Page 29194
1 Le mercredi 19 novembre 2003
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, vous avez la parole.
7 M. NICE : [interprétation] Avant de revenir aux questions, je crois avoir
8 fait une erreur pour ce qui est de l'intercalaire 6, de la pièce 396. Voici
9 comment se présente la situation. Je suis toujours en train de m'adresser
10 aux Juges, pas vous, Monsieur le Témoin.
11 Il y avait une pièce qui vous avait été présentée, et nous voulions la
12 présenter plus tard. Elle était enregistrée dans notre système avec un
13 numéro ERN. Et peu de temps avant que la pièce soit présentée, elle a été
14 remplacée par un document original, comme l'a souligné à juste titre
15 l'accusé. Donc là, malheureusement, nos fichiers n'avaient pas été modifiés
16 en conséquence. Je m'en excuse.
17 LE TÉMOIN: BORISAV JOVIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 Interrogatoire principal par M. Nice : [Suite]
20 M. NICE : [interprétation] Page 39, paragraphe 141 [sic] en anglais.
21 Q. Monsieur Jovic, je crois ce que vous avez dit que vous respectiez
22 l'accusé en tant que chef -- dirigeant, mais avez-vous pu en privé marquer
23 un désaccord avec lui, ce qui n'était pas le cas nécessairement dans la vie
24 publique ? Ou est-ce que vous avez été en mesure d'être en désaccord avec
25 lui dans la vie publique ?
Page 29195
1 R. Bien entendu, j'ai beaucoup respecté M. Milosevic et sa qualité de
2 dirigeant et je n'ai jamais eu quelque ambition que ce soit de le
3 contester. Notre coopération mutuelle avait été très bonne pendant très
4 longtemps. Il a toujours été disponible pour moi soit au téléphone, soit
5 pour une entrevue personnelle et j'ai toujours pu présenter mes opinions,
6 même quand je n'étais pas d'accord avec lui.
7 Bien entendu, je n'ai pas pu modifier ces points de vue à lui si les
8 arguments que j'avais avancés n'étaient pas acceptés. Et en somme tout
9 demeurait comme lui l'affirmait.
10 Pour ce qui est de l'autre segment de votre question je ne l'ai peut-être
11 pas très bien entendu, mais je crois pouvoir dire que je pouvais
12 verbalement ne pas être d'accord, mais notre pratique avait été celle de ne
13 pas souhaiter contester l'un et l'autre en publique parce que cela aurait
14 nui aux intérêts de notre politique -- de la politique de notre parti, quoi
15 qu'une fois il y ait, effectivement, eu un désaccord dans le publique. M.
16 Milosevic à l'occasion d'un discours à Leskovac avait critiqué violemment
17 le parti dont il était membre et dont j'étais président à l'époque, je lui
18 ai répondu en publique également.
19 Cela constituait véritablement un incident qui a par la suite été surmonté
20 et nous avons continué comme de par avant.
21 Q. Paragraphe 153. Fin 1991, il y a une décision prise, n'est-ce pas, de
22 mettre à la retraite des généraux et des amiraux ?
23 R. C'est exact. Il s'agit d'une période de diminution progressive de la
24 Yougoslavie et ceci de façon réelle avec diminution du nombre des soldats,
25 des effectifs militaires et il s'est avéré nécessaire de réduire également
Page 29196
1 le nombre des généraux, de diminuer les dépenses de l'armée en outre. Et
2 par surcroît, certains généraux avaient atteint l'âge de la retraite
3 indépendamment de ce concours de circonstance, ce qui fait que, dans ce
4 cycle suivant une procédure en vigueur de l'armée, il a été étudié cette
5 situation et il a été fait des propositions à la présidence pour révoquer
6 de leurs fonctions certains généraux et je crois qu'il s'agissait d'une
7 quarantaine de généraux.
8 L'INTERPRÈTE : Micro pour M. Nice, s'il vous plaît.
9 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse.
10 Q. Est-ce qu'il y a une deuxième vague de démissions -- de révocations en
11 avril 1992 ? Vous en parlez au paragraphe 154.
12 R. Kostic n'avait pas consulté à cet égard l'accusé. Je me dois de dire
13 que, dans ce premier tour, il n'a pas été consulté pour autant que je le
14 sache et M. Milosevic n'a pas été consulté non plus, cela n'avait pas été
15 nécessaire. Pour ce qui est du deuxième tour, M. Kostic avait établi une
16 liste pour ce qui est des mises à la retraite à l'avenir et je pense que
17 cela s'est fait sous influence importante de la part de M. Boskovic que
18 celui-ci avait réactivé vu que l'intéressé avait été mis à la retraite. Il
19 avait été nommé chef des services de renseignements et c'est sur influence
20 de cet homme-là qu'il a été établi des listes de mise à la retraite suivant
21 des modalités qui n'étaient pas accoutumées dans l'armée. D'abord c'est le
22 général de l'état major qui étudie la chose et ensuite on passe à la
23 réalisation.
24 Q. Monsieur Kostic -- excusez-moi de vous interrompre, mais, au moment où
25 ces décisions étaient prises, quelle a été la réaction de l'accusé ?
Page 29197
1 R. M. Milosevic était censé de prendre part à la prise de décision partant
2 du fait que j'avais été absent. Je me trouvais en effet à l'étranger et, à
3 ce moment-là, il me remplaçait. C'est la constitution qui le prévoyait. M.
4 Kostic n'a toutefois pas consulté M. Milosevic. Il a pris cette décision,
5 mais, malheureusement, la décision en question avait comporté la révocation
6 ou la démobilisation du ministre de la Défense de Serbie qui était
7 également un général, M. Negovanovic.
8 Suite à cela, M. Milosevic m'a appelé et il était en colère de par ce que
9 l'on avait démobilisé -- révoqué son ministre de la Défense. Bien entendu,
10 cela ne se faisait pas et il s'agissait au préalable de consulter M.
11 Milosevic. Or on a trouvé une solution pratique et M. Negovanovic, une fois
12 retraité, a continué à exercer ces tâches, mais cette fois-ci en qualité de
13 civil.
14 Q. Paragraphe 157 --
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice. Monsieur
16 Jovic, pourriez-vous étoffer votre propos ? Lorsque vous étiez absent,
17 comment M. Milosevic pouvait-il intervenir -- participer au processus à
18 cette procédure à l'étape fédéral -- au niveau fédéral ? Pourriez-vous être
19 plus précis s'agissant notamment de la constitution ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après le règlement aménageant le
21 fonctionnement de la présidence de la RSFY, celui-ci découlant de
22 dispositions constitutionnelles, aucun -- ou un membre de la présidence en
23 provenance d'une république n'est pas en mesure de venir, parce qu'il est
24 malade ou parce qu'il est absent pour quelque raison que ce soit,
25 d'ailleurs il est remplacé par le président de cette république-ci et il
Page 29198
1 participe aux travaux de la présidence avec tous les droits des membres des
2 présidences ou du droit de la présidence provenant de cette république.
3 Etant donné que je me trouvais à l'étranger pendant une période assez
4 longue, une semaine -- et ça se passait justement à cette époque-là -- j'ai
5 indiqué à M. Kostic le fait qu'il fallait prendre en considération le
6 remplacement qui serait assuré par M. Milosevic et qu'il fallait le
7 consulter si l'on voulait faire quoi que ce soit.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais à l'Accusation de nous
9 indiquer les passages pertinents de la constitution plus tard.
10 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Nous essaierons de vous faire
11 parvenir ceci avant la fin de la déposition du témoin.
12 Q. Paragraphes 157 et 158. Vous vous souveniez qu'à votre avis, l'accusé
13 avait fait des erreurs au Kosovo Metohija. Vous parlez notamment des
14 représentants de la communauté albanaise du Kosovo et vous dites que ces
15 personnes étaient peu représentées dans les structures de l'état au cours
16 de la dernière décennie. Pourriez-vous nous donner une courte explication ?
17 R. Ici le texte est précis, on dit : "Nombreux sont ceux qu'ils disent."
18 Ce n'est pas moi qui le dit et -- et ils disent que le début des erreurs de
19 Milosevic -- le début de Milosevic et les erreurs de Milosevic sont liés au
20 Kosovo. J'ai dit que cette déclaration était problématique; toutefois, le
21 fait est qu'il y a eu peut-être une erreur voir un problème de taille.
22 C'est que, dans la dernière dizaine d'années écoulées, les structures de
23 l'état n'ont pas réussi à faire participer en nombre important ou
24 significatif les Albanais aux directions de cette région.
25 Q. Même page, paragraphe 159, votre dernière phrase, vous donnez une
Page 29199
1 citation de votre livre où vous manifestez votre avis. Pourriez-vous lire
2 la dernière phrase de cette déclaration et nous donner une explication en
3 l'espace de quelques phrases pour nous expliquer ce que vous entendez par
4 là.
5 R. On dit : "On parle peu du rôle des décisions prises par M. Milosevic
6 lui-même pour dire que ceci ait également accéléré le démantèlement de la
7 Yougoslavie et fait que l'économie serbe est rétrogradée."
8 J'ai dit devant les représentants du Tribunal et je répète une fois de plus
9 que les extraits qui figurent ici ne seraient bien être compris que si l'on
10 lit le texte intégral du livre ou le livre entier. En substance, ce que
11 cela signifie c'est la chose suivante : le démantèlement de la Yougoslavie
12 a porté des dégâts énormes sur le plan économique à la Serbie tout comme
13 aux autres républiques étant donné qu'il y a eu coupures des liens
14 économiques. J'ai décrit les causes principales de démantèlement de la
15 Yougoslavie et ces causes sont extérieures d'une façon générale à la Serbie
16 et à M. Milosevic. J'ai également précisé que l'on parlait, l'on disait
17 souvent que M. Milosevic est le plus responsable et le plus coupable du
18 démantèlement de la Yougoslavie. A ce propos, je dis même que M. Milosevic,
19 indépendamment de la forte personnalité qu'il était et indépendamment des
20 disparités de sa politique, j'ai dit qu'il n'a pas pu influer sur cette
21 situation de façon complète. J'ai dit que son influence était partiale, et
22 pourquoi.
23 Parce qu'indépendamment des efforts qu'il déployait en faveur de la
24 Yougoslavie, ce quatorzième congrès extraordinaire de la Ligue des
25 communistes dont il a initié la convocation n'a pas œuvré dans le sens de
Page 29200
1 la cohésion de la Yougoslavie, mais dans le sens de son démantèlement. On a
2 parlé de dissolution des liens économiques avec la Slovénie qui avait été
3 occasionnée par le comportement de la Slovénie à l'égard de la Yougoslavie,
4 vu que celle-ci ne voulait plus contribuer aux recettes fédérales. Et cette
5 interruption dans les relations a occasionné des dégâts importants à
6 l'économie serbe.
7 Ce sont autant d'exemples qui disent que M. Milosevic et la Serbie n'ont
8 pas contribué dans cette mesure dans cette situation. Ce qui a donc -- ce
9 qu'il importe de dire c'était ses aspirations à la sécession, et la
10 sécession violente à laquelle ont procédé certaines républiques vis-à-vis
11 la Yougoslavie.
12 Q. J'y reviendrai dans un instant. Mais tout d'abord, il y a encore trois
13 des autres pièces que nous allons produire. A l'intercalaire 4, nous
14 trouvons un sujet repris à la page 23 de votre déclaration en anglais,
15 paragraphe 84.
16 On vous a montré des extraits du journal d'un certain Petar Jankovic. Vous
17 avez consulté ces documents. Dans le journal, l'auteur parle du fait qu'il
18 est allé vous voir, vous a soumis la situation et vous avez été surpris
19 d'apprendre qu'il y avait 18 000 Musulmans en Bijeljina, il dit surpris que
20 l'armée ne nous a pas armé. Et pourquoi est-ce que les ordres ne passent
21 pas par l'armée ? Vous dites que Radmilo évite ceci, et vous -- d'après ce
22 qui est dit dans le journal vous dites : "Le peuple serbe a acheté des
23 armes, et ils veulent les avoir. Et ils doivent les utiliser uniquement
24 pour la défense. Il a demandé le type de contact que nous avions avec
25 l'armée. Et j'ai dit que nous avions de bons rapports avec le commandant."
Page 29201
1 Est-ce que vous vous souvenez de cet événement ? Et est-ce que vous étiez
2 au courant du fait qu'il y avait armement des Serbes dans cette mesure ?
3 R. Je n'ai pas très bien compris cette dernière phrase. J'ai indiqué que
4 j'avais de bonnes relations avec le commandant. Mais qui est-ce qui a
5 déclaré cela, lui ou moi ?
6 Q. C'est lui qui l'a dit, je pense.
7 R. Bien. Entendons-nous bien. Ces gens-là sont venus me voir. J'étais, à
8 l'époque, président du Parti socialiste de Serbie. Ça se passait dans mes
9 bureaux. M. Radmilo Bogdanovic, qui se trouvait être soit ministre de
10 l'Intérieur, soit haut responsable de ce niveau-là. Je ne sais vraiment
11 plus à présent. Je ne sais plus s'il était encore ministre de l'Intérieur à
12 l'époque. Il avait insisté pour que ceux-ci viennent. J'avais pensé qu'il
13 s'agissait là de personnes qui avaient souhaité coopérer avec le Parti
14 socialiste parce qu'en Bosnie également, il y avait un Parti socialiste.
15 Et lorsqu'ils sont venus, lorsqu'ils nous ont raconté leurs problèmes, le
16 fait qu'ils aient parlé du nombre de Musulmans m'a quelque peu surpris.
17 Parce que je connais assez mal cette région. Et pour autant que je le
18 savais, Bijeljina était une ville serbe. Mais je ne savais pas qu'il y
19 avait autant de Musulmans. C'était tout simplement pour moi, une
20 information tout à fait nouvelle. Mais cela importe peu.
21 Ce qui importe c'est ce qu'ils disaient. Et ils disaient que là-bas, ils
22 n'avaient pas suffisamment d'armes. Bien entendu, moi j'ai sous-entendu et
23 je sous-entends à présent encore, que la Défense territoriale de Serbie ne
24 disposait pas de suffisamment d'armes. En dépit du fait que cette Défense
25 territoriale devait -- était censée de disposer d'un armement normal, étant
Page 29202
1 donné que des décennies durant l'on avait pris soin de la chose. Et que
2 l'on avait contrôlé l'évolution de cette situation. Je leur ai dit que
3 cette question était à étudier avec l'armée, étant donné que l'armée était
4 là pour veiller à ce que la Défense territoriale puisse disposer d'armes en
5 quantité suffisante.
