Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 19 novembre 2003

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, vous avez la parole.

7 M. NICE : [interprétation] Avant de revenir aux questions, je crois avoir

8 fait une erreur pour ce qui est de l'intercalaire 6, de la pièce 396. Voici

9 comment se présente la situation. Je suis toujours en train de m'adresser

10 aux Juges, pas vous, Monsieur le Témoin.

11 Il y avait une pièce qui vous avait été présentée, et nous voulions la

12 présenter plus tard. Elle était enregistrée dans notre système avec un

13 numéro ERN. Et peu de temps avant que la pièce soit présentée, elle a été

14 remplacée par un document original, comme l'a souligné à juste titre

15 l'accusé. Donc là, malheureusement, nos fichiers n'avaient pas été modifiés

16 en conséquence. Je m'en excuse.

17 LE TÉMOIN: BORISAV JOVIC [Reprise]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 Interrogatoire principal par M. Nice : [Suite]

20 M. NICE : [interprétation] Page 39, paragraphe 141 [sic] en anglais.

21 Q. Monsieur Jovic, je crois ce que vous avez dit que vous respectiez

22 l'accusé en tant que chef -- dirigeant, mais avez-vous pu en privé marquer

23 un désaccord avec lui, ce qui n'était pas le cas nécessairement dans la vie

24 publique ? Ou est-ce que vous avez été en mesure d'être en désaccord avec

25 lui dans la vie publique ?

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1 R. Bien entendu, j'ai beaucoup respecté M. Milosevic et sa qualité de

2 dirigeant et je n'ai jamais eu quelque ambition que ce soit de le

3 contester. Notre coopération mutuelle avait été très bonne pendant très

4 longtemps. Il a toujours été disponible pour moi soit au téléphone, soit

5 pour une entrevue personnelle et j'ai toujours pu présenter mes opinions,

6 même quand je n'étais pas d'accord avec lui.

7 Bien entendu, je n'ai pas pu modifier ces points de vue à lui si les

8 arguments que j'avais avancés n'étaient pas acceptés. Et en somme tout

9 demeurait comme lui l'affirmait.

10 Pour ce qui est de l'autre segment de votre question je ne l'ai peut-être

11 pas très bien entendu, mais je crois pouvoir dire que je pouvais

12 verbalement ne pas être d'accord, mais notre pratique avait été celle de ne

13 pas souhaiter contester l'un et l'autre en publique parce que cela aurait

14 nui aux intérêts de notre politique -- de la politique de notre parti, quoi

15 qu'une fois il y ait, effectivement, eu un désaccord dans le publique. M.

16 Milosevic à l'occasion d'un discours à Leskovac avait critiqué violemment

17 le parti dont il était membre et dont j'étais président à l'époque, je lui

18 ai répondu en publique également.

19 Cela constituait véritablement un incident qui a par la suite été surmonté

20 et nous avons continué comme de par avant.

21 Q. Paragraphe 153. Fin 1991, il y a une décision prise, n'est-ce pas, de

22 mettre à la retraite des généraux et des amiraux ?

23 R. C'est exact. Il s'agit d'une période de diminution progressive de la

24 Yougoslavie et ceci de façon réelle avec diminution du nombre des soldats,

25 des effectifs militaires et il s'est avéré nécessaire de réduire également

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1 le nombre des généraux, de diminuer les dépenses de l'armée en outre. Et

2 par surcroît, certains généraux avaient atteint l'âge de la retraite

3 indépendamment de ce concours de circonstance, ce qui fait que, dans ce

4 cycle suivant une procédure en vigueur de l'armée, il a été étudié cette

5 situation et il a été fait des propositions à la présidence pour révoquer

6 de leurs fonctions certains généraux et je crois qu'il s'agissait d'une

7 quarantaine de généraux.

8 L'INTERPRÈTE : Micro pour M. Nice, s'il vous plaît.

9 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse.

10 Q. Est-ce qu'il y a une deuxième vague de démissions -- de révocations en

11 avril 1992 ? Vous en parlez au paragraphe 154.

12 R. Kostic n'avait pas consulté à cet égard l'accusé. Je me dois de dire

13 que, dans ce premier tour, il n'a pas été consulté pour autant que je le

14 sache et M. Milosevic n'a pas été consulté non plus, cela n'avait pas été

15 nécessaire. Pour ce qui est du deuxième tour, M. Kostic avait établi une

16 liste pour ce qui est des mises à la retraite à l'avenir et je pense que

17 cela s'est fait sous influence importante de la part de M. Boskovic que

18 celui-ci avait réactivé vu que l'intéressé avait été mis à la retraite. Il

19 avait été nommé chef des services de renseignements et c'est sur influence

20 de cet homme-là qu'il a été établi des listes de mise à la retraite suivant

21 des modalités qui n'étaient pas accoutumées dans l'armée. D'abord c'est le

22 général de l'état major qui étudie la chose et ensuite on passe à la

23 réalisation.

24 Q. Monsieur Kostic -- excusez-moi de vous interrompre, mais, au moment où

25 ces décisions étaient prises, quelle a été la réaction de l'accusé ?

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1 R. M. Milosevic était censé de prendre part à la prise de décision partant

2 du fait que j'avais été absent. Je me trouvais en effet à l'étranger et, à

3 ce moment-là, il me remplaçait. C'est la constitution qui le prévoyait. M.

4 Kostic n'a toutefois pas consulté M. Milosevic. Il a pris cette décision,

5 mais, malheureusement, la décision en question avait comporté la révocation

6 ou la démobilisation du ministre de la Défense de Serbie qui était

7 également un général, M. Negovanovic.

8 Suite à cela, M. Milosevic m'a appelé et il était en colère de par ce que

9 l'on avait démobilisé -- révoqué son ministre de la Défense. Bien entendu,

10 cela ne se faisait pas et il s'agissait au préalable de consulter M.

11 Milosevic. Or on a trouvé une solution pratique et M. Negovanovic, une fois

12 retraité, a continué à exercer ces tâches, mais cette fois-ci en qualité de

13 civil.

14 Q. Paragraphe 157 --

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice. Monsieur

16 Jovic, pourriez-vous étoffer votre propos ? Lorsque vous étiez absent,

17 comment M. Milosevic pouvait-il intervenir -- participer au processus à

18 cette procédure à l'étape fédéral -- au niveau fédéral ? Pourriez-vous être

19 plus précis s'agissant notamment de la constitution ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après le règlement aménageant le

21 fonctionnement de la présidence de la RSFY, celui-ci découlant de

22 dispositions constitutionnelles, aucun -- ou un membre de la présidence en

23 provenance d'une république n'est pas en mesure de venir, parce qu'il est

24 malade ou parce qu'il est absent pour quelque raison que ce soit,

25 d'ailleurs il est remplacé par le président de cette république-ci et il

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1 participe aux travaux de la présidence avec tous les droits des membres des

2 présidences ou du droit de la présidence provenant de cette république.

3 Etant donné que je me trouvais à l'étranger pendant une période assez

4 longue, une semaine -- et ça se passait justement à cette époque-là -- j'ai

5 indiqué à M. Kostic le fait qu'il fallait prendre en considération le

6 remplacement qui serait assuré par M. Milosevic et qu'il fallait le

7 consulter si l'on voulait faire quoi que ce soit.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais à l'Accusation de nous

9 indiquer les passages pertinents de la constitution plus tard.

10 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Nous essaierons de vous faire

11 parvenir ceci avant la fin de la déposition du témoin.

12 Q. Paragraphes 157 et 158. Vous vous souveniez qu'à votre avis, l'accusé

13 avait fait des erreurs au Kosovo Metohija. Vous parlez notamment des

14 représentants de la communauté albanaise du Kosovo et vous dites que ces

15 personnes étaient peu représentées dans les structures de l'état au cours

16 de la dernière décennie. Pourriez-vous nous donner une courte explication ?

17 R. Ici le texte est précis, on dit : "Nombreux sont ceux qu'ils disent."

18 Ce n'est pas moi qui le dit et -- et ils disent que le début des erreurs de

19 Milosevic -- le début de Milosevic et les erreurs de Milosevic sont liés au

20 Kosovo. J'ai dit que cette déclaration était problématique; toutefois, le

21 fait est qu'il y a eu peut-être une erreur voir un problème de taille.

22 C'est que, dans la dernière dizaine d'années écoulées, les structures de

23 l'état n'ont pas réussi à faire participer en nombre important ou

24 significatif les Albanais aux directions de cette région.

25 Q. Même page, paragraphe 159, votre dernière phrase, vous donnez une

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1 citation de votre livre où vous manifestez votre avis. Pourriez-vous lire

2 la dernière phrase de cette déclaration et nous donner une explication en

3 l'espace de quelques phrases pour nous expliquer ce que vous entendez par

4 là.

5 R. On dit : "On parle peu du rôle des décisions prises par M. Milosevic

6 lui-même pour dire que ceci ait également accéléré le démantèlement de la

7 Yougoslavie et fait que l'économie serbe est rétrogradée."

8 J'ai dit devant les représentants du Tribunal et je répète une fois de plus

9 que les extraits qui figurent ici ne seraient bien être compris que si l'on

10 lit le texte intégral du livre ou le livre entier. En substance, ce que

11 cela signifie c'est la chose suivante : le démantèlement de la Yougoslavie

12 a porté des dégâts énormes sur le plan économique à la Serbie tout comme

13 aux autres républiques étant donné qu'il y a eu coupures des liens

14 économiques. J'ai décrit les causes principales de démantèlement de la

15 Yougoslavie et ces causes sont extérieures d'une façon générale à la Serbie

16 et à M. Milosevic. J'ai également précisé que l'on parlait, l'on disait

17 souvent que M. Milosevic est le plus responsable et le plus coupable du

18 démantèlement de la Yougoslavie. A ce propos, je dis même que M. Milosevic,

19 indépendamment de la forte personnalité qu'il était et indépendamment des

20 disparités de sa politique, j'ai dit qu'il n'a pas pu influer sur cette

21 situation de façon complète. J'ai dit que son influence était partiale, et

22 pourquoi.

23 Parce qu'indépendamment des efforts qu'il déployait en faveur de la

24 Yougoslavie, ce quatorzième congrès extraordinaire de la Ligue des

25 communistes dont il a initié la convocation n'a pas œuvré dans le sens de

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1 la cohésion de la Yougoslavie, mais dans le sens de son démantèlement. On a

2 parlé de dissolution des liens économiques avec la Slovénie qui avait été

3 occasionnée par le comportement de la Slovénie à l'égard de la Yougoslavie,

4 vu que celle-ci ne voulait plus contribuer aux recettes fédérales. Et cette

5 interruption dans les relations a occasionné des dégâts importants à

6 l'économie serbe.

7 Ce sont autant d'exemples qui disent que M. Milosevic et la Serbie n'ont

8 pas contribué dans cette mesure dans cette situation. Ce qui a donc -- ce

9 qu'il importe de dire c'était ses aspirations à la sécession, et la

10 sécession violente à laquelle ont procédé certaines républiques vis-à-vis

11 la Yougoslavie.

12 Q. J'y reviendrai dans un instant. Mais tout d'abord, il y a encore trois

13 des autres pièces que nous allons produire. A l'intercalaire 4, nous

14 trouvons un sujet repris à la page 23 de votre déclaration en anglais,

15 paragraphe 84.

16 On vous a montré des extraits du journal d'un certain Petar Jankovic. Vous

17 avez consulté ces documents. Dans le journal, l'auteur parle du fait qu'il

18 est allé vous voir, vous a soumis la situation et vous avez été surpris

19 d'apprendre qu'il y avait 18 000 Musulmans en Bijeljina, il dit surpris que

20 l'armée ne nous a pas armé. Et pourquoi est-ce que les ordres ne passent

21 pas par l'armée ? Vous dites que Radmilo évite ceci, et vous -- d'après ce

22 qui est dit dans le journal vous dites : "Le peuple serbe a acheté des

23 armes, et ils veulent les avoir. Et ils doivent les utiliser uniquement

24 pour la défense. Il a demandé le type de contact que nous avions avec

25 l'armée. Et j'ai dit que nous avions de bons rapports avec le commandant."

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1 Est-ce que vous vous souvenez de cet événement ? Et est-ce que vous étiez

2 au courant du fait qu'il y avait armement des Serbes dans cette mesure ?

3 R. Je n'ai pas très bien compris cette dernière phrase. J'ai indiqué que

4 j'avais de bonnes relations avec le commandant. Mais qui est-ce qui a

5 déclaré cela, lui ou moi ?

6 Q. C'est lui qui l'a dit, je pense.

7 R. Bien. Entendons-nous bien. Ces gens-là sont venus me voir. J'étais, à

8 l'époque, président du Parti socialiste de Serbie. Ça se passait dans mes

9 bureaux. M. Radmilo Bogdanovic, qui se trouvait être soit ministre de

10 l'Intérieur, soit haut responsable de ce niveau-là. Je ne sais vraiment

11 plus à présent. Je ne sais plus s'il était encore ministre de l'Intérieur à

12 l'époque. Il avait insisté pour que ceux-ci viennent. J'avais pensé qu'il

13 s'agissait là de personnes qui avaient souhaité coopérer avec le Parti

14 socialiste parce qu'en Bosnie également, il y avait un Parti socialiste.

15 Et lorsqu'ils sont venus, lorsqu'ils nous ont raconté leurs problèmes, le

16 fait qu'ils aient parlé du nombre de Musulmans m'a quelque peu surpris.

17 Parce que je connais assez mal cette région. Et pour autant que je le

18 savais, Bijeljina était une ville serbe. Mais je ne savais pas qu'il y

19 avait autant de Musulmans. C'était tout simplement pour moi, une

20 information tout à fait nouvelle. Mais cela importe peu.

21 Ce qui importe c'est ce qu'ils disaient. Et ils disaient que là-bas, ils

22 n'avaient pas suffisamment d'armes. Bien entendu, moi j'ai sous-entendu et

23 je sous-entends à présent encore, que la Défense territoriale de Serbie ne

24 disposait pas de suffisamment d'armes. En dépit du fait que cette Défense

25 territoriale devait -- était censée de disposer d'un armement normal, étant

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1 donné que des décennies durant l'on avait pris soin de la chose. Et que

2 l'on avait contrôlé l'évolution de cette situation. Je leur ai dit que

3 cette question était à étudier avec l'armée, étant donné que l'armée était

4 là pour veiller à ce que la Défense territoriale puisse disposer d'armes en

5 quantité suffisante.

6 C'est tout. Ni plus, ni moins.

7 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 14, s'il vous plaît. Nous avons là

8 la transcription d'une interview qui n'avait pas été corrigé de Zivota

9 Panic, pour ce qui est de l'émission Vie et mort de l'ex-Yougoslavie. Vous

10 avez, Messieurs les Juges, une partie de cette transcription à

11 l'intercalaire 14. Je vais demander la diffusion de cet extrait.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

14 Q. Monsieur Jovic, le général Panic a dit que le plan qui a suivi la chute

15 de la Croatie à la chute de Vukovar avait fait l'objet de discussion, et

16 avait été approuvé par la présidence tronquée. Avez-vous un commentaire à

17 formuler à cet égard ?

18 R. Jamais à la présidence, il n'a été discuté d'un plan de cette nature.

19 Il y avait toutefois, une position politique de prise qui avait été

20 confirmée à plusieurs reprises, et l'armée était au courant de la position

21 politique adoptée par la présidence, à savoir que nous ne voulions pas nous

22 servir de l'armée pour renverser les autorités croates pas plus que nous ne

23 voulions conquérir, envahir la Croatie qui a décidé de faire sécession à

24 l'égard de la Yougoslavie. Nous avons tout simplement souhaité qu'il soit -

25 - que cette armée se place entre les unités paramilitaires croates et les

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1 territoires à population serbe, en attendant de trouver une solution

2 politique pour la question dont nous parlons, c'était la position qui était

3 la nôtre.

4 Ce que disait M. Panic en affirmant qu'ils avaient un plan qui leur

5 permettait d'avancer jusqu'à Zagreb, il se peut qu'ils aient eu des plans à

6 eux et je suppose qu'ils avaient fort bien pu aller jusqu'à Zagreb. Mais la

7 politique de la présidence de Yougoslavie avait été celle de ne pas le

8 faire. Il n'y a pas eu de réunions concrètes à ce sujet-là. Il y avait une

9 position politique de prise et, des mois durant cette position politique,

10 elle était connue par des représentants de l'armée.

11 Q. Vous faisiez partie de la structure qui constituait le commandement en

12 chef de l'armée et est-ce que vous étiez au courant du plan de Panic ? Est-

13 ce que vous avez essayé de contrecarrer ses actions, de le contrôler d'une

14 façon ou d'une autre ? Quelle était la situation ?

15 R. Non. Ce plan nous n'en avions pas connaissance. Il m'a mentionné ici,

16 mais il ne s'est pas entretenu à ce sujet avec moi et il a même relativisé

17 la conversation qu'il avait eu avec moi, il a précisé que Kostic avait

18 exercé les fonctions de président à l'époque, il se peut qu'il se soit

19 entretenu avec lui. Ce que je puis affirmer pour ma part.

20 Q. Fort bien.

21 R. Pardon ? Oui, ce que je puis affirmer, pour ma part, c'est qu'à

22 l'époque, il était tout à fait clair au niveau de la présidence parce que

23 tous les membres de la présidence avaient clairement indiqué que nous

24 n'acceptions pas quelques avancées que ce soit en direction de Zagreb, nous

25 n'acceptions pas le renversement des autorités croates, nous ne voulions

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1 pas que soient envahis les territoires tenus par les Croates et nous avons

2 souhaité une solution politique pour les Serbes en Croatie et c'était là la

3 position qui était la nôtre.

4 Q. Encore deux pièces. L'une que nous avons ajoutée depuis hier sous forme

5 d'addendum. Nous avons une nouvelle liste des pièces, j'aborde ceci

6 rapidement. Intercalaire 20, nous avons extrait pour des raisons de

7 commodité un passage de la déposition de l'ambassadeur Okun. Il relevait à

8 cet endroit ceci. Il parlait de la prise de Vukovar et là je vous lis le

9 passage pertinent dans le milieu de la page : "Il a vu que la garnison

10 était petite, à peine touchée à Vukovar. M. Jovic, ex-président du pays a

11 dit dans son livre que la garnison avait été libérée le 20 septembre 1991."

12 C'est bien ce que vous avez écrit dans votre livre, Monsieur Jovic,

13 qu'arrivait la date du 20 septembre 1991, que la garnison avait été

14 libérée ?

15 R. Il faudrait que vous me montriez le passage où cela figure. Cela se

16 peut, mais je ne m'en souviens pas.

17 Q. Nous allons y venir dans un instant. Examinons maintenant la dernière

18 pièce, intercalaire 21. Ceci est de nouveau en rapport avec Vukovar. Il

19 s'agit d'un extrait vidéo de la télévision au moment où vous étiez,

20 effectivement, au sein de la présidence -- nous allons diffuser cet extrait

21 qui vient de la radio/télévision Belgrade et j'aimerais que vous commentiez

22 cet extrait.

23 Soit dit en passant, Monsieur Jovic, vous vous souvenez que, lorsque vous

24 avez discuté de divers problèmes avec le bureau du Procureur, nous vous

25 avions donné l'occasion d'évoquer et nous avions prévenu les sujets que

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1 nous allions abordés avec vous, y avaient des coupures de presse et ceci

2 avait été évoqué dans un article, mais ici il s'agit du même sujet et

3 parfois de télévision.

4 [Diffusion de cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas un transcript.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça va durer combien de temps ?

7 M. NICE : [interprétation] C'est presque terminé. Je suppose que vous aurez

8 eu l'occasion de suivre la transcription. Le témoin a entendu ce qui s'est

9 dit.

10 Q. Pourriez-vous nous aider sur ce point puisqu'ici au fait le succès

11 remporté à Vukovar ? Etiez-vous au courant de cela à l'époque ?

12 R. De cette cérémonie-là ?

13 Q. Oui.

14 R. Non. C'est la première fois que j'en entends parler.

15 Q. Vous avez lu un article portant sur le même sujet il y a quelques jours

16 de cela.

17 Hier, souvenez-vous, je vous posais une question, je vous demandais comment

18 vous étiez au courant ou si vous étiez au courant de la chute de Vukovar et

19 des crimes qui y furent commis. Cette célébration se fait le 21 novembre

20 1991. Pourriez-vous nous expliquer ceci ? Vous étiez une partie prenante,

21 un membre de cette instance qui était le commandement en chef. Est-ce que

22 vous étiez au courant de ce qui se passait en tant que tel ?

23 R. Et bien, je pense que les choses sont tout à fait claires. L'armée

24 n'avait pas été dépendante dans une telle mesure de la présidence au point

25 de ne pas pouvoir tenir une réunion de façon interne pour féliciter, vanter

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1 les mérites de quelqu'un ou punir quelqu'un. Ce sont là des choses qui sont

2 tout à fait normales. Comment dirais-je cela ne fait pas partie des

3 compétences de la présidence d'exercer un tel contrôle sur l'armée pour les

4 empêcher de se réunir et se féliciter mutuellement de telle chose ou telle

5 autre chose.

6 Q. Fort bien. J'ai encore trois ou quatre questions d'ordre général pour

7 lesquelles je demande votre aide. Avant que vous ne répondiez à la première

8 question, veuillez examiner avec les Juges et moi un certain passage de

9 votre déclaration. Je vous dis d'emblée quelle est la question et puis nous

10 pourrons retrouver les passages correspondant dans votre déclaration puis

11 je vous reposerai la question.

12 Voici ma question : est-ce que les dirigeants ont reconnu que la violence

13 dès le départ était la seule solution à ce problème ? Dans quelle mesure

14 était-ce le cas ?

15 Nous pourrons examiner la page 24, paragraphe 89, de votre déclaration en

16 anglais. Avez-vous ce paragraphe 89 sous les yeux, Monsieur Jovic ?

17 M. NICE : [interprétation] Je précise que, dans ce paragraphe tout à la fin

18 de la page, Messieurs les Juges, vous verrez qu'on parle de la levée du

19 siège de la garnison de Vukovar d'après une rubrique consignée par vous

20 pour le 20 septembre. Mais si nous remontons au paragraphe 88, nous avons

21 les trois premières lignes : "D'après Kadijevic, il faut une guerre

22 offensive très intense car faute de cela ce sera la défaite."

23 Q. Puis nous revenons, si vous le voulez bien, au paragraphe 81, à une

24 réunion. Il n'y a que vous trois à la maison de Kadijevic, l'accusé a

25 insisté pour que -- s'agissant de la nécessité pour les militaires de

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1 défendre les frontières futures de la Yougoslavie. Et effectivement plus

2 loin, ces frontières sont précisées.

3 M. NICE : [interprétation] Revenez également au paragraphe 48, Messieurs

4 les Juges, vous trouverez ce paragraphe à la page 14, ici l'on parle du 18

5 et du 21 janvier 1991.

6 Q. Monsieur Jovic, à la fin de ce paragraphe 48, vous dites avoir demandé

7 à l'accusé s'il préférait : "Qu'on s'empare des armes par la force plutôt

8 que de demander qu'on les donne -- qu'on les livre. Est-ce qu'il veut un

9 bain de sang sur une question qu'il est possible de résoudre de façon

10 pacifique ? A son avis, ce n'est pas une solution, a-t-il dit."

11 Le lendemain ou le même jour, paragraphe 49, vous dites : "L'accord que

12 j'avais passé avec Mesic est tombé à l'eau trois jours plus tard." "Les

13 Croates ont menti et n'ont pas rendu les armes. Milosevic a pensé que

14 c'était excellent. Il pensait que nous devrions accepter la sécession de la

15 Croatie, mais que nous devrions tenir de façon militaire, la Krajina."

16 Paragraphe 52, quatrième ligne de ce paragraphe, l'accusé est déçu des

17 résultats obtenus par la séance de la présidence. Il dit : "Ceci ne

18 correspond pas à son plan -- à son idée dont nous ne pouvons discuter par

19 téléphone --" il dit "-- parce que ceci est dû au fait qu'une fois que les

20 militaires auront couvert les territoires serbes en Croatie, nous n'aurons

21 plus de raison de craindre l'issue finale de la crise yougoslave."

22 Paragraphe 47, ici apparemment, ce sont les mots de Kadijevic, mais ceci

23 n'apparaît pas clairement lorsqu'on voit l'ensemble de la transcription.

24 Voici ses dernières lignes. "Nous allons verser le sang s'il n'y a pas

25 d'autre choix, mais uniquement pour les territoires où vivent les gens qui

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1 veulent rester dans la Yougoslavie."

2 M. NICE : [interprétation] Les Juges examineront également la page 12, fin

3 de votre paragraphe 42.

4 Q. Monsieur Jovic, en haut de la page, vous reconnaissez que les symboles

5 des Chetniks et des Oustachi et d'autres forces des collaborateurs battus

6 en déroute, au cours de la Deuxième guerre mondiale, sont en train d'être

7 paradés au grand jour et "qu'il y a une vague de haine et de préjugés

8 nationaux qui menacent de nous ramener à notre passé sanglant."

9 Puis nous avons la page en anglais, numéro 7. C'est votre paragraphe,

10 Monsieur -- 24, Monsieur Jovic.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Est-ce que c'est vraiment

12 équitable à l'égard du témoin. Ici, il s'agit d'arguments que vous essayez

13 de souffler ou d'imputer à ce témoin. De plus, ça prend beaucoup de temps.

14 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Mais j'aimerais quand même faire

15 référence à ces passages, et je vous explique pourquoi je me livre à cet

16 exercice. C'est pour vous aider, Messieurs les Juges. Sinon, revenons tout

17 à fait en arrière, en 1989, paragraphe 10, page 3.

18 Q. Bien, avant le début des violences, Monsieur Jovic, en 1989 -- c'est le

19 paragraphe 10 que nous examinons ici. Vous consignez ceci, à partir du bas

20 de ce paragraphe, c'est la quatrième ligne : "J'estimais cela parce que les

21 Serbes vivaient pratiquement partout en Yougoslavie et parce que j'avais la

22 ferme conviction que, si la Yougoslavie devait se démanteler, une bonne

23 partie de la population serbe pourrait se retrouver au-delà des frontières

24 de la Serbie, à moins qu'ils ne choisissent une autre solution, celle du

25 recours à la force."

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1 Et je voulais aider les Juges en vous posant la question suivante. Dans

2 quelle mesure --

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez qu'il ait terminé sa question

5 puis vous pourrez soulever une objection.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. -- dans quelle mesure a-t-on reconnu que la force militaire -- la

8 violence était la seule solution au problème politique qui se développait ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maintenant, vous pouvez poser votre

10 question, Monsieur Milosevic.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime que M. Nice est en train de citer un

12 point, et il parle du point 10, du paragraphe 10, de la déclaration du

13 témoin, et il le fait de façon incorrecte à l'égard du témoin. Il donne la

14 -- il omet la fin de la phrase, et il dit : "A moins que l'on est recours à

15 la force." Mais la phrase suivante qui dit : "Je redoutais un génocide à

16 l'égard des Serbes au cas où ils deviendraient une minorité nationale,

17 notamment en Croatie. La question serbe n'était pas une question aisée à

18 résoudre. Il y avait un risque objectif de voir une guerre civile survenir

19 pour un partage nouveau de la Yougoslavie." Malheureusement --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

21 Le témoin a entendu le reste de la citation. Il aurait d'ailleurs pu la

22 lire lui-même, tout seul. Il peut maintenant répondre à la question posée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous parlons du paragraphe 10, et si la

24 question pose là-dessus, je vais répondre. Ce que je dois dire auparavant

25 et vous prévenir, c'est que dans cette déclaration qui est la mienne, j'ai

Page 29210

1 souligné que les citations telles que données ici dans leur ensemble sont

2 extraites du livre, et que cela ne peut constituer un échantillon

3 représentatif.

