Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 28 août 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

7 parole.

8 LE TÉMOIN: TÉMOIN C-1175 [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin 1175, hier, nous étions à parler de

12 ces édifices qui ont été plastiqués et puis outre les événements dont nous

13 parlions déjà, cet événement-là également a été à l'origine d'une grande

14 inquiétude auprès de la population serbe, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Ensuite, pour autant que je puisse voir ce qui est écrit dans votre

17 déclaration, la question d'actualité était de savoir comment se faire

18 armer, comment acquérir des armes. Je peux me rendre du compte du fait

19 qu'en date du 13 mai, vous avez reçu des armes ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez dit qu'il y avait une voiture de marque Zastava, de couleur

22 bleue 1 100 [sic] a apparu, la voiture a ralenti, quelqu'un a jeté dehors

23 depuis la voiture un fusil, et la voiture a repris le chemin.

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous avez connu ces gens-là qui l'ont?

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1 R. Non.

2 Q. Est-ce que cela était une arme qui vous a été donnée à vous ?

3 R. Non, non, tout simplement une arme qui a été enfin jeté là, par terre.

4 Q. Combien de gens il y a eu à cette occasion-là ?

5 R. Nous étions trois.

6 Q. Et c'est vous qui avez pris l'arme ?

7 R. Oui.

8 Q. Je vois maintenant que c'est à cause de cela que vous êtes fait

9 arrêter ? Dans quelle condition se fait cette arrestation ?

10 R. Au moment où j'ai pris cette arme-là, et sur mon parcours de retour à

11 la maison, j'ai été arrêté.

12 Q. Après quoi vous étiez en détention à Osijek ?

13 R. Oui.

14 Q. S'agit-il d'une prison ordinaire ou une détention provisoire ?

15 R. Détention provisoire.

16 Q. Pendant combien de temps étiez-vous en détention provisoire ?

17 R. Trois mois.

18 Q. Avez-vous été jugé ?

19 R. Non.

20 Q. Dans quelle circonstance avez-vous été relâché ?

21 R. J'ai été échangé.

22 Q. Combien de personnes y a-t-il eu en ce moment-là qui ont été

23 échangées ? Combien de personnes y a-t-il eu dans cette détention

24 provisoire ?

25 R. Je ne pouvais pas le savoir, mais il y avait un autocar entier qui a

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1 été échangé, c'est-à-dire l'équipage d'un autocar.

2 Q. Donc quant à vous, vous n'avez de connaissance concernant uniquement ce

3 groupe-là auquel vous appartenez lors des échanges ?

4 R. Oui.

5 Q. Dites-moi : Quel était le traitement qui vous ait été réservé dans

6 cette détention provisoire d'Osijek ?

7 R. Tout se passait dans des conditions tout à fait correctes.

8 Q. Donc, il n'y a eu aucune brutalité ou un mauvais traitement.

9 R. Non. Pas de mauvais traitement.

10 Q. Et vous avez été interrogé par qui ?

11 R. Par un juge d'instruction.

12 Q. Voyez-vous, vous dites page 3 de votre déclaration : "Dans la prison

13 d'Osijek, j'ai été traité avec brutalité. Lors des interrogatoires, à

14 plusieurs reprises j'ai été passé à tabac, et cela gravement. De même en

15 était-il pour parler des autres détenus serbes qui s'y trouvaient avec

16 moi."

17 R. Il y a eu là une modification apportée à la déclaration.

18 Q. Cela veut dire que c'est vous qui l'avez modifiée ultérieurement ?

19 R. Oui, parce que tout n'a pas été enregistré de façon correcte.

20 Q. Et s'agit-il de dire qu'il y avait encore un mauvais --

21 [imperceptible], lorsqu'on dit dans le fragment qui suit : "Après s'être

22 retourné chez moi, j'ai été dans de si mauvais état que je ne pouvais pas

23 sortir chez moi."

24 R. Oui.

25 Q. Etait-ce vrai ou s'agit-il d'une erreur là aussi dans votre

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1 déclaration ?

2 R. Non, non. Mon état tout simplement mental était tel que, et

3 psychologique était tel que je ne pouvais pas sortir. De point de vue

4 physique, tout semblait marcher bien.

5 Q. Après quoi vous avez voulu retrouver les vôtres, les membres de votre

6 famille qui habitaient à Vukovar ?

7 R. Oui.

8 Q. Poursuivi, vous avez entendu qu'ils ont été évacués par la JNA, et que

9 vous les avez retrouvés, la famille s'était regroupée lors de la seconde

10 moitié du mois d'août, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Par la suite, vous dites que, je me demande s'il s'agit d'une

13 expression, et je vois pour la première fois dans votre déclaration parler

14 de cette "police" [imperceptible], dans la traduction "spatiale"

15 [imperceptible]. De quelle police il s'agit ?

16 R. Il s'agit d'une police autoproclamée.

17 Q. Il s'agissait donc d'une unité, d'un groupement policier,

18 parapolicier ?

19 R. Oui.

20 Q. Composé par qui ?

21 R. Il y avait trois ou quatre personnes.

22 Q. Est-ce que ces gens-là portaient des uniformes ?

23 R. Oui. Uniforme de camouflage.

24 Q. Et ils se mettaient à arrêter des gens qui appartenaient à des groupes

25 ethniques non-serbes ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous les connaissez ces gens ?

3 R. Oui.

4 Q. S'agissait-il de gens qui étaient originaires de Dalj ?

5 R. Oui.

6 Q. Donc, il s'agissait de vos citadins, de vos compatriotes ?

7 R. Oui.

8 Q. Si je comprends bien, ces gens-là n'appartenaient ni à la JNA, ni à

9 d'autres formations de ce sens-là. Donc, une espèce de police

10 autoproclamée.

11 R. Oui. Notamment, il s'agit de cela.

12 Q. Après quoi, vous parlez d'une certaine personne nommée Stricevic, chef

13 de la police de Dalj, n'est-ce pas ?

14 R. C'est lui qui était à la tête de cette swemirska policija [phon].

15 Q. Donc, de cette police illégale ?

16 R. Oui.

17 L'INTERPRÈTE : Compatriote, remplacé par concitoyen dit l'interprète.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Dites-moi, vous n'étiez que pendant une période de temps d'un mois,

20 membre de la Défense territoriale, quelle était la raison pour laquelle

21 vous l'avez quitté cette Défense territoriale ?

22 R. Et bien, j'ai été obligé de retourner à la maison pour vaquer à mes

23 occupations.

24 Q. Vous dites page qui suit : "J'avais besoin de carburant pour mon

25 véhicule, je ne pouvais pas m'en acquérir parce que je n'ai pas été muni

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1 d'un certificat qui devait être délivré par le chef de la Défense

2 territoriale. J'avais demandé à Milovanovic, surnommé Pajo de me délivrer

3 un tel permis. C'est ce qui m'a énervé parce que celui-là refusait de me

4 délivrer le permis, et j'ai décidé de quitter le TO."

5 R. Oui.

6 Q. Donc, vous l'avez quitté la TO parce que le soi-disant commandant Pajo

7 ne voulait pas vous délivrer ce permis, vous permettant de vous acquérir du

8 carburant ?

9 R. Oui. Entre autres, pour cette raison également.

10 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, et si possible avec un peu plus de détails,

11 lorsque vous parlez de Vukovar, il s'agit donc de la personne qui a été

12 emmenée de Vukovar à Dalj, pour utiliser l'édifice de Starazaldugar [phon].

13 S'agit-il de d'une ferme agricole ?

14 R. Oui.

15 Q. Lisons votre déclaration, j'ai pu comprendre page 4, 3e paragraphe,

16 "J'ai entendu dire qu'un groupe de gens a été emmené dans la police de Dalj

17 qui a utilisé l'édifice de l'ancien coopératif, comme étant sa caserne.

18 Personnellement, je ne les ai pas vus ces gens-là."

19 R. Oui.

20 Q. Donc, vous ne les avez pas vus ces gens qui ont été emmenés. Vous avez

21 entendu dire par quelqu'un que ces gens-là ont été emmenés dans l'édifice

22 de Starazaldugar [phon] ?

23 R. Oui.

24 Q. Ensuite, vous en parlez en détail et j'ai l'impression qu'il s'agit de

25 deux choses tout à fait distinctes. Vous dites qu'on essayait de porter

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1 secours à certaines personnes, c'est-à-dire vous avez voulu obtenir la

2 sortie de la prison de ces gens-là qui ont été appréhendés. S'agit-il de

3 parler d'autres lieux ou d'une autre prison ?

4 R. Oui.

5 Q. De quelle prison il s'agit ?

6 R. Il s'agit de la prison qui se trouvait dans l'édifice de la

7 collectivité locale, au quartier général de la TO. Et puis après, il y

8 avait un autre lieu de détention à la Croix rouge.

9 Q. Vous vous y êtes rendu vous-même et vous avez obtenu la libération de

10 certaines personnes ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous venez de dire qu'il s'agissait d'une prison qui était dans

13 l'édifice de la TO, Défense territoriale, ce qui a été mis en place par les

14 gens du pays, de Dalj, comme nous avons pu comprendre lors de votre

15 déposition ?

16 R. Oui.

17 Q. Et pratiquement la JNA n'avait rien à faire avec cela ?

18 R. Rien à faire avec cela.

19 Q. Ensuite, vous parlez d'un premier meurtre à Dalj, une des personnes

20 détenues qui a été interrogée, comme vous dites vous-même, a sauté par la

21 fenêtre et à cette occasion-là, il s'est fait abattre par un des gardes de

22 la Défense territoriale ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous l'avez vu tout cela, vous-même ?

25 R. Oui.

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1 Q. Qui était ce garde en question ?

2 R. Il s'agit d'une personne plutôt âgé, un homme plutôt âgé surnommé

3 Babura, "Poiron", traduction, dit l'interprète.

4 Q. Encore une fois, il s'agit d'un de vos concitoyens ?

5 R. Oui.

6 Q. Parlez-moi un peu de ce groupe de personnes qui se sont faites tuées

7 dont vous parliez qu'ils se trouvaient sur un versant, à mi-chemin entre

8 Dalj et Lovas, plutôt près de Lovas.

9 R. Oui, il s'agissait plutôt de parler de la ferme agricole de Lovas.

10 Q. Ferme agricole de Lovas, fort bien. Savez-vous quelque chose quant aux

11 circonstances dans lesquelles ces gens-là se sont fait tués ?

12 R. La seule chose que j'ai apprise, c'est que prétendument ces gens-là ont

13 été emmenés à bord d'un autocar et que ceci a dû être l'œuvre des gens de

14 Borovo Selo notamment.

15 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer tout cela un peu plus en détail,

16 avec un peu plus de précision car je peux voir à la page 6 de votre

17 déclaration que ce commandant, cet homme qui s'y trouvait avec vous, vous a

18 dit que les gens dit Savuljasi les ont abattus. Que désigne ce terme

19 de Savuljasi ?

20 R. Il s'agit de parler maintenant des citoyens de la rue de Borovo Selo.

21 Q. Par conséquent, il s'agissait d'un groupe d'hommes de Borovo Selo qui

22 était surnommé ainsi d'après le nom de la rue dans laquelle ils

23 habitaient ?

24 R. Oui.

25 Q. C'est donc cet homme-là qui vous a expliqué que ce sont eux qui les ont

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1 tués les quelques personnes ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que, parlant de cela, il vous a expliqué également pour dire

4 qu'ils étaient emmenés là pour être exécutés ou est-ce qu'il vous a parlé

5 plus en détail de cela ?

6 R. Il m'a dit tout simplement qu'ils y ont été emmenés à bord d'un bus.

7 Q. Donc, sans aucun doute, tous ces gens-là y ont été exécutés, c'est-à-

8 dire, ils n'y ont pas été emportés de quelque part ?

9 R. A en juger d'après les cadavres, même de gens-là, je peux juger

10 personnellement qu'ils y ont été abattus sur place.

11 Q. Bien. Maintenant pour parler de ces gens, habitants de Vukovar, qui ont

12 été emmenés là-bas. Qu'était-il advenu d'eux parce que lors de

13 l'interrogatoire principal, j'ai pu vous entendre dire qu'un grand nombre

14 d'habitants de Vukovar y ont été emmenés. Que veut dire l'expression "un

15 grand nombre" ?

16 R. Mais disons qu'à la Croix rouge, environ 60 ou 80 personnes ont été

17 emmenées à bord de trois camions respectivement.

18 Q. Et puis après, vous dites que les femmes appartenant à ce groupe-là ont

19 été emmenées en Serbie. Qu'était-il advenu d'elles ?

20 R. On a fait que faire une liste de leur nom et des femmes-là ne devaient

21 que passer une nuit là-bas.

22 Q. Evacuer ou transporter par qui ?

23 R. Avec un autocar.

24 Q. Je comprends, autocar mais par qui ?

25 R. Par la TO, Défense territoriale.

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1 Q. Par conséquent, c'est la Défense territoriale qui s'en est occupée de

2 leur transport pour les laisser en liberté en Serbie ?

3 R. Oui.

4 Q. Et combien d'hommes y a-t-il eu de détenu ?

5 R. A la Croix rouge, il n'y avait que des femmes et des enfants.

6 Q. Qui ont été transportés outre frontière pour être remis quelque part ?

7 R. Oui.

8 Q. Et quant aux hommes ?

9 R. Les hommes ont été détenus à la TO, collectivité locale.

10 Q. En faveur desquels vous êtes intervenu ?

11 R. Oui.

12 Q. Combien d'hommes y a-t-il eu là-bas ?

13 R. Il y avait de 50 à 60 hommes.

14 Q. Savez-vous qu'est-il advenu de ces hommes qui se trouvaient détenus au

15 quartier général de la TO, édifice de la collectivité locale ?

16 R. Eux aussi, ils ont été transférés d'abord vers la salle de cinéma de

17 Dalj, après quoi, moyennant des autocars, ils ont été transportés en

18 Serbie.

19 Q. Par conséquent, pourraient-ils être relâché eux aussi ?

20 R. Oui.

21 Q. Y a-t-il eu, parmi ces gens-là, qui ont subi des sévices ou qui aurait

22 été tués, et cetera ?

23 R. Il y a eu des gens qui ont subi de mauvais traitements mais je ne sais

24 pas s'il y en avait eu de tuer parmi eux.

25 Q. Fort bien. Donc, seul quelqu'un d'entre eux, vous avez pu les libérer

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1 et quant aux autres, après combien de temps ils ont dû être relâcher ?

2 R. Peut-être le deuxième ou le troisième jour après.

3 Q. Par conséquent, entre-temps, ils ont dû être interrogé par quelqu'un

4 pour être relâchés ensuite ?

5 R. Oui.

6 Q. Dites-moi, étant donné que, pendant l'interrogatoire principal, des

7 questions vous ont été posées au sujet de la coopération qui avait entre la

8 Défense territoriale, c'est-à-dire, les citadins de Dalj et de la JNA, j'ai

9 pu comprendre d'après les explications faites par vous lors de votre

10 déposition, que la JNA possédait une unité à Ilok ?

11 R. Non.

12 Q. Vous avez, en effet, fait mention d'un quartier général de la JNA

13 d'Ilok.

14 R. Il y avait un quartier général de la JNA à PP Dalj.

15 Q. On vous a posé la question de savoir si la TO avait coopéré là-bas avec

16 la JNA à Dalj ? Vous avez dit en réponse que vous ne saviez pas.

17 R. Exact, je ne le sais pas.

18 Q. Combien de membres de la JNA se trouvaient à PP Dalj ? Qu'est-ce que

19 c'est PP Dalj ? C'est une ferme agricole ?

20 R. Ferme agricole.

21 Q. Et de quelle taille était ce groupe, un peloton, section au compagnie,

22 unité ?

23 R. Oui, plutôt une unité plus importante.

24 Q. Et que faisait-il là-bas à Dalj ?

25 R. Ils y étaient là, tout simplement, avec leurs véhicules parqués,

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1 stationnés, qu'ils ne sortaient pas vraiment, mais qu'ils ne permettaient

2 pas aux gens d'y entrer évidemment.

3 Q. Est-ce qu'il y a eu des prisonniers là-bas ?

4 R. Paraît-il un groupe de civils de Vukovar se trouvait dans le hangar.

5 Q. Est-ce que vous avez eu des connaissances ce qu'il devait être advenu

6 d'eux ?

7 R. Ils ont dû être relâchés en Serbie.

8 Q. Est-ce que vous avez une connaissance quelconque au sujet de sévices

9 qui ont dû subir et cela de la part de la JNA ?

10 R. Non.

11 Q. Merci, Monsieur 1175. Je n'ai plus de questions.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Tapuskovic.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pas de questions.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires de

15 la part du Procureur ?

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

17 Nouvel interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :

18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

19 Q. Monsieur le Témoin, M. Milosevic, en contre-interrogatoire, vous a posé

20 une question concernant les armements des Croates. Dans votre déclaration,

21 vous avez dit que vous avez entendu parler de l'armement des Croates que

22 vous n'avez pas pu voir. On vous a posé une question. Vous avez parlé d'un

23 camion et vous avez dit qu'il s'agissait d'histoires qui ont été racontées,

24 des rumeurs. Ma question est la suivante : de qui venaient ces rumeurs au

25 sujet des armements des Croates ?

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1 R. Des Serbes.

2 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de rencontrer ou de lire de telles rumeurs

3 dans des médias ?

4 R. Non.

5 Q. Lors du contre-interrogatoire, M. Milosevic vous a posé une question au

6 sujet des événements survenus à Borovo Selo en date du 2 mai 1991. En cette

7 date-là, étiez-vous à Borovo Selo ?

8 R. Non.

9 Q. Vous, personnellement, avez-vous remarqué quoi que ce soit qui aurait

10 été relié aux événements de Borovo Selo en date du 2 mai ?

11 R. Non, rien de spécial. A moins de parler de ces gens-là, de Dalj qui se

12 sont dirigés vers Borovo Selo pour voir ce qui s'y passait. Et c'est ainsi

13 que nous avons obtenu des informations là-dessus, il y en avait même qui

14 sont entrés dans Borovo Selo.

15 Q. Et ceux qui vous ont informé des événements de Borovo Selo, étaient-ils

16 tous des Serbes ?

17 R. Il y avait parmi eux, des Serbes et des Croates également.

18 Q. Est-ce que vous avez pu obtenir également des informations sur ces

19 événements-là par les médias ?

20 R. Oui.

21 Q. Par quels médias ?

22 R. Et bien, nous avons pu le voir grâce à des émissions de la chaîne de

23 télévision croate. Après, on a appris par la radio, et cetera.

24 Q. Bien. Les -- la télévision croate, a-t-elle également fait état de ces

25 meurtres de 12 policiers croates ?

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1 R. Oui.

2 Q. Avez-vous pu vérifier les rapports qui vous sont parvenus soit de la

3 bouche des gens ou par les médias pour établir s'ils étaient conformes à la

4 vérité ?

5 R. Non.

6 Q. M. Milosevic vous a également parlé d'autres événements en corrélation

7 avec Borovo Selo toujours, s'agissant des mois d'avril et mai 1991. Avez-

8 vous vu personnellement se dérouler l'un quelconque de ces événements ?

9 R. Non.

10 Q. Quelle a été donc la source des informations que vous avez recueillies

11 au sujet de ces événements ?

12 R. Et bien, dès que quelque chose arrivait à Borovo Selo, le village

13 entier était au courant. Ce qui fait que toutes ces informations me sont

14 venues de la bouche des gens du village, des villageois.

15 Q. M. Milosevic vous a posé des questions au sujet de ce qui s'est passé

16 avec tous les groupes de personnes amenées de Vukovar. Ma question est la

17 suivante : qu'est-il arrivé à ces gens que vous avez vus, mis en détention

18 dans la prison derrière le QG de la TO, et savez-vous nous dire ce qui est

19 advenu d'eux ?

20 R. Je ne sais pas ce qui est advenu d'eux, et où est-ce qu'ils ont été

21 amenés.

22 Q. Combien de temps les a-t-on gardés là-bas, quelques jours ou plus ?

23 R. Quelques jours.

24 Q. Avez-vous vu des mauvais traitements quels qu'ils soient ?

25 R. Si.

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1 Q. Quel type de mauvais traitements ?

2 R. Ils les ont battus et malmenés.

3 Q. Quand vous dites, qu'ils les ont battus, vous parlez de qui ?

4 Qu'entendez-vous par ils ?

5 R. Je parle de cette police cosmique, svemirska policija [phon], et ce

6 groupe de Prigrevica qui venait.

7 Q. Vous avez également parlé de gens qui ont été détenus, et vous en avez

8 entendu parlé dans le bâtiment de la police de Dalj. Qu'est-il advenu de

9 ces gens-là, le savez-vous ?

10 R. Je ne sais pas. Ce que je sais seulement c'est qu'un jour, l'on a fait

11 courir la rumeur que l'on a tué quelques-uns en contrebas vers le fossé

12 appelé Jama vers le Danube.

13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est tout ce que j'avais à poser

14 comme questions complémentaires, Messieurs les Juges. Je vous remercie.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin C-1175, ceci conclut

16 votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu témoigner devant le

17 Tribunal pénal international. Et vous pouvez être libre de vous en aller à

18 présent, mais je vous demande de patienter toutefois et d'attendre que les

19 stores soient baissés.

20 [Le témoin se retire]

21 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Messieurs les Juges, en attendant la

23 sortie de ce témoin du prétoire, je voudrais annoncer un changement dans

24 l'ordre de comparution. Je voudrais d'abord vous dire que nous avons omis

25 ou plutôt biffé certains témoins, donc la partie adverse n'a pas besoin de

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1 se préparer. Le témoin Josipovic ne sera pas cité cette semaine et nous

2 allons nous pencher sur la nécessité de le citer.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Je vous remercie. Et quel est le

4 témoin suivant ?

5 M. SAXON : [interprétation] Messieurs les Juges, le témoin suivant sera M.

6 le Témoin C-1071.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez dit que l'un des témoins allait

8 avoir des difficultés pour ce qui est de la lecture.

9 M. SAXON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et c'est celui-ci ?

11 M. SAXON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Il s'agit de celui

12 d'après.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Je vous remercie.

14 M. SAXON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous, en attendant le

15 témoin, demander au greffier de placer cette feuille de papier sur le

16 pupitre devant le témoin. C'est le papier qui porte le nom du témoin qui

17 doit comparaître. Je vous remercie.

18 En attendant son arrivée, Messieurs les Juges, le Témoin C-1071 viendra

19 nous parler des événements ou d'événements relatés à la

20 page 23 de l'atlas sur la Croatie.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Je vais consulter la

24 greffière.

25 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut que nous passions à huis clos

2 partiel pour traiter ou plutôt voir comment les mesures de protection et de

3 déformation de la voie du témoin vont fonctionner.

4 [Audience à huis clos partiel]

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 [Audience publique]

17 Veuillez attendre un instant, Madame. Excusez-moi de vous faire subir cette

18 épreuve, mais je vous demande maintenant de prononcer la déclaration

19 solennelle.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 LE TÉMOIN: TÉMOIN C-1071 [Assermenté]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Veuillez vous

25 asseoir.

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1 Monsieur Saxon, vous avez la parole.

2 Interrogatoire principal par M. Saxon :

3 Q. [interprétation] Bonjour Madame le Témoin. Vous avez sous les yeux, une

4 feuille. Je vais vous demander de ne pas donner lecture du nom qui y

5 figure, mais pourriez-vous tout simplement vérifier qu'il s'agit bien là de

6 votre nom ?

7 R. Oui.

8 Q. Pendant toute la durée de votre déposition, vous serez pour nous, le

9 Témoin C-1071.

10 R. Bien.

11 Q. Madame le Témoin C-1071, avez-vous fourni une déclaration à un

12 représentant du bureau du Procureur du présent Tribunal en mai 2001 ?

