Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 12 septembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, c'est est vous.

7 M. GROOME : [interprétation] Avant que je n'attende le témoin suivant, M.

8 Nice avait indiqué qu'il serait peut-être souhaitable de modifier l'ordre

9 de comparution des témoins. Que cela serait peut-être nécessaire, mais ça

10 ne va pas être le cas. Nous allons conserver l'ordre de comparution des

11 témoins qui a été communiqué il y a deux semaines. Nous entendrons donc le

12 Témoin B-179 avant M. Van Linden, mais nous allons commencer par M. Robert

13 Donia aujourd'hui.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

15 solennelle.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Veuillez prendre place.

19 LE TÉMOIN: ROBERT DONIA [Assermenté]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome.

21 M. GROOME : [interprétation] Je vais utiliser deux pièces à conviction avec

22 ce témoin, qui se trouvent dans un seul classeur. Je souhaiterais que les

23 intercalaires 1 à 4 de ce classeur se voient attribuer une cote.

24 A la fin de ce classeur, nous avons également inclus une copie de CD, où

25 l'on trouve les transcriptions des procès verbaux des séances de

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1 l'assemblée. Ceci, nous pensons, devrait être versé au dossier pour pouvoir

2 y faire référence éventuellement. Si l'accusé souhaitait, par exemple, s'y

3 référer, ceci permet de sous-tendre tout ce que nous affirmons par

4 ailleurs.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est bien. Ce que vous nous demandez

6 c'est que la liasse, que vous nous avez donnée, reçoive une seule cote et

7 que le CD, lui, en reçoive une deuxième cote distincte.

8 M. GROOME : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une cote, s'il vous plaît.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira des cotes 537 et 538 pour

11 identification.

12 Interrogatoire principal par M. Groome :

13 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez nous donner vos nom et prénom ?

14 R. Robert Donia.

15 M. GROOME : [interprétation] Veuillez montrer au témoin la pièce 537, s'il

16 vous plaît.

17 Q. Monsieur Donia, je vais vous demander de commencer votre déposition en

18 reconnaissant un certain nombre des pièces qui figurent dans la pièce 537.

19 Regardons tout d'abord la première pièce. Est-ce qu'il s'agit d'un

20 exemplaire de votre CV ?

21 R. Oui.

22 Q. Les juges pourront prendre connaissance eux-mêmes de ce CV. Est-ce

23 qu'il y a cependant des éléments sur lesquels vous souhaiteriez attirer

24 l'attention des juges ?

25 R. Oui, il y a deux choses qui ont été ajoutées récemment à mon curriculum

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1 vitae -- deux éléments. La première chose c'est qu'à partir de cet automne,

2 à partir d'octobre, je serai professeur à l'université du Michigan, Ann

3 Arbor, pour le trimestre qui commence. En deuxième lieu, j'ai été nommé

4 professeur associé d'histoire à l'université de Sarajevo, un poste que

5 j'occupe de manière nominale.

6 Q. Est-ce que vous êtes payé pour ce poste ?

7 R. Non.

8 Q. Maintenant, passons à la deuxième partie du document 537, de quoi

9 s'agit-il ?

10 R. Il s'agit du rapport que j'ai préparé à votre demande et qui s'intitule

11 "Assemblée de la Republika Srpska 1992, 1995, Points importants et

12 extraits."

13 Q. Pouvez-vous expliquer à la Chambre ce que l'on vous a demandé de faire

14 exactement ?

15 R. Le bureau du Procureur m'a demandé de passer en revue les séances de

16 l'assemblée à partir du printemps 1992 jusqu'à la fin de l'année 1995. Ceci

17 afin de trouver des extraits intéressants ayant trait aux dirigeants de la

18 Republika Srpska afin de déterminer quelle était la politique de ces

19 dirigeants et de voir quels étaient les liens entre ces dirigeants et

20 d'autres dirigeants à l'extérieur de la Republika Srpska.

21 Q. Maintenant, je vais vous demander de passer à l'intercalaire numéro 3

22 et de nous dire de quel document il s'agit ici ?

23 R. Il s'agit d'un rapport supplémentaire, d'un addendum au précédent

24 rapport dans lequel figure un certain nombre d'extraits

25 Supplémentaires, ainsi que des corrections de traduction ou de citations

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1 et, à la dernière page, on trouve un certain nombre d'erreurs, un erratum

2 où sont répertoriées des erreurs de traduction dans le premier rapport. Et

3 l'élément le plus important à prendre en considération ici c'est celui qui

4 figure à la dernière page qui fait référence à la page 82 du rapport

5 initial, note 168.

6 Q. Est-ce que votre rapport est bien une liste chronologique ou des

7 extraits que vous avez estimés conforme à la mission que l'on vous avait

8 demandée de remplir ?

9 R. Tout à fait ça, ce sont des extraits qui sont réalisés de manière

10 chronologique par séance de travail également.

11 Q. Dans le cadre de votre préparation à votre déposition aujourd'hui, est-

12 ce que vous avez travaillé avec les membres du bureau du Procureur pour

13 identifier un certain nombre d'extraits qui sont les plus importants et qui

14 nous intéresseront plus ici ?

15 R. Oui.

16 Q. Maintenant, je souhaiterais qu'on passe à l'intercalaire numéro 4, pour

17 que vous nous disiez de quoi il s'agit ici ?

18 R. Oui. Il s'agit du document auquel j'ai contribué, qui nous a permis

19 d'identifier certains des extraits qui figurent dans le premier rapport.

20 Q. Maintenant, j'aimerais que nous passions à la pièce 538 qui s'est vu

21 attribuer une cote aux fins d'identification. Ceci se trouve dans le

22 classeur qui vous a été communiqué dans la dernière poche plastique de ce

23 classeur ?

24 R. Oui. Il s'agit d'une liste des séances de l'assemblée que j'ai

25 étudiées; les numéros ERN pour l'anglais et le B/C/S sont fournis

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1 également, là où il y avait traduction en anglais et nous avons indiqué

2 également la source des contre rendus et des procès verbaux des séances de

3 l'assemblée.

4 Q. Pouvez-vous nous parler brièvement de l'origine des documents sur

5 lesquels vous avez travaillés, d'où provenaient ces documents ?

6 R. Les comptes rendus des séances de travail et les procès verbaux ont été

7 remis au bureau du Procureur en deux phases. La première partie de ces

8 documents a été remise au bureau du Procureur par Rajko Stanisic en février

9 1998, mais il s'agissait uniquement des séances ou des sessions 16 et 50

10 dans le tableau.

11 Q. Et qui était cette personne ?

12 R. Il s'agissait de la secrétaire de l'Assemblée.

13 Q. Et s'agissant des autres sessions que vous avez étudiées, d'où

14 provenaient ces documents ?

15 R. Le reste de ces documents était remis au bureau du Procureur en

16 décembre 2001, qui les a reçus le 18 et le 21 janvier 2002 en deux parties.

17 Q. Et d'où venaient ces documents ?

18 R. Du ministère de la Justice de la Republika Srpska.

19 Q. Maintenant, j'aimerais que nous examinions l'intercalaire numéro 4, le

20 document qui figure. Vous avez un exemplaire de ce document sous les yeux,

21 et nous allons passer en revue un certain nombre de ces extraits par

22 thèmes. Et ces documents vont également être présentés à l'écran grâce au

23 logiciel de présentation électronique des documents. Ce sont -- je vais

24 vous donner quelques instants pour vous y retrouver, ensuite je passerai à

25 ma première question.

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1 R. Je suis prêt.

2 Q. Premier sujet que je souhaiterais aborder. Dans le cadre de votre

3 analyse des comptes rendus de ces sessions, avez-vous trouvé des extraits

4 importants ayant trait à l'unification ou la mise en place d'un état unifié

5 pour les Serbes ?

6 R. Effectivement, au cours du mois de mai 1994, M. Aleksa Buha a traduit

7 la position de l'assemblée serbe de Bosnie. Il l'a bien montré, on le voit,

8 dans la première citation qui figure sur ce document, en disant, je cite :

9 "Notre option première c'est l'unification avec la Serbie et, si cela ne

10 fonctionne pas, à ce moment-là on passera à l'indépendance."

11 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres -- est-ce qu'il y a eu d'autres propos,

12 de ce genre, tenus lors des séances de l'assemblée ?

13 R. Oui. A de très nombreuses reprises, des gens se sont exprimés dans ce

14 sens en parlant notamment de l'unification des Serbes dans les différentes

15 zones où habitaient des Serbes. M. Milan Martic, qui était invité lors de

16 la 40e session en mai 1994 et qui était président de la RSK, a déclaré :

17 "Nous sommes une seule et même nation et, même si on peut répéter autant

18 que voudra que nous sommes deux républiques, deux états, nous sommes une

19 seule nation, et soyez bien sûr que tôt ou tard que ça plaise ou non, nous

20 serons un seul et même état."

21 Q. Est-ce que M. Radovan Karadzic a tenu des propos dans ce sens dont vous

22 pourriez nous parler ?

23 R. Oui, effectivement. Au cours du mois d'octobre 1993, il a déclaré, je

24 cite : "Nous devons proposer l'unité totale du peuple serbe, y compris la

25 Yougoslavie, la RSK et la RS."

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1 Q. Quand vous avez étudié tous ces documents, est-ce que vous avez pu

2 identifier des obstacles qui se sont opposés à ces objectifs ainsi

3 énoncés ?

4 R. Oui. Les obstacles étaient en fait certains des acteurs de la

5 Communauté internationale. C'est ainsi qu'ils étaient identifiés au cours

6 de la 42e session de 1994, en juillet. M. Radovan Karadzic fait référence à

7 l'un de ces acteurs, l'adjoint au ministre des Affaires étrangères russe,

8 dont il dit, je cite : "Il nous a trompé à Lisbonne, sachant qu'ils ne nous

9 accorderont pas une grande Serbie, qu'ils ne nous donneront pas

10 l'unification, sachant que nous devons procéder par étapes."

11 Q. M. Karadzic parle "d'étapes". Est-ce que vous avez trouvé, dans les

12 comptes rendus que vous avez étudiés, quel était l'objectif recherché et

13 auxquelles devaient mener ces différentes étapes ?

14 R. M. Rajko Dukic, lorsqu'il est intervenu en juillet 1992, a déclaré, je

15 cite : "Si personne à l'avenir ne nous empêche de devenir un état unifié,

16 je crois que c'est notre objectif ultime, avec le reste de la nation

17 serbe."

18 Q. Ce concept d'un état serbe unifié, est-ce que c'est quelque chose que

19 l'on retrouve uniquement dans la bouche des députés de cette assemblée ?

20 Est-ce qu'il n'a jamais été fait référence à d'autres états, d'autres

21 territoires où vivaient des Serbes ?

22 R. M. Krajisnik a déclaré en août 1992, lors d'une des sessions de

23 l'assemblée, je cite : "Je pense personnellement que la République serbe de

24 Bosnie-Herzégovine est un état temporaire, qui existera jusqu'au moment où

25 la situation permettra à tous les territoires serbes de s'unifier. Il ne

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1 s'agit pas d'un accord qui nous concerne nous uniquement, mais un accord

2 qui nous concerne nous les Serbes, et nous la Krajina," et cetera.

3 Q. Dans le cadre de votre étude de ces documents, des comptes rendus

4 d'audience de ces séances de l'assemblée, est-ce que vous avez pu trouver

5 des discussions au sujet de la stratégie qui convenait d'adopter pour

6 atteindre cet objectif, d'un état serbe unifié ?

7 R. Oui, on n'en a beaucoup parlé effectivement et, la première fois qu'on

8 a défini clairement ces objectifs, ça s'est passé lors de la 16e séance de

9 l'Assemblée le 12 mai 1992. A ce moment-là on a voté un document -- on a

10 adopté un document qui ensuite a été baptisé je cite, les six objectifs

11 stratégiques. Et lorsque ce concept a été évoqué pour la première fois, M.

12 Karadzic a défini ce qui devait être ces objectifs, et ensuite l'assemblée

13 a voté -- a décidé d'adopter l'ensemble de ces objectifs.

14 On peut dire que ces objectifs se répartissent en deux catégories. Le

15 premier objectif, si on regarde le premier paragraphe du document : "C'est

16 la séparation par rapport aux deux autres communautés, la séparation des

17 états."

18 Quant aux cinq autres objectifs, ils identifient chacun un objectif

19 géographique bien précis. L'objectif numéro 2 identifie un corridor qui se

20 trouve entre la Semberija et la Krajina. La Semberija c'est un territoire

21 qui se trouve au nord-est de la Bosnie, et la Krajina se trouvant au nord-

22 ouest de la Bosnie. On qualifie souvent ce corridor de corridor de la

23 Posavina.

24 Le troisième objectif était d'établir un corridor dans la vallée de la

25 Drina. C'était de faire en sorte que la Drina ne soit plus une frontière

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1 entre deux mondes. Il s'agit en fait d'éliminer une frontière existante à

2 ce moment-là, une frontière qui séparait la Bosnie-Herzégovine de la

3 Serbie, de la République de Serbie.

4 Le quatrième objectif c'était d'établir une frontière sur les rivières de

5 la Una et de la Neretva : la Una qui coule dans le nord-ouest de la Bosnie,

6 qui passe par Bihac; et la Neretva, elle se trouve en Herzégovine, et

7 passant par Mostar.

8 Le cinquième objectif c'était de diviser la ville de Sarajevo en deux

9 parties, en une partie musulmane, et en une partie serbe. Et le sixième

10 objectif c'était de garantir l'accès de la République de Bosnie-Herzégovine

11 à la mer.

12 Q. Sur ces six objectifs, est-ce qu'il y en a certains d'entre eux qui

13 nous ramènent à ce que vous avez évoqué précédemment, cet objectif dont

14 vous nous avez parlé, l'objectif d'un état serbe unifié ?

15 R. Et bien, l'on peut dire qu'il y a deux objectifs qui, s'ils avaient été

16 traduits dans les faits -- deux objectifs qui auraient permis d'aller vers

17 la mise en place d'un état serbe unifié. Indéniablement l'élimination de la

18 Drina, en tant que frontière entre deux mondes, constituerait une étape

19 dans cette direction. Et, si on regarde le deuxième objectif, la mise en

20 place d'un corridor entre la Semberija et la Krajina, ce deuxième objectif,

21 si on voit ce que dit M. Karadzic en énonçant le deuxième objectif, non

22 seulement il ferait le lien entre la Krajina et la Krajina de Bosnie, mais

23 il permettrait également de rattacher à ce territoire la Krajina serbe, où

24 une alliance d'état serbe. On pourrait donc -- on aurait donc une liaison,

25 si on peut dire, ou un attachement entre la RSK et la République de Serbie,

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1 ainsi que l'est et l'ouest de la Republika Srpska.

2 Q. Donc vous nous parlez de ces objectifs. Vous dites qu'ils ont été

3 adoptés par l'assemblée. Est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle a été

4 la procédure qui a été suivie et l'importance de l'adoption par l'assemblée

5 de ces objectifs ?

6 R. Il y a eu des débats, dans lesquels on s'est contenté de développer un

7 petit peu la nature de ces objectifs et, au bout de ces débats, l'assemblée

8 a adopté ces objectifs. Ensuite on constate que l'on va souvent fait

9 référence à ces objectifs, lors de cette séance -- lors de cette session et

10 lors de sessions qui vont suivre. Momcilo Krajisnik, par exemple, explique

11 ce lien que j'ai évoqué précédemment un peu plus tard. Je cite : "Le

12 premier objectif est le plus important et, s'agissant de tous les autres

13 objectifs, tous les autres objectifs sous-tendre -- le premier viennent en

14 seconde position par rapport au premier."

15 Et lors de la 42e session, Radovan Karadzic formule, d'une manière

16 différente, le premier objectif, en disant : "Il est indéniable que nous

17 souhaitons réaliser le premier objectif stratégique, c'est-à-dire,

18 débarrasser la maison de nos ennemis, à savoir, les Croates et les

19 Musulmans, afin que nous ne soyons plus ensemble dans un seul et même

20 état."

21 Q. Ce premier objectif est-ce qu'on peut le qualifier de manière

22 différente ? Est-ce qu'on peut le définir de manière différente en

23 utilisant d'autre terme que celui de "débarrasser la maison de nos

24 ennemis" ?

25 R. Oui, ce premier objectif stratégique, il a été repris par d'autres

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1 députés, en disant qu'il s'agissait de rassembler les Serbes qui se

2 trouvaient dans des zones qui n'étaient pas contrôlés par les Serbes. C'est

3 ainsi que cela a été présenté par M. Ostojic, lors de la 34e session d'août

4 1993. Il dit, je cite : "Nous allons réaliser notre objectif la continuité

5 géographique du peuple serbe, en recevant des réfugiés, en accueillant les

6 réfugiés et en créant une nouvelle politique démographique au sein de la

7 Republika Srpska."

8 On trouve une idée semblable dans les propos de M. Milinkovic au cours de

9 la même session, je cite : "Si nous souhaitons avoir notre état serbe

10 ethniquement pur -- et c'est ce que nous voulons, n'est-ce pas -- nous

11 comprenons tous qu'il est impossible de vivre en commun avec eux. Nous

12 devons comprendre quelles sont les possibilités offertes par ces cartes et

13 nous savons qu'il faut qu'un certain nombre de personnes se déplacent ou

14 aillent ailleurs."

15 Q. Il parle de personnes qui vont être installées ailleurs. Est-ce qu'il

16 fait référence aux Serbes qui vivent dans d'autres zones de la Bosnie et

17 que l'on viendrait réinstaller dans les zones contrôlées par les Serbes ?

18 R. Oui.

19 Q. En dehors de la discussion au sujet de ces objectifs même, est-ce qu'on

20 s'interrogeait ? Est-ce qu'on discutait sur la manière dont ces objectifs

21 pouvaient être réalisés ?

22 R. Oui, il y a certaines des déclarations qui sont faites lors de ces

23 sessions qui reviennent sur des événements du passé, qui ont une nature

24 rétrospective. Ainsi, par exemple, M. Karadzic, lors de la 38e session en

25 janvier 1994, parle de ce qui s'est passé en février, en mars 1992, à

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1 Lisbonne, lors de la conférence de Lisbonne, et il dit que : pour lui la

2 meilleure façon d'atteindre ces objectifs aurait été de mettre en vigueur

3 les conclusions de la conférence de Lisbonne. Il dit, je cite : "Si les

4 conclusions de la conférence de Lisbonne avaient été mises en place sans

5 que personne ne soit tuée, à ce moment-là, il aurait été plus facile de

6 retirer les nôtres de leur foyer parce que nous aurions créé un état."

7 De même d'une manière plus contemporaine, en 1992 en parlant des

8 événements, donc au moment où ceci se déroule, Mme Plavsic dit, je cite :

9 "Nous devons donc créer les conditions permettant une émigration interne

10 militaire efforcée. Bien entendu, nous ne pourrons pas faire ça si nous

11 n'avons pas les territoires adéquats."

12 Cette déclaration a été faite au moment où la guerre avait déjà été

13 déclenchée.

14 Q. Est-ce qu'on a jamais évoqué des mesures concrètes à prendre pour

15 mettre en vigueur ces objectifs stratégiques ?

16 R. Oui, effectivement, M. Radovan Karadzic en avril 1995 lors de la 50e

17 session de l'Assemblée fait référence aux institutions permettant de la

18 séparation du pouvoir, permettant de saisir le pouvoir. Il parle du rôle de

19 ces institutions. Il dit, je cite : "Il parle de 1991 et 1992." Il dit, je

20 cite : "Dans les municipalités où nous étions en minorité, nous avons mis

21 en place des gouvernements secrets, des conseils municipaux, des assemblées

22 municipales, des présidents de conseils exécutifs. Vous vous souviendrez de

23 la variante A et de la variante B. Dans le cadre de la variante B, dans les

24 territoires où nous étions en minorité, 20 % ou 15 %, nous avions mis en

25 place un gouvernement, une brigade, une unité, peu importe quelles étaient

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1 ces effectifs. Mais en tout cas, il y avait toujours un détachement avec un

2 chef militaire."

3 Q. Maintenant j'aimerais, s'il vous plaît, que nous parlions du rôle que

4 le nettoyage ethnique a pu éventuellement, si ça été le cas, joué dans le

5 cadre de la mise en place de ces objectifs stratégiques. Avez-vous trouvé,

6 ici, une articulation logique entre ces différents éléments ?

7 R. Oui, je vais me permettre de mettre en évidence deux déclarations.

8 D'abord, celle de M. Pejovic, le 3 avril 1993, il parle "de la Bosnie

9 occidentale, en particulier, de Gorazde". Il dit : "Il s'agit d'une oasis

10 qui doit être nettoyée aussi rapidement que possible pour couper tous les

11 liens de Sarajevo avec l'est."

12 Et ensuite, en bas de la page, on voit que M. Srdjo Srdjic, de Prijedor

13 déclare en 1993, en évoquant la municipalité de Prijedor, il dit, je cite

14 enfin, il parle d'autres municipalités, d'autres municipalités que Prijedor

15 et il dit, je cite : "Il devait nettoyer leur municipalité comme nous avons

16 nettoyé les nôtres."

17 Q. Vous a-t-il été possible de découvrir des propos semblables chez M.

18 Radovan Karadzic ?

19 R. Oui, tout à fait. Lors des discussions portant sur l'union des trois

20 républiques en octobre 1993, M. Radovan Karadzic s'est exprimé avec

21 beaucoup de plaisir. Il s'est félicité en disant : "Nous avons préservé

22 250 000 places dans l'espace vitale où ont vécu les Musulmans."

23 Et le 10 janvier 1994, M. Krajisnik a déclaré : "Croyez-moi, ce serait la

24 plus grosse des tragédies si les Musulmans acceptaient de vivre avec nous.

25 Vous avez vu comment ils cherchent à s'imposer aux Croates. Nous pourrions

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1 perdre notre état."

2 Q. Je peux vous demander de lire la question suivante dans le rapport.

3 R. Oui, là, ils ont dit : "Nous pourrions perdre notre état."

4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, replacer cela dans le contexte et nous

5 expliquez l'importance de cette déclaration ?

6 R. M. Krajisnik est en train d'exprimer la position qui est celle de

7 l'éventualité de la création de l'état serbe. Donc, ça serait une grande

8 tragédie si ces peuples devaient vivre ensemble.

9 Q. Prenons que vous avez analysé les comptes rendus des sessions de

10 l'assemblée, vous est-il arrivé à voir un moment où il a été constaté que

11 des progrès avaient été faits pour atteindre ces objectifs ?

12 R. En été 1992, juillet 1992, la 17e session passe en revue les progrès

13 faits. M. Radovan Karadzic, à ce moment-là, exprime en disant : "Nous

14 n'avons plus de raison de combattre, nous avons libéré pratiquement tous ce

15 qui nous appartient."

16 Q. Très bien. Est-ce qu'il y a eu un consensus parmi les délégués en

17 considérant que M. Karadzic avait raison, à savoir qu'en juillet 1992,

18 quatre mois après le début du conflit, pratiquement tout l'ensemble des

19 territoires qui devaient être libérés, l'ont été ?

20 R. Oui. Oui, c'est cela. Il y a cette opinion qu'à peu près

21 70 % des territoires ont été libérés. Plusieurs députés se sont prononcés à

22 titre individuel au sujet d'un certain nombre d'endroits, donc de

23 territoires qu'ils représentaient qui n'avaient pas encore été libérés à ce

24 moment-là et qui devaient être libérés afin que l'objectif final soit

25 atteint.

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1 Q. Très bien. A un moment quelconque, M. Milosevic s'est-il adressé à

2 l'assemblée de la Republika Srpska ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous nous dire à quel moment ? Quelles sont les circonstances

5 dans lesquelles il a prit la parole ?

6 R. M. Milosevic s'est adressé à la 30e session de l'Assemblée. Excusez-

7 moi, il y a une erreur ici. En fait, la date doit être celle du 5 mai 1993.

