Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 23 octobre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, vous avez la parole.

6 M. NICE : [interprétation] Le témoin suivant avait bénéficié de mesures de

7 protection jusqu'au moment où il allait déposer. Il s'agit de Ante

8 Markovic. Vous avez déjà reçu un exemplaire du résumé qu'il a signé il y a

9 de cela maintenant quelques semaines et qui a été notifié à l'accusé tant

10 en anglais qu'en B/C/S. Je vous demande ceci dans la mesure où vous

11 l'estimez nécessaire, la déclaration signée pourra être son interrogatoire

12 principal.

13 Avant d'en terminer, pourrais-je avoir une minute à huis clos partiel.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, Monsieur Milosevic. Il nous

18 est impossible de nous prononcer sur la recevabilité d'un résumé si nous ne

19 l'avons pas en avance. C'est seulement à ce moment même que je viens de

20 recevoir ce résumé.

21 M. NICE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je sais que j'ai

22 donné des instructions pour qu'il soit envoyé plutôt et notre assistance,

23 Mme Dicklich, nous dit que votre juriste la reçu lundi -- en tout cas, ça a

24 été envoyé lundi. J'avais pensé à ce problème et je pensais que le résumé

25 avait été notifié à l'accusé la semaine dernière.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons nous enquérir, mais moi je

2 n'ai pas vu ce résumé.

3 Nous pourrons peut-être le parcourir rapidement.

4 Mais vous voulez intervenir, Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux petites remarques, Monsieur May,

6 seulement. Les documents d'Igalo, je ne me souviens pas à l'occasion de

7 quel témoignage on en a parlé, mais ce document a été présenté ici, et cela

8 a été fait en audience publique. Il s'agit d'un document qui a découlé des

9 rencontres où il y a eu Lord Carrington, où il y a eu Veljko Kadijevic,

10 moi-même, et ce document a déjà été étudié. Par conséquent, il ne se trouve

11 sous aucun régime de restriction. Je crois que M. Nice a probablement fait

12 une omission à ce sujet.

13 Et pour ce qui est du livre de Jovic, qu'on verse tant de fois au dossier,

14 je crois que Jovic pourrait le faire verser au dossier. Je ne vois pas

15 pourquoi Ante Markovic serait la personne par le truchement de laquelle on

16 verserait au dossier le livre de Jovic.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. La seule partie où il est question

18 de M. Markovic effectivement à ce moment-là, il est à même d'apporter un

19 commentaire.

20 M. NICE : [interprétation] D'après mes souvenirs, nous avons recherché ce

21 document d'Igalo hier soir, je veux dire, et nous ne l'avons pas retrouvé,

22 donc nous avons pensé qu'il n'avait pas été évoqué.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Moi, je n'en ai aucun souvenir -- je ne -

24 - j'ai trouvé des notes où il a été fait mention de l'accord d'Igalo, mais

25 moi je ne me souviens pas de cet accord. Il se peut que ceci se soit trouvé

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1 dans un des documents de la Défense produit par M. Samardzic ou par un

2 témoin de ce genre, mais moi je n'en ai pas le souvenir. En tout état de

3 cause, vous pourrez effectuer une nouvelle recherche.

4 Oui.

5 M. NICE : [interprétation] En synthèse, permettez-moi de vous expliquer

6 ceci. M. Markovic a été le dernier premier ministre de la République

7 fédérale de Yougoslavie et, de façon très sommaire et synthétique, il nous

8 relate les dernières années de son mandat qui s'est terminé en 1991. On

9 trouve notamment l'attitude qu'avait l'accusé à l'égard de la politique

10 appliquée à l'époque. Je pense qu'ici ce sera un élément tout à fait

11 précieux.

12 Il parle de l'armée des Serbes de Bosnie. Vous trouverez à la page 11.

13 Il parle des activités militaires. A la page 14, il est fait référence aux

14 paramilitaires.

15 Pages 17 à 22, c'est peut-être la partie la plus importante de sa

16 déposition dans la perspective de ce procès puisque la Chambre de première

17 instance n'est pas là pour déterminer quelle politique était juste ou

18 injuste, je suppose, mais on parle ici des actes et comportements de

19 l'accusé. Et je pense que c'est significatif par rapport à ce que ceci

20 révèle à son propos.

21 Et puis pages 18 et 19, ce qu'il sait à propos de Karadjordjevo. Aussi il

22 devra présenter -- être représenté au débat, puis réunion à La Haye,

23 dernière réunion avec l'accusé.

24 En réalité, à partir de la page 17, il faudra que les éléments soient

25 présentés dans ce prétoire et d'autres éléments où il est fait référence à

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1 l'accusé le seront aussi. Je vais effleurer certains sujets et aborder

2 d'autres dans le détail en tant que de besoin.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que la meilleure marche à suivre

4 ne serait pas celle-ci ? Il faut d'abord replacer cette déposition dans son

5 contexte, bien sûr, c'est une suggestion que je vous fait en mon nom

6 personnel et puis vous pourriez résumer la teneur du reste du document au

7 fur et à mesure. Mais lorsqu'il y a référence à l'accusé, il faut présenter

8 les éléments de viva voce.

9 M. NICE : [interprétation] C'est marqué du coin et du bon sens et je

10 pourrais agir vite.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel, mais moi

12 je n'aime pas le terme qui est donné là-dessus, "résumé" est-il dit. Si on

13 veut verser ce genre de document au dossier sous une forme ou une autre, il

14 vous faudra trouver un autre intitulé.

15 M. NICE : [interprétation] Rappelez-vous, je l'avais dit personnellement,

16 il se fait que ce document avait déjà été signé au moment où nous avons été

17 autorisé à produire des résumés. Et ce résumé a été signé pourquoi ? Parce

18 que le témoin s'était trouvé ici et avait dû repartir parce que l'accusé

19 n'était pas bien. Et le document est signé pour attester de son

20 authenticité et c'est nécessaire de le signer au cas où le témoin va

21 revenir plus tard. Je vous le promets, à partir de maintenant, ces

22 documents n'auront plus ce titre de "résumé".

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et est-ce que, mis ceci mis à part, le

24 témoin a déjà donné une déclaration au préalable ?

25 M. NICE : [interprétation] Oui, elle est à votre disposition si vous voulez

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1 la voir.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et bien, je pense que, dans ce cas, il

3 faudrait que le résumé fasse une référence spécifique par paragraphe et

4 numéro de pages à la déclaration, pour que l'accusé puisse bien préparer sa

5 défense.

6 M. NICE : [interprétation] Et c'est pratiquement toujours ce que nous

7 faisons. Mais ici le problème c'est que nous avons été avisés à la dernière

8 minute que l'accusé n'était pas bien et que, par conséquent, ce témoin ne

9 pourrait pas déposer. Le résumé avait déjà été préparé et je me souviens

10 que le témoin n'avait pu que le parcourir rapidement avant de partir.

11 Normalement, c'est ce qui se fait. On fait ces références en mettant en

12 corrélation les paragraphes et le résumé.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Ce document est déclaré

14 recevable. Il sera versé au dossier en application 89 (F); cependant, le

15 Procureur doit procéder à la synthèse avec le témoin du reste du document.

16 M. NICE : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et les parties relatives aux actes et

18 comportement de l'accusé devront être présentés au débat, mais soyons

19 clair, quant à la pratique à adopter, si une requête est faite en

20 application du 89(F), il faut que la Chambre dispose du document, pas le

21 matin même de la déposition.

22 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Je croyais que vous l'aviez dès le

23 début de la semaine, même la semaine dernière.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avant de commencer, avant l'arrivée du

25 témoin, une question de calendrier. Nous ne pourrons pas travailler après

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1 13 h 45 puisqu'il y a une autre affaire dans ce prétoire l'après-midi. En

2 tout état de cause, il s'agit ici d'un témoin important.

3 M. NICE : [interprétation] Oui, et qui est très embêté par le fait qu'il a

4 déjà revenu deux fois. Alors, je verrais dans quelle mesure nous pourrons

5 aller le plus vite possible.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

7 Faisons entrer le témoin.

8 M. NICE : [interprétation] Nous aurons deux ou trois cotes, je suppose,

9 pour ces pièces. Je vais essayer de les aborder le plus rapidement

10 possible. Je vous le disais. Je ne vais pas aborder dans le détail, ni même

11 du tout des extraits de l'ouvrage de Jovic, mais vous verrez qu'il y a des

12 parties qui risquent d'être pertinentes, qui sont surlignées, au cas où

13 vous voudriez les lire, ces extraits en dehors de ce prétoire.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Témoin, je vais vous

16 demander de prononcer la déclaration solennelle, et je vais vous demander

17 pour ce faire, Monsieur, de vous lever.

18 LE TÉMOIN: ANTE MARKOVIC [Assermenté]

19 [Le témoin répond par l'interprète]

20 Je déclare solennellement que je dirais la vérité, toute la vérité et rien

21 que la vérité.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir, Monsieur.

23 Interrogatoire principal par M. Nice :

24 Q. [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur.

25 R. Je m'appelle Ante Markovic.

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1 Q. Monsieur Markovic, à l'occasion de votre dernière visite à la Haye,

2 avez-vous, en collaboration avec le bureau du Procureur, préparé un

3 document qui porte aujourd'hui le nom de résumé, document que vous avez

4 signé pour attester de son exactitude et du fait qu'il reflète la vérité ?

5 R. Oui.

6 Q. Mis à part quelques corrections relevées hier, est-ce qu'il s'agit là

7 d'un document exact, fidèle à la vérité ?

8 R. Oui.

9 M. NICE : [interprétation] Je vais demander, Monsieur le Président, que

10 soit attribué une cote à ce document. Je précise au greffe qu'il n'y aura

11 aucune expurgation, donc pas de problème pour ce qui est de la diffusion de

12 ce document.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 569.

14 L'INTERPRÈTE : N'est pas sûr de la cote. Elle la précisera plus tard.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Nous allons vous remettre une copie de ce résumé en B/C/S. Vous avez

17 été le dernier premier ministre de la RSFY, et ceci du 16 mars 1989 au 20

18 décembre 1991. Et je pense que vous avez évité -- vous avez voulu éviter de

19 faire des commentaires à l'opinion publique -- des commentaires publics

20 depuis ce jour-là, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, c'est tout à fait exact. C'est la première fois après presque 12

22 ans que j'interviens devant l'opinion publique, aujourd'hui.

23 Q. Je vais parler d'une déclaration signée puisque il n'est pas juste de

24 parler ici d'un résumé. Dans ce résumé, on voit votre parcours

25 professionnel. Vous êtes ingénieur électricien, vous avez une longue

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1 expérience professionnelle d'abord dans l'industrie, dans les affaires,

2 jusqu'au moment où en 1982 on vous persuade de participer à la vie

3 politique -- d'entrer dans la vie politique. Et puis vous avez été

4 président du conseil exécutif de la République de Croatie jusqu'au moment

5 où vous êtes devenu le premier ministre, en portant le titre de président

6 du conseil fédéral exécutif en 1989 -- 16 mars 1989 à tout moment où vous

7 avez été membre du Parti communiste, et vous êtes aujourd'hui toujours

8 actif en tant qu'homme d'affaire.

9 R. C'est exact.

10 Q. Paragraphe 5, lorsque vous avez été autorisé à constituer un

11 gouvernement, vous avez été le premier à procéder à votre propre choix pour

12 ce qui est des ministres. Mais pour ce faire, vous avez consulté les

13 républiques. Vous avez pris cette initiative, et pourriez-vous nous dire

14 quelles sont les républiques qui ont demandé à préconiser leur candidat

15 privilégié ?

16 R. Dans les conditions que j'avais posées pour accepter ce mandat de

17 premier ministre, c'étaient de disposer d'une liberté maximum dans la

18 mesure du possible, dans les cas où il s'agissait de constituer un

19 gouvernement. Pour ce faire, j'ai fait les tournées des institutions, je me

20 suis rendu dans bon nombre d'entreprises, des différentes républiques et

21 partout, où je me suis entretenu y compris les directions des républiques,

22 personne ne m'a posé de conditions. Tout le monde s'est efforcé de répondre

23 aux exigences que j'avais posées moi-même. M. Milosevic a été le seul à

24 m'avoir demandé une chose déterminée, à savoir que la Serbie se fasse

25 accorder la fonction de ministre fédéral de l'intérieur.

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1 Q. Ceci est évoqué -- ce sujet est évoqué dans un extrait du jour de

2 Jovic. Monsieur Markovic, dans le cadre de la préparation à votre

3 déposition, vous avez relu de passage de ce livre que vous aviez déjà lui,

4 et certains de ces extraits sont produits, en tant que pièces, en vue

5 d'aider les Juges pour voir s'ils estiment ceci utile. Est-ce que exact ?

6 R. C'est exact. Ce que je puis dire encore, c'est que j'ai été en retard

7 d'un mois avec la proposition de composition de gouvernement devant le

8 parlement fédéral, en raison des exigences de M. Milosevic qui voulait à

9 tout prix avoir ce poste de ministre de l'Intérieur au gouvernement

10 fédéral. J'avais mon candidat, M. Zemljaric, qui est originaire de Slovénie

11 et qui avait auparavant était premier ministre de Slovénie. M. Milosevic,

12 lui, avait insisté tant et si bien que, lorsque je lui ai proposé d'autres

13 candidats -- je lui avait proposé que la Serbie obtienne le poste de

14 ministre des Affaires étrangères. Il a tout rejeté. Il a dit que rien de

15 tout ceci ne pouvait entrer en compte si ce n'est ce poste de ministre

16 fédéral de l'Intérieur. Et il a proposé lui-même plusieurs personnes, et

17 j'ai rejeté toutes ces personnes parce que l'un d'entre eux ne convenait

18 pas, l'autre ayant -- et enfin de compte, il avait proposé Gracanin.

19 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions parler

20 rapidement de la gestion des pièces. Nous allons demander une cote pour

21 ceci --

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vérifions si elles se sont pratiquement

23 ainsi, et non --

24 M. NICE : [interprétation] Presque, pas tout à fait.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est là une sélection déjà opérée. Il y

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1 en a peut-être l'un ou l'autre déjà versé au dossier. Quelle sera la

2 pièce ?

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 570.

4 M. NICE : [interprétation] Vous verrez donc l'intercalaire 1 de la pièce

5 570 qui évoque le sujet général.

6 Q. Par conséquent, Gracanin est devenu ministre. Mais à votre avis,

7 pourquoi l'accusé a-t-il tellement insisté pour obtenir cette fonction de

8 ministre de l'Intérieur ?

9 R. Je pense que les choses sont tout à fait claires. Milosevic, à

10 l'époque, avait exigé l'obtention de ce poste et a, en se faisant, montré

11 ce qu'il voulait. Il voulait placer sous son contrôle le service de

12 renseignements à tous les niveaux, à tous les niveaux possibles. Quoique

13 dans le développement de la Yougoslavie et de ses structures au niveau de

14 l'état, cela ne constituait plus une institution aussi importante au niveau

15 de la Yougoslavie étant donné que toutes les républiques avaient des

16 ministères de l'Intérieur très développés qui avaient des droits et des

17 organisations propres pour ce qui est des services de renseignements et de

18 contre-espionnage. Et en plus, de tels services avaient été disponibles au

19 niveau de l'armée. Mais avec le ministère fédéral de l'Intérieur, il y

20 avait bon nombre de fonctions et d'informations qui n'étaient pas du tout à

21 négliger.

22 Q. Est-ce que Gracanin n'a plus été, à un moment donné, favorisé par

23 Milosevic ? Est-ce qu'on y fait référence à l'intercalaire 2 ? Est-ce que

24 c'est le cas ?

25 R. En notre qualité de gouvernement fédéral, nous avions une conception,

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1 un programme de réforme d'organisation de l'état, programme de

2 démocratisation et étant donné que nous étions tous engagés au niveau de la

3 réalisation de ce concept et que nous avons œuvré, de toute façon tout à

4 fait correct en sa faveur, il n'y avait aucune raison d'exclure de cela M.

5 Gracanin, et que lui, il fonctionne à l'extérieur de l'équipe. Or, comme il

6 faisait partie de l'équipe lui-même, de plus en plus, il venait à accepter

7 les éléments qui découlaient de cette politique, de ce travail réalisé de

8 façon conjointe et qui se rapportait à sa partie à lui du travail. Bien

9 entendu, il n'était plus en mesure de répondre aux exigences qui venaient

10 de la part de M. Milosevic.

11 Q. Pendant un an et demi après la formation de votre gouvernement, celui-

12 ci a bien fonctionné, était très stable. On parle d'un programme, ceci est

13 évoqué au paragraphe 11, d'un programme de réformes économiques et de

14 démocratisation. Vous estimez que les mesures que vous avez prises

15 n'étaient pas, en temps que telles, des réformes mais étaient de nature à

16 créer un environnement propice à cette réforme. Vous prévoyiez dans ce

17 programme des réformes, des modifications politiques en économie pour ce

18 qui est des droits civils des citoyens et c'était un programme en plusieurs

19 volets commençant par un programme de stabilisation passant par des

20 réformes économiques en vue de la privatisation et pour finir, par un

21 système plus répartit, avec des élections plus répartites et démocratiques,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Oui. C'est exact. Mais pour ce qui est du premier segment que vous avez

24 mentionné et où vous avez précisé qu'il ne s'agissait pas d'une véritable

25 réforme, je précise qu'il s'agissait d'un programme de stabilisation qui

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1 devait faire cesser l'inflation et donner des cadres dans les ordres de

2 grandeur donnée et sous des conditions déterminés permettre la

3 normalisation du fonctionnement et la réalisation des programmes qui ne

4 devaient que suivre.

5 Q. Dans votre déclaration signée, paragraphe 11, il y a des points

6 reprenant vos objectifs. Inutile de les parcourir maintenant. Quelle fût

7 l'attitude de l'accusé à l'assemblée fédérale exprimée par des

8 représentants de Serbie, de la Vojvodine, du Kosovo. Quelle était cette

9 attitude de l'accusé par rapport à votre programme ?

10 R. D'après les informations qui me parvenaient de la bouche de plusieurs

11 députés originaires de Serbie, il y a eu des entretiens avec des députés et

12 ils ont eu pour mission de renverser le programme proposé par le

13 gouvernement fédéral en faisant des objections. Et on disait : "Si l'on ne

14 renverse pas Ante Markovic à présent, on ne pourra le renverser dans les

15 quatre années à venir du tout, et il ne nous convient nullement. Donc, il

16 s'agissait de faire tout le nécessaire pour le renverser." Mais dès cette

17 session du parlement fédéral et des instances qui ont siégé et devant

18 lesquelles j'ai présenté mon rapport et où j'ai présenté tous les éléments

19 fondamentaux du programme et où j'ai annoncé la convertibilité de notre

20 monnaie et où j'ai montré cette monnaie convertible, personne n'était au

21 courant de l'impression de cette monnaie. Je pourrais vous relater, à part,

22 comment j'avais réussi à le faire. Mais à partir de ce moment-là, il y a eu

23 de telles ovations dans le parlement fédéral que personne n'a eu l'idée de

24 poser la question de la défiance à l'égard du gouvernement fédéral. Mais au

25 fur et à mesure qu'il s'avérait nécessaire d'adopter de nouvelles lois, il

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1 y a eu un certain nombre de députés qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient

2 pour entamer le concept de la réforme si ce n'est dans son ensemble, du

3 moins dans certaines parties, pour le rendre plus difficilement réalisable

4 et pour gagner du temps et saisir ce que l'on pouvait saisir, notamment, au

5 niveau des salaires, ce qui a engendré des augmentations de salaire en

6 Serbie de façon massive et de façon inadmissible à l'époque pour cette

7 période déterminée.

8 Q. Dans ce programme que vous proposiez, qu'est-ce qu'il y avait, à votre

9 avis, qui provoquait la résistance et l'opposition de l'accusé et de ses

10 partisans ?

11 R. Et bien, globalement, ils avaient des objections sur le programme parce

12 que le programme rendait les parties riches du pays encore plus riches et

13 les parties pauvres, encore plus pauvres. Bien entendu, le programme censé

14 réformé une société doit tenir compte du fait que toutes les parties de la

15 société ne sont pas également capables d'accepter ce programme. Certains

16 ont besoin de plus de temps, d'autres de moins de temps pour le réaliser.

17 Et précisément en raison des différences entre les parties développées de

18 la Croatie et les parties sous-développées de la Croatie. Et la Serbie se

19 situait au milieu, la Slovénie et la Croatie étaient plus développées. La

20 Macédoine et le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine se trouvaient sous-

21 développées ou moins développées que la moyenne et c'est pour cette raison-

22 là que le gouvernement, dans le cadre de ce programme, a décidé de faire en

23 sorte que les obligations vis-à-vis de l'étranger qui était celle de la

24 Macédoine, de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, voir même du Kosovo,

25 fait en sorte que le gouvernement prenne sur soi ces obligations. Je crois

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1 qu'il devait s'agir et je vais parler par cœur parce que là il s'est passé

2 beaucoup de temps depuis, il s'agissait de 985 000 [sic] millions de

3 dollar, disons un milliard de dollars. Ce n'étaient des fonds de moindre

4 taille pour ce qui est de notre budget et des obligations vis-à-vis les

5 budgets des républiques qui se voyaient transférer vers la fédération, qui

6 elle, devait payer cela. Alors, dans certains autres éléments, la politique

7 avait fait que ces régions-là devaient obtenir des avantages.

8 Si je dois vous apporter encore des réponses au niveau des objections qui

9 ont été formulées et il y a en a d'autres et je vais dire que l'une de ces

10 objections --

11 Q. Permettez-moi de vous interrompre un instant, Monsieur Markovic. Vous

12 comprenez que nous n'avons pas beaucoup de temps et vous ne voulez pas

13 nécessairement revenir. Donc, il faut faire un peu un exercice d'équilibre

14 entre une réponse tout à fait circonstanciée et complète et une réponse

15 plus synthétique. Mais permettez-moi de vous poser cette question-ci. A

16 votre avis, pour autant que vous vous soyez fait une idée à ce propos,

17 pourquoi l'accusé s'opposait-il, personnellement, à votre programme parce

18 que celui-ci aurait risqué de porter atteinte à ses propres objectifs à

19 lui ?

20 R. Il y a plusieurs éléments dont on pourrait parler. Mais je crains que

21 cela ne nous prenne beaucoup de temps. Je vais m'efforcer pour se faire,

22 d'être rationnel. D'abord, l'implication des réformes des structures

23 d'état, la réforme du système juridique, et enfin de compte, M. Milosevic

24 s'était servi de la rue pour renverser ses adversaires politiques, pour

25 procéder à des lynchages politiques dans sa régie. Et dans des conditions

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1 de démocratie, il n'était pas question d'avoir recours à ce type de

2 procédé.