6 C'est tout. Ni plus, ni moins.
7 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 14, s'il vous plaît. Nous avons là
8 la transcription d'une interview qui n'avait pas été corrigé de Zivota
9 Panic, pour ce qui est de l'émission Vie et mort de l'ex-Yougoslavie. Vous
10 avez, Messieurs les Juges, une partie de cette transcription à
11 l'intercalaire 14. Je vais demander la diffusion de cet extrait.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.
14 Q. Monsieur Jovic, le général Panic a dit que le plan qui a suivi la chute
15 de la Croatie à la chute de Vukovar avait fait l'objet de discussion, et
16 avait été approuvé par la présidence tronquée. Avez-vous un commentaire à
17 formuler à cet égard ?
18 R. Jamais à la présidence, il n'a été discuté d'un plan de cette nature.
19 Il y avait toutefois, une position politique de prise qui avait été
20 confirmée à plusieurs reprises, et l'armée était au courant de la position
21 politique adoptée par la présidence, à savoir que nous ne voulions pas nous
22 servir de l'armée pour renverser les autorités croates pas plus que nous ne
23 voulions conquérir, envahir la Croatie qui a décidé de faire sécession à
24 l'égard de la Yougoslavie. Nous avons tout simplement souhaité qu'il soit -
25 - que cette armée se place entre les unités paramilitaires croates et les
Page 29203
1 territoires à population serbe, en attendant de trouver une solution
2 politique pour la question dont nous parlons, c'était la position qui était
3 la nôtre.
4 Ce que disait M. Panic en affirmant qu'ils avaient un plan qui leur
5 permettait d'avancer jusqu'à Zagreb, il se peut qu'ils aient eu des plans à
6 eux et je suppose qu'ils avaient fort bien pu aller jusqu'à Zagreb. Mais la
7 politique de la présidence de Yougoslavie avait été celle de ne pas le
8 faire. Il n'y a pas eu de réunions concrètes à ce sujet-là. Il y avait une
9 position politique de prise et, des mois durant cette position politique,
10 elle était connue par des représentants de l'armée.
11 Q. Vous faisiez partie de la structure qui constituait le commandement en
12 chef de l'armée et est-ce que vous étiez au courant du plan de Panic ? Est-
13 ce que vous avez essayé de contrecarrer ses actions, de le contrôler d'une
14 façon ou d'une autre ? Quelle était la situation ?
15 R. Non. Ce plan nous n'en avions pas connaissance. Il m'a mentionné ici,
16 mais il ne s'est pas entretenu à ce sujet avec moi et il a même relativisé
17 la conversation qu'il avait eu avec moi, il a précisé que Kostic avait
18 exercé les fonctions de président à l'époque, il se peut qu'il se soit
19 entretenu avec lui. Ce que je puis affirmer pour ma part.
20 Q. Fort bien.
21 R. Pardon ? Oui, ce que je puis affirmer, pour ma part, c'est qu'à
22 l'époque, il était tout à fait clair au niveau de la présidence parce que
23 tous les membres de la présidence avaient clairement indiqué que nous
24 n'acceptions pas quelques avancées que ce soit en direction de Zagreb, nous
25 n'acceptions pas le renversement des autorités croates, nous ne voulions
Page 29204
1 pas que soient envahis les territoires tenus par les Croates et nous avons
2 souhaité une solution politique pour les Serbes en Croatie et c'était là la
3 position qui était la nôtre.
4 Q. Encore deux pièces. L'une que nous avons ajoutée depuis hier sous forme
5 d'addendum. Nous avons une nouvelle liste des pièces, j'aborde ceci
6 rapidement. Intercalaire 20, nous avons extrait pour des raisons de
7 commodité un passage de la déposition de l'ambassadeur Okun. Il relevait à
8 cet endroit ceci. Il parlait de la prise de Vukovar et là je vous lis le
9 passage pertinent dans le milieu de la page : "Il a vu que la garnison
10 était petite, à peine touchée à Vukovar. M. Jovic, ex-président du pays a
11 dit dans son livre que la garnison avait été libérée le 20 septembre 1991."
12 C'est bien ce que vous avez écrit dans votre livre, Monsieur Jovic,
13 qu'arrivait la date du 20 septembre 1991, que la garnison avait été
14 libérée ?
15 R. Il faudrait que vous me montriez le passage où cela figure. Cela se
16 peut, mais je ne m'en souviens pas.
17 Q. Nous allons y venir dans un instant. Examinons maintenant la dernière
18 pièce, intercalaire 21. Ceci est de nouveau en rapport avec Vukovar. Il
19 s'agit d'un extrait vidéo de la télévision au moment où vous étiez,
20 effectivement, au sein de la présidence -- nous allons diffuser cet extrait
21 qui vient de la radio/télévision Belgrade et j'aimerais que vous commentiez
22 cet extrait.
23 Soit dit en passant, Monsieur Jovic, vous vous souvenez que, lorsque vous
24 avez discuté de divers problèmes avec le bureau du Procureur, nous vous
25 avions donné l'occasion d'évoquer et nous avions prévenu les sujets que
Page 29205
1 nous allions abordés avec vous, y avaient des coupures de presse et ceci
2 avait été évoqué dans un article, mais ici il s'agit du même sujet et
3 parfois de télévision.
4 [Diffusion de cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas un transcript.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça va durer combien de temps ?
7 M. NICE : [interprétation] C'est presque terminé. Je suppose que vous aurez
8 eu l'occasion de suivre la transcription. Le témoin a entendu ce qui s'est
9 dit.
10 Q. Pourriez-vous nous aider sur ce point puisqu'ici au fait le succès
11 remporté à Vukovar ? Etiez-vous au courant de cela à l'époque ?
12 R. De cette cérémonie-là ?
13 Q. Oui.
14 R. Non. C'est la première fois que j'en entends parler.
15 Q. Vous avez lu un article portant sur le même sujet il y a quelques jours
16 de cela.
17 Hier, souvenez-vous, je vous posais une question, je vous demandais comment
18 vous étiez au courant ou si vous étiez au courant de la chute de Vukovar et
19 des crimes qui y furent commis. Cette célébration se fait le 21 novembre
20 1991. Pourriez-vous nous expliquer ceci ? Vous étiez une partie prenante,
21 un membre de cette instance qui était le commandement en chef. Est-ce que
22 vous étiez au courant de ce qui se passait en tant que tel ?
23 R. Et bien, je pense que les choses sont tout à fait claires. L'armée
24 n'avait pas été dépendante dans une telle mesure de la présidence au point
25 de ne pas pouvoir tenir une réunion de façon interne pour féliciter, vanter
Page 29206
1 les mérites de quelqu'un ou punir quelqu'un. Ce sont là des choses qui sont
2 tout à fait normales. Comment dirais-je cela ne fait pas partie des
3 compétences de la présidence d'exercer un tel contrôle sur l'armée pour les
4 empêcher de se réunir et se féliciter mutuellement de telle chose ou telle
5 autre chose.
6 Q. Fort bien. J'ai encore trois ou quatre questions d'ordre général pour
7 lesquelles je demande votre aide. Avant que vous ne répondiez à la première
8 question, veuillez examiner avec les Juges et moi un certain passage de
9 votre déclaration. Je vous dis d'emblée quelle est la question et puis nous
10 pourrons retrouver les passages correspondant dans votre déclaration puis
11 je vous reposerai la question.
12 Voici ma question : est-ce que les dirigeants ont reconnu que la violence
13 dès le départ était la seule solution à ce problème ? Dans quelle mesure
14 était-ce le cas ?
15 Nous pourrons examiner la page 24, paragraphe 89, de votre déclaration en
16 anglais. Avez-vous ce paragraphe 89 sous les yeux, Monsieur Jovic ?
17 M. NICE : [interprétation] Je précise que, dans ce paragraphe tout à la fin
18 de la page, Messieurs les Juges, vous verrez qu'on parle de la levée du
19 siège de la garnison de Vukovar d'après une rubrique consignée par vous
20 pour le 20 septembre. Mais si nous remontons au paragraphe 88, nous avons
21 les trois premières lignes : "D'après Kadijevic, il faut une guerre
22 offensive très intense car faute de cela ce sera la défaite."
23 Q. Puis nous revenons, si vous le voulez bien, au paragraphe 81, à une
24 réunion. Il n'y a que vous trois à la maison de Kadijevic, l'accusé a
25 insisté pour que -- s'agissant de la nécessité pour les militaires de
Page 29207
1 défendre les frontières futures de la Yougoslavie. Et effectivement plus
2 loin, ces frontières sont précisées.
3 M. NICE : [interprétation] Revenez également au paragraphe 48, Messieurs
4 les Juges, vous trouverez ce paragraphe à la page 14, ici l'on parle du 18
5 et du 21 janvier 1991.
6 Q. Monsieur Jovic, à la fin de ce paragraphe 48, vous dites avoir demandé
7 à l'accusé s'il préférait : "Qu'on s'empare des armes par la force plutôt
8 que de demander qu'on les donne -- qu'on les livre. Est-ce qu'il veut un
9 bain de sang sur une question qu'il est possible de résoudre de façon
10 pacifique ? A son avis, ce n'est pas une solution, a-t-il dit."
11 Le lendemain ou le même jour, paragraphe 49, vous dites : "L'accord que
12 j'avais passé avec Mesic est tombé à l'eau trois jours plus tard." "Les
13 Croates ont menti et n'ont pas rendu les armes. Milosevic a pensé que
14 c'était excellent. Il pensait que nous devrions accepter la sécession de la
15 Croatie, mais que nous devrions tenir de façon militaire, la Krajina."
16 Paragraphe 52, quatrième ligne de ce paragraphe, l'accusé est déçu des
17 résultats obtenus par la séance de la présidence. Il dit : "Ceci ne
18 correspond pas à son plan -- à son idée dont nous ne pouvons discuter par
19 téléphone --" il dit "-- parce que ceci est dû au fait qu'une fois que les
20 militaires auront couvert les territoires serbes en Croatie, nous n'aurons
21 plus de raison de craindre l'issue finale de la crise yougoslave."
22 Paragraphe 47, ici apparemment, ce sont les mots de Kadijevic, mais ceci
23 n'apparaît pas clairement lorsqu'on voit l'ensemble de la transcription.
24 Voici ses dernières lignes. "Nous allons verser le sang s'il n'y a pas
25 d'autre choix, mais uniquement pour les territoires où vivent les gens qui
Page 29208
1 veulent rester dans la Yougoslavie."
2 M. NICE : [interprétation] Les Juges examineront également la page 12, fin
3 de votre paragraphe 42.
4 Q. Monsieur Jovic, en haut de la page, vous reconnaissez que les symboles
5 des Chetniks et des Oustachi et d'autres forces des collaborateurs battus
6 en déroute, au cours de la Deuxième guerre mondiale, sont en train d'être
7 paradés au grand jour et "qu'il y a une vague de haine et de préjugés
8 nationaux qui menacent de nous ramener à notre passé sanglant."
9 Puis nous avons la page en anglais, numéro 7. C'est votre paragraphe,
10 Monsieur -- 24, Monsieur Jovic.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Est-ce que c'est vraiment
12 équitable à l'égard du témoin. Ici, il s'agit d'arguments que vous essayez
13 de souffler ou d'imputer à ce témoin. De plus, ça prend beaucoup de temps.
14 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Mais j'aimerais quand même faire
15 référence à ces passages, et je vous explique pourquoi je me livre à cet
16 exercice. C'est pour vous aider, Messieurs les Juges. Sinon, revenons tout
17 à fait en arrière, en 1989, paragraphe 10, page 3.
18 Q. Bien, avant le début des violences, Monsieur Jovic, en 1989 -- c'est le
19 paragraphe 10 que nous examinons ici. Vous consignez ceci, à partir du bas
20 de ce paragraphe, c'est la quatrième ligne : "J'estimais cela parce que les
21 Serbes vivaient pratiquement partout en Yougoslavie et parce que j'avais la
22 ferme conviction que, si la Yougoslavie devait se démanteler, une bonne
23 partie de la population serbe pourrait se retrouver au-delà des frontières
24 de la Serbie, à moins qu'ils ne choisissent une autre solution, celle du
25 recours à la force."
Page 29209
1 Et je voulais aider les Juges en vous posant la question suivante. Dans
2 quelle mesure --
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May --
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez qu'il ait terminé sa question
5 puis vous pourrez soulever une objection.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. -- dans quelle mesure a-t-on reconnu que la force militaire -- la
8 violence était la seule solution au problème politique qui se développait ?
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maintenant, vous pouvez poser votre
10 question, Monsieur Milosevic.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime que M. Nice est en train de citer un
12 point, et il parle du point 10, du paragraphe 10, de la déclaration du
13 témoin, et il le fait de façon incorrecte à l'égard du témoin. Il donne la
14 -- il omet la fin de la phrase, et il dit : "A moins que l'on est recours à
15 la force." Mais la phrase suivante qui dit : "Je redoutais un génocide à
16 l'égard des Serbes au cas où ils deviendraient une minorité nationale,
17 notamment en Croatie. La question serbe n'était pas une question aisée à
18 résoudre. Il y avait un risque objectif de voir une guerre civile survenir
19 pour un partage nouveau de la Yougoslavie." Malheureusement --
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
21 Le témoin a entendu le reste de la citation. Il aurait d'ailleurs pu la
22 lire lui-même, tout seul. Il peut maintenant répondre à la question posée.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous parlons du paragraphe 10, et si la
24 question pose là-dessus, je vais répondre. Ce que je dois dire auparavant
25 et vous prévenir, c'est que dans cette déclaration qui est la mienne, j'ai
Page 29210
1 souligné que les citations telles que données ici dans leur ensemble sont
2 extraites du livre, et que cela ne peut constituer un échantillon
3 représentatif.
4 Alors, si nous prenons une phrase dans cette citation, et si nous ne
5 prenons pas la citation toute entière, cela prête à débat et à explication.
6 Je demande à la Chambre, par conséquent, de faire en sorte
7 qu'indépendamment des phrases au sujet desquelles je suis interrogé, si je
8 n'ai pas le temps de lire le texte entier en raison du peu de temps dont je
9 dispose, et du reste, je demande à ce que le livre entier soit pris en
10 considération, ainsi que le contexte de l'extrait en question.