8 Je pense que cela s'est passé à Pale. La situation était la suivante, le

9 plan de Vance-Owen avait été proposé par M. Vance et Owen en janvier 1993.

10 A ce moment-là, ce plan avait été accepté par les Croates, les Croates de

11 Bosnie en janvier 1993 et par les Musulmans de Bosnie. Plus précisément,

12 par M. Izetbegovic en avril, en mars 1993. Ainsi donc, les Serbes de Bosnie

13 étaient les seuls qui n'avaient pas encore accepté le plan de paix Vance-

14 Owen.

15 Le 1er ou le 2 mai 1993, c'est à Athènes qu'une réunion s'est tenue où

16 M. Karadzic a été exposé à une pression très importante d'après ce qu'il en

17 dit et il a fini par signé ce plan sous réserve de l'acceptation de ce plan

18 par l'assemblée des Serbes de Bosnie. Cette réunion-là, donc, elle a été

19 convoquée pour le 5 mai à Pale. Etaient présents quatre chefs de

20 gouvernement, M. Bulatovic, le président du Monténégro; M. Milosevic, le

21 président de la Serbie; M. Cosic, le président de la Yougoslavie, et M.

22 Mitsotakis, le président grec.

23 Q. Avant de poursuivre, puis-je vous demander la chose suivante ? De

24 manière générale, les comptes rendus des sessions de l'assemblée étaient-

25 ils communiqués au public ?

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1 R. C'était généralement en audience ouverte. C'étaient des audiences

2 publiques. Donc en mai, par exemple, 1992, à savoir, la 16e session, par

3 exemple, a été ouverte pendant une brève période de temps pour des propos

4 liminaires et par la suite, on tenait les sessions à huis clos. Donc, les

5 journalistes étaient invités à la fin tandis que les réunions se tenaient à

6 huis clos.

7 Q. Lors de la 30e session de l'Assemblée, est-ce que la situation était la

8 même ? Donc, au début en session ouverte et après à huis clos ?

9 R. C'est cela.

10 Q. Avez-vous pu consulter l'ensemble des comptes rendus des deux parties

11 de la session ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez reçu les comptes rendus de la partie à huis clos ?

14 Est-ce que vous avez pu pouvoir examiner cela ?

15 R. Oui.

16 Q. M. Milosevic s'était adressé à l'assemblée à huis clos ou en audience

17 publique ?

18 R. Il s'est adressé à l'assemblée dans les deux parties. Il a fait un bref

19 discours, peut-être pendant cinq ou huit minutes pendant l'audience

20 publique et il a fait un discours un peu long, peut-être cinq à vingt

21 minutes à huis clos.

22 Q. [aucune interprétation] -- vous faire une synthèse de ce qu'il a dit ?

23 R. Dans la partie qui s'est faite en audience publique ou de façon

24 publique, il a circonscrit "les objectifs que devaient poursuivre les

25 peuples serbes dans les Balkans, à savoir, la liberté et l'égalité".

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1 Ensuite, il a fait valoir que le plan de paix Vance-Owen permettait

2 l'établissement de la paix et de l'égalité pour les Serbes de Bosnie. Par

3 conséquent, disait-il, il faudrait que ce plan soit accepté.

4 Q. Je vous demande maintenant de nous dire ou de décrire ce qu'il a dit

5 dans la partie qui s'est déroulé à huis clos s'agissant de cette réunion de

6 l'assemblée.

7 R. Il a fait plusieurs remarques liminaires au cours desquelles il a cité

8 un discours fait par le général Mladic et la raison essentielle pour

9 laquelle il fallait accepter le plan de paix.

10 Ensuite, il a argué du fait que ce plan, en tant que tel, ne laissait en

11 fait rien à la Bosnie d'Izetbegovic.

12 Il s'est penché ensuite sur la question de l'objectif à poursuivre.

13 Permettez-moi de lire, ici, si vous me le permettez, donc je disais les

14 quelques premières phrases : "La question a été posée, question que je

15 trouve inacceptable. Est-ce que nous allons abandonner nos objectifs ? Je

16 vous dis que non. Nous n'allons pas abandonner, renoncer à ces objectifs."

17 Je pense qu'il est possible de "comprendre" cette traduction. Si je vous

18 livre là mon avis personnel, ce n'est pas comme ça que je traduirais ce

19 texte. Moi, je le traduirais comme suit : "Quant à savoir s'il faut

20 abandonner, renoncer à ce but, ces objectifs, je dis que non. Moi, j'estime

21 qu'il ne faut pas renoncer à cet objectif."

22 Et puis, si je reviens à la question : "Est-ce que la question est de

23 savoir si ce plan permet la réalisation de cet objectif ?" Ce n'est pas mon

24 avis, est-il dit ici, la question qu'il se pose.Permettez-moi de replacer

25 ceci dans son contexte. Au cours de cette présentation à huis clos, M.

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1 Milosevic, ne dit jamais explicitement quelle est la nature de cet

2 objectif. Il s'adresse à un ensemble de personnes qui, d'après ce que j'ai

3 pu voir à l'examen de ces réunions de l'assemblée, comprenait que ce but

4 ultime, cet objectif, c'était l'établissement d'un état serbe unifié.

5 Cependant, M. Milosevic ne dit pas ce à quoi il pense. Et moi, je ne peux

6 pas vous livrer ici le fruit de sa pensée.

7 Cependant, il dit clairement qu'il parle désormais de cet objectif. Je vous

8 lis la phrase : "La question qui se pose cependant, c'est de savoir si ce

9 plan nous permet de poser les jalons vers cet objectif définitif. A bien

10 des égards, cet objectif a été réalisé, mais pas à tout point de vue. Quant

11 à savoir, si ce plan est un pas vers l'objectif ultime, bien sûr, que s'en

12 est un."

13 Donc, c'est un contraste avec les remarques préliminaires, qu'il avait

14 faites. Puisque maintenant, qu'il parle d'objectifs qui n'ont pas été

15 totalement réalisés, mais qui sont en voie de l'être.

16 Puis, il parle au deuxième paragraphe de façon plus précise, deuxième

17 paragraphe de cette présentation, il parle plus précisément de ces choses

18 qui ont été réalisées, en partie. Et là, il dit ceci. Il répond à une

19 question. Et cette question est de savoir comment on peut affirmer, ou

20 renforcer l'économie de nos provinces. Il répond ceci : "Puisque vous êtes

21 à l'assemblée, vous savez sans doute, que nous avons maintenant un système

22 unifié de transfert de fonds, qui a pour objectif d'introduire la même

23 devise. Et nous avons l'intention d'établir toutes les voies de

24 transmissions possibles parmi les facteurs économiques. Et nous allons

25 également, stabiliser tout le domaine de l'économie là où il y a

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1 participation active de tous les Serbes sur les terres serbes, sur le point

2 de vue -- du point de vue économique, culturel, éducatif et à tous points

3 de vue."

4 Et il dit en fin de compte : "Je vous dirais ceci, ne vous sentez pas

5 abandonnés. Nous connaissons et nous ressentons vos préoccupations, non pas

6 simplement d'un point de vue mental, mais dans nos cœurs. Et nous avons

7 résolu ces problèmes. Nous vous avons aidés avec toutes les possibilités

8 qui étaient les nôtres, au coût de grands sacrifices subis par 10 millions

9 de Serbes, en Serbie. Et nous continuerons à vous aider. Ceci n'est pas

10 contester."

11 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner une explication plus détaillée de

12 ces deux derniers paragraphes ? Quelle est la signification qu'il faut

13 attribuer à ces propos ?

14 R. Et bien, le contexte dans lequel il a fait ces remarques, était celui-

15 ci. Il s'agissait de donner des garanties, des garanties de solidarité de

16 communauté d'actions. Et il disait que ces objectifs étaient en procédé

17 d'être réalisés.

18 Mais je reviens à cette dernière phrase du premier paragraphe, si vous me

19 le permettez. Je le ferai rapidement. On dit : "Qu'il faut mieux utiliser

20 nos têtes, nous cerveaux, et il faudrait verser un peu moins de sang", est-

21 il dit. Dans la présentation qu'il fait là,

22 M. Milosevic plaide pour que ce plan de paix soit accepté. Il le fait avec

23 détermination. Il dit qu'il faut arrêter, arrêter la guerre pas bientôt,

24 mais sur le champ. Et il évoque les conséquences qu'aurait le refus par les

25 Serbes de Bosnie du plan Vance-Owen.

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1 Q. Y a-t-il quoi que ce soit dans son discours ou dans cette affirmation

2 qui laisserait entendre qu'il ne croyait pas vraiment à la nécessité de

3 faire adopter le plan Vance-Owen ?

4 R. Son approbation était sincère, s'agissant de ce plan Vance-Owen si on

5 s'appuie sur les discours que j'ai examinés.

6 Q. Au cours de cette allocation, est-ce qu'il fait le point, un point le

7 plus personnel sur l'évolution de cette transition vers un but ultime ?

8 R. Oui. Il dit : "Voilà, nous sommes sur la bonne voie. Nous allons

9 réaliser cet objectif." Mais il parle du : "coût que ceci représente pour

10 le peuple de Serbie". Il dit que : "ce furent de lourds coûts", et que :

11 "le peuple de Serbie ne pourra plus longtemps les supporter."

12 Q. Il fait une interprétation du rôle que joue le plan Vance-Owen dans la

13 réalisation de cet objectif. Quelle est sont interprétation ?

14 R. Ce qu'il dit c'est que le plan Vance-Owen signifie que le gouvernement

15 d'Izetbegovic est fini, qu'il n'y a plus de véritable gouvernement central

16 qui compte. Et lorsqu'il parle des trois provinces serbes que prévoit le

17 plan, et bien, que ces trois provinces peuvent être renforcées si les

18 terres vivent en paix, grâce à une direction serbe, au fil du temps.

19 Q. Vous avez examiné d'autres extraits qui viennent des réunions de

20 l'assemblée. Est-ce que là on parle de la perception car, au qu'ont les

21 dirigeants Serbes de Bosnie avec M. Milosevic ?

22 R. Oui.

23 Q. J'aborde pour ce faire, le cliché suivant. A plusieurs reprises, M.

24 Karadzic, a réfléchi à ces rapports. Au mois d'août 1995, voici ce qu'il a

25 dit : "C'est Milosevic en personne qui m'a dit -- et là, c'est une citation

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1 : "Zimmerman était ici, a essayé de limiter des mouvements. Il veut que je

2 ferme la frontière sur la Drina. Mais moi, je ne vais jamais abandonner mon

3 propre peuple." "Je me suis souvenu de ça, et j'ai compté là-dessus. Pour

4 moi, ça n'a jamais fait l'ombre d'un doute. Cette frontière de la Drina ne

5 serait jamais fermée parce qu'il a dit qu'il n'allait jamais abandonner son

6 propre peuple. Et nous, nous nous fiions à ce qu'il disait. Moi aussi, et

7 ça je le partage avec vous."

8 En 1995, -- la réunion qui est intervenue un peu plus tard, Karadzic fait

9 référence à une réunion ou à une séance qui s'est tenue en 1991 de la

10 présidence de Yougoslavie. Au cours de cette séance il dit, et là je cite :

11 "Je relève ici qu'on indique pas le moment exact, la date exacte de cette

12 déclaration." Voici ce qu'il dit : "En 1991, nous avons dit à la présidence

13 de la Yougoslavie. Tout ceci a été consigné. Et ceci demeure. Nous avons

14 dit que nous pouvions faire avancer nos frontières pour créer un état. Ils

15 ont dit qu'ils allaient nous en décourager, qu'ils allaient nous attaquer

16 et qu'ils allaient refuser de nous reconnaître. Mais ils n'ont pas la force

17 virile de le faire. Ils n'ont pas non plus, cette vision d'état, pour le

18 faire."

19 Q. Quel est le contexte ?

20 R. Pour moi, c'est clair. Ils parlent en tant que membres de la présidence

21 fédérale. Ce sont les membres de la présidence fédérale de Yougoslavie. Et

22 à la fin de cette citation que je viens de vous faire, il parle, ou il

23 pense aux adversaires des Serbes.

24 Q. Citation suivante que vous retenez, qui vient de

25 M. Karadzic, et prononcée au cours de la 54ème réunion de l'Assemblée, et

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1 qui donne une idée des rapports qu'il avait avec M. Milosevic.

2 R. Dans beaucoup de déclarations faites par M. Karadzic, il affiche sa

3 loyauté constante envers M. Milosevic, et aux déclarations de ce

4 représentant. "J'ai toujours dit", dit-il à la position de Serbie, "qu'il

5 ne fallait pas affaiblir le président Milosevic,parce qu'un président

6 Milosevic faible, affaibli la Serbie, et limite tous ses mouvements."

7 Q. Est-ce que les membres de la direction serbe de Bosnie ont indiqué

8 comment ils comprenaient les instructions ou les directions données par M.

9 Milosevic.?

10 R. M. Karadzic, a qualifié les rapports concernés au cours de la 34ème

11 session répondant à une question de notre délégué. Je vais vous dire ceci :

12 "Ils sont très prudents envers nous", dit-il. Donc, quand il dit "ils" au

13 pluriel, c'est Milosevic et ses représentants. "Ils nous respectent

14 grandement. Je ne dirais pas qu'ils n'exercent pas de pressions. Cependant,

15 ils n'exercent pas de pressions sous forme d'ultimatum. Ils discutent avec

16 nous, et ils font preuve d'une grande patience à notre égard. Ils

17 préféreraient nous persuader qu'ils feraient des pressions sur nous. Et je

18 peux vous dire que Milosevic est futé comme un renard et qu'il nous a

19 beaucoup aidés et il nous a aidés pour ce qui est des principes

20 constitutionnels."

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la question précise qui

22 avait été posée par un autre délégué et qui a donné lieu à cette

23 explication de Karadzic ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une demande tout à fait essentielle.

25 Je ne me souviens plus de son libellé exact, mais au fond, elle revenait à

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1 dire que Milosevic avait eu trop d'influence, que nous avions fait une

2 erreur en adoptant cette politique qui était la sienne ? Et la réponse de

3 Karadzic vise à réfuter l'impression qui avait été donnée à ce délégué.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

5 M. GROOME : [interprétation]

6 Q. Si le Juge Robinson ou les Juges ont une question à vous poser à propos

7 de quelque chose qui ne figure pas dans votre rapport, est-ce que vous

8 pourriez vous servir de la pause pour consulter le compte rendu ou les

9 procès verbaux et donner une réponse précise après la pause ?

10 R. Oui. Mais pour ça, il faudrait que je puisse utiliser mon portable là

11 où j'ai l'index, le sommaire de toutes ces références.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Groome, je constate ici que la

13 plupart des traductions en anglais ne sont pas disponibles. Est-ce que vous

14 pourriez vérifier la chose plus tard ?

15 M. GROOME : [interprétation] Tout à fait.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il est important d'avoir le

17 texte intégral pour bien comprendre le contexte dans lequel est fait une

18 telle déclaration.

19 M. GROOME : [interprétation] Oui, je vous dirais simplement que je peux

20 croire ça fait 10 000 pages en tout. M. Donia parle la langue et il a

21 notamment eu pour travail de circonscrire les parties qu'il faudrait

22 traduire. Bien sûr, nous pourrons faire traduire telle ou telle partie de

23 tout le recueil.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que nous n'avons pas d'abord

25 la version intégrale en B/C/S, n'est-ce pas de toutes ces réunions,

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1 uniquement des parties ?

2 M. GROOME : [interprétation] Oui.

3 Q. Est-ce que M. Djuric au début de la 55e réunion de l'Assemblée a fait

4 une référence à propos de ce que M. Krajisnik avait dit s'agissant de la

5 solution reçue par Milosevic ?

6 R. Oui. Il a dit que : "Milosevic avait empêché l'offensive de façon à ce

7 que nous ne puissions pas prendre Bihac."

8 Q. Replacez ceci dans son contexte où se trouve Bihac en Bosnie et qu'il

9 est fait référence ici ?

10 R. Ici on fait référence à des événements qui se sont produits tout à la

11 fin de 1994, à ce moment-là, on avait essayé de s'emparer de Bihac. Quand

12 je dis, on, c'était une offensive des Serbes de Bosnie qui avait pour

13 objectif apparent de prendre Bihac. Bihac se trouve tout à fait au nord-

14 ouest de la Bosnie. C'était une des six zones protégées mais qui a été

15 détenue par diverses forces dont les forces du gouvernement de Bosnie.

16 Q. Est-ce qu'à un moment donné au cours d'une de ces réunions de

17 l'assemblée, M. Karadzic a parlé de la façon dont il avait rencontré pour

18 la première fois M. Milosevic ?

19 R. Oui. En octobre 1995, il a décrit cette première rencontre qui s'est

20 déroulée fin septembre 1990, voici comment il en parle : "Nous ne sommes

21 pas inférieurs au président Milosevic, nous ne l'avons jamais été. La

22 première fois que je l'ai rencontré c'est à ce moment-là que j'ai compris

23 que nous avions un grand pouvoir. Et ça c'était à la fin du mois de

24 septembre 1990 -- j'ai invité Kozic et Koljevic. Je les ai emmenés parce

25 que je ne voulais pas aller seul, et aussitôt j'ai senti qu'il y avait un

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1 rapport d'égalité."

2 Q. Vous savez que l'assemblée des Serbes de Bosnie a fini par rejeter le

3 plan Vance-Owen. Pourriez-vous nous donner un échantillon des discussions

4 qu'il y a eues entre les dirigeants serbes de Bosnie et M. Milosevic après

5 la réunion du plan Vance-Owen ?

6 R. En 1994, M. Karadzic dit ceci : "Tout ce que Slobo dit peut être

7 accepté, à l'exception d'une chose, à savoir que nous n'avons pas

8 abandonné. Nous dirigeons notre peuple vers son objectif. Sans la Serbie,

9 rien ne serait arrivé. Et nous n'avons pas les ressources, nous ne pouvons

10 pas mener la guerre, et le désaccord principal concerne le plan Vance-Owen,

11 c'était quelque chose de sérieux. Ce n'était pas un jeu, mais il est

12 préférable que les gens qu'il s'agissait d'un jeu."

13 Q. Cette citation pose une question. Quand on dit "une chose", à quoi est-

14 ce que ceci fait référence ? Avez-vous été en mesure d'établir, "y a une

15 chose que nous ne devons pas abandonner", est-il dit.

16 R. Et bien, je pense qu'ici on fait référence à cet objectif et ça, ça

17 toujours a été pour les gens serbes de Bosnie un état serbe unifié,

18 unitaire.

19 Q. Est-ce qu'à un moment donné, M. Karadzic décrit les rapports qu'il

20 avait avec M. Milosevic s'agissant de sa participation à des négociations

21 internationales en leur nom ?

22 R. Oui. Il parle des négociations de Genève, celles de 1992 et 1993, lors

23 de la 53e réunion de l'Assemblée, il dit à ce propos : "Nous ne voulons pas

24 du tout rester un état séparé. Au maximum, nous voudrions nous unir

25 aujourd'hui pour plus tard avoir des négociations menées par Milosevic."

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1 Puis il parle de négociations éminentes, il dit : "Nous ne sommes pas une

2 délégation unique mais commune à la tête de laquelle nous aurions

3 officieusement ou pas Milosevic. Il a toujours été le chef de la délégation

4 à Genève. Il était manifeste que c'était lui le chef de la délégation."

5 Q. Autre sujet. Est-ce qu'on a jamais parlé d'un phénomène constaté par

6 les délégués qui étaient celui de l'existence d'un gouvernement parallèle

7 en Serbie ?

8 R. Oui. M. Mijatovic en parle, il dit ceci : "Nous avons un vice-président

9 du gouvernement qui est responsable de l'économie et il est à Belgrade.

10 Quelqu'un a dit que le président de la Chambre du commerce, un ancien

11 ministre, y siège aussi à Belgrade. Il y a beaucoup de gens qui vivent à

12 Belgrade et qui travaillent à Belgrade."

13 Q. Est-ce qu'on a fait référence aux pouvoirs dont ont été investis ces

14 gens qui étaient à Belgrade dans ce gouvernement parallèle ?

15 R. Oui. Le premier ministre Lukic, intervient en 1993, il dit ceci : "Nous

16 avons besoin d'un certain nombre de personnes qui soit à Belgrade, qui y

17 travaillent, mais il ne faut pas toute une société de représentants

18 officiels. Et qui auraient des pouvoirs et une autorité que le gouvernement

19 de cette république n'a pas."

20 Q. Donc ici vous avez le premier ministre de la Republika Srpska qui se

21 plaint du fait qu'une partie du personnel, du personnel de la RS se trouve

22 à Belgrade, est investi d'une autorité que lui-même n'a pas ?

23 R. Tout à fait.

24 Q. Examinons maintenant si vous le voulez bien le fichier suivant, soyons

25 bref. Est-ce que des déclarations d'ordre général ont été faites s'agissant

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1 du fait de reconnaître la dépendance de la Republika Srpska par rapport à

2 la RFY ou la République de Serbie ?

3 R. Oui, février 1995, voici ce qui est dit : "En tant qu'individu, moi, je

4 m'inquiète de la possibilité de vivre sans la Serbie." Ici ceci intervient

5 après le 4 août 1994, date à laquelle une forme d'embargo est imposé et les

6 délégués de l'assemblée se plaignaient du fait de l'absence de soutien par

7 la Serbie. Il s'agissait de l'intervention de M. Peric.

8 Q. Les juges ont déjà entendu beaucoup parler du sujet suivant à savoir la

9 distribution d'armes. Est-ce qu'on a jamais discuté des circonstances dans

10 lesquelles se faisait la distribution d'armes aux Serbes de Bosnie ?

11 R. Oui. Il y a eu de nombreuses discussions de ce genre, notamment en

12 avril 1995, Karadzic parle du problème et il dit que : "La distribution

13 d'armes se fait grâce à la JNA."

14 Et au bas de la page, vous avez le général Tolimir, plus tard lors de la

15 réunion d'août 1995 qui dit ceci : "Tout ce que je peux dire c'est que des

16 officiers d'actives se sont procurés les moyens matériels et techniques,

17 qui permettent à 35 % de la population de tenir depuis quatre ans, 70 % du

18 territoire sur lequel vivent ou vivaient 65 % des habitants qui sont nos

19 ennemis."

20 Q. Est-ce qu'il a parlé M. Karadzic des circonstances permettant de

21 transférer des pouvoirs au général Mladic dans la région de Knin alors

22 qu'il était encore officiellement membre de la JNA et ceci avant la

23 séparation de la JNA ou avant le retrait officiel de la Bosnie ?

24 R. Oui. Lorsqu'il faisait le point, Karadzic a dit ceci : "Messieurs, nous

25 avons les officiers que nous demandions. Nous avons demandé à voir Mladic.

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1 Moi, il m'a intéressé et, avec M. Krajisnik, je suis allé voir le général

2 Kukanjac et j'ai entendu Kukanjac donné des ordres de commandement autour

3 de Kupres et Knin." A l'époque où Kukanjac était responsable de la région

4 militaire qui englobait aussi bien la Bosnie que la Croatie.

5 Q. Parlant de la réunion du 22e Assemblée. Je vous demande un commentaire

6 des passages que vous avez choisis, une intervention de Dragomir Kerovic.

7 R. Oui. Kerovic, de nouveau, parle de façon rétroactive. Il parle de cela

8 en novembre 1992. Il dit : "Les problèmes n'ont pas commencé hier." Il

9 parle ici des difficultés de financement de la VRS. C'est un sujet

10 récurrent, évoqué à l'assemblée, absence de soldes, manque d'appui pour

11 l'armée de la Republika Srpska, problème d'organisation aussi. "Ici vous

12 avez un problème qui remonte à octobre 1991 au moment où il y a eu un

13 premier déploiement de soldats sur ce territoire contrôlé en grande mesure

14 par les Serbes aujourd'hui."