4 Alors, si nous prenons une phrase dans cette citation, et si nous ne

5 prenons pas la citation toute entière, cela prête à débat et à explication.

6 Je demande à la Chambre, par conséquent, de faire en sorte

7 qu'indépendamment des phrases au sujet desquelles je suis interrogé, si je

8 n'ai pas le temps de lire le texte entier en raison du peu de temps dont je

9 dispose, et du reste, je demande à ce que le livre entier soit pris en

10 considération, ainsi que le contexte de l'extrait en question.

11 Alors, je reviens maintenant au point 10, au paragraphe 10. J'ai dit

12 clairement que notre intérêt substantiel en Serbie avait été de faire en

13 sorte que la Yougoslavie subsiste parce que le peuple serbe résidait dans -

14 - pratiquement dans toutes les républiques et, au cas d'un démantèlement de

15 la Yougoslavie, il y avait grand danger de voir une grande partie de la

16 population serbe à l'extérieur de sa république.

17 Compte tenu de notre historique, et en particulier l'histoire de la

18 Deuxième guerre mondiale, le peuple serbe a été décimé. Non pas décimé 3

19 million -- sur 3 millions, 1 million a péri. Il y avait donc un grand

20 danger d'exode en direction de la Serbie que nous ne saurions endurer. Bien

21 entendu, il y avait le danger de les voir priver de tous leurs droits, des

22 droits qui étaient les leurs en vertu des constitutions de la Croatie et de

23 la Bosnie et, comme c'est probablement ce qui a conduit au désaccord de la

24 population serbe là-bas, cela aurait donné lieu -- généré des conflits de

25 la part de ces derniers pour réaliser leurs droits. C'est ce que je disais.

Page 29211

1 Je disais qu'il y avait des risques objectifs de voir leurs droits menacés

2 et de les voir persécutés, voir décimer là-bas une fois de plus. Et j'ai

3 indiqué que, malheureusement, mes appréhensions se sont réalisées. Il y a

4 une guerre civile et plus de 250 000 personnes ont été expulsées de la

5 Croatie et sont arrivées en Serbie. Et le fait d'avoir estimé que la guerre

6 allait probablement être inévitable, malheureusement, mon évaluation s'est

7 avérée exacte, non pas que je l'ai souhaité, mais mon évaluation au

8 demeurant était juste.

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. Deuxième question générale que je poserai, sans faire des références à

11 des pages, ce qui prendrait trop de temps. La voici. Quel est votre

12 fondement philosophique qui permet de refuser la sécession pour les

13 Albanais de Kosovo, là où ils constituent une majorité, et où on est prêt à

14 imposer un régime serbe dans des régions de Croatie et plus tard en

15 Bosnie ? Mais d'abord, parlons pour votre temps -- pour votre mandat de la

16 Croatie où vous aviez des Serbes qui se trouvaient localement en situation

17 de majorité, où on était prêt à imposer un régime serbe dans des zones

18 comme la Slovanie orientale, la Drina occidentale, Dubrovnik où il n'y

19 avait pas de majorité serbe. Pourriez-vous nous dire en quelques mots quel

20 est ce fondement -- cette justification philosophique à de telles

21 positions ?

22 R. Il n'y a pas de fondement philosophique, il y a un fondement

23 constitutionnel qui entre en jeu. Tout simplement les Albanais du Kosovo et

24 Metohija et en Serbie du mère général constituent une minorité nationale,

25 étant donné qu'ils disposent d'un pays mère qui est l'Albanie. Aucun peuple

Page 29212

1 dans le monde pour autant que je le sache n'a eu la possibilité de disposer

2 de deux états. Il n'y a pas de raison pour ce faire. Si certaines parties

3 de ce peuple vivent dans un autre pays cela ne signifient qu'ils ont

4 ailleurs une mère patrie, donc les Albanais au Kosovo avaient une

5 autonomie. Le Kosovo de Metohija avait disposé d'une autonomie avec une

6 majorité d'Albanais et ils jouissaient de droits énormes qui étaient

7 presque ceux d'une république.

8 Pour ce qui est de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine par ailleurs, il

9 s'agissait de deux républiques en Yougoslavie qui ont été les seules à

10 avoir plusieurs nations constituantes -- constitutionnellement

11 constituantes, donc la Serbie et le Monténégro sont des états uni nationaux

12 et la Croatie et la Bosnie étaient des républiques où deux ou trois nations

13 constituaient de par la constitution la république. Dans la constitution

14 croate, il était dit que la Croatie était l'état du peuple croate et serbe,

15 en Bosnie la constitution disait que la Bosnie-Herzégovine était l'état des

16 Serbes, des Croates et des Musulmans. Maintenant ils s'appellent Bosniens,

17 mais tel était leur droit défini non pas seulement au sein de la

18 constitution, mais jusqu'au dernier des détails pour ce qui est de

19 l'exercice du pouvoir. Cela fait que les Serbes sur le territoire, où ils

20 avaient été en majorité -- et je crois que les Nations Unies ont proclamé

21 qu'il y avait 24 municipalités à majorité -- et bien, il y avait une

22 majorité serbe dans ces municipalités, ils avaient le pouvoir, bien sûr. Il

23 y avait des Croates qui participaient au pouvoir qui résidaient là, mais

24 ils étaient représentés proportionnellement et, au parlement, il y avait

25 une représentation proportionnelle des députés par rapport aux populations

Page 29213

1 respectives du fait que les Serbes et les Croates en Bosnie et les

2 Musulmans également en Bosnie étaient les éléments constitutifs de cet

3 état, ils avaient les mêmes droits.

4 Donc je reviens aux dispositions de la constitution de Yougoslavie, où il

5 est précisé -- où il est stipulé que le droit à l'autodétermination est

6 qu'un droit inaliénable et il appartient aux républiques et aux peuples. On

7 sous entend les peuples au sein des républiques. Il n'a jamais été dit que

8 le peuple serbe pouvait organiser un référendum et faire sécession, en tant

9 que peuple, non. On pouvait faire un référendum au sein d'une république.

10 Là où il y a un peuple, il y en a deux -- là où il y a deux, il y a deux

11 référendums; là où il y a en trois, il y a trois référendums. Et s'il y a

12 des divergences, il s'agit d'harmoniser les positions pour continuer à

13 vivre ensemble, donc la solution doit être une solution conjointe. C'est le

14 fondement constitutionnel qui n'est pas arrivé là par hasard, cela découle

15 du contexte historique. Cela a été accepté par tous les autres peuples

16 yougoslaves.

17 Q. Fort bien, Monsieur Jovic, ceci a été bien compris. Mais l'autre point

18 c'est d'imposer un régime serbe dans des endroits où les Serbes ne

19 constituaient une minorité où qu'une majorité relative. Pourriez-vous nous

20 dire quelle est la justification politique ou philosophique à un tel avis,

21 notamment, s'agissant de Dubrovnik ?

22 R. Il n'y a aucune preuve quand que ce soit la Serbie ait essayé d'imposer

23 l'autorité serbe à Dubrovnik, ceci est absolument inexact. Je voudrais que

24 vous m'indiquiez quand ça que cela s'est fait.

25 Q. Je n'ai pas à répondre. Voici ma dernière question. Le temps passe, je

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1 m'en rends compte. Il est, cependant, important que ceci soit dit, vous le

2 savez, Monsieur Jovic. M. Markovic, comme vous le dites clairement dans

3 votre déclaration, c'est un Monsieur qui aurait produit des articles

4 anonymes contre vous à un moment donné dans un journal. Il est venu, il va

5 revenir pour terminer sa déposition. Vous le critiquez dans ce document.

6 Est-ce que c'était un homme de paix et de compréhension ? Ou est-ce que

7 vous l'avez critiqué, et quelle est la critique que vous -- en tant que

8 dirigeant, vous avez formulé contre lui ?

9 R. Et bien, M. Markovic avait été le président du conseil exécutif fédéral

10 dont il -- qui avait pour attribution tout ce qui relevait de la politique

11 économique et la police fiscale, donc tout ce qui a trait à l'économie

12 d'une manière générale. Un autre avis, il a conduit la police économique

13 dans certains segments de façon contraire aux intérêts de la Serbie et il y

14 avait un objectif politique qui était celui de renverser la direction

15 serbe. Je vais vous citer plusieurs exemples, étant donné qu'il s'agit là

16 d'une matière des plus complexes. Il a procédé à l'élaboration d'un

17 programme de stabilisation en vertu duquel les prix des produits qui

18 étaient fabriqués en Serbie et vendus commercialiser sur le reste du

19 territoire de la Yougoslavie, à savoir, l'énergie -- l'énergie électrique

20 et les produits agricoles, et bien, ces prix-là ont été limités par l'état

21 à des niveaux si bas qu'il ne pouvait réaliser aucune espèce

22 d'accumulation, mais il a réalisé des pertes; nonobstant, cela ils avaient

23 approvisionné le reste de la Yougoslavie.

24 D'autre part, il a autorisé la libre constitution des prix pour tous les

25 autres produits provenant des autres républiques qui étaient commercialisés

Page 29215

1 entre autres sur le territoire de la Serbie. Cela a porté préjudice à la

2 Serbie, elle avait du mal à accepter la chose.

3 D'autre part, la Serbie était grand exportateur vers l'ex-URSS. Les autres

4 républiques exportaient également, mais la Serbie exportait le plus vers ce

5 territoire-là, et les mécanismes de ces exportations faisaient en sorte que

6 l'état avait apporté son soutien, à savoir, lorsque l'on exportait les

7 marchandises vers l'URSS, il y avait un fond de l'état qui permettait de

8 payer immédiatement les créances en question, et l'argent était restitué

9 vers ce fond. Lorsque les marchandises arrivaient en Yougoslavie et la

10 Yougoslavie emportait de là-bas le gaz le pétrole, et cetera, une fois donc

11 ces produits vendus, l'argent était restitué dans ce fond-là.

12 Q. [imperceptible] votre réponse puisque M. Markovic a parlé de ce qu'il

13 avait fait.

14 M. NICE : [interprétation] Je vais m'arrêter ici. Je n'ai pas d'autres

15 questions à poser à ce témoin, je m'arrête.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

17 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, mais vous m'avez

19 interrompu juste au moment où je voulais prononcer encore une phrase, et si

20 les juges de la Chambre le permettent j'aimerais la prononcer.

21 Je dirais que nous avons dû interrompre nos exportations vers la Russie

22 parce qu'il a mis un terme à ce mécanisme-là. Il a dit que ce n'est qu'une

23 fois que l'on aura encaissé le paiement que vous pouvez encaisser vous-

24 même, donc nous avons estimé qu'il avait œuvré contre l'économie de notre

25 état et contre la direction de la République de Serbie.

Page 29216

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

2 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que de procéder au contre-interrogatoire,

4 Monsieur May, Monsieur Kwon, Monsieur Robinson, je tiens à vous dire que

5 j'ai reçu la décision, que vous avez le texte de la décision que vous avez

6 prise dimanche. Vous avez limité le temps imparti à M. Nice jusqu'à deux

7 heures, et moi je me suis vu accorder six heures, les amis de la Chambre

8 ont eu une heure. On peut le constater que M. Nice a usé de non pas de deux

9 heures, mais de deux sessions et, aujourd'hui, il a usé de 55 minutes. Je

10 suppose que ceci vous se répercuter de façon proportionnelle et adéquate à

11 l'élargissement du temps qui m'est imparti à moi-même et je vous demande de

12 la façon la plus aimable de ne pas perdre cela de vue.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons en tenir compte, mais vous

14 avez aussi entendu dire que nous allions donner davantage de temps au

15 bureau du Procureur parce que nous avions posé une condition. Il devait

16 présenter des éléments de preuve au cours des débats à cela s'ajoute le

17 fait qu'il y a de nouveaux documents qui ont été présentés au témoin pour

18 examen. Nous allons tenir compte de votre -- nous, nous pensions que six

19 heures suffisaient amplement pour procéder à contre-interrogatoire. Nous

20 n'oublions pas non plus que nous voulions terminer cette déposition cette

21 semaine et il nous reste une journée et demie pour se faire. Nous verrons

22 aussi s'il est possible de siéger un peu plus tard cette après-midi pour

23 avoir davantage de temps. Vous avez la parole.

24 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

25 Q. [interprétation] Etant donné que le temps m'est tout de même limité et

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1 étant donné qu'il y a beaucoup de sujets dont on a parlé ici, et au sujet

2 de quoi tu es censé pouvoir témoigner de façon objective, parlant des

3 périodes où tu as occupé les fonctions les plus éminentes en Serbie et en

4 Yougoslavie. Je m'efforcerai, pour ma part, de poser véritablement les

5 questions de la façon la plus brève possible et d'y répondre dans la mesure

6 où tu estimes nécessaire d'y apporter des explications.

7 Ici, comment dirais-je, pour ce qui est de ce prétendu acte d'accusation,

8 l'allégation la plus importante est celle de dire que c'est nous, ou plutôt

9 moi, parce que c'est moi qui s'y assis sur ce siège-ci, et certainement

10 d'autres membres de la direction, ce qui avait constitué le sommet de

11 l'état, avions eu un concept qui aurait été celui d'une Grande Serbie.

12 J'aimerais obtenir une réponse des plus nette à cette question : Est-il

13 exact, oui ou non, de dire que c'est là invention pure et simple que de

14 dire que la direction politique de la Serbie avait eu un concept de

15 création d'une Grande Serbie. En d'autres termes, est-il exact de dire que

16 jamais la direction politique de la Serbie ou de la Yougoslavie n'avait

17 fait sien une conception au terme de laquelle il s'agissait de créer une

18 Grande Serbie ?

19 R. C'est tout à fait exact. Ce que je peux dire, c'est que nous avons

20 pendant toute cette période développé trois conceptions en fonction de la

21 situation. Première conception, conserver la Yougoslavie ce que nous ne

22 sommes pas parvenu à faire. Deuxième conception, s'il est inévitable que la

23 Yougoslavie se démantèle, maintenir le droit à l'autodétermination, donc

24 faire intervenir, ceux qu'il faut faire intervenir pour que la population

25 puisse s'exprimer. Troisième conception, garantir l'égalité du peuple serbe

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1 même égalité que celle dont jouissent tous les autres peuples, donc

2 maintenir l'égalité des droits des Serbes par rapport aux autres

3 populations lorsqu'ils ne résident pas en Serbie.

4 Q. Mais j'ai déjà expliqué ce qu'il en était de l'histoire et du

5 développement annexion de la Bosnie-Herzégovine puis création de l'Austro-

6 Hongrie et le fait que tout ce qui était serbe était qualifié de Grande

7 Serbe à ce moment-là. Donc, j'ai parlé de ce mot d'ordre selon lequel on

8 voyait bien que le peuple serbe auraient eu des aspirations à une "Grande

9 Serbie" ce qui était considéré comme un prétexte pour mettre en œuvre des

10 tendances séparatistes à l'époque et entre autre, le plan de démantèlement

11 de la Yougoslavie.

12 R. Et bien, les historiens ont le dernier mot en la matière et ils ont

13 parlé de cette théorie de la Grande Serbie à l'époque. Ils ont dit comment

14 elle était apparue et ce qu'ils ont dit est sans doute exact aujourd'hui.

15 Mais s'agissant du démantèlement de la Yougoslavie, il est de notoriété

16 publique, ou en tout cas pour ce qui me concerne, je sais bien que le

17 peuple slovène et le peuple croate avaient des aspirations historiques à

18 créer leurs propres états indépendants. Ces aspirations remontent à la

19 désintégration de l'empire austro-hongrois lui-même. Parce qu'à l'époque,

20 elle n'avait pas réussi à atteindre leur objectif, ces aspirations, donc

21 les Slovènes et les Croates ont été poussés en même temps à exiger leur

22 propre état et pendant toute leur existence, ou en tout cas pendant toute

23 l'existence de la nouvelle Yougoslavie créée après la Première guerre

24 mondiale, les Slovènes et les Croates ont incessamment œuvré à l'obtention

25 de leur indépendance et de leur autonomie. Et ils ont finalement réussi à

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1 imposer des modifications à la constitution en 1974 mais sans réussir à

2 obtenir à ce moment-là des quelconques décisions leur permettant de sortir

3 de la Yougoslavie sans sanctions.

4 Q. Mais lorsqu'ils ont intégré la Yougoslavie après la Première guerre

5 mondiale, ils se sont mis ensemble, je veux parler des Slovènes, des

6 Croates et des Serbes, qui ont constitué ensemble des zones à partir

7 desquelles ils se défendaient contre la monarchie austro-hongroise. Et

8 c'était l'idée du président américain Wilson de leur donner la possibilité

9 de créer, d'exprimer leur autodétermination et de proclamer ce droit à

10 l'autodétermination. Donc les Croates, les Slovènes et les Serbes ont, à

11 partir de l'ancienne Austro-Hongrie, uni leurs forces pour créer la

12 nouvelle Yougoslavie, n'est-ce pas ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Donc ils ont créé la Yougoslavie sur la base de principe d'égalité, et

15 lorsqu'ils sont sortis de la Yougoslavie, ils ont en fait fouler aux pieds

16 ces principes à l'encontre du peuple serbe qui avait lui-même été à

17 l'origine de cette nouvelle Yougoslavie et avec laquelle ils vivaient

18 depuis la Deuxième guerre mondiale ou plutôt même la fin de cette guerre

19 sur le territoire de l'ancienne Austro-Hongrie, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact. C'était l'ancien territoire de la Slovénie, la

21 Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Vojvodine, tout cela, c'étaient des

22 territoires sur lesquels on trouvait des Serbes, des Croates et des

23 Slovènes qui vivaient aux côtés les uns des autres. Bien sûr, les Slovènes

24 sont maintenant en Slovénie. Les frontières existent entre ces peuples qui,

25 avant, étaient réunis au sein de la Yougoslavie et donc en Yougoslavie, ils

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1 constituaient un même état avec les Slovènes, les Croates et les Serbes

2 qui, au départ, avaient rejoint le Royaume de Serbie.

3 Q. Donc pour se résumer au sujet de la Grande Serbie, il est vrai, n'est-

4 ce pas qu'aucun des responsables politiques, aucun des organismes

5 politiques de Serbie ou de Yougoslavie n'a jamais défendu l'idée de créer

6 un plan en fonction du concept de Grande Serbie ?

7 R. Oui, c'est exact. Ceci n'a jamais été le cas. Ce n'était pas l'intérêt

8 du peuple serbe.

9 Q. Et il est bien vrai, n'est-ce pas, que notre position de principes

10 pendant toute la crise yougoslave, indépendamment de savoir quelles étaient

11 les différentes versions sur lesquelles nous travaillions, donc tu as parlé

12 de cela, tu as parlé du droit à l'autodétermination, de l'égalité, ces deux

13 mots finalement reviennent, veulent dire la même chose mais notre grand

14 principe, c'était le principe d'égalité du peuple serbe avec les autres

15 peuples sur les territoires sur lesquels ils vivaient, n'est-ce pas, rien

16 de plus, rien de moins, et personne d'ailleurs n'en demandait plus, c'est

17 bien exact ?

18 R. Oui, c'est exact. Tu as raison.

19 Q. Fort bien. Je vais maintenant, le plus rapidement possible, aborder

20 quelques questions relatives au Kosovo.

21 Hier, tu as parlé de l'époque antérieure à l'élection présidentielle en

22 République de Serbie, et à ce moment-là, avant ces élections, tu étais

23 président de l'assemblée nationale serbe, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Et c'est à ce moment-là, lorsque tu étais président de l'assemblée

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1 nationale serbe que des amendements constitutionnels ont été votés qui ont

2 entraîné un certain nombre de changements en Serbie et ces changements

3 portaient sur le Kosovo et la Vojvodine, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Tu étais à l'époque président aussi de la commission qui a contribué à

6 élaborer ces amendements constitutionnels, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Donc je suppose qu'il est impossible de trouver quelqu'un de plus

9 compétent pour expliquer le contexte politique et juridique de ces

10 amendements constitutionnels, politiques d'ailleurs avant tout mais il y a

11 également une question de droit qui est en cause, cela dit, sur le plan

12 politique, un certain nombre d'organes étaient concernés, y compris

13 d'ailleurs l'assemblée nationale ?

14 R. Oui. Il y a un certain nombre d'organes et j'en parlerai.

15 Q. Fort bien. En fait, chacune des réponses peut être oui ou non. Mais je

16 n'insiste pas que le témoin réponde sans apporter d'explications

17 complémentaires. Est-il exact que depuis 1946, depuis la constitution de

18 1946, le Kosovo avait un certain degré d'autonomie et que la Vojvodine

19 avait une autonomie supérieure légèrement à celle du Kosovo et de la

20 Metohija ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que par la constitution de 1963, le Kosovo et le Metohija ont

23 été réunis ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-il exact que dès la constitution de 1963, la Vojvodine et le Kosovo

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1 ont atteints le plus haut degré possible d'autonomie, un degré d'autonomie

2 qui n'existait nulle part ailleurs dans le monde ?

3 R. Ça je ne pourrais pas le dire parce que je ne sais pas quelle est la

4 réalité partout dans le monde, mais en tout cas le degré d'autonomie est

5 important.

6 Q. Est-il exact que par les modifications à la constitution qui ont été

7 votées par la suite au début des années 1970, notamment avec le vote de la

8 constitution de 1974, ce statut de province qui atteignait un degré inégalé

9 d'autonomie tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, puisque

10 ces provinces étaient des éléments constitutifs du pays tout en étant des

11 provinces socialistes autonomes qui faisaient partie de la fédération en

12 application des règles en vigueur dans la république de Serbie et que donc

13 il y avait une certaine tutelle de la république de la Serbie sur elle ?

14 R. Oui, c'est exact. En 1971, il y a eu des amendements constitutionnels

15 qui ont donné à ces provinces tous les droits d'une république à

16 l'exception d'un certain droit très limité, c'est-à-dire, par exemple,

17 l'existence d'un drapeau.

18 Q. Fort bien. Mais j'aimerais que nous tirions au clair un point tout à

19 fait important, à savoir que ceci s'est fait ce haut degré d'autonomie a

20 été accordé en accord avec la constitution yougoslave et avec la

21 constitution de Serbie. Je vais illustrer mon propos.

22 Est-il vrai que la constitution yougoslave de la RSFY de 1974 a accordé un

23 très haut degré d'autonomie, notamment dans les Articles 1 et 2 étant donné

24 que la RSFY était composé de six républiques, et de deux provinces

25 autonomes mentionnées également. Dans ces articles de la constitution, et

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1 l'accent est mis sur ces deux articles sur le fait que ces deux provinces

2 sont parties constitutives de la République socialiste de Serbie. Ceci est-

3 il exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-il également stipulé à l'Article 3 de la constitution de la RSFY,

6 je cite : "La république socialiste," les provinces autonomes ne sont pas

7 mentionnées mais elles font partie de la république socialiste, donc : "La

8 république socialiste est un état qui jouit de la souveraineté des nations

9 et de la règle de l'autogestion pour les travailleurs et la classe ouvrière

10 dans son ensemble, la démocratie autogestionnaire assure l'immunité au

11 peuple travailleur et aux citoyens dans le cadre de nations et de

12 nationalités égales."

13 Est-ce que vous connaissez cet Article 3 de la constitution ?

14 R. Oui.

15 Q. Savez-vous également que la constitution de Serbie définit les

16 républiques de la même façon ?

17 R. Oui.

18 Q. Et en tant "qu'état fondé sur la souveraineté des peuples et

19 l'expression de l'autogestion de la part de la classe ouvrière et de

20 l'ensemble du peuple travailleur." Est-ce que ceci n'implique pas un

21 pouvoir et une autorité exercée par le peuple sur l'ensemble du territoire

22 constituant l'état en question ?

23 R. C'est de cette façon que les choses auraient dû être, mais cela n'a pas

24 été le cas dans certains cas particuliers.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

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1 demandé au témoin de confirmer il y a quelques instants que ceci était en

2 contravention avec la constitution yougoslave et la constitution de Serbie,

3 c'est ce qui figurait au compte rendu anglais. Pouvez-vous nous expliquer

4 cela ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que j'ai dit est, et je le confirme par le

6 biais des réponses apportées par le témoin à ma question, c'est que le

7 degré d'autonomie accordé aux provinces autonomes était en contradiction

8 avec la lettre de la constitution, à savoir que la constitution contenait

9 des dispositions qui étaient en contradiction avec elle-même, si je peux

10 m'exprimer ainsi, parce qu'à l'Article 3 de la constitution que je viens de

11 citer et que M. Jovic a confirmé, il est stipulé qu'une république

12 socialiste -- ou plutôt les républiques socialistes -- or une république

13 est équivalente à un état, donc les républiques socialistes sont des états,

14 et dans le même temps, dans d'autres dispositions il est stipulé qu'un très

15 haut degré d'autonomie est accordé aux provinces autonomes, ce qui signifie

16 qu'il y a contradiction interne au texte. C'est la raison pour laquelle

17 j'ai demandé au témoin si l'existence d'un état signifie qu'il existe un

18 gouvernement qui dirige les choses sur le territoire correspondant à cet

19 état. Et le témoin a confirmé que c'était bien le cas. Mais en tant que

20 juriste, puisque je suis juriste, Monsieur le Juge Robinson, vous savez

21 comme moi qu'un état fournit, développe un certain pouvoir et une certaine

22 autorité sur le territoire sur lequel il se trouve.

23 Puis-je continuer mes questions ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

Page 29225

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Est-il vrai que les organes de Serbie n'avaient aucune compétence,

3 aucune possibilité d'intervenir sur le territoire des provinces autonomes

4 étant donné que la hiérarchie du pouvoir ne s'arrêtait à la limite de ces

5 provinces ?

6 R. Et bien, il n'avait pas cette possibilité en droit, les organes de la

7 république au niveau des provinces n'avaient aucun droit mais les habitants

8 des provinces avaient le droit de faire valoir leurs droits au niveau de la

9 république. Par exemple, il était impossible pour ces habitants de porter

10 plainte devant les tribunaux de la république, mais au Kosovo si un

11 habitant considérait que quelque chose n'allait pas, il pouvait tout de

12 même porter plainte au niveau de la province.

13 Q. Fort bien. Donc il est vrai que la hiérarchie des instances juridiques

14 allaient jusqu'à la cour suprême des provinces mais n'atteignait pas la

15 cour Suprême de Serbie -- il n'y avait pas étendu de la compétence jusqu'au

16 territoire de la Serbie, n'est-ce pas ?

17 R. Et c'est ce qui créait des difficultés parce que la Serbie ne pouvait

18 pas mettre en œuvre sa constitution sans que la province autonome, sans que

19 les provinces autonomes soient d'accord et les provinces autonomes ne

20 pouvaient voter aucun texte juridique, statutaire, ne pouvaient pas

21 modifier les constitutions ou autres sans que le niveau de la république

22 donne son accord, ce qui bien sûr était complètement insensé.

23 Q. Fort bien. Maintenant j'ai donné des exemples en nombre limité compte

24 tenu que le temps est limité, mais est-ce que ces exemples ne permettent

25 pas de confirmer très clairement que sur le plan institutionnel et

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1 constitutionnel à partir de 1974, les décisions qui ont été prises dans la

2 constitution serbe allaient très clairement à l'encontre des dispositions

3 de la constitution de la RSFY qui définissait le statut des républiques de

4 façon générale, y compris donc de la république de Serbie, et comme étant

5 celui d'une république socialiste, et donc comme celui d'un état, n'est-ce

6 pas ? C'est bien ce qui était écrit dans le texte ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-il vrai que la Serbie, en vertu de sa propre constitution, devait

9 défendre le droit de tous ses citoyens ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-il manifeste que cette tâche n'a pas été accomplie dans les

12 provinces parce qu'aucun mécanisme institutionnel ne permettait de le

13 faire, que ce soit sur le plan juridique ou autrement, n'est-ce pas ?