11 Alors, je reviens maintenant au point 10, au paragraphe 10. J'ai dit
12 clairement que notre intérêt substantiel en Serbie avait été de faire en
13 sorte que la Yougoslavie subsiste parce que le peuple serbe résidait dans -
14 - pratiquement dans toutes les républiques et, au cas d'un démantèlement de
15 la Yougoslavie, il y avait grand danger de voir une grande partie de la
16 population serbe à l'extérieur de sa république.
17 Compte tenu de notre historique, et en particulier l'histoire de la
18 Deuxième guerre mondiale, le peuple serbe a été décimé. Non pas décimé 3
19 million -- sur 3 millions, 1 million a péri. Il y avait donc un grand
20 danger d'exode en direction de la Serbie que nous ne saurions endurer. Bien
21 entendu, il y avait le danger de les voir priver de tous leurs droits, des
22 droits qui étaient les leurs en vertu des constitutions de la Croatie et de
23 la Bosnie et, comme c'est probablement ce qui a conduit au désaccord de la
24 population serbe là-bas, cela aurait donné lieu -- généré des conflits de
25 la part de ces derniers pour réaliser leurs droits. C'est ce que je disais.
Page 29211
1 Je disais qu'il y avait des risques objectifs de voir leurs droits menacés
2 et de les voir persécutés, voir décimer là-bas une fois de plus. Et j'ai
3 indiqué que, malheureusement, mes appréhensions se sont réalisées. Il y a
4 une guerre civile et plus de 250 000 personnes ont été expulsées de la
5 Croatie et sont arrivées en Serbie. Et le fait d'avoir estimé que la guerre
6 allait probablement être inévitable, malheureusement, mon évaluation s'est
7 avérée exacte, non pas que je l'ai souhaité, mais mon évaluation au
8 demeurant était juste.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Deuxième question générale que je poserai, sans faire des références à
11 des pages, ce qui prendrait trop de temps. La voici. Quel est votre
12 fondement philosophique qui permet de refuser la sécession pour les
13 Albanais de Kosovo, là où ils constituent une majorité, et où on est prêt à
14 imposer un régime serbe dans des régions de Croatie et plus tard en
15 Bosnie ? Mais d'abord, parlons pour votre temps -- pour votre mandat de la
16 Croatie où vous aviez des Serbes qui se trouvaient localement en situation
17 de majorité, où on était prêt à imposer un régime serbe dans des zones
18 comme la Slovanie orientale, la Drina occidentale, Dubrovnik où il n'y
19 avait pas de majorité serbe. Pourriez-vous nous dire en quelques mots quel
20 est ce fondement -- cette justification philosophique à de telles
21 positions ?
22 R. Il n'y a pas de fondement philosophique, il y a un fondement
23 constitutionnel qui entre en jeu. Tout simplement les Albanais du Kosovo et
24 Metohija et en Serbie du mère général constituent une minorité nationale,
25 étant donné qu'ils disposent d'un pays mère qui est l'Albanie. Aucun peuple
Page 29212
1 dans le monde pour autant que je le sache n'a eu la possibilité de disposer
2 de deux états. Il n'y a pas de raison pour ce faire. Si certaines parties
3 de ce peuple vivent dans un autre pays cela ne signifient qu'ils ont
4 ailleurs une mère patrie, donc les Albanais au Kosovo avaient une
5 autonomie. Le Kosovo de Metohija avait disposé d'une autonomie avec une
6 majorité d'Albanais et ils jouissaient de droits énormes qui étaient
7 presque ceux d'une république.
8 Pour ce qui est de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine par ailleurs, il
9 s'agissait de deux républiques en Yougoslavie qui ont été les seules à
10 avoir plusieurs nations constituantes -- constitutionnellement
11 constituantes, donc la Serbie et le Monténégro sont des états uni nationaux
12 et la Croatie et la Bosnie étaient des républiques où deux ou trois nations
13 constituaient de par la constitution la république. Dans la constitution
14 croate, il était dit que la Croatie était l'état du peuple croate et serbe,
15 en Bosnie la constitution disait que la Bosnie-Herzégovine était l'état des
16 Serbes, des Croates et des Musulmans. Maintenant ils s'appellent Bosniens,
17 mais tel était leur droit défini non pas seulement au sein de la
18 constitution, mais jusqu'au dernier des détails pour ce qui est de
19 l'exercice du pouvoir. Cela fait que les Serbes sur le territoire, où ils
20 avaient été en majorité -- et je crois que les Nations Unies ont proclamé
21 qu'il y avait 24 municipalités à majorité -- et bien, il y avait une
22 majorité serbe dans ces municipalités, ils avaient le pouvoir, bien sûr. Il
23 y avait des Croates qui participaient au pouvoir qui résidaient là, mais
24 ils étaient représentés proportionnellement et, au parlement, il y avait
25 une représentation proportionnelle des députés par rapport aux populations
Page 29213
1 respectives du fait que les Serbes et les Croates en Bosnie et les
2 Musulmans également en Bosnie étaient les éléments constitutifs de cet
3 état, ils avaient les mêmes droits.
4 Donc je reviens aux dispositions de la constitution de Yougoslavie, où il
5 est précisé -- où il est stipulé que le droit à l'autodétermination est
6 qu'un droit inaliénable et il appartient aux républiques et aux peuples. On
7 sous entend les peuples au sein des républiques. Il n'a jamais été dit que
8 le peuple serbe pouvait organiser un référendum et faire sécession, en tant
9 que peuple, non. On pouvait faire un référendum au sein d'une république.
10 Là où il y a un peuple, il y en a deux -- là où il y a deux, il y a deux
11 référendums; là où il y a en trois, il y a trois référendums. Et s'il y a
12 des divergences, il s'agit d'harmoniser les positions pour continuer à
13 vivre ensemble, donc la solution doit être une solution conjointe. C'est le
14 fondement constitutionnel qui n'est pas arrivé là par hasard, cela découle
15 du contexte historique. Cela a été accepté par tous les autres peuples
16 yougoslaves.
17 Q. Fort bien, Monsieur Jovic, ceci a été bien compris. Mais l'autre point
18 c'est d'imposer un régime serbe dans des endroits où les Serbes ne
19 constituaient une minorité où qu'une majorité relative. Pourriez-vous nous
20 dire quelle est la justification politique ou philosophique à un tel avis,
21 notamment, s'agissant de Dubrovnik ?
22 R. Il n'y a aucune preuve quand que ce soit la Serbie ait essayé d'imposer
23 l'autorité serbe à Dubrovnik, ceci est absolument inexact. Je voudrais que
24 vous m'indiquiez quand ça que cela s'est fait.
25 Q. Je n'ai pas à répondre. Voici ma dernière question. Le temps passe, je
Page 29214
1 m'en rends compte. Il est, cependant, important que ceci soit dit, vous le
2 savez, Monsieur Jovic. M. Markovic, comme vous le dites clairement dans
3 votre déclaration, c'est un Monsieur qui aurait produit des articles
4 anonymes contre vous à un moment donné dans un journal. Il est venu, il va
5 revenir pour terminer sa déposition. Vous le critiquez dans ce document.
6 Est-ce que c'était un homme de paix et de compréhension ? Ou est-ce que
7 vous l'avez critiqué, et quelle est la critique que vous -- en tant que
8 dirigeant, vous avez formulé contre lui ?
9 R. Et bien, M. Markovic avait été le président du conseil exécutif fédéral
10 dont il -- qui avait pour attribution tout ce qui relevait de la politique
11 économique et la police fiscale, donc tout ce qui a trait à l'économie
12 d'une manière générale. Un autre avis, il a conduit la police économique
13 dans certains segments de façon contraire aux intérêts de la Serbie et il y
14 avait un objectif politique qui était celui de renverser la direction
15 serbe. Je vais vous citer plusieurs exemples, étant donné qu'il s'agit là
16 d'une matière des plus complexes. Il a procédé à l'élaboration d'un
17 programme de stabilisation en vertu duquel les prix des produits qui
18 étaient fabriqués en Serbie et vendus commercialiser sur le reste du
19 territoire de la Yougoslavie, à savoir, l'énergie -- l'énergie électrique
20 et les produits agricoles, et bien, ces prix-là ont été limités par l'état
21 à des niveaux si bas qu'il ne pouvait réaliser aucune espèce
22 d'accumulation, mais il a réalisé des pertes; nonobstant, cela ils avaient
23 approvisionné le reste de la Yougoslavie.
24 D'autre part, il a autorisé la libre constitution des prix pour tous les
25 autres produits provenant des autres républiques qui étaient commercialisés
Page 29215
1 entre autres sur le territoire de la Serbie. Cela a porté préjudice à la
2 Serbie, elle avait du mal à accepter la chose.
3 D'autre part, la Serbie était grand exportateur vers l'ex-URSS. Les autres
4 républiques exportaient également, mais la Serbie exportait le plus vers ce
5 territoire-là, et les mécanismes de ces exportations faisaient en sorte que
6 l'état avait apporté son soutien, à savoir, lorsque l'on exportait les
7 marchandises vers l'URSS, il y avait un fond de l'état qui permettait de
8 payer immédiatement les créances en question, et l'argent était restitué
9 vers ce fond. Lorsque les marchandises arrivaient en Yougoslavie et la
10 Yougoslavie emportait de là-bas le gaz le pétrole, et cetera, une fois donc
11 ces produits vendus, l'argent était restitué dans ce fond-là.
12 Q. [imperceptible] votre réponse puisque M. Markovic a parlé de ce qu'il
13 avait fait.
14 M. NICE : [interprétation] Je vais m'arrêter ici. Je n'ai pas d'autres
15 questions à poser à ce témoin, je m'arrête.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
17 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, mais vous m'avez
19 interrompu juste au moment où je voulais prononcer encore une phrase, et si
20 les juges de la Chambre le permettent j'aimerais la prononcer.
21 Je dirais que nous avons dû interrompre nos exportations vers la Russie
22 parce qu'il a mis un terme à ce mécanisme-là. Il a dit que ce n'est qu'une
23 fois que l'on aura encaissé le paiement que vous pouvez encaisser vous-
24 même, donc nous avons estimé qu'il avait œuvré contre l'économie de notre
25 état et contre la direction de la République de Serbie.
Page 29216
1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.
2 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que de procéder au contre-interrogatoire,
4 Monsieur May, Monsieur Kwon, Monsieur Robinson, je tiens à vous dire que
5 j'ai reçu la décision, que vous avez le texte de la décision que vous avez
6 prise dimanche. Vous avez limité le temps imparti à M. Nice jusqu'à deux
7 heures, et moi je me suis vu accorder six heures, les amis de la Chambre
8 ont eu une heure. On peut le constater que M. Nice a usé de non pas de deux
9 heures, mais de deux sessions et, aujourd'hui, il a usé de 55 minutes. Je
10 suppose que ceci vous se répercuter de façon proportionnelle et adéquate à
11 l'élargissement du temps qui m'est imparti à moi-même et je vous demande de
12 la façon la plus aimable de ne pas perdre cela de vue.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons en tenir compte, mais vous
14 avez aussi entendu dire que nous allions donner davantage de temps au
15 bureau du Procureur parce que nous avions posé une condition. Il devait
16 présenter des éléments de preuve au cours des débats à cela s'ajoute le
17 fait qu'il y a de nouveaux documents qui ont été présentés au témoin pour
18 examen. Nous allons tenir compte de votre -- nous, nous pensions que six
19 heures suffisaient amplement pour procéder à contre-interrogatoire. Nous
20 n'oublions pas non plus que nous voulions terminer cette déposition cette
21 semaine et il nous reste une journée et demie pour se faire. Nous verrons
22 aussi s'il est possible de siéger un peu plus tard cette après-midi pour
23 avoir davantage de temps. Vous avez la parole.
24 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
25 Q. [interprétation] Etant donné que le temps m'est tout de même limité et
Page 29217
1 étant donné qu'il y a beaucoup de sujets dont on a parlé ici, et au sujet
2 de quoi tu es censé pouvoir témoigner de façon objective, parlant des
3 périodes où tu as occupé les fonctions les plus éminentes en Serbie et en
4 Yougoslavie. Je m'efforcerai, pour ma part, de poser véritablement les
5 questions de la façon la plus brève possible et d'y répondre dans la mesure
6 où tu estimes nécessaire d'y apporter des explications.
7 Ici, comment dirais-je, pour ce qui est de ce prétendu acte d'accusation,
8 l'allégation la plus importante est celle de dire que c'est nous, ou plutôt
9 moi, parce que c'est moi qui s'y assis sur ce siège-ci, et certainement
10 d'autres membres de la direction, ce qui avait constitué le sommet de
11 l'état, avions eu un concept qui aurait été celui d'une Grande Serbie.
12 J'aimerais obtenir une réponse des plus nette à cette question : Est-il
13 exact, oui ou non, de dire que c'est là invention pure et simple que de
14 dire que la direction politique de la Serbie avait eu un concept de
15 création d'une Grande Serbie. En d'autres termes, est-il exact de dire que
16 jamais la direction politique de la Serbie ou de la Yougoslavie n'avait
17 fait sien une conception au terme de laquelle il s'agissait de créer une
18 Grande Serbie ?
19 R. C'est tout à fait exact. Ce que je peux dire, c'est que nous avons
20 pendant toute cette période développé trois conceptions en fonction de la
21 situation. Première conception, conserver la Yougoslavie ce que nous ne
22 sommes pas parvenu à faire. Deuxième conception, s'il est inévitable que la
23 Yougoslavie se démantèle, maintenir le droit à l'autodétermination, donc
24 faire intervenir, ceux qu'il faut faire intervenir pour que la population
25 puisse s'exprimer. Troisième conception, garantir l'égalité du peuple serbe
Page 29218
1 même égalité que celle dont jouissent tous les autres peuples, donc
2 maintenir l'égalité des droits des Serbes par rapport aux autres
3 populations lorsqu'ils ne résident pas en Serbie.
4 Q. Mais j'ai déjà expliqué ce qu'il en était de l'histoire et du
5 développement annexion de la Bosnie-Herzégovine puis création de l'Austro-
6 Hongrie et le fait que tout ce qui était serbe était qualifié de Grande
7 Serbe à ce moment-là. Donc, j'ai parlé de ce mot d'ordre selon lequel on
8 voyait bien que le peuple serbe auraient eu des aspirations à une "Grande
9 Serbie" ce qui était considéré comme un prétexte pour mettre en œuvre des
10 tendances séparatistes à l'époque et entre autre, le plan de démantèlement
11 de la Yougoslavie.
12 R. Et bien, les historiens ont le dernier mot en la matière et ils ont
13 parlé de cette théorie de la Grande Serbie à l'époque. Ils ont dit comment
14 elle était apparue et ce qu'ils ont dit est sans doute exact aujourd'hui.