3 En sus, il découlait de là, des éléments qui le plaçaient sur pied

4 d'égalité avec tous les autres. Et il ne serait plus en mesure d'usurper

5 des droits qu'il avait coutume d'usurper. Il s'établirait une communication

6 d'une part entre la société, les parlements, les gouvernements, et tous les

7 éléments de la politique, partant de quoi lorsque l'on procède à une

8 réforme politique, économique et sociale. Et lorsque l'on procède à une

9 démocratisation de la société, lorsque l'on procède à des réformes de

10 l'état, tout ceci faisait partie du programme en question. Donc, tout ceci

11 faisait qu'il n'était plus possible d'usurper les droits. Et cela

12 interdisait à toute personne la possibilité de fait, de gérer la totalité

13 de ce qui se passait.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. NICE : [interprétation] J'ajouterais, Messieurs les Juges, l'aspect du

16 programme de démocratisation préconisée par ce témoin, la réaction de

17 l'accusé, et ce qu'en dit Jovic, tout ceci est évoqué à l'intercalaire 3.

18 Q. Vous avez dit qu'il y a eu une hausse des salaires. Mais quel était à

19 peu près le niveau d'inflation au moment où vous avez pris les rennes du

20 gouvernement.

21 R. Ce pourcentage était de plusieurs milliers. L'inflation se chiffrait à

22 plusieurs milliers de pour cent. Et suite au programme, indépendamment des

23 requêtes formulées par la délégation serbe, il y a eu des débats qui ont

24 été prolongés et on a adopté certains éléments du programme, mais avec des

25 retards de 10 ou 15 jours. Ce qui fait que le programme ne pouvait pas se

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1 réaliser au même jour pour ce qui constituait un préalable pour aboutir à

2 un succès. Mais au bout de quatre mois, on a quand même réussi à faire

3 chuter l'inflation à zéro. Et je crois que même au mois de mai ou juin,

4 l'inflation a été en dessous de zéro. C'était le premier cas dans lequel

5 donc, tous les pays socialistes où l'on avait réussi à faire chuter

6 l'inflation en dessous de zéro. Et nous avons réussi à nous constituer des

7 réserves en devise, énormes.

8 D'après De la Rosière [sic], le gouverneur de la banque centrale française,

9 nous avions des réserves en devise qui étaient supérieures à bon nombre de

10 pays occidentaux. Elles se chiffraient à presque 11 milliards de dollars.

11 Q. Dans le cadre de votre programme de réforme économique, vous avez parlé

12 de cette hausse des salaires. Est-ce qu'il y a eu aussi une grève d'une

13 heure et demie organisée en 1989, à Belgrade ? Ceci s'étant passé le 20 de

14 ce mois-là.

15 R. Oui. Il y a eu une organisation d'une telle grève, et où il a pris part

16 600 000 personnes contre ce programme.

17 Q. L'accusé, a-t-il exprimé un avis contre ce programme à l'occasion d'une

18 réunion à huis clos du gouvernement serbe ?

19 R. Cela, je ne le sais pas au juste. Ce que je sais, c'est que le

20 gouvernement serbe qui avait siégé ces jours-là, avait apporté une réponse

21 négative pour ce qui est de la réforme. Et le gouvernement de la Vojvodine

22 a apporté une réponse négative. Le gouvernement du Monténégro avait formulé

23 certaines objections, ce qui est d'ailleurs, tout à fait logique. Mais le

24 refus de la part de la Serbie et de la Vojvodine signifiait que c'était une

25 attitude catégorique.

Page 28010

1 Q. Vous avez expliqué comment, en agissant par surprise, notamment en

2 rendant convertible cette devise, vous avez réussi à obtenir un soutien

3 très large. Et ceci est mentionné au paragraphe 15. Est-ce que votre

4 popularité n'était pas plus grande que celle de Kucan en Slovénie, où même

5 que Milosevic, en Serbie. Donc, est-ce que cela veut dire que, s'il y avait

6 eu des élections à ce moment-là, inévitablement, vous partiez gagnant ?

7 R. Cela est exact. Toutes les enquêtes, à l'époque, parlaient ou

8 témoignaient du haut degré d'appréciation de ma petite personne. Cela

9 découlait, bien entendu, de la totalité du programme que jusque là,

10 personne n'avait proposé en Yougoslavie. Et des succès réalisés qui dès le

11 premier moment, ont, dès le tout début, se sont avérés extraordinaires.

12 Bien entendu donc, cela a été l'une des raisons pour lesquelles il y a eu

13 des envies auprès de certaines personnes qui se sont senties politiquement

14 menacées. Dans le cadre de ce programme qui avait proposé par mon

15 gouvernement, nous avions proposé de procéder à des modifications,

16 d'adopter des lois nouvelles pour pouvoir tenir des élections pan

17 yougoslaves. Et tout de suite après, nous voulions organiser des élections

18 yougoslaves générales. Il fallait pour ce faire, modifier certains

19 éléments, certaines parties de la constitution. Et deux républiques où

20 leurs représentants se sont catégoriquement opposés, à la chose, à savoir,

21 la Serbie et la Slovénie.

22 Q. Merci. Je vais maintenant résumer certains des éléments. Je vous

23 demanderais de me dire si ce résumé est exact ou pas. Vous avez dit que

24 vous aviez réduit l'inflation à zéro, paragraphe 16, et que vous aviez des

25 réserves en devise étrangère d'un montant de onze milliards de dollars,

Page 28011

1 qu'il y avait balance des paiements positive. Et que vous aviez aussi, 65

2 000 entreprises privées qui avaient été constituées pendant votre première

3 année de fonction. Est-ce exact ?

4 R. C'est exact. Il s'agit d'une année et demie, compte tenu du fait que

5 dans le courant des neuf premiers mois, à compter du 16 mars, donc 1989,

6 jusqu'au 18 décembre, date à laquelle j'ai présenté ce programme. Dans la

7 même année, j'ai patiemment préparé le programme. J'ai créé les prémices de

8 la réalisation du dit programme. Et c'est alors que lorsque le programme a

9 été lancé que les résultats ont été enregistrés. Et je tiens à mentionner

10 que la dette du pays a chuté de 21 milliards à 12,2 milliards de dollars.

11 Q. Je vous remercie, Monsieur. Paragraphe 18, un des problèmes, et ceci a

12 déjà été mentionné. Ça été l'impression de la monnaie, le fait de battre la

13 monnaie. Vous n'avez pas été soutenu dans le secteur agricole, pour ce qui

14 est de l'émission d'argent. Et vous prévoyiez que ceci soit fini, ailleurs.

15 Et que vous prévoyiez un régime où il n'y aurait pas augmentation des prix

16 agricoles. Vous aviez des stocks de blé, de maïs, et d'autres produits de

17 base. Afin d'intervenir et ainsi de contrôler, de maîtriser les prix, dans

18 le cadre de votre lutte contre l'inflation, est-ce qu'il n'y a pas aussi

19 exportation de produits vers l'Union soviétique qui étaient payés

20 automatiquement par la banque sans qu'il y ait preuve du paiement par

21 L'URSS ? Je pense que Jovic fait notamment un commentaire à ce propos dans

22 son ouvrage. Et c'était une pratique jusqu'alors. Vous avez essayé de la

23 modifier. Vous avez demandé qu'il ait des preuves de paiements fait à la

24 banque nationale, avant le versement de ces produits, et ceci a permis une

25 amélioration dans le taux de change, notamment dans par rapport aux

Page 28012

1 dollars. Ceci est mentionné à l'intercalaire 4 et puis à l'intercalaire 5,

2 là où sont repris des extraits de l'ouvrage rédigé par Jovic. Et je fais

3 une bonne synthèse de tout cela. Dites-moi si c'est exact ou pas.

4 R. Oui, vous avez très bien résumé le tout. Je voudrais ajouter,

5 cependant, une chose. La coutume était en Yougoslavie auparavant auprès de

6 notre gouvernement, et avant l'établissement de ce programme de recourir

7 abondamment à l'émission primaire pour ce qui était de financer bon nombre

8 de domaines, y compris le domaine du déficit budgétaire pour financer

9 l'agriculture notamment, pour financer également le déficit qui survenait

10 dans les échanges avec l'URSS. La décision ferme que nous avons prise, en

11 notre qualité de partie intégrante du programme en question, consistait à

12 ne pas devoir se servir de l'émission primaire, ne serait-ce que pour le

13 financement du budget de la fédération, exception faite de -- mais qui

14 était précisément délimité. S'agissant de l'agriculture, nous avions prévu

15 des fonds budgétaires pour apporter de l'aide à l'agriculture, et nous

16 avions prévu dans le budget également des moyens d'intervention pour ce qui

17 est de l'agriculture, mais non pas en imprimant des billets au niveau de la

18 banque centrale.

19 Pour ce qui est de l'URSS, il s'est créé là une dette énorme --

20 Q. Tenant compte du temps, s'il vous plaît, Monsieur Markovic. J'en suis

21 désolé, mais je pense qu'il est préférable d'en parler de façon synthétique

22 dans le cadre de ce résumé.

23 Nous essayons ici de dresser le contexte. Nous avons le budget de 1989, qui

24 avait été préparé avant l'année calendaire 1989, il y a toujours une année

25 de différence. On préfère toujours le budget une année à l'avance, n'est-ce

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1 pas ? Donc 1990 pour 1991, est-ce exact ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Avant de parler des difficultés que vous avez rencontrées au cours du

4 second exercice budgétaire, ceci se trouve au paragraphe 20 de votre résumé

5 signé. Est-ce qu'il y a eu un incident impliquant l'accusé que vous avez

6 qualifié de vol du siècle ? Pourriez-vous nous le résumer en quelques

7 phrases et parler des rencontres que vous avez eues avez l'accusé dans ce

8 cadre.

9 R. Vers la fin de 1990, j'ai été informé par mes amis du fait que le

10 gouvernement serbe -- ou la banque nationale serbe avait opéré une percée

11 dans le système monétaire, et qu'elle avait placé à la disposition de la

12 banque centrale de Serbie 18.2 milliards de dinars, sans que ces moyens-là

13 aient une couverture quelle qu'elle soit. C'était un pillage pur et simple,

14 et cela a secoué les fondements de la Yougoslavie. Et M. Milosevic, qui se

15 vantait de se battre pour la Yougoslavie, a bien montré dans quelle mesure

16 il se battait pour la Yougoslavie, et dans quelle mesure il se battait pour

17 ses propres intérêts à lui.

18 Dès que j'ai été informé de la chose, je l'ai contacté, je l'ai eu au bout

19 du fil, je me suis entretenu avec lui. Je peux vous dire que j'ai été -- je

20 n'y ai pas été avec des gants, et Milosevic a dit qu'il ne savait rien de

21 tout cela. Alors que je lui ai précisé que rien de ce qui se passait en

22 Serbie, ne saurait se passer sans son savoir et, sans son accord, encore

23 moins un pillage de cette envergure de quelques 2 milliards et demi de

24 marks allemands.

25 Il a dit qu'il étudierait la chose, alors je lui ai dit qu'il n'y avait

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1 rien à étudier du tout, mais qu'il fallait prendre des mesures immédiates

2 pour annuler cette décision et restituer la somme en question. Il a dit

3 qu'il étudierait la chose et il dirait que, si c'était vrai, il le ferait.

4 Il ne l'a pas fait, bien entendu. J'ai convoqué immédiatement une session

5 du gouvernement, et le gouvernement fédéral a donné l'ordre à la banque

6 centrale de Yougoslavie de prendre des mesures rigoureuses à l'encontre de

7 la banque centrale de Serbie pour que cet argent soit restitué au plus

8 vite. Et je crois qu'au bout de deux ou trois de semaines, il a été

9 restitué peu une dizaine de milliards, mais le reste n'a pas pu être

10 restitué.

11 Q. Ce qui fait que ce milliard de marks allemands était passé --

12 R. Il s'agissait de 2 milliards et demi. Là-dessus nous n'avons pas pu

13 nous faire restituer un milliard de marks.

14 Q. Et ce vol avait été réalisé en manipulant le système bancaire, n'est-ce

15 pas ?

16 R. Oui, c'était en manipulant le système bancaire. Ce n'était pas de

17 l'argent véritable, c'était de l'argent scriptural, tel qu'il en existe

18 dans les fonctionnements bancaires.

19 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, vous trouvez ce sujet à

20 l'intercalaire 6.

21 Q. Avançons, si vous le voulez bien, nous passons à l'année suivante pour

22 parler des difficultés budgétaires rencontrées en 1991. A ce moment-là,

23 nous sommes au paragraphe 21. Est-ce que les difficultés surgissaient parce

24 que la Slovénie et la Croatie refusaient de verser des impôts que,

25 normalement, elles devaient verser au budget fédéral. Ce qui veut dire que

Page 28015

1 tout l'équilibre budgétaire a été rendu beaucoup plus difficile ?

2 R. Au tout début de la mise en place du budget pour l'année 1991, nous

3 avions encore des conditions normales, indépendamment des percées opérées

4 par la banque centrale de Serbie. Ces ponctions de la banque centrale, nous

5 avons donc constitué un budget fédéral comme à l'accoutumer, et nous

6 l'avons fait comme en 1989 pour l'année 1990, nous l'avons fait en 1990

7 pour 1991. Toutefois, dans le courant de cette année-là, il se manifeste

8 des aggravations de relation entre certaines parties de la Yougoslavie,

9 notamment entre la Slovénie et la Croatie, et la Serbie ou, du moins, la

10 partie de celle-ci qui était sous contrôle de Milosevic, donc je ne parle

11 pas donc seulement de la Serbie, dans une phase déterminée de la

12 proclamation de son indépendance et de sa sécession. Pour ce qui est de la

13 Slovénie et de la Croatie, il y a usurpation de leur part de fonds qui

14 étaient des fonds destinés à alimenter le budget fédéral, tel que les

15 douanes, les autres recettes. Et c'est ainsi dans la réalité le budget

16 s'est vu priver d'une bonne partie des recettes fédérales. Par la suite, la

17 Serbie a décidé de cesser de payer, elle aussi, et de fait il n'y a plus

18 que la Bosnie et la Macédoine, qui ont continué à verser des fonds dans ce

19 budget, c'étaient es républiques les plus pauvres à l'époque, et elles ne

20 pouvaient en aucun cas couvrir les nécessités qui étaient -- qui

21 découlaient des obligations du budget fédéral. Donc il a fallu de plus en

22 plus procéder à des émissions de monnaies et la réglementation

23 l'interdisait, nous en pouvions nous endetter que jusqu'à un certain

24 niveau.

25 Cela étant donné qu'il y a eu de grands changements dans cette année et de

Page 28016

1 grandes modifications pour ce qui est de la banque centrale, le conseil de

2 la banque centrale a vu les gouverneurs de Slovénie et de Croatie quitter

3 cette direction collégiale et ils ne pouvaient plus être -- on ne pouvait

4 plus garder l'émission monétaire sous contrôle parce que c'est le conseil

5 des gouverneurs qui approuvait les émissions monétaires.

6 Et il est survenu ce que la même chose que dans le cas où M. Milosevic

7 avait pris 18.2 milliards de dinars. C'était donc des émissions monétaires.

8 On a continué à émettre de la monnaie -- à frapper de la monnaie pour

9 financer ceci ou cela. Je n'ai plus été en mesure d'empêcher les choses

10 parce que la situation évoluait de façon à entraver mes activités et ma

11 possibilité d'intervention dans toutes les directions, y compris dans

12 celle-ci.

13 Q. [Hors micro] -- arriver l'automne le début d'hiver 1991, vous vous

14 trouvez isoler et isoler dans ce gouvernement -- paragraphe 22, de la

15 déclaration signée -- sans aucun appui, sans aucune possibilité de faire

16 avancer les choses. A un moment donné, vous préparez un rapport --

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas l'intention

18 d'examiner de façon détaillée de ce rapport avec le témoin aujourd'hui. Il

19 nous l'a montré hier. Nous avons réussi obtenir un projet de traduction. Il

20 y a plusieurs pages

21 dans ce document, mais il fait la synthèse des événements et je vais

22 demander éventuellement que ceci soit ajouté à la pièce 569 -- 570,

23 excusez-moi, et en devienne l'intercalaire 16, je ne sais pas si ceci

24 convient.

25 Q. Est-il exact, Monsieur Markovic, que vous avez préparé ce rapport ?

Page 28017

1 Nous n'allons pas l'examiner maintenant, mais les Juges l'ont à leur

2 disposition.

3 R. Oui.

4 Q. Cependant, je vais vous demander d'intervenir sur un document plus tard

5 à ce stade de la procédure je vais vous demander de lire la déclaration que

6 vous avez fait au moment où vous avez démissionné le 20 décembre avant de

7 partir pour Graz via Zagreb.

8 M. NICE : [interprétation] Peut-être ceci pourra-t-il devenir

9 l'intercalaire 17. Nous aurons une traduction en bon et dû forme en temps

10 utile.

11 R. "Je vous remercie de me fournir l'opportunité pour ce qui est de

12 publier, pour la première fois, dans la totalité, la déclaration du premier

13 ministre démissionnaire. Permettez-moi d'en donner lecture. C'est très bref

14 : la crise politique et la guerre ont culminé et ont éliminé les résultats

15 de les réformes ainsi que les processus de démocratisation. Ni le soutien

16 du monde, de la Communauté européenne, des Nations Unies, des Etats-Unis,

17 de la Troïka, et les accords de cessation de feu allant d'Igalo jusqu'à

18 Genève, la conférence La Haye n'ont pas permis d'aboutir à une solution

19 pacifique de la crise yougoslave. La guerre s'est enflammée de plus en plus

20 avec beaucoup de villes et de villages détruits en Croatie et menace de

21 s'élargir à la Bosnie-Herzégovine, ainsi que sur la totalité du pays. Il y

22 a un grand nombre de réfugiés, notamment de gens pauvres qui sont privés de

23 tout biens. La catastrophe économique ne fait que s'approfondir, l'hyper-

24 inflation ne fait que croître, il y a des millions de chômeurs et il y a

25 chute de la production, une grande misère de millions de personnes et de

Page 28018

1 citoyens de ce pays qui n'en sont pas responsables et cela conduire

2 indubitablement à une explosion sociale d'envergure que l'on n'a pas vue à

3 ce jour.

4 Pour stopper ce processus de détérioration, chacun d'entre nous et tous

5 ensemble, nous devons stopper immédiatement la paix -- cessez la guerre et

6 remettre en place -- rétablir la paix, faire venir les casques bleus et

7 s'en tenir aux documents de Bruxelles, de la Haye, ainsi que continuer à

8 rechercher des solutions à la crise par des moyens pacifiques. Le conseil

9 exécutif fédéral dans le processus d'interruption ou de mise d'un terme à

10 la crise dans ces conditions de guerre et de destruction n'a aucune

11 compétence pour ce qui est d'intervenir, et encore moins de se faire

12 facteur clé de la politique. Le budget pour l'année prochaine, qui est

13 requis de la part du conseil exécutif fédéral, devrait entraver la

14 continuation de la guerre parce que 80 % du budget est destiné au

15 financement de l'armée populaire yougoslave, ce qui se trouve tout à fait

16 hors du contrôle du conseil exécutif fédéral. Ce financement se fait avec

17 l'émission de monnaie, donc en imprimant de l'argent, et cela contribue

18 énormément à la croissance de l'hyper-inflation. Cela signifie non

19 seulement la continuation de la guerre, la mort et la destruction, mais

20 aussi la perte de toutes perspectives économiques et sociales, chose en

21 faveur de laquelle je m'étais employé sans cesse dans le courant de

22 l'exercice de mon mandat.

23 Pour toutes ces raisons-là, je ne vois pas d'autres possibilités si ce

24 n'est celle de restituer le mandat qui m'est confié. J'ai toujours été

25 favorable à la démocratie et à la paix et contre la guerre. C'est la raison

Page 28019

1 pour laquelle je ne puis proposer un budget, je ne peux le faire et je ne

2 vais pas le faire. Etant donné que le parlement de la République socialiste

3 fédérative de Yougoslavie ne fonctionne plus en sa qualité de parlement

4 représentant toutes les parties de la Yougoslavie et étant donné que la

5 présidence tronquée de la RSFY, de par sa composition, ne se trouve pas

6 être qualifiée pour l'adoption de conclusions valides, il n'y a pas

7 d'organes auxquels je pourrais légalement restituer mon mandat. C'est à cet

8 effet que je suis disposé à m'engager en faveur de toute activité qui sera

9 requise de ma part, de la part des représentants de ce pays ici et des

10 facteurs internationaux pour empêcher la guerre et empêcher les tueries

11 entre les membres de ces populations, et je m'emploierai en faveur d'une

12 recherche de solutions pacifiques et démocratiques à notre crise. Merci."

13 Q. Je vous remercie. Vous avez également dit cela aux journalistes et vous

14 êtes parti pour Graz.

15 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je me propose de revenir

16 maintenant au paragraphe 23, et de parler du paragraphe 23 au paragraphe

17 50. J'en parlerai ultérieurement, mais j'ai l'intention maintenant de me

18 référer au paragraphe 51.

19 Q. Monsieur Markovic, après nous avoir présenté la scène politique dans

20 laquelle vous avez eu des contacts avec l'accusé Milosevic, je voudrais que

21 nous traitions plus en détails de vos contacts mutuels.

22 Je crois que votre première rencontre se situait à Zagreb en 1986 ou 1987,

23 et par l'intermédiaire d'une personne qui s'appelait Ivan Stambolic et qui

24 se trouvait être votre ami. C'est lui qui a organisé une visite des

25 représentants officiels de la Serbie à la Croatie et n'est-ce pas la

Page 28020

1 première fois où vous avez fait la connaissance de l'accusé ?

2 R. Oui.

3 Q. Par la suite, le premier contact de travail que vous avez eu avec lui

4 avait été -- ce premier contact, je voudrais savoir ce qu'il est

5 intervenu ?

6 R. Un jour après la session du comité central de la Ligue des communistes

7 de Serbie, où Milosevic a renversé Ivan Stambolic et où il a expulsé du

8 comité central, tout comme un certain nombre d'autres personnes qui étaient

9 aux côtés de Stambolic, il m'avait appeler. J'étais à l'époque président de

10 la présidence de Croatie, mais, en même temps, j'ai pendant un grand nombre

11 d'années, j'avais été à la tête de la banque yougoslave chargée de la

12 coopération économique avec l'étranger. J'étais président du PDG de Rade

13 Koncar, une très grande entreprise, et j'avais organisé certains

14 entrepreneurs en Yougoslavie pour ce qui était de créer une banque appelée

15 JUBMES, banque yougoslave pour la coopération internationale pour apporter

16 un soutien aux exportations yougoslaves.