15 Q. Est-ce que c'est là reconnaître -- admettre le fait que, dès septembre

16 1991, la JNA avait déployé des forces sur des zones que les Serbes allaient

17 finir par contrôler en Bosnie ?

18 R. Oui.

19 Q. Posons maintenant la question du paiement par rémunération des

20 officiers de la VRS par la JNA. Est-ce qu'on en parle du problème ?

21 R. Oui. Et ceci, dans beaucoup de cas, se retrouve dans le contexte où on

22 discute des problèmes militaires que rencontrent la VRS de la disparité qui

23 existe du fait de cette rémunération. Un délégué, dont on ne mentionne pas

24 le nom dans le procès verbal, est cité comme disant ceci : "Il faut voir ce

25 qu'il en est de ces gens payés par Milosevic. Est-ce qu'ils luttent de

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1 notre côté ou pas ? Beaucoup d'officiers reçoivent leur solde de cette

2 façon."

3 Et M. Mijatovic, en mai 1993, à la réunion suivante, dit ceci : "Nous avons

4 accepté pratiquement tous les officiers venant de la RFY."

5 Cinquantième réunion, fin de la page, le général Milanovic est cité : "Ces

6 salaires, pour nous, ce ne sont pas un acte de charité. Nous n'acceptons

7 non pas, non plus, comme quelqu'un le dit des bancs de députés, que nous

8 les servions. Nous les avons reçu suite à un accord fait entre la

9 présidence de la Republika Srpska et la présidence de la Yougoslavie."

10 Q. Donc, le général Milanovic, ici, parle d'un cas particulier. Est-ce

11 qu'on indique à quel moment cet accord entre la Republika Srpska et la

12 présidence de Yougoslavie aurait été fait ?

13 R. Pour ce qui est de la date concernant un tel accord, non, mais ça doit

14 intervenir très tôt puisque, si on va à la page suivante, vous avez ce que

15 dit le général Mladic, qui donne un décompte précis de certaines dépenses

16 encourues depuis le début de la guerre jusqu'à la fin 1994.

17 Q. C'est un passage assez long, n'est-ce pas ? Les Juges prendront

18 connaissance de ce passage dans un rapport militaire. Je vous demande de

19 donner ici les chiffres les plus importants qui en donnent une idée du

20 degré de soutien qu'il aurait reçu, comme il le dit, de l'armée yougoslave,

21 de la régie fournie à la VRS.

22 R. Oui. Il fait une ventilation pour ce qui est des munitions en trois

23 catégories. Pour chacune de ces trois catégories, il dit combien de pièces

24 ont été reçues de stocks existants, de stocks qui se trouvaient en Bosnie-

25 Herzégovine au moment du début de la guerre. Ils se trouvaient sous le

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1 contrôle de la JNA.

2 Q. Avant que vous nous donniez ces chiffres, dites-nous ceci : le général

3 Mladic fait référence à quelle période au moment de donner ces chiffres ?

4 R. Début de la guerre jusque fin 1994.

5 Q. Veuillez nous donner ces chiffres -- ces montants.

6 R. Première catégorie, munitions d'infanterie, 9 185 tonnes, dont

7 uniquement 1,49 % a été produit intérieurement; 42,2 % viennent de stocks

8 fournies par la JNA ou héritées de la JNA et 47,2 % sont fournies par

9 l'armée yougoslave.

10 Q. Apparemment, dans 90 % ou quasis de ces munitions d'infanterie venaient

11 ou avait été fournies soit par la VJ ou soit par la JNA ?

12 R. Exact.

13 Q. Poursuivez.

14 R. Vous avez une même ventilation pour les munitions d'artillerie : 26,2 %

15 viennent de leur propre production; 39 % d'approvisionnement ou de stocks

16 et, d'après l'ordre précédant, ce serait des choses dont ils ont hérité; et

17 34,4 % fournies par l'armée yougoslave. Pour les munitions anti-aériennes,

18 là aussi nous avons rien qui aurait été produit. Ça veut dire qu'on n'a pas

19 produit un seul obus, un seul projectile, une seule balle car 42,7 %

20 viennent des stocks et 52,4 % viennent de l'armée yougoslave.

21 Q. Il s'agissait de savoir comment on devait financer la VRS. Vous avez

22 dit que c'était un sujet de discussion récurent. Est-ce qu'on n'a jamais

23 discuté de la façon dont les butins de guerre ou ce qu'on avait retiré des

24 actes de pillage au combat devaient être utilisés à cet effet ?

25 R. Oui.

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1 Q. Pourriez-vous nous donner explication.

2 R. Lors de la 33e session, M. Krajisnik a expliqué : "Qu'à travers des

3 contrats de nature contra triste avec la République fédérale de Yougoslavie

4 et la vente des biens provenant du butin de guerre et les réserves

5 commerciales, il y a eu un effort de fait afin de se procurer les moyens

6 afin de pouvoir se procurer les munitions et l'équipement de guerre que ce

7 soit au sein de la République fédérale de Yougoslavie ou ailleurs."

8 Q. Dans cette phrase, M. Krajisnik est en train d'identifier trois sources

9 de financement; la République fédérale de Yougoslavie et la vente du butin

10 de guerre en deuxième place et en troisième place, les réserves

11 commerciales ?

12 R. La première catégorie contient les entreprises de la République

13 fédérale de Yougoslavie, c'est cela ?

14 Q. Y a-t-il eu à un moment quelconque une discussion lors des sessions de

15 l'assemblée concernant la VRS qui menait une opération -- qui a mené une

16 opération sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie ?

17 R. Oui. Périodiquement, il y a eu des plaintes formulées par des délégués

18 parlant de déserteurs qui vivaient en République de Serbie et qui s'étaient

19 enfuis vers la République de Serbie. Le 24, 25 mars 1994, lors de la 39e

20 Assemblée, M. Kovacevic s'est référé à une opération lors de laquelle, et

21 là je vais citer en commençant par la deuxième phrase : "Le ministère de la

22 Défense a envoyé des personnes dans toutes les zones de la Serbie et du

23 Monténégro, a envoyé des appels à environ 12 milles de ceux qui relevaient

24 du service militaire. En fait, il y a en a eu environ 19 000 sur place."

25 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, replacer cela dans le contexte à

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1 l'intention de la Chambre ? Que s'est-il passé ? Quelle a été la réponse de

2 la République serbe lorsqu'il s'agit de la présence de la VRS dans ce genre

3 d'opération ?

4 R. M. Kovacevic précise les réactions dans le résumé. Il dit : "Mais leur

5 retour a entraîné une réaction très négative au sein de la République

6 fédérale de Yougoslavie. Les partis politiques s'en sont servis à

7 l'encontre des partis dirigeants en Yougoslavie et contre le commandement

8 suprême. Et le conseil de la Défense de la République fédérale de

9 Yougoslavie n'a pas accepté cette approche et nous a complètement empêché

10 de toute manière de ramener nos conscrits sur notre territoire." Et il

11 propose une solution, à savoir : "Il doit y avoir un accord entre le

12 président Karadzic et le président Milosevic."

13 Q. Donc M. Kovacevic dit que tout retour après ces dates serait conforme à

14 un accord entre M. Karadzic et M. Milosevic.

15 R. Oui, c'est ce qu'il déclare.

16 Q. J'attire votre attention à la 53e Assemblée, M. Karadzic a-t-il déclaré

17 -- a-t-il mis en relation l'armée de la Republika Srpska et l'armée

18 yougoslave ?

19 R. Oui, il déclare : "Messieurs, vous devez savoir que nous avons adopté

20 une structure qui dépend de la Yougoslavie, qu'elle est liée à la

21 Yougoslavie pour ce qui est des soldes, le versement des retraites,

22 l'utilisation des armes et des munitions, et cetera, et bien, que nous

23 avons payé une bonne partie de cela, nous en avons reçu une bonne partie."

24 Q. Alors, j'aimerais savoir -- j'aimerais à présent aborder la question

25 des paramilitaires. Donc avez-vous pu examiner les comptes rendus des

Page 26510

1 sessions de l'assemblée, s'agissant des discussions portant sur les

2 paramilitaires, et les formations de paramilitaire ?

3 R. Je me réfère ici à la 54e session, et nous avons toute une série de

4 références qui concernent cela lors des sessions des assemblées, donc qui

5 concernent les volontaires et les paramilitaires. Ici il est dit, je cite :

6 "Les volontiers que dirige, dont le chef est Zeljko Raznjatovic -- qui

7 dirige, en tant que patriote, et bien, j'ai entendu qu'ils ont remporté du

8 succès, mais dans cette présentation, le général Milanovic a déclaré qu'il

9 n'accepterait pas cette forme d'aide, et ce qui me surprend."

10 Q. Alors ce mot "volontiers", il a été utilisé pour décrire les

11 paramilitaires, tels que les hommes d'Arkan -- les Tigres d'Arkan ?

12 R. C'est de cette manière qu'il est utilisé ici, mais aussi dans d'autres

13 cas également.

14 Q. Y a-t-il une discussion en particulier, s'agissant des activités menées

15 par Arkan en Bosnie en 1995 ?

16 R. Oui, lors de la 54e session en octobre 1995, il y a une déclaration de

17 M. Kupresanin, qui était le directeur de la télé de la Republika Srpska. Il

18 faudrait signaler que M. Kupresanin a souvent formulé des compositions, et

19 que ces propos n'étaient pas partagés par d'autres députés. Juste avant

20 cela, il a fait une proposition pour qu'il y ait un échange total de

21 population entre les Serbes de la Republika Srpska, et tous les Musulmans

22 qui vivaient au Kosovo et dans la région de Sandzak. Donc il a été

23 considéré comme quelqu'un qui avait des idées très farfelues. Mais ici il a

24 fait une proposition. Il a reçu la réponse de la part de M. Djuric, je

25 pense que cette réponse c'est intéressant. M. Kupresanin a dit : "Je

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1 propose que M. Arkan vienne ici, qu'il devienne le commandant de la ville

2 de Banja Luka. S'il vous plaît, il ne faudrait pas vous vexer. Il a fait

3 cela de qu'il a fait en Herzégovine de l'est, nous avons eu des résultats

4 pratiques. Ce que nous avons vu faire en très peu de temps à Novi, en fait,

5 il a sauvé Novi, Prijedor, et cetera, et ces résultats ont été

6 exceptionnels."

7 Ceci a provoqué une réponse de la part de M. Djuric qui dit dans le

8 deuxième paragraphe : "Arkan est au service de la politique de Belgrade,

9 pour autant que je le sache. Autrement il n'existerait pas."

10 Q. La Chambre a entendu beaucoup de dépositions au sujet de la destruction

11 des mosquées, au sujet de la destruction de la propriété religieuse et

12 culturelle en général. Je vous demanderais de commenter brièvement au sujet

13 de ce que vous avez pu voir dans les documents portant là-dessus ?

14 R. En 1993, concernant les événements de Bosanska Krupa, la possibilité

15 que cette zone revienne sous le contrôle des Musulmans de Bosnie, M.

16 Vjestica a déclaré : "Il nous faudra leur verser des compensations pour

17 tout ce que nous avons détruit, et brûlé là-bas, et les 17 mosquées que

18 nous avons rasées."

19 Une autre référence apparaît en date du 9 mai 1993, par

20 M. Radoslav Brdjanin. C'est deux jours après la destruction de la mosquée à

21 Ferhadija à Banja Luka, et il répond lors de l'assemblée, donc il lui

22 semble qu'il y a beaucoup de discussions portant là-dessus à Banja Luka,

23 et il dit : "Le sujet principal à Banja Luka aujourd'hui est la mosquée. Je

24 ne dis pas que nous devons remercier ceux qui l'ont détruit, mais vous ne

25 devriez pas vous en plaindre autant, du moins pas dans nos médias. Quant à

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1 ceux qui s'en plaignent, je vais élargir, agrandir une carte postale en

2 couleur et ils n'ont qu'à la porter sur eux."

3 Q. Je voudrais maintenant aborder la question de Srebrenica. Je voudrais

4 que vous précisiez à la Chambre quels sont les comptes rendus d'audience

5 émanant, donc des sessions de l'assemblée, et ce qu'en disent les

6 dirigeants serbes de Bosnie, encore au sujet de la prise de l'enclave de

7 Srebrenica, donc il est dit qu'une terrible tragédie se produirait, qu'elle

8 concernerait les personnes qui cherchent à se mettre à l'abri là-bas.

9 R. Oui, en 1993, M. Karadzic déclare : "Comment est-ce que cela s'applique

10 à Srebrenica ? Je pense que c'est un point pour nous, puisque si nous

11 étions entrés dans Srebrenica, ces gens, et bien, auraient été ceux, dont

12 les familles seraient tuées; 1 200 Serbes ont été tués; il y aurait eu un

13 bain de sang, et nous aurions pu perdre l'état à cause de cela. Je pense

14 que Morillon nous a sauvés, pas les Musulmans. Il n'a pas sauvé les

15 Musulmans quand il est entré dans Srebrenica."

16 Q. Alors c'était deux années avant les événements tragiques de Srebrenica.

17 Pouvez-vous, s'il vous plaît, replacer cela dans le contexte, dans quand M.

18 Karadzic a dit : "Nous pourrions perdre l'état à cause de cela" ?

19 R. Ici il se réfère à la possibilité d'une réponse de la part de la

20 communauté internationale, à savoir que la Republika Srpska n'aurait pas

21 été reconnue ou sa taille aurait été réduite géographiquement s'il y avait

22 eu une décision internationale.

23 Q. Alors il y a eu une discussion. Quand est-ce qu'il y a eu une

24 discussion au sujet de Srebrenica ? Quand est-ce que cela s'est passé ?

25 Est-ce qu'il y a eu une discussion au sujet de l'importance du moment qui a

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1 été choisi pour attaquer Srebrenica ?

2 R. Oui, alors il s'agit de la 52e session le 6 août, tout d'abord M.

3 Karadzic et ensuite le général Gvero ont pris la parole, et ils ont parlé

4 de Srebrenica, et ils ont en fait choisi le moment conformément aux

5 décisions internationales. Karadzic a dit : "Si nous avions pris Srebrenica

6 et si nous étions entrés dans Srebrenica lorsque Morillon était là, ils

7 nous auraient bombardé, vous savez, il y aurait eu un bombardement massif,

8 ils nous auraient anéanti."

9 Plus tard, par la suite, il aborde la question de 1995, et il dit : "Le

10 moment est arrivé avec la directive numéro 7, j'ai laissé entendre que la

11 prise de Teocak, Srebrenica, Zepa et Gorazde."

12 Le général Gvero en même page, s'agissant de la date, dit : "S'agissant du

13 problème -- avec le problème de Srebrenica nous avons également créé des

14 réserves adéquates. Nous avons accompli cela lorsque nous avons estimé que

15 la communauté internationale n'allait par réagir immédiatement après les

16 événements de la Slavonie occidentale. Nous sommes entrés exclusivement à

17 cause de cela."

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Revenons à la citation précédente, où il

19 est dit -- où il est fait référence à Srebrenica, où Karadzic dit : "Le

20 moment est arrivé et, avec la directive numéro 7, j'ai signalé la prise de

21 Teocak, Srebrenica, Zepa et Gorazde. Tout a été signé et nous sommes entrés

22 en force." Directive numéro 7, M. Groome, je pense qu'il faudrait poser

23 cette question au témoin.

24 M. GROOME : [interprétation] Excusez-moi, je ne suis pas au courant de la

25 teneur de la directive numéro 7, mais je connais un autre moment où M.

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1 Karadzic déclare qu'il a signé en tout sept directives, et ici il qualifie

2 celle-ci de la plus importante, mais je ne connais pas sa teneur.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il est dit très clairement ici que :

4 "cette directive a signalé la prise de toute une série d'endroits y compris

5 Srebrenica. Tout a été signé et nous sommes entrés en force." Donc, d'après

6 ce que je comprends, vous n'avez pas ce document.

7 M. GROOME : [interprétation] Je ne peux pas vous donner une réponse tout à

8 fait formelle. Il y a un autre substitut du Procureur qui travaille sur ces

9 éléments, en particulier là, de la preuve. Je pense qu'il s'agit d'un

10 élément d'importance, donc cette directive constitue un élément important.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien.

12 M. GROOME : [interprétation] Donc j'essaierai de m'en informer et de

13 communiquer cela à la Chambre.

14 Q. Je voudrais poursuivre là-dessus avec ce que M. Karadzic dit au sujet

15 de la personne qui a donné -- ou à l'instance qui a donné l'ordre portant

16 sur l'attaque effectuée sur Srebrenica ?

17 R. Oui. Alors, de manière rétrospective, quelques mois après les

18 événements de Srebrenica, Radovan, je donne une citation : "J'ai

19 personnellement, examiné les plans." C'est une citation de M. Karadzic.

20 "J'ai, personnellement, examiné les plans à l'insu de l'état major, pas

21 intentionnellement, mais c'était une coïncidence. Je suis allé voir le

22 général Krstic. Je lui ai suggéré d'entrer dans la ville et de proclamer la

23 chute de Srebrenica. Après cela, nous allions chasser les Turcs à travers

24 les bois. J'ai approuvé cette mission radicale, et je n'éprouve aucun

25 remords pour cela."

Page 26515

1 Q. C'est tellement clair, lorsqu'il le dit, mais c'est l'opinion, en a été

2 informé des milliers et des milliers d'hommes musulmans ont été massacrés à

3 Srebrenica. C'est ça ?

4 R. Oui. C'est pratiquement deux mois, jour pour jour, après ces

5 événements, et ceci a été diffusé par l'ensemble des médias.

6 Q. M. Karadzic, a-t-il fait d'autres déclarations, au sujet du crime qui a

7 été commis à la population, envers la population musulmane de Srebrenica ?

8 R. Lors de la session qui s'est tenue le 6 août, c'est trois semaines

9 après les événements, il déclare la chose suivante : "Le lieutenant-colonel

10 Milutinovic peint, de manière tout à fait catastrophisante [sic], des

11 événements aux agences de presse étrangère. Ceci pourrait s'avérer cher à

12 Mladic si ceci était montré à La Haye. Il permet à ceux qui le souhaitent -

13 -" -- lui étant Milutinovic -- "-- donc il permet à ceux qui le souhaitent

14 de prendre des photos des cadavres de femmes dans les rues de Srebrenica.

15 Après il les diffuse aux médias étrangers."

16 Q. Est-ce que c'est une référence "à La Haye" -- la référence concerne ce

17 Tribunal ?

18 R. Oui. Cela devrait être cela.

19 Q. Alors, pourriez-vous faire un commentaire au sujet des propos que M.

20 Dodik dit dans la 54e session de l'Assemblée ?

21 R. Dodik a été très critique, à ce moment-là, et il dit : "La plus grande

22 erreur de la guerre était Srebrenica et Zepa. Quelqu'un doit assumer la

23 responsabilité pour cela. Qui est responsable ? Nous avons légalisé devant

24 la communauté internationale cette zone -- qu'une zone de sécurité pouvait

25 être prise et, cinq jours plus tard, lorsque nous avons -- nous nous sommes

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1 écriés, lorsque les hommes protégés de la République serbe de Krajina ont

2 été attaqués --"

3 Q. Alors, pour l'extrait suivant, pour comprendre le contexte, je vous

4 demanderais de nous dire, de manière générale, que s'est-il passé lorsqu'on

5 a appris ce qui est advenu à Srebrenica ?

6 R. De manière générale, il y a eu des reporters et, tout de suite, ceci

7 est devenu un sujet très important à la -- une des médias étrangers. Il

8 s'est écoulé quelques heures avant et, un jour ou deux avant que l'opinion

9 n'ait été au courant de cela.

10 Q. Je voudrais attirer votre attention à la 53e session de l'Assemblée.

11 C'est un mois à peu près après les événements de Srebrenica. Et pouvez-

12 vous, s'il vous plaît, nous dire ce que

13 M. Momcilo Krajisnik a déclaré au sujet de Milosevic ?

14 R. C'était, me semble-t-il, cette session s'est tenue le jour du

15 bombardement, en fait, le jour de l'explosion au marché de Markale à

16 Sarajevo. Juste pour préciser le contexte, les premiers bombardements de

17 l'OTAN a commencé deux jours plus tard, le 30 août.

18 Q. Pouvez-vous décrire ce qu'a dit M. Krajisnik, à ce moment-là ?

19 R. Il a dit -- oui, je le cite : "Nous étions à une réunion avec le

20 président Milosevic. C'était secret et ceci ne devrait pas -- personne à

21 l'extérieur de ce cercle ne devait pas le savoir."

22 Q. Poursuivez.

23 R. "C'était notre initiative --" Pour être tout à fait clair, ici

24 l'initiative pour la réunion n'est pas ce dont il était de parler. Il était

25 de parler au sujet du fait qu'il fallait "rassembler toutes les ressources

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1 et défendre la république, compte tenu de ce qui s'est passé en RSK. Nous

2 ne pouvons pas avoir cette approche, et le bloc. Nous devons faire bloc à

3 tous les Serbes avoir une politique commune. Nous devons toujours chercher

4 une unité pour les Serbes. Nous savons que ceci fait notre force."

5 Q. Au sujet de la déclaration de M. Krajisnik, à la 53e Assemblée, est-ce

6 que cela a été fait en audience publique ?

7 R. A huis clos.

8 Q. Il est en train de dire qu'il a eu une réunion secrète avec M.

9 Milosevic, mais qu'il ne faut pas que ce soit divulgué ?

10 R. Oui.

11 Q. Je tire votre attention à la question du génocide, question qui est de

12 savoir si les délégués, ou ceux qui ont pris la parole lors de l'assemblée,

13 étaient en mesure de connaître l'implication du nettoyage ethnique, son

14 impact ou sa relation au fait de perpétrer un génocide ?

15 R. Oui. Le mot "génocide" apparaît de très nombreuses fois lor5s de ces

16 sessions de l'assemblée, presque toujours en référence à la conviction

17 serbe, que les Serbes étaient la cible du génocide lors -- pendant la

18 Deuxième guerre mondiale et qu'ils étaient censés, enfin qu'il y avait un

19 risque qu'ils soient des victimes de génocide pendant la guerre de 1992 à

20 1995. Et on a ici un extrait des propos de M. Kalinic -- Kalinic, qui parle

21 de manière générale. Il était le ministre de la Santé de la Republika

22 Srpska en 1992 et il parle de Sarajevo, lorsqu'il dit : "Sachant qui sont

23 nos ennemis, comment ils sont -- à quel point ils sont perfides, qu'on ne

24 peut pas leur faire confiance, sauf s'ils sont physiquement militairement

25 détruits et écrasés, ce qui est bien entendu, implique l'élimination et la

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1 liquidation de leur personnalité clé."

2 Q. Je tire votre attention à l'une des questions des sessions de

3 l'assemblée précédente, le cas du 12 mai 1992. Le général Mladic, a-t-il

4 averti les membres de l'assemblée qui se sont réunis, à ce moment-là ? A-t-

5 il formulé un avertissement important ?

6 R. Oui. A la même assemblée à laquelle M. Kalinic a pris la parole, il a

7 dit : "Le peuple et les peuples ne sont pas des clés que nous portons dans

8 notre poche, et que nous pouvons tout simplement déplacer, les transférer

9 ici ou là, donc nous ne pouvons pas nettoyer. Nous ne pouvons pas avoir un

10 tamis pour nous assurer qu'il n'y ait que des Serbes qui restent, ou des

11 Serbes qui passent, et que les autres s'en aillent. Je ne sais pas comment

12 M. Krajisnik et M. Karadzic vont expliquer cela à l'étranger. Il s'agit

13 ici, d'un génoc -- il s'agirait ici d'un génocide."

14 Q. Alors, abordons la question de Sarajevo à présent. La première question

15 qui m'intéresse est la suivante. Y a-t-il un moment dans les comptes rendus

16 des sessions de l'assemblée, nous montrant à quel moment, on a conçu pour

17 la première fois le plan de division de Sarajevo ?