15 Mais s'agissant du démantèlement de la Yougoslavie, il est de notoriété
16 publique, ou en tout cas pour ce qui me concerne, je sais bien que le
17 peuple slovène et le peuple croate avaient des aspirations historiques à
18 créer leurs propres états indépendants. Ces aspirations remontent à la
19 désintégration de l'empire austro-hongrois lui-même. Parce qu'à l'époque,
20 elle n'avait pas réussi à atteindre leur objectif, ces aspirations, donc
21 les Slovènes et les Croates ont été poussés en même temps à exiger leur
22 propre état et pendant toute leur existence, ou en tout cas pendant toute
23 l'existence de la nouvelle Yougoslavie créée après la Première guerre
24 mondiale, les Slovènes et les Croates ont incessamment œuvré à l'obtention
25 de leur indépendance et de leur autonomie. Et ils ont finalement réussi à
Page 29219
1 imposer des modifications à la constitution en 1974 mais sans réussir à
2 obtenir à ce moment-là des quelconques décisions leur permettant de sortir
3 de la Yougoslavie sans sanctions.
4 Q. Mais lorsqu'ils ont intégré la Yougoslavie après la Première guerre
5 mondiale, ils se sont mis ensemble, je veux parler des Slovènes, des
6 Croates et des Serbes, qui ont constitué ensemble des zones à partir
7 desquelles ils se défendaient contre la monarchie austro-hongroise. Et
8 c'était l'idée du président américain Wilson de leur donner la possibilité
9 de créer, d'exprimer leur autodétermination et de proclamer ce droit à
10 l'autodétermination. Donc les Croates, les Slovènes et les Serbes ont, à
11 partir de l'ancienne Austro-Hongrie, uni leurs forces pour créer la
12 nouvelle Yougoslavie, n'est-ce pas ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Donc ils ont créé la Yougoslavie sur la base de principe d'égalité, et
15 lorsqu'ils sont sortis de la Yougoslavie, ils ont en fait fouler aux pieds
16 ces principes à l'encontre du peuple serbe qui avait lui-même été à
17 l'origine de cette nouvelle Yougoslavie et avec laquelle ils vivaient
18 depuis la Deuxième guerre mondiale ou plutôt même la fin de cette guerre
19 sur le territoire de l'ancienne Austro-Hongrie, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est exact. C'était l'ancien territoire de la Slovénie, la
21 Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Vojvodine, tout cela, c'étaient des
22 territoires sur lesquels on trouvait des Serbes, des Croates et des
23 Slovènes qui vivaient aux côtés les uns des autres. Bien sûr, les Slovènes
24 sont maintenant en Slovénie. Les frontières existent entre ces peuples qui,
25 avant, étaient réunis au sein de la Yougoslavie et donc en Yougoslavie, ils
Page 29220
1 constituaient un même état avec les Slovènes, les Croates et les Serbes
2 qui, au départ, avaient rejoint le Royaume de Serbie.
3 Q. Donc pour se résumer au sujet de la Grande Serbie, il est vrai, n'est-
4 ce pas qu'aucun des responsables politiques, aucun des organismes
5 politiques de Serbie ou de Yougoslavie n'a jamais défendu l'idée de créer
6 un plan en fonction du concept de Grande Serbie ?
7 R. Oui, c'est exact. Ceci n'a jamais été le cas. Ce n'était pas l'intérêt
8 du peuple serbe.
9 Q. Et il est bien vrai, n'est-ce pas, que notre position de principes
10 pendant toute la crise yougoslave, indépendamment de savoir quelles étaient
11 les différentes versions sur lesquelles nous travaillions, donc tu as parlé
12 de cela, tu as parlé du droit à l'autodétermination, de l'égalité, ces deux
13 mots finalement reviennent, veulent dire la même chose mais notre grand
14 principe, c'était le principe d'égalité du peuple serbe avec les autres
15 peuples sur les territoires sur lesquels ils vivaient, n'est-ce pas, rien
16 de plus, rien de moins, et personne d'ailleurs n'en demandait plus, c'est
17 bien exact ?
18 R. Oui, c'est exact. Tu as raison.
19 Q. Fort bien. Je vais maintenant, le plus rapidement possible, aborder
20 quelques questions relatives au Kosovo.
21 Hier, tu as parlé de l'époque antérieure à l'élection présidentielle en
22 République de Serbie, et à ce moment-là, avant ces élections, tu étais
23 président de l'assemblée nationale serbe, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Et c'est à ce moment-là, lorsque tu étais président de l'assemblée
Page 29221
1 nationale serbe que des amendements constitutionnels ont été votés qui ont
2 entraîné un certain nombre de changements en Serbie et ces changements
3 portaient sur le Kosovo et la Vojvodine, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Tu étais à l'époque président aussi de la commission qui a contribué à
6 élaborer ces amendements constitutionnels, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Donc je suppose qu'il est impossible de trouver quelqu'un de plus
9 compétent pour expliquer le contexte politique et juridique de ces
10 amendements constitutionnels, politiques d'ailleurs avant tout mais il y a
11 également une question de droit qui est en cause, cela dit, sur le plan
12 politique, un certain nombre d'organes étaient concernés, y compris
13 d'ailleurs l'assemblée nationale ?
14 R. Oui. Il y a un certain nombre d'organes et j'en parlerai.
15 Q. Fort bien. En fait, chacune des réponses peut être oui ou non. Mais je
16 n'insiste pas que le témoin réponde sans apporter d'explications
17 complémentaires. Est-il exact que depuis 1946, depuis la constitution de
18 1946, le Kosovo avait un certain degré d'autonomie et que la Vojvodine
19 avait une autonomie supérieure légèrement à celle du Kosovo et de la
20 Metohija ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que par la constitution de 1963, le Kosovo et le Metohija ont
23 été réunis ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-il exact que dès la constitution de 1963, la Vojvodine et le Kosovo
Page 29222
1 ont atteints le plus haut degré possible d'autonomie, un degré d'autonomie
2 qui n'existait nulle part ailleurs dans le monde ?
3 R. Ça je ne pourrais pas le dire parce que je ne sais pas quelle est la
4 réalité partout dans le monde, mais en tout cas le degré d'autonomie est
5 important.
6 Q. Est-il exact que par les modifications à la constitution qui ont été
7 votées par la suite au début des années 1970, notamment avec le vote de la
8 constitution de 1974, ce statut de province qui atteignait un degré inégalé
9 d'autonomie tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, puisque
10 ces provinces étaient des éléments constitutifs du pays tout en étant des
11 provinces socialistes autonomes qui faisaient partie de la fédération en
12 application des règles en vigueur dans la république de Serbie et que donc
13 il y avait une certaine tutelle de la république de la Serbie sur elle ?
14 R. Oui, c'est exact. En 1971, il y a eu des amendements constitutionnels
15 qui ont donné à ces provinces tous les droits d'une république à
16 l'exception d'un certain droit très limité, c'est-à-dire, par exemple,
17 l'existence d'un drapeau.
18 Q. Fort bien. Mais j'aimerais que nous tirions au clair un point tout à
19 fait important, à savoir que ceci s'est fait ce haut degré d'autonomie a
20 été accordé en accord avec la constitution yougoslave et avec la
21 constitution de Serbie. Je vais illustrer mon propos.
22 Est-il vrai que la constitution yougoslave de la RSFY de 1974 a accordé un
23 très haut degré d'autonomie, notamment dans les Articles 1 et 2 étant donné
24 que la RSFY était composé de six républiques, et de deux provinces
25 autonomes mentionnées également. Dans ces articles de la constitution, et
Page 29223
1 l'accent est mis sur ces deux articles sur le fait que ces deux provinces
2 sont parties constitutives de la République socialiste de Serbie. Ceci est-
3 il exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-il également stipulé à l'Article 3 de la constitution de la RSFY,
6 je cite : "La république socialiste," les provinces autonomes ne sont pas
7 mentionnées mais elles font partie de la république socialiste, donc : "La
8 république socialiste est un état qui jouit de la souveraineté des nations
9 et de la règle de l'autogestion pour les travailleurs et la classe ouvrière
10 dans son ensemble, la démocratie autogestionnaire assure l'immunité au
11 peuple travailleur et aux citoyens dans le cadre de nations et de
12 nationalités égales."
13 Est-ce que vous connaissez cet Article 3 de la constitution ?
14 R. Oui.
15 Q. Savez-vous également que la constitution de Serbie définit les
16 républiques de la même façon ?
17 R. Oui.
18 Q. Et en tant "qu'état fondé sur la souveraineté des peuples et
19 l'expression de l'autogestion de la part de la classe ouvrière et de
20 l'ensemble du peuple travailleur." Est-ce que ceci n'implique pas un
21 pouvoir et une autorité exercée par le peuple sur l'ensemble du territoire
22 constituant l'état en question ?
23 R. C'est de cette façon que les choses auraient dû être, mais cela n'a pas
24 été le cas dans certains cas particuliers.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez
Page 29224
1 demandé au témoin de confirmer il y a quelques instants que ceci était en
2 contravention avec la constitution yougoslave et la constitution de Serbie,
3 c'est ce qui figurait au compte rendu anglais. Pouvez-vous nous expliquer
4 cela ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que j'ai dit est, et je le confirme par le
6 biais des réponses apportées par le témoin à ma question, c'est que le
7 degré d'autonomie accordé aux provinces autonomes était en contradiction
8 avec la lettre de la constitution, à savoir que la constitution contenait
9 des dispositions qui étaient en contradiction avec elle-même, si je peux
10 m'exprimer ainsi, parce qu'à l'Article 3 de la constitution que je viens de
11 citer et que M. Jovic a confirmé, il est stipulé qu'une république
12 socialiste -- ou plutôt les républiques socialistes -- or une république
13 est équivalente à un état, donc les républiques socialistes sont des états,
14 et dans le même temps, dans d'autres dispositions il est stipulé qu'un très
15 haut degré d'autonomie est accordé aux provinces autonomes, ce qui signifie
16 qu'il y a contradiction interne au texte. C'est la raison pour laquelle
17 j'ai demandé au témoin si l'existence d'un état signifie qu'il existe un
18 gouvernement qui dirige les choses sur le territoire correspondant à cet
19 état. Et le témoin a confirmé que c'était bien le cas. Mais en tant que
20 juriste, puisque je suis juriste, Monsieur le Juge Robinson, vous savez
21 comme moi qu'un état fournit, développe un certain pouvoir et une certaine
22 autorité sur le territoire sur lequel il se trouve.
23 Puis-je continuer mes questions ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
Page 29225
1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Est-il vrai que les organes de Serbie n'avaient aucune compétence,
3 aucune possibilité d'intervenir sur le territoire des provinces autonomes
4 étant donné que la hiérarchie du pouvoir ne s'arrêtait à la limite de ces
5 provinces ?
6 R. Et bien, il n'avait pas cette possibilité en droit, les organes de la
7 république au niveau des provinces n'avaient aucun droit mais les habitants
8 des provinces avaient le droit de faire valoir leurs droits au niveau de la
9 république. Par exemple, il était impossible pour ces habitants de porter
10 plainte devant les tribunaux de la république, mais au Kosovo si un
11 habitant considérait que quelque chose n'allait pas, il pouvait tout de
12 même porter plainte au niveau de la province.
13 Q. Fort bien. Donc il est vrai que la hiérarchie des instances juridiques
14 allaient jusqu'à la cour suprême des provinces mais n'atteignait pas la
15 cour Suprême de Serbie -- il n'y avait pas étendu de la compétence jusqu'au
16 territoire de la Serbie, n'est-ce pas ?
17 R. Et c'est ce qui créait des difficultés parce que la Serbie ne pouvait
18 pas mettre en œuvre sa constitution sans que la province autonome, sans que
19 les provinces autonomes soient d'accord et les provinces autonomes ne
20 pouvaient voter aucun texte juridique, statutaire, ne pouvaient pas
21 modifier les constitutions ou autres sans que le niveau de la république
22 donne son accord, ce qui bien sûr était complètement insensé.
23 Q. Fort bien. Maintenant j'ai donné des exemples en nombre limité compte
24 tenu que le temps est limité, mais est-ce que ces exemples ne permettent
25 pas de confirmer très clairement que sur le plan institutionnel et
Page 29226
1 constitutionnel à partir de 1974, les décisions qui ont été prises dans la
2 constitution serbe allaient très clairement à l'encontre des dispositions
3 de la constitution de la RSFY qui définissait le statut des républiques de
4 façon générale, y compris donc de la république de Serbie, et comme étant
5 celui d'une république socialiste, et donc comme celui d'un état, n'est-ce
6 pas ? C'est bien ce qui était écrit dans le texte ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-il vrai que la Serbie, en vertu de sa propre constitution, devait
9 défendre le droit de tous ses citoyens ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-il manifeste que cette tâche n'a pas été accomplie dans les
12 provinces parce qu'aucun mécanisme institutionnel ne permettait de le
13 faire, que ce soit sur le plan juridique ou autrement, n'est-ce pas ?
14 R. En effet.
15 Q. Donc sur le territoire des provinces, la Serbie était totalement
16 impuissante, même si en vertu de la constitution de Serbie et en vertu de
17 la constitution yougoslave, les deux provinces étaient censées faire partie
18 de la Serbie, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Et en dépit du devoir qui était le sien de s'occuper de tous les
21 citoyens résidents sur son territoire, en fait la république de Serbie
22 s'est pratiquement vue dénier la possibilité de remplir cette tâche ?
23 R. Oui.
24 Q. Donc selon les constitutions fédérales et les constitutions des
25 républiques, tous les citoyens devaient être sur un pied d'égalité, n'est-
Page 29227
1 ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. N'est-il pas clair que le principe d'égalité qui prévaut sur toute
4 division administrative a été totalement remis en cause ?
5 R. C'est la raison pour laquelle il fallait modifier la constitution; pas
6 parce qu'elle était écrite comme elle était écrite mais parce que dans la
7 pratique elle créait des difficultés insurmontables. En Vojvodine nous
8 n'avons pas eu les mêmes problèmes mais au Kosovo il y avait une grande
9 partie de la population du Kosovo qui ne pouvait pas être défendu
10 correctement par les autorités par le gouvernement du Kosovo, et donc ces
11 citoyens ont cherché protection au niveau de la république, or la
12 république en droit ne pouvait pas intervenir pour leur accorder cette
13 protection.
