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1 Le jeudi 23 octobre 2003
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, vous avez la parole.
6 M. NICE : [interprétation] Le témoin suivant avait bénéficié de mesures de
7 protection jusqu'au moment où il allait déposer. Il s'agit de Ante
8 Markovic. Vous avez déjà reçu un exemplaire du résumé qu'il a signé il y a
9 de cela maintenant quelques semaines et qui a été notifié à l'accusé tant
10 en anglais qu'en B/C/S. Je vous demande ceci dans la mesure où vous
11 l'estimez nécessaire, la déclaration signée pourra être son interrogatoire
12 principal.
13 Avant d'en terminer, pourrais-je avoir une minute à huis clos partiel.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, Monsieur Milosevic. Il nous
18 est impossible de nous prononcer sur la recevabilité d'un résumé si nous ne
19 l'avons pas en avance. C'est seulement à ce moment même que je viens de
20 recevoir ce résumé.
21 M. NICE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je sais que j'ai
22 donné des instructions pour qu'il soit envoyé plutôt et notre assistance,
23 Mme Dicklich, nous dit que votre juriste la reçu lundi -- en tout cas, ça a
24 été envoyé lundi. J'avais pensé à ce problème et je pensais que le résumé
25 avait été notifié à l'accusé la semaine dernière.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons nous enquérir, mais moi je
2 n'ai pas vu ce résumé.
3 Nous pourrons peut-être le parcourir rapidement.
4 Mais vous voulez intervenir, Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux petites remarques, Monsieur May,
6 seulement. Les documents d'Igalo, je ne me souviens pas à l'occasion de
7 quel témoignage on en a parlé, mais ce document a été présenté ici, et cela
8 a été fait en audience publique. Il s'agit d'un document qui a découlé des
9 rencontres où il y a eu Lord Carrington, où il y a eu Veljko Kadijevic,
10 moi-même, et ce document a déjà été étudié. Par conséquent, il ne se trouve
11 sous aucun régime de restriction. Je crois que M. Nice a probablement fait
12 une omission à ce sujet.
13 Et pour ce qui est du livre de Jovic, qu'on verse tant de fois au dossier,
14 je crois que Jovic pourrait le faire verser au dossier. Je ne vois pas
15 pourquoi Ante Markovic serait la personne par le truchement de laquelle on
16 verserait au dossier le livre de Jovic.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. La seule partie où il est question
18 de M. Markovic effectivement à ce moment-là, il est à même d'apporter un
19 commentaire.
20 M. NICE : [interprétation] D'après mes souvenirs, nous avons recherché ce
21 document d'Igalo hier soir, je veux dire, et nous ne l'avons pas retrouvé,
22 donc nous avons pensé qu'il n'avait pas été évoqué.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Moi, je n'en ai aucun souvenir -- je ne -
24 - j'ai trouvé des notes où il a été fait mention de l'accord d'Igalo, mais
25 moi je ne me souviens pas de cet accord. Il se peut que ceci se soit trouvé
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1 dans un des documents de la Défense produit par M. Samardzic ou par un
2 témoin de ce genre, mais moi je n'en ai pas le souvenir. En tout état de
3 cause, vous pourrez effectuer une nouvelle recherche.
4 Oui.
5 M. NICE : [interprétation] En synthèse, permettez-moi de vous expliquer
6 ceci. M. Markovic a été le dernier premier ministre de la République
7 fédérale de Yougoslavie et, de façon très sommaire et synthétique, il nous
8 relate les dernières années de son mandat qui s'est terminé en 1991. On
9 trouve notamment l'attitude qu'avait l'accusé à l'égard de la politique
10 appliquée à l'époque. Je pense qu'ici ce sera un élément tout à fait
11 précieux.
12 Il parle de l'armée des Serbes de Bosnie. Vous trouverez à la page 11.
13 Il parle des activités militaires. A la page 14, il est fait référence aux
14 paramilitaires.
15 Pages 17 à 22, c'est peut-être la partie la plus importante de sa
16 déposition dans la perspective de ce procès puisque la Chambre de première
17 instance n'est pas là pour déterminer quelle politique était juste ou
18 injuste, je suppose, mais on parle ici des actes et comportements de
19 l'accusé. Et je pense que c'est significatif par rapport à ce que ceci
20 révèle à son propos.
21 Et puis pages 18 et 19, ce qu'il sait à propos de Karadjordjevo. Aussi il
22 devra présenter -- être représenté au débat, puis réunion à La Haye,
23 dernière réunion avec l'accusé.
24 En réalité, à partir de la page 17, il faudra que les éléments soient
25 présentés dans ce prétoire et d'autres éléments où il est fait référence à
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1 l'accusé le seront aussi. Je vais effleurer certains sujets et aborder
2 d'autres dans le détail en tant que de besoin.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que la meilleure marche à suivre
4 ne serait pas celle-ci ? Il faut d'abord replacer cette déposition dans son
5 contexte, bien sûr, c'est une suggestion que je vous fait en mon nom
6 personnel et puis vous pourriez résumer la teneur du reste du document au
7 fur et à mesure. Mais lorsqu'il y a référence à l'accusé, il faut présenter
8 les éléments de viva voce.
9 M. NICE : [interprétation] C'est marqué du coin et du bon sens et je
10 pourrais agir vite.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel, mais moi
12 je n'aime pas le terme qui est donné là-dessus, "résumé" est-il dit. Si on
13 veut verser ce genre de document au dossier sous une forme ou une autre, il
14 vous faudra trouver un autre intitulé.
15 M. NICE : [interprétation] Rappelez-vous, je l'avais dit personnellement,
16 il se fait que ce document avait déjà été signé au moment où nous avons été
17 autorisé à produire des résumés. Et ce résumé a été signé pourquoi ? Parce
18 que le témoin s'était trouvé ici et avait dû repartir parce que l'accusé
19 n'était pas bien. Et le document est signé pour attester de son
20 authenticité et c'est nécessaire de le signer au cas où le témoin va
21 revenir plus tard. Je vous le promets, à partir de maintenant, ces
22 documents n'auront plus ce titre de "résumé".
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et est-ce que, mis ceci mis à part, le
24 témoin a déjà donné une déclaration au préalable ?
25 M. NICE : [interprétation] Oui, elle est à votre disposition si vous voulez
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1 la voir.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et bien, je pense que, dans ce cas, il
3 faudrait que le résumé fasse une référence spécifique par paragraphe et
4 numéro de pages à la déclaration, pour que l'accusé puisse bien préparer sa
5 défense.
6 M. NICE : [interprétation] Et c'est pratiquement toujours ce que nous
7 faisons. Mais ici le problème c'est que nous avons été avisés à la dernière
8 minute que l'accusé n'était pas bien et que, par conséquent, ce témoin ne
9 pourrait pas déposer. Le résumé avait déjà été préparé et je me souviens
10 que le témoin n'avait pu que le parcourir rapidement avant de partir.
11 Normalement, c'est ce qui se fait. On fait ces références en mettant en
12 corrélation les paragraphes et le résumé.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Ce document est déclaré
14 recevable. Il sera versé au dossier en application 89 (F); cependant, le
15 Procureur doit procéder à la synthèse avec le témoin du reste du document.
16 M. NICE : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et les parties relatives aux actes et
18 comportement de l'accusé devront être présentés au débat, mais soyons
19 clair, quant à la pratique à adopter, si une requête est faite en
20 application du 89(F), il faut que la Chambre dispose du document, pas le
21 matin même de la déposition.
22 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Je croyais que vous l'aviez dès le
23 début de la semaine, même la semaine dernière.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avant de commencer, avant l'arrivée du
25 témoin, une question de calendrier. Nous ne pourrons pas travailler après
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1 13 h 45 puisqu'il y a une autre affaire dans ce prétoire l'après-midi. En
2 tout état de cause, il s'agit ici d'un témoin important.
3 M. NICE : [interprétation] Oui, et qui est très embêté par le fait qu'il a
4 déjà revenu deux fois. Alors, je verrais dans quelle mesure nous pourrons
5 aller le plus vite possible.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
7 Faisons entrer le témoin.
8 M. NICE : [interprétation] Nous aurons deux ou trois cotes, je suppose,
9 pour ces pièces. Je vais essayer de les aborder le plus rapidement
10 possible. Je vous le disais. Je ne vais pas aborder dans le détail, ni même
11 du tout des extraits de l'ouvrage de Jovic, mais vous verrez qu'il y a des
12 parties qui risquent d'être pertinentes, qui sont surlignées, au cas où
13 vous voudriez les lire, ces extraits en dehors de ce prétoire.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Témoin, je vais vous
16 demander de prononcer la déclaration solennelle, et je vais vous demander
17 pour ce faire, Monsieur, de vous lever.
18 LE TÉMOIN: ANTE MARKOVIC [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 Je déclare solennellement que je dirais la vérité, toute la vérité et rien
21 que la vérité.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir, Monsieur.
23 Interrogatoire principal par M. Nice :
24 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur.
25 R. Je m'appelle Ante Markovic.
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1 Q. Monsieur Markovic, à l'occasion de votre dernière visite à la Haye,
2 avez-vous, en collaboration avec le bureau du Procureur, préparé un
3 document qui porte aujourd'hui le nom de résumé, document que vous avez
4 signé pour attester de son exactitude et du fait qu'il reflète la vérité ?
5 R. Oui.
6 Q. Mis à part quelques corrections relevées hier, est-ce qu'il s'agit là
7 d'un document exact, fidèle à la vérité ?
8 R. Oui.
9 M. NICE : [interprétation] Je vais demander, Monsieur le Président, que
10 soit attribué une cote à ce document. Je précise au greffe qu'il n'y aura
11 aucune expurgation, donc pas de problème pour ce qui est de la diffusion de
12 ce document.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 569.
14 L'INTERPRÈTE : N'est pas sûr de la cote. Elle la précisera plus tard.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Nous allons vous remettre une copie de ce résumé en B/C/S. Vous avez
17 été le dernier premier ministre de la RSFY, et ceci du 16 mars 1989 au 20
18 décembre 1991. Et je pense que vous avez évité -- vous avez voulu éviter de
19 faire des commentaires à l'opinion publique -- des commentaires publics
20 depuis ce jour-là, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est tout à fait exact. C'est la première fois après presque 12
22 ans que j'interviens devant l'opinion publique, aujourd'hui.
23 Q. Je vais parler d'une déclaration signée puisque il n'est pas juste de
24 parler ici d'un résumé. Dans ce résumé, on voit votre parcours
25 professionnel. Vous êtes ingénieur électricien, vous avez une longue
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1 expérience professionnelle d'abord dans l'industrie, dans les affaires,
2 jusqu'au moment où en 1982 on vous persuade de participer à la vie
3 politique -- d'entrer dans la vie politique. Et puis vous avez été
4 président du conseil exécutif de la République de Croatie jusqu'au moment
5 où vous êtes devenu le premier ministre, en portant le titre de président
6 du conseil fédéral exécutif en 1989 -- 16 mars 1989 à tout moment où vous
7 avez été membre du Parti communiste, et vous êtes aujourd'hui toujours
8 actif en tant qu'homme d'affaire.
9 R. C'est exact.
10 Q. Paragraphe 5, lorsque vous avez été autorisé à constituer un
11 gouvernement, vous avez été le premier à procéder à votre propre choix pour
12 ce qui est des ministres. Mais pour ce faire, vous avez consulté les
13 républiques. Vous avez pris cette initiative, et pourriez-vous nous dire
14 quelles sont les républiques qui ont demandé à préconiser leur candidat
15 privilégié ?
16 R. Dans les conditions que j'avais posées pour accepter ce mandat de
17 premier ministre, c'étaient de disposer d'une liberté maximum dans la
18 mesure du possible, dans les cas où il s'agissait de constituer un
19 gouvernement. Pour ce faire, j'ai fait les tournées des institutions, je me
20 suis rendu dans bon nombre d'entreprises, des différentes républiques et
21 partout, où je me suis entretenu y compris les directions des républiques,
22 personne ne m'a posé de conditions. Tout le monde s'est efforcé de répondre
23 aux exigences que j'avais posées moi-même. M. Milosevic a été le seul à
24 m'avoir demandé une chose déterminée, à savoir que la Serbie se fasse
25 accorder la fonction de ministre fédéral de l'intérieur.
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1 Q. Ceci est évoqué -- ce sujet est évoqué dans un extrait du jour de
2 Jovic. Monsieur Markovic, dans le cadre de la préparation à votre
3 déposition, vous avez relu de passage de ce livre que vous aviez déjà lui,
4 et certains de ces extraits sont produits, en tant que pièces, en vue
5 d'aider les Juges pour voir s'ils estiment ceci utile. Est-ce que exact ?
6 R. C'est exact. Ce que je puis dire encore, c'est que j'ai été en retard
7 d'un mois avec la proposition de composition de gouvernement devant le
8 parlement fédéral, en raison des exigences de M. Milosevic qui voulait à
9 tout prix avoir ce poste de ministre de l'Intérieur au gouvernement
10 fédéral. J'avais mon candidat, M. Zemljaric, qui est originaire de Slovénie
11 et qui avait auparavant était premier ministre de Slovénie. M. Milosevic,
12 lui, avait insisté tant et si bien que, lorsque je lui ai proposé d'autres
13 candidats -- je lui avait proposé que la Serbie obtienne le poste de
14 ministre des Affaires étrangères. Il a tout rejeté. Il a dit que rien de
15 tout ceci ne pouvait entrer en compte si ce n'est ce poste de ministre
16 fédéral de l'Intérieur. Et il a proposé lui-même plusieurs personnes, et
17 j'ai rejeté toutes ces personnes parce que l'un d'entre eux ne convenait
18 pas, l'autre ayant -- et enfin de compte, il avait proposé Gracanin.
19 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions parler
20 rapidement de la gestion des pièces. Nous allons demander une cote pour
21 ceci --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vérifions si elles se sont pratiquement
23 ainsi, et non --
24 M. NICE : [interprétation] Presque, pas tout à fait.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est là une sélection déjà opérée. Il y
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1 en a peut-être l'un ou l'autre déjà versé au dossier. Quelle sera la
2 pièce ?
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 570.
4 M. NICE : [interprétation] Vous verrez donc l'intercalaire 1 de la pièce
5 570 qui évoque le sujet général.
6 Q. Par conséquent, Gracanin est devenu ministre. Mais à votre avis,
7 pourquoi l'accusé a-t-il tellement insisté pour obtenir cette fonction de
8 ministre de l'Intérieur ?
9 R. Je pense que les choses sont tout à fait claires. Milosevic, à
10 l'époque, avait exigé l'obtention de ce poste et a, en se faisant, montré
11 ce qu'il voulait. Il voulait placer sous son contrôle le service de
12 renseignements à tous les niveaux, à tous les niveaux possibles. Quoique
13 dans le développement de la Yougoslavie et de ses structures au niveau de
14 l'état, cela ne constituait plus une institution aussi importante au niveau
15 de la Yougoslavie étant donné que toutes les républiques avaient des
16 ministères de l'Intérieur très développés qui avaient des droits et des
17 organisations propres pour ce qui est des services de renseignements et de
18 contre-espionnage. Et en plus, de tels services avaient été disponibles au
19 niveau de l'armée. Mais avec le ministère fédéral de l'Intérieur, il y
20 avait bon nombre de fonctions et d'informations qui n'étaient pas du tout à
21 négliger.
22 Q. Est-ce que Gracanin n'a plus été, à un moment donné, favorisé par
23 Milosevic ? Est-ce qu'on y fait référence à l'intercalaire 2 ? Est-ce que
24 c'est le cas ?
25 R. En notre qualité de gouvernement fédéral, nous avions une conception,
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1 un programme de réforme d'organisation de l'état, programme de
2 démocratisation et étant donné que nous étions tous engagés au niveau de la
3 réalisation de ce concept et que nous avons œuvré, de toute façon tout à
4 fait correct en sa faveur, il n'y avait aucune raison d'exclure de cela M.
5 Gracanin, et que lui, il fonctionne à l'extérieur de l'équipe. Or, comme il
6 faisait partie de l'équipe lui-même, de plus en plus, il venait à accepter
7 les éléments qui découlaient de cette politique, de ce travail réalisé de
8 façon conjointe et qui se rapportait à sa partie à lui du travail. Bien
9 entendu, il n'était plus en mesure de répondre aux exigences qui venaient
10 de la part de M. Milosevic.
11 Q. Pendant un an et demi après la formation de votre gouvernement, celui-
12 ci a bien fonctionné, était très stable. On parle d'un programme, ceci est
13 évoqué au paragraphe 11, d'un programme de réformes économiques et de
14 démocratisation. Vous estimez que les mesures que vous avez prises
15 n'étaient pas, en temps que telles, des réformes mais étaient de nature à
16 créer un environnement propice à cette réforme. Vous prévoyiez dans ce
17 programme des réformes, des modifications politiques en économie pour ce
18 qui est des droits civils des citoyens et c'était un programme en plusieurs
19 volets commençant par un programme de stabilisation passant par des
20 réformes économiques en vue de la privatisation et pour finir, par un
21 système plus répartit, avec des élections plus répartites et démocratiques,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Oui. C'est exact. Mais pour ce qui est du premier segment que vous avez
24 mentionné et où vous avez précisé qu'il ne s'agissait pas d'une véritable
25 réforme, je précise qu'il s'agissait d'un programme de stabilisation qui
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1 devait faire cesser l'inflation et donner des cadres dans les ordres de
2 grandeur donnée et sous des conditions déterminés permettre la
3 normalisation du fonctionnement et la réalisation des programmes qui ne
4 devaient que suivre.
5 Q. Dans votre déclaration signée, paragraphe 11, il y a des points
6 reprenant vos objectifs. Inutile de les parcourir maintenant. Quelle fût
7 l'attitude de l'accusé à l'assemblée fédérale exprimée par des
8 représentants de Serbie, de la Vojvodine, du Kosovo. Quelle était cette
9 attitude de l'accusé par rapport à votre programme ?
10 R. D'après les informations qui me parvenaient de la bouche de plusieurs
11 députés originaires de Serbie, il y a eu des entretiens avec des députés et
12 ils ont eu pour mission de renverser le programme proposé par le
13 gouvernement fédéral en faisant des objections. Et on disait : "Si l'on ne
14 renverse pas Ante Markovic à présent, on ne pourra le renverser dans les
15 quatre années à venir du tout, et il ne nous convient nullement. Donc, il
16 s'agissait de faire tout le nécessaire pour le renverser." Mais dès cette
17 session du parlement fédéral et des instances qui ont siégé et devant
18 lesquelles j'ai présenté mon rapport et où j'ai présenté tous les éléments
19 fondamentaux du programme et où j'ai annoncé la convertibilité de notre
20 monnaie et où j'ai montré cette monnaie convertible, personne n'était au
21 courant de l'impression de cette monnaie. Je pourrais vous relater, à part,
22 comment j'avais réussi à le faire. Mais à partir de ce moment-là, il y a eu
23 de telles ovations dans le parlement fédéral que personne n'a eu l'idée de
24 poser la question de la défiance à l'égard du gouvernement fédéral. Mais au
25 fur et à mesure qu'il s'avérait nécessaire d'adopter de nouvelles lois, il
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1 y a eu un certain nombre de députés qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient
2 pour entamer le concept de la réforme si ce n'est dans son ensemble, du
3 moins dans certaines parties, pour le rendre plus difficilement réalisable
4 et pour gagner du temps et saisir ce que l'on pouvait saisir, notamment, au
5 niveau des salaires, ce qui a engendré des augmentations de salaire en
6 Serbie de façon massive et de façon inadmissible à l'époque pour cette
7 période déterminée.
8 Q. Dans ce programme que vous proposiez, qu'est-ce qu'il y avait, à votre
9 avis, qui provoquait la résistance et l'opposition de l'accusé et de ses
10 partisans ?
11 R. Et bien, globalement, ils avaient des objections sur le programme parce
12 que le programme rendait les parties riches du pays encore plus riches et
13 les parties pauvres, encore plus pauvres. Bien entendu, le programme censé
14 réformé une société doit tenir compte du fait que toutes les parties de la
15 société ne sont pas également capables d'accepter ce programme. Certains
16 ont besoin de plus de temps, d'autres de moins de temps pour le réaliser.
17 Et précisément en raison des différences entre les parties développées de
18 la Croatie et les parties sous-développées de la Croatie. Et la Serbie se
19 situait au milieu, la Slovénie et la Croatie étaient plus développées. La
20 Macédoine et le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine se trouvaient sous-
21 développées ou moins développées que la moyenne et c'est pour cette raison-
22 là que le gouvernement, dans le cadre de ce programme, a décidé de faire en
23 sorte que les obligations vis-à-vis de l'étranger qui était celle de la
24 Macédoine, de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, voir même du Kosovo,
25 fait en sorte que le gouvernement prenne sur soi ces obligations. Je crois
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1 qu'il devait s'agir et je vais parler par cœur parce que là il s'est passé
2 beaucoup de temps depuis, il s'agissait de 985 000 [sic] millions de
3 dollar, disons un milliard de dollars. Ce n'étaient des fonds de moindre
4 taille pour ce qui est de notre budget et des obligations vis-à-vis les
5 budgets des républiques qui se voyaient transférer vers la fédération, qui
6 elle, devait payer cela. Alors, dans certains autres éléments, la politique
7 avait fait que ces régions-là devaient obtenir des avantages.
8 Si je dois vous apporter encore des réponses au niveau des objections qui
9 ont été formulées et il y a en a d'autres et je vais dire que l'une de ces
10 objections --
11 Q. Permettez-moi de vous interrompre un instant, Monsieur Markovic. Vous
12 comprenez que nous n'avons pas beaucoup de temps et vous ne voulez pas
13 nécessairement revenir. Donc, il faut faire un peu un exercice d'équilibre
14 entre une réponse tout à fait circonstanciée et complète et une réponse
15 plus synthétique. Mais permettez-moi de vous poser cette question-ci. A
16 votre avis, pour autant que vous vous soyez fait une idée à ce propos,
17 pourquoi l'accusé s'opposait-il, personnellement, à votre programme parce
18 que celui-ci aurait risqué de porter atteinte à ses propres objectifs à
19 lui ?
20 R. Il y a plusieurs éléments dont on pourrait parler. Mais je crains que
21 cela ne nous prenne beaucoup de temps. Je vais m'efforcer pour se faire,
22 d'être rationnel. D'abord, l'implication des réformes des structures
23 d'état, la réforme du système juridique, et enfin de compte, M. Milosevic
24 s'était servi de la rue pour renverser ses adversaires politiques, pour
25 procéder à des lynchages politiques dans sa régie. Et dans des conditions
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1 de démocratie, il n'était pas question d'avoir recours à ce type de
2 procédé.
