Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 16 septembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Ierace.

7 M. IERACE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 LE TÉMOIN: AERNOUT VAN LYNDEN [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Ierace [Suite]

11 Q. [interprétation] M. van Lynden, hier, on a fait référence au pilonnage

12 de la ville, début juin 1992, votre équipe de télévision a filmé ce

13 pilonnage à partir des étages supérieurs de l'hôpital d'état. Quelle est la

14 distance séparant l'hôpital d'état de la tour Unis ? -- des tours --

15 R. Au maximum, quelques centaines de mètres.

16 M. IERACE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que soit

17 diffusé à l'attention du témoin un extrait vidéo. Il s'agit de

18 l'intercalaire 5.3.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 C'était le symbole de la Sarajevo moderne, maintenant c'est le symbole de

22 sa destruction. Des flammes s'emparent des étages jusque dans les étages

23 supérieurs. Les débris pleuvent dans les rues du cœur de la capitale de la

24 Bosnie. La désintégration d'une des tours Unis de la ville se reflète dans

25 les vitres brisées de la tour jumelle. Trois cent mètres plus loin de

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1 l'autre côté de la route, le parlement de cet état récemment indépendant

2 est frappé lui aussi. Il ne prend pas feu, mais pourtant la caserne de

3 Marachel Tito toute proche, elle est en proie aux flammes depuis son

4 évacuation, deux jours plus tôt, elle fait l'objet d'une destruction

5 systématique. Chaque nuit à Sarajevo, on pense que ça ne peut pas être

6 pire, pourtant ça empire, et ceci fait -- rend riducule toutes ces

7 tentatives entreprises par les médiateurs pour ramener la paix dans la

8 ville. Moins de vingt quatre heures plus tôt, les commandants serbes

9 avaient apposé leurs signatures à un nouvel accord, affirmant qu'il y

10 aurait une trêve, mais qu'on ne respecte jamais. Et affirmant aussi, qu'ils

11 étaient prêts à rouvrir l'aéroport. Maintenant, les artilleurs serbes

12 plantés dans les collines montrent où est leur véritable engagement. Vous

13 avez le croissant de lune qui éclaire une ville secouée par les explosions

14 allumées par les incendies. Et les étincelles qui pleuvent elle aussi sur

15 ces toits.

16 Le jour se lève, on voit les services d'urgence de l'hôpital central

17 remplis d'amputés et remplis de douleurs. Certains vont survivre, mais les

18 médecins se résignent à la mort de cette petite fille, non loin d'elle, il

19 y en a d'autres qui sont déjà partis, la mort tombe au hasard, certains

20 corps sont recouverts, d'autres pas, là où il y a la vermine qui court sur

21 le sol, une petite maison de l'horreur de Bosnie. Aernout van Lynden

22 Sarajevo. Fin de la présentation.

23 M. IERACE : [interprétation]

24 Q. [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Ierace.

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1 M. IERACE : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je peux vous dire que les écrans que nous

3 avons sont tout à fait inutiles, on y voit rien, impossible de poursuivre

4 de la sorte. Je crois qu'il faut faire quelque chose. Je vais le dire au

5 Greffe, il est impossible d'avoir un procès dans lequel la Chambre de

6 première d'instance n'est pas en mesure de voir ce qui apparaît à l'écran.

7 Je vais m'enquérir aussitôt pour voir ce qu'on peut y faire.

8 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous voyez quelque chose sur votre écran,

10 Monsieur le Témoin ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, l'écran est très sombre. En

12 tout cas, les premières images que l'on a vues, qui étaient prises en plein

13 jour, on avait l'impression qu'elles avaient été prises au plus profond de

14 la nuit.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici à quoi ceci revient, parce que le

16 moyen de preuve perd toute signification, tout sa force.

17 M. IERACE : [interprétation] OUI, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut faire quelque chose, moi je ne

19 comprends pas.

20 M. IERACE : [interprétation] Tout ce que je peux vous suggérer, Monsieur le

21 Président, en fin de l'audience d'aujourd'hui, c'est de vous dire quels

22 sont les extraits vidéos que je vous aurais montrés, et vous pourrez peut-

23 être les examiner dans vos bureaux et des questions pourraient être posées

24 quant à la teneur de ces extraits vidéos plus tard.

25 Une autre suggestion, nous n'avons aucune difficulté pour ce qui est de nos

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1 écrans à nous. On pourrait peut-être bénéficier d'une aide technique si on

2 faisait une petite pause, peut-être pourrait-on ajuster les écrans que vous

3 avez-vous, Messieurs les Juges, pour améliorer le contraste.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez combien d'extraits ?

5 M. IERACE : [interprétation] Quatre en tout.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est l'angle de positionnement des

7 écrans.

8 M. IERACE : [aucune interprétation]

9 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Ierace, il est possible

12 d'apporter éventuellement quelques améliorations. Je crois que le Juge Kwon

13 a une bonne idée. On a peut-être ajusté l'écran, mais en fin du compte, il

14 est impossible à ce moment-là, le reste du prétoire, situation absurde que

15 celle-là. On tout état de cause, nous ne pouvons pas perdre notre temps,

16 nous pourrons visionner ces extraits en temps utile dans nos bureaux. Nous

17 allons les diffuser maintenant et essayer de voir le plus qu'on pourra, et

18 si des problèmes se posent, nous pourrons les visionner à nouveau plus

19 tard. Poursuivez s'il vous plaît.

20 M. IERACE : [interprétation]

21 Q. Vous faisiez fasse aux caméras, est-ce que vous vous trouviez dans les

22 étages supérieurs au moment où ces images étaient filmées de l'hôpital ?

23 R. Un étage supérieur, au plus haut étage.

24 Q. On a vu aussi quelques images de patients. Savez-vous où ces images ont

25 été filmées ?

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1 R. A l'hôpital Kosevo, le principal hôpital universitaire de Sarajevo, le

2 lendemain matin.

3 Q. Pourriez-vous essayer de vous remémorer à quel moment ces images ont

4 été filmées ?

5 R. Début juin 1992, ça devait être le 5, le 6 ou le 7 juin, je ne me

6 souviens pas de la date exacte, mais c'était au début du mois de juin,

7 suite à l'évacuation effectuée par l'armée yougoslave de la caserne du

8 maréchal Tito.

9 M. IERACE : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'intercalaire 2,

10 soit maintenant diffusé. Il s'agit d'un autre extrait vidéo.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 Des Serbes mettent feu à toute une série d'appartement, dans un immeuble

13 d'habitation. Un habitant regarde en pleine détresse, en plein désespoir sa

14 maison et ses effets personnels s'envolent en fumé. Quelques secondes plus

15 tard, une nouvelle rafale de balles incendiaires s'écrasent dans le

16 bâtiment où fait ricocher sur les murs pour tomber dans la rue, se sont des

17 incendiés criminels sur un objectif purement civil. Ce qui pose problème

18 aux pompiers, c'est qu'ils sont à cours de carburant et le pompier nous dit

19 qu'il ne peut pas continuer s'il y a un autre incendié ce jour-là. La chute

20 de Hotess [phon] et l'escalade du pilonnage au centre de Sarajevo. Une fois

21 de plus, sur la ligne c'est l'impuissance qui se manifeste, s'agissant des

22 efforts de la communauté internationale en Bosnie, des cessés le feu, les

23 pourparlers politiques ne mènent à rien, ils ne mèneront à rien tant que le

24 monde occidental n'aura pas prouver qu'il est vraiment engagé pour mettre

25 fin à cette guerre. Aernout van Lynden Sarajevo.

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1 M. IERACE : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En ce qui concerne mon écran, ça va

3 mieux, je m'excuse de m'être plains auparavant. Poursuivons.

4 M. IERACE : [interprétation]

5 Q. Au cours de la présentation d'hier, lorsque je parlais de la déposition

6 que vous avez faite dans un autre procès. Vous parlez d'un incident survenu

7 au moment où vous vous trouviez dans une voiture sur le boulevard maréchal

8 Tito et vous avez vu qu'un immeuble avait été pris sous le feu de tirs.

9 Est-ce que ceci est en rapport avec cet incident ?

10 R. Oui.

11 Q. On a fait également référence à une constatation que vous avez faite, à

12 savoir que les balles incendiaires ont continué à toucher l'immeuble, mais

13 à un niveau inférieur à celui où se trouvait les pompiers lorsqu'ils

14 essayaient d'éteindre l'incendié. Est-ce que vous, vous avez tiré des

15 conclusions de ces observations à cet effet ?

16 R. Oui, je pensais que les services civils de pompier étaient eux-mêmes

17 pris pour cible. Ils étaient arrivés aux étages supérieurs, là où le feu

18 faisait rage, et les balles incendiaires ont provoqué des incendiés dans

19 les étages inférieurs. J'en ai conclut qu'ils essayaient de piéger les

20 pompiers au haut de leur échelle.

21 Q. A quel moment ces images ont-elles été filmées ?

22 R. 5 décembre 1992.

23 Q. Peut-on maintenant montrer au témoin l'intercalaire 5.9. Il s'agit là

24 aussi d'un extrait vidéo.

25 [Diffusion de cassette vidéo]

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1 Sarajevo est connu pour la férocité de la guerre qui fait rage, ce dont

2 Munslind [phon] a donné un nom -- son nom à ce qui est le cimetière juif

3 dont cette forêt de tombe nouvelle et vielle se déroule certain des combats

4 les plus âpres. Il y a des petites villas qui longent le cimetière, et qui

5 ont été transformés en bunker. Des salles à manger ou des salons sont

6 redécorés avec des sacs de sables. Et maintenant, les attaques contre les

7 lignes serbes dans ce secteur ont diminué. Ce qui donne beaucoup de

8 confiance au commandant serbe, qui dit ceci :

9 "Nous sommes prêts pour une longue bataille. Et nous croyons que nous

10 n'allons passer que peu de temps ici. Il faudra qu'ils acceptent la guerre,

11 sinon ce sera une guerre généralisée. Et nous gagnerons très vite."

12 Le journaliste de la conférence, le commandant est compréhensible. Parce

13 qu'à l'inverse des opposants, il ne fait pas face à un manque d'appuie

14 logistique qui est encore empiré par le siège. Et si on lui ordonne

15 d'attaquer, il peut le faire d'une situation qu'il domine. Et c'est le cas

16 aussi dans les rues. Peu, ose s'aventurer dans celle-ci. Aernout Van

17 Lynden, Sarajevo.

18 M. IERACE : [interprétation]

19 Q. Vous souvenez-vous à quel moment ces images ont été filmées ?

20 R. Septembre 1992.

21 Q. Où se trouvait ce cimetière juif, par rapport à la ligne de

22 confrontation qui séparait les parties belligérantes ?

23 R. C'était le no man's land entre les parties belligérantes, juste sur la

24 ligne de front.

25 Q. Au cours de la dernière minute de cette diffusion, on semble voir un

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1 espace dégagé là où il y a une position serbe, n'est-ce pas, Serbe de

2 Bosnie ?

3 R. Exact. La caméra semble montrer plusieurs prises par objectif, de ce

4 qui est disponible dans cette espace. Exact.

5 Q. Qu'est-ce qu'on peut voir dans cette espace-ci, si vous voulez, de la

6 ville

7 R. La place Marin Dvor, c'est le cœur même de la ville. Là, où se trouve

8 Holiday Inn, le parlement. C'est ce secteur-là de la ville, ainsi que les

9 tours Unis qui sont très visibles. Celles qu'on a vues dans le premier

10 extrait, et qui étaient à ce moment-là, étaient en proie en flammes et ont

11 été détruites plus tard.

12 Q. Est-ce qu'à un moment donné, en 1992, vous avez interviewé le général

13 Ratko Mladic ?

14 R. Oui. Je l'ai fait en septembre 1992.

15 Q. Pourriez-vous nous dire de façon approximative, où a eu lieu cet

16 interview ?

17 R. L'interview même, s'est fait sur une position d'artillerie, à l'est de

18 Sarajevo, surplombant la ville.

19 Q. Est-ce que ceci a été enregistré sur vidéo ?

20 R. Oui.

21 M. IERACE : [interprétation]

22 Q. Je demande maintenant, que soit diffusé l'extrait vidéo, intercalaire

23 5.8.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 [Imperceptible] de Sarajevo, le guerrier principal, le chef guerrier des

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1 Serbes, il s'appelle Ratko Mladic. Il porte bien son nom, parce que Ratko,

2 ça veut dire guerrier. Et ce général assez trapu, est à la hauteur de sa

3 réputation. Un commandant qui est toujours en mouvements. Là, il va dans un

4 des chalets de montagnes, où les Serbes de Bosnie ont établi un

5 gouvernement séparatiste. Mais c'est un lieu provisoire. Les forces sont

6 toujours à l'offensive. Et il nous donne l'occasion, ici, d'aller avec lui,

7 sur une position d'artillerie des Serbes de Bosnie, où les observateurs de

8 L'ONU brillent par leurs absences. Sur ces hauteurs balayées par le vent,

9 il y a des canons de 100 millimètres qui sont enfuis dans les rochers, et

10 ils sont surplombent directement Sarajevo. Une position dominante par sa

11 force qui, manifestement, satisfait le général, qui dit tenir dans sa main,

12 la ville. Beaucoup des bâtiments qui sont perdus dans le brouillard, en

13 sont le témoignage, le témoignage de sa force.

14 C'est un homme qui n'a aucun doute, qui est tout à fait convaincu qu'il a

15 raison et que le monde a tord, et que son peuple a été tourné en ridicule,

16 insulté.

17 J'espère que le conseil de sécurité va entreprendre des mesures pour

18 comprendre que nous, Serbes, sommes une réalité dans ce monde.

19 Nous ne sommes pas des extra-terrestres, et que nous avons le droit de nous

20 défendre. A proximité, dit le journaliste :

21 "D'autres positions sont enfouies. Aux yeux du général, le monde nie peut-

22 être à son peuple, ses droits, mais ceci ne va pas l'empêcher dans sa

23 foule, dans ses efforts."

24 Le général dit ceci :

25 "Nous allons continuer -- combattre tant que nous existons pour nous

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1 défendre. C'est la seule issue, et nous sommes prêts à mener une longue

2 guerre."

3 Le journaliste, loin du champ de combats, les Nations Unies préparent une

4 résolution sur les crimes de guerre. Et ceux-ci ne dérangent pas du tout

5 Ratko Mladic.

6 Le général Mladic :

7 "Ça ne me dérange pas du tout. Je n'ai participé à aucun crime. Je n'ai

8 fait que défendre mon peuple.

9 Le journaliste :

10 "Sur ces mots, il part pour inspecter d'autres lignes de front dans une

11 guerre, dont lui et les officiers ne croient qu'elle se terminera tôt.

12 Aernout Van Lynden sur la ligne de front, à l'extérieur de Sarajevo.

13 M. IERACE : [interprétation]

14 Q. C'était donc là, les images filmées dans l'interview ?

15 R. Exact.

16 Q. Vous, au cours de votre reportage, vous dites que le général vous a dit

17 tenir la ville, dans la paume de sa main.

18 R. Oui.

19 Q. Il vous l'a dit à vous, ou à quelqu'un d'autre ?

20 R. Il me l'a dit, lorsque nous marchions. Mais la caméra, ne nous filmait

21 pas à ce moment-là. Et ceci m'a été traduit par le producteur local que

22 j'avais avec moi. En fait, il a fait le geste de frapper la paume de sa

23 main, de ses deux doigts de son autre main.

24 Q. Au moment où vous résidiez dans les étages supérieurs de l'hôpital, là

25 où vous avez observé le pilonnage de la ville, est-ce qu'il vous est arrivé

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1 de voir des balles qui semblaient venir de cette partie-là, des alentours

2 de la ville ?

3 R. Vous voulez dire du côté bosnien vers le côté serbe ?

4 Q. Oui.

5 R. Non. Je n'en ai vu aucune. Nous avons passé toutes les nuits, à cet

6 endroit. Et jamais, nous n'avons rien vu qui soit venu, aucun feu qui soit

7 venus de ces alentours.

8 Q. Est-ce qu'apparemment, il y avait des tirs qui venaient de cette zone,

9 là, où vous avez eu cet interview ?

10 R. Oui, oui. Et nous avons d'ailleurs filmé ces tirs, en début de soirée,

11 début juin 1992. C'étaient des tirs de roquettes multiples. Et pour autant

12 que je le sache, c'est bien là, qu'on m'a emmené au moment où j'ai fait cet

13 interview avec le général Mladic. Donc, à l'est de Sarajevo.

14 Q. Je vois. Et vous souvenez-vous si ces roquettes ont touché une cible,

15 un objectif, dans la ville ?

16 R. Elles ne semblaient pas avoir d'objectif précis. Nous avons des images

17 des ces projectiles qui touchent la ville; au départ, dans la partie, à

18 l'est de la ville. Et c'est seulement plus tard, que les tirs se sont

19 concentrés sur la caserne maréchal Tito qui avait été évacuée. Mais à ce

20 moment-là, là où il y avait des tirs concentrés sur la caserne, il y avait

21 des obus qui pleuvaient sur toute la ville, qui étaient réparties sur toute

22 la ville, pas sur un point précis. Donc, il n'y avait pas qu'un seul

23 objectif, mais on prenait pour cible la totalité de la ville.

24 R. Est-ce que vous avez interviewé le Dr Karadzic, de temps à autre ?

25 R. Oui. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises. En outre, à la conférence

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1 de Londres, en août 1992, à Belgrade, début septembre 1992; ainsi qu'à

2 Pale, à plusieurs reprises. En septembre 1992, et j'ai eu notamment, de

3 longues réunions, en faisant trois ou quatre heures, dans la soirée. La

4 dernière réunion, a eu lieu en février 1994, lors de ma dernière visite à

5 Pale.

6 Q. Est-ce que M. Karadzic, vous a dit étant filmé, ce qu'il pensait de la

7 nature des revendications des Serbes de Bosnie, à l'égard de Sarajevo ?

8 R. J'ai eu plusieurs entretiens avec lui, à Pale, en septembre 1992. Et il

9 m'a souvent dit qu'au fond, toute la ville appartenait au Serbes. Que

10 c'était un territoire serbe. Il avait plusieurs cartes sur son bureau. Et

11 il semblait les avoir coloriées, pour montrer ce qui était une terre serbe,

12 et ce qui ne l'était pas. Et à ses yeux, Sarajevo était entièrement serbe.

13 C'est ce qu'il a dit. Il l'a souvent dit. Il a fait notamment aussi, une

14 remarque disant qu'il fallait peut-être parvenir à accepter un compromis.

15 Mais il a dit qu'il ne pouvait pas coexister avec ces personnes. Et puis,

16 il a dit quelque chose qui m'a choqué. Il a dit qu'il faudrait construire

17 un mur à travers Sarajevo. C'était moins de trois ans, après la chute du

18 mur de Berlin. Et je pense, que dans le monde entier, ce fut un moment de

19 liesse. Mais la ville avait été si cruellement divisée pendant si

20 longtemps, et se retrouvait une et unie. Et trois ans plus tard, Karadzic,

21 a dit qu'il fallait construire un tel mur. J'étais tout à fait indigné par

22 cette remarque.

23 Q. Est-ce qu'il a expliqué ce qu'il pensait des Musulmans, des gens de foi

24 islamique ?

25 R. Oui, il a dit, sans mettre de gants. Il a dit, au fond, que ce

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1 n'étaient pas des Slaves, que c'étaient des Turques. Et avait d'autres

2 remarques du même cru pour étayer son idée.

3 Q. Avez-vous interviewé Slobodan Milosevic ?

4 R. Oui, fin juillet 1991, au cours de la guerre de Croatie. J'ai eu

5 l'autorisation de l'interviewer.

6 Q. Est-ce qu'il vous a dit, sans être filmé, ce qu'il pensait de la

7 situation politique prévalant à l'époque dans la région ?

8 R. Je pense que notre entretien a dû durer 40 minutes, en tout cas, plus

9 de 30 parce qu'il a fallu changer de cassette. La caméra, dans le système

10 betacam, dure 30 minutes, donc ça fait environ 40 minutes. M. Milosevic m'a

11 alors invité à passer dans une autre pièce pour prendre un verre de whisky

12 avec lui. Il n'y avait pas de caméra, nous n'étions pas filmés. Ceci ne

13 faisait pas partie de l'entretien officiel. Notre conversation a été plus

14 détendue. Il a dit :

15 "Il faut comprendre que nous sommes menacés, nous Serbes," par ce qu'il a

16 appelé un Quatrième Reich germano papiste, par une conspiration des

17 Musulmans contre les Serbes. Et à ce moment-là, c'était Genscher qui était

18 ministre des affaires étrangères en Allemagne.