13 R. Oui.

14 Q. Au cours de ces derniers jours, avez-vous eu l'occasion de relire la

15 déclaration fournie en 2001 ?

16 R. Oui.

17 Q. Il y a deux jours de cela. Avez-vous confirmé devant un représentant du

18 greffe de ce Tribunal le fait que cette déclaration est exacte et fidèle à

19 la réalité ?

20 R. En effet.

21 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande maintenant le

22 versement au dossier de la déclaration au préalable de ce témoin en

23 application de l'Article 92 bis. Nous avons fourni à l'attention du public

24 une version expurgée. La version non expurgée serait déposée sous pli

25 scellé car il y a en annexe à cette déclaration une photographie de

Page 25495

1 passeport qui elle aussi doit être déposée sous pli scellé.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons demander la cote suivante

3 pour ce jeu de documents.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 518, Messieurs les

5 Juges.

6 M. SAXON : [interprétation]

7 Q. A la fin de la bataille de Vukovar le 19 novembre 1991, des soldats de

8 la JNA ont escorté le Témoin C-1071, son mari, qui était Croate et leurs

9 deux enfants depuis le sous-sol de leur appartement, en tout cas du

10 bâtiment où se trouverait leur appartement vers le village de Luzac. A

11 Luzac, les forces serbes ont séparé les hommes, des femmes et des enfants,

12 les hommes étant emmenés au bâtiment de la communauté locale de Luzac.

13 Le Témoin C-1071 a vu son témoin [sic] pour la dernière fois au moment où

14 lui a donné des cigarettes à proximité de ce bâtiment. Peu de temps après,

15 la JNA a transporté le Témoin C-1071 et ses enfants au village de Brsadin

16 et à partir de là, des autocars civils les ont emmené à Bac en Vojvodina,

17 République de Serbie. Le Témoin C-1071 par la suite a entendu dire que

18 beaucoup des habitants de Vukovar avaient été emmenés au village de Dalj.

19 Elle a effectué plusieurs déplacements à Dalj à la recherche de son mari.

20 Elle a parlé à des gens qui se trouvaient au QG de la JNA à Dalj, au QG de

21 la Défense territoriale à Dalj, à la police de Dalj, ainsi qu'à la Croix

22 rouge locale. Mais personne n'a pu lui donner le moindre renseignement

23 quant au sort réservé à son mari où à l'endroit éventuel où il se trouvait.

24 Cependant, il y avait un habitant qui -- de Dalj qui a dit au Témoin C-1071

25 qu'il avait vu son mari devant le bâtiment de la Croix rouge à Dalj et que

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1 son mari avait été roué de coups. Une autre personne a dit au témoin quelle

2 devrait arrêtée de rechercher son mari car il avait été tué, mais cette

3 personne n'a pas donné davantage de renseignements au Témoin C-1071.

4 Sept ou huit ans après avoir vu son mari pour la dernière fois, elle a reçu

5 des informations d'une autre personne. Cette personne lui a dit que son

6 mari avait été vu devant le cinéma de Dalj. Un homme s'était approché et

7 avait dit, je cite : "J'ai besoin de celui-ci."

8 Un garde a dit à cet homme que le mari du Témoin C-1071 avait subi "la

9 procédure", mais cet homme a insisté. Il a dit qu'il voulait le mari de ce

10 témoin et il est revenu en compagnie d'un groupe d'hommes qui ont emmené le

11 témoin -- le mari du Témoin C-1071 après l'avoir appréhendé à l'intérieur

12 du cinéma. Plus tard, des coups de feu ont été entendus.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce là l'interrogatoire principal,

14 Monsieur Saxon ?

15 M. SAXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

17 Est-ce que vous avez des questions à poser à ce témoin ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être quelques questions seulement.

19 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

20 Q. [interprétation] Madame le Témoin 1071, vous avez résidé à Vukovar,

21 n'est-ce pas, tout ce temps-là ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous dites dans vos déclarations que c'est à compter de la deuxième

24 moitié du mois d'août 1991 que la situation à Vukovar était devenue

25 dangereuse -- très dangereuse.

Page 25497

1 R. Oui.

2 Q. Vous, vous êtes retrouvée au milieu d'opérations militaires.

3 R. Oui.

4 Q. Donc, partout autour de vous, il y avait des combats en cours ?

5 R. En effet. Je ne vous entends pas.

6 Q. Vous m'entendez maintenant ?

7 R. Oui. Et puis je ne vous entends pas de nouveau.

8 Q. Ayez l'amabilité de nous décrire cette situation. Dites-nous ce qui a

9 changé. Quelle est la façon dont ces situations périlleuses sont survenues

10 puisque vous êtes restée tout le temps à Vukovar avant et pendant ce temps-

11 là, n'est-ce pas ?

12 R. Comment vous décrire cela. Et bien, on a commencé à entendre des tirs

13 puis y a eu érection de barrages routiers. C'était devenu dangereux pour

14 tout à chacun en termes simples et c'est à compter du 24 août à peu près

15 que plus ou moins tout a été bloqué, ce qui fait que nous ne pouvions plus

16 aller nulle part et sortir de Vukovar. La vie pour nous est devenu une vie

17 casanière. Ma famille a passé tout ce temps-là dans une cave, à savoir, 86

18 jours pour être précise. C'est donc pendant 86 jours que mes enfants et

19 moi-même sommes restés -- sommes restés dans cette cave.

20 Q. S'il vous plaît, dites-moi, quand est-ce que les conflits à Vukovar ont

21 commencé ? Quand a commencé cette situation tendue -- cette situation

22 extraordinaire ?

23 R. Vers le printemps.

24 Q. Et que s'est-il passé ?

25 R. Les hommes se sont armés. Ils fabriquaient des barrages, des barricades

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1 et pour être en termes simples, ce n'était pas sûr du tout.

2 Q. Mais dites-moi, qui est-ce qui s'armait et qui est-ce qui érigeait des

3 barricades ?

4 R. Personnellement, je n'en sais rien. Ce que je sais c'est que tout le

5 monde en faisait alors qui tout -- qui est ce tout le monde -- il y avait

6 autour de Vukovar bon nombre de villages. Les villages se dissociaient des

7 uns des autres.

8 Q. Vous viviez là-bas tout de même.

9 R. En effet, mais je vivais dans un bâtiment, dans un immeuble

10 d'habitation, ce qui fait que je n'ai pas eu d'informations sur ce qui se

11 passait là-bas, si l'on excepte ce que les médias nous ont dit pendant que

12 nous avions encore de l'électricité.

13 Q. Bon. Avez-vous eu une idée quelque soit sur ce qui se passait dans

14 votre ville puisque vous n'avez cité -- quitté cet immeuble ?

15 R. Je n'ai pas quitté l'immeuble, mais j'ai ouie dire des choses de la

16 bouche de personnes qui se déplaçaient.

17 Q. Quoi donc ?

18 R. Ils ont dit qu'il y avait des diversions, des sabotages, des tirs, des

19 attaques, des blocus.

20 Q. Et c'est quoi vous dites des attaques et de quelles attaques avez-vous

21 entendues parler ? De quelles diversions, de quels sabotages, de quels

22 événements. Je suppose que vous devez quand même vous rappeler quelque

23 chose ?

24 R. J'ai entendu dire que l'on avait fait sauter des locaux, des magasins.

25 J'ai entendu des tirs, mais je n'ai fait que les entendre; je ne l'ai pas

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1 vu.

2 Q. Ces magasins ou ces locaux qu'on a fait plastiquer, qu'on a fait

3 sauter, c'était des locaux serbes, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Si l'on excepte ces locaux commerciaux que l'on a plastiqué dans cette

6 période-là, donc à compter du mois de mars, date à laquelle ont commencé

7 les conflits, puis il y a eu escalades au mois d'août, savez-vous nous dire

8 quoi que ce soit au sujet des crimes survenus, des crimes perpétrés à

9 l'encontre des Serbes à Vukovar pendant ce temps ?

10 R. Oui. J'en ai entendu parler. J'ai entendu des récits à ce sujet, mais à

11 compter de ce mois d'août, je ne suis plus sortie de chez-moi, ce qui fait

12 que tous ces renseignements ne sont pas vérifiés. Et j'ai entendu dire que

13 c'est surtout les couples mixtes qui ont souffert à Vukovar, les gens qui

14 faisaient partie de couples mixtes, mais je ne puis l'affirmer parce que je

15 n'ai rien vu moi-même.

16 Q. Vous souvenez-vous du fait qu'en juillet, en d'autres termes, avant

17 l'escalade des événements, il y a eu révocation du maire de Vukovar ?

18 C'était un Serbe, Slavko Dokmanovic.

19 R. En effet.

20 Q. Savez-vous pourquoi il a été révoqué de ses fonctions ?

21 R. Je ne le sais pas personnellement. Je ne suis pas un homme politique.

22 Les gens ont dit que c'était parce que c'était un Serbe et on a mis à sa

23 place quelqu'un d'autre.

24 Q. Etant donné que vous avez écouté la radio, vous souvenez-vous du fait

25 que l'on avait révoqué de ses fonctions aussi le directeur de la radio ?

Page 25500

1 R. Oui. C'était jusque-là, Radio Vukovar, et c'est devenu par la suite la

2 Radio croate.

3 Q. Donc c'était Radio Vukovar et après c'est devenu la Radio croate,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Et vous souvenez-vous des liquidations de Serbes dans Vukovar à

7 l'époque ?

8 R. Je vous ai dit déjà que j'en ai entendu parler. Nous étions une

9 population mixte et nous nous parlions les uns aux autres. Maintenant de

10 là, à savoir que -- de là à dire que j'ai vu quoi que ce soit ou que j'ai

11 lu quoi que soit à ce sujet, je dirais que non.

12 Q. Donc vous n'avez ni vu, ni lu, quoi que ce soit à ce sujet ?

13 R. Non.

14 Q. Bien. Vous souvenez-vous du fait que, dans le village de Brsadin, qui a

15 été mentionné tout à l'heure, à proximité de Vukovar, en date du 1er mai

16 1991, il y a eu -- il est tombé une première victime, un Serbe ?

17 R. Oui.

18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom de cette victime.

19 Q. Et un homme appelé Djuro Gelincin.

20 R. Je ne sais pas. Je n'en ai entendu que parler.

21 Q. Savez-vous nous dire quelque chose au sujet des unités paramilitaires

22 ou des formations paramilitaires qui se réunissaient ou qui se

23 constituaient pour commettre ces meurtres ?

24 R. Je n'en sais rien. Je ne sais pas où est-ce qu'ils se rassemblaient ou

25 est-ce qu'ils posaient des embuscades ?

Page 25501

1 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet des centres de

2 rassemblement à l'attention de Serbes à Vukovar parce que, d'après les

3 informations qui m'ont été servies, vous êtes citoyenne de Vukovar, donc,

4 autrement dit vous êtes sensée savoir certaines choses. Il y avait à Borovo

5 Selo [sic], au hangar de l'aéroport, des centres de rassemblement, ainsi

6 qu'à l'école inachevée, puis dans le jardin d'enfants, dans le cadre de

7 l'assemblée municipale, dans un abri anti-atomique, dans la société de Drvo

8 Promet, Borovo Komerc.

9 R. J'en ai entendu parler après la guerre lorsque nous sommes rentrés,

10 mais -- et lorsque les combats ont commencé, mais je n'ai fait qu'entendre

11 parler. Je n'étais pas là-bas et je ne l'ai pas vu

12 -- je n'ai pas vu une seule victime.

13 Q. Quand vous dites -- vous venez de dire : "Je suis -- quand je suis

14 rentrée." Quand est-ce que vous êtes revenue là-bas ?

15 R. Le 27 ou 28 novembre 1991, donc dix jours après la cessation des

16 combats. Les gens en ont parlé de cela.

17 Q. Avez-vous entendu dire que sur les sites où l'on a tué des Serbes après

18 les avoir interrogés, après les avoir appréhendés ? Trpinska Cesta, le club

19 d'avion Testa [phon], la gare ferroviaire Pcelica Creche, les rives du

20 Danube, et ainsi de suite. La liste est assez longue. Je ne vais pas vous

21 fatiguer davantage avec tous ces sites, mais avez-vous entendu parler des

22 sites en question ?

23 R. Oui, ces sites sont familiers. J'en ai entendu parler. Je ne l'ai pas

24 vu, j'avais autre chose à faire, mais c'était déjà assez grave et c'était

25 terrible que d'en entendre parler, rien que d'en entendre parler.

Page 25502

1 Q. Oui, c'était bien sûr terrible -- dur en entendre parler. Avez-vous

2 entendu parler d'un certain Marko Filkovic, surnommé Kinez, en traduction

3 "le Chinois", qui était commandant de la Garde nationale ?

4 R. Non.

5 Q. Et savez-vous quels sont les civils qui ont été tués sous son

6 commandement, notamment au mois de novembre 1991, début de novembre pour

7 être précis ?

8 R. J'ai entendu prononcer certains noms, mais ultérieurement. Il s'agit

9 peut-être de l'homme que je connaissais aussi, mais maintenant ces noms ne

10 me disent plus rien.

11 Q. Vous souvenez-vous des événements où dans la maison de Milos Novakovic,

12 où s'étaient cachées dans la cave des familles entières, ces familles

13 entières ont été massacrées, les femmes et enfants compris, les Pavlovic et

14 Pavic ?

15 R. Je ne sais pas. Où est-ce que se trouve cette rue ?

16 Q. Je crois que c'est la maison de Milos Novakovic.

17 R. Peut-être. Mais où se trouve-t-elle ?

18 Q. L'INTERPRÈTE : [inaudible]

19 R. Je ne sais pas. Je n'en ai pas entendu parlé.

20 Q. Puisque vous étiez encore à Vukovar au mois d'août 1991, vous souvenez-

21 vous que, dans l'abri atomique d'Olajnica, il a été tué des enfants. On a

22 égorgé des enfants.

23 R. Je ne sais pas. Je suis au courant de l'existence d'un abri anti-

24 atomique à Olajnica, mais je n'ai pas entendu parler de cela. Je sais qu'il

25 y a des obus qui ont sauté, qui ont explosé devant cet abri, mais cela

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1 s'est passé vers la fin de la guerre et, en effet, à cette occasion-là, des

2 enfants sont morts suite à ces explosions.

3 Q. Mais sur ce que vous savez nous dire concernant le blocus des casernes,

4 qui a-t-il à dire vous concernant pour ce qui est de ces casernes à

5 Vukovar ?

6 R. Ces casernes se trouvent loin de l'endroit où j'habitais. On aura dit,

7 effectivement, que la caserne a été bloquée, que l'armée n'avait pas

8 d'approvisionnements en eau, en vivres et en électricité et que c'est la

9 raison pour laquelle des attaques ont été lancées sur Vukovar.

10 Q. Mais aviez-vous entendu parlé de coups de feu tirés en direction de la

11 caserne ?

12 R. C'est trop loin de là où j'habite.

13 Q. Savez-vous nous dire quand est-ce que ce blocus a commencé ?

14 R. Je ne sais pas au juste. Ce que je sais c'est qu'à compter du 24 août,

15 je ne suis plus sorti de la cave parce que les avions ont commencé à

16 intervenir. On avait affirmé qu'un camion a été attaqué sur la route de

17 Borovo Selo.

18 Q. Donc c'est là que cela a commencé avant la date du mois d'août que vous

19 venez de citer, n'est-ce pas ?

20 R. Probablement, je n'en sais rien.

21 Q. Vous devez vous rappeler que la JNA a subi et souffert de toutes ces

22 interventions en s'attendant à ce qu'il y ait déblocage de ces casernes.

23 Ils ont attendu jusqu'au 1er octobre ?

24 R. Monsieur, je me ferais un plaisir de répondre à vos questions, mais

25 j'avais à prendre soin de deux enfants à moi et, pour être simple, je

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1 dirais que je ne suis pas sorti du tout de cette cave à compter du 24 août.

2 Q. Etant donné que dans votre déclaration vous mentionnez le fait qu'il

3 est venu deux soldats de la JNA vous dire de vous en allez. Est-ce que cela

4 signifie qu'ils vous ont protégé de la sorte ?

5 R. Oui.

6 Q. Ils vous ont dit de vous mettre à l'abri ?

7 R. Ils nous ont permis de traverser la route jusqu'à une maison, un

8 bâtiment où nous étions censé être en sécurité. Et il y en avait un qui se

9 trouvait devant nous et l'autre se trouvait derrière nous.

10 Q. Vous nous dites qu'ils vous ont emmené vers un terrain de football là

11 où il y avait déjà pas mal de gens.

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce là que vous avez vu votre mari ?

14 R. Mon époux est venu avec moi.

15 Q. Donc à ce moment-là, vous étiez encore ensemble, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Et pourquoi l'on-t-il gardé, lui ? Parce que partant de ce que vous

18 avez dit dans votre déclaration, j'ai cru comprendre qu'il avait fait

19 partie d'un groupe logistique chargé d'approvisionner l'hôpital, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Donc, c'était son travail ?

23 R. Oui. Tous les hommes âgés ou jeunes ont été conduits vers ce terrain.

24 Les femmes sont restées là, mais les hommes ont été emmenés vers l'école et

25 le bâtiment de la communauté locale pour des vérifications de pièces

Page 25505

1 d'identité.

2 Q. Dans ce qui nous a dit M. Saxon, j'ai pu comprendre que vous n'avez

3 plus revu votre époux par la suite, n'est-ce pas ?

4 R. C'est exact. Je ne l'ai plus revu.

5 Q. Et tout ce que vous avez appris par la suite, vous l'avez appris en le

6 cherchant et en vous entretenant avec d'autres personnes à cette fin ?

7 R. Oui.

8 Q. Je voudrais en venir à ce qui a été expliqué par M. Saxon en dernier et

9 je vous demanderais de nous apporter quelques clarifications. Vous dites,

10 en effet, qu'une personne déterminée -- je ne vais pas donner lecture du

11 nom de cette personne parce que cela peut mettre en péril les mesures de

12 protection relative à votre identité -- donc vous dites que cette personne

13 avait vu, à un moment donné, votre époux à Dalj, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Elle a dit, cette personne, qu'elle avait été emmenée également à Dalj.

16 R. Nous sommes tous passés par Dalj, mais moi j'y suis allé avant.

17 Q. Mais moi, je suis en train de lire : "Elle était devant le cinéma de

18 Dalj" -- et vous dites -- "et elle a dit que mon époux s'était approchée

19 d'elle."

20 R. Oui.

21 Q. Donc :

22 "Ils se sont entretenus un moment, puis un homme de petite taille s'est

23 approché de mon époux et a dit qu'il avait besoin de lui."

24 R. C'est cela.

25 Q. Vous dites aussi que :

Page 25506

1 "Les hommes qui avaient sécurisé ce secteurs lui ont dit que mon mari avait

2 traversé une procédure et qu'il avait été relâché."

3 R. Oui.

4 Q. Madame C-1071, je voudrais que vous m'expliquiez ce qui suit. Lorsqu'on

5 vous a mis de côté avec ce groupe, vous avez été protégée par la JNA,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Il découle de ce fait qu'il a été procédé à des contrôles et que votre

9 époux a été relâché par cette même JNA, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, pour aller jusqu'à Dalj, en effet.

11 Q. Et ceux dont vous avez parlé, disant qu'ils se sont efforcés de

12 capturer une fois de plus votre époux ou de faire quoi que ce soit contre

13 lui, n'avaient plus rien à voir avec la JNA, n'est-ce pas ?

14 R. D'après ce que j'ai entendu dire, oui.

15 Q. Etait-ce là des gens originaires de Dalj ou quoi ?

16 R. Oui, en effet.

17 Q. Et vous nous dites que cet homme-là avait insisté, quoiqu'on lui ait

18 dit que cet homme avait été relâché, qu'il n'y avait donc plus raison de le

19 garder. L'autre a fait venir un autre groupe d'hommes, ils l'ont capturé et

20 l'ont emmené, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. C'est donc la dernière des informations que vous ayez obtenues à son

23 sujet, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Je voulais que cela soit clarifié parce qu'il fallait bien dissocier

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1 les choses. Avez-vous remarqué dans le comportement des gens d'illégal ou

2 de violent à l'égard des gens ?

3 R. Non.

4 Q. Quelques petits détails encore, je ne vais pas vous garder plus

5 longtemps. Je sais que ce n'est pas facile pour vous d'en parler. Vous avez

6 passé un certain temps à Serbie, chez de la famille.

7 R. Oui.

8 Q. Je ne vais pas parler de localité pour ne pas vous identifier, donc

9 vous avez été vers le nord de la Serbie ?

10 R. En effet.

11 Q. Est-ce que vous avez essayé par le biais de la Croix rouge de cette

12 municipalité, ou de la Croix rouge de la Serbie, ou voire la Croix rouge

13 internationale de vous procurer des informations à son sujet ? Avez-vous

14 demandé de l'aide de la part des représentants, des autorités locales de

15 cette municipalité en Serbie ?

16 R. Non, c'est moi-même qui suis allé à Dalj -- qui suis retourné à Dalj.

17 Q. Vous avez donc traversé Danube pour aller chercher votre mari ?

18 R. Oui. Mes enfants sont restés en Serbie et moi je suis retournée à Dalj.

19 Je suis allée voir l'armée, la police, la Défense territoriale, et on nous

20 a dit que des vérifications allaient être entreprises, et que ces hommes

21 allaient venir après nous, par la suite.

22 Q. Donc, il a été vérifié lui, il a été relâché, puis il a été capturé par

23 d'autres gens, partant de la conversation en question. Avez-vous cru

24 comprendre qu'il s'agissait là d'un groupe de civils qui l'avait capturé ?

25 R. C'est ce que j'ai cru comprendre. J'ai cru comprendre en fait qu'il a

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1 disparu parce qu'il était Croate.

2 Q. Avez-vous appris dans quelle prison il a été détenu ?

3 R. D'après ce que j'ai appris, il n'a pas bougé de Dalj.

4 Q. Mais cette prison de Dalj avait été tenue par la Défense territoriale,

5 ou la police de Dalj.

6 R. En effet.

7 Q. Et par la suite, devant le bâtiment de la Croix rouge, vous avez

8 entendu dire que votre mari avait été tabassé -- passé à tabac, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Avez-vous essayé d'une façon ou d'une autre d'apprendre qui étaient les

12 personnes qui avaient capturé votre époux ?

13 R. Oui, mais je ne me suis pas adressée là-bas à ces formations-là parce

14 qu'à l'époque, il était difficile de dire que votre mari était Croate et,

15 comme je suis restée seule avec mes filles, la personne, qui m'a dit

16 qu'elle pensait que mon époux était tué à Dalj, m'a dit de rien faire, de

17 rester là où j'étais, et de veiller à mes enfants dans l'intérêt des

18 enfants.

19 Q. Mais avant que d'avoir rencontré cette connaissance à vous, qui vous a

20 raconté que votre époux avait traversé, avait fait l'objet d'une procédure,

21 et qu'il a été relâché --

22 R. Oui.

23 Q. Avez-vous pu faire une évaluation pour ce qui est de la référence à la

24 personne, qui vous avait raconté que votre époux était tué, était bien une

25 corrélation entre ce moment-là, et le moment où la personne qui vous a dit

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1 l'avoir vu devant le cinéma, quand cela s'est-il passé ?

2 R. Cet homme -- je suis allé à Dalj et j'allais tous les jours demander

3 des informations. J'avais demandé où il se trouvait, pour l'enterrer

4 dignement, cela se passait en 1991. Or, personne ne voulait parler de ces

5 choses-là. Il s'est passé des années -- ou plutôt il s'est passé une année

6 entre ce moment-là et le moment-là où la femme m'a raconté les derniers

7 moments de la vie de mon époux. Je crois qu'elle doit avoir doté pour sa

8 sécurité, elle doit avoir eu des craintes pour sa sécurité, elle n'a pas

9 voulu témoigner. Mais personne ne m'a dit directement. Je l'ai vu quand on

10 l'a tué, quand on l'a abattu.