3 En sus, il découlait de là, des éléments qui le plaçaient sur pied
4 d'égalité avec tous les autres. Et il ne serait plus en mesure d'usurper
5 des droits qu'il avait coutume d'usurper. Il s'établirait une communication
6 d'une part entre la société, les parlements, les gouvernements, et tous les
7 éléments de la politique, partant de quoi lorsque l'on procède à une
8 réforme politique, économique et sociale. Et lorsque l'on procède à une
9 démocratisation de la société, lorsque l'on procède à des réformes de
10 l'état, tout ceci faisait partie du programme en question. Donc, tout ceci
11 faisait qu'il n'était plus possible d'usurper les droits. Et cela
12 interdisait à toute personne la possibilité de fait, de gérer la totalité
13 de ce qui se passait.
14 Q. Je vous remercie.
15 M. NICE : [interprétation] J'ajouterais, Messieurs les Juges, l'aspect du
16 programme de démocratisation préconisée par ce témoin, la réaction de
17 l'accusé, et ce qu'en dit Jovic, tout ceci est évoqué à l'intercalaire 3.
18 Q. Vous avez dit qu'il y a eu une hausse des salaires. Mais quel était à
19 peu près le niveau d'inflation au moment où vous avez pris les rennes du
20 gouvernement.
21 R. Ce pourcentage était de plusieurs milliers. L'inflation se chiffrait à
22 plusieurs milliers de pour cent. Et suite au programme, indépendamment des
23 requêtes formulées par la délégation serbe, il y a eu des débats qui ont
24 été prolongés et on a adopté certains éléments du programme, mais avec des
25 retards de 10 ou 15 jours. Ce qui fait que le programme ne pouvait pas se
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1 réaliser au même jour pour ce qui constituait un préalable pour aboutir à
2 un succès. Mais au bout de quatre mois, on a quand même réussi à faire
3 chuter l'inflation à zéro. Et je crois que même au mois de mai ou juin,
4 l'inflation a été en dessous de zéro. C'était le premier cas dans lequel
5 donc, tous les pays socialistes où l'on avait réussi à faire chuter
6 l'inflation en dessous de zéro. Et nous avons réussi à nous constituer des
7 réserves en devise, énormes.
8 D'après De la Rosière [sic], le gouverneur de la banque centrale française,
9 nous avions des réserves en devise qui étaient supérieures à bon nombre de
10 pays occidentaux. Elles se chiffraient à presque 11 milliards de dollars.
11 Q. Dans le cadre de votre programme de réforme économique, vous avez parlé
12 de cette hausse des salaires. Est-ce qu'il y a eu aussi une grève d'une
13 heure et demie organisée en 1989, à Belgrade ? Ceci s'étant passé le 20 de
14 ce mois-là.
15 R. Oui. Il y a eu une organisation d'une telle grève, et où il a pris part
16 600 000 personnes contre ce programme.
17 Q. L'accusé, a-t-il exprimé un avis contre ce programme à l'occasion d'une
18 réunion à huis clos du gouvernement serbe ?
19 R. Cela, je ne le sais pas au juste. Ce que je sais, c'est que le
20 gouvernement serbe qui avait siégé ces jours-là, avait apporté une réponse
21 négative pour ce qui est de la réforme. Et le gouvernement de la Vojvodine
22 a apporté une réponse négative. Le gouvernement du Monténégro avait formulé
23 certaines objections, ce qui est d'ailleurs, tout à fait logique. Mais le
24 refus de la part de la Serbie et de la Vojvodine signifiait que c'était une
25 attitude catégorique.
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1 Q. Vous avez expliqué comment, en agissant par surprise, notamment en
2 rendant convertible cette devise, vous avez réussi à obtenir un soutien
3 très large. Et ceci est mentionné au paragraphe 15. Est-ce que votre
4 popularité n'était pas plus grande que celle de Kucan en Slovénie, où même
5 que Milosevic, en Serbie. Donc, est-ce que cela veut dire que, s'il y avait
6 eu des élections à ce moment-là, inévitablement, vous partiez gagnant ?
7 R. Cela est exact. Toutes les enquêtes, à l'époque, parlaient ou
8 témoignaient du haut degré d'appréciation de ma petite personne. Cela
9 découlait, bien entendu, de la totalité du programme que jusque là,
10 personne n'avait proposé en Yougoslavie. Et des succès réalisés qui dès le
11 premier moment, ont, dès le tout début, se sont avérés extraordinaires.
12 Bien entendu donc, cela a été l'une des raisons pour lesquelles il y a eu
13 des envies auprès de certaines personnes qui se sont senties politiquement
14 menacées. Dans le cadre de ce programme qui avait proposé par mon
15 gouvernement, nous avions proposé de procéder à des modifications,
16 d'adopter des lois nouvelles pour pouvoir tenir des élections pan
17 yougoslaves. Et tout de suite après, nous voulions organiser des élections
18 yougoslaves générales. Il fallait pour ce faire, modifier certains
19 éléments, certaines parties de la constitution. Et deux républiques où
20 leurs représentants se sont catégoriquement opposés, à la chose, à savoir,
21 la Serbie et la Slovénie.
22 Q. Merci. Je vais maintenant résumer certains des éléments. Je vous
23 demanderais de me dire si ce résumé est exact ou pas. Vous avez dit que
24 vous aviez réduit l'inflation à zéro, paragraphe 16, et que vous aviez des
25 réserves en devise étrangère d'un montant de onze milliards de dollars,
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1 qu'il y avait balance des paiements positive. Et que vous aviez aussi, 65
2 000 entreprises privées qui avaient été constituées pendant votre première
3 année de fonction. Est-ce exact ?
4 R. C'est exact. Il s'agit d'une année et demie, compte tenu du fait que
5 dans le courant des neuf premiers mois, à compter du 16 mars, donc 1989,
6 jusqu'au 18 décembre, date à laquelle j'ai présenté ce programme. Dans la
7 même année, j'ai patiemment préparé le programme. J'ai créé les prémices de
8 la réalisation du dit programme. Et c'est alors que lorsque le programme a
9 été lancé que les résultats ont été enregistrés. Et je tiens à mentionner
10 que la dette du pays a chuté de 21 milliards à 12,2 milliards de dollars.
11 Q. Je vous remercie, Monsieur. Paragraphe 18, un des problèmes, et ceci a
12 déjà été mentionné. Ça été l'impression de la monnaie, le fait de battre la
13 monnaie. Vous n'avez pas été soutenu dans le secteur agricole, pour ce qui
14 est de l'émission d'argent. Et vous prévoyiez que ceci soit fini, ailleurs.
15 Et que vous prévoyiez un régime où il n'y aurait pas augmentation des prix
16 agricoles. Vous aviez des stocks de blé, de maïs, et d'autres produits de
17 base. Afin d'intervenir et ainsi de contrôler, de maîtriser les prix, dans
18 le cadre de votre lutte contre l'inflation, est-ce qu'il n'y a pas aussi
19 exportation de produits vers l'Union soviétique qui étaient payés
20 automatiquement par la banque sans qu'il y ait preuve du paiement par
21 L'URSS ? Je pense que Jovic fait notamment un commentaire à ce propos dans
22 son ouvrage. Et c'était une pratique jusqu'alors. Vous avez essayé de la
23 modifier. Vous avez demandé qu'il ait des preuves de paiements fait à la
24 banque nationale, avant le versement de ces produits, et ceci a permis une
25 amélioration dans le taux de change, notamment dans par rapport aux
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1 dollars. Ceci est mentionné à l'intercalaire 4 et puis à l'intercalaire 5,
2 là où sont repris des extraits de l'ouvrage rédigé par Jovic. Et je fais
3 une bonne synthèse de tout cela. Dites-moi si c'est exact ou pas.
4 R. Oui, vous avez très bien résumé le tout. Je voudrais ajouter,
5 cependant, une chose. La coutume était en Yougoslavie auparavant auprès de
6 notre gouvernement, et avant l'établissement de ce programme de recourir
7 abondamment à l'émission primaire pour ce qui était de financer bon nombre
8 de domaines, y compris le domaine du déficit budgétaire pour financer
9 l'agriculture notamment, pour financer également le déficit qui survenait
10 dans les échanges avec l'URSS. La décision ferme que nous avons prise, en
11 notre qualité de partie intégrante du programme en question, consistait à
12 ne pas devoir se servir de l'émission primaire, ne serait-ce que pour le
13 financement du budget de la fédération, exception faite de -- mais qui
14 était précisément délimité. S'agissant de l'agriculture, nous avions prévu
15 des fonds budgétaires pour apporter de l'aide à l'agriculture, et nous
16 avions prévu dans le budget également des moyens d'intervention pour ce qui
17 est de l'agriculture, mais non pas en imprimant des billets au niveau de la
18 banque centrale.
19 Pour ce qui est de l'URSS, il s'est créé là une dette énorme --
20 Q. Tenant compte du temps, s'il vous plaît, Monsieur Markovic. J'en suis
21 désolé, mais je pense qu'il est préférable d'en parler de façon synthétique
22 dans le cadre de ce résumé.
23 Nous essayons ici de dresser le contexte. Nous avons le budget de 1989, qui
24 avait été préparé avant l'année calendaire 1989, il y a toujours une année
25 de différence. On préfère toujours le budget une année à l'avance, n'est-ce
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1 pas ? Donc 1990 pour 1991, est-ce exact ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Avant de parler des difficultés que vous avez rencontrées au cours du
4 second exercice budgétaire, ceci se trouve au paragraphe 20 de votre résumé
5 signé. Est-ce qu'il y a eu un incident impliquant l'accusé que vous avez
6 qualifié de vol du siècle ? Pourriez-vous nous le résumer en quelques
7 phrases et parler des rencontres que vous avez eues avez l'accusé dans ce
8 cadre.
9 R. Vers la fin de 1990, j'ai été informé par mes amis du fait que le
10 gouvernement serbe -- ou la banque nationale serbe avait opéré une percée
11 dans le système monétaire, et qu'elle avait placé à la disposition de la
12 banque centrale de Serbie 18.2 milliards de dinars, sans que ces moyens-là
13 aient une couverture quelle qu'elle soit. C'était un pillage pur et simple,
14 et cela a secoué les fondements de la Yougoslavie. Et M. Milosevic, qui se
15 vantait de se battre pour la Yougoslavie, a bien montré dans quelle mesure
16 il se battait pour la Yougoslavie, et dans quelle mesure il se battait pour
17 ses propres intérêts à lui.
18 Dès que j'ai été informé de la chose, je l'ai contacté, je l'ai eu au bout
19 du fil, je me suis entretenu avec lui. Je peux vous dire que j'ai été -- je
20 n'y ai pas été avec des gants, et Milosevic a dit qu'il ne savait rien de
21 tout cela. Alors que je lui ai précisé que rien de ce qui se passait en
22 Serbie, ne saurait se passer sans son savoir et, sans son accord, encore
23 moins un pillage de cette envergure de quelques 2 milliards et demi de
24 marks allemands.
25 Il a dit qu'il étudierait la chose, alors je lui ai dit qu'il n'y avait
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1 rien à étudier du tout, mais qu'il fallait prendre des mesures immédiates
2 pour annuler cette décision et restituer la somme en question. Il a dit
3 qu'il étudierait la chose et il dirait que, si c'était vrai, il le ferait.
4 Il ne l'a pas fait, bien entendu. J'ai convoqué immédiatement une session
5 du gouvernement, et le gouvernement fédéral a donné l'ordre à la banque
6 centrale de Yougoslavie de prendre des mesures rigoureuses à l'encontre de
7 la banque centrale de Serbie pour que cet argent soit restitué au plus
8 vite. Et je crois qu'au bout de deux ou trois de semaines, il a été
9 restitué peu une dizaine de milliards, mais le reste n'a pas pu être
10 restitué.
11 Q. Ce qui fait que ce milliard de marks allemands était passé --
12 R. Il s'agissait de 2 milliards et demi. Là-dessus nous n'avons pas pu
13 nous faire restituer un milliard de marks.
14 Q. Et ce vol avait été réalisé en manipulant le système bancaire, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Oui, c'était en manipulant le système bancaire. Ce n'était pas de
17 l'argent véritable, c'était de l'argent scriptural, tel qu'il en existe
18 dans les fonctionnements bancaires.
19 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, vous trouvez ce sujet à
20 l'intercalaire 6.
21 Q. Avançons, si vous le voulez bien, nous passons à l'année suivante pour
22 parler des difficultés budgétaires rencontrées en 1991. A ce moment-là,
23 nous sommes au paragraphe 21. Est-ce que les difficultés surgissaient parce
24 que la Slovénie et la Croatie refusaient de verser des impôts que,
25 normalement, elles devaient verser au budget fédéral. Ce qui veut dire que
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1 tout l'équilibre budgétaire a été rendu beaucoup plus difficile ?
2 R. Au tout début de la mise en place du budget pour l'année 1991, nous
3 avions encore des conditions normales, indépendamment des percées opérées
4 par la banque centrale de Serbie. Ces ponctions de la banque centrale, nous
5 avons donc constitué un budget fédéral comme à l'accoutumer, et nous
6 l'avons fait comme en 1989 pour l'année 1990, nous l'avons fait en 1990
7 pour 1991. Toutefois, dans le courant de cette année-là, il se manifeste
8 des aggravations de relation entre certaines parties de la Yougoslavie,
9 notamment entre la Slovénie et la Croatie, et la Serbie ou, du moins, la
10 partie de celle-ci qui était sous contrôle de Milosevic, donc je ne parle
11 pas donc seulement de la Serbie, dans une phase déterminée de la
12 proclamation de son indépendance et de sa sécession. Pour ce qui est de la
13 Slovénie et de la Croatie, il y a usurpation de leur part de fonds qui
14 étaient des fonds destinés à alimenter le budget fédéral, tel que les
15 douanes, les autres recettes. Et c'est ainsi dans la réalité le budget
16 s'est vu priver d'une bonne partie des recettes fédérales. Par la suite, la
17 Serbie a décidé de cesser de payer, elle aussi, et de fait il n'y a plus
18 que la Bosnie et la Macédoine, qui ont continué à verser des fonds dans ce
19 budget, c'étaient es républiques les plus pauvres à l'époque, et elles ne
20 pouvaient en aucun cas couvrir les nécessités qui étaient -- qui
21 découlaient des obligations du budget fédéral. Donc il a fallu de plus en
22 plus procéder à des émissions de monnaies et la réglementation
23 l'interdisait, nous en pouvions nous endetter que jusqu'à un certain
24 niveau.
25 Cela étant donné qu'il y a eu de grands changements dans cette année et de
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1 grandes modifications pour ce qui est de la banque centrale, le conseil de
2 la banque centrale a vu les gouverneurs de Slovénie et de Croatie quitter
3 cette direction collégiale et ils ne pouvaient plus être -- on ne pouvait
4 plus garder l'émission monétaire sous contrôle parce que c'est le conseil
5 des gouverneurs qui approuvait les émissions monétaires.
6 Et il est survenu ce que la même chose que dans le cas où M. Milosevic
7 avait pris 18.2 milliards de dinars. C'était donc des émissions monétaires.
8 On a continué à émettre de la monnaie -- à frapper de la monnaie pour
9 financer ceci ou cela. Je n'ai plus été en mesure d'empêcher les choses
10 parce que la situation évoluait de façon à entraver mes activités et ma
11 possibilité d'intervention dans toutes les directions, y compris dans
12 celle-ci.
13 Q. [Hors micro] -- arriver l'automne le début d'hiver 1991, vous vous
14 trouvez isoler et isoler dans ce gouvernement -- paragraphe 22, de la
15 déclaration signée -- sans aucun appui, sans aucune possibilité de faire
16 avancer les choses. A un moment donné, vous préparez un rapport --
17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas l'intention
18 d'examiner de façon détaillée de ce rapport avec le témoin aujourd'hui. Il
19 nous l'a montré hier. Nous avons réussi obtenir un projet de traduction. Il
20 y a plusieurs pages
21 dans ce document, mais il fait la synthèse des événements et je vais
22 demander éventuellement que ceci soit ajouté à la pièce 569 -- 570,
23 excusez-moi, et en devienne l'intercalaire 16, je ne sais pas si ceci
24 convient.
25 Q. Est-il exact, Monsieur Markovic, que vous avez préparé ce rapport ?
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1 Nous n'allons pas l'examiner maintenant, mais les Juges l'ont à leur
2 disposition.
3 R. Oui.
4 Q. Cependant, je vais vous demander d'intervenir sur un document plus tard
5 à ce stade de la procédure je vais vous demander de lire la déclaration que
6 vous avez fait au moment où vous avez démissionné le 20 décembre avant de
7 partir pour Graz via Zagreb.
8 M. NICE : [interprétation] Peut-être ceci pourra-t-il devenir
9 l'intercalaire 17. Nous aurons une traduction en bon et dû forme en temps
10 utile.
11 R. "Je vous remercie de me fournir l'opportunité pour ce qui est de
12 publier, pour la première fois, dans la totalité, la déclaration du premier
13 ministre démissionnaire. Permettez-moi d'en donner lecture. C'est très bref
14 : la crise politique et la guerre ont culminé et ont éliminé les résultats
15 de les réformes ainsi que les processus de démocratisation. Ni le soutien
16 du monde, de la Communauté européenne, des Nations Unies, des Etats-Unis,
17 de la Troïka, et les accords de cessation de feu allant d'Igalo jusqu'à
18 Genève, la conférence La Haye n'ont pas permis d'aboutir à une solution
19 pacifique de la crise yougoslave. La guerre s'est enflammée de plus en plus
20 avec beaucoup de villes et de villages détruits en Croatie et menace de
21 s'élargir à la Bosnie-Herzégovine, ainsi que sur la totalité du pays. Il y
22 a un grand nombre de réfugiés, notamment de gens pauvres qui sont privés de
23 tout biens. La catastrophe économique ne fait que s'approfondir, l'hyper-
24 inflation ne fait que croître, il y a des millions de chômeurs et il y a
25 chute de la production, une grande misère de millions de personnes et de
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1 citoyens de ce pays qui n'en sont pas responsables et cela conduire
2 indubitablement à une explosion sociale d'envergure que l'on n'a pas vue à
3 ce jour.
4 Pour stopper ce processus de détérioration, chacun d'entre nous et tous
5 ensemble, nous devons stopper immédiatement la paix -- cessez la guerre et
6 remettre en place -- rétablir la paix, faire venir les casques bleus et
7 s'en tenir aux documents de Bruxelles, de la Haye, ainsi que continuer à
8 rechercher des solutions à la crise par des moyens pacifiques. Le conseil
9 exécutif fédéral dans le processus d'interruption ou de mise d'un terme à
10 la crise dans ces conditions de guerre et de destruction n'a aucune
11 compétence pour ce qui est d'intervenir, et encore moins de se faire
12 facteur clé de la politique. Le budget pour l'année prochaine, qui est
13 requis de la part du conseil exécutif fédéral, devrait entraver la
14 continuation de la guerre parce que 80 % du budget est destiné au
15 financement de l'armée populaire yougoslave, ce qui se trouve tout à fait
16 hors du contrôle du conseil exécutif fédéral. Ce financement se fait avec
17 l'émission de monnaie, donc en imprimant de l'argent, et cela contribue
18 énormément à la croissance de l'hyper-inflation. Cela signifie non
19 seulement la continuation de la guerre, la mort et la destruction, mais
20 aussi la perte de toutes perspectives économiques et sociales, chose en
21 faveur de laquelle je m'étais employé sans cesse dans le courant de
22 l'exercice de mon mandat.
23 Pour toutes ces raisons-là, je ne vois pas d'autres possibilités si ce
24 n'est celle de restituer le mandat qui m'est confié. J'ai toujours été
25 favorable à la démocratie et à la paix et contre la guerre. C'est la raison
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1 pour laquelle je ne puis proposer un budget, je ne peux le faire et je ne
2 vais pas le faire. Etant donné que le parlement de la République socialiste
3 fédérative de Yougoslavie ne fonctionne plus en sa qualité de parlement
4 représentant toutes les parties de la Yougoslavie et étant donné que la
5 présidence tronquée de la RSFY, de par sa composition, ne se trouve pas
6 être qualifiée pour l'adoption de conclusions valides, il n'y a pas
7 d'organes auxquels je pourrais légalement restituer mon mandat. C'est à cet
8 effet que je suis disposé à m'engager en faveur de toute activité qui sera
9 requise de ma part, de la part des représentants de ce pays ici et des
10 facteurs internationaux pour empêcher la guerre et empêcher les tueries
11 entre les membres de ces populations, et je m'emploierai en faveur d'une
12 recherche de solutions pacifiques et démocratiques à notre crise. Merci."
13 Q. Je vous remercie. Vous avez également dit cela aux journalistes et vous
14 êtes parti pour Graz.
15 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je me propose de revenir
16 maintenant au paragraphe 23, et de parler du paragraphe 23 au paragraphe
17 50. J'en parlerai ultérieurement, mais j'ai l'intention maintenant de me
18 référer au paragraphe 51.
19 Q. Monsieur Markovic, après nous avoir présenté la scène politique dans
20 laquelle vous avez eu des contacts avec l'accusé Milosevic, je voudrais que
21 nous traitions plus en détails de vos contacts mutuels.
22 Je crois que votre première rencontre se situait à Zagreb en 1986 ou 1987,
23 et par l'intermédiaire d'une personne qui s'appelait Ivan Stambolic et qui
24 se trouvait être votre ami. C'est lui qui a organisé une visite des
25 représentants officiels de la Serbie à la Croatie et n'est-ce pas la
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1 première fois où vous avez fait la connaissance de l'accusé ?
2 R. Oui.
3 Q. Par la suite, le premier contact de travail que vous avez eu avec lui
4 avait été -- ce premier contact, je voudrais savoir ce qu'il est
5 intervenu ?
6 R. Un jour après la session du comité central de la Ligue des communistes
7 de Serbie, où Milosevic a renversé Ivan Stambolic et où il a expulsé du
8 comité central, tout comme un certain nombre d'autres personnes qui étaient
9 aux côtés de Stambolic, il m'avait appeler. J'étais à l'époque président de
10 la présidence de Croatie, mais, en même temps, j'ai pendant un grand nombre
11 d'années, j'avais été à la tête de la banque yougoslave chargée de la
12 coopération économique avec l'étranger. J'étais président du PDG de Rade
13 Koncar, une très grande entreprise, et j'avais organisé certains
14 entrepreneurs en Yougoslavie pour ce qui était de créer une banque appelée
15 JUBMES, banque yougoslave pour la coopération internationale pour apporter
16 un soutien aux exportations yougoslaves.