19 Q. Au moment où il a formulé ses commentaires, a-t-il dit quel était son

20 objectif ultime ?

21 R. Je trouve -- enfin le Vatican étant mis dans le même sac que les forces

22 intégristes, ça me semblait assez ridicule, mais pour moi, c'était un

23 signe, une indication pour moi et pour les producteurs locaux qui étaient

24 avec moi. Un signe de ce que, à nos yeux, l'intention était de faire passer

25 la guerre de Croatie vers la Bosnie et le Kosovo, une fois que la guerre se

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1 serait terminée en Croatie d'une façon satisfaisant les Serbes.

2 Q. S'agissant du Kosovo, que ce soit au moment où il a été filmé ou sans

3 l'être, a-t-il dit ce qu'il pensait des habitants du Kosovo ?

4 R. Il était filmé à ce moment-là et il a parfaitement réussi à ne pas

5 répondre à mes questions. Mais lorsque je lui ai fait valoir qu'il exigeait

6 certains droits pour la minorité serbe en Croatie, il avait fait exactement

7 l'inverse s'agissant de la population albanaise du Kosovo, puisque le

8 Kosovo a été une province autonome, représentée par son propre membre, à la

9 présidence de Yougoslavie. Et les droits de la majorité albanaise du

10 Kosovo, sous le régime du président Milosevic en Serbie, avaient été

11 supprimés. Alors je lui ai dit qu'on ne pouvait pas supprimer quelque chose

12 à quelqu'un et le donner à quelqu'un d'autre. Il s'est mis un peu en colère

13 au moment de l'entretien. Il a dit très clairement qu'à son avis le Kosovo

14 était serbe, qu'il devait le rester et qu'il n'y avait pas de lien, à son

15 avis, entre les deux.

16 Q. Fort bien. 1994, à la suite de l'incident du marché de Markale, début

17 février, est-ce que vous êtes retourné à Sarajevo du côté des Serbes de

18 Bosnie ?

19 R. Lorsqu'il y a eu ce massacre, je me suis trouvé en Bosnie centrale.

20 Pour aller de la Bosnie centrale à Sarajevo, il était nécessaire de

21 traverser des lignes de front. Et à ce moment-là, il a été indiqué de

22 manière tout à fait claire, à notre bureau principal à Belgrade -- à notre

23 chef de bureau à Belgrade, qui est arrivé à Pale, que les dirigeants serbes

24 de Bosnie ne me permettraient pas de traverser immédiatement ces lignes et

25 de me rendre à Sarajevo. Ils voulaient que je passe par Pale tout d'abord.

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1 C'est donc ce que nous avons fait.

2 Sky News a envoyé une autre équipe à Sarajevo. Je suis allé à Pale. J'ai

3 passé deux semaines après le massacre à Pale pendant que l'OTAN a dressé

4 son premier ultimatum aux Serbes, qui a donné lieu à la mise en place de la

5 zone d'exclusion de 20 kilomètres pour les armes lourdes autour de

6 Sarajevo.

7 Q. Est-ce que vous avez pris connaissance, à un moment donné, de

8 l'existence d'une solidarité, d'un mouvement de solidarité serbe face à ce

9 qui se passait dans -- après le massacre de Markale comme vous l'appelez ?

10 R. Oui, on nous a dit que Vojislav Seselj, qui était un nationaliste

11 extrémiste en Belgrade, s'est rendu à Pale, mais je ne l'ai pas

12 personnellement vu. On nous a dit, de la part des personnes qui se

13 trouvaient au sein de la présidence des Serbes de Bosnie, que ceci a eu

14 lieu, et j'ai personnellement vu que Milan Martic, qui était à l'époque

15 leader des Serbes de Croatie, s'est rendu à Pale et qu'il a passé en revue,

16 avec Radovan Karadzic, la garde d'honneur dans la neige à l'extérieur de ce

17 qui était à l'époque le siège de la présidence serbe de Bosnie à Pale.

18 Q. Avez-vous appris s'il y a eu des rencontres qui ont eu lieu

19 occasionnellement entre M. Karadzic, général Mladic et M. Milosevic ?

20 R. Oui. C'était tout à fait clair qu'ils se réunissaient pendant la

21 conférence de Londres. Et lorsque j'ai rencontré le Dr. Karadzic, à l'hôtel

22 Intercontinental de Belgrade, en septembre 1992, avant de me rendre à Pale,

23 il m'a dit qu'il s'y est rendu lui-même et qu'il a rencontré M. Milosevic.

24 Et d'autres sources, que ce soit à Pale ou à Belgrade, il m'a été dit qu'il

25 y avait des réunions régulières entre ces deux hommes, parfois en la

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1 présence du général Mladic et parfois en son absence. On m'a également dit

2 qu'il y avait des réunions également uniquement -- réunissant uniquement le

3 général Mladic et M. Milosevic.

4 Q. Vous vous êtes référé à des conversations que vous avez eues avec le

5 Dr. Karadzic, des entretiens que vous avez eu avec lui. Est-ce qu'il vous a

6 jamais parlé de l'entretien de l'entretien -- du contenu des entretiens

7 qu'il a eus avec M. Milosevic ?

8 R. Non. Nous lui avons posé la question à plusieurs reprises, au sujet de

9 ce que M. Milosevic pensait d'un événement ou d'un autre, et il nous a dit

10 qu'il ne pouvait pas aborder ce genre de questions.

11 Q. Très bien. Alors à un moment donné, pendant le conflit, avez-vous

12 compris qu'il y a eu un embargo, qui a été imposé par les autorités serbes

13 sur le mouvement des biens en provenance de Serbie vers le territoire des

14 Serbes de Bosnie ?

15 R. Oui, je suis au courant de cela.

16 Q. A quel moment, pour autant que vous vous en rappelez ?

17 R. En avril, mai 1993.

18 Q. Est-ce que vous avez pu remarquer si cet embargo a été effectivement

19 mis en oeuvre ?

20 R. Oui, c'était la période après que le parlement des Serbes de Bosnie ait

21 rejeté le plan de paix Vance-Owen pour la Bosnie. Et les Serbes de Bosnie

22 ont organisé un référendum portant sur la décision prise par le parlement

23 des Serbes de Bosnie. D'après ce que j'ai compris, c'était que M. Milosevic

24 avait donné l'ordre d'imposer un embargo afin de montrer sa colère et le

25 fait qu'il désapprouvait la décision du parlement des Serbes de Bosnie de

Page 26718

1 ne pas suivre son conseil et donc de ne pas accepter le plan de paix Vance-

2 Owen. Et qu'il a donc mis en place un embargo notamment sur les fournitures

3 de carburant, un embargo au sein d'un embargo puisque la Serbie, à ce

4 moment-là, subissait l'embargo des Nations Unies. Mais lorsque nous nous

5 sommes rendus dans les régions nord de la Bosnie de l'est, nous sommes

6 allés dans un village appelé Janja et également nous sommes allés à

7 Bijeljina. Et nous avons vu, à divers endroits, des camions, de tonnage

8 différent, qui entraient dans les parties de la Bosnie qui était tenues par

9 les Serbes et qui, entraient en provenance de la Serbie même. Nous avons vu

10 des tankers qui transportaient du pétrole. Donc ceci nous a permis

11 d'arriver à la conclusion que l'embargo n'existait que sur papier et qu'il

12 n'a pas réellement été respecté. Plus tard, à Belgrade, il y avait une

13 blague à ce sujet disant que ceci était simplement un geste politique,

14 enfin un manœuvre politique pour montrer cela à la communauté

15 internationale, pour faire croire à la communauté internationale.

16 Q. Très bien. Hier, il a été question de votre déposition antérieure au

17 sujet du conflit en Croatie en 1991. Avez-vous pu observer des

18 ressemblances entre les uniformes que vous avez eus en 1991 à l'extérieur

19 de Sarajevo et ceux que vous avez vu porter par les forces serbes de Bosnie

20 autour de Sarajevo en 1992.

21 R. Je n'étais pas à Sarajevo en 1991, non.

22 Q. Mais lorsque vous étiez à Sarajevo ou du moins quand vous étiez sur les

23 territoires tenus par les Serbes de Bosnie en 1992, vous avez pu voir des

24 uniformes. Alors quelle était la -- comment pouvez-vous comparer ces

25 uniformes à ceux qui étaient portés par les soldats en 1991.

Page 26719

1 R. C'étaient les mêmes uniformes. La seule chose c'est que maintenant ils

2 portaient le blason -- les couleurs de la Serbie sur leurs insignes, donc,

3 blanc, bleu, rouge. Mais les uniformes étaient absolument identiques.

4 Q. Vous étiez à Vukovar en 1991 ?

5 R. Oui.

6 Q. Avez-vous rencontré des officiers de la JNA à ce moment-là ?

7 R. Oui. J'ai rencontré un certain nombre d'officiers, y compris, je pense

8 que c'était Sljivancanin. Je ne sais pas si j'ai bien prononcé le nom. Et

9 je vous présente mes excuses pour cela. Pendant les dernières journées du

10 siège, nous avons passé tout le temps avec une unité de la première brigade

11 blindée de la garde. Il y avait un certain nombre d'officiers là-bas, y

12 compris un certain qui s'appelait Mladen Maric.

13 Q. Très bien. Avez-vous appris, s'il y a eu après une présence de l'un

14 quelconque de ces officiers à Sarajevo, pendant le conflit de Sarajevo ?

15 R. Oui. Nous avons passé pas mal de temps avec Mladen Maric, et nous

16 sommes allés dîner à Belgrade en sa compagnie, avec quelques-uns de ses

17 hommes après la chute de Vukovar. Et puis en juin, mon producteur, qui

18 avait été avec moi à Vukovar, m'a dit, qu'il a vu Mladen Maric dans la

19 caserne de Lukavica à Sarajevo en juin 1992.

20 Q. Qu'avez-vous appris au sujet de la présence à Lukavica ?

21 R. Il était là, en tant qu'officier de l'armée yougoslave et d'après ce

22 que j'ai compris, l'interprète m'a dit, mon producteur, c'est que lui-même

23 et les hommes de son unité étaient les meilleures unités au sein de l'armée

24 yougoslave. Et qu'ils se sont trouvés sur place afin de préparer une

25 attaque sur Sarajevo et nous avons compris que c'était une attaque à

Page 26720

1 l'encontre de la caserne de maréchal Tito et afin de diviser la ville en

2 deux, mais ils ne l'ont pas fait. Il y a eu un accord, à ce moment-là, au

3 sujet de cette caserne, et la caserne a été évacuée.

4 D'après ce que j'ai compris, il était à l'époque capitaine de l'armée

5 yougoslave. Initialement, je pense qu'il était originaire de Bosnie, il a

6 refusé de devenir membre de l'armée des Serbes de Bosnie. Il est revenu en

7 Serbie même et pour autant que je le sache il est toujours là-bas, il est

8 membre de l'armée serbe.

9 Q. Très bien. Et les casernes -- la caserne maréchal Tito se trouvait au

10 point le plus étroit de la vallée ?

11 R. Oui.

12 Q. A l'automne 1991, avez-vous fait des reportages sur les conflits dans

13 la zone qui se situe au sud de Dubrovnik ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que c'était à proximité de Cavtat ?

16 R. Oui, tout à fait. Nous sommes arrivés par voie aérienne. Nous sommes

17 arrivés à Monténégro. Et nous avions obtenu une permission, de la part de

18 l'armée yougoslave, de les accompagner, du Monténégro jusqu'à la route qui

19 suit la côte qui mène à Dubrovnik. Nous avons traversé plusieurs villages

20 qui avaient été rasés. Ainsi que les bois, les forêts dans cette zone

21 avaient été incendiés, et ceci nous a montré que c'était la politique de la

22 terre brûlée qui était menée là-bas de la part de l'armée yougoslave.

23 Nous avons traversé l'aéroport et nous sommes arrivés dans les environs de

24 la banlieue de Cavtat. C'est une petite ville ou plutôt un village, un

25 grand village qui a un port naturel et c'est un endroit très joli. Et il y

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1 avait encore des tirs, même si les seuls tirs que j'ai vus, c'étaient ceux

2 émanant de l'armée yougoslave, y compris, quelque chose qui était à ma

3 grande surprise, un char 33. C'est un char soviétique qui date de la

4 seconde Guerre.

5 Et par la suite, nous avons accompagné les forces qui sont entrées dans

6 Cavtat. Comme je dis, je n'ai vu aucun signe. Nous n'avons vu aucun signe

7 de résistance, mais il en aurait pu en avoir avant que nous n'arrivions.

8 Dans la ville, nous nous sommes adressés à des civils, et nous avons vu

9 qu'au moins dix habitants de Cavtat avaient été emmenés par l'armée

10 yougoslave.

11 Q. Très bien. Vous avez dit que vous n'avez vu aucun signe de résistance

12 émanant de la ville. Avez-vous des mesures qui auraient été prises pour

13 empêcher l'avance des troupes vers le nord ?

14 R. Pendant que nous étions à Cavtat, il y a eu une explosion très

15 importante vers le port. Nous ne pouvions pas voir immédiatement ce que

16 c'était, puisqu'il y avait des maisons, qui nous obstruaient la vue, qui se

17 trouvaient entre nous et le lieu de l'explosion. Quand nous sommes montés

18 dans les hauteurs, nous avons vu que cette explosion avait été provoquée

19 par les forces croates afin de bloquer la principale route. La route qui

20 longe la côte et qui mène vers le nord de Cavtat de Dubrovnik.

21 Q. Les dix personnes, ou les dix hommes que vous décrivez comme civils,

22 qu'est-ce qui vous a permis de dire que c'étaient des civils ?

23 R. Et bien, je me suis adressé à l'un d'entre eux, avant qu'il ne soit

24 emmené dans un bar. En fait, c'était un propriétaire de bar. Ils portaient

25 tous des -- ce genre de vêtements. Nous avons noté leurs noms, et après

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1 qu'ils aient été emmenés, nous n'avons plus eu d'informations au sujet de

2 la raison pour laquelle, ils avaient été emmenés. J'ai rédigé un petit

3 rapport et je l'ai remis au comité international de la Croix rouge de

4 Belgrade. Je leur ai dit, donc, en disant que nous étions sur place lorsque

5 ces dix personnes, peut-être onze ou neuf, je ne suis pas sûr, ont été

6 emmenées. C'est la dernière chose que je sais au sujet d'eux, jusqu'à ce

7 que je sois revenu à Cavtat en 1994 et que j'aie rencontré de nouveau, ce

8 propriétaire de bar. Il était toujours à sa place, pour un propriétaire de

9 bar, mais sa condition psychologique était vraiment mauvaise. Et il m'a dit

10 qu'il avait été détenu pendant plusieurs mois et qu'il avait été sévèrement

11 passé à tabac.

12 Q. Vous est-il arrivé de poser des questions au leader de la communauté

13 serbe, au sujet de la raison pour laquelle cette attaque a été menée dans

14 la zone de Dubrovnik ?

15 R. C'est bien pendant que nous étions à Cavtat, deux officiers supérieurs

16 de l'armée yougoslave sont arrivés sur place. Et pour autant que je me

17 souvienne, l'un deux était de l'armée de terre et l'autre de la marine.

18 Nous nous sommes adressés à eux, mais eux, ils ne voulaient pas nous

19 répondre. Ils ne voulaient pas répondre à une autre question au sujet des

20 raisons pour lesquelles cette attaque a été menée. Est-ce que ceci n'était

21 pas une zone où il y avait des habitants serbes et Dubrovnik n'est pas non

22 plus où les Serbes vivaient, mise à part, quelques-uns.

23 Nous n'avons jamais reçu de réponse de la part des autres officiers au

24 sujet -- pendant ce déplacement particulier. Je me suis adressé aux gens à

25 Belgrade, je leur ai demandé pourquoi Dubrovnik, une cité aussi importante,

Page 26723

1 qui est le mieux connue sur le plan international de toute l'ex-

2 Yougoslavie, a été attaquée de cette manière, qui à notre avis, pour ses

3 préjudices et ce, de manière très importante à la cause serbe et je n'ai

4 jamais eu de réponse claire de qui que ce soit.

5 Q. Qui a été la personne la plus haute placée ? A qui vous auriez posé

6 cette question.

7 R. M. Jovic, c'était l'un des proches collaborateurs de Milosevic à

8 Belgrade.

9 Q. Et que vous a-t-il répondu ?

10 R. Il ne m'a pas répondu. Encore une fois, il ne voulait pas répondre à

11 cette question. Et la question était simple :

12 "Pour quelles raisons avez-vous donné la possibilité -- l'autorisation à

13 l'armée yougoslave d'attaquer Dubrovnik ? Quel a été l'objectif de cela ?"

14 Et il a simplement secoué la tête, il ne voulait pas hocher la tête, il ne

15 voulait pas répondre à la question. Ce n'était pas un interview formel.

16 Nous avons rencontré M. Jovic pendant une conférence, et nous nous sommes

17 adressés à lui pendant quelques minutes.

18 Q. A l'époque où vous étiez à Dubrovnik, en 1991, avez-vous parlé aussi --

19 avez-vous fait des reportages au sujet d'une zone de Banja en Croatie ? En

20 particulier, vous êtes-vous jamais entré dans le village de Strugar ?

21 R. Oui.

22 Q. Et que se passait-il à l'époque, que ce soit avant ou après que vous

23 soyez entré dans ce village ? Qu'avez-vous vu ?

24 R. C'était en juillet 1991, si je m'en souviens bien. Et c'était mon

25 premier jour de reportage. Donc, couvrant les événements en Croatie, nous

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1 sommes arrivés de Bosnie en Croatie très tôt dans la matinée. Et on nous a

2 dit, qu'il y avait des combats dans ce village, le village de Strugar, qui

3 se trouve très près d'une petite ville qui s'appelle Dvor na Uni. Dvor sur

4 la rivière Una. Nous sommes rentrés dans Strugar. Et nous avons découvert

5 sur place, vu sur place, une unité de l'armée yougoslave, qui est venu

6 constater qu'il y avait eu des coups de feu et qui nous a dit -- en fait,

7 c'était un officier serbe que j'ai rencontré plus tard en Bosnie, que des

8 Serbes -- la milice serbe était entrée, dans le village de Strugar, pendant

9 la nuit, la nuit du vendredi au samedi, donc de samedi matin, et qu'ils ont

10 ouvert le feu. Donc, c'étaient des tirs aveugles sur des maisons.

11 Autant que je m'en souviens les quatre dernières -- au moins quatre

12 villageois de Strugar ont été tués, pour la plupart, le reste de la

13 population s'est enfuie. Donc, certains d'entre eux ont riposté puisque

14 deux membres de la milice serbe ont été tués.

15 L'officier de la JNA m'a dit qu'ils étaient -- qu'ils avaient été envoyés

16 ou simplement qu'ils étaient arrivés pour servir de tampon entre les deux

17 parties après la fin des tirs.

18 Q. Et comment avez-vous évalué son explication, donc sa justification de

19 sa présence ?

20 R. Et bien, je ne peux pas donner une explication définitive, mais nous

21 avions l'importance -- l'impression qu'il y avait une coordination entre

22 les milices serbes et la JNA. Et que le fait que la JNA soit arrivée si

23 tard, uniquement après la fin des tirs, au moment où les milices étaient

24 retirés, que -- et bien que ça prouvait qu'ils étaient en contact, et

25 c'était certainement l'opinion des villageois croates de Strugar.

Page 26725

1 Q. Très bien. Je voudrais que nous abordions très brièvement les questions

2 suivantes : C'est là que vous avez rencontré le capitaine Dragan ?

3 R. Oui.

4 Q. Où ?

5 R. A Dvor sur Una [sic], le même jour où je suis entré à Strugar.

6 Q. C'est là -- c'était la seule occasion ou l'avez-vous rencontré à

7 d'autres occasions ?

8 R. Non, je l'ai vu à diverses occasions après cela.

9 Q. C'était là, l'une de ces occasions où il a procédé à des arrestations

10 de Serbes du coin ?

11 R. C'est cela. Quelques jours après cet incident de Strugar, nous avons --

12 nous nous sommes mis d'accord de rencontrer le capitaine Dragan à Dvor sur

13 Una [sic]. Lorsque nous sommes arrivés là-bas, nous l'avons rencontré. Il

14 nous a dit qu'il avait arrêté dix Serbes du coin pour avoir massacré quatre

15 femmes croates dans une clinique de Dvor sur Una [sic] et ces femmes

16 croates étaient originaires du village de Strugar. Et il a dit que ce genre

17 de comportement était inacceptable puisque c'était le même que les Croates

18 avaient utilisé à l'encontre des Serbes pendant la seconde guerre, et c'est

19 pour cela qu'il les avait arrêtés.