11 Q. Vous nous avez raconté qu'avant d'avoir rencontré cette connaissance,

12 vous avez ouie dire qu'il était tué.

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. Oui, je ne vais pas vous poser la question portant sur le nom de cette

15 personne, mais si quelqu'un savait que votre époux était tué, pourquoi

16 n'avez-vous pas posé davantage de questions : qui, comment, où ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre pour

18 parler de ceci. Nous n'avons pas reçu l'interprétation du nom de la

19 personne à laquelle vous faisiez référence, Monsieur Milosevic. Vous

20 faisiez référence à qui ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai demandé à Mme C-1071 si elle connaissait

22 cet homme, cet homme qui lui a dit que son mari avait été tué. J'ai demandé

23 de -- si elle connaissait le nom de cet homme. Mais finalement, ce n'est

24 pas pertinent puisque le témoin vient de dire que cet "homme est mort

25 aujourd'hui."

Page 25510

1 R. Je pense que c'est bien dit dans ma déclaration préalable.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Excusez-moi, je ne l'avais pas remarqué auparavant.

4 R. Attendez, donnez-moi le temps de trouver ce passage.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que ceci se trouve au

6 paragraphe 13, et le nom figure effectivement dans ce paragraphe.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Oui, je comprends, mais quoiqu'il en soit. Vous n'avez pas réussi à

9 obtenir d'autres détails, d'autres renseignements de cet homme.

10 R. Non.

11 Q. Donc, tout ceci revient à parler de ces trois sources -- de ces trois

12 personnes qui vous ont donné des brides d'information à propos de votre

13 mari. La seule chose que vous savez avec certitude c'est qu'il a été

14 capturé par ce groupe d'hommes devant le cinéma.

15 R. Oui.

16 Q. Et c'était un groupe de civils.

17 R. C'est ce qu'on m'a dit.

18 Q. Je vous remercie, Madame. Je n'ai plus de questions à vous poser.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

20 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

21 Q. [interprétation] Madame le Témoin, je vous saurai gré de nous apporter

22 quelques éclaircissements, à l'intention des juges à propos de la caserne.

23 Nous parlons d'une caserne qui se trouve où ? Dans la ville même ?

24 R. Oui.

25 Q. Elle n'est pas près de chez vous, mais elle se trouve dans la ville

Page 25511

1 même ?

2 R. Oui.

3 Q. Et dans cette ville, la caserne a toujours existé à votre

4 connaissance ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que c'est une grosse caserne, avec beaucoup de soldats, et

7 beaucoup d'armements ?

8 R. Franchement, je ne sais pas. Je n'allais pas souvent dans ce quartier

9 là de la ville pour ce qui est de savoir le nombre de soldats qui étaient

10 cantonnés. Je ne sais pas. Je pense que c'est un bâtiment normal,

11 ordinaire, pas particulier.

12 Q. Fort bien, vous avez dit que la caserne et les effectifs qui s'y

13 trouvaient, à un moment donné, en sont restés sans courant, sans eau, et

14 sans vivres.

15 R. Oui, d'abord on leur a coupé tous ces approvisionnements, et puis ce

16 fut le cas pour nous aussi.

17 Q. Donc, d'abord on a coupé ces approvisionnements pour la caserne, et

18 puis seulement après pour la population. Comment le savez-vous ?

19 R. Bon, pour ce qui est de la chronologie des événements, je l'ai

20 simplement entendu parler.

21 Q. Est-ce qu'il y a eu des attaques ? Est-ce que quelqu'un s'est servi

22 d'armes pour attaquer la caserne à quelque moment que ce soit ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Mais est-ce que c'est ce qui s'est passé en premier lieu avant le

25 bombardement de la ville ?

Page 25512

1 R. Mais, c'est ce que les gens disaient.

2 Q. Je n'ai plus qu'une question à vous poser. Est-ce qu'il y a eu des

3 pertes parmi les soldats et officiers au cours du siège de la caserne,

4 avant que ne commence le bombardement ?

5 R. Je n'en ai pas entendu parler de cela puisque moi j'étais, comme je

6 vous l'ai dit, dans la cave, mais j'ai entendu parler des attaques

7 perpétrées contre les camions. C'est tout ce que je sais.

8 Q. Je vous remercie.

9 Questions de la Cour :

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Témoin C-1071, est-ce que les

11 représentants du Procureur ne vous ont pas dit qu'il y a un témoin venu à

12 ce Tribunal qui a dit avoir vu le cadavre de votre mari ?

13 R. Non.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

15 Nouvel interrogatoire par M. Saxon :

16 Q. [interprétation] Madame le Témoin C-1071, M. Milosevic vous a laissé

17 entendre que, finalement, tout se ramenait à trois sources qui vous ont

18 donné des brides d'informations. Dans votre déclaration, est-ce que vous ne

19 faites pas état d'une autre source --

20 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.

21 M. SAXON [interprétation] -- où vous dites être allée à Dalj les 22 et 23

22 novembre 1991 pour commencer à vous mettre à la recherche de votre mari.

23 Vous êtes allée au QG de la JNA à Dalj, où vous avez parlé à un garde. Est-

24 ce que, par hasard, vous vous souvenez que ce garde de la JNA vous a parlé

25 d'erreurs qui avaient été commises ?

Page 25513

1 R. Au moment où j'ai posé cette question, j'avais demandé s'ils avaient

2 une liste ou quelque chose de ce genre. Et on m'a dit

3 -- cet homme de l'armée m'a dit qu'on avait fait une erreur, puisqu'on

4 avait tout remis à des membres de la Défense territoriale.

5 Q. Vous avez également dit que vous aviez entendu dire que les victimes

6 les plus fréquemment tombées à Vukovar étaient des personnes venant de

7 mariages mixtes. Vous-même, vous étiez dans un mariage mixte, n'est-ce pas

8 ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que le corps de votre mari a été trouvé, Madame -- a été

11 identifié ?

12 R. Oui.

13 Q. Pourriez-vous nous dire de façon approximative la date et le lieu où

14 son corps a été retrouvé ?

15 R. A peu près avant que je ne fasse cette déclaration, au cours du

16 printemps 2001, son corps a été trouvé dans une clairière appelée Lovas,

17 qui se trouve entre Dalj et Borovo Selo. C'est ce qu'on m'a dit.

18 Q. Est-ce que des blessures ont été constatées sur le corps de votre

19 mari ? Le savez-vous ou pas ?

20 R. Ce qu'on m'a dit, c'est qu'il présentait deux traces d'entrée et de

21 sortie de blessures, donc, des blessures d'entrée et de sortie. Il y en a

22 peut-être deux autres, mais je ne suis pas tout à fait sûre.

23 Q. Et qu'est-ce qui aurait provoqué ces blessures, où vous voyez l'abord

24 de la blessure ainsi que la sortie ?

25 R. C'était sans doute des coups de feu ou des balles tirées par un fusil.

Page 25514

1 Je n'ai pas demandé si ça avait été des coups tirés par un pistolet ou par

2 un fusil. On ne me l'a pas dit, et je n'ai pas posé la question.

3 M. SAXON : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Je n'ai plus de

4 question à vous poser.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame le Témoin C-1071, nous vous

6 remercions d'être venue déposer en tant que témoin au Tribunal pénal

7 international. Cette déposition est terminée. Vous pouvez maintenant

8 disposer; cependant, je vais vous demander d'attendre le temps que l'on

9 descende les stores -- que l'on baisse les stores afin de permettre votre

10 sortie du prétoire.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

12 [Le témoin se retire]

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Occupons-nous d'abord du

17 témoin. Madame Bauer, des mesures ont été prises. Est-ce bien le cas pour

18 qu'il y ait prononcement de la déclaration solennelle ?

19 Mme BAUER : [interprétation] Je crois que c'est le cas.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame, je vais vous demander de suivre

22 ce que dit l'interprète. Je vais maintenant demander aux interprètes de

23 donner lecture de la déclaration solennelle.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

Page 25515

1 LE TÉMOIN : ANA BICANIC

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

8 Madame Bauer, vous avez la parole.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, nous avons entendu dire qu'il y a

10 eu un changement dans l'ordre des témoins, et que Josip Josipovic a été

11 biffé de la liste des témoins cités à la barre.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais tout simplement vous demander de

14 constater par exemple, et établir le fait si oui ou pas, M. Josip Josipovic

15 est venu en cette semaine à La Haye.

16 Secondo, je voulais attirer votre attention sur le fait, que lui, nous

17 apporte des données fort importantes, pertinentes concernant les événements

18 de Bosanska Dubica et de Hrvatska Dubica. Et je voulais tout simplement

19 dire en toute responsabilité, que la partie adverse veut le biffer sur la

20 liste des témoins, étant donné que ses déclarations la dérangent.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici ce que nous allons faire : Nous

22 allons d'abord entendre l'audition de ce témoin ici, présent dans le

23 prétoire, qui devrait puisqu'elle présente pouvoir faire sa déposition sans

24 être interrompue. Ensuite, nous reviendrons à ce témoin que vous venez de

25 mentionner. Et nous verrons ce qu'il en est à ce moment-là. Vous pourrez, à

Page 25516

1 ce moment-là, présenter vos arguments. Mais occupons-nous d'abord qui se

2 trouve dans le prétoire.Interrogatoire principal par Mme Bauer :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin. Vous m'entendez bien ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vais vous demander de décliner votre identité, Madame, aux fins du

6 dossier de l'audience.

7 R. Bicanic Ana.

8 Q. Madame Bicanic, vous souvenez-vous du fait, qu'il y a deux jours, vous

9 avez parcouru votre déclaration préalable en présence d'un représentant du

10 Tribunal ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous avez signé une déclaration attestant de l'exactitude de

13 votre déclaration préalable en présence de ce représentant du Tribunal ?

14 R. Oui.

15 Mme BAUER : [interprétation] J'aimerais à ce stade, demander le versement

16 au dossier de cette déclaration en application de l'Article 92 bis des

17 Règlements de procédure et de preuve.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander que soit une cote pour

19 ce document.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce d'accusation 519.

21 Mme BAUER : [interprétation] Je vais commencer la lecture du résumé.

22 Madame Bicanic, était une ménagère de 56 ans, au moment des événements.

23 Pendant toute sa vie --

24 R. Oui.

25 Mme BAUER : [interprétation]

Page 25517

1 Q. Madame Bicanic, je lis simplement le résumé. Je ne vous demande pas

2 maintenant de donner de réponses. Détendez-vous, vous n'avez rien à faire

3 pour le moment.

4 R. Merci.

5 Mme BAUER : [interprétation] Elle a passé toute sa vie à Saborsko, un

6 village habité surtout par des Croates qui faisait à peu près sept

7 kilomètres de longueur.

8 R. Oui.

9 Mme BAUER : [interprétation]

10 Q. Madame Bicanic, il n'est pas nécessaire de dire oui chaque fois que je

11 dis quelque chose.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez simplement, Madame Bauer.

13 Mme BAUER : [interprétation] Je vous remercie.

14 A partir de juin jusqu'en novembre 1991, Madame Bicanic a observé des

15 transporteurs de troupes blindés et des jeeps remplis de soldats qui

16 traversaient le village vers Licka Jesenica, un village où la JNA avait un

17 camp d'entraînement. Au pied d'une colline, celle de Pljesevica, il y avait

18 un héliport militaire proche de Saborsko. Et les hélicoptères, des avions

19 survolaient le village à cette époque.

20 En 1991, en juin plus exactement, des Serbes venant de Licka Jesenica ont

21 commencé à tirer à l'aveuglette sur le village, avec des canons et

22 quelquefois -- à l'arme à feu et quelquefois à l'artillerie. Dix personnes

23 ont trouvé la mort dans le cadre de ces premières attaques. Plusieurs ont

24 été blessés. Après ces premières attaques, quelques personnes ont été

25 évacuées de la région, en particulier, des femmes qui avaient des enfants

Page 25518

1 en bas âge et des personnes âgées. Il y a eu un pilonnage à l'artillerie

2 lourde du village, le 5 août 1991, et ceci s'est poursuivi pendant deux

3 jours; deux jours avant la chute du village, le 12 novembre 1991.

4 Vers le mois d'octobre 1991, le 12 novembre, plus exactement, des avions

5 ont attaqués le village en larguant des bombes traçantes, lançant des

6 balles traçantes et en larguant des bombes. Le témoin et son mari se sont

7 réfugiés dans la cave d'une maison familiale appartenant à Petar Bicanic.

8 Il y avait environ 20 personnes dans cette cave qui y avaient cherché

9 refuge fasse à l'assaut ennemi. C'était tous des civils.

10 Une femme du village est arrivée dans cette cave qui servait de refuge et a

11 dit à ceux qui s'y trouvait de prendre la fuite parce que les chars étaient

12 déjà entrés dans la ville. Il y avait que quelques jeunes hommes qui ont

13 suivi ce conseil et qui sont partis aussitôt. Peu de temps après, le témoin

14 et son mari sont partis en courant dans leur maison qui était toute proche

15 afin d'y aller chercher quelques vêtements plus chauds. Son mari qui avait

16 sur lui deux grenades à main et qui craignait que ceci ne lui coûte la vie

17 si on les trouvait, les a caché dans une meule de foin. Par la suite, ces

18 deux personnes, le témoin et son mari sont revenus dans la cave. Après un

19 légère accalmie dans les bombardements, le groupe a pensé qu'il était peu

20 être utile de se rendre et a entendu quelqu'un à l'extérieur de la maison,

21 de la maison où ils se cachaient, dire : "Donnez-moi quelques allumettes."

22 Ils ont cru que les Serbes commençait à incendier les maisons et qu'ils

23 allaient être brûlés vifs. Ils sont donc sortis pour se rendre. Mme

24 Bicanic, qui avait confectionné un drapeau blanc improvisé, est d'abord

25 sortie en criant qu'il ne fallait pas tirer parce que c'était tous des

Page 25519

1 civils. Elle a vu deux soldats portant l'uniforme gris foncé serbe et aussi

2 avec une des casquettes sur laquelle se trouvait l'étoile rouge à cinq

3 branches. Ces soldats étaient lourdement armés et parlaient à dialecte

4 serbe.

5 Les soldats ont lancé une grenade dans la cave de la maison et puis on

6 séparait les hommes des femmes, fouillant tous les hommes et prenant les

7 objets de valeur et l'argent qu'ils avaient éventuellement. Mme Bicanic a

8 vu que son mari a été frappé alors qu'il n'y avait aucune raison de le

9 faire. Il avait l'air terrifié. Il était livide. Un des soldats a hurlé

10 qu'ils allaient tous être abattus, égorgés. D'autres Serbes se trouvaient

11 sur la route, ont fouillé des maisons et ont pris tout ce qui ce qu'ils

12 pouvaient trouver. Par la suite, ils ont séparé les hommes et les ont

13 emmené derrière la maison. Mme Bicanic a vu que ces deux soldats qu'elle

14 avait vus au départ, au moment où elle était sortie de la cave, ont tiré et

15 ont tué tous les hommes à l'arme automatique dont le mari du témoin. Par la

16 suite, ces soldats ont donné un ultimatum aux femmes en leur disant

17 qu'elles devaient quitter Saborsko en moins d'une demie heure, sinon elles

18 allaient être tuées, elles aussi.

19 Le témoin est rentré en Saborsko en 1995. Il n'a pas reconnu le village.

20 Tout y avait été détruit et la végétation avait pris le dessus. La maison

21 du témoin avait tout à fait été démolie et incendiée. Les églises locales

22 avaient été détruites, une totalement, l'autre qui venait du Moyen Age

23 avait subi des dégâts importants. Après l'opération Tempête en 1995, une

24 fosse commune a été découverte près de maison paroissiale de Saborsko. La

25 maison du témoin se trouvait -- l'homme du témoin se trouvait parmi les

Page 25520

1 morts. Il y avait d'autres hommes qui avaient été tués se trouvant dans la

2 fosse commune.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

4 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

5 Q. [interprétation] Madame Bicanic, vous dites, page 2 de votre déposition,

6 paragraphe 2, qu'il y a eu un référendum en 1990 dont les résultats étaient

7 satisfaisants pour les Croates et pas du tout pour les Serbes, n'est-ce pas

8 ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame le Témoin, avez-vous entendu la

10 question ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que cela est juste ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ceci n'est pas exact. Les Serbes ont été

14 fort heureux lorsqu'ils l'ont fait. C'est à cela qu'ils aspiraient. Ils

15 voulaient avoir une Grande Serbie et voulait anéantir tout tant que les

16 circonstances s'y prêtaient et qu'ils avaient la possibilité.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Madame Bicanic, je comprends l'explication que vous nous donnez mais

19 celle-ci n'a rien à voir avec la question que je vous ai posée. Je vous ai

20 posé une question relative à votre déposition. Je vous en donne lecture.

21 Vous dites : "En 1990, un référendum a été organisé. Les Croates en furent

22 fort satisfaits. Les Croates [sic] ne l'ont pas été du tout."

23 R. Parce qu'ils ont voulu obtenir une Grande Serbie. Voilà pourquoi ils ne

24 l'ont pas été. Ils ont tenté de créer une Grande Serbie et voilà comment

25 tout cela est arrivé.

Page 25521

1 Q. Bien, Madame Bicanic. Quelle est donc l'explication que vous offrez,

2 vous, pour nous dire la raison pour laquelle les Serbes n'ont pas été

3 heureux de voir ce référendum organisé pour qu'il y ait une séparation de

4 la Croatie de la Yougoslavie ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Mais vous dites qu'ils n'ont pas été heureux.

7 R. Mais s'ils ont mis tout sur le siège. Ils ont tous tués tout le monde

8 partout où ils se rendaient, probablement c'est pour cela qu'ils ont été

9 heureux.

10 Q. Mais Madame Bicanic, vous dites que : "Déjà, en été 1990, les Serbes

11 ont érigé des barrages routiers", n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous est-il arrivé d'en voir quelques-uns de ces barrages ?

14 R. Non. Je n'ai pas vu de barricades, ni de gens autour. Mais nous étions

15 bloqués, confinés, comme par exemple dans ce prétoire. Nous, on pouvait

16 rester dans la maison et puis tant qu'il y avait à manger, enfin, dans les

17 différents locaux de commerce, on s'en occupait. Voilà de quoi on s'est

18 occupé parce que les attaques duraient. Nous étions pratiquement confinés

19 comme dans cette chambre-ci, dans cette pièce.

20 Q. Bon. Vous ne les avez pas vu ces barrages mais est-ce que vous en avez

21 entendu parler par des gens qui les auraient vu ? Où se trouvaient-ils, ces

22 barrages ?

23 R. Je ne saurais vous le dire. Je ne m'y suis pas rendu. Je ne me suis pas

24 vraiment intéressé. J'ai entendu parler de cela.

25 Q. Bon. Mais est-ce que dans Saborsko même il y en avait ?

Page 25522

1 R. Oui, à l'entrée. A l'entrée de Saborsko en direction de Licka Jesenica.

2 A l'entrée de Saborsko même.

3 Q. Mais l'avez-vous vu ce barrage de Saborsko ?

4 R. Non. Non. Je n'ai pas bougé des parages qui étaient les miens, là où

5 l'environnement qui était le mien où j'ai vécu dans ma maison. Et nous

6 n'avons pas eu de contacts d'ailleurs avec des gens.

7 Q. Saborsko, est-ce bien un village croate ?

8 R. Oui, croate. Il y avait quatre Serbes, des voisins.

9 Q. Bon. Est-ce que ce sont vraiment les gens, les habitants du village,

10 les villageois qui ont érigé ce barrage routier ?

11 R. Non. Non. Il n'y avait pas de raisons de le faire. Il y avait quatre

12 Serbes uniquement. Ils étaient tous d'ailleurs, tous les quatre, avec nous

13 dans la cave et on vivait en bonne entente jusqu'aux derniers deux jours.

14 Q. Qui est-ce qui a érigé ce barrage routier de votre village ?

15 R. Les gens de Jesenica.

16 Q. Donc, les gens du village voisin ?

17 R. Oui. Oui. Du village voisin parce que cela appartenait à leur

18 territoire.

19 Q. Bon. Page 2, troisième paragraphe. Vous dites, "début juin 1991, les

20 Serbes se sont mis à tirer au hasard sur votre village."

21 R. Oui.

22 Q. D'ordinaire, ils visaient l'école et l'église, n'est-ce pas ?

23 R. Oui. Mais je crois que chacune des maisons-là a été touchée.

24 Q. Bon, Madame Bicanic, qui a-t-il eu au niveau de l'école ou de l'église

25 pour que ces deux objectifs soient visés ?

Page 25523

1 R. Mais il y avait des édifices comme tout autre. Il y avait des gens qui

2 se rendaient les enfants à l'école qu'ils fréquentaient, les gens à

3 l'église. Et voilà ce qui était surtout touché pour ne pas dire rasé, pour

4 ne pas parler ensuite d'autres maisons et édifices.

5 Q. Dites-moi, au niveau de l'école ou de l'église, y a-t-il eu, disons,

6 d'armes qui ont posté à partir et avec lesquelles armes ont tiré ?

7 R. Non. Non. Il n'y avait pas d'armes d'ailleurs. Il n'y avait qu'une

8 dizaine de gens qui appartenaient à la police, qui avaient de petits

9 fusils. C'est tout ce qu'on pouvait à faire considérer comme étant des

10 armes. Il s'agit évidemment d'armes légères de la police.

11 Q. Vous dites qu'en ce temps-là, neuf habitants de Saborsko ont été tués.

12 R. Oui. Ils ont été mitraillés depuis un avion. Nous n'avons pas osé

13 sortir de chez-nous lorsque nous aurions entendu un avion. De toute façon

14 on pourrait nous voir lorsque nous étions sur la route. Donc, après les

15 repas que nous prenions chez-nous, et cetera.

16 Q. Donc, vous voulez dire que c'est du haut de l'avion donc qu'on a tiré,

17 que les gens ont été tués ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand c'est que ces bombardements aériens ont eu lieu, ce dont vous

20 parliez ?

21 R. En 1991. Le tout s'est passé en été, au cours de cette période de

22 temps, au mois d'août, en date du 5 et cela a duré jusqu'en novembre.

23 C'est-à-dire lorsqu'il y a eu la chute du village.

24 Q. Bon. Vous dites que Saborsko a été bombardé par des avions, des

25 appareils. Qui a-t-il eu à viser pour ces avions à Saborsko ?

Page 25524

1 R. Quoi et bien il a fallu tout dévaster, détruire et mettre à mort. Il y

2 avait une toute petite route de rien du tout. Il n'y avait pas de

3 militaires en majeure partie des civils, des gens qui se défendaient, qui

4 montaient la garde.

5 Q. Bon. Vous dites vous-même, Madame Bicanic, page 3 de votre déposition,

6 premier fragment, page 3 que : "En octobre 1991, deux camions étaient

7 arrivés à Saborsko à bord desquels se trouvaient environ 50 soldats

8 croates."

9 R. Oui. C'est de l'aide qui nous a été acheminée et puis on en a reçu des

10 armes légères mais qu'est-ce que c'était un moustique, rien du tout.

11 Q. Bon. Vous parlez d'une cinquantaine de soldats et d'armes.

12 R. Oui. Il y avait des gens qui sont venus pour nous protéger parce qu'on

13 ne pouvait plus vivre. On a eu peur de se faire égorger. On ne s'attendait

14 pas vraiment à de telles attaques si graves. Donc, il a fallu se défendre

15 tant bien que mal dans la mesure du possible mais c'était impossible de se

16 défendre, c'était une puissance importante qui s'avançait à notre encontre.