17 Et Milosevic, lui, m'avait demandé si j'étais en mesure de trouver un poste
18 à l'intention de Ivan Stambolic dans cette banque chargé de la coopération
19 économique internationale ? Etant donné que j'avais beaucoup d'estime pour
20 Ivan Stambolic et étant donné que je savais que sa survie en Serbie serait,
21 je dirais, difficile -- peut-être même impossible -- j'ai accepté de
22 l'aider et j'ai fait en sorte qu'il soit nommé au poste de président de
23 cette banque. Et c'était M. Marjanovic qui était président de cette banque
24 jusque-là -- c'était un bon ami à moi -- M. Ilija Marjanovic, et nous
25 avions convenu que lui démissionne et que l'on cède la place pour Ivan
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1 Stambolic. C'est ainsi qu'Ivan Stambolic a été nommé directeur général de
2 JUBMES et M. Ilija Marjanovic est devenu son adjoint.
3 Q. Suite à cette rencontre de travail avec l'accusé, avez-vous été chargé
4 de former le gouvernement et ceci a-t-il été approuvé d'une quelconque
5 manière par l'accusé à quelque moment que ce soit ?
6 R. Il y a une différence fondamentale entre quelque chose -- entre la
7 courtoisie, la formalité et un comportement basé sur de réels fondements.
8 Donc tout s'est passé dans la courtoisie qui est fait depuis le premier
9 jour, avait pour but d'empêcher le fonctionnement du gouvernement que je
10 dirigeais. Les relations ont souvent été interrompues, d'ailleurs à cet
11 égard, je vais vous réciter un exemple, celui de Stambolic qui a obtenu ce
12 poste de président de la banque yougoslave chargée de la reconstruction et
13 du développement. C'est à ce moment-là --
14 Q. Veuillez poursuivre.
15 R. A ce moment-là, Milosevic m'a demandé de refuser la possibilité pour le
16 conseil exécutif fédéral d'apporter son soutien à la réélection de
17 Stambolic. En fait, cette banque était une banque importante en Yougoslavie
18 puisque de nombreuses entreprises y avaient leurs comptes, celles notamment
19 qui exportaient. Mais l'état fédéral avait ses propres intérêts dans cette
20 banque par le billet du budget et de la participation de cette banque au
21 fonctionnement du budget. Mais l'état n'avait pas la majorité au sein de
22 cette banque et l'état devait donc toujours intervenir et user de son
23 influence pour obtenir des décisions favorables à ses intérêts. Donc
24 Milosevic m'a demandé de proposer, au nom du conseil exécutif fédéral, que
25 Stambolic ne soit pas réélu au poste au poste de président de cette banque.
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1 J'ai refusé d'intervenir dans ce sens. Cela n'était pas justifié et en fait
2 Milosevic a fait savoir que, personnellement, il ne souhaitait pas que
3 Stambolic continue à travailler puisque ce dernier, à son avis, s'ingérait
4 dans des affaires propres à la Serbie comme il le disait à l'époque. Je ne
5 savais rien de tout cela et je ne pensais pas que des preuves existaient
6 pour confirmer ces dires.
7 Donc j'ai refusé d'agir dans ce sens et Milosevic a, à ce moment-là, écrit
8 une lettre adressée au conseil fédéral exécutif en demandant officiellement
9 à ce conseil de ne pas soutenir la réélection de Stambolic au gouvernement
10 yougoslave. Quant à moi, j'ai obtenu un mandat pour continuer à informer le
11 conseil exécutif fédéral de ce qui se passait et j'ai donc participé à la
12 réunion de l'assemblée de la banque pour soutenir la réélection de
13 Stambolic qui a obtenu la majorité écrasante des voix.
14 Q. A ce moment-là --
15 R. Excusez-moi, je me permettrai de terminer. De nombreuses entreprises
16 ont voté pour Stambolic.
17 Et suite à cela, Milosevic a cessé toute communication avec moi et avec le
18 gouvernement fédéral pendant plusieurs mois, ce qui montrait, qu'à son
19 avis, la possibilité pour le système gouvernemental de fonctionner n'avait
20 guère d'importance. La Serbie était la plus grande République de
21 Yougoslavie. Il n'aimait pas que ses demandes soient rejetées. En raison de
22 cela, il a bloqué le travail entre la Serbie et les autres républiques au
23 sein du gouvernement fédéral.
24 Q. Un point sur lequel les choses ne sont pas tout à fait claires. A ce
25 moment-là, Stambolic était bien, n'est-ce pas, un concurrent potentiel sur
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1 le plan politique par rapport à l'accusé ?
2 R. Théoriquement, ce n'était pas le cas. Il ne s'occupait de politique,
3 mais il prenait un certain nombre de positions, pas seulement au niveau de
4 la Serbie, mais également au niveau de la Yougoslavie. C'était un homme
5 éminemment respecté qui était très compétent, très honnête et il
6 constituait un danger pour Milosevic par sa manière de vivre tout
7 simplement.
8 Q. Revenons au paragraphe 53 sur des aspects plus généraux. Vous parlez de
9 l'accusé et je vous demande si l'accusé était ouvert dans sa façon de
10 travailler, s'il était droit ? Et puis deuxième question : nous avons
11 entendu des témoins qui ont souvent dit qu'il fonctionnait souvent à base
12 d'entretiens en tête à tête avec certaines personnes. Est-ce que c'est bien
13 ce que vous avez vécu vous-même ?
14 R. Et bien, tout dépend. Milosevic disait rarement exactement ce qu'il
15 pensait et puis il était donc très difficile d'apprécier ou de se rendre
16 compte de ce qu'il voulait exactement. Tout ce qu'il disait, il fallait le
17 prendre avec quelques réserves, et il fallait donc s'occuper de la tendance
18 générale exprimée par lui et en déduire un certain nombre de choses par la
19 suite. Donc je n'ai jamais eu l'impression qu'il travaillait de façon
20 constructive pour l'ensemble du pays. Je n'avais rien de valable pour
21 fonder cette impression -- rien de matériel pour fonder cette impression,
22 mais je dois dire que, lorsque je parlais avec lui, il parlait de la Grande
23 Serbie plutôt que d'autres choses. Il était toujours favorable au maintien
24 de l'existence de la Yougoslavie. Mais, en même temps, ce qu'il faisait
25 concrètement sapait, à la base, le pays, c'est-à-dire, la Yougoslavie.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Markovic, pourquoi est-ce
2 que Milosevic n'a pas obtenu satisfaction dans sa tentative d'écarter
3 Stambolic ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne dépendait de lui, donc il ne pouvait
5 pas faire grand-chose parce que la banque, pour la coopération économique
6 yougoslave, était une institution yougoslave. Je parle de cet JUBMES.
7 C'était une institution indépendante et, si quelqu'un avait compétence sur
8 le fonctionnement de cette banque, c'était le gouvernement fédéral, donc M.
9 Milosevic ne pouvait pas exercer d'influence pour remplacer Ivan Stambolic
10 à son poste. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était convaincre les
11 membres de l'assemblée de la banque yougoslave de voter contre lui à
12 l'assemblée annuelle. Mais, comme je l'ai déjà dit, la majorité des
13 délégués présents à cette assemblée ont voté pour Stambolic lors de
14 l'assemblée de la JUBMES.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
16 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous
17 occuper d'un autre intercalaire. Je ne trouve pas ce document dans
18 l'immédiat. Je le trouverai plus tard et nous y reviendrons.
19 Q. En dehors de tout ce qu'il a fait, suite à cette tentative avortée de
20 remplacer Stambolic à son poste, nous avons, n'est-ce pas, que vous avez
21 été attaqué dans la presse par Jovic ?
22 R. Oui. Oui. Mais pas seulement par Jovic. En effet, à cette époque, il
23 m'avait été demandé donc d'appuyer la volonté de Milosevic de remplacer
24 Stambolic à son poste et, dans ces conditions les médias, la presse de
25 Serbie, mais également au Monténégro, si je ne m'abuse, s'est organisée
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1 contre moi -- contre moi personnellement et pas simplement contre le
2 conseil exécutif fédéral. Et puisque nous parlons de cela, vous me
3 permettrez sans doute d'ajouter un autre élément qui peut-être n'est pas
4 pertinent, mais, lorsque les raids de l'OTAN ont commencé sur la
5 Yougoslavie à cause du Kosovo, Ivan Stambolic m'a appelé au téléphone
6 depuis la Bulgarie où il se trouvait. Lorsque nous étions tous deux à
7 Belgrade, nous avions fréquemment des contacts et je dirais que nos
8 positions étaient assez similaires. Donc nous nous sommes beaucoup
9 rapprochés et nous pouvions traiter d'un certain nombre de choses sur un
10 plan intime si je puis utiliser ce terme. Donc Stambolic m'a appelé depuis
11 la Bulgarie, il m'a dit : "Je vois de quelle façon la situation évolue et,
12 en dépit du fait que jusqu'à présent je ne voulais pas le faire, je crois
13 que je vais devoir m'investir dans la politique." Bien entendu, je lui ai
14 donné mon assentiment compte tenu de l'importance de cet engagement et,
15 apparemment, je n'ai pas été le seul à l'appuyer dans ce sens. D'autres
16 l'ont fait également et c'est la cause de la disparition de Stambolic.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation] J'aimerais que nous ayons au compte rendu
18 d'audience le numéro exact de l'intercalaire que vous avez mentionné tout à
19 l'heure, Monsieur Nice, au sujet de Stambolic.
20 M. NICE : [interprétation] C'est l'intercalaire 14. Excusez-moi de ne pas
21 l'avoir eu sous la main tout à l'heure. Donc, en rapport avec ce que nous
22 avons dit, il y a un instant, il s'agit de l'intercalaire 14, et nous
23 allons maintenant traiter de l'intercalaire 15, qui correspond au
24 paragraphe 57, de la déclaration du témoin.
25 Q. Monsieur Markovic, à l'automne 1990, l'accusé vous a-t-il contacté pour
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1 vous parlez d'une modification de la constitution, et vous a-t-il fait une
2 proposition ?
3 R. Et bien, je dirais qu'il s'agissait d'une conversation officieuse, très
4 libre, lorsque nous avons pensé qu'il convenait d'apporter certaines
5 modifications à la constitution, le président Milosevic a dit, à ce moment
6 : "Que ces réformes devaient être précédées par un remplacement de
7 l'ensemble de la présidence, qui était inefficace et ne travaillait plus
8 dans le pays, en empêchant toute progression du pays." Donc, il a proposé
9 que la présidence soit remplacée par un président unique. J'ai répondu que
10 nous pourrions travailler à ce projet ensemble, et que nous devions
11 proposer une nomination pour le poste de président. Mais je n'ai pas pris
12 cela tout à fait au sérieux. Parce qu'afin d'obtenir les modifications
13 nécessaires à la constitution, il fallait avoir l'agrément de toutes les
14 républiques. C'était un processus long et complexe qui ne pouvait pas se
15 faire très rapidement. Donc, je ne me suis pas intéressé à tout cela à ce
16 moment-là, si c'est de cela que vous parliez.
17 Q. Merci. Donc, nous avons traité de cette question dans la mesure où elle
18 est abordée à l'intercalaire 15.
19 J'aimerais maintenant que nous parlions de Karadjordjevo, de cette
20 rencontre en mars 1991, entre Tudjman et l'accusé. Suite à cette rencontre,
21 avez-vous eu des entretiens avec Tudjman et avec l'accusé ? Et ont-ils lors
22 de ces entretiens, abordé la question de cette réunion ?
23 R. Oui.
24 Q. Il y a deux évocations de cela dans votre déclaration préalable. Donc,
25 je vous demanderais soit de dire ce que Tudjman vous a dit à ce moment-là
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1 dans l'ordre chronologique, soit de traiter de l'ensemble des questions
2 abordées dans cet intercalaire de la manière qui vous conviendra le mieux.
3 R. J'avais reçu des informations au sujet des thèmes abordés lors de la
4 réunion de Karadjordjevo. J'avais appris que lors de cette rencontre de
5 Karadjordjevo, il avait été question de la scission de la Bosnie-
6 Herzégovine pour -- dans le but de la partager entre la Serbie et la
7 Croatie. J'avais appris également que Milosevic et Tudjman avaient accepté
8 cette division de la Bosnie, et qu'il avait été question de la démission ou
9 du licenciement du premier ministre, Ante Markovic, puisque ce dernier
10 empêchait la mise en œuvre de cette scission de la Bosnie-Herzégovine.
11 Donc, de ma propre initiative, j'ai eu une rencontre avec Milosevic à
12 Belgrade, et avec Tudjman à Zagreb. J'ai parlé très ouvertement à l'un
13 comme à l'autre, selon mon habitude. Et suite à ces entretiens, il m'a été
14 confirmé que les deux hommes s'étaient mis d'accord pour diviser la Bosnie-
15 Herzégovine. Milosevic, me l'a dit très rapidement. Tudjman, a eu besoin
16 d'un peu plus de temps pour reconnaître ce fait, et admettre que les deux
17 hommes avaient conclu un accord allant dans ce sens.
18 Mais leur interprétation de l'accord, différait. Milosevic déclarait que la
19 Bosnie-Herzégovine était une entité artificielle créée par Tito. Et que
20 finalement cette entité ne pouvait pas survivre en tant que telle, puisque
21 la majorité des Musulmans vivant en Bosnie-Herzégovine étaient, en fait,
22 des orthodoxes convertis par la force. Pour ce qui me concerne, j'ai dit la
23 même chose aux deux hommes. J'ai demandé à Milosevic, "Penses-tu que tout
24 cela va se terminer aussi simplement que cela ? Penses-tu que vous pourrez
25 agir de cette façon sans aucune effusion de sang, et même sans aucune
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1 effusion de sang très importante de sang ?" Milosevic m'a dit qu'il pensait
2 qu'il n'y aurait pas d'effusion de sang. Il m'a dit que la Bosnie-
3 Herzégovine, à son avis, était peuplée en majorité de Croates et de Serbes,
4 et que c'était la raison pour laquelle, il pensait qu'il n'y aurait pas
5 d'affrontement. Et de toute façon, il m'a annoncé qu'ils avaient prévu une
6 enclave pour abriter les Musulmans, et que les Musulmans donc, pourraient
7 continuer à vivre dans cette enclave, après la division de la Bosnie-
8 Herzégovine.
9 J'ai dit la même chose à Tudjman, à qui j'ai notamment
10 demandé : "Penses-tu vraiment que les gens qui vont perdre la vie à cause
11 de l'intervention des fusils, est-ce que tu penses vraiment que toutes ces
12 victimes n'entraîneront pas une palestinisation de la Bosnie-Herzégovine ?
13 Combien de victimes va-t-il y avoir ? Combien de destruction ?" Tudjman m'a
14 répondu qu'il ne pensait pas que les choses en arriveraient là. Il a
15 déclaré : "L'Europe ne permettrait pas qu'un état musulman se crée en son
16 cœur. Nous aurons le soutien de l'Europe. Quant à tes craintes de voir une
17 guerre éclater, tout ce que je peux dire, c'est que la Bosnie disparaîtra
18 sans effusion. Parce que dans toute l'histoire, la Bosnie est toujours
19 tombée en dehors du moindre conflit armé." Donc, tout cela dans notre
20 langue, voulait dire qu'il pensait que la Bosnie allait disparaître dans un
21 murmure. Tudjman a déclaré que, de toute façon, les Musulmans étaient
22 d'anciens catholiques qui avaient été contraints à se convertir à la
23 confession islamique. Donc, les deux hommes admettaient cette réalité, et
24 estimaient que la situation était tout à fait normale. Tudjman a même
25 demandé mon soutien pour la division de la Bosnie-Herzégovine.
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1 Quant au licenciement du premier ministre fédéral, les deux hommes ont
2 déclaré qu'effectivement ce sujet avait été abordé à Karadjordjevo. Mais
3 chacun disait que c'était l'autre qui en avait fait la proposition. Mais
4 bien entendu, il n'y avait pas possibilité pour l'interlocuteur de nier
5 l'affirmation faite par l'un ou l'autre de ces hommes.
6 De toute façon, j'ai quitté ces deux hommes avec un très grand
7 mécontentement. J'ai dit que je me battrais jusqu'au bout, et que je ferais
8 tout ce qui était en mon pouvoir pour m'opposer à ces décisions. Mais je
9 n'ai pas pu faire grand-chose, car empêcher une intervention en Bosnie-
10 Herzégovine et l'effusion de sang qui allait s'en suivre, la masse de
11 réfugiés, le nettoyage ethnique et la destruction de l'économie et de la
12 société, n'étaient pas possible à moi tout seul, à ce moment-là. Or, c'est
13 précisément ce qui s'est passé par la suite.
14 Q. Nous pouvons peut-être revenir à la chronologie, donc au paragraphe 35,
15 de votre déclaration, si cela n'ennuie pas les Juges. En juillet 1991, M.
16 Markovic, -- non, non, non, excusez-moi. J'ai omis de vous parler d'un
17 point particulier.
18 S'agissant de votre rencontre avec l'accusé pour parler de Karadjordjevo,
19 de quelle façon l'accusé vous a-t-il expliqué ce qui s'était passé à cette
20 réunion de Karadjordjevo ? Que vous a-t-il dit quant à la façon dont la
21 situation à venir avait été discutée suite à cette réunion de
22 Karadjordjevo ?
23 R. Et bien, comme je l'ai dit, il m'a déclaré que, compte tenu des
24 rapports qui existaient entre les Serbes, les Croates et les Musulmans, les
25 choses allaient se passer comme je vous l'ai dit tout à l'heure. Mais moi,
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1 j'ai insisté. Et j'ai demandé : "Mais qu'est-ce qui se passera si la guerre
2 éclate tout de même, en dépit de tout cela ?" Et à ce moment-là, il a dit :
3 "Et bien, nous verrons à ce moment-là." Et il s'en est tenu là.
4 Q. Avez-vous dit à l'un ou l'autre des deux hommes, ou aux deux, si vous
5 alliez accepter leur volonté, ou si vous alliez vous y opposer ?
6 R. J'ai déjà dit, tout à l'heure, que j'avais déclaré que j'allais
7 m'opposer à ces propositions avec tous les moyens à ma disposition, qui
8 n'étaient pas énormes mais quels que soient ces moyens, j'ai déclaré que je
9 les utilisais jusqu'au bout pour me battre contre ces décisions.
10 Q. Avez-vous informé le défunt Alija Izetbegovic de ce qui allait se
11 produire ?
12 R. Oui, mais pas toute de suite. Un peu plus tard.
13 Q. Fort bien. Revenons maintenant, à votre déclaration initiale que vous
14 avez signée, paragraphe 35. Sur la base des rapports que aviez avec
15 Izetbegovic en juillet 1991, avez-vous appris l'existence d'un plan destiné
16 à armer les Serbes de Bosnie-Herzégovine ?
17 R. A cette époque-là, je me rendais assez souvent en Macédoine pour
18 rencontrer Gligorov et je rencontrais également, assez souvent, Alija
19 Izetbegovic en Bosnie. Il ne se passait pas de mois sans que je rencontre
20 l'un ou deux de ces hommes ou les deux. Et lors de ces entretiens, Alija
21 Izetbegovic m'a dit qu'il possédait des écoutes téléphoniques de
22 conversations entre Milosevic et Karadzic desquelles il ressortait à
23 l'évidence que des unités paramilitaires serbes, présentent en Bosnie-
24 Herzégovine, étaient en train de s'armer. Je lui ai demandé de me
25 transmettre ces écoutes téléphoniques, et il me les a envoyées par le
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1 billet de son ministre de l'Intérieur, qui est venu me voir à Belgrade et
2 qui a diffusé ces cassettes à mon intention. En écoutant ces cassettes,
3 j'ai reconnu la voix de Milosevic et la voix de Karadzic et j'ai entendu
4 qu'ils parlaient d'organisation de l'armée, de l'arrivée d'hélicoptères, de
5 l'arrivée d'un certain colonel, de la mise en œuvre d'un certain plan RAM.
6 Je ne savais pas ce que cela voulait dire. Et de la distribution de
7 munitions qu'il fallait aller chercher à des endroits déterminés et qu'il
8 fallait donc obtenir, recevoir, à des endroits déterminés.
9 Alija Delimustafic, un ministre de Bosnie-Herzégovine, m'a montré tout
10 cela. A ma demande, car à ce moment-là, le Conseil exécutif fédéral tenait
11 une séance et je souhaitais diffuser ces cassettes durant la séance du
12 Conseil exécutif fédéral, mais il n'a pas été d'accord avec cela. Il a
13 effacé les bandes. Donc, j'ai donné ce renseignement au cabinet. En tout
14 cas, j'ai fait savoir au cabinet ce que je savais moi-même. J'ai parlé de
15 cela lors d'une rencontre du gouvernement --
16 Q. Veuillez poursuivre. Une fois que le gouvernement a été informé que
17 s'est-il --
18 R. L'amiral Brovet a participé à cette réunion. Il a nié la chose. Il a
19 dit que c'était impossible, que c'était un faux, que l'armée n'avait rien à
20 voir avec tout cela. Or, c'était tout à fait véridique parce que j'ai
21 clairement reconnu les voix et il était tout à fait clair que les deux
22 hommes parlaient de distribution d'armes et de différents endroits où il
23 serait possible d'obtenir ces armes.
24 J'ai entendu, d'ailleurs, une cassette tout à fait semblable dans votre
25 bureau. Je n'ai pas entendu les cassettes qui m'avaient été données par
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1 Delimustafic, ici, mais ce que j'ai entendu ici était tout à fait
2 similaire. Et le plan RAM était mentionné dans ces enregistrements.
3 Q. Vous avez donc écouté dans le bureau du Procureur une cassette dont la
4 transcription figure aux intercalaires 30 et 31, pièce à conviction 353.
5 Elle a déjà été diffusée. On peut la réécouter.
6 M. NICE : [interprétation] Je vois que l'heure tourne. Je suis à la
7 disposition des Juges quant à l'heure de la pause.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le moment de la pause.
9 Monsieur Markovic, nous allons suspendre l'audience pendant 20 minutes. Je
10 vous demanderais, c'est quelque chose que nous disons à tous les témoins
11 dans ce prétoire, je vous rappellerai que vous devez veiller à ne parler à
12 personne du contenu de votre déposition tant que celle-ci n'est pas
13 terminée et lorsque à personne, cela concerne également les membres du
14 bureau du Procureur.
15 Vingt minutes de pause.
16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
17 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons étudié la question, Monsieur
19 Nice. S'agissant des extraits de ce livre, nous avons déjà adopté une
20 pratique à l'encontre du témoin précédent qui va se répéter ici, c'est-à-
21 dire qu'on va donner une cote provisoire d'identification à ces extraits.
22 M. NICE : [interprétation] Très bien.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est donc la cote qui sera attribuée.
24 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
25 Deux petites questions d'ordre administratif : Nous avons fourni assez
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1 tardivement ce résumé qui est devenu maintenant une déclaration aux fins de
2 la procédure. Je ne me plaignais pas de cela et je n'imputais la
3 responsabilité de ceci à personne. Je suis responsable, c'est moi le
4 coupable, sauf preuve du contraire.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vous accuse pas mais manifestement
6 il y a eu méprise.