17 Et Milosevic, lui, m'avait demandé si j'étais en mesure de trouver un poste

18 à l'intention de Ivan Stambolic dans cette banque chargé de la coopération

19 économique internationale ? Etant donné que j'avais beaucoup d'estime pour

20 Ivan Stambolic et étant donné que je savais que sa survie en Serbie serait,

21 je dirais, difficile -- peut-être même impossible -- j'ai accepté de

22 l'aider et j'ai fait en sorte qu'il soit nommé au poste de président de

23 cette banque. Et c'était M. Marjanovic qui était président de cette banque

24 jusque-là -- c'était un bon ami à moi -- M. Ilija Marjanovic, et nous

25 avions convenu que lui démissionne et que l'on cède la place pour Ivan

Page 28021

1 Stambolic. C'est ainsi qu'Ivan Stambolic a été nommé directeur général de

2 JUBMES et M. Ilija Marjanovic est devenu son adjoint.

3 Q. Suite à cette rencontre de travail avec l'accusé, avez-vous été chargé

4 de former le gouvernement et ceci a-t-il été approuvé d'une quelconque

5 manière par l'accusé à quelque moment que ce soit ?

6 R. Il y a une différence fondamentale entre quelque chose -- entre la

7 courtoisie, la formalité et un comportement basé sur de réels fondements.

8 Donc tout s'est passé dans la courtoisie qui est fait depuis le premier

9 jour, avait pour but d'empêcher le fonctionnement du gouvernement que je

10 dirigeais. Les relations ont souvent été interrompues, d'ailleurs à cet

11 égard, je vais vous réciter un exemple, celui de Stambolic qui a obtenu ce

12 poste de président de la banque yougoslave chargée de la reconstruction et

13 du développement. C'est à ce moment-là --

14 Q. Veuillez poursuivre.

15 R. A ce moment-là, Milosevic m'a demandé de refuser la possibilité pour le

16 conseil exécutif fédéral d'apporter son soutien à la réélection de

17 Stambolic. En fait, cette banque était une banque importante en Yougoslavie

18 puisque de nombreuses entreprises y avaient leurs comptes, celles notamment

19 qui exportaient. Mais l'état fédéral avait ses propres intérêts dans cette

20 banque par le billet du budget et de la participation de cette banque au

21 fonctionnement du budget. Mais l'état n'avait pas la majorité au sein de

22 cette banque et l'état devait donc toujours intervenir et user de son

23 influence pour obtenir des décisions favorables à ses intérêts. Donc

24 Milosevic m'a demandé de proposer, au nom du conseil exécutif fédéral, que

25 Stambolic ne soit pas réélu au poste au poste de président de cette banque.

Page 28022

1 J'ai refusé d'intervenir dans ce sens. Cela n'était pas justifié et en fait

2 Milosevic a fait savoir que, personnellement, il ne souhaitait pas que

3 Stambolic continue à travailler puisque ce dernier, à son avis, s'ingérait

4 dans des affaires propres à la Serbie comme il le disait à l'époque. Je ne

5 savais rien de tout cela et je ne pensais pas que des preuves existaient

6 pour confirmer ces dires.

7 Donc j'ai refusé d'agir dans ce sens et Milosevic a, à ce moment-là, écrit

8 une lettre adressée au conseil fédéral exécutif en demandant officiellement

9 à ce conseil de ne pas soutenir la réélection de Stambolic au gouvernement

10 yougoslave. Quant à moi, j'ai obtenu un mandat pour continuer à informer le

11 conseil exécutif fédéral de ce qui se passait et j'ai donc participé à la

12 réunion de l'assemblée de la banque pour soutenir la réélection de

13 Stambolic qui a obtenu la majorité écrasante des voix.

14 Q. A ce moment-là --

15 R. Excusez-moi, je me permettrai de terminer. De nombreuses entreprises

16 ont voté pour Stambolic.

17 Et suite à cela, Milosevic a cessé toute communication avec moi et avec le

18 gouvernement fédéral pendant plusieurs mois, ce qui montrait, qu'à son

19 avis, la possibilité pour le système gouvernemental de fonctionner n'avait

20 guère d'importance. La Serbie était la plus grande République de

21 Yougoslavie. Il n'aimait pas que ses demandes soient rejetées. En raison de

22 cela, il a bloqué le travail entre la Serbie et les autres républiques au

23 sein du gouvernement fédéral.

24 Q. Un point sur lequel les choses ne sont pas tout à fait claires. A ce

25 moment-là, Stambolic était bien, n'est-ce pas, un concurrent potentiel sur

Page 28023

1 le plan politique par rapport à l'accusé ?

2 R. Théoriquement, ce n'était pas le cas. Il ne s'occupait de politique,

3 mais il prenait un certain nombre de positions, pas seulement au niveau de

4 la Serbie, mais également au niveau de la Yougoslavie. C'était un homme

5 éminemment respecté qui était très compétent, très honnête et il

6 constituait un danger pour Milosevic par sa manière de vivre tout

7 simplement.

8 Q. Revenons au paragraphe 53 sur des aspects plus généraux. Vous parlez de

9 l'accusé et je vous demande si l'accusé était ouvert dans sa façon de

10 travailler, s'il était droit ? Et puis deuxième question : nous avons

11 entendu des témoins qui ont souvent dit qu'il fonctionnait souvent à base

12 d'entretiens en tête à tête avec certaines personnes. Est-ce que c'est bien

13 ce que vous avez vécu vous-même ?

14 R. Et bien, tout dépend. Milosevic disait rarement exactement ce qu'il

15 pensait et puis il était donc très difficile d'apprécier ou de se rendre

16 compte de ce qu'il voulait exactement. Tout ce qu'il disait, il fallait le

17 prendre avec quelques réserves, et il fallait donc s'occuper de la tendance

18 générale exprimée par lui et en déduire un certain nombre de choses par la

19 suite. Donc je n'ai jamais eu l'impression qu'il travaillait de façon

20 constructive pour l'ensemble du pays. Je n'avais rien de valable pour

21 fonder cette impression -- rien de matériel pour fonder cette impression,

22 mais je dois dire que, lorsque je parlais avec lui, il parlait de la Grande

23 Serbie plutôt que d'autres choses. Il était toujours favorable au maintien

24 de l'existence de la Yougoslavie. Mais, en même temps, ce qu'il faisait

25 concrètement sapait, à la base, le pays, c'est-à-dire, la Yougoslavie.

Page 28024

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Markovic, pourquoi est-ce

2 que Milosevic n'a pas obtenu satisfaction dans sa tentative d'écarter

3 Stambolic ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne dépendait de lui, donc il ne pouvait

5 pas faire grand-chose parce que la banque, pour la coopération économique

6 yougoslave, était une institution yougoslave. Je parle de cet JUBMES.

7 C'était une institution indépendante et, si quelqu'un avait compétence sur

8 le fonctionnement de cette banque, c'était le gouvernement fédéral, donc M.

9 Milosevic ne pouvait pas exercer d'influence pour remplacer Ivan Stambolic

10 à son poste. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était convaincre les

11 membres de l'assemblée de la banque yougoslave de voter contre lui à

12 l'assemblée annuelle. Mais, comme je l'ai déjà dit, la majorité des

13 délégués présents à cette assemblée ont voté pour Stambolic lors de

14 l'assemblée de la JUBMES.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

16 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous

17 occuper d'un autre intercalaire. Je ne trouve pas ce document dans

18 l'immédiat. Je le trouverai plus tard et nous y reviendrons.

19 Q. En dehors de tout ce qu'il a fait, suite à cette tentative avortée de

20 remplacer Stambolic à son poste, nous avons, n'est-ce pas, que vous avez

21 été attaqué dans la presse par Jovic ?

22 R. Oui. Oui. Mais pas seulement par Jovic. En effet, à cette époque, il

23 m'avait été demandé donc d'appuyer la volonté de Milosevic de remplacer

24 Stambolic à son poste et, dans ces conditions les médias, la presse de

25 Serbie, mais également au Monténégro, si je ne m'abuse, s'est organisée

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1 contre moi -- contre moi personnellement et pas simplement contre le

2 conseil exécutif fédéral. Et puisque nous parlons de cela, vous me

3 permettrez sans doute d'ajouter un autre élément qui peut-être n'est pas

4 pertinent, mais, lorsque les raids de l'OTAN ont commencé sur la

5 Yougoslavie à cause du Kosovo, Ivan Stambolic m'a appelé au téléphone

6 depuis la Bulgarie où il se trouvait. Lorsque nous étions tous deux à

7 Belgrade, nous avions fréquemment des contacts et je dirais que nos

8 positions étaient assez similaires. Donc nous nous sommes beaucoup

9 rapprochés et nous pouvions traiter d'un certain nombre de choses sur un

10 plan intime si je puis utiliser ce terme. Donc Stambolic m'a appelé depuis

11 la Bulgarie, il m'a dit : "Je vois de quelle façon la situation évolue et,

12 en dépit du fait que jusqu'à présent je ne voulais pas le faire, je crois

13 que je vais devoir m'investir dans la politique." Bien entendu, je lui ai

14 donné mon assentiment compte tenu de l'importance de cet engagement et,

15 apparemment, je n'ai pas été le seul à l'appuyer dans ce sens. D'autres

16 l'ont fait également et c'est la cause de la disparition de Stambolic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation] J'aimerais que nous ayons au compte rendu

18 d'audience le numéro exact de l'intercalaire que vous avez mentionné tout à

19 l'heure, Monsieur Nice, au sujet de Stambolic.

20 M. NICE : [interprétation] C'est l'intercalaire 14. Excusez-moi de ne pas

21 l'avoir eu sous la main tout à l'heure. Donc, en rapport avec ce que nous

22 avons dit, il y a un instant, il s'agit de l'intercalaire 14, et nous

23 allons maintenant traiter de l'intercalaire 15, qui correspond au

24 paragraphe 57, de la déclaration du témoin.

25 Q. Monsieur Markovic, à l'automne 1990, l'accusé vous a-t-il contacté pour

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1 vous parlez d'une modification de la constitution, et vous a-t-il fait une

2 proposition ?

3 R. Et bien, je dirais qu'il s'agissait d'une conversation officieuse, très

4 libre, lorsque nous avons pensé qu'il convenait d'apporter certaines

5 modifications à la constitution, le président Milosevic a dit, à ce moment

6 : "Que ces réformes devaient être précédées par un remplacement de

7 l'ensemble de la présidence, qui était inefficace et ne travaillait plus

8 dans le pays, en empêchant toute progression du pays." Donc, il a proposé

9 que la présidence soit remplacée par un président unique. J'ai répondu que

10 nous pourrions travailler à ce projet ensemble, et que nous devions

11 proposer une nomination pour le poste de président. Mais je n'ai pas pris

12 cela tout à fait au sérieux. Parce qu'afin d'obtenir les modifications

13 nécessaires à la constitution, il fallait avoir l'agrément de toutes les

14 républiques. C'était un processus long et complexe qui ne pouvait pas se

15 faire très rapidement. Donc, je ne me suis pas intéressé à tout cela à ce

16 moment-là, si c'est de cela que vous parliez.

17 Q. Merci. Donc, nous avons traité de cette question dans la mesure où elle

18 est abordée à l'intercalaire 15.

19 J'aimerais maintenant que nous parlions de Karadjordjevo, de cette

20 rencontre en mars 1991, entre Tudjman et l'accusé. Suite à cette rencontre,

21 avez-vous eu des entretiens avec Tudjman et avec l'accusé ? Et ont-ils lors

22 de ces entretiens, abordé la question de cette réunion ?

23 R. Oui.

24 Q. Il y a deux évocations de cela dans votre déclaration préalable. Donc,

25 je vous demanderais soit de dire ce que Tudjman vous a dit à ce moment-là

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1 dans l'ordre chronologique, soit de traiter de l'ensemble des questions

2 abordées dans cet intercalaire de la manière qui vous conviendra le mieux.

3 R. J'avais reçu des informations au sujet des thèmes abordés lors de la

4 réunion de Karadjordjevo. J'avais appris que lors de cette rencontre de

5 Karadjordjevo, il avait été question de la scission de la Bosnie-

6 Herzégovine pour -- dans le but de la partager entre la Serbie et la

7 Croatie. J'avais appris également que Milosevic et Tudjman avaient accepté

8 cette division de la Bosnie, et qu'il avait été question de la démission ou

9 du licenciement du premier ministre, Ante Markovic, puisque ce dernier

10 empêchait la mise en œuvre de cette scission de la Bosnie-Herzégovine.

11 Donc, de ma propre initiative, j'ai eu une rencontre avec Milosevic à

12 Belgrade, et avec Tudjman à Zagreb. J'ai parlé très ouvertement à l'un

13 comme à l'autre, selon mon habitude. Et suite à ces entretiens, il m'a été

14 confirmé que les deux hommes s'étaient mis d'accord pour diviser la Bosnie-

15 Herzégovine. Milosevic, me l'a dit très rapidement. Tudjman, a eu besoin

16 d'un peu plus de temps pour reconnaître ce fait, et admettre que les deux

17 hommes avaient conclu un accord allant dans ce sens.

18 Mais leur interprétation de l'accord, différait. Milosevic déclarait que la

19 Bosnie-Herzégovine était une entité artificielle créée par Tito. Et que

20 finalement cette entité ne pouvait pas survivre en tant que telle, puisque

21 la majorité des Musulmans vivant en Bosnie-Herzégovine étaient, en fait,

22 des orthodoxes convertis par la force. Pour ce qui me concerne, j'ai dit la

23 même chose aux deux hommes. J'ai demandé à Milosevic, "Penses-tu que tout

24 cela va se terminer aussi simplement que cela ? Penses-tu que vous pourrez

25 agir de cette façon sans aucune effusion de sang, et même sans aucune

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1 effusion de sang très importante de sang ?" Milosevic m'a dit qu'il pensait

2 qu'il n'y aurait pas d'effusion de sang. Il m'a dit que la Bosnie-

3 Herzégovine, à son avis, était peuplée en majorité de Croates et de Serbes,

4 et que c'était la raison pour laquelle, il pensait qu'il n'y aurait pas

5 d'affrontement. Et de toute façon, il m'a annoncé qu'ils avaient prévu une

6 enclave pour abriter les Musulmans, et que les Musulmans donc, pourraient

7 continuer à vivre dans cette enclave, après la division de la Bosnie-

8 Herzégovine.

9 J'ai dit la même chose à Tudjman, à qui j'ai notamment

10 demandé : "Penses-tu vraiment que les gens qui vont perdre la vie à cause

11 de l'intervention des fusils, est-ce que tu penses vraiment que toutes ces

12 victimes n'entraîneront pas une palestinisation de la Bosnie-Herzégovine ?

13 Combien de victimes va-t-il y avoir ? Combien de destruction ?" Tudjman m'a

14 répondu qu'il ne pensait pas que les choses en arriveraient là. Il a

15 déclaré : "L'Europe ne permettrait pas qu'un état musulman se crée en son

16 cœur. Nous aurons le soutien de l'Europe. Quant à tes craintes de voir une

17 guerre éclater, tout ce que je peux dire, c'est que la Bosnie disparaîtra

18 sans effusion. Parce que dans toute l'histoire, la Bosnie est toujours

19 tombée en dehors du moindre conflit armé." Donc, tout cela dans notre

20 langue, voulait dire qu'il pensait que la Bosnie allait disparaître dans un

21 murmure. Tudjman a déclaré que, de toute façon, les Musulmans étaient

22 d'anciens catholiques qui avaient été contraints à se convertir à la

23 confession islamique. Donc, les deux hommes admettaient cette réalité, et

24 estimaient que la situation était tout à fait normale. Tudjman a même

25 demandé mon soutien pour la division de la Bosnie-Herzégovine.

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1 Quant au licenciement du premier ministre fédéral, les deux hommes ont

2 déclaré qu'effectivement ce sujet avait été abordé à Karadjordjevo. Mais

3 chacun disait que c'était l'autre qui en avait fait la proposition. Mais

4 bien entendu, il n'y avait pas possibilité pour l'interlocuteur de nier

5 l'affirmation faite par l'un ou l'autre de ces hommes.

6 De toute façon, j'ai quitté ces deux hommes avec un très grand

7 mécontentement. J'ai dit que je me battrais jusqu'au bout, et que je ferais

8 tout ce qui était en mon pouvoir pour m'opposer à ces décisions. Mais je

9 n'ai pas pu faire grand-chose, car empêcher une intervention en Bosnie-

10 Herzégovine et l'effusion de sang qui allait s'en suivre, la masse de

11 réfugiés, le nettoyage ethnique et la destruction de l'économie et de la

12 société, n'étaient pas possible à moi tout seul, à ce moment-là. Or, c'est

13 précisément ce qui s'est passé par la suite.

14 Q. Nous pouvons peut-être revenir à la chronologie, donc au paragraphe 35,

15 de votre déclaration, si cela n'ennuie pas les Juges. En juillet 1991, M.

16 Markovic, -- non, non, non, excusez-moi. J'ai omis de vous parler d'un

17 point particulier.

18 S'agissant de votre rencontre avec l'accusé pour parler de Karadjordjevo,

19 de quelle façon l'accusé vous a-t-il expliqué ce qui s'était passé à cette

20 réunion de Karadjordjevo ? Que vous a-t-il dit quant à la façon dont la

21 situation à venir avait été discutée suite à cette réunion de

22 Karadjordjevo ?

23 R. Et bien, comme je l'ai dit, il m'a déclaré que, compte tenu des

24 rapports qui existaient entre les Serbes, les Croates et les Musulmans, les

25 choses allaient se passer comme je vous l'ai dit tout à l'heure. Mais moi,

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1 j'ai insisté. Et j'ai demandé : "Mais qu'est-ce qui se passera si la guerre

2 éclate tout de même, en dépit de tout cela ?" Et à ce moment-là, il a dit :

3 "Et bien, nous verrons à ce moment-là." Et il s'en est tenu là.

4 Q. Avez-vous dit à l'un ou l'autre des deux hommes, ou aux deux, si vous

5 alliez accepter leur volonté, ou si vous alliez vous y opposer ?

6 R. J'ai déjà dit, tout à l'heure, que j'avais déclaré que j'allais

7 m'opposer à ces propositions avec tous les moyens à ma disposition, qui

8 n'étaient pas énormes mais quels que soient ces moyens, j'ai déclaré que je

9 les utilisais jusqu'au bout pour me battre contre ces décisions.

10 Q. Avez-vous informé le défunt Alija Izetbegovic de ce qui allait se

11 produire ?

12 R. Oui, mais pas toute de suite. Un peu plus tard.

13 Q. Fort bien. Revenons maintenant, à votre déclaration initiale que vous

14 avez signée, paragraphe 35. Sur la base des rapports que aviez avec

15 Izetbegovic en juillet 1991, avez-vous appris l'existence d'un plan destiné

16 à armer les Serbes de Bosnie-Herzégovine ?

17 R. A cette époque-là, je me rendais assez souvent en Macédoine pour

18 rencontrer Gligorov et je rencontrais également, assez souvent, Alija

19 Izetbegovic en Bosnie. Il ne se passait pas de mois sans que je rencontre

20 l'un ou deux de ces hommes ou les deux. Et lors de ces entretiens, Alija

21 Izetbegovic m'a dit qu'il possédait des écoutes téléphoniques de

22 conversations entre Milosevic et Karadzic desquelles il ressortait à

23 l'évidence que des unités paramilitaires serbes, présentent en Bosnie-

24 Herzégovine, étaient en train de s'armer. Je lui ai demandé de me

25 transmettre ces écoutes téléphoniques, et il me les a envoyées par le

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1 billet de son ministre de l'Intérieur, qui est venu me voir à Belgrade et

2 qui a diffusé ces cassettes à mon intention. En écoutant ces cassettes,

3 j'ai reconnu la voix de Milosevic et la voix de Karadzic et j'ai entendu

4 qu'ils parlaient d'organisation de l'armée, de l'arrivée d'hélicoptères, de

5 l'arrivée d'un certain colonel, de la mise en œuvre d'un certain plan RAM.

6 Je ne savais pas ce que cela voulait dire. Et de la distribution de

7 munitions qu'il fallait aller chercher à des endroits déterminés et qu'il

8 fallait donc obtenir, recevoir, à des endroits déterminés.

9 Alija Delimustafic, un ministre de Bosnie-Herzégovine, m'a montré tout

10 cela. A ma demande, car à ce moment-là, le Conseil exécutif fédéral tenait

11 une séance et je souhaitais diffuser ces cassettes durant la séance du

12 Conseil exécutif fédéral, mais il n'a pas été d'accord avec cela. Il a

13 effacé les bandes. Donc, j'ai donné ce renseignement au cabinet. En tout

14 cas, j'ai fait savoir au cabinet ce que je savais moi-même. J'ai parlé de

15 cela lors d'une rencontre du gouvernement --

16 Q. Veuillez poursuivre. Une fois que le gouvernement a été informé que

17 s'est-il --

18 R. L'amiral Brovet a participé à cette réunion. Il a nié la chose. Il a

19 dit que c'était impossible, que c'était un faux, que l'armée n'avait rien à

20 voir avec tout cela. Or, c'était tout à fait véridique parce que j'ai

21 clairement reconnu les voix et il était tout à fait clair que les deux

22 hommes parlaient de distribution d'armes et de différents endroits où il

23 serait possible d'obtenir ces armes.

24 J'ai entendu, d'ailleurs, une cassette tout à fait semblable dans votre

25 bureau. Je n'ai pas entendu les cassettes qui m'avaient été données par

Page 28032

1 Delimustafic, ici, mais ce que j'ai entendu ici était tout à fait

2 similaire. Et le plan RAM était mentionné dans ces enregistrements.

3 Q. Vous avez donc écouté dans le bureau du Procureur une cassette dont la

4 transcription figure aux intercalaires 30 et 31, pièce à conviction 353.

5 Elle a déjà été diffusée. On peut la réécouter.

6 M. NICE : [interprétation] Je vois que l'heure tourne. Je suis à la

7 disposition des Juges quant à l'heure de la pause.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le moment de la pause.

9 Monsieur Markovic, nous allons suspendre l'audience pendant 20 minutes. Je

10 vous demanderais, c'est quelque chose que nous disons à tous les témoins

11 dans ce prétoire, je vous rappellerai que vous devez veiller à ne parler à

12 personne du contenu de votre déposition tant que celle-ci n'est pas

13 terminée et lorsque à personne, cela concerne également les membres du

14 bureau du Procureur.

15 Vingt minutes de pause.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

17 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons étudié la question, Monsieur

19 Nice. S'agissant des extraits de ce livre, nous avons déjà adopté une

20 pratique à l'encontre du témoin précédent qui va se répéter ici, c'est-à-

21 dire qu'on va donner une cote provisoire d'identification à ces extraits.

22 M. NICE : [interprétation] Très bien.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est donc la cote qui sera attribuée.

