter sa thèse, pas vous.

12 M. Kay (interprétation): Mais si, cela nous revient aussi, parce qu'il

13 faut que la partie adverse soit en mesure de comprendre les problèmes qui

14 sont évoqués ici. C'est une question d'équité des débats et, à notre

15 humble avis, c'est important aussi pour les Juges. Examinez ce compte

16 rendu d'audience: les moyens de preuve, les questions, constituent de

17 véritables méandres, et il est difficile de s'y retrouver dans tous ces

18 méandres.

19 Je vous exhorte, Messieurs les Juges, pour autant que vous n'ayez pas

20 encore pu le faire, à consacrer un peu de temps à l'examen du compte rendu

21 d'audience; ne serait-ce que pour voir s'il est facile de comprendre.

22 M. le Président (interprétation): Dans un monde parfait, il est certain

23 que tous les moyens de preuve pourraient être entendus selon les modalités

24 que vous recommandez à l'audience, en se concentrant uniquement sur les

25 questions posées. Mais le problème que nous connaissons dans ce Tribunal,

Page 21295

1 c'est la durée de ces procès dont nous connaissons. Je sais que vous n'en

2 n'êtes pas responsable, que ce n'est pas non plus l'accusé qui en est

3 responsable. En fait, c'est la responsabilité du Bureau du Procureur qui

4 doit se débrouiller et doit essayer de régler ce problème. Mais,

5 parallèlement, le Tribunal doit faire quelque chose pour veiller à ce que

6 les moyens soient présentés avec diligence et équité.

7 Cet Article du Règlement nous le permet, c'est là une des façons

8 possibles. Cet homme a déjà déposé deux fois, il a déjà subi un

9 interrogatoire principal. Avec ces modalités, il est possible de ne pas

10 tout recommencer à partir du départ, tout en veillant à ce qu'il y ait un

11 procès équitable, c'est pour ça qu'on prévoit un contre-interrogatoire

12 mené par l'accusé.

13 Ces procès sont très complexes, sont très longs, il faut donc penser un

14 peu différemment, il faut essayer d'innover, il faut s'écarter du vieux

15 modèle de la common law, en veillant au maintien de l'équité bien entendu.

16 M. Kay (interprétation): Je n'en disconviens pas. Nous sommes ici dans un

17 Tribunal international qui applique des moyens d'administration de la

18 preuve reconnue internationalement. Ce que je dis, c'est que si le monde

19 était parfait, les questions posées au départ auraient été claires quant

20 au sens qu'elles suivaient. Les problématiques devraient être

21 compréhensibles. Mais il y a un amassement de détails; on répète des

22 questions avec une légère évolution d'une étape à l'autre, on ajoute à

23 chaque fois quelque chose de plus et on se fonde sur divers documents.

24 Tout ceci fait qu'il n'est pas facile de comprendre ce qui est présenté

25 comme arguments et comme moyens de preuve. C'est bien cela qui me

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1 préoccupe au nom du présent accusé.

2 Je comprends ce que dit la Chambre de première instance à propos de la

3 nature de ces procès, de leur durée. Cependant, je pense qu'on peut

4 améliorer ces procédures si les questions posées sont claires, concises,

5 et nous font aborder les problèmes au coeur même de ces problématiques. Et

6 tout ceci ne doit pas nécessairement durer énormément de temps.

7 Mais, rappelez-vous, la démarche adoptée à propos de cette argumentation.

8 Je sais que l'accusation est limitée s'agissant du temps dont elle

9 dispose, mais vous avez maintenant 800 pages, et l'accusation nous demande

10 d'accepter tout ceci, de verser tout ceci au dossier et d'accepter les

11 descriptions générales qui sont faites tout au long de ces pages.

12 Je pense qu'il aurait été bien plus utile d'examiner ce document, du moins

13 d'en examiner certaines pages, certains passages -et cela peut représenter

14 10 pages ici, 5 là. On aurait peut-être pu apporter des annotations en

15 marge et dire: "Voilà, c'était la problématique évoquée dans ce

16 témoignage-là par ce témoin-là, et c'est synthétisé de cette façon-ci

17 comme étant une question intervenant dans la problématique de la structure

18 et de la responsabilité du supérieur hiérarchique". Mais ce n'est pas ce

19 qui s'est passé. Et excusez-moi d'insister, car nous devons voir ce qu'on

20 essaye d'obtenir par les moyens qui nous sont soumis. C'est là que la

21 clarté est utile, non seulement pour l'accusé, mais aussi pour les Juges

22 de la Chambre de première instance.