7 M. NICE : [interprétation] Oui. C'est plutôt le reflet d'une bonne chose, à
8 savoir, de la séparation des pouvoirs entre les Juges et les parties et
9 ceci n'est toujours pas -- quelque fois est surmonté par des échanges
10 téléphoniques. Mais vous savez que pour le moment, le système téléphonique
11 ne fonctionne que partiellement cette semaine. Je crois que maintenant tout
12 ceci est réglé.
13 Deuxième chose, je dispose maintenant, grâce à Mme Bauer, une version
14 annotée de cette déclaration qui précise quels sont les paragraphes repris
15 de la déclaration initiale. Si vous voulez des références, j'en dispose.
16 Nous examinons pour le moment le paragraphe 35 de la déclaration. Je
17 voudrais que le témoin écoute ou examine une partie d'un compte-rendu déjà
18 versé au dossier à l'intercalaire 31 de la pièce 353. Nous allons entendre
19 ceci au moment où l'accusé prend le cornet. Ecoutez la conversation :
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Oui, je me suis entretenu avec les gens au sommet.
22 Oui.
23 Il faut que tu comprennes bien, je ne peux pas tout t'expliquer.
24 Cela relève d'une importance stratégique pour le futur RAM. Tu sais ce que
25 sait ?
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1 Oui, je sais.
2 Il faut que le groupe de Banja Luka soit prêt et mobile.
3 Oui.
4 C'est pour ça qu'il faut que tu doives d'abord faire en sorte qu'elle soit
5 mobile et qu'il n'y ait pas de problème. Et deuxièmement, appelle Uzelac
6 dans une heure pour l'inviter à convenir au plus haut niveau des choses.
7 Oui.
8 Il faut que tu fournisses des personnes en plus.
9 Oui.
10 Il faut qu'il garde le territoire qui bloque les centres et on fera tout
11 venir en hélicoptères.
12 Parfait.
13 Bien. Les un et numéro deux, le numéro 1 et le numéro 2, tu dois t'en
14 occuper en personne. Le reste ou presque est très important.
15 Très bien.
16 Et la troisième des choses que je te dis est extrêmement importante pour la
17 communauté internationale.
18 Oui, mais non, ça c'est en train d'être arrangé. Il faut arranger -- armer
19 les TO de Sipovo, donc Mrkonjic et Sipovo.
20 Et c'est Uzelac qui s'en occupe ?
21 Non, non, c'est je crois au fait oui, c'est lui.
22 Dis-lui qu'il ne faut pas qu'il y ait de problèmes.
23 Très bien.
24 Il faut que nous discutions de tous détails.
25 A Kupres, j'ai 150 hommes, 170 hommes.
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1 Une fois que l'armée sera à Kupres, il faut que les choses se passent comme
2 il faut.
3 Oui, s'il reçoive tout ce qu'il faut. Il faut qu'il se place sous leur
4 commandement. Et là, et là pendant la guerre, il y a eu terriblement de
5 victimes -- ils sont à 50/50 %.
6 Ecoute, ce fou de Seselj leur a baisé leur mère dans l'opposition.
7 Oui, j'ai vu, j'ai entendu.
8 Tu sais ce qu'il a dit : "Il faut que la JNA défende le peuple serbe, ils
9 sont décidés d'attaquer la JNA."
10 Oui, je sais.
11 C'est celui qui porte la cravate du garçon à Zimmerman.
12 Oui, oui.
13 Dieu te baise.
14 Oui, je sais. Je suis au courant.
15 Et il a compris lui aussi.
16 Oui. Il a compris.
17 Et les traîtres n'ont pas compris.
18 J'ai vu ça, j'ai vu ça.
19 Je suis en contact direct avec Mesic.
20 Avez-vous le téléphone d'Uzelac ?
21 Je ne l'ai pas, mais les tiens vont te le procurer.
22 Bon.
23 Il faut que tu ais tout cela.
24 C'est entendu.
25 Donc, tu as tout. Il est très important qu'il ne coupe pas la Krajina.
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1 Oui, oui, on s'en occupe.
2 Si on ne les arrête pas là, s'ils n'ont pas cette brigade comment veux-tu
3 qu'ils les arrêtent ?
4 C'est entendu. Tout ira bien.
5 C'est une guerre, donc ça c'est une partie au conflit.
6 Sans problème.
7 Prends bien compte de tout cela.
8 On s'en occupe, ne vous inquiétez pas."
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Est-ce là une écoute téléphonique dont vous avez entendu
11 l'enregistrement lorsque vous vous trouviez à La Haye il y a quelques
12 semaines de cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Ces deux voix que l'on entend, est-ce que vous les reconnaissez, l'une
15 ou l'autre, ou l'une et l'autre ?
16 R. Les deux voix sont très claires. Il s'agit de Milosevic et de Karadzic
17 qui s'entretient, du reste, c'est sur ce même enregistrement -- c'est le
18 même enregistrement que Delimustafic m'avait apporté à Belgrade que j'ai
19 déjà entendu là-bas.
20 Q. C'est une des cassettes venant d'une série portant sur un sujet que
21 nous avons évoqué avant la pause il y a une demi-heure.
22 R. Oui.
23 Q. Ces enregistrements sonores avec le général vous révèlent ce qui se
24 passait sur le territoire du pays dont vous étiez le Premier ministre,
25 n'est-ce pas ?
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1 R. De façon très claire.
2 Q. Qu'est ce qui se passait ? Pourriez-vous nous le rappeler. Je sais que
3 nous avons parlé de cela, mais que se passait-il sur ce territoire ?
4 R. Et bien, les choses sont claires. Il s'agissait de préparatifs pour la
5 guerre en Bosnie-Herzégovine. Et là il est question de répartition des
6 unités, de l'armement d'hommes, de l'acheminement d'armes, ils parlent de
7 Banja Luka, et cetera. Donc c'est plus que clair. En hélicoptères même.
8 Q. Je ne sais pas s'il y a des gens qui seraient intéressés par les
9 détails. Si c'est le cas, ils poseront des questions mais on parle ici
10 d'armement. On parle de Zimmerman, c'est en rapport avec -- on parle du
11 garçon qui porte la cravate de Zimmerman ? A quoi ceci fait-il référence ?
12 R. Ça je l'ai entendu, mais je n'ai aucune idée de qui il pourrait s'agir.
13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
14 cette transcription a déjà été versée au dossier avec une cote provisoire.
15 Je ne demande pas nécessairement que ça devienne une cote définitive du
16 fait de ce témoignage mais la déposition du témoin prouve que cette
17 transcription de l'écoute existait en juillet 1991.
18 Q. Revenons maintenant à votre déclaration, page 20, paragraphe 59, il
19 s'agit du paragraphe 16 de la déclaration préalable initiale de ce témoin.
20 Est-ce que vous étiez à la Haye en octobre ou novembre 1991, Monsieur
21 Markovic, au moment où les présidents de la république étaient là avec vous
22 également, et au moment où Vukovar et Dubrovnik étaient en train d'être
23 pilonnés ou avaient été pilonnés ?
24 R. Oui.
25 Q. Avez-vous eu de brèves conversations avec l'accusé et Tudjman à ce
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1 propos ?
2 R. Oui.
3 Q. Pourriez-vous nous donner une explication ?
4 R. Je me suis d'abord entretenu avec Milosevic. Je lui ai dit -- je lui ai
5 demandé s'il ne voyait ce qui se passait -- ce qui se passait à Vukovar, et
6 notamment à Dubrovnik. Et je lui ai demandé : comment peux-tu permettre que
7 l'on bombarde Dubrovnik, une telle localité notoirement connue, patrimoine
8 culturel de ce pays, mais non seulement de ce pays, patrimoine culturel
9 mondial ? Milosevic me
10 dit : "Mais que te imagines-tu -- mais qui aurait la folie de pilonner
11 Dubrovnik ? D'abord, on ne le bombarde pas Dubrovnik." Alors, je lui ai dit
12 qu'on a montré des images à la télévision, et qu'il apparaissait clairement
13 que c'était effectivement le cas.
14 Alors, j'ai demandé à Milosevic d'aller voir Tudjman, et je voulais que
15 Tudjman confirme à Milosevic que ce que je disais était vrai, que l'on
16 était en train de pilonner Dubrovnik. Je l'ai répété. Donc il a répondu de
17 la même façon, que cela n'avait rien à voir, que cela ne se pouvait pas,
18 tout simplement et que, si cela avait été le cas, il l'aurait certainement
19 su. Tudjman a dit tout à fait paisiblement : "Mais tu vois bien ce que nous
20 dit Milosevic." Il n'a rien dit pour ce qui est d'une intervention
21 éventuelle contre le bombardement de Dubrovnik.
22 Q. Vous en avez conclu quelque chose, n'est-ce pas, en tant qu'homme
23 politique se trouvant sur le terrain à l'époque ?
24 R. Il s'imposait logiquement une conclusion, à savoir que Milosevic était
25 l'homme qui exerçait son influence sur ce qui se passait et que Tudjman
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1 n'avait pas trop intérêt à ce que l'on ne pilonne pas Dubrovnik et Vukovar.
2 Cela l'arrangeait du point de vue de l'obtention de cet argument à l'appui
3 pour l'émancipation de la Croatie, ou plutôt la sécession de la Croatie et
4 la reconnaissance de la Croatie.
5 Q. Au cours de cette conversation, au moment où Tudjman a dit -- avoir
6 entendu ce qu'avait dit l'accusé, est-ce qu'il avait d'autres personnes
7 présentes ?
8 R. Il y avait Sarinic. Il était chef de cabinet de Tudjman.
9 Q. Parlant de façon générale de la capacité qu'avait l'accusé de contrôler
10 les événements de l'époque, nous parlons plus précisément de l'armée. Avez-
11 vous quelque chose à dire à propos de l'accord d'Igalo dont vous ne faites
12 pas mention dans la déclaration signée ? Mais sachez que la Chambre de
13 première instance a déjà entendu parler de l'accord d'Igalo.
14 R. Je pense que c'est tout à fait clair. Trois hommes -- Milosevic,
15 Tudjman et Kadijevic -- ont signé un accord à Igalo. Ultérieurement, cet
16 accord a été transformé pour donner lieu à de nouveaux accords, jusqu'aux
17 accords de Genève, c'est donc clair. Les trois hommes, qui avaient le
18 pouvoir politique, qui avaient des armes en main en leur possession et qui,
19 d'une façon ou de l'autre, avaient des soldats sous leurs ordres, ont signé
20 des accords. Ils ont donc assumé la responsabilité pour ce qui est des
21 armes et pour ce qui s'est passé ultérieurement. Ils n'ont pas fait cesser
22 la guerre, et c'est un fait.
23 Q. Vous avez une dernière réunion avec l'accusé. Il en est fait mention au
24 paragraphe 60, de votre déclaration la plus récente. Il s'agit du
25 paragraphe 32, dans la déclaration initiale. Elle s'est tenue à Belgrade.
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1 Et même si vous n'en avez pas parlé, pourriez-vous écouter mon résumé ? Au
2 cours des dernières semaines ou des derniers mois que vous avez passé à
3 Belgrade, est-ce que les choses devenaient un peu dangereuses pour vous en
4 puissance ? Est-ce que vous avez réagi à ce danger en décidant de ne pas
5 vous entourer d'une protection rapprochée ? Vous avez tout au plus placé
6 sous votre oreiller un pistolet la nuit ?
7 R. Pour ce qui me concerne ces derniers mois ont été difficiles, mais
8 difficiles c'est peu dire, ils s'étaient risqués. J'avais un chauffeur qui
9 était venu avec moi de Zagreb et qui avait été mon chauffeur pendant
10 j'étais encore PDG de la société Rade Koncar et, à la tête d'institution
11 par la suite, j'avais un autre homme qui avait assuré ma sécurité. J'étais
12 complètement sûr de lui. Tous les autres je les avais mis à l'écart. J'ai
13 demandé à ne pas être protégé ou gardé par qui que ce soit. Et, dans la
14 situation où je me trouvais, le plus grand danger provenait des personnes
15 qui étaient là pour assurer ma soi-disant sécurité. Donc l'histoire a connu
16 beaucoup d'exemples pour ceux, qui étaient chargés de garder quelqu'un,
17 l'avaient tué.
18 Donc, à titre symbolique, je dirais que je dormais plus tranquille en
19 mettant mon propre pistolet sous mon oreiller, mais cela était tout à fait
20 façon de faire d'illusion parce que qu'est-ce que j'aurais pu faire, face à
21 un grand nombre de personnes ? Mais, dans mes contacts avec Milosevic
22 début décembre, je crois qu'il y en a eu trois ou quatre semaines avant mon
23 départ de Belgrade, et j'avais demandé moi-même à ce que nous nous
24 rencontrions. Cette entrevue a eu lieu dans le cabinet de M. Milosevic.
25 Nous étions seuls, il n'y avait personne d'autres, et nous avons procédé
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1 plus ou moins à des analyses de la situation. Je lui avais d'ailleurs dit
2 que je venais à analyser la situation. La situation était grave, il y avait
3 aggravation de la crise, la guerre s'enflammait. Il n'y avait aucune chance
4 d'aboutir à des accords et la guerre en Bosnie-Herzégovine était devant
5 nous. Alors, Milosevic dit : "Quelle guerre ?" C'était sa façon habituelle
6 de dire. Alors, indépendamment du fait que j'ai su que j'ai eu l'occasion
7 d'entendre la conversation qu'ils ont eu vers la moitié de cette même
8 année, qu'ils ont eu -- lui Milosevic et Karadzic -- et il apparaissait
9 évident que, partant de cette conversation, ils étaient en train de s'armer
10 et ils disaient "quelle guerre", donc je dirais que cette conversation a
11 été une espèce de "time out", de pause, de répit. Et je vais vous laisser
12 entendre que je continuerais à travailler au conseil exécutif fédéral, à me
13 combattre -- à combattre la situation indépendamment du fait que j'avais
14 déjà décidé de m'en aller, et je voulais également me faire une idée des
15 plans de M. Milosevic pour l'avenir. Il ne le disait jamais clairement,
16 mais je voulais déduire de ce qu'il en serait par ce qu'il dirait. Mais ce
17 que je pourrais dire -- c'est tout ce que je pourrais dire au sujet de
18 cette entrevue. Aucune autre caractéristique ne me revient à l'esprit.
19 Q. Est-ce que vous avez formulé quelques allégations que ce soit envers
20 l'accusé, par rapport à ce qu'il avait fait, par rapport aux décisions
21 politiques que vous aviez prises, aux options que vous aviez prises ?
22 R. Non, non. Nous n'avons pas eu de conversation de ce genre.
23 Q. Dans tous les entretiens que vous avez eus avec l'accusé, je crois que
24 j'aurais bien signé à la fin de ce sujet. Avez-vous été à même de discerner
25 si, à votre avis, il était un nationaliste serbe ou pas ?
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1 R. Non, non. Slobodan Milosevic s'est servi de toute chose pouvant lui
2 assurer le pouvoir, l'autorité à l'égard des hommes, et si cela était le
3 nationaliste, il s'en servait. Mais, en principe, lui il n'était pas un
4 nationaliste. Il était tout simplement un homme prêt à se servir de toute
5 chose pour parvenir au pouvoir et pour asseoir ce pouvoir.
6 Q. Revenons peut-être à une partie antérieure de votre déclaration, que
7 j'aborderais plus exactement, puisque nous avons déjà parlé du cadre
8 historique général et de l'implication de l'accusé dans des conversations,
9 notamment, des conversations qu'il a eues avec vous même si ceci est repris
10 ailleurs aussi.
11 Paragraphe 23. Essayez de me répondre simplement par oui ou par non pour
12 gagner du temps lorsque je ferai la synthèse. Paragraphe 23. Le budget
13 militaire, ça s'inscrivait dans le budget général préparé au départ par le
14 ministère de la Défense. Il était ajusté, la présidence en était informée
15 et s'était l'assemblée fédérale qui prenait la décision ultime. Ce qui veut
16 dire qu'en le cadre des préparatifs pour le budget 1991, préparatifs
17 établis en 1990, c'était le gouvernement qui contrôlait et vous, vous aviez
18 toujours le contrôle ?
19 R. Oui.
20 Q. Paragraphe 24. On parle de l'autorité qui est nécessaire pour
21 l'émission d'argent, émission primaire, vous en avez déjà parlé et vous
22 avez dit que Milosevic n'avait pas d'influence sur le conseil des
23 gouverneurs en 1989 et, en 1990, même si ceci a changé dans le deuxième
24 semestre 1991, pourquoi est-ce que ça a changé à ce moment-là ? Pourriez-
25 vous nous le dire ?
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1 R. Et bien, en premier lieu, pour ce qui est des sources de financement du
2 budget de la fédération, où il y a eu des changements vu que l'on ne
3 versait pas les impôts, les douanes, les autres recettes de ce budget
4 n'étaient pas versées. Et, dans les années précédentes, il avait été rendu
5 impossible à la banque nationale d'émettre de l'argent s'il n'y avait pas
6 de fondements pour se faire. Et la composition du conseil des gouverneurs,
7 qui approuvaient une émission primaire éventuelle, était constituée de
8 sorte à faire que les gouverneurs des différentes banques centrales des
9 républiques et des provinces faisaient partie du conseil de ces
10 gouverneurs. Mais, à l'époque, il n'y avait ni le gouverneur de la banque
11 centrale de Croatie, ni celle de Slovénie, donc ce conseil s'est vu
12 affaibli. Ce conseil des gouverneurs se trouvait affaibli et, étant donné
13 la prédominance des hommes à Milosevic, il pouvait faire adopter les
14 décisions qu'il voulait.
15 Q. Je vous remercie.
16 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais peut-être
17 relever qu'à la fin du paragraphe 24, page 9, l'avant-dernière ligne
18 devrait être corrigée. Lorsqu'on dit que la république avait quitté le
19 conseil, il faut apporter une correction. Il faut dire : "Du fait que les
20 gouverneurs de la banque nationale de Slovénie et de Croatie avaient quitté
21 cette organe."
22 Q. Inutile, Monsieur le Témoin, de vous faire examiner des pièces déjà
23 produites par le truchement du témoin Morten Torkildsen. Des références
24 sont faites au livre de Jovic. Elles se trouvent à l'intercalaire 7. Nous
25 pourrons maintenant passer à l'examen de sujets divers.
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1 Dites-nous en quelques mots, s'il vous plaît, les services ou la cour de
2 contrôle public -- le service de la Comptabilité public, le SDK, était-ce
3 le seul instrument permettant d'effectuer des opérations financières entre
4 institutions de la République fédérale ?
5 R. D'une manière générale, les transactions financières se passaient par
6 ce service de Comptabilité public. Il n'y avait pas d'autres moyens de le
7 faire. Nous avions déjà prévu une réforme qui devait permettre de faire les
8 transactions vers les banques, mais cela ne s'est pas réalisé.
9 Q. Il demeurait possible, par conséquent, de faire des transferts de fonds
10 vers des régions se trouvant à l'extérieur de la Serbie ?
11 R. Oui. Cela avait été possible.
12 Q. A une époque aussi, il y avait un état indépendant, c'est lui qui
13 aurait dû veiller à lever ses propres impôts ?
14 R. Oui. Elle pouvait le faire, mais elle ne disposait pas d'une
15 organisation adéquate pour pouvoir le faire, et il n'y avait pas de
16 transactions importantes. Par voie de conséquences, il était logique de
17 s'attendre à ce qu'une partie du financement de telles transactions
18 financières autonomes dans le cadre d'entités à part soient faites
19 d'ailleurs. Et une façon de procéder c'était de faire emprunter aux
20 transactions les canaux de ce service de Comptabilité public.
21 Q. Paragraphe 26. L'expérience que vous avez acquise du gouvernement serbe
22 et de la présidence, qu'est-ce qu'elle vous a montrée ? Que vous a-t-elle
23 montré s'agissant du degré de contrôle qu'avait l'accusé sur le
24 gouvernement même et chacun des membres le composant ?
25 R. A mon avis, les choses étaient tout à fait claires. Milosevic avait
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1 l'homme qui régnait à part entière sur la Serbie. On ne pouvait pas même
2 envisager de faire autrement qu'il ne l'approuvait lui-même ou qu'il ne le
3 disait lui-même. Donc il fallait que cela se fasse conformément à ses
4 instructions et sous son contrôle. Et de fait, il ne s'agissait pas
5 seulement du gouvernement, mais aussi du parlement jusqu'à la tenue des
6 élections plus répartites, qui ont fait que son contrôle n'avait pas été
7 complet, mais il avait quand même bénéficié d'une grande majorité.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourriez-vous expliquer de façon plus
9 claire, ceci à l'intention de ceux qui n'étaient pas là à l'époque ?
10 Pourriez-vous nous donner un exemple de la façon dont se manifestait ce
11 contrôle, des façons qui vous ont permis de penser que Milosevic avait le
12 pouvoir et le contrôle absolus en Serbie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, il serait plus aisé de trouver des
14 preuves du contraire que prouver la réalité de ce fait parce que la vie
15 entière et les modalités de communication de la Serbie avec les autres
16 étaient ainsi faites et constituées de sorte à voir les institutions -- la
17 totalité des institutions en Serbie se comporter comme Milosevic le
18 dictait. Il n'y avait pas de fondement légal pour se faire, mais, dans la
19 vie réelle, il en était ainsi. Ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui, il
20 survenait un rassemblement populaire, il rassemblait une centaine de
21 milliers de personnes et il procédait à un lynchage politique pour faire
22 révoquer l'intéressé. Cela est arrivé plus d'une fois. C'était évident. On
23 peut voir les enregistrements vidéo avec les caméras qui étaient sur place.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous une expérience personnelle de
25 la manifestation de ce contrôle absolu de sa part ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que j'avais maintenu des voies de
2 communication avec le gouvernement de Serbie comme avec le gouvernement des
3 autres républiques. C'était ma tâche à moi. Tout ce que Milosevic disait,
4 quelque part, était réalisé par son président ou son premier ministre ou
5 ses ministres. Je n'ai jamais rencontré l'un quelconque d'entre eux dire le
6 contraire. Ils n'osaient même pas réfléchir d'une façon autre. Ces
7 communications étaient des plus intenses. Je savais, à chaque fois,
8 exactement ce quelles sont les positions qu'allaient représenter ses
9 représentants aux sessions, et il n'était pas question de changer d'un poil
10 ce que Milosevic disait. Même quand on avançait des arguments contraires,
11 ils ne faisaient que répéter la même chose comme des perroquets.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que vous pourriez
13 poser des questions supplémentaires pour obtenir des exemples concrets ?