20 Q. Quelle a été la réponse des Serbes locaux à ces arrestations pour

21 autant que vous l'avez vu ?

22 R. La situation était extrêmement tendue. Le capitaine Dragan qui avait

23 ses propres -- sa propre milice, qui avait sa base dans la ville de Knin,

24 avait positionné ses hommes autour du bâtiment où il détenait ces dix

25 Serbes. Mais il y avait aussi des villageois qui étaient, de toute évidence

Page 26726

1 en colère, et qui voulaient que ces dix hommes soient relâchés.

2 Q. Et quelle a été l'issue de cet incident ?

3 R. Et bien quelques heures plus tard, un homme, que je n'ai pas reconnu

4 immédiatement, mais qui m'a été présenté par la suite comme Milan Martic,

5 est arrivé sur place et il a ordonné pendant un argument, une polémique

6 plutôt houleuse entre les deux hommes, il a ordonné au capitaine Dragan de

7 relâcher ces hommes et c'est ce que celui-ci a fait.

8 Q. Avez-vous fait des observations au sujet du commandement et du contrôle

9 exercé par le capitaine Dragan sur ses forces ?

10 R. Ses forces sont plus disciplinées et mieux entraînées que d'autres

11 milices. Ils portaient les uniformes qui étaient différents. Ils portaient

12 tous le même uniforme. Ils avaient des fusils qui provenaient de

13 différentes -- différents pays, il n'y avait pas seulement des

14 Kalachnikovs. Et de toute évidence, c'est lui qui commandait ses hommes,

15 mais lui était très clairement passé sous le commandement de Milan Martic.

16 Q. Lui avez-vous posé des questions au sujet du financement et au sujet de

17 la provenance des ces équipements ?

18 R. Et bien, lorsque vous posez ce genre de question, vous ne pourrez pas

19 toujours vous attendre à avoir une réponse, et je n'ai pas eu de réponse à

20 cette occasion.

21 Q. Vous lui avez demandé qui était responsable de cette opération ?

22 R. Je lui ai posé la question et il m'a répondu que c'était Slobodan

23 Milosevic, donc au sujet de ce que les Serbes essayaient d'obtenir.

24 M. IERACE : [interprétation] J'en ai terminé.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons versé au dossier cette

Page 26727

1 liasse, y compris la pièce 500 -- donc ça sera la pièce 540 ?

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui.

3 M. IERACE : [aucune interprétation]

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 540.

5 M. IERACE : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

8 Q. [Interprétation] Je vais vous demander d'examiner avec moi certaines

9 images, des extraits que vous avez apportés.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais auparavant, Monsieur May, je dois vous

11 dire que j'ai reçu plusieurs CD, et là où on dit : "Compilation de ce qui a

12 été fait par Van Lynden," se trouve à être vide. Ce qui fait que je n'ai

13 pas pu déterminer ce qui s'y trouve au juste, mais cela ne m'empêchera pas

14 de poser les questions que j'ai l'intention de poser, ça peut être vérifié

15 par les vôtres d'ailleurs.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

17 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Ierace, pouvez-vous nous aider

19 sur ce point ?

20 M. IERACE : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons rencontré

21 quelques difficultés techniques pour ce qui est de la production sur

22 version CD, des extraits vidéos, mais je suis étonné de voir que ce

23 problème persiste. Est-ce que nous pourrions examiner le CD de M. Milosevic

24 et nous allons nous enquérir.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, remettez les CD.

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1 Ils essayeront de déterminer la nature du problème.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Indépendamment de ce fait-là, il y a pas mal de

3 matériel autre, et cela me permet, je pense, de me priver de la compilation

4 en question.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur van Lynden, j'ai ici le disque qui porte une cote C00870 [sic]

8 et un autre qui porte la cote 000/871 [sic] sur une vidéo filmée la nuit

9 que nous avons vue tout à l'heure dans le 870/1 [sic]. Je ne redemanderai

10 pas sa visualisation une fois de plus --

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] De toute façon, les cotes ne nous

12 aideront pas, mais vous pourriez faire la description de l'extrait vidéo, à

13 propos duquel vous voulez poser des questions au témoin.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je pense, pour ma part, que lorsque j'ai

15 un renseignement très précis, partant de ce disque, et je ne sais comment

16 pouvoir l'utiliser autrement, si ce n'est la cote qui est attribuée à ce

17 disque, si je ne veux pas qu'on le présente. Mais la question que je veux

18 poser ne nécessite pas le visionnement de la vidéo, nous avons déjà tous pu

19 voir cette dernière. Il n'est pas contesté que la ville a été pilonnée, on

20 a vu des balles traçantes, et cetera. On a vu des balles traçantes voler

21 dans tous les sens.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. N'est-ce pas ?

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous l'avons vu.

25 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

Page 26729

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne sais pas exactement à quel

2 reportage M. Milosevic se réfère.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, soyez plus précis, Monsieur

4 Milosevic, à quel reportage pensez-vous ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parle exactement du reportage qui figure sur

6 le 0870/1 à partir de 000 jusqu'au 00048.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit de quel extrait ? Du premier

8 qui a été diffusé ce matin ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je parle de disque qui m'a été communiqué

10 à moi. Et ce qu'on a vu ce matin et ce que vous avez vu, était assez peu

11 visible d'ailleurs.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. La question que je voulais poser à M. van Lynden est la suivante :

14 Dites-moi je vous prie, s'agit-il là d'échanges de tirs entre les forces

15 musulmanes et les forces serbes ou alors s'agit-il de tirs unilatéraux

16 venant des positions serbes d'après ce que vous avez filmé vous-même ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin ne sera pas à même de

18 déterminer ce dont vous parlez. Essayons de procéder de façon différente.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, je vais vous demander la chose

20 suivante : Qu'on mette le disque dans la machine appropriée.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous allons diffuser certains

22 extraits.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tenez, mettez-le dans la machine appropriée,

24 c'est le disque 00-0870 [sic]. Il y a un V000871.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

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1 M. IERACE : [interprétation] Monsieur le Président, je relève que cet

2 extrait 870 fait quelques 12 minutes 15. Nous pourrons le diffuser bien

3 sûr. Et je suppose que le second extrait qui porte la cote 871 est de la

4 même durée.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Commençons la diffusion du premier

6 extrait. Nous verrons ce que ça donne. En tant que de besoin, nous pourrons

7 faire une pause.

8 Un instant, M. Milosevic. Commençons la diffusion.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le premier commence à 000 jusqu'à 00048.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 Un symbole antique de la co-existence européenne s'est perdu en 1992.

12 Pendant des mois durant, ceci s'est avéré être sa destinée, son sort. Des

13 obus, des projectiles par deux, par trois, à l'aveugle, au hasard, laissant

14 un bruit de pleurs dans la ville. Une ville qui est en proie à un incendie,

15 à des incendies spectaculaires. La Bosnie et sa capitale en particulier --

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons dépassé le point 48 donc ma question

17 était celle de savoir --

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Oui, vous

19 pouvez maintenant poursuivre.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Je vous demandais s'il s'agissait là d'échanges de tirs ou de tirs ou

22 de pilonnages unilatérales de la ville.

23 R. Je dois d'abord vous expliquer qu'il s'agit ici d'une compilation d'une

24 demi-heure que j'ai faite pour la fin de l'année 1992. Elle concernait la

25 totalité de la guerre en Bosnie.

Page 26731

1 Deuxième chose, vous venez de voir des images de pilonnages, mais ils

2 viennent toutes des premiers jours du mois de juin 1992, suite à

3 l'évacuation de la caserne de maréchal Tito. Ces images ne montrent que des

4 tirs entrant dans la partie de la capitale de Bosnie tenue par les

5 Bosniens.

6 Q. Bien. Tout de suite après, sur le même enregistrement, un peu plus

7 loin, jusqu'au 0102, donc depuis là, on s'est arrêté tout à l'heure jusqu'à

8 la position 0102, on voit une cafétéria, des hommes en train de boire une

9 boisson. Est-ce que c'est le jour après les combats que vous avez filmés

10 tout à l'heure ou pas ?

11 R. Non. C'était des images que mon équipe n'a pas filmées, mais qui

12 étaient filmées par d'autres équipes de télévision. Et si je me souviens

13 bien, c'était avant le début de la guerre en Bosnie.

14 Q. Sur le disque, ça se trouve juste après. Je supposais que vous avez

15 filmé la chose un peu plus tard.

16 Mais alors dites-moi dans le cas du contraire, quand est-ce que ce que vous

17 nous avez montré c'est passé ?

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin a déjà répondu. Il vous a

19 explique que c'était quelqu'un d'autre qui avait filmé ces images.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Je vous demanderais alors de passer à la position suivante, 0108. Je

23 vous demanderais d'arrêter-la au V000-870-1 [sic]. On voit là les gens se

24 prononcer au référendum. Est-ce que vous pourriez nous montrer cela, je

25 vous prie. 0108, sur le 0870-

Page 26732

1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 Un lieu où les Musulmans et les Serbes et les Croates coexistaient et aucun

3 ne ralliait seul ou dirigeait seul. La fédération s'est désintégrée, et il

4 y a eu, en février, un référendum sur l'indépendance. Les communautés

5 musulmanes et croates se sont prononcées en faveur, mais la plupart des

6 Serbes ont boycotté le scrutin.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, je vous prie. Et revenez, revenez sur

8 l'affiche du référendum, je vous prie. Donc, revenez avec l'image sur le

9 bulletin -- l'affiche que nous avons vue au sujet du référendum.

10 M. IERACE : [interprétation] Monsieur le Président --

11 [Diffusion de vidéo cassette]

12 Avec l'ancienne fédération yougoslave en pleine désintégration, il y a

13 maintenant un référendum à propos de l'indépendance. Les Musulmans et les

14 Croates de Bosnie se sont prononcés en faveur.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'affiche. Allez encore un peu. Stop là.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Dites-moi, que dit-on sur cette affiche ? On dit "referendum", et sur

18 la liste, d'après ce que je peux voir, on dit, "letervoten". Dans quelle

19 langue se trouve être publiée cette affiche de référendum ?

20 R. Il m'est impossible de le lire.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être les interprètes pourraient-ils nous

22 dire dans quelle langue cela est rédigé. J'ai l'impression que ce sont des

23 images provenant d'un référendum tenu au Kosovo.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Les interprètes ne sont pas là pour

25 déposer. Quelqu'un pourrait peut-être nous prêter assistance.

Page 26733

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi d'expliquer, Monsieur le

2 Président.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] A la fin de l'année, je vous ai dit que

5 j'avais établi cette compilation en guise de documentaire. Je n'étais pas

6 présent au moment où on a assemblé le son à l'image. Moi, je me trouvais en

7 Bosnie au moment où j'ai écrit le texte. Il y a eu un enregistrement audio

8 de ma voix qui était envoyé à nos bureaux à Londres et c'est sur celui-là

9 qu'on a placé les images. Si j'ai bien compris, ce sont là des images

10 filmées un fois de plus par d'autres, car moi je n'étais pas en Bosnie au

11 moment de la tenue du référendum. Et il y a peut-être discordance entre

12 l'image et ma voix. Si c'est le cas, je m'en excuse, mais je n'en suis pas

13 personnellement responsable, car ce sont d'autres personnes se trouvant à

14 Londres qui en avaient la responsabilité. Mais je pense que c'est peut-être

15 là l'explication qu'il faut donner à cette discordance.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Je comprends votre explication, mais la question qui se pose, c'est

18 celle de l'authenticité de ce qui est présenté. Parce qu'il n'y a pas de

19 doute que l'on a présenté ici un référendum tenu au Kosovo. Parce qu'en

20 Bosnie-Herzégovine, il n'a jamais été utilisé de langue albanaise sur les

21 bulletins de vote.

22 R. C'est bien possible. Je ne suis pas au courant parce que je n'y étais

23 pas au moment où il y a eu ce montage. Et si c'est le cas, c'est une erreur

24 qui a été commise, mais rien d'autre, c'est une simple erreur.

25 Q. Je suppose, M. van Lynden, que vous n'ignorez pas le fait qu'avant ce

Page 26734

1 référendum-là, et avant la proclamation de l'indépendance de la Bosnie-

2 Herzégovine, à l'occasion dudit référendum qui s'est tenu sans la

3 participation des Serbes, il n'y a pas eu jusque là de conflit en Bosnie,

4 aucun conflit. Je suppose que ça vous le savez.

5 R. Oui.

6 Q. Alors je vous prie de vous penchez sur le 0120 sur le même 'clip'. Je

7 voudrais vous demander s'il est contesté le fait qu'il s'agit là, de

8 personnes se trouvant sur des barrages

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 C'était peut-être une recette pour arriver à des. On annonce les résultats

11 du référendum, mais en l'espace de quelques heures, des barrages

12 surgissent.

13 C'était la voix du journaliste.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Alors, est-ce qu'il s'agit là, des personnes à des barrages ? Est-ce

16 qu'il s'agit de Serbes, qui sont armés et qui érigés ces barricades, ou

17 alors, s'agit-il de quelqu'un d'autre ?

18 R. On m'a dit que c'étaient des Serbes. Une fois de plus, je précise que je

19 n'étais pas dans la ville. C'est une vue d'ensemble qui est ici fournie, de

20 ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine, en 1992.

21 Q. Très bien. Mais dans quelle partie de la ville, ces barrages, ces

22 barricades ont été érigées. Celles que vous avez montrées, sur vos images ?

23 R. Ce n'est pas moi qui ai filmé. Je n'étais pas là. Impossible dès lors,

24 de vous le dire de façon précise.

25 Q. Penchez-vous sur le 0220, dans le même enregistrement vidéo.

Page 26735

1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 Voix du journaliste : Idéologie médiévale de la pureté ethnique. Il y a des

3 rassemblements pour la paix.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] 0220, pas 0147. 0220.

5 M. IERACE : [interprétation] Il n'est pas possible, Monsieur le Président,

6 avec ce logiciel de faire une progression rapide, tout en voyant l'image à

7 l'écran. Il faut un certain temps, pour le démarrage. Il faut poser le

8 pointeur sur la place, à l'endroit prévu.

9 [Diffusion cassette vidéo]

10 Huit jours -- huit ans avant, à peine, il y avait les Jeux Olympiques.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais moi, je ne vous demande pas de revenir en

12 arrière, mais d'aller vers l'avant.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant s'il vous plaît. Il faudrait

14 essayer de trouver une solution. Mais est-ce qu'on ne peut pas simplement,

15 diffuser cette compilation. Ce sera peut-être la meilleure chose à faire.

16 Ce sur quoi, l'accusé pourrait poser ce qu'il veut. Est-ce que c'est

17 faisable ? Parce que sinon, on ne va jamais avancer.

18 M. IERACE : [interprétation] C'est facile. Ça prendra 12 minutes 15

19 secondes, en tout.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, diffusez les images jusqu'à

21 l'endroit suivant, qui sera choisi par le témoin.

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 Ici, il y a supériorité énorme en matière d'armes, des Serbes.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Arrêtez ici, s'il vous plaît.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. On va diffuser les images,

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1 jusqu'au moment où vous voulez poser une question.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Arrêtez-vous sur cette image, je vous prie.

3 Arrêtez-vous là. Je voulais que l'on fige l'image, sur l'écran. Que l'on

4 fige l'image sur l'écran, pour que l'on voie clairement de quoi, il en

5 retourne. Et je voudrais un gros plan. Tout à l'heure, le plan était plus

6 visible. On voyait mieux ce que l'on y présentait.

7 M. IERACE : [interprétation] C'est infaisable, Monsieur le Président.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il y a deux secondes à peine, l'image

9 était plus proche. Et puis, on a de texte

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie. Arrêtez-vous là, je vous prie.

11 Q. Est-ce que ce sont là, des soldats de la JNA ? Ce que vous désignez par

12 évacuation de la caserne maréchal Tito, et en réalité, il s'agit du

13 massacre qui a été perpétré à l'occasion de cette évacuation, lorsque la

14 colonne de la rue de Dobrovoljacka, a été attaquée, début mai 1992 ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Vous faites une confusion entre deux

16 évacuations différentes, Monsieur Milosevic. Il y a eu effectivement, une

17 espèce d'embuscade, des tirs en mai 1992, au début; au moment de

18 l'évacuation d'une autre caserne. Moi, à ce moment-là, je n'étais pas dans

19 la ville. Mais je me suis bien trouvé dans la ville, au moment où il y a eu

20 l'évacuation de la caserne du Maréchal Tito. Et je ne suis au courant de --

21 je ne suis pas au courant du fait, qu'on aurait pris pour cible, des

22 soldats serbes. Ici, les images sont prises au moment où je ne suis pas à

23 Sarajevo.

24 Je vous explique une fois de plus, Messieurs les Juges, qu'il s'agit ici,

25 d'une compilation établie par des monteurs que je n'ai pas surveillés,

Page 26737

1 contrôlés. Parce qu'à ce moment-là, au moment où la compilation a été

2 faite, moi, j'étais à Sarajevo. Et on a uniquement utilisé la bande son que

3 j'avais faite.

4 Q. Fort bien. Indépendamment, de ce fait, étant donné que vous commentez

5 l'événement. L'évacuation de la caserne et les embuscades qui ont été

6 dressées à l'encontre des soldats de la JNA, la JNA a quitté ces casernes

7 et cette embuscade de la rue de Dobrovoljacka ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. On vous a déjà dit que vous ne

9 devez pas déformer les propos du témoin. Le témoin a dit que cette fois-là,

10 au moment de l'évacuation de la caserne du maréchal Tito, il n'y avait pas

11 d'embuscades. Qu'aucun soldat n'a été tué. C'est ce que le témoin a dit.

12 Faites attention à ce que le témoin dit, et posez vos questions en

13 conséquence.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Mais Monsieur May, il a également dit,

15 qu'à l'occasion d'une évacuation préalable, il y a eu une embuscade où l'on

16 a tué un certain nombre de soldats. Et ça s'est passé au début du mois de

17 mai.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation] N'est-ce pas, Monsieur Van Lynden ?

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. C'est bien ce que le témoin a dit.

20 Q. Est-il exact alors de dire, Monsieur Van Lynden, qu'à ce moment-là, il

21 n'y a pas eu de pilonnage de Sarajevo, en aucune façon, Avant cette attaque

22 lancée par la JNA; donc, avant le mois de mai, avant cet événement du début

23 du mois de mai 1992 ?

24 R. Je l'ai déjà dit, je ne me trouvais pas auparavant dans la ville,

25 Monsieur Milosevic. Je n'y suis arrivé que fin mai 1992. Je sais en tout

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1 cas, qu'on a fait des reportages, selon lesquels, il y avait des combats à

2 Sarajevo. Mais je ne sais pas ce qu'il en était du degré d'intensité des

3 pilonnages. Je peux vous parler à partir du moment où je me suis trouvé

4 dans Sarajevo. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a eu avant cet

5 incident, avant cette embuscade tendue vers les -- pour les soldats, je

6 sais qu'il y a eu des combats. Il s'agit d'une embuscade sur des soldats

7 qui quittaient une autre caserne.

8 Q. Je ne vous ai pas demandé s'il y a eu des conflits, à Sarajevo. Je vous

9 ai demandé s'il y a eu des pilonnages, avant cela. Ce que j'ai à l'esprit

10 pour ne pas parler en devinette. J'ai une déclaration du général Nambiar.

11 Et je crois que vous avez forcément dû suivre la chose, étant donné que

12 vous étiez journaliste. Et lui, a dit qu'il n'y a pas eu de pilonnages

13 avant le 3 mai, date à laquelle, il y a eu le massacre de la rue de

14 Dobrovoljacka. Et les pilonnages, n'ont fait que commencer, par la suite.

15 R. Je ne contesterai pas ce qu'a dit le général. Je n'étais pas dans la

16 ville. Je ne sais pas si la guerre était en cours. Je sais qu'il y avait

17 des combats. Quant à savoir si c'étaient des pilonnages intenses, je ne

18 sais pas. Mais il y avait des combats.

19 Q. En tout état de cause, M. Van Lynden, ce que vous avez montré, à

20 savoir, le pilonnage. Cela se rapporte au mois de juin 1992. Donc, après

21 les événements, après les conflits survenus à l'occasion de l'abandon des

22 casernes, pour ce qui est donc, de la période de temps concerné, les choses

23 ne sont pas contestées. N'est-ce pas ?