18 R. Oui. Karadzic, prend la parole en mars 1994, et il

19 déclare : "Avant la guerre, le professeur Milosevic, en planifiant ce qui

20 allait se passer en Bosnie-Herzégovine, nous avons planifié et cela s'est

21 passé de manière tout à fait semblable, ce qui allait se passer à Sarajevo.

22 Et nous avons envisagé la conquête des montagnes de Zvijezda. Il y aurait

23 une frontière et un canyon sur la rivière Krijava qui servirait de lien

24 entre Sarajevo et Banja Luka. Et à une heure, une heure et demie de trajet

25 sur une route de qualité, on pourrait peut-être se rendre de Sarajevo à

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1 Banja Luka. Banja Luka, c'est un état. C'est une nation bien intégrée.

2 C'était notre plan, avant la guerre."

3 Q. Est-ce qu'il a été question des raisons qui ont présidé, au siège de

4 Sarajevo, qui semble s'être déroulé d'une manière différente de ce qui

5 s'est passé dans d'autres parties de la Bosnie ?

6 R. Oui. Alors, j'ai trouvé plusieurs citations: Premièrement, Sarajevo

7 devait être encore des terres serbes servir de lien entre les différents

8 territoires serbes. Et un deuxième point c'est que le siège de Sarajevo

9 devait servir de moyens pour isoler la ville afin que le gouvernement de

10 Bosnie-Herzégovine soit inopérationnel [sic]. Karadzic a déclaré en juillet

11 1992 : "Grâce aux théâtres des opérations de Sarajevo, le gouvernement et

12 l'assemblée ainsi que toutes les autres instances d'Alija Izetbegovic ne

13 fonctionnent pas."

14 Alors, je passe à la page suivante et je donne la citation : "Pour nous

15 Sarajevo, tel que je le comprends, doit nous permettre d'intégrer

16 l'Herzégovine de l'est et l'ancienne Herzégovine et la Romanija. La

17 Romanija a son marché à Sarajevo c'est d'une importance inestimable."

18 Encore à la 53e session, il se réfère à ces deux concepts en disant : "Nous

19 ne pouvons pas abandonner Sarajevo parce que là-bas les Musulmans

20 pourraient avoir une état de qualité et nous serions réduits à ces trois

21 régions de la Bosnie de l'est, l'ancienne Herzégovine et Romanija. Rien ne

22 nous resterait si nous n'avions pas notre Sarajevo."

23 Q. Est-ce qu'il a été discussion du rôle que jouerais le nettoyage dans

24 cette campagne contre Sarajevo ?

25 R. Oui. Il y a M. Prstojevic, pas M. Karadzic, qui prend la parole en

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1 juillet 1992.

2 Q. Voulez-vous épeler ce nom ?

3 R. Oui, P-r-s-t-o-j-e-v-i-c.

4 Q. S'il vous plaît, poursuivez.

5 R. "Qui, plus est, pendant ces premiers jours, nous ne savions pas si

6 Karadzic était en vie. Et lorsqu'il est venu parmi nous à Ilidza et quand

7 il nous a encouragé, les Serbes de Sarajevo tenaient le territoire demandé

8 sous leur contrôle et dans certaines zones ont étendu leur territoire et

9 ont chassé les Musulmans des territoires où ils avaient effectivement une

10 majorité."

11 Q. A présent la 56e Assemblée et une citation de M. Karadzic ?

12 R. Oui. C'est une citation de décembre 1995, après l'accord de Dayton :

13 "La mission de cette république, sa première stratégie -- son premier but

14 stratégique c'est de nous séparer des Musulmans et des Croates et personne

15 n'a le droit de mettre en place une stratégie par laquelle la Serbe

16 Sarajevo -- Sarajevo la Serbe resterait au sein d'un état commun. Si bien

17 qu'il n'y a aucun danger de voir se produire une telle chose. Une telle

18 solution est absolument exclut car nous ne voulons pas rester avec les

19 Musulmans et les Croates. Personne n'a le droit de mettre en place une

20 nouvelle solution qui nous obligerait à rester ensemble."

21 Q. Est-ce qu'on a déterminé à peu près à quel moment Sarajevo serait

22 encerclé ?

23 R. Lors de la session du 12 mai -- ou plutôt le 12 mai lors de la 16e

24 session, plusieurs intervenants ont parlé de cela. Karadzic résume, il dit

25 : "Nous pensons que toutes les municipalités autour de Sarajevo sont entre

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1 nos mains. Nous les encerclons -- nous encerclons l'ennemi. Ils ne peuvent

2 recevoir aucune assistance, ni en hommes, ni en armes."

3 M. GROOME : [interprétation] Puis-je poursuivre ? Il me reste encore cinq

4 minutes pour terminer l'interrogatoire principal ?

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si les interprètes l'acceptent. Vous avez

6 encore cinq minutes.

7 M. GROOME : [interprétation] On me signale par ailleurs que la directive

8 numéro 7 est disponible. Si vous le souhaitez, on peut lui donner une cote

9 aux fins d'identification en attendant de faire venir le témoin concerné.

10 Q. Maintenant, j'aimerais que nous parlions du siège de Sarajevo et de la

11 manière dont les civils ont été affectés, les civils qui habitaient en

12 ville ?

13 R. Oui. Lors de la séance de travail du 12 mai à Banja Luka, on y a fait

14 plusieurs fois référence -- on a fait référence à la situation des Serbes -

15 - des civils à Sarajevo. Par exemple, page 43, il y a d'abord Dragan

16 Kolonic, ministre de la Santé de Republika Srpska à l'époque, qui dit :

17 "Ceux qui planifient l'opération de Sarajevo, à la libération de Sarajevo,

18 à la destruction des forces ennemies à Sarajevo, doivent également faire

19 des projets s'agissant des installations médicales. Et je vais vous dire,

20 d'ores et déjà, que, si l'hôpital militaire tombe entre les mains de

21 l'ennemi, je suis favorable à la destruction de l'hôpital de Kosovo pour

22 que l'ennemi n'ait nulle part où aller pour obtenir des soins médicaux."

23 On retrouve des propos similaires dans la bouche du général Mladic lors de

24 cette même session. Je lis la portion soulignée : "Nous n'allons pas dire

25 que nous allons détruire l'approvisionnement en électricité, les pilons,

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1 l'approvisionnement en eau, et cetera, non parce que cela donnerait un

2 prétexte aux Américains, si bien que nous devons dire au monde que ce sont

3 eux qui tiraient -- que ce sont eux qui ont tiré et qui ont coupé

4 l'approvisionnement en électricité et en eau, et qu'il y a eu une coupure

5 d'électricité à tel ou tel endroit et que nous faisons du mieux que nous

6 pouvons pour le réparer. Voilà ce que c'est la diplomatie."

7 Q. Maintenant, j'aimerais que nous parlions du 10 mai 1994, 40e session.

8 M. Karadzic, à ce moment-là, a-t-il parlé du siège de Sarajevo ? Est-ce

9 qu'il le qualifie d'une manière ou d'une autre ?

10 R. Oui. C'est l'une des deux déclarations qu'il a faites à ce moment-là

11 devant cette assemblée et il fait un parallèle entre ce qui se passe à

12 Sarajevo et le blocus de Berlin. Il dit, je cite : "Nous devons conserver

13 le caractère de ce corridor à la Berlin, si bien que nous devons les forcer

14 à diviser Sarajevo et nous allons leur donner un mètre carré de forêts

15 entre Vogosca et Visa et contre cela nous obtiendrons un kilomètre carré

16 sur la Drina."

17 Q. On parle ici de territoire -- il parle de territoire "compact." Est-ce

18 que c'est un terme réduit ? Est-ce que c'est un terme qui revient dans les

19 débats de l'assemblée ?

20 R. Oui, effectivement. C'est utilisé quand on parle du corridor de la

21 Posavina et l'idée d'un "territoire compact", d'un territoire réduit. On

22 retrouve également dans l'accord du 6 mai 1992, l'accord de Graz, signé

23 entre les Croates et les Serbes -- ou plutôt les Croates de Bosnie et les

24 Serbes de Bosnie.

25 Q. Est-ce qu'à un moment donné, M. Karadzic a expliqué la logique de ce

Page 26523

1 qui sous-tendaient ces actions à Sarajevo et est-ce qu'il a également

2 évoqué l'opinion -- la réaction de M. Milosevic au sujet de ce qui se

3 passait à Sarajevo ?

4 R. Oui, effectivement. Lors de la 36e session de l'Assemblée, à la fin de

5 1993, il dit -- et ça se trouve au bas de la page -- je cite : "La

6 politique du SDS c'est de tenir Sarajevo. L'assemblée a approuvé cette

7 politique dans le cadre des objectifs stratégiques et il me semble qu'il

8 s'agissait en l'occurrence du cinquième objectif stratégique."

9 Reprise de la citation dernière phrase, je cite : "J'en ai déjà parlé à

10 Milosevic. La Sarajevo serbe recevra l'appui et l'approbation de la

11 totalité des 12 millions de Serbes."

12 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons maintenant faire

14 une pause.

15 Mais, auparavant, je ne suis pas sûr de l'avoir mentionné directement et je

16 ne sais pas si le moment est bienvenu pour le faire, et si ce document doit

17 être versé au dossier maintenant. Puisque le témoin ne semble pas en savoir

18 grand-chose, je parle de la directive. Nous verrons s'il convient de le

19 faire au moment du contre-interrogatoire. Nous verrons quelle sera la

20 situation à ce moment-là.

21 M. GROOME : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Nous allons faire une pause de 20

23 minutes.

24 Docteur Donia, pendant cette pause, je vous demande de ne parler à personne

25 de la nature de votre déposition.

Page 26524

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] 20 minutes, s'il vous plaît.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est à vous.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant d'entamer le contre-interrogatoire,

7 Monsieur May, je souhaiterais dire quelques mots au sujet de la remarque

8 faite par M. Kwon lorsqu'il a demandé à bénéficier de l'intégralité des

9 documents sur lesquels a travaillé le témoin. Parce qu'au cours de l'heure

10 et demie d'interrogatoire principal, nous n'avons été en mesure que de

11 prendre connaissance que d'extraits de déclarations faites par divers

12 ministres, députés ou autres lors d'un très grand nombre de réunions de

13 l'assemblée de la Republika Srpska. Or ceci, ne saurait, en aucune manière

14 nous fournir une image complète de la situation et nous ne saurait nous

15 permettre, non plus, de répondre aux questions qui ont été posées à ce

16 sujet.

17 Ce matin, avant la journée d'aujourd'hui, on m'a fourni un CD avec le

18 classeur et on m'a dit que tous les comptes rendus des séances

19 parlementaires se trouvaient sur ce CD mais je n'ai absolument pas le temps

20 de le consulter. Si bien que l'on peut dire que nous nous trouvons, ici,

21 face à une démarche disons des plus sélectives dans le choix de documents

22 parmi un nombre considérable de documents relatifs à un très grand nombre

23 de réunions qui ont eu lieu entre 1991 et 1995. Si bien que ceci ne nous

24 permet pas d'avoir une image complète de la situation. Mais ceci étant dit,

25 je vais cependant entamer mon contre-interrogatoire car, bien entendu, je

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1 souhaiterais apporter ou faire la lumière sur un certain nombre de

2 questions dans la mesure où je suis en mesure de le faire vu l'approche

3 extrêmement restrictif qui a été adoptée, le temps que l'on m'a accordé.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous vous avons entendu. Nous allons en

5 tenir compte et vous pourrez avoir accès à l'ensemble de ces procès verbaux

6 sous forme électronique.

7 Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle ceci n'a pas été communiqué à

8 l'accusé ? Si y a peut-être déjà été communiqué d'ailleurs.

9 M. GROOME : [interprétation] Cela a déjà été communiqué. C'est pourquoi

10 nous avons demandé à ce que cet élément de preuve porte simplement une cote

11 aux fins d'identification, car il est possible que certains éléments qui y

12 figurent ne soient pas une pertinence pour ce témoin ou pour l'ensemble de

13 notre thèse. Pour reprendre ce qu'a dit Monsieur le Juge Kwon, il s'agit,

14 ici, d'un volume incroyable et considérable de documents. Nous ne sommes

15 pas en mesure de tout traduire, je ne pense pas. Mais je vais me renseigner

16 et faire en sorte de demander la traduction de certains comptes rendus dans

17 leur intégralité si vous estimez que cela est nécessaire.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons étudier la question et voir

19 quelles transcriptions, quels comptes rendus devraient être traduits. Mais

20 l'accusé est en mesure d'accéder à l'ensemble des procès verbaux s'il

21 souhaite s'en servir.

22 Vous avez donc la parole, Monsieur Milosevic. Vous bénéficierez de plus de

23 temps que normalement prévu.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je comprends bien. Mais moi, ce que je

25 vous disais, c'est que l'ensemble du travail de l'assemblée populaire de la

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1 Republika Srpska de 1992 à 1995, avec un très grand nombre de réunions qui

2 ont produit un très grand nombre de pages de procès verbaux, ne peut pas

3 être présenté par un seul témoin dans le cas d'un interrogatoire principal

4 d'une heure et demie et puis un contre-interrogatoire qui va duré, mettons

5 le double. Une telle façon de travailler beaucoup trop superficielle mais

6 quoiqu'il en soit.

7 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

8 Q. [interprétation] Monsieur Donia, j'ai plusieurs questions à vous poser

9 d'abord au sujet de votre CV, "zivotopis", comme on dit en B/C/S. Est-ce

10 vous avez trouvé ce document ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous êtes historien, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Etant donné que vous avez le titre de Docteur, vous avez un doctorat.

15 Est-ce que vous avez ce doctorat, vous l'avez obtenu en histoire ?

16 R. Oui.

17 Q. D'après les informations dont je dispose, ce doctorat, vous l'avez

18 obtenu à l'université du Michigan en 1976 ? C'est bien exact ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Veuillez, s'il vous plaît, me dire quelle est votre spécialisation dans

21 le domaine de l'histoire ? Sur quoi portait exactement votre doctorat ?

22 R. Et bien, dans le cadre du travail préparatoire accompli, je me suis

23 intéressé à l'histoire de l'Europe et plus particulièrement à l'Europe de

24 l'est au 19e et 20e siècle. Et dans le cadre de mon doctorat, je me suis

25 intéressé au mouvement d'autonomie des populations des Balkans au cours du

Page 26527

1 19e siècle et des premières 14 années du 20e siècle. Je me suis intéressé

2 plus particulièrement au désir d'autonomie des Musulmans.

3 Q. En d'autres termes, vous êtes intéressé dans le cas de votre doctorat

4 aux Musulmans et ceci dans la période qui a mis fin au 19e siècle ainsi

5 qu'au début du 20e siècle en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Donc, on peut dire que vous êtes à la fois historien et Islamiste ?

8 R. Non. Je ne dirais pas ça. Je ne dirais pas que je suis Islamiste.

9 Q. Je ne veux pas dire que vous êtes Musulman. Je ne m'intéresse pas à

10 votre confession mais je parle de ce qui vous intéresse plus

11 particulièrement dans le domaine de l'histoire. Ce qui vous intéressait

12 plus particulièrement c'est l'histoire des Musulmans au 19e et 20e siècle.

13 C'est ce que je veux quand j'utilise ce terme d'Islamiste.

14 R. Moi, je dirais que je m'intéresse plutôt à l'histoire sociopolitique.

15 C'est la façon dont je définirais mon travail. Et dans mon doctorat et dans

16 le cadre de ma carrière, je me suis également intéressé à l'histoire des

17 religions.

18 Q. Bien. Est-il exact que de 1970 à 1975, vous êtes rendu à de nombreuses

19 reprises en Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Je suis allé en Bosnie-Herzégovine. Je suis resté en Bosnie-Herzégovine

21 de l'été 1974 à août 1975 effectivement. Je m'y suis également rendu en

22 1978. Il s'agit là de deux voyages. La première fois, je suis resté un an

23 et la deuxième fois, mon séjour n'a duré que trois semaines environ.

24 Q. A l'époque, vous avez fait des recherches pour votre doctorat, c'est

25 bien cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous étiez boursier de la fondation Fulbright, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Quand vous avez obtenu votre doctorat, est-ce que vous êtes devenu

6 professeur à ce moment-là ?

7 R. J'étais professeur assistant d'histoire à l'université d'état de l'Ohio

8 sur le campus Lima et ceci pendant une période de trois ans, effectivement.

9 Q. Si bien que vous n'avez pas fait carrière de manière continue dans le

10 domaine du professorat. Vous avez été professeur ou plutôt professeur

11 assistant mais cela n'a constitué qu'un épisode dans le cadre de votre

12 parcours professionnel ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Est-il exact que de 1981 à 1998, vous n'avez pas, sur le plan

15 professionnel, eu des activités ayant rapport avec l'histoire ?

16 R. C'est exact. Mais il m'est arrivé cependant dans le cadre de ma

17 position d'avoir recours avec une connaissance historique. Tout comme vous-

18 même vous l'avez fait avec votre vue, les études que vous aviez faites dans

19 le domaine financier.

20 Q. Vous avez travaillé pour Merrill Lynch, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Du début des années 1980 à la fin des années 1990, c'est-à-dire de 1981

23 à 1998, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez également occupé le poste de vice-président de cette

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1 entreprise, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Merrill Lynch sur le plan mondial, est une société d'investissement de

4 très grande envergure qui a un chiffre d'affaires considérable, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Et le conseil d'administration de cette entreprise comptait des gens,

8 tels que Bob Dole qui s'est engagé pour défendre la cause albanaise aux

9 Etats-Unis, ainsi que d'autres personnes de renom, notamment Joseph Royer

10 [phon] qui était ambassadeur en Chine.

11 R. Oui.

12 Q. Donc pendant cette période de 19 ans, cette période de 1981 à 1998,

13 bien que vous ayez précédemment obtenu un doctorat en histoire, vous n'avez

14 pas, dans le cadre de votre parcours professionnel, eu des activités en

15 rapport avec l'histoire.

16 R. C'est exact.

17 Q. Cependant, pendant toutes ces périodes vous avez écrit au sujet de la

18 Bosnie-Herzégovine, vous avez écrit un certain nombre d'articles.

19 R. Oui.

20 Q. Dans ces articles, est-ce que vous avez parlé uniquement de l'histoire

21 des Musulmans, ou est-ce que vous avez également évoqué l'histoire des

22 Serbes et des Croates ?

23 R. Non, j'ai traité de l'histoire des Croates, des Musulmans, des Serbes,

24 des Juifs, de tous ceux qui vivaient en Bosnie-Herzégovine.

25 Q. Est-il exact M. Donia, que vous avez déposé en tant que témoin expert

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1 au tribunal dans plusieurs procès ?

2 R. C'est exact.

3 Q. D'après mes informations et je souhaiterais confirmer la chose avec

4 vous, vous avez déposé dans Galic, dans Brdjanin-Talic, dans Stakic, dans

5 Kvocka, Simic et Blaskic, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Il s'agit de procès qui concernait les Serbes et les Croates

8 uniquement, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous n'avez déposé dans aucun procès contre un Musulman, pour exemple,

11 bien que vous soyez un historien vous, qui vous êtes intéressé presque

12 exclusivement aux Musulmans ?

13 R. Non, je n'ai déposé -- effectivement, je n'ai déposé dans aucune

14 affaire où c'est un Musulman qui était assis aux boxes des accusés.

15 Q. Vous avez donc déposé en tant qu'expert, en tant qu'historien expert

16 dans des procès contre des personnes qui n'étaient pas musulmanes, mais

17 serbes ou croates, et en fait vous êtes expert s'agissant des questions

18 concernant les Musulmans, et pas les Croates, ou les Serbes, n'est-ce pas ?

19 R. Je vous ai déjà dit que j'estime que je suis expert d'une manière que

20 l'on peut considérer plus général. Je dirais ça concerne l'ensemble de

21 l'Europe de l'est sur le plan sociopolitique, et historique également. Et

22 j'ai écrit de nombreux articles sur les différents peuples de Bosnie-

23 Herzégovine. J'ai donné des cours à ce sujet.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je dois également signaler que pour

25 l'instant, il n'y a pas encore eu de procès qui se soit ouvert et dans

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1 lequel c'est un Musulman qui est mis en accusation. Donc il y aurait été

2 impossible pour le témoin de déposer dans un tel procès.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci beaucoup pour cette observation fort

4 utile, Monsieur May.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez poursuivons.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Dites-moi Monsieur Donia : A votre avis, quelles sont les qualités

8 requises pour être en mesure d'analyser les procès verbaux des sessions de

9 l'assemblée de la Republika Srpska ?

10 R. Il m'est arrivé par le passé, d'examiner, d'étudier les procès verbaux

11 des réunions des assemblées de l'époque austro-hongroise, de la période --

12 de période de l'entre de guerre, également pour -- de la période

13 socialiste, j'ai eu l'occasion de me pencher sur de tels procès verbaux, de

14 les utiliser dans le cadre de mes recherches. Et d'autre part, je connais

15 suffisamment les événements de manière générale, le contexte dans lesquels

16 ils se sont déroulés pour comprendre les références qui sont faites à

17 certains événements dans le cadre de ces débats parlementaires. D'autre

18 part, on peut dire que je suis une sorte de fanatique des documents, quel

19 qu'il soit, et je suis sans doute une des personnes qui a passé le plus de

20 temps à s'intéresser de manière très approfondie aux débats qui ont eu lieu

21 au sein de l'assemblée de la Republika Srpska.

22 Q. Vous conviendrez indéniablement qu'en plus de votre analyse historique,

23 ici nous sommes face à un sujet qui est éminemment politique ?

24 R. Oui c'est exact.

25 Q. Cependant, vous en n'êtes pas spécialiste de politicologie, de sciences

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1 politiques ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Et vous n'êtes pas sociologue non plus.

4 R. Non.

5 Q. Cependant, votre manque d'expérience professionnelle en matière de

6 sciences politiques ou de sociologie, ne vous empêche nullement de faire

7 des observations dans vos analyses au sujet de certains sujets évoqués lors

8 de cette réunion qui ont un caractère éminemment politique.

9 R. Mais ceci vaut pratiquement pour tous les historiens. Peu à peu, on

10 adopte une démarche professionnelle qui s'affine au fil des ans. Par

11 exemple, le professeur Milorad Ekmecic qui a été mon directeur de thèse à

12 Sarajevo, a réalisé une analyse excellente des origines sociales du

13 mouvement politique au 19e siècle parmi les Serbes en Bosnie, une analyse

14 excellente. Or, ce n'est pas quelqu'un que dont on dirait que c'est un

15 politologue. C'est un historien. Je pense que le fait de ne pas avoir tel

16 ou tel diplôme en science sociale, dans certains domaines des sciences

17 sociales, ne me disqualifie pas pour autant, ne m'empêche pas d'analyser

18 correctement ces sessions de l'assemblée.

19 Q. Fort bien. Est-ce que vous êtes président de la fondation de Donji

20 Vakuf ?

21 R. Oui.

22 Q. Il s'agit d'une fondation qui a été mise en place dans les années 1990,

23 n'est-ce pas ?

24 R. En 1997, me semble t-il.

25 Q. D'où vient ce mot "vakuf" ? Est-ce que cela fait référence à une

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1 municipalité en Bosnie, comment se fait-il que vous ayez donné le nom de

2 Donia Vakuf à cette fondation ? Parce que vous savez qu'en Bosnie on trouve

3 Donji Vakuf, Gornji Vakuf, et cetera. D'où vient le nom de cette

4 fondation ?