14 R. En effet.

15 Q. Donc sur le territoire des provinces, la Serbie était totalement

16 impuissante, même si en vertu de la constitution de Serbie et en vertu de

17 la constitution yougoslave, les deux provinces étaient censées faire partie

18 de la Serbie, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Et en dépit du devoir qui était le sien de s'occuper de tous les

21 citoyens résidents sur son territoire, en fait la république de Serbie

22 s'est pratiquement vue dénier la possibilité de remplir cette tâche ?

23 R. Oui.

24 Q. Donc selon les constitutions fédérales et les constitutions des

25 républiques, tous les citoyens devaient être sur un pied d'égalité, n'est-

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1 ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. N'est-il pas clair que le principe d'égalité qui prévaut sur toute

4 division administrative a été totalement remis en cause ?

5 R. C'est la raison pour laquelle il fallait modifier la constitution; pas

6 parce qu'elle était écrite comme elle était écrite mais parce que dans la

7 pratique elle créait des difficultés insurmontables. En Vojvodine nous

8 n'avons pas eu les mêmes problèmes mais au Kosovo il y avait une grande

9 partie de la population du Kosovo qui ne pouvait pas être défendu

10 correctement par les autorités par le gouvernement du Kosovo, et donc ces

11 citoyens ont cherché protection au niveau de la république, or la

12 république en droit ne pouvait pas intervenir pour leur accorder cette

13 protection.

14 Q. Nous y viendrons également à ce sujet. Mais est-il exact que le statut

15 autonome de la Vojvodine et du Kosovo ainsi que la Metohija a été accordé à

16 ces régions en raison des caractéristiques spécifiques de ces régions et de

17 leur histoire ethnique, culturelle, et cetera ?

18 R. Oui.

19 Q. Et la population était mixte, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-il exact qu'un nombre de lois très limité de Serbie, à partir de

22 1974 couvrait ou concernait l'ensemble de la république, alors que des lois

23 en nombre beaucoup plus important étaient votées au niveau des provinces

24 autonomes qui ne concernait que ces provinces autonomes, ou au niveau de la

25 Serbie qui ne concernait que la Serbie. Et ce en raison des difficultés

Page 29228

1 juridiques évoquées tout à l'heure ?

2 R. Oui. En pratique, c'est de cette façon que les choses se passaient,

3 puis il y avait coordination.

4 Q. Est-il vrai que sur le plan législatif, la désintégration qui a eu lieu

5 n'avait rien à voir avec les caractéristiques des provinces autonomes,

6 n'avait rien à voir avec les raisons qui avaient poussé à leur accorder

7 cette autonomie ?

8 R. Et bien, je ne dirais pas que cela n'avait rien à voir, mais en tout

9 cas cela avait surtout à voir avec, par exemple, les problèmes éducatifs.

10 Parce que s'agissant de ces questions, les choses auraient pu être réglées

11 différemment en fonction de la composition ethnique. Des gens or, --

12 certaines décisions ont été prises qui n'auraient peut-être pas dû l'être,

13 des différences introduites qui n'auraient peut-être pas dû l'être. Le Code

14 pénal aussi aurait dû être le même partout. Or, il y avait des codes pénaux

15 différents. Donc si quelqu'un pouvait être poursuivi dans une province, il

16 pouvait aller ailleurs et être puni différemment. Ceci n'est pas possible

17 dans un même état. C'est impossible de fonctionner dans ces conditions.

18 Q. Mais n'est-il pas exact que ce genre de différence législative était

19 arrivé à l'absurdité et que la Serbie en tant qu'état, en tant qu'état à

20 part entière en était carrément niée ?

21 R. Et bien, cela a remis très sérieusement en question l'existence de la

22 Serbie en tant qu'état, en tant qu'état à part entière. Et dans le même

23 temps, cela a remis en question l'égalité de la Serbie par rapport aux

24 autres républiques qui n'éprouvaient pas les mêmes problèmes.

25 Q. Fort bien. Est-ce que cela ne montre pas que les amendements

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1 constitutionnels de 1989 étaient indispensables pour qu'au niveau de la

2 république, les dispositions, les termes de la constitution soient les

3 mêmes qu'au niveau de la fédération. Et qu'il n'y ait plus contradiction

4 entre les deux textes. Et la seule façon de réparer, de ramener la

5 situation à une situation normale était de voter ces amendements.

6 Mais avant que tu ne répondes à ma question, je montre l'ouvrage que j'ai

7 ici entre les mains, un ouvrage historique qui est très intéressant.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et que je vais demander à verser au dossier à

9 M. Nice. C'est le livre de M. Jovic également. Donc page 144, je vais citer

10 un passage, et j'aimerais te demander ton commentaire. Début de la

11 citation. --

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît, lorsque

13 vous lisez, Monsieur Milosevic.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Très bien. Je vais sauter ce passage. Enfin, je cite : "Cet amendement

16 exprime les pouvoirs législatifs au niveau de la république, notamment en

17 matière de défense nationale de ministère de l'Intérieur et des relations

18 internationales --" Je m'arrête ici pour qu'il n'y ait absolument pas la

19 moindre erreur d'interprétation. Par internationales, il est question ici

20 de rapports avec l'étranger et pas de rapports interethniques à l'intérieur

21 du pays. Mais maintenant, je continue la lecture de ce passage. Je cite :

22 "La protection des valeurs centrales, et cetera, et cetera, avec

23 l'aspiration que chacun s'exprime en contradiction avec la constitution

24 yougoslave et aux responsabilités de la Serbie et conformément aux droits

25 et aux responsabilités des provinces sans aucune référence ambiguë à

Page 29230

1 l'expression d'une autre forme de souveraineté."

2 Donc tout ceci, ce sont les droits qui doivent être exercés au niveau de la

3 république et niveau de l'état, n'est-ce pas ?

4 Page 144. Si nous avons le temps, je ferai d'autres citations. Mais en tout

5 cas, je crois que cela permet de comprendre ce qui a été dit à l'instant.

6 Est-il clair que ces amendements constitutionnels étaient nécessaires,

7 qu'ils étaient indispensables étant donné le très haut degré d'autonomie

8 dont jouissaient les provinces, et la contradiction qui existaient entre

9 les textes au niveau des provinces de la république et de la fédération ?

10 Ceci est-il exact ?

11 R. Et bien, permets-moi de dire une chose. D'abord il est exact que la

12 situation en vigueur à l'époque a permis à certaines forces présentes au

13 Kosovo, et qui souhaitaient un Kosovo ethniquement pur, or ces forces ont

14 toujours existé depuis des siècles. Ce n'était pas une caractéristique de

15 la période où nous étions au pouvoir. Donc étant donné que le droit

16 constitutionnel, le droit législatif était en fait totalement entre leurs

17 mains, cela leur donnait la possibilité y compris d'en abuser, et de créer

18 dans l'esprit des Serbes de la région, l'impression qu'ils fallaient qu'ils

19 fuient la région. Et l'exode a été massif. Des dizaines et des dizaines de

20 milliers d'habitants ont fui vers la Serbie, ce qui a créé d'immenses

21 problèmes politiques, d'importantes pressions sur la Serbie qui a dû

22 trouver le moyen de régler ses problèmes.

23 Donc la Serbie a posé le problème devant la Yougoslavie toute entière. Et

24 au niveau de la Yougoslavie, un débat très animé a eu lieu qui a abouti à

25 certains moments à des modifications constitutionnelles.

Page 29231

1 En 1988, après des débats intenses au comité central, la constitution a été

2 amendée par la Serbie de façon à ce que la situation devienne plus claire.

3 Donc il y a d'abord amendement de la constitution yougoslave de façon à ce

4 que la Serbie puisse elle-même modifier sa constitution sans être en

5 contradiction avec la constitution yougoslave, et après cela il y a eu

6 amendement de la constitution serbe, mais avec accord des assemblées des

7 provinces autonomes. Ça c'est une réalité.

8 Donc dans ces conditions, les provinces autonomes ont continué à jouir de

9 tous les droits qui étaient les leurs au niveau culturel, au niveau de

10 l'enseignement, au niveau des médias, au niveau donc de l'information, des

11 droits de l'homme, et toute sorte d'autres niveaux. Mais tout ce qui

12 concernait le droit, le code pénal, les poursuites judiciaires par le

13 Procureur, la police, l'armée, tout cela a été modifié. Or, tout cela,

14 lorsque je dis tout cela, ce sont des domaines qui relèvent directement de

15 l'état, en général. Donc c'est à ce niveau que les amendements ont eu lieu

16 pour qu'il y ait concordance avec la constitution yougoslave entre la

17 constitution yougoslave et la constitution votée par les assemblées des

18 deux provinces autonomes. En tout égalité, un certain nombre de

19 dispositions ont été votées qui enlevaient un certain nombre de droits, et

20 notamment la possibilité législative de voter la constitution. La province

21 étant à un niveau territorial inférieur à celui du niveau territorial, de

22 l'unité territoriale qui vote les modifications constitutionnelles.

23 Q. Mais qu'il n'y ait pas de malentendu. Le pouvoir judiciaire est

24 totalement resté -- est resté entre les mains des provinces. Mais ces

25 provinces n'avaient plus d'indépendance à ce niveau-là. Donc il fallait que

Page 29232

1 la hiérarchie judiciaire s'achève au niveau de la Cour suprême de Serbie

2 désormais.

3 R. Oui. Désormais, tout citoyen d'une province pouvait porter plainte

4 devant un Tribunal de Serbie après s'être adressé au tribunaux du Kosovo.

5 Or, c'était impossible avant.

6 Q. Est-il exact que la constitution de 1974 prévoyait un certain nombre de

7 modifications qui avaient déjà été introduites au Kosovo et en Vojvodine,

8 éléments constitutifs de la fédération y compris après les amendements en

9 question. Donc ce que je demande, c'est est-ce que le Kosovo et la

10 Vojvodine sont tout de même restés des éléments constitutifs de la

11 fédération comme par le passé ?

12 R. Oui. Il y a toujours une grande confusion lorsqu'on me parle de cela.

13 Lorsque les amendements ont été votés par la Serbie en 1989, le Kosovo et

14 la Vojvodine n'ont pas changé de statut par rapport à la fédération. Ils

15 sont restés des éléments constitutifs de la fédération, comme c'était le

16 cas avant. Et cela signifie que le Kosovo et la Vojvodine avaient leur

17 propre délégation à l'assemblée fédérale comme c'était le cas auparavant,

18 avait leurs propres députés, les mêmes droits que par le passé, en fait, un

19 droit de veto également sur toute décision prise par l'assemblée fédérale.

20 Donc la délégation d'une province pouvait voter contre, avec un droit de

21 veto au niveau de l'assemblée fédérale et au niveau de la république. Ça

22 c'était une chose.

23 Puis deuxièmement, les droits sont restés les mêmes au sein de la

24 présidence de Yougoslavie. Chaque province avait un membre au sein de la

25 présidence comme les républiques, et cetera, et cetera. Rien n'avait changé

Page 29233

1 en ce qui concerne les rapports internes entre les provinces et la

2 fédération.

3 Q. Fort bien. Est-il clair qu'il n'est pas permis de dire que les

4 modifications constitutionnelles votées en Serbie en 1989 ont aboli

5 l'autonomie des provinces autonomes ?

6 R. Elles ne peuvent pas dire que leur autonomie a été abolie. Ce qu'il est

7 permis de dire, c'est qu'un certain nombre de droits ont été limités, ceux

8 qui, par nature relèvent de l'état et pas d'une province autonome.

9 Q. Mais soyons plus précis sur ce point. Est-ce que cela porte uniquement

10 sur les droits des républiques en Yougoslavie ?

11 R. Et bien, c'est exact mais certains des droits qui appartenaient aux

12 républiques ont continué à appartenir aux provinces autonomes. Mais en même

13 temps, un certain nombre de droits assez nombreux ont changé de main si je

14 puis dire.

15 Q. Fort bien. Donc les provinces ont continué à avoir leur propre budget.

16 Elles avaient donc leurs recettes, leurs dépenses et toutes les mêmes

17 dispositions que celles qui existaient au niveau fédéral, y compris après

18 les amendements constitutionnels de 1989, et tout fonctionnait

19 normalement ?

20 R. Les provinces avaient leurs propres assemblées, leurs gouvernements,

21 leurs budgets, leurs recettes, leurs rapports financiers également avec la

22 fédération.

23 Et les rapports avec la fédération, par le billet de la république, sont

24 restés les mêmes que par le passé. De ce point de vue, les provinces

25 étaient pratiquement assimilables à des républiques.

Page 29234

1 Q. Cependant, s'agissant du Kosovo, le Kosovo recevait une aide financière

2 importante à partir du fond spécial du Kosovo pour l'essor du développement

3 de cette province, n'est-ce pas ?

4 R. Oui. La majeure partie de cette aide au développement sur le territoire

5 yougoslave allait au Kosovo et toutes les républiques apportaient leur

6 quote-part à ce fond.

7 Q. Il y avait également le fond de Serbie pour le développement des

8 parties sous-développées ou en développement de la Serbie, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. La Serbie avait également d'autres régions aussi sous-développées

10 que le Kosovo qui étaient également aidées.

11 Q. Ces modifications, ces amendements ont été votés en 1989. Nous n'allons

12 pas remonter trop loin, mais est-ce que tu te connais, est-ce tu te

13 souviens de ce qui s'est passé en 1980 et 1981 au Kosovo avec les

14 manifestations de l'époque ?

15 R. Bien sûr, la constitution de 1974, comme je l'ai déjà dit, accordait

16 aux provinces autonomes pratiquement des droits identiques à ceux des

17 républiques. Le seul droit dont ne jouissaient pas les provinces était le

18 droit à la sécession. Donc ce droit à la sécession ne se situait qu'au

19 niveau des républiques car la sécession ne peut être le fait d'un peuple.

20 Et en 1980 et 1981, les Albanais qui avaient des tendances séparatistes ont

21 en fait, se sont en fait soulevés. Nous parlons de manifestations chez nous

22 mais en réalité, il s'agissait d'une révolte, et le mot d'ordre qu'ils

23 défendaient à l'époque était "le Kosovo doit être une république." Donc,

24 ils n'étaient pas du tout satisfaits des dispositions de la constitution en

25 vigueur, même si ces dispositions étaient absolument dans le monde pour une

Page 29235

1 province en terme d'autonomie. Ces manifestations ont duré deux ans et il a

2 été très difficile de les arrêter sans une intervention massive de l'état.

3 L'état est donc intervenu pour remettre de l'ordre.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le moment de la pause. Vingt

5 minutes de pause.

6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

7 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je suis loin d'être

9 désireux de vous étendre votre présentation des éléments de preuve en

10 citant des témoins complémentaires, mais, pour ce qui est de la ligne du

11 contre-interrogatoire, elle vient à soulever une question, et c'est la

12 question de l'expert constitutionnel. Nous avons déjà traité de la question

13 et je voudrais que vous nous indiquiez si vous avez avancé en la matière ?

14 M. NICE : [interprétation] Et bien, à ce jour, nous avons toujours le même

15 problème. J'avais envisagé vous fournir une liste de personnes que nous

16 avons contacté et vous faire état des difficultés auxquelles nous faisons

17 face des membres de mon équipe, qui sont en train de travailler depuis

18 quelques semaines là-dessus, et ce n'est pas une affaire aisée.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est difficile de comprendre que,

20 dans un pays comme la Yougoslavie, avec autant d'institutions et un grand

21 nombre de personnes éduquées, il est difficile -- soit difficile de trouver

22 une personne de cette qualité-là.

23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, il s'agit de trouver quelqu'un

24 d'indépendant et quelqu'un qui a beaucoup de mérite. Nous ne pourrons pas

25 faire venir n'importe qui et, à ce niveau-là, nous nous heurtons à des

Page 29236

1 hésitations -- nous avons certaines appréhensions que j'en savais parler.

2 Nous avons certes un ou deux candidats en première ligne, mais, à chaque

3 fois, il y a un problème qui se pose et qui nous place en situation

4 difficile. Il se peut que je vous fasse -- vous présente des écritures afin

5 que vous puissiez comprendre de quel type de témoin que nous avons besoin.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends, mais il faudrait que

7 vous le fassiez le plus vite possible parce que nous avons besoin du

8 contexte pour notre compréhension.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous de continuer.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis vous venir en aide au sujet de ce

11 que Monsieur Robinson vient de soulever comme question, je crois qu'il

12 suffirait de dire, étant donné que vous êtes des juristes, de lire les

13 constitutions de Serbie et de Yougoslavie de 1974, et vous pourrez

14 constater que ce que j'affirme est vrai et ce qui est confirmé par le

15 témoin est vrai.

16 J'ai entre autres demandé à ce que soit versé au dossier le livre de M.

17 Jovic.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous dites vrai bon nombre d'explications.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment, parlons donc de ce

21 livre. Quel est son titre au juste ? Pouvez-vous nous le rappeler, je vous

22 prie.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un livre dont l'auteur est M.

24 Borislav Jovic. Son titre est "Des dates pour l'histoire," et il s'agit de

25 -- d'activités afférentes à l'adoption d'amendement constitutionnel dont

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1 nous parle la partie adverse de façon déformée et cela a été rédigé de

2 façon tout à fait authentique.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Avez-vous la date de la publication

4 de ce livre ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] je vais essayer de vous retrouver cela. Ça doit

6 figurer au début, mais cela n'y est pas.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça doit être en page 2 quelque part.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Belgrade 1989.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous des objections à formuler à ce

10 sujet, Monsieur Nice ?

11 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas lu. Pas d'objection. Il faudra que

12 ça soit traduit. Nous allons -- s'il n'y pas de version en anglais, nous

13 allons peut-être vous demander -- par votre truchement et demander au

14 Greffe de veiller à la traduction, mais cela prend un certain temps. C'est

15 un livre.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci recevra la cote suivante de la

17 Défense.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D217.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer, Monsieur May ?

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Donc est-ce qu'à partir des années 80, il y a eu des problèmes immenses

23 qui se sont posés et qui ont donné lieu à des persécutions massives de la

24 population serbe du territoire de Kosovo et Metohija ?

25 R. Il y a eu exorde massif, suite aux questions dont nous avons parlé tout

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1 à l'heure. Mon opinion personnelle c'est que les droits constitutionnels,

2 qui avaient été mis à la disposition des autorités au Kosovo et Metohija,

3 ont fini par être abusés, et ce qui a placé la population serbe en position

4 qui lui interdisait de se faire protéger d'une autre façon.

5 Q. Mais te souviens-tu du fait que l'on avait parlé de chiffre en 1981 et

6 1982 jusqu'en 1987, on avait parlé d'un chiffre de 40 000 Serbes qui ont

7 quitté leur logis sous des pressions exercées à leur encontre ?

8 R. Il est probable que ce chiffre soit exact parce qu'il a été à plusieurs

9 reprises parlé de la chose.

10 Q. Serait-il exact de dire alors que nous avons dû faire face pour la

11 première fois à un objectif publiquement proclamé de la part des

12 séparatistes albanais et qui était résumé à une hase un "Kosovo

13 ethniquement pur."

14 R. Je ne peux pas dire quand est-ce que nous avons rencontré cela pour la

15 première fois et quand est-ce que cela a été dit publiquement. Je sais

16 qu'il y a eu un slogan "Kosovo république," et il y a eu une pratique de

17 purification ethnique.

18 Q. Mais on avait parlé de "purification ethnique" et nous avions estimé

19 que c'était l'un des crimes des plus importants.

20 R. Oui, mais je ne me souviens pas qu'il ait été affirmé la volonté de

21 créer un Kosovo ethniquement pur.

22 Q. Bien, mais tu sais bien que l'on avait parlé en long et en large de

23 nettoyage ethnique dont les victimes avaient été pendant toutes ces années-

24 là des Serbes.

25 R. Ce sont des faits, je m'en souviens, bien sûr, c'est la raison pour

Page 29239

1 laquelle nous avons accédé à une revendication qui était celle de modifier

2 la constitution aux fins de pouvoir protéger les gens là-bas et faire en

3 sorte qu'ils restent là-bas, sans avoir à déménager pour se faire protéger

4 par leur propre république.

5 Q. Faisons une petite digression au sujet d'un détail, on est en train

6 d'abuser ici le fait que le parlement de Serbie avait dissout le parlement

7 du Kosovo à un moment donné en 1991. Est-ce qu'il est exact de dire que

8 cela a été fait pour protéger notamment la constitution parce que ce

9 parlement s'était comporté de façon inconstitutionnelle, à savoir, avait

10 adopté une décision afférente à la sécession vis-à-vis de la Serbie, chose

11 qui lui était interdite de par la constitution même ?

12 R. Oui, cela était la raison et des sessions de ce parlement du Kosovo

13 étaient une chose légale dans le cadre des attributions qui étaient des

14 siennes. Mais, lorsque ce parlement a adopté la décision à proclamer la

15 sécession vis-à-vis de la Serbie et la proclamation de son indépendance, le

16 parlement de Serbie a proclamé nul et non avenu ces décisions et a dissout

17 l'assemblée.

18 Q. Elle a été dissoute parce qu'elle s'est comportée de façon

19 inconstitutionnelle.

20 R. Oui.

21 Q. Donc elle a violé la constitution de façon grave. Il n'est pas

22 contesté, j'espère, le fait et je crois que tu en as parlé également, à

23 savoir que ces modifications de la constitution de Serbie ont été faites

24 avec les accords des parlements des provinces, ce qui a constitué une

25 procédure normale et régulière jusqu'au changement, et rien n'a pu être

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1 fait en Serbie sans les approbations de ces parlements, et ces

2 modifications sont survenues avec les accords des parlements respectifs.

3 R. C'est exact. Au parlement du Kosovo, il y a eu un débat qui se

4 déroulait toute la journée et seul 12 députés ont voté contre ces

5 modifications; tous les autres ont voté pour.

6 Q. On est en train de manipuler ici en avançant des faits au terme

7 desquels il y aurait été fait recours à la violence là-bas pour que ce

8 parlement du Kosovo vote en faveur des modifications de la constitution de

9 Serbie. A-t-on fait recours à la violence là-bas pour inciter le parlement

10 à voter en faveur de ces changements de la constitution de Serbe ?

11 R. Écoutez, je m'excuse un instant, je n'ai pas déconnecté mon portable --

12 je tiens à m'excuser une fois de plus, c'est une erreur de ma part et je

13 vais le faire sur le champ. Je regrette beaucoup que cela se soit passé,

14 mais voilà ça s'est produit. Continuons.

15 Il y a eu des résistances importantes auprès d'un certain nombre d'Albanais

16 qui avaient des idées séparatistes, et ceci à l'encontre des dispositions

17 constitutionnelles qu'elles s'agissaient d'être adoptées à l'époque.

18 Contrairement aux ordres officiels de la part des autorités, disant que les

19 travaux du parlement ne devaient pas être perturbés par les manifestants,

20 les démonstrations dans les rues, donc de la part des Albanais, qui

21 n'étaient pas d'accord avec ces modifications constitutionnelles, un grand

22 nombre de personnes s'étaient rassemblées autour du parlement pour rendre

23 impossibles ces travaux. Les effectifs de police et les militaires avaient

24 empêché les citoyens qui voulaient entrer de force dans le Parlement pour

25 rendre impossible ses activités.

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1 Maintenant, on est en train d'interpréter chacun à sa façon. On dit que

2 l'armée et la police avaient exercé des pressions sur le parlement. Ce

3 n'est pas exact. Il y a une journée durant des débats et, à la fin de ces

4 débats, il y a eu vote.

5 Q. Il n'y a pas eu d'effectifs qui étaient là pour forcer l'assemblée ?

6 R. Non, non, ces effectifs étaient là pour empêcher certains citoyens

7 d'entrer de force au parlement et entraver ses activités et il y avait de

8 sérieuses raisons de se douter que cela arriverait.

9 Q. Merci. Le 28 mars, lorsqu'il s'est tenu une session du parlement de

10 Serbie, date à laquelle il a été procédé à l'adoption de ces amendements à

11 cette session solennelle, en raison du grand nombre d'invités, la session a

12 eu lieu au palais des Congrès, au centre Sava ?

13 R. Oui.

14 Q. Et toute la direction yougoslave était présente ?

15 R. Y compris Ante Markovic, le premier ministre du gouvernement fédéral.

16 Q. Mais plus important encore que la présidence d'Ante Markovic, je tiens

17 à te rappeler le fait qu'il y avait Sinan Hasani, qui se trouvait être

18 président de la présidence de Yougoslavie et qui était le représentant du

19 Kosovo là-bas, donc un Albanais d'origine ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Je m'en souviens, il était assis à côté de moi.

22 R. C'est tout à fait exact.

23 Q. Donc il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il a été procédé à

24 l'application d'une procédure qui s'est avérée être tout à fait légale et

25 personne en Yougoslavie n'a formulé d'objection à son égard, pas même le

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1 représentant du Kosovo au sein de la présidence de la RSFY, qui se trouvait

2 être à l'époque un représentant du groupe ethnique albanais de

3 Yougoslavie ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Juste une petite question brève. L'on est en train de déformer ici et

6 dans une grande mesure l'importance du mémorandum de l'académie serbe des

7 Sciences et des arts, on lui attribue de contenus qui ne sont pas les siens

8 et des revendications au termes desquels tous les Serbes se devaient de

9 vivre dans un même état.

10 Serais-tu d'accord avec moi pour dire que traiter ainsi le mémorandum est

11 dénué de sens parce que les Serbes résidaient, effectivement, dans un seul

12 et même état, c'était la Yougoslavie ? Et ils n'ont réclamé aucun autre

13 droit et le mémorandum ne pouvait donc pas exiger une chose que ces Serbes

14 avaient déjà, en a-t-il été ainsi ou pas ?

15 R. Il en a été ainsi. Le mémorandum a parlé de problèmes au sujet duquel

16 on avait estimé qu'il n'avait pas été résolu dans une mesure suffisante sur

17 le territoire de la Yougoslavie. Si le Tribunal -- la Chambre le permet et

18 si M. Milosevic n'y voit pas d'objection, je voudrais dire quelque chose :

19 le jour où le mémorandum en question a été publié, cela a constitué une

20 grande surprise pour nous, une déception je dirais même. Le lendemain, nous

21 avons tenu une session du comité central de la Ligue des communistes de

22 Serbie. Elle avait été fixée, c'était un rendez-vous pour des questions

23 économiques d'ailleurs et j'étais censé y présenter une allocution.

24 Q. Il s'agissait de l'année 1984, n'est-ce pas ?

25 R. En effet.

Page 29243

1 Q. M. Milosevic a insisté pour que le rapport, l'allocution que je ferais,

2 comprenne une phrase qui dirait combien nous étions déçus et combien nous

3 désapprouvions ce procédé de la part de l'académie des Sciences.

4 R. Cela ne s'intégrait pas au concept de mon allocution parce que j'avais

5 parlé d'idée conceptuelle afférente à l'avenir, mais j'ai toutefois accepté

6 de le faire. Cela a été publié, je l'ai lu, cela a été publié dans les

7 journaux et nous avons été officiellement d'avis que cela, ce qui a été

8 publié par l'académie des Sciences, était tout à fait inutile.