14 Q. Nous y viendrons également à ce sujet. Mais est-il exact que le statut
15 autonome de la Vojvodine et du Kosovo ainsi que la Metohija a été accordé à
16 ces régions en raison des caractéristiques spécifiques de ces régions et de
17 leur histoire ethnique, culturelle, et cetera ?
18 R. Oui.
19 Q. Et la population était mixte, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-il exact qu'un nombre de lois très limité de Serbie, à partir de
22 1974 couvrait ou concernait l'ensemble de la république, alors que des lois
23 en nombre beaucoup plus important étaient votées au niveau des provinces
24 autonomes qui ne concernait que ces provinces autonomes, ou au niveau de la
25 Serbie qui ne concernait que la Serbie. Et ce en raison des difficultés
Page 29228
1 juridiques évoquées tout à l'heure ?
2 R. Oui. En pratique, c'est de cette façon que les choses se passaient,
3 puis il y avait coordination.
4 Q. Est-il vrai que sur le plan législatif, la désintégration qui a eu lieu
5 n'avait rien à voir avec les caractéristiques des provinces autonomes,
6 n'avait rien à voir avec les raisons qui avaient poussé à leur accorder
7 cette autonomie ?
8 R. Et bien, je ne dirais pas que cela n'avait rien à voir, mais en tout
9 cas cela avait surtout à voir avec, par exemple, les problèmes éducatifs.
10 Parce que s'agissant de ces questions, les choses auraient pu être réglées
11 différemment en fonction de la composition ethnique. Des gens or, --
12 certaines décisions ont été prises qui n'auraient peut-être pas dû l'être,
13 des différences introduites qui n'auraient peut-être pas dû l'être. Le Code
14 pénal aussi aurait dû être le même partout. Or, il y avait des codes pénaux
15 différents. Donc si quelqu'un pouvait être poursuivi dans une province, il
16 pouvait aller ailleurs et être puni différemment. Ceci n'est pas possible
17 dans un même état. C'est impossible de fonctionner dans ces conditions.
18 Q. Mais n'est-il pas exact que ce genre de différence législative était
19 arrivé à l'absurdité et que la Serbie en tant qu'état, en tant qu'état à
20 part entière en était carrément niée ?
21 R. Et bien, cela a remis très sérieusement en question l'existence de la
22 Serbie en tant qu'état, en tant qu'état à part entière. Et dans le même
23 temps, cela a remis en question l'égalité de la Serbie par rapport aux
24 autres républiques qui n'éprouvaient pas les mêmes problèmes.
25 Q. Fort bien. Est-ce que cela ne montre pas que les amendements
Page 29229
1 constitutionnels de 1989 étaient indispensables pour qu'au niveau de la
2 république, les dispositions, les termes de la constitution soient les
3 mêmes qu'au niveau de la fédération. Et qu'il n'y ait plus contradiction
4 entre les deux textes. Et la seule façon de réparer, de ramener la
5 situation à une situation normale était de voter ces amendements.
6 Mais avant que tu ne répondes à ma question, je montre l'ouvrage que j'ai
7 ici entre les mains, un ouvrage historique qui est très intéressant.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et que je vais demander à verser au dossier à
9 M. Nice. C'est le livre de M. Jovic également. Donc page 144, je vais citer
10 un passage, et j'aimerais te demander ton commentaire. Début de la
11 citation. --
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ralentissez, s'il vous plaît, lorsque
13 vous lisez, Monsieur Milosevic.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Très bien. Je vais sauter ce passage. Enfin, je cite : "Cet amendement
16 exprime les pouvoirs législatifs au niveau de la république, notamment en
17 matière de défense nationale de ministère de l'Intérieur et des relations
18 internationales --" Je m'arrête ici pour qu'il n'y ait absolument pas la
19 moindre erreur d'interprétation. Par internationales, il est question ici
20 de rapports avec l'étranger et pas de rapports interethniques à l'intérieur
21 du pays. Mais maintenant, je continue la lecture de ce passage. Je cite :
22 "La protection des valeurs centrales, et cetera, et cetera, avec
23 l'aspiration que chacun s'exprime en contradiction avec la constitution
24 yougoslave et aux responsabilités de la Serbie et conformément aux droits
25 et aux responsabilités des provinces sans aucune référence ambiguë à
Page 29230
1 l'expression d'une autre forme de souveraineté."
2 Donc tout ceci, ce sont les droits qui doivent être exercés au niveau de la
3 république et niveau de l'état, n'est-ce pas ?
4 Page 144. Si nous avons le temps, je ferai d'autres citations. Mais en tout
5 cas, je crois que cela permet de comprendre ce qui a été dit à l'instant.
6 Est-il clair que ces amendements constitutionnels étaient nécessaires,
7 qu'ils étaient indispensables étant donné le très haut degré d'autonomie
8 dont jouissaient les provinces, et la contradiction qui existaient entre
9 les textes au niveau des provinces de la république et de la fédération ?
10 Ceci est-il exact ?
11 R. Et bien, permets-moi de dire une chose. D'abord il est exact que la
12 situation en vigueur à l'époque a permis à certaines forces présentes au
13 Kosovo, et qui souhaitaient un Kosovo ethniquement pur, or ces forces ont
14 toujours existé depuis des siècles. Ce n'était pas une caractéristique de
15 la période où nous étions au pouvoir. Donc étant donné que le droit
16 constitutionnel, le droit législatif était en fait totalement entre leurs
17 mains, cela leur donnait la possibilité y compris d'en abuser, et de créer
18 dans l'esprit des Serbes de la région, l'impression qu'ils fallaient qu'ils
19 fuient la région. Et l'exode a été massif. Des dizaines et des dizaines de
20 milliers d'habitants ont fui vers la Serbie, ce qui a créé d'immenses
21 problèmes politiques, d'importantes pressions sur la Serbie qui a dû
22 trouver le moyen de régler ses problèmes.
23 Donc la Serbie a posé le problème devant la Yougoslavie toute entière. Et
24 au niveau de la Yougoslavie, un débat très animé a eu lieu qui a abouti à
25 certains moments à des modifications constitutionnelles.
Page 29231
1 En 1988, après des débats intenses au comité central, la constitution a été
2 amendée par la Serbie de façon à ce que la situation devienne plus claire.
3 Donc il y a d'abord amendement de la constitution yougoslave de façon à ce
4 que la Serbie puisse elle-même modifier sa constitution sans être en
5 contradiction avec la constitution yougoslave, et après cela il y a eu
6 amendement de la constitution serbe, mais avec accord des assemblées des
7 provinces autonomes. Ça c'est une réalité.
8 Donc dans ces conditions, les provinces autonomes ont continué à jouir de
9 tous les droits qui étaient les leurs au niveau culturel, au niveau de
10 l'enseignement, au niveau des médias, au niveau donc de l'information, des
11 droits de l'homme, et toute sorte d'autres niveaux. Mais tout ce qui
12 concernait le droit, le code pénal, les poursuites judiciaires par le
13 Procureur, la police, l'armée, tout cela a été modifié. Or, tout cela,
14 lorsque je dis tout cela, ce sont des domaines qui relèvent directement de
15 l'état, en général. Donc c'est à ce niveau que les amendements ont eu lieu
16 pour qu'il y ait concordance avec la constitution yougoslave entre la
17 constitution yougoslave et la constitution votée par les assemblées des
18 deux provinces autonomes. En tout égalité, un certain nombre de
19 dispositions ont été votées qui enlevaient un certain nombre de droits, et
20 notamment la possibilité législative de voter la constitution. La province
21 étant à un niveau territorial inférieur à celui du niveau territorial, de
22 l'unité territoriale qui vote les modifications constitutionnelles.
23 Q. Mais qu'il n'y ait pas de malentendu. Le pouvoir judiciaire est
24 totalement resté -- est resté entre les mains des provinces. Mais ces
25 provinces n'avaient plus d'indépendance à ce niveau-là. Donc il fallait que
Page 29232
1 la hiérarchie judiciaire s'achève au niveau de la Cour suprême de Serbie
2 désormais.
3 R. Oui. Désormais, tout citoyen d'une province pouvait porter plainte
4 devant un Tribunal de Serbie après s'être adressé au tribunaux du Kosovo.
5 Or, c'était impossible avant.
6 Q. Est-il exact que la constitution de 1974 prévoyait un certain nombre de
7 modifications qui avaient déjà été introduites au Kosovo et en Vojvodine,
8 éléments constitutifs de la fédération y compris après les amendements en
9 question. Donc ce que je demande, c'est est-ce que le Kosovo et la
10 Vojvodine sont tout de même restés des éléments constitutifs de la
11 fédération comme par le passé ?
12 R. Oui. Il y a toujours une grande confusion lorsqu'on me parle de cela.
13 Lorsque les amendements ont été votés par la Serbie en 1989, le Kosovo et
14 la Vojvodine n'ont pas changé de statut par rapport à la fédération. Ils
15 sont restés des éléments constitutifs de la fédération, comme c'était le
16 cas avant. Et cela signifie que le Kosovo et la Vojvodine avaient leur
17 propre délégation à l'assemblée fédérale comme c'était le cas auparavant,
18 avait leurs propres députés, les mêmes droits que par le passé, en fait, un
19 droit de veto également sur toute décision prise par l'assemblée fédérale.
20 Donc la délégation d'une province pouvait voter contre, avec un droit de
21 veto au niveau de l'assemblée fédérale et au niveau de la république. Ça
22 c'était une chose.
23 Puis deuxièmement, les droits sont restés les mêmes au sein de la
24 présidence de Yougoslavie. Chaque province avait un membre au sein de la
25 présidence comme les républiques, et cetera, et cetera. Rien n'avait changé
Page 29233
1 en ce qui concerne les rapports internes entre les provinces et la
2 fédération.
3 Q. Fort bien. Est-il clair qu'il n'est pas permis de dire que les
4 modifications constitutionnelles votées en Serbie en 1989 ont aboli
5 l'autonomie des provinces autonomes ?
6 R. Elles ne peuvent pas dire que leur autonomie a été abolie. Ce qu'il est
7 permis de dire, c'est qu'un certain nombre de droits ont été limités, ceux
8 qui, par nature relèvent de l'état et pas d'une province autonome.
9 Q. Mais soyons plus précis sur ce point. Est-ce que cela porte uniquement
10 sur les droits des républiques en Yougoslavie ?
11 R. Et bien, c'est exact mais certains des droits qui appartenaient aux
12 républiques ont continué à appartenir aux provinces autonomes. Mais en même
13 temps, un certain nombre de droits assez nombreux ont changé de main si je
14 puis dire.
15 Q. Fort bien. Donc les provinces ont continué à avoir leur propre budget.
16 Elles avaient donc leurs recettes, leurs dépenses et toutes les mêmes
17 dispositions que celles qui existaient au niveau fédéral, y compris après
18 les amendements constitutionnels de 1989, et tout fonctionnait
19 normalement ?
20 R. Les provinces avaient leurs propres assemblées, leurs gouvernements,
21 leurs budgets, leurs recettes, leurs rapports financiers également avec la
22 fédération.
23 Et les rapports avec la fédération, par le billet de la république, sont
24 restés les mêmes que par le passé. De ce point de vue, les provinces
25 étaient pratiquement assimilables à des républiques.
Page 29234
1 Q. Cependant, s'agissant du Kosovo, le Kosovo recevait une aide financière
2 importante à partir du fond spécial du Kosovo pour l'essor du développement
3 de cette province, n'est-ce pas ?
4 R. Oui. La majeure partie de cette aide au développement sur le territoire
5 yougoslave allait au Kosovo et toutes les républiques apportaient leur
6 quote-part à ce fond.
7 Q. Il y avait également le fond de Serbie pour le développement des
8 parties sous-développées ou en développement de la Serbie, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. La Serbie avait également d'autres régions aussi sous-développées
10 que le Kosovo qui étaient également aidées.
11 Q. Ces modifications, ces amendements ont été votés en 1989. Nous n'allons
12 pas remonter trop loin, mais est-ce que tu te connais, est-ce tu te
13 souviens de ce qui s'est passé en 1980 et 1981 au Kosovo avec les
14 manifestations de l'époque ?
15 R. Bien sûr, la constitution de 1974, comme je l'ai déjà dit, accordait
16 aux provinces autonomes pratiquement des droits identiques à ceux des
17 républiques. Le seul droit dont ne jouissaient pas les provinces était le
18 droit à la sécession. Donc ce droit à la sécession ne se situait qu'au
19 niveau des républiques car la sécession ne peut être le fait d'un peuple.
20 Et en 1980 et 1981, les Albanais qui avaient des tendances séparatistes ont
21 en fait, se sont en fait soulevés. Nous parlons de manifestations chez nous
22 mais en réalité, il s'agissait d'une révolte, et le mot d'ordre qu'ils
23 défendaient à l'époque était "le Kosovo doit être une république." Donc,
24 ils n'étaient pas du tout satisfaits des dispositions de la constitution en
25 vigueur, même si ces dispositions étaient absolument dans le monde pour une
Page 29235
1 province en terme d'autonomie. Ces manifestations ont duré deux ans et il a
2 été très difficile de les arrêter sans une intervention massive de l'état.
3 L'état est donc intervenu pour remettre de l'ordre.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le moment de la pause. Vingt
5 minutes de pause.
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
7 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je suis loin d'être
9 désireux de vous étendre votre présentation des éléments de preuve en
10 citant des témoins complémentaires, mais, pour ce qui est de la ligne du
11 contre-interrogatoire, elle vient à soulever une question, et c'est la
12 question de l'expert constitutionnel. Nous avons déjà traité de la question
13 et je voudrais que vous nous indiquiez si vous avez avancé en la matière ?
14 M. NICE : [interprétation] Et bien, à ce jour, nous avons toujours le même
15 problème. J'avais envisagé vous fournir une liste de personnes que nous
16 avons contacté et vous faire état des difficultés auxquelles nous faisons
17 face des membres de mon équipe, qui sont en train de travailler depuis
18 quelques semaines là-dessus, et ce n'est pas une affaire aisée.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est difficile de comprendre que,
20 dans un pays comme la Yougoslavie, avec autant d'institutions et un grand
21 nombre de personnes éduquées, il est difficile -- soit difficile de trouver
22 une personne de cette qualité-là.
23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, il s'agit de trouver quelqu'un
24 d'indépendant et quelqu'un qui a beaucoup de mérite. Nous ne pourrons pas
25 faire venir n'importe qui et, à ce niveau-là, nous nous heurtons à des
Page 29236
1 hésitations -- nous avons certaines appréhensions que j'en savais parler.