14 Mais à vous d'en juger.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Commençons par la négative. Est-ce qu'il vous est jamais arrivé de
17 faire l'expérience de quelqu'un qui aurait présenté des arguments opposés à
18 ceux de l'accusé et qui aurait réussi à faire valoir son opinion ? Qui
19 aurait réussi, pour ainsi dire, à faire prévaloir son opinion sur celle de
20 l'accusé ?
21 R. Vous parlez de quelqu'un en Serbie ?
22 Q. Oui.
23 R. Jamais. Une telle personne ne restera pas plus de 24 heures au poste
24 qu'elle occupait.
25 Q. Je pense que les Juges seraient aidés si vous pouviez, maintenant ou
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1 plus tard, dans le cadre de votre déposition, penser à des personnes qui
2 auraient été des haut fonctionnaires -- des haut commis de l'état, des
3 personnes occupant des postes de responsabilité, et qui auraient été
4 contrôlés par l'accusé de la manière dont vous l'avez décrit. Nous y
5 reviendrons plus tard, avant que j'en termine. Mais peut-être, pourriez-
6 vous réfléchir à cette question pendant que nous examinons d'autres
7 éléments de preuve et dites-nous lorsque vous avez retrouvé de tels
8 exemples.
9 Mais avant de quitter ce sujet général --
10 R. Mais tous les chefs du gouvernement de Serbie se sont comportés ainsi,
11 dans tous leurs contacts avec moi, Radmilovic et les autres premiers
12 ministres. Je peux les nommer, si vous le souhaitez. Bozovic aussi.
13 Q. Mais qu'en est-il de ceux qui exprimaient des avis opposés à votre
14 programme de démocratisation et de réformes économiques, à votre avis, est-
15 ce que c'étaient là des gens qui exprimaient leur propre volonté -- leur
16 propre avis ? Ou est-ce qu'ils se faisaient le porte-parole de quelqu'un
17 d'autre ? Êtes-vous en mesure de le dire ou pas ?
18 R. Il y a eu de l'un et de l'autre, mais il suffisait qu'une attitude
19 négative générale soit en place, et puis chacun avait le droit de
20 fructifier l'attitude négative ou de lui adjoindre le fruit de ses propres
21 réflexions dans le sens négatif.
22 Q. Un autre sujet, s'agissant des faits généraux de l'accusé, les gens ont
23 connu des pertes, ont subi des blessures. Est-ce qu'il n'est jamais arrivé
24 à l'accusé de manifester sa sympathie -- sa commisération pour des gens qui
25 auraient perdu des proches ou connu de telles souffrances ?
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1 R. De quelle façon, l'entendez-vous ?
2 Q. Vous savez qu'il arrive à des dirigeants d'aller voir des blessés à
3 l'hôpital pour partager leur lot avec eux, ce genre de chose.
4 R. Non, non.
5 Q. Nous allons revenir à des sujets plus précis plus tard, mais nous
6 sommes maintenant au paragraphe 27, de votre déclaration la plus récente.
7 Ceci vient de la préparation à votre déposition. Est-ce qu'en juillet 1991,
8 il n'y a pas eu la déclaration de Brioni? Est-ce que c'était là une
9 initiative que vous, vous aviez prise ? Ou était-ce quelqu'un d'autre qui
10 l'avait fait ?
11 R. La déclaration de Brioni a découlé des débats qui ont eu lieu à Brioni,
12 avec la participation des représentants des républiques et des provinces.
13 Toutefois, dans les préparatifs de ces rencontres-là, j'avais, à l'occasion
14 d'une session de notre gouvernement, lancé l'initiative de préparation
15 d'une proposition pour ce qui est d'un moratoire de trois mois. J'avais
16 d'abord envisagé une période de six mois. Nos problèmes étaient si graves
17 qu'à mon avis, il fallait disposer d'au moins six mois pour assainir la
18 situation, et ramener la situation à une phase où il serait juridiquement
19 et logiquement possible, sans effusion de sang, de prendre des décisions,
20 toute décision quelle qu'elle soit. S'il fallait que le pays soit
21 démantelé, que cela se fasse sans effusion de sang, au moins, donc nous
22 savions que personne n'allait accepter. Nous avions proposé donc un
23 moratoire de trois mois, et ce moratoire a trouvé sa place dans la
24 déclaration de Brioni. En notre qualité de gouvernement fédéral, nous avons
25 pris sur nous la tâche ou la mission de préparer tous les éléments
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1 susceptibles de faire en sorte que, pendant ce moratoire de trois mois, il
2 soit mis en place un situation qui permettrait de faire fonctionner la
3 société, du moins, à un niveau minimum. Pour permettre de prendre, par la
4 suite, des décisions suite auxquelles il n'y aurait pas continuation des
5 conflits et de la guerre, ce que je me dois de dire, c'est que nous avons
6 dû attendre plus d'un mois pour que soit convoquée une session de la
7 présidence, et pour qu'un débat ait lieu suite à notre proposition.
8 Et une fois que nous avons présenté cela, il y a eu manifestation des mêmes
9 tendances. Une partie a estimé que la proposition n'était pas suffisante,
10 qu'il fallait raffermir davantage les fonctions de la fédération, à savoir,
11 de l'état conjoint. C'était le groupe avec Milosevic à sa tête. Et l'autre
12 disait qu'il fallait rendre ces liaisons plus lâches encore, et c'était
13 l'idée de Kucan. Et donc ce moratoire de trois mois, qui devait venir aider
14 à resituer -- à replacer les choses en fonctionnement pour qu'il n'y ait
15 pas érosion complète, et qu'il n'y ait pas décomposition totale de toute
16 chose, pour qu'il n'y ait pas anarchie, pour qu'il n'y ait pas soulèvement
17 et lutte de chacun contre tout le monde, donc cette proposition n'a pas
18 porté ses fruits. La guerre a continué d'abord avec la Croatie, comme vous
19 le savez, puis ça s'est élargi à la Bosnie-Herzégovine, et ainsi de suite.
20 Q. Fort bien. Vous expliquez également comment vous avez conseillé M.
21 Vance après la déclaration. Que vous attendiez à une effusion de sang, et
22 combien d'effectifs il faudrait pour enrayer cette effusion de sang ?
23 Inutile de revenir sur ce sujet de façon plus détaillée.
24 La Chambre sait que la déclaration de Brioni a déjà été versée au dossier.
25 Il s'agit de l'intercalaire 35, de la pièce 330. Nous n'allons pas
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1 l'examiner pour le moment.
2 Paragraphe 29, de votre déclaration, ceci ressort des préparatifs à votre
3 déposition d'aujourd'hui. Au cours du deuxième semestre 1991, c'est une
4 question de détails. Vous avez, en fait, eu une déposition de 13 projets de
5 loi, ce qui veut dire que vous étiez toujours très actif dans votre
6 fonction de premier ministre. Mais vous pensiez que seul trois projets ont
7 été adoptés -- ce fut les moins importants -- et que le reste des projets a
8 été bloqué par l'accusé et ses représentants.
9 R. Dans le cadre de ce moratoire de trois mois, aux fins de rendre
10 possible la réalisation des idées principales de cette proposition de
11 gouvernement fédéral, pour ce qui est du fonctionnement de l'état, on avait
12 proposé ces lois-là aussi et, sur les lois proposées, il y en a que trois
13 qui ont été acceptées, les seules qui avaient une importance mineure, et
14 les autres n'ont pas été acceptées.
15 Q. Octobre 1991, un incident mineur, je pense que, pour des raisons
16 personnelles, privées, vous êtes allé à Zagreb et Tudjman vous a convoqué à
17 une réunion. Il vous a dit de parler avec Mesic. Ce qui a eu pour résultat
18 que vous trois, premier ministre et président, vous vous êtes retrouvés au
19 palais de la présidence, au moment où celui-ci a été bombardé.
20 R. Oui.
21 Q. Ne répétez pas ce que je vous ai dit, je voulais simplement vous poser
22 la question suivante. On a découvert, par la suite, que ce projectile --
23 cette bombe venait d'un avion volant à très haute altitude. Et est-ce
24 qu'elle est tombée tout près de l'endroit où vous déjeuniez ?
25 R. Non. J'avais eu des entretiens d'environ quatre heures et demie, dans
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1 ce que l'on appelle Banski Dvori, le palais du banc. C'est là que se
2 trouvait le cabinet de Franjo Tudjman et, dans une autre partie de
3 l'annexe, Mesic, lui aussi, avait son bureau à lui. J'avais communiqué avec
4 l'un et l'autre et Tudjman avait organisé un déjeuner conjoint. Après le
5 déjeuner, Mesic, Tudjman et moi-même sommes venus dans le bureau à Tudjman,
6 et nous avons commencé à nous entretenir sur les modalités qui devaient
7 permettre de profiter des éléments de ces déclarations de Brioni et du
8 moratoire, pour résoudre la situation de la façon la plus pacifique qui
9 soit. Lorsque nous avons commencé à nous entretenir là-dessus -- et je
10 pense que nous avions à peine quelques phrases -- lorsqu'il était question
11 que Mesic devait revenir à Belgrade parce qu'il y a longtemps qu'il n'y
12 était pas allé à Belgrade, et que les ministres de Croatie devaient revenir
13 à Belgrade et je crois qu'à un moment donné Tudjman avait téléphoné à Kucan
14 pour s'entretenir avec lui. Lorsqu'ils ont commencé à se parler l'un à
15 l'autre, il a été tiré plusieurs missiles, plusieurs projectiles. Il devait
16 y avoir deux ou trois avions qui survolaient à 13 ou 14 kilomètres
17 d'altitude de l'endroit. Et il y a un projectile qui est tombé juste à côté
18 de la salle à manger où nous avions déjeuner quelques minutes auparavant.
19 Q. Si vous aviez été ensemble suffisamment longtemps pour que des
20 renseignements soient envoyés depuis la Croatie vers un autre état et si
21 l'ordre avait été donné, à ce moment-là, est-ce qu'on aurait pu envoyer cet
22 avion en direction de Zagreb ?
23 R. Oui. C'est exact. Ce qui est intéressant de dire, c'est que Tudjman
24 avait son bureau, son cabinet, depuis des mois déjà et Mesic avait son
25 cabinet là-bas depuis des mois. Ça n'a pas été bombardé. Ça a été bombardé
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1 précisément où je m'y trouvais moi-même. Je suis resté quatre heures et
2 demi là-bas. Donc, il y avait suffisamment de temps pour ce qui était
3 d'envoyer une information de Zagreb à Belgrade et de faire venir des avions
4 rapides. Je suppose qu'il devait s'agir de MiG-29 qui peuvent aller voler à
5 telle altitude. Le général Tus, qui avait été commandant de l'aviation,
6 avait précisé qu'il n'y avait que trois pilotes qui étaient en mesure de
7 cibler, avec autant de précision, à partir d'une altitude aussi grande. Du
8 reste, si nous étions restés dans cette salle à manger, je ne serais pas en
9 train de témoigner aujourd'hui, ici. Du moins, c'est ce que l'on puisse
10 dire de façon assez probable.
11 Q. Paragraphe 33. Vers la fin de l'année 1991, nous voulons avoir une idée
12 de votre vie, de vos fonctions. Est-ce que vous avez reçu des menaces aussi
13 bien de la Serbie que de la Croatie ? Depuis la Serbie, on vous qualifiait
14 d'Oustachi et pour les Croates, vous étiez plutôt d'orientation pro-serbe.
15 Est-ce que je me trompe ou pas ?
16 R. Cela est exact. J'ai été démonisé de part et d'autres.
17 Q. Un mot à propos du Kosovo, paragraphe 34. Ceci ressort de la
18 préparation en vue de votre déposition d'aujourd'hui. Aviez-vous de bons
19 rapports avec les gens du Kosovo pendant que vous étiez premier ministre ?
20 R. Oui. Je m'étais employé en faveur d'une autonomie pour le Kosovo
21 analogue à celle du temps de Tito. C'est la raison pour laquelle j'avais
22 fait l'objet d'attaques de la part de Jovic et de Milosevic. J'avais de
23 bonnes relations avec Jusuf Zegnullahi qui était mon ami et qui avait été
24 menacé d'arrestation et de liquidation, d'élimination. C'est la raison pour
25 laquelle il avait dû fuir le pays.
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1 Q. Et savez-vous qui l'a menacé ?
2 R. Mais ce sont des choses qu'on ne fait pas en montant sur la table et
3 menaçant en public. On sait comment ces choses-là se font. On tisse un
4 réseau de menaces autour de quelqu'un qui l'empêche de fonctionner
5 normalement.
6 Q. Nous voulons avoir une idée plus complète du Kosovo, au début. Est-ce
7 que vous pouviez aller au Kosovo en toute sécurité à l'époque ? Nous
8 parlons ici de 1991.
9 R. Je suis allé au Kosovo en 1989 et en 1990, plusieurs fois. A la fin de
10 l'année 1991, je ne suis plus allé là-bas.
11 Q. Pourquoi ?
12 R. C'était trop risqué pour moi d'y aller.
13 Q. Y avait-il beaucoup d'effectifs policiers à ce moment-là au Kosovo ?
14 R. Il y avait beaucoup de policiers. D'abord en provenance de Serbie et en
15 provenance d'autres parties de la Yougoslavie parce que la présidence avait
16 adopté une conclusion. Je n'avais pas été d'accord avec cette conclusion
17 mais cette conclusion demandait à ce que des policiers des réserves
18 fédérales, si je puis m'exprimer ainsi, et les réserves policières qui
19 devaient être envoyées là-bas pour maintenir l'ordre.
20 Q. Paragraphe 37 est suivant. Là, on parle des activités militaires
21 jusqu'à la fin de l'année 1991. Mais soyons bref. Pouvez-vous simplement
22 nous confirmer que s'agissant des événements en Slovénie, la première fois
23 que vous en avez entendu parler, c'est lorsque, à 4 heures du matin, le 26
24 juin 1991, Kucan vous a appelé par téléphone. Vous lui avez demandé
25 pourquoi c'était vous qu'il appelait et non pas la présidence puisque vous
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1 n'aviez pas de compétence s'agissant de la JNA. Il a dit qu'il ne pouvait
2 appeler ou atteindre la présidence et Kadijevic et il a confirmé que
3 l'armée avait quitté ces casernes. Est-ce exact ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Puis vous avez une réunion du gouvernement en présence de Kadijevic,
6 vous avez expliqué que vous vous seriez opposé à l'intervention militaire
7 même si vous n'aviez pas pu l'empêcher. Il a répondu que c'était la raison
8 pour laquelle on ne vous en avait pas informé. Ce sur quoi, il a ajouté
9 qu'il ne reviendrait plus jamais au cabinet ministériel. C'est exact ?
10 R. Oui. J'étais intervenu pour savoir pourquoi on s'était servi de mon nom
11 alors que personne ne m'avait consulté. Je n'ai donné mon approbation à
12 personne. Et Kadijevic m'a dit : "Mais nous savions fort bien que tu
13 n'allais pas être d'accord. C'est la raison pour laquelle on ne t'as pas
14 posé de questions du tout."
15 Q. De fait, vous, vous lisiez la conscription comme suit : L'armée n'était
16 pas autorisé à prendre des décisions sans qu'une décision politique soit
17 prise, une décision de la présidence pour laquelle il fallait la majorité
18 des voix.
19 R. Tout à fait exact. Cette décision n'a jamais été prise par la
20 présidence et d'ailleurs personne n'a consulté la présidence à ce sujet.
21 J'ai eu explicitement un grand débat avec Jovic et il a confirmé que
22 c'était le devoir de la JNA que de le faire. Mais l'usage de l'armée ne
23 relevait que des attributions de la présidence et uniquement de celle-ci.
24 Pourquoi a-t-on insisté pour que la présidence décide de la programmation
25 d'un état d'urgence pour que l'armée puisse intervenir. Or, il n'y avait
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1 pas pu y avoir d'approbation parce que la présidence s'est divisée. Le
2 groupe de Milosevic était pour, les autres étaient contre. On était à
3 quatre contre quatre. Et c'est la raison pour laquelle on ne pouvait pas se
4 servir de l'armée. Dans ce cas concret, cela s'est fait sans l'approbation
5 de la présidence. Bien entendu, on avait voulu profiter de la chose pour
6 dire que cela avait été fait avec l'approbation du conseil exécutif fédéral
7 alors que le conseil exécutif fédéral ne pouvait pas, du tout, donner son
8 approbation à ce sujet.
9 Q. Nous avons déjà entendu parler de l'intervention de la force aérienne
10 quelques jours sur Ljubljana. Il s'agit ici du paragraphe 39 et paragraphe
11 25 dans la déclaration initiale. Est-ce que vous avez convoqué Kadijevic à
12 votre cabinet après avoir appris cela, et est-ce que vous avez dit que s'il
13 voulait bombarder Ljubljana, il devrait vous bombarder, vous, puisque vous
14 vouliez aller à Ljubljana pour arrêter cette guerre que vous qualifiez de
15 ridicule. Et est-ce que le ministre de l'Intérieur croate vous a dit de ne
16 pas y aller car vous risquiez d'être liquidé ? Et est-ce que Stjepan Mesic
17 vous a aussi conseillé de ne pas y aller mais qu'en dépit de tout cela,
18 vous vous êtes rendu à Ljubljana ? Est-ce que vous avez discuté avec Kucan
19 et certains de ces "jeunes turcs" comme il les qualifiait, les décrivait ?
20 R. Ce n'est pas lui qui les qualifiait ainsi, c'est moi qui les qualifiait
21 de la sorte.
22 Q. Fort bien. Excusez-moi, je me suis trompé. Je m'en excuse.
23 R. J'ai appris que l'armée s'apprêtait à envoyer toute l'aviation sur
24 Ljubljana. Ça aurait détruit Ljubljana. Les gens de Ljubljana l'ont appris,
25 la direction de Ljubljana était dans des bunkers. J'ai décidé, alors, de
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1 voyager à Ljubljana, de me déplacer à Ljubljana et j'ai dit à Kadijevic que
2 s'il bombardait Ljubljana, il me bombarderait moi-même. Et c'est alors
3 qu'une équipe avec moi, la nuit, s'y est allée. C'est comme dans les romans
4 policiers que nous avons voyagé de Belgrade à Zagreb et de Zagreb en
5 voiture jusqu'à Ljubljana et la façon dont on a été rencontrés à Ljubljana
6 avec des fusils automatiques braqués sur nous. Mais en tout état de cause
7 nous avons réussi à stopper l'escalade de la guerre.
8 Q. Le retrait de la JNA de la Slovénie - paragraphe 41, paragraphe 26 dans
9 la déclaration initiale - le retrait de la JNA de la Slovénie, disais-je,
10 décidé par la présidence, vous n'aviez aucun droit de vote à cet égard, et
11 vous dites que ceci s'est fait sous l'influence de l'accusé ?
12 R. Oui.
13 Q. Quelle fut la position adoptée par Mesic et la position de
14 Tupurkovski ?
15 R. M. Tupurkovski avait été contre cela. Nous nous sommes retrouvés dans
16 mon cabinet après cette session pour en analyser quelles allaient être les
17 conséquences d'une telle décision, d'autant plus qu'il apparaissait
18 clairement que l'armée sortie de Slovénie devait se déplacer vers la
19 Bosnie-Herzégovine, donc il y aurait concentration immense d'effectifs
20 militaires en Bosnie-Herzégovine. Or on savait d'ores et déjà, qu'une
21 partie des conflits à venir allaient se dérouler sur ce territoire-là.
22 Mesic avait redouté qu'une partie de l'armée ne se retrouve en Croatie,
23 cela ne s'est pas passé.
24 Q. Paragraphe 42 et 43, paragraphe 27 de la déclaration initiale. Quelques
25 mots à propos des rapports qu'entretient l'accusé avec Jovic, nous tenons
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1 compte du temps aussi qui passe. Quels étaient ces rapports entre ces deux
2 hommes ?
3 R. Ils ont travaillé en tandem.
4 Q. Prenons en exemple les manifestations de l'opposition le 9 mars 1991.
5 Est-ce que Milosevic risquait de perdre le pouvoir à ce moment-là, et si
6 c'est le cas, qu'a fait Jovic ?
7 R. Il y a beaucoup de preuves pour ce qui est de démontrer que ces deux
8 ont fonctionné en tandem. Maintenant ce que vous êtes en train de nous
9 dire, ce sont des événements qui ont suivi au mois de mars 1991, date à
10 laquelle les citoyens de Belgrade sont sortis dans les rues et ont
11 manifesté contre Milosevic. C'est alors que l'armée est sortie dans les
12 rues avec des chars. Je n'étais même pas à Belgrade moi-même. Je me
13 trouvais à Zagreb parce que c'était un week-end. Je n'en avais aucune idée.
14 Et après, à l'occasion d'une session que nous avons eue à Belgrade, Jovic a
15 affirmé qu'il avait obtenu par téléphone l'approbation des autres membres
16 de la présidence. Pour ce qui me concernait, pour ce qui me concerne, j'ai
17 alors tenu un discours à la présidence, et j'ai demandé que les chars
18 soient renvoyés vers leur caserne. Et ce discours a été publié par la
19 presse, et j'ai été attaqué terriblement attaqué par la présidence de
20 Yougoslavie d'avoir fait cette allocution. Jovic avait alors présenté sa
21 démission. On avait procédé à une tentative qui visait à permettre la
22 proclamation d'un état d'urgence. Et comme cela n'a pas réussi, cela ne
23 s'est pas fait au bout de plusieurs tentatives, Jovic a présenté sa
24 démission. Et c'est Milosevic qui a fait un discours dramatique à la
25 télévision et qui a dit, entre autres, qu'il ne reconnaissait pas
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1 l'autorité des unités fédérales. Etant donné que Jovic en sa qualité de
2 membre de la présidence avait démissionné, les autres membres de la
3 présidence qui se trouvait sous la coupe de Milosevic ont également
4 démissionné. Il n'y avait plus de présidence. Et pour qu'il n'y ait pas
5 absence d'autorité et afin de faire en sorte que l'armée ne soit pas
6 utilisée contre tous les autres, nous avons convenu Tupurkovski qui était
7 vice-président de cette présidence de la Yougoslavie, et moi-même dans mon
8 cabinet à moi, nous avions convenu de faire venir les autres membres de la
9 présidence, le reste des membres de la présidence, il est venu de Drnovsek,
10 Bogicevic, Mesic, et bien entendu Tupurkovski. Il y avait moi de présent et
11 nous avons fait savoir qu'il n'y avait pas absence de pouvoir, mais qu'il y
12 avait -- qu'il n'y avait pas de vacance de pouvoir, mais que nous étions
13 là. Et c'est alors que sont revenus les autres membres de la présidence qui
14 s'étaient retirés auparavant.