24 R. Je vous l'ai déjà dit. Les images qu'on voit au début de ce reportage,

25 elles ont été filmées début juin 1992. Je ne conteste pas ces dates. Et je

Page 26739

1 ne conteste pas non plus, qu'est-ce qu'on a vu, s'est produit début mai.

2 Mais je le répète, à ce moment-là, je n'étais pas là. Mais pour ce qui est

3 du pilonnage, ces images-là, sont effectivement consécutives, à l'incident

4 qu'on vient de voir.

5 Q. Vous avez dit ce matin, lorsque vous décriviez les combats à proximité

6 du cimetière juif, que vous avez présenté comme un no-man's land. Or, vous

7 avez dit précisément, que les combats les plus violents se sont déroulés

8 des deux côtés du cimetière juif. C'est bien ce que vous avez déclaré,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Aussi bien du côté bosnien que du côté serbe au moment où je me suis

11 rendu sur la ligne de front, on m'a dit qu'il y avait eu des combats très

12 âpres. Mais le commandant de compagnie qu'on voit, celui que j'accompagne,

13 celui qu'on a vu sur un des extraits diffusés par M. Ierace, il m'avait

14 dit, qu'à ce moment-là, dans cette phase-là, ces secteurs du front étaient

15 plus calmes qu'ils ne l'avaient été auparavant. Et cette conversation avec

16 le commandant, elle s'est déroulée au mois de septembre 1992.

17 Q. Certes, mais je ne perds pas de vue le fait que vous ayez déclaré que

18 les combats les plus âpres se sont déroulés ou près ou à proximité du

19 cimetière juif.

20 D'après ce que vous avez dit dans votre témoignage, en votre qualité de

21 journaliste de guerre, il y a eu conflit entre deux parties belligérantes,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Donc, il n'y a pas eu d'attaques unilatérales. C'était un conflit entre

25 deux parties belligérantes, et c'était là une ligne de front. N'est-ce pas

Page 26740

1 M. van Lynden ?

2 R. Il y a eu des combats entre deux parties au front. En tout cas, ce qui

3 est certain, c'est que ça s'est passé au cimetière juif.

4 Q. Bien. Sur le disque qui vous appartient et qui, dans la machine, sur le

5 0249, on voit Jusuf, surnommé Juka Prazina, qui sort blessé d'un bâtiment.

6 Je suppose que c'est un hôpital, n'est-ce pas ?

7 R. Il faudrait que je revois ces images avant de me prononcer, pour vous

8 dire si c'est bien Jusuf Prazina ou pas.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 Des forces ont dû se retirer de toutes les casernes, ce qui laisse Sarajevo

12 aux mains d'amateurs, de voyous, de criminels animés par des motifs

13 différents.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien Jusuf Prazina. Je ne sais pas

15 si, on le voit au moment où il quitte l'hôpital. On voit qu'il a des

16 béquilles et qu'il marche en rue. J'ai rencontré M. Prazina, à l'occasion

17 d'une visite effectuée à l'hôpital Kosevo, au moment où on pansait ses

18 plaies, mais il avait été blessé au début de la guerre, avant mon arrivée à

19 Sarajevo.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Serait-il exact de dire qu'à son sujet, et je ne sais pas si vous le

22 savez, que c'était l'un des criminels les plus malfamés de Sarajevo ?

23 R. Je ne suis pas sûr qu'on puisse le qualifier de "malfamé", je sais que

24 c'était un criminel, un voyou. Et il l'a admis, et dans ce reportage que je

25 lui ai consacré, il m'a dit qu'il avait été au moins condamné cinq fois à

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1 la réclusion.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-il aussi surnommé Juka ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est comme cela, qu'on l'appelait. Son

4 nom officiel, c'est Jusuf Prazina, mais à ma connaissance, on l'a trouvé

5 abattu en Belgique en 1993.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

7

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Mais vous avez fait un reportage à ce sujet, vous avez -- vous l'avez

10 présenté comme un héros moderne, une espèce de Robin Hood -- Robin des bois

11 des temps modernes, il distribuait des jouets aux enfants, il distribuait

12 une aide humanitaire au gens. C'est bien ce que vous avez fait, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Oui, c'est certain. Je lui ai consacré un reportage. Quant à savoir, si

15 c'est un héros, de la façon dont je le présente, c'est aux spectateurs de

16 juger. Je sais que pour des gens, qui ne sont originaires de Balkans,

17 qu'ils ont été surpris de mon reportage, car je dis aussi, qu'aux premiers

18 jours de la guerre, il a été un des principaux défenseurs de la ville

19 Sarajevo. Et je dis très clairement dans un reportage, que c'était un

20 voyou, un criminel et je n'ai pas voulu le transformer, grâce à ce

21 reportage, en héros. Il avait une habitude étrange, il ouvrait le coffre de

22 sa voiture et il donnait des jouets aux enfants. Nous nous sommes contentés

23 de filmer la réalité.

24 Q. Dites-moi, êtes-vous au courant de son habitude un peu inhabituelle

25 pour le reste du monde que -- qui est celle de tuer des Serbes dans

Page 26742

1 Sarajevo si l'on met de côté l'habitude de distribuer des jouets aux

2 enfants. Et lui et ses criminels ou ses acolytes avaient cette habitude-là,

3 le savez-vous ?

4 R. Je ne l'ai jamais vu en train de tuer des Serbes à Sarajevo. Mais

5 laissez-moi le temps de répondre à votre question. Vous me posez une

6 question. J'y réponds.

7 Jamais je ne l'ai vu en train de tuer des Serbes. Il y avait parmi ces

8 hommes, des Serbes de Bosnie. Ce n'était pas une unité purement musulmane.

9 Il y avait aussi des Croates dans les rangs de cette unité. Et à ce propos,

10 son unité, en fait, reflétait la société de Sarajevo en 1992. Je ne dirais

11 pas, qu'il n'a jamais assassiné de Serbes. Tout ce que je me contente de

12 dire, c'est que je n'en ai pas été le témoin.

13 Q. Ça, je veux bien vous croire que vous n'ayez pas vu tuer qui que ce

14 soit. Mais savez-vous, étant donné que vous avez mentionné la chose hier,

15 étant donné que vous avez précisé, que vous n'avez pas eu l'autorisation de

16 visiter des prisons du côté Bosnien à Sarajevo, je vous demande de dire, si

17 vous savez combien de prisons officielles ou privées, il y avait eues à

18 Sarajevo à l'intention de Serbes et ce à l'époque des combats autour de

19 Sarajevo et pour Sarajevo.

20 R. Non. Je n'ai pas de chiffres exacts.

21 Q. Je comprends que vous n'ayez pas de chiffres exacts. Mai avez-vous une

22 idée du nombre de ces prisons-là ? Une idée quelconque, même si c'est

23 l'idée la plus vague possible ?

24 R. Non, non, impossible de vous donner un chiffre. Mais, cependant M.

25 Milosevic, permettez-moi d'ajouter ceci. J'ai souvent demandé aux autorités

Page 26743

1 serbes de Bosnie de pouvoir aller dans ces prisons, -- autorités

2 bosniennes, mais j'ai demandé cela aussi de l'autre côté du front, et je

3 n'ai pu aller que dans une prison, en une seule occasion.

4 Lorsque je suis dans l'enclave de Bihac et dans l'enclave de Gorazde, en

5 1994 et en 1993 respectivement, j'ai pu me rendre dans deux prisons dans

6 ces deux enclaves, mais ce ne fût pas le cas à Sarajevo. Si je vous donnais

7 des chiffres, je ne ferais que deviner.

8 Q. Donc, les Serbes vous ont fourni la possibilité de visiter deux prisons

9 avec des prisonniers de guerre, n'est-ce pas ?

10 R. Une prison, il n'y avait pas de prisonniers de guerre. C'étaient des

11 gens qui avaient été arrêtés avant la guerre à Hadzici, en avril 1992. Il

12 n'y a jamais eu une de ces personnes qui aurait engagé des combats.

13 Q. Donc, c'était une prison normale?

14 R. Non, ce n'était pas une prison normale. Ça se trouvait à Kula. Ce

15 n'était pas une prison ordinaire. Les prisonniers avaient des travaux

16 forcés. C'étaient des civils qui avaient été l'objet d'une rasia [sic]

17 effectuée par les autorités serbes à Hadzici.

18 Q. Mais du côté musulman, on ne vous a laissé voir aucune prison, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Non du côté bosnien, aussi bien dans l'enclave de Gorazde début 1993,

21 que dans l'enclave de Bihac, novembre à décembre 1994, j'ai pu, j'ai été

22 autorisé à visiter des prisons et j'y ai vu des prisonniers de guerre

23 venant du côté serbe de Bosnie, en uniformes. Je ne dirais pas qu'il n'y

24 avait pas d'autres prisonniers à Gorazde ou à Bihac. Ce fût peut-être le

25 cas, mais j'ai pu accéder à une prison dans chacune de ces enclaves.

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1 Q. Je vous comprends bien M. van Lynden. Je voudrais que nous voyions le

2 04:43:16 à présent.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 Parmi les 40 000 habitants de Sabina [phon], il y a des personnes qui sont

5 tout à fait coupées de tout, assiégées sans suffisamment d'eau ni

6 suffisamment de vivres, dans des hôpitaux de fortune. Et les gens ne

7 peuvent sortir sans couvertures et sans -- les enterrements se font la

8 nuit, victimes innocentes.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Est-ce qu'on voit bien des croix là ? Parce que sur plusieurs endroits,

11 on voit des funérailles. On voit des gens pleurer et on voit des -- une

12 population serbe et des funérailles en masse, de Serbes tués. Ça vous

13 l'avez à plusieurs endroits dans vos reportages, n'est-ce pas, M. van

14 Lynden ?

15 R. Ces images, qui viennent de défiler, ont été prises à Dobrinja, début

16 juillet. Nous sommes là au pourtour de Sarajevo, près de l'aéroport, début

17 juillet 1992. Ce siège, dont le siège était si dur que les gens ne

18 pouvaient enterrer leurs morts que la nuit et pas dans de véritables

19 cimetières, mais le long de la route, en bordure de route. Vous venez de

20 voir aussi bien des Croates, Serbes et Musulmans enterrés, et donc les

21 symboles sont différents. Vous avez des croix et des symboles qui ne sont

22 pas des croix.

23 Mais effectivement, j'ai étais également le témoin de funérailles du côté

24 Serbe de Bosnie, et je pense surtout à celui de Vlasenica. Une fois de

25 plus, c'était en septembre 1992, si je ne m'abuse. A ce moment-là, 28

Page 26745

1 soldats serbes de Bosnie ont été tués sur la ligne de front, quelque part

2 autour de l'enclave serbe de Srebrenica, et c'était effectivement, là, les

3 obsèques en masse.

4 Q. C'est le seul enterrement en masse que vous ayez filmé du côté serbe,

5 n'est-ce pas, M. van Lynden ?

6 R. Oui, je pense que ce sera le seul en masse. Et je me souviens, j'ai

7 filmé à Dvor na Uni, en juillet 1991, là j'ai filmé l'enterrement de deux

8 personnes. J'ai vu plusieurs enterrements à Belgrade en 1991, enterrements

9 de soldats qui ont été morts au combat. Mais s'agissant d'enterrement en

10 masse, oui c'est le seul dont je me souviens effectivement.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment se prête bien à notre pause.

12 L'heure est arrivée pour la pause.

13 Je voudrais procéder à deux annonces d'ordre administratif. Nous allons

14 rendre une décision orale en ce qui concerne la préparation des moyens de

15 preuve à décharge à un moment qui s'y prêtera demain, lors du premier volet

16 de l'audience ou avant la première pause.

17 Deuxième chose, la déclaration du témoin B-1543 sera admise en application

18 de l'Article 92 bis. Ce témoin répond aux différentes exigences posées. Il

19 devra cependant être présent pour subir un contre-interrogatoire.

20 Nous faisons maintenant une pause de 20 minutes. Veuillez vous lever.

21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

22 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous nous sommes

24 penchés sur la question de la longueur de votre contre-interrogatoire, et

25 compte tenu de la situation, nous allons vous donner plus de temps que l'on

Page 26746

1 a eu l'Accusation. Nous avons aussi, la transcription. Donc, notre idée est

2 de vous accorder une heure et dix minutes de plus, si vous en avez besoin.

3 Bien entendu, si vous n'en avez pas besoin, vous n'êtes pas obligé de

4 l'utiliser.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Van Lynden, vous avez expliqué qu'une des -- une partie des

8 extraits que nous avons visionnée, n'a pas été filmée par votre équipe,

9 mais par d'autres personnes. Est-ce bien exact ?

10 R. Dans une de ces séquences, que vous avez souhaitez présenter, et que

11 vous avez présentée. C'est exact. C'est la demi-heure que j'ai -- au sujet

12 de laquelle, j'ai rédigé le texte. Mais je n'étais pas présent, lorsqu'on a

13 édité le texte, à la fin de 1992, ainsi que l'ensemble de la bande. C'est

14 exact.

15 Q. Très bien. Mais vous avez rédigé les commentaires ?

16 R. Oui.

17 Q. Mais lorsqu'on voit les corps des soldats de la JNA, morts, est-ce que

18 vous avez dit qu'ils se sont retirés de Sarajevo, sans combat, sans qu'il y

19 ait eu de combats quels qu'ils soient. Qu'ils ont été brutalement tués, à

20 cette occasion. Alors, avez-vous dit cela. Je n'ai pas compris cela, dans

21 vos commentaires ?

22 R. Je n'ai pas sous mes yeux, le commentaire. Mais je ne me souviens pas

23 l'avoir fait. Non.

24 Q. Vous ne dites pas, lorsque vous montrez les tombes, par exemple, qu'il

25 y a là, des tombes serbes, également. Vous avez dit, il y a un instant, il

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1 y avait là aussi, des tombes serbes, musulmanes, croates, et je ne sais pas

2 quelle autre. Vous n'avez pas dit qu'il y avait là, des Serbes -- des

3 tombes serbes ?

4 R. Ceci a à voir avec les tombes de Dobrinja. Et c'étaient des tombes

5 bosniennes, bosniaques, des tombes des Serbes, Croates ou Musulmans, de

6 Bosnie. Je n'ai pas précisé qu'il y avait des tombes serbes. Mais je

7 précise que c'était du côté bosnien, des lignes de front.

8 Q. Mais il y a eu aussi des Serbes qui se sont faits tuer, là-bas. Vous ne

9 l'avez pas nié, non ?

10 R. Non. Je ne le nie pas.

11 Q. Par conséquent, ici, dans votre commentaire, vous ne dites pas que ces

12 soldats ont été tués, lorsqu'ils se sont retirés, repliés sans combattre. A

13 un autre endroit, vous ne dites pas qu'il s'agit de tombes serbes. Donc,

14 vos commentaires ne contribuent-ils pas à fournir une image faussée de la

15 situation ?

16 R. Je ne crois pas que j'ai fait cela. Encore une fois, permettez-moi, de

17 signaler que je n'étais pas présent lorsque des images ont été montées avec

18 -- pour constituer un tout avec mon texte. Donc, les images que vous avez

19 montrées, présentant des soldats de la JNA qui gisent, donc, dont les corps

20 gisent dans les rues; et bien, ces images ont été montées avec mes propos.

21 J'étais sur place en train de travailler à Sarajevo, à l'époque.

22 Q. Oui. Très bien, mais je suppose, compte tenue du fait que vous étiez

23 journaliste, et que vous avez vécu également pendant un moment, à Belgrade.

24 En fait, vous avez séjourné à Belgrade. Vous saviez parfaitement bien, que

25 lorsqu'il s'agissait du pilonnage de Sarajevo, que la Serbie a condamné à

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1 plusieurs reprises, au plus haut niveau. Et bien, que la Serbie a donc,

2 condamné ce pilonnage. Ça vous n'en avez rien dit.

3 R. Je suis au courant du fait, que ce genre de commentaire a été proféré,

4 en effet.

5 Q. Très bien. Monsieur Van Lynden, dans le premier paragraphe de votre

6 déclaration, vous dites que vous savez qu'en 1991 et 1992, Sky News, a été

7 diffusé par la troisième chaîne de la radio et la télévision de Serbie…

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avant de répondre, je demanderais que le

9 témoin puisse consulter sa déclaration.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Ce n'était pas le

11 cas, 24 heures sur 24. Mais je pense que ça allait jusqu'à 12 heures par

12 jour. Et je pense aussi, que cette troisième chaîne, ne pouvait être reçue

13 que dans la ville de Belgrade, ou dans les alentours. Je ne pense pas que

14 dans la Serbie au sens large, on pouvait recevoir cette chaîne.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Oui. On peut facilement vérifier où on pouvait recevoir cette chaîne.

17 Il s'agit de la télévision de l'état de Serbie. Donc, c'est en 1991, 1992,

18 que vos émissions ont été diffusées. Autrement dit, les spectateurs en

19 Serbie, y compris ceux qui n'avaient pas des antennes par satellite,

20 pouvaient recevoir directement, les programmes de Sky News, les reportages.

21 Et ils pouvaient donc, être au courant du contenu de vos reportages, à la

22 fois, pour ce qui est des événements en Croatie et en Serbie, n'est-ce pas

23 ?

24 R. Je ne suis pas sûr, à quel moment cela s'est arrêté. Je dis dans la

25 déclaration, que c'était jusqu'au printemps ou été 1992. Ceci est

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1 certainement vrai pour l'année 1991. Donc, ces programmes ont été diffusés

2 en Serbie. Et corrigez-moi si je me trompe, Monsieur Milosevic, c'est

3 probablement la raison pour laquelle, les bureaux -- les gens qui

4 travaillaient pour vous, dans votre bureau, vous ont conseillé de

5 m'accorder un entretien en juillet 1991. Il me semble que c'était ça la

6 raison.

7 Q. Je ne sais pas quelle en a été la raison, mais j'ai accordé toute une

8 série d'entretiens. Et je suppose que celui-ci en fait partie, l'entretien

9 auquel vous vous référez.

10 Très bien. Mais êtes-vous d'accord pour affirmer que la radio et la

11 télévision de Serbie à cette époque, ne rediffusaient uniquement les

12 programmes d'informations de Sky News, mais aussi la BBC, la CNN, et

13 cetera, des autres chaînes étrangères. Vous vous en souvenez ?

14 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas que d'autres chaînes

15 aient diffusé de cette manière, semblable. Donc, comme la Sky News était

16 rediffusée par la troisième chaîne, lorsque c'est pour la première fois que

17 la Sky News a commencé à diffuser, en 1989, la personne qui était

18 responsable de la troisième chaîne, s'est rendue à Londres, et a passer un

19 accord avec le chef de Sky News, pour que la télé yougoslave, puisse avoir

20 accès aux images et aux reportages de la Sky News. Et cet homme qui est

21 venu de Belgrade, s'appelait Jaksa scekic. Et pour autant que je le sache,

22 M. scekic, a donc veillé à ce que les programmes de Sky News soient

23 rediffusés. Je pense que c'était de l'ordre de 12 heures par jour, sur la

24 troisième chaîne. Je ne suis pas au courant qu'il n'y ait eu des accords

25 semblables, que ce soit avec la BBC ou la CNN. Donc, il y a eu des extraits

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1 de la BBC et la CNN diffusés par la télévision serbe, ça c'est possible,

2 mais je ne pense pas qu'il y avait un accord semblable.

3 Q. Je dois dire que je n'étais pas au courant de cet accord avec la Sky

4 News, mais je sais qu'il y a eu rediffusion de programme. Quels ont été les

5 termes de l'accord peu importe, mais ne voit-on pas clairement grâce à cela

6 qu'il n'y avait aucune intention de fournir une image faussée des

7 événements que pouvaient suivre les spectateurs en Serbie, compte tenu du

8 fait qu'ils pouvaient aussi prendre connaissance des autres angles de vue

9 présentés par des radios et des télévisions étrangères, et portant sur les

10 événements en Yougoslavie ?

11 R. Je dirais que ceci serait vrai pour les gens -- si les gens avaient

12 suivi les programmes sur la chaîne numéro 3, mais les programmes

13 d'information diffusés dans la soirée par les principaux-- les principales

14 chaînes de la télévision serbe, fournissaient une image très déformée pour

15 ce qui est des événements, d'abord dans la guerre en Croatie, ensuite en

16 Bosnie.

17 Q. Donc, la première chaîne diffusée une image déformée, alors que la

18 troisième chaîne fournissait une image fidèle à la vérité, une image

19 objective, c'est ce que vous voulez dire ?