17 Q. Fort bien. Mais dites-nous comment se fait-il qu'il soit arrivé à

18 Saborsko avec leurs camions ?

19 R. Et bien, parfaitement bien, par la forêt. Ils ont emprunté la forêt et

20 subrepticement la nuit surtout, ils grouillaient comme ça.

21 Q. Comment grouillaient comme ça. Saborsko se trouvait assiégé, alors

22 qu'eux vous dites grouillaient comme ça en camions ?

23 R. Oui. Bien entendu, le siège était là. On ne pouvait bouger nul part.

24 Partout où on voulait s'avancer, il y avait la partie adverse.

25 Q. Bon, Madame Bicanic, est-ce que vous avez pu établir le fait de les

Page 25525

1 voir, comme ça, venir lentement, subrepticement à bord de leurs camions par

2 la forêt ?

3 R. Et bien, tant bien que mal, comme ils le pouvaient. Comme si quelqu'un

4 qui s'y avance à la dérobée pour voler, et cetera. C'est comme ça qu'ils

5 sont venus dans notre village, sans s'occuper de rien du tout, du reste.

6 Q. Vous dites qu'à bord de ces deux camions, 50 soldats sont arrivés et

7 des armes vous ont été emmenées également ?

8 R. Oui. Ces soldats-là et puis encore quelques munitions, et puis de

9 petites armes, armes légères.

10 Q. Qu'est-ce que vous appelez "petites armes" ?

11 R. Un fusil -- des fusils.

12 Q. Donc, vous êtes sûr qu'il s'agissait de deux camions pour parler de ces

13 50 hommes qui sont venus à leur bord, et puis de la nourriture et des

14 armes ?

15 R. Oui, oui, bien entendu, sans plus.

16 Q. Est-ce qu'il y a eu une -- un poste de police à Saborsko ?

17 R. Oui.

18 Q. Avec combien de policiers ?

19 R. Une dizaine de policiers et puis y avaient des civils aussi, des gens

20 plutôt âgés. C'était tout.

21 Q. A part ces 50 soldats qui sont venus, combien de gens y a-t-il eu à

22 Saborsko qui appartenaient à la Défense territoriale ?

23 R. Pas grand-chose ou presque rien. Tout cela est comme je le dis.

24 Q. Page 3, 2e paragraphe, vous dites dans votre déposition que les gens de

25 l'assistance sociale au mois de juillet, donc cela précède les événements

Page 25526

1 étaient venus à Saborsko pour en évacuer des personnes âgées, femmes et

2 enfants ?

3 R. Oui.

4 Q. A cette occasion-là, combien de gens y a-t-il eu qui ont eu à quitter

5 Saborsko ?

6 R. Pour la plupart, des gens âgés, des femmes, des mères d'enfants. Il y

7 en avait d'ailleurs peu. Parce qu'il y a eu très peu de gens de cette

8 catégorie, tous ces gens-là qui étaient invalides et d'autres, ceux qui ne

9 pouvaient pas fuir.

10 Q. Donc, ont été évacués ceux qui ont été incapables de porter les armes ?

11 R. Oui, bien entendu, c'est-à-dire, ceux qui ne pouvaient pas courir parce

12 qu'on devait se cacher dans la verdure, les buissons tout autour.

13 Q. Combien d'habitants y a-t-il en totalité dans Saborsko ?

14 R. Je ne serais vous le dire vraiment. Je ne suis pas si versée dans cette

15 matière. Je ne suis pas lettrée, moi.

16 Q. Bon. Combien de gens y a-t-il qui sont restés à Saborsko lorsqu'en juin

17 1991, ces gens-là étaient partis, c'est-à-dire, je veux dire, toutes ces

18 femmes, enfants, vieillards, personnes âgées ? Combien de gens y a-t-il eu

19 qui sont restés à Saborsko ?

20 R. Vous vous référez maintenant au moment de l'attaque ?

21 Q. Oui. Combien de gens y a-t-il eu à Saborsko après le mois de juin ?

22 R. Très peu. Très peu de gens. Quelques militaires et puis après, des

23 personnes âgées et quelques femmes.

24 Q. Et combien y en a-t-il eu ?

25 R. Très peu. Et tout cela a duré jusqu'à la dernière heure ou tout ceci

Page 25527

1 évidemment s'était abattu sur nous lorsque cette attaque était survenue si

2 dévastatrice, après quoi, nous nous sommes mis à fuir pour essayer de nous

3 en évader.

4 Q. Par conséquent, seul restèrent les hommes qui étaient capables de

5 porter les armes ?

6 R. Non, non. Il y avait également des femmes et d'autres parfaitement

7 invalides qui eux n'étaient même pas en mesure de se cacher et chercher

8 abri.

9 Q. Page 3, vous dites que : "De graves pilonnages ont été entamés au mois

10 d'août, c'est-à-dire, le 5 août 1991."

11 R. Oui, oui, août.

12 Q. Très bien, en août. Et les seuls jours pendant lesquels il a pris de

13 pilonnages, c'étaient les jours qui ont précédé immédiatement la chute

14 définitive de Saborsko ?

15 R. Oui, oui, bien entendu, parce que quelques jours avant le mois d'août

16 partout nous avons été pilonnés. Il y a eu surtout des survols

17 d'hélicoptères toutes les fois où on les avait vu survoler, on devait

18 savoir qu'il allait s'ensuivre des attaques, que ce n'était pas conséquent

19 depuis le mois du 5 août.

20 Q. Ça a duré comme ça ?

21 R. Oui, oui jusqu'en novembre. Je crois qu'il n'y avait que deux journées

22 de calme. Et puis après pour que, était-ce le 9 ou le 10 ou le 12 pour que

23 le 12 novembre après cette accalmie à 9 heures du matin, y avait un feu

24 aérien et qui ne s'était pas arrêter tant que tout n'aura dû être terrassé

25 et dévasté.

Page 25528

1 Q. Par conséquent, Madame Bicanic, c'est pendant une période de trois mois

2 entiers que Saborsko a été pilonné ?

3 R. Oui, exact et cela sans trêve.

4 Q. Ce jour-là, vous dites que votre mari avait sur lui deux grenades à

5 mains ?

6 R. Oui, pour se tuer lui-même si jamais il se faisait capturer vivant.

7 Q. Bon. Et pour parler des autres, qu'avaient-ils comme armes ?

8 R. Des fusils. Des fusils. Il n'y avait pas vraiment beaucoup d'armes. Y

9 avait pas d'où s'en trouver à moins que ça ne tombe du ciel.

10 Q. Pendant ces attaques-là, où se trouvaient ces militaires et ces

11 policiers, une cinquantaine de militaires qui étaient venus de Jesenica

12 [sic] ?

13 R. Ils étaient déployés sur leur ligne de combat. Les avions survenus,

14 eux, ils ont tout simplement jeté par terre leurs armes, fusils et

15 munitions pour chercher un moyen quelconque pour y échapper parce que ce

16 fût une puissance énorme qui s'avançait contre eux.

17 Q. Fort bien. Mais lorsque vous en parlez, vous dites que toujours à la

18 même page, vers les deux heures ou trois heures d'après-midi, il y avait

19 une accalmie et que Nikola Bicanic, on vous a dit déjà décédé.

20 R. Un défunt. Ce n'est pas vrai, ça ne peut pas être vrai. Je l'ai dit en

21 parlant du moment où nous allions à la forêt et, lorsque nous revenons de

22 la forêt vers notre cave, lorsqu'il y avait une accalmie, pendant deux ou

23 trois nuits entières et trois journées entières, nous avons dû marcher.

24 Mais Bicanic, lui, a parlé du moment que lorsque l'armée était déjà entrée.

25 Nous étions dans la cave, il disait lui qu'il serait plutôt mieux de nous

Page 25529

1 rendre.

2 Q. Mais c'est ce que je vous demande.

3 R. Oui, c'est ce qu'il a dit.

4 Q. Donc, il a dit qu'il a fallu vous rendre.

5 R. Oui, il a dit qu'il a fallu afficher tout simplement un tissu blanc,

6 voila. Un autre a dit : "Est-ce que tout de même nous y parviendrons ?" Et

7 puis un troisième dit -- a dit donc, pour qu'on se voit mieux : "Pourrait-

8 on peut-être allumé une allumette ?" Et puis après on a entendu une femme

9 qui a dit : "Regardez, prenez cette petite chemise blanche, affichez-là

10 tout simplement pour qu'on se rende." Moi je suis intervenu, sortant de ma

11 maison. J'ai pu me rendre compte de silhouette de deux soldats qui avaient

12 leurs armes lourdes. Je crois qu'ils s'avançaient vers moi. J'ai laissé

13 tomber ce tissu de rien du tout que j'avais en main pour évidemment croiser

14 mes bras pour dire, écoutez, presqu'en priant : "Ne venez pas ici parce

15 qu'il n'y a personne. Il y a que des femmes et des enfants." Les soldats

16 sont venus pour dire : "Vous n'avez qu'à sortir et sortez de là." C'est ce

17 qui s'était fait, après quoi l'un deux a jeté une grenade à main dans la

18 cave, croyant qu'il devait y avoir quelqu'un qui était resté. Et c'est

19 ainsi qu'en face de nous il y avait des gens sous un auvent, il y avait des

20 femmes. Un soldat a collé une gifle à mon mari, son couvre chef est tombé

21 par terre. Un autre s'en est pris à un autre, un certain Juro, dont sa

22 femme a dit qu'il ne fallait pas s'attaquer à son mari, et puis après on

23 s'est mis à nous injurier, à insulter nos mères pour dire que nous devions

24 tous être égorgés.

25 Je parle donc de ces soldats qui l'ont fait. Il s'agit de soldats qui

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1 avaient des casques sur leur tête et des étoiles. Tout cela se faisait en

2 vitesse. Nous devions avancer plus d'une dizaine à quinze mètres pour nous

3 cacher sous un auvent d'une maison, après quoi, les soldats tout simplement

4 les ont passé avec deux rafales, une fois de plus, ai-je croisé mes bras

5 pour dire, qu'allons nous devenir. Un soldat s'était mis devant moi pour me

6 demander : "Où sont tes enfants, ton fils ?" J'ai dit : "Dans l'armée, à

7 Osijek." Question du soldat : "Etait-ce -- il était Oustachi ?" J'ai

8 répondu que non, après quoi ils ont tout simplement faire un geste de la

9 main, comme quoi nous autres femmes, nous devions nous en aller. Et

10 ensuite, il ne fallait pas évidemment nous avancer en direction du lieu où

11 les gens étaient tombés, passés par des rafales, mais en direction de la

12 grande route. Mais sur la grande route, il y avait tant de soldats et

13 d'armes qu'on aurait du mal vraiment à se retrouver.

14 Après quoi, quelqu'un a dit "Allons en direction de Jesenica" chez Nina. Et

15 c'est ainsi qu'en courant nous dirigeant vers Nina et à l'entrée de

16 Jesenica. J'ai adressé la parole à Nina pour lui dire : "Emmenez-nous à

17 Jesenica, je t'en prie." L'autre a dit : "Non, non, il ne faut pas aller à

18 Jesenica, il n'y a plus personne là-bas, tous ont été tués." Voilà que,

19 depuis Jesenica, on voit des gens s'avancer en notre direction, devais-je

20 savoir s'il y avait des soldats, mais plutôt des civils. Il y avait

21 quelqu'un qui avait mis une jaquette sur la tête pour ne pas qu'on la

22 reconnaisse. Les gens les ont laissé passer lorsque nous arrêtâmes là-bas,

23 quelqu'un s'est dirigé vers nous et a adressé la parole à Nina : "Qu'est-ce

24 que tu vas faire avec toutes ces femmes ?" Alors là, lui il a emprunté une

25 drôle d'expression pour dire que, tout simplement, il faut s'en

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1 débarrasser. Et l'autre a dit : "Ecoutez, je ne veux pas vous porter sur

2 mon âme. Tout simplement, fuyez vers les bois, vers ces sapins." Et c'est

3 ainsi que nous avons fait une fois que la nuit était tombée, et que lorsque

4 on n'entendait plus rien, un moment donné nous avons poursuivi le chemin.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bicanic, je vais vous interrompre

6 pour une seconde. C'est l'accusé qui vous posera des questions. S'il y a

7 encore des détails que vous considérez comme étant nécessaires et qui

8 demandent une explication, je crois que le Procureur pourrait vous poser

9 des questions en supplément par la suite.

10 Monsieur Milosevic, vous pourrez poursuivre.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Madame Bicanic, si j'ai bien pu comprendre de nombreux soldats sont

13 passés par cette route-là ?

14 R. Oui.

15 Q. Sans s'arrêter donc. L'armée ne s'est pas arrêtée dans votre village,

16 ils ne faisaient que passer. Vous dites qu'il y avait des chars, de

17 camions, de tout. La route était libre et l'armée était de passage.

18 R. Oui, de passage, mais pas sans piller.

19 Q. Donc, de passage et piller ?

20 R. Oui, les soldats pillaient et ont tout pratiquement rasé. Il y avait

21 plus rien sur terre pratiquement.

22 Q. Mais vous êtes en train de parler de deux soldats.

23 R. Oui, je parlais de ces soldats-là qui ont tué les gens lorsque nous les

24 avons retrouvés dans la cave. Ils avaient des casques sur leurs têtes.

25 Q. Bon, pour parler de ces deux soldats, mais pour ce qui est de l'armée,

Page 25532

1 des soldats qui s'avançaient tout le long de la route, chars, camions, et

2 cetera, qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ont-ils eu

3 quoique ce soit avec votre village ?

4 R. Ecoutez, ils ont dévasté notre village, tel étaient leurs intentions,

5 que vous voulez-vous qu'ils fassent davantage. Ils ont poursuivi leur

6 chemin.

7 Q. Vous dites que l'un de ces soldats a sorti de quelque part en un

8 uniforme appartenant au membre de la police croate.

9 R. Oui, il a dit : "Regarde cette espèce de nid d'Oustachi" et c'est là

10 qu'il croyait qu'il avait couché.

11 Q. Et lui voulait vous demander de lui dire à qui l'uniforme appartenait ?

12 R. Non, non, il n'a pas demandé. Il a tout simplement sorti cet uniforme

13 pour le jeter par terre sur la route pour dire : "Voilà, ce nid

14 d'Oustachi."

15 Q. A qui appartenait cet uniforme ?

16 R. A des jeunes gens policiers, qui d'ailleurs ont fui les lieux, une fois

17 l'attaque commencée. Tout un chacun voulait fuir. Q. Où se sont enfuis ces

18 50 soldats, ces policiers, et ces citoyens ?

19 R. Et bien, chacun fuit de son côté, chacun est parti vers les siens. Donc

20 les uns sont partis là-bas dans une direction, les autres vers la Bosnie,

21 vers Slunj, que sais-je, donc ils fuyaient le feu, les tirs.

22 Q. Bien dites-moi, je vous prie, lequel des soldats que vous connaissiez -

23 - parce qu'ils ont passé là quelques mois -- ou policiers qui ont passé là

24 se sont faits tuer ?

25 R. Il y en a eu cinq ou six de tués.

Page 25533

1 Q. Et les autres se sont enfuis ?

2 R. Enfuis, oui, ça dépend. Les uns -- chacun se sauvait comme il pouvait.

3 Q. Mais Madame Bicanic, dites-moi, s'il vous plaît, combien de morts y a-

4 t-il eu dans Saborsko suite à ces attaques ?

5 R. Civils ou quoi ?

6 Q. Tous ensemble, tout confondu, combien de gens y a eu de tués ?

7 R. Cinquante-quatre, si non plus.

8 Q. Vous parlez des trois mois de pilonnage et ces attaques, le tout ?

9 R. Oui, oui.

10 Q. Et Saborsko se trouve sur cette route principale -- cette voie de

11 communication principale ?

12 R. Oui, que voulez-vous dire ? Que c'est pour cela qu'ils sont morts dans

13 leurs maisons.

14 Q. Non, j'ai compris cela, mais combien de soldats et de policiers y a-t-

15 il eu de morts ?

16 R. Pas mal aussi, une dizaine.

17 Q. Bon, vous nous dites qu'on a retrouvé des uniformes. Est-ce que les

18 voisins ont changé de vêtement pour se mettre en civil ?

19 R. Non, pourquoi voulez-vous qu'ils changent de vêtement ?

20 Q. Bien, mais vous dites qu'au bout de 15 minutes, il y a eu plusieurs

21 personnes d'emmenées de derrière la maison d'Ivan Bicanic.

22 R. Oui, oui, c'était cela. Il y avait mon mari parmi ces sept, et on leur

23 a tiré dessus.

24 Q. Bon. Mais vous, vous étiez d'un côté, et eux ont été amenés derrière la

25 maison ?

Page 25534

1 R. Nous étions tous ensemble, et nous regardions vers eux. Il y a la rue

2 d'un côté et la maison de l'autre. C'est comme dans cette pièce-ci, on

3 pouvait de ce côté et de l'autre; depuis ce mur jusqu'à celui-ci.

4 Q. Ecoutez, en page 4, paragraphe 2, vous nous dites que vous avez vu ces

5 deux hommes, ces deux soldats, ces mêmes soldats, que vous aviez aperçus

6 avant cela. Vous les avez vus se rendre. Ils ont ouvert le feu pour tuer

7 ces gens.

8 R. Oui, ils ont emmenés ces gens-là. Ils leur ont donné des gifles. Ils

9 ont fouillé leurs poches. Ils les ont emmenés à dix mètres de là où nous

10 étions et ils leur ont tiré dessus par rafales.

11 Q. Mais ce sont les mêmes deux soldats -- les mêmes soldats que ceux dont

12 vous avez déjà parlé.

13 R. Oui, oui. Ce n'est que ceux-là que j'ai vus en train d'être tués, pas

14 d'autres.

15 Q. Bien. Ceux que vous avez rencontrés, ceux qui vous ont pillé, c'était

16 ces deux soldats qui avaient fait cela ?

17 R. Non, tous les autres le faisaient. Ceux qui sont restés derrière nous,

18 je ne sais pas ce qu'ils faisaient.

19 Q. Bon. Tout de suite après, vous êtes allés vers un village ou un hameau

20 serbe, Solaja ?

21 R. Oui, sur les hauteurs de Solaja vers une petite forêt de pins. Nous

22 nous sommes abrités là-bas. Nous nous sommes cachés là-bas.

23 Q. Bien. Et là-bas, vous avez rencontré d'autres Serbes ?

24 R. Non.

25 Q. Et des soldats ?

Page 25535

1 R. Non.

2 Q. Vous n'avez donc rencontré personne ?

3 R. Non.

4 Q. Donc, dans ce village serbe, il n'y avait personne ?

5 R. Non. Ils étaient tous sur le terrain parce que nous, nous passions par

6 la forêt, en nous cachant.

7 Q. Bien. Mais vous vouliez aller à Licka Jesenica, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, parce que nous étions en bons termes avec eux, et il y avait là-

9 bas des commerçants, des fonctionnaires, des instituteurs.

10 Q. Mais attendez, celui qui vous a empêché d'aller vers Licka Jesenica,

11 c'était également un soldat serbe ?

12 R. Non, ce n'était pas un soldat, c'était un civil. Il s'appelait Nina.

13 Q. Il était Serbe ou Croate ?

14 R. C'était un Serbe. Il y en avait un autre qui s'appelait Bogdan, mais il

15 se cachait et il montrait un livret quelconque et il disait qu'on n'allait

16 pas toucher à lui, qu'il était de la "SAO de la Krajina".

17 Q. Mais celui, qui vous a dit de ne pas aller à Jesenica, vous a dit qu'il

18 ne voulait avoir sur la conscience et vous a dit qu'il fallait que vous

19 vous mettiez de côté, que vous vous mettiez à l'abri.

20 R. Oui. C'était un homme en civil.

21 Q. Bien. C'était un homme en civil, mais quand vous avez parlé de ces

22 soldats qui ont perpétré ce crime, ce meurtre. Est-ce que vous pouvez nous

23 décrire les uniformes portés. Et vous avez dit qu'ils portaient des

24 uniformes gris foncé ?

25 R. Ils avaient des uniformes bariolés avec des chiffons blancs, et

Page 25536

1 d'autres n'avaient pas de chiffons blancs. D'autres portaient, ceux qui ont

2 tué des gens, portaient des étoiles à cinq broches et des uniformes de la

3 JNA.

4 Q. Mais moi, j'ai cru comprendre que vous aviez déclaré qu'ils portaient

5 des uniformes gris foncé serbes.

6 R. Gris, mais bariolés -- grisâtres, bariolés.

7 Q. Alors, pour ces deux soldats qui ont commis ce meurtre, à votre avis,

8 était-ce là des membres de la JNA ou était-ce là des réservistes, voire des

9 membres de la Défense territoriale ?

10 R. Que sais-je ce qu'ils étaient ? Ils portaient des uniformes, des

11 vêtements de soldats, des vêtements militaires.

12 Q. Et vous ne connaissiez aucun de ces hommes ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que quiconque parmi les autres, qui ont été présents, qui ont

15 assisté à l'événement, qui ont eu quoi que ce soit ou quelque connaissance

16 que ce soit au sujet de l'identité de ces

17 gens-là ? Est-ce que quelqu'un d'autre les connaissait, en d'autres termes

18 si vous ne les connaissiez pas vous-même ?

19 R. Non, non, non, pas du tout.

20 Q. Bien. Madame Bicanic, je n'ai plus de questions à vous poser pour ma

21 part.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai pas de questions

23 à poser non plus.

24 Mme BAUER : [interprétation] Je n'aurais que deux questions

25 supplémentaires, Monsieur le Président.

Page 25537

1 Nouvel interrogatoire par Mme Bauer :

2 Q. [interprétation] Madame Bicanic, au moment où votre mari a été tué ce

3 jour-là, lorsque vous vous cachiez dans la cave, est-ce qu'il avait

4 d'autres armes sur lui, votre mari ?

5 R. Non, rien. Ces gens-là ne portaient aucune espèce d'arme. Tout ce

6 qu'ils faisaient c'était de monter la garde. Vous savez ce qu'ils

7 faisaient. Et bien, comme mon mari, ils allaient et venaient la nuit. Ils

8 avaient fait cela parce qu'ils avaient peur que, comme à Licka Jesenica,

9 l'on ne vienne égorger les gens. Alors, ils avaient posé des espèces de

10 pots en métal --

11 Q. Je me permets de vous interrompre. Je parle du jour où votre mari a été

12 tué ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, au moment où il a été tué, il avait des armes

15 sur lui ?

16 R. Pas du tout, pas du tout. Non, non, rien. Il n'avait rien du tout.

17 Q. C'est bien, je vous remercie. C'est tout ce que je voulais vous

18 demander.

19 R. Je vous remercie également.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bicanic, nous vous remercions

21 d'être venue déposer au Tribunal pénal international. Cette déposition est

22 terminée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez disposer.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

Page 25538

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Madame Uertz-Retzlaff.

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous

4 pourrions à présent expliquer les raisons pour lesquelles nous n'avons pas

5 fait venir M. Josipovic témoigner aujourd'hui.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, allez-y.

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous pouvons le réintégrer sur la

8 liste, mais je vais vous expliquer de quoi il en retourne. Comme vous le

9 savez, nous avons une liste de témoins prioritaires pour ce qui est du

10 bureau du Procureur, pour la présentation de son affaire. Et pendant la

11 pause d'été, nous avons prévu un grand nombre de témoins en provenance de

12 Croatie, qui figuraient tous sur la liste prioritaire numéro 1, et M.

13 Josipovic n'était pas parmi eux parce que ce qu'il devait dire à son

14 témoignage était déjà couvert par un autre témoignage. Et il s'avère que

15 plusieurs témoins prioritaires partant des sites en Croatie n'ont pas pu

16 venir. C'est pour cela que nous avons mis, à l'époque,

17 M. Josipovic, parce qu'il avait dit qu'il pouvait venir. Et comme nous

18 avons estimé que c'était quand même important, nous avons jugé que c'était

19 utile de le citer.