24 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

25 Deux petites questions d'ordre administratif : Nous avons fourni assez

Page 28033

1 tardivement ce résumé qui est devenu maintenant une déclaration aux fins de

2 la procédure. Je ne me plaignais pas de cela et je n'imputais la

3 responsabilité de ceci à personne. Je suis responsable, c'est moi le

4 coupable, sauf preuve du contraire.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vous accuse pas mais manifestement

6 il y a eu méprise.

7 M. NICE : [interprétation] Oui. C'est plutôt le reflet d'une bonne chose, à

8 savoir, de la séparation des pouvoirs entre les Juges et les parties et

9 ceci n'est toujours pas -- quelque fois est surmonté par des échanges

10 téléphoniques. Mais vous savez que pour le moment, le système téléphonique

11 ne fonctionne que partiellement cette semaine. Je crois que maintenant tout

12 ceci est réglé.

13 Deuxième chose, je dispose maintenant, grâce à Mme Bauer, une version

14 annotée de cette déclaration qui précise quels sont les paragraphes repris

15 de la déclaration initiale. Si vous voulez des références, j'en dispose.

16 Nous examinons pour le moment le paragraphe 35 de la déclaration. Je

17 voudrais que le témoin écoute ou examine une partie d'un compte-rendu déjà

18 versé au dossier à l'intercalaire 31 de la pièce 353. Nous allons entendre

19 ceci au moment où l'accusé prend le cornet. Ecoutez la conversation :

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Oui, je me suis entretenu avec les gens au sommet.

22 Oui.

23 Il faut que tu comprennes bien, je ne peux pas tout t'expliquer.

24 Cela relève d'une importance stratégique pour le futur RAM. Tu sais ce que

25 sait ?

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1 Oui, je sais.

2 Il faut que le groupe de Banja Luka soit prêt et mobile.

3 Oui.

4 C'est pour ça qu'il faut que tu doives d'abord faire en sorte qu'elle soit

5 mobile et qu'il n'y ait pas de problème. Et deuxièmement, appelle Uzelac

6 dans une heure pour l'inviter à convenir au plus haut niveau des choses.

7 Oui.

8 Il faut que tu fournisses des personnes en plus.

9 Oui.

10 Il faut qu'il garde le territoire qui bloque les centres et on fera tout

11 venir en hélicoptères.

12 Parfait.

13 Bien. Les un et numéro deux, le numéro 1 et le numéro 2, tu dois t'en

14 occuper en personne. Le reste ou presque est très important.

15 Très bien.

16 Et la troisième des choses que je te dis est extrêmement importante pour la

17 communauté internationale.

18 Oui, mais non, ça c'est en train d'être arrangé. Il faut arranger -- armer

19 les TO de Sipovo, donc Mrkonjic et Sipovo.

20 Et c'est Uzelac qui s'en occupe ?

21 Non, non, c'est je crois au fait oui, c'est lui.

22 Dis-lui qu'il ne faut pas qu'il y ait de problèmes.

23 Très bien.

24 Il faut que nous discutions de tous détails.

25 A Kupres, j'ai 150 hommes, 170 hommes.

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1 Une fois que l'armée sera à Kupres, il faut que les choses se passent comme

2 il faut.

3 Oui, s'il reçoive tout ce qu'il faut. Il faut qu'il se place sous leur

4 commandement. Et là, et là pendant la guerre, il y a eu terriblement de

5 victimes -- ils sont à 50/50 %.

6 Ecoute, ce fou de Seselj leur a baisé leur mère dans l'opposition.

7 Oui, j'ai vu, j'ai entendu.

8 Tu sais ce qu'il a dit : "Il faut que la JNA défende le peuple serbe, ils

9 sont décidés d'attaquer la JNA."

10 Oui, je sais.

11 C'est celui qui porte la cravate du garçon à Zimmerman.

12 Oui, oui.

13 Dieu te baise.

14 Oui, je sais. Je suis au courant.

15 Et il a compris lui aussi.

16 Oui. Il a compris.

17 Et les traîtres n'ont pas compris.

18 J'ai vu ça, j'ai vu ça.

19 Je suis en contact direct avec Mesic.

20 Avez-vous le téléphone d'Uzelac ?

21 Je ne l'ai pas, mais les tiens vont te le procurer.

22 Bon.

23 Il faut que tu ais tout cela.

24 C'est entendu.

25 Donc, tu as tout. Il est très important qu'il ne coupe pas la Krajina.

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1 Oui, oui, on s'en occupe.

2 Si on ne les arrête pas là, s'ils n'ont pas cette brigade comment veux-tu

3 qu'ils les arrêtent ?

4 C'est entendu. Tout ira bien.

5 C'est une guerre, donc ça c'est une partie au conflit.

6 Sans problème.

7 Prends bien compte de tout cela.

8 On s'en occupe, ne vous inquiétez pas."

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. Est-ce là une écoute téléphonique dont vous avez entendu

11 l'enregistrement lorsque vous vous trouviez à La Haye il y a quelques

12 semaines de cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Ces deux voix que l'on entend, est-ce que vous les reconnaissez, l'une

15 ou l'autre, ou l'une et l'autre ?

16 R. Les deux voix sont très claires. Il s'agit de Milosevic et de Karadzic

17 qui s'entretient, du reste, c'est sur ce même enregistrement -- c'est le

18 même enregistrement que Delimustafic m'avait apporté à Belgrade que j'ai

19 déjà entendu là-bas.

20 Q. C'est une des cassettes venant d'une série portant sur un sujet que

21 nous avons évoqué avant la pause il y a une demi-heure.

22 R. Oui.

23 Q. Ces enregistrements sonores avec le général vous révèlent ce qui se

24 passait sur le territoire du pays dont vous étiez le Premier ministre,

25 n'est-ce pas ?

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1 R. De façon très claire.

2 Q. Qu'est ce qui se passait ? Pourriez-vous nous le rappeler. Je sais que

3 nous avons parlé de cela, mais que se passait-il sur ce territoire ?

4 R. Et bien, les choses sont claires. Il s'agissait de préparatifs pour la

5 guerre en Bosnie-Herzégovine. Et là il est question de répartition des

6 unités, de l'armement d'hommes, de l'acheminement d'armes, ils parlent de

7 Banja Luka, et cetera. Donc c'est plus que clair. En hélicoptères même.

8 Q. Je ne sais pas s'il y a des gens qui seraient intéressés par les

9 détails. Si c'est le cas, ils poseront des questions mais on parle ici

10 d'armement. On parle de Zimmerman, c'est en rapport avec -- on parle du

11 garçon qui porte la cravate de Zimmerman ? A quoi ceci fait-il référence ?

12 R. Ça je l'ai entendu, mais je n'ai aucune idée de qui il pourrait s'agir.

13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

14 cette transcription a déjà été versée au dossier avec une cote provisoire.

15 Je ne demande pas nécessairement que ça devienne une cote définitive du

16 fait de ce témoignage mais la déposition du témoin prouve que cette

17 transcription de l'écoute existait en juillet 1991.

18 Q. Revenons maintenant à votre déclaration, page 20, paragraphe 59, il

19 s'agit du paragraphe 16 de la déclaration préalable initiale de ce témoin.

20 Est-ce que vous étiez à la Haye en octobre ou novembre 1991, Monsieur

21 Markovic, au moment où les présidents de la république étaient là avec vous

22 également, et au moment où Vukovar et Dubrovnik étaient en train d'être

23 pilonnés ou avaient été pilonnés ?

24 R. Oui.

25 Q. Avez-vous eu de brèves conversations avec l'accusé et Tudjman à ce

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1 propos ?

2 R. Oui.

3 Q. Pourriez-vous nous donner une explication ?

4 R. Je me suis d'abord entretenu avec Milosevic. Je lui ai dit -- je lui ai

5 demandé s'il ne voyait ce qui se passait -- ce qui se passait à Vukovar, et

6 notamment à Dubrovnik. Et je lui ai demandé : comment peux-tu permettre que

7 l'on bombarde Dubrovnik, une telle localité notoirement connue, patrimoine

8 culturel de ce pays, mais non seulement de ce pays, patrimoine culturel

9 mondial ? Milosevic me

10 dit : "Mais que te imagines-tu -- mais qui aurait la folie de pilonner

11 Dubrovnik ? D'abord, on ne le bombarde pas Dubrovnik." Alors, je lui ai dit

12 qu'on a montré des images à la télévision, et qu'il apparaissait clairement

13 que c'était effectivement le cas.

14 Alors, j'ai demandé à Milosevic d'aller voir Tudjman, et je voulais que

15 Tudjman confirme à Milosevic que ce que je disais était vrai, que l'on

16 était en train de pilonner Dubrovnik. Je l'ai répété. Donc il a répondu de

17 la même façon, que cela n'avait rien à voir, que cela ne se pouvait pas,

18 tout simplement et que, si cela avait été le cas, il l'aurait certainement

19 su. Tudjman a dit tout à fait paisiblement : "Mais tu vois bien ce que nous

20 dit Milosevic." Il n'a rien dit pour ce qui est d'une intervention

21 éventuelle contre le bombardement de Dubrovnik.

22 Q. Vous en avez conclu quelque chose, n'est-ce pas, en tant qu'homme

23 politique se trouvant sur le terrain à l'époque ?

24 R. Il s'imposait logiquement une conclusion, à savoir que Milosevic était

25 l'homme qui exerçait son influence sur ce qui se passait et que Tudjman

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1 n'avait pas trop intérêt à ce que l'on ne pilonne pas Dubrovnik et Vukovar.

2 Cela l'arrangeait du point de vue de l'obtention de cet argument à l'appui

3 pour l'émancipation de la Croatie, ou plutôt la sécession de la Croatie et

4 la reconnaissance de la Croatie.

5 Q. Au cours de cette conversation, au moment où Tudjman a dit -- avoir

6 entendu ce qu'avait dit l'accusé, est-ce qu'il avait d'autres personnes

7 présentes ?

8 R. Il y avait Sarinic. Il était chef de cabinet de Tudjman.

9 Q. Parlant de façon générale de la capacité qu'avait l'accusé de contrôler

10 les événements de l'époque, nous parlons plus précisément de l'armée. Avez-

11 vous quelque chose à dire à propos de l'accord d'Igalo dont vous ne faites

12 pas mention dans la déclaration signée ? Mais sachez que la Chambre de

13 première instance a déjà entendu parler de l'accord d'Igalo.

14 R. Je pense que c'est tout à fait clair. Trois hommes -- Milosevic,

15 Tudjman et Kadijevic -- ont signé un accord à Igalo. Ultérieurement, cet

16 accord a été transformé pour donner lieu à de nouveaux accords, jusqu'aux

17 accords de Genève, c'est donc clair. Les trois hommes, qui avaient le

18 pouvoir politique, qui avaient des armes en main en leur possession et qui,

19 d'une façon ou de l'autre, avaient des soldats sous leurs ordres, ont signé

20 des accords. Ils ont donc assumé la responsabilité pour ce qui est des

21 armes et pour ce qui s'est passé ultérieurement. Ils n'ont pas fait cesser

22 la guerre, et c'est un fait.

23 Q. Vous avez une dernière réunion avec l'accusé. Il en est fait mention au

24 paragraphe 60, de votre déclaration la plus récente. Il s'agit du

25 paragraphe 32, dans la déclaration initiale. Elle s'est tenue à Belgrade.

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1 Et même si vous n'en avez pas parlé, pourriez-vous écouter mon résumé ? Au

2 cours des dernières semaines ou des derniers mois que vous avez passé à

3 Belgrade, est-ce que les choses devenaient un peu dangereuses pour vous en

4 puissance ? Est-ce que vous avez réagi à ce danger en décidant de ne pas

5 vous entourer d'une protection rapprochée ? Vous avez tout au plus placé

6 sous votre oreiller un pistolet la nuit ?

7 R. Pour ce qui me concerne ces derniers mois ont été difficiles, mais

8 difficiles c'est peu dire, ils s'étaient risqués. J'avais un chauffeur qui

9 était venu avec moi de Zagreb et qui avait été mon chauffeur pendant

10 j'étais encore PDG de la société Rade Koncar et, à la tête d'institution

11 par la suite, j'avais un autre homme qui avait assuré ma sécurité. J'étais

12 complètement sûr de lui. Tous les autres je les avais mis à l'écart. J'ai

13 demandé à ne pas être protégé ou gardé par qui que ce soit. Et, dans la

14 situation où je me trouvais, le plus grand danger provenait des personnes

15 qui étaient là pour assurer ma soi-disant sécurité. Donc l'histoire a connu

16 beaucoup d'exemples pour ceux, qui étaient chargés de garder quelqu'un,

17 l'avaient tué.

18 Donc, à titre symbolique, je dirais que je dormais plus tranquille en

19 mettant mon propre pistolet sous mon oreiller, mais cela était tout à fait

20 façon de faire d'illusion parce que qu'est-ce que j'aurais pu faire, face à

21 un grand nombre de personnes ? Mais, dans mes contacts avec Milosevic

22 début décembre, je crois qu'il y en a eu trois ou quatre semaines avant mon

23 départ de Belgrade, et j'avais demandé moi-même à ce que nous nous

24 rencontrions. Cette entrevue a eu lieu dans le cabinet de M. Milosevic.

25 Nous étions seuls, il n'y avait personne d'autres, et nous avons procédé

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1 plus ou moins à des analyses de la situation. Je lui avais d'ailleurs dit

2 que je venais à analyser la situation. La situation était grave, il y avait

3 aggravation de la crise, la guerre s'enflammait. Il n'y avait aucune chance

4 d'aboutir à des accords et la guerre en Bosnie-Herzégovine était devant

5 nous. Alors, Milosevic dit : "Quelle guerre ?" C'était sa façon habituelle

6 de dire. Alors, indépendamment du fait que j'ai su que j'ai eu l'occasion

7 d'entendre la conversation qu'ils ont eu vers la moitié de cette même

8 année, qu'ils ont eu -- lui Milosevic et Karadzic -- et il apparaissait

9 évident que, partant de cette conversation, ils étaient en train de s'armer

10 et ils disaient "quelle guerre", donc je dirais que cette conversation a

11 été une espèce de "time out", de pause, de répit. Et je vais vous laisser

12 entendre que je continuerais à travailler au conseil exécutif fédéral, à me

13 combattre -- à combattre la situation indépendamment du fait que j'avais

14 déjà décidé de m'en aller, et je voulais également me faire une idée des

15 plans de M. Milosevic pour l'avenir. Il ne le disait jamais clairement,

16 mais je voulais déduire de ce qu'il en serait par ce qu'il dirait. Mais ce

17 que je pourrais dire -- c'est tout ce que je pourrais dire au sujet de

18 cette entrevue. Aucune autre caractéristique ne me revient à l'esprit.

19 Q. Est-ce que vous avez formulé quelques allégations que ce soit envers

20 l'accusé, par rapport à ce qu'il avait fait, par rapport aux décisions

21 politiques que vous aviez prises, aux options que vous aviez prises ?

22 R. Non, non. Nous n'avons pas eu de conversation de ce genre.

23 Q. Dans tous les entretiens que vous avez eus avec l'accusé, je crois que

24 j'aurais bien signé à la fin de ce sujet. Avez-vous été à même de discerner

25 si, à votre avis, il était un nationaliste serbe ou pas ?

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1 R. Non, non. Slobodan Milosevic s'est servi de toute chose pouvant lui

2 assurer le pouvoir, l'autorité à l'égard des hommes, et si cela était le

3 nationaliste, il s'en servait. Mais, en principe, lui il n'était pas un

4 nationaliste. Il était tout simplement un homme prêt à se servir de toute

5 chose pour parvenir au pouvoir et pour asseoir ce pouvoir.

6 Q. Revenons peut-être à une partie antérieure de votre déclaration, que

7 j'aborderais plus exactement, puisque nous avons déjà parlé du cadre

8 historique général et de l'implication de l'accusé dans des conversations,

9 notamment, des conversations qu'il a eues avec vous même si ceci est repris

10 ailleurs aussi.

11 Paragraphe 23. Essayez de me répondre simplement par oui ou par non pour

12 gagner du temps lorsque je ferai la synthèse. Paragraphe 23. Le budget

13 militaire, ça s'inscrivait dans le budget général préparé au départ par le

14 ministère de la Défense. Il était ajusté, la présidence en était informée

15 et s'était l'assemblée fédérale qui prenait la décision ultime. Ce qui veut

16 dire qu'en le cadre des préparatifs pour le budget 1991, préparatifs

17 établis en 1990, c'était le gouvernement qui contrôlait et vous, vous aviez

18 toujours le contrôle ?

19 R. Oui.

20 Q. Paragraphe 24. On parle de l'autorité qui est nécessaire pour

21 l'émission d'argent, émission primaire, vous en avez déjà parlé et vous

22 avez dit que Milosevic n'avait pas d'influence sur le conseil des

23 gouverneurs en 1989 et, en 1990, même si ceci a changé dans le deuxième

24 semestre 1991, pourquoi est-ce que ça a changé à ce moment-là ? Pourriez-

25 vous nous le dire ?

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1 R. Et bien, en premier lieu, pour ce qui est des sources de financement du

2 budget de la fédération, où il y a eu des changements vu que l'on ne

3 versait pas les impôts, les douanes, les autres recettes de ce budget

4 n'étaient pas versées. Et, dans les années précédentes, il avait été rendu

5 impossible à la banque nationale d'émettre de l'argent s'il n'y avait pas

6 de fondements pour se faire. Et la composition du conseil des gouverneurs,

7 qui approuvaient une émission primaire éventuelle, était constituée de

8 sorte à faire que les gouverneurs des différentes banques centrales des

9 républiques et des provinces faisaient partie du conseil de ces

10 gouverneurs. Mais, à l'époque, il n'y avait ni le gouverneur de la banque

11 centrale de Croatie, ni celle de Slovénie, donc ce conseil s'est vu

12 affaibli. Ce conseil des gouverneurs se trouvait affaibli et, étant donné

13 la prédominance des hommes à Milosevic, il pouvait faire adopter les

14 décisions qu'il voulait.

15 Q. Je vous remercie.

16 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais peut-être

17 relever qu'à la fin du paragraphe 24, page 9, l'avant-dernière ligne

18 devrait être corrigée. Lorsqu'on dit que la république avait quitté le

19 conseil, il faut apporter une correction. Il faut dire : "Du fait que les

20 gouverneurs de la banque nationale de Slovénie et de Croatie avaient quitté

21 cette organe."

22 Q. Inutile, Monsieur le Témoin, de vous faire examiner des pièces déjà

23 produites par le truchement du témoin Morten Torkildsen. Des références

24 sont faites au livre de Jovic. Elles se trouvent à l'intercalaire 7. Nous

25 pourrons maintenant passer à l'examen de sujets divers.

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1 Dites-nous en quelques mots, s'il vous plaît, les services ou la cour de

2 contrôle public -- le service de la Comptabilité public, le SDK, était-ce

3 le seul instrument permettant d'effectuer des opérations financières entre

4 institutions de la République fédérale ?

5 R. D'une manière générale, les transactions financières se passaient par

6 ce service de Comptabilité public. Il n'y avait pas d'autres moyens de le

7 faire. Nous avions déjà prévu une réforme qui devait permettre de faire les

8 transactions vers les banques, mais cela ne s'est pas réalisé.

9 Q. Il demeurait possible, par conséquent, de faire des transferts de fonds

10 vers des régions se trouvant à l'extérieur de la Serbie ?

11 R. Oui. Cela avait été possible.

12 Q. A une époque aussi, il y avait un état indépendant, c'est lui qui

13 aurait dû veiller à lever ses propres impôts ?

14 R. Oui. Elle pouvait le faire, mais elle ne disposait pas d'une

15 organisation adéquate pour pouvoir le faire, et il n'y avait pas de

16 transactions importantes. Par voie de conséquences, il était logique de

17 s'attendre à ce qu'une partie du financement de telles transactions

18 financières autonomes dans le cadre d'entités à part soient faites

19 d'ailleurs. Et une façon de procéder c'était de faire emprunter aux

20 transactions les canaux de ce service de Comptabilité public.

21 Q. Paragraphe 26. L'expérience que vous avez acquise du gouvernement serbe

22 et de la présidence, qu'est-ce qu'elle vous a montrée ? Que vous a-t-elle

23 montré s'agissant du degré de contrôle qu'avait l'accusé sur le

24 gouvernement même et chacun des membres le composant ?

25 R. A mon avis, les choses étaient tout à fait claires. Milosevic avait

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1 l'homme qui régnait à part entière sur la Serbie. On ne pouvait pas même

2 envisager de faire autrement qu'il ne l'approuvait lui-même ou qu'il ne le

3 disait lui-même. Donc il fallait que cela se fasse conformément à ses

4 instructions et sous son contrôle. Et de fait, il ne s'agissait pas

5 seulement du gouvernement, mais aussi du parlement jusqu'à la tenue des

6 élections plus répartites, qui ont fait que son contrôle n'avait pas été

7 complet, mais il avait quand même bénéficié d'une grande majorité.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourriez-vous expliquer de façon plus

9 claire, ceci à l'intention de ceux qui n'étaient pas là à l'époque ?

10 Pourriez-vous nous donner un exemple de la façon dont se manifestait ce

11 contrôle, des façons qui vous ont permis de penser que Milosevic avait le

12 pouvoir et le contrôle absolus en Serbie ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, il serait plus aisé de trouver des

14 preuves du contraire que prouver la réalité de ce fait parce que la vie

15 entière et les modalités de communication de la Serbie avec les autres

16 étaient ainsi faites et constituées de sorte à voir les institutions -- la

17 totalité des institutions en Serbie se comporter comme Milosevic le

18 dictait. Il n'y avait pas de fondement légal pour se faire, mais, dans la

19 vie réelle, il en était ainsi. Ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui, il

20 survenait un rassemblement populaire, il rassemblait une centaine de

21 milliers de personnes et il procédait à un lynchage politique pour faire

22 révoquer l'intéressé. Cela est arrivé plus d'une fois. C'était évident. On

23 peut voir les enregistrements vidéo avec les caméras qui étaient sur place.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous une expérience personnelle de

25 la manifestation de ce contrôle absolu de sa part ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que j'avais maintenu des voies de

2 communication avec le gouvernement de Serbie comme avec le gouvernement des

3 autres républiques. C'était ma tâche à moi. Tout ce que Milosevic disait,

4 quelque part, était réalisé par son président ou son premier ministre ou

5 ses ministres. Je n'ai jamais rencontré l'un quelconque d'entre eux dire le

6 contraire. Ils n'osaient même pas réfléchir d'une façon autre. Ces

7 communications étaient des plus intenses. Je savais, à chaque fois,

8 exactement ce quelles sont les positions qu'allaient représenter ses

9 représentants aux sessions, et il n'était pas question de changer d'un poil

10 ce que Milosevic disait. Même quand on avançait des arguments contraires,

11 ils ne faisaient que répéter la même chose comme des perroquets.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que vous pourriez

13 poser des questions supplémentaires pour obtenir des exemples concrets ?