20 R. Je veux dire que je suis d'avis -- et que mon avis s'est constitué

21 grâce à ce que j'ai vu et grâce à ce qui m'a été interprété, et bien les

22 principales émissions d'information diffusées sur la télévision serbe en

23 1991, 1992, et 1993 étaient effectivement déformées. Sky News était diffusé

24 sur la chaîne numéro 3, mais la chaîne numéro 3 n'avait pas son propre

25 programme d'information. Donc, c'était en 1991, et lorsque cela a été

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1 arrêté, cela a été fait pour empêcher les gens justement de recevoir des

2 points de vue différents, puisque ce qui était diffusé par Sky News était

3 très différend de ce qui était montré par la chaîne principale en Serbie.

4 Q. Très bien. Monsieur Van Lynden, mais il n'est donc absolument pas

5 contesté qu'au 1991 et 1992, Sky News a été rediffusé par la télévision de

6 l'état de Serbie.

7 Au paragraphe 3, vous mentionnez un entretien que vous avez conduit avec

8 moi, fin juillet début août de l'année 1991, c'est à peu près le moment où

9 vous situez à cet entretien, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est exact. Je ne me souviens pas les dates exactes, c'était soit

11 juillet, soit au début du mois d'août 1991.

12 Q. Je ne me souviens pas moi non plus de vous avoir accordé un entretien.

13 Il est possible que ce soit vrai, c'est probable. Donc, à ce sujet,

14 j'aimerais savoir si vous avez un enregistrement de cet entretien, donc que

15 je vous aurais accordé, un enregistrement qu'on aurait pu visionner,

16 puisque je suppose que vous conservez les traces des entretiens que vous

17 avez menés ?

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. [aucune interprétation]

20 R. Je n'ai pas en ma possession cet entretien, mais ceci figure dans --

21 s'est conservé dans les archives de Sky News.

22 Q. Très bien, Monsieur Van Lynden, ne considérez-vous pas que la meilleure

23 preuve de cet entretien serait l'entretien lui-même, et dans ce cas, on

24 n'aurait pas besoin de nous prononcer ni l'un ni l'autre. Il suffirait

25 d'entendre ce que je vous ai dit à ce moment-là ?

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1 R. Oui, je ne conteste pas cela, mais il appartient à la Chambre de

2 veiller à ce que cet enregistrement soit fourni.

3 Q. Très bien, en tant que journaliste, ne pensez-vous pas que ce serait

4 correct --

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il n'appartient pas au témoin de se

6 prononcer là-dessus. Si cet enregistrement est accessible, bien entendu il

7 faudrait se le procurer, mais si vous vous rappelez bien, et bien sa

8 déposition se penchait avant tout sur la conversation qui s'est déroulée en

9 dehors de cet entretien.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Oui, vous dites au point 3 :

12 "J'ai eu un entretien avec Slobodan Milosevic. Dans cette interview, il a

13 critiqué violemment les Albanais de Kosovo."

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Autrement dit, Monsieur May, ceci ne concerne

15 ce que M. Van Lynden a expliqué au sujet de ce que je lui ai dit de manière

16 informelle en dehors de l'entretien, mais cela parle de ce que je lui ai

17 dit dans l'entretien.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devriez savoir

19 qu'il y a une différence entre une déclaration et les dépositions orales.

20 Et moi, je me référais à la déposition orale, mais ne perdons pas de temps

21 dans ce genre de polémique. Oui.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur van Lynden, vous pensez vraisemblablement aux séparatistes

24 albanais du Kosovo ainsi qu'aux terroristes albanais de Kosovo, mais vous

25 ne pensez pas aux Albanais de Kosovo ?

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1 R. Pour autant que je m'en souviennes, c'était un commentaire fait au

2 sujet des Albanais en tant que tel, puisque je vous ai demandé la chose

3 suivante, puisque vous demandiez que la minorité serbe vivante en Croatie

4 puisse bénéficier d'un certain nombre de droits,"Pourquoi vous ne

5 garantiriez les mêmes droits à la majorité albanaise de Kosovo," et c'est à

6 ce moment-là que vous avez répondu, en disant qu'il n'y avait aucune

7 comparaison possible entre ces deux choses-là, que le Kosovo était Serbe et

8 le restera toujours, et que la position des Albanais ne pouvait pas être

9 comparée à la position des Serbes de Croatie. Vous n'avez pas pour autant

10 que je m'en souviennes, vous n'avez pas parlé des séparatistes albanais ou

11 des terroristes albanais, vous avez simplement parlé d'Albanais en tant

12 que tel.

13 Q. Ceci ne peut être possible, car même en l'an 2000, Monsieur Van Lynden,

14 le parti socialiste de Serbie dont j'étais président, au sein de sa

15 présidence comptait des Albanais, même en l'an 2000 sans parler de l'année

16 1991. Donc aucune qualification ne pouvait concerner les Albanais en tant

17 que -- dans leur ensemble, mais ne pouvez concerner uniquement les

18 séparatistes albanais. Vous n'êtes pas au courant de cela, n'est-ce pas ?

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous a répondu.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de vous en train de parler

21 d'Albanais pris dans leur ensemble. Si vous avez un souvenir différent, là

22 je n'y peux rien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Mais je ne me souviens même pas de cet interview, mais je sais ce que

25 je pensais et je sais ce que je pense encore aujourd'hui, à savoir, vous

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1 devriez vous-même être au courant du fait, je suppose que la Yougoslavie

2 était constituée de peuple mais aussi de minorité nationale, et que les

3 Serbes bénéficiaient d'un statut de peuple en Croatie, voir en Yougoslavie,

4 et aussi en Croatie d'après la constitution croate et que les Albanais

5 avaient un statut de minorité nationale, car ils ont leur état principal, à

6 savoir, l'Albani. N'est-ce pas exact, Monsieur Van Lynden ?

7 R. C'était peut-être le cas, mais ici nous nous référons au commentaire

8 que vous avez fait dans un entretien que vous m'avez accordé et dans cet

9 entretien vous avez parlé des Albanais, c'était l'entretien de 1991.

10 Q. Mais en 1991, ces Albanais étaient minorité nationale en Yougoslavie et

11 en Serbie d'après la constitution de la Yougoslavie et la constitution des

12 Serbes également. Et je suppose que vous devriez être au courant de cela,

13 puisque vous êtes un journaliste bien informé.

14 R. Je suis au courant de cela, oui.

15 Q. Et vous dites aussi qu'après l'interview, je vous ai déclaré que les

16 fondamentalistes musulmans en Bosnie et ici on cite : "Avec -- sont de

17 mèche avec les papistes de Vatican." Mais je n'ai jamais de ma vie employé

18 ce terme, le terme "De papiste" et donc, je ne vois pas comment ce terme

19 s'est trouvé ici, et je ne pense pas que vous puissiez vous souvenir à

20 m'avoir entendu dire -- employé ce mot, ce terme "Papiste".

21 R. C'est ce que j'ai enregistré. C'est ce dont je me souviens.

22 Q. Vous avez dit que j'ai prétendu que Genscher et le Vatican avaient

23 orchestré la dislocation de la Yougoslavie.

24 R. Vous avez mentionné le Quatrième Reich allemand, et vous avez mentionné

25 les islamistes musulmans et tout ça dans le cadre d'une même phrase. Et

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1 vous avez dit qu'il s'agit d'un complot à l'encontre du peuple serbe.

2 Q. Mais lorsque vous avez précisé ça, vous avez mentionné Genscher, n'est-

3 ce pas ?

4 R. Vous avez mentionné Genscher et je vous ai cité de la manière dont je

5 me suis souvenu de vos propos.

6 Q. Très bien. Mais vous avez dit que c'est le témoin qui avait mentionné

7 Genscher, c'est ça ?

8 R. Oui.

9 Q. Mais, j'ai ici, j'ai ici un rapport qui émane d'une table ronde tenue à

10 la télévision, et j'ai posé cette question au président slovène, Milan

11 Kucan, qui a pris part à cette émission. Et ici, on cite une partie de la

12 déclaration faite par l'actuel président croate, Stjepan Mesic. Et ce, mot

13 pour mot, je vous donne lecture de cette citation :

14 "L'idée de la dislocation de la Yougoslavie, et bien, c'est ce que je

15 voulais transmettre à ceux qui avaient le plus d'influence sur son sort, à

16 Genscher et au pape. Quant à Genscher, je l'ai rencontré même trois fois, à

17 trois reprises. Il m'a permis de rencontrer le Saint-Siège. Le pape et

18 Genscher se sont mis d'accord ou plutôt ont accepté la dislocation totale

19 de la Yougoslavie."

20 C'est ce que Mesic a déclaré lors -- en date du 8 novembre 1995, dans une

21 émission télévisée à laquelle a participé également Milan Kucan et d'autres

22 personnes.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous arrêter ici. Comme vous le

24 savez parfaitement, vous ne pouvez pas poser des questions générales de ce

25 genre au témoin, à moins que le témoin ait une relation directe avec cela.

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1 Avez-vous jamais pris connaissance de cet entretien, de cette déclaration

2 de M. Mesic ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, je vous en prie. Passez à la

5 question suivante.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, M. May.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Et vous employez le terme "papiste", comme émanant de moi. Pour autant

9 que je le sache, c'est un terme qui s'emploie en Grande-Bretagne. Moi, je

10 ne l'ai pas -- [hors micro].

11 R. Monsieur Milosevic, nous nous sommes entretenus en anglais puisque

12 votre anglais est excellent, et c'est ce dont je me souviens de vous avoir

13 entendu dire.

14 Q. Je dois vous dire, M. van Lynden, que ceci n'est pas exact. Je n'ai

15 même jamais employé de terme injurieux à l'encontre des catholiques et je

16 ne les aurais jamais qualifiés de papistes, en aucun cas.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin vous a répondu à cela.

18 Apparemment, vous ne vous rappelez pas du tout cette conversation, et le

19 témoin vous a relaté la manière dont il se souvenait de cette conversation.

20 Il faudra vous en tenir là.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Comme vous le dites, pour vous à vos yeux, donc comme vous le dites

23 dans votre déclaration, vous l'avez -- vous avez dit que la guerre était

24 menée, avant tout, sur les territoires musulmans, donc dans une grande

25 partie de la Bosnie et au Kosovo. Donc, on voit ici : "A mes yeux, cela

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1 signifiait que son objectif ultime était que la guerre soit menée sur les

2 territoires musulmans, donc avant tout, en Bosnie et en Kosovo."

3 C'est bien cela ?

4 R. Oui, c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé, moi ainsi que les

5 deux producteurs locaux dont l'un était serbe. C'est la conclusion à

6 laquelle nous sommes arrivés, oui.

7 Q. Mais de quelle guerre au Kosovo a-t-il pu être question en 1991 ?

8 R. Non, il ne s'agit pas de savoir si la guerre a eu lieu en 1991, mais

9 nous nous attendions à ce que cette guerre s'ensuive après la guerre en

10 Croatie. Et cela a bel et bien eu lieu.

11 Q. Mais de quelle guerre ? Vous dites que c'était en juillet, au début

12 août. Mais de quelle guerre a-t-il pu être question en Bosnie-Herzégovine,

13 à ce moment-là ? La guerre en Bosnie-Herzégovine n'a commencé qu'en 1992,

14 au printemps 1992.

15 R. C'est ce que je viens de dire. Ceci nous a permis de voir que la guerre

16 allait s'ensuivre. Donc, que la guerre en Croatie allait s'ensuivre et

17 c'est ce qui s'est passé. Un an plus tard, c'était la guerre en Bosnie qui

18 a commencé. Et plus tard aussi, au Kosovo. Donc, notre analyse a été

19 exacte.

20 Q. Donc, vous n'avez absolument aucune idée sur la manière dont la guerre

21 a éclaté en Bosnie ?

22 R. J'ai une certaine idée de cela, oui. Et j'ai aussi des opinions

23 personnelles là-dessus.

24 Q. Mais avez-vous pris des notes pendant cet entretien ? Vous avez

25 enregistré un interview que vous n'avez pas entre vos mains. Je suppose que

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1 nous pouvons retrouver cela. Bien. Et vous êtes en train de déposer ici en

2 disant qu'il y a eu un entretien, il y a 12 ans entre nous deux soi-disant,

3 et que cela vous a permis d'arriver à la conclusion que la guerre allait

4 s'élargir en Bosnie et en Kosovo et que c'était le cas en juillet. Donc,

5 vous avez pensez cela en juillet 1991. C'est ce que vous êtes en train

6 d'affirmer, M. van Lynden ?

7 R. Ceci nous a permis de penser, oui effectivement, ceci nous a laissé

8 entendre que ces choses pourraient bien se produire, oui.

9 Q. Dites-moi, et comment cet interview a été organisé ?

10 R. Ce sont mes producteurs locaux qui ont pris ce rendez-vous.

11 Q. Et qui était présent lors de notre entretien que vous êtes en train de

12 relater, de citer de cette manière ?

13 R. Pour autant que je m'en souvienne, nous avions deux équipes de

14 télévision, l'une de Sky News et une autre de la télévision de Belgrade

15 puisque cet interview a été diffusé également par la télévision de

16 Belgrade. Et de larges extraits ont été publiés à la une des journaux comme

17 Politika par exemple, le lendemain. Et j'ai été légèrement surpris que vous

18 ne vous souveniez absolument pas, puisque j'ai été informé du fait que

19 c'était votre premier entretien accordé à un journaliste occidental. Et vos

20 producteurs locaux étaient présents avec nous après l'interview.

21 Et vers la fin de l'interview, vous avez dit,

22 "Laissons les techniciens s'occuper de l'équipement, des caméras, allons à

23 côté."

24 Et vous étiez surpris de m'entendre poser fermement mes questions, sans

25 être impoli, sans manquer de courtoisie, et je crois vous avoir répondu que

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1 j'étais pas Oriana Falacci, qui est connue comme manquant extrêmement de

2 courtoisie, donc la journaliste italienne, lorsqu'elle pose des questions à

3 des dirigeants politiques.

4 Q. Je n'ai pas remarqué un manque de courtoisie chez Oriana Falacci. Je

5 sais -- je pense qu'elle était une grande journaliste.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'allons pas nous aventurer là-

7 dedans.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Donc, très bien. Toutes ces personnes présentes pourraient confirmer --

10 corroborer vos propos au sujet de notre interview -- notre entretien,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Je souhaite aborder un autre sujet à présent. Dites-moi, vous avez

14 parlé du pilonnage de Markale, n'est-ce pas ?

15 R. Je n'étais pas à Sarajevo au moment où cela s'est produit. Je pense que

16 j'ai explicitement expliqué à la Chambre que j'étais ailleurs à ce moment-

17 là.

18 Q. Mais vous dites, qu'un membre important, de l'état major de Karadzic de

19 1994, vous a dit, peu après le pilonnage de Markale que Seselj s'était

20 rendu à Pale. Alors vous vous rappelez son nom ?

21 R. Je ne me rappelle pas de son nom. Mais je pense que c'était le chef

22 d'état major du Dr Karadzic, qu'il agissait en cette fonction-là.

23 Q. Vous parlez d'un évènement qui s'est produit dans une -- lorsque --

24 alors que les gens faisaient la queue pour avoir du pain. Et vous dites que

25 les Serbes ont affirmé, qu'en mai 1992, lorsqu'il y a eu pilonnage de cette

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1 -- ces personnes qui ont fait la queue pour avoir, donc ces civils qui

2 attendaient pour avoir du pain, et bien, donc, les Serbes ont prétendu que

3 les Musulmans les avaient bombardés, avaient bombardés leurs propres

4 personnes. Et vous affirmez que c'était la déclaration enfin la légation

5 [sic] serbe.

6 R. Oui, c'est exact. Je peux ajouter également, que j'ai rencontré le Dr

7 Karadzic immédiatement après le pilonnage de Markale et que lui aussi -- à

8 cette occasion-là, il affirmait également que c'était dû aux forces

9 bosniennes plutôt qu'aux forces serbes.

10 Q. Mais déjà au point suivant, vous dites, je sais que les Serbes l'ont

11 affirmé et qu'il y a eu beaucoup de données à l'appui de la thèse, que ceci

12 a été mis en scène afin d'en rendre coupables ou responsables, les Serbes.

13 Mais déjà au point suivant, vous dites que la personne qui a avancé cela,

14 que c'était aussi le général Sir Michael Rose, qui peu avant son départ de

15 Bosnie, dans un interview accordé au journaliste de BBC, John Simpson, pour

16 le programme appelé Panorama, qu'il a précisé que parmi ses supérieurs, il

17 y en a qui estiment que les autorités de Bosnie-Herzégovine ont tiré sur

18 leur propre peuple.

19 R. C'est la manière dont je me rappelle les commentaires que le général

20 Rose a fait à John Simpson.

21 Q. Donc, ce n'est pas seulement du côté serbe qu'on a affirmé que la chose

22 avait été faite par la partie musulmane, mais il y avait également Rose à

23 le dire. Or Rose se trouvait être, depuis assez longtemps, le commandant

24 des forces étrangères, en présence, en Bosnie-Herzégovine.

25 R. Oui. Il en était à la fin de son mandat d'un an, en tant que commandant

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1 de la FORPRONU. Il ne l'a pas dit explicitement. Il a simplement fait

2 comprendre que certains des officiers généraux de son état major pensaient

3 qu'il était possible ou probable, qu'il y avait également des incidents où

4 les Bosniens avaient tiré sur les leurs.

5 Q. Il y a eu bon nombre de renseignements à ce sujet. Avez-vous eu

6 connaissance de ces renseignements-là ?

7 R. Jamais je n'ai vu de preuves concrètes venant de la FORPRONU, en dépit

8 du fait, que nous avons demandé souvent à ce que ceci soit prouvé. J'ai

9 parlé à d'autres personnes qui ont passé beaucoup plus de temps que le

10 général Rose à la FORPRONU et de l'avis de ces personnes, ceci ne s'était

11 produit.

12 Q. Bon. Mais nous aurons, je pense, l'occasion de nous pencher sur

13 lesdites informations en d'autres occasions. Mais vous avez décrit une

14 visite de Milan Martic à la république Srpska. Est-ce que votre caméraman a

15 filmé le passage en revue des troupes préparées à l'intention de Martic ou

16 avez-vous repris ces images de quelqu'un d'autres ? Parce que je n'ai pas

17 vu ces images-là dans les disques qui m'ont été confiés.

18 R. C'était effectivement filmé par notre caméraman et j'étais moi-même

19 présent.

20 Q. Fort bien. Qu'était Martic à l'époque ?

21 R. Je pense qu'il se présentait volontiers comme étant le dirigeant ou le

22 président des Serbes de Croatie.

23 Q. Donc, le président de la république de la Krajina serbe, c'est bien

24 cela ?

25 R. Oui, c'est le titre qu'il a pris effectivement. Si, je me souviens

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1 bien.

2 Q. Et à l'époque Karadzic était le président de la Republika Srpska,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Bien. Alors qu'y a-t-il d'étrange si Martic vient rendre visite à

6 Karadzic ? Et qu'y a-t-il d'étrange à faire inspecter une unité d'honneur

7 alignée là-bas, en son honneur, précisément par Martic ?

8 R. Jamais je ne n'ai dit que c'était étrange. Mais simplement, fait état

9 du fait que cela s'était produit.

10 Q. Mais ce reportage parle de la visite de Martic à Pale. Il parle du fait

11 d'avoir été reçu avec les honneurs -- des honneurs, et qu'il a eu par la

12 suite encore un entretien, des conversations avec son homologue, M.

13 Karadzic ?

14 R. Je n'ai pas tiré de conclusions de cela. Je me suis contenté de dire,

15 qu'à l'époque, les Serbes de Bosnie bénéficiaient de l'appui direct,

16 notamment de Milan Martic. Et on nous a dit que Vojislav Seselj était venu

17 lui aussi à Pale pour appuyer ses positions. Et c'était après le premier

18 ultimatum de l'OTAN à l'égard des dirigeants serbes de Bosnie.

19 Q. Ça s'est passé en 1994.

20 R. Février 1994, pour être plus exact, oui.

21 Q. Bien. Pour ce qui est de la visite de Seselj, et vous ne l'avez pas

22 filmée, n'est-ce pas ?

23 R. Non, je ne l'ai pas vu, non plus, à cet endroit.

24 Q. Mais partant de quoi, affirmez-vous alors que Seselj s'est déplacé là-

25 bas à ce moment-là ?

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1 R. Parce que c'est ce que nous ont dit des membres supérieurs de l'état

2 major de M. Karadzic.

3 Q. D'après mes renseignements, Seselj est allé une seule fois parler, pour

4 apporter son soutien aux citoyens de la Republika Srpska alors que l'OTAN

5 venait de bombarder les positions serbes dans les environs de Gorazde.