9 Q. Donc c'était en 1984, n'est-ce pas ?

10 R. Probablement, oui.

11 Q. Je crois que tu as probablement fait une confusion. Je n'étais pas

12 président du comité Central moi-même et je n'ai pas pu te suggérer de dire

13 quoi que ce soit au sujet du mémorandum. Peut-être quelqu'un d'autre t'a-t-

14 il suggéré de dire quelque chose au sujet du mémorandum, mais je ne pense

15 pas avoir été cette personne-là.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un simple détail. Ce dont je me souviens

17 à propos de ce mémorandum, c'était 1986 la date. Je me trompe peut-être,

18 mais ceci expliquera peut-être la confusion qui risque d'y avoir.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense également que ça s'est fait en 1986

20 et nous avions eu alors une session du comité central où il avait été

21 débattu des questions afférentes aux réformes économiques. Ce que j'ai dit

22 tout à l'heure est tout à fait fiable. Il se peut que M. Milosevic se soit

23 trompé pour sa part et ceci parce qu'il ne me l'a pas dit directement. Il

24 m'avait envoyé un message à cet effet par le biais d'un membre de notre

25 comité exécutif et c'est à grande peine que j'ai accepté la chose parce que

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1 cela avait perturbé mon concept, parce que je ne voulais pas parler de

2 questions opérationnelles. Mais je l'ai quand même inséré et, lorsque le --

3 ce que je voulais dire c'est que, lorsque ce mémorandum à été publié, M.

4 Milosevic était déçu et, dans le mémorandum, vous pouvez -- pour ce qui est

5 du mémorandum, vous pourrez trouver la phrase que j'ai prononcée dans les

6 journaux. J'ai dit, en effet, que nous estimions que cette façon de faire

7 de la part de l'académie des Sciences et des arts était tout à fait

8 inutile. La Serbie a, en effet, sa direction et elle sait parfaitement

9 quels sont les problèmes à résoudre de concert avec les autres peuples, au

10 sein de la fédération yougoslave.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Ecoutez, ne débattons pas davantage. La question est tout à fait

13 marginale. Ce que je voulais dire, pour ma part, c'est que le mémorandum ne

14 saurait se faire attribuer des propriétés qui n'étaient pas les siennes et

15 notamment pas, je dirais, un rôle qui aurait été celui d'une plate-forme, à

16 l'intention de la direction aux fins de la réalisation de certains

17 objectifs qui auraient été au détriment des autres peuples de Yougoslavie.

18 Cela n'a pas figuré au mémorandum, n'est-ce pas ?

19 R. Ce que je puis dire c'est que ce mémorandum, nous ne l'avons jamais mis

20 à l'ordre du jour de façon officielle pour ce qui est de l'analyser et de

21 s'en servir dans nos activités. Nous avions nos programmes à nous et nos

22 activités à nous, et nous avons œuvré de façon tout à fait distincte.

23 Q. Bien. Pouvons-nous faire un résumé et dire que ces changements

24 constitutionnels n'ont accordé à la Serbie rien de plus que ce qu'avaient

25 déjà les autres républiques yougoslaves ?

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1 R. Elle ne pouvait pas obtenir plus parce que la constitution yougoslave

2 avait délimité ce qui était -- ce qui constituait les droits des

3 républiques, et il s'agissait ici de relations au sein de la Serbie et non

4 pas de relations de la Serbie et de la fédération.

5 Q. Bien. C'est une chose importante à tirer au clair.

6 Te souviendras-tu qu'en 1981 jusqu'en 1987, date où tous ces événements ont

7 eu lieu au Kosovo et où il y a eu ces expulsions de Serbes, le problème a

8 été examiné à plusieurs reprises au niveau des instances yougoslaves tant

9 pour ce qui est du comité Central que pour ce qui est du gouvernement et de

10 la présidence de la RSFY ?

11 R. Pour ce qui est de l'exode des Serbes du Kosovo.

12 Q. Oui.

13 R. Oui, cela a été étudié à plusieurs reprises au comité central de

14 Serbie, au comité central de Yougoslavie et j'ai dit tout à l'heure -- en

15 fait, j'ai parlé des changements constitutionnels intervenus au niveau de

16 la constitution yougoslave, qui ont permis le changement de notre

17 constitution à nous. Et cela s'est fait suite à tous ces débats et à une

18 décision du comité central de la Ligue des communistes de Yougoslavie,

19 disant que cet exode devait cesser et qu'il fallait procéder à des

20 changements à cette fin.

21 Q. S'agissant des idées afférentes aux changements, aux modifications de

22 la constitution de Yougoslavie, y a-t-il eu des désaccords d'une part du

23 côté de la Slovénie et de la Croatie et d'autre part des autres républiques

24 et provinces ?

25 R. Tu parles de cette période ou de manière générale ?

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1 Q. D'une manière générale.

2 R. Pour ce qui est de ces modifications qui ont précédé la modification de

3 notre constitution à nous, ces modifications ont été adoptées au parlement

4 fédéral et au parlement de toutes les républiques. Donc, il n'y a pas eu

5 d'opposition à ces modifications-là.

6 Q. Cette partie, oui.

7 R. Pour ce qui est des changements conceptuels de la constitution de

8 Yougoslavie, datant de la période où il est survenu la crise yougoslave et

9 à la période où nous avons essayé de résoudre le problème de la

10 Yougoslavie, en procédant à des modifications constitutionnelles pour

11 trouver des modalités de vie conjointe, d'une part, en fonction des

12 propositions officielles qui ont été formulées et adressées à l'intention

13 du parlement de Yougoslavie, il y avait la Slovénie et la Croatie qui avait

14 proposé le démantèlement de la Yougoslavie et puis la création d'une

15 confédération d'états autonomes et que cela dure cinq ans et que, par la

16 suite, chacun fasse comme bon lui semblerait. Et d'autre part, il y avait

17 quatre républiques et deux provinces autonomes qui avaient été d'avis qu'il

18 s'agissait de procéder à une restructuration constitutionnelle de la

19 Yougoslavie.

20 Par conséquent, il n'est pas exact de dire ce qu'on le dit d'habitude, à

21 savoir que les conflits entre -- le conflit, pour ce qui est des

22 modifications constitutionnelles, est survenu entre la Serbie et la

23 Slovénie. Il y a eu cette division. Il y a eu des propositions officielles

24 et ces propositions n'ont pas été adoptées parce que pour l'un quelconque

25 de ces concepts soient acceptés. Il fallait le consensus de toutes les

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1 républiques parce qu'en vertu de notre constitution, sans le consensus de

2 toutes les républiques, il n'était pas possible de procéder au changement

3 de la constitution.

4 Q. Ce qu'il importe, c'est de ne pas perdre de vue de ce point-là. Ces

5 divergences, pour ce qui est de l'approche, n'étaient pas survenues entre

6 la Serbie, d'une part, et la Croatie et la Slovénie, d'autre part, comme on

7 essaie souvent de le présenter, mais, entre la Slovénie et la Croatie,

8 d'une part, et les quatre autres républiques et les deux autres provinces,

9 d'autre part, n'est-ce pas ?

10 R. Il y a des faits qui l'illustrent. Il y a les propositions du parlement

11 de Yougoslavie. Il y a les propositions officielles, les projets de textes,

12 et cetera. Donc ce n'est pas chose contestable.

13 Q. Le fait est également que la présidence la RSFY s'était penchée sur les

14 questions afférentes à la sécurité et à tout ce qui est en corrélation avec

15 ce domaine-là. N'est-il pas vrai de dire qu'en 1980 déjà, on avait

16 découvert des groupes illégaux -- clandestins d'albanais -- d'extrémistes

17 albanais, des émigrants militairement organisés tant à l'extérieur qu'au

18 niveau de certains centres se trouvant à l'intérieur du pays ?

19 R. Je ne voudrais pas en parler à présent. Il est fort probable que cela

20 soit le cas, mais, en 1981, 1982, je ne suis pas intervenu dans ces

21 domaines et je ne puis en parler.

22 Q. Bien. Je vais alors parler de la période où tu as été membre de la

23 présidence de Yougoslavie.

24 Etant donné que l'on dit ici souvent que c'était moi qui, de fait, avais

25 dirigé les travaux de la présidence de Yougoslavie, je voudrais que l'on

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1 précise si une telle constatation pourrait être acceptée de quelque façon

2 que ce soit.

3 R. J'ai expliqué cela à plusieurs reprises et je puis le faire une fois de

4 plus. La présidence comptait huit membres et elle pouvait prendre des

5 décisions rien que par majorité de votes. Donc il fallait cinq votes et six

6 votes pour certaines décisions d'importance particulière, et il n'était pas

7 possible de fonctionner autrement.

8 Maintenant, pour ce qui est des fonctions de l'influence des républiques ou

9 des présidents des républiques, cette influence était indubitable. Tout

10 membre de la présidence de Yougoslavie était tenu aux sessions de cette

11 présidence de représenter les positions adoptées par sa propre république

12 et de coopérer, ce faisant avec sa propre république parce que le rôle de

13 la présidence de Yougoslavie était celui de coordination des différentes

14 républiques et des politiques de ces républiques.

15 Par conséquent, le président de la République de Serbie, de par la nature

16 de son travail, avait pour mission de coopérer avec moi et vice versa. Il

17 exerçait son influence sur les positions qui seraient les miennes, mais

18 cela ne pouvait pas influer sur les autres membres de la présidence avec

19 qui il ne communiquait pas en direct. Et je n'ai jamais pu voter quelque

20 décision que ce soit tout seul. Aucun membre de la présidence, y compris le

21 président de la présidence, n'a le droit de prendre des décisions tout

22 seul. La situation était objectivement de cette nature-là, donc tous les

23 présidents des républiques exerçaient leur influence sur les membres de la

24 présidence.

25 Q. Exactement. C'était une forme de coopération et de communication entre

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1 les présidents des républiques et les membres de la présidence provenant de

2 ces républiques.

3 R. Oui. C'est une obligation constitutionnelle.

4 Q. Est-ce que mon attitude, à ton égard, différait de l'attitude des

5 autres présidents des républiques à l'égard des membres de la présidence

6 originaire de leur république respective ?

7 R. Je ne sais pas quelle était leur attitude. Ce que je peux dire, c'est

8 que notre attitude à nous -- nos relations à nous étaient des relations

9 ordinaires de coopération pour ce qui est des positions de notre

10 république. Il n'y a jamais eu de cas où j'aurais souhaité prendre une

11 position autre que celle de ma république ou la tienne et sans que l'on

12 aboutisse à un accord, donc il n'y a pas eu de cas de cette nature.

13 Q. Donc il n'y a pas eu de cas où je t'aurais imposé une position avec

14 laquelle tu n'aurais pas été d'accord ?

15 R. Non. S'il y avait eu une situation de cette nature, je me serais retiré

16 ou j'aurais été révoqué si j'avais obstinément été buté sur la position qui

17 était juste la mienne.

18 Q. Mais il n'y a pas eu de situation de cette nature ?

19 R. Non. Il n'y en a pas eu.

20 Q. Fort bien. Le commandant suprême des forces armées était la présidence

21 toute entière, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Par conséquent, tu ne pouvais pas procéder à une usure passion de cette

24 fonction-là ?

25 R. Je n'ai pas pu le faire pas, même lorsque j'étais président. Je n'en

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1 avais pas le droit. Le président ne pouvait réaliser que les décisions

2 prises par la présidence, mais il ne pouvait pas les modifier et il ne

3 pouvait pas prendre des décisions tout seul.

4 Q. Par voie de conséquences, la Serbie, en passant par toi, ne pouvait pas

5 usurper cette fonction parce que tu ne pouvais pas toi-même le faire,

6 n'est-ce pas ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Bien. Est-il alors tout à fait clair le fait que la position politique

9 de la direction de la Yougoslavie à l'époque et les opinions politiques de

10 la direction de Serbie comprises avaient été celles de sauvegarder la

11 Yougoslavie ?

12 R. De quelle période sommes-nous en train de parler ?

13 Q. A l'époque où tu étais membre et président de la présidence de

14 Yougoslavie.

15 R. La position de la Serbie avait été celle de sauvegarder la Yougoslavie

16 et cela avait été également la position prise par certaines républiques

17 dont j'ai parlé tout à l'heure. La position de la Slovénie et de la

18 Croatie, de façon évidente, avait été celle de procéder à des sécessions

19 parce qu'ils avaient déjà adopté des déclarations ou des décisions portant

20 sur leur indépendance.

21 Q. Bien. Dans le courant de l'interrogatoire principal, tu as dis hier que

22 la position de la Serbie avait été favorable au renforcement des

23 institutions fédérales.

24 R. C'est exact.

25 Q. La position de la Serbie n'avait-elle pas été favorable à la tenue

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1 d'élections pluripartites pour le parlement fédéral, et ce suivant un

2 principe pour la chambre des citoyens -- un homme, un vote -- et pour la

3 chambre des républiques, un principe de représentation sur pied d'égalité

4 de toutes les républiques et provinces.

5 R. Oui, mais il n'y a pas eu d'élections pour le parlement fédéral en

6 dépit du fait que le mandat de la composition précédente avait pris fin, et

7 ceci parce que les républiques, qui avaient souhaité le démantèlement de la

8 Yougoslavie, n'ont pas accepté de le faire et elles n'ont pas réalisées la

9 possibilité de procéder aux élections des députés au parlement fédéral.

10 Q. Mais il ne fait pas l'ombre d'un doute le fait que la Serbie avait été

11 favorable à la tenue de ces élections fédérales ?

12 R. Oui, c'est tout à fait exact.

13 Q. Etant donné que nous étions favorables au renforcement des institutions

14 fédérales, serait-il exact de dire que nous étions favorables au fait de ne

15 pas affaiblir la position constitutionnelle de l'armée populaire

16 yougoslave ? Et serait-il exact également de dire que, lorsque la crise

17 s'est approfondie, nous avons estimé que la JNA devait constituer la force

18 armée des peuples qui souhaitaient rester au sein de la Yougoslavie et

19 protéger le territoire où résidaient ces peuples-là ?

20 R. Il y a deux questions dans ce que vous venez de poser. Si j'ai bien

21 compris, la première de questions, c'est celle de savoir si nous, par

22 rapport aux autres, avions été favorables au non affaiblissement du rôle de

23 l'armée populaire yougoslave. Je pense qu'il n'y a pas eu de débat officiel

24 avec les autres républiques à ce sujet-là. Le rôle constitutionnel de

25 l'armée populaire yougoslave, à la différence de bon nombre d'autres états,

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1 avait été tout à fait distinct parce que l'armée est censée dans d'autres

2 pays de défendre l'intégrité du pays, donc défendre contre une agression

3 extérieure.

4 Notre armée, elle avait la mission de protéger l'ordre constitutionnel du

5 pays à l'intérieur, et de protéger ce pays à l'égard d'une agression

6 extérieure parce que l'état fédéral n'avait pas sa propre force de police.

7 Il n'y avait que les républiques qui avaient leur force de police. Il n'y a

8 jamais eu de contestation à ce niveau-là, entre les républiques, exception

9 faite du moment où l'armée devait être utilisée pour la protection de

10 l'ordre constitutionnel. Il y a eu des débats à ce moment-là, mais on n'a

11 pas parlé de modification constitutionnelle. On a parlé de raisons

12 constitutionnelles, ce l'utilisation de l'armée pour la protection de

13 l'ordre constitutionnel -- la défense de l'ordre constitutionnel.

14 Maintenant, pour ce qui est de notre position aux termes de laquelle

15 l'armée était censée protéger les peuples et les territoires où résidaient

16 les peuples, souhaitant faire partie à l'avenir encore de la Yougoslavie,

17 c'est une position qui est notoirement connue, qui découle de mes livres et

18 qui découle de la déclaration que j'ai faite ici. Et cela est exact. Nous

19 n'avons pas estimé que l'armée fût censée garder quelqu'un en Yougoslavie

20 par la force, et reverser l'autorité de quelqu'un qui ne voulait pas rester

21 en Yougoslavie. Elle n'avait pas à ne pas respecter les positions des

22 peuples qui ne voulaient pas rester en Yougoslavie, mais nous avons estimé

23 qu'elle devait protéger les peuples qui souhaitaient rester dans la

24 Yougoslavie.

25 Q. N'est-il pas exact de dire que notre position était celle de ne pas

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1 faire quoi que ce soit au préjudice des autres peuples yougoslaves ?

2 R. Bien entendu, personne n'aurait déclaré quelque chose de contraire à ce

3 que vous venez de dire.

4 Q. Donc à l'époque où il y a des troubles, des attaques variées à

5 l'encontre de Serbes en Croatie -- donc au moment où la première des crises

6 a commencé, tu en as d'ailleurs parlé hier, en partie, dans ton témoignage.

7 C'est à ce moment-là qu'il y a eu création de certaines formations de

8 volontaires, voire de paramilitaires, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Je voudrais que nous tirions une chose au clair à ce sujet pour le

11 moment. Serait-il exact de dire que seule l'opposition en Serbie, et

12 notamment le mouvement du renouveau serbe de Vuk Draskovic, à l'époque qui

13 avait exigé la création d'une armée serbe, et qui s'était employé contre la

14 JNA pour faire en sorte que des unités paramilitaires soient créées ?

15 R. C'est exact. A mon avis, cela avait été davantage placé au service du

16 renversement de notre pouvoir à nous, et de la prise du pouvoir par

17 l'opposition, plutôt que service de préparatifs pour la guerre contre les

18 autres, parce que leur préoccupation première était de faire plaisir au

19 peuple et de venir au pouvoir.

20 Q. Donc, quand ils disaient qu'ils s'occupaient prétendument des intérêts

21 serbes, c'était une excuse.

22 R. Je pense que --

23 Q. -- alors que leur vrai désir était de prendre le pouvoir, n'est-ce pas

24 ?

25 R. C'est ce que je pense, oui.

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1 Q. J'ai l'impression qu'avoir cet avis est assez compréhensible et

2 justifiable. J'aimerais maintenant te renvoyer à la page 360, de ton

3 journal personnel, que j'ai reçu de la partie adverse. 00158251, c'est le

4 numéro ERN de la page, et la date qui figure sur ce texte, c'est celle du

5 10 juillet 1991. Quant au titre, il se lit comme suit : "Accord entre Mesic

6 et Vuk Draskovic." J'aimerais seulement que nous établissions avec

7 certitude ce qui est écrit ici.

8 C'est ton journal personnel. Je cite : "Veljko Kadijevic m'appelle. Il me

9 fait savoir qu'il a regardé l'entretien entre Vuk Draskovic et Stjepan

10 Mesic. Il ont confirmé les objectifs politiques communs pour lesquels ils

11 allaient se battre : démolition de la JNA et de la direction de la Serbie."

12 Par quels moyens ? Par une propagande anti-JNA, par sa destruction et sa

13 liquidation. "Ainsi les habitants serbes resteront sans protection en

14 Croatie. Les Croates menaceront, et cela créera l'agression en appelant les

15 troupes étrangères à pénétrer dans la région avec l'aide des autorités. Et

16 de cette façon, les autorités légales serbes seront renversées. Selon les

17 rumeurs, Vuk Draskovic bénéficie de certains appuis --" et, entre

18 parenthèses, tu as écrit "Le Parti démocratique." -- "et l'appréciation de

19 Veljko, c'est que ce sigle reviendrait à sacrifier la nation serbe de

20 Croatie et la nation serbe hors de Serbie de façon générale. C'est le prix

21 à payer pour l'accord avec Mesic. Les conséquences sont déjà ressenties

22 actuellement parce que Belgrade, dans les unités de la première région

23 militaire, a envoyé des soldats qui ne répondent plus aux ordres, et qui

24 disent qu'ils n'obéiront pas aux ordres de renverser les autorités serbes,

25 le 9 mars. Il demande instamment une réaction politique." Et puis c'est

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1 tout, voilà ce qui est écrit mot pour mot sous cet intitulé "en date du 10

2 juillet, accord entre Mesic et Vuk Draskovic", dans ton journal personnel.

3 Est-ce que cela confirme que l'objectif principal n'était pas de défendre

4 les intérêts serbes, mais de faire des efforts pour recourir à des

5 manipulations de ce genre et à des violences de ce genre, pour renverser le

6 pouvoir et l'autorité en Serbie ?

7 R. Et bien, cette note confirme simplement que cela que Veljko Kadijevic

8 m'a dit. Maintenant, les interprétations, chacun est libre de faire celles

9 qu'il veut. Je n'ai rien à dire contre l'interprétation que tu viens de

10 faire.

11 Q. Et bien, j'aimerais maintenant faire référence au 15 octobre 1990, un

12 autre extrait du journal personnel que tu as rédigé. C'était donc à un

13 moment où je présidais la république et le Parti socialiste, parti au

14 pouvoir qui avait un rôle majoritaire au parlement, n'est-ce pas ? Et le 15

15 octobre 1990, c'est-à-dire, deux mois à peu près avant les élections, c'est

16 bien cela, n'est-ce pas ? Et il est dit ici dans le journal, en page 207,

17 de la version que j'ai -- numéro ERN 157868, en date du 15 octobre, que Vuk

18 Draskovic parle avec l'ambassadeur américain Zimmerman.

19 "Il demande le soutien américain pour la campagne électorale de deux façons

20 : Ne pas attaquer Milosevic pour la répression au Kosovo parce que cela ne

21 ferait qu'augmenter sa popularité, mais l'attaquer pour son bolchevisme

22 parce que c'est cela que le peuple serbe n'aime pas.

23 Et puis enfin, il conviendrait qu'ils aident à la réhabilitation de Draza

24 Mihajlovic…"

25 Par conséquent, il est de notoriété publique que cette coopération pour

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1 renverser les autorités de Belgrade était en cours avec l'ambassadeur

2 américain Zimmerman qui a participé selon ce qui vient d'être indiqué et

3 selon les conventions établies avec Vuk Draskovic. C'est le mouvement de

4 résistance serbe, n'est-ce pas ?

5 R. Cette information dans le livre est fiable. Maintenant, est-ce qu'on

6 peut en tirer la conclusion générale qui conduit à d'autres informations,

7 ça il faut le vérifier peut-être d'un peu plus près sur la base de tout le

8 reste.

9 Q. Fort bien. Est-ce que tu parlais des formations paramilitaires déjà à

10 l'époque ? Est-ce que tu parlais des renseignements relatifs à l'armée et

11 aux explications qui étaient données quant au fait qu'elle serait

12 indisciplinée que les soldats n'étaient -- refusaient la discipline,

13 n'étaient pas suffisamment maîtrisés par leur encadrement, qu'ils posaient

14 des problèmes, est-il clair que le mouvement de la reconstruction serbe et

15 le mouvement du renouveau serbe ont organisé des formations paramilitaires

16 et que le Parti socialiste n'a jamais organisé une quelconque formation de

17 cette nature ? Ceci est-il exact ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Donc la direction de l'époque avait un objectif, je parle de nous qui

20 étions à la direction, et ce n'était pas simplement notre objectif au

21 niveau de la république, mais au niveau de la Yougoslavie toute entière, à

22 savoir conserver l'unité de la Yougoslavie. Cette démarche à l'époque, est-

23 ce qu'elle était, si tu me permets d'utiliser cette expression, partagée

24 par la communauté internationale ? C'est-à-dire par des pays à l'étranger

25 parce que toute sorte de déclarations ont été faites depuis quant à l'appui

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1 donné par la communauté internationale à l'intégrité, à l'idée que la

2 Yougoslavie devait continuer à jouir de son intégrité territoriale. Tu te

3 souviens de cela ?

4 R. Et bien sûr, mais une évolution a eu lieu dans les positions des

5 grandes puissances ou en tout cas des pays européens à cet égard. Au départ

6 il y avait l'accord d'Helsinki qui a été respecté, à savoir que les

7 frontières extérieures étaient inviolables et toute tentative pour les

8 détruire devait être réglée politiquement en Yougoslavie comme ailleurs.

9 Mais par la suite, certains se sont écartés de ce principe petit à petit,

10 et on a commencé à entendre certains dire que les frontières intérieures

11 étaient celles que la communauté internationale souhaitait défendre et

12 protéger, ce qui a conduit à la Yougoslavie qui a eu lieu à la catastrophe

13 qui a eu lieu en Yougoslavie. Il n'y avait pas de gens qui appuyaient

14 l'idée d'une Yougoslavie unie jusqu'au moment où la Troika européenne, à

15 savoir les trois ministres des Affaires étrangères qui se sont rendus en

16 Yougoslavie ont changé d'avis à cette époque. Le ministre des Affaires

17 étrangères luxembourgeois conduisait la délégation, et ils ont dit très

18 clairement qu'ils étaient favorables à l'unité yougoslave et qu'ils ne

19 tenaient pas à avoir des entretiens avec quelques représentants qui

20 souhaitaient la sécession, et cetera. Mais au fur et à mesure que le temps

21 s'est écoulé, les avis ont changé, ont évolué et cela a conduit à

22 différentes transformations.

23 Q. Mais parlons plus en détail de l'arrivée de Mesic à la présidence. J'ai

24 eu la possibilité de le voir ici. Il était assis sur la chaise que tu

25 occupes aujourd'hui, et tirons un point particulier au clair.

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1 Est-il exact que lorsque il a été question qu'il arrive à la présidence un

2 problème s'est posé, à savoir que les membres de la présidence souhaitaient

3 s'en tenir au serment qu'ils avaient fait de défendre la souveraineté

4 l'intégrité territoriale du pays, alors que Mesic, avant le moment où il

5 était censé arriver à la présidence yougoslave, avait fait une déclaration

6 publique en disant qu'il avait pour objectif de démanteler la Yougoslavie

7 et d'être donc le dernier président yougoslave, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. C'était un problème politique grave, et cela a créé de grandes

9 difficultés pour les membres de la présidence. Nous ne savions pas

10 exactement comment coopérer, comment collaborer avec un homme qui déclarait

11 en public son intention de démanteler la Yougoslavie, alors que nous

12 étions, nous avions prononcé un serment officiel conformément à ce que

13 prévoyait la constitution yougoslave de faire tout ce qui était en notre

14 pouvoir pour empêcher toute destruction de la Yougoslavie. C'était donc la

15 principale raison pour laquelle il n'a pas été élu au poste de président.

16 Q. Donc cet affrontement si on peut l'appeler ainsi a été provoqué par lui

17 en fait, mais pas par quiconque qui aurait refusé de l'élire.

18 R. En effet. Nous avons dit lors de la séance de la présidence que

19 personne n'était en droit de remettre en cause la représentation croate au

20 sein de la présidence, et donc la capacité de cette représentation à entrer

21 à la présidence. Nous ne refusions ce droit à personne car les règles de

22 procédure à la présidence prévoyaient que les choses devaient se passer

23 ainsi. Cependant, les membres de la présidence ont rejeté la déclaration de

24 Mesic et ont dit estimer que ce problème pouvait être résolu si la Croatie

25 envoyait un autre représentant qui pourrait alors être immédiatement élu au

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1 poste de président. Bien entendu, la Croatie n'a pas donné son accord à

2 cela et le problème s'est intensifié, s'est aggravé.

3 Q. Fort bien. Mais maintenant parlons de l'illégalité du travail de la

4 présidence tronquée de Yougoslavie en l'absence de Mesic. Puisque c'est le

5 terme qui est utilisé ici. Donc un peu plus tard ces représentants ne sont

6 plus venus aux séances de la présidence.

7 Est-il exact que Bogicevic participait aux séances, donc il y avait six

8 membres de la présidence, à l'exclusion de Mesic et de Drnovsek, pendant un

9 certain temps, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact jusqu'à la fin d'octobre. Il y a des procès verbaux des

11 séances de la présidence. Pour autant que je me souvienne, la dernière

12 séance de la présidence tronquée avec Bogicevic et Tupurkovski, donc il y

13 avait six membres de la présidence présents, ce qui suffisait pour prendre

14 des décisions. Les décisions étaient légales à partir du moment où le

15 quorum était atteint. Je ne me souviens plus exactement ce qu'il en était

16 en 1991, mais lors de cette séance-là, une décision a été prise selon

17 laquelle la présidence allait commencer à fonctionner dans une situation

18 d'imminence de danger de guerre. Donc l'imminence du danger de guerre a été

19 proclamée, et selon les règles de procédure applicables par la présidence

20 dans ces conditions et selon la constitution également, tous les membres de

21 la présidence n'avaient plus besoin d'être présents pour que des décisions

22 puissent être prises de façon tout à fait valable.