14 Mais à vous d'en juger.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Commençons par la négative. Est-ce qu'il vous est jamais arrivé de

17 faire l'expérience de quelqu'un qui aurait présenté des arguments opposés à

18 ceux de l'accusé et qui aurait réussi à faire valoir son opinion ? Qui

19 aurait réussi, pour ainsi dire, à faire prévaloir son opinion sur celle de

20 l'accusé ?

21 R. Vous parlez de quelqu'un en Serbie ?

22 Q. Oui.

23 R. Jamais. Une telle personne ne restera pas plus de 24 heures au poste

24 qu'elle occupait.

25 Q. Je pense que les Juges seraient aidés si vous pouviez, maintenant ou

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1 plus tard, dans le cadre de votre déposition, penser à des personnes qui

2 auraient été des haut fonctionnaires -- des haut commis de l'état, des

3 personnes occupant des postes de responsabilité, et qui auraient été

4 contrôlés par l'accusé de la manière dont vous l'avez décrit. Nous y

5 reviendrons plus tard, avant que j'en termine. Mais peut-être, pourriez-

6 vous réfléchir à cette question pendant que nous examinons d'autres

7 éléments de preuve et dites-nous lorsque vous avez retrouvé de tels

8 exemples.

9 Mais avant de quitter ce sujet général --

10 R. Mais tous les chefs du gouvernement de Serbie se sont comportés ainsi,

11 dans tous leurs contacts avec moi, Radmilovic et les autres premiers

12 ministres. Je peux les nommer, si vous le souhaitez. Bozovic aussi.

13 Q. Mais qu'en est-il de ceux qui exprimaient des avis opposés à votre

14 programme de démocratisation et de réformes économiques, à votre avis, est-

15 ce que c'étaient là des gens qui exprimaient leur propre volonté -- leur

16 propre avis ? Ou est-ce qu'ils se faisaient le porte-parole de quelqu'un

17 d'autre ? Êtes-vous en mesure de le dire ou pas ?

18 R. Il y a eu de l'un et de l'autre, mais il suffisait qu'une attitude

19 négative générale soit en place, et puis chacun avait le droit de

20 fructifier l'attitude négative ou de lui adjoindre le fruit de ses propres

21 réflexions dans le sens négatif.

22 Q. Un autre sujet, s'agissant des faits généraux de l'accusé, les gens ont

23 connu des pertes, ont subi des blessures. Est-ce qu'il n'est jamais arrivé

24 à l'accusé de manifester sa sympathie -- sa commisération pour des gens qui

25 auraient perdu des proches ou connu de telles souffrances ?

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1 R. De quelle façon, l'entendez-vous ?

2 Q. Vous savez qu'il arrive à des dirigeants d'aller voir des blessés à

3 l'hôpital pour partager leur lot avec eux, ce genre de chose.

4 R. Non, non.

5 Q. Nous allons revenir à des sujets plus précis plus tard, mais nous

6 sommes maintenant au paragraphe 27, de votre déclaration la plus récente.

7 Ceci vient de la préparation à votre déposition. Est-ce qu'en juillet 1991,

8 il n'y a pas eu la déclaration de Brioni? Est-ce que c'était là une

9 initiative que vous, vous aviez prise ? Ou était-ce quelqu'un d'autre qui

10 l'avait fait ?

11 R. La déclaration de Brioni a découlé des débats qui ont eu lieu à Brioni,

12 avec la participation des représentants des républiques et des provinces.

13 Toutefois, dans les préparatifs de ces rencontres-là, j'avais, à l'occasion

14 d'une session de notre gouvernement, lancé l'initiative de préparation

15 d'une proposition pour ce qui est d'un moratoire de trois mois. J'avais

16 d'abord envisagé une période de six mois. Nos problèmes étaient si graves

17 qu'à mon avis, il fallait disposer d'au moins six mois pour assainir la

18 situation, et ramener la situation à une phase où il serait juridiquement

19 et logiquement possible, sans effusion de sang, de prendre des décisions,

20 toute décision quelle qu'elle soit. S'il fallait que le pays soit

21 démantelé, que cela se fasse sans effusion de sang, au moins, donc nous

22 savions que personne n'allait accepter. Nous avions proposé donc un

23 moratoire de trois mois, et ce moratoire a trouvé sa place dans la

24 déclaration de Brioni. En notre qualité de gouvernement fédéral, nous avons

25 pris sur nous la tâche ou la mission de préparer tous les éléments

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1 susceptibles de faire en sorte que, pendant ce moratoire de trois mois, il

2 soit mis en place un situation qui permettrait de faire fonctionner la

3 société, du moins, à un niveau minimum. Pour permettre de prendre, par la

4 suite, des décisions suite auxquelles il n'y aurait pas continuation des

5 conflits et de la guerre, ce que je me dois de dire, c'est que nous avons

6 dû attendre plus d'un mois pour que soit convoquée une session de la

7 présidence, et pour qu'un débat ait lieu suite à notre proposition.

8 Et une fois que nous avons présenté cela, il y a eu manifestation des mêmes

9 tendances. Une partie a estimé que la proposition n'était pas suffisante,

10 qu'il fallait raffermir davantage les fonctions de la fédération, à savoir,

11 de l'état conjoint. C'était le groupe avec Milosevic à sa tête. Et l'autre

12 disait qu'il fallait rendre ces liaisons plus lâches encore, et c'était

13 l'idée de Kucan. Et donc ce moratoire de trois mois, qui devait venir aider

14 à resituer -- à replacer les choses en fonctionnement pour qu'il n'y ait

15 pas érosion complète, et qu'il n'y ait pas décomposition totale de toute

16 chose, pour qu'il n'y ait pas anarchie, pour qu'il n'y ait pas soulèvement

17 et lutte de chacun contre tout le monde, donc cette proposition n'a pas

18 porté ses fruits. La guerre a continué d'abord avec la Croatie, comme vous

19 le savez, puis ça s'est élargi à la Bosnie-Herzégovine, et ainsi de suite.

20 Q. Fort bien. Vous expliquez également comment vous avez conseillé M.

21 Vance après la déclaration. Que vous attendiez à une effusion de sang, et

22 combien d'effectifs il faudrait pour enrayer cette effusion de sang ?

23 Inutile de revenir sur ce sujet de façon plus détaillée.

24 La Chambre sait que la déclaration de Brioni a déjà été versée au dossier.

25 Il s'agit de l'intercalaire 35, de la pièce 330. Nous n'allons pas

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1 l'examiner pour le moment.

2 Paragraphe 29, de votre déclaration, ceci ressort des préparatifs à votre

3 déposition d'aujourd'hui. Au cours du deuxième semestre 1991, c'est une

4 question de détails. Vous avez, en fait, eu une déposition de 13 projets de

5 loi, ce qui veut dire que vous étiez toujours très actif dans votre

6 fonction de premier ministre. Mais vous pensiez que seul trois projets ont

7 été adoptés -- ce fut les moins importants -- et que le reste des projets a

8 été bloqué par l'accusé et ses représentants.

9 R. Dans le cadre de ce moratoire de trois mois, aux fins de rendre

10 possible la réalisation des idées principales de cette proposition de

11 gouvernement fédéral, pour ce qui est du fonctionnement de l'état, on avait

12 proposé ces lois-là aussi et, sur les lois proposées, il y en a que trois

13 qui ont été acceptées, les seules qui avaient une importance mineure, et

14 les autres n'ont pas été acceptées.

15 Q. Octobre 1991, un incident mineur, je pense que, pour des raisons

16 personnelles, privées, vous êtes allé à Zagreb et Tudjman vous a convoqué à

17 une réunion. Il vous a dit de parler avec Mesic. Ce qui a eu pour résultat

18 que vous trois, premier ministre et président, vous vous êtes retrouvés au

19 palais de la présidence, au moment où celui-ci a été bombardé.

20 R. Oui.

21 Q. Ne répétez pas ce que je vous ai dit, je voulais simplement vous poser

22 la question suivante. On a découvert, par la suite, que ce projectile --

23 cette bombe venait d'un avion volant à très haute altitude. Et est-ce

24 qu'elle est tombée tout près de l'endroit où vous déjeuniez ?

25 R. Non. J'avais eu des entretiens d'environ quatre heures et demie, dans

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1 ce que l'on appelle Banski Dvori, le palais du banc. C'est là que se

2 trouvait le cabinet de Franjo Tudjman et, dans une autre partie de

3 l'annexe, Mesic, lui aussi, avait son bureau à lui. J'avais communiqué avec

4 l'un et l'autre et Tudjman avait organisé un déjeuner conjoint. Après le

5 déjeuner, Mesic, Tudjman et moi-même sommes venus dans le bureau à Tudjman,

6 et nous avons commencé à nous entretenir sur les modalités qui devaient

7 permettre de profiter des éléments de ces déclarations de Brioni et du

8 moratoire, pour résoudre la situation de la façon la plus pacifique qui

9 soit. Lorsque nous avons commencé à nous entretenir là-dessus -- et je

10 pense que nous avions à peine quelques phrases -- lorsqu'il était question

11 que Mesic devait revenir à Belgrade parce qu'il y a longtemps qu'il n'y

12 était pas allé à Belgrade, et que les ministres de Croatie devaient revenir

13 à Belgrade et je crois qu'à un moment donné Tudjman avait téléphoné à Kucan

14 pour s'entretenir avec lui. Lorsqu'ils ont commencé à se parler l'un à

15 l'autre, il a été tiré plusieurs missiles, plusieurs projectiles. Il devait

16 y avoir deux ou trois avions qui survolaient à 13 ou 14 kilomètres

17 d'altitude de l'endroit. Et il y a un projectile qui est tombé juste à côté

18 de la salle à manger où nous avions déjeuner quelques minutes auparavant.

19 Q. Si vous aviez été ensemble suffisamment longtemps pour que des

20 renseignements soient envoyés depuis la Croatie vers un autre état et si

21 l'ordre avait été donné, à ce moment-là, est-ce qu'on aurait pu envoyer cet

22 avion en direction de Zagreb ?

23 R. Oui. C'est exact. Ce qui est intéressant de dire, c'est que Tudjman

24 avait son bureau, son cabinet, depuis des mois déjà et Mesic avait son

25 cabinet là-bas depuis des mois. Ça n'a pas été bombardé. Ça a été bombardé

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1 précisément où je m'y trouvais moi-même. Je suis resté quatre heures et

2 demi là-bas. Donc, il y avait suffisamment de temps pour ce qui était

3 d'envoyer une information de Zagreb à Belgrade et de faire venir des avions

4 rapides. Je suppose qu'il devait s'agir de MiG-29 qui peuvent aller voler à

5 telle altitude. Le général Tus, qui avait été commandant de l'aviation,

6 avait précisé qu'il n'y avait que trois pilotes qui étaient en mesure de

7 cibler, avec autant de précision, à partir d'une altitude aussi grande. Du

8 reste, si nous étions restés dans cette salle à manger, je ne serais pas en

9 train de témoigner aujourd'hui, ici. Du moins, c'est ce que l'on puisse

10 dire de façon assez probable.

11 Q. Paragraphe 33. Vers la fin de l'année 1991, nous voulons avoir une idée

12 de votre vie, de vos fonctions. Est-ce que vous avez reçu des menaces aussi

13 bien de la Serbie que de la Croatie ? Depuis la Serbie, on vous qualifiait

14 d'Oustachi et pour les Croates, vous étiez plutôt d'orientation pro-serbe.

15 Est-ce que je me trompe ou pas ?

16 R. Cela est exact. J'ai été démonisé de part et d'autres.

17 Q. Un mot à propos du Kosovo, paragraphe 34. Ceci ressort de la

18 préparation en vue de votre déposition d'aujourd'hui. Aviez-vous de bons

19 rapports avec les gens du Kosovo pendant que vous étiez premier ministre ?

20 R. Oui. Je m'étais employé en faveur d'une autonomie pour le Kosovo

21 analogue à celle du temps de Tito. C'est la raison pour laquelle j'avais

22 fait l'objet d'attaques de la part de Jovic et de Milosevic. J'avais de

23 bonnes relations avec Jusuf Zegnullahi qui était mon ami et qui avait été

24 menacé d'arrestation et de liquidation, d'élimination. C'est la raison pour

25 laquelle il avait dû fuir le pays.

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1 Q. Et savez-vous qui l'a menacé ?

2 R. Mais ce sont des choses qu'on ne fait pas en montant sur la table et

3 menaçant en public. On sait comment ces choses-là se font. On tisse un

4 réseau de menaces autour de quelqu'un qui l'empêche de fonctionner

5 normalement.

6 Q. Nous voulons avoir une idée plus complète du Kosovo, au début. Est-ce

7 que vous pouviez aller au Kosovo en toute sécurité à l'époque ? Nous

8 parlons ici de 1991.

9 R. Je suis allé au Kosovo en 1989 et en 1990, plusieurs fois. A la fin de

10 l'année 1991, je ne suis plus allé là-bas.

11 Q. Pourquoi ?

12 R. C'était trop risqué pour moi d'y aller.

13 Q. Y avait-il beaucoup d'effectifs policiers à ce moment-là au Kosovo ?

14 R. Il y avait beaucoup de policiers. D'abord en provenance de Serbie et en

15 provenance d'autres parties de la Yougoslavie parce que la présidence avait

16 adopté une conclusion. Je n'avais pas été d'accord avec cette conclusion

17 mais cette conclusion demandait à ce que des policiers des réserves

18 fédérales, si je puis m'exprimer ainsi, et les réserves policières qui

19 devaient être envoyées là-bas pour maintenir l'ordre.

20 Q. Paragraphe 37 est suivant. Là, on parle des activités militaires

21 jusqu'à la fin de l'année 1991. Mais soyons bref. Pouvez-vous simplement

22 nous confirmer que s'agissant des événements en Slovénie, la première fois

23 que vous en avez entendu parler, c'est lorsque, à 4 heures du matin, le 26

24 juin 1991, Kucan vous a appelé par téléphone. Vous lui avez demandé

25 pourquoi c'était vous qu'il appelait et non pas la présidence puisque vous

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1 n'aviez pas de compétence s'agissant de la JNA. Il a dit qu'il ne pouvait

2 appeler ou atteindre la présidence et Kadijevic et il a confirmé que

3 l'armée avait quitté ces casernes. Est-ce exact ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Puis vous avez une réunion du gouvernement en présence de Kadijevic,

6 vous avez expliqué que vous vous seriez opposé à l'intervention militaire

7 même si vous n'aviez pas pu l'empêcher. Il a répondu que c'était la raison

8 pour laquelle on ne vous en avait pas informé. Ce sur quoi, il a ajouté

9 qu'il ne reviendrait plus jamais au cabinet ministériel. C'est exact ?

10 R. Oui. J'étais intervenu pour savoir pourquoi on s'était servi de mon nom

11 alors que personne ne m'avait consulté. Je n'ai donné mon approbation à

12 personne. Et Kadijevic m'a dit : "Mais nous savions fort bien que tu

13 n'allais pas être d'accord. C'est la raison pour laquelle on ne t'as pas

14 posé de questions du tout."

15 Q. De fait, vous, vous lisiez la conscription comme suit : L'armée n'était

16 pas autorisé à prendre des décisions sans qu'une décision politique soit

17 prise, une décision de la présidence pour laquelle il fallait la majorité

18 des voix.

19 R. Tout à fait exact. Cette décision n'a jamais été prise par la

20 présidence et d'ailleurs personne n'a consulté la présidence à ce sujet.

21 J'ai eu explicitement un grand débat avec Jovic et il a confirmé que

22 c'était le devoir de la JNA que de le faire. Mais l'usage de l'armée ne

23 relevait que des attributions de la présidence et uniquement de celle-ci.

24 Pourquoi a-t-on insisté pour que la présidence décide de la programmation

25 d'un état d'urgence pour que l'armée puisse intervenir. Or, il n'y avait

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1 pas pu y avoir d'approbation parce que la présidence s'est divisée. Le

2 groupe de Milosevic était pour, les autres étaient contre. On était à

3 quatre contre quatre. Et c'est la raison pour laquelle on ne pouvait pas se

4 servir de l'armée. Dans ce cas concret, cela s'est fait sans l'approbation

5 de la présidence. Bien entendu, on avait voulu profiter de la chose pour

6 dire que cela avait été fait avec l'approbation du conseil exécutif fédéral

7 alors que le conseil exécutif fédéral ne pouvait pas, du tout, donner son

8 approbation à ce sujet.

9 Q. Nous avons déjà entendu parler de l'intervention de la force aérienne

10 quelques jours sur Ljubljana. Il s'agit ici du paragraphe 39 et paragraphe

11 25 dans la déclaration initiale. Est-ce que vous avez convoqué Kadijevic à

12 votre cabinet après avoir appris cela, et est-ce que vous avez dit que s'il

13 voulait bombarder Ljubljana, il devrait vous bombarder, vous, puisque vous

14 vouliez aller à Ljubljana pour arrêter cette guerre que vous qualifiez de

15 ridicule. Et est-ce que le ministre de l'Intérieur croate vous a dit de ne

16 pas y aller car vous risquiez d'être liquidé ? Et est-ce que Stjepan Mesic

17 vous a aussi conseillé de ne pas y aller mais qu'en dépit de tout cela,

18 vous vous êtes rendu à Ljubljana ? Est-ce que vous avez discuté avec Kucan

19 et certains de ces "jeunes turcs" comme il les qualifiait, les décrivait ?

20 R. Ce n'est pas lui qui les qualifiait ainsi, c'est moi qui les qualifiait

21 de la sorte.

22 Q. Fort bien. Excusez-moi, je me suis trompé. Je m'en excuse.

23 R. J'ai appris que l'armée s'apprêtait à envoyer toute l'aviation sur

24 Ljubljana. Ça aurait détruit Ljubljana. Les gens de Ljubljana l'ont appris,

25 la direction de Ljubljana était dans des bunkers. J'ai décidé, alors, de

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1 voyager à Ljubljana, de me déplacer à Ljubljana et j'ai dit à Kadijevic que

2 s'il bombardait Ljubljana, il me bombarderait moi-même. Et c'est alors

3 qu'une équipe avec moi, la nuit, s'y est allée. C'est comme dans les romans

4 policiers que nous avons voyagé de Belgrade à Zagreb et de Zagreb en

5 voiture jusqu'à Ljubljana et la façon dont on a été rencontrés à Ljubljana

6 avec des fusils automatiques braqués sur nous. Mais en tout état de cause

7 nous avons réussi à stopper l'escalade de la guerre.

8 Q. Le retrait de la JNA de la Slovénie - paragraphe 41, paragraphe 26 dans

9 la déclaration initiale - le retrait de la JNA de la Slovénie, disais-je,

10 décidé par la présidence, vous n'aviez aucun droit de vote à cet égard, et

11 vous dites que ceci s'est fait sous l'influence de l'accusé ?

12 R. Oui.

13 Q. Quelle fut la position adoptée par Mesic et la position de

14 Tupurkovski ?

15 R. M. Tupurkovski avait été contre cela. Nous nous sommes retrouvés dans

16 mon cabinet après cette session pour en analyser quelles allaient être les

17 conséquences d'une telle décision, d'autant plus qu'il apparaissait

18 clairement que l'armée sortie de Slovénie devait se déplacer vers la

19 Bosnie-Herzégovine, donc il y aurait concentration immense d'effectifs

20 militaires en Bosnie-Herzégovine. Or on savait d'ores et déjà, qu'une

21 partie des conflits à venir allaient se dérouler sur ce territoire-là.

22 Mesic avait redouté qu'une partie de l'armée ne se retrouve en Croatie,

23 cela ne s'est pas passé.

24 Q. Paragraphe 42 et 43, paragraphe 27 de la déclaration initiale. Quelques

25 mots à propos des rapports qu'entretient l'accusé avec Jovic, nous tenons

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1 compte du temps aussi qui passe. Quels étaient ces rapports entre ces deux

2 hommes ?

3 R. Ils ont travaillé en tandem.

4 Q. Prenons en exemple les manifestations de l'opposition le 9 mars 1991.

5 Est-ce que Milosevic risquait de perdre le pouvoir à ce moment-là, et si

6 c'est le cas, qu'a fait Jovic ?

7 R. Il y a beaucoup de preuves pour ce qui est de démontrer que ces deux

8 ont fonctionné en tandem. Maintenant ce que vous êtes en train de nous

9 dire, ce sont des événements qui ont suivi au mois de mars 1991, date à

10 laquelle les citoyens de Belgrade sont sortis dans les rues et ont

11 manifesté contre Milosevic. C'est alors que l'armée est sortie dans les

12 rues avec des chars. Je n'étais même pas à Belgrade moi-même. Je me

13 trouvais à Zagreb parce que c'était un week-end. Je n'en avais aucune idée.

14 Et après, à l'occasion d'une session que nous avons eue à Belgrade, Jovic a

15 affirmé qu'il avait obtenu par téléphone l'approbation des autres membres

16 de la présidence. Pour ce qui me concernait, pour ce qui me concerne, j'ai

17 alors tenu un discours à la présidence, et j'ai demandé que les chars

18 soient renvoyés vers leur caserne. Et ce discours a été publié par la

19 presse, et j'ai été attaqué terriblement attaqué par la présidence de

20 Yougoslavie d'avoir fait cette allocution. Jovic avait alors présenté sa

21 démission. On avait procédé à une tentative qui visait à permettre la

22 proclamation d'un état d'urgence. Et comme cela n'a pas réussi, cela ne

23 s'est pas fait au bout de plusieurs tentatives, Jovic a présenté sa

24 démission. Et c'est Milosevic qui a fait un discours dramatique à la

25 télévision et qui a dit, entre autres, qu'il ne reconnaissait pas

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1 l'autorité des unités fédérales. Etant donné que Jovic en sa qualité de

2 membre de la présidence avait démissionné, les autres membres de la

3 présidence qui se trouvait sous la coupe de Milosevic ont également

4 démissionné. Il n'y avait plus de présidence. Et pour qu'il n'y ait pas

5 absence d'autorité et afin de faire en sorte que l'armée ne soit pas

6 utilisée contre tous les autres, nous avons convenu Tupurkovski qui était

7 vice-président de cette présidence de la Yougoslavie, et moi-même dans mon

8 cabinet à moi, nous avions convenu de faire venir les autres membres de la

9 présidence, le reste des membres de la présidence, il est venu de Drnovsek,

10 Bogicevic, Mesic, et bien entendu Tupurkovski. Il y avait moi de présent et

11 nous avons fait savoir qu'il n'y avait pas absence de pouvoir, mais qu'il y

12 avait -- qu'il n'y avait pas de vacance de pouvoir, mais que nous étions

13 là. Et c'est alors que sont revenus les autres membres de la présidence qui

14 s'étaient retirés auparavant.