6 R. Vos informations sont, par conséquent, différentes des miennes.

7 Q. En janvier, il y a eu une assemblée du parti radical serbe qui a duré

8 plusieurs jours. Au mois de février et mars, il y a eu des assemblées du

9 parlement serbe où Seselj, dans sa qualité de député, était présent tout le

10 temps. Donc, à l'époque que vous mentionnez vous-même, je pense que son

11 déplacement vers Pale n'a pas pu se faire.

12 R. Quant à savoir s'il devait ou ne devait pas, pas à moi de décider. Et

13 je pense que le parlement serbe ne se réunissait pas le week-end. Mais je

14 le répète, moi, je ne l'ai pas vu. Cependant un membre de l'état major, un

15 membre supérieur de l'état major de Karadzic nous a dit, qu'il était venu

16 effectuer une visite.

17 Q. Et quand est-ce qu'est survenu le bombardement des alentours de

18 Gorazde ? Vous en souvenez-vous ? Est-ce que vous souvenez quand est-ce que

19 l'OTAN a bombardé les positions aux alentours de Gorazde ? Est-ce que ça

20 s'est situé en 1993 ?

21 R. D'après ce que je me rappelle, c'est en avril 1994, qu'il y a eu une

22 attaque déclenchée par les forces du général Mladic sur Gorazde. Et au

23 cours de cette offensive, au moins un observateur aérien avancé, des forces

24 britanniques, a été tué. Et il y a eu bombardement des avions de l'OTAN.

25 Moi, je n'étais pas, à ce moment-là, à Gorazde, mais à Belgrade. C'était

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1 parmi mes dernières journées en Serbie. Parce qu'après cela, j'ai reçu

2 l'ordre de quitter le pays, après que votre gouvernement a décidé de me

3 déclarer personne non grata, à vie.

4 Q. Cela est possible. Au paragraphe 5, vous indiquez qu'en 1991, à

5 Vukovar, vous avez rencontré un officier de la JNA, un certain Mladen

6 Maric, qui était capitaine de première classe d'une brigade de -- blindée

7 de la garde -- d'une brigade blindée de la garde. Et vous aviez, un

8 caméraman, qui vous a filmé avec son unité. N'est-ce pas ?

9 R. Exact.

10 Q. Pouvez-vous me dire quand est-ce que cela se situe, au juste ?

11 R. Date précise, entre le 10 et le 19 novembre 1991, ou aux alentours de

12 ces dates-là. Je sais que ça faisait une période de 10 jours. Nous avons

13 passé toute une nuit, avec son unité. Nous avons dormi avec ces hommes. On

14 était à une cinquantaine de mètres des lignes croates. Et nous allions

15 quotidiennement dans la ville. Et c'est là, que nous avons trouvé ces

16 soldats. Il était l'officier le plus haut gradé. Si je me souviens bien, il

17 y avait un lieutenant musulman de Bosnie avec lui, quelques autres aussi.

18 C'est l'unité qui était placée sous le commandement de celui qui, à

19 l'époque était le commandant Sljivancanin. Excusez-moi si j'ai tronqué un

20 peu son nom, mais il n'est pas facile à prononcer.

21 Q. D'après les renseignements qui m'ont été communiqués avant votre

22 témoignage, à vous, et je voudrais que vous me confirmiez si cela est

23 exact. C'est vers la fin du mois d'octobre 1991, que vous avez eu un

24 accident de la circulation. Est-ce bien vrai ?

25 R. Est-ce que vous pourriez me redonner cette date, de cet accident de la

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1 circulation ?

2 Q. Fin octobre. Je n'ai pas ici, de date précise. Je n'ai aucun

3 renseignement vous concernant, vous-même. J'ai ce qu'on m'a communiqué,

4 dernièrement.

5 On me dit que fin octobre, vous avez eu un accident de circulation, et que

6 vous avez séjourné à l'hôtel Hyatt. Et que vous avez eu une espèce de

7 commotion cérébrale bénigne, suite à cet accident.

8 R. Oui. C'était début octobre 1992, Effectivement, j'ai eu un accident.

9 J'étais dans ma Land ROver. Je venais de Hongrie, en direction de Belgrade.

10 Et à Novi Beograd, je pense que j'ai eu effectivement, un accident. Mais

11 c'était en 1992, pas en 1991.

12 Q. C'est en 1992, que cela a eu lieu. Ça ce n'est pas passé du temps du

13 siège de Vukovar ?

14 R. Non. C'était pendant la guerre, en Bosnie.

15 Q. Dites-moi, je vous prie, puisque vous indiquez que vous y avez passé

16 une dizaine de jours. Est-ce que cela signifie que vous étiez à Vukovar, à

17 l'occasion de la chute de la ville de Vukovar, et que vous passé un certain

18 temps avec le capitaine, dont vous avez indiqué le nom, tout à l'heure ?

19 R. Il fallait d'abord, obtenir l'autorisation du ministère de la Défense,

20 à Belgrade. Cette autorisation était obtenue par le producteur local.

21 Souvent il devait obtenir cette permission à Sid, et puis, aller vers

22 Oriolik, avant d'aller vers Vukovar. Puis, nous avons été avec cette unité.

23 En général, on quittait Belgrade tôt le matin, et on rentrait à Belgrade

24 dans l'après-midi pour monter le reportage, et l'envoyer à Londres. Nous

25 n'y sommes pas toujours parvenu. Mais je pense que vers le 12 ou le 13

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1 novembre, nous avons passé 48 heures, dans la ville. Et ce qui est certain,

2 c'est que nous nous y sommes trouvés tous les jours, mais pas

3 nécessairement 24 heures d'affilée. On arrivait le matin, et on repartait

4 l'après-midi; et au cours des derniers jours de combat, ou des combats et

5 après la chute de Vukovar.

6 Q. Et vous indiquez que par la suite, vous ne l'avez plus jamais revu.

7 C'est ce que vous dites ?

8 R. Non. Je pense dire que j'ai dîné avec lui, à Belgrade, en décembre

9 1991. Mais après, je ne l'ai plus revu. Non.

10 Q. Bien. Vous ne l'avez plus jamais plus revu, par la suite. Vous dites au

11 point 6, de votre déclaration :

12 "Je ne l'ai plus revu. Mais mon producteur était avec nous, à Vukovar. Et

13 il m'a dit qu'un jour, en juin 1992, il a revu Maric, alors qu'il était en

14 visite à la caserne à Lukavica, grand QG du Corps de Sarajevo Romanija. Il

15 a ajouté que Maric, était présent, à l'occasion des opérations de combats

16 du côté serbe, mais qu'il était encore, membre de la JNA. A savoir, de

17 l'armée de Yougoslavie."

18 "Ce que je sais, c'est que Maric est resté dans l'armée serbe -- dans

19 l'armée yougoslave, et qu'il a refusé de se faire transféré vers l'armée

20 des Serbes de Bosnie."

21 M. IERACE : [interprétation] Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui,

23 M. IERACE : [interprétation] C'est peut-être une question de traduction,

24 mais à tout du moins, dans le compte rendu en anglais, d'après ce que

25 j'entends, ça ne concorde pas avec la déclaration préalable. Une référence

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1 est faite à la JNA dans la déclaration. Et on dit "JNA-VJ." Je vous

2 remercie.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation]

4 Q. Mais c'est précisément ce que j'ai dit. J'ai donné citation en disant

5 "JNA," à savoir, armée de la Yougoslavie. Alors, si vous préférez,

6 "JNA/VJ." C'est ce qui est indiqué dans la traduction serbe. Mais je crois

7 avoir cité chaque mot, tel qu'indiqué. Cela peut être vérifié à la lecture

8 du compte rendu d'audience.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Il indique donc, qu'il a vu Maric en train d'effectuer une visite à la

11 caserne de Lukavica. Et il précise que celui-ci était présent là-bas, à

12 l'occasion des opérations de combats, au côté des Serbes.

13 Alors, expliquez-moi maintenant, je vous prie. Partant de quoi, avez-vous

14 affirmé tout à l'heure, que Maric, au sujet duquel vous précisez qu'il

15 avait par la suite, été visité une caserne à Lukavica, et qu'il se trouvait

16 être à la tête d'une unité de la JNA, qui aurait pris part à des opérations

17 de combats, à Sarajevo ?

18 R. Je pense que vous n'avez pas bien compris la question de la "visite."

19 C'était mon producteur qui a visité la caserne de Lukavica. Et il y a

20 trouvé Maric qui y était cantonné. Il s'est entretenu avec Maric. Moi, je

21 n'étais pas présent au cours de cet entretien. Il a parlé à Maric. Et Maric

22 lui a dit qu'il était en mission, menant une opération avec la JNA. C'était

23 donc, le producteur qui effectuait cette visite. Je tiens à le préciser.

24 Q. Oui. C'est le producteur qui était en visite. Et partant de la présence

25 d'un officier de la JNA, qui est originaire, il va sans dire de Bosnie-

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1 Herzégovine. Ça je pense, que vous ne l'ignorez pas. Il est originaire de

2 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Je le sais.

4 Q. Donc, partant de la présence d'un officier de la JNA qui était

5 originaire de Bosnie-Herzégovine, vous définissez cela comme étant une

6 présence de l'armée régulière yougoslave, à savoir, la "JNA/VJ," en

7 Bosnie. C'est bien ce que vous faites ?

8 R. Oui. Il était toujours officier de la garde, et jamais il n'est devenu

9 officier de l'armée des Serbes de Bosnie. Il était là, en sa qualité

10 d'officier de la garde de la JNA. Il avait ses hommes avec lui.

11 Q. Mais comment le savez-vous, qu'il avait avec lui, ses hommes, à lui, et

12 qu'il ait pris part à quelques opérations que ce soient ?

13 R. Je ne fais que citer les dires de mon producteur.

14 Q. Donc votre producteur a collecté toutes ces informations-là et vous les

15 a communiquées, et il en a collecté au sujet de certaines opérations, mais

16 de quelles opérations s'agit-il? Dans quelles opérations auraient pris part

17 la JNA comme vous l'indiquez ici au mois de juin 1992 à Lukavica, quelles

18 étaient alors les opérations qui avaient cours à ce moment-là ?

19 R. Je l'ai déjà dit, je me trouvais à ce moment-là à Sarajevo. Ce

20 producteur, lui à l'époque, il avait sa base à Pale, et c'est ce qu'il m'a

21 dit.

22 Q. Bien, c'est donc ce que votre producteur vous a dit. Nous n'allons pas

23 nous attarder davantage là-dessus. Plus loin, vous parlez d'une déclaration

24 que j'aurais faite concernant l'embargo, concernant les pressions exercées

25 aux fins de faire accepter les plans de paix, c'est bien cela ?

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1 R. Oui, au paragraphe 8.

2 Q. Bien, avez-vous connaissance du fait que cet embargo n'avait pas porté

3 sur l'aide humanitaire ?

4 R. Oui, c'est bien le souvenir que j'en ai.

5 Q. Bien, avez-vous connaissance du fait que la finalité de l'embargo

6 c'était le fait d'exercer une pression pour faire accepter les plans de

7 paix ?

8 R. C'est ce que vous avez déclaré à l'époque, oui. Est-ce que je le

9 croyais, ça c'est une autre histoire, mais c'est la raison que vous avez

10 présentée, oui.

11 Q. Bien, et savez-vous qu'il y a eu un sommet à Athènes où le plan de paix

12 a été signé par Radovan Karadzic et par la suite, il a été rejeté lors de

13 la session du parlement de la Republika Srpska ?

14 R. Oui, et du parlement serbe de Bosnie, c'est le souvenir que j'ai, et

15 moi je n'étais pas présent à la séance où le parlement a rejeté cela.

16 Q. Bien, il y a suffisamment de renseignements au sujet de cette session

17 et elle a été filmée dans son intégralité. Donc, point n'est nécessaire à

18 en débattre ici.

19 Pendant quelques jours ou plutôt suite à la mise en place de l'embargo,

20 vous vous indiquez que vous avez quelques jours plus tard, vu des citernes,

21 des camions passer par la route ou emprunter la route principale, je crois

22 que vous avez là parlé de Bijeljina ou de quelque chose de ce genre.

23 R. J'ai dit avoir été à Bijeljina et j'ai vu ces camions passer par deux

24 carrefours l'un à Zvornik et l'autre au nord de Zvornik, j'ai vu ces

25 camions qui sont passés en territoire serbe de Bosnie. Nous l'avons

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1 constaté parce que c'est ce qu'on nous a dit, ils n'étaient pas censés

2 être-là, puisqu'il devait y avoir un embargo, c'est pour ça que nous

3 l'avons constaté. Nous avez vu des camions qui sont passés en 1992, et nous

4 n'y avons pas vraiment fais attention, mais après la déclaration de

5 l'embargo, nous avons fait davantage attention à la chose, mais ce n'est

6 pas pour ça que nous étions à la frontière, on n'était pas là pour vois si

7 l'embargo a été appliqué ou pas. Nous avions été à Janja et à Bijeljina, si

8 je me souviens bien pour assister au référendum portant sur la décision de

9 l'assemblée serbe de Bosnie, visant à rejeter le plan de paix que Karadzic

10 comme vous l'avez dit vous-même, avez signé à Athènes.

11 Q. Ce n'est pas comme je l'ai dit. Il a effectivement signé à Athènes.

12 Vous avez été là-bas, donc à une période où cet embargo n'avait pas été mis

13 en place ?

14 R. D'après mes souvenirs, il avait déjà été mis en place cet embargo.

15 Q. Puisque vous avez l'air de vous en souvenir de la période de cet

16 embargo, et je crois qu'en une autre occasion, nous aurons l'opportunité de

17 présenter des renseignements différents, des renseignements tout à fait

18 précis, mais je voudrais vous demander si vous avez souvenance du fait

19 qu'une mission de surveillance internationale avait été installée le long

20 des frontières de la République fédérale de Yougoslavie avec la Republika

21 Srpska, et que cette mission a été commandée par un général suédois, M. Bo

22 Pellnas ?

23 R. Je ne me souviens pas de général suédois, mais je me souviens qu'il y a

24 avait des observateurs extérieurs qui avaient été dépêchés sur place.

25 Q. Savez-vous en ce cas, si cette mission de surveillance a attiré ou pas

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1 des conclusions afférentes à la violation de l'embargo ? Or ils se

2 trouvaient présent tout le temps à ces frontières, bien entendu après la

3 mise en place de l'embargo, pas avant, et c'est une chose qu'on nous a pas

4 imposée, c'est de notre plein grés que nous avons accepté leur présence,

5 parce qu'on nous avait demandé, "Si nous étions sincères dans ces

6 intentions ?" nous avions dit, "Oui." Et on nous a demandé, "Est-ce qu'on

7 peut assurer un monitoring ?" Nous avons répondu, "Par l'affirmative." Vous

8 êtes un journaliste, vous devez forcément être au courant de la chose ?

9 R. Il faudrait que vous posiez la question aux Nations Unies, moi, je ne

10 peux pas vous dire ce que pensait les Nations Unies ou pas.

11 Q. Bien, alors il ne s'agit pas de vous poser cette question. Mais s'il y

12 avait une mission de surveillance qui accomplissait sa mission de façon

13 sérieuse, ne convient-il pas de supposer qu'elle était là pour établir s'il

14 y avait un embargo véritable ou pas.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas une question qu'il convient

16 de poser à ce témoin-ci.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Ce témoin-ci a parlé de mise en scène à ce sujet-là. Malheureusement,

20 cela n'a pas été le cas.

21 Au paragraphe 9, vous indiquez que s'agissant du carburant pour vos

22 voitures, vous avez dû vous le procurez sur -- au marché noir à Belgrade,

23 c'est bien ce que vous dites ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Est-ce que quelqu'un ne voulait pas vous vendre de l'essence où est-ce

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1 qu'il en a été ainsi pour tous les citoyens de Serbie, parce que nous avons

2 été sous blocus, sous sanction, sous restriction très importante. Donc,

3 nous vivions une très forte pénurie du carburant, ça vous devez le savoir ?

4 R. Oui, mais ça, ça a commencé en 1991. Il y avait des stations service où

5 il y avait des files énormes, et si vous travaillez pour une chaîne de

6 télévision qui fonctionne 24 heures sur 24, vous ne pouvez pas rester dans

7 des files pendant des heures à attendre de prendre du carburant, parce que

8 vous ne pourriez pas travailler, c'est pour ça qu'on a décidé de constituer

9 un peu de stock du carburant, et ceci nous l'avons constitué avant que

10 l'embargo soit décidé par les Nations Unies contre la Yougoslavie.

11 Q. Bien, il y a eu des pénuries, et je voulais que nous tirions au clair

12 une chose, à savoir, que l'on ne vous avez pas discriminé en particulier,

13 il n'y a pas eu de discrimination particulière à votre égard, parce que

14 vous étiez étranger, mais vous dites que les citoyens ont fait la queue et

15 que vous n'aviez pas, vous le temps de faire la queue comme eux, c'est

16 bien ça ?

17 R. Les habitants -- les citoyens eux devaient faire la queue, mais ils ont

18 fait comme nous. Ils achetaient du carburant au marché noir.

19 Q. Mais je voulais que nous déterminions qu'il n'y a pas --déterminer avec

20 vous le fait qu'il n'y a pas eu discrimination à votre égard parce que vous

21 étiez étranger, mais vous étiez là-bas dans des circonstances qui étaient

22 pénibles pour le pays entier.

23 R. Tout à fait. Jamais je n'ai fait l'objet de discrimination dans quelque

24 station serbe que ce soit, station de service.

25 Q. Bien. Et vous n'ignorez pas que sous ces sanctions graves sous

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1 lesquelles s'étaient retrouvées la Yougoslavie, la Republika Srpska et la

2 Krajina serbe, non seulement il n'y avait pas de carburant, mais il n'y

3 avait pas de médicaments, il n'y avait pas de vaccins, pas de biens

4 intermédiaires pour ce qui est de fabriquer des médicaments. Tout a été

5 bloqué. Le saviez-vous cela ou pas ?

6 R. Non, il y avait des médicaments. Ce n'est pas vrai qu'il n'y avait

7 aucun médicament dans toute la Serbie. Il n'est pas vrai de dire non plus

8 qu'il n'y avait pas d'essence dans la Serbie. Il y avait beaucoup de

9 contrebandes qui venaient des pays voisins. C'était énorme comme volume. Et

10 c'est comme ça que nous, nous avons obtenu notre essence diesel, sur le

11 marché noir. Oui, il y avait des pénuries. C'est certain. Et ça a dû être

12 dur pour certains habitants. Mais si vous aviez des moyens, si vous aviez

13 de l'argent, vous pouviez obtenir n'importe quoi.

14 Q. En tout état de cause, les sanctions étaient lourdes. Et l'on vivait

15 mal en ces temps-là. Et dans des circonstances de sanctions, les échanges

16 entiers avec l'étranger se déroulaient sous forme d'échanges clandestins,

17 en quelque sorte. En a-t-il été ainsi ou pas ?

18 R. Oui, on a fait de la contrebande.

19 Q. Et nous avons toutefois réussi à couvrir nos besoins avec les quantités

20 minimums de médicament. Nous avons des usines de médicaments. Et nous avons

21 pu faire quand même quelque chose en fonction du succès réalisé, dans la

22 contrebande de matière première nécessaire à la fabrication de ces

23 médicaments, ou pour les besoins de cette industrie pharmaceutique, et le

24 reste de l'industrie. Vous le savez également ?

25 R. Je vous ai dit, il y avait des médicaments.

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1 Q. Alors, vous parlez, dans le paragraphe 10, de réunions régulières.

2 Qu'entendez-vous par "réunions régulières" entre Karadzic, Mladic et moi-

3 même, qui se tenaient suite à la conférence de Genève, de façon régulière à

4 Belgrade et parfois à Pale même ? Qu'entendez-vous par réunions

5 régulières ?

6 R. Vous le savez sans doute, Monsieur Milosevic. Moi, je n'ai pas assisté

7 à ces réunions. Cependant, je vous le dit, mes producteurs locaux, moi-

8 même, nous avons appris de journalistes serbes et d'autres sources,

9 notamment le chef de la télévision de Belgrade, et par un membre du

10 ministère des Affaires étrangères, nous avons appris de cette façon qu'il y

11 avait des réunions entre vous, Mladic et Karadzic. Et en septembre 1992,

12 lorsque j'ai rencontré M. Karadzic à l'hôtel Intercontinental, il m'a dit

13 qu'il était à Belgrade parce qu'il venait vous voir. Je n'ai pas vu le

14 général Mladic, en passant. Je ne sais pas s'il était prévu dans la

15 réunion.