20 Au bout des deux premières journées du procès de cette semaine, nous avons

21 eu l'impression d'être un peu en retard. Et nous avons eu l'impression que

22 nous n'aurons pas le temps de faire venir tous les témoins prévus pour

23 cette semaine. Alors, nous avons aussi donc décidé de retirer M. Josipovic

24 pour la semaine parce que le témoin suivant pour la Bosnie doit finir cette

25 semaine et rentrer chez lui. Or, M. Josipovic est encore ici. Et nous avons

Page 25539

1 terminé ses préparatifs pour le témoignage ce matin. Nous pourrions donc,

2 le citer à comparaître, mais nous avons un problème avec le témoin suivant

3 qui va témoigner sur la Bosnie, qui lui, doit repartir et rentrer demain

4 chez lui. C'est la raison pour laquelle, je voulais l'expliquer.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, vous n'avez pas pris de décision

6 définitive par rapport à ce témoin ?

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Si, si, si, si. Mais comment dire,

8 nous pourrions peut-être l'appeler. Enfin, je ne sais pas. Mais, en fait,

9 nous avions plutôt pris une décision dans le sens contraire, mais,

10 apparemment, la comparution du témoin se fait beaucoup plus vite que prévu.

11 Nous avions des contraintes de temps que nous avions prévus pour cette

12 semaine, mais elles semblent disparaître.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici ce qu'il en est. Le prochain

14 suivant, pour la Bosnie, ce sera celui qui va suivre celui-ci ?

15 R. Oui.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, apparemment, aujourd'hui, nous

17 allons avoir votre dernier témoin.

18 R. Monsieur Sutalo devait, d'après nos prévisions, témoigner aujourd'hui.

19 On pourra avoir le témoin suivant, mais il faudra, à ce moment-là, que ce

20 soit M. Josipovic parce qu'il y a un des témoins pour la Bosnie qui est

21 maintenant malade. Cette personne voudrait voir le médecin et l'autre

22 n'arrivera que cet après-midi.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, si j'ai bien compris, il y a un des

24 témoins pour la Bosnie qui doit être entendu cette semaine.

25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Absolument, le monsieur.

Page 25540

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, faisons entrer ce témoin et nous

2 verrons ce qu'il en est.

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous verrons jusqu'à quel point nous

4 irons et, si nous -- on a assez de temps pour avoir aussi M. Josipovic, il

5 est certain que nous allons le faire puisqu'il est ici. Il est disponible.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

7 Madame l'Huissière, faites entrer le témoin.

8 Oui, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je suis fort aise de constater que le

10 témoin est ici et qu'il est présent. Par la suite, nous allons avoir E-1054

11 -- B-1054 [sic] après Josipovic, si je me réfère à la liste que l'on m'a

12 confiée à moi.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous ferons le point et nous verrons ce

14 que ça va donner une fois que nous aurons entendu ce témoin pour ce qui est

15 de l'ordre de comparution des témoins.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Témoin, je vais vous

18 demander de prononcer la déclaration solennelle.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: LUKA SUTALO [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

24 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.

25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

Page 25541

1 Président.

2 Interrogatoire principal par Mme Uertz-Retzlaff :

3 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez décliner votre identité.

4 R. Je m'appelle Sutalo Luka.

5 Q. Monsieur Sutalo, avez-vous fourni une déclaration préalable à

6 l'enquêteur du bureau du Procureur en 1999 ?

7 R. Oui.

8 Q. En juin 2003, avez-vous relu votre déclaration préalable en présence

9 d'un représentant du Tribunal pour en confirmer l'exactitude mise à part

10 une petite correction ?

11 R. Oui.

12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Nous demandons le versement au

13 dossier du jeu de documents en application de l'Article 92 bis, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez donner une cote

16 collective, la cote suivante pour les pièces à charge.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 520, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vais maintenant faire rapidement

21 la lecture du résumé concernant ce témoin et je n'aurai que quelques

22 questions à peine destinées à obtenir des éclaircissements.

23 C'est un habitant croate d'Erdut qui avait 65 ans au moment des événements.

24 En mai 1991, il a vu des chars et des mortiers de la JNA qu'on commencé à

25 rassembler sur l'autre rive du Danube. En juillet 1991, devant -- avant

Page 25542

1 l'attaque principale, la JNA a commencé à tirer à l'arme à feu, à la

2 mitraillette depuis l'autre côté de la rivière pendant la nuit. Et il y a

3 eu pilonnage par la JNA aux mortiers, une semaine avant le 1er août 1991.

4 Le 1er août 1991, le témoin a vu l'entrée dans Erdut deux chars de la JNA.

5 Les chars ont pilonné Erdut en passant en route vers Dalj qui se trouve

6 juste au sud d'Erdut. Le témoin ayant entendu dire que beaucoup de Croates

7 avaient été tués à Dalj. Il est parti avec sa femme en Serbie sur l'autre

8 rive de la rivière du Danube. Là il a été interrogé par la police militaire

9 de la JNA. Il a été interrogé, passé à tabac. On l'a détenu, en partie,

10 pendant les trois jours qui se sont suivis dans un bâtiment d'une usine.

11 Q. J'ai une question à vous poser en ce qui concerne le 11e paragraphe de

12 votre déclaration. Là vous faites mention de quatre ou cinq autres hommes

13 qui, eux aussi, furent arrêtés à ce moment-là en Serbie, parmi lesquels il

14 y avait Zvonko Tucak et un certain Mata. Je voudrais vous demander quelle

15 était l'appartenance ethnique de ces deux hommes-ci et des autres qui ont

16 été arrêtés en même temps que vous ?

17 R. Bon, c'était des Croates.

18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie. Je poursuis la

19 lecture du résumé, Monsieur le Président.

20 Le 4 août 1991, le témoin a été autorisé à rentrer chez lui à Erdut, mais

21 on lui a dit qu'il devait assister à une réunion à Dvor, au cours de

22 laquelle il devait y avoir constitution d'un nouveau gouvernement. Au cours

23 de cette réunion, un homme s'est présenté comme étant Marko Loncarevic, et

24 cet homme a dit que c'était plus là la Croatie que désormais c'était la

25 Serbie et que les Croates ne pouvaient plus diriger et ne feraient plus

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1 partie du gouvernement.

2 Q. Monsieur Sutalo, s'agissant de cette réunion à Dvor, on dit, au

3 paragraphe 19 de votre déclaration préalable, qu'une forme de gouvernement

4 local devait être constitué, qui devait inclure des représentants des trois

5 groupes ethniques. Ce que je vous demande c'est ceci : quel était le type

6 de gouvernement prévu et est-ce que les habitants croates ont effectivement

7 participé à quelque fonction ou constitution de gouvernement ?

8 R. Cette réunion a été fixée, organisée, par le lieutenant-colonel

9 Kosutic. Il y avait des Croates, des Serbes et des Hongrois à celle-ci et

10 c'est là que le lieutenant-colonel a exigé que l'on élise des autorités

11 quelconque pour gérer le fonctionnement du village. Il a reconnu que ce ne

12 serait pas démocratique, mais que celle-ci était censé géré de façon

13 démocratique.

14 Une fois que l'on a élit ces autorités, il y avait des Croates, des Serbes

15 et des Hongrois, mais, dans cette administration, personne parmi les

16 Croates ou les Hongrois n'a été conviée à exercer ces fonctions. Il n'y a

17 que des Serbes qui ont exercé leurs fonctions au sein de ce gouvernement.

18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je poursuis le résumé.

19 Au cours des nombreuses semaines qui s'en suivirent, le témoin devait

20 régulièrement se présenter au poste de police où il a été fréquemment

21 interrogé. Il y a eu des limitations, des restrictions de déplacements qui

22 ont été imposées au témoin et à d'autres. Des maisons ont été fouillées et

23 pillées. Le 15 août 1991, le témoin a reçu l'ordre de faire partie d'un

24 groupe chargé de faire des activités, de réparations, d'installation de la

25 TO à Erdut. Cette équipe se composait aussi de Croates et de Hongrois.

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1 Manifestement, on préparait l'occupation de ces locaux.

2 Q. J'ai une question à vous poser pour ce qui est des restrictions

3 imposées à la circulation des gens. Cette restriction en matière de

4 déplacements, est-ce qu'elle valait pour la totalité de la population dont

5 les Serbes ?

6 R. Non. Le couvre-feu a d'abord été prévu pour huit heures du soir puis,

7 un mois plus tard, ils ont rallongé jusqu'à neuf heures. Et dans tout ceci,

8 les choses n'étaient en vigueur que pour les Croates et les Hongrois. Les

9 Serbes, eux, se déplaçaient en toute liberté et allaient où ils voulaient.

10 Il n'y a que nous -- qui nous n'osions pas sortir de nos maisons ou de nos

11 cours.

12 Q. Les maisons des habitants serbes ont-elles été perquisitionnées,

13 pillées ?

14 R. Non, seuls les maisons croates l'ont été.

15 Q. Est-ce que les Serbes ont reçu l'ordre de faire partie d'un groupe de

16 travail forcé comme ce fût le cas pour vous ?

17 R. Je ne sais pas eux ne travaillaient pas. Il n'y a que les Croates et

18 les Hongrois qui travaillaient. On coupait le bois, on récoltait le mais,

19 on nettoyait les étables.

20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous remercie.

21 R. Je vous en prie.

22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je poursuis le résumé.

23 Le 25 août 1991, le témoin a été arrêté alors qu'il travaillait dans un

24 verger à proximité de sa maison où il coupait l'herbe. Il a été emmené au

25 poste de police de Dalj et détenu dans une petite pièce pendant environ une

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1 semaine en présence de sept ou huit autres personnes. Au cours de la nuit,

2 il a été interrogé alors que lui-même -- même si lui-même n'a pas été

3 tabassé, ce fut le cas pour les autres personnes détenues avec lui.

4 Il a été transféré dans une grande étable, une espèce d'atelier à Borovo

5 Selo où il a été détenu pendant plusieurs jours. Au moment de l'arrivée du

6 témoin, se trouvait déjà à cet endroit quelques 80 prisonniers. Les

7 prisonniers ont subi des passages à tabac très dures, de façon régulière,

8 et un prisonnier c'était un policier croate de Bilje, à qui on avait au

9 couteau gravé un "U" au front.

10 Le témoin a alors été transféré avec d'autres détenus pendant quelques

11 jours au poste de police de Borovo Selo où on les a gardés dans une pièce

12 alors qu'il y avait de l'eau jusqu'aux genoux, puis ils ont été ramenés à

13 la cellule qu'ils occupaient auparavant au poste de police de Dalj. Là les

14 mauvais traitements se sont poursuivis. La plupart des détenus étaient

15 frappés chaque nuit et aussi de jour.

16 Q. Je m'interromps pour vous poser une seule question : pour ce qui est

17 des co-détenus de Dalj et de Borovo Selo, quelle était l'appartenance

18 ethnique de vos co-détenus ?

19 R. C'était pour la plupart des cas ou du temps des Croates et des

20 Hongrois.

21 Q. Et puis vous parlez aussi d'un certain Haso Brajic, paragraphe 44 de

22 votre déclaration au préalable. Quelle était son appartenance ethnique ?

23 R. Il était de confession musulmane. C'était un bosnien, mais il résidait

24 en Croatie.

25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je poursuis mon résumé, Monsieur le

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1 Président.

2 Deux ou trois jours après que le témoin eut été ramené au poste de police,

3 Arkan est venu à ce poste avec plusieurs de ses hommes. Il s'est présenté

4 et a insulté les détenus, en leur lançant des jurons à coloration ethnique.

5 Il a observé le passage à tabac par ses hommes des prisonniers. Pendant ce

6 passage à tabac, plusieurs détenus ont été grièvement blessés.

7 Vers la fin du mois de septembre 1991, Haso Brajic a été ramené dans la

8 cellule des témoins, après avoir subi un terrible passage à tabac dans la

9 cour.

10 Dans la nuit du 22 septembre, plusieurs hommes, en tenue de camouflage,

11 sont arrivés dans la cellule. L'un a demandé à voir le témoin. Le témoin

12 s'est présenté et l'homme a dit : "Tu vas me suivre, je t'emmène chez toi."

13 A ce moment-là, Slavko Palinkas, un co-détenu a dit : "Monsieur le

14 Président, emmené-moi, moi aussi." A l'époque, le témoin ne savait pas du

15 tout pourquoi Palinkas avait parlé de ce monsieur comme à "M. le

16 Président". Et cet homme a réussi à faire relâcher Palinkas. Le témoin a

17 appris seulement plus tard que cet homme en question était Goran Hadzic.

18 Le témoin a été emmené dans la cour du poste de police où il a vu de 30 à

19 40 hommes qu'il qualifie de Chetniks, parmi ces hommes se trouvait Arkan.

20 Le témoin a été conduit en voiture à Erdut. En route, Goran Hadzic, lui a

21 demandé s'il avait été passé à tabac. Le témoin a répondu que, lui ne

22 l'avait pas été personnellement, mais que les autres avaient subi un

23 traitement terrible parce qu'en fait ils avaient été passés à tabac alors

24 qu'ils étaient innocents. Goran Hadzic lui a demandé comment il savait que

25 ces autres étaient innocents. Le témoin a répondu que c'était des hommes

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1 qui avaient été faits prisonniers, capturés, alors qu'ils travaillaient

2 dans leur jardin ou dans les champs, et Goran Hadzic a dit : "De nos jours,

3 tout le monde frappe tout le monde."

4 Jamais le témoin n'a revu Haso Brajic, ni les autres détenus, qui étaient

5 resté en cellule au moment de sa libération.

6 Après cet événement, les gens du village ont commencé à disparaître. La

7 veille de Noël on a lancé une bombe ou une grenade dans la cour du témoin,

8 endommageant sa maison. Le témoin en a fait état. Une commission est venue

9 mener une enquête, mais lorsque la commission a constaté que c'était un

10 Croate, elle s'est contentée de dire : "Ah, voilà l'explication," et elle

11 n'a plus rien fait d'autre. Elle est repartie.

12 Le témoin a demandé d'obtenir un permis l'autorisant à quitter Erdut, mais,

13 avant d'obtenir ce permis, il a dû concéder en signant un document, sa

14 maison et tous ces biens au conseil du village.

15 Q. A ce propos, Monsieur Sutalo, j'ai deux questions à vous poser :

16 Pourquoi avez-vous quitter Erdut ?

17 R. On a commencé à me malmener. On a commencé à faire du chantage et à me

18 proférer des menaces. J'ai vu donc, je ne pourrais plus continuer à vivre

19 là, qu'il fallait fuir. Mais avant cela, d'autres Croates avaient fui parce

20 qu'on avait -- on les avait passé à tabac et on les menaçait, donc il n'y

21 avait plus possibilité de vivre. On ne pouvait pas plus aller rendre visite

22 les uns aux autres et on ne pouvait pas se déplacer, donc la seule issue

23 c'était de s'enfuir, d'aller vers des régions inconnues, que sais-je, mais

24 s'en aller.

25 Q. Pourquoi avoir signé ce document par lequel vous cédiez vos biens ?

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1 R. Mais pour rester vivant, pour pouvoir fuir parce que les gens

2 commençaient à disparaître, on en tuait, on en tabassait, on en

3 emprisonnait.

4 Q. Mais est-ce que c'était une condition, au préalable, à l'obtention

5 d'autorisation de partir ?

6 R. C'était la seule issue possible pour sauver notre peau et pour pouvoir

7 s'enfuir.

8 Q. En fait, je vous demandais quelque chose qui était en rapport avec le

9 fait de devoir signer la cession de vos biens. Est-ce qu'il vous fallait

10 faire ce genre de chose pour avoir l'autorisation de partir ou pas ?

11 R. Mais je ne pouvais pas obtenir par écrit d'autorisation de départ et

12 c'était la seule solution possible parce que je ne pouvais pas aller

13 ailleurs si ce n'est emprunter le pont pour aller en Serbie. Et la

14 condition pour passer par là, c'était de le faire pour avoir une

15 attestation permettant de trouver une issue.

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] L'Accusation n'a pas d'autres

17 questions à poser, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, j'aimerais un

19 petit éclaircissement. Pourquoi a-t-on ici dans ce jeu de documents la

20 photo de l'accusé ? Quel en est le contexte ?

21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est simplement l'annexe à la

22 déclaration du témoin et au fond on montre des photos d'Arkan. L'enquêteur

23 a présenté des photographies au témoin et on demandait au témoin s'il

24 reconnaissait telle ou telle personne. Il a reconnu Arkan.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, c'est simplement le fait de

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1 reconnaître --

2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, pour reconnaître la personne

3 qu'il a rencontré, cette personne étant Arkan.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant cela, je voudrais que nous tirions au

7 clair une chose. Je m'excuse auprès de M. Kwon. Je n'ai pas très bien

8 compris parce que je n'ai reçu aucune photo pour ma part et j'ai cru

9 comprendre que M. Kwon posait une question disant -- au sujet d'une

10 photographie à moi. De quelle photographie à moi parliez-vous, Monsieur ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Examinez le jeu de documents

12 que vous auriez dû recevoir aujourd'hui. On devrait vous avoir remis un

13 document, n'est-ce pas ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. On vient de me le donner juste avant

15 l'audition de ce témoin. On m'a donné une liasse. En effet, il y a

16 certaines photos au bout de celle-ci, mais je ne sais pas -- ah, c'est ça

17 ma photographie. Ça c'est un montage. Ça c'est une photo d'un enterrement.

18 On voit ma fille devant -- derrière un général. C'est une photographie

19 prise d'un enterrement au nouveau cimetière de Belgrade. Je pense que

20 c'était l'enterrement, les funérailles de Radovan Stojicic Baza [phon].

21 Mais je ne vois pas en quoi cela a quoi que ce soit à voir.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez entendu ce que le témoin a dit.

23 Des photos lui ont été montrées afin de voir s'il reconnaissait telle ou

24 telle personne et c'était surtout pour voir s'il reconnaissait Arkan.

25 Madame Uertz-Retzlaff, est-il exact de dire que la seule photo pertinente,

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1 c'est celle d'Arkan ?

2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Tout à fait.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, nous pouvons écarter les autres,

4 nous en passer ?

5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Je ne comprends pas pourquoi et comment,

7 juste à voir l'interrogatoire d'un témoin que je reçois ce type de liasses

8 et je n'ai vraiment pas le temps d'examiner et de voir ce qui s'y trouve.

9 Je ne vois pas à quoi nous mènerait une pratique de ce genre. Mais enfin,

10 ne perdons pas de temps.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suppose que ces documents vous ont été

12 communiqués il y a longtemps de cela au moment sûrement où il y a eu dépôt

13 de la requête aux fins d'admission de la déclaration en application du 92

14 bis. Mais de toute façon, il n'y a pas eu du tout de préjudice.

15 Commençons le contre-interrogatoire.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné la remarque que vous venez de

17 faire, je tiens à préciser, Monsieur May, que par exemple, pour le témoin

18 qui vient après Josipovic, le numéro 1054, je n'ai pas encore reçu la

19 déclaration préalable de celui-ci. J'ai vérifié par le billet de mes

20 collaborateurs. Nous n'avons reçu à ce sujet-là, qu'une transcription mais

21 pas de déclaration, pas de déposition du tout.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous allons nous en occuper en temps

23 utile au moment où nous arriverons à ce témoin mais commençons dès

24 maintenant le contre-interrogatoire de ce témoin-ci.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très certainement.

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1 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

2 Q. [interprétation] Monsieur Sutalo, serait-il exact de dire qu'avant les

3 élections en 1990, les rapports entre la population d'Erdut, j'entends les

4 différents ethnies, étaient comme vous le dites vous-même dans votre

5 déclaration à vous, "parfaits" ?

6 R. Monsieur Milosevic, avant l'arrivée de la Jugo armée, en date du 1er

7 août 1991, nous vivions comme une famille. A Erdut, il y a un tiers de

8 couples mixtes entre Serbes et Croates. Nous allions aux funérailles des

9 uns ou des autres. On allait aux fêtes religieuses des uns et des autres.

10 On se rendait visite pour Noël, pour le Nouvel an et comprends-tu, c'était

11 comme une famille. Lorsque la Jugo armée est arrivé dans ce village, c'est

12 comme si tous les démons étaient arrivés parmi les Serbes. Tout à coup, ils

13 ne voulaient plus nous parler, s'entretenir avec nous, avoir de contacts du

14 tout avec nous. Ils ont commencé à piller, à menacer et toutes ces choses

15 négatives. On m'a arrêté quand on m'a mis en détention, quand M. Kosutic

16 m'a mis en détention, un colonel quelconque -- je ne sais plus si c'était

17 un Milosevic Savljevic ou un Rade Savljevic -- m'a posé des questions au

18 sujet de ces relations. Je lui ai dit : "Ecoutez, s'il vous plaît, ne

19 détériorez rien. Ne faites rien de mal. Laissez les gens chez eux, là où

20 ils étaient et tout se passera bien." Parce que c'était un village sans

21 histoire et rien de mal ne si passait mais ils n'ont pas voulu écouter. Ils

22 ont recours aux vielles adages "diviser pour régner."

23 Q. Monsieur Kosutic, parce que votre déclaration, ça remplace votre

24 témoignage in vivo et cela n'est pas dit ici. Vous avez rédigé ici, vous

25 n'avez pas parlé d'armée, de Jugo armée, qui est venue détériorer les

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1 relations. Vous avez dit suit, dans le troisième paragraphe de votre

2 déclaration, vous dites : "Avant les élections de 1990, les relations entre

3 les groupes ethniques à Erdut se trouvaient être presque parfaites. Nous

4 nous entendons bien. Nous allions aux mariages des uns et des autres, aux

5 funérailles et aux fêtes. La raison en est, en bonne partie, le fait où

6 réside dans le fait qu'il y avait un grand nombre de couples mixtes."

7 Puis, tout de suite après, paragraphe suivant. Donc, je ne saute rien du

8 tout, vous dites : "Lorsque le parti du HDZ a été créé, je me suis affilié

9 à ce parti. Nos réunions se tenaient dans la maison de Stjepan Lucan à

10 Orasje, une banlieue d'Erdut…" Puis, vous dites qui se trouvait être le

11 président de ce parti et ainsi de suite. Puis dans le paragraphe suivant,

12 vous dites : "Après les élection de 1990 --" donc, après les élections et

13 pas après l'arrivée d'une Jugo armée, vous dites : " -- que les Serbes

14 locaux ont cessé de s'entretenir avec vous, Croates et ont commencé à vous

15 éviter. Il n'y a pas eu d'explications ou de raisons d'avancer pour un tel

16 comportement mais il était évident qu'ils voulaient créer un fossé entre

17 nous. En dépit du fait qu'à Erdut, il n'y ai eu que 26 pour cent de Serbes,

18 ils disposaient des meilleurs postes de travail dans le village."

19 Par conséquent, pourquoi est-ce qu'après ces élections et après la création

20 de ce parti HDZ, parce que vous parlez tout le temps de 1990, donc pourquoi

21 après ces élections y a-t-il eu détérioration de ces relations, Monsieur

22 Raskovic [sic].

23 R. Monsieur Milosevic, parce que lorsque Raskovic, votre homme, est venu

24 et lorsqu'il a tenu un discours à l'intention des Serbes à Dalj, c'est un

25 discours préélectoral. Il a parlé d'instructions à l'intention de Serbes

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1 pour ce qui est de la façon dont il fallait qu'ils se comportent.

2 Q. Mais écoutez, Monsieur Sutalo, pour autant que je le sache, le

3 professeur Raskovic était président du parti démocratique serbe qui

4 existait également sur le territoire de la Croatie pour ces élections en

5 1990, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Mais c'est lui qui a apporté la mèche qui a fait sauté l'explosif.