15 Q. Nous allons maintenant aborder un autre sujet, celui des

16 paramilitaires, de façon très succincte. Paragraphe 46, ceci vient de la

17 préparation à votre déposition d'aujourd'hui. Vous vous y trouvez ici a La

18 Haye, il y a quelques semaines, on vous a demandé à ce moment-là,

19 d'examiner une déclaration faite par l'accusé qui a paru dans un journal,

20 et qu'on trouve à l'intercalaire 11, de la pièce 570. Et le titre était :

21 "J'ai donné l'ordre de mobiliser ?"

22 R. Oui.

23 Q. Messieurs les Juges, ayez l'obligeance de consulter la version en

24 anglais. Je ne vais la lire dans son intégralité. Nous prenons la troisième

25 page, 2e paragraphe complet, où on dit que : "J'estime qu'en dépit des

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1 nouvelles circonstances ayant surgi en Yougoslavie, il n'est pas nécessaire

2 de prendre des mesures d'urgence en République de Serbie. Toutes les

3 institutions, tout le système et toute la vie de la république doivent

4 suivre leur cours normal. Les citoyens doivent être rassurés, ils doivent

5 savoir que la république de Serbie est en mesure d'assure sa protection, la

6 protection des intérêts de la république et de tous ses citoyens, du peuple

7 serbe."

8 Il avait peut-être un autre extrait à la page précédente que j'aurais dû

9 vous présenter, vers la fin de la page, dernier paragraphe entier. "Vue les

10 circonstances actuelles où on essaie de semer le désordre à Sandzak, ainsi

11 qu'au Kosovo, Metohija, j'ordonne la mobilisation des forces de réserve des

12 services de sécurité, du ministère de la défense et aussi j'ordonne que

13 soit formé en urgence des forces supplémentaires de la République de

14 Serbie."

15 Je vous ai donné lecture de ces paragraphes. Qu'avez-vous à dire à propos

16 de la capacité du contrôle qu'avait l'accusé sur ces forces armées ? Et des

17 actions, qui font les siennes à l'époque ?

18 R. Si mes souvenirs sont bons, j'avais rédigé à l'époque, une lettre

19 ouverte, une lettre publique à l'intention de Slobodan Milosevic où je

20 demandais qu'il annule cette décision. Et j'ai indiqué dans cette lettre

21 tous les périls qui pouvaient découler d'une telle décision. Si mes

22 souvenirs sont bons, je n'ai plus le texte de cette lettre en ma

23 possession, mais je crois me souvenir avoir dit que malheureusement, nous

24 étions dans des temps où il était plus facile de s'employer en faveur de la

25 guerre que de s'employer en faveur de la paix.

Page 28060

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vois ici la date du 16 mars. Peut-on

2 vérifier, Monsieur Nice ?

3 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

4 M. NICE : [interprétation] 1991, en ce qui concerne l'article.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

6 M. NICE : [interprétation] La lettre vient plus tard, je pense que c'est en

7 septembre. Je remercie mon assistante, Mlle Tromp.

8 Q. Paragraphe 47, avez-vous pu faire quoique ce soit en ce qui concerne

9 ces paramilitaires, où est-ce que ceci n'était pas de vos compétences ?

10 R. Cela se trouvait complètement à l'extérieur des attributions du conseil

11 exécutif fédéral parce que tout ce qui concernait l'armée, y compris les

12 unités paramilitaires, avait été placé sous les attributions directes de la

13 présidence de la Yougoslavie.

14 Q. Merci beaucoup. J'aurais dû vous poser la question suivante. Quels

15 étaient les rapports personnels de Milosevic et de Kadijevic ? Ils

16 s'entendaient bien ou pas ? Paragraphe 48 et 44, me semble t-il.

17 R. Cela ne s'est pas passé de façon uniforme. Avant que je ne vienne à ces

18 fonctions à Belgrade, Milosevic et Kadijevic avaient de bons rapports, et

19 ils passaient même ensemble leurs vacances à proximité de Dubrovnik. Du

20 reste, je dois admettre que ce n'est que bien plus tard que j'ai appris que

21 Kadijevic avait proposé au président de la présidence de l'époque, M.

22 Dizdarevic, il avait proposé Milosevic en qualité de mandataire pour la

23 mise en place, la formation d'un nouveau gouvernement, d'un gouvernement

24 fédéral. Et à l'époque où j'ai constitué le gouvernement, la communication

25 et les rapports entre Kadijevic et Milosevic étaient bons. Kadijevic

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1 faisait savoir qu'il appuyait, qu'il apportait son soutien au programme de

2 réforme, notamment, la partie qui était relative à la stabilisation. Mais

3 avec les changements afférents à la privatisation et à la stabilisation,

4 c'est là qu'il y a eu des problèmes de survenus dans le cas de la

5 Yougoslavie, notamment, dans les rapports entre les républiques. Cette

6 relation entre Kadijevic et moi-même était devenue plus froide jusqu'à

7 scission complète. Et au fur et à mesure que cette relation se

8 refroidissait entre nous deux, il y avait rapprochement entre lui et

9 Milosevic. Eux deux se sont mis à coopérer de façon très bonne. Mais à vrai

10 dire, la coopération entre les deux était toujours présente. Les relations

11 entre Kadijevic et moi étaient, à un moment donné, meilleur entre nous

12 qu'entre Kadijevic et Milosevic. On le voit, on le constate lorsque l'on

13 convenait de quelque chose avec Kadijevic, il allait consulter Milosevic

14 pour changer d'avis. Nous avons souvent parlé des heures durant. Nous

15 avions procédé à des échanges de vue, nous avions procédé à des analyses,

16 des comparaisons, et lorsque je réussissais à le convaincre qu'il ne

17 fallait pas prendre de mesures dramatiques, de ne pas prendre de décisions

18 qui n'étaient susceptibles, que d'approfondir les tensions plutôt que

19 d'améliorer les relations en Yougoslavie.

20 Q. Nous parlerons maintenant du paragraphe 49, pour conclure sur ce sujet.

21 De même que vous aviez reçu une offre de l'accusé qui est proposée -- qui

22 vous proposait de prendre la présidence d'une structure nouvelle à

23 l'automne 1990, et au début 1991, est-ce que Kadijevic a évoqué cette

24 possibilité également avec vous, vous qui étiez à la tête du gouvernement,

25 qui étiez donc un chef de l'état à ce moment-là ?

Page 28062

1 R. Et bien, à la différence de la proposition antérieure qui avait été

2 présentée par Milosevic, et que je n'avais absolument pas pris au sérieux,

3 lui, car les conditions n'étaient pas réunies pour qu'il puisse me faire

4 une telle proposition, cette fois-là, donc étant donné que les premières

5 réunions de l'assemblée avait déjà eu lieu et que l'état d'urgence avait

6 été déclaré en Yougoslavie, l'armée ayant désormais des pouvoirs certains

7 pour agir, donc à la fin de cette période, je crois que nous étions au

8 début de janvier 1991, Kadijevic est venu me voir et m'a présenté une

9 proposition dont il a dit qu'elle devait être élaborée plus avant au sein

10 du grand quartier général par la suite. Ce qui était proposé c'était de

11 lancer une campagne car à l'époque les unités de la JNA étaient déployées

12 un peu partout en Yougoslavie, donc ce projet prévoyait que la direction de

13 la Croatie qui avait à sa tête Tudjman, ainsi que la direction de la

14 Slovénie qui avait à sa tête Kucan, et bien que tous ces hommes soient

15 arrêtés. Et en cas de résistance, chacun savait ce qu'il allait advenir

16 d'eux.

17 Etant donné que Kadijevic était incapable d'obtenir l'aval de la présidence

18 au sujet de ce plan, il a tenté de réussir par une autre voie, c'est-à-dire

19 en me demandant si je serais d'accord pour agir dans ce sens. Et puisque

20 tout cela devait se faire de la présidence en contournant donc la

21 présidence et en agissant à la place de la présidence en réalité au cas où

22 moi j'acceptais d'apporter mon appui à ce plan, puisque j'étais premier

23 ministre et le responsable le plus important au niveau de la Fédération, je

24 deviendrais président. C'est ce qui m'a été dit. Et après cela, il a agité

25 des papiers sous mes yeux cherchant un document susceptible de me montrer

Page 28063

1 quel était le contenu de ce plan. Je lui ai dit que ce n'était pas

2 nécessaire de me montrer ce document. J'ai dit : "Tu as l'air de penser que

3 tu vas résoudre la crise yougoslave de cette façon." Il a répondu : "Oui."

4 J'ai rétorqué : "Tu as nommé Kucan, tu as nommé Tudjman, mais qu'en est-il

5 de Milosevic ?" Et il m'a rétorqué en bondissant sur ses pieds : "Milosevic

6 est le seul qui se bat pour la Yougoslavie et qui est derrière tout cela,

7 car si ce n'est pas lui, qui d'autres pourrait-ce être ?"

8 Q. Monsieur Markovic, je vous rappelle simplement que le temps passe et je

9 vous demande si vous en avez terminé sur ce sujet ?

10 R. Oui, bien sûr. Donc, j'ai refusé la proposition, ça c'est tout à fait

11 clair.

12 Q. Merci. Kadijevic, si je ne m'abuse est allé en Union soviétique au mois

13 de mars. Cela se trouve au paragraphe 50 de votre déclaration, sans rien

14 vous dire de ce voyage. Donc vos rapports se sont envenimés au mois de

15 juin. Vous avez demandé sa démission lors d'une réunion du gouvernement

16 mais il ne pouvait être démis de son poste que par l'assemblée qui ne se

17 réunissait pas et il était toujours soutenu par la présidence. Donc il a

18 envoyé son adjoint, l'amiral Brovet, ou en tout cas l'un de ses adjoints à

19 la réunion. Et nous trouvons une référence de votre demande de démission de

20 sa part et de la part de Brovet à l'intercalaire 12. Je ne vais pas lire en

21 détails ces deux documents. A l'intercalaire 12, on a un article daté du 23

22 septembre 1991 qui traite de cela. Et vous avez revu tous ces documents,

23 vous pouvez donc répondre à des questions à ce sujet si quelqu'un souhaite

24 vous en posez, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 28064

1 Q. Parlons maintenant d'une lettre de protestation adressée à Milosevic au

2 sujet de la mobilisation partielle, est-ce qu'on trouve bien cette lettre à

3 l'intercalaire 13 et est-ce effectivement une lettre qui date du 30

4 septembre 1991 ? Là encore nous ne faisons que référence à ce document.

5 Cette lettre est évoquée dans un journal, donc dans un média, presse

6 écrite, et vous aviez le sentiment que nous avions un exemplaire de cette

7 lettre ou, en tout cas, de l'article de journaux, tout cela étant adressé à

8 l'accusé, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. J'ai écrit une lettre ouverte à M. Milosevic, en lui demandant de

10 ne pas agir de cette façon.

11 Q. Et, en fait, la mobilisation était déjà très avancée à l'époque, cette

12 mobilisation que vous considériez comme illégale.

13 R. Absolument.

14 Q. Avant de vous poser deux autres questions au sujet d'écoute

15 téléphonique, j'aimerais que nous revenions sur la question posée par le

16 président de cette Chambre, le Juge May, il y a quelques instants,

17 lorsqu'il était question d'exemples montrant que l'accusé exerçait un

18 contrôle total sur d'autres personnes. Je sais qu'il vous est difficile de

19 répondre à certaines de ces questions puisqu'il s'agit de déterminer ce que

20 des tiers pouvaient penser. Mais est-ce que vous avez été poussé entre-

21 temps à réfléchir à d'autres exemples de la façon totale dont ce pouvoir

22 était exercé ?

23 R. En fait, officiellement, c'est l'assemblée qui dirigeait les choses,

24 l'assemblée que je dirigeais moi-même étant premier ministre, mais en fait,

25 c'est lui qui désignait tous ces hommes à leurs postes et ces hommes

Page 28065

1 faisaient exactement ce qu'il leur demandait. Il n'y avait aucune

2 différence entre lui et eux, pas la moindre.

3 Q. Très bien. Enfin, je vous demande si vous avez relu -- si vous avez

4 passé en revue un certain nombre d'écoutes téléphoniques, transcrites par

5 écrit lors de votre dernier à La Haye il y a quelques semaines; et si vous

6 avez signé un document stipulant que vous aviez écouté ces écoutes

7 téléphoniques; et reconnu les voix des participants à ces conversations; et

8 relu également les transcriptions écrites en en admettant l'exactitude.

9 M. NICE : [interprétation] Peut-être pourrait-on soumettre ces documents au

10 témoin, pour qu'il y jette un coup d'œil maintenant.

11 R. J'ai écouté ces enregistrements et, en dehors d'une seule voix, j'ai

12 reconnu toutes les voix des personnes qui parlaient, et j'ai signé tous ces

13 documents, effectivement.

14 Q. Je crois que votre nom est mentionné que dans l'une de ces écoutes.

15 M. NICE : [interprétation] Et si les Juges de cette Chambre le souhaite,

16 une cote pourrait être aux transcriptions de ces écoutes. Le nom du témoin

17 est mentionné, à l'intercalaire 3.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

19 M. NICE : [interprétation] Et à l'intercalaire 3, donc page 1, au bas de la

20 première page, donc ont trouve --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous prie.

22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous demandez le versement au dossier

24 d'un certain nombre d'écoutes téléphoniques, ainsi que d'un certificat,

25 n'est-ce pas ?

Page 28066

1 M. NICE : [interprétation] Je suis à la disposition des Juges. Je me suis

2 peut-être un peu écarté de l'objectif poursuivi. Je sais que ces écoutes

3 ont été proposées uniquement à des fins d'indentification pour le moment,

4 et la preuve de leur provenance pourra être faite plus tard. Mais ce qui

5 est important, en tant qu'éléments de preuve à l'instant, c'est

6 l'identification des voix pour autant que le témoin puisse la faire.

7 L'intégralité de la pièce à conviction pourra être produite à cette fin

8 puisqu'elle contient la transcription de ces écoutes. Ou bien, si cela ne

9 convient pas aux Juges, le certificat pourra être simplement enregistré à

10 des fins d'identification, ainsi que le tableau qui l'accompagne.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le certificat peut évidemment être versé

12 au dossier, mais j'ai quelques doutes au sujet des enregistrements audio.

13 N'ont-ils pas déjà été enregistrés à des fins d'identification ou s'agit-il

14 de nouvelles cassettes ?

15 M. NICE : [interprétation] Non. Je pense que ce sont de nouveaux

16 enregistrements.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc ce sont de nouveaux

18 enregistrements ?

19 M. NICE : [interprétation] Je le pense. Mais jusqu'à présent --

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les anciennes cassettes avaient une

21 cote, en tout cas, certaines d'entre elles.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions régler la

23 question pendant la pause, Monsieur Nice ?

24 M. NICE : [interprétation] Oui. Bien sûr.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Parce que je pense que des difficultés

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1 ont surgi en rapport avec ces cassettes. Il faudrait organiser un peu mieux

2 tout cela.

3 M. NICE : [interprétation] Effectivement. Un travail de consolidation est

4 en cours de réalisation en ce moment au sujet de toutes les cassettes, de

5 façon à ce que le système soit plus uniforme. Donc ce qui est important

6 ici, c'est le certificat et le tableau pour ce témoin.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Je propose, car c'est le plus

8 simple, d'octroyer une cote au certificat, ainsi qu'aux transcriptions --

9 et que les transcriptions annexées soient enregistrées à des fins

10 d'identification simplement, et puis nous reviendrons plus tard sur tout

11 cela et nous verrons ce qu'il est possible de faire, s'agissant du

12 versement au dossier.

13 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc tout cela est sous le contrôle de

15 l'audience. Nous demandons maintenant une cote pour la pièce à conviction.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le certificat est la pièce à conviction

17 571, Monsieur le Président.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. Nous sommes maintenant à l'intercalaire 3, donc enregistrement d'une

20 conversation, datant du 4 septembre 1991, entre Karadzic et l'accusé. Et,

21 au bas de la page, nous voyons que l'accusé parle d'Alija et il profère des

22 allégations au sujet d'un comportement négatif. Karadzic, donnant son point

23 de vue également, je cite : "Il attend le congrès de Berlin. Je lui ai dit

24 ouvertement que le congrès de Berlin n'est pas pour tout de suite." Et il

25 poursuit encore quelques mots.

Page 28068

1 Et un peu plus loin, nous lisons, je cite : "Très bien. Je serai sans doute

2 plus malin après La Haye, mais l'avis exprimé par lui, c'est que l'Europe

3 contraint la Croatie et la Slovénie à demeurer au sein de la Yougoslavie.

4 Il pense qu'il dispose d'informations montrant que des pressions ont déjà

5 été exercées, et qu'elle s'exerceront d'abord sur ces deux républiques pour

6 les contraindre de rester au sein de la fédération, en cas de tentative de

7 sécession. Maintenir la Yougoslavie en état. C'est ce qui est dit avec ces

8 frontières, mais peut-être, -- mais, avec des relations frontalières, peut-

9 être un peu plus lâches. C'est l'idée imputée à Ante Markovic. Il espère

10 qu'elle sera réalisée; cependant, nous souhaitons avoir des liens étroits

11 avec l'état fédéral."

12 Monsieur Markovic, est-ce que ceci rend bien compte des opinions que vous

13 exprimiez à l'époque, s'agissant de l'existence des frontières, et d'un

14 certain relâchement du lien en question ?

15 R. Et bien, les choses étaient comme je vais vous le dire maintenant. Si

16 nous parlions des frontières à l'intérieur du pays, je dis oui à la

17 question que vous venez de me poser. Mais s'il s'agit de frontières avec

18 l'extérieur, je vous réponds non.

19 Car, lorsque je parlais de frontières, je parlais de frontières internes à

20 la Yougoslavie. Donc, oui, à l'intérieur de la Yougoslavie, des liens peut-

21 être un peu plus lâches. Malgré, je pensais que ce serait mieux pour nous

22 de maintenir un certain lien, plutôt que de perdre tout lien, et donc c'est

23 une interprétation exacte de ce que je pensais à l'époque.

24 M. NICE : [interprétation] Mme Dicklich m'informe à l'instant, et je suis

25 désolé de ne pas m'en être rendu compte plus tôt, que les documents ont été

Page 28069

1 préparés à mon intention et qu'ils ne figurent pas tous dans le classeur

2 qui a été distribué aux Juges. Vous trouverez certains de ces documents

3 mentionnés dans le récapitulatif, qui se trouve à part.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans ce cas, nous devrions avoir une cote

5 distincte car il s'agira de deux liasses de documents. Je pense qu'à ce

6 stade, nous pourrions simplement obtenir une cote différente à des fins

7 d'identification.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 572, enregistrée

9 à des fins d'identification.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Enfin, Monsieur Markovic, revenons à un point que nous avons déjà

12 abordé précédemment et qui est traité au paragraphe 61 du résumé, de votre

13 déposition, ainsi que dans votre déclaration préalable. Des pressions

14 étaient donc exercées par l'accusé. Il y avait certains comportements de sa

15 part qui coïncidaient avec ses paroles et d'autres pas. Pouvez-vous

16 simplement nous aider en nous, en disant un peu plus sur ce point. Vous

17 avez déjà parlé de cela, mais, dans quelle mesure ces paroles coïncidaient

18 avec ses actes ?

19 R. Cela dépendait. Comme vous pouvez le constater, lorsqu'il parle à

20 Karadzic, il dit exactement ce qu'il pense car il essaie d'organiser un

21 certain nombre de choses avec lui. Mais, lorsqu'il discutait avec moi, il y

22 avait des réserves de sa part et ce qu'il disait ne correspondait pas

23 toujours avec ce qu'il pensait. Donc, avec moi, il lui arrivait souvent de

24 penser une chose et d'en dire une autre. Il fallait vraiment se concentrer

25 beaucoup pour parvenir à savoir quelles étaient ses intentions réelles.

Page 28070

1 [Le Conseil de l'Accusation se concertent]

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Vous n'avez pas, je vous le rappelle, répondu à l'intégralité de ma

4 question. Vous parlez de penser une chose et d'en dire une autre. Mais que

5 faisait-il -- quelles étaient ces actions concrètes ?

6 R. Et bien, il disait une chose et il en faisait une autre. Ses actions

7 différaient de ce qu'il avait dit. Il disait qu'il se battait pour la

8 Serbie et, en réalité, il se battait pour quelque chose de tout à fait

9 différente.

10 Q. Pourquoi se battait-il ?

11 R. Il ne me l'a jamais dit effectivement, mais il était tout à fait clair

12 qu'il se battait pour la grande Serbie.

13 Q. Je vous remercie. Vous entendrez encore d'autres questions après la

14 pause.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est l'heure de la pause avant le

16 contre-interrogatoire. 20 minutes de suspension.

17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est à vous.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant d'entamer ce contre-interrogatoire, je

21 voudrais simplement dire que j'ai reçu la liste des témoins que nous

22 entendrons à partir du début de la semaine prochaine, il y a quelques

23 instants, et elle est très différente de la liste que nous avions reçu, il

24 y a quelques jours. Donc je tiens vraiment à protester car ces changements

25 constants dans la liste des témoins ne font que créer de la confusion et

Page 28071

1 rendre tout simplement impossible un travail normal. Je ne comprends pas

2 pourquoi, compte tenu des moyens importants dont dispose la partie d'en

3 face, elle se montre incapable de s'en tenir à une liste initiale. Si vous-

4 même comparez ces différentes listes, vous verrez ce qu'il en est.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il y a changement de l'ordre d'audition

6 des Témoins 1345 et 1780, comme je peux le constater, et je crois

7 comprendre qu'un témoin nouveau figure sur la dernière liste, le numéro

8 1448. Monsieur Milosevic, nous gardons cela à l'esprit, mais le fait que le

9 nombre de jours d'audience a été réduit comporte un avantage, à savoir que

10 vous pourrez vous préparer avec moins de pression qu'à l'époque où nous

11 siégions plus longtemps, et nous invitons le Procureur, bien entendu, à

12 maintenir au minimum le nombre de ces changements.

13 M. NICE : [interprétation] Nous ne perdons pas cela de vue, bien entendu,

14 mais il est difficile pour les témoins de trouver leur place dans ces trois

15 jours de travail hebdomadaire. Nous faisons de notre mieux et continuerons

16 à le faire.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Milosevic.