16 Q. Il est fort possible qu'une fois ayant vu M. Karadzic qu'il ait été --

17 ou qu'il soit venu me voir, moi aussi, entre autres, durant son séjour à

18 Belgrade. Mais la finalité de ma question, n'était pas celle de savoir si

19 j'avais rencontré Karadzic à quelque occasion que ce soit. Bien sûr, que

20 je l'ai rencontré. Et si j'ai rencontré Mladic, je vous dirais bien sûr que

21 je l'avais rencontré. Mais vous, vous parlez de réunions régulières, et je

22 voulais savoir ce que vous entendiez par cette notion de "réunions

23 régulières".

24 R. C'est ce que diverses sources nous ont dit. On ne nous a précisé de ce

25 que cela signifiait. Si cela voulait dire que vous vous rencontriez une

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1 fois tous les trois jours ou une fois tous les mois, mais qu'il y a eu des

2 réunions. C'est ce qu'on nous a dit.

3 Q. Mais vous dites que ces réunions étaient régulières et qu'elles se sont

4 tenues "parfois à Pale". Mais vous savez que la seule fois où je me suis

5 rendu à Pale, c'était pour une session de l'assemblée serbe. Et c'était le

6 moment où on a discuté du plan de paix Vance Owen.

7 R. Je répète. Je cite ce que d'autres personnes nous ont dit. Je sais que

8 vous vous êtes rendu à Pale à ce moment-là.

9 Q. Donc, il ne peut en aucun cas être exact de dire alors que je me suis

10 rendu "à Pale" régulièrement, n'est-ce pas ?

11 R. Je cite d'autres personnes, Monsieur Milosevic.

12 Q. Je sais que vous citez d'autres sources, mais je tiens à remarquer

13 aussi que ces sources ne sont pas des plus fiables. Et vous dites également

14 qu'à Pale, vous avez eu plusieurs entretiens avec Karadzic, c'est bien

15 cela ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Je suppose que vous avez également mené un interview avec lui ?

18 R. La plupart du temps, non. C'était simplement des rencontres où nous

19 avons pu nous parler. Le Dr. Karadzic souhaitait beaucoup avoir des

20 entretiens directs avec Sky News, soit lorsque c'était possible via

21 l'antenne par satellite, où il se plaçait devant la caméra ou bien si nous

22 n'avions pas d'antenne par satellite, c'était par la voie du téléphone.

23 Nous avions simplement des entretiens qui portaient sur ce qui était en

24 train de se produire en Bosnie. En une occasion, je suis allé lui poser

25 quelques questions. Mais ce n'était pas un interview formel d'une

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1 quarantaine minutes, les interviews habituels. Donc, c'était cinq ou dix

2 minutes, où je n'avais que quelques questions à lui poser.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste cinq minutes, Monsieur

4 Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. S'il ne me reste que cinq minutes,

6 Monsieur May, à ce moment-là, j'abrégerais.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Dans votre déposition, hier, vous avez parlé des tireurs embusqués. Si

9 j'ai bien compris, il y avait des tireurs embusqués des deux côtés.

10 R. Je ne me souviens pas avoir déposé hier à quelque sujet que ce soit.

11 Mais effectivement il y avait des tireurs embusqués des deux côtés.

12 Q. Je suppose qu'on en a donné lecture dans -- cela figurerait dans le

13 résumé de votre déclaration. Je ne suis pas sûr que vous en ayez parlé

14 vous-même hier, mais on vous a cité. On vous a cité comme l'ayant déclaré,

15 précédemment. Donc, il y avait des tireurs embusqués des deux côtés. C'est

16 bien cela, Monsieur van Lynden ?

17 R. Oui.

18 Q. Du côté serbe, vous avez vu des abris anti-snipeurs -- anti-tireurs

19 embusqués. Donc, pour se protéger des tireurs embusqués du côté musulman.

20 C'est cela ?

21 R. Oui. C'est ce qui figure dans ma déclaration.

22 Q. Egalement, hier vous avez déclaré ou on vous a cité, je n'arrive pas à

23 me rappeler cela. Donc, vous avez dit que les tireurs embusqués étaient

24 libres de choisir leur cible. C'est bien cela ?

25 R. Ce que j'ai dit, c'était la chose suivante. Les tireurs embusqués aux

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1 positions que j'ai visitées, à Grbavica, m'ont dit qu'ils étaient libres de

2 choisir leur propre cible. Mais nous avons également vu qu'il y avait des

3 transmetteurs radio, et qu'il y avait ce qu'on pourrait appeler des

4 repéreurs ou des observateurs qui se trouvaient à des positions

5 différentes. Donc, je suppose en hauteur, et qui pouvaient informer les

6 tireurs embusqués.

7 Je dois ajouter que je ne suis jamais allé visiter une unité de l'autre

8 côté. Et par conséquent, je ne peux pas décrire comment se sont comportés

9 leurs tireurs embusqués. Mais ils en avaient certainement.

10 Q. Si je vous posais la question, c'est parce qu'il a été dit par un

11 témoin, ici, que le feu ouvert par les tireurs embusqués des positions

12 serbes a été coordonné et ce, des positions les plus élevées dans

13 l'hiérarchie. Alors que, d'après votre déposition, il en sortirait autre

14 chose.

15 Vous avez dit que vous avez dit des mortiers près de l'hôpital de Kosevo;

16 c'est cela, Monsieur van Lynden ?

17 R. J'ai vu un mortier près de l'hôpital de Kosevo en juillet 1992, oui,

18 mais je n'ai pas vu d'équipage, je n'ai vu que le mortier, le mortier de 81

19 ou 82 millimètre. Si je m'en souviens bien.

20 Q. Mais vous êtes un reporter de guerre. Vous savez distinguer les armes.

21 Donc, vous avez vu un mortier près de l'hôpital, c'était un mortier

22 musulman, n'est-ce pas ?

23 R. C'était un mortier qui d'après moi, effectivement, devait appartenir à

24 l'armée bosnienne qui n'a jamais été une armée musulmane, puisque j'ai

25 toujours vu des Serbes et des Croates au sein de cette armée.

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1 Q. Très bien. Dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, ont-ils ouvert le feu ?

2 Savez-vous qu'ils ont utilisé l'hôpital pour se mettre à l'abri et pour

3 ouvrir le feu à l'encontre ou sur l'armée de la république Srpska ?

4 R. C'était en juillet 1992 au moment où la république Srpska n'existait

5 pas encore, ça c'est un premier point. Un deuxième point, non, je n'ai

6 jamais vu ce mortier ouvrir le feu, effectivement. Et je n'ai jamais vu de

7 feu ouvert depuis l'hôpital où de ces environs, donc, l'hôpital de

8 Sarajevo. Certainement, ceci ne s'est jamais passé de l'hôpital d'état où

9 j'ai passé de nombreuses nuits.

10 Q. Juste quelques questions, j'espère que j'ai suffisamment de temps, M.

11 May.

12 Vous avez parlé du conflit à Dvor na Uni, Dvor sur l'Una. C'était vers la

13 fin de votre déposition aujourd'hui.

14 R. On m'a posé les questions au sujet de Dvor na Uni.

15 Q. Et qui ont été les victimes lors de ce conflit de Dvor na Uni ?

16 R. Je ne sais pas à quoi vous vous référez. Ce sont les combats dans le

17 village de Struga où l'incident entre le capitaine Dragan et la population

18 locale de Dvor na Uni. Si c'est Struga qui vous intéresse, et bien, pour

19 autant que je m'en souvienne, quatre habitants croates de Struga ont été

20 tués, et deux membres des milices serbes. Si vous référez à l'incident de

21 Dvor na Uni, le capitaine Dragan m'a dit, qu'il y a eu arrestation des dix

22 Serbes qui avaient tué, quatre femmes croates originaires de Struga.

23 Q. C'est la raison pour laquelle je vous demande à quel moment cela

24 s'est passé ?

25 R. En juillet 1991.

Page 26779

1 Q. En juillet 1991, et ça été la dernière question et la dernière réponse

2 que vous avez fournies pendant l'interrogatoire principal, et vous affirmez

3 : que le capitaine Dragan vous a dit, que j'étais à la tête de toutes ces

4 opérations, que je dirigeais toutes ces opérations.

5 R. Non. Il n'a jamais dit que vous étiez responsable sur le plan

6 opérationnel. Ce qu'il a dit, c'était que vous étiez le dirigeant le plus

7 haut placé des Serbes. Et j'ai posé cette question à Karadzic ou à Mladic,

8 aussi je l'avais posée dès [sic] il n'aurait pas contesté cela.

9 Q. Très bien. Très bien. Il n'est pas contesté de dire que j'étais le

10 Serbe le plus haut placé, puisque j'étais le président de la république de

11 Serbie. Mais c'est très différent, de ce que je vous ai compris, avoir

12 répondu à la question posée par l'autre partie, la partie adversaire,

13 lorsque vous avez demandé qui dirigeait toutes ces opérations, que le

14 capitaine Dragan vous aurait dit que c'était Milosevic qui dirigeait tout

15 cela.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin vous a répondu. Il vous a dit

17 ce que le capitaine Dragan lui avait dit.

18 Monsieur Milosevic, qu'est-ce qui vous intéresse ? Vous avez posé la

19 question, vous avez eu la réponse. Vous avez entendu ce que le capitaine a

20 dit à votre sujet. Et quelle est la raison pour laquelle vous posez cette

21 question.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, c'était ça la question.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. En juillet 1991, est-il exact M. va Lynden qu'à ce moment-là, c'est de

25 manière tout à fait légale que la JNA était présente sur place, c'était

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1 l'armée légale de la république fédérative socialiste d'Yougoslavie,

2 c'était en juillet 1991, et vous avez déclaré vous-mêmes qui sont arrivés

3 sur place après le conflit pour constituer une zone tampon.

4 R. Oui, nous parlons de l'année 1991. Oui, la JNA était présente sur les

5 lieux qu'en tant que l'armée de la république fédérative d'Yougoslavie.

6 Oui, ils sont arrivés dans le village de Struga pour constituer une zone

7 tampon après la fin des combats.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez utilisé le temps qui vous a

11 été alloué. Vous êtes allé au-delà, et ce, de manière considérable.

12 Les amis de la Chambre ont-ils des questions ?

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

14 j'en aurais pour une dizaine, quinzaine de minutes.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, je vous en prie. Commencez

16 maintenant.

17 Questions de L'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

18 Q. [interprétation] Un premier sujet que je souhaite aborder, et c'est le

19 sujet qui prendra le plus de temps à ce moment-là. Il serait peut-être

20 mieux de commencer par autres choses avant la suspension d'audience.

21 M. Baron, lorsque vous avez parlé de l'hôpital, lorsque vous avez parlé de

22 ce que vous avez entrepris depuis le toit de l'hôpital, au paragraphe 12,

23 vous dites qu'avec l'enregistreur du son et le caméraman, vous vous êtes

24 rendu l'étage le plus élevé de l'hôpital d'état donc à l'abri, vous dites

25 nous avons observé le feu qui touchait les différentes parties de la ville.

Page 26781

1 Donc, à ce moment-là, il n'y a eu aucune action entreprise à l'encontre de

2 vous qui étiez en train de faire votre travail.

3 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai jamais été sur le

4 toit. Ça serait très mal indiqué de se placer sur le toit. J'étais à

5 l'étage supérieure de l'hôpital, le plus élevé de l'hôpital.

6 Je ne comprends pas lorsque vous me dites "des opérations, des actions

7 entreprises à l'encontre de moi ou envers moi".

8 Q. A ce moment-là, est-ce qu'il y a eu des coups de feu ouverts de quelque

9 part que ce soit vers l'hôpital ? C'est ça qui m'intéresse.

10 R. Oui, pendant que nous étions dans l'hôpital, et bien celui-ci a reçu

11 des coups de feu assez régulièrement plutôt régulièrement.

12 Q. Et vous dites, le caméraman et l'enregistrement du son afin

13 d'enregistrer le feu changer de position en fonction de la provenance de

14 tirs. Est-ce que cela veut dire en fonction des tirs dirigés vers

15 l'hôpital, sur l'hôpital ?

16 R. Non, cela ne veut pas dire cela, puisqu'il est très, très difficile

17 d'identifier cela. Cela concerne l'enregistrement du pilonnage des

18 quartiers est ou ouest de Sarajevo. Et si nous avions l'impression que le

19 feu a été plus nourri à l'est, alors le caméraman se rendait de ce côté-là

20 du bâtiment donc face à ce côté-là. C'est à ça que je me réfère.

21 Q. Donc, quoi qu'il en soit à ce moment-là, il n'y a pas eu de coup de feu

22 dirigé contre l'hôpital.

23 R. Il est arrivé que l'hôpital soit touché, mais lorsqu'on enregistre les

24 coups de feu, lorsque la télévision filme cela, c'est extrêmement

25 difficile, puisque vous ne voyez pas les obus de mortiers. Il est beaucoup

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1 d'artilleries mais il est beaucoup plus facile de voir les lances roquettes

2 multiples. Ce que vous pouvez filmer c'est lorsqu'il y a un premier obus

3 qui touche sa cible. Donc, c'est très compliqué. Donc, comment filmer un

4 simple coup de feu, ou deux ou trois tirs entrant vers l'hôpital, vers le

5 bâtiment de l'hôpital, ceci aurait été tout à fait impossible.

6 Mais je dois ajouter, qu'à tout moment, lorsque j'étais dans le bâtiment,

7 la seule fois où il a été touché par un obus de plus gros calibre c'était,

8 je pense par un obus de char, mais à ce moment-là, j'étais dans la cave,

9 j'attendais l'ascenseur pour monter plus haut. Donc, c'est les seuls coups

10 de feu dont j'étais témoin, c'étaient des coups de feu d'armes de petit --

11 du calibre plus léger.

12 Q. Mais s'il vous plaît, vous dites au paragraphe 13, que vous étiez dans

13 le bâtiment et qu'il y avait tout le temps de nouvelles victimes qui

14 arrivaient. Et bien, j'aimerais savoir pendant que vous étiez à l'hôpital,

15 et l'hôpital a été touché, est-ce qu'il y a eu des victimes à un moment

16 quelconque ?

17 R. Je me souviens qu'il y a eu deux personnes de blessées à l'intérieur de

18 l'hôpital, à un des étages inférieur lorsque j'étais à l'étage supérieur.

19 Donc, nous avons appris cela plus tard, je ne me rappelle pas qu'il y a eu

20 parmi ces personnes, des personnes grièvement blessées, mais c'était des

21 gens qui travaillaient à des étages inférieurs. Tous les étages supérieurs

22 de l'hôpital avaient été évacués et aux étages supérieurs, il n'y avait que

23 l'équipage de Sky News, mais il y a eu des victimes et j'étais informé

24 avant mon arrivée du fait qu'il y avait eu d'autres personnes touchées à

25 l'intérieur de l'hôpital.

Page 26783

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Tapuskovic ? Peut-on faire une

2 pause maintenant. Nous suspendons l'audience pour 20 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

4 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous ne vous sentez

6 pas bien. C'est ce que nous venons d'apprendre. Vous pouvez partir si vous

7 le souhaitez, pendant que nous allons mener à son terme, la déposition de

8 ce témoin.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, mais vous savez parfaitement que

10 cela fait des mois que je n'ai absolument aucune possibilité de me reposer.

11 Donc, c'est une hypertension qui est due à la fatigue. C'est tout. Je pense

12 qu'il n'y a rien d'autre. Je ne suis pas malade, je suppose. Mais c'est

13 simplement cette fatigue qui provoque une hypertension.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons terminer avec ce témoin,

15 Maître Tapuskovic.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

17 Q. Monsieur le Témoin, si je vous ai posé mes questions précédentes, c'est

18 parce que vous avez donné deux autres déclarations en 2001, et en 2002, aux

19 enquêteurs de ce Tribunal. C'est cela ?

20 R. Oui. C'est exact.

21 Q. J'ai demandé au Procureur, de mettre à votre disposition ces deux

22 déclarations pour vous montrer un certain nombre de points aux sujets

23 desquels, je voudrais que vous fournissiez des explications à la Chambre.

24 Dans cette première déclaration, datée de l'an 2001, sous le chapitre "Le

25 pilonnage des hôpitaux," vous dites au milieu de ce paragraphe. Donc, le

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1 troisième paragraphe allant de la fin de ce chapitre, vous dites :

2 "Je suis au courant de l'affirmation que l'hôpital, a fait l'objet de tirs,

3 simplement parce que les Musulmans de Bosnie l'ont utilisé pour placer

4 leurs tireurs embusqués." Même si je dois dire que je ne le sais pas, vous

5 ne pouviez pas affirmer avec certitude, que ce n'était pas exact. Même si

6 vous n'aviez rien remarqué.

7 R. Je ne vois pas ce troisième paragraphe.

8 Q. C'est en fait le cinquième paragraphe, de cette section.

9 R. Oui. Je maintiens ce que j'ai dit, ce que j'ai dit à l'enquêteur du

10 Tribunal.

11 Q. Merci. Et lorsque nous parlons du "Pilonnage des services d'urgence

12 civils," cela suit immédiatement. Lorsqu'il a été question de ce bâtiment

13 où les pompiers sont venus éteindre le feu, au troisième paragraphe, au

14 milieu, c'est le début, vous dites :

15 "J'ai vu que les pompiers ont réussi à éteindre le feu dans une partie de

16 la ville. Les artilleurs serbes ont réussi ainsi à incendier l'autre

17 partie. Même si on ne peut pas exclure la possibilité que les tireurs

18 embusqués de Bosnie-Herzégovine ont utilisé ce bâtiment, cette attaque ne

19 peut nullement être justifiée ou peut être considérée comme pouvant être

20 justifiée en tant qu'opération militaire."

21 R. Premièrement, nous avons demandé aux habitants de cet appartement, si

22 le bâtiment avait été utilisé à des fins militaires, quelles qu'elles soit,

23 qui aurait pu justifier l'attaque sur le bâtiment. On nous a dit, enfin ces

24 gens nous ont dit que ceci n'était pas le cas. Et je pense que je devrais

25 préciser à l'intention de la Chambre, que les civils qui vivaient à

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1 Sarajevo à ce moment-là, étaient bien au courant du fait que si un bâtiment

2 était utilisé à ces fins, il pouvait être attaqué. Il pouvait faire l'objet

3 de tirs. Et ils savaient quelles seraient les conséquences, pour leurs

4 biens. Donc, je ne peux pas exclure cela. J'ai posé des questions. Nous

5 nous sommes adressé à la FORPRONU, également après l'incident. Pour leur

6 demander s'ils avaient vu, ou si quelqu'un de leurs hommes, ou si les

7 observateurs avaient remarqué des tirs sortant de ce bâtiment, et donc,

8 dirigés vers les lignes serbes. Mais ils ont dit que ce n'était pas le cas,

9 qu'ils n'ont pas vu.

10 Et un troisième point, j'ai eu l'impression que c'était un incident très

11 étrange, puisque seules, les balles incendiaires ont été utilisées. Dans

12 toute forme d'engagement militaire habituel, où les deux parties tiraient

13 l'une sur l'autre, on aurait toute sorte d'armes de tout calibre utilisé.

14 Cette fois-ci, c'était uniquement les balles incendiaires qui touchaient ce

15 bâtiment de logements. Donc, j'ai pensé que c'était une attaque directe sur

16 une cible civile.

17 Q. Les représentants de la FORPRONU, des officiers ont dit que dans

18 certains cas, les bases de la FORPRONU avaient été utilisées près des

19 lignes des formations armées. Vous avez entendu des provocations provenant

20 de la ville de Sarajevo envers ceux qui ont assiégé Sarajevo ? Vous avez

21 entendu des rapports indiquant cela ?

22 R. Je ne me souviens pas, pas un porte-parole ou un officier de la

23 FORPRONU m'en a parlé pendant mon séjour à Sarajevo.

24 Q. Très bien. Je vous prie à présent, de prendre cette déclaration que

25 vous avez faite en 2002. Ici, il s'agit de Vukovar. Vous en avez déjà

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1 parlé, pendant votre interrogatoire principal. Et je vous prie de vous

2 reportez au paragraphe 2. Vous dites ici, je cite :

3 "Parfois, la JNA nous transportait par des transporteurs blindés, parfois,

4 nous nous déplacions à bord de nos véhicules propres. Juste avant la chute

5 de Vukovar, nous avons pu accéder à Vukovar facilement grâce à une unité de

6 la garde de la JNA."

7 Est-ce que cela veut dire que l'armée populaire yougoslave était prête à

8 vous permettre de prendre connaissance de l'ensemble des événements qui

9 entouraient la -- ces moments-là donc juste avant la chute de Vukovar ?