7 Q. Je ne sais pas ce qu'il a apporté. C'était un Serbe originaire de

8 Croatie, de la Krajina. C'était un neuropsychiatre ou psychiatre tout

9 court. Je n'en sais rien, un professeur. Il était fondateur du parti

10 démocratique serbe en Croatie.

11 R. Oui, mais…

12 Q. Et vous n'ignorez pas qu'à l'époque, en Serbie, nous ne le connaissions

13 pas. Il se peut que quelqu'un l'ait connu. Mais vous n'ignorez pas le fait

14 que dans la Slavonie orientale, dans la région qui était la vôtre, la

15 plupart des Serbes avaient voté en faveur de la Ligue des communistes en

16 Croatie ou plutôt le SDP mais pas pour le HDZ.

17 R. Je ne sais pas pour qui ils ont voté mais je sais comment ils se sont

18 comportés.

19 Q. Mais savez-vous combien de députés sur la liste de ce parti-là, il y

20 avait au parlement croate ?

21 R. Je n'en sais rien.

22 Q. Vous pouvez retrouver cela dans vos journaux pour ce qui est de la

23 liste des députés au parlement. Par conséquent, quand est-ce que ces

24 relations-là se sont-elles détériorées ? Lorsque la HDZ est arrivée au

25 pouvoir ?

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1 R. Mais non. Mais non.

2 Q. Peut-être un peu avant ?

3 R. Lorsque le dénommé Raskovic a tenu cette réunion, c'est lui qui a donné

4 des instructions concernant sur la façon dont il fallait se comporter.

5 Parce que j'avais une voisine, une Serbe, qui a dit : "Nous n'osons plus

6 vous parler à vous autres, Croates." Je lui ai dit : "Pourquoi ?" Elle m'a

7 répondu : "Parce qu'on nous a donné l'ordre de ne pas vous parler," un

8 point c'est tout. Et puis certains Croates [sic] ont dit : "Mais vous,

9 Croates, vous n'allez pas avoir un sort enviable." Et c'est ainsi que ça

10 s'est passé.

11 Q. Mais écoutez, Monsieur Sutalo, la preuve n'en est-elle pas le fait que

12 les Serbes, en majorité, n'ont pas voté pour Raskovic mais pour le parti de

13 la Ligue des communistes de Croatie.

14 R. Mais je ne sais pas pour qui ils ont voté.

15 Q. Mais c'est évident parce qu'ils ont eu des députés -- ce parti a eu des

16 députés de cette localité mais enfin. Allons de l'avant. Ne perdons pas

17 notre temps.

18 Savez-vous quoi que ce soit au sujet de ce qui s'est passé en 1990, et

19 d'une manière générale, sur ce qui concernait -- pour ce qui concernait le

20 statut des Serbes, aux yeux ou au regard des autorités officielles ?

21 R. Ce que je sais c'est qu'aucun Serbe à Erdut, jusqu'à l'arrivée de

22 l'armée, n'a été ni frappé, ni pillé, ni malmené, et personne ne les avait

23 menacé de quelque façon que ce soit.

24 Q. Bien, Monsieur Sutalo, vous affirmez jusqu'à l'arrivée de l'armée.

25 Quand est-ce que l'armée est arrivée à Erdut ?

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1 R. Lorsque les policiers croates de Borovo ont été tués, quelques jours

2 plus tard, l'Armée yougoslave, la Jugo armée a fait venir ses effectifs

3 blindés le long du Danube en direction de la Croatie, et ils ont fait

4 traverser le pont par trois chars, et ces chars sont restés là jusqu'au 1er

5 août. Vers le 10 juillet, l'Armée yougoslave nous a pilonnés à en

6 provenance de Bogojevo, heureusement il n'y a pas eu de morts, cette fois-

7 là. La deuxième fois, vers le 20 [sic] juillet, ils nous ont pilonnés, et

8 il y a eu six policiers de morts.

9 Et le 1er août, ils se sont dirigés vers nos territoires. Ils ont envahi la

10 Croatie, ils ont traversé le pont, et sont entrés dans la première brigade

11 de Erdut. Ils ont commencé à tirer des obus, et un obus est tombé chez Mate

12 Vukovic, et a tué une truie. Et la deuxième est tombée dans la maison d'un

13 autre voisin.

14 Q. Mais y a-t-il eu d'autres dégâts ?

15 R. Ils ont détruit la maison de Sakic Eda et de Nikola Erduat [phon], dès

16 les premiers jours. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait aucune résistance. Il

17 n'y avait pas de résistance du tout. Alors, s'ils ont ouvert le feu. C'est

18 peut-être pour montrer à la population croate quelles étaient les

19 intentions qui les animaient.

20 Q. Ecoutez, ne faisons pas de spéculation au sujet des intentions. Vous

21 avez dit qu'ils ont réagi aux événements de Borovo Selo. Savez-vous ou ne

22 savez-vous pas que c'est précisément la JNA que vous désignez par Jugo

23 armée, qui a sauvé à Borovo Selo des policiers croates, sans pour autant

24 tirer une seule balle ? Elle est intervenue par stopper les conflits, et

25 pour permettre aux policiers croates qui s'étaient dirigés là-bas pour

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1 ouvrir le feu sur la population, de se sauver de là, et de se s'extirper de

2 cette localité.

3 R. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je sais que 12 policiers croates ont

4 été tués. Pourquoi ont-ils été tués ? Alors qu'ils n'ont pas fourni de

5 résistance ?

6 Q. Ecoutez. Au sujet de Borovo Selo, vous n'êtes pas témoin au sujet de

7 Borovo Selo, je ne vous poserai pas de questions. Je vous ai posé la

8 question juste en passant parce que vous avez parlé de la Jugo armée de

9 Borovo Selo. Et justement, c'est sur l'exemple de Borovo Selo que cette

10 armée a montré qu'elle était là pour séparer les parties au conflit, et par

11 un concours de circonstances, elle a sauvé les policiers croates.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez, vous faites valoir cet

13 argument avec tous les témoins. Vous vous plaignez du fait que le témoin

14 parle de Borovo Selo, mais c'est vous qui l'avait demandé. Quoi qu'il en

15 soit, ce témoin ne s'est pas trouvé à Borovo Selo en ce moment-là, il ne

16 peut pas témoigner de façon directe des événements. Il semble futile de

17 poser ce genre de question à ce témoin ou de lui présenter votre version

18 des faits s'agissant de ce qui s'est passé, ou du rôle joué par la JNA.

19 Nous aurons peut-être de témoins qui pourront en parler directement, mais

20 il semble inutile de poser ce genre de question à un témoin qui n'était pas

21 sur les lieux.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je n'ai pas voulu en parler Monsieur May.

23 Jusqu'à ce que le témoin ne mentionne l'intervention de la Jugo armée à

24 Borovo Selo, or c'est là quelque chose de notoirement connue. Cette

25 intervention a été des plus constructive et a stoppé, mis un terme aux

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1 conflits sans qu'aucun coup de feu soit tiré.

2 LE TÉMOIN : [interprétation]Monsieur Milosevic, vous pouvez dire ce que

3 vous voulez, mais la faute incombe à la Jugo armée avec vous à sa tête. Si

4 vous avez juste dit un mot, "ça suffit" et bien --

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Sutalo, essayons de limiter la

6 portée de votre audition aux questions pour lesquelles vous avez une

7 connaissance directe des événements. Ce que vous avez vécu à Dalj et aussi

8 pour ce qui est du poste de police de Borovo Selo.

9 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Fort bien, Monsieur Sutalo. Mais d'où tirez-vous l'idée que c'était moi

12 qui commandais l'Armée populaire yougoslave en 1991 ?

13 R. Vous étiez président.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne nous aventurons pas sur ce terrain.

15 Parlons uniquement de ce dont peut parler directement le présent témoin.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Je réagis à ce que le témoin a dit, Monsieur May. Enfin, vous nous

18 dites, Monsieur Sutalo, qu'au mois de mai 1991 des chars ont commencé à

19 s'amonceler le long de l'autre rive du Danube, donc de l'autre côté du

20 pont, et que les Serbes locaux ont été vus en train de traverser et de se

21 diriger vers l'autre côté. Et vous dites pour certains d'entre eux, nous

22 avons des doutes qu'ils étaient collabo, donc à l'égard de certains d'entre

23 eux on n'a pensé que c'était des collabos, par exemple Purkovic,

24 Mihajlovic, et cetera.

25 R. Oui.

Page 25558

1 Q. Ecoutez, s'il vous plaît, c'était un pays, un seul et même pays, nos

2 citoyens allaient même à Hongrie, en Autriche, en Allemagne, dans toute

3 sorte de pays européen. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire, "certains

4 traversaient le pont pour aller en Serbie" ? Mais ce n'était pas peut-être

5 pas des Serbes, peut-être traversiez vous-même ce pont pour aller en

6 Serbie, et vous avez même trouvé abri en Serbie après tout cela.

7 R. Oui, mais moi, j'ai fui par peur, et les Serbes allaient

8 là-bas avec des intentions autres. Par exemple, le dénommé Purkovic a fui

9 une semaine ou deux semaines après, et il est revenu le jour en question

10 dès que la Jugo armée est arrivée. L'autre, le Mihajlovic, est resté là-bas

11 longtemps, et il avait engagé des hommes. Il leur avait raconté qu'il

12 allait y avoir une invasion sur la Croatie, et il a entretenu avec des

13 Chetniks. Enfin, je ne l'ai pas vu, mais j'ai ouï-dire qu'il avait quelque

14 chose à voir avec les Chetniks, et qu'il avait tenu des réunions avec eux.

15 Q. Donc, ce n'était pas avec la Jugo armée comme vous l'avez désignée.

16 R. C'était la même chose. La Jugo armée se trouvait là-bas, et cette Jugo

17 armée a envahi, occupé le pays, est arrivée jusqu'au pont, elle nous a

18 occupé, et toutes les misères sont arrivées par la suite. Alors je ne sais

19 pas pourquoi vous défendez cette Jugo armée, si vous savez aussi bien que

20 c'était eux les fautifs pour toute chose. C'est eux qui avaient des armes -

21 -

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Sutalo, n'oubliez pas que vous

23 êtes ici en tant que témoin. Bornez-vous à répondre aux questions qui vous

24 ont posées plutôt que d'essayer d'interroger vous-même l'accusé.

25 Je crois que le moment est venu de faire une pause. Avant de procéder à

Page 25559

1 cette pause, posons-nous la question de savoir si vous allez ensuite

2 appeler à la barre, M. Josipovic.

3 Madame Uertz-Retzlaff, je crois qu'on aura le temps de commencer au moins

4 sa déposition. C'est peut-être la meilleure marche à suivre, mais je vais

5 en discuter avec mes collègues sans le siège.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, si vous êtes prête

8 à citer M. Josipovic, il pourra commencer sa déposition aujourd'hui. Et

9 puis, nous pourrons avoir, si vous voulez, interposer le témoin qui devra

10 partir demain. On verra si

11 M. Josipovic pourra terminer demain.

12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, et nous pourrons aussi

13 distribuer les documents en application du 92 bis maintenant, au moment de

14 la pause.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour M. Josipovic.

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. En effet, vous n'aviez pas reçu

17 ces documents parce que nous ne savions pas s'il allait déposer.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

19 Monsieur Sutalo, nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.

20 Rappelez-vous si vous le voulez bien, c'est un avertissement que nous

21 donnons à tous les témoins, vous n'êtes pas sensé parler de la teneur de

22 votre déposition tant qu'elle n'est pas terminée. Et ceci s'applique

23 également aux représentants du bureau du Procureur. Pause de 20 minutes.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

Page 25560

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Sutalo, je ne vous ai pas très bien compris tout à l'heure. A

4 quoi vous référez-vous lorsque vous dites que les gens dont nous parlions

5 étaient des "collaborateurs"?

6 R. Parce qu'ils s'y sont rendus avant l'invasion de la Croatie, pour

7 retourner le même jour où la Jugo armée est arrivée. Tout de suite, ils se

8 sont présentés comme étant des commandants dans ces organismes, qu'en sais-

9 je, de Chetniks, et cetera -- ayant des grades, et cetera.

10 Q. Il s'agit de ces deux-là dont vous parlez ?

11 R. De quelle invasion parlez-vous ? Mais la JNA n'était-elle pas déployée

12 et stationnée dans maintes garnisons en Croatie avant cette date-là?

13 R. Oui. Et ce sont eux, qui ont fait tout ce qui était mauvais et fâcheux.

14 Pourquoi sont-ils venus avec 150 chars pour attaquer la Croatie ? Qui est-

15 ce qui les a appelés ?

16 Q. Mais M. Sutalo, savez-vous que la JNA n'a jamais pilonné Erdut ?

17 R. Comment pouvez-vous dire une chose pareille, s'il vous plaît ? Déjà,

18 début juin, les pilonnages ont eu lieu. Plus de 50 obus ont atterri sur

19 Erdut de provenance de Bogojevo. Le 20 juillet, également, lorsque six

20 policiers d'Erdut ont été tués, à cette occasion-là, au moins une centaine

21 d'obus ont été tirés sur Erdut.

22 Q. Ce jour-là où les deux policiers se sont faits tuer ?

23 R. Oui. Mais le 10 juillet, une cinquantaine ont été tirées de Bogojevo.

24 Il s'agissait d'un lance-missiles multiples. De même, en est-il pour parler

25 évidemment du pilonnage, lors duquel pilonnage ces policiers ont été tués.

Page 25561

1 Et puis, chaque nuit, comprends-tu, de provenance de Bogojevo, nous étions

2 attaqués moyennant missiles et balles traçantes et éclairantes, et qu'en

3 sais-je. Il y en avait qui d'ailleurs survolaient, pour parler de ces

4 projectiles, Erdut. Que visaient-ils, qu'en sais-je ? En tout cas, c'était

5 l'œuvre de Jugo armée.

6 Q. C'est -- par conséquent, c'est en direction d'Erdut qu'ils ont toujours

7 tiré ?

8 R. Oui, bien entendu. Tant de maisons et tant de domaines ont été

9 dévastés, bien entendu, qu'on devait tirer sur Erdut.

10 Q. Oui, j'ai compris, mais vous avez dit tout à l'heure que personne n'a

11 été tué à cette occasion-là.

12 R. Oui. Pas pendant le premier pilonnage, pendant le second pilonnage, six

13 ennemis.

14 Q. Bon. Mais vous dites que, le 1er août 1991, à 3 heures, vous avez

15 entendu des coups de feu de provenance de Dalj. On ne pouvait très, très

16 bien distinguer le tout. Tous ces coups de feu, ça a duré jusqu'à 9 ou 10

17 heures et c'est par la radio que le maire d'Osijek a demandé à ses soldats

18 d'aller de l'avant pour défendre Dalj. Est-ce exact ?

19 R. Je ne pourrais pas le dire. Je ne le sais pas. Cela est inconnu de moi.

20 Q. C'est vous que je cite. Vous avez dit;

21 "Le 1er août 1991, on a pu entendre tirer de Dalj, c'est assez indistinct.

22 Mais ça A continué jusqu'à 9 heures, 10 heures, et que le maire d'Osijek a

23 fait appel à l'armée."

24 R. Oui, je sais qu'il y a eu des tirs et de feu. Je ne sais pas si c'est

25 le maire qui a fait appel en vue de la défense de Dalj. Q. Ce n'est pas

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1 vous qui avez fait entrer ce fragment de thèse dans la déposition qui est

2 la vôtre.

3 R. Je ne sais pas par qui ceci a été fait, mais je sais qu'en tout cas, M.

4 Kramaric a fait appel à quelqu'un.

5 Q. Bien. Mais vous dites que les forces qui attaquaient Dalj étaient

6 accompagnées d'un convoi d'une cinquantaine de chars qui ont pilonné Erdut,

7 et puis il y avait un troisième groupe de chars, une trentaine d'ailleurs

8 ou plus, qui est entré dans Erdut. Combien de chars il y a-t-il eu d'après

9 vous ?

10 R. Il y avait trois colonnes de chars, je les ai dénombrés. Cinquante

11 chars dans l'un, second et troisième groupes et, lorsqu'une colonne passe,

12 sept ou huit minutes après, la seconde colonne de chars s'emmène pour se

13 mettre à pilonner une localité près d'Erdut. La localité s'appelle Orasje.

14 Le troisième groupe de chars, parmi lesquels les chars qui se sont rendus à

15 Erdut, s'en sont pris à Erdut, notamment, pour dévaster les maisons de

16 Nikola Jaman et Eda Sakic.

17 Q. Bien. Est-ce que vous avez su de quoi devait s'occuper la JNA dans ces

18 lieux ? Est-ce que vous saviez, par exemple, que la JNA voulait plutôt

19 empêcher des conflits ?

20 R. Certainement, elle n'a pas essayé de le faire pour empêcher les

21 conflits. Le deuxième ou le troisième jour, disons le 3 juillet [sic]

22 lorsqu'ils étaient venus, c'est la Jugo armée qui a accompagné jusqu'à

23 Bogojevo de quatre à cinq autobus avec des Croates à leur bord. Et bien,

24 ils étaient de Dalj. Est-ce qu'ils ont suivi les lieux de leur propre chef

25 ou de leur gré ou, délibérément, ou ont-ils été expulsés, ça je ne peux pas

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1 le savoir.

2 Q. Ne s'agit-il pas de dire qu'il s'agissait d'opérations moyennant

3 lesquelles la population civile devait être secourue pour être aidée et

4 défendue ?

5 R. Pourquoi n'ont-ils pas protégé des Croates comme ils ont fait en faveur

6 des Serbes. Il n'y aurait jamais rien eu de mauvais ?

7 Q. Mais justement, ils voulaient les protéger.

8 R. On a bien vu comment la protection s'est faite, les maisons détruites,

9 dévastées, le tout pillé et pris. Nous, on en sait long.

10 Q. Mais ce n'est pas l'armée yougoslave qui a pillé ?

11 R. Et comment, et comment, je les ai vue moi-même sortir des moteurs

12 électriques, des pompes électriques. Ensuite, je les ai vus démonter des

13 moteurs, des motoculteurs, et cetera, pour ne pas parler de postes de

14 télévision. J'en ai vu. Enfin des gens a emporté des maisons de mes

15 voisins. Il y avait de quatre à cinq soldats qui, respectivement, étaient

16 responsables de chacune des maisons, lorsqu'il y avait les combats, à

17 Vukovar notamment. Et puis après, on n'en a vu des soldats et des soldats

18 qui prenaient tout ce qui était à portée de mains.

19 Q. Mais est-ce que vous vous rappelez que, notamment à cette occasion-là,

20 le ministère de la Défense a adopté une décision, moyennant laquelle il a

21 fallu mettre un terme à l'action de toutes unités et forces paramilitaires

22 et de tout le reste qui comme groupement n'appartenait aux effectifs de la

23 JNA ?

24 R. Cela ne m'est pas reconnu.

25 Q. Pour cette période-là, dont vous êtes en train de parler notamment,

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1 coïncide avec les actions qui consistaient à séparer les forces

2 belligérantes et notamment pour se débarrasser des forces paramilitaires ?

3 R. Je sais qu'à Erdut se trouvait un quartier général d'Erdut, c'est-à-

4 dire, plutôt des polygones d'instruction yougoslave et c'est là qu'un mur

5 de trois mètres et demi a été érigé sur un terrain où s'il y avait des

6 Croates Osijek. Il a fallu y contenir tous les Croates pour les détenir.

7 Q. Est-ce qu'il y a eu des Croates ou quelqu'un dans ces camps ?

8 R. Non, parce que Osijek n'était pas mis sous contrôle. Non, parce que

9 tout ceci ne s'était pas produit comme ça.

10 Q. Et il n'y avait personne donc dans Osijek ?

11 R. Non, parce que tous ce qui étaient Croates et Hongrois étaient

12 expulsés.

13 Q. Bon. Mais est-ce que vous ne savez pas que, depuis juin jusqu'au 3 août

14 1992, plusieurs dizaines de milliers de Serbes en ont été expulsés ?

15 R. D'où ?

16 Q. De plusieurs et différentes régions de Croatie.

17 R. Oui, oui. Je le sais aussi que nous aussi, nous avons été expulsés de

18 là-bas pour que ces gens-là puissent être installés dans nos maisons à

19 nous. Je ne sais pas par qui, eux, ils ont été expulsés, alors que je sais

20 par qui nous avons été expulsés, nous.

21 Q. A cette époque-là, depuis les communes de Novska, Orahovica,

22 Virovitica, 52 000 Serbes, d'après les résultats finals, même de 60 à 70

23 000 Serbes ont été expulsés de ces régions-là à cette époque-là ?

24 R. Chose inconnue de moi.

25 Q. Et savez-vous quoi que ce soit pour parler cette fois-ci de -- de la

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1 mi-août 1990, pour dire qu'il y avait des attaques organisées à l'encontre

2 de la JNA ?

3 R. Cela tient que le devoir en question.

4 Q. Savez-vous combien de casernes il y a eu, qui ont été sous le siège et

5 non loin de vous dans le pays qui était le vôtre ?

6 R. Je n'en sais pas.

7 Q. Savez-vous au moins quelque chose au sujet du blocus de la caserne à

8 Vukovar ?

9 R. Comment voulez-vous que je le sache ? Je ne suis pas de cette localité-

10 là.

11 Q. Donc vous ne savez rien sur Vukovar ?

12 R. Rien.

13 Q. Est-ce que vous seriez à même de savoir que la Troika européenne et

14 Lord Carrington -- qu'on a rapporté à Lord Carrington, qui était à la tête

15 de ceux qui ont mené les négociations internationales ?

16 R. Je n'en sais rien. Je sais seulement qu'une fois que Vukovar a été

17 prise, le blé a été pris de Vukovar pour être acheminé ailleurs, depuis la

18 Croatie en direction de Serbie, 76 tracteurs sont passés et 32

19 moissonneuses batteuses étaient passées en Serbie.

20 Q. Vous l'avez vu vous-même ?

21 R. Je l'ai vu.

22 Q. Par qui tout ceci a été fait pour parler de tracteurs, de moissonneuses

23 batteuses ?

24 R. Qu'en sais-je, des civils des Serbes, on ne sait pas qui était aux

25 commandes. Nous, on n'osait pas les aborder.

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1 Q. Bon. En tout cas, des civils. Vous n'avez pas bien vu, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, je suppose. Mais ce ne sont pas des Croates.

3 Q. Vous êtes Croate.

4 R. Oui.

5 Q. Et vous vous êtes évadé pour fuir en Serbie ?

6 R. Oui.

7 Q. Comment pouvez-vous le faire, donc partir pour la Serbie alors que vous

8 dites que vous avez été attaqués ?

9 R. Oui, attaqué, mais par qui ? Ce ne sont pas les Hongrois ?

10 Q. Comment avez-vous fait pour vous sauver pour aller là-bas ?

11 R. C'est que tout simplement, il y avait un pont là. Pour passer le pont,

12 il a fallu être muni d'un permis de passer -- d'un laissez-passer et, une

13 fois passée -- une fois étant muni de laissez-passer, on ne nous demandait

14 plus rien.

15 Q. Donc, en Serbie, on ne vous demandait rien, ni qui vous étiez, ni d'où

16 vous veniez ?

17 R. Non.

18 Q. Alors que de l'autre côté du pont, vous en veniez aux mains ?

19 R. Oui. Mais avec la bénédiction de l'armée.

20 Q. Mais c'est l'armée qui essayait de vous séparer ?

21 R. Mais je vous en prie. Nous ne nous entendons pas là-dessus.

22 Q. Vous dites lors de votre tentative de quitter le village, vous avez été

23 arrêté par la police militaire, vous avez été arrêté pour être emmené dans

24 une usine, petite usine ?