2 Nous avons certes un ou deux candidats en première ligne, mais, à chaque
3 fois, il y a un problème qui se pose et qui nous place en situation
4 difficile. Il se peut que je vous fasse -- vous présente des écritures afin
5 que vous puissiez comprendre de quel type de témoin que nous avons besoin.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends, mais il faudrait que
7 vous le fassiez le plus vite possible parce que nous avons besoin du
8 contexte pour notre compréhension.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous de continuer.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis vous venir en aide au sujet de ce
11 que Monsieur Robinson vient de soulever comme question, je crois qu'il
12 suffirait de dire, étant donné que vous êtes des juristes, de lire les
13 constitutions de Serbie et de Yougoslavie de 1974, et vous pourrez
14 constater que ce que j'affirme est vrai et ce qui est confirmé par le
15 témoin est vrai.
16 J'ai entre autres demandé à ce que soit versé au dossier le livre de M.
17 Jovic.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous dites vrai bon nombre d'explications.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment, parlons donc de ce
21 livre. Quel est son titre au juste ? Pouvez-vous nous le rappeler, je vous
22 prie.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un livre dont l'auteur est M.
24 Borislav Jovic. Son titre est "Des dates pour l'histoire," et il s'agit de
25 -- d'activités afférentes à l'adoption d'amendement constitutionnel dont
Page 29237
1 nous parle la partie adverse de façon déformée et cela a été rédigé de
2 façon tout à fait authentique.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Avez-vous la date de la publication
4 de ce livre ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] je vais essayer de vous retrouver cela. Ça doit
6 figurer au début, mais cela n'y est pas.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça doit être en page 2 quelque part.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Belgrade 1989.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avez-vous des objections à formuler à ce
10 sujet, Monsieur Nice ?
11 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas lu. Pas d'objection. Il faudra que
12 ça soit traduit. Nous allons -- s'il n'y pas de version en anglais, nous
13 allons peut-être vous demander -- par votre truchement et demander au
14 Greffe de veiller à la traduction, mais cela prend un certain temps. C'est
15 un livre.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci recevra la cote suivante de la
17 Défense.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D217.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer, Monsieur May ?
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Donc est-ce qu'à partir des années 80, il y a eu des problèmes immenses
23 qui se sont posés et qui ont donné lieu à des persécutions massives de la
24 population serbe du territoire de Kosovo et Metohija ?
25 R. Il y a eu exorde massif, suite aux questions dont nous avons parlé tout
Page 29238
1 à l'heure. Mon opinion personnelle c'est que les droits constitutionnels,
2 qui avaient été mis à la disposition des autorités au Kosovo et Metohija,
3 ont fini par être abusés, et ce qui a placé la population serbe en position
4 qui lui interdisait de se faire protéger d'une autre façon.
5 Q. Mais te souviens-tu du fait que l'on avait parlé de chiffre en 1981 et
6 1982 jusqu'en 1987, on avait parlé d'un chiffre de 40 000 Serbes qui ont
7 quitté leur logis sous des pressions exercées à leur encontre ?
8 R. Il est probable que ce chiffre soit exact parce qu'il a été à plusieurs
9 reprises parlé de la chose.
10 Q. Serait-il exact de dire alors que nous avons dû faire face pour la
11 première fois à un objectif publiquement proclamé de la part des
12 séparatistes albanais et qui était résumé à une hase un "Kosovo
13 ethniquement pur."
14 R. Je ne peux pas dire quand est-ce que nous avons rencontré cela pour la
15 première fois et quand est-ce que cela a été dit publiquement. Je sais
16 qu'il y a eu un slogan "Kosovo république," et il y a eu une pratique de
17 purification ethnique.
18 Q. Mais on avait parlé de "purification ethnique" et nous avions estimé
19 que c'était l'un des crimes des plus importants.
20 R. Oui, mais je ne me souviens pas qu'il ait été affirmé la volonté de
21 créer un Kosovo ethniquement pur.
22 Q. Bien, mais tu sais bien que l'on avait parlé en long et en large de
23 nettoyage ethnique dont les victimes avaient été pendant toutes ces années-
24 là des Serbes.
25 R. Ce sont des faits, je m'en souviens, bien sûr, c'est la raison pour
Page 29239
1 laquelle nous avons accédé à une revendication qui était celle de modifier
2 la constitution aux fins de pouvoir protéger les gens là-bas et faire en
3 sorte qu'ils restent là-bas, sans avoir à déménager pour se faire protéger
4 par leur propre république.
5 Q. Faisons une petite digression au sujet d'un détail, on est en train
6 d'abuser ici le fait que le parlement de Serbie avait dissout le parlement
7 du Kosovo à un moment donné en 1991. Est-ce qu'il est exact de dire que
8 cela a été fait pour protéger notamment la constitution parce que ce
9 parlement s'était comporté de façon inconstitutionnelle, à savoir, avait
10 adopté une décision afférente à la sécession vis-à-vis de la Serbie, chose
11 qui lui était interdite de par la constitution même ?
12 R. Oui, cela était la raison et des sessions de ce parlement du Kosovo
13 étaient une chose légale dans le cadre des attributions qui étaient des
14 siennes. Mais, lorsque ce parlement a adopté la décision à proclamer la
15 sécession vis-à-vis de la Serbie et la proclamation de son indépendance, le
16 parlement de Serbie a proclamé nul et non avenu ces décisions et a dissout
17 l'assemblée.
18 Q. Elle a été dissoute parce qu'elle s'est comportée de façon
19 inconstitutionnelle.
20 R. Oui.
21 Q. Donc elle a violé la constitution de façon grave. Il n'est pas
22 contesté, j'espère, le fait et je crois que tu en as parlé également, à
23 savoir que ces modifications de la constitution de Serbie ont été faites
24 avec les accords des parlements des provinces, ce qui a constitué une
25 procédure normale et régulière jusqu'au changement, et rien n'a pu être
Page 29240
1 fait en Serbie sans les approbations de ces parlements, et ces
2 modifications sont survenues avec les accords des parlements respectifs.
3 R. C'est exact. Au parlement du Kosovo, il y a eu un débat qui se
4 déroulait toute la journée et seul 12 députés ont voté contre ces
5 modifications; tous les autres ont voté pour.
6 Q. On est en train de manipuler ici en avançant des faits au terme
7 desquels il y aurait été fait recours à la violence là-bas pour que ce
8 parlement du Kosovo vote en faveur des modifications de la constitution de
9 Serbie. A-t-on fait recours à la violence là-bas pour inciter le parlement
10 à voter en faveur de ces changements de la constitution de Serbe ?
11 R. Écoutez, je m'excuse un instant, je n'ai pas déconnecté mon portable --
12 je tiens à m'excuser une fois de plus, c'est une erreur de ma part et je
13 vais le faire sur le champ. Je regrette beaucoup que cela se soit passé,
14 mais voilà ça s'est produit. Continuons.
15 Il y a eu des résistances importantes auprès d'un certain nombre d'Albanais
16 qui avaient des idées séparatistes, et ceci à l'encontre des dispositions
17 constitutionnelles qu'elles s'agissaient d'être adoptées à l'époque.
18 Contrairement aux ordres officiels de la part des autorités, disant que les
19 travaux du parlement ne devaient pas être perturbés par les manifestants,
20 les démonstrations dans les rues, donc de la part des Albanais, qui
21 n'étaient pas d'accord avec ces modifications constitutionnelles, un grand
22 nombre de personnes s'étaient rassemblées autour du parlement pour rendre
23 impossibles ces travaux. Les effectifs de police et les militaires avaient
24 empêché les citoyens qui voulaient entrer de force dans le Parlement pour
25 rendre impossible ses activités.
Page 29241
1 Maintenant, on est en train d'interpréter chacun à sa façon. On dit que
2 l'armée et la police avaient exercé des pressions sur le parlement. Ce
3 n'est pas exact. Il y a une journée durant des débats et, à la fin de ces
4 débats, il y a eu vote.
5 Q. Il n'y a pas eu d'effectifs qui étaient là pour forcer l'assemblée ?
6 R. Non, non, ces effectifs étaient là pour empêcher certains citoyens
7 d'entrer de force au parlement et entraver ses activités et il y avait de
8 sérieuses raisons de se douter que cela arriverait.
9 Q. Merci. Le 28 mars, lorsqu'il s'est tenu une session du parlement de
10 Serbie, date à laquelle il a été procédé à l'adoption de ces amendements à
11 cette session solennelle, en raison du grand nombre d'invités, la session a
12 eu lieu au palais des Congrès, au centre Sava ?
13 R. Oui.
14 Q. Et toute la direction yougoslave était présente ?
15 R. Y compris Ante Markovic, le premier ministre du gouvernement fédéral.
16 Q. Mais plus important encore que la présidence d'Ante Markovic, je tiens
17 à te rappeler le fait qu'il y avait Sinan Hasani, qui se trouvait être
18 président de la présidence de Yougoslavie et qui était le représentant du
19 Kosovo là-bas, donc un Albanais d'origine ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Je m'en souviens, il était assis à côté de moi.
22 R. C'est tout à fait exact.
23 Q. Donc il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il a été procédé à
24 l'application d'une procédure qui s'est avérée être tout à fait légale et
25 personne en Yougoslavie n'a formulé d'objection à son égard, pas même le
Page 29242
1 représentant du Kosovo au sein de la présidence de la RSFY, qui se trouvait
2 être à l'époque un représentant du groupe ethnique albanais de
3 Yougoslavie ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Juste une petite question brève. L'on est en train de déformer ici et
6 dans une grande mesure l'importance du mémorandum de l'académie serbe des
7 Sciences et des arts, on lui attribue de contenus qui ne sont pas les siens
8 et des revendications au termes desquels tous les Serbes se devaient de
9 vivre dans un même état.
10 Serais-tu d'accord avec moi pour dire que traiter ainsi le mémorandum est
11 dénué de sens parce que les Serbes résidaient, effectivement, dans un seul
12 et même état, c'était la Yougoslavie ? Et ils n'ont réclamé aucun autre
13 droit et le mémorandum ne pouvait donc pas exiger une chose que ces Serbes
14 avaient déjà, en a-t-il été ainsi ou pas ?
15 R. Il en a été ainsi. Le mémorandum a parlé de problèmes au sujet duquel
16 on avait estimé qu'il n'avait pas été résolu dans une mesure suffisante sur
17 le territoire de la Yougoslavie. Si le Tribunal -- la Chambre le permet et
18 si M. Milosevic n'y voit pas d'objection, je voudrais dire quelque chose :
19 le jour où le mémorandum en question a été publié, cela a constitué une
20 grande surprise pour nous, une déception je dirais même. Le lendemain, nous
21 avons tenu une session du comité central de la Ligue des communistes de
22 Serbie. Elle avait été fixée, c'était un rendez-vous pour des questions
23 économiques d'ailleurs et j'étais censé y présenter une allocution.
24 Q. Il s'agissait de l'année 1984, n'est-ce pas ?
25 R. En effet.
Page 29243
1 Q. M. Milosevic a insisté pour que le rapport, l'allocution que je ferais,
2 comprenne une phrase qui dirait combien nous étions déçus et combien nous
3 désapprouvions ce procédé de la part de l'académie des Sciences.
4 R. Cela ne s'intégrait pas au concept de mon allocution parce que j'avais
5 parlé d'idée conceptuelle afférente à l'avenir, mais j'ai toutefois accepté
6 de le faire. Cela a été publié, je l'ai lu, cela a été publié dans les
7 journaux et nous avons été officiellement d'avis que cela, ce qui a été
8 publié par l'académie des Sciences, était tout à fait inutile.
9 Q. Donc c'était en 1984, n'est-ce pas ?
10 R. Probablement, oui.
11 Q. Je crois que tu as probablement fait une confusion. Je n'étais pas
12 président du comité Central moi-même et je n'ai pas pu te suggérer de dire
13 quoi que ce soit au sujet du mémorandum. Peut-être quelqu'un d'autre t'a-t-
14 il suggéré de dire quelque chose au sujet du mémorandum, mais je ne pense
15 pas avoir été cette personne-là.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un simple détail. Ce dont je me souviens
17 à propos de ce mémorandum, c'était 1986 la date. Je me trompe peut-être,
18 mais ceci expliquera peut-être la confusion qui risque d'y avoir.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense également que ça s'est fait en 1986
20 et nous avions eu alors une session du comité central où il avait été
21 débattu des questions afférentes aux réformes économiques. Ce que j'ai dit
22 tout à l'heure est tout à fait fiable. Il se peut que M. Milosevic se soit
23 trompé pour sa part et ceci parce qu'il ne me l'a pas dit directement. Il
24 m'avait envoyé un message à cet effet par le biais d'un membre de notre
25 comité exécutif et c'est à grande peine que j'ai accepté la chose parce que
Page 29244
1 cela avait perturbé mon concept, parce que je ne voulais pas parler de
2 questions opérationnelles. Mais je l'ai quand même inséré et, lorsque le --
3 ce que je voulais dire c'est que, lorsque ce mémorandum à été publié, M.
4 Milosevic était déçu et, dans le mémorandum, vous pouvez -- pour ce qui est
5 du mémorandum, vous pourrez trouver la phrase que j'ai prononcée dans les
6 journaux. J'ai dit, en effet, que nous estimions que cette façon de faire
7 de la part de l'académie des Sciences et des arts était tout à fait
8 inutile. La Serbie a, en effet, sa direction et elle sait parfaitement
9 quels sont les problèmes à résoudre de concert avec les autres peuples, au
10 sein de la fédération yougoslave.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Ecoutez, ne débattons pas davantage. La question est tout à fait
13 marginale. Ce que je voulais dire, pour ma part, c'est que le mémorandum ne
14 saurait se faire attribuer des propriétés qui n'étaient pas les siennes et
15 notamment pas, je dirais, un rôle qui aurait été celui d'une plate-forme, à
16 l'intention de la direction aux fins de la réalisation de certains
17 objectifs qui auraient été au détriment des autres peuples de Yougoslavie.
18 Cela n'a pas figuré au mémorandum, n'est-ce pas ?
19 R. Ce que je puis dire c'est que ce mémorandum, nous ne l'avons jamais mis
20 à l'ordre du jour de façon officielle pour ce qui est de l'analyser et de
21 s'en servir dans nos activités. Nous avions nos programmes à nous et nos
22 activités à nous, et nous avons œuvré de façon tout à fait distincte.
23 Q. Bien. Pouvons-nous faire un résumé et dire que ces changements
24 constitutionnels n'ont accordé à la Serbie rien de plus que ce qu'avaient
25 déjà les autres républiques yougoslaves ?