23 Si l'on retient cette pratique où l'on invoque tel ou tel Article du

24 Règlement pour produire des masses de documents censés aider, et si c'est

25 censé écourter le temps pris pour l'administration de la preuve, on pense

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1 que ceci va poser d'énormes problèmes pour essayer de bien circonscrire

2 les questions se posant dans ce procès car on va perdre en fait ce sens,

3 cette direction.

4 Voilà ce que je voulais avancer pour ce qui est du compte rendu d'audience

5 du témoin Selak. Je ne sais pas si je peux vous aider davantage.

6 M. le Président (interprétation): S'agissant des deux autres témoins?

7 M. Kay (interprétation): Je vais d'abord aborder le cas du témoin 1455. La

8 base factuelle des infractions est cumulative; c'est Zvornik et non pas

9 les actes et le comportement de l'accusé. Je vais paraphraser de la façon

10 suivante; c'est possible de le faire car nous connaissons bien ce domaine.

11 J'ajouterai uniquement ce point-ci: c'est que, ici, on aborde le village

12 de Drinjaca, un village particulier. Je ne pense pas que nous ayons déjà

13 entendu des témoins à propos de ce village à ce jour. On pourrait dire

14 que, là, c'est quelque chose de neuf puisque le témoignage concerne un

15 nouveau lieu.

16 M. Robinson (interprétation): Vous dites que, là, ceci présente l'aspect

17 cumulatif?

18 M. Kay (interprétation): On parle d'un nouveau village qui n'a pas encore

19 été évoqué, on pourrait donc arguer du fait que c'est là quelque chose de

20 différent, que ce n'est pas cumulatif puisque ce lieu n'a pas été encore

21 mentionné. Mais dans le contexte de Zvornik, dans sa totalité, là, les

22 choses sont quelque peu différentes.

23 Je soulevais quand même cette question pour vous, Messieurs les Juges. Je

24 suis conscient du fait que, dans le volet croate du procès, nous avons

25 examiné cette question. Et vous avez été saisis d'une requête en

Page 21298

1 application du 92bis, où il y avait cumul d'événements par rapport à la

2 déposition de M. Babic. La Chambre a accepté cette déposition à partir du

3 caractère général du domaine, la Chambre ne s'est pas penchée sur des

4 villages isolés en particulier.

5 J'avais rédigé quelque chose pour vous, Messieurs les Juges, pendant ce

6 week-end. Et là, je n'ai pas eu le temps de faire imprimer tout ceci, mais

7 je vérifie si j'avais bien tous les arguments. Non, ceci suffit pour ce

8 qui est du témoin 1455.

9 En ce qui concerne le témoin 1775, j'ai eu le temps aujourd'hui d'examiner

10 la question. On se trouve là, de nouveau, à Zvornik pour ces infractions.

11 C'est cumulatif par rapport aux événements s'étant déroulés à Zvornik

12 même, ceci ne concerne pas les actes et le comportement, la conduite de

13 l'accusé.

14 Ici, on parle de l'inhumation massive de personnes de la région. Jusqu'à

15 présent, personne n'est venu nous parler de cela. Nous avons bien eu des

16 médecins légistes, mais je crois ne pas me tromper en disant que, jusqu'à

17 présent, aucun témoin n'est venu nous parler de façon précise du transport

18 de cadavres d'un lieu à un autre et de l'inhumation de ces cadavres. Ce

19 témoin évoque un fait important puisqu'il fait état d'un médecin légiste

20 de Belgrade. Ce qu'il dit à ce propos, la pertinence que ceci peut avoir

21 est dans le fait que c'est en dehors de la Bosnie-Herzégovine.

22 Manifestement, ceci est important s'agissant des charges portées contre

23 cet accusé.

24 Je suppose que la Chambre va autoriser le contre-interrogatoire de ce

25 témoin, si l'on s'inspire de décisions déjà rendues.