5 R. Oui, je vois. J'ai créé cette fondation sous le régime fiscal

6 américain, c'est une fondation familiale comme on dit. Cela signifie qu'on

7 peut lui faire des dons, mais que l'argent donné ou distribué par cette

8 fondation ne peut être distribué qu'à d'autres organismes qui ne sont pas

9 soumis à l'impôt. Et en mettant en place cette fondation, je voulais

10 indiquer quel était son objectif essentiel, c'est-à-dire d'aider à l'étude

11 des événements dans la région -- dans l'Europe du sud-est et j'ai pensé que

12 le nom de Donia Vakuf pourrait susciter le terme de Donji Vakuf dans les

13 oreilles de ceux qui l'entendraient et que ceci permettrait de voir la

14 relation entre ma fondation et ce que je souhaite effectivement faire.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que signifie "vakuf" en Serbe ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un terme qui vient de l'arabe "lakuf",

17 ça signifie "fondation." Et le "vakuf", c'est un concept qui existe depuis

18 de très nombreux siècles dans la région. Les ressources d'un vakuf sont

19 destinées à assurer le financement, l'entretien de telle ou telle

20 institution, de telle ou telle structure.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. En fait, cette expression vient de l'occupation Ottoman de ces régions,

24 n'est-ce pas, Monsieur Donia ?

25 R. En fait, ça remonte à beaucoup plus loin.

Page 26534

1 Q. Est-ce que cette fondation a permis le transfert de fonds par le

2 truchement, de fonds venant de certains pays islamiques sur les comptes du

3 gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Non. Les seuls fonds qu'a reçu cette fondation venaient de dons

5 personnels et cette fondation a fourni des fonds à l'université du

6 Michigan, à l'université St. Lawrence, ainsi qu'à une fondation concernant

7 le chargé du développement des entreprises à San Francisco et je ne pense

8 pas qu'on puisse parler, ici, de pays islamiques.

9 Q. Est-ce que vous avez connaissance d'un article qui est parti dans

10 Vecernji List à Zagreb, le 26 octobre 2000 ? L'auteur de cet article est un

11 historien croate Mladen Ancic qui est conseiller auprès de l'Académie

12 croate des sciences et des arts et qui est également professeur associé à

13 l'université de Zagreb.

14 R. Oui. Je connais cet article. Cet article ne contient que des

15 conjectures. Il s'agit d'affirmations inventées de toute pièce. Les dons

16 que je reçois et les fonds distribués par la fondation Donja Vakuf sont

17 communiqués chaque année au Service des impôts américain. Ceci est très

18 clair. Et l'argent donc, que reçoit cette fondation vient de moi et est

19 distribué aux institutions que j'ai mentionnées il y a quelques instants.

20 Je peux vous fournir les documents. Je ne sais pas si les Juges le

21 voudraient vraiment. Mais en tout cas, il est très clair que cet article

22 contient des déclarations qui n'ont absolument aucune, pas lieu d'être. Et

23 d'ailleurs cet article est paru peu après ma déposition dans une autre

24 affaire jugée par le Tribunal.

25 Q. Pouvez-vous commenter ce qu'il nous dit. Je vais vous le citer, vous

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1 avez lu l'article. Il dit, je cite : "L'Accusation ou le Procureur à La

2 Haye, par le truchement de son expert en histoire

3 M. Donia, prononce des jugements historiques extrêmement graves alors que

4 cet homme a travaillé 20 ans comme employé de banque." Et il continu son

5 article en disant : "On peut se faire une idée très juste de sa crédibilité

6 en sachant qu'il est lié à cette fondation. Et il faut d'autre part dire,

7 que Donia écrit des articles sans bénéficier de la structure universitaire

8 adéquate et sans mentionner ces sources directes ou indirectes."

9 Pouvez-vous nous faire vos observations suite à ce que je viens de lire de

10 cet article publié par un universitaire croate ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne vous donnez même pas la peine de

12 répondre aux propos insultants qui sont contenus dans cet article. Ceci

13 n'est vraiment pas nécessaire. Il nous donne plutôt une idée de l'auteur de

14 cet article, lui-même, que de la véracité des propos qu'il tient. C'est mon

15 opinion.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cet article est tout à fait insultant et

17 faux à l'exception d'une affirmation. Il est vrai qu'effectivement, j'ai

18 présenté des arguments juridiques ou des écritures, enfin, à ce Tribunal,

19 sans notes de bas de pages, dans l'affaire Kordic. Parce que j'avais le

20 sentiment, à l'époque, que ce n'était pas la manière appropriée de procéder

21 dans le cadre de l'étude historique qu'on m'avait demandée. Donc, ça c'est

22 vrai. Mais tout le reste, tout ce qu'on peut lire, sinon dans cet article,

23 est inventé de toute pièce.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Donia, sachez bien qu'il n'a jamais été dans mon intention de

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1 vous insulter. Mais là où je voulais en venir, c'est la chose suivante,

2 c'est que cet universitaire croate nous dit que vous produisez des opinions

3 d'experts sans mentionner vos sources directes ou indirectes, sans avoir

4 recours à une structure universitaire quelconque. Vous l'avez confirmé,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Je vous remercie pour votre observation quand vous me dites que

7 vous ne souhaitez pas m'insulter.

8 Comme je l'ai dit, effectivement, lors d'une de mes interventions de ce

9 Tribunal, je n'ai pas utilisé une approche universitaire orthodoxe. Mais

10 dans tous les autres rapports que j'ai préparés, ça a été le cas. J'ai

11 toujours fourni de nombreuses notes de bas de pages indiquant quelles

12 étaient les sources, des sources qui souvent étaient déjà publiques et qui

13 auxquelles avaient accès le bureau du Procureur, d'ailleurs.

14 Q. Pour en finir avec cette partie de mon contre-interrogatoire qui a

15 trait à votre curriculum vitae, vu vos activités au cours des 20 dernières

16 années et le contexte dans lequel tout cela s'est déroulé ainsi que vos

17 centres d'intérêt, je voudrais savoir si dans ces conditions, vous estimez

18 que vous avez une approche objective lorsque vous examinez la question sur

19 laquelle vous demande de vous penchez la partie adverse, contre les Serbes

20 donc ?

21 R. Oui. Moi, mon objectif c'est d'être objectif justement et de faire

22 reposer toutes les conclusions que je donne sur des éléments documentaires

23 ou des déclarations que je fournis. Voilà mon objectif et de mon mieux,

24 j'essaie de remplir cette mission auprès du Tribunal et de répondre à

25 toutes les questions qui peuvent m'être posées par l'Accusation ou par la

Page 26537

1 Défense.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il convient de préciser une chose :

3 Monsieur Milosevic, vous dites que dans votre question qu'on a demandé au

4 témoin de déposer "contre les Serbes". Or ici, c'est vous qui êtes en

5 accusation et si le témoin dépose contre qui que ce soit, cela ne peut être

6 que contre vous éventuellement, et non pas contre les Serbes. Je

7 souhaiterais que ceci soit tout à fait clair.

8 Passez à votre question suivante, s'il vous plaît.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Bien, Monsieur May. Si tous les procès

10 verbaux des débats de l'assemblée de la Republika Srpska constituent un

11 élément de preuve à charge contre moi, de 1992 à 1993, et bien, qu'il en

12 soit ainsi.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Donia, dans l'introduction de votre rapport d'expert,

15 "Assemblée de la Republika Srpska 1992-1995", temps forts et extraits que

16 vous avez donc choisi sur la base des documents qui couvrent toute cette

17 période, vous nous dites que l'assemblée, l'assemblée serbe de Bosnie,

18 c'est ainsi que vous l'appelez, c'est l'assemblée nationale de la Republika

19 Srpska, vous nous dites qu'il s'agissait de l'organe suprême de décisions

20 dans le cadre de sessions de travail fréquent mais irrégulières. Je

21 voudrais donc vous poser la question suivante : Avant d'analyser les débats

22 de cette assemblée, avez-vous lu la constitution de la Republika Srpska

23 puisqu'il s'agit du document juridique par excellence, numéro un, qui

24 s'applique à cette institution ?

25 R. Je vais d'abord répondre à ce que vous avez dit en introduction à votre

Page 26538

1 question. J'ai qualifié, j'ai appelé cette institution "L'assemblée serbe

2 de Bosnie" parce que cette assemblée a changé à très nombreuses reprises de

3 nom à partir de 1992. Au début, en 1991, il s'agissait de l'assemblée du

4 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Ensuite, cette assemblée a été

5 rebaptisée et d'ailleurs ceci dans l'ordre de changements constitutionnels

6 que vous venez d'ailleurs de mentionner, oui, effectivement, j'ai lu la

7 constitution de la Republika Srpska. Bien entendu, il était du devoir de

8 l'assemblée d'étudier, d'approuver éventuellement toutes modifications de

9 cette constitution. De nombreux débats ont eu lieu à ce sujet et de

10 nombreux amendements ont été adoptés lors de ces sessions.

11 Q. Vous avez donc lu la constitution de la Republika Srpska ? Est-ce qu'il

12 est incontesté que l'assemblée de la Republika Srpska, en tant qu'instance

13 suprême du point de vue législatif, agissait et fonctionnait conformément à

14 la dite constitution, laquelle prévoyait les débats et les activités de

15 cette instance ?

16 R. Je ne suis pas qualifié pour me prononcer sur le plan du droit pour

17 déterminer si les décisions prises étaient conformes à la constitution. De

18 façon générale, la constitution prescrit et établit, définit les

19 compétences de l'assemblée.

20 Q. Avez-vous également examiné et lui les règlements de procédures de

21 l'assemblée --

22 R. Oui.

23 Q. -- de façon à mieux connaître les principes de fonctionnement, la façon

24 de prendre les décisions au sein de l'assemblée ?

25 R. Oui.

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1 Q. Est-ce qu'il est incontesté que l'assemblée de la Republika Srpska,

2 tout à l'instar de la Republika Srpska, a été créée au cours de la période

3 que vous mentionnez ? Il n'est pas contesté, n'est-ce pas, que l'assemblée

4 a fonctionné dans un contexte de guerre, de sanctions économiques autant de

5 situations tout à fait exceptionnelles, inusitées ?

6 R. Je ne suis pas trop sûr d'avoir bien compris le sens de votre question.

7 Q. Je vous ai demandé s'il était contesté ou plutôt incontesté que cette

8 assemblée, tout comme ce fût le cas pour l'entièreté, la totalité de la

9 Republika Srpska, a été créée, a fonctionné, a pris des décisions dans des

10 conditions de guerre et de sanctions économiques imposées par la communauté

11 internationale, en d'autres termes, dans des circonstances tout à fait

12 particulières ?

13 R. Je crois que vous posez au moins deux questions; la première concerne

14 l'assemblée de la Republika Srpska; la seconde, la Republika Srpska elle-

15 même. En fait, ces deux entités ont été créées à des moments différents et

16 dans des circonstances qui elles aussi étaient différentes.

17 L'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, c'est comme ça qu'on l'a

18 appelé au départ, elle a été créée le 24 octobre 1991 et ce sont les

19 délégués de nationalité serbe qui venaient surtout du SDS, qui avaient fait

20 scission, qui avaient abandonné l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, de la

21 république de Bosnie, qu'il avait constitué, qui voulait constitué leur

22 propre organe tout en restant membre et délégué de l'autre assemblée. Et

23 ceci jusqu'au 24 octobre 1991.

24 Quant à la Republika Srpska, la première proclamation de celle-ci et sa

25 formation sont intervenues le 1er janvier 1992 -- ce sont les membres de

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1 l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine qui l'ont proclamée. Nous

2 parlons donc d'une époque où la guerre n'avait pas encore commencé en

3 Bosnie. Donc pour ce qui est de cette partie-là de votre question, là où

4 vous demandiez si elles avaient constitué dans un contexte de guerre et de

5 sanctions internationales, ce n'est pas vrai, ce n'est pas le cas.

6 S'agissant maintenant du fonctionnement de l'assemblée, ce fonctionnement

7 couvre une période que j'ai examinée, et au cours de cette période, les

8 circonstances qui prévalent sont surtout des circonstances de guerre, à bas

9 bruit parfois, et quelques fois de guerres intenses, et à l'exception de la

10 dernière réunion -- de la dernière séance qui suit la signature de l'accord

11 de paix de Dayton.

12 Q. Dissipons ce malentendu, Monsieur Donia, moi quand je parle de cette

13 période, je pense à la période que vous, vous avez analysé, de 1992 à 1995,

14 et je parle des circonstances qui prévalaient à ce moment-là au cours de

15 cette période. C'est là-dessus que portait ma question. Vous n'avez pas

16 analysé la période précédente, vous avez uniquement étudié la question pour

17 l'après 1992-1995.

18 R. Toutes ces réunions, toutes ces sessions, sauf la dernière, se sont

19 déroulées dans une situation de guerre. La première c'est la 16e, qui s'est

20 tenue le 12 mai 1992, cette session s'est déroulée avant que ne soit

21 imposées les sanctions internationales parce que ceci a fait, je pense,

22 l'objet de la résolution du conseil des Nations Unies 757 et celle-ci a été

23 prise le 30 mai. Mise à part cela, je suis d'accord pour dire que ces

24 sessions de l'assemblée se sont déroulées dans de telles circonstances.

25 Q. Fort bien. Puisque nous sommes d'accord là-dessus, je vous demande ceci

Page 26541

1 : Est-ce qu'il n'est pas incontesté qu'au cours de la période que vous

2 avez mentionnée, en dépit de l'état de guerre, des difficultés économiques,

3 sociales et autres qui prévalaient, il y a eu des sessions fréquentes de

4 l'assemblée ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce qu'il n'est pas aussi incontesté que la Republika Srpska et son

7 assemblée était le résultat d'une option choisie par le peuple serbe de la

8 Republika Srpska, notamment, une conséquence d'un référendum -- c'était

9 donc une décision au quelle le peuple de la Republika Srpska était parvenu

10 par voie de référendum ?

11 R. Oui. Je ne dirais pas c'était incontesté, je dirais que c'est une

12 décision comprise. Certains Serbes de Bosnie qui ont affirmé parler au nom

13 du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.

14 En tant que tel le référendum, il avait une tenue bien spécifique, ceci a

15 été souvent cité par les dirigeants de l'assemblée de la Republika Srpska

16 comme étant en fait l'aval donné à leurs actions et la justification de

17 celles-ci, mais on peut dire que le référendum se composait de deux

18 questions -- la question de l'indépendance et le fait de savoir si elle

19 faisait partie de la Yougoslavie, si je me souviens bien. Ce n'était pas

20 une carte de visite en blanc, ou une carte en blanc donné pour ce qu'allait

21 faire ensuite l'assemblée des Serbes de Bosnie. Ce n'était pas le cas.

22 Q. Ce n'est sûrement pas ce que j'affirme. Je ne dis pas que c'était une

23 autorisation générale, donnée pour ce qui c'est passé au sein de

24 l'assemblée. Mais, soyons plus précis, pensez-vous que de par les travaux

25 de l'assemblée, au cours de cette période que vous avez analysée, la

Page 26542

1 volonté de ceux qui ont été élus par les citoyens au cours de ces

2 élections, que ceux-ci représentaient bien, exprimaient bien la volonté,

3 les sentiments, les besoins, les intérêts du peuple. Je ne sais pas combien

4 y avait de députés à cette assemblée - je crois que vous avez ce genre de

5 renseignements - étant élus, et c'étaient des élection libres et

6 pluripartites en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

7 R. Je ne vois pas trop en quoi consiste votre question. Pourriez-vous la

8 préciser ?

9 Q. Oui. Je vais vous le dire autrement. Vous avez analysé une certaine

10 période. Au cours de cette période, si nous regardons les travaux de

11 l'assemblée, est-ce qu'on peut dire que ce sont les parlementaires qui

12 travaillaient et qui avaient été élus, à l'occasion d'élections

13 pluripartites ? Qu'ils avaient été élus par les citoyens qui avaient

14 exprimé leur volonté, que c'étaient leurs concitoyens qui les avaient

15 choisis et que ces parlementaires exprimaient la volonté de ses citoyens

16 puisqu'ils les représentaient ?

17 R. Il y a plusieurs parties dans cette question que vous me posez, me

18 semble-t-il. L'assemblée des Serbes de Bosnie, comme je l'appelle, se

19 composait de la plupart de personnes de nationalité serbe qui avaient été

20 élues à l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine, à l'occasion des élections

21 pluripartites, du 18 novembre 1990. Il y avait certains Serbes qui avaient

22 été élus dans le cadre d'autres parties que le SDS et le SPO, si je ne me

23 trompe pas. Et certains de ceux-là n'ont pas rejoint l'assemblée serbe de

24 Bosnie. Les dirigeants de celle-ci ont toujours affirmé -- parlé au nom du

25 peuple serbe et c'est toujours ce qu'ils ont dit de façon catégorique. Mais

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1 ce n'était pas tout à fait exact, étant donné qu'il y a des Serbes qui

2 avaient été élus en 1990, qui n'ont pas rejoint la dite assemblée.

3 Je pense qu'il y avait un autre volet à votre question. Vous laissiez

4 entendre que ces personnes représentaient la volonté du peuple -- de la

5 population. Ce n'était pas toujours le cas, de façon absolue, quelle que

6 soit l'instance représentative. Difficile de savoir ce que veut le peuple.

7 C'est vrai aussi pour les députés de l'assemblée. Est-ce qu'ils ont fait

8 cette information de façon absolue ? Peut-être, mais je ne sais pas s'ils

9 l'ont toujours fait, à savoir, représenter les intérêts de la population.

10 Q. Mais est-ce qu'ils disposaient d'une base légale et légitime, leur

11 permettant de se considérer comme des parlementaires

12 -- des députés puisqu'ils avaient été élus.

13 R. Oui. Ils avaient cette base légitime puisqu'ils avaient été élus en

14 tant que parlementaires à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Et ils ont

15 utilisé cette autorisation -- ou cet aval, comme étant une chose qui leur

16 permettait de s'estimer tout à fait autorisés à représenter leur électorat

17 à l'assemblée de la Republika Srpska.

18 Q. Fort bien. C'est l'explication que vous fournissez. Je n'ai pas de

19 liste -- ou comment dire -- de ventilation des parlementaires, en fonction

20 de leurs partis. Mais essayez de vous en souvenir parce que vous avez parlé

21 de Milorad Dodik, et vous dites qu'il a quitté l'assemblée, Kalinic aussi.

22 Mais je pense que ni Kalinic, ni Dodik ne faisait partie du SDS, ni du SPO.

23 Si je ne m'abuse, Kalinic, était du Parti réformateur, ou plutôt des partis

24 des forces réformatrices, quelque chose de ce goût-là. Et Dodik était

25 membre du Parti social démocrate. En tout cas, ce n'étaient pas des membres

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1 du SDS. Il y en avait d'autres, des députés de ce genre.

2 R. Oui, oui. Je crois que vous ne vous trompez pas, d'après ce que j'ai pu

3 constater dans les archives. Kalinic était un député libre. Avant

4 l'assemblée, il était membre du Parti réformateur, mais, vous le voyez, il

5 y avait un club ou un groupe d'indépendant, pour ce qui est de l'année

6 1995, et il y avait des parlementaires qui n'étaient pas du SDS, qui

7 n'étaient pas du SPO. Je crois qu'on le voit. Sept parlementaires ont formé

8 une faction d'indépendante parce qu'ils avaient une critique à émettre à

9 l'égard des dirigeants du SDS, à l'époque.

10 Q. Fort bien. Deuxième paragraphe, de vos propres préliminaires, vous y

11 dites qu'en dépit de tout ce que nous venons de dire, en rapport avec ces

12 parlementaires, l'assemblée a, malgré tout, adopté pratiquement toutes les

13 mesures proposées par les dirigeants par interaction. C'est bien ce que

14 vous écrivez, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Et vous êtes au courant du fait -- en tout cas, c'est ce que j'ai cru

17 comprendre de vos propos -- c'est que la plus grande partie des députés de

18 l'assemblée de la RS faisaient partie du SDS. On parle ici d'une écrasante

19 majorité de représentants au parlement, n'est-ce pas ?

20 R. Exact.

21 Q. Par conséquent, tous les autres se trouvaient dans la minorité -- par

22 rapport au SDS, étaient minoritaires ?

23 R. Oui. Quelques uns d'entre eux, au fil du temps, au cours de cette

24 époque, ont rejoint le SDS.

25 Q. Je ne vais pas aborder ce sujet maintenant, mais si vous avez des

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1 parlementaires qui appartenaient à un parti, qui sont élus, et bien, ces

2 parlementaires représentent -- expriment la volonté des personnes qui les

3 ont élus ?

4 R. Les représentants -- les élus de ces partis ont recueilli la majorité

5 des voix. Je parle ici des électeurs serbes qui se sont prononcés au cours

6 des élections de 1990, effectivement.

7 Q. Fort bien. Et il est incontesté, n'est-ce pas, que le plus grand nombre

8 des personnes occupant des postes de direction était du SDS.

9 R. Ils étaient tous du SDS. Si vous parlez de dirigeants, si vous pensez

10 au président, au vice-président de la Republika Srpska, il arrivait que tel

11 ou tel ministre soit dans notre parti. Par exemple, Kalinic, il venait du

12 Parti réformateur. Il est devenu ministre de la Santé. Mais rares étaient

13 ces cas; pratiquement, tous les postes clés étaient occupés par des membres

14 du SDS.

15 Q. On parle donc ici du plus grand nombre de ces postes. Kalinic était

16 médecin. Il est donc devenu ministre de la Santé. Il était du Parti

17 réformateur ?

18 R. Oui.

19 Q. A ma connaissance, l'assemblée a pris des décisions à partir de

20 propositions -- de projets qui étaient élaborés par les factions politiques

21 représentées à l'assemblée. Il y avait les parlementaires du SDS qui

22 constituaient la vaste majorité. Les parlementaires et les autres partis

23 avaient leur propre faction, mais ce n'était qu'une infime minorité, n'est-

24 ce pas ?

25 R. Oui.

Page 26546

1 Q. Il y a des projets de lois qui ont été déposés, des votes ont eu lieu,

2 et ceci reflétait bien les rapports de force, au sein de l'assemblée, par

3 rapport au parti dont étaient issus ces parlementaires. Est-ce que ce que

4 vous dites n'est pas illogique ? Vous dites que, dans la plupart des cas,

5 ils ont adopté des propositions faites par les dirigeants, mais, puisqu'ils

6 étaient majoritaires, qu'ils avaient été élus à l'issue d'élection. N'est-

7 ce pas ce qui se fait dans la plupart des parlements du monde ? Ceux qui

8 sont majoritaires, ils ont leur propre politique qu'ils font adopter.

9 R. Vous demandez s'il y a quoique ce soit d'illogique dans cela, c'est

10 votre premier volet. Tout ce que j'ai à dire c'est que souvent j'ai été

11 surpris pour l'unanimité totale ou relative des voix prononcées. Beaucoup

12 de parlementaires avaient auparavant exprimé leur scepticisme ou bien leur

13 opposition par rapport au tel ou tel projet de loi, par rapport au tel ou

14 tel politique, et c'était souvent le cas pour ce qui est des différents

15 plans de paix soumis pour discussion à l'assemblée des Serbes de Bosnie.

16 Beaucoup de députés se sont opposés à tel ou tel disposition de ces

17 projets; l'on dit quelques fois de façon assez musclée, mais, enfin de

18 compte, ont voté en faveur du projet de résolution proposé par les

19 dirigeants. Ce n'était peut-être pas aussi logique que ce à quoi je me

20 serais attendu.

21 Mais pour ce qui est du second volet d'autres questions, je vous dirais que

22 c'est la pratique effectivement dans la plupart des sociétés démocratiques,

23 les parties où les parlementaires respectent la politique imposée par leur

24 partis, et approuvent en fonction de cela les projets de loi qui sont

25 proposés au niveau législatif.

Page 26547

1 Q. Mais vous dites vous-même qu'il s'était régné au cours de ces sessions

2 un climat assez remarquable d'ouverture, que souvent on avait critiqué, que

3 ce soit Mladic ou Karadzic, ces mêmes dirigeants ?