Page 29245
1 R. Elle ne pouvait pas obtenir plus parce que la constitution yougoslave
2 avait délimité ce qui était -- ce qui constituait les droits des
3 républiques, et il s'agissait ici de relations au sein de la Serbie et non
4 pas de relations de la Serbie et de la fédération.
5 Q. Bien. C'est une chose importante à tirer au clair.
6 Te souviendras-tu qu'en 1981 jusqu'en 1987, date où tous ces événements ont
7 eu lieu au Kosovo et où il y a eu ces expulsions de Serbes, le problème a
8 été examiné à plusieurs reprises au niveau des instances yougoslaves tant
9 pour ce qui est du comité Central que pour ce qui est du gouvernement et de
10 la présidence de la RSFY ?
11 R. Pour ce qui est de l'exode des Serbes du Kosovo.
12 Q. Oui.
13 R. Oui, cela a été étudié à plusieurs reprises au comité central de
14 Serbie, au comité central de Yougoslavie et j'ai dit tout à l'heure -- en
15 fait, j'ai parlé des changements constitutionnels intervenus au niveau de
16 la constitution yougoslave, qui ont permis le changement de notre
17 constitution à nous. Et cela s'est fait suite à tous ces débats et à une
18 décision du comité central de la Ligue des communistes de Yougoslavie,
19 disant que cet exode devait cesser et qu'il fallait procéder à des
20 changements à cette fin.
21 Q. S'agissant des idées afférentes aux changements, aux modifications de
22 la constitution de Yougoslavie, y a-t-il eu des désaccords d'une part du
23 côté de la Slovénie et de la Croatie et d'autre part des autres républiques
24 et provinces ?
25 R. Tu parles de cette période ou de manière générale ?
Page 29246
1 Q. D'une manière générale.
2 R. Pour ce qui est de ces modifications qui ont précédé la modification de
3 notre constitution à nous, ces modifications ont été adoptées au parlement
4 fédéral et au parlement de toutes les républiques. Donc, il n'y a pas eu
5 d'opposition à ces modifications-là.
6 Q. Cette partie, oui.
7 R. Pour ce qui est des changements conceptuels de la constitution de
8 Yougoslavie, datant de la période où il est survenu la crise yougoslave et
9 à la période où nous avons essayé de résoudre le problème de la
10 Yougoslavie, en procédant à des modifications constitutionnelles pour
11 trouver des modalités de vie conjointe, d'une part, en fonction des
12 propositions officielles qui ont été formulées et adressées à l'intention
13 du parlement de Yougoslavie, il y avait la Slovénie et la Croatie qui avait
14 proposé le démantèlement de la Yougoslavie et puis la création d'une
15 confédération d'états autonomes et que cela dure cinq ans et que, par la
16 suite, chacun fasse comme bon lui semblerait. Et d'autre part, il y avait
17 quatre républiques et deux provinces autonomes qui avaient été d'avis qu'il
18 s'agissait de procéder à une restructuration constitutionnelle de la
19 Yougoslavie.
20 Par conséquent, il n'est pas exact de dire ce qu'on le dit d'habitude, à
21 savoir que les conflits entre -- le conflit, pour ce qui est des
22 modifications constitutionnelles, est survenu entre la Serbie et la
23 Slovénie. Il y a eu cette division. Il y a eu des propositions officielles
24 et ces propositions n'ont pas été adoptées parce que pour l'un quelconque
25 de ces concepts soient acceptés. Il fallait le consensus de toutes les
Page 29247
1 républiques parce qu'en vertu de notre constitution, sans le consensus de
2 toutes les républiques, il n'était pas possible de procéder au changement
3 de la constitution.
4 Q. Ce qu'il importe, c'est de ne pas perdre de vue de ce point-là. Ces
5 divergences, pour ce qui est de l'approche, n'étaient pas survenues entre
6 la Serbie, d'une part, et la Croatie et la Slovénie, d'autre part, comme on
7 essaie souvent de le présenter, mais, entre la Slovénie et la Croatie,
8 d'une part, et les quatre autres républiques et les deux autres provinces,
9 d'autre part, n'est-ce pas ?
10 R. Il y a des faits qui l'illustrent. Il y a les propositions du parlement
11 de Yougoslavie. Il y a les propositions officielles, les projets de textes,
12 et cetera. Donc ce n'est pas chose contestable.
13 Q. Le fait est également que la présidence la RSFY s'était penchée sur les
14 questions afférentes à la sécurité et à tout ce qui est en corrélation avec
15 ce domaine-là. N'est-il pas vrai de dire qu'en 1980 déjà, on avait
16 découvert des groupes illégaux -- clandestins d'albanais -- d'extrémistes
17 albanais, des émigrants militairement organisés tant à l'extérieur qu'au
18 niveau de certains centres se trouvant à l'intérieur du pays ?
19 R. Je ne voudrais pas en parler à présent. Il est fort probable que cela
20 soit le cas, mais, en 1981, 1982, je ne suis pas intervenu dans ces
21 domaines et je ne puis en parler.
22 Q. Bien. Je vais alors parler de la période où tu as été membre de la
23 présidence de Yougoslavie.
24 Etant donné que l'on dit ici souvent que c'était moi qui, de fait, avais
25 dirigé les travaux de la présidence de Yougoslavie, je voudrais que l'on
Page 29248
1 précise si une telle constatation pourrait être acceptée de quelque façon
2 que ce soit.
3 R. J'ai expliqué cela à plusieurs reprises et je puis le faire une fois de
4 plus. La présidence comptait huit membres et elle pouvait prendre des
5 décisions rien que par majorité de votes. Donc il fallait cinq votes et six
6 votes pour certaines décisions d'importance particulière, et il n'était pas
7 possible de fonctionner autrement.
8 Maintenant, pour ce qui est des fonctions de l'influence des républiques ou
9 des présidents des républiques, cette influence était indubitable. Tout
10 membre de la présidence de Yougoslavie était tenu aux sessions de cette
11 présidence de représenter les positions adoptées par sa propre république
12 et de coopérer, ce faisant avec sa propre république parce que le rôle de
13 la présidence de Yougoslavie était celui de coordination des différentes
14 républiques et des politiques de ces républiques.
15 Par conséquent, le président de la République de Serbie, de par la nature
16 de son travail, avait pour mission de coopérer avec moi et vice versa. Il
17 exerçait son influence sur les positions qui seraient les miennes, mais
18 cela ne pouvait pas influer sur les autres membres de la présidence avec
19 qui il ne communiquait pas en direct. Et je n'ai jamais pu voter quelque
20 décision que ce soit tout seul. Aucun membre de la présidence, y compris le
21 président de la présidence, n'a le droit de prendre des décisions tout
22 seul. La situation était objectivement de cette nature-là, donc tous les
23 présidents des républiques exerçaient leur influence sur les membres de la
24 présidence.
25 Q. Exactement. C'était une forme de coopération et de communication entre
Page 29249
1 les présidents des républiques et les membres de la présidence provenant de
2 ces républiques.
3 R. Oui. C'est une obligation constitutionnelle.
4 Q. Est-ce que mon attitude, à ton égard, différait de l'attitude des
5 autres présidents des républiques à l'égard des membres de la présidence
6 originaire de leur république respective ?
7 R. Je ne sais pas quelle était leur attitude. Ce que je peux dire, c'est
8 que notre attitude à nous -- nos relations à nous étaient des relations
9 ordinaires de coopération pour ce qui est des positions de notre
10 république. Il n'y a jamais eu de cas où j'aurais souhaité prendre une
11 position autre que celle de ma république ou la tienne et sans que l'on
12 aboutisse à un accord, donc il n'y a pas eu de cas de cette nature.
13 Q. Donc il n'y a pas eu de cas où je t'aurais imposé une position avec
14 laquelle tu n'aurais pas été d'accord ?
15 R. Non. S'il y avait eu une situation de cette nature, je me serais retiré
16 ou j'aurais été révoqué si j'avais obstinément été buté sur la position qui
17 était juste la mienne.
18 Q. Mais il n'y a pas eu de situation de cette nature ?
19 R. Non. Il n'y en a pas eu.
20 Q. Fort bien. Le commandant suprême des forces armées était la présidence
21 toute entière, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Par conséquent, tu ne pouvais pas procéder à une usure passion de cette
24 fonction-là ?
25 R. Je n'ai pas pu le faire pas, même lorsque j'étais président. Je n'en
Page 29250
1 avais pas le droit. Le président ne pouvait réaliser que les décisions
2 prises par la présidence, mais il ne pouvait pas les modifier et il ne
3 pouvait pas prendre des décisions tout seul.
4 Q. Par voie de conséquences, la Serbie, en passant par toi, ne pouvait pas
5 usurper cette fonction parce que tu ne pouvais pas toi-même le faire,
6 n'est-ce pas ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Bien. Est-il alors tout à fait clair le fait que la position politique
9 de la direction de la Yougoslavie à l'époque et les opinions politiques de
10 la direction de Serbie comprises avaient été celles de sauvegarder la
11 Yougoslavie ?
12 R. De quelle période sommes-nous en train de parler ?
13 Q. A l'époque où tu étais membre et président de la présidence de
14 Yougoslavie.
15 R. La position de la Serbie avait été celle de sauvegarder la Yougoslavie
16 et cela avait été également la position prise par certaines républiques
17 dont j'ai parlé tout à l'heure. La position de la Slovénie et de la
18 Croatie, de façon évidente, avait été celle de procéder à des sécessions
19 parce qu'ils avaient déjà adopté des déclarations ou des décisions portant
20 sur leur indépendance.
21 Q. Bien. Dans le courant de l'interrogatoire principal, tu as dis hier que
22 la position de la Serbie avait été favorable au renforcement des
23 institutions fédérales.
24 R. C'est exact.
25 Q. La position de la Serbie n'avait-elle pas été favorable à la tenue
Page 29251
1 d'élections pluripartites pour le parlement fédéral, et ce suivant un
2 principe pour la chambre des citoyens -- un homme, un vote -- et pour la
3 chambre des républiques, un principe de représentation sur pied d'égalité
4 de toutes les républiques et provinces.
5 R. Oui, mais il n'y a pas eu d'élections pour le parlement fédéral en
6 dépit du fait que le mandat de la composition précédente avait pris fin, et
7 ceci parce que les républiques, qui avaient souhaité le démantèlement de la
8 Yougoslavie, n'ont pas accepté de le faire et elles n'ont pas réalisées la
9 possibilité de procéder aux élections des députés au parlement fédéral.
10 Q. Mais il ne fait pas l'ombre d'un doute le fait que la Serbie avait été
11 favorable à la tenue de ces élections fédérales ?
12 R. Oui, c'est tout à fait exact.
13 Q. Etant donné que nous étions favorables au renforcement des institutions
14 fédérales, serait-il exact de dire que nous étions favorables au fait de ne
15 pas affaiblir la position constitutionnelle de l'armée populaire
16 yougoslave ? Et serait-il exact également de dire que, lorsque la crise
17 s'est approfondie, nous avons estimé que la JNA devait constituer la force
18 armée des peuples qui souhaitaient rester au sein de la Yougoslavie et
19 protéger le territoire où résidaient ces peuples-là ?
20 R. Il y a deux questions dans ce que vous venez de poser. Si j'ai bien
21 compris, la première de questions, c'est celle de savoir si nous, par
22 rapport aux autres, avions été favorables au non affaiblissement du rôle de
23 l'armée populaire yougoslave. Je pense qu'il n'y a pas eu de débat officiel
24 avec les autres républiques à ce sujet-là. Le rôle constitutionnel de
25 l'armée populaire yougoslave, à la différence de bon nombre d'autres états,
Page 29252
1 avait été tout à fait distinct parce que l'armée est censée dans d'autres
2 pays de défendre l'intégrité du pays, donc défendre contre une agression
3 extérieure.
4 Notre armée, elle avait la mission de protéger l'ordre constitutionnel du
5 pays à l'intérieur, et de protéger ce pays à l'égard d'une agression
6 extérieure parce que l'état fédéral n'avait pas sa propre force de police.
7 Il n'y avait que les républiques qui avaient leur force de police. Il n'y a
8 jamais eu de contestation à ce niveau-là, entre les républiques, exception
9 faite du moment où l'armée devait être utilisée pour la protection de
10 l'ordre constitutionnel. Il y a eu des débats à ce moment-là, mais on n'a
11 pas parlé de modification constitutionnelle. On a parlé de raisons
12 constitutionnelles, ce l'utilisation de l'armée pour la protection de
13 l'ordre constitutionnel -- la défense de l'ordre constitutionnel.
14 Maintenant, pour ce qui est de notre position aux termes de laquelle
15 l'armée était censée protéger les peuples et les territoires où résidaient
16 les peuples, souhaitant faire partie à l'avenir encore de la Yougoslavie,
17 c'est une position qui est notoirement connue, qui découle de mes livres et
18 qui découle de la déclaration que j'ai faite ici. Et cela est exact. Nous
19 n'avons pas estimé que l'armée fût censée garder quelqu'un en Yougoslavie
20 par la force, et reverser l'autorité de quelqu'un qui ne voulait pas rester
21 en Yougoslavie. Elle n'avait pas à ne pas respecter les positions des
22 peuples qui ne voulaient pas rester en Yougoslavie, mais nous avons estimé
23 qu'elle devait protéger les peuples qui souhaitaient rester dans la
24 Yougoslavie.
25 Q. N'est-il pas exact de dire que notre position était celle de ne pas
Page 29253
1 faire quoi que ce soit au préjudice des autres peuples yougoslaves ?
2 R. Bien entendu, personne n'aurait déclaré quelque chose de contraire à ce
3 que vous venez de dire.
4 Q. Donc à l'époque où il y a des troubles, des attaques variées à
5 l'encontre de Serbes en Croatie -- donc au moment où la première des crises
6 a commencé, tu en as d'ailleurs parlé hier, en partie, dans ton témoignage.
7 C'est à ce moment-là qu'il y a eu création de certaines formations de
8 volontaires, voire de paramilitaires, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Je voudrais que nous tirions une chose au clair à ce sujet pour le
11 moment. Serait-il exact de dire que seule l'opposition en Serbie, et
12 notamment le mouvement du renouveau serbe de Vuk Draskovic, à l'époque qui
13 avait exigé la création d'une armée serbe, et qui s'était employé contre la
14 JNA pour faire en sorte que des unités paramilitaires soient créées ?
15 R. C'est exact. A mon avis, cela avait été davantage placé au service du
16 renversement de notre pouvoir à nous, et de la prise du pouvoir par
17 l'opposition, plutôt que service de préparatifs pour la guerre contre les
18 autres, parce que leur préoccupation première était de faire plaisir au
19 peuple et de venir au pouvoir.