Page 21299

1 En dehors de ce qui s'est passé à Zvornik, la Chambre, dans l'exercice de

2 son pouvoir discrétionnaire, va peut-être vouloir entendre, dans le

3 prétoire, la façon dont on s'est débarrassé de ces corps à divers endroits

4 et de la façon dont on les a transportés. C'est là quelque chose

5 d'important, quelque chose de particulier, dans le contexte de la

6 déposition de ce témoin.

7 Puis-je vous aider, Messieurs les Juges, pour autre chose?

8 M. le Président (interprétation): Non, merci.

9 Oui, Monsieur Milosevic?

10 M. Milosevic (interprétation): S'agissant du témoin Selak et de la

11 proposition faite par la partie adverse de faire verser au dossier 800

12 pages de comptes rendus d'audience, la question qui se pose en réalité est

13 de savoir si ce qui est dit ici devant l'opinion publique doit être dit

14 clairement ou ne doit pas être dit clairement.

15 Si je comprends bien, la partie d'en face estime que ces choses doivent

16 être présentées au public d'une façon peu claire. Si je comprends bien,

17 elle estime qu'il faut dire les choses d'une façon si confuse qu'il soit,

18 en fait, impossible de comprendre de quoi il s'agit; des procès-verbaux

19 d'audience dans un autre procès qui n'ont rien à voir avec le pouvoir en

20 Serbie ou avec moi en personne, pas plus d'ailleurs qu'avec l'angle sous

21 lequel il importe d'étudier ces événements. Et, de la sorte, il devient

22 impossible de comprendre de quoi il est question.

23 Ce qu'on propose, c'est le contenu d'un contre-interrogatoire qui est -je

24 pense qu'il est permis de le dire- d'une valeur tout à fait douteuse; pas

25 seulement parce que je serais en droit, par exemple, de prétendre que ce

Page 21300

1 contre-interrogatoire a été mené d'une façon tout à fait incompétente. Je

2 n'ai aucune intention de porter un jugement sur les compétences ou les

3 capacités de telle ou telle personne; ça, je tiens à ne pas le faire.

4 Mais si on parle ici d'un procès, c'est-à-dire d'un événement central, et

5 du comportement de tel ou tel individu, eh bien, on constate que les

6 questions posées, de façon générale, ne sont pas bien centrées, qu'elles

7 ne sont pas centrées sur les événements qui se sont déroulés en Bosnie et

8 sur le contexte dans lequel se situent ces événements, c'est-à-dire les

9 circonstances qui doivent être considérées rationnellement, avec honnêteté

10 et raison, de façon à ce que la clarté puisse être faite sur la réalité de

11 ces événements.

12 Parce que nous sommes ici dans des procès individuels, et le compte rendu

13 d'audience de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire vont

14 sans doute être versés au dossier sans que… -comment est-ce que je

15 pourrais dire les choses?- sans que la moindre possibilité existe

16 physiquement pour quiconque de se pencher sur le contenu de ces documents

17 avant la comparution du témoin.

18 Par conséquent, j'estime que cette option a pour but de supprimer la

19 clarté et la possibilité de compréhension de l'ensemble de l'affaire.

20 Quand je dis "affaire", je parle du sujet qui sera abordé par le témoin

21 dans sa déposition. Et à mon avis, ceci est tout à fait contraire aux

22 principes fondamentaux du comportement requis dans un tribunal où que ce

23 soit dans le monde. Et quand je parle de tribunal, je parle de tribunal

24 légal, bien entendu.

25 Quant à ces deux autres personnes dont il a été question, M. Kay a déjà

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1 indiqué que le témoin 1455 n'allait pas aborder des faits nouveaux et que

2 le témoins 1725 ou 1755 -je ne me souviens plus exactement du numéro

3 exact- ne le fera pas non plus.

4 Je n'ai pas noté les numéros de ces témoins, donc vous pourrez vérifier.

5 En tout cas, il est question de verser au verser au dossier leurs

6 témoignages écrits pour accélérer les débats dans le procès où nous nous

7 trouvons, et ce, sans les vérifications et explications nécessaires; alors

8 que ces explications sont indispensables si ces témoignages doivent

9 réellement être compris. Il faudrait qu'ils soient entendus oralement pour

10 que l'on puisse porter un jugement sur le fond s'agissant de la qualité de

11 la personne qui témoigne.