15 Q. Nous allons maintenant aborder un autre sujet, celui des
16 paramilitaires, de façon très succincte. Paragraphe 46, ceci vient de la
17 préparation à votre déposition d'aujourd'hui. Vous vous y trouvez ici a La
18 Haye, il y a quelques semaines, on vous a demandé à ce moment-là,
19 d'examiner une déclaration faite par l'accusé qui a paru dans un journal,
20 et qu'on trouve à l'intercalaire 11, de la pièce 570. Et le titre était :
21 "J'ai donné l'ordre de mobiliser ?"
22 R. Oui.
23 Q. Messieurs les Juges, ayez l'obligeance de consulter la version en
24 anglais. Je ne vais la lire dans son intégralité. Nous prenons la troisième
25 page, 2e paragraphe complet, où on dit que : "J'estime qu'en dépit des
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1 nouvelles circonstances ayant surgi en Yougoslavie, il n'est pas nécessaire
2 de prendre des mesures d'urgence en République de Serbie. Toutes les
3 institutions, tout le système et toute la vie de la république doivent
4 suivre leur cours normal. Les citoyens doivent être rassurés, ils doivent
5 savoir que la république de Serbie est en mesure d'assure sa protection, la
6 protection des intérêts de la république et de tous ses citoyens, du peuple
7 serbe."
8 Il avait peut-être un autre extrait à la page précédente que j'aurais dû
9 vous présenter, vers la fin de la page, dernier paragraphe entier. "Vue les
10 circonstances actuelles où on essaie de semer le désordre à Sandzak, ainsi
11 qu'au Kosovo, Metohija, j'ordonne la mobilisation des forces de réserve des
12 services de sécurité, du ministère de la défense et aussi j'ordonne que
13 soit formé en urgence des forces supplémentaires de la République de
14 Serbie."
15 Je vous ai donné lecture de ces paragraphes. Qu'avez-vous à dire à propos
16 de la capacité du contrôle qu'avait l'accusé sur ces forces armées ? Et des
17 actions, qui font les siennes à l'époque ?
18 R. Si mes souvenirs sont bons, j'avais rédigé à l'époque, une lettre
19 ouverte, une lettre publique à l'intention de Slobodan Milosevic où je
20 demandais qu'il annule cette décision. Et j'ai indiqué dans cette lettre
21 tous les périls qui pouvaient découler d'une telle décision. Si mes
22 souvenirs sont bons, je n'ai plus le texte de cette lettre en ma
23 possession, mais je crois me souvenir avoir dit que malheureusement, nous
24 étions dans des temps où il était plus facile de s'employer en faveur de la
25 guerre que de s'employer en faveur de la paix.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vois ici la date du 16 mars. Peut-on
2 vérifier, Monsieur Nice ?
3 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
4 M. NICE : [interprétation] 1991, en ce qui concerne l'article.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
6 M. NICE : [interprétation] La lettre vient plus tard, je pense que c'est en
7 septembre. Je remercie mon assistante, Mlle Tromp.
8 Q. Paragraphe 47, avez-vous pu faire quoique ce soit en ce qui concerne
9 ces paramilitaires, où est-ce que ceci n'était pas de vos compétences ?
10 R. Cela se trouvait complètement à l'extérieur des attributions du conseil
11 exécutif fédéral parce que tout ce qui concernait l'armée, y compris les
12 unités paramilitaires, avait été placé sous les attributions directes de la
13 présidence de la Yougoslavie.
14 Q. Merci beaucoup. J'aurais dû vous poser la question suivante. Quels
15 étaient les rapports personnels de Milosevic et de Kadijevic ? Ils
16 s'entendaient bien ou pas ? Paragraphe 48 et 44, me semble t-il.
17 R. Cela ne s'est pas passé de façon uniforme. Avant que je ne vienne à ces
18 fonctions à Belgrade, Milosevic et Kadijevic avaient de bons rapports, et
19 ils passaient même ensemble leurs vacances à proximité de Dubrovnik. Du
20 reste, je dois admettre que ce n'est que bien plus tard que j'ai appris que
21 Kadijevic avait proposé au président de la présidence de l'époque, M.
22 Dizdarevic, il avait proposé Milosevic en qualité de mandataire pour la
23 mise en place, la formation d'un nouveau gouvernement, d'un gouvernement
24 fédéral. Et à l'époque où j'ai constitué le gouvernement, la communication
25 et les rapports entre Kadijevic et Milosevic étaient bons. Kadijevic
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1 faisait savoir qu'il appuyait, qu'il apportait son soutien au programme de
2 réforme, notamment, la partie qui était relative à la stabilisation. Mais
3 avec les changements afférents à la privatisation et à la stabilisation,
4 c'est là qu'il y a eu des problèmes de survenus dans le cas de la
5 Yougoslavie, notamment, dans les rapports entre les républiques. Cette
6 relation entre Kadijevic et moi-même était devenue plus froide jusqu'à
7 scission complète. Et au fur et à mesure que cette relation se
8 refroidissait entre nous deux, il y avait rapprochement entre lui et
9 Milosevic. Eux deux se sont mis à coopérer de façon très bonne. Mais à vrai
10 dire, la coopération entre les deux était toujours présente. Les relations
11 entre Kadijevic et moi étaient, à un moment donné, meilleur entre nous
12 qu'entre Kadijevic et Milosevic. On le voit, on le constate lorsque l'on
13 convenait de quelque chose avec Kadijevic, il allait consulter Milosevic
14 pour changer d'avis. Nous avons souvent parlé des heures durant. Nous
15 avions procédé à des échanges de vue, nous avions procédé à des analyses,
16 des comparaisons, et lorsque je réussissais à le convaincre qu'il ne
17 fallait pas prendre de mesures dramatiques, de ne pas prendre de décisions
18 qui n'étaient susceptibles, que d'approfondir les tensions plutôt que
19 d'améliorer les relations en Yougoslavie.
20 Q. Nous parlerons maintenant du paragraphe 49, pour conclure sur ce sujet.
21 De même que vous aviez reçu une offre de l'accusé qui est proposée -- qui
22 vous proposait de prendre la présidence d'une structure nouvelle à
23 l'automne 1990, et au début 1991, est-ce que Kadijevic a évoqué cette
24 possibilité également avec vous, vous qui étiez à la tête du gouvernement,
25 qui étiez donc un chef de l'état à ce moment-là ?
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1 R. Et bien, à la différence de la proposition antérieure qui avait été
2 présentée par Milosevic, et que je n'avais absolument pas pris au sérieux,
3 lui, car les conditions n'étaient pas réunies pour qu'il puisse me faire
4 une telle proposition, cette fois-là, donc étant donné que les premières
5 réunions de l'assemblée avait déjà eu lieu et que l'état d'urgence avait
6 été déclaré en Yougoslavie, l'armée ayant désormais des pouvoirs certains
7 pour agir, donc à la fin de cette période, je crois que nous étions au
8 début de janvier 1991, Kadijevic est venu me voir et m'a présenté une
9 proposition dont il a dit qu'elle devait être élaborée plus avant au sein
10 du grand quartier général par la suite. Ce qui était proposé c'était de
11 lancer une campagne car à l'époque les unités de la JNA étaient déployées
12 un peu partout en Yougoslavie, donc ce projet prévoyait que la direction de
13 la Croatie qui avait à sa tête Tudjman, ainsi que la direction de la
14 Slovénie qui avait à sa tête Kucan, et bien que tous ces hommes soient
15 arrêtés. Et en cas de résistance, chacun savait ce qu'il allait advenir
16 d'eux.
17 Etant donné que Kadijevic était incapable d'obtenir l'aval de la présidence
18 au sujet de ce plan, il a tenté de réussir par une autre voie, c'est-à-dire
19 en me demandant si je serais d'accord pour agir dans ce sens. Et puisque
20 tout cela devait se faire de la présidence en contournant donc la
21 présidence et en agissant à la place de la présidence en réalité au cas où
22 moi j'acceptais d'apporter mon appui à ce plan, puisque j'étais premier
23 ministre et le responsable le plus important au niveau de la Fédération, je
24 deviendrais président. C'est ce qui m'a été dit. Et après cela, il a agité
25 des papiers sous mes yeux cherchant un document susceptible de me montrer
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1 quel était le contenu de ce plan. Je lui ai dit que ce n'était pas
2 nécessaire de me montrer ce document. J'ai dit : "Tu as l'air de penser que
3 tu vas résoudre la crise yougoslave de cette façon." Il a répondu : "Oui."
4 J'ai rétorqué : "Tu as nommé Kucan, tu as nommé Tudjman, mais qu'en est-il
5 de Milosevic ?" Et il m'a rétorqué en bondissant sur ses pieds : "Milosevic
6 est le seul qui se bat pour la Yougoslavie et qui est derrière tout cela,
7 car si ce n'est pas lui, qui d'autres pourrait-ce être ?"
8 Q. Monsieur Markovic, je vous rappelle simplement que le temps passe et je
9 vous demande si vous en avez terminé sur ce sujet ?
10 R. Oui, bien sûr. Donc, j'ai refusé la proposition, ça c'est tout à fait
11 clair.
12 Q. Merci. Kadijevic, si je ne m'abuse est allé en Union soviétique au mois
13 de mars. Cela se trouve au paragraphe 50 de votre déclaration, sans rien
14 vous dire de ce voyage. Donc vos rapports se sont envenimés au mois de
15 juin. Vous avez demandé sa démission lors d'une réunion du gouvernement
16 mais il ne pouvait être démis de son poste que par l'assemblée qui ne se
17 réunissait pas et il était toujours soutenu par la présidence. Donc il a
18 envoyé son adjoint, l'amiral Brovet, ou en tout cas l'un de ses adjoints à
19 la réunion. Et nous trouvons une référence de votre demande de démission de
20 sa part et de la part de Brovet à l'intercalaire 12. Je ne vais pas lire en
21 détails ces deux documents. A l'intercalaire 12, on a un article daté du 23
22 septembre 1991 qui traite de cela. Et vous avez revu tous ces documents,
23 vous pouvez donc répondre à des questions à ce sujet si quelqu'un souhaite
24 vous en posez, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
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1 Q. Parlons maintenant d'une lettre de protestation adressée à Milosevic au
2 sujet de la mobilisation partielle, est-ce qu'on trouve bien cette lettre à
3 l'intercalaire 13 et est-ce effectivement une lettre qui date du 30
4 septembre 1991 ? Là encore nous ne faisons que référence à ce document.
5 Cette lettre est évoquée dans un journal, donc dans un média, presse
6 écrite, et vous aviez le sentiment que nous avions un exemplaire de cette
7 lettre ou, en tout cas, de l'article de journaux, tout cela étant adressé à
8 l'accusé, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. J'ai écrit une lettre ouverte à M. Milosevic, en lui demandant de
10 ne pas agir de cette façon.
11 Q. Et, en fait, la mobilisation était déjà très avancée à l'époque, cette
12 mobilisation que vous considériez comme illégale.
13 R. Absolument.
14 Q. Avant de vous poser deux autres questions au sujet d'écoute
15 téléphonique, j'aimerais que nous revenions sur la question posée par le
16 président de cette Chambre, le Juge May, il y a quelques instants,
17 lorsqu'il était question d'exemples montrant que l'accusé exerçait un
18 contrôle total sur d'autres personnes. Je sais qu'il vous est difficile de
19 répondre à certaines de ces questions puisqu'il s'agit de déterminer ce que
20 des tiers pouvaient penser. Mais est-ce que vous avez été poussé entre-
21 temps à réfléchir à d'autres exemples de la façon totale dont ce pouvoir
22 était exercé ?
23 R. En fait, officiellement, c'est l'assemblée qui dirigeait les choses,
24 l'assemblée que je dirigeais moi-même étant premier ministre, mais en fait,
25 c'est lui qui désignait tous ces hommes à leurs postes et ces hommes
Page 28065
1 faisaient exactement ce qu'il leur demandait. Il n'y avait aucune
2 différence entre lui et eux, pas la moindre.
3 Q. Très bien. Enfin, je vous demande si vous avez relu -- si vous avez
4 passé en revue un certain nombre d'écoutes téléphoniques, transcrites par
5 écrit lors de votre dernier à La Haye il y a quelques semaines; et si vous
6 avez signé un document stipulant que vous aviez écouté ces écoutes
7 téléphoniques; et reconnu les voix des participants à ces conversations; et
8 relu également les transcriptions écrites en en admettant l'exactitude.
9 M. NICE : [interprétation] Peut-être pourrait-on soumettre ces documents au
10 témoin, pour qu'il y jette un coup d'œil maintenant.
11 R. J'ai écouté ces enregistrements et, en dehors d'une seule voix, j'ai
12 reconnu toutes les voix des personnes qui parlaient, et j'ai signé tous ces
13 documents, effectivement.
14 Q. Je crois que votre nom est mentionné que dans l'une de ces écoutes.
15 M. NICE : [interprétation] Et si les Juges de cette Chambre le souhaite,
16 une cote pourrait être aux transcriptions de ces écoutes. Le nom du témoin
17 est mentionné, à l'intercalaire 3.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
19 M. NICE : [interprétation] Et à l'intercalaire 3, donc page 1, au bas de la
20 première page, donc ont trouve --
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous prie.
22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous demandez le versement au dossier
24 d'un certain nombre d'écoutes téléphoniques, ainsi que d'un certificat,
25 n'est-ce pas ?
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1 M. NICE : [interprétation] Je suis à la disposition des Juges. Je me suis
2 peut-être un peu écarté de l'objectif poursuivi. Je sais que ces écoutes
3 ont été proposées uniquement à des fins d'indentification pour le moment,
4 et la preuve de leur provenance pourra être faite plus tard. Mais ce qui
5 est important, en tant qu'éléments de preuve à l'instant, c'est
6 l'identification des voix pour autant que le témoin puisse la faire.
7 L'intégralité de la pièce à conviction pourra être produite à cette fin
8 puisqu'elle contient la transcription de ces écoutes. Ou bien, si cela ne
9 convient pas aux Juges, le certificat pourra être simplement enregistré à
10 des fins d'identification, ainsi que le tableau qui l'accompagne.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le certificat peut évidemment être versé
12 au dossier, mais j'ai quelques doutes au sujet des enregistrements audio.
13 N'ont-ils pas déjà été enregistrés à des fins d'identification ou s'agit-il
14 de nouvelles cassettes ?
15 M. NICE : [interprétation] Non. Je pense que ce sont de nouveaux
16 enregistrements.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc ce sont de nouveaux
18 enregistrements ?
19 M. NICE : [interprétation] Je le pense. Mais jusqu'à présent --
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les anciennes cassettes avaient une
21 cote, en tout cas, certaines d'entre elles.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions régler la
23 question pendant la pause, Monsieur Nice ?
24 M. NICE : [interprétation] Oui. Bien sûr.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Parce que je pense que des difficultés
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1 ont surgi en rapport avec ces cassettes. Il faudrait organiser un peu mieux
2 tout cela.
3 M. NICE : [interprétation] Effectivement. Un travail de consolidation est
4 en cours de réalisation en ce moment au sujet de toutes les cassettes, de
5 façon à ce que le système soit plus uniforme. Donc ce qui est important
6 ici, c'est le certificat et le tableau pour ce témoin.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Je propose, car c'est le plus
8 simple, d'octroyer une cote au certificat, ainsi qu'aux transcriptions --
9 et que les transcriptions annexées soient enregistrées à des fins
10 d'identification simplement, et puis nous reviendrons plus tard sur tout
11 cela et nous verrons ce qu'il est possible de faire, s'agissant du
12 versement au dossier.
13 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc tout cela est sous le contrôle de
15 l'audience. Nous demandons maintenant une cote pour la pièce à conviction.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le certificat est la pièce à conviction
17 571, Monsieur le Président.
18 M. NICE : [interprétation]
19 Q. Nous sommes maintenant à l'intercalaire 3, donc enregistrement d'une
20 conversation, datant du 4 septembre 1991, entre Karadzic et l'accusé. Et,
21 au bas de la page, nous voyons que l'accusé parle d'Alija et il profère des
22 allégations au sujet d'un comportement négatif. Karadzic, donnant son point
23 de vue également, je cite : "Il attend le congrès de Berlin. Je lui ai dit
24 ouvertement que le congrès de Berlin n'est pas pour tout de suite." Et il
25 poursuit encore quelques mots.
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1 Et un peu plus loin, nous lisons, je cite : "Très bien. Je serai sans doute
2 plus malin après La Haye, mais l'avis exprimé par lui, c'est que l'Europe
3 contraint la Croatie et la Slovénie à demeurer au sein de la Yougoslavie.
4 Il pense qu'il dispose d'informations montrant que des pressions ont déjà
5 été exercées, et qu'elle s'exerceront d'abord sur ces deux républiques pour
6 les contraindre de rester au sein de la fédération, en cas de tentative de
7 sécession. Maintenir la Yougoslavie en état. C'est ce qui est dit avec ces
8 frontières, mais peut-être, -- mais, avec des relations frontalières, peut-
9 être un peu plus lâches. C'est l'idée imputée à Ante Markovic. Il espère
10 qu'elle sera réalisée; cependant, nous souhaitons avoir des liens étroits
11 avec l'état fédéral."
12 Monsieur Markovic, est-ce que ceci rend bien compte des opinions que vous
13 exprimiez à l'époque, s'agissant de l'existence des frontières, et d'un
14 certain relâchement du lien en question ?
15 R. Et bien, les choses étaient comme je vais vous le dire maintenant. Si
16 nous parlions des frontières à l'intérieur du pays, je dis oui à la
17 question que vous venez de me poser. Mais s'il s'agit de frontières avec
18 l'extérieur, je vous réponds non.
19 Car, lorsque je parlais de frontières, je parlais de frontières internes à
20 la Yougoslavie. Donc, oui, à l'intérieur de la Yougoslavie, des liens peut-
21 être un peu plus lâches. Malgré, je pensais que ce serait mieux pour nous
22 de maintenir un certain lien, plutôt que de perdre tout lien, et donc c'est
23 une interprétation exacte de ce que je pensais à l'époque.
24 M. NICE : [interprétation] Mme Dicklich m'informe à l'instant, et je suis
25 désolé de ne pas m'en être rendu compte plus tôt, que les documents ont été
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1 préparés à mon intention et qu'ils ne figurent pas tous dans le classeur
2 qui a été distribué aux Juges. Vous trouverez certains de ces documents
3 mentionnés dans le récapitulatif, qui se trouve à part.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans ce cas, nous devrions avoir une cote
5 distincte car il s'agira de deux liasses de documents. Je pense qu'à ce
6 stade, nous pourrions simplement obtenir une cote différente à des fins
7 d'identification.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 572, enregistrée
9 à des fins d'identification.
10 M. NICE : [interprétation]
11 Q. Enfin, Monsieur Markovic, revenons à un point que nous avons déjà
12 abordé précédemment et qui est traité au paragraphe 61 du résumé, de votre
13 déposition, ainsi que dans votre déclaration préalable. Des pressions
14 étaient donc exercées par l'accusé. Il y avait certains comportements de sa
15 part qui coïncidaient avec ses paroles et d'autres pas. Pouvez-vous
16 simplement nous aider en nous, en disant un peu plus sur ce point. Vous
17 avez déjà parlé de cela, mais, dans quelle mesure ces paroles coïncidaient
18 avec ses actes ?
19 R. Cela dépendait. Comme vous pouvez le constater, lorsqu'il parle à
20 Karadzic, il dit exactement ce qu'il pense car il essaie d'organiser un
21 certain nombre de choses avec lui. Mais, lorsqu'il discutait avec moi, il y
22 avait des réserves de sa part et ce qu'il disait ne correspondait pas
23 toujours avec ce qu'il pensait. Donc, avec moi, il lui arrivait souvent de
24 penser une chose et d'en dire une autre. Il fallait vraiment se concentrer
25 beaucoup pour parvenir à savoir quelles étaient ses intentions réelles.
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1 [Le Conseil de l'Accusation se concertent]
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Vous n'avez pas, je vous le rappelle, répondu à l'intégralité de ma
4 question. Vous parlez de penser une chose et d'en dire une autre. Mais que
5 faisait-il -- quelles étaient ces actions concrètes ?
6 R. Et bien, il disait une chose et il en faisait une autre. Ses actions
7 différaient de ce qu'il avait dit. Il disait qu'il se battait pour la
8 Serbie et, en réalité, il se battait pour quelque chose de tout à fait
9 différente.
10 Q. Pourquoi se battait-il ?
11 R. Il ne me l'a jamais dit effectivement, mais il était tout à fait clair
12 qu'il se battait pour la grande Serbie.
13 Q. Je vous remercie. Vous entendrez encore d'autres questions après la
14 pause.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est l'heure de la pause avant le
16 contre-interrogatoire. 20 minutes de suspension.
17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.
18 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est à vous.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant d'entamer ce contre-interrogatoire, je
21 voudrais simplement dire que j'ai reçu la liste des témoins que nous
22 entendrons à partir du début de la semaine prochaine, il y a quelques
23 instants, et elle est très différente de la liste que nous avions reçu, il
24 y a quelques jours. Donc je tiens vraiment à protester car ces changements
25 constants dans la liste des témoins ne font que créer de la confusion et
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1 rendre tout simplement impossible un travail normal. Je ne comprends pas
2 pourquoi, compte tenu des moyens importants dont dispose la partie d'en
3 face, elle se montre incapable de s'en tenir à une liste initiale. Si vous-
4 même comparez ces différentes listes, vous verrez ce qu'il en est.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il y a changement de l'ordre d'audition
6 des Témoins 1345 et 1780, comme je peux le constater, et je crois
7 comprendre qu'un témoin nouveau figure sur la dernière liste, le numéro
8 1448. Monsieur Milosevic, nous gardons cela à l'esprit, mais le fait que le
9 nombre de jours d'audience a été réduit comporte un avantage, à savoir que
10 vous pourrez vous préparer avec moins de pression qu'à l'époque où nous
11 siégions plus longtemps, et nous invitons le Procureur, bien entendu, à
12 maintenir au minimum le nombre de ces changements.
13 M. NICE : [interprétation] Nous ne perdons pas cela de vue, bien entendu,
14 mais il est difficile pour les témoins de trouver leur place dans ces trois
15 jours de travail hebdomadaire. Nous faisons de notre mieux et continuerons
16 à le faire.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Milosevic.