25 R. Usine de chanvre.

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1 Q. Qu'en sais-je chanvre. Bon, d'accord. Et puis après vous dites qu'on

2 vous a pris tous vos documents, vos titres personnels et de l'argent ?

3 R. Oui. C'était fait par M. Kosutic.

4 Q. Votre femme n'a pas été emmenée avec vous ?

5 R. Non.

6 Q. Ce n'est pas que la JNA vous a arrêtée ou des représentants de la

7 Défense territoriale locale plutôt ?

8 R. Non, non. C'était Kosutic qui était le responsable, le principal de

9 l'affaire, c'est lui qui m'a interrogé, c'est lui qui m'a enlevé tout --

10 tous mes papiers d'identité. On me les rendra plus tard. Et on m'a ligoté

11 pour m'attacher à une table, table énorme, longue de dix mètres. Tucak et

12 Mata, tous deux étaient avec moi liés, attachés à cette table également. Et

13 puis après il faut dire aussi que ces deux-là ont été roués de coups alors

14 que moi je ne l'ai pas été. Mais, qu'est-ce qu'il n'y allait plus alors qui

15 nous est arrivé ?

16 Q. Bon. Vous dites vous-même les deux hommes que vous avez pu reconnaître,

17 un certain Zvonko Tucak d'Erdut, l'autre s'appelait Mata de Dalj.

18 R. Non. Il est originaire de Sonta, mais il était employé à Dalj, pour

19 parler du second.

20 Q. Vous dites que, dans l'usine qui produisant du chanvre pour le besoin

21 de vêtements : "On m'a confiné dans une pièce où il y avait une grande

22 table," et cetera. "J'ai pu reconnaître deux hommes à mes côtés." Pour ne

23 pas perdre trop de temps, je vais rappeler que nous venons de les citer

24 leurs noms. Vous dites que l'autre était de Dalj. Un soldat était entré

25 dans cette pièce-là pour appeler mon nom, pour dire : "Sutalo, suis-moi. Le

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1 colonel veut te parler." J'ai dit en réponse : "Comment veux-tu que je me

2 lève puisque je suis -- tu me vois attaché." Vous dites que ce sont des

3 gens que vous connaissiez et qui étaient d'Erdut.

4 R. Oui, oui, pour parler de Tucak, alors que Mata, lui, il était de Dalj.

5 Q. Bon, d'accord. Qui parle d'Erdut et de Dalj, parle de localités qui se

6 trouvent à proximité, enfin, de vous, c'est-à-dire, ces localités

7 appartiennent à la même région.

8 R. Oui.

9 Q. Après quoi, vous avez été interrogé dans les locaux de la police

10 d'Erdut. On vous a interrogé sur les gardes et les sentinelles, et cetera ?

11 R. Oui.

12 Q. On vous a interrogé pour savoir si vous avez eu des connaissances

13 relatives à des forces paramilitaires croates, et cetera.

14 R. Interrogé, oui. On m'a interrogé sur -- je ne sais plus quoi encore,

15 mais M. Kosutic m'a, entre autres, demandé pourquoi nous avons fui. J'ai

16 dit en réponse : "Ce n'est pas l'armée que nous avons fui, mais nous avons

17 eu peur des Chetniks." Lui a répondu: "Il n'y a plus de Chetniks, je les ai

18 désarmés, moi." Et sur ce -- sur un camion avec, à son bord des Chetniks,

19 qui hissait un drapeau serbe. Je lui ai dit : "Mais regarde-là, bons sens.

20 Tu ne vois pas ?" Sur ce, il a regardé et qu'est-ce qu'il ne verrait plus.

21 Q. Mais cela prouve que tout ceci ne se passait pas sous son contrôle.

22 R. Je ne sais pas sous le contrôle de qui.

23 R. Permettez-moi de vous rappeler point 12 de votre

24 déposition :

25 "Après un certain temps, Tucak a été emmené. Nous avons été interrogé et

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1 nous n'avons pas été interrogé pour longtemps et nous n'avons pas été

2 battus."

3 C'est ce que vous dites.

4 R. Pas en ce moment-là et jusqu'alors, qu'est-ce qu'on n'a plus vu.

5 Q. Après quoi, vous dites :

6 "Un soldat m'a emmené dans une maison de campagne, non loin de là où j'ai

7 pu trouver ma femme et une autre femme d'Erdut, Ivanka Tesanac. On nous a

8 dit que nous devions passer la nuit là-bas et que le lendemain nous

9 devrions regagner les locaux pour être réinterroger."

10 R. Oui.

11 Q. Donc vous étiez en liberté et on n'a fait que vous demandiez des

12 informations à vous ?

13 R. Oui, c'est Kosutic, lui-même, qui nous a emmené en voiture jusqu'à

14 cette maison, seconde résidence d'un certain Kabic [phon]. Nous y sommes

15 restés. Le lendemain, il était revenu, c'est-à-dire, nous devions le

16 regagner dans ces locaux et, lorsque nous sommes venus chez lui, il y avait

17 un Serbe qui s'appelait Kosta Sula [phon]. L'autre a dit : "Mais bon sens,

18 que fait-il là Sutalo ?" L'autre a dit : "Mais on l'a détenu ici." Sur ce,

19 il a dû dire : "Mais c'est un homme honnête, un brave type. Il faut le

20 laisser en liberté." Et c'est ainsi que j'ai été relâché : moi, Tucak, mon

21 épouse et nous autres, et c'est ainsi que nous avons été même pris en

22 voiture pour regagner nos foyers.

23 Q. Lorsque vous dites qu'on a insulté votre mère Oustachi, lorsqu'on vous

24 a fait venir à Erdut, ne s'agissait-il pas de dire qu'il s'agissait de gens

25 qui n'étaient pas des membres de la JNA ?

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1 R. Il y avait des gens de l'armée, de quelle armée, qu'en sais-je. Eux

2 aussi, ils étaient prêts à nous insulter. Quelqu'un qui a voulu savoir ce

3 qui se passait là-bas, je lui ai posé la question comme quoi : "Que vous a-

4 t-on dit, à vous, lorsque vous étiez partis contre la Croatie ?" Il y

5 avait, en effet, deux soldats. En réponse, l'autre dit, par exemple : "On

6 nous a rien dit du tout." Et l'autre, son interlocuteur :

7 "Comment on nous a rien dit ? N'a-t-on pas dit que les Croates égorgent des

8 Serbes, pillent, projètent des enfants pour les accueillir à des couteaux.

9 Tout ceci nous a été dit lorsque nous étions partis contre ces gens-là, en

10 Croatie."

11 Q. Bon, Monsieur Sutalo, n'est-il pas vrai de dire que, lorsque les

12 fouilles ont été faites, perquisitionnées des maisons, on a trouvé un

13 pistolet mitrailleur Scorpion qui semble-t-il a été mis par quelqu'un là-

14 bas, tout simplement ?

15 R. Oui.

16 Q. Et puis après, une fois que vous avez été remis en liberté, vous dites

17 qu'à Dvor, le 5 août, il y a eu un rassemblement où des membres de tous

18 groupes ethniques ont été représentés. Un groupe s'est fait élire et avec à

19 son sein, les représentants de tous les trois groupes ethniques : Croates,

20 Serbes et Hongrois.

21 R. Oui.

22 Q. Après quoi, un homme de Dalj a dit que vous ne deviez plus être -- mais

23 il s'agissait de quelqu'un qui s'y trouvait déjà parmi vous. Si je

24 comprends bien, d'après ce que vous avez dit vous-même dans le cadre de

25 votre déposition, lui n'était responsable de tout. Il n'était pas compétent

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1 de tout.

2 R. Il s'agissait d'un Marko Loncarevic. Quelle était sa fonction, je n'en

3 sais rien. En tout cas, je sais qu'il était membre de formation Chetnik ou

4 ailleurs, mais, en tout cas, tout dépendait

5 -- semblait dépendre de lui. Lors de cette réunion-là, je me suis rendu

6 compte du fait que lui, il était une espèce de fondateur d'une certaine

7 Krajina, un défenseur de la serbité, et cetera.

8 Q. Mais vous dites que c'est le colonel Kosutic qui était le responsable.

9 C'est lui qui vous a rassemblé. Et vous dites, paragraphe 19 :

10 "Il y avait une centaine de personnes ici présentes. Tous les groupes

11 ethniques étant représentés, un gouvernement local a été élu, avec en son

12 sein, les représentants de tous les groupes ethniques (Serbes, Croates et

13 Hongrois)."

14 R. Oui, ce jour-là.

15 Q. "Pendant une réunion d'une demie heure, il y avait donc une réunion

16 dont les femmes ont été dirigées par le colonel Kosutic qui lui a dit que

17 des représentants des autorités devaient être élues, conscient du fait,

18 dit-il, que ce n'était pas un mode démocratique, mais, disait-il, les

19 représentants du gouvernement devraient régner, suivant les principes de

20 démocratie."

21 N'est-ce pas ?

22 R. Oui, mais ce n'est pas les Croates qui ont pu gouverner. Ce n'était que

23 les Serbes qui étaient responsables.

24 Q. Bon, d'accord. Mais c'est au sujet de cette réunion-là que j'ai des

25 questions à vous poser. Réunion tenue, avec vous, par le colonel Kosutic

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1 qui lui a insisté à ce que vous soyez représenté au sein de ces autorités

2 locales, tout ce que vous étiez, Serbes, Croates et Hongrois confondus,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Et cet homme-là, qui a pris la parole pour dire que vous ne deviez pas

6 y être représenté au sein du gouvernement, n'avait rien à voir avec la JNA.

7 Ce n'était pas quelqu'un qui appartenait à la JNA ?

8 R. Je sais qu'il ne portait pas d'uniforme militaire, mais qui était-il en

9 fait, je n'en sais rien.

10 Q. Vous dites dans votre déposition -- voilà pourquoi ma question parce

11 que, tout à l'heure, vous déposiez en d'autres termes. Permettez de vous

12 citer le paragraphe 21 de votre déposition :

13 "Une fois qu'Erdut a été prise par la JNA, il n'a pas été imposé, ni le

14 couvre-feu, ni une autorité militaire quelconque."

15 Après quoi, vous dites :

16 "Tout a changé après la réunion en question. Il y a eu une coupure de

17 lignes téléphoniques et puis nous n'étions pas alimenté en courant

18 électrique. On ne pouvait plus suivre ni les programmes de la radio et

19 télévision. Le couvre-feu a été décrété. Et puis des points de contrôle à

20 Erdut, et cetera, sous le contrôle de la JNA."

21 R. Ce n'était que pendant le deuxième ou troisième jour où un couvre-feu a

22 été imposé à nous autres, Croates.

23 Q. Mais vous notez dans votre déposition que seulement à l'encontre des

24 Croates que le couvre-feu a été imposé et lorsque la JNA est entrée dans

25 Erdut, elle ne pouvait évidemment imposer le

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1 couvre-feu uniquement à des Croates, mais pas à des Serbes.

2 R. On ne m'a jamais rien demandé là-dessus. Mais, maintenant, lorsque vous

3 posez la question de ce genre-là, alors, je dois vous le dire comme suit.

4 Une fois que la nuit tombe, il suffit de sortir de chez moi, et tout d'un

5 coup on entend un bris de verre. Et puis après, on voit circuler des

6 voitures, c'est-à-dire, le pillage de maisons de Croates se poursuit.

7 Q. Donc, tout cela se passait pendant les heures de

8 couvre-feu. Mais voilà pourquoi -- le pourquoi de ce couvre-feu décrété par

9 l'armée pour ne pas qu'il y ait de ces épisodes-là.

10 R. Oui. Mais à notre encontre uniquement, et l'armée n'a rien fait pour

11 mettre fin à tous ces mauvais actes. Je vous en prie, le 24 décembre,

12 lorsqu'une grenade à main a été projetée en direction de ma maison, on

13 visait la maison, mais, heureusement, il y avait une porte en fer qui nous

14 a protégés. Et le lendemain, lorsque j'en ai fait une déclaration auprès du

15 colonel Covic, lorsque je me suis rendu auprès de lui pour en faire une

16 déclaration, voilà qu'une commission militaire, avec à sa tête un

17 lieutenant, un capitaine s'est emmenée et même le colonel Covic, avec eux

18 trois policiers de Krajina étaient venus également. Et puis trois autres

19 membres d'un organisme de Chetniks étaient venus. Et lorsqu'ils m'ont

20 interrogé, tous, ils se sont mis à table, chacun prend du papier et crayon

21 pour prendre notes de ce que je disais, de mes propos. Alors, le colonel

22 dit tout d'un coup, "Mais voilà que tu n'as pas été visé toi, ceci était

23 destiné à ton voisin." Alors, mon voisin était un Serbe. Sur ce, je lui ai

24 dit, "Camarade colonel, c'est à moi que cela a été destiné." Il m'a demandé

25 ensuite, "De quelle nationalité êtes-vous ?" Moi, en réponse, j'ai dit,

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1 "Nous sommes des Croates." Une fois que j'ai prononcé cela, ils ont pris

2 leurs notes, en disant : "Tout est clair maintenant." Tout le monde

3 maintenant, ils s'en sont allés sans punir qui que ce soit. Personne n'en

4 fut coupable. Moi, j'ai été donc lésé, resté sans ma porte d'entrée, et

5 cetera.

6 Q. Êtes-vous certain qu'aucune instruction n'a été menée ?

7 R. Mai, je vous en prie, n'allons pas parler de cela.

8 Q. Vous dites ensuite, qu'il y a eu des gens qui ont pillé les maisons,

9 qui ont été quittées par des Croates.

10 R. Oui.

11 Q. Vous-même, vous dites et vous en donnez un exemple à l'appui, parlant

12 d'un certain Gogic qui, semble-t-il prendre une excavatrice et puis après,

13 une tronçonneuse électrique. Et puis après, vous parlez d'un certain

14 Kovacevic, il s'est emparé d'une voiture, et cetera. Mais il s'agit des

15 gens du pays, de vos concitoyens ?

16 R. Il s'agit de mes voisins.

17 Q. Bien sûr, vos voisins. Il s'agit de ce conflit entre

18 vous-mêmes. Il s'agit de violence.

19 R. Monsieur Milosevic, le pillage était chose commune, mais il s'agissait

20 de voir à qui veut faire plus et mieux. On sait très bien que tous ces

21 gens-là partaient avec ces articles en Vojvodine pour les revendre.

22 Q. Mais il s'agit toujours de parler de vos voisins ?

23 R. Oui, de nos voisins.

24 Q. C'est ce que j'ai voulu établir. Pour suivre, vous avez été interrogé

25 d'abord dans la police de Dalj et puis après, est-ce vrai ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous n'avez pas été battu ?

3 R. Non. Pas moi, mais qu'est-ce que j'en ai vu comme passages à tabac,

4 quant à d'autres. Et cela était terrible.

5 Q. Comment se fait-il que vous n'ayez pas été passé à tabac ?

6 R. Voilà pourquoi. Ma bru était Serbe. Elle a fait des interventions par

7 n'importe quel moyen. Et grâce à cela, je suis en vie. Sinon, j'étais avec

8 d'autres personnes, 13 au total. Nous étions à Dalj. Et j'aurais

9 certainement été mort moi aussi, parce que tous

10 -- tous ces gens-là sont morts, outre Slavko Palinkas et Aljmas.

11 Q. Par conséquent, 11 d'entre vous -- 11 sur 13 étaient morts ?

12 R. Oui, à Celija, dans un charnier.

13 Q. Lorsque nous parlons de Dalj, il s'agit d'une prison qui a été

14 évidemment, qui a été sous le contrôle pas de la JNA, mais des habitants

15 locaux, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne sais pas sous le contrôle de qui. Je ne connaissais personne là-

17 bas, sinon ce Stricevic.

18 Q. Peu importe, si vous connaissez des gens ou pas. En tout cas, tout cela

19 ne se trouvait pas sous le contrôle de la JNA ?

20 R. Oui, soit.

21 Q. Merci. Pouvons-nous aller de l'avant ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous êtes ensuite transféré dans les locaux de la police de Borovo,

24 vous avez été injurié. Est-il vrai de dire que des gens de la Croix rouge

25 étaient venus vous rendre visite ?

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1 R. Non.

2 Q. Jamais vous n'avez été visité par la Croix rouge ?

3 R. Non, non. A moins de parler de Dalj. Une fois que nous sommes venus de

4 Borovo, nous étions à Dalj, et c'est là que nous sommes tombés sur une

5 jeune fille habillée de bleu et ayant du côté gauche, l'insigne de la Croix

6 rouge, l'emblème de la Croix rouge. Mais était-elle vraiment là-bas ou pas,

7 qu'est-ce que j'en sais ?

8 Q. Mais oui, puisque vous parlez de quelqu'un qui portait l'emblème de la

9 Croix rouge, ceci devait être le représentant de la Croix rouge.

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Mais est-ce que vous avez fait quelque doléance que ce soit auprès de

12 cette femme-là qui portait l'emblème de la Croix rouge pour vous plaindre

13 des conditions dans lesquelles vous étiez ?

14 R. Lorsque nous étions venus à Borovo. Là, où nous avons d'ailleurs dû

15 être détenus. Ensuite, elle est venue avec Chetniks pour ramasser tout ce

16 qui avait comme couverture et le reste. Et c'est ainsi, que nous avons été

17 obligés de dormir au ras le sol, sur du béton pendant une semaine entière.

18 Q. Mais dites-moi, est-ce exact de dire que votre fils faisait partie de

19 la JNA ?

20 R. Non. Pas de la JNA, mais de l'armée dite de Krajina.

21 Q. Qui vous a rendu visite en prison, et vous a apporté des vêtements

22 propres, des cigarettes et ainsi de suite, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Il était donc réserviste. Il était Croate local qui portait toujours un

25 uniforme de la JNA. C'est bien cela ?

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1 R. Je ne sais pas si c'était un uniforme de la JNA. Lui, venait en civil.

2 Alors, de là, à savoir s'il avait fait partie de cette armée de la Krajina

3 ou s'il était dans la JNA, je n'en sais rien.

4 Q. Bien. Vous avez expliqué les problèmes que vous avez connus lorsque

5 vous étiez interné en prison, et serait-il exact de dire que ceux qui ont

6 géré cette prison portaient des uniformes différents ?

7 R. Oui. Ils portaient des uniformes de police, et certains étaient en

8 civil. D'autres portaient des uniformes de la police.

9 Q. Mais ça n'avait rien à voir avec la JNA, n'est-ce pas ?

10 R. Non.

11 Q. Vous expliquez par la suite, comment vous avez été relâché.

12 R. Et vous dites que c'est Goran Hadzic qui est venu pour vous libérer.

13 R. Oui.

14 Q. Comment a-t-il réagi lorsqu'il a appris que les autres ont été

15 malmenés. Vous, il vous a demandé si vous avez battu, et vous avez répondu

16 que non, n'est-ce pas ?

17 R. C'est cela.

18 Q. J'ai pris une bonne note.

19 R. Oui.

20 Q. En effet. Quand ce jour-là, mon fils était venu me voir, il m'a apporté

21 des vêtements, du linge propre. Et pendant le mois d'avant, on ne nous a

22 pas laissé nous laver nous -- prendre un bain ou nous changer, rien. Et

23 j'ai fait savoir à mon fils, par l'intermédiaire d'un Serbe, que je me

24 trouvais en prison à Dalj. Et ce Serbe le lui a dit, et mon fils est venu.

25 Il m'a apporté des vêtements, des sous-vêtements et il m'a apporté des

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1 chaussettes, et le reste. Je me suis changé, je me suis couché et je me

2 suis endormi. Et j'étais en train de dormir lorsque j'ai entendu qu'il y a

3 eu un remue-ménage dans la prison. Je me suis redressé, j'ai plutôt ouvert

4 les yeux et j'ai vu que tous étaient debout dans une file, alignés. Alors,

5 je me suis levé moi aussi puis j'ai essayé de retrouver mes lunettes, mais

6 je n'arrivais pas à les retrouver, peut-être, à cause de la peur ou de ce

7 bouleversement. Et puis je me suis mis dans la file et quelqu'un a dit :

8 "Qui s'appelle Luka Sutalo ?" Alors, j'ai dit que c'était moi. Et l'autre

9 a dit : "Allez, prépare-toi, tu viens avec moi." Moi, je suis resté debout,

10 éberlué. Je l'ai regardé en tournant vers la gauche, et il devait y avoir

11 avec lui deux ou trois personnes en civil. Alors je suis resté silencieux,

12 alors il m'a dit : "Mais qu'est-ce que tu as à me regarder, prends tes

13 affaires puis viens avec moi. Je t'emmène à la maison -- je te ramène à la

14 maison." À ce moment-là, Palinkas a dit : "Monsieur le Président,

15 permettez-moi d'y aller moi aussi. Laissez-moi partir aussi." Alors l'autre

16 a dit : "Mais, écoute, brave homme, moi j'emmène Sutalo, je n'ai pas le

17 temps de t'emmener." Alors l'autre a dit : "J'ai des amis à Dalj et je vais

18 passer la nuit chez eux." Il a dit : "Bon, allez, viens." Et ils sont allés

19 avec moi vers le poste de police. Or, le poste de police se trouve à peine

20 à quatre mètres de là, donc c'était une porte à côté de l'autre.

21 Et entrer là-bas, il a dit : "Donne-moi un fichier pour Sutalo." Alors il

22 dit : "Sutalo n'a pas de fichier". Il dit : "Qu'est-ce que tu dis ? L'autre

23 lui dit : "Mais il n'a pas de fichier." Alors il lui a injurié tous ses

24 siens, et il lui a dit : "Mais comment pouvez-vous tenir quelqu'un --

25 garder quelqu'un sans fichier ?" L'autre a répondu : "Monsieur le

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1 Président, je ne sais pas qui sait qui le garde ici, ce n'est pas moi. Je

2 ne sais qui l'a mis là." Alors l'autre lui a demandé : "Est-ce qu'on a

3 inscrit au registre ce qu'on a mis à mon sujet ?" Alors il a biffé mon nom

4 et prénom, il a dit : "Allez, Sutalo", tu rentres à la maison." Une fois

5 que nous sommes sortis dehors, j'ai vu devant la prison une trentaine de

6 Chetniks et, parmi eux, il y avait Arkan. Ils étaient au garde à vous

7 devant lui, ils ont fait un rapport à celui-ci, et au moment on m'a dit :

8 "Sutalo, monte dans la voiture," et c'est lui qui m'a emmené jusqu'à chez

9 moi.

10 Lorsque nous étions en train de rouler encore --

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Sutalo, je crains fort que le

12 temps ne soit limité pour nous, et je m'excuse de voir vous interrompre. Si

13 l'accusé vous pose des questions au sujet de votre témoignage, il est libre

14 de le faire.

15 Mais, Monsieur Milosevic, je tiens à préciser que votre temps est limité

16 également, et que vous n'avez plus que six minutes à votre disposition.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Terminez, Monsieur Sutalo, ce que vous avez commencé à nous raconter.

20 R. Lorsque nous faisions route ensemble, il m'a demandé si j'avais été

21 battu, alors je lui dis que non, pas pour ce qui me concernait. Mais j'ai

22 dit aussi : "Dieu nous préserve de ce qu'ils faisaient là-bas." Alors j'ai

23 dit : "Que font-ils ?" Mais, écoutez, "ils ont battu à mort des gens qui

24 étaient en bonne santé." Il m'a dit : "Mais allons donc, aujourd'hui de nos

25 jours tous sont tabassés." Alors je lui ai demandé : "Qui est-ce qui t'a

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1 tabassé ?" Il m'a dit : "Lorsque j'étais à Plitvice, on m'a tabassé à

2 mort." Alors je lui ai demandé : "Mais qu'alliez-vous faire à Plitvice ?"