4 R. C'est vrai.

5 Q. Vous avez passé en revue les sessions à huis clos et les sessions qui

6 se faisaient de façon publique. Est-ce que vous vous êtes dit qu'il régnait

7 un climat particulièrement ouvert, marqué de sincérité et d'auto critique,

8 de même que de critique pour ce qui est des huis clos ?

9 R. Oui, il y avait davantage d'ouvertures, sans nul doute.

10 Q. Et les intervenants n'ont pas épargné leur critique envers les

11 dirigeants au moment des scissions publiques, n'est-ce pas ?

12 R. Ça s'est passé de temps à autre, mais c'était beaucoup moins pointu en

13 règle générale que les commentaires formulés à huis clos.

14 Q. Très bien. La première session que vous avez analysée c'est celle du 12

15 mais 1992 qui s'est tenue à Banja Luka, n'est-ce pas ? Vous étudiez les

16 débats qui ont eu lieu, les décisions adoptées à cette occasion, mais je

17 dois dire que vous avez procédé à une sélection très importante. Vous avez

18 retenu uniquement certains sujets que vous estimiez très importants, n'est-

19 ce pas ?

20 R. Oui, j'ai conclu que les deux questions clé de cette session de

21 l'assemblée étaient celles-ci : la confirmation de la désignation du

22 général Mladic au poste du commandement suprême de l'armée de la VRS, et la

23 création de la VRS du même coup, ainsi que l'établissement des six

24 objectifs stratégiques. C'étaient les deux sujets qui ont prédominé.

25 Mais permettez-moi de vous livrer un commentaire d'ordre général pour ce

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1 qui est du contexte et de la quantité de pages que représente ce compte

2 rendu. Je suis d'accord avec vous, c'est là un domaine ou une somme

3 d'informations considérables. J'aurais voulu pouvoir présenter un rapport

4 de 1 200 pages à ce sujet, mais je pense que les juges n'auraient pas

5 apprécié mon effort, ni les Juges, ni le bureau du Procureur, telle n'était

6 pas ma mission. Cependant, il est extrêmement important. C'est vrai de

7 savoir dans quel contexte ces déclarations se font. Je me suis efforcé de

8 circonscrire les sujets les plus importants évoqués au cours des débats, en

9 fonction de la pertinence de la mission qui m'était donnée, pour dire

10 quelle était l'importance de tel ou tel sujet au cours de telle ou telle

11 session. Si le contexte était à ce point obscure, que moi-même je ne le

12 comprenais pas, je ne l'ai pas repris, et le contexte il apparaît

13 clairement, soit à la lecture de l'extrait choisi où il sera facile de le

14 déterminer, par quelque chose apparentée, l'espèce de compromis entre la

15 somme de quantité de documents que je vais utiliser et les rubriques que je

16 devais inclure dans mon rapport.

17 Q. Certes, mais moi pour le moment j'espère que nous pourrons parcourir de

18 la façon la plus efficace possible toutes ces séances, mais souvent vous

19 les réduisiez à quelques citations à peine, et vous saviez vous-même que

20 c'est là un handicap, un obstacle émis sur une idée d'ensemble. Vue que ce

21 que vous dites, on a l'impression qu'un des principes directeurs de votre

22 analyse, c'était de sélectionner des sujets et de les évoquer au moyen de

23 phrases qui vous semblaient lourdes de sens, afin d'illustrer la

24 signification ou l'importance du sujet, sujet qui selon vous était le plus

25 important.

Page 26549

1 R. Je me perds un peu là dans cette question. J'ai essayé de choisir des

2 extraits qui portaient sur les sujets clés, et qui seraient dans la mesure

3 du possible l'expression la plus claire de tel ou tel point de vue ou de

4 telle analyse dans un sujet donné.

5 Q. Je vais prendre un exemple. C'est quelque chose que vous-même vous

6 avez choisi. Moi je n'ai même pas physiquement eu la possibilité -- pas la

7 moindre possibilité de lire tous ces procès verbaux, donc moi je me fie sur

8 ce que vous vous nous avez fourni. J'en reviens à la page 5. L'intitulé de

9 cette session est celui-ci : "Nettoyage complet de -- si on nettoyait, on

10 élimine tous ceux qui ne sont pas Serbes, ce serai du génocide." Il est

11 clair que le nettoyage sur une base ethnique serait du génocide, nul ne

12 peut affirmer le contraire.

13 Et puis vous donner des chiffres, vous parlez du général Mladic, donc je

14 suppose que ceci indique l'endroit où ceci est dit dans l'enregistrement

15 sur le CD, et le général Mladic au cours de cette intervention a dit la

16 chose suivante : "La population et les peuples ne sont pas des pions, ce ne

17 sont pas non plus des clés qu'on a dans la poche, et qu'on peut déplacer

18 d'un endroit à un autre… Nous ne pouvons pas mener la guerre sur tous les

19 fronts, ni non plus contre toutes les populations ou tous les peuples. Je

20 propose que nous fassions nôtre cette sagesse, à savoir qu'il ne faut pas

21 partir en guerre, mais que, si nous sommes attaqués, nous allons nous

22 défendre. Nous ne voulons pas faire la guerre contre les Musulmans, en tant

23 que peuple, ni contre les Croates, en tant que peuples, mais bien contre

24 ceux qui ont commencé cette guerre et qui ont dressé les peuples l'un

25 contre nous." Voilà ce que dit le général Mladic. Il souligne le fait qu'il

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1 ne veut pas partir en guerre contre les Musulmans, en tant que peuple, ni

2 contre les Croates, en tant que people ou nation.

3 Il poursuit, cependant, en disant : "Nous n'avons pas une façon de tamiser,

4 un tamis qui nous permettrait de garder uniquement les Serbes parce que

5 faire cela reviendrait à un génocide." Il ne veut pas lutter contre les

6 Musulmans, en tant que peuple, ni contre les Croates, en tant que peuple,

7 parce que cela reviendrait à un commettre un génocide. Et ceci ne

8 correspond pas du tout à l'intitulé que vous donnez, à savoir que "le

9 nettoyage complet de tous les non-Serbes" serait un génocide. Aucune

10 référence n'est faite au "nettoyage complet de tous les non-Serbes". Ce

11 titre, c'est une interprétation que vous, vous faites de façon libre,

12 n'est-ce pas, Monsieur Donia ?

13 R. J'essaie en quelques mots, se faisant, de résumer la substance de

14 l'intervention de l'orateur quelle qu'il soit. Vous savez, ce n'est jamais

15 facile de faire un titre; cependant, ici j'ai essayé de saisir cette idée,

16 à savoir qu'on ne peut pas faire de nettoyage, ni de tamis pour tamiser. Ce

17 concept me pousse à choisir comme titre : "Le nettoyage complet de tous les

18 non-Serbes serait un génocide." Et je crois que ceci saisit bien

19 l'incandescence des propos de l'orateur.

20 Q. Fort bien. Mais vous convenez, n'est-ce pas, de ce que Mladic ne dit

21 nulle part "nettoyage complet de tous les non-Serbes" ? C'est donc là

22 quelque chose qui est votre perception, pourtant vous faites une citation.

23 Et là on voit que Mladic dit : "Nous ne voulons pas de guerre contre les

24 Musulmans, en tant que peuple, ni contre les Croates, en tant que peuple."

25 Est-ce que ce n'est pas vrai, Monsieur Donia ? Vous, vous avez choisi des

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1 termes pour en faire un titre qu'on ne trouve pas dans le discours.

2 R. C'est exact. Un titre n'est jamais -- ou n'est rarement qu'une citation

3 venant d'un discours. C'est une tentative de synthèse des points clés de ce

4 discours.

5 Q. Mais est-ce qu'il est contesté, Monsieur Donia, que Mladic ne se

6 contente pas de condamner le génocide. En outre, il dit qu'une telle chose

7 reviendrait à commettre un génocide. De plus, est-ce qu'il n'exprime pas

8 l'absence complète de toute volonté de mener une guerre contre les peuples

9 croates et musulmans ? Est-ce ce n'est pas là l'incandescence du discours

10 de Mladic ? Il ne se contente pas de condamner le génocide, mais il montre

11 qu'il y a absence de toute volonté de mener la guerre contre les Musulmans

12 et les Croates.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous sommes tous à même de lire ce texte.

14 Je ne pense pas ou, du moins, je pense que, si vous polémiquez avec ce

15 témoin, ça va vous prendre beaucoup de temps. Nous sommes tout à fait à

16 même de lire le titre et de lire ce qu'a dit le général Mladic.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Donia, pourriez-vous nous

18 expliquer pour quelle raison avez-vous exclu dans vos extraits cette phrase

19 en particulier, donc le passage où il est dit : "Nous ne souhaitons pas

20 faire la guerre aux Musulmans, en tant que peuple" ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi je ne l'ai pas inclus dans le titre

22 le sous-titre ?

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas cette phrase dans les

24 extraits.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, lorsqu'on prend des extraits

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1 malheureusement, on est obligé de réduire le corpus. En fait, le point qui

2 m'a intéressé au premier chef dans les propos de M. Karadzic, c'était de

3 voir qu'il connaissait parfaitement le concept du génocide et il était en

4 train de dire : nous ne pouvons pas faire cela, nous ne pouvons pas faire

5 la guerre à un peuple, que ce soit des Musulmans ou des Croates, si nous

6 faisions cela, ce serait un génocide.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

8 M. GROOME : [interprétation] Si cela peut aider la Chambre, je tiens à dire

9 que nous avons le paragraphe entier de ces propos dans le rapport que le

10 bureau du Procureur présente comme élément de preuve.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vois.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Donc ce qu'on voit ici, exprimée de manière tout à fait claire, c'est

14 la position d'un homme qui, pendant des années, a été le chef d'état major

15 de l'armée serbe, qui a été soldat et leader du peuple serbe, et je parle

16 là du général Ratko Mladic. C'est bien cela ?

17 R. Je crois qu'il l'a dit très clairement le 12 mai 1992, oui.

18 Q. Bien. Mais, maintenant, je ne veux pas rentrer dans le détail de ces

19 questions concernant les six objectifs stratégiques ou de ces six idées

20 principales de la Parti serbe en Bosnie-Herzégovine puisque vous le citez

21 comme ayant été formulé lors de cette même session. Mais je veux savoir,

22 Monsieur Donia, s'il y a le moindre endroit où Radovan Karadzic cite comme

23 objectif la création d'une soit disant Grande Serbie. La partie adverse a

24 d'ailleurs l'habitude d'utiliser à mauvais escient souvent cette

25 formulation. Donc a-t-il mentionné à un endroit, quel qu'il soit, la

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1 création de la Grande Serbie ?

2 R. Si vous me permettez de revenir à ce qui précède votre question, et

3 bien, vous savez, la formulation objective, stratégique ne vient pas de

4 moi. Ce sont les dirigeants serbes et les représentants à cette assemblée

5 qui ont baptisé ainsi cette résolution. Quant à moi, je n'ai pas trouvé de

6 référence à la Grande Serbie dans les déclarations de Radovan Karadzic lors

7 de la 16e session. Ce terme, il l'a cependant utilisé à d'autres occasions

8 et je pense que nous pouvons trouver cela dans les temps forts, donc qui

9 sont contenus dans ce document. Donc ce n'est pas lors de sessions de

10 l'assemblée qui l'a utilisé, mais je suis au courant d'autres moments où il

11 l'a fait.

12 Q. Je ne vois pas à quel autre moment il l'aurait utilisé. Moi je ne l'ai

13 jamais entendu utiliser ce terme. Pouvez-vous me préciser un moment où il

14 l'aurait fait ?

15 R. En mars 1991, Karadzic s'est adressé à un rassemblement à Banja Luka et

16 c'était à l'époque -- il me semble que c'était en mars -- mars/avril 1991 -

17 - donc c'était le moment où il s'est adressé à un rassemblement à Banja

18 Luka et, très explicitement, il s'est montré favorable à la Grande Serbie.

19 Et je pense que, dans le journal Glas de l'époque, ceci figurait. Enfin,

20 c'est de là que je l'ai appris et dans les commentaires, il disait que de

21 manière ouverte, il venait de se proclamer favorable à la Grande Serbie.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pouvez-vous nous dire quelque chose

23 au sujet de la 42e session de l'assemblée ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est l'extrait dans lequel il utilise

25 réellement, effectivement, cette formulation.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En page 138, version B/C/S. C'est la

3 page 66 en version anglaise.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est une référence qui réfère à une note

5 en B/C/S, Monsieur le Juge.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Vous avez raison.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Vojinovic. Non. Ce n'est pas M.

8 Karadzic, excusez-moi. Ce n'est pas lui l'auteur de ces propos.

9 Mais au point 138 -- donc la note 138, page 66, vous avez une référence à

10 l'entretien qu'il a eu à Londres avec Kozirev : "Nous l'avons rencontré

11 avant la guerre et nous lui avons demandé s'il était prêt à accepter les

12 frontières à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine dans ces circonstances,

13 en sachant que ceci ne nous permettrait pas l'unification et une grande

14 Serbie, en sachant que nous devions faire cela étape par étape.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Karadzic déclare ici : "Kozirev nous a trompé à Lisbonne. Nous l'avons

17 rencontré avant la guerre et il nous a demandé si nous pouvions accepter

18 les frontières extérieures de la Bosnie-Herzégovine dans ces conditions…"

19 C'était ça sa question. Donc, dans ces conditions-là, et compte tenu du

20 fait qu'il n'allait pas nous accorder la grande Serbie et l'unification, en

21 sachant que nous devions procéder par étape pour obtenir des frontières

22 intérieures pour que ce soit une fédération, pour que nous puissions avoir

23 notre république au sein de cette co-fédération."

24 Et là, la chose importante de ce paragraphe, qui lui aussi montre les

25 choses de manière fragmentaire, et bien, est que Kozirev acceptait les

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1 frontières extérieures de la Bosnie-Herzégovine et nous sommes au courant

2 de ce plan de Lisbonne. Nous le connaissons bien à condition qu'il y ait

3 des frontières intérieures entre les entités en Bosnie-Herzégovine. N'est-

4 ce bien cela, Monsieur Donia ? Quant à ce que Kozirev lui dit, à savoir

5 qu'ils ne leur accorderont pas la grande Serbie, et cetera, mais cela ne

6 vient pas de Karadzic. Karadzic n'est pas en train de demander -- d'exiger

7 la Grande Serbie.

8 R. Il me semble que le texte parle pour lui-même. Il est tout à fait

9 possible d'interpréter ce texte -- enfin ces propos, comme étant ceux qui

10 ne sont pas complémentaires avec ceux de Kozirev. Karadzic savait qu'il

11 n'allait pas nous -- nous -- à savoir, aux Serbes de Bosnie -- donner la

12 possibilité d'atteindre cet objectif, à savoir, l'unification serbe. Mais

13 je crois de toute façon que le texte se suffit à lui-même.

14 Q. Oui, je crois qu'il se suffit. C'est la raison pour laquelle je l'ai

15 cité. Mais pour ne pas nous attarder là-dessus, il y a un instant, nous

16 avons vu chez Mladic qu'en fait vous avez choisi pour votre chapeau quelque

17 chose que Mladic n'a pas dit et, lorsque vous commentez la session qui

18 s'est tenue à Jahorina -- la 16e [sic] session, donc c'est en avril 1992

19 [sic], là vous prenez l'extrait de Karadzic et c'est votre titre : "Grâce à

20 l'armée populaire yougoslave et à la Défense territoriale, nous avons

21 atteint nos objectifs de guerre." C'est ça la citation, donc de manière

22 tout à fait explicite, c'est ce que vous mettez dans votre chapeau : "Grâce

23 à l'armée populaire yougoslave et grâce à la Défense territoriale, nous

24 avons atteint nos objectifs de guerre."

25 Or voici ce que dit en réalité Karadzic : "Messieurs, c'est en page qui se

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1 termine par ERN 201, il s'agit de la 17e session, donc Karadzic : "Après le

2 retrait des officiers yougoslaves, le peuple serbe -- et après le départ

3 d'un grand nombre de personnes qui ont quitté ce territoire, alors qu'ils

4 n'auraient pas dû le faire et ce n'était pas nécessaire, compte tenu des

5 questions et des possibilités de le faire avec les officiers qui sont

6 restés et il s'est organisé et ils ont à notre avis -- très important --

7 joué un rôle très important pour appuyer -- soutenir le peuple serbe de

8 Bosnie-Herzégovine."

9 Là il y a un point -- puis il poursuit et là, je l'interromps et je ne

10 saute rien : "Il y a eu beaucoup de victimes de notre peuple. Ceux qui ont

11 été les victimes au premier chef, c'étaient les plus faibles et les âgées,

12 donc là il pense aux femmes et aux enfants, ceux qui n'ont pas pu fuir la

13 came Oustachi, mais au fond dans son ensemble, le peuple serbe a été sauvé

14 grâce au départ, dès le début --" -- et là je souligne en partie -- "--

15 dans une certaine mesure, grâce à l'armée yougoslave, mais davantage grâce

16 à la Défense territoriale et, plus tard, grâce à l'armée de la République

17 serbe de Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, dans sa majorité, le peuple

18 serbe n'a pas connu le sort qui lui a été réservé par notre ennemi."

19 Donc, Monsieur Donia, peut-on contester le fait que Karadzic ne parle ici

20 que du fait qu'il fallait sauver des vies humaines, qu'il fallait sauver le

21 peuple ? Monsieur Donia, ne dit-il pas "au début" et "dans une certaine

22 mesure", c'est bien les termes qui figurent ici ? "Grâce à l'armée

23 yougoslave", donc il s'est passé ce qu'il dit par ailleurs ? Donc, avant il

24 y a eu des vies de sauver et notre peuple a été sauvé. Comment est-ce que

25 vous avez pu mettre dans votre chapeau : "Grâce à la JNA et à la Défense

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1 territoriale, nous avons atteint nos objectifs de guerre ?" Mais pouvez-

2 vous m'expliquer cela ?

3 R. Je crois que le chapeau cherche toujours à présenter l'essentiel, la

4 substance des propos. Et je pense qu'il est toujours recommandé de laisser

5 le texte parlé de lui-même. Je crois que, lorsqu'on lit un texte -- ou

6 lorsqu'on l'écoute -- ou lorsqu'on lit les transcriptions, et bien, je

7 crois qu'on s'approprie le mieux le texte ou on le comprend de la manière

8 un peu fidèle. Je pense que souvent les titres -- les sous-titres sont

9 incomplets, essayent de résumer en quelques mots des contenus beaucoup plus

10 complexes, donc, c'est la raison pour laquelle je suis prêt à plaider

11 coupable. Ce que j'ai fait ici c'était d'essayer de résumer le texte en

12 substance, donc les idées les plus importantes, et j'invite tous ceux qui

13 souhaitent le connaître en détail de le lire eux-mêmes.

14 Q. L'ensemble du peuple serbe, même s'il y a eu des victimes, donc parmi

15 les plus faibles, les femmes, enfants et âgées, et cetera --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, cela prendra beaucoup

17 de temps si l'on revient à des points que nous avons déjà abordés. Le

18 témoin est en train de dire que les titres servent d'orientation et je

19 précise que la Chambre ne se contentera pas de prendre connaissance des

20 titres. Nous allons nous pencher sur le contenu des citations afin de se

21 prononcer là-dessus.

22 Il est temps de faire une interruption de séance, permettez-moi de

23 recueillir l'avis de mes collègues.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] S'agissant du temps, et bien, il s'agit

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1 là de documents importants, c'est la seule possibilité que l'accusé a de

2 mener un contre-interrogatoire au sujet des documents. Nous lui accorderons

3 trois heures pour son contre-interrogatoire. S'il trouve d'autres éléments

4 ou si ses associés trouvent d'autres éléments dans ces documents -- dans

5 ces comptes rendus d'audience, lorsqu'ils ont eu la possibilité de voir le

6 CD, et bien, ils auront la possibilité de nous en parler le moment voulu.

7 Et peut-être sera-t-il nécessaire de rappeler à la barre Monsieur Donia ?

8 J'espère que nous pourrons l'inviter, mais, si jamais cela était

9 nécessaire, Monsieur Donia, je ne sais pas combien de temps avez-vous prévu

10 pour cette déposition. Je ne sais pas encore exactement pendant combien de

11 temps vous serez nécessaire ici. Pouvez-vous rester ici lundi ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec toutes mes excuses, j'ai un autre

13 engagement.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Nous allons voir quel est le

15 temps qu'il nous reste, et comment nous pouvons nous organiser. Le Juge

16 Robinson a un rendez-vous. Il est attendu à l'hôpital lundi, ainsi donc M.

17 le Juge Kwon et moi-même siègerons -- ou assisterons à l'audience en vertu

18 de l'article qui nous permet de n'être présent qu'à deux.

19 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, quelques informations

20 au sujet de la communication des documents. En juin 2002, l'ensemble de ce

21 corpus, allant de la première jusqu'à la dernière session -- jusqu'à la 63e

22 session, a été communiqué à l'accusé et ce sous une forme qui lui

23 permettait d'en prendre connaissance dans sa propre langue. Donc c'est le

24 premier corpus et cela fait plus d'un an qu'il l'a en sa possession. La

25 partie que nous lui avons communiquée aujourd'hui ne concerne que la 16e

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1 Assemblée, donc la 16e jusqu'à la 56e session.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pendant

3 20 minutes.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous demanderons à l'accusé de faire en

7 sorte que ce soit terminé, aujourd'hui. Nous n'avons pas beaucoup plus

8 qu'une heure, aujourd'hui. Nous allons essayer donc, d'atteindre la fin de

9 ce contre-interrogatoire.

10 Mais Monsieur Donia, si nous n'y parvenons pas, je vous demanderais de

11 rester à notre disposition, et de revenir si nécessaire.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai prêt à le faire, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.

15 Monsieur Milosevic.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que vous êtes conscient du fait vous-

17 même, du fait que je n'arriverai pas à contre-interroger ce témoin pendant

18 le temps que vous m'avez accordé. Ce temps est totalement inapproprié,

19 compte tenu du volume des documents que nous avons à parcourir.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Nous vous avons demandé

21 d'essayer de terminer aujourd'hui, mais si vous ne pouvez pas le faire,

22 nous allons demander à ce témoin de revenir déposer à une autre occasion.

23 Je demanderais aux juristes de la Chambre de s'approcher, s'il vous plaît.

24 Veuillez poursuivre.

25 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Donia, ne ressort-il pas clairement de ce que je viens de

3 citer de la 17e session de l'assemblée, qu'il s'agit du mois de juillet

4 1992. Donc, ce sont les premiers mois de la guerre. C'est le moment où la

5 JNA n'est plus présente de manière importante en Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Cette session s'est tenue pendant trois jours, du 24 au 26 juillet

7 1992. A ce moment-là, et depuis le 12 mai, la plus grosse partie de la JNA

8 a été transformée en armée de la Republika Srpska, et était présente en

9 Bosnie-Herzégovine. Et puis, il y avait des parties de la JNA qui n'étaient

10 plus présentes, qui avaient quitté le territoire. Et je pense que c'est M.

11 Karadzic, lui-même, qui a donné la meilleure qualification de la situation,

12 lorsqu'il a dit dans l'un des extraits, "nous avons accompli beaucoup de ce

13 que nous devions accomplir."

14 Q. Lorsque vous citez les propos de Karadzic, ne voit-on pas précisément

15 là-dedans, le fait que juste une petite portion du personnel, en fait, des

16 officiers de la JNA, qui étaient natifs de ces régions étaient restés

17 auprès du peuple, et ont constitué le noyau de ce qui est devenu plus tard

18 l'armée de la Republika Srpska ?

19 R. Une partie de ces officiers, je ne sais pas si on peut dire qu'il

20 s'agit d'une petite partie, ou d'une partie plutôt considérable et l'armée

21 de la Republika Srpska était déjà constituée à ce moment-là, bien entendu.