12 Par conséquent, je pense que nous allons en fait, de cette façon,

13 enfreindre des principes fondamentaux et des principes généraux. Et je

14 m'exprime tout à fait catégoriquement: je nie la valeur de cette

15 application de l'Article 92bis. Comme M. Kay l'a déjà dit, de nouveaux

16 faits sont mis en lumière. Il ne s'agit pas de témoins cumulatifs ou de

17 témoignages cumulatifs; et je pense que si Selak avait arguments

18 suffisants, il pourrait m'aider à prouver la véracité de ma thèse.

19 Maintenant, s'agissant de cumulatif ou de non cumulatif, là encore, c'est

20 un concept relatif, parce que qu'est-ce qui est cumulatif aux yeux de qui?

21 Vous accusez la Serbie et la République fédérale de Yougoslavie ici, et

22 moi personnellement, s'agissant de la guerre en Bosnie-Herzégovine et en

23 Croatie. Donc de ce point de vue, tous les témoignages sont cumulatifs. Et

24 parce qu'aucun d'entre eux n'a eu de contact direct ou de lien avec moi ou

25 avec les autorités de Serbie, ils tombent sous votre Règlement; et les

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1 questions que vous souhaitez poser au témoin sont une façon de prétendre

2 traiter un procès individuel, alors que l'on veut prouver la réalité de

3 quelque chose qui n'a pas existé.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

5 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, brièvement, c'est le

6 désir de l'accusation et mon intention de présenter les éléments de preuve

7 aussi clairement que possible, aussi bien sous forme écrite qu'autrement,

8 et cela a été le cas dans les autres procès et dans celui-ci également.

9 S'agissant des insuffisances de ceux qui ont mené les contre-

10 interrogatoires précédemment, l'accusation -comme je l'ai déjà dit- ne

11 s'oppose pas à ce que l'accusé ait toute possibilité de contre-interroger

12 les témoins; et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les témoins

13 viennent ici en personne.

14 Finalement… Ce ne sera pas "finalement", d'ailleurs, mais s'agissant de

15 ces aspect cumulatif des dépositions 92bis, un certain nombre d'éléments

16 sont pris en compte, dont certains sont importants pour qualifier ainsi un

17 témoignage.

18 Par ailleurs, la question très importante consiste à se demander si un

19 témoignage est plus ou moins important, c'est-à-dire "cumulatif"

20 signifiant "un peu moins important", et s'il doit y avoir contre-

21 interrogatoire ou pas. Des déclarations sont faites par écrit, j'ai déjà

22 répondu sur cette question; vous les trouverez dans les écritures.

23 Finalement, Monsieur le Président, j'ai demandé à un collègue qui a déjà

24 travaillé sur le compte rendu Selak de relire ces comptes rendus afin de

25 définir quels sont les passages du compte rendu auxquels nous n'attachons

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1 pas tellement d'importance et quels sont ceux qui sont jugés d'une très

2 grande importance par nous.

3 J'ai des notes sous les yeux. Je propose que l'accusation écrive tout cela

4 dans un courrier qui sera adressé à l'accusé et aux amici curiae par

5 l'intermédiaire du Greffe, où les passages importants des comptes rendus

6 seront définis. L'accusation est tout à fait prête également à fournir un

7 résumé du compte rendu d'audience à l'avance, de façon à aider les amici

8 et l'accusé à se préparer pour les questions qu'ils ont à poser à ce

9 témoin.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. La Chambre de première

11 instance réfléchira à tout cela.

12 Est-ce que votre témoin est ici? Voyons de combien de temps nous disposons

13 encore.

14 M. Groome (interprétation): L'accusation appelle le témoin B-024.

15 (Audience publique avec mesures de protection.)

16 (Le témoin B-024 est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin B-024, je vous

18 demanderai de vous asseoir.

19 (Le témoin s'assoit.)

20 Nous regrettons de n'avoir pas pu vous entendre plus tôt. Je dois vous

21 annoncer que nous ne pourrons entendre qu'une brève partie de votre

22 déposition aujourd'hui, car la salle est requise cet après-midi dans une

23 autre affaire. Nous devrons donc sans doute poursuivre demain.

24 Monsieur Groome, vous pourrez peut-être disposer du quart d'heure qui nous

25 reste.