18 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
19 Q. [interprétation] Monsieur Markovic, je vais m'efforcer d'utiliser au
20 mieux le temps qui m'est imparti en étant aussi bref que possible, et je
21 commencerai par quelques questions qui ont été abordées dans la dernière
22 période de l'interrogatoire principal. Sur ces questions, il existe, parmi
23 les documents qui ont été présentés ici, certains documents qui montrent
24 que la situation a été dépeinte d'une façon tout à fait inexacte. Est-il
25 contesté, Monsieur Markovic, que vous êtes bien l'homme qui a pris la
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1 décision d'impliquer l'armée au début du conflit en Yougoslavie ? Autrement
2 dit, est-il exact que vous êtes bien l'homme qui a provoqué la guerre en
3 Slovénie ?
4 R. C'est inexact. Même dans la décision du conseil exécutif fédéral, qui
5 porte sur la destruction des frontières par la Slovénie, il est écrit que
6 le secrétaire fédéral aux Affaires étrangères est chargé d'assurer la
7 coordination avec la Slovénie et qu'en cas de nécessité, il est habilité à
8 utiliser cette partie qui se trouve sur ce qu'il est convenu d'appeler la
9 ligne verte. Donc, il est habilité à recourir aux hommes chargés de garder
10 les frontières. Nulle part, dans aucun de ces documents, il n'est fait la
11 moindre référence à l'implication ou à l'engagement de l'armée, et
12 d'ailleurs je l'ai dit à un certain nombre de réunions, y compris, et
13 c'était de notoriété publique, lors d'une réunion du conseil exécutif
14 national ou du gouvernement yougoslave, j'ai déjà dit que des documents
15 existent pour confirmer mon propos. J'ai abordé cette question et discuté
16 avec Veljko Kadijevic et j'ai dit qu'il n'y avait absolument aucune
17 possibilité -- aucune autorisation d'impliquer l'armée parce que
18 l'autorisation de déployer l'armée dépend uniquement de la présidence.
19 Q. Fort bien. C'est précisément l'objet de notre discussion, à savoir que
20 la présidence n'a jamais autorisé le déploiement de l'armée car le
21 président de la présidence de l'époque, M. Borislav Jovic, n'a jamais été
22 informé d'un tel déploiement. Et il était tout à fait au courant de la
23 situation.
24 R. Je n'étais pas au courant, non plus.
25 Q. Et bien, si vous étiez au courant ou pas, ça c'est une autre question.
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1 Mais je vais vous poser quelques autres questions pour lesquelles des
2 fondements existent qui justifient de les poser. Et le fondement de ces
3 questions, ce sont les enregistrements -- les comptes rendus écrits de la
4 séance du 21 août 1991 de la présidence, qui a commencé à 11 heures -- je
5 parle de la présidence de la RSFY. Vous y participiez et j'étais présent
6 également, ainsi que le président de Slovénie, Milan Kucan, et, bien sûr,
7 tous les autres membres de la présidence. Je n'ai pas le temps d'énumérer
8 tous leurs noms.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc nous avons ce contrôle d'audience dont je
10 viens de parler. Monsieur May, vous en trouverez un extrait dans le
11 classeur des pièces à conviction, mais aucun numéro d'intercalaire n'a été
12 assigné à ce document. Tout ce dont je dispose ici c'est une partie du
13 numéro ERN R00526123 [sic]. J'aimerais que ce document soit soumis au
14 témoin de façon à éviter tout malentendu.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous avez un seul exemplaire de ce
16 document ou en avez-vous plusieurs ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dispose de mon exemplaire. C'est un document
18 qui vient de M. Nice. Il s'agit d'un compte rendu d'audience d'une séance
19 de la présidence, mais j'ai reçu ce document de la partie d'en face.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suppose que vous pouvez retrouver ce
21 document rapidement.
22 M. NICE : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour le moment, Monsieur Milosevic, vous
24 devrez procéder sans ces documents car il en existe qu'un exemplaire que
25 vous avez entre les mains. Que souhaitiez-vous demander au témoin ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je vais citer certains passages de ce
2 compte rendu, mais on vient de me remettre un classeur relatif à un autre
3 témoin, et je crois qu'une partie de ce compte rendu se trouve dans le
4 classeur en question. Je vais vérifier.
5 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer de le sortir du classeur de
7 façon à ce que le témoin puisse s'en servir. Je n'en ai qu'un seul
8 exemplaire pour ma part. Je ne sais pas si ce que j'ai entre les mains est
9 bien le compte rendu intégral. Mais, enfin, je commencerai à partir de là.
10 Les pages sont numérotées, donc le témoin pourra s'y retrouver.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur Markovic, nous sommes là à la page 239, du compte rendu de la
13 séance de la présidence, qui s'est tenue le 21 août. Au milieu de la page,
14 nous lisons et c'est le début de l'intervention faite par vous, je cite :
15 "Je pense tout de même que nous devrions discuté du fonctionnement des
16 frontières, indépendamment du fait que ceci n'est pas, à strictement
17 parler, un problème économique, mais il a également des conséquences
18 économiques." Et puis, plus loin, quelqu'un vous pose une question et vous
19 répondez "absolument". Et nous en arrivons à Slobodan Milosevic qui prend
20 la parole et il est question de versement des recettes douanières et je
21 termine ma citation ici.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce qu'un exemplaire du document a été
23 retrouvé ?
24 M. NICE : [interprétation] Oui. 427, intercalaire 6. Quelle est la page
25 dans la version anglaise, si la première page en B/C/S est la page 239 ? Il
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1 doit y avoir une différence de trois pages à peu près. Donc cela nous amène
2 à peu près à la page 237, je suppose. Enfin, dans ces zones-là, on devrait
3 retrouver la page en question.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Je cite ce document qui est actuellement sur la table. Je lis donc ce
7 compte rendu de séance, je cite : "C'est sur la base de ces conditions que
8 vous avez commencé la guerre en Slovénie. Au sujet de la douane et des
9 frontières, mais en fait au sujet de la douane."
10 C'était une information de notoriété publique à l'époque, n'est-ce pas,
11 Monsieur Markovic ?
12 R. C'est à moi que vous posez la question ?
13 Q. Oui.
14 R. Je n'ai jamais dit cela. Au contraire, je me souviens très bien de
15 cette séance de la présidence au cours de laquelle vous avez dit à
16 plusieurs reprises que c'était moi qui étais responsable du début de la
17 guerre en Slovénie, et Kucan a dit quelque chose du même genre. Et, à ce
18 moment-là, j'ai lu le document, et j'ai lu la décision du gouvernement où
19 il n'est dit nulle part que l'armée peut-être utilisée, nulle part. Et il
20 n'existe aucun exemple d'une décision du premier du gouvernement fédéral
21 allant dans ce sens, mais la réalité, c'est que des affrontements sévères
22 ont eu lieu entre le président du gouvernement et le ministre chargé de
23 l'Armée ou de la Défense nationale, quelque soit le nom que vous souhaitez
24 lui donner. Et le premier ministre s'est rendu ensuite en Slovénie pour
25 essayer de mettre un terme à cette guerre inutile.
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1 Q. Qu'elle était complètement inutile, c'est tout à fait clair, mais
2 qu'elle était également très nocive est tout à fait clair également. Je
3 vous rappellerais simplement que le président de la Slovénie de l'époque,
4 Milan Kucan, dit un certain nombre de choses au cours de cette séance. En
5 page 243, de ce compte rendu de séance, nous avons au début de la page, les
6 propos tenus par Kucan qui dit ce qui suit, je cite : "Je ne souhaite pas
7 être tenu responsable avant le premier ministre et je ne souhaite pas avoir
8 à répondre de quoique que ce soit devant lui, qui maintenant qu'il a perdu
9 la guerre souhaite gagner tout cela."
10 Et puis ensuite, d'autres questions sont abordées dans le débat. Je
11 passerais sur ces questions pour gagner du temps, mais il ne s'agit pas
12 simplement d'une allégation dans cette citation que je viens de faire.
13 C'est effectivement ce qu'a dit Milan Kucan, président de la Slovénie à
14 l'époque. Et, en page suivante, page 244, il parle des explications que
15 vous avez apportées vous-même, Il parle du fait que vous avez demandé que
16 deux membres du gouvernement slovène soient nommés au gouvernement et, dans
17 ce paragraphe du milieu de la page 244, il dit ce qui suit -- je
18 commencerai par la première page -- pas la première phrase qui m'intéresse,
19 c'est pas par le début du paragraphe pour gagner du temps. Je cite : "Je
20 n'ai pas besoin de vous convaincre que vous ne trouverez pas un seul homme
21 en Slovénie, même pas l'un des deux qui se trouve ici, qui acceptera de
22 retourner au conseil exécutif fédéral au SIV ou au conseil dont nous savons
23 fort bien ce qu'il a fait en Slovénie et dont nous savons qu'il a commencé
24 la guerre en Slovénie." Ceci est-il contesté, Monsieur Markovic ?
25 R. Ce qui est contesté ce que Kucan a dit -- ou les faits. Ce que Kucan a
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1 dit c'est une chose, et les faits sont autre chose. Vous me dites nulle
2 part dans cette même session, lorsque j'ai réagi en disant que : "J'en ai
3 assez de ses accusations et que je le dit, je vais vous donner lecture de
4 ce qui a été donné au niveau des droits de douane, pour ce qui est de la
5 décision du gouvernement, et d'où il découle que personne n'avait le droit
6 de se servir de l'armée."
7 Q. Je vais vous aider.
8 R. Ça cela n'y figure pas. Maintenant pour ce qu'a dit Kucan, c'était des
9 jeux politiques qui lui convenaient à l'époque. Ça lui convenait de le dire
10 à ce moment-là, mais, entre autres, il n'a jamais dit que le matin même, il
11 m'avait appelé pour me demander de l'aider et stopper l'armée. Mais cela
12 n'était pas de mes compétences, je n'ai rien pu faire, donc est-ce qu'à un
13 moment donné, que ce soit l'armée s'est conformée à l'ordre de quiconque,
14 si ce n'est la présidence de la Yougoslavie ? Elle n'a obtempéré aux ordres
15 de personne.
16 Q. Bon voilà, page 246, "Ante Markovic" qui prend la parole. C'est là où
17 vous réfutez ce que Kucan a dit, et voilà la façon dont vous le réfutez, je
18 vous cite. Donc vous citez la décision que vous avez prise.
19 R. Je ne trouve pas cela.
20 Q. Je vous parle de la page 247 ?
21 R. Je ne l'ai pas.
22 Q. Vous n'avez pas la page 247 ? Je vous ai toutefois donné tout ce que
23 j'avais ici, c'est ce qu'on confié dans le classeur. C'est le même pelé.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du 00526240. Je suis en train de
25 citer ce que vous avez dit vous-même.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voyons si nous pouvons retrouver cela.
2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas le texte en
3 question.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pendant que nous sommes en train de
5 rechercher, je vous demande de donner lecture, mais lentement afin que nous
6 essayons de retrouver le passage.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur May, puis-je demander quelque chose
8 aux Juges de la Chambre entre temps ?
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Markovic.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que c'est moi ici l'accusé ou est-ce
11 que je suis témoin ?
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne soyez pas affecté par les questions
13 posées par -- les questions que vous posent l'accusé, vous n'avez pas être
14 offensé. Il a le droit de poser des questions et, s'il vous pose une
15 question inappropriée ou inéquitable, ou qui vous porterait préjudice, nous
16 l'arrêterons. Mais il a le droit de présenter son affaire et ses opinions
17 au témoin. Donc, si vous n'êtes pas d'accord avec lui, vous n'avez qu'à
18 dire que vous n'êtes pas d'accord.
19 Allez-y, Monsieur Milosevic.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Je vous cite, vous répondez à Kucan et vous expliquez : "La décision
22 qui a été prise par le conseil exécutif fédéral et, à la prise de laquelle,
23 ont pris part les membres du conseil exécutif fédéral originaire de
24 Slovénie, qui viennent de rédiger des missions, cette décision a été prise
25 après que la Slovénie ait unilatéralement pris en charge les frontières et
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1 les douanes, et qu'elle ait pris en charge de façon unilatérale son
2 contrôle de l'espace aérien, donc sans obtenir au préalable l'approbation
3 des organes fédéraux. Donc le conseil exécutif fédéral a adopté la décision
4 pour ce qui est de l'application des lois fédérales, pour ce qui est des
5 passages frontières et des droits de douane perçus en Slovénie." Je vais --
6 je me propose de vous donner lecture de ces deux paragraphes. Je tiens à
7 être équitable à votre égard, donc je vous donne lecture de la décision du
8 conseil exécutif fédéral auquel -- à laquelle vous vous êtes référé vous-
9 même. Il y a donc des guillemets et vous donnez lecture vous-même de la
10 décision : "Aux fins d'assurer l'accomplissement des lois fédérales, pour
11 ce qui est des passages frontières -- des frontières fédérales, et ainsi de
12 suite, et du déplacement du mouvement des personnes, et j'en passe, le
13 conseil exécutif fédéral --" Je perds toujours la traduction, je ne sais
14 pas si je vais trop vite pour les interprètes. Les interprètes disent oui.
15 "-- le secrétariat fédéral à l'Intérieur se chargera d'assurer
16 l'accomplissement des taches relatives au contrôle des passages
17 frontières." Et vous commentez donc : "Le secrétariat fédéral à l'Intérieur
18 a reçu sa mission, celle de confier une mission." Puis je cite encore :
19 "Pour ce qui est de l'exécution des réglementations fédérales dans leur --"
20 Les interprètes me préviennent qu'ils n'ont pas ce document. Donc je
21 comprends la chose, je vais donner lecture plus lentement afin que les
22 interprètes puissent eux-mêmes, me suivre.
23 Alors vous citez vous-même : "La décision qui était la votre, pour ce qui
24 est de l'accomplissement des réglementations fédérales concernant le
25 passage des frontières fédérales, le secrétariat fédéral à l'Intérieur
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1 réalisera une coopération directe avec le secrétariat fédéral à la Défense
2 nationale, aux fins de faire participer les unités frontalières de la JNA,
3 aux fins de sécuriser les passages frontières et la sécurité dans les
4 localités frontalières, sur toute la zone frontalière." Donc vous affirmez
5 que ce n'est pas une décision de votre part, qui a permis d'avoir recours à
6 l'armée, or vous dites ici que c'est avec -- en collaboration avec l'armée
7 que l'on allait engager les Unités frontalières de la JNA pour sécuriser
8 les frontières fédérales, vous le citez vous-même. En a-t-il été ainsi ou
9 pas ?
10 R. Je l'ai dit moi-même tout à l'heure cela. Les unités frontalières se
11 trouvaient là-bas pour garder les frontières, et rien d'autre -- rien à
12 l'extérieur de cet aspect-là. Dites-moi, où y a-t-il quelques documents que
13 ce soient qui indiqueraient que l'armée en Slovénie devait sortir des
14 casernes avec les chars, se déplacer à gauche et à droite avec des unités,
15 pour s'emparer de différents secteurs de la Slovénie ? Ça, ça ne figure
16 nulle part.
17 Q. Oui, mais vous n'êtes pas entrer dans les détails pour ce qui est de la
18 décision du gouvernement fédéral. Vous n'avez pas dit s'il agissait de
19 sortir avec des chars, avec des armes ou sans armes. Vous dites :
20 "Engagement des unités et les unités sont engagées en fonction de la
21 formation qui est la leur."
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas prêté
23 attention aux termes. Les termes disent : "Engager les unités frontalières
24 aux fins d'assurer la sécurité des passages frontières et des zones
25 frontalières." Si vous vous référez au document, il s'agit de se référer à
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1 ces documents de façon précise.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai donné une citation exacte. J'ai donné
3 du mot à mot, Monsieur May.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous essayez de dire une chose
5 que le témoin n'arrive pas à comprendre ? Est-ce que vous voulez dire par
6 là que la JNA est sensé quitter les parties frontalières et s'attaquer aux
7 autres parties, aux autres secteurs ou autres régions de la Slovénie ? Est-
8 ce que c'est cela que vous voulez laisser entendre ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'affirme pas du tout cela. Je dis que
10 c'est un ordre qui porte sur l'engagement de l'armée en Slovénie, donc
11 l'armée se trouve en Slovénie et est sensé être engagée sur le territoire
12 de la Slovénie et voilà la --
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Attendez un moment. Nous
14 comprenons maintenant ce que vous voulez laisser entendre. Donc vous êtes
15 en train de poser la question au témoin.
16 Monsieur Markovic, ce que l'accusé souhaite laisser entendre c'est que ceci
17 est un ordre qui donne instruction à l'armée de s'activer en Slovénie ?
18 Est-ce que c'est le cas ou pas ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas le cas. Et cela ne peut pas être
20 exact du tout. Le Conseil exécutif fédéral n'avait aucune attribution à
21 exercer à l'égard de l'armée. Le Conseil exécutif fédéral avait certaines
22 attributions pour ce qui est d'unités policières déterminées, qui se
23 trouvent à la frontière là où il y a la police frontalière. Mais là où il y
24 a l'armée, non. Le Conseil exécutif fédéral conclut de la nécessité de
25 protéger les frontières de la Yougoslavie et de procéder à des engagements
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1 d'unités policières et si besoin est de le faire en coopération avec
2 l'armée. Mais ce n'est pas une instruction à l'intention de l'armée, cela
3 ne peut pas être une instruction, ça peut être une instruction à l'égard de
4 la police pour que celle-ci coopère avec les unités frontalières qui se
5 trouvaient dans cette ceinture désignée comme étant ceinture verte.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Mais vous venez d'entendre une citation d'une décision où il est
8 explicitement dit : "Qu'il allait y avoir coopération avec le secrétariat
9 fédéral à la Défense nationale, à savoir, l'armée aux fins d'engager les
10 unités frontalières de la JNA," et ainsi de suite. Ce qui signifie
11 engagements des unités de la JNA. Penchez-vous maintenant sur la page 249
12 et sur ce qui y figure.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons le document et je crois qu'il
14 devient utile de polémiquer à ce sujet. Nous pouvons le lire et nous
15 pouvons tirer nos conclusions nous-mêmes. Et vous avez entendu ce que le
16 témoin vous a dit à ce sujet.
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le Greffe vient de confirmer que c'est
19 l'intercalaire 6 de la pièce 247, mais nous n'avons pas de copie de
20 disponible dans le prétoire en ce moment.
21 Allez-y continuer.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Je vous demande maintenant, Monsieur Markovic, de commenter ce que
25 Milan Kucan, président de Slovénie, dit à ce moment-là au sujet de la
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1 situation que vous avez faite de la décision en question. "Milan Kucan :" -
2 - Je vais donc redonner lecture de ce qu'il a dit mot pour mot, il a été
3 bref. "Deuxièmement, pour ce qui est de la conclusion dont tu viens de
4 donner lecture, il s'est tenu un débat et pendant que Zivko Pregl," membre
5 du gouvernement fédéral, originaire de Slovénie, se trouvait là-bas, "il a
6 protesté aux fins d'utiliser, pour ce qui est d'utiliser cette conclusion
7 aux fins qui ont été celles qu'on leur a données. Si tu ne savais pas ce
8 que ça donnerait cette conclusion, c'est ton problème. Et voilà à quoi il
9 l'a conduit. Nous avons à notre disposition et nos camarades du secrétariat
10 à la Défense nationale peuvent te dire comment cela a été réalisé sous
11 forme d'actes de commandements concrets." Alors tu nous dis, ce n'est pas
12 ton problème ? Mais nous nous référons à ta conclusion à toi.
13 Ante Markovic dit : "Excuse-moi, mais cela n'en a rien à voir."
14 Milan Kucan : Ça n'a rien à voir mais tu es tout de même le premier
15 ministre qui a signé cette conclusion et Zivko Pregl [sic] t'as bien dit
16 qu'il n'était pas d'accord avec une telle interprétation de ces
17 conclusions-là et c'est ce qui a d'ailleurs motivé sa démission."
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Par conséquent, la conclusion en question a donné lieu à une
20 intervention de l'armée en Slovénie, chose qu'affirme également Milan
21 Kucan, chose qu'a affirmé Zivko Pregl, membre du gouvernement fédéral,
22 originaire de Slovénie, à l'occasion de la tenue de cette même réunion et
23 c'est d'ailleurs pourquoi celui-ci a démissionné. Et vous, Monsieur
24 Markovic, vous nous dites ici que vous n'aviez aucune idée du fait que
25 cette conclusion qui était la vôtre avait été réalisée et personne n'a été
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1 mise au courant de celle-ci à la présidence fédérale pas plus qu'ailleurs.
2 Est-ce que c'est contesté, Monsieur Markovic ?
3 R. C'est absolument contesté. C'est non seulement contesté, mais c'est
4 tout à fait inexact. Zivko Pregl m'a présenté une démission par écrit où il
5 a bien dit qu'en Slovénie, on lui avait demandé de présenter sa démission.
6 Malheureusement, je n'ai pas tous ces papiers-là ici. Je fonctionne sur la
7 base de ma mémoire uniquement. Et ceci n'a rien du tout à voir avec ce que
8 vous venez de dire. Du reste ici il s'agit de savoir si Zivko Pregl a
9 démissionné parce qu'il n'était pas d'accord avec ceci, ou s'il a
10 démissionné parce qu'il a été contraint en Slovénie à démissionner. Et dans
11 sa lettre de démission, il ne mentionne rien du tout d'autre si ce n'est le
12 fait qu'en Slovénie on ait exigé de sa part qu'il démissionne. D'ailleurs,
13 cela n'a rien à voir avec ce qui s'est passé. Si
14 M. Milosevic n'a pas d'autres arguments ou des arguments meilleurs pour se
15 défendre, je lui demanderais de ne pas se servir de ceci.
16 Q. Monsieur Markovic, ce que vous avez fait et ce qui découle des
17 citations que je viens de vous donner, j'ai cité Milan Kucan et j'ai été
18 bref en le citant quand j'ai dit que c'est vous qui avez engendré la guerre
19 en Slovénie en raison des droits de douane. Mais ce que dit Milan Kucan, il
20 tient debout.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons déjà parlé de cela et je vous
22 demanderais de passer à autre chose.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur Markovic, vous vous trouviez à la tête du gouvernement fédéral
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1 tant au moment de la déclaration de l'indépendance de la Slovénie et au
2 moment où la Croatie a déclaré son indépendance, et au moment où cette
3 guerre que vous avez générée en Slovénie a commencé et quand on a commencé
4 les conflits en Bosnie-Herzégovine.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Vous n'avez pas à affirmer des
6 choses qui sont contestées. Il a complètement renié qu'il avait quoi que ce
7 soit à avoir avec la guerre en Slovénie. Donc si vous le placez de façon
8 tendancieuse, cela ne peut pas -- vous le faisiez de façon erronée, donc ce
9 que vous pouvez faire, c'est posé des questions, mais non pas polémiqué.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'ai été tout à fait tendancieux
11 peut-être, mais j'ai cité à titre tout à fait exacte Monsieur Markovic, qui
12 a reconnu la décision qui avait été la sienne d'engager la JNA. Donc, j'ai
13 eu tendance en effet, c'est la tendance qui vise à déterminer la vérité.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez, nous allons passer de ce qui
15 s'est passé en Slovénie. Cela ne fait pas l'objet de ce procès. Nous avons
16 déjà dépensé une demi-heure là-dessus. Allons vers des sujets qui sont plus
17 pertinents et qui impliquent le procès dont vous faites l'objet. Le témoin
18 peut, bien sûr, témoigner à votre sujet, si vous le demandez.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien entendu que je poserai toutes les
20 questions que j'estimerai pertinentes. Le témoin est ici pour témoigner
21 pour la période allant jusqu'à la fin de l'année 1991, du mois décembre
22 1991 et pas au sujet de périodes ultérieures.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Donc, vous étiez président du gouvernement, premier ministre du
25 gouvernement jusqu'à la fin de l'année 1991, n'est-ce pas,
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1 Monsieur Markovic ?