22 Elle a été constituée le 12 mai. Donc, avec ces deux réserves, j'accepte

23 votre définition.

24 Q. Dans l'exposé de Karadzic, on ne voit nulle part la JNA citée, comme

25 ayant joué un rôle important. Donc là, il dit : "Après le retrait des

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1 officiers yougoslaves et un nombre colossal de ceux qui ont quitté ces

2 territoires," or vous, vous mettez ici, dans votre chapitre, la JNA comme

3 ayant joué un rôle important.

4 R. Je vous prie de me préciser de quelle citation vous parlez ?

5 Q. Mais de celle-là, où vous avez formulé le titre "Grâce à la JNA et à la

6 Défense territoriale, nous avons atteint nos objectifs militaires, nos

7 objectifs de guerre." Or ici, il mentionne un petit peu l'armée yougoslave,

8 mais beaucoup plus la Défense territoriale en disant : "Ils ont permis de

9 préserver l'unicité du peuple serbe et ont sauvé, donc sauvé le peuple,

10 donc, l'ont préservé de l'anéantissement, lui ont permis d'échapper à

11 l'anéantissement.

12 R. Je crois pouvoir dire que le titre résume le contenu. Il ne peut pas

13 contenir l'ensemble des éléments du texte. Le texte devait se suffire. Et

14 j'espère que l'on examinera plutôt le texte lui-même, que le titre.

15 Q. Mais Monsieur Donia, pour autant que je le vois, ce texte que vous avez

16 communiqué, et bien, il ne contient que les titres qui viennent de vous-

17 même. Le reste, ce sont des extraits, des extraits qui ont été tirés hors

18 du contexte du corpus, dans sa totalité.

19 R. Ce sont les résumés qui viennent de moi. Les titres eux aussi, viennent

20 de moi. Mais le reste, le reste contient les extraits des réunions de

21 l'assemblée.

22 Q. Mais n'en ressort-il pas qu'en fait, en rédigeant ce genre de titre,

23 vous placez ces contenus dans le contexte des interprétations propres à

24 l'autre partie, n'est-ce pas ? Vous ne faites rien d'autre que cela.

25 R. Écoutez, les titres sont une tentative de présenter d'une manière

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1 succincte les parties les plus importantes, les points les plus importants

2 des extraits que je donne. De toute évidence, ces titres ne donnent pas

3 l'ensemble du texte. Ils constituent un résumé, ils ne sont pas là pour

4 interpréter le contenu des extraits.

5 Q. Mais reportez-vous à la page suivante, s'il vous plaît. Votre titre est

6 le suivant, "Nous avons éliminé les extrémistes musulmans de Krajina."

7 C'est bien votre titre. Et par la suite, vous donnez l'incitation de

8 Karadzic où il est dit : "Pour ce qui est des relations avec les Musulmans

9 concernant les aspects militaires, ils ne souhaitent aucune négociation.

10 Dans un petit nombre d'endroits, ils acceptent une cohabitation pacifique,

11 et ils attendent une solution politique."

12 Et vers la fin de la citation, l'on voit une série d'endroits où il y a eu

13 "l'élimination d'extrémistes musulmans, il y a eu des combats qui avaient

14 été provoqués par ces extrémistes musulmans. Mais après leur élimination le

15 reste du peuple, n'est pas favorable à un combat contre les Serbes."

16 En est-il ainsi, Monsieur Donia ?

17 R. Oui. Je peux confirmer la citation.

18 Q. Mais Karadzic, parle t-il de l'élimination ou du nettoyage ethnique du

19 peuple musulman, ou bien parle t-il plutôt du problème que pose les

20 extrémistes musulmans ?

21 R. Il me semble que ce sont les deux, à la fois.

22 Q. Mais où parle t-il du nettoyage ethnique à l'encontre du peuple

23 musulman ? Où l'avez-vous trouvé ? Où le trouve t-on, ici ?

24 R. Je vois la version anglaise, et je vois apparaître deux fois le terme

25 "élimination" et aussi le terme "extrémistes musulmans" qui apparaît à deux

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1 reprises. Il me semble, que c'est ceci qui constitue le point central de

2 cet extrait. Je ne considère pas que ces titres, sont une interprétation,

3 une affirmation qui doit être acceptée comme telle. Ils indiquent plutôt ce

4 qui est -- constitue l'essentiel du texte.

5 Q. Mais cela nous induit en erreur, puisque vous ne citez pas dans vos

6 titres--

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons gaspiller beaucoup de temps.

8 Et vous aussi, vous allez gaspiller une partie considérable du temps qui

9 vous est donné, qui vous est accordé en polémiquant au sujet de ce titre.

10 Ceci n'a pas d'importance. Si nous rentrons dans les détails de chacun de

11 ces extraits, nous allons utiliser la plus grosse partie de votre temps.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Très bien. Monsieur Donia, à un endroit quelconque de votre étude, de

14 votre analyse, avez-vous essayé de nous faire connaître l'ordre du jour de

15 ces sessions de l'assemblée.

16 R. Non. Les ordres du jour étaient proposés, puis acceptés par les

17 députés. Il est toujours possible de consulter l'ordre du jour dans les

18 comptes rendus de toutes les sessions. Et je pense que ces ordres du jour

19 sont tout à fait explicites. Il n'y a rien de mystérieux à leur sujet.

20 Q. Si l'on se reporte au titre suivant, titre suivant du discours de

21 Karadzic, et bien, je le cite : "L'isolement de Sarajevo montre que le

22 gouvernement de Bosnie-Herzégovine ne fonctionne pas. Et je cite : autour

23 de Sarajevo, comme vous le savez, le peuple serbe ne se laisse pas vaincre.

24 Et nous contrôlons de manière militaire, pratiquement l'ensemble des

25 alentours de la ville. Nous n'avons pas accepté que les forces de Bosnie

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1 centrale opèrent une connexion avec les forces de Sarajevo. Car, si elles

2 se réunissaient, ce serait catastrophique. Et nous n'acceptons pas non plus

3 que des mercenaires, ou des volontaires arrivent de Turquie, des gens prêts

4 à combattre, et qui existent dans les pays arabes, et qui seraient prêts à

5 venir pour de l'argent pour combattre contre le peuple serbe. Nous savons

6 très bien ce que cela signifierait.

7 "Grâce au terme des opérations de Sarajevo, le gouvernement et l'assemblée

8 ainsi que toutes les autres instances d'Alija Izetbegovic ne fonctionnent

9 pas, il s'est avéré que l'état de Bosnie-Herzégovine n'a jamais fonctionné,

10 n'a jamais été mis en place à l'extérieur de la Yougoslavie." En est-il

11 ainsi ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-il vrai que Karadzic, n'emploie jamais le terme "isolement" que

14 vous avez employé, mais il explique les aspects stratégiques du théâtre

15 des opérations de Sarajevo, dont les Serbes n'avaient pas besoin tout comme

16 personne d'autre d'ailleurs, n'en avait besoin.

17 R. C'est cela.

18 Q. Mais dites-moi, à présent, pour quelle raison vous intitulez le

19 chapitre suivant, "les Serbes -- les régions autonomes serbes constituaient

20 un mécanisme permettant de résister au gouvernement d'Izetbegovic" ? Et par

21 la suite, vous dites à savoir, compte tenu de cette crainte de se faire

22 dominer par le gouvernement d'Izetbegovic, nous avons procédé à

23 l'élaboration des mécanismes. Nous avons mis sur pied des mécanismes

24 politiques, plutôt qu'un mécanisme d'état, afin de résister aux abus du

25 centre de telle sorte que maintenant, lorsque nous avons notre état à nous,

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1 nous avons hérité de ces mécanismes. Et ceci nous revient de manière

2 négative. Nous saurons tous qu'il s'agit d'une tendance innée serbe à

3 l'autonomie, une tendance de créer des petits duchés et de proclamer des

4 petits ducs, derrière lesquels il y a toujours un intérêt privé, jamais à

5 l'intérêt du peuple."

6 R. Et bien, cette déclaration a été faite au milieu d'une discussion qui a

7 été plus longue; qui portait sur les régions autonomes serbes. Et ceci ne

8 figure pas dans le corpus même des citations, mais il est tout à fait clair

9 que c'est bien cela qui a fait l'objet des discussions. Donc, encore une

10 fois, ceci nous permet de nous orienter vers le sens du texte.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, êtes-vous en

12 train de laisser entendre que le témoin est partial lorsqu'il rédige ces

13 titres, et que ceci nous induit en erreur ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien entendu, absolument.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si tel est le cas, vous devriez

16 poser la question directement au témoin.

17 Je vous poserai cette question, Monsieur Dr Donia. L'on est en train de

18 laisser entendre que les titres que vous avez formulés, en fait, nous

19 induisent en erreur de manière délibérée, et que vous êtes partial dans --

20 lorsque vous rédigez ces titres.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout au contraire, il s'agit d'un effort de ma

22 part afin d'attirer l'attention du lecteur sur des points-clés des

23 citations. Il n'y a aucune intention d'être partial. Et il n'y en a pas eu

24 lorsque j'ai rédigé ces titres.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Dans cette partie des propos de Karadzic, l'accent n'est-il pas mis sur

3 la critique de ces régions autonomes, puisqu'il est dit ici, que c'est sous

4 forme de retour négatif, de boomerang que cela se manifeste, puisque nous

5 serons tous, et je cite : qu'il s'agit d'une tendance innée serbe vers

6 l'autonomie. Une tendance de créer les petits duchés et de proclamer des

7 petits ducs, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Mais vous mentionnez toute une série de députés, Branko Djeric, un

10 certain Milanovic, également. Et eux, ils critiquent les cellules de Crise

11 où ils disent que c'était seulement quelque chose de mis sur pied de façon

12 temporaire et que dès 1992, ils sont devenus totalement contre-productifs

13 lorsqu'il y a eu début de création de l'état serbe. C'est bien cela ?

14 R. Il me semble que vous venez de donner lecture de quelque chose qui

15 figure à la page 10, note 18, en serbe. C'est bien le cas ? Ça me dit

16 quelque chose. Je reconnais ce que vous avez lu --

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois, 17 et 19.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois 17 et 18.

19 Quelle est votre question, s'il vous plaît ?

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Ils critiquent la cellule de Crise et disent que "les sources de

22 dissension sont atrophiées."

23 R. Oui. C'est exact. Ces observations sont critiques vis-à-vis des

24 cellules de Crise.

25 Q. [Interprétation imperceptible]

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1 Vous parlez de la 17e session qui a eu lieu à Banja Luka, le 11 août 1992.

2 Et dans l'extrait que vous intitulez, "Les Serbes, qui sont restés sur des

3 territoires non-Serbes, sont considérés comme des prisonniers." Et vous

4 dites que, on parle de Momcilo Krajisnik, qu'il se prononce en faveur de la

5 mise en place d'une commission composée des trois nationalités de la

6 Bosnie-Herzégovine. Ceci afin de permettre à chacun des individus qui se

7 trouvent dans ces villes coupées du monde, de se retrouver sous un

8 territoire contrôlé par son propre peuple.

9 Je voudrais, s'il vous plaît, savoir dans quelle partie de son

10 intervention, il dit que les Serbes qui se trouvent sur des territoires

11 non-serbes en fait, sont considérés comme des prisonniers ?

12 R. La dernière phrase répond à votre question, Monsieur Milosevic. Il

13 s'agit de citations pour lesquelles le contexte est très important. J'ai

14 essayé de donner le contexte, au maximum parce que sinon, les choses ne

15 sont peut-être pas assez claires. Et l'objectif de cette intervention de M.

16 Krajisnik, c'était de faire avancer sa position dans les négociations en

17 faveur de la, disons, libération des Serbes et des non-Serbes -- des Serbes

18 de ces territoires non-Serbes, qui avaient besoin d'être libérés parce que

19 pour reprendre les termes qu'il emploie, ces Serbes étaient considérés

20 comme des prisonniers.

21 Q. Il parle de comités ou de commissions internationales pour la

22 libération des prisonniers. Il parle d'échanges de prisonniers. C'est cela

23 dont il parle. D'après ce que je vois dans cet extrait que vous fournissez,

24 et ceci, ce sont des paroles qui ont été prononcées lors de la 18e session

25 de l'assemblée. Il y avait des prisonniers de tous les côtés. Et on parle

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1 ici, d'échange de prisonniers, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Ensuite, vous poursuivez votre citation, la citation de Nikola Koljevic

4 qui s'intitule, "Le général MacKenzie était un ami des Serbes." C'est

5 exact, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Le chapeau, le titre, c'est "Le général MacKenzie était un ami des

8 Serbes, Mention de la souveraineté." Mais en fait, les choses étaient

9 différentes parce qu'on n'a pas insisté sur le fait que le général

10 MacKenzie avait assisté sur la souveraineté, mais plutôt comme le dit

11 Koljevic, que c'était quelqu'un de neutre. Et grâce à sa neutralité, il a

12 également aidé les Serbes. Voilà, ce dont il parle, ici.

13 R. Je crois qu'il dit que MacKenzie est un ami des Serbes étant donné

14 qu'il est neutre. La conséquence, c'est de ce qu'on pourrait en déduire de

15 ses propos, c'est que les autres intervenants internationaux ne sont pas

16 neutres et que c'est le seul intervenant international, le seul acteur

17 international qui est mentionné, qui a pour la première fois, mentionné la

18 souveraineté.

19 Q. Oui. C'est ce qu'il dit. Il dit qu'on pouvait considérer que "c'était

20 un ami des Serbes dans la mesure où il était neutre." Ceci est très clair.

21 C'est exprimé de façon tout à fait patente, claire. "C'était un ami des

22 Serbes dans la mesure où il était neutre." Je cite : c'est un homme qui a

23 obtenu le plus d'aide de la part de la FORPRONU grâce à sa neutralité. Je

24 ne veux pas dire qu'il était de notre côté, je veux dire que, grâce à sa

25 neutralité, il nous a aidés. Et on peut en voir la preuve, dans le fait

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1 qu'il a été limogé." N'est-ce pas le cas, Monsieur Donia ?

2 R. Oui, effectivement. Ce sont les propos qu'il a tenus.

3 Q. Mais est-il exact que d'après ce que dit Srdjo Srdic, nous sommes

4 toujours à la même page, page 22 -- non, il s'agit de la 22e session, page

5 16, en réalité. Il apparaît donc, très clairement, que le peuple de la

6 municipalité de Prijedor n'a demandé ni à Karadzic, ni à Krajisnik, ni à

7 quiconque d'autres ce qu'il fallait faire pendant cette période, étant

8 donné qu'il s'agissait d'une réunion qui a eu lieu le 22 et le 23 novembre

9 1992. Il dit : "Nous ne vous avons demandé ni à vous, ni à M. Karadzic, ni

10 à M. Krajisnik, ce qu'il fallait faire à Prijedor. Prijedor, était la seule

11 municipalité verte de la Krajina de Bosnie et si nous vous avions écouté,

12 nous serions encore verts, aujourd'hui. Krupa et Prijedor ne seraient pas

13 ce qu'elles sont aujourd'hui."

14 Est-ce qu'on ne voit pas ici clairement ce qui était en train de se passer

15 dans ces régions ? Ils ne se sont adressés ni à Karadzic, ni à Krajisnik,

16 ni à Koljevic. C'est ce qui figure, ici.

17 R. Oui. C'est ce qu'a déclaré Srdic.

18 Q. Est-ce que ce n'est pas la preuve que de nombreux événements qui ont

19 lieu pendant la guerre, ont eu lieu sans que la Republika Srpska n'en ait

20 connaissance ou n'ait pu intervenir de quelque manière que ce soit ?

21 R. Moi, je ne tirerais pas cette conclusion-là. Je n'irais pas jusque là,

22 à partir de cette citation.

23 Q. Donc, vous faites uniquement le lien avec cet exemple ?

24 R. Sur la base de cette citation, je dirais que cet -- il a prononcé ces

25 propos. Donc, c'est probablement le cas mais je ne saurais généraliser.

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1 Même pour Prijedor, d'ailleurs. Je ne peux pas en déduire qu'il s'agissait

2 là, d'une politique ou de quelque chose qui s'est produite d'une manière

3 généralisée pendant toute la région, pendant toute la Republika Srpska,

4 pendant toute la guerre. Je ne peux pas aller jusque là.

5 Q. Est-il exact que Mladic lorsqu'il est intervenu lors de la 17e session

6 en 1992, à Jahorina, parle de la position des Musulmans armés à Cerska et à

7 Srebrenica. Il demande à ce qu'on se mette à leur place en se demandant ce

8 qui se passerait si l'ONU amenait des observateurs. Est-ce qu'il n'est pas

9 indiqué ici, qu'on leur fournit des munitions et que c'est l'ONU qui

10 contribue à leur fournir ces munitions ?

11 R. Non. Je ne pense pas que l'on puisse conclure cela.

12 Q. A la dernière ligne, on peut lire : "Attendez qu'arrivent 500 à 800

13 obus."

14 R. Je ne vois pas que l'on parle de l'ONU ici.

15 Q. Oui, mais dans le contexte, c'est clair. J'imagine que c'est de cela

16 dont vous parlez.

17 R. Je ne vois pas très bien de quel contexte vous parlez.

18 Q. Mais de quelle arrivée, de quel arrivage de munitions parle-t-on ici ?

19 R. Je pense qu'ici, il essaie de se rallier son auditoire, les Serbes de

20 Bosnie, au sein de cette assemblée. Il essaie de susciter en eux le

21 sentiment qu'ils sont encerclés et qu'on attend un arrivage d'obus, mais,

22 en fait, 500 à 800 obus, ce n'est pas énorme. On voit bien que ces gens-là

23 étaient sans doute dans une position désespérée.

24 Si vous nous dites que ceci se faisait par le truchement de l'ONU, cela

25 semble, je souhaitais simplement dire, que les résolutions concernant les

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1 zones de sécurité n'ont été votées qu'en mai ou juin 1993. Donc, je ne sais

2 même pas en quoi consistait la présence de l'ONU à l'époque, à Cerska et à

3 Srebrenica. Je ne sais même pas s'il y avait des soldats de l'ONU, à

4 l'époque, sur place.

5 Q. Vous parlez également de la 24e session au cours de laquelle on a

6 annoncé le plan Vance-Owen. Est-ce bien exact ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-il exact que non seulement les dirigeants de la Republika Srpska,

9 mais également la majorité -- ou l'immense majorité des députés a manifesté

10 son désaccord au sujet de la teneur de ce plan de paix ?

11 R. Oui.

12 Q. Cependant, vous consacrez beaucoup de temps dans votre analyse de cette

13 24e session, au meurtre de Turajlic -- Hakija Turajlic. Et vous dites :

14 "L'assemblée applaudie le meurtre de Turajlic."

15 Et ensuite, à la page suivante, page 20, numéro ERN qui se termine par 240,

16 vous parlez du meurtre du vice-président Hakija Turajlic qui a été tué par

17 un soldat serbe alors qu'il était au volant d'un TBT. Mladic a informé

18 l'assemblée de Sarajevo. Il a dit : "Qu'il y avait un véhicule qui

19 appartenait à la FORPRONU et que, dans ce véhicule, il y avait le

20 lieutenant Sartre, un français, ainsi que le vice-président Hakija Turajlic

21 du gouvernement croupion de la Bosnie-Herzégovine. Nos hommes ont arrêté le

22 véhicule et l'on fouillé. L'un de nos soldats a tué Turajlic de six

23 balles." A ce moment-là, entre parenthèses, on voit la mention

24 "applaudissements" comme si tous les députés avaient soudain applaudi,

25 approuvé ce qui venait d'être annoncé, comme s'il y avait des réactions de

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1 ce type.

2 Et ensuite, Mladic poursuit en disant : "S'il vous plaît, ne diffusez pas

3 de tels sentiments contre la FORPRONU puisqu'il y en a qui travaille

4 correctement. Nous allons protesté de manière vigoureuse. J'ai déjà ordonné

5 que l'on rédige une protestation et qu'elle soit fournie à Nambiar, qu'elle

6 soit envoyée à Nambiar. Je leur ai dit la dernière fois que ni la FORPRONU,

7 ni les Nations Unies ne pouvait servir de taxi ou de bases logistiques ou

8 d'appui logistique à Alija Izetbegovic, Franjo Tudjman, ni nous d'ailleurs.

9 Cependant, nous devons faire preuve de beaucoup de prudence. Nous devons

10 restés tout à fait calmes, sereins et je vous demande de n'autoriser

11 personne à nous entraîner dans la catastrophe."

12 R. Ce terme "applaudissements", entre parenthèses, on le trouve dans la

13 transcription des débats de cette session.

14 Q. D'accord. Mais est-ce Mladic, dans son intervention, n'a pas condamné

15 cet événement et n'a pas appelé les députés à éviter de se laisser

16 entraîner dans la catastrophe, du fait des actes d'un individu isolé ?

17 R. Il a fait les deux choses. Il a dit qu'il ne fallait pas semer,

18 susciter un sentiment opposé à la FORPRONU, mais, en même temps, il a dit

19 qu'il allait protester de manière vigoureuse auprès des Nations Unies qui

20 servait, comme il le dit, de taxi à Izetbegovic et Tudjman. Il dit l'une et

21 l'autre chose. Il dit qu'il faut être très prudent, qu'il faut être très

22 serein, très calme et, en même temps, il dit qu'il va émettre des

23 protestations parce que la FORPRONU transportait cet homme. Donc il dit les

24 deux choses.

25 Q. Il dit que la FORPRONU n'est pas le taxi, ni l'appui logistique d'Alija

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1 Izetbegovic, Tudjman ou autre. Ensuite, il dit qu'il ne faut pas permettre

2 à un individu de nous entraîner vers la catastrophe. Il parle de cet

3 individu qui est responsable de ce meurtre. Cela, c'est clair.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons nous même tirer les

5 conclusions qui s'imposent de ces éléments.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Moi, Monsieur Donia, je vous demande pourquoi, quand on lit le titre

8 que vous avez choisi, on a l'impression que l'assemblée a applaudi la

9 nouvelle du meurtre d'une personne humaine.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il a répondu. Il fait simplement

11 référence au fait que, dans la transcription des débats de l'assemblée, il

12 est indiqué qu'il y a eu des "applaudissements". Voilà tout. Poursuivons.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Donia, il y a eu un certain nombre d'erreurs qui se sont

16 glissées dans le rapport au sujet des dates. Vous les avez corrigées vous-

17 même. Vous dites que, le 9 mai, je me suis adressé aux députés de

18 l'assemblée. Vous avez corrigé cette date, n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Comme je l'ai dit ce matin, et comme je l'ai dit également dans le

20 document consacré aux corrections, ceci a eu lieu le 5 mai lors d'une

21 longue séance de travail qui s'est poursuivi le 6. Et d'ailleurs, cette

22 réunion de l'assemblée a eu lieue à Pale.

23 Q. Oui. Indéniablement, ceci a eu lieu à Pale et non pas Zvornik, comme on

24 peut le lire ici. Ici on voit "30e session, 9 mai, Zvornik", page suivante

25 également, "9 mai, Zvornik", pour la 31e session.

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1 Vous me citez ici, au sujet des objectifs. Savez-vous de quel objectif du

2 peuple serbe je parlais ici ? Le savez-vous ?

3 R. Je ne peux pas répondre à cette question. Seul, vous savez ce que vous

4 vouliez dire lorsque vous avez tenu ces propos.

5 Q. Si vous aviez lu le rapport sténographique -- les notes

6 sténographiques, vous auriez répondre à ma question.

7 Ici, j'ai des faxes d'articles de presse qui ont été publiés à l'époque et

8 où on trouve le discours que j'ai prononcé. D'abord, une petite question

9 pour préciser la chose. Est-ce qu'il y a eu des audiences ou une séance à

10 huis clos ou en publique ? D'ailleurs, c'est la première fois que j'entends

11 parler de ce genre de choses parce qu'il y avait des caméras dans la salle

12 de réunion. Donc je n'ai pas connaissance qu'il y ait eu des séances de

13 travail, en partie ou non, à huis clos. Et d'autre part, les propos que

14 j'ai tenus ont été retranscrits dans les journaux, donc ceci n'a pas eu

15 lieu lors d'une séance de travail à huis clos.