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1 (Interrogatoire principal du témoin B-024 par Mr Groome).

2 M. Groome (interprétation): Absolument, Monsieur le Président.

3 Monsieur le Témoin B-024, la semaine dernière à la fin de votre

4 déposition, vous parliez de la visite de Mme Biljana Plavsic dans votre

5 municipalité de Zvornik; deuxième visite d'ailleurs. J'ai quelques

6 questions supplémentaires à vous poser à ce sujet.

7 D'abord, je vous demanderai, combien de temps au total, Mme Plavsic, a-t-

8 elle été présente lors de sa deuxième visite dans la municipalité de

9 Zvornik?

10 Témoin B-024 (interprétation): Je crois qu'elle y a passé au total trois

11 ou quatre heures.

12 Question: Pouvez-vous nous décrire les différents lieux de la municipalité

13 de Zvornik où elle s'est rendue ce jour-là, à votre connaissance?

14 Réponse: D'après ce que je sais, elle est allée dans la partie de Zvornik

15 qui était sous contrôle serbe, donc dans ce qu'il est convenu d'appeler le

16 "Mali Zvornik".

17 Question: Pourriez-vous décrire, avec plus de détails, les lieux où elle

18 s'est rendue à Zvornik? Vous nous avez dit qu'elle s'était rendue au

19 centre "Alhos" de Zvornik; pouvez-vous nous dire dans quels autres

20 endroits elle se serait éventuellement rendue, à votre connaissance?

21 Réponse: J'étais avec elle quand elle est allée à Mali Zvornik dans le

22 bâtiment de "Alhos". Par la suite, sous escorte policière, elle s'est

23 rendue à Zvornik qui avait déjà été pris par les forces serbes et je ne

24 sais pas exactement dans quels bâtiments elle s'est rendue dans cette

25 ville, je crois qu'il était question de l'hôpital.

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1 Question: Savez-vous si elle a eu des réunions avec quelque membre que ce

2 soit de l'armée populaire yougoslave lors de cette seconde visite?

3 Réponse: Je ne suis pas au courant de cela.

4 Question: J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la fin du mois

5 de mai 1992, c'est-à-dire une période ultérieure où l'armée populaire

6 yougoslave s'est officiellement retirée de la Bosnie. J'ai deux questions

7 à vous poser à ce sujet.

8 Après le retrait de la JNA de Bosnie, avez-vous connaissance d'une

9 quelconque implication de l'armée yougoslave désormais rebaptisée "Armée

10 yougoslave de Bosnie", donc ultérieurement à mai 1992?

11 Réponse: Après mai 1992, il est de notoriété publique qu'en 1993 lors

12 d'une opération menée par une unité de "Valjevo" sous le commandement d'un

13 officier dénommé Solaja, donc cette opération a eu lieu à Zvornik.

14 Question: Pouvez-vous, je vous prie, nous dire quelle était exactement

15 l'unité commandée par le colonel Solaja?

16 Réponse: Je crois que c'était une unité de chars, de la caserne de

17 "Valjevo".

18 Question: Combien de chars y avait-il dans cette unité qui s'est battue à

19 Zvornik?

20 Réponse: Je ne sais pas exactement, mais il est de notoriété publique que

21 cette unité a participé en 1993 à des combats non loin de Zvornik.

22 Question: Connaissez-vous un homme répondant au nom de Vinko Pandurevic?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Y a-t-il eu un moment où vous avez appris qui payait le salaire

25 de Vinko Pandurevic?

Page 21306

1 Réponse: Pendant un certain temps, j'ai été Président du conseil exécutif;

2 et je sais qu'à ce moment-là il percevait ses émoluments de la Défense

3 territoriale, mais, lui, m'a dit qu'il était payé par l'armée yougoslave.

4 Question: Au moment où il percevait son salaire de l'armée yougoslave, à

5 quelle formation, à quel groupe appartenait-il?

6 Réponse: Je ne connais pas ces détails, mais je crois qu'il est de

7 notoriété publique que les officiers d'active étaient payés par l'armée

8 yougoslave, que leurs noms figuraient sur les feuilles de paye de l'armée

9 yougoslave.