18 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

19 Q. [interprétation] Monsieur Markovic, je vais m'efforcer d'utiliser au

20 mieux le temps qui m'est imparti en étant aussi bref que possible, et je

21 commencerai par quelques questions qui ont été abordées dans la dernière

22 période de l'interrogatoire principal. Sur ces questions, il existe, parmi

23 les documents qui ont été présentés ici, certains documents qui montrent

24 que la situation a été dépeinte d'une façon tout à fait inexacte. Est-il

25 contesté, Monsieur Markovic, que vous êtes bien l'homme qui a pris la

Page 28072

1 décision d'impliquer l'armée au début du conflit en Yougoslavie ? Autrement

2 dit, est-il exact que vous êtes bien l'homme qui a provoqué la guerre en

3 Slovénie ?

4 R. C'est inexact. Même dans la décision du conseil exécutif fédéral, qui

5 porte sur la destruction des frontières par la Slovénie, il est écrit que

6 le secrétaire fédéral aux Affaires étrangères est chargé d'assurer la

7 coordination avec la Slovénie et qu'en cas de nécessité, il est habilité à

8 utiliser cette partie qui se trouve sur ce qu'il est convenu d'appeler la

9 ligne verte. Donc, il est habilité à recourir aux hommes chargés de garder

10 les frontières. Nulle part, dans aucun de ces documents, il n'est fait la

11 moindre référence à l'implication ou à l'engagement de l'armée, et

12 d'ailleurs je l'ai dit à un certain nombre de réunions, y compris, et

13 c'était de notoriété publique, lors d'une réunion du conseil exécutif

14 national ou du gouvernement yougoslave, j'ai déjà dit que des documents

15 existent pour confirmer mon propos. J'ai abordé cette question et discuté

16 avec Veljko Kadijevic et j'ai dit qu'il n'y avait absolument aucune

17 possibilité -- aucune autorisation d'impliquer l'armée parce que

18 l'autorisation de déployer l'armée dépend uniquement de la présidence.

19 Q. Fort bien. C'est précisément l'objet de notre discussion, à savoir que

20 la présidence n'a jamais autorisé le déploiement de l'armée car le

21 président de la présidence de l'époque, M. Borislav Jovic, n'a jamais été

22 informé d'un tel déploiement. Et il était tout à fait au courant de la

23 situation.

24 R. Je n'étais pas au courant, non plus.

25 Q. Et bien, si vous étiez au courant ou pas, ça c'est une autre question.

Page 28073

1 Mais je vais vous poser quelques autres questions pour lesquelles des

2 fondements existent qui justifient de les poser. Et le fondement de ces

3 questions, ce sont les enregistrements -- les comptes rendus écrits de la

4 séance du 21 août 1991 de la présidence, qui a commencé à 11 heures -- je

5 parle de la présidence de la RSFY. Vous y participiez et j'étais présent

6 également, ainsi que le président de Slovénie, Milan Kucan, et, bien sûr,

7 tous les autres membres de la présidence. Je n'ai pas le temps d'énumérer

8 tous leurs noms.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc nous avons ce contrôle d'audience dont je

10 viens de parler. Monsieur May, vous en trouverez un extrait dans le

11 classeur des pièces à conviction, mais aucun numéro d'intercalaire n'a été

12 assigné à ce document. Tout ce dont je dispose ici c'est une partie du

13 numéro ERN R00526123 [sic]. J'aimerais que ce document soit soumis au

14 témoin de façon à éviter tout malentendu.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous avez un seul exemplaire de ce

16 document ou en avez-vous plusieurs ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dispose de mon exemplaire. C'est un document

18 qui vient de M. Nice. Il s'agit d'un compte rendu d'audience d'une séance

19 de la présidence, mais j'ai reçu ce document de la partie d'en face.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suppose que vous pouvez retrouver ce

21 document rapidement.

22 M. NICE : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour le moment, Monsieur Milosevic, vous

24 devrez procéder sans ces documents car il en existe qu'un exemplaire que

25 vous avez entre les mains. Que souhaitiez-vous demander au témoin ?

Page 28074

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je vais citer certains passages de ce

2 compte rendu, mais on vient de me remettre un classeur relatif à un autre

3 témoin, et je crois qu'une partie de ce compte rendu se trouve dans le

4 classeur en question. Je vais vérifier.

5 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer de le sortir du classeur de

7 façon à ce que le témoin puisse s'en servir. Je n'en ai qu'un seul

8 exemplaire pour ma part. Je ne sais pas si ce que j'ai entre les mains est

9 bien le compte rendu intégral. Mais, enfin, je commencerai à partir de là.

10 Les pages sont numérotées, donc le témoin pourra s'y retrouver.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Markovic, nous sommes là à la page 239, du compte rendu de la

13 séance de la présidence, qui s'est tenue le 21 août. Au milieu de la page,

14 nous lisons et c'est le début de l'intervention faite par vous, je cite :

15 "Je pense tout de même que nous devrions discuté du fonctionnement des

16 frontières, indépendamment du fait que ceci n'est pas, à strictement

17 parler, un problème économique, mais il a également des conséquences

18 économiques." Et puis, plus loin, quelqu'un vous pose une question et vous

19 répondez "absolument". Et nous en arrivons à Slobodan Milosevic qui prend

20 la parole et il est question de versement des recettes douanières et je

21 termine ma citation ici.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce qu'un exemplaire du document a été

23 retrouvé ?

24 M. NICE : [interprétation] Oui. 427, intercalaire 6. Quelle est la page

25 dans la version anglaise, si la première page en B/C/S est la page 239 ? Il

Page 28075

1 doit y avoir une différence de trois pages à peu près. Donc cela nous amène

2 à peu près à la page 237, je suppose. Enfin, dans ces zones-là, on devrait

3 retrouver la page en question.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Je cite ce document qui est actuellement sur la table. Je lis donc ce

7 compte rendu de séance, je cite : "C'est sur la base de ces conditions que

8 vous avez commencé la guerre en Slovénie. Au sujet de la douane et des

9 frontières, mais en fait au sujet de la douane."

10 C'était une information de notoriété publique à l'époque, n'est-ce pas,

11 Monsieur Markovic ?

12 R. C'est à moi que vous posez la question ?

13 Q. Oui.

14 R. Je n'ai jamais dit cela. Au contraire, je me souviens très bien de

15 cette séance de la présidence au cours de laquelle vous avez dit à

16 plusieurs reprises que c'était moi qui étais responsable du début de la

17 guerre en Slovénie, et Kucan a dit quelque chose du même genre. Et, à ce

18 moment-là, j'ai lu le document, et j'ai lu la décision du gouvernement où

19 il n'est dit nulle part que l'armée peut-être utilisée, nulle part. Et il

20 n'existe aucun exemple d'une décision du premier du gouvernement fédéral

21 allant dans ce sens, mais la réalité, c'est que des affrontements sévères

22 ont eu lieu entre le président du gouvernement et le ministre chargé de

23 l'Armée ou de la Défense nationale, quelque soit le nom que vous souhaitez

24 lui donner. Et le premier ministre s'est rendu ensuite en Slovénie pour

25 essayer de mettre un terme à cette guerre inutile.

Page 28076

1 Q. Qu'elle était complètement inutile, c'est tout à fait clair, mais

2 qu'elle était également très nocive est tout à fait clair également. Je

3 vous rappellerais simplement que le président de la Slovénie de l'époque,

4 Milan Kucan, dit un certain nombre de choses au cours de cette séance. En

5 page 243, de ce compte rendu de séance, nous avons au début de la page, les

6 propos tenus par Kucan qui dit ce qui suit, je cite : "Je ne souhaite pas

7 être tenu responsable avant le premier ministre et je ne souhaite pas avoir

8 à répondre de quoique que ce soit devant lui, qui maintenant qu'il a perdu

9 la guerre souhaite gagner tout cela."

10 Et puis ensuite, d'autres questions sont abordées dans le débat. Je

11 passerais sur ces questions pour gagner du temps, mais il ne s'agit pas

12 simplement d'une allégation dans cette citation que je viens de faire.

13 C'est effectivement ce qu'a dit Milan Kucan, président de la Slovénie à

14 l'époque. Et, en page suivante, page 244, il parle des explications que

15 vous avez apportées vous-même, Il parle du fait que vous avez demandé que

16 deux membres du gouvernement slovène soient nommés au gouvernement et, dans

17 ce paragraphe du milieu de la page 244, il dit ce qui suit -- je

18 commencerai par la première page -- pas la première phrase qui m'intéresse,

19 c'est pas par le début du paragraphe pour gagner du temps. Je cite : "Je

20 n'ai pas besoin de vous convaincre que vous ne trouverez pas un seul homme

21 en Slovénie, même pas l'un des deux qui se trouve ici, qui acceptera de

22 retourner au conseil exécutif fédéral au SIV ou au conseil dont nous savons

23 fort bien ce qu'il a fait en Slovénie et dont nous savons qu'il a commencé

24 la guerre en Slovénie." Ceci est-il contesté, Monsieur Markovic ?

25 R. Ce qui est contesté ce que Kucan a dit -- ou les faits. Ce que Kucan a

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1 dit c'est une chose, et les faits sont autre chose. Vous me dites nulle

2 part dans cette même session, lorsque j'ai réagi en disant que : "J'en ai

3 assez de ses accusations et que je le dit, je vais vous donner lecture de

4 ce qui a été donné au niveau des droits de douane, pour ce qui est de la

5 décision du gouvernement, et d'où il découle que personne n'avait le droit

6 de se servir de l'armée."

7 Q. Je vais vous aider.

8 R. Ça cela n'y figure pas. Maintenant pour ce qu'a dit Kucan, c'était des

9 jeux politiques qui lui convenaient à l'époque. Ça lui convenait de le dire

10 à ce moment-là, mais, entre autres, il n'a jamais dit que le matin même, il

11 m'avait appelé pour me demander de l'aider et stopper l'armée. Mais cela

12 n'était pas de mes compétences, je n'ai rien pu faire, donc est-ce qu'à un

13 moment donné, que ce soit l'armée s'est conformée à l'ordre de quiconque,

14 si ce n'est la présidence de la Yougoslavie ? Elle n'a obtempéré aux ordres

15 de personne.

16 Q. Bon voilà, page 246, "Ante Markovic" qui prend la parole. C'est là où

17 vous réfutez ce que Kucan a dit, et voilà la façon dont vous le réfutez, je

18 vous cite. Donc vous citez la décision que vous avez prise.

19 R. Je ne trouve pas cela.

20 Q. Je vous parle de la page 247 ?

21 R. Je ne l'ai pas.

22 Q. Vous n'avez pas la page 247 ? Je vous ai toutefois donné tout ce que

23 j'avais ici, c'est ce qu'on confié dans le classeur. C'est le même pelé.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du 00526240. Je suis en train de

25 citer ce que vous avez dit vous-même.

Page 28078

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voyons si nous pouvons retrouver cela.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas le texte en

3 question.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pendant que nous sommes en train de

5 rechercher, je vous demande de donner lecture, mais lentement afin que nous

6 essayons de retrouver le passage.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur May, puis-je demander quelque chose

8 aux Juges de la Chambre entre temps ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Markovic.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que c'est moi ici l'accusé ou est-ce

11 que je suis témoin ?

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne soyez pas affecté par les questions

13 posées par -- les questions que vous posent l'accusé, vous n'avez pas être

14 offensé. Il a le droit de poser des questions et, s'il vous pose une

15 question inappropriée ou inéquitable, ou qui vous porterait préjudice, nous

16 l'arrêterons. Mais il a le droit de présenter son affaire et ses opinions

17 au témoin. Donc, si vous n'êtes pas d'accord avec lui, vous n'avez qu'à

18 dire que vous n'êtes pas d'accord.

19 Allez-y, Monsieur Milosevic.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Je vous cite, vous répondez à Kucan et vous expliquez : "La décision

22 qui a été prise par le conseil exécutif fédéral et, à la prise de laquelle,

23 ont pris part les membres du conseil exécutif fédéral originaire de

24 Slovénie, qui viennent de rédiger des missions, cette décision a été prise

25 après que la Slovénie ait unilatéralement pris en charge les frontières et

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1 les douanes, et qu'elle ait pris en charge de façon unilatérale son

2 contrôle de l'espace aérien, donc sans obtenir au préalable l'approbation

3 des organes fédéraux. Donc le conseil exécutif fédéral a adopté la décision

4 pour ce qui est de l'application des lois fédérales, pour ce qui est des

5 passages frontières et des droits de douane perçus en Slovénie." Je vais --

6 je me propose de vous donner lecture de ces deux paragraphes. Je tiens à

7 être équitable à votre égard, donc je vous donne lecture de la décision du

8 conseil exécutif fédéral auquel -- à laquelle vous vous êtes référé vous-

9 même. Il y a donc des guillemets et vous donnez lecture vous-même de la

10 décision : "Aux fins d'assurer l'accomplissement des lois fédérales, pour

11 ce qui est des passages frontières -- des frontières fédérales, et ainsi de

12 suite, et du déplacement du mouvement des personnes, et j'en passe, le

13 conseil exécutif fédéral --" Je perds toujours la traduction, je ne sais

14 pas si je vais trop vite pour les interprètes. Les interprètes disent oui.

15 "-- le secrétariat fédéral à l'Intérieur se chargera d'assurer

16 l'accomplissement des taches relatives au contrôle des passages

17 frontières." Et vous commentez donc : "Le secrétariat fédéral à l'Intérieur

18 a reçu sa mission, celle de confier une mission." Puis je cite encore :

19 "Pour ce qui est de l'exécution des réglementations fédérales dans leur --"

20 Les interprètes me préviennent qu'ils n'ont pas ce document. Donc je

21 comprends la chose, je vais donner lecture plus lentement afin que les

22 interprètes puissent eux-mêmes, me suivre.

23 Alors vous citez vous-même : "La décision qui était la votre, pour ce qui

24 est de l'accomplissement des réglementations fédérales concernant le

25 passage des frontières fédérales, le secrétariat fédéral à l'Intérieur

Page 28080

1 réalisera une coopération directe avec le secrétariat fédéral à la Défense

2 nationale, aux fins de faire participer les unités frontalières de la JNA,

3 aux fins de sécuriser les passages frontières et la sécurité dans les

4 localités frontalières, sur toute la zone frontalière." Donc vous affirmez

5 que ce n'est pas une décision de votre part, qui a permis d'avoir recours à

6 l'armée, or vous dites ici que c'est avec -- en collaboration avec l'armée

7 que l'on allait engager les Unités frontalières de la JNA pour sécuriser

8 les frontières fédérales, vous le citez vous-même. En a-t-il été ainsi ou

9 pas ?

10 R. Je l'ai dit moi-même tout à l'heure cela. Les unités frontalières se

11 trouvaient là-bas pour garder les frontières, et rien d'autre -- rien à

12 l'extérieur de cet aspect-là. Dites-moi, où y a-t-il quelques documents que

13 ce soient qui indiqueraient que l'armée en Slovénie devait sortir des

14 casernes avec les chars, se déplacer à gauche et à droite avec des unités,

15 pour s'emparer de différents secteurs de la Slovénie ? Ça, ça ne figure

16 nulle part.

17 Q. Oui, mais vous n'êtes pas entrer dans les détails pour ce qui est de la

18 décision du gouvernement fédéral. Vous n'avez pas dit s'il agissait de

19 sortir avec des chars, avec des armes ou sans armes. Vous dites :

20 "Engagement des unités et les unités sont engagées en fonction de la

21 formation qui est la leur."

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas prêté

23 attention aux termes. Les termes disent : "Engager les unités frontalières

24 aux fins d'assurer la sécurité des passages frontières et des zones

25 frontalières." Si vous vous référez au document, il s'agit de se référer à

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1 ces documents de façon précise.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai donné une citation exacte. J'ai donné

3 du mot à mot, Monsieur May.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous essayez de dire une chose

5 que le témoin n'arrive pas à comprendre ? Est-ce que vous voulez dire par

6 là que la JNA est sensé quitter les parties frontalières et s'attaquer aux

7 autres parties, aux autres secteurs ou autres régions de la Slovénie ? Est-

8 ce que c'est cela que vous voulez laisser entendre ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'affirme pas du tout cela. Je dis que

10 c'est un ordre qui porte sur l'engagement de l'armée en Slovénie, donc

11 l'armée se trouve en Slovénie et est sensé être engagée sur le territoire

12 de la Slovénie et voilà la --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Attendez un moment. Nous

14 comprenons maintenant ce que vous voulez laisser entendre. Donc vous êtes

15 en train de poser la question au témoin.

16 Monsieur Markovic, ce que l'accusé souhaite laisser entendre c'est que ceci

17 est un ordre qui donne instruction à l'armée de s'activer en Slovénie ?

18 Est-ce que c'est le cas ou pas ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas le cas. Et cela ne peut pas être

20 exact du tout. Le Conseil exécutif fédéral n'avait aucune attribution à

21 exercer à l'égard de l'armée. Le Conseil exécutif fédéral avait certaines

22 attributions pour ce qui est d'unités policières déterminées, qui se

23 trouvent à la frontière là où il y a la police frontalière. Mais là où il y

24 a l'armée, non. Le Conseil exécutif fédéral conclut de la nécessité de

25 protéger les frontières de la Yougoslavie et de procéder à des engagements

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1 d'unités policières et si besoin est de le faire en coopération avec

2 l'armée. Mais ce n'est pas une instruction à l'intention de l'armée, cela

3 ne peut pas être une instruction, ça peut être une instruction à l'égard de

4 la police pour que celle-ci coopère avec les unités frontalières qui se

5 trouvaient dans cette ceinture désignée comme étant ceinture verte.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Mais vous venez d'entendre une citation d'une décision où il est

8 explicitement dit : "Qu'il allait y avoir coopération avec le secrétariat

9 fédéral à la Défense nationale, à savoir, l'armée aux fins d'engager les

10 unités frontalières de la JNA," et ainsi de suite. Ce qui signifie

11 engagements des unités de la JNA. Penchez-vous maintenant sur la page 249

12 et sur ce qui y figure.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons le document et je crois qu'il

14 devient utile de polémiquer à ce sujet. Nous pouvons le lire et nous

15 pouvons tirer nos conclusions nous-mêmes. Et vous avez entendu ce que le

16 témoin vous a dit à ce sujet.

17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le Greffe vient de confirmer que c'est

19 l'intercalaire 6 de la pièce 247, mais nous n'avons pas de copie de

20 disponible dans le prétoire en ce moment.

21 Allez-y continuer.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Je vous demande maintenant, Monsieur Markovic, de commenter ce que

25 Milan Kucan, président de Slovénie, dit à ce moment-là au sujet de la

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1 situation que vous avez faite de la décision en question. "Milan Kucan :" -

2 - Je vais donc redonner lecture de ce qu'il a dit mot pour mot, il a été

3 bref. "Deuxièmement, pour ce qui est de la conclusion dont tu viens de

4 donner lecture, il s'est tenu un débat et pendant que Zivko Pregl," membre

5 du gouvernement fédéral, originaire de Slovénie, se trouvait là-bas, "il a

6 protesté aux fins d'utiliser, pour ce qui est d'utiliser cette conclusion

7 aux fins qui ont été celles qu'on leur a données. Si tu ne savais pas ce

8 que ça donnerait cette conclusion, c'est ton problème. Et voilà à quoi il

9 l'a conduit. Nous avons à notre disposition et nos camarades du secrétariat

10 à la Défense nationale peuvent te dire comment cela a été réalisé sous

11 forme d'actes de commandements concrets." Alors tu nous dis, ce n'est pas

12 ton problème ? Mais nous nous référons à ta conclusion à toi.

13 Ante Markovic dit : "Excuse-moi, mais cela n'en a rien à voir."

14 Milan Kucan : Ça n'a rien à voir mais tu es tout de même le premier

15 ministre qui a signé cette conclusion et Zivko Pregl [sic] t'as bien dit

16 qu'il n'était pas d'accord avec une telle interprétation de ces

17 conclusions-là et c'est ce qui a d'ailleurs motivé sa démission."

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Par conséquent, la conclusion en question a donné lieu à une

20 intervention de l'armée en Slovénie, chose qu'affirme également Milan

21 Kucan, chose qu'a affirmé Zivko Pregl, membre du gouvernement fédéral,

22 originaire de Slovénie, à l'occasion de la tenue de cette même réunion et

23 c'est d'ailleurs pourquoi celui-ci a démissionné. Et vous, Monsieur

24 Markovic, vous nous dites ici que vous n'aviez aucune idée du fait que

25 cette conclusion qui était la vôtre avait été réalisée et personne n'a été

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1 mise au courant de celle-ci à la présidence fédérale pas plus qu'ailleurs.

2 Est-ce que c'est contesté, Monsieur Markovic ?

3 R. C'est absolument contesté. C'est non seulement contesté, mais c'est

4 tout à fait inexact. Zivko Pregl m'a présenté une démission par écrit où il

5 a bien dit qu'en Slovénie, on lui avait demandé de présenter sa démission.

6 Malheureusement, je n'ai pas tous ces papiers-là ici. Je fonctionne sur la

7 base de ma mémoire uniquement. Et ceci n'a rien du tout à voir avec ce que

8 vous venez de dire. Du reste ici il s'agit de savoir si Zivko Pregl a

9 démissionné parce qu'il n'était pas d'accord avec ceci, ou s'il a

10 démissionné parce qu'il a été contraint en Slovénie à démissionner. Et dans

11 sa lettre de démission, il ne mentionne rien du tout d'autre si ce n'est le

12 fait qu'en Slovénie on ait exigé de sa part qu'il démissionne. D'ailleurs,

13 cela n'a rien à voir avec ce qui s'est passé. Si

14 M. Milosevic n'a pas d'autres arguments ou des arguments meilleurs pour se

15 défendre, je lui demanderais de ne pas se servir de ceci.

16 Q. Monsieur Markovic, ce que vous avez fait et ce qui découle des

17 citations que je viens de vous donner, j'ai cité Milan Kucan et j'ai été

18 bref en le citant quand j'ai dit que c'est vous qui avez engendré la guerre

19 en Slovénie en raison des droits de douane. Mais ce que dit Milan Kucan, il

20 tient debout.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons déjà parlé de cela et je vous

22 demanderais de passer à autre chose.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Markovic, vous vous trouviez à la tête du gouvernement fédéral

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1 tant au moment de la déclaration de l'indépendance de la Slovénie et au

2 moment où la Croatie a déclaré son indépendance, et au moment où cette

3 guerre que vous avez générée en Slovénie a commencé et quand on a commencé

4 les conflits en Bosnie-Herzégovine.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Vous n'avez pas à affirmer des

6 choses qui sont contestées. Il a complètement renié qu'il avait quoi que ce

7 soit à avoir avec la guerre en Slovénie. Donc si vous le placez de façon

8 tendancieuse, cela ne peut pas -- vous le faisiez de façon erronée, donc ce

9 que vous pouvez faire, c'est posé des questions, mais non pas polémiqué.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'ai été tout à fait tendancieux

11 peut-être, mais j'ai cité à titre tout à fait exacte Monsieur Markovic, qui

12 a reconnu la décision qui avait été la sienne d'engager la JNA. Donc, j'ai

13 eu tendance en effet, c'est la tendance qui vise à déterminer la vérité.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez, nous allons passer de ce qui

15 s'est passé en Slovénie. Cela ne fait pas l'objet de ce procès. Nous avons

16 déjà dépensé une demi-heure là-dessus. Allons vers des sujets qui sont plus

17 pertinents et qui impliquent le procès dont vous faites l'objet. Le témoin

18 peut, bien sûr, témoigner à votre sujet, si vous le demandez.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien entendu que je poserai toutes les

20 questions que j'estimerai pertinentes. Le témoin est ici pour témoigner

21 pour la période allant jusqu'à la fin de l'année 1991, du mois décembre

22 1991 et pas au sujet de périodes ultérieures.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Donc, vous étiez président du gouvernement, premier ministre du

25 gouvernement jusqu'à la fin de l'année 1991, n'est-ce pas,

Page 28086

1 Monsieur Markovic ?

2 R. En effet.

3 Q. Au point 16 de votre déclaration, vous dites que j'avais exercé un

4 contrôle de faits sur le gouvernement de Serbie. Je n'ai pas du tout besoin

5 d'entrer plus avant dans le détail, mais est-il contesté que de facto et de

6 jure, vous avez exercé un contrôle sur le gouvernement fédéral à l'époque

7 des grands exodes des Serbes et à la période des événements qui ont

8 signifié le démantèlement de la Yougoslavie ?