16 R. Quand on lit le compte rendu des débats, on voit très clairement qu'il

17 y a eu une très brève période avant votre discours qui a eu lieu à huis

18 clos. M. Krajisnik a invité les journalistes à ce moment-là à partir et

19 puis ensuite il y a eu une pause. On fait référence souvent aux

20 journalistes dans mon rapport et les journalistes, qui enregistrent les

21 événements pour nos archives, restent dans la salle pendant toute la durée

22 des séances, même lorsqu'on passe à huis clos. C'est ce qui est dit, donc

23 il y avait des journalistes, si bien qu'il y a sans doute eu des fuites.

24 Votre discours a été ensuite repris dans les médias, à la radio, dans les

25 journaux et c'est tout à fait clair, ça montre très clairement qu'il y a eu

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1 des fuites.

2 Q. La presse a publié dans son intégralité mon discours, mais, Monsieur

3 Donia, savez-vous que, lorsque que Krajisnik a demandé une pause après mon

4 discours, il voulait que cette pause ait eu lieu pour une réunion du club

5 des députés, et non pas pour qu'on passe à huis clos. Et ni Cosic, ni

6 Bulatovic, ni Mitsotakis, ni moi-même n'étions présents pendant cette

7 réunion des députés. Nous avons attendu en bas pendant des heures, pendant

8 qu'ils se réunissaient. Il y a effectivement eu une pause après mon

9 discours parce que les députés m'ont applaudi et je pensais qu'ils allaient

10 approuver le plan proposé. Ensuite, il y a eu une réunion du club des

11 députés et en dépit de nos demandes nous n'avons pas pu participer à cette

12 réunion. S'agissant de l'assemblée, elle-même, elle a travaillé en session

13 publique constamment, à ma connaissance, et on en voit la preuve dans le

14 fait que le lendemain la presse a publié mes deux discours. Je les ai ici

15 sous les yeux. J'imagine que vous en disposez également. La question que

16 j'avais était : de quels objectifs du peuple serbe suis-je en train de

17 parler ici ?

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Donia, commençons par cette

19 réunion du club des députés. Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet -- au

20 sujet de ce qui vient d'être dit ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 Monsieur Milosevic, vous parlez de la réunion du club des députés, de cette

23 pause, et vous parlez également de la séance de travail à huis clos. Tout

24 ceci on le retrouve dans les transcriptions des débats.

25 Lorsque les débats ont repris au sein de l'assemblée, quand on regarde le

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1 compte rendu, il n'est nullement indiqué que -- si on est toujours ou non à

2 huis clos. Mais ça on -- je suis tout à fait prêt à accepter que, même si

3 on le mentionne pas, on se soit de nouveau réuni en session publique. Je ne

4 sais pas parce qu'il est possible que la transcription n'ait pas été tout à

5 fait claire --

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. C'est justement ce que je suis en train de dire.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez terminer le témoin.

9 Oui.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me demande s'il serait utile d'examiner

11 l'intégralité des propos tenus par M. Milosevic -- celui

12 -- dans ces deux discours, celui qui a eu lieu avant la réunion du club des

13 députés et après cette réunion pour se faire une idée exactement de ce dont

14 il parlait quant il a tenu ces discours.

15 M. GROOME : [interprétation] En préparant l'audition de ce témoin, nous

16 avons estimé que ce qui pourrait se révéler utile, si bien que nous

17 disposons de la transcription dans son intégralité de ce qui s'est passé à

18 ce moment-là, avant et après ces deux discours.

19 Si vous le souhaitez, nous pourrions vous le communiquer. Nous disposons de

20 tous ces éléments.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je me demande si nous avons vraiment le

22 temps de le faire, même après l'interruption de l'audience de ce jour,

23 puisqu'il est clair que M. Donia ne pourra pas en terminer aujourd'hui. Il

24 serait peut-être utile et on pourrait peut-être vous demander de revenir

25 sur ces documents avant votre prochaine déposition, dans la poursuite de

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1 votre déposition. Cela pourrait nous être utile.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à le faire.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Groome, je vous demande de

4 prendre les dispositions nécessaires pour que M. Donia puisse examiner ces

5 documents.

6 M. GROOME : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y, Monsieur Milosevic

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Mais moi je suis sûr, Monsieur Donia, que vous allez lu ces

10 transcriptions, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Je ne vais citer qu'une petite partie de mon premier discours ainsi

13 qu'un petit peu plus -- un extrait un peu plus important de mon deuxième --

14 de ma deuxième allocution. Et je dis, je cite : "Il n'y a pas d'alternative

15 à une décision en faveur de la paix, une décision favorable à la paix pour

16 renforcer la valeur de la signature de Radovan Karadzic à Athènes qui va

17 dans l'intérêt du peuple de la Republika Srpska ainsi que de l'ensemble du

18 peuple serbe. L'essentiel ici -- la question essentielle, qui a été

19 soulevée dès le début et que nous avons définie, c'est l'objectif du peuple

20 serbe dans les Balkans. Je dirais que l'objectif du peuple serbe dans les

21 Balkans a été et reste le suivant : il s'agit de rester libres et égaux."

22 Donc ici je m'exprime de manière tout à fait explicite. Vous en souvenez-

23 vous, Monsieur Donia -- vous souvenez-vous avoir lu ces propos en prenant

24 connaissance des transcriptions des débats ?

25 R. Oui.

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1 Q. Ensuite je dis, je cite : "A mon avis, la proposition qui nous est

2 faite pour cette raison, afin que le peuple serbe soit libre et égal, cette

3 proposition doit être jugée à l'aulne de la réalisation donc de cet

4 objectif. Est-ce que nous allons pouvoir rester libres et égaux ?"

5 Et, ensuite, j'évoque un certain nombre d'éléments du plan, en disant que

6 dans les provinces qui ne seront pas sous le contrôle des autorités serbes,

7 et où il y a cependant encore des Serbes qui y habitent, il est stipulé

8 tout à fait clairement que le HVO et les Bérets verts ne pourront pas

9 céder, et que seul l'ONU pourra se rendre dans ces zones. Ce qui signifie

10 qu'ils assureront une zone de sécurité si bien que personne ne pourra

11 quitter son foyer et ce qui signifie que la liberté est garantie et qu'une

12 condition requise à l'adoption de cette solution est présente, mais ça

13 signifie également que la liberté du peuple serbe en Bosnie est assurée."

14 Et ensuite je dis : "Ce plan restaure le statut de peuple constituant. Vous

15 vous souviendrez que le conflit a commencé lorsque les droits du peuple, en

16 tant que nation constitutive de la Bosnie-Herzégovine, ont été réduits à

17 néant et, lorsqu'on a commencé à prendre des décisions sans les consulter,

18 sans les faire participer au processus de prise de décisions. Cette

19 solution, le plan Vance-Owen, envisage la garantie de l'égalité des droits,

20 si bien que le peuple serbe en Bosnie-Herzégovine pourra considérer qu'il a

21 retrouvé sa position de peuple, constituant grâce à sa lutte, grâce à son

22 combat."

23 Ensuite, je saute un certain nombre de passages. Je reprends la lecture, je

24 cite : "Si bien que tout cela est entre les mains du peuple serbe ainsi

25 qu'entre les mains des autres peuples. Ils ont la possibilité de prendre

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1 leurs décisions qui vont affecter leur destin."

2 Ensuite, je reprends en disant, je cite : "Si l'objectif principal du

3 peuple serbe dans les Balkans c'est d'être libre et égal, et si l'on évalue

4 cette proposition à l'aulne de ce critère et bien nous voyons que le peuple

5 serbe a retrouvé sa liberté et son égalité, et ceci grâce à son combat qui

6 lui a permis de retrouver la liberté et l'égalité, il peut décider de ne

7 pas -- ne peut pas rejeter les autres demandes. Tous les sacrifices ont une

8 justification."

9 Reprise de la lecture. Il faut résoudre ces problèmes de manière pacifique

10 et non pas par la guerre et confirmer la signature apposée par Karadzic sur

11 le document, sur l'accord d'Athènes. Ensuite, je lis de manière tout à fait

12 claire qu'il n'y a pas d'alternatives à la paix que l'objectif de liberté

13 et d'égalité du peuple serbe dans les Balkans est primordial et que les

14 Serbes ont leur destinée entre les mains comme c'est le cas des deux autres

15 peuples et que tout doit être réduit, résolu grâce au consensus. Est-ce que

16 ce n'est pas ce que je dis dans mon discours ?

17 R. C'est ce que vous dites dans votre premier discours et j'ai compté,

18 vous avez utilisé le terme de "liberté" et le terme "d'égalité" au moins

19 huit fois pour chacun de ces termes dans ce discours. C'était l'essentiel

20 du message que vous souhaitiez faire passer, comme je l'ai indiqué dans le

21 résumé. Vous vouliez dire que l'objectif que vous souligniez, que vous

22 définissiez dans ce discours, avait été obtenu par les Serbes de Bosnie.

23 Donc, conclusion, il fallait qu'ils signent le plan Vance-Owen. Ça on le

24 voit très clairement quand on lit votre premier discours.

25 Mais, quand on regarde le deuxième discours, à ce moment-là, on voit que

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1 vous utilisez souvent -- très souvent -- plusieurs fois, en tout cas, le

2 terme "d'objectif", sans préciser une seule fois -- ou plutôt sans

3 mentionner une seule fois, en même temps, les termes de "liberté" et

4 "d'égalité". Donc il faut bien, dans ces conditions, examiner le contexte

5 dans lequel vous prononcez de discours.

6 Le professeur Cosic, lui aussi, est intervenu et il a dit que l'objectif du

7 peuple serbe dans les Balkans, pendant les 200 années passées, était la

8 libération et la l'unification. Les autres députés, en tout cas, beaucoup

9 de ceux qui étaient présents lors de cette session, avaient pour habitude

10 de définir l'objectif ultime des Serbes de la manière suivante :

11 unification des Serbes au sein d'un seul et même état. Si bien que je ne

12 puisse pas déterminer exactement ce que vous entendez par "objectif",

13 lorsque vous utilisez ce terme dans le deuxième discours que vous prononcez

14 lors de cette réunion parlementaire, moi, je peux simplement parler du

15 contexte -- expliquer le contexte dans lequel vous avez prononcé ce

16 discours, mais je ne peux pas répondre à la question que vous m'avez posée.

17 Je ne sais pas ce que vous pensiez exactement.

18 Q. Un simple rappel, mon deuxième discours a été très bref et vous pouvez

19 voir aussi le contexte dans lequel il se situe. Il y a eu beaucoup de

20 discours poignants concernant des victimes, des sacrifices et il y a

21 beaucoup de personnes qui se sont prononcées contre le plan. Moi, j'ai

22 demandé à reprendre la parole. Voici mon deuxième discours : "Je vais, en

23 quelques mots, avec toute ma responsabilité, de prendre la parole;

24 cependant, auparavant, je veux vous transmettre une impression que je me

25 suis faite. Vous avez parlé de façon ouverte. C'est le cœur qui a parlé

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1 chez vous. La plupart des choses que vous avez dites ont trait aux

2 cruautés, aux injustices de la guerre. Les Serbes -- le peuple serbe,

3 pendant toute son histoire, malheureusement, a connu trop de témoignages

4 réels, des horreurs de la guerre. Nous avons entendu beaucoup de choses

5 aujourd'hui à propos de l'horreur de la guerre, mais tout ceci peut se

6 ramener à un seul argument, à une seule déclaration, à un seul message, à

7 savoir qu'il faut cesser au plus vite la guerre, que la guerre doit cesser

8 sur le champ.

9 "Cependant, permettez-moi de revenir à la question qui se pose à nous

10 aujourd'hui. La question n'est pas de savoir combien d'horreurs il y a eue

11 de commises dans cette guerre. Ce peuple l'a ressentie et a subi ceci -- a

12 supporté ceci sur ses propres épaules tout au long de l'histoire. Il faut

13 savoir ce qui a été réalisé aujourd'hui et comment, par un processus

14 pacifique dans des conditions de sécurité, on peut réaliser ce qu'il lui

15 reste à faire, à savoir, ce qu'on appelle les 'questions en suspens', et

16 nombreuses étaient les questions en suspens. Cependant, le plan se propose

17 de régler ces questions en suspens par le billet de la négociation. Faut-il

18 le faire régler ces problèmes qui restent par la négociation ou est-ce

19 qu'il faut détruire ce qui a été obtenu au prix d'énormes sacrifices ? A

20 mon avis, c'est la véritable question que doit trancher l'assemblée. Par

21 conséquent, lorsqu'on parle du plan, la question n'est pas de savoir si on

22 s'écarte de l'objectif qui est le nôtre. Bien sûr que non. La question qui

23 se pose est de savoir si ce plan c'est en fait la voie qui nous mène à

24 l'objectif ultime. Le plan, ce n'est pas le moyen final qui permettra au

25 peuple serbe de réaliser son objectif, mais c'est un moyen vers la

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1 réalisation de cet objectif. Maintenant, il faut redoubler d'efforts en

2 faisant preuve de sagesse et en essayant que le moins de sang possible soit

3 versé. Et ceci devrait être un avantage, non pas un désavantage. Cette

4 assemblée doit avoir le courage et la confiance nécessaire en soit pour

5 agir de cette façon vu les circonstances et partir du plan qui est une base

6 suffisante pour permettre la réalisation de cet objectif. Il faut faire ça

7 plutôt que commettre une erreur tragique qui pourrait dresser un obstacle

8 vers la voie de succès.

9 "Est-ce que l'assemblée va opter pour une voie raisonnable ou

10 déraisonnable ? Je crois que là le choix est clair pour cette assemblée. La

11 paix c'est le seul moyen raisonnable, la seule voie raisonnable. Au

12 contraire, si on dit que les Serbes ne veulent pas la paix, ceci ne sera

13 que la justification qu'on attend pour commettre des crimes contre les

14 Serbes. Lorsqu'on ouvre la voie de la paix, il faut expliquer aux gens

15 pourquoi -- pourquoi ils doivent sacrifier leurs vies de façon encore plus

16 cruelle que qu'est-ce qui s'est fait jusqu'à présent. Il n'est pas facile

17 d'expliquer ceci aux Serbes de Bosnie comme de Serbie.

18 "Et un dernier mot, il faut sacrifier tout pour le peuple sauf le peuple.

19 On ne peut pas sacrifier le peuple. On n'a pas le droit de le faire. Et

20 vous n'avez pas le droit de le faire en tant qu'assemblée, pas plus que

21 quiconque autre." Voilà la deuxième partie de mon intervention, de mon

22 deuxième discours.

23 J'ai ici des photocopies des articles qui ont répercutés ce discours le

24 lendemain.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle est la question que vous posez,

Page 26583

1 Monsieur Milosevic ?

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Ces deux discours ont été retransmis par la presse le lendemain, donc

4 vous voyez que je n'ai fait aucune intervention à huis clos. C'est

5 seulement ce club de députés où groupe parlementaire qui a tenu une réunion

6 à huis clos. L'assemblée s'est réunie et il y a eu retransmission en

7 direct. Tous les citoyens de Yougoslavie on pu le voir.

8 R. Je vous crois sur parole. C'était une audience publique -- une session

9 publique.

10 Vous venez de donner lecture d'un extrait. D'après le procès verbal, ce

11 n'était pas là votre discours dans sa totalité. C'était une bonne partie de

12 celui-ci, mais vous avez prononcé un discours plus long. Et, Monsieur le

13 Président, lorsque nous reviendrons sur le procès verbal de cette session,

14 ceci apparaîtra clairement. Vous le verrez dans sa totalité ce discours. Je

15 ne dis pas que ce que vous venez de lire, Monsieur, ne représente pas

16 l'essentiel des points mais ce n'est pas le texte complet.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas là pour jeter un

18 éclairage différent sur la nature des objectifs ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi, cette conversation, elle a changée

20 d'accent, si vous voulez. Le premier discours de M. Milosevic mettait

21 l'accent très nettement sur les objectifs de liberté et d'égalité pour le

22 peuple serbe.

23 S'en suivirent plusieurs interventions. Il y a eu, notamment, un discours

24 très explicite, à mon avis, du général Mladic qui parlait des horreurs de

25 la guerre. On a beaucoup mis l'accent et ceci venait des autres délégués

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1 sur les problèmes que posaient le plan Vance-Owen, à savoir que ceci avait

2 divisé et fragmenté -- trop fragmenté les Serbes de Bosnie, en les plaçant

3 dans des provinces serbes. Et moi, ma propre interprétation, ce serait que

4 ceci, en fait, appelait une autre discussion, d'autres arguments à faire

5 valoir. Ici, vous venez de faire une citation du procès verbal et, si on

6 relit ce procès verbal, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, vous aviez un

7 désir ardant de voir ce plan accepté, signé, de parvenir à la paix. Mais,

8 il fallait que soit dit quelque chose qui serait accepté par tous, peut-

9 être à l'une ou l'autre exception, à savoir, l'unification du peuple, il

10 semble logique de ne pas spécifier cet objectif du coup. Il s'agissait

11 logique de ne pas lancer toute une discussion -- une politique sur le but

12 ultime du peuple serbe. Ce n'était pas destiné à dire explicitement quelle

13 était la nature de cet objectif. Les remarques, faites par M. Milosevic,

14 étaient de nature à persuader les délégués qu'il fallait mettre fin à la

15 guerre, et qu'il fallait aussi essayer de nourrir leurs espoirs en faisant

16 preuve d'une certaine solidarité à leur égard. Ce qui se trouve dans la

17 dernière partie du discours.

18 Q. Pour ce qui est d'une solidarité, effectivement, j'interviens sur ce

19 point, en disant : "Ne nous dites pas que vous vous sentez abandonner car

20 on nous reprochait de les abandonner, et moi j'ai dit que nous partageons

21 et nous avons toujours partagé vos inquiétudes, bien plus que cela nous

22 vous avons prêté assistance au détriment de sacrifice encouru par des

23 dizaines de milliers de Serbes, nous avons accueilli des dizaines de

24 milliers de réfugiés." Est-ce que vous savez que nous avons accueilli 70

25 000 réfugiés musulmans, d'après nos statistiques ? Et je suis sûr que le

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1 chiffre était bien supérieur à celui-là. Plusieurs centaines de milliers de

2 réfugiés de Serbes venant de Croatie et de Bosnie-Herzégovine sont arrivés

3 en Serbie. Donc c'est au coût, au prix de grands sacrifices endurés par

4 tout le monde pour parvenir à la paix, pour parvenir à une solution

5 équitable.

6 Et je l'ai dit bien souvent, dans ce discours, cet objectif, l'objectif

7 poursuivi par le peuple serbe des Balkans. C'est de parvenir à la légalité,

8 à la liberté. Objectif réalisé, c'est pour cela qu'il fallait signer ce

9 plan. Alors, quant à savoir pourquoi on répartissait les gens dans tel ou

10 tel territoire, c'était implicite, c'était par la voie d'accord obtenu

11 entre les trois parties qu'on pouvait apporter quelques corrections

12 nécessaires, mais ce n'était pas par la guerre, quelle qu'elle soit.

13 Quelque soient les ententes obtenues entre les parties, il était possible

14 de parvenir à la paix. Est-ce que ceci est mis en doute ou pas ?

15 R. Mais qu'est-ce qui est en question ici ? Je suis convaincu que c'est

16 avec beaucoup de passion et de conviction que vous voulez que les Serbes

17 signent ce plan de paix. J'en suis convaincu et je m'étais convaincu avant

18 et encore aujourd'hui à vous entendre relire ce discours. Mais il y a une

19 autre partie du discours, où vous dites partager à tel point leurs

20 aspirations, leurs objectifs et que vous expliquez que vous avez en fait

21 soutenu ce projet, que vous l'avez nourri de par le passé et que vous avez

22 l'intention de poursuivre cet effort à l'avenir. Et ça se trouve dans le

23 discours aussi bien que l'accent que vous mettez pour dire que vous

24 insistez pour soit signé le plan de paix.

25 Q. Etes-vous en train de dire que je parle de notre solidarité réciproque,

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1 et des liens qu'il faut maintenir, indépendamment du fait que le plan

2 prévoyait une Bosnie-Herzégovine indépendante, mais que ces liens devaient

3 être maintenus entre les Serbes de Serbie et ceux qui se trouvent en dehors

4 de la Serbie, dans les entités de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous

5 savez que, même dans les accords de Dayton, on prévoit qu'il soit possible

6 d'avoir des liens, en particulier, entre la Serbie et la Republika Srpska,

7 des liens privilégiés entre la Croatie et les cantons croates de

8 Bosnie-Herzégovine ? Et dans certaines phases du plan, il était même prévu

9 d'avoir des liens avec l'Herceg-Bosna, au moment où il avait été établi.

10 Est-ce que ce n'était pas là un droit élémentaire, légitime, aussi bien des

11 Serbes que des Croates de Bosnie-Herzégovine, d'avoir des liens privilégiés

12 avec la mère patrie, la terre natale ? On fait référence à des liens

13 économiques, culturels et autres, n'est-ce pas, Monsieur Donia ?

14 R. Ça c'est plus de deux ans -- ces deux ans et demi avant les accords de

15 Dayton. Je n'ai pas vu ce genre de précision dans le plan Vance-Owen.

16 Q. Bien, Monsieur Donia. Voici ce que je veux dire, c'était là un sujet

17 continu, récurent. On parlait de lien particulier, et ça a été présent des

18 le départ, et ça s'est répercuté dans les accords de Dayton. Nous avons

19 accepté cinq accords de paix qui, pour chacun d'entre eux, envisageait une

20 Bosnie-Herzégovine indépendante, tout en permettant aux cantons ou aux

21 entités d'exister et d'avoir soit trois républiques, et puis les Musulmans

22 et les Croates ont constitué la fédération. Mais tout était en fonction de

23 la phase de réalisation dans ces cinq plans, que ce soit le plan Vance-

24 Owen, celui de Owen-Stoltenberg, ou un autre et pour arriver à Dayton, dans

25 ces cinq plans, on parlait toujours de la Bosnie-Herzégovine et d'entités

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1 s'y trouvant. Nous avons signé cinq plans de paix, ne le savez-vous pas

2 Monsieur Donia ?

3 R. Si, je connais l'existence de ces différents de paix, et la position

4 que vous avez adopté pour chacun d'entre eux.

5 Je relève dans le bref extrait que je retire de votre discours, qui était

6 plus long là où on trouve au chiffre ERN 9102981992[sic]. Je dis que la

7 description complète de l'intégration économique ce n'est pas l'intégration

8 économique entre deux états souverains. C'est une déclaration qui parle de

9 l'intégration de Serbes et de terre serbe, à tout égard, que ce soit sur le

10 plan économique, et culturel, éducatif, et ceci à un moment où vous dites

11 que ceci n'est qu'une réalisation partielle de l'objectif, que ceci n'est

12 pas fait en direction de la réalisation de cet objectif. Je viens juste de

13 dire que ce plan de paix n'englobait pas un tel concept qui consistait

14 avoir des relations privilégiées, comme vous le dites ici.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il va falloir suspendre l'audience.

16 Monsieur Milosevic, il vous reste encore trois quarts d'heure de contre-

17 interrogatoire. Monsieur Donia, veuillez revenir à une date qui sera

18 arrêtée et on pourra à cette fin, bien sûr, en parler avec le bureau du

19 Procureur pour prendre toutes les dispositions nécessaires. Il faudrait

20 également que vous examiniez le procès verbal de cette 30e session, sujet

21 sur lequel nous reviendrons la fois prochaine.

22 Fort bien.

23 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi 15 septembre

24 2003, à 9 heures 00.

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