23 Donc la présidence dès le départ a fonctionné comme présidence tronquée.

24 Drnovsek et Mesic ont cessé de venir les premiers, plus tard Tupurkovski a

25 cessé de venir également, Bogicevic aussi, mais la présidence elle pouvait

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1 continuer à opérer, à fonctionner.

2 Q. Fort bien. C'est une question très importante donc j'aimerais que nous

3 la traitions avec le plus grand soin. Il n'est pas contesté, n'est-ce pas,

4 que six membres de la présidence constituent un quorum suffisant pour

5 prendre des décisions valables par la présidence dans des conditions

6 normales, y compris la décision de décréter l'imminence du danger de guerre

7 et de fonctionner dans cette nouvelle situation ?

8 R. Oui, aucune décision n'exigeait la présence de six membres de la

9 présidence pour pouvoir être valable.

10 Q. Fort bien. Dans ces conditions, lorsqu'une décision était prise dans le

11 respect de la constitution, le travail de la présidence se poursuivait avec

12 le nombre de membres de la présidence qui pouvait assister aux séances, et

13 les décisions prises étaient valables, elles pouvaient être appliquées ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Est-il exact que la décision de travailler avec un nombre de membres de

16 la présidence rendant le travail possible a été approuvée par Tupurkovski

17 et Bogicevic et a donc été valable pendant toute la période où a fonctionné

18 la présidence dans cette composition ?

19 R. Oui, ceci figure au procès verbal de la séance. Il y a donc un texte et

20 une sténotypie qui le prouve. Personne n'a voté contre; tout le monde a

21 voté pour.

22 Q. Fort bien. La présidence yougoslave, à un certain moment sur la base

23 d'une décision de la présidence, une décision totalement valable, donc avec

24 le quorum requis qui était présent, à savoir six représentants, donc cette

25 présidence a commencé à travailler dans une nouvelle situation qui était la

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1 situation d'imminence de menace de danger de guerre, et ceci était tout à

2 fait légal et possible. Selon les règles de Procédure, des décisions

3 pouvaient être prises dans ces conditions qui étaient tout à fait valables.

4 R. Oui, je l'ai déjà dit.

5 Q. Donc le 1er octobre 1991, Kostic réunit la présidence et Bogicevic,

6 Tupurkovski, Jovic sont présents. Tout le monde à l'exception de Drnovsek

7 et Mesic, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Et dans les articles de presse du premier octobre 1991, la présidence

10 déclare que : "Le Conseil exécutif fédéral ne fonctionne pas, que les

11 organes fédéraux ne fonctionnent pas et que, par conséquent, la présidence

12 a décidé d'étendre ses séances dans des conditions spéciales. Les

13 représentants des républiques et du gouvernement fédéral seront présents."

14 N'est-ce pas ?

15 R. C'est probablement exact. Je ne me souviens pas littéralement du texte.

16 Q. Et puis le lendemain, le 2 octobre, une séance de la présidence est

17 convoquée et les questions de sécurité de l'état sont censées y être

18 discutées.

19 R. C'est très probable.

20 Q. Et à la séance du 3 octobre -- j'ai les informations ici sous les yeux.

21 Donc je te demande de corroborer cela car c'est tout à fait capital pour

22 expliquer la façon dont la présidence yougoslave fonctionnait à l'époque.

23 Donc à la séance du 3 octobre, la présidence déclare que la Yougoslavie est

24 désormais confrontée à l'éminence du danger de guerre et qu'à partir de ce

25 moment-là elle fonctionne dans cette nouvelle situation compte tenu des

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1 décisions qui ont été prises par elle-même antérieurement, n'est-ce pas ?

2 R. Oui. Je me souviens que c'était le 3 ou le 4, je ne me souviens pas

3 exactement de la séance en question, mais je sais qu'il y avait eu un

4 certain nombre de questions débattues antérieurement, et c'est probablement

5 de cette façon que les choses se sont passées de toute façon. On peut

6 vérifier, mais je ne me souviens pas littéralement ce qui a été écrit dans

7 les procès verbaux à l'époque.

8 Q. Donc cette décision reposait sur l'application tout à fait normale des

9 règles de Procédures régissant le travail de la présidence, et reposait

10 également sur la constitution, et ceci en présence de six membres de la

11 présidence, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Puisque tu dis ici qu'après, que par la suite, un bloc serbe a été créé

14 au sein de la présidence, est-il exact que les dissensions qui sont

15 apparues au sein de la présidence étaient dues à des divergences politiques

16 s'agissant de l'avenir de la Yougoslavie, et n'étaient dues en aucun cas à

17 une quelconque pression personnelle exercée par quiconque, y compris par

18 moi ?

19 R. Effectivement, il est permis de dire cela parce qu'il n'y avait pas de

20 division reposant sur des sympathies personnelles ou autres, mais sur des

21 divergences politiques.

22 Q. Et le Monténégro et la Serbie avaient pour position politique de dire

23 qu'elles étaient opposées au démantèlement de la Yougoslavie, n'est-ce pas

24 ?

25 R. Au début toutes les républiques ont été opposées au démantèlement

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1 jusqu'au moment où la Slovénie et la Croatie ont commencé à discuter,

2 négocier avec la communauté internationale et que cela a créé des

3 hésitations, la communauté internationale disant accepter certaines

4 éventualités, à partir notamment de la première conférence de La Haye et

5 toutes les républiques à ce moment-là étaient censées aux yeux de la

6 communauté internationale pouvoir acquérir leur indépendance. Certaines

7 républiques ont pris la décision d'aller dans ce sens. Mais au départ,

8 toutes les républiques sauf peut-être la Slovénie et la Croatie étaient

9 favorables au maintien de la Yougoslavie.

10 Q. Fort bien. Est-ce que tu te souviens de la séance de la présidence

11 RSFY, je veux dire les 7 et 8 mai 1991 ?

12 R. Oui, bien sûr je m'en souviens.

13 Q. Selon les notes que j'ai sous les yeux, la durée deux jours entiers,

14 vous avez convoqué tous les représentants des républiques à cette séance.

15 Si les informations que j'ai sous les yeux sont exactes, tous les membres

16 de la présidence de la RSFY étaient présents, donc il n'y avait pas

17 d'exception. Le président du Conseil exécutif fédéral était présent

18 également, comme les présidents de la république de Macédoine et de Serbie,

19 Gligorov et moi. Donc étions présents ainsi que les présidents de la

20 présidence de la république de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de

21 Slovénie. Et pour qu'il n'y ait pas erreur ici, dans un cas on parle de

22 présidents, dans d'autres de présidents, de présidences, mais enfin les

23 présidents de la Macédoine, de la Serbie, de la Bosnie, de la Serbie, de la

24 Slovénie étaient présents, n'est-ce pas, ainsi que le Premier ministre de

25 Croatie, donc les plus hauts dignitaires de tous le pays étaient présents,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Quant au président, seul le président de Croatie était absent, mais son

4 Premier ministre l'a remplacé ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-il exact qu'à ce moment-là des décisions très importantes ont été

7 prises au sujet des rapports interethniques, c'est-à-dire sur la façon dont

8 il convenait de régler ces affrontements qui avaient déjà surgi dans les

9 relations entre diverses nationalités ?

10 R. Oui. C'était une réunion très importante avec la présence de tous les

11 présidents des républiques et pour la première fois chacun s'est mis

12 d'accord sur l'origine des affrontements qui avaient surgi en Croatie entre

13 les unités paramilitaires croates et la population serbe.

14 Donc un accord a été obtenu, a été atteint sur les raisons de la situation.

15 Et il a été décidé que les représentants du pouvoir croate et les

16 représentants de la population serbe vivant en Croatie devaient se réunir

17 autour d'une table et traiter de tous les problèmes un par un pour les

18 supprimer, les régler un par un. Donc c'était une séance très importante.

19 Et à mon avis, elle avait même une importance que l'on peut qualifier

20 d'historique étant donné que c'était la dernière tentative faite pour

21 réunir toutes les républiques, y compris la Croatie, et obtenir un accord

22 entre elles sur les causes des affrontements et la façon de les régler.

23 Q. Ce que je vois ici sur le texte que j'ai sous les yeux c'est quelque

24 chose que j'aimerais commenter avec toi. Paragraphe 5 du procès verbal de

25 cette séance, je lis qu'un groupe paritaire devrait être créé immédiatement

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1 auquel tu participerais ainsi que les représentants du pouvoir croate et

2 les représentants légitimes de la population serbe vivant en Croatie afin

3 de démarrer des pourparlers sur toutes les questions politiques en

4 discussion qui peuvent être considérées comme la cause de la crise. Puis

5 ensuite il y a une énumération où il est question d'égalité

6 constitutionnelle entre les peuples serbes et croates. Il est question de

7 l'utilisation des alphabets, de la langue, des symboles et emblèmes

8 nationaux, du droit du peuple à l'autodétermination y compris le droit à la

9 sécession. Et du droit des nations à l'autodétermination, je le répète, y

10 compris le droit à la sécession, et puis ensuite, il est question après

11 règlement de toutes ces questions de l'organisation d'un référendum, et

12 cetera, et cetera.

13 R. Oui.

14 Q. Donc est-ce que cette énumération était contestée en Croatie ? Est-ce

15 que la conclusion de toute la direction, de tous les dignitaires du pays au

16 plus haut niveau des républiques était qu'il fallait résoudre ces

17 divergences entre les représentants légitimes du peuple serbe et du

18 gouvernement croate en Croatie, n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Nous pensions que c'était une affaire interne à la Croatie et que

20 le règlement de ses problèmes pouvait permettre aux conflits à

21 l'affrontement en question de ne pas s'aggraver.

22 Q. Mais est-il incontesté que chacun lors de cette séance a décidé que les

23 problèmes qui avaient provoqués les affrontements en Croatie devaient être

24 discutés, que tous les obstacles devaient être levés de façon pacifique et

25 que tout cela avait une cause fondamentale qui était en fait la violation

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1 des droits du peuple serbe, n'est-ce pas ?

2 R. Ceci est absolument incontesté. M. Mesic, membre de la présidence de

3 Croatie et Premier ministre de Croatie à l'époque qui représentait la

4 Croatie n'a pas contesté cela. Les décisions ont été adoptées à

5 l'unanimité.

6 Q. Mais si tout s'était fait de cette façon il n'y aurait pas eu

7 d'affrontements, pas de conflits, n'est-ce pas ?

8 R. Et bien c'est le problème. Face aux faits, il est difficile de nier

9 l'existence de la réalité parce que toutes les autres républiques, tous les

10 autres membres de la présidence avaient déclaré que les choses se

11 passeraient ainsi. Mais, immédiatement après, les choses qui avaient été

12 dites ont été oubliées. Dans la réalité, aucune discussion n'a commencé

13 avec les représentants du peuple serbe en Croatie. La situation a continué

14 à se développer comme elle avait évoluée avant.

15 Q. Mais est-ce que ce qui s'était interrompu c'est les efforts à la

16 sécession par la violence ?

17 R. Et bien, fondamentalement la cause du conflit s'était la décision de la

18 Croatie de faire sécession par rapport à la Yougoslavie, et puis ensuite la

19 décision en réaction du peuple serbe dans le cas où la Croatie faisait

20 sécession de se séparer de la Croatie. Ça, ça était la dernière goutte

21 d'eau, si je puis utiliser cette expression. Aussi longtemps que les droits

22 du peuple serbe étaient remis en cause, le peuple serbe se sentait mal et

23 n'était pas d'accord avec les Croates. Il y a eu des discussions, des

24 débats animés mais pas d'affrontements directs sur ces questions pendant un

25 certain temps. Mais le problème le plus grave et le plus difficile à régler

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1 c'était la volonté de sécession.

2 Q. Mais qu'en est-il des Serbes de Croatie à l'époque ? Est-ce qu'ils

3 subissaient des pressions, celles dont M. Nice t'as parlé dans les

4 questions qu'il t'as posées, je pense, en rapport avec le paragraphe 10 de

5 ta déclaration préalable où tu dis : "Que la crainte régnait d'un génocide

6 contre les Serbes notamment si ceux-ci devaient devenir une minorité

7 nationale en Croatie," et cetera, et cetera. Donc est-ce qu'il y avait du

8 point de vue historique, du point de vue

9 d'expérience vécue dans la Seconde guerre mondiale, est-ce qu'il n'y avait

10 pas de bonnes raisons pour justifier ces craintes du peuple serbe ? Est-ce

11 que la présidence yougoslave lors de la séance dont on a parlé n'a pas

12 exprimé sa compassion par rapport à ces préoccupations ? Est-ce qu'elle n'a

13 pas dit qu'elle partageait ces préoccupations et ces inquiétudes ?

14 R. Et bien, les Juges peuvent interroger les gens de la région mais je

15 pense que tout cela est absolument indubitable.

16 Q. Est-ce que tu te souviens de l'Assemblée fédérale du 29 mai 1990 où le

17 principe d'autodétermination, y compris le droit à la sécession a été

18 défendu parce que la présidence yougoslave, le 28 mai, avait lancé une

19 initiative à l'assemblée pour que le droit à la sécession soit régularisé

20 légalement, n'est-ce pas, par voie législative ?

21 R. Oui. Nous pensions que ceci serait très bon car certaines républiques

22 souhaitaient se séparer de la Yougoslavie, et donc il fallait que ce droit

23 constitutionnel soit respecté mais qu'il le soit dans le respect de la

24 législation, car là, il y avait des problèmes qui se posaient. Il y avait

25 des problèmes matériels, des problèmes financiers, des problèmes qui

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1 pouvaient se poser aux salariés des entreprises qui travaillaient dans une

2 république ou dans une autre. Il y avait des problèmes d'assurance, des

3 problèmes en cas de décès, des problèmes en cas d'héritage avec, y compris,

4 les problèmes au niveau des obligations internationales qui devaient être

5 respectées par les uns et par les autres où qu'ils vivent et tout cela

6 devait être examiné de très près pour qu'en Croatie, les choses se passent

7 de la meilleure façon possible.

8 Nous pensions que si des procédures en bonne et due forme n'étaient pas

9 établies au préalable, le chaos risquait de surgir. Et la Croatie n'a

10 jamais voulu accepter ce point de vue, à mon avis, et je le pense très

11 profondément, elle a refusé cela car elle pensait que si les choses étaient

12 réglementées comme nous le souhaitions, elle-même ne parviendrait pas à ses

13 fins comme elle le souhaitait. Or ce que souhaitait la Croatie, c'était ne

14 pas respecter les droits constitutionnels du peuple serbe et obtenir ce

15 qu'elle recherchait par la violence, c'est-à-dire, pas par des façons

16 légales et constitutionnelles. Et dans cette période, la Croatie s'est

17 d'ailleurs armée en violation de la loi en vigueur dans le pays et en

18 violation des dispositions constitutionnelles et de ce que souhaitaient les

19 autorités.

20 Q. Est-ce que tu te souviens de cette proposition de respecter les droits

21 de l'homme et d'obtenir un règlement pacifique parce que nous tenions

22 beaucoup à cela ? Nous, nous étions développés pendant des années comme un

23 pays civilisé et nous pensions qu'il ne devait pas se poser de problèmes en

24 raison de ce genre de choses.

25 R. Evidemment. Evidemment que dans ce processus de séparation, il fallait

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1 que les grands principes en vigueur dans le pays soient respectés, donc

2 nous avions fait des propositions. Mais malheureusement, nos propositions

3 ne pouvaient pas être adoptées sans l'accord de toutes les républiques non

4 plus.

5 Q. Et est-ce qu'il était très clair que nous prônions le maintien de la

6 Yougoslavie et que nous étions en faveur d'un processus juste, civilisé qui

7 respecte le droit de chaque nation à l'autodétermination. Nous croyons

8 qu'aucune force, aucune violence investie pour maintenir quelqu'un dans la

9 Yougoslavie ne pourrait être envisagée et que le démantèlement de la

10 Yougoslavie a commencé par la sécession de la Slovénie et de la Croatie par

11 la force, en dépit de toutes les mesures prises, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. La différence principale qu'il y a entre notre position et la

13 leur, ce n'était pas de savoir s'il pouvait y avoir sécession ou pas de

14 leur part, mais de savoir si cette sécession pouvait se faire de façon

15 régulière et légale assurant le droit de ceux qui restaient et de ceux qui

16 partaient, ou si ceci allait se faire en dehors de la loi, hors la loi par

17 le recours à la force. Et c'était la différence principale et c'est la

18 raison pour laquelle tout s'est passé par la suite sous forme de conflit.

19 Q. Prenons le problème par l'autre bout de la lorgnette, à savoir, comme

20 l'on vu ce problème, les représentants de la communauté internationale,

21 aucun avertissement n'aurait pu dissuader l'Allemagne de reconnaître

22 l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, le 12 décembre 1991,

23 beaucoup d'hommes d'états l'on reconnu cette erreur par la suite.

24 Mitterrand, par exemple, dans un entretien accordé à la télévision le 3

25 septembre 1990 [sic], disait que la communauté internationale était en

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1 partie responsable de ce qui s'était passé parce qu'on n'a pas essayé de

2 défendre les normes internationales. Tous, beaucoup ont reconnu qu'il y

3 avait eu reconnaissance hâtive de la Slovénie notamment. Et ici, on a dit

4 que : "l'Europe ne voulait pas défendre les normes légales existantes."

5 C'est ce que ce représentant a dit, et il a ajouté que : "Toutes les

6 républiques avaient été reconnues beaucoup trop vite."

7 R. Je ne veux pas ici faire de commentaires sur ce qu'ont dit les

8 dirigeants du monde. Je parle ici de ce que je sais et de ce que je

9 ressens. Mon sentiment c'était que la communauté internationale ou plutôt

10 certaines instances, institutions internationales ont commis des erreurs

11 qui ont contribué à l'escalade du conflit en ex-Yougoslavie et que tout

12 ceci s'est fait au grand malheur de son peuple, que les choses auraient pu

13 se passer tout à fait différemment si on avait emprunté la voie que nous

14 avions proposé ou une voie similaire qui préconisait le non recours à la

15 force.

16 Q. Après cette reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie

17 et ensuite après la tragédie de ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine,

18 est-ce qu'il n'y a pas eu escalade du conflit ?

19 R. Oui.

20 Q. Puisque tu faisais partie de la présidence pendant tout ce temps,

21 pendant un certain temps en tant que président de la présidence et puis en

22 tant que membre de la même présidence, et ceci jusqu'au milieu de 1992,

23 est-il exact de dire que tous les membres de la présidence qui ont continué

24 à œuvrer au sein de cette présidence, ne nous n'ont pas abandonné,

25 voulaient arrêter les hostilités. Ils voulaient une résolution pacifique du

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1 conflit. N'était-ce pas la position de la Serbie et du Monténégro ?

2 R. Tout à fait. Tout à fait. Un objectif primordial, c'était de mettre au

3 terme le plus vite possible, immédiatement aux hostilités pour des raisons

4 bien simples. La première raison c'était qu'elle ne voulait pas qu'il y ait

5 des pertes de vies humaines inutiles puisqu'on pouvait trouver une solution

6 par un accord. La deuxième raison étant que la Serbie a été punie de façon,

7 à mon avis, tout à fait injuste. Elle a fait l'objet de sanctions. Elle lui

8 a été impossible de vivre normalement puisqu'il y avait la guerre en dehors

9 de la Serbie. Or, c'était dans notre intérêt vital de se débarrasser de ces

10 sanctions et de mettre fin à la guerre.

11 Q. Ici, il y a une thèse sur laquelle la Serbie a agressé la Bosnie-

12 Herzégovine. Vu le poste que tu occupais à l'époque à la présidence de la

13 RSFY et vu ton rôle général au niveau politique en Serbie, est-il possible

14 d'expliquer une telle allégation ?

15 R. La JNA se trouvait en Bosnie-Herzégovine, qui faisait partie de son

16 propre état, en tant que partie de la Yougoslavie, c'était une couverture

17 nationale, géographique naturelle pour la JNA puisque c'était son

18 territoire. Et ceci jusqu'au moment où il y a eu reconnaissance

19 internationale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'état séparé. Et là, nous

20 avons adopté une décision de faire se retirer la JNA de la Bosnie-

21 Herzégovine. Il y a eu décision prise afin d'assurer la démobilisation et

22 le retrait de tous les citoyens de Serbie et Monténégro.

23 Pendant que la Bosnie-Herzégovine a été partie de la Yougoslavie, ce

24 n'aurait pu être une agression puisque l'armée était sur son propre

25 territoire. Elle a dû se défendre de temps à autre. Elle a dû mener des

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1 attaques de temps à autre mais c'était quelque chose de tout à fait

2 périphérique. Il n'y a pas eu de guerre menée par l'armée. Elle avait une

3 simple présence sur le terrain. Et après cela, la JNA n'a plus été en

4 Bosnie-Herzégovine, tout du moins pendant la durée de mes fonctions à la

5 présidence de la Yougoslavie, et je crois ce fût le cas après aussi.

6 Voilà pour ce qui est de la JNA, je le sais et je peux en parler.

7 Q. Est-il exact de dire que l'armée a été d'orientation yougoslave ? Est-

8 il vrai de dire que les forces armées se composaient de forces armées

9 représentant toutes les minorités, toutes les nations de la Yougoslavie ?

10 R. Mais, bien sûr, que ce soit au niveau des chefs de l'armée, mais aussi

11 au niveau des unités, les effectifs étaient mixtes. C'était là la politique

12 qui avait été retenue. Toutes les unités devaient être mixtes s'agissant de

13 leur composition, et c'était pour le commandement aussi. Dès le départ, ce

14 fût vraiment une armée véritablement yougoslave.

15 Ce processus a commencé à être sapé à sa base lorsqu'il y a départ de la

16 Slovénie et de la Croatie, de la Yougoslavie et, même avant que la Croatie

17 et la Slovénie soient reconnues, il y a eu abandon de membres de la Croatie

18 et de la Slovénie, de l'armée yougoslave sous l'influence de la situation

19 politique qui sévissait dans ces républiques. Il n'en demeure pas moins que

20 l'armée est restée yougoslave car toutes les nations y étaient

21 représentées.

22 Q. Tirons au clair cette question du contrôle et du commandement. Tu es

23 sans nul doute tout à fait qualifié pour en parler ici de nombreuses

24 allégations qui ont été formulées, et j'aimerais tirer tout à fait au clair

25 certaines choses.

Page 29273

1 Est-il vrai de dire que, s'agissant de ses compétences en matière de

2 commandement et de contrôle pour ce qui est des forces armées de la RSFY,

3 les présidents des républiques n'avaient aucune de ces compétences, n'est-

4 ce pas ?

5 R. C'est exact. Ils avaient pour seule possibilité par le truchement des

6 membres qu'ils représentaient à la présidence où, par leur participation

7 directe aux réunions de la présidence, ils étaient invités pour exprimer

8 leur avis. Ils pouvaient exprimer leur avis et essayer d'exprimer une

9 influence; cependant, ils n'avaient aucun droit de vote. Ils n'avaient non

10 plus de prendre dans ce domaine des décisions indépendantes.

11 Q. C'était bien la situation de jure, n'est-ce pas ? Ce n'est pas

12 contesté ?

13 Je te demande maintenant ceci. Il est souvent affirmé ici que moi, j'étais

14 en mesure de commander les forces armées à travers toi, à travers d'autres

15 membres de la présidence ou d'autre façon. Est-ce que c'était vrai ? Est-ce

16 que je pouvais commander l'armée yougoslave, la JNA ? Est-ce que je pouvais

17 donner des ordres à Kadijevic qui a été ministre de la Défense pendant

18 toute l'année 1991 ?

19 R. Pour ce qui est des décisions prises par la présidence de Yougoslavie,

20 ces décisions ne peuvent être prises que par des membres de la présidence.

21 Et je le répète, c'étaient des décisions contraignantes pour les dirigeants

22 militaires, pour le Grand état major, ainsi que le ministre de la Défense.

23 La mise en œuvre de ces décisions sur le terrain ne relevait pas de la

24 compétence de la présidence, mais relevait du mandat confié à l'état major

25 principal, au Grand état major.

Page 29274

1 Alors si quelqu'un -- la question est de savoir si quelqu'un faisait des

2 suggestions à l'armée, et que Milosevic aurait été une de ces personnes. Ça

3 je ne le sais pas. On aurait dû demander à ces personnes si de telles

4 suggestions leur avaient été faites, mais il était impossible qu'ils

5 auraient reçu des ordres car ces compétences n'étaient pas les siennes. Ça,

6 ça ne fait pas l'ombre d'un doute.

7 Quant à savoir s'il a formulé des suggestions et si elles ont été suivies

8 des faits, je ne sais pas. Cette question-là, il faut la poser à ces

9 hommes-là. Mais, en vertu de la constitution, il n'avait pas le droit de

10 recevoir le moindre ordre de qui que ce soit, pas même d'un membre de la

11 présidence, ni du président de la présidence, à l'exception des décisions

12 prises par la totalité des membres de la présidence, décisions qu'il devait

13 appliquer et dont il devait faire rapport à la présidence.

14 Q. Fort bien. Avançons pour passer à un sujet tout à fait différent. Ici il

15 s'agit d'une allégation tout à fait inverse. J'essaie de balayer tout ceci.

16 Est-ce qu'il t'est arrivé de savoir ou d'apprendre que j'aurais voulu

17 constituer une espèce d'armée serbe ?

18 R. Je savais que tu étais opposé à une telle idée.

19 Q. Merci.

20 R. Notre concept et notre préoccupation n'ont jamais cessé d'être ceux des

21 Serbes en dehors de la Serbie. Nous n'avions pas la crainte de voir la

22 Serbie attaquée. Notre problème, c'était de savoir comment, de façon

23 politiquement satisfaisante, nous pouvions régler le problème que

24 rencontraient les Serbes en dehors de la Serbie, et pour que ce soit

25 possible, il fallait assurer la protection de ces Serbes, leur permettre de

Page 29275

1 rester là où ils étaient en liberté, jusqu'à ce qu'une solution politique

2 soit trouvée. Et ceci aurait pu être fait par la JNA tant qu'elle existait.

3 Si on avait eu une armée serbe, ça n'aurait pas été possible parce que cela

4 aurait signifié qu'on outrepassait -- ou qu'on dépassait des frontières de

5 notre république. Ceci aurait été inacceptable au plan international. Il

6 était donc logique que ceci n'aurait pas été notre idée. Ceux qui étaient

7 partisans de la création d'une armée serbe, à mon avis, c'étaient

8 simplement des gens qui voulaient tirer un avantage personnel politique de

9 tout ceci. Ils voulaient démanteler l'armée yougoslave ou renverser les

10 autorités serbes.

11 Q. Est-il vrai de dire qu'en 1987, il y a eu restructuration de l'armée,

12 de façon à ce qu'il y ait réduction des effectifs, donc réduction

13 numérique, et que les régions militaires ne coïncidaient plus avec les

14 territoires des républiques ?

15 R. Je ne sais pas à quel moment ça s'est passé. En effet, moi je ne

16 m'occupais pas à l'époque de choses militaires; cependant, je sais que,

17 lorsque je suis devenu -- ou que j'occupais ma fonction à la présidence de

18 la Yougoslavie, c'était vrai. Les régions militaires ne coïncidaient pas

19 avec les frontières des républiques; au contraire, elles étaient

20 constituées ces régions, de façon différente.

21 Q. Est-il vrai de dire que je n'ai pas assisté à la moindre réunion du

22 commandement suprême, que ce soit en 1990 ou en 1991. Alors que toi, tu

23 étais à la présidence ?

24 R. Les réunions du commandement suprême des forces armées n'avaient pour

25 participants que les membres de la présidence et le haut état major. Jamais

Page 29276

1 un seul représentant des républiques n'y a été convié. Ils n'ont pas

2 participé pas plus que toi.