9 R. Non. J'ai exercé un contrôle sur le gouvernement jusqu'à la fin 1990

10 [sic]. Par la suite, les compétences du gouvernement fédéral sont réduites

11 et il n'y a plus possibilité de fonctionnement de ce gouvernement fédéral.

12 Et ça ne s'est pas fait en une fois mais de façon successive et de façon

13 toujours accrue. Donc à l'époque du programme des réformes de la

14 démocratisation de notre société, nous avions œuvré comme une équipe, comme

15 un team, et pour ce qui est de tous les changements qui devaient survenir

16 pour ce qui est des réformes et des démocratisations, le gouvernement avait

17 constitué une équipe compacte. Au fur et à mesure que les nationalismes ont

18 commencé à croire qu'ils étaient nationalistes ou séparatistes, le

19 gouvernement fédéral se démantelait toujours davantage et c'est les

20 représentants au gouvernement fédéral, a avancé de plus en plus les

21 positions de leur gouvernement respectif et de moins en moins celle du

22 gouvernement fédéral.

23 Q. Est-il contesté ou non le fait que vous avez exercé de jure et de facto

24 un contrôle précisément à l'époque où l'on me reproche des événements, le

25 bombardement de Dubrovnik, les événements de Vukovar ? Mais pendant tout ce

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1 temps, vous étiez premier ministre.

2 R. Oui. Le premier ministre du gouvernement fédéral n'avait aucune

3 attribution pour ce qui est des activités de l'armée, aucune. Donc rien au

4 sujet de l'engagement de l'armée ne pouvait être fait par nos soins. Et

5 autre chose dans vos communications et relations avec Kadijevic, il est un

6 fait que vous avez influé sur ce que faisait l'armée.

7 Q. Ecoutez. Vous étiez premier ministre fédéral et vous exerciez de facto

8 et de jure un contrôle sur le gouvernement fédéral. Pourquoi contestez-vous

9 ou pourquoi reportez-vous votre rôle sur les compétences d'un homme qui

10 n'avait aucune influence. Vous dites vous-même que c'est chez vous que

11 Kadijevic et les autres venaient chez vous pour des réunions. Donc, vous

12 affirmez que vous avez même eu connaissance de certaines écoutes. Vous

13 aviez donc tous les leviers du pouvoir entre vos mains ?

14 R. Cela ne se passe pas au moment où il y a sécession de la Slovénie et de

15 la Croatie. Ça s'est passé avant. Mais du reste, si vous y tenez, je vais

16 vous lire. Indépendamment, il en était ainsi, la constitution accordait au

17 gouvernement fédéral des attributions si modestes avec ce qui s'est passé

18 et avec votre incursion dans le système monétaire de la Yougoslavie,

19 l'illustre et tout un grand nombre d'éléments avec le retrait de certaines

20 marchandises de Slovénie. Donc, vous avez remis en cause ce peu de

21 compétence qu'avait le gouvernement fédéral. Vous avez donc fait une

22 irruption dans les compétences du gouvernement fédéral et indépendamment de

23 ce fait, j'ai joué au Don Quichotte.

24 Et je disais constamment à l'assemblée de Slovénie et je me suis efforcé au

25 parlement slovène, d'obtenir une approbation pour ce qui était de ne pas

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1 opter en faveur de mesures radicales. J'ai tenu également un discours au

2 parlement croate. Je ne vais pas vous dire comment j'ai été appuyé là-bas.

3 Je vous ai supplié pour me donner l'opportunité de prendre la parole à

4 l'assemblée de la Serbie. On ne m'a jamais fourni l'opportunité de le

5 faire. Penchez-vous sur le discours que j'ai fait au parlement croate où

6 j'ai, du reste pour la première fois, dis : "Pour la première et la

7 dernière fois, je parle en tant que Croate. Je ne suis pas si Croate que

8 vous parce que vous êtes Croate et haïssez les Serbes et les autres. Chez

9 moi, cela n'est pas le cas." J'ai dit, il y a longtemps à Tudjman et je

10 l'ai répété devant le parlement : "Ne négocie pas avec les Serbes de

11 Croatie en passant par Belgrade et Milosevic parce que ça se soldera par

12 une guerre. Assis-toi à une table avec eux et négocie en direct." Je le lui

13 ai dis et j'ai répété devant le parlement croate -- il y a des documents

14 qui peuvent l'affirmer -- je lui ai dis : "Bas les pattes par rapport à la

15 Bosnie-Herzégovine."

16 Q. Bon.

17 R. Mes compétences étaient si petites et mon engagement personnel allait

18 peut-être, et je l'ai déjà dis auparavant, je ne vais vous relater des

19 romans pour ce qui est des périodes révolues, il y a longtemps. Mais mes

20 tentatives avaient visé à éviter le pire. Je n'ai pas réussi, en grande

21 partie, en bonne partie grâce à vous.

22 Q. Monsieur Markovic, vous êtes en train d'expliquer ce que vous disiez et

23 pour ce que je disais moi-même, vous affirmez que je ne faisais pas ce que

24 je disais, mais que je fasse autre chose. Tout à l'heure, vous avez indiqué

25 qu'en 1991, vous n'aviez plus exercé des activités qui auraient pu être

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1 qualifiées d'exercice d'un contrôle sur le gouvernement dont vous étiez

2 président. Or, vous êtes resté à ce poste jusqu'à fin 1991 ?

3 R. Oui, sur le plan formel. Je suis resté jusqu'à fin 1991. Mais vous

4 savez très bien, que de fait, et je l'ai indiqué dans ma démission, que le

5 gouvernement s'est vu restreindre ses possibilités d'intervention, qui de

6 toute manière, étaient déjà petites sur le plan constitutionnel, que ce

7 gouvernement n'avait absolument plus aucune possibilité d'intervenir. Je

8 l'ai dis en public dans le texte de ma démission.

9 Q. Sur ce que vous avez dans votre démission, on y reviendra. Mais cela

10 n'a aucune pertinence pour la question que je viens de vous poser. Est-il

11 contesté le fait que dans le courant de cette année 1991 toute entière,

12 vous avez exercé des activités pleines et entières avec des représentants

13 de l'armée, de la police, avec les intervenants politiques en présence et

14 pendant toute cette période de conflit armé ?

15 R. Non. Je n'ai pas eu d'entretiens avec l'armée. Pourquoi me posez-vous

16 cette question-là ? Où veut en venir Monsieur Milosevic ?

17 Q. Monsieur Milosevic veut précisément déterminer que vous avez eu de

18 facto et de jure des attributions et que vous avez exercé un contrôle à

19 l'égard du gouvernement fédéral jusqu'à la fin de l'année 1991 alors que se

20 déroulaient tous ces événements, ces événements afférents au démantèlement

21 de la Yougoslavie. On peut le constater, par exemple, partant de

22 l'inventaire des obligations du président du Conseil exécutif fédéral pour

23 l'année 1991. Je peux vous le donner pour l'année 1990. Je peux vous le

24 donner pour 1989 et on verra bien, qu'il n'y a là aucune différence. Vous

25 pouvez le voir, du moins ce qui a été noté au sein de votre cabinet même.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tout d'abord, permettez au témoin de

2 répondre. Et si vous avez l'intention de lui présenter un document, vous

3 pouvez certainement le faire.

4 Mais Monsieur Markovic, est-ce que vous voulez ajouter quoi que ce soit aux

5 réponses que vous avez déjà apportées concernant les allégations de

6 l'accusé à votre encontre ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'est point nécessaire de dire quoi que ce

8 soit parce que le cours des événements a suivi une filière comme je l'ai

9 indiqué. Et ce contrôle du Conseil exécutif fédéral qui n'avait que peu de

10 compétence et pas du tout de compétences à l'égard de l'armée, alors ces

11 compétences se sont diminuées de plus en plus et à compter du mois de juin

12 1991, il n'y avait aucune possibilité sérieuse de faire quoi que ce soit.

13 Ce que nous avons essayé de faire, c'était cette tentative de moratoire,

14 cette tentative de créer un système permettant de fonctionner en tant de

15 moratoire avant que de procéder à la prise de décisions définitives au

16 sujet du destin de la Yougoslavie. Mais du reste, je pense que, pour ce

17 Tribunal-ci, il importe peu de savoir ce qu'a fait le gouvernement et ce

18 qu'a fait le premier ministre. Ici, nous parlons de M. Milosevic. Je

19 répète, une fois de plus, il cherche à faire transférer l'acte d'accusation

20 à son encontre vers moi. Et je vous demande de me protéger.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Markovic, je vous

22 explique la façon de le faire. Vous êtes venu témoigner au sujet

23 d'accusations très graves à l'encontre de l'accusé. Il a le droit de se

24 défendre contre ces accusations -- contre ces éléments à charge, et il a le

25 droit de présenter ses arguments. Vous pouvez être en désaccord, et cela

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1 peut être complètement erroné, mais cela n'est pas ce qui importe. Il a le

2 droit de le faire. Et je vous demanderais, s'il vous plaît, de le traiter

3 avec courtoisie. Et j'espère que vous serez traité de la même sorte -- de

4 la même façon.

5 Ceci est un procès. Nous devons décider au finale d'une culpabilité ou

6 innocence de l'accusé. Donc je vous demande de répondre à ses questions

7 aussi brièvement que possible. Le plus bref ce sera, mieux cela vaudra.

8 Monsieur Milosevic, continuez. Et j'aimerais que le compte rendu soit plus

9 précis. J'ai dit que le témoin n'est pas venu témoigner sur des questions

10 variées. J'ai dit qu'il est venu témoigner au sujet de charges à l'encontre

11 de l'accusé, et qui sont des accusations graves.

12 Monsieur Milosevic, continuez.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Donc j'ai ici, mais je ne vais pas tout vous fournir -- mais, par

15 exemple, un aperçu des obligations du président du conseil exécutif

16 fédéral, pour l'année 1991. Cela vient des archives de votre cabinet. C'est

17 un original. On y voit la totalité, ou plutôt du moins, la partie notée des

18 activités qui ont été les vôtres. Et ce sont des activités qui ont duré

19 sans interruption jusqu'au 20 décembre 1991, suite à quoi il est dit

20 "congé annuel" après "le 20 décembre 1991". On voit là vos nombreuses

21 réunions avec la police, l'armée, la présidence, les personnalités

22 politiques de toutes sortes, des gens de chez nous, des gens de l'étranger,

23 et ainsi de suite. Donc, au fil de l'année 1991, au fur et à mesure du

24 démantèlement de la Yougoslavie, vous exercez des activités pleines et

25 entières. Et partant de ce qui est dit ici, l'on ne saurait conclure que

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1 vous activités ont été limitées de quelque façon que ce soit.

2 Tenez penchez-vous sur cet aperçu, vous-même.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais que ce document soit versé au

4 dossier, en tant qu'élément de preuve.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez que le document soit présenté au

6 témoin.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Avant je vous demanderais que vous m'indiquiez quand est-ce que vous

9 avez eu avec moi une réunion en décembre.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une chose à la fois, s'il vous plaît.

11 D'abord, nous nous occupons de ce document.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cherche à le retrouver. Je n'arrive pas à

13 retrouver ici, au mois de décembre, une réunion où il serait question

14 d'avoir rencontré "Milosevic". Tout simplement, ça n'existe pas.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Vous souvenez-vous de la date où vous auriez eu une réunion avec moi en

17 décembre ?

18 R. Début décembre.

19 Q. Et bien, j'ai le compte rendu du début décembre. A partir du début

20 décembre, je feuillette les pages. Votre ordre du jour, votre programme de

21 travail, ainsi que les réunions, telles qu'elles ont eu lieu et telles

22 qu'elles ont été consignées. Nulle part, on ne trouve un compte rendu de

23 cette réunion, pendant tout le mois de décembre 1991 --

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Mais qu'est-ce que vous êtes

25 en train de regarder, Monsieur Milosevic ? Quels sont ces documents ?

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May. Il s'agit ici des obligations

2 incombant au président du conseil exécutif fédéral en 1991. C'était son

3 cabinet qui archivait tout ceci, qui avait ces archives et c'est de là que

4 je les tiens. Ceci vient donc du gouvernement fédéral. Elles y sont

5 consignées, chacune de ces réunions. Par exemple, on a : "La réunion du 18

6 juin 1991, déjeuner avec S. Milosevic; à 14 heures, Slobodan Milosevic; à

7 15 heures donc, déjeuner le 18 juin 1991." Puis on a : "Téléphone avec

8 Warren Zimmerman, ambassadeur des Etats-Unis; Vukotic, à 11 heures 45;

9 Murat Galic," et cetera. C'est son ordre du jour. C'est sont calendrier.

10 "Rencontre avec Mitrovic, son emploi du temps; Pecar, Medjovanovic [phon],"

11 et cetera.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] "A 15 heures [sic], Milosevic --"

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous avons compris. Remettez ce

14 document au témoin pour qu'il le voie.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Donc, vous avez eu tous ces contacts -- toutes ces réunions ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Monsieur Markovic, ayez l'obligeance

18 d'examiner ce document et dites-nous, tout d'abord, s'il semble qu'il

19 s'agit là d'un document authentique. Une fois que vous l'aurez examiné,

20 vous pourrez également voir quelles sont les réunions de décembre.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Décembre, c'est tout à la fin, et c'est assez

22 court.

23 M. NICE : [interprétation] Pendant que le témoin examine ce document,

24 n'oubliez pas, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous n'avons

25 pas fourni ce document. Nous n'avons pas eu du tout accès à ces archives.

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1 Mais s'il y a des documents de ce genre pour d'autres organes de l'état --

2 du gouvernement, et surtout pour les organes de l'accusé, nous serions très

3 vivement intéressé à pouvoir les examiner.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Il s'agit ici d'un document -- oui, j'attends, j'attends.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ? Je n'ai pas eu la

8 possibilité de lire la totalité du document. J'aurais besoin de beaucoup

9 plus de temps pour le faire, mais on pourrait dire que ce document est

10 authentique. Ce sont les notes tenues par mon cabinet s'agissant de mes

11 activités, mais il est également possible de voir qu'à partir du mois de

12 juillet, à peu près, tous les sujets, pour ceux qui savent de quoi ils

13 retournent. Nous voyons que tous ces sujets s'inscrivent dans le cadre des

14 activités du gouvernement. Par exemple, "Le vendredi, Tasic, Aco Mitrovic,

15 préparatifs en vue de la conférence de La Haye -- vers La Haye, une réunion

16 à La Haye, consultations internes, entretiens avec la radio B-92,

17 surveillance," et cetera. Il s'agit ici de consultations internes. Il n'y a

18 pas d'activités qui parleraient du fonctionnement -- ou des activités à

19 l'extérieur du bâtiment du conseil exécutif fédéral. Et je veux dire

20 quelque chose d'important dans ce contexte. J'ai demandé au conseil

21 exécutif de me donner cette documentation, toute la documentation relative

22 à mes trois années d'activités. Or je n'ai rien obtenu.

23 Q. Fort bien. Vous l'avez dit vous-même. Ce document est authentique. Je

24 vais vous demander de rechercher cette réunion que vous auriez eue avec moi

25 en décembre.

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1 R. Ce n'est peut-être pas consigné, mais ça ne veut pas dire pour autant

2 qu'il n'y a pas eu de réunion. Il est plus que probable, enfin, je n'ai pas

3 vérifié.

4 Q. Votre cabinet ne savait pas où vous étiez. Vous avez quitté votre

5 cabinet en secret, c'est cela ?

6 R. Si vous voulez le dire comme ça, libre à vous de le faire.

7 Q. En 1991, le premier ministre du gouvernement fédéral va voir le

8 président de la République de Serbie au centre de la ville de Belgrade dans

9 le secret. Ce n'est consigné nulle part.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez fait valoir votre argument.

11 Vous avez reçu une réponse. Inutile de revenir là-dessus.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

13 Je demande le versement de ce document, mais, une fois qu'il aura été

14 photocopié, je veux recevoir l'original.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose ? J'ai informé

16 Loncar de cette conversation. Il était, à l'époque, ministre des Affaires

17 étrangères et je l'ai mentionné dans une conversation que j'ai eue avec de

18 Michelis à Trieste aussi début 1992.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

20 Oui, Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] L'accusé présente ce document comme si c'était

22 un original. Si c'est le cas, conformément à votre politique, vous devriez

23 retenir l'original. Il devrait avoir une copie et ces pages jaunies de

24 l'original, et bien, il faudrait savoir comment elles se sont retrouvées

25 entre les mains de l'accusé, quel que soit ce document. Mais nous

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1 aimerions, nous aussi, voir l'original.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr. Ce sera le cas.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous recevrez une photocopie, Monsieur

5 Milosevic. Le greffe va conserver l'original. Le bureau du Procureur peut

6 l'examiner maintenant.

7 Quelle sera la cote de la Défense ?

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce portant la cote de la

9 Défense D207.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Je vais demander à M. Markovic d'examiner ce qui vient maintenant de M.

13 Budimir Loncar et de son cabinet. Il était ministre des Affaires

14 étrangères. Ceci a trait à une conversation avec James Baker, secrétaire

15 d'état américain, en mai 1991. Il est dit, aussi clairement, dans ce

16 document que l'armée se trouve sous le contrôle de la présidence et du

17 gouvernement. C'est ce que dit ce document.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sinon, Monsieur May, il s'agit ici d'un

19 document que possède la partie adverse. Le numéro ERN est 0646691 [sic] :

20 "Ministère des Affaires étrangères, cabinet." Code secret, je ne le donne

21 pas. Le 11 mai 1991, note portant sur la conversation téléphonique entre

22 Loncar, ministre des Affaires étrangères et le secrétaire d'état américain,

23 M. James Baker. Cette note a été envoyée au président de la RSFY, à la

24 présidence, au président Jovic; au président de l'assemblée fédéral,

25 M. Gligorijevic; au président du conseil exécutif fédéral, M. Markovic; au

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1 ministre adjoint au secrétariat à la Défense, à Gracanin, ainsi qu'à

2 Kadijevic; à d'autres personnalités éminentes également du secrétariat

3 fédéral aux Affaires étrangères. Ce n'a été envoyé à personne de Serbie.

4 C'était uniquement envoyé au niveau fédéral.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Voyons ce que dit ce document. Au troisième paragraphe, je suppose que

7 vous avez fourni ceci à la partie d'en face, n'est-ce pas ? Puisque vous

8 êtes mentionné, il se peut que ce ne soit pas vous qui le leur avez donné.

9 Mais voici ce que dit le paragraphe 3 : "En réponse à une question posée

10 par Baker qui consistait à savoir s'il y avait un risque de voir l'armée

11 agir de façon autonome." Aussi, c'est certain de ces éléments qui devraient

12 le faire. Loncar dit ceci : "L'armée se trouve sous le contrôle total du

13 secrétaire fédéral à la Défense nationale et lui, il rendait compte à la

14 présidence et au gouvernement."

15 Quelques lignes plus loin, vous pourrez le lire vous-même, ou pour fin de

16 lire ce document tout entier d'ailleurs, mais je veux gagner du temps. Il

17 est dit : "Les actions de l'armée visait à garantir la sécurité de la

18 population et à éviter toutes les ordres et tout conflit." C'est donc la

19 position adoptée par le gouvernement. Loncar en discute avec M. James

20 Baker. Lui aussi, il vient de Croatie ou plutôt, il est Croate de Croatie,

21 ce Loncar. Il était ministre des Affaires étrangères à l'époque. --

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avançons. Montrons ce document au témoin.

23 Et puis, il nous faudra lever l'audience.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Lorsque vous allez consulter ce document, voyez qu'il est dit

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1 précisément que la JNA doit être déployée pour protéger, sauvegarder les

2 intérêts, la sécurité de la population. C'est ce que votre ministre, le

3 ministre des Affaires étrangères, dit.

4 R. Il s'agit ici d'une conversation téléphonique, si j'ai bien compris,

5 entre M. Loncar et M. Baker, ce dont ils ont discuté ces deux hommes, et

6 qui a rédigé ce procès verbal, je ne peux pas vous le dire. Quoi qu'il en

7 soit, ce n'est pas un document à moi.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Il va recevoir la cote

9 suivante de document à la Défense.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D208.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il nous faut suspendre l'audience.

12 Monsieur Markovic, je suis vraiment navré que nous n'ayons pas pu terminer

13 votre déposition aujourd'hui, autant que, si j'ai bien compris, vous avez

14 déjà été à deux reprises à La Haye et que vous avez dû subir ces

15 inconvénients. Mais vous le comprendrez, votre déposition -- votre

16 témoignage est important dans ce procès. Il nous faut aborder les sujets à

17 fond. Vous devrez, malheureusement, revenir à une date qui vous convient

18 afin de poursuivre votre déposition. Nous essaierons, à ce moment-là, le

19 plus rapidement possible et nous pourrons certainement terminer au cours de

20 la seule et même journée.

21 Monsieur Nice, veuillez prendre des dispositions avec ce témoin pour une

22 date qui lui conviendra.

23 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, et nous limiterons notre entretien

24 avec le témoin à ce sujet-là.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cela va de soi, vous êtes autorisé à le

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1 faire.

2 L'audience est levée, elle reprendra mardi matin.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux savoir aujourd'hui si M.

4 Markovic va continuer mardi déjà ou --

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, ce ne sera pas mardi, à moins,

6 bien sûr, que tout d'un coup on ait changé le calendrier. Si c'est le cas,

7 vous serez avisé de cela très vite, mais ce ne sera sans doute pas mardi.

8 L'audience est suspendue.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mardi 28 octobre

10 2003, à 9 heures.

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