2 R. En effet.
3 Q. Au point 16 de votre déclaration, vous dites que j'avais exercé un
4 contrôle de faits sur le gouvernement de Serbie. Je n'ai pas du tout besoin
5 d'entrer plus avant dans le détail, mais est-il contesté que de facto et de
6 jure, vous avez exercé un contrôle sur le gouvernement fédéral à l'époque
7 des grands exodes des Serbes et à la période des événements qui ont
8 signifié le démantèlement de la Yougoslavie ?
9 R. Non. J'ai exercé un contrôle sur le gouvernement jusqu'à la fin 1990
10 [sic]. Par la suite, les compétences du gouvernement fédéral sont réduites
11 et il n'y a plus possibilité de fonctionnement de ce gouvernement fédéral.
12 Et ça ne s'est pas fait en une fois mais de façon successive et de façon
13 toujours accrue. Donc à l'époque du programme des réformes de la
14 démocratisation de notre société, nous avions œuvré comme une équipe, comme
15 un team, et pour ce qui est de tous les changements qui devaient survenir
16 pour ce qui est des réformes et des démocratisations, le gouvernement avait
17 constitué une équipe compacte. Au fur et à mesure que les nationalismes ont
18 commencé à croire qu'ils étaient nationalistes ou séparatistes, le
19 gouvernement fédéral se démantelait toujours davantage et c'est les
20 représentants au gouvernement fédéral, a avancé de plus en plus les
21 positions de leur gouvernement respectif et de moins en moins celle du
22 gouvernement fédéral.
23 Q. Est-il contesté ou non le fait que vous avez exercé de jure et de facto
24 un contrôle précisément à l'époque où l'on me reproche des événements, le
25 bombardement de Dubrovnik, les événements de Vukovar ? Mais pendant tout ce
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1 temps, vous étiez premier ministre.
2 R. Oui. Le premier ministre du gouvernement fédéral n'avait aucune
3 attribution pour ce qui est des activités de l'armée, aucune. Donc rien au
4 sujet de l'engagement de l'armée ne pouvait être fait par nos soins. Et
5 autre chose dans vos communications et relations avec Kadijevic, il est un
6 fait que vous avez influé sur ce que faisait l'armée.
7 Q. Ecoutez. Vous étiez premier ministre fédéral et vous exerciez de facto
8 et de jure un contrôle sur le gouvernement fédéral. Pourquoi contestez-vous
9 ou pourquoi reportez-vous votre rôle sur les compétences d'un homme qui
10 n'avait aucune influence. Vous dites vous-même que c'est chez vous que
11 Kadijevic et les autres venaient chez vous pour des réunions. Donc, vous
12 affirmez que vous avez même eu connaissance de certaines écoutes. Vous
13 aviez donc tous les leviers du pouvoir entre vos mains ?
14 R. Cela ne se passe pas au moment où il y a sécession de la Slovénie et de
15 la Croatie. Ça s'est passé avant. Mais du reste, si vous y tenez, je vais
16 vous lire. Indépendamment, il en était ainsi, la constitution accordait au
17 gouvernement fédéral des attributions si modestes avec ce qui s'est passé
18 et avec votre incursion dans le système monétaire de la Yougoslavie,
19 l'illustre et tout un grand nombre d'éléments avec le retrait de certaines
20 marchandises de Slovénie. Donc, vous avez remis en cause ce peu de
21 compétence qu'avait le gouvernement fédéral. Vous avez donc fait une
22 irruption dans les compétences du gouvernement fédéral et indépendamment de
23 ce fait, j'ai joué au Don Quichotte.
24 Et je disais constamment à l'assemblée de Slovénie et je me suis efforcé au
25 parlement slovène, d'obtenir une approbation pour ce qui était de ne pas
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1 opter en faveur de mesures radicales. J'ai tenu également un discours au
2 parlement croate. Je ne vais pas vous dire comment j'ai été appuyé là-bas.
3 Je vous ai supplié pour me donner l'opportunité de prendre la parole à
4 l'assemblée de la Serbie. On ne m'a jamais fourni l'opportunité de le
5 faire. Penchez-vous sur le discours que j'ai fait au parlement croate où
6 j'ai, du reste pour la première fois, dis : "Pour la première et la
7 dernière fois, je parle en tant que Croate. Je ne suis pas si Croate que
8 vous parce que vous êtes Croate et haïssez les Serbes et les autres. Chez
9 moi, cela n'est pas le cas." J'ai dit, il y a longtemps à Tudjman et je
10 l'ai répété devant le parlement : "Ne négocie pas avec les Serbes de
11 Croatie en passant par Belgrade et Milosevic parce que ça se soldera par
12 une guerre. Assis-toi à une table avec eux et négocie en direct." Je le lui
13 ai dis et j'ai répété devant le parlement croate -- il y a des documents
14 qui peuvent l'affirmer -- je lui ai dis : "Bas les pattes par rapport à la
15 Bosnie-Herzégovine."
16 Q. Bon.
17 R. Mes compétences étaient si petites et mon engagement personnel allait
18 peut-être, et je l'ai déjà dis auparavant, je ne vais vous relater des
19 romans pour ce qui est des périodes révolues, il y a longtemps. Mais mes
20 tentatives avaient visé à éviter le pire. Je n'ai pas réussi, en grande
21 partie, en bonne partie grâce à vous.
22 Q. Monsieur Markovic, vous êtes en train d'expliquer ce que vous disiez et
23 pour ce que je disais moi-même, vous affirmez que je ne faisais pas ce que
24 je disais, mais que je fasse autre chose. Tout à l'heure, vous avez indiqué
25 qu'en 1991, vous n'aviez plus exercé des activités qui auraient pu être
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1 qualifiées d'exercice d'un contrôle sur le gouvernement dont vous étiez
2 président. Or, vous êtes resté à ce poste jusqu'à fin 1991 ?
3 R. Oui, sur le plan formel. Je suis resté jusqu'à fin 1991. Mais vous
4 savez très bien, que de fait, et je l'ai indiqué dans ma démission, que le
5 gouvernement s'est vu restreindre ses possibilités d'intervention, qui de
6 toute manière, étaient déjà petites sur le plan constitutionnel, que ce
7 gouvernement n'avait absolument plus aucune possibilité d'intervenir. Je
8 l'ai dis en public dans le texte de ma démission.
9 Q. Sur ce que vous avez dans votre démission, on y reviendra. Mais cela
10 n'a aucune pertinence pour la question que je viens de vous poser. Est-il
11 contesté le fait que dans le courant de cette année 1991 toute entière,
12 vous avez exercé des activités pleines et entières avec des représentants
13 de l'armée, de la police, avec les intervenants politiques en présence et
14 pendant toute cette période de conflit armé ?
15 R. Non. Je n'ai pas eu d'entretiens avec l'armée. Pourquoi me posez-vous
16 cette question-là ? Où veut en venir Monsieur Milosevic ?
17 Q. Monsieur Milosevic veut précisément déterminer que vous avez eu de
18 facto et de jure des attributions et que vous avez exercé un contrôle à
19 l'égard du gouvernement fédéral jusqu'à la fin de l'année 1991 alors que se
20 déroulaient tous ces événements, ces événements afférents au démantèlement
21 de la Yougoslavie. On peut le constater, par exemple, partant de
22 l'inventaire des obligations du président du Conseil exécutif fédéral pour
23 l'année 1991. Je peux vous le donner pour l'année 1990. Je peux vous le
24 donner pour 1989 et on verra bien, qu'il n'y a là aucune différence. Vous
25 pouvez le voir, du moins ce qui a été noté au sein de votre cabinet même.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tout d'abord, permettez au témoin de
2 répondre. Et si vous avez l'intention de lui présenter un document, vous
3 pouvez certainement le faire.
4 Mais Monsieur Markovic, est-ce que vous voulez ajouter quoi que ce soit aux
5 réponses que vous avez déjà apportées concernant les allégations de
6 l'accusé à votre encontre ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est point nécessaire de dire quoi que ce
8 soit parce que le cours des événements a suivi une filière comme je l'ai
9 indiqué. Et ce contrôle du Conseil exécutif fédéral qui n'avait que peu de
10 compétence et pas du tout de compétences à l'égard de l'armée, alors ces
11 compétences se sont diminuées de plus en plus et à compter du mois de juin
12 1991, il n'y avait aucune possibilité sérieuse de faire quoi que ce soit.
13 Ce que nous avons essayé de faire, c'était cette tentative de moratoire,
14 cette tentative de créer un système permettant de fonctionner en tant de
15 moratoire avant que de procéder à la prise de décisions définitives au
16 sujet du destin de la Yougoslavie. Mais du reste, je pense que, pour ce
17 Tribunal-ci, il importe peu de savoir ce qu'a fait le gouvernement et ce
18 qu'a fait le premier ministre. Ici, nous parlons de M. Milosevic. Je
19 répète, une fois de plus, il cherche à faire transférer l'acte d'accusation
20 à son encontre vers moi. Et je vous demande de me protéger.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Markovic, je vous
22 explique la façon de le faire. Vous êtes venu témoigner au sujet
23 d'accusations très graves à l'encontre de l'accusé. Il a le droit de se
24 défendre contre ces accusations -- contre ces éléments à charge, et il a le
25 droit de présenter ses arguments. Vous pouvez être en désaccord, et cela
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1 peut être complètement erroné, mais cela n'est pas ce qui importe. Il a le
2 droit de le faire. Et je vous demanderais, s'il vous plaît, de le traiter
3 avec courtoisie. Et j'espère que vous serez traité de la même sorte -- de
4 la même façon.
5 Ceci est un procès. Nous devons décider au finale d'une culpabilité ou
6 innocence de l'accusé. Donc je vous demande de répondre à ses questions
7 aussi brièvement que possible. Le plus bref ce sera, mieux cela vaudra.
8 Monsieur Milosevic, continuez. Et j'aimerais que le compte rendu soit plus
9 précis. J'ai dit que le témoin n'est pas venu témoigner sur des questions
10 variées. J'ai dit qu'il est venu témoigner au sujet de charges à l'encontre
11 de l'accusé, et qui sont des accusations graves.
12 Monsieur Milosevic, continuez.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Donc j'ai ici, mais je ne vais pas tout vous fournir -- mais, par
15 exemple, un aperçu des obligations du président du conseil exécutif
16 fédéral, pour l'année 1991. Cela vient des archives de votre cabinet. C'est
17 un original. On y voit la totalité, ou plutôt du moins, la partie notée des
18 activités qui ont été les vôtres. Et ce sont des activités qui ont duré
19 sans interruption jusqu'au 20 décembre 1991, suite à quoi il est dit
20 "congé annuel" après "le 20 décembre 1991". On voit là vos nombreuses
21 réunions avec la police, l'armée, la présidence, les personnalités
22 politiques de toutes sortes, des gens de chez nous, des gens de l'étranger,
23 et ainsi de suite. Donc, au fil de l'année 1991, au fur et à mesure du
24 démantèlement de la Yougoslavie, vous exercez des activités pleines et
25 entières. Et partant de ce qui est dit ici, l'on ne saurait conclure que
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1 vous activités ont été limitées de quelque façon que ce soit.
2 Tenez penchez-vous sur cet aperçu, vous-même.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais que ce document soit versé au
4 dossier, en tant qu'élément de preuve.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez que le document soit présenté au
6 témoin.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Avant je vous demanderais que vous m'indiquiez quand est-ce que vous
9 avez eu avec moi une réunion en décembre.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une chose à la fois, s'il vous plaît.
11 D'abord, nous nous occupons de ce document.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cherche à le retrouver. Je n'arrive pas à
13 retrouver ici, au mois de décembre, une réunion où il serait question
14 d'avoir rencontré "Milosevic". Tout simplement, ça n'existe pas.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Vous souvenez-vous de la date où vous auriez eu une réunion avec moi en
17 décembre ?
18 R. Début décembre.
19 Q. Et bien, j'ai le compte rendu du début décembre. A partir du début
20 décembre, je feuillette les pages. Votre ordre du jour, votre programme de
21 travail, ainsi que les réunions, telles qu'elles ont eu lieu et telles
22 qu'elles ont été consignées. Nulle part, on ne trouve un compte rendu de
23 cette réunion, pendant tout le mois de décembre 1991 --
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Mais qu'est-ce que vous êtes
25 en train de regarder, Monsieur Milosevic ? Quels sont ces documents ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May. Il s'agit ici des obligations
2 incombant au président du conseil exécutif fédéral en 1991. C'était son
3 cabinet qui archivait tout ceci, qui avait ces archives et c'est de là que
4 je les tiens. Ceci vient donc du gouvernement fédéral. Elles y sont
5 consignées, chacune de ces réunions. Par exemple, on a : "La réunion du 18
6 juin 1991, déjeuner avec S. Milosevic; à 14 heures, Slobodan Milosevic; à
7 15 heures donc, déjeuner le 18 juin 1991." Puis on a : "Téléphone avec
8 Warren Zimmerman, ambassadeur des Etats-Unis; Vukotic, à 11 heures 45;
9 Murat Galic," et cetera. C'est son ordre du jour. C'est sont calendrier.
10 "Rencontre avec Mitrovic, son emploi du temps; Pecar, Medjovanovic [phon],"
11 et cetera.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] "A 15 heures [sic], Milosevic --"
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous avons compris. Remettez ce
14 document au témoin pour qu'il le voie.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Donc, vous avez eu tous ces contacts -- toutes ces réunions ?
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Monsieur Markovic, ayez l'obligeance
18 d'examiner ce document et dites-nous, tout d'abord, s'il semble qu'il
19 s'agit là d'un document authentique. Une fois que vous l'aurez examiné,
20 vous pourrez également voir quelles sont les réunions de décembre.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Décembre, c'est tout à la fin, et c'est assez
22 court.
23 M. NICE : [interprétation] Pendant que le témoin examine ce document,
24 n'oubliez pas, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous n'avons
25 pas fourni ce document. Nous n'avons pas eu du tout accès à ces archives.
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1 Mais s'il y a des documents de ce genre pour d'autres organes de l'état --
2 du gouvernement, et surtout pour les organes de l'accusé, nous serions très
3 vivement intéressé à pouvoir les examiner.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Il s'agit ici d'un document -- oui, j'attends, j'attends.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ? Je n'ai pas eu la
8 possibilité de lire la totalité du document. J'aurais besoin de beaucoup
9 plus de temps pour le faire, mais on pourrait dire que ce document est
10 authentique. Ce sont les notes tenues par mon cabinet s'agissant de mes
11 activités, mais il est également possible de voir qu'à partir du mois de
12 juillet, à peu près, tous les sujets, pour ceux qui savent de quoi ils
13 retournent. Nous voyons que tous ces sujets s'inscrivent dans le cadre des
14 activités du gouvernement. Par exemple, "Le vendredi, Tasic, Aco Mitrovic,
15 préparatifs en vue de la conférence de La Haye -- vers La Haye, une réunion
16 à La Haye, consultations internes, entretiens avec la radio B-92,
17 surveillance," et cetera. Il s'agit ici de consultations internes. Il n'y a
18 pas d'activités qui parleraient du fonctionnement -- ou des activités à
19 l'extérieur du bâtiment du conseil exécutif fédéral. Et je veux dire
20 quelque chose d'important dans ce contexte. J'ai demandé au conseil
21 exécutif de me donner cette documentation, toute la documentation relative
22 à mes trois années d'activités. Or je n'ai rien obtenu.
23 Q. Fort bien. Vous l'avez dit vous-même. Ce document est authentique. Je
24 vais vous demander de rechercher cette réunion que vous auriez eue avec moi
25 en décembre.
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1 R. Ce n'est peut-être pas consigné, mais ça ne veut pas dire pour autant
2 qu'il n'y a pas eu de réunion. Il est plus que probable, enfin, je n'ai pas
3 vérifié.
4 Q. Votre cabinet ne savait pas où vous étiez. Vous avez quitté votre
5 cabinet en secret, c'est cela ?
6 R. Si vous voulez le dire comme ça, libre à vous de le faire.
7 Q. En 1991, le premier ministre du gouvernement fédéral va voir le
8 président de la République de Serbie au centre de la ville de Belgrade dans
9 le secret. Ce n'est consigné nulle part.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez fait valoir votre argument.
11 Vous avez reçu une réponse. Inutile de revenir là-dessus.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
13 Je demande le versement de ce document, mais, une fois qu'il aura été
14 photocopié, je veux recevoir l'original.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose ? J'ai informé
16 Loncar de cette conversation. Il était, à l'époque, ministre des Affaires
17 étrangères et je l'ai mentionné dans une conversation que j'ai eue avec de
18 Michelis à Trieste aussi début 1992.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
20 Oui, Monsieur Nice.
21 M. NICE : [interprétation] L'accusé présente ce document comme si c'était
22 un original. Si c'est le cas, conformément à votre politique, vous devriez
23 retenir l'original. Il devrait avoir une copie et ces pages jaunies de
24 l'original, et bien, il faudrait savoir comment elles se sont retrouvées
25 entre les mains de l'accusé, quel que soit ce document. Mais nous
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1 aimerions, nous aussi, voir l'original.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr. Ce sera le cas.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous recevrez une photocopie, Monsieur
5 Milosevic. Le greffe va conserver l'original. Le bureau du Procureur peut
6 l'examiner maintenant.
7 Quelle sera la cote de la Défense ?
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce portant la cote de la
9 Défense D207.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Je vais demander à M. Markovic d'examiner ce qui vient maintenant de M.
13 Budimir Loncar et de son cabinet. Il était ministre des Affaires
14 étrangères. Ceci a trait à une conversation avec James Baker, secrétaire
15 d'état américain, en mai 1991. Il est dit, aussi clairement, dans ce
16 document que l'armée se trouve sous le contrôle de la présidence et du
17 gouvernement. C'est ce que dit ce document.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sinon, Monsieur May, il s'agit ici d'un
19 document que possède la partie adverse. Le numéro ERN est 0646691 [sic] :
20 "Ministère des Affaires étrangères, cabinet." Code secret, je ne le donne
21 pas. Le 11 mai 1991, note portant sur la conversation téléphonique entre
22 Loncar, ministre des Affaires étrangères et le secrétaire d'état américain,
23 M. James Baker. Cette note a été envoyée au président de la RSFY, à la
24 présidence, au président Jovic; au président de l'assemblée fédéral,
25 M. Gligorijevic; au président du conseil exécutif fédéral, M. Markovic; au
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1 ministre adjoint au secrétariat à la Défense, à Gracanin, ainsi qu'à
2 Kadijevic; à d'autres personnalités éminentes également du secrétariat
3 fédéral aux Affaires étrangères. Ce n'a été envoyé à personne de Serbie.
4 C'était uniquement envoyé au niveau fédéral.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Voyons ce que dit ce document. Au troisième paragraphe, je suppose que
7 vous avez fourni ceci à la partie d'en face, n'est-ce pas ? Puisque vous
8 êtes mentionné, il se peut que ce ne soit pas vous qui le leur avez donné.
9 Mais voici ce que dit le paragraphe 3 : "En réponse à une question posée
10 par Baker qui consistait à savoir s'il y avait un risque de voir l'armée
11 agir de façon autonome." Aussi, c'est certain de ces éléments qui devraient
12 le faire. Loncar dit ceci : "L'armée se trouve sous le contrôle total du
13 secrétaire fédéral à la Défense nationale et lui, il rendait compte à la
14 présidence et au gouvernement."
15 Quelques lignes plus loin, vous pourrez le lire vous-même, ou pour fin de
16 lire ce document tout entier d'ailleurs, mais je veux gagner du temps. Il
17 est dit : "Les actions de l'armée visait à garantir la sécurité de la
18 population et à éviter toutes les ordres et tout conflit." C'est donc la
19 position adoptée par le gouvernement. Loncar en discute avec M. James
20 Baker. Lui aussi, il vient de Croatie ou plutôt, il est Croate de Croatie,
21 ce Loncar. Il était ministre des Affaires étrangères à l'époque. --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avançons. Montrons ce document au témoin.
23 Et puis, il nous faudra lever l'audience.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Lorsque vous allez consulter ce document, voyez qu'il est dit
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1 précisément que la JNA doit être déployée pour protéger, sauvegarder les
2 intérêts, la sécurité de la population. C'est ce que votre ministre, le
3 ministre des Affaires étrangères, dit.
4 R. Il s'agit ici d'une conversation téléphonique, si j'ai bien compris,
5 entre M. Loncar et M. Baker, ce dont ils ont discuté ces deux hommes, et
6 qui a rédigé ce procès verbal, je ne peux pas vous le dire. Quoi qu'il en
7 soit, ce n'est pas un document à moi.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Il va recevoir la cote
9 suivante de document à la Défense.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D208.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il nous faut suspendre l'audience.
12 Monsieur Markovic, je suis vraiment navré que nous n'ayons pas pu terminer
13 votre déposition aujourd'hui, autant que, si j'ai bien compris, vous avez
14 déjà été à deux reprises à La Haye et que vous avez dû subir ces
15 inconvénients. Mais vous le comprendrez, votre déposition -- votre
16 témoignage est important dans ce procès. Il nous faut aborder les sujets à
17 fond. Vous devrez, malheureusement, revenir à une date qui vous convient
18 afin de poursuivre votre déposition. Nous essaierons, à ce moment-là, le
19 plus rapidement possible et nous pourrons certainement terminer au cours de
20 la seule et même journée.
21 Monsieur Nice, veuillez prendre des dispositions avec ce témoin pour une
22 date qui lui conviendra.
23 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, et nous limiterons notre entretien
24 avec le témoin à ce sujet-là.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cela va de soi, vous êtes autorisé à le
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1 faire.
2 L'audience est levée, elle reprendra mardi matin.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux savoir aujourd'hui si M.
4 Markovic va continuer mardi déjà ou --
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, ce ne sera pas mardi, à moins,
6 bien sûr, que tout d'un coup on ait changé le calendrier. Si c'est le cas,
7 vous serez avisé de cela très vite, mais ce ne sera sans doute pas mardi.
8 L'audience est suspendue.
9 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mardi 28 octobre
10 2003, à 9 heures.
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