10 Question: Vinko Pandurevic était officier dans quelle armée?

11 Réponse: Il était officier dans l'armée de la Republika Srpska. Mais avant

12 cela, il avait également appartenu à l'armée yougoslave, à une unité qui

13 s'était retirée de Slovénie.

14 Question: Après le retrait officiel de l'armée populaire yougoslave, y a-

15 t-il eu un moment où vous avez compris que les approvisionnements

16 militaires venant de ce qu'il était convenu d'appeler à l'époque "l'armée

17 yougoslave", arrivaient à Zvornik en provenance de Serbie?

18 Réponse: Je n'avais aucun indice concret, mais je sais que des compagnies

19 de mon entreprise ont été engagées pour répondre au besoin du ministère de

20 la Défense, et que les chauffeurs qui les conduisaient se rendaient sur le

21 territoire de la Yougoslavie pour rapporter des équipements nécessaires à

22 l'armée. Mais je ne sais pas exactement de quel équipement il est question

23 ni en quelle quantité il était rapporté.

24 Question: Pendant quelle période ces camions -dont vous venez de parler-

25 ont-ils été utilisés pour transporter des équipements logistiques destinés

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1 à l'armée?

2 Réponse: Eh bien, ils ont servi pendant toute la guerre car, étant donné

3 qu'il s'agissait d'un temps de guerre, le ministère de la Défense avait

4 toujours la priorité sur toute autre utilisation; je veux parler

5 d'utilisation commerciale.

6 Question: Quand vous dites "pendant toute la guerre", parlez-vous de la

7 période qui va de 1992 à 1995, date de la conclusion des Accords de paix

8 de Dayton?

9 Réponse: Oui, c'est tout à fait cela.

10 M. Groome (interprétation): Vous venez de dire, dans votre déposition, que

11 ces camions étaient réquisitionnés par le ministère de la Défense, mais le

12 ministère de Défense de quel pays?

13 Témoin B-024 (interprétation): Oui, le ministère de la Défense de la

14 Republika Srpska.

15 M. Milosevic (interprétation): J'ai une objection. Le témoin a dit que le

16 ministère de la Défense de la Republika Srpska était prioritaire

17 s'agissant d'utiliser les moyens de transport. Or M. Groome, dans sa

18 question, a parlé du ministère de la Défense qui avait réquisitionné les

19 camions; et ceci est complètement contraire à ce qu'a dit le témoin. Le

20 témoin dit que c'étaient des camions qui appartenaient à l'entreprise dont

21 il parle, et que les besoins de la Défense avaient la priorité. Mais les

22 camions n'ont pas été réquisitionnés par l'armée, si j'ai bien compris.

23 Donc la question est directive.

24 M. le Président (interprétation): Laissons le témoin faire la lumière sur

25 ce point, Monsieur Groome.

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1 M. Groome (interprétation): Pourriez-vous expliquer plus clairement quel a

2 été le sort de ces camions, Monsieur le Témoin? Quel était le rapport

3 entre le ministère de la Défense de la Republika Srpska et l'utilisation

4 de ces camions?

5 Témoin B-024 (interprétation): Moi, je travaille dans une entreprise qui

6 était dans la Republika Srpska. Et, en situation de guerre, le ministère

7 de la Défense de la Republika Srpska était prioritaire pour utiliser ces

8 camions afin de satisfaire les besoins logistiques de l'armée.

9 Question: A quelle fréquence le ministère de la Défense de la Republika

10 Srpska a-t-il utilisé ces camions pour satisfaire les besoins dont vous

11 venez de parler?

12 Réponse: Eh bien, dans la période où je travaillais pour cette entreprise

13 de transport, la chose était très fréquente. Il y avait pratiquement

14 toujours deux ou trois véhicules qui étaient à la disposition du ministère

15 de la Défense de la Republika Srpska.

16 Question: Pourriez-vous nous donner une idée de la capacité des camions

17 dont vous parlez?

18 Réponse: Eh bien, c'étaient des camions classiques d'une vingtaine de

19 tonnes, utilisés dans les transports publics.