3 Q. Il y a un instant, vers la fin de l'interrogatoire principal, tu as

4 expliqué que je n'étais pas partie prenante aux décisions, notamment, la

5 décision portant sur la diminution du nombre des officiers sur la mise à la

6 retraite de généraux. Et d'après ce que j'ai entendu et d'après ce qu'on

7 m'a rappelé, lorsque j'ai entendu les explications que tu as données, même

8 en ta présence, on ne m'a pas demandé ce qu'on aurait dû me demander, pas

9 en tant que président de Serbie, mais en tant que quelqu'un remplaçant un

10 membre de la présidence. En ton absence, on ne m'a pas posé une question à

11 propos de la mise à la retraite de généraux, et même du ministre de la

12 Défense de Serbie, au moment où il a été remplacé.

13 R. Dans cette première vague de mise à la retraite de généraux, nous

14 n'avons pas consulté les présidents des républiques. Ceci a été proposé par

15 l'armée. Nous avons analysé cette proposition puis il y a une deuxième

16 vague. J'ai expliqué comment ça s'est passé de manière que je n'ai pas

17 approuvée. Je persiste à croire qu'il était erroné. Enfin, je ne dirais

18 peut-être pas erroné, mais quelque part, inéquitable d'agir de la sorte à

19 l'égard de personnes qui avaient passé autant de temps dans l'armée. Comme

20 ça, les rayés -- les radiés d'une liste sans la moindre raison, sans raison

21 justifiée, c'était là quelque chose qu'il ne fallait pas faire et tu aurais

22 dû être consulté parce que tu me remplaçais, en mon absence.

23 Q. Fort bien. Puisque je n'étais pas consulté, même alors que je te

24 remplaçais, alors que j'aurais dû être consulté. Est-ce que la conclusion

25 logique et claire ? N'est pas qu'ils ne m'ont jamais consulté sur d'autres

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1 dossiers lorsque je ne te remplaçais pas ?

2 R. Je crois que je l'ai déjà dit. Nous n'avons consulté personne. En

3 d'autres termes, toi non plus, tu n'as pas été consulté que ce soit pour la

4 première vague des mises à la retraite, et pour la deuxième non plus.

5 Q. Est-il vrai de dire que, dès le mois de novembre 1991, de facto et de

6 jure, la JNA était toujours considérée comme étant l'armée de la RSFY, que

7 ce n'était aucunement une armée serbe ? Ses effectifs n'étaient pas tous

8 Serbes. En dépit du fait que bon nombre de Slovènes, de Croates étaient

9 partis -- avaient quitté ses rangs, que les Musulmans avaient reçu pour

10 instruction de ne pas répondre à l'appel sous les drapeaux, en dépit d'une

11 grosse campagne menée contre l'armée par certains partis d'opposition, elle

12 demeurait l'armée de la RSFY, n'est-ce pas ?

13 R. Tout à fait. L'exemple le plus parlant c'est celui-ci que le ministre

14 de la Défense est de Croate et le chef d'état major était de Bosnie et

15 l'adjoint au ministre des Armées était de Slovénie. Cela veut dire que

16 toute la composition de l'armée demeurait mixte pour autant que certains ne

17 quittent pas l'armée.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une pause.

19 M. NICE : [interprétation] Nous avons l'Article 324 de la constitution qui

20 se trouve être à la pièce 131. J'en ai une copie pour vous, Monsieur le

21 Juge Kwon.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire la pause.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

Page 29278

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez l'intention de travailler jusqu'à

2 quelle heure ?

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A 14 heures 15. Excusez-moi, 14 heures,

4 je me trompe.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. J'ai un renseignement ici, est-il exact ? Est-il vrai qu'en octobre

8 1991, 27 % des hauts cadres de la JNA n'étaient ni Serbes, ni Monténégrins,

9 ni ceux qui se seraient déclarés yougoslaves au plan ethnique ?

10 R. Impossible de confirmer ou d'infirmer ces chiffres. En effet, je n'ai

11 pas ces informations sous la main; cependant, je pense que ces chiffres

12 sont sans doute vrais.

13 Q. Exact. Est-il vrai de dire que, dès le mois d'avril 1992, dans la JNA,

14 il y avait environ 600 soldats croates, même s'il y avait reconnaissance

15 internationale de la Croatie en tant qu'état en janvier 1992, donc il n'y

16 avait pas encore séparation complète ?

17 R. Même réponse que la précédente.

18 Q. Est-il vrai de dire que, dans les forces aériennes, quelque 52 % des

19 officiers n'étaient pas des Serbes, ni des Monténégrins pas plus que des

20 Yougoslaves ?

21 R. C'est bien connu.

22 Q. Et pour ce qui est du rôle de la JNA en Croatie -- vous connaissez la

23 situation puisque vous étiez membre de la présidence de la RSFY -- est-il

24 vrai que la JNA a essayé de se protéger -- de se défendre, mais aussi s'est

25 efforcé d'empêcher que des conflits n'éclatent et s'est toujours

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1 interposée ? Elle n'a protégé les Serbes que lorsqu'ils étaient attaqués.

2 Est-il exact que la JNA ne s'est pas livrée à d'autres activités ?

3 R. Voici comment les choses se sont passées. Tout comme se fut le cas dans

4 d'autres régions de Yougoslavie, il y a eu déploiement de l'armée en

5 Croatie en application des plans stratégiques existants à l'époque au Grand

6 état major pour ce qui est de la défense du pays. Il y a donc eu

7 déploiement dans des casernes et garnisons dans différentes parties de la

8 Croatie. Sans recevoir de missions militaires particulières quelconque,

9 l'armée s'est trouvée dans les casernes ou dans des camps d'exercice où

10 elle subissait des formations.

11 Mais, finalement, le sort de l'armée est double après. Là où elle

12 bénéficiait de l'appui des Serbes majoritaire, personne n'a attaqué les

13 casernes. Elle est restée dans ces casernes, mais là où il y avait des

14 unités paramilitaires croates qui avaient été établies, l'armée a été

15 assiégée dans les casernes. Les soldats n'étaient pas autorisés à partir.

16 Ils n'ont eu aucune électricité, sans eau, sans nourriture aussi, sans

17 moyens de vivre, ni de survivre, et ceci a perduré. Il a fallu s'accommoder

18 de la situation jusqu'à l'arrivée des soldats responsables du maintien de

19 la paix en Croatie, jusqu'à la fin des conflits en Croatie.

20 Pour ce qui est des territoires où l'armée n'a pas été attaquée, donc là où

21 habitaient des Serbes, l'armée restait dans les casernes jusqu'au moment où

22 la présidence de Yougoslavie a pris une décision selon laquelle elle

23 pouvait prendre position le long des frontières des territoires pour

24 empêcher des conflits entre les unités croates qui voulaient avancer dans

25 ces zones et les paramilitaires serbes qui se défendaient contre les

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1 Croates.

2 Voilà comment les choses se sont passées pour ce qui est de l'armée en

3 Croatie.

4 Q. Fort bien. Veljko Kadijevic était à la tête de l'armée au cours de

5 cette période, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-il exact de le dire ici -- nous avons entendu plusieurs

8 affirmations. N'est-il pas vrai de dire que Kadijevic n'était pas mon homme

9 à moi, mais qu'il n'aurait pas pu, en plus de ça, être sous mon

10 commandement non plus, de quelque façon que ce soit ?

11 R. Moi, je sais ce que dit la loi et je sais des choses générales en vertu

12 de la loi. Il avait, comme organe supérieur à lui, la présidence de la

13 Yougoslavie. Il n'était autorisé à rien mettre en œuvre dans l'armée que ce

14 soit pour augmenter ses effectifs, ou pour diminuer ses effectifs, ou pour

15 mettre en œuvre un déploiement stratégique, pas plus que pour déployer

16 d'aucune façon les dirigeants les chefs militaires. Toutes ces questions

17 relevant de l'armée, il ne pouvait le faire sans une décision dans ce sens

18 prise par la présidence qui lui était supérieure.

19 Pour ce qui est des rapports qu'il entretenait avec qui que ce soit dont le

20 président de la République de Serbie, bien sûr, ces rapports n'étaient pas

21 interdits, mais il va de soi qu'il n'y avait pas de fondement juridique

22 permettant à qui que ce soit d'en donner quoique ce soit à d'autre à

23 autrui.

24 Pour ce qui est des connaissances que j'ai, s'agissant des rapports

25 personnels, j'ai en effet assisté à beaucoup de réunions. Il y avait aussi

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1 bien Milosevic, Kadijevic que moi-même, c'étaient des rapports de

2 tolérance. Quelques fois il y avait des étincelles, c'est-à-dire, il y

3 avait des désaccords et ceci a créé deux formes.

4 La première c'est que Kadijevic a insisté de façon persistante sur la

5 nécessité de défendre la Yougoslavie dans sa totalité. Milosevic lui il

6 estimait qu'il ne fallait pas forcer les Croates et les Slovènes, qui

7 voulaient partir de la Yougoslavie, à y rester et qu'il ne fallait pas

8 renverser l'autorité qui était la leur, essayer de contrecarrer

9 d'éventuelles décisions dans ce sens de leur part. Ça c'était la première

10 différence.

11 La seconde était celle-ci. A bien des reprises, Kadijevic a demandé à la

12 Serbie et à d'autres républiques de faire trop appel à la mobilisation pour

13 appeler pour sous le drapeau trop de conscrit par rapport aux objectifs qui

14 étaient vraiment nécessaires, et par rapport aussi à l'autorisation

15 politique qui lui aurait été donnée dans ce sens. Il a parfois essayé de

16 faire des suggestions politiques qui n'étaient pas du goût de Milosevic,

17 tout comme Kadijevic n'aimait pas que Milosevic fasse des suggestions

18 d'ordre militaire ou tactique. Donc il y a eu parfois des étincelles, mais,

19 de façon générale, je pense que la coopération se faisait normalement.

20 Q. Mais ce n'était pas un rapport où au moins j'aurais eu la possibilité

21 de lui donner le moindre ordre ?

22 R. Non, et même si on parle de l'issue finale et des conséquences que ceci

23 pourrait avoir, il est de notoriété publique que Kadijevic avait été élu

24 par l'assemblée fédérale et que c'était celle-ci seule qui pouvait le

25 remplacer ou le révoquer. Dans tout conflit avec Milosevic, Kadijevic

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1 n'allait pas subir de préjudice, ni de répercussions personnelles.

2 Q. Effleurons rapidement la question de la Défense territoriale. Des armes

3 avaient été volées dans des entrepôts et la TO a décidé que toutes les

4 armes de la TO devraient être transportées dans des entrepôts militaires,

5 avec sécurisation militaire ?

6 R. C'est exact, parce qu'à l'époque, la Croatie et la Slovénie avaient

7 commencé l'armement intensif de leurs unités illégales, et elles se sont

8 emparées à cette fin des armes qui se trouvaient dans les entrepôts. La

9 présidence de l'état yougoslave a donc donné des instructions au Grand état

10 major pour mettre un terme à tout cela et c'est bien ce qu'il a fait. Il a

11 donné l'ordre que les entrepôts soient placés sous le contrôle militaire

12 dans toutes les républiques.

13 Q. Et est-ce que non plus on n'a pas dit à l'assemblée générale ? Est-ce

14 qu'il n'y a pas eu un député qui avait posé la question qui demandait

15 pourquoi on avait confisqué ces armes à la Défense territoriale, et la

16 réponse a été que cette décision s'appliquait à tout le monde ?

17 R. Non, je pense que cette réaction fût tout à fait naturelle parce que

18 les personnes responsables de la question avaient été prises de surprise

19 par cette décision qui n'avait pas été annoncée.

20 Q. Est-il vrai de dire qu'après la désintégration de la JNA, la plupart

21 des officiers, nés en Bosnie-Herzégovine ou en Croatie, sont rentrés dans

22 leur république de naissance pour rejoindre les armées qui avaient été

23 constituées de ces républiques a fin d'aider leur propre population de

24 façon générale, ils sont rentrés pour être incorporés dans la défense de

25 leur propre population ?

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1 R. De l'échelon le plus bas jusqu'à l'échelon le plus élevé si on parle en

2 occurrence d'officier, on peut dire que tout le monde a suivi les tendances

3 politiques qui se dessinaient dans leur communauté ethnique, dans leur

4 propre république. Ces hommes ont rejoint -- ou ont suivi la volonté

5 politique exprimée par le peuple de la république. Ces hommes ont quitté en

6 masse les rangs de l'armée pas tout à fait -- pas tous bon nombre d'entre

7 eux. Ce sont d'abord les officiers qui sont partis suivi des soldats de

8 Slovénie et de Croatie, et puis de Bosnie-Herzégovine qui n'étaient pas

9 Serbes.

10 Q. Nous parlons maintenant de ceux qui sont allés rejoindre l'armée de la

11 Republika Srpska et de la Krajina serbe. Est-il exact de dire que la JNA,

12 qui était plus tard connue sous le nom de armée de Yougoslavie, n'avait

13 aucune autorité de commandement à l'encontre de ces armées ?

14 R. Je ne faisais pas partie du commandement suprême à l'époque; cependant,

15 d'après ce que je sais -- j'étais parlementaire à l'époque -- je pense que

16 c'est, effectivement, le cas.

17 Q. Si on parle donc de commandement de contrôle, ces armées n'étaient

18 aucunement subordonnées à l'armée de Yougoslavie à la VJ.

19 R. Aucune décision n'a été prise par l'assemblée fédérale, donc je vois

20 ces parties en tant que parlementaire, qui feraient apparaître qu'on

21 donnait un droit de tutelle ou de subordination à cette armée ou à ces

22 dirigeants, et je pense que ce principe a été respecté.

23 Q. Est-il vrai qu'après la victoire remportée aux élections de 1990 par le

24 HDZ, il y a eu un projet qui a démarré aussitôt un plan de création des

25 armées croates, et qu'il y a eu un plan de défense à l'encontre des

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1 officiers a fin d'assurer la désintégration de la JNA ?

2 R. Je relève dans le livre que j'ai écrit ce genre de choses, d'après des

3 informations reçues de nos services de renseignements et à partir de ce que

4 les représentants de la Croatie ont dit eux-mêmes, y compris le président

5 Tudjman, à partir aussi des ordres venant des dirigeants croates et envoyés

6 aux organes locaux, aux organes et aux unités de la Défense territoriale.

7 Avec cette démarche, la Croatie voulait s'arroger la possibilité de faire

8 sécession avec la Yougoslavie, même s'il pensait que la Yougoslavie ne le

9 permettrait pas.

10 Q. Mais est-ce qu'il n'est pas vrai qu'au cours de l'été 1990, il a

11 commencé à avoir des provocations massives, et qu'on a fait pression sur la

12 JNA, sur ses officiers, sur tous les membres de la JNA, sur les familles ?

13 Et je suppose que tous les membres de la présidence ont reçu des rapports

14 dans ce sens émanant de l'armée, il s'agit donc de la JNA, pas de l'armée

15 de Yougoslavie.

16 R. Je suis sûr que la Chambre aura lu tous ces documents, toutes ces

17 informations reçues de la présidence, ainsi que les choses que j'ai

18 consignées dans mon livre. Il s'est passé des choses incroyables. Vous

19 aviez des unités paramilitaires en civil ou pas -- mais armées qui

20 recevaient des missions, et ces missions consistaient à menacer toutes les

21 familles des officiers -- toutes les familles d'officiers jusqu'à les tuer

22 pour empêcher que ne parviennent ces officiers jusqu'aux casernes, et pour

23 éviter qu'ils ne prennent fonction. C'était là une série de mesures qui

24 étaient tout à fait incompréhensibles puisqu'on était encore en temps de

25 paix. L'impression exercée sur l'armée était énorme. Elle venait de toutes

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1 les parties et de toutes -- et ceci a eu comme point, comme apogée le siège

2 des casernes.

3 Q. Est-il vrai qu'au début du mois d'octobre 1992, on a commencé de façon

4 intensive à armer les formations paramilitaires croates et ces armes

5 venaient de divers pays dont la Hongrie, l'Autriche, n'est-ce pas ?

6 R. D'après les renseignements reçus de l'armée par la présidence et que je

7 cite dans mon livre, c'est à ce moment-là que tout a commencé,

8 effectivement.

9 Q. Est-il vrai de dire que les formations paramilitaires croates ont aussi

10 fait une descente au ministère de l'Intérieur où les Serbes travaillaient ?

11 On leur a confisqué leurs armes, les forces réservistes serbes se sont vus

12 aussi confisquer leurs armes et, dans la région de Knin en 1990, des

13 menaces étaient formulées. Il y avait la peur qui régnait, de façon

14 générale, et les Serbes, pour cette raison, ont commencé à s'armer pour se

15 protéger ?

16 R. C'était une raison très importante qui a poussé les Serbes de Krajina -

17 - servent à opposer une résistance parce que le gouvernement croate, de

18 façon tout à fait inattendue et sans aucune raison, a donné des ordres pour

19 que des Unités de la police de Zagreb soient amenées par hélicoptères là où

20 il y avait une population majoritaire serbe et afin de confisquer toutes

21 les armes qui étaient là pour être utilisées par les forces de police de

22 réserve. Et dans chaque municipalité, outre les forces régulières de

23 police, il y avait les armes pour les réservistes.

24 Et les Serbes estimaient que cela était l'une des raisons pour lesquelles

25 la présidence de la Yougoslavie, le 7, le 8 -- ou le 8 et le 9 mai, avait

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1 indiqué que la question devait forcément être débattue avec les Serbes et

2 résolue suivant des modalités acceptables.

3 Q. Serait-il exact de dire que la présidence a pris une décision afférente

4 aux désarmements de toutes les unités paramilitaires et, sur 30 000 fusils

5 automatiques et -- fusils mitrailleurs, ces unités-là en Croatie n'ont

6 restitué que 150 cannons longs, à savoir, seulement 11 Kalachnikovs ? Ce

7 sont les renseignements dont je dispose.

8 R. Le 9 janvier 1991, nous nous sommes penchés sur la situation de

9 l'armement illégal, de l'armement clandestin sur des bases ethniques et sur

10 les périls qui menaçaient de voir surgir une guerre civile. Nous avons

11 estimé qu'il y avait un grand nombre d'armes au sein d'unités qui s'étaient

12 constituées partant de la composition ethnique, tant Croates que Serbes,

13 mais bien plus de Croates qui ont importé, de façon clandestine, les armes

14 en question.

15 Le 9 mars, la présidence de Yougoslavie a adopté une conclusion vu qu'il y

16 avait des preuves irréfutables sur les auteurs et sur ce qui avait été

17 fait, par qui, de procéder -- à ne pas poursuivre en justice tous les

18 responsables et les organisateurs de ce comportement si les armes étaient

19 restituées dans un délai de 15 jours aux unités militaires, et c'est une

20 décision qui a été acceptée par les représentants de la Croatie à

21 l'occasion d'une session à laquelle avait même assisté le président Tudjman

22 en personne.

23 Les Serbes ont restitué leurs armes parce qu'ils croyaient bien que, même

24 en restituant ces armes-là, ils seraient protégés par l'armée populaire

25 yougoslave. Avec les Croates, nous avons eu de grosses difficultés, nous

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1 avons à plusieurs reprises eu des négociations complémentaires dont il est

2 fait état dans mon livre. Et pour finir, ils n'ont pas restitué leurs

3 armes. En substance, ils sont restés armés jusqu'au bout, indépendamment de

4 toutes les décisions prises par la présidence et indépendamment des

5 promesses qu'ils avaient faites. En outre, ils n'ont pas permis que soient

6 poursuivi en justice, ceux qui devaient être sanctionnés par ce que le

7 Tribunal militaire, qui avait commencé à siéger, n'a pas pu continuer à

8 faire son travail en raison de manifestations et de pressions énormes.

9 Q. Serait-il exact de dire, au sujet de votre déclaration, au paragraphe

10 48, il a été tiré, notamment là par M. Nice, une conclusion erronée parce

11 que l'on y dit -- on dit ici que j'étais favorable à la condamnation des

12 coupables. La dernière ligne dit qu'on vient de condamner les coupables. Il

13 estime que céder serait erroné, donc il estime que les coupable se sont

14 ceux qui se sont procurés ces armes, ceux qui étaient impliqués dans ces

15 approvisionnements d'armes.

16 La mesure d'abolition était pour ceux qui n'avaient pas de rangs élevés et,

17 pour ce qui est des autres, il fallait qu'ils répondent parce que ces armes

18 étaient censées servir à des effusions de sang.

19 R. L'énoncé du paragraphe 48, telle que rédigée est exact. Il faut

20 comprendre cela, toutefois, en tant que partie intégrante de ce qui se

21 passait à l'époque. Lorsque nous avons décidé de la restitution des armes

22 avec une mesure d'abolition, il y a eu un débat entre moi-même et M. Mesic

23 au terme duquel il a été arrêté que cela serait fait par leur soin. Et à

24 l'occasion d'une conversation qu'il avait eu avec moi, il a promis de faire

25 en sorte que soit restitué leur 20 000 Kalachnikovs. Bien sûr, tout ce qui

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1 suit, ce qui a été dit plus loin est tout à fait exact également. J'en ai

2 également informé Kadijevic et Milosevic, je leur ai dit que les Croates

3 allaient restituer 20 000 armes, 20 000 fusils, et il est exact de dire ici

4 que Milosevic avait estimé que cela serait un mensonge et s'était énervé.

5 Il avait dit qu'on perdait du temps et qu'eux gagnaient du temps et que

6 cela leur permettait de s'organiser mieux et davantage encore. Alors ma

7 réaction avait été celle de dire que nous n'allions faire la guerre pour

8 ces armes parce que nous avions conclu qu'ils allaient de les restituer et

9 ils ont promis de le faire ? C'est une conversation qui est une

10 conversation s'étant effectivement tenue.

11 Alors lui a dit : "Allons-nous pardonner ceux qui sont coupables ?" Alors

12 j'ai dit : "Il a été conclu de la condamnation des véritables coupables."

13 Q. Donc je m'étais employé en faveur du sanctionnement des coupables et

14 j'ai affirmé qu'ils avaient menti et il s'est avéré par la suite qu'ils

15 avaient menti, en effet.

16 R. Oui, ils ont menti et nous n'avons pas poursuivi en justice les

17 coupables véritables.

18 Q. Fort bien. Serait-il exact de dire que, portant de ces armes, les

19 Serbes à Knin ont restitué leurs armes à eux ?

20 R. Oui, c'est exact. Ce que je dois dire c'est que les Serbes à Knin

21 avaient cru qu'ils allaient être protégés par l'armée populaire yougoslave

22 au cas où, éventuellement, les choses se passeraient autrement que prévues.

23 Q. Est-il exact de dire que Tudjman, après le tournage du film sur Spegelj

24 et l'armement clandestin, a promis fermement le désarmement de toutes les

25 unités paramilitaires. Il avait même promis de sanctionner les coupables,

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1 bien entendu, il n'a rien entrepris de tout cela ?

2 R. J'ai indiqué tout à l'heure que Tudjman était présent à l'occasion de

3 la session de la présidence de la RSFY, le 9 janvier, lorsque cette

4 décision portant sur le désarmement et sanctionnement des coupables a été

5 prise. Et il avait accepté cette décision, mais il ne l'a pas réalisée.

6 Mon avis c'est qu'il n'avait pas de possibilité autre que de procéder de

7 façon tactique, ainsi aux fins d'atténuer la colère de la présidence à son

8 égard, à l'égard de lui-même en personne.

9 Q. De -- souviens-tu de la proposition de mesures d'urgence ? Est-il exact

10 de dire qu'à cette session du 11 mars, la présidence -- et je crois que

11 Riza Sapundziju a également voté en faveur de la prise de ses mesures

12 d'urgence, et il y avait d'autres membres -- trois autres membres de la

13 présidence qui ont voté en faveur, donc cela signifiait désarmement,

14 accalmie et, au bout de six mois, des élections. Mais ces mesures n'ont pas

15 été adoptées parce que toutes les personnes n'étaient pas présentes ?

16 R. Je crois que c'était le 11 mars.

17 Q. Peu importe si c'était le 11 ou le 12.

18 R. C'est exact. Il est vrai de dire que nous n'avions pas de quorum.

19 Drnovsek n'était pas présent, mais, comme on le sait, pour une décision de

20 la présidence, pour une décision de cette nature-là, il suffisait d'avoir

21 cinq membres de la présidence présents. Et même s'ils avaient été cinq à

22 cette session, il fallait qu'il y en ait cinq pour. Donc il ne suffisait

23 pas qu'il y ait sept personnes présentes et quatre favorables à la

24 décision; la décision n'a pas pu être prise.

25 Q. Serait-il exact de dire que cette décision, plutôt l'absence de prise

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1 de décision, a eu des conséquences des plus négatives pour ce qui est des

2 réactions des Serbes qui étaient menacées parce qu'ils s'attendaient à ce

3 que l'armée les protègent. Et comme tu l'as dit tout à l'heure, si ces

4 mesures d'urgence avaient été prises et lorsque la proposition du

5 secrétariat fédérale à la Défense nationale a été rejetée pour ce qui est

6 de la proclamation d'un état d'urgence et lorsqu'il n'a pas été possible de

7 procéder au désarmement, donc tout ceci cumulé, n'a-t-il pas fait qu'ils

8 aient commencé à s'armer ? Je parle là des Serbes présents dans la Krajina.

9 R. Je ne suis pas tout à fait certain du fait que cela ait constitué une

10 journée décisive, mais, en substance, les choses se sont passées ainsi.

11 Etant donné qu'il s'était avéré que les Croates n'avaient pas respecté la

12 décision prise en date du 9 janvier, donc il s'était écoulé deux ou trois

13 mois. Ils sont restés armés. Ils ont continué à s'armer non seulement à

14 partir de sources locales, mais, à partir de sources extérieures au pays et

15 -- les Serbes ont alors commencé à s'armer en cessant de faire confiance à

16 qui que ce soit.

17 Je ne sais pas si cette date-là a été décisive. Je ne sais pas vous le

18 dire, mais c'est le cours ou l'évolution des choses qui s'est fait sans

19 revirement brusque.

20 Q. Mais est-il exact de dire que cette direction, qui avait été à la tête

21 des unités paramilitaires et qui avait distribué des armes aux citoyens du

22 groupe ethnique croate et qui était territorialement entourée de Serbes

23 dans des milieux mixtes sur le plan ethnique, dans la région de Knin, de

24 Lika, de Kordun, de Banija dans la région de Srem et de Baranja ?

25 R. Je n'ai pas très bien compris. Vous voulez dire qu'ils ont distribué

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1 des armes aux Croates ou les Croates étaient encerclés de Serbes ?

2 Q. Je voulais dire où il y une présence plus importante de population

3 serbe.

4 R. Je ne sais vraiment pas. Ce type d'informations n'était pas

5 prédominant. Il se peut qu'il cela a été le cas quelque part. Ce que je

6 sais, c'est que les autorités croates, d'une manière générale, ont armé

7 uniquement des Croates et, pour la plupart des cas, il s'agissait de

8 membres du HDZ, donc il y avait l'appartenance ethnique et l'affiliation au

9 parti. C'était ce qui servait de fondement à l'armement des unités.

10 Alors, de là, à savoir s'ils l'ont fait dans les cités où il n'y avait pas

11 de Serbes ou il y avait majorité de Serbes, je n'ai pas eu d'informations

12 si fiables que cela, mais il se peut que ce soit le cas.

13 Q. Bien. Mais c'est à partir de 1990 que l'on a commencé à désarmer les

14 postes de police où il y avait majorité de Serbes, c'est bien connu ?

15 R. Oui.

16 Q. On a commencé à mettre sur pied des postes de police nouveaux,

17 notamment, dans la Krajina et la Slovénie et dans les régions qui étaient

18 habitées notamment de Serbes ?