10 R. Cela dépendait des unités de l'armée yougoslave avec lesquelles on se

11 mettait en contact. Il y a eu des jours où nous avons rencontré un général

12 de l'armée yougoslave à l'extérieur de Vukovar. Et celui-ci nous a donné la

13 permission d'aller à l'intérieur. Donc, nous sommes arrivés à Oriolik, un

14 petit village. Il y avait, par exemple, des envoyés de l'armée yougoslave

15 qui ne nous permettaient pas de rentrer à l'intérieur et qui nous

16 renvoyaient. Presque toujours, nous devions avoir tout d'abord

17 l'autorisation de la part du ministère de la Défense de Belgrade, puis à

18 Sid, et cela dépendait aussi de la personne sur laquelle vous tombiez.

19 Lorsque j'ai dit que nous ne pouvions plus facilement y accéder vers la

20 fin, c'était parce qu'il y avait des officiers de l'unité de la garde donc

21 qui nous l'ont permis une fois que nous étions à Vukovar. Mais vous ne

22 saviez pas, à titre quotidien si vous pouviez avoir l'autorisation ou non.

23 Q. Mais, juste avant la chute de Vukovar, vous avez pu connaître

24 pleinement les événements de Vukovar ?

25 R. Je ne pourrais pas parler d'une connaissance pleine et entière des

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1 événements. Je n'ai jamais vu une carte opérationnelle du côté de l'armée

2 yougoslave. Et nous n'avions -- de toute évidence, nous n'avions pas de

3 contact avec la partie croate non plus. Nous avons essayé de nous

4 renseigner dans toute la mesure du possible en rentrant dans la ville, et

5 j'avais déjà expliqué à la Chambre que nous avons passé une nuit là-bas en

6 compagnie des soldats de la garde, à 50 mètres de la ligne croate. Et je

7 vous ai dit que c'était plutôt dangereux. Donc, nous essayions de nous

8 renseigner en mieux, mais pour dire que nous avions une connaissance pleine

9 et entière de la situation, non.

10 Q. Oui, mais deux paragraphes plus bas, plus loin, vous dites qu'un

11 capitaine de l'unité de la garde s'est plaint auprès de vous que la JNA

12 avait trop de victimes dans cette zone; c'est exact ?

13 R. Oui, c'était Mladen Maric.

14 Q. Et ce qu'on lit dans le paragraphe suivant, à la fin, est-il exact ?

15 Donc, vous dites que lorsque vous êtes entrés dans la ville, vous dites

16 qu'il y avait des mines partout, voir même au centre-ville; c'est exact ?

17 R. Nous avons filmé le déminage conduit par les soldats de la JNA. Oui,

18 tout à fait. Donc, nous avons vu des champs de mines au centre-ville.

19 Q. Serait-il exact de dire ou plutôt êtes-vous d'accord avec ce qui est

20 énoncé dans le paragraphe suivant ? C'est ce que vous dites :

21 "C'est avec les soldats que nous sommes sortis vers une route à l'extérieur

22 de Vukovar où les Croates s'étaient rendus. Ce groupe de Croates ne portait

23 pas d'uniformes. Et pendant qu'ils sortaient, chacun me remettait ou me

24 restituait son arme, celles qu'il avait. Ils étaient par la suite fouillés

25 et conduits jusqu'à des autocars dont la présence était organisée par la

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1 JNA. Il n'y avait pas de rires ou de ricanements ou de cris. Et certains

2 Croates avaient essayé de garder la tête haute."

3 Avez-vous assisté vous-même à cette scène ?

4 R. Oui. Et le Tribunal dispose de ce récit. Il n'y avait pas que des

5 soldats. D'ailleurs, il y avait des civiles, des femmes, des personnes

6 âgées qui sortaient de Vukovar. Il y avait des milliers de personnes,

7 plusieurs milliers de personnes qui quittaient à pied Vukovar, mais c'est

8 exact.

9 Q. Par conséquent, il y a eu des civiles qui ont restitué des armes. Entre

10 autre, c'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

11 R. Ils étaient tous en vêtements civils. Certains avaient des armes et

12 d'autres pas. Il y avait aussi des vieilles femmes.

13 Q. Il y a le paragraphe suivant qui vient, et en dernière phrase de ce

14 paragraphe, vous dites :

15 "Nous avons vu une grande masse s'en alla. C'était tous des civils. Ils

16 étaient gardés par des membres de la JNA qui les protégeaient des mauvais

17 traitements que cherchaient à leur infliger les membres des unités

18 paramilitaires serbes."

19 R. Oui.

20 Q. Avez-vous vu ce qu'on dit à la fin :

21 "Peu de temps après il y est arrivé des autocars pour l'évacuation du reste

22 des Croates. Nous avons escorté le convoi jusqu'à Sremska Mitrovica. Je me

23 souviens du fait que la JNA avait accusé les forces croates d'avoir ouvert

24 le feu sur ce convoi. Le convoi a passé la nuit à Sremska Mitrovica et le

25 jour d'après ils ont continué leur route en direction de la Bosnie -- en

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1 direction de la Croatie." Est-ce que cela est exact ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Encore une question au sujet de Karadzic. En répondant à l'une des

4 questions qu'on vous a posée dans le cours de l'interrogatoire principal,

5 vous avez indiqué, et je me réfère là à votre première déclaration, au

6 chapitre où il est question de Karadzic. Et vous avez expliqué là-bas les

7 propos qui concernaient le mur de Berlin. Vous avez en effet dit que

8 c'était là un entretien que vous avez eu au mois de septembre 1992.

9 Est-ce que c'était l'entretien au cours duquel il vous avait montré les

10 cartes ?

11 R. Nous avons eu plusieurs entretiens au cour desquels il m'a montré les

12 cartes. Cette réunion, nous l'avons eue dans son bureau, au moment où il a

13 parlé du mur de Berlin. En règle général, nous nous réunissions dans son

14 bureau, mais il nous est arrivé de nous rencontrer au QG ou plutôt au siège

15 de la télévision à Pale.

16 Q. Vous souvenez-vous des propos qui ont été tenus au sujet de ce qui

17 appartenait à -- au côté serbe ? Est-ce qu'on avait affirmé que c'était là

18 des propriétés terriennes recensées dans les cadastres, donc un seul

19 document a même de prouver les titres de propriété foncière. Il ne

20 s'agissait pas de population, il s'agissait de cadastres, à savoir que 65 %

21 des territoires de la Bosnie-Herzégovine qui étaient en propriété de

22 citoyens serbes. Est-ce que c'est de cela qu'il était question ?

23 R. C'est bien possible, mais je ne me souviens pas qu'il se soit servi du

24 terme de "cadastre", non.

25 Q. Bien. Et une toute dernière question de ma part. Etant donné que vous

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1 avez parlé du fait d'avoir discuté du mur de Berlin, j'admets que cela

2 n'est pas approprié du tout au niveau de civilisation actuelle. Vous avez

3 parlé d'une autre rencontre en septembre 1992 et on vous a, une fois de

4 plus, montré les cartes. Mais cette fois-là, il n'a plus été question du

5 mur de Berlin. Je ne sais pas si c'est la même réunion ou pas. J'aimerais

6 que vous nous expliquiez. Mais la toute dernière phrase ici, vous parlez de

7 "contrôle" qui dit : Il a parlé de sa volonté de résider dans une

8 Yougoslavie parce que c'était là, un état pour tous les Serbes. Il n'avait

9 pas parlé de partage. Il n'avait pas dit qu'il était favorable au départ

10 des autres ressortissants ou plutôt des autres groupes ethniques de ces

11 territoires-là. Mais il voulait une Yougoslavie parce que cela constituait

12 un état pour tous les Serbes. Donc c'était un propos ou des propos qui

13 diffèrent carrément de ceux afférant au mur de Berlin -- partage de

14 Sarajevo.

15 Donc, est-ce que -- je vous demanderais que vous -- donc, j'aimerais que

16 vous nous apportiez une explication et c'est ma dernière question.

17 R. Vous sautez très vite d'une déclaration à l'autre. Excusez-moi de

18 revenir sur le texte même.

19 Oui, oui on définit la Yougoslavie comme étant une grande Serbie, un état

20 où il n'y avait aucun Croate, aucun Musulman ni rien d'autre.

21 Q. Mais ce n'est pas ce qui est dit dans votre déclaration, Monsieur

22 Baron. Et on y dit précisément autre chose. Parce que s'il l'avait déclaré,

23 vous l'auriez certainement rapporté, mais cela n'y figure pas dans votre

24 déclaration. Comment expliquez-vous le fait de ne pas avoir parlé de

25 "grande Serbie", cela aurait été très important tant pour les enquêteurs

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1 que pour les conclusions qui doivent forcément être tirées de tout ceci ?

2 R. Ce que j'ai dit, c'est que les enclaves étaient inacceptables et

3 qu'elles devaient devenir une partie du territoire serbe, sans le séjour,

4 sur ces territoires ou sur ces terres, de ces habitants. Ce qui revient à

5 dire qu'en Serbie, ce sont mes termes à moi. Ça veut dire que tous les

6 territoires serbes devaient se rassembler. Pour lui, c'est ça ce qui était

7 la Yougoslavie. C'était un état où devaient vivre tous les Serbes, non pas

8 la Yougoslavie où il y avait des Slovènes, des Croates, des Musulmans, des

9 Albanais et des Serbes -- des Monténégrins et des Serbes.

10 Q. Messieurs les Juges, je voudrais me référer encore, si vous le

11 permettez au paragraphe 19, là où il est question d'uniformes, juste un

12 moment.

13 R. Dans quelle déclaration s'il vous plait ? Dans quelle déclaration ?

14 Q. La dernière de vos déclarations, Monsieur le Témoin. C'est celle de

15 2003. Je me réfère notamment au paragraphe 40.

16 Vous avez dit ici et vous avez rectifié le tir, vous avez dit que :

17 "Dans ma première déclaration, il avait été question d'uniformes analogues

18 à ceux qui étaient ceux de la JNA, un an auparavant, à savoir l'uniforme de

19 la JNA, tel que je l'avais connu à l'occasion des combats en Croatie à

20 Vukovar."

21 Vous n'avez pas indiqué l'endroit exact.

22 R. Excusez-moi, il s'agit de quel paragraphe dont vous faites la lecture,

23 parce qu'on vient juste de me remettre la déclaration préalable, celle-là.

24 Il s'agit de quel paragraphe ?

25 Q. Je vous l'ai dit, c'est le paragraphe 40.

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1 R. [interprétation] Très bien. Merci.

2 Q. Donc, vous avez parlé d'uniformes que vous avez vus, portés des soldats

3 de la JNA à Vukovar, là où vous étiez un an auparavant. Et puis, vous

4 précisez à la fin que l'étoile rouge à cinq branches, a été remplacée par

5 des insignes avec le tricolore serbe. Donc, la fois d'après, il n'y avait

6 plus cette étoile à cinq branches, mais il y avait cet insigne tricolore,

7 c'est bien cela ?

8 R. Non, non, l'uniforme était le même, mais le badge porté au couvre-chef

9 était différent. Tous les grades étaient la même chose, tout était pareil,

10 mis à part ce qui se trouvait sur la casquette ou le couvre-chef.

11 Q. Mais le couvre-chef était-il le même, n'était-ce pas un couvre-chef

12 tout à fait différent, qui n'était que celui de l'armée de la Republika

13 Srpska. Par exemple le général Mladic, quel type de couvre-chef portait-il,

14 lui ?

15 R. En 1992, il portait l'uniforme de la JNA. Il -- enfin ils l'ont changé

16 plus tard seulement. En 1990 [sic], ils portaient encore l'uniforme de la

17 JNA. Vous pourrez vérifier que j'ai bien raison.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires,

19 Monsieur Ierace ?

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

21 M. IERACE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.

22 Nouvel interrogatoire par M. Ierace :

23 Q. [interprétation] Vous avez dit que Sky News n'était plus diffusée,

24 n'était plus captée en Bosnie suite à la décision d'interdire la diffusion.

25 Ça s'est passé quand ?

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1 R. Ce n'est pas la Sky News qui a terminé son activité, ce sont les

2 autorités serbes qui ont décidé de ne plus accepter comme chaîne Sky News.

3 Mais je ne sais pas exactement quand ça s'est passé, si je ne m'abuse, ça

4 s'est passé au début de 1990 [sic] au cours du printemps.

5 Q. On a laissé entendre que ce que vous disiez à propos de l'activité, des

6 tireurs embusqués depuis Grbavica, ne concordait pas avec l'idée selon

7 laquelle, il y avait coordination des opérations à partir du niveau le plus

8 élevé dans l'armée des Serbes de Bosnie. Ces soldats portaient-ils

9 l'uniforme ?

10 R. Oui, la plupart.

11 Q. Comment avez-vous pu contacter ces hommes ?

12 R. Par les commandants ou chefs de bataillons ou de compagnies.

13 Q. De quelle façon avez-vous établi le contact avec ces commandants de

14 compagnies ou bataillons ?

15 R. Après avoir rencontré le général Mladic et après que ce dernier ait

16 donné le feu vert pour que moi je rende visite à des unités militaires, se

17 trouvant sous ce commandement, sur diverses lignes du front, à l'extérieur

18 de Sarajevo.

19 Q. Est-ce que vous étiez accompagné par qui que ce soit au moment où vous

20 avez parlé à ces commandants des compagnies ou bataillons ?

21 R. Tout d'abord, Karadzic avait prévu que deux militaires -- policiers

22 militaires serbes nous accompagnent en tout moment si nous quittions Pale,

23 c'est ce qu'ils ont fait. Ils sont intervenus des moments, je ne pense pas

24 que ça, ça été le cas en 1992. Mais ce fut le cas en 1994, lorsque j'ai

25 effectué des visites auprès d'unités similaires en Grbavica, il y avait

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1 toujours quelqu'un du gouvernement serbe de Bosnie, c'était un responsable

2 de la presse ou quelqu'un de ce genre qui nous accompagnait.

3 Q. Et ces deux policiers militaires, est-ce qu'ils ont pris des mesures

4 nécessaires pour qu'il y ait ces contacts entre vous et les commandants de

5 bataillons ou compagnies ?

6 R. Je suppose que tout ceci avait été organisé à l'avance depuis le QG de

7 Pale. Mais ils savaient à qui s'adresser, qui contacter.

8 Q. Fort bien. Vous avez également était emmené -- on a consulté une de vos

9 déclarations préalables, on semblait dire que vous étiez au courant d'une

10 idée selon laquelle les forces serbes de Bosnie, lorsqu'ils avaient tiré

11 sur l'hôpital d'état, l'avaient fait en riposte après les activités de

12 tireurs embusqués depuis l'hôpital. D'où est venu cette idée, où avez-vous

13 entendu cela ?

14 R. Du côté serbe.

15 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de voir, dans l'hôpital d'état, des

16 effectifs de l'armée serbe de Bosnie -- l'armée bosnienne en action ?

17 R. Je ne les ai vus que subir des actions. Non, je n'ai jamais vu de

18 soldats armés, de l'armée bosnienne à l'hôpital. Et je voudrais dire deux

19 choses, Messieurs les Juges. En tant que correspondant, on a la

20 responsabilité d'une équipe, par conséquent on a la responsabilité

21 effective des personnes composant cette équipe. Quand on se trouve dans une

22 zone de guerre, il y a toujours des menaces qui pèsent. On est toujours en

23 but à des menaces, à quelque chose qui peut arriver à l'un d'entre vous.

24 Mais je travaillais avec un caméraman depuis plusieurs années, et nous

25 avons pris soin de vérifier dans les étages supérieurs de l'immeuble pour

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1 voir s'il y avait des douilles, des signes qui auraient montré qu'on avait

2 utilisé ce bâtiment à des fins militaires, et jamais ce ne fut le cas.

3 M. IERACE : [interprétation] J'ai terminé mon interrogatoire

4 supplémentaire, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Baron van Lynden, ceci met fin à

6 votre déposition. Merci d'être venu témoigner au Tribunal pénal

7 international. Vous pouvez maintenant disposer.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

9 [Le témoin se retire]

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Ierace.

11 M. IERACE : [interprétation] Nous avons essayé de déterminer la teneur du

12 CD, qui était vierge, d'après le dire de l'accusé. Nous nous excusons, il

13 apparaît que M. Kay a reçu un CD vierge. Le sien a été remplacé, mais nous

14 ne savions pas que l'un de ces CD avait été fourni à l'accusé, mais je peux

15 vous dire que c'était la même teneur que ce qui figure à l'annexe A. En

16 l'occurrence, c'est un CD où vous avez les déclarations en application du

17 92 bis, donné à l'accusé, dont voici la teneur.

18 Aux fins des dossiers d'audience, je tiens à préciser que Prashanthi

19 Mahindaratne m'a aidé à la préparation de la déposition de ce témoin. Je

20 vous remercie.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Ierace, puisque vous vous êtes

22 occupé de ça, est-ce que vous pourriez trouver le titre de l'entretien qu'a

23 eu le témoin avec M. Milosevic ?

24 M. IERACE : [interprétation] Le bureau du Procureur n'en a pas

25 d'exemplaire, il faudrait essayer de l'obtenir de la chaîne de télévision

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1 Sky News.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veillez-y, s'il vous plaît.

3 M. IERACE : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vu l'état de santé de l'accusé, nous

5 allons voir ce que nous allons faire. Y a-t-il des questions d'ordre

6 administratif que vous voudriez soulever avant la venue d'un autre témoin.

7 M. NICE : [interprétation] Pas vraiment, si ce n'est pas pour dire que nous

8 avons envoyé et diffusé sous forme de mémo, ce qui l'espère est acceptable,

9 une liste assez abrégée de témoins qu'il faudra citer à la barre de ceux

10 qu'il ne faut pas préparer. J'espère que l'accusé comprendra ce que je veux

11 dire. S'agissant des témoins qu'il ne faut pas préparer, ce sont les

12 témoins dont nous ne pensons pas que nous allons les citer. Il peut donc

13 s'abstenir de les préparer. Vu les contraintes que ceci représente pour

14 lui, j'espère que ceci évacue -- sera utile pour vous et pour l'accusé.

15 Et soit dit, en passant, vous recevrez une liste complète, mais il faut y

16 apporter des modifications et vous recevrez la définitive dans les

17 meilleurs délais. Ce sera tout.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous vous sentez

20 fatigué, c'est cela. C'est quoi exactement ce problème de santé qui est le

21 vôtre ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je viens de vous indiquer, Monsieur May,

23 ça fait des mois que je suis fatigué, mais ça n'a rien de nouveau pour

24 vous.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais c'est peut-être parce que vous avez

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1 accepté une tâche qui est trop considérable. Peut-être vous faut-il de

2 l'aide car le procès est un procès de taille ? Et si vous aviez de l'aide,

3 vous ne sentiriez pas ces contraintes -- ce stress aussi vivement.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, aucune espèce d'aide ne me

5 permettrait de lire 500 000 pages et 2 000 cassettes audio et quelques

6 milliers de cassettes audio pour ce qui est donc de ma possibilité de me

7 pencher sur la totalité pendant les interrogatoires ici. Je crois que les

8 choses sont claires. Maintenant, pour ce qui est de la remarque que vient

9 de faire M. Nice, pour ce qui est d'un mémo, je ne sais pas du tout de quoi

10 il s'agit, moi, on ne m'a rien donné. Pour ce qui est de la remarque

11 affairant aux disques, qu'on m'a remis, mais vierges, il en va de même pour

12 ce qui est du disque qui comporte l'avenant A, et je tiens à dire que

13 l'avenant A, on m'a confié lorsque ce témoin est venu témoigner concernant

14 les documents qui sont remis juste avant le témoignage du témoin. Donc,

15 quand il est venu témoigner hier, je l'ai -- je n'ai fait que l'obtenir

16 avant -- juste avant son témoignage, et ce n'est qu'hier soir que j'ai pu

17 me pencher dessus.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'est que peut-

19 être vous devriez avoir un avocat, nous l'avons dit dès le départ, mais à

20 vous de juger. Nous verrons ce qui est la meilleure marche à suivre.

21 De toute façon, nous n'allons pas poursuivre aujourd'hui, vu les

22 circonstances qui se présentent.

23 Je pense que l'avocat d'audience veut mentionner une question relative aux

24 pièces.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce CD-ROM

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1 utilisé par M. Milosevic deviendra la pièce à Défense 192 avec -- comme

2 cote V00-870 à 871 [sic].

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience reprendra demain maintenant.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 23 et reprendra le mercredi 17

5 septembre 2003, à 9 heures.

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