20 Question: Mais j'aurais une question complémentaire s'agissant de la

21 fréquence de ces utilisations. Pouvez-vous nous donner une estimation, en

22 nombre de fois par semaine ou en nombre fois par mois, de la fréquence à

23 laquelle étaient utilisés ces camions par le ministère de la Défense de la

24 Republika Srpska?

25 Réponse: J'ai déjà dit que, pratiquement tous les jours deux ou trois

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1 camions, étaient à la disposition du ministère de la Défense de la

2 Republika Srpska.

3 Question: Savez-vous de quelle façon ces camions franchissaient la

4 frontière depuis Zvornik pour rentrer en Serbie?

5 Réponse: Depuis le début de la guerre, il y a toujours eu une procédure à

6 la frontière. Il est probable que ces camions franchissaient la frontière

7 en appliquant la procédure régulière. Moi, je n'étais pas dans ces

8 camions, je n'étais pas présent physiquement; j'étais le directeur de

9 l'entreprise.

10 Question: Pouvez-vous décrire cette procédure?

11 Réponse: Eh bien, c'était une procédure classique de franchissement d'une

12 frontière. Il y avait des documents de douane. Les produits yougoslaves

13 qui venaient en Republika Srpska, et vice-versa, ne devaient acquitter

14 aucun droit de douane -si je me souviens bien-; il n'y avait que des

15 documents douaniers, liés tout de même aux obligations fiscales.

16 Question: Etes-vous en train de dire dans votre déposition que, s'agissant

17 de ces camions que vous évoquez, il devrait exister des documents

18 douaniers établissant, pour chacun des passages, le passage de la

19 frontière entre la Serbie et Zvornik par ces camions?

20 Réponse: Cela, vraiment, je ne suis pas au courant. Je pense que les

21 chauffeurs, à partir du moment où ils ont été mobilisés par le ministère

22 de la Défense, ont continué à travailler, mais en qualité de soldats. Donc

23 ils n'apportaient plus aucun document dans l'entreprise. Il s'agit sans

24 doute de documents qui doivent se trouver au ministère de la Défense.

25 Question: Monsieur, j'aimerais maintenant appeler votre attention sur la

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1 relation entre le ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska et le

2 ministère de l'Intérieur de Serbie. Je vous demanderai de nous dire ce que

3 vous savez des rapports existants entre ces deux entités?

4 Réponse: Eh bien, tant que j'ai été au sein de la police: au début du

5 conflit à Zvornik, nous avions de bons rapports, des rapports d'amitié

6 avec le ministère de l'Intérieur de Serbie et nous avions un appui

7 logistique, c'est-à-dire que les petits postes de police situés à la

8 frontière entre Mali Zvornik et Zvornik nous apportaient leur aide. Or il

9 est bien connu que, pendant toute la période, le ministère de l'Intérieur

10 de la République de Serbie a eu de bons rapports, des rapports corrects,

11 avec le ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska.

12 Question: J'appelle votre attention sur le début du conflit. Pourriez-vous

13 décrire plus en détail l'appui logistique que les membres du ministère de

14 l'Intérieur de la Republika Srpska recevait de Serbie?

15 Réponse: Eh bien, oui. Puisque, selon le plan B, en tant que minorité

16 municipale nous avions un poste de police locale à Karakaj dans le

17 bâtiment de "Alhos".

18 Nous n'avions pas le même matériel technique, je veux dire les uniformes.

19 Les vêtements que nous portions, à cette époque-là, étaient les mêmes

20 qu'en Yougoslavie, les mêmes qu'en Serbie. Donc nous avons reçu de l'aide,

21 sous forme d'uniformes en particulier, et puis également, de temps en

22 temps, sous forme de matériels de transmission; et cette aide nous était

23 fournie par les postes de police de Mali Zvornik et de Loznica.

24 M. Groome (interprétation): Dans la dernière partie du conflit, avez-vous

25 reçu un appui logistique du ministère de l'Intérieur serbe?

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1 Témoin B-024 (interprétation): Au début du mois d'avril, j'ai quitté la

2 police et donc je ne sais pas de quelle façon cette collaboration s'est

3 éventuellement poursuivie.

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je crois que l'heure

5 est venu de suspendre l'audience pour libérer le prétoire. Nous

6 reprendrons demain à 9 heures.

7 Monsieur le Témoin B-24, je vous demande de revenir dans ce prétoire

8 demain à 9 heures du matin et de ne quitter la pièce que dans quelques

9 instants. Suspension.

10 (L'audience est levée à 13 heures 49.)

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