19 R. Oui.

20 Q. Et c'est là qu'il y a eu création d'unités spéciales qui ont fait des

21 descentes dans cette région ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-il exact de dire que c'est l'armée qui a empêché des conflits

24 sérieux et cela serait contraire à ce qu'a dit Babic lorsqu'il a témoigné

25 ici, que cela visait à rendre impossible le fonctionnement des organes ou

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1 des autorités légales de l'état de Croatie qui opéraient sur leur propre

2 territoire ?

3 R. Et bien, c'est une question qui n'est pas tout à fait clair, du moins à

4 mes yeux. Pour autant que je le sache, la Croatie avait entrepris des

5 mesures visant à désarmer toutes ces Unités de la police où il y avait

6 prédominance de Serbes et elle a envoyé des hélicoptères pour ramasser ces

7 armes. Elle a réussi à le faire dans bon nombre de localités, mais elle n'a

8 pas réussi à le faire à Obrovac et à Knin.

9 Lorsque les hélicoptères se sont dirigés dans cette direction-là, ils ont

10 été interceptés et renvoyés au point de départ par l'armée. Ce qui est

11 contestable, c'est de savoir si l'armée les a renvoyés parce qu'elle savait

12 qu'ils allaient à Knin ou Obrovac et qu'elle savait qu'il allait y avoir

13 conflit, comme l'affirme Tudjman, ou est-ce qu'elle l'a fait parce qu'ils

14 n'avaient pas déclarés les survols parce que c'est l'armée qui avait à

15 contrôler les survols ?

16 Et Tudjman m'a appelé au téléphone, en disant que l'armée avait contraint

17 des hélicoptères à revenir, alors que ces hélicoptères étaient légalement

18 envoyés en mission. J'ai, pour ma part, contacté Adzic. Je lui demandé de

19 quoi il s'agissait et il m'a dit que ce n'était pas vrai. Les hélicoptères

20 n'avaient pas déclaré ces vols-là, or l'armée avait à gérer l'usage de

21 l'espace aérien.

22 Donc je laisse à tout à chacun d'en décider. Il se peut que l'un et l'autre

23 soient exacts.

24 Q. Bien. Je vais être bref pour poser une question. Je te prie de répondre

25 à chaque segment au mieux de tes connaissances. Ça date de la période où tu

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1 avais été à la présidence.

2 On indique ici toute une série d'événements. Je n'arrive pas à en prendre

3 bonne note pour ce qui les concerne tous -- je ne peux pas feuilleter tous

4 les documents, mais il y a Vukovar, Dubrovnik, Lovas, Skabrnja, Zvornik,

5 Foca, Bijeljina, Brcko, Srebrenica. Je n'arrive pas à faire une liste

6 définitive, pour ma part.

7 Bon, en somme, la Serbie ou la présidence de la RSFY, a-t-elle eu une

8 participation quelconque à ce qui se passait pour ce qui est de Lovas,

9 Skabrnja et d'autres localités ? J'en ai entendu parler, pour la première

10 fois ici, du point de vue géographique. Pour ce qui est des autres villes,

11 je connais les notions géographiques et non pas parce que nous aurions

12 participé à quoi que ce soit, pour autant que nous le sachions.

13 Donc est-ce qu'à tes connaissances ou à ma connaissance, il y a eu quoi que

14 ce soit de lié à tous ces sites et à des ingérences inadmissibles d'unités

15 ou de forces en provenance de la Serbie, voir de la JNA pour ce qui s'est

16 passé là-bas ?

17 R. Nous deux, nous ne nous sommes jamais entretenus à ce sujet-là. Je ne

18 sais pas ce que je savais, l'un ou l'autre, mais nous n'en avons jamais

19 parlé.

20 Et pour ce qui est de mes connaissances, je crois avoir expliqué des

21 choses, je vais le répéter. Les décisions de la présidence, le rôle de la

22 présidence, les attributions de la présidence s'arrêtaient à l'adoption des

23 positions politiques globales. Tout le reste relevait des attributions du

24 Grand état major tant pour ce qui est des questions tactiques et

25 opérationnelles que pour ce qui est des problèmes survenant à des localités

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1 variées. Et de temps en temps, la présidence était saisie de rapports

2 globaux.

3 Maintenant, s'agissant des localités qui viennent d'être mentionnées, elles

4 n'ont jamais été présentes à mon esprit. Je n'ai pas eu d'informations sur

5 ce qui se passait et ceci au fait des événements globaux. Et je crois avoir

6 décrit dans mes livres des informations qui me parvenaient.

7 Q. Bon. Si cela n'a pas fait l'objet de ton attention ou du volume des

8 informations qui te parvenaient, peux-tu supposer que cela me parvenait en

9 guise d'informations pour me tenir au courant de ce qui se passait des ces

10 localités ?

11 R. Ce que je puis affirmer, c'est que nous n'en avons jamais parlé nous-

12 mêmes, tous les deux. Et de ce fait, il peut-être entendu, ou l'on peut

13 supposer que tu n'étais pas au courant non plus.

14 Q. Bon. Qu'est-ce que tu sais nous dire au sujet des événements de

15 Vukovar ? Quel est le rôle de la présidence de la RSFY pour ce qui est des

16 événements de Vukovar ? Est-ce que la présidence de la RSFY avait joué un

17 rôle immédiat dans tout ceci, ou est-ce que cela se situe dans le contexte

18 des attaques généralisées sur la JNA et des conflits entre la JNA et les

19 autres intervenants aux conflits en Croatie ?

20 R. Il y a là deux segments dans lesquelles la présidence était impliquée.

21 D'abord, il y a eu une décision de la présidence, datant des 7, 8 et 9 mai,

22 au terme de laquelle l'armée populaire yougoslave était censée se placer

23 entre les Unités croates et serbes aux fins d'atténuer les tensions et

24 d'empêcher les conflits, ainsi que de protéger les territoires habités par

25 les Serbes, en attendant que l'on ne trouve une solution politique. Ça

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1 c'est la décision du 9 mai. C'est partant de cette décision-là que l'armée

2 est intervenue en Croatie.

3 Deuxièmement, il y a eu un accord entre Kadijevic, qui était allé à Genève

4 en notre nom et Tudjman, réunion à laquelle ont pris part M. Vance et M.

5 Milosevic. Et, aux termes de cet accord, la Croatie était censée débloquer

6 toutes les casernes assiégées de la JNA, en Croatie. Et les casernes

7 devaient être quittées -- abandonnées par l'armée suivant des modalités

8 pacifiques. Nous avons donc abouti à un accord à ce sujet, c'est ce qui

9 devait servir de fondement ou de base pour les activités à suivre.

10 Comme on le sait, cette décision n'a pas été appliquée de façon conséquente

11 ou n'a pas été appliquée du tout. Et à Vukovar, il y avait une caserne avec

12 plusieurs centaines soldats de la JNA. La caserne, qui a été assiégée

13 pendant plusieurs mois, je ne sais pas vous dire au juste combien de temps,

14 mais elle a longtemps été coupée de tout approvisionnement en vivres,

15 médicaments. Pour ce qui est des communications téléphoniques, elle a été

16 privée d'approvisionnement en énergie électrique et en eau, donc il était

17 devenu impossible d'y vivre normalement.

18 En outre, on l'avait constamment pilonnée et attaquée aux tirs de fusils --

19 aux tirs de tireurs isolés. Il y a eu des personnes tuées, des personnes

20 qui sont décédées, et on ne pouvait pas les enterrer, on ne pouvait pas

21 sortir de la caserne en raison des attaques constantes.

22 L'accord, qui a été signé à Genève, n'a pas été réalisé par la partie

23 croate. La partie croate n'a pas donc voulu que l'évacuation de la caserne

24 se fasse dans des conditions normales. C'est dans ces circonstances-là que

25 l'armée populaire yougoslave a décidé de libérer la caserne parce qu'il

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1 était devenu impossible de tolérer que plusieurs centaines d'hommes crèvent

2 de faim là-bas ou tombent malades là-bas, parce que les cadavres étaient

3 déjà en train de se décomposer à l'intérieur. C'était une information qui

4 était communiquée à la présidence de la RSFY, disant donc que la Croatie ne

5 réalisait pas les décisions prises au sujet du déblocage de la caserne, et

6 que cette caserne de Vukovar devait être prise de force et ce que la

7 présidence de la Yougoslavie en sait.

8 Q. Mais avions-nous connaissance d'autres choses, nous en Serbie, étant

9 donné que cela se trouvait à l'extérieur de la Serbie ? Est-ce que nous

10 pouvions en savoir plus long que la présidence de la Yougoslavie ?

11 R. Je ne peux pas comparer les connaissances des uns et des autres. Ce que

12 je puis dire c'est les informations qui nous étaient parvenues et quelle

13 est la teneur de ce qui nous a été communiqué par l'armée. Il se peut que

14 d'autres en aient su davantage ou moins que nous-mêmes. Je n'en sais rien.

15 Q. Le fait est que nous avons suivi les événements, et nous avons suivi ce

16 qui se passait en Serbie, ce qui faisait partie de nos attributions à nous.

17 Et pour ce qui est de l'armée, cela relevait des attributions de la

18 présidence de la RSFY.

19 R. Il est tout à fait normal de considérer que l'armée populaire

20 yougoslave avait disposé d'un maximum d'information et elle nous a fourni

21 des informations suffisantes à ce sujet. Je suppose que personne d'autre

22 n'avait davantage d'information à ce sujet que l'armée elle-même.

23 Q. Je le suppose également. Faisons une petite digression. Je te

24 demanderai d'essayer de t'en souvenir. Tu as mentionné hier le fait que la

25 communauté internationale -- et je crois que tu t'es servi de ces termes-là

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1 -- que la communauté internationale avait toujours insisté pour que la

2 Serbie prenne part à toutes ces négociations. Exact ou pas ?

3 R. C'est un fait. Il voulait que tu sois présent partout.

4 Q. En effet. Te souviens-tu alors -- et cela est le cas pour ce qui est

5 des accords de Genève, pour ce qui est des accords de Carrington, Igalo

6 Kadijevic était là-bas au nom de la Yougoslavie. On avait réclamé ma

7 présence parce qu'il s'agissait d'une question à résoudre, et ainsi de

8 suite. Et je crois t'en avoir parlé à l'époque également. Il s'agissait des

9 formulations à adopter, disant que toutes les forces sous leur

10 commandement, et ainsi de suite, étaient censées se retirer, et que l'on

11 installe un cessez-le-feu, que les hostilités cessent. Et moi, je faisais

12 objection. Je disais : "Je n'ai rien à chercher là-bas. Je n'ai rien à

13 demander." Je disais que la Serbie n'avait aucune force là-bas et

14 Carrington a trouvé une formulation, disant "sous leur influence

15 politique". C'est une formulation qui est très élastique et l'on peut

16 laisser entendre par là que la Serbie et moi-même, par voie de conséquence,

17 allions faire tout ce que nous pouvions dans le cadre de notre influence

18 politique, au sujet des partis concernés sur lesquels nous pouvions

19 influer.

20 Es-tu au courant de cette formulation ? C'est une formulation qui a été

21 reprise à Genève dans les accords d'Igalo. Et Carrington m'a, à ce moment-

22 là, dit : "Bon, tu n'y figures pas, mais tu es en mesure d'exercer une

23 influence politique," influence que j'ai réalisée d'ailleurs, pour ce qui

24 est de l'arrivée des forces de maintien de la paix des Nations Unies et du

25 plan Vance-Owen pour apaiser la situation, donc influence politique. Donc

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1 est-il contesté ou pas que nous n'avions pas d'effectifs à nous, que nous

2 avions à envoyer là-bas ? Et quand je dis, nous, j'entends la direction

3 politique de la Serbie. J'entends le gouvernement dans la Serbie, ou

4 quelque autre autorité que ce soit de la Serbie.

5 R. Et bien, le problème, à mon avis -- le problème fondamental est survenu

6 lorsque la communauté internationale et ses instances à elle n'ont pas

7 reconnu ce qu'il a été convenu d'appeler présidence Coupion [phon]. Ils

8 n'ont pas pu éviter de parler de la fédération, parce que la décision était

9 entre leurs mains. Mais on avait convenu que le général Veljko Kadijevic y

10 aille en notre nom. Ils le reconnaissaient, mais ils ont évité qu'à quelque

11 endroit que ce soit, il figure la signature de quelqu'un de la présidence

12 de la Yougoslavie.

13 Mais, pour ce qui est de l'armée de la Yougoslavie et de la présidence,

14 Kadijevic était autorisé à signer et à décider comme si nos avions été

15 présents, mais seulement dû au fait qu'ils ne voulaient pas nous voir.

16 Pour ce qui est de la participation des autres, à mon avis, cela avait été

17 exigé par les représentants de la communauté internationale, notamment,

18 lorsqu'il s'agissait de M. Milosevic, et ceci parce qu'ils avaient

19 probablement certitude que cela allait être réalisé en raison de l'autorité

20 de l'influence qu'ils étaient à même d'exercer sur ce qui devait être

21 réalisé. Mais il n'avait pas été indispensable pour ce qui est du point de

22 vue de la fédération en tant que telle. Mais on avait je crois, considéré

23 que sa présence aurait été utile.

24 Q. Merci. Je crois que l'explication est tout à fait suffisante.

25 As-tu connaissance d'autre chose. On parle ici constamment. Peut-être ai-je

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1 exagéré en disant constamment, mais à bon nombre de reprises, il a été

2 question d'un concept de création d'une Grande Serbie, disant que l'armée

3 devait se placer aux frontières de la Grande Serbie, Karlobag, Karlovac,

4 Virovitica. Je n'arrive pas en m'en souvenir au juste. C'est à peu près

5 cela. Donc as-tu connaissance du fait qu'à quelque moment-là que ce soit ou

6 dans quelque organe que ce soit, en corrélation avec l'armée ou avec autre

7 chose, il ait été question d'une frontière dans ce secteur-là, ou de

8 quelque frontière que ce soit ?

9 R. Cela était présent en permanence dans l'opinion publique, mais cela

10 avait été des slogans, des objectifs qui avaient été prononcés par des

11 partis politiques d'opposition, notamment, le Parti du Renouveau serbe et

12 le Parti radical. A mon avis, cela devait constituer une espèce de grande

13 promesse à l'intention du peuple serbe disant que, s'ils venaient, eux, au

14 pouvoir cela serait rendu possible. Donc, à mon avis, il s'agissait non

15 seulement d'une illusion pour ce qui est de la réalité ou de l'éventualité

16 de faire ainsi. Je crois que c'était une même supercherie politique. La

17 direction officielle n'a jamais déclaré chose pareille. Il n'a jamais prôné

18 une opinion de cette nature. On sait ce que l'on a prôné. On a visé à faire

19 en sorte que le peuple serbe exerce son droit à l'autodétermination et nous

20 avons prôné une solution politique pour le peuple serbe en Croatie,

21 acceptable pour ce peuple serbe là-bas, mais sans mentionner quelque

22 frontière de cette nature, et cela ne correspondait pas aux frontières

23 ethniques de ce peuple serbe.

24 Q. Mais tu sais, n'est-ce pas, qu'au moment où la République fédérale de

25 Yougoslavie a été proclamée en avril 1992, l'assemblée a déclaré que la

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1 République fédérale de Yougoslavie n'avait aucune prétention territoriale

2 vis-à-vis les anciennes républiques du pays, n'est-ce pas ?

3 R. Mais oui. Cela fait partie intégrante de la constitution. C'était une

4 déclaration qui accompagnait la promulgation de la constitution.

5 Q. Revenons maintenant un peu en arrière. Est-ce que chacun savait à

6 l'époque que ces formations paramilitaires extrémistes qui ont vu le jour

7 en Croatie, formations responsables des crimes les plus horribles sur les

8 Serbes pendant l'été et l'automne 1991, à Sisak, en particulier, et puis

9 ensuite à Pakrac sur le plateau de Miljevac, au pont de Maslenica, et

10 durant l'opération Tempête, ainsi que durant l'opération Eclair en 1995 ?

11 Est-ce que chacun se rend bien compte ? Et est-ce que c'est un fait que

12 tout cela faisait partie de la guerre contre la Yougoslavie, à savoir qu'il

13 s'agissait d'une sécession armée soutenue par une partie de la communauté

14 internationale, et notamment par l'Allemagne ?

15 R. Je n'aimerais pas être appelé à juger chacun de ces incidents ou chacun

16 de ces événements séparément parce qu'il s'agit de situations très

17 sensibles, mais, de façon générale, toutes ces actions militaires menées en

18 Croatie avaient pour but de neutraliser l'armée populaire yougoslave et

19 donc, la résistance du peuple serbe.

20 Maintenant, les formes revêtues par ces actions, il est permis de se

21 demander si ces actions ont été menées en dépit des autorités croates ou si

22 elles faisaient partie intégrante de la politique et de la tactique jugées

23 nécessaire par les autorités croates dans chacune de ces situations, mais

24 ça, je ne peux pas répondre à cette question.

25 Q. Fort bien. Mais est-il vrai que la guerre en Bosnie-Herzégovine et la

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1 guerre en Croatie constituaient des conflits interethniques, des guerres

2 civiles et, en aucun cas, une agression serbe ou une agression yougoslave

3 ou une quelconque action de la part de l'armée populaire yougoslave ?

4 R. Bien entendu, l'armée populaire yougoslave n'a attaqué personne au

5 moment où le conflit a éclaté. Ce conflit a éclaté sur des bases

6 interethniques pour les raisons dont je viens de discuter qui sont bien

7 connues de chacun.

8 L'armée yougoslave est devenue partie prenante à partir du 8 ou du 9 mai

9 1991 lorsqu'elle a reçu pour consigne de prendre position entre les parties

10 belligérantes et donc empêcher une guerre civile en empêchant

11 l'affrontement de communautés ethniquement différentes.

12 Q. Est-il vrai que la guerre en Bosnie-Herzégovine a objectivement été

13 imposée au peuple serbe précisément par ceux qui se sont lancés dans la

14 recherche par la force d'une sécession par rapport à la Yougoslavie ?

15 R. Ceci est un jugement qu'il faudrait peut-être demander à quelqu'un de

16 plus compétent sur la base de tout ce qui s'est passé. La seule chose que

17 je peux faire, c'est faire connaître ma conviction profonde qui est la

18 suivante : je pense que Bosnie-Herzégovine avait tout ce qu'il fallait pour

19 survivre sans guerre, qu'elle décide de se séparer de la Yougoslavie ou de

20 rester au sein de la Yougoslavie, mais elle n'aurait pu le faire que si

21 elle renonçait à être un pays intégré sur le plan ethnique, c'est-à-dire,

22 un pays où les droits des trois peuples représentés étaient respectés.

23 La Bosnie-Herzégovine en Yougoslavie avait une position sur le plan

24 constitutionnel qui tenait compte de l'existence de trois nations sur ce

25 territoire, trois nations sur un pied d'égalité complet. La Bosnie-

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1 Herzégovine avait une assemblée composée de trois chambres, une chambre

2 serbe, une chambre croate, une chambre musulmane. Les députés étaient élus

3 par les habitants de ces trois communautés ethniques et pas une seule

4 décision ne pouvait être prise au détriment de l'une ou l'autre de ces

5 communautés. Il fallait qu'il y ait collaboration -- coordination entre les

6 trois communautés ethniques représentées. Il y avait des commissions

7 spéciales chargées de cette coordination et, si la Bosnie avait décidé de

8 se séparer de la Yougoslavie ou de rester au sein de la Yougoslavie, il

9 fallait que ces dispositions soient respectées puisqu'elles fonctionnaient

10 depuis 50 ans, il fallait les conserver et il n'y aurait pas eu de guerre.

11 Mais, au lieu de cela, tout a été fait contre certaines de ces communautés

12 nationales et les mesures en question ont été le référendum. Les Musulmans

13 ont obtenu une grande majorité à l'issu du référendum et, à mon avis, c'est

14 ce qu'a provoqué la guerre en Bosnie.

15 Q. Est-il vrai que la guerre civile en Bosnie-Herzégovine, si nous voulons

16 être un peu plus précis, a éclaté au moment où une communauté l'a emporté

17 sur le plan des votes, à l'issu donc du référendum qui s'est tenu sans la

18 participation du peuple serbe, même si la constitution stipulait que la

19 république était constituée de trois nations égales ?

20 R. La séquence des événements était la suivante, c'est-à-dire, que le

21 premier incident a démarré immédiatement après cela et ensuite, il y eu

22 escalade.

23 Q. Est-il vrai que ni la Serbie, ni la Yougoslavie n'ont participé à cette

24 guerre ?

25 R. C'est absolument vrai. Il s'agissait, en tout état de cause, d'une

Page 29303

1 guerre civile provoquée par les raisons que je viens de mentionner.

2 Q. Est-il exact que nous n'avons cessé d'insister ? Je pense d'ailleurs,

3 non, je ne pense pas. Je sais personnellement combien de fois je suis

4 intervenu pour insister et il me semble que toi, également, tu as adopté la

5 même attitude, donc que nous n'avons cessé d'insister pour dire qu'il

6 n'existait qu'une seule solution pacifique pour la Bosnie-Herzégovine,

7 c'est-à-dire, une solution qui permettrait de respecter absolument les

8 droits de tous, à savoir, donc les droits des Serbes, des Musulmans et des

9 Croates.

10 R. Les événements ultérieurs l'ont prouvé. Ils ont bien prouvé que la

11 guerre s'est menée en vain et qu'en dehors de l'accord de toutes les

12 nations, aucune solution ne pouvait être trouvée.

13 Q. Et la guerre a commencé parce que le consensus a été foulé aux pieds

14 avec l'organisation du référendum auquel les Serbes ne participaient pas ?

15 R. Malheureusement, c'est sur la proposition de la Communauté européenne

16 que ceci a été fait. Le référendum a été organisé en dépit du fait que la

17 Bosnie était un état multiethnique.

18 Q. Mais, en dépit de ce fait et compte tenu de l'évolution des événements

19 bien connus par la suite, est-il vrai -- et cela a d'ailleurs été discuté

20 entre nous également -- est-il vrai que la Serbie et la République fédérale

21 de Yougoslavie ont accordé leur appui à tous les plans de paix susceptible

22 d'arrêter la guerre en Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Oui, c'est exact. Il me semble qu'il y a eu six plans de ce genre

24 depuis le plan Cutileiro jusqu'à l'accord de Dayton et la Serbie a approuvé

25 tous ces plans. Mais, dans tous les cas, il y a eu quelqu'un pour rejeter

Page 29304

1 ce plan ce qui a expliqué que les plans en action n'aient pas été acceptés

2 en dehors de l'accord de Dayton.

3 Et je dirais que la Serbie ne s'est pas engagée avec toutes ses forces

4 vitales en faveur de la guerre, mais qu'en outre, elle estimait que c'était

5 la pire des choses qui pouvait survenir et elle avait un intérêt vital à la

6 levée des sanctions car elle avait subi une imposition de sanctions en

7 raison d'une guerre qui se menait sur un territoire autre que le sien, dans

8 un autre pays.

9 Q. Est-il vrai que puisque tu viens de parler du plan de Cutileiro, est-il

10 vrai que les représentants des trois autres parties avant le début du

11 conflit, donc avant le début de la guerre avaient accepté le plan à

12 Sarajevo le 18 mars 1992 avant le conflit en Bosnie-Herzégovine ?

13 R. Pour autant que je m'en souvienne oui, mais par la suite la partie

14 musulmane l'a rejeté.

15 Q. Oui parce qu'Izetbegovic le 25 mars a retiré sa signature du plan en

16 question.

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce une réalité qu'il a retiré sa signature sous l'influence de M.

19 Zimmerman l'Ambassadeur américain ?

20 R. C'est ce qui a été écrit dans les média et cela n'a pas été démenti.

21 Donc c'est sans doute exact.

22 Q. Est-il exact que ce plan prévoyait l'indépendance de la Bosnie-

23 Herzégovine, mais il est vrai qu'il était prévu d'y créer des cantons,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Oui c'est exact. Les trois peuples en tout cas leur représentant à ce

Page 29305

1 moment-là ont donné leur accord à l'existence de la Bosnie-Herzégovine en

2 tant que pays indépendant et à la création de cantons, dans lesquels ils

3 jouiraient d'un certain pouvoir avec constitution d'un gouvernement

4 correspondant à une formule sur laquelle ils s'étaient entendus.

5 Q. Donc il est impossible de reprocher aux Serbes de Bosnie d'avoir à

6 l'époque soutenu une espèce de grande Serbie, puisqu'ils ont approuvé le

7 plan prévoyant l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, mais chacun

8 admettait donc que pour respecter l'égalité des différents peuples il

9 fallait que cette Bosnie-Herzégovine indépendante soit divisée en cantons,

10 n'est-ce

11 pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Je te demanderais maintenant un commentaire ou en tout cas de dire si

14 ce qui a été publié le 19 juillet 1993 dans un journal de Bosnie, un

15 journal musulman Majod Bosna [phon] donc si cela est exact ou pas. En effet

16 dans cet article il est question du rejet du plan de Cutileiro comme étant

17 l'une des plus -- des erreurs les plus désastreuses caractérisant la

18 politique des Musulmans et je cite : "La position à courte vue

19 caractérisant la politique des Musulmans est illustrée parfaitement par --

20 est sanctionnée le plus clairement par le fait que le plan de Cutileiro

21 avait été accepté à la fin des négociations de paix sur la Bosnie-

22 Herzégovine, et que les Serbes l'avaient accepté également. Les Musulmans

23 ont refusé -- ont rejeté c ce plan en défendant l'idée d'une Bosnie

24 intégrée."

25 Est-ce que cette déclaration a une importance particulière ?

Page 29306

1 R. Pour autant que je -- pour autant que je m'en souvienne je pense que

2 cet article correspond à la réalité mais chacun peut avoir sa propre

3 opinion sur la question.

4 Q. Te souviens-tu qu'à la réunion de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, le

5 27 février 1991 où le projet de déclaration Souveraineté de la Bosnie

6 proposé par le parti de l'Action démocratique de Alija Izetbegovic a été

7 discuté, ce dernier a déclaré "qu'il était prêt à abandonner la paix pour

8 obtenir la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, mais qu'il n'était pas

9 prêt à abandonner la souveraineté pour obtenir la paix."

10 R. Oui cette phrase figure quelque part dans mon journal personnel, et

11 j'ai dit que c'était une -- l'expression d'une politique très dangereuse.

12 Q. Te souviens-tu des troubles que cela a suscités parmi les Serbes de

13 Bosnie par la suite.

14 R. Oui cette déclaration a provoqué des troubles et suscité de grandes

15 inquiétudes même au delà des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Lorsque

16 quelqu'un déclare en public qu'il est prêt à recourir à la guerre pour

17 obtenir une Bosnie unitariste, et qu'il est prêt à renoncer à la paix pour

18 obtenir la souveraineté de la Bosnie, cela signifie qu'il est prêt à abolir

19 le droit à la souveraineté des deux autres nations qui existent sous le

20 territoire du pays, et c'est une déclaration véritablement très dangereuse.

21 Q. Mais te souviens-tu et je m'excuse par avance de ne pas pouvoir citer

22 la date qui ne figure pas dans mes notes, mais je suis sûr que tu te

23 souviendras du moment où cela s'est produit. C'était après la déclaration

24 d'Alija Izetbegovic ainsi que la déclaration sous la souveraineté de la

25 Bosnie-Herzégovine, et donc c'était une réaction de la part du club des

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1 députés du parti démocrate serbe à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Une

2 lettre est donc envoyée à la présidence d'état yougoslave et je pense

3 qu'elle est adressée au président de la présidence, elle demande des

4 mesures de protection et fait référence au droit à la souveraineté et au

5 droit de rester au sein de la Yougoslavie et garanti par les articles 1 et

6 2 de la constitution de Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la constitution

7 yougoslave. Dans cette lettre entre autres il est dit je cite : "Nous

8 représentants attestés à l'assemblée socialiste de la République de Bosnie-

9 Herzégovine ainsi que représentants légitimes et seuls représentants du

10 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine exigeant des institutions fédérales

11 qu'elle défende notre droit à la souveraineté, et notre droit a demeuré

12 dans le cadre de la République fédérale de Yougoslave. Et nous estimons que

13 ce droit nous autorise à vivre en République de Yougoslavie sur les

14 territoires de la Bosnie-Herzégovine actuelle." Article 1 paragraphe 2 de

15 la constitution ainsi que disposition de la constitution de la RSFY sont

16 mentionnées.