3 Alors il m'a dit : "Et tu voudrais tout savoir maintenant." Moi je lui ai

4 dit que j'avais lu dans une revue les dires d'un philosophe anglais, c'est

5 plutôt un proverbe, qu'il vaut mieux en relâcher une centaine de coupables,

6 plutôt que de condamner un juste, un innocent. Alors il m'a dit précisément

7 que c'est bien exact.

8 Q. Mais lorsque vous nous avez dit que Goran Hadzic avait engueulé ce

9 policier, une fois que vous êtes passé au poste de police, et lorsqu'ils

10 avaient demandé comment pouvait-on garder un homme sans qu'il y ait un

11 fichier, et un registre à jour, c'est bien comme ça que cela s'est passé ?

12 R. Oui.

13 Q. Et le policier a dit : "Ce n'est pas moi qui l'ai gardé ici, ce n'est

14 pas moi qui le garde." Ce n'est donc pas la police qui vous a mis là,

15 c'était plutôt un groupe qui n'appartenait ni à la police, ni à qui que ce

16 soit d'autre.

17 R. Moi j'ai demandé au dénommé Stricevic, ce commandant du camp de

18 détention, de me dire qui avait donné l'ordre de me mettre en détention,

19 que je voulais me retrouver en tête à tête. Il m'a demandé si c'est bien ce

20 que je voulais. Alors je dis : "Oui, je veux savoir pourquoi il m'a mis

21 là." Alors il m'a dit : "Mais tu ne l'apprendras pas de toute façon." Alors

22 je lui dis : "Merci bien."

23 Q. Revenons à l'incident où on a jeté une grenade à main dans votre

24 jardin. Est-ce que des voisins sont venus chez vous pour exprimer leur

25 solidarité, vous rendre visite, des Serbes de notre voisinage ?

Page 25581

1 R. Certains oui, certains non. Je vous ai dit que celui qui avait sa

2 maison derrière la mienne, Milorad Gogic, un jour on le voyait dans un

3 uniforme militaire, le lendemain on le voyait en uniforme de police, le

4 troisième jour on le voyait dans un uniforme de Chetnik. Alors la question

5 qui se pose actuellement c'est celle de savoir ce qu'il était en réalité ?

6 Q. Mais il est certain qu'il n'était pas membre de la JNA.

7 R. Il en avait l'uniforme.

8 Q. Mais tout le monde avait cela à l'époque, mais celui qui changeait ses

9 uniformes ainsi n'était pas certainement pas membre de la JNA.

10 Mais expliquez-moi, je vous prie, maintenant parce que vous avez précisé

11 qu'on vous avait obligé à travailler. Je crois que cela a été posé comme

12 question à l'occasion de l'interrogatoire principal, et vous avez précisé

13 que vous avez nettoyé des étables, mais les étables c'est des paysans qui

14 ont des étables. Est-ce que cela signifie que vous êtes allé chez des

15 paysans, des agriculteurs pour servir de serviteur ?

16 R. Oui, et puis on allait récolter le maïs sans boire et manger, mais

17 juste travailler.

18 Q. Le maïs de qui avez-vous récolté ?

19 R. A Erdut, celui des voisins serbes. Il y avait là-bas une espèce

20 d'administration qui désignait chacun des Croates. Il disait : "Toi et toi,

21 tu vas chez untel, ou vous allez chez untel, les autres vont chez un tel

22 autre." Et puis on récolte toute la journée, mais il faut emmener de quoi à

23 manger, de quoi à boire, et il faut travailler gratuitement pour l'autre.

24 Alors une fille, comment s'appelait-elle ? Sucur, Grozda Sucur. Alors je

25 lui ai demandé : Mais, Grand'mère Grozda, où vas-tu ?" Alors elle me disait

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1 : "Je vais demander à ce qu'on me récolte mon maïs." Alors je lui ai

2 demandé : "Mais qui ?" Alors elles a dit : "Les Croates, ceux qui

3 récoltent, s'ils peuvent récolter chez les autres, ils peuvent bien

4 récolter chez moi." Alors j'ai dit : "Belle mentalité."

5 Q. Bon, écoutez, encore une petite question. Expliquez-moi, je vous prie,

6 vous nous avez expliqué comment ça s'est passé lorsque vous êtes passé en

7 Serbie, vous avez été libre, et personne ne vous a pas posé de question, on

8 n'a pas touché à vous. Mais ce que je voulais savoir maintenant c'est ce

9 que vous avez expliqué au niveau du transfert de vos biens, au profit de la

10 communauté locale de Dalj.

11 R. D'Erdut, vous voulez dire ?

12 Q. Oui, d'Erdut, excusez-moi, je me suis trompé. Parce que ça change tout

13 le temps, il y a tout le temps des témoins, alors certains sont d'Erdut,

14 d'autres de Dalj, excusez-moi.

15 R. Oui, oui.

16 Q. Alors expliquez-moi, je n'ai pas très bien saisi, est-ce que vous

17 affirmez que pour être relâché, pour pouvoir passer en Serbie, il fallait

18 que vous opériez, ou procédez un transfert de votre propriété ?

19 R. Je pense que c'était la seule condition en place. Lorsqu'il y avait là,

20 un certain Bozidar Bolic, il était chef de la police à Erdut, parce

21 qu'avant il avait été policier lui-même, et il a dit :

22 "On ne te lâchera pas, on ne te laissera pas partir avant que tu ne signes

23 un papier comme quoi que tu cèdes tout à la communauté locale."

24 Alors, on m'a donné un papier avec le cachet de la communauté locale

25 d'Erdut. On m'a donné donc ce papier, j'ai signé ce papier, et il m'a alors

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1 donné un laissez-passer permettant de traverser le pont et d'aller vers la

2 Vojvodine.

3 Q. Donc, cet homme qui était originaire d'Erdut, un policier de la

4 localité, et qui est par la suite devenu chef de la police au moment des

5 événements.

6 R. Non, il n'était pas originaire d'Erdut lui, mais il travaillait à

7 Erdut.

8 Q. Mais d'où venait-il ?

9 R. Je n'en sais rien, je ne sais pas du tout.

10 Q. Mais il vivait, il travaillait à Erdut.

11 R. Oui, il résidait et travaillait à Erdut.

12 Q. Il est devenu chef de la police, donc c'est lui l'homme qui vous a dit

13 que vous n'alliez pas pouvoir traverser de l'autre côté, passer en Serbie

14 avant que d'avoir signé ce document, offrant vos biens à l'intention de la

15 communauté locale.

16 R. Oui.

17 Q. Je vous remercie, Monsieur Sutalo.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, c'est

20 précisément la dernière des questions soulevées par M. Milosevic que

21 j'avais voulu soulever auprès du témoin parce que j'ai l'impression que

22 c'est un homme qui a beaucoup d'expériences et qui connaît fort bien un bon

23 nombre de choses.

24 Vous n'ignorez pas Messieurs les Juges, que jusqu'à ce jour, il y a eu bon

25 nombre de témoins qui ont parlé de la chose, à savoir, d'avoir eu à signer

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1 certains documents pour pouvoir s'éloigner d'une région, de partir, quitter

2 cette région. Je n'ai pas jusqu'à présent posé de questions à ce sujet,

3 mais il me semble que le témoin Sutalo est une personne susceptible de nous

4 expliquer la chose, étant donné que c'est quelqu'un qui est né en 1925 et

5 qui sait très bien ce qui se passe et comment des biens immobiliers peuvent

6 être transférés d'un homme vers un autre. Donc, comment on pourrait

7 procéder à un transfert de propriété.

8 Donc, c'est à propos du paragraphe 58 que je voudrais lui poser des

9 questions. Il a dit :

10 "J'ai demandé une autorisation de quitter Erdut, et c'est Bozidar Bolic qui

11 m'a accordé cette autorisation."

12 Et avant cela dit-il :

13 "J'ai dû transférer la propriété de ma maison et du reste au conseil du

14 village."

15 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

16 Q. [interprétation] Monsieur, vous n'ignorez pas qu'en vertu de la loi où

17 vous résidiez, c'était encore la Yougoslavie à l'époque, les biens

18 immobiliers ne pouvaient être transférés de la propriété d'hun homme vers

19 celle d'un autre ou d'une personne morale que partant de documents visés

20 par un Tribunal quelconque. Ça vous le saviez ?

21 R. Ecoutez, je vous prie, si tous les soirs, il y a un Croate qui

22 disparaît --

23 Q. Mais, je ne vous ai pas posé cette question --

24 R. Attendez, attendez. Je ne peux pas vous expliquer autrement. Que

25 feriez-vous si vous voyez la perte, si vous voyez la perte du peuple

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1 croate, si vous voyez qu'il n'y avait pas de justice, qu'il n'y avait

2 personne à qui l'on pourrait s'adresser à partir du moment où l'on disait

3 qu'on était Croate ? Cela suffisait, donc il s'agissait de sauver notre

4 peau comme on pouvait. Donc j'aurais peut-être signé le fait de leur

5 abandonner ma femme pour la condition de me laisser partir.

6 Q. Attendez, ça j'ai compris. Vous avez signé ce document. Je ne le

7 conteste pas. Mais vous n'ignorez pas que ce document n'avait pas d'effets

8 juridiques parce que ce n'est que juridiquement visé par le Tribunal

9 concerné que ce document a la validité -- sa validité au cadastre.

10 R. Moi, je comprends, mais pour moi ce qui importait c'était de rester

11 vivant.

12 Q. Ça je le comprends, je le conçois. Mais si quelqu'un signait un

13 document de ce type et s'il y a un changement au -- savez-vous qu'il y a eu

14 changement de titre de propriété au cadastre, partant du document de ce

15 type ?

16 R. Je ne sais pas.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

18 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mes questions seront peu nombreuses.

19 Nouvel interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :

20 Q. [interprétation] Me Tapuskovic a parlé du fait que vous avez pris la

21 fuite en Serbie le 1er août au moment du début effectif de l'attaque de la

22 JNA et du MUP. Et vous avez dit que vous étiez passé par le pont. Est-ce

23 que c'était là la façon la plus rapide d'échapper et de passer par le pont

24 vers la Serbie pour échapper à cette zone où ce faisait ces combats ?

25 R. Oui. En effet partout -- partout on était bloqués. Je ne pouvais pas

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1 aller à Osijek parce que les Serbes avaient coupé toutes les communications

2 qu'il y avait entre la Krajina et la Croatie. Du côté de Vinkovci, à

3 Vicibuci [phon], à Borovo Selo, on était coupé aussi. Toutes les

4 communications entre une part de la Croatie et une autre part de la Croatie

5 avaient été tout à fait coupées. La seule façon de sortir c'était en

6 passant par la Serbie.

7 Q. En février 1992, au moment où vous êtes parti une fois de plus où vous

8 avez pris la fuite comme vous avez dit, où vous êtes allé en Serbie. Est-ce

9 que vous êtes resté en Serbie ou est-ce que vous avez poursuivi votre route

10 vers Zagreb en passant par la Bosnie ?

11 R. Je suis passé par Novi Sad pour arriver en Bosnie et j'ai franchi la

12 frontière à Raca. J'ai passé la nuit à Tuzla, et le lendemain je suis passé

13 en Croatie.

14 Q. Je vous remercie. C'est tout ce que je voulais vous demander.

15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Sutalo, ceci met fin à votre

17 déposition. Merci d'être venu témoigner au Tribunal pénal international.

18 Vous pouvez désormais disposer.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

20 [Le témoin se retire]

21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] M. Josipovic est maintenant présent

22 dans le bâtiment. Nous avons également distribué des pièces le concernant

23 au moment de la pause.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas si nous les avons reçu. En

25 tout le cas, faisons entrer le témoin.

Page 25587

1 [Le témoin est entré dans le prétoire]

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

3 la déclaration solennelle.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN: Josip Josipovic [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien, Monsieur. Je vous remercie.

9 Veuillez vous asseoir.

10 Interrogatoire principal par Mme Bauer :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Veuillez aux fins du

12 dossier de l'audience décliner votre identité.

13 R. Je m'appelle Josip Josipovic.

14 Q. Monsieur Josipovic, vous souvenez-vous du fait qu'en l'an 2000 ainsi

15 qu'en 2002, vous avez fourni deux déclarations à des représentants du

16 bureau du Procureur.

17 R. Oui, je m'en souviens.

18 Q. Il y a deux mois de cela environ, est-ce que vous avez parcouru ces

19 deux déclarations au préalable à un représentant -- d'un représentant du

20 Tribunal ? Et avez-vous effectivement signé une déclaration attestant de

21 l'exactitude des propos que vous aviez tenus dans ces deux déclarations ?

22 R. Oui.

23 Mme BAUER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande maintenant

24 le versement de ces déclarations en application de l'Article 92 bis. Il

25 s'agit donc de deux déclarations.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons donner une cote collective

2 pour la liasse de documents.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation ou la

4 pièce ce que j'interprète 521.

5 Mme BAUER : [interprétation] Au moment des événements en 1991, Monsieur

6 Josipovic avait 24 ans. Il habitait à Hrvatska Dubica dans le village de

7 Predore-Cerovljanin.

8 Vous trouverez ce village dans l'atlas consacré à la Croatie, page 21,

9 coordonné D-3.

10 Il y travaillait en tant qu'aiguilleur, profession qu'il exerce encore

11 aujourd'hui. Avant la guerre, Hrvatska Dubica était une ville à la

12 population mixte, mais où il y avait une légère majorité croate. M.

13 Josipovic décrit, dans sa première déclaration, l'établissement de

14 formations militaires de part et d'autres en 1991. Il y avait la Défense

15 nationale croate, ZNG et la Défense territoriale du côté serbe. Il explique

16 que les Croates avaient quitté la Défense territoriale à la suite des

17 élections plus répartîtes. Le QG de la TO se trouvait à Zivaja. Quant au QG

18 du ZNG, il se trouvait à Hrvatska Dubica.

19 M. Josipovic a participé pendant un mois, le mois de juillet à août, aux

20 activités du ZNG. Il estime que les effectifs des forces du ZNG dans tous

21 les villages croates, pris dans leur ensemble, à savoir, Cerovljanin, Bacin

22 et Dubica, ne représentaient pas plus de 150 à 200 hommes. M. Josipovic a

23 constaté, à partir du mois de juin 1991, qu'il y avait de plus en plus

24 d'hélicoptères de la JNA qui atterrissaient dans les villages voisins de

25 Zivaja et de Sas, qui était Sas, villages contrôlés par les Serbes qui --

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1 appareils qui fournissaient, délivraient des aides munitions et des armes.

2 Il y a eu des affrontements armés de part et d'autres. Seulement, le ZNG a

3 bien vite compris qu'il ne pourrait pas conserver le contrôle du

4 territoire. Il s'est retiré au début septembre 1991.

5 Alors que la JNA a prêté son assistance à la TO serbe locale, la balance,

6 le rapport des forces a penché en faveur de la TO. La police, la SAO de

7 Krajina, a établi un poste de police à Hrvatska Dubica après l'occupation

8 par les Serbes du territoire vers la mi-septembre sans se heurter à

9 beaucoup de résistance. Peu de temps avant la capture de M. Josipovic, vers

10 la mi-septembre 1991, il a constaté qu'il y avait plusieurs de nouveaux

11 membres de la JNA, personnes qu'il ne connaissait pas, qui étaient arrivées

12 dans la région sous le prétexte de réinstaller les Serbes qui avaient

13 quitté la région au cours des attaques lancées auparavant par les Croates.

14 En réalité, les Serbes de la localité partaient souvent pour la Bosnie,

15 l'espace d'une nuit, ne revenaient souvent le lendemain matin.

16 En général, les Serbes se déplaçaient librement pour aller de la Bosnie à

17 la Croatie. M. Josipovic a eu l'impression que la JNA avait aidé la Défense

18 territoriale locale et les hommes de Martic à s'emparer du pouvoir dans la

19 région, mais qu'ensuite, l'administration avait été confiée aux Serbes de

20 la localité; cependant, la JNA n'a pas participé aux pillages, ni à

21 l'incendie de maisons.

22 M. Josipovic trouvait qu'il était difficile de faire la différence entre

23 les forces territoriales, la Défense territoriale et la police de Martic.

24 Pour lui, c'était la même chose. En général, les Serbes portaient

25 l'uniforme vert olive de la JNA ou la tenue de camouflage. Ceux qui

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1 portaient la tenue de camouflages avaient l'écusson de la SAO de Krajina

2 avec la croix et la couronne et les quatre "S" cyrilliques au milieu.

3 Certains des soldats étaient des gens de la localité, de la région,

4 d'autres venaient de Serbie ou de Bosnie-Herzégovine.

5 Un certain Momcilo Kovacevic était le chef de toutes ces forces serbes dans

6 la région. Il avait pour adjoint Radunovic, et il était le fils de

7 Radunovic, avait affaire avec la police de Martic. Un ami serbe de M.

8 Josipovic lui a dit que Radunovic et Kovacevic allaient chercher leurs

9 instructions à Knin de M. Martic. Il a aussi dit qu'il était connu dans la

10 région, que Milan Martic avait des contacts avec les dirigeants militaires

11 serbes de la région.

12 Plus tard, au cours de sa détention, à savoir, en novembre 1991, M.

13 Josipovic a appris de deux policiers serbes qui étaient emprisonnés au même

14 endroit, qu'il y avait quand même certaines différences qui apparaissaient

15 entre M. Milan Martic ainsi que Kovacevic et Radunovic. Ces deux derniers

16 ont fini par être écartés du pouvoir. Il a aussi entendu dire que vers

17 cette époque, à savoir, qu'en novembre 1991, la JNA s'est engagée de plus

18 en plus activement dans l'administration de ces territoires parce que

19 l'armée avait eu vent des exactions commises par les forces locales.

20 Le témoin, au cours de la procédure visée par l'Article 92 bis, a identifié

21 certaines des écussons qu'il avait vu porter par des soldats dans la

22 région. Certains de ces écussons sont déjà versés au dossier. Je vous donne

23 les cotes : la pièce 349, intercalaire 12, l'écusson des Loups gris; la

24 pièce 349, intercalaire 11, l'écusson de la SAO de Krajina. Il nous faudra

25 une cote pour deux nouveaux écussons, en effet. Ceci pourra ainsi être

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1 repris dans le livre consacré aux écussons.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaires 21 et 22 ?

3 Mme BAUER : [interprétation] Exactement. Nous avons déjà prévu ces

4 intercalaires, mais ceux-ci n'ont pas pu être versés au dossier.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner une

6 liste mise à jour pour ces écussons, pour cet ensemble d'écussons, mais

7 aussi pour les cartes -- cartes de la Bosnie et de la Croatie. Les cotes

8 sont 343 et 426 [sic], n'est-ce pas ?

9 Mme BAUER : [interprétation] Oui, je pensais que c'était 349 pour les

10 carnets des écussons.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. C'est 349 pour les écussons, mais

12 pour les cartes, c'est 326 et 343.

13 Mme BAUER : [interprétation] Fort bien. Merci, Monsieur le Juge.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce qu'on peut donc accorder ces

15 cotes ? Donc, nous aurons intercalaires 21 et 22 pour la pièce 349.

16 Mme BAUER : [interprétation] Le 15 septembre 1991, quelque 50 soldats

17 serbes de locaux, venant des villages avoisinants, ont encerclé le village

18 de Predore où le témoin devait rentrer. Les Serbes ont fouillé les maisons

19 et ont arrêté tous les hommes, même si tous étaient, à ce moment-là, en

20 vêtements civils. Ils n'avaient pas d'armes. Les Serbes portaient, eux, des

21 armes automatiques et ont forcé des hommes arrêtés à les devancer en

22 marchant vers la rivière. Ils se sont servis d'eux comme bouclier humain

23 afin d'explorer l'emplacement des positions croates.

24 Les hommes âgés, qui avaient été au départ arrêtés, ont été autorisés à

25 rester dans le village. Huit autres, parmi lesquels se trouvait le témoin,

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1 ont été emmenés au QG serbe à Hrvatska Dubica qui se trouvait dans le vieux

2 bâtiment de la vieille école. Cinq des détenus, dont M. Josipovic, ont été

3 enfermés dans une toilette minuscule. Ils ont été tabassés par les Serbes

4 locaux dont Momcilo Kovacevic et Stevo Radunovic, trois ou quatre fois par

5 jour. Du fait des tabassages subis, le témoin a perdu conscience à

6 plusieurs reprises.

7 Un jour, cinq ou six Serbes sont venus chercher un des détenus. C'était un

8 Musulman et l'ont fait sortir. Le témoin a entendu cet homme crié, supplié

9 ces hommes de ne pas le tuer. Puis, aussitôt après, le témoin a entendu des

10 tirs et on n'a plus jamais revu ce détenu musulman.

11 Il s'est présenté une occasion où les détenus ont été forcés à courir en

12 rond devant des Serbes pendant plus de deux heures en entonnant des chants

13 chetniks pendant que les Serbes leur assénaient des coups et les Serbes ont

14 même tiré sur eux sans regarder s'ils avaient touché les détenus ou pas. Du

15 fait de ces coups, une fois de plus, le témoin a perdu conscience après

16 avoir reçu des coups de barres métalliques. Il était gisant au sol, les

17 soldats ont versé de l'eau sur les détenus et puis les ont piétinés.

18 Lorsque le témoin a repris conscience dans la toilette qui lui servait de

19 cellule, lui et un autre détenu ont reçu l'ordre de transporter les

20 cadavres de deux détenus tués, Knezevic et Abaz, de les transporter sur une

21 remorque. Ils étaient si faibles, eux-mêmes, qu'ils n'ont pas pu le faire.

22 On leur a donné l'ordre de monter sur cette remorque, mais ils étaient

23 encore trop faibles pour le faire. Ils ont dû marcher sur les corps qui s'y

24 trouvaient. Ils ont vu que les personnes avaient été égorgées. La remorque

25 a été emmenée vers un pont, le pont de la rivière Una. Les détenus ont reçu

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1 l'ordre de jeter les corps dans la rivière, mais ils étaient trop faibles

2 pour le faire. M. Josipovic a vu que deux Serbes locaux ont jetés les

3 cadavres dans la rivière.

4 Vers la Noël 1991, la police militaire de la JNA a d'abord transporté le

5 témoin à Prijedor puis l'a transféré dans un lieu de détention à Banja Luka

6 qui est administré par la JNA. Il n'a pas été maltraité, ni à l'un, ni à

7 l'autre de ces endroits.

8 Le 10 février [sic] 1992, il a été échangé. Le témoin donne une liste de

9 personnes portées disparues, le nom de son village de Cerovljanin et

10 Predore. La plupart de ces personnes étaient des personnes âgées qui

11 n'avaient pas quitté le village, car elles ne croyaient pas être menacées.

12 Le témoin était présent au moment de l'exhumation d'une fosse commune en

13 1997 à Krecane. Beaucoup des corps des personnes qui étaient portées

14 disparues, originaires de Cerovljanin et Predore ont été identifiées, mais

15 il y a encore des personnes portées disparues aujourd'hui.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le contre-interrogatoire commencera à

17 l'occasion de la prochaine audience.

18 Monsieur Josipovic, il nous faut maintenant lever l'audience. En d'autres

19 termes, le reste de votre déposition devra se faire demain. Mais nous

20 devons d'abord entendre un autre témoin; cependant, je pense que nous

21 aurons suffisamment de temps pour que nous terminions votre déposition

22 demain. Nous vous demandons de revenir au moment qui vous sera indiqué,

23 mais vous savez que, pendant ce temps, vous n'êtes pas sensé parler à

24 personne de votre déposition tant qu'elle n'est pas terminée, et ceci

25 comprend les représentants du bureau du Procureur.

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1 L'audience est levée, elle reprendra demain matin 9 heures.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le vendredi, le 29

3 août 2003, à 9 heures.

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