17 Et je pense que vous étiez président de la présidence à l'époque je

18 suppose que -- tu étais président de la présidence à l'époque je suppose

19 que tu as reçu cette lettre et que tu as réagi. L'intention d'Izetbegovic

20 qui avait été rendue publique était effectivement très dangereuse.

21 R. Et bien est-ce que cette lettre était adressée à la présidence

22 yougoslave, parce que la constitution yougoslave stipule que l'égalité de

23 toutes les nations et de toutes nationalités est garantie en Yougoslavie,

24 c'est très certainement ce que garantissait la constitution yougoslave,

25 mais ces droits devaient être également respectés sur le territoire des

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1 républiques.

2 Bien entendu nous n'étions pas d'accord avec ce qui s'était passé lorsque

3 une -- peuple avait été isolé par les voix prépondérantes des autres à

4 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, nous voulions qu'il y ait toujours trois

5 représentations officielles dans les trois Chambres, et que toutes les

6 nations soient représentées et nous voyons bien que cela réduisait le

7 pouvoir d'une des nationalités concernées. Nous avons donc fait ce que nous

8 pouvions, mais ne pouvions pas faire grand-chose d'autre parce que la

9 Communauté européenne ou plutôt la communauté internationale avait appelé

10 la Bosnie-Herzégovine a réglé elle même ce problème, donc aucune réaction

11 de notre part qu'il s'agisse d'un soutien verbal ou autre ne pouvait

12 empêcher la Bosnie-Herzégovine d'obtempérer aux instructions de la

13 communauté internationale.

14 Q. Fort bien. Mais revenons à ce dont nous discussions il y a quelques

15 instants. Il ne fait aucun doute que du coté des Serbes en Bosnie-

16 Herzégovine par l'acceptation du plan Cutileiro les exigences faites à la

17 Bosnie-Herzégovine de demeurer au sein de la Yougoslavie étaient

18 supprimées, à savoir donc les Serbes de Bosnie acceptaient l'indépendance

19 de la Bosnie-Herzégovine en dehors de la Yougoslavie et que tout ce qu'ils

20 demandaient c'était une régionalisation, une décentralisation donc dans le

21 cadre de ce que prévoyait le plan Cutileiro. Cette décentralisation était

22 baptisée cantonisation et était censée accordée une forme de protection et

23 de défense de l'égalité des Serbes de Bosnie par rapport aux autres

24 communautés présentes sur le territoire du pays, n'est-ce pas.

25 Ceci n'est-il pas très clair ?

Page 29309

1 R. Hier nous avons examiné certains détails tirés des procès verbaux des

2 réunions de la présidence yougoslave en date du 2 mars 1992, réunion --

3 cette réunion particulière à laquelle a assisté M. Karadzic entre autres,

4 le plan Vance était discuté ainsi que son application et à plusieurs

5 reprises en 1992 et même avant cela, Karadzic avait dit que les Serbes de

6 Bosnie acceptaient tout à fait clairement de ne plus faire partie de la

7 Yougoslavie, mais de faire partie de la future de Bosnie-Herzégovine. Tout

8 ce qu'il demandait c'était l'égalité dans les frontières de ce nouvel état.

9 Donc ils ont continué à défendre la même position et ont continué à

10 formuler des déclarations allant dans ce sens.

11 Q. Te souviens-tu de la déclaration de Cutileiro à Sarajevo, faite au

12 journal Oslobodjenje le 24 février 1992, au début des négociations qui ont

13 mené à la conférence de Lisbonne les 21 et 22 février 1992, quand il a dit

14 que les Serbes demandaient la création d'une confédération en Bosnie-

15 Herzégovine, pour que les Musulmans aient un état unitaire et que les

16 Croates eux aient une fédération ?

17 R. Et bien, je ne me souviens pas, mais je n'ai aucune raison de ne pas

18 croire ce qui vient d'être dit.

19 Q. Fort bien. Je suppose qu'il n'est pas contesté que le plan Cutileiro

20 prévoyait la création d'un canton ce qui était une forme plus structurée

21 d'état ?

22 R. Nous pouvons vérifier cela dans le texte.

23 Q. Bien sûr. Est-ce que tu admets que les Serbes n'étaient pas d'accord au

24 début avec ce que proposait le plan et qu'ils ont demandé à Cutileiro

25 d'aller davantage dans le sens d'une Bosnie-Herzégovine indépendante,

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1 structurée selon les formes qui ont finalement été mises en œuvre ? Les

2 Serbes ont demandé donc une confédération, les Musulmans demandaient un

3 état intégré, les Croates demandaient une fédération et les Serbes une

4 confédération. Et ensuite c'est -- les Musulmans ont abandonné l'idée d'un

5 état intégré pour aller dans le sens d'une fédération. Ils ont donc réduit

6 un peu leurs exigences initiales et ceci dans l'intérêt de la solution

7 pacifique ?

8 R. Et bien, chacun a dû abandonner quelque chose, il fallait qu'un

9 compromis soit obtenu, et il est tout à fait dommage que ce plan qui a

10 finalement été adopté, n'ait pas été appliqué.

11 Q. Donc les Serbes étaient prêts à faire des concessions en faveur -- dans

12 l'intérêt de la paix et du côté d'Izetbegovic, la chose était moins nette.

13 Les autorités de Sarajevo n'étaient pas préparées à agir de même.

14 R. Je n'aimerais entamer un débat sur ce point mais je peux donner mon

15 opinion personnelle, à savoir que les autorités de Sarajevo ont d'abord

16 approuvé le plan parce qu'ils estimaient qu'il était bon pour la Bosnie, et

17 par la suite, poussé par l'idée de défendre les intérêts de ceux qui les

18 avaient mis en place et qui leur disaient que ce n'était pas la bonne

19 solution, ils ont décidé de le rejeter, car on leur disait que personne ne

20 devait défendre l'idée d'une communauté mononationale dans cet état, et

21 qu'il ne fallait accepter aucune solution qui ne soit une forme de

22 promotion que d'un seul peuple. Mais bien entendu je ne suis pas le mieux

23 placé pour tirer des conclusions de ce genre. Je peux simplement donner mon

24 avis personnel au mieux de mes connaissances.

25 Q. Oui, mais as-tu été président de la présidence yougoslave et tu étais

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1 donc au plus haut de la hiérarchie, tu savais un grand nombre de choses et

2 tu avais une grande expérience sur le plan international, quels étaient

3 donc ces intérêts qui ont provoqué les conflits en Bosnie-Herzégovine ? A

4 qui cela profitait-il ?

5 R. Et bien, probablement à ceux qui ont proposé que le plan ne soit pas

6 approuvé. Des promesses importantes avaient sans doute été faites à Alija

7 Izetbegovic, et il devait les trouver intéressantes. Donc voilà où se situe

8 la clé du problème sans doute. C'est probable, mais je ne peux pas le dire

9 avec certitude.

10 Q. Fort bien. Est-il certain que le plan Cutileiro était la meilleure

11 chance de préservation de la paix en Bosnie et que les Serbes ont approuvé

12 ce plan ? Est-ce que ceci est une réalité incontestée ?

13 R. Que les Serbes ont approuvé, ceci est incontesté. C'était le meilleur

14 des plans possibles, moi, je dirais, qu'en tout cas, c'était un très bon

15 plan.

16 Q. Oui, mais c'était l'option qui permettait d'empêcher la guerre.

17 R. Très probablement.

18 Q. Est-ce que tu sais que deux d'entre nous, toi et moi, à moins que ce ne

19 soit l'ensemble des autorités de la république de Serbie et de la

20 Yougoslavie, y compris, nous deux, ont soutenu le plan Cutileiro ?

21 R. Et bien, ceci est incontesté. Comme je l'ai dit, nous avons apporté

22 notre appui à ce plan pour les deux raisons que j'ai évoquées. La plus

23 importante était d'arrêter la guerre et la deuxième était d'obtenir la

24 levée des sanctions. Après cela, ils nous fallaient trouver des solutions

25 au reste.

Page 29312

1 Q. Donc nous avons apporté notre appui au plan Vance-Owen, au plan

2 Stoltenberg, au plan d'action de l'Union européenne ainsi qu'au plan

3 Kinkel-Juppe, et au plan du Groupe de contact et finalement, dans le cadre

4 des mêmes efforts, nous avons également approuvé le plan, l'accord de

5 Dayton.

6 Est-il vrai et exact que les plans que je viens d'énumérer prévoyaient une

7 régionalisation, une décentralisation ou la création d'un canton en Bosnie-

8 Herzégovine ?

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Donc cette approbation d'une régionalisation, de la création d'un

11 canton qui était proposé, a donc été proposée avant le début de la guerre à

12 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et elle avait pour but d'assurer un

13 minimum d'égalité entre les différentes communautés ethniques, c'est-à-dire

14 entre les Serbes et les autres populations présentes sur ce territoire,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Et bien, je ne saurais dire quel était le maximum ou le minimum qui

17 était exigé, mais tout ce que je sais c'est qu'en Yougoslavie, jusqu'à sa

18 désintégration, la Bosnie avait une structure déterminée, elle avait une

19 structure claire du point de vue du pouvoir, je l'ai décrite, il y avait un

20 certain nombre de nationalités présentes qui avaient les mêmes droits

21 d'élire leurs représentants, il n'y avait pas de décentralisation

22 régionale. Mais nous savions que 60 % du territoire de la Bosnie-

23 Herzégovine était habité par les Serbes. Et il y avait des territoires

24 habités par

25 30 % de Serbes et une majorité de Musulmans ailleurs. Mais dans les villes

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1 et dans les zones urbanisées, c'est ainsi que les choses se passaient. Les

2 Croates étaient dans d'autres régions.

3 Alors cette structure qui existait jusqu'à ce moment-là n'était pas jugée

4 suffisamment acceptable par ceux qui prônaient la régionalisation et c'est

5 probablement en raison de cela que la solution n'a pas pu être appliquée.

6 Q. Mais le plan Cutileiro était estimé acceptable par les Musulmans

7 également. Izetbegovic ne l'aurait pas signé si les Musulmans ne l'avaient

8 pas jugé acceptables ?

9 R. Et bien, oui. C'est ce que je viens de dire en effet.

10 Q. Mais en dépit du fait que les Serbes de Bosnie et que la Yougoslavie

11 avaient accepté tous ces plans, est-ce que les choses se sont passées comme

12 elles se sont passées, et ceci n'est-il pas la meilleure illustration

13 possible qu'il est interdit de parler de l'existence d'un quelconque plan

14 prônant la création d'une Grande Serbie ? On ne peut pas utiliser cette

15 expression ne serait-ce qu'oralement et dans les faits elle est

16 injustifiée.

17 R. Verbalement elle est injustifiée, et dans les faits également. Nos

18 positions politiques, nos discours politiques, les documents rédigés par

19 nous ne parlent jamais de cette idée, de ce concept et donc pendant toutes

20 ces années, il aurait été impossible de régler les problèmes qui se

21 posaient à l'aide de ce genre de concept. Aucun des responsables politiques

22 serbes qui exerçaient le pouvoir à l'époque n'auraient pu utiliser cette

23 expression. Elle n'existait tout simplement pas dans notre politique -- pas

24 plus que dans notre pratique, parce que jamais nulle part dans la pratique,

25 et qu'on lise le plan Vance-Owen ou les accords de Dayton ou tous les

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1 autres accords et prépositions, on le constatera jamais nous n'avons été

2 favorable à l'annexion de quelconque territoire. Le peuple serbe vivant sur

3 les territoires où ils vivaient, cherchaient une solution pour jouir d'une

4 égalité avec les autres communautés représentées aux endroits où ils

5 habitaient.

6 Q. Ce qui veut dire que le peuple serbe était libre et souhaitait être

7 égal et que c'était ces deux principes qui étaient les plus importants,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-il vrai que ce principe d'égalité a été confirmé dès la mi-1991, au

11 moment de l'arrivée de Cyrus Vance et de la proposition de faire venir des

12 forces de paix, c'est-à-dire des Casques bleus, des forces des Nations

13 Unies, dans le pays pour les positionner dans certaines zones sous

14 protection des Nations Unies de façon à rechercher ensuite une solution

15 pacifique dans un environnement pacifié ? Est-ce que ceci est tout à fait

16 clair ? Est-il clair que personne n'aurait pu avoir la moindre idée de

17 défendre un concept donnant la préférence à une nationalité ou à un groupe

18 ethnique ?

19 R. Et bien, c'est exact, mais malheureusement, il y avait ce groupe

20 d'ambassadeurs, des quatre grandes puissances, qui a établi le plan Z-4

21 prévoyant un règlement politique susceptible de régler la situation des

22 Serbes en Croatie sur la base d'une autonomie substantielle et à mon avis

23 c'était au départ une bonne solution. Mais ce plan a été débattu avec

24 sérieux, et ensuite il y a eu l'opération Tempête, alors que les forces des

25 Nations Unies étaient présentes en Croatie, les Serbes de Croatie ont été

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1 expulsés du territoire et la situation a évolué comme chacun le sait.

2 Q. Est-il vrai, je tiens à tirer cela tout à fait au clair, est-il vrai

3 que certains pays depuis le début de la crise yougoslave ont encouragé et

4 appuyé des actes unilatéraux de la part des républiques yougoslaves en les

5 incitant à faire sécession et plus tard en leur promettant une

6 reconnaissance rapide de leur indépendance, qui était une violation des

7 principes fondamentaux de l'OSCE et du droit international ainsi que des

8 principes défendus par la conférence internationale sur la Yougoslavie de

9 La Haye en 1991 ?

10 R. Et bien, je ne saurais apporter une réponse directe à cette question.

11 Je ne voudrais pas faire la moindre erreur. Tout ce que je peux dire c'est

12 que ceux qui étaient à la tête du pays, et qui étaient les dirigeants

13 politiques yougoslaves de l'époque, ont été très désillusionnés car, en

14 fait, ils nourrissaient un certain nombre d'illusions. Alors, quelles

15 étaient ces illusions ? Nous estimions que l'Europe était prête à défendre

16 le principe qui avait été confirmé à Helsinki, principe selon lequel les

17 frontières étaient inviolables. Et que donc les frontières intérieures

18 seraient préservées. Et puis, nous avions une autre illusion, qui était que

19 nous pensions que le droit des nations à l'autodétermination serait

20 respecté. C'est un principe qui figure noir sur blanc dans la charte des

21 Nations Unies et dans la constitution yougoslave. Et c'est également un

22 principe fondateur à la base de la création de la Yougoslavie, étant donné

23 le nombre au pluriel de nationalités résidant sur son territoire. Donc nous

24 pensions que, lorsque certaines républiques se séparaient de la

25 Yougoslavie, ce principe serait respecté, or il ne l'a pas été par

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1 l'Europe. C'était un principe, qui était jugé acceptable par les Nations

2 Unies également, et selon lequel les différents groupes nationaux devaient

3 avoir le droit -- ne pouvaient pas avoir le droit à l'autodétermination

4 autrement qu'au niveau de la république qui était la seule à jouir du droit

5 à la sécession. Et puis il y avait d'autres choses. Par exemple, le

6 problème de la sécession. L'Europe et le monde étaient opposés à la

7 sécession pour tant est qu'il s'agisse d'une sécession par la violence.

8 Pourtant en Yougoslavie, nous avons été très désenchantés parce que

9 l'Europe, tout d'un coup, s'est mise à soutenir ceux qui en Croatie, en

10 Slovénie prônaient une sécession par la violence, et proclamaient que

11 l'armée yougoslave était responsable d'une espèce d'agression sur la

12 Croatie et la Slovénie, ce qui était contraire à la réalité.

13 Donc voilà tout ce que je peux dire. Les choses se sont passées comme elles

14 se sont passées. Le droit international a été interprété d'une façon qui

15 n'a pas toujours été très bonne. Et il y a eu violation des dispositions de

16 la constitution yougoslave dans l'intérêt sans doute de certaines

17 puissances qui ont agi comme elles l'ont fait. Mais cela a eu des

18 conséquences tout à fait désastreuses pour la Yougoslavie, étant donné les

19 événements qui s'en sont suivis. Car il aurait dû être possible de régler

20 les problèmes par des moyens pacifiques, alors qu'en fait c'est un conflit

21 armé qui a éclaté.

22 Q. Donc des violences ont été imposées à la Yougoslavie. Je suppose que

23 cela est incontesté.

24 R. Et bien, je parlerai de violences légales, ou en tout cas d'absence de

25 respect pour les normes du droit international. Je pense que ce serait

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1 peut-être une façon plus précise, plus exacte de s'exprimer.

2 Q. Est-il vrai que les décisions de la communauté européenne, le 23 juin

3 1991, ont signifié que 12 pays européens ont décidé de ne pas reconnaître

4 l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, et ont donc rejeté tout

5 contact au plus haut niveau avec ces deux nouveaux états, mais qu'ensuite

6 leur position a changé. Et je poursuivrai. Mais pour l'instant je te

7 demande si ceci est exact ?

8 R. Oui. C'est ainsi que les choses se sont passées. A un certain moment,

9 c'était la position défendue par l'Union européenne.

10 Q. Très bien. Mais la position prise par la communauté européenne se

11 fondait sur Helsinki et sur les normes du droit international à ce moment-

12 là, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Et puis tout d'un coup la situation a changé. La communauté européenne

15 a abandonné sa position, parce que l'Allemagne y a exercé des pressions et

16 a décidé d'appuyer de la façon la plus claire qui soit la sécession, en

17 allant vers un démantèlement de la Yougoslavie par voie de reconnaissance

18 des républiques qui avaient fait sécession. Et c'est allé jusqu'au point

19 d'inviter ces républiques à être reconnues sur le plan international.

20 C'est-à-dire, de proposer leur reconnaissance internationale. Est-ce que ce

21 n'est pas ainsi que les choses se sont passées ?

22 R. Et bien, je ne sais pas si je dirai les choses exactement comme cela.

23 En tout cas, je ne parlerai peut-être pas de vérité ou de non vérité. Il

24 n'est peut-être pas opportun d'utiliser ces termes. Mais tout de même, ce

25 commentaire comporte une grande dose de vérité. Je dirai en tout cas, que

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1 la communauté européenne est intervenue comme nous savons qu'elle est

2 intervenue. Elle voulait apporter son aide à la recherche d'une solution

3 politique pour régler les problèmes du pays. Et il nous a été proposé de

4 mettre en place une commission spéciale qui devait étudier les dispositions

5 du droit international, et voir comment une solution politique pouvait être

6 trouvée dans le respect du droit international. C'était bien avant que la

7 guerre n'éclate, bien avant que le conflit n'éclate sur le plan

8 international.

9 Et cette commission que l'on appelé plus tard commission Badinter, a

10 d'abord étudié la constitution yougoslave, la situation en Yougoslavie, et

11 n'en était même pas encore arrivé à discuter avec nous. Mais à sa première

12 séance, elle a dit que la Yougoslavie était déjà dans un processus de

13 désintégration, et que toutes les républiques devaient pouvoir faire

14 sécession si tel était leur désir. Je pense que cette forme d'aide à la

15 sécession était inopportune. Nous avions une très grande confiance dans la

16 communauté européenne, et nous avons subi de lourdes désillusions.

17 Mais, si la décision prise avait été différente, est-ce que l'on aurait

18 demandé à toutes les nations et républiques de la Yougoslavie de rechercher

19 un règlement pacifique avec l'aide de l'Europe. Peut-être. Et dans ce cas,

20 je pense que le désastre aurait pu être évité, mais, maintenant, à savoir

21 si c'est l'Allemagne ou si c'est la France ou l'Angleterre qui a exercé les

22 plus grandes pressions, je ne chercherai pas à répondre à cette question.

23 Bien sûr, chacun peut avoir son avis. Mais je n'y répondrai pas.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment se prête bien.

25 Monsieur Nice, qu'y a-t-il ?

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1 M. NICE : [interprétation] Je voudrais vous soumettre une question sans

2 aucun rapport avec ce qui vient de se dire.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Passons à huis clos partiel.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

5 [Audience à huis clos partiel]

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16 [Audience publique]

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, ceci aura également une

19 incidence sur la déposition de M. Jovic, nous nous sommes demandés quel

20 devrait être le temps disponible à l'accusé vu l'importance que revêt le

21 présent témoin. Il devrait pouvoir encore être contre-interrogé demain.

22 M. NICE : [interprétation] Je me dois de manifester notre inquiétude, vu

23 votre décision. Manifestement, il s'agit ici d'un témoin, qui, dès le

24 départ, allait être un témoin que voulait l'accusé. Nous nous sommes dits,

25 nous n'en étions pas sûrs, nous voulions que vous ayez les livres. Nous

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1 avons présenté beaucoup d'éléments qui sont apparemment, on pourrait le

2 dire favorable à l'accusé et s'agissant du temps alloué, je ne dirais pas

3 que c'est inéquitable, injuste mais c'est malencontreux.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous verrons s'il y a injustice. Nous

5 vous accorderons davantage de temps. Ce sera peut-être nécessaire si

6 l'accusé bénéficie d'un avantage de temps.

7 M. NICE : [interprétation] Nous ne voulons pas clore le sujet ou empêcher

8 que des questions soient posées à ce témoin pendant sa présence ici parce

9 qu'il n'y aura pas suffisamment de temps mais nous aurons besoin de

10 beaucoup de temps pour l'interrogatoire supplémentaire éventuellement.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais ceci nous ramène à la question. Il

12 sera peut-être nécessaire que le témoin soit présent pour une autre journée

13 d'audience. Il faudra, s'il y a des problèmes qui se posent, être

14 consultés. Vous pourrez discuté avec le témoin du moment où il pourrait

15 revenir.

16 M. NICE : [interprétation] Autre chose. Je sais que vous avez peine à vous

17 proposez sur cette question, maintenant, mais vu la nature du contre-

18 interrogatoire et les réactions du témoin qui étaient prévisibles

19 d'ailleurs mais qui sont ce qu'elles sont, et vu le problème posé

20 généralement par les contraintes de temps pour la présentation des éléments

21 à charge, est-ce qu'il est approprié de prévoir, ici, un deuxième contre-

22 interrogatoire par les amis de la Chambre. Je soumets respectueusement

23 ceci. C'est que les amis de la Chambre sont ici pour parer à d'éventuels

24 inconvénients que subirait l'accusé au moment de son contre-interrogatoire.

25 Mais les circonstances étant ce qu'elles sont, vous voudrez peut-être

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1 penser que ce n'est pas nécessaire. Vous répugnerez, bien sûr, à procéder

2 de la sorte mais je dois essayer de sauvegarder notre temps du mieux que je

3 peux.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président ?

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ferai vraiment l'impossible si vous

8 m'accordez ce temps qui avait été annoncé, je ferai l'impossible, disais-

9 je, pour n'aborder que des questions que M. Slobodan Milosevic n'a pas

10 soulevées. Je garde ceci sans cesse à l'esprit. Je sais que je n'ai qu'à

11 aborder des sujets qui n'a lui -- n'a pas été abordés dans ces questions,

12 questions ou sujets qui relèvent malgré tout de la portée ou

13 d'interrogatoire principal. Donc, je me porterai à évoquer ces sujets

14 seulement.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Tapuskovic, il est bien sûr

17 certain que nous savons que vous êtes sincère dans vos efforts mais nous

18 pensons que vous ne devriez bénéficier que d'une demie heure vu le temps

19 accordé à l'accusé. Il va avoir plus de sept heures.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais certainement me

21 conformer à votre décision mais il est vraiment très difficile de continuer

22 à travailler sous cette pression du temps. Et je dois me conformer à cette

23 décision, bien entendu, mais je vous demanderais de me permettre au moins

24 d'aboutir avec le traitement de deux sujets parce qu'il est très difficile

25 d'être aussi coincé par le temps -- c'est tellement difficile que j'ai

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1 vraiment parfois envie de cesser de faire ce travail parce qu'il est si

2 difficile d'intervenir et de faire le tout en cinq à dix minutes, vraiment

3 difficile.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suis sûr que vous n'allez pas cesser.

5 Vous savez, ces contraintes, elles pèsent sur tous, nous compris. C'est

6 pénible pour tous mais je vous serai gré de votre collaboration et vous

7 aurez toute latitude pour aborder ces sujets.

8 Oui, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas l'objection formulée par M.

10 Nice au terme de laquelle je voulais ce témoin pour moi-même parce que

11 j'insistais sur mon droit d'exploiter le temps qui m'est imparti pour le

12 contre-interrogatoire. Ecoutez, je vous en prie, mais j'espère --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne vous en faites pas trop de ce qu'il a

14 dit et de ce qu'il veut dire par là, par l'expression qu'il a choisie. Le

15 fait est que vous avez toute la journée de demain pour votre contre-

16 interrogatoire.

17 Monsieur Jovic, désolé que vous ne puissiez pas terminer dans les temps

18 prévus mais si nous accordons la journée de demain à l'accusé, ce que nous

19 allons faire malheureusement, je le crains fort, vous devrez revenir pour

20 terminer votre déposition. Il faut que les amis de la Chambre vous posent

21 leurs questions et l'Accusation aura, elle aussi, des questions

22 supplémentaires. C'est la procédure que nous suivons normalement. Mais cela

23 veut dire en d'autres termes qu'il vous faudra revenir une fois de plus.

24 Bien sûr, il faut voir si vous avez des disponibilités. Vous voudrez peut-

25 être contacter M. Nice pour réserver un temps qui vous convient, soit le

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1 mois prochain ou dans les deux mois à venir.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui me concerne il n'y aura pas de

4 problèmes.

5 M. NICE : [interprétation] Je m'interroge tout simplement puisqu'il n'y

6 aurait que l'interrogatoire supplémentaire vendredi cette semaine, serait-

7 ce possible ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je peux vous dire, dit le Président que

9 c'est précisément ce que pensaient les Juges. Nous allons y réfléchir. Vous

10 voudriez combien de temps ?

11 M. NICE : [interprétation] Impossible de vous le dire dès maintenant. Le

12 moins de temps possible mais au moins une demi-heure donc finalement vous

13 n'auriez qu'un volet de l'audience n'est-ce pas pour terminer vendredi.

14 C'est ce que vous proposez Monsieur Nice.

15 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est sans doute une suggestion marquée

17 du coin du bon sens. Nous pourrions siéger vendredi mais pour un premier

18 volet, il faudra terminer à ce moment-là. Je ne pense pas que ceci

19 empiéterait trop sur les droits de l'accusé, puisque ceci accommode tout le

20 monde de toute façon.

21 Mais il n'y a pas de prétoire. Apparemment la salle 2 serait disponible, ça

22 suffirait, ça ferait l'affaire.

23 L'INTERPRÈTE : M. Nice, hors micro.

24 M. NICE : [interprétation] Changer de lieu c'est comme prendre des

25 vacances.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Voilà vendredi matin nous

2 aurons le premier volet de l'audience réservé à Maître Tapuskovic et à M.

3 Nice.

4 M. NICE : [interprétation] Voilà. Maître Tapuskovic aura une demi-heure et

5 nous aurons le reste.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas si on peut aller jusque

7 là. En tout cas, nous aurons une audience demain, nous siégerons demain.

8 --- L'audience est levée à 14 heures 20 et reprendra le jeudi 20 novembre

9 2003, à 9 heures.

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