20 Q. Donc, quand ils disaient qu'ils s'occupaient prétendument des intérêts
21 serbes, c'était une excuse.
22 R. Je pense que --
23 Q. -- alors que leur vrai désir était de prendre le pouvoir, n'est-ce pas
24 ?
25 R. C'est ce que je pense, oui.
Page 29254
1 Q. J'ai l'impression qu'avoir cet avis est assez compréhensible et
2 justifiable. J'aimerais maintenant te renvoyer à la page 360, de ton
3 journal personnel, que j'ai reçu de la partie adverse. 00158251, c'est le
4 numéro ERN de la page, et la date qui figure sur ce texte, c'est celle du
5 10 juillet 1991. Quant au titre, il se lit comme suit : "Accord entre Mesic
6 et Vuk Draskovic." J'aimerais seulement que nous établissions avec
7 certitude ce qui est écrit ici.
8 C'est ton journal personnel. Je cite : "Veljko Kadijevic m'appelle. Il me
9 fait savoir qu'il a regardé l'entretien entre Vuk Draskovic et Stjepan
10 Mesic. Il ont confirmé les objectifs politiques communs pour lesquels ils
11 allaient se battre : démolition de la JNA et de la direction de la Serbie."
12 Par quels moyens ? Par une propagande anti-JNA, par sa destruction et sa
13 liquidation. "Ainsi les habitants serbes resteront sans protection en
14 Croatie. Les Croates menaceront, et cela créera l'agression en appelant les
15 troupes étrangères à pénétrer dans la région avec l'aide des autorités. Et
16 de cette façon, les autorités légales serbes seront renversées. Selon les
17 rumeurs, Vuk Draskovic bénéficie de certains appuis --" et, entre
18 parenthèses, tu as écrit "Le Parti démocratique." -- "et l'appréciation de
19 Veljko, c'est que ce sigle reviendrait à sacrifier la nation serbe de
20 Croatie et la nation serbe hors de Serbie de façon générale. C'est le prix
21 à payer pour l'accord avec Mesic. Les conséquences sont déjà ressenties
22 actuellement parce que Belgrade, dans les unités de la première région
23 militaire, a envoyé des soldats qui ne répondent plus aux ordres, et qui
24 disent qu'ils n'obéiront pas aux ordres de renverser les autorités serbes,
25 le 9 mars. Il demande instamment une réaction politique." Et puis c'est
Page 29255
1 tout, voilà ce qui est écrit mot pour mot sous cet intitulé "en date du 10
2 juillet, accord entre Mesic et Vuk Draskovic", dans ton journal personnel.
3 Est-ce que cela confirme que l'objectif principal n'était pas de défendre
4 les intérêts serbes, mais de faire des efforts pour recourir à des
5 manipulations de ce genre et à des violences de ce genre, pour renverser le
6 pouvoir et l'autorité en Serbie ?
7 R. Et bien, cette note confirme simplement que cela que Veljko Kadijevic
8 m'a dit. Maintenant, les interprétations, chacun est libre de faire celles
9 qu'il veut. Je n'ai rien à dire contre l'interprétation que tu viens de
10 faire.
11 Q. Et bien, j'aimerais maintenant faire référence au 15 octobre 1990, un
12 autre extrait du journal personnel que tu as rédigé. C'était donc à un
13 moment où je présidais la république et le Parti socialiste, parti au
14 pouvoir qui avait un rôle majoritaire au parlement, n'est-ce pas ? Et le 15
15 octobre 1990, c'est-à-dire, deux mois à peu près avant les élections, c'est
16 bien cela, n'est-ce pas ? Et il est dit ici dans le journal, en page 207,
17 de la version que j'ai -- numéro ERN 157868, en date du 15 octobre, que Vuk
18 Draskovic parle avec l'ambassadeur américain Zimmerman.
19 "Il demande le soutien américain pour la campagne électorale de deux façons
20 : Ne pas attaquer Milosevic pour la répression au Kosovo parce que cela ne
21 ferait qu'augmenter sa popularité, mais l'attaquer pour son bolchevisme
22 parce que c'est cela que le peuple serbe n'aime pas.
23 Et puis enfin, il conviendrait qu'ils aident à la réhabilitation de Draza
24 Mihajlovic…"
25 Par conséquent, il est de notoriété publique que cette coopération pour
Page 29256
1 renverser les autorités de Belgrade était en cours avec l'ambassadeur
2 américain Zimmerman qui a participé selon ce qui vient d'être indiqué et
3 selon les conventions établies avec Vuk Draskovic. C'est le mouvement de
4 résistance serbe, n'est-ce pas ?
5 R. Cette information dans le livre est fiable. Maintenant, est-ce qu'on
6 peut en tirer la conclusion générale qui conduit à d'autres informations,
7 ça il faut le vérifier peut-être d'un peu plus près sur la base de tout le
8 reste.
9 Q. Fort bien. Est-ce que tu parlais des formations paramilitaires déjà à
10 l'époque ? Est-ce que tu parlais des renseignements relatifs à l'armée et
11 aux explications qui étaient données quant au fait qu'elle serait
12 indisciplinée que les soldats n'étaient -- refusaient la discipline,
13 n'étaient pas suffisamment maîtrisés par leur encadrement, qu'ils posaient
14 des problèmes, est-il clair que le mouvement de la reconstruction serbe et
15 le mouvement du renouveau serbe ont organisé des formations paramilitaires
16 et que le Parti socialiste n'a jamais organisé une quelconque formation de
17 cette nature ? Ceci est-il exact ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Donc la direction de l'époque avait un objectif, je parle de nous qui
20 étions à la direction, et ce n'était pas simplement notre objectif au
21 niveau de la république, mais au niveau de la Yougoslavie toute entière, à
22 savoir conserver l'unité de la Yougoslavie. Cette démarche à l'époque, est-
23 ce qu'elle était, si tu me permets d'utiliser cette expression, partagée
24 par la communauté internationale ? C'est-à-dire par des pays à l'étranger
25 parce que toute sorte de déclarations ont été faites depuis quant à l'appui
Page 29257
1 donné par la communauté internationale à l'intégrité, à l'idée que la
2 Yougoslavie devait continuer à jouir de son intégrité territoriale. Tu te
3 souviens de cela ?
4 R. Et bien sûr, mais une évolution a eu lieu dans les positions des
5 grandes puissances ou en tout cas des pays européens à cet égard. Au départ
6 il y avait l'accord d'Helsinki qui a été respecté, à savoir que les
7 frontières extérieures étaient inviolables et toute tentative pour les
8 détruire devait être réglée politiquement en Yougoslavie comme ailleurs.
9 Mais par la suite, certains se sont écartés de ce principe petit à petit,
10 et on a commencé à entendre certains dire que les frontières intérieures
11 étaient celles que la communauté internationale souhaitait défendre et
12 protéger, ce qui a conduit à la Yougoslavie qui a eu lieu à la catastrophe
13 qui a eu lieu en Yougoslavie. Il n'y avait pas de gens qui appuyaient
14 l'idée d'une Yougoslavie unie jusqu'au moment où la Troika européenne, à
15 savoir les trois ministres des Affaires étrangères qui se sont rendus en
16 Yougoslavie ont changé d'avis à cette époque. Le ministre des Affaires
17 étrangères luxembourgeois conduisait la délégation, et ils ont dit très
18 clairement qu'ils étaient favorables à l'unité yougoslave et qu'ils ne
19 tenaient pas à avoir des entretiens avec quelques représentants qui
20 souhaitaient la sécession, et cetera. Mais au fur et à mesure que le temps
21 s'est écoulé, les avis ont changé, ont évolué et cela a conduit à
22 différentes transformations.
23 Q. Mais parlons plus en détail de l'arrivée de Mesic à la présidence. J'ai
24 eu la possibilité de le voir ici. Il était assis sur la chaise que tu
25 occupes aujourd'hui, et tirons un point particulier au clair.
Page 29258
1 Est-il exact que lorsque il a été question qu'il arrive à la présidence un
2 problème s'est posé, à savoir que les membres de la présidence souhaitaient
3 s'en tenir au serment qu'ils avaient fait de défendre la souveraineté
4 l'intégrité territoriale du pays, alors que Mesic, avant le moment où il
5 était censé arriver à la présidence yougoslave, avait fait une déclaration
6 publique en disant qu'il avait pour objectif de démanteler la Yougoslavie
7 et d'être donc le dernier président yougoslave, n'est-ce pas ?
8 R. Oui. C'était un problème politique grave, et cela a créé de grandes
9 difficultés pour les membres de la présidence. Nous ne savions pas
10 exactement comment coopérer, comment collaborer avec un homme qui déclarait
11 en public son intention de démanteler la Yougoslavie, alors que nous
12 étions, nous avions prononcé un serment officiel conformément à ce que
13 prévoyait la constitution yougoslave de faire tout ce qui était en notre
14 pouvoir pour empêcher toute destruction de la Yougoslavie. C'était donc la
15 principale raison pour laquelle il n'a pas été élu au poste de président.
16 Q. Donc cet affrontement si on peut l'appeler ainsi a été provoqué par lui
17 en fait, mais pas par quiconque qui aurait refusé de l'élire.
18 R. En effet. Nous avons dit lors de la séance de la présidence que
19 personne n'était en droit de remettre en cause la représentation croate au
20 sein de la présidence, et donc la capacité de cette représentation à entrer
21 à la présidence. Nous ne refusions ce droit à personne car les règles de
22 procédure à la présidence prévoyaient que les choses devaient se passer
23 ainsi. Cependant, les membres de la présidence ont rejeté la déclaration de
24 Mesic et ont dit estimer que ce problème pouvait être résolu si la Croatie
25 envoyait un autre représentant qui pourrait alors être immédiatement élu au
Page 29259
1 poste de président. Bien entendu, la Croatie n'a pas donné son accord à
2 cela et le problème s'est intensifié, s'est aggravé.
3 Q. Fort bien. Mais maintenant parlons de l'illégalité du travail de la
4 présidence tronquée de Yougoslavie en l'absence de Mesic. Puisque c'est le
5 terme qui est utilisé ici. Donc un peu plus tard ces représentants ne sont
6 plus venus aux séances de la présidence.
7 Est-il exact que Bogicevic participait aux séances, donc il y avait six
8 membres de la présidence, à l'exclusion de Mesic et de Drnovsek, pendant un
9 certain temps, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact jusqu'à la fin d'octobre. Il y a des procès verbaux des
11 séances de la présidence. Pour autant que je me souvienne, la dernière
12 séance de la présidence tronquée avec Bogicevic et Tupurkovski, donc il y
13 avait six membres de la présidence présents, ce qui suffisait pour prendre
14 des décisions. Les décisions étaient légales à partir du moment où le
15 quorum était atteint. Je ne me souviens plus exactement ce qu'il en était
16 en 1991, mais lors de cette séance-là, une décision a été prise selon
17 laquelle la présidence allait commencer à fonctionner dans une situation
18 d'imminence de danger de guerre. Donc l'imminence du danger de guerre a été
19 proclamée, et selon les règles de procédure applicables par la présidence
20 dans ces conditions et selon la constitution également, tous les membres de
21 la présidence n'avaient plus besoin d'être présents pour que des décisions
22 puissent être prises de façon tout à fait valable.
23 Donc la présidence dès le départ a fonctionné comme présidence tronquée.
24 Drnovsek et Mesic ont cessé de venir les premiers, plus tard Tupurkovski a
25 cessé de venir également, Bogicevic aussi, mais la présidence elle pouvait
Page 29260
1 continuer à opérer, à fonctionner.
2 Q. Fort bien. C'est une question très importante donc j'aimerais que nous
3 la traitions avec le plus grand soin. Il n'est pas contesté, n'est-ce pas,
4 que six membres de la présidence constituent un quorum suffisant pour
5 prendre des décisions valables par la présidence dans des conditions
6 normales, y compris la décision de décréter l'imminence du danger de guerre
7 et de fonctionner dans cette nouvelle situation ?
8 R. Oui, aucune décision n'exigeait la présence de six membres de la
9 présidence pour pouvoir être valable.
10 Q. Fort bien. Dans ces conditions, lorsqu'une décision était prise dans le
11 respect de la constitution, le travail de la présidence se poursuivait avec
12 le nombre de membres de la présidence qui pouvait assister aux séances, et
13 les décisions prises étaient valables, elles pouvaient être appliquées ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Est-il exact que la décision de travailler avec un nombre de membres de
16 la présidence rendant le travail possible a été approuvée par Tupurkovski
17 et Bogicevic et a donc été valable pendant toute la période où a fonctionné
18 la présidence dans cette composition ?
19 R. Oui, ceci figure au procès verbal de la séance. Il y a donc un texte et
20 une sténotypie qui le prouve. Personne n'a voté contre; tout le monde a
21 voté pour.
22 Q. Fort bien. La présidence yougoslave, à un certain moment sur la base
23 d'une décision de la présidence, une décision totalement valable, donc avec
24 le quorum requis qui était présent, à savoir six représentants, donc cette
25 présidence a commencé à travailler dans une nouvelle situation qui était la
Page 29261
1 situation d'imminence de menace de danger de guerre, et ceci était tout à
2 fait légal et possible. Selon les règles de Procédure, des décisions
3 pouvaient être prises dans ces conditions qui étaient tout à fait valables.
4 R. Oui, je l'ai déjà dit.
5 Q. Donc le 1er octobre 1991, Kostic réunit la présidence et Bogicevic,
6 Tupurkovski, Jovic sont présents. Tout le monde à l'exception de Drnovsek
7 et Mesic, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Et dans les articles de presse du premier octobre 1991, la présidence
10 déclare que : "Le Conseil exécutif fédéral ne fonctionne pas, que les
11 organes fédéraux ne fonctionnent pas et que, par conséquent, la présidence
12 a décidé d'étendre ses séances dans des conditions spéciales. Les
13 représentants des républiques et du gouvernement fédéral seront présents."
14 N'est-ce pas ?
15 R. C'est probablement exact. Je ne me souviens pas littéralement du texte.
16 Q. Et puis le lendemain, le 2 octobre, une séance de la présidence est
17 convoquée et les questions de sécurité de l'état sont censées y être
18 discutées.
19 R. C'est très probable.
20 Q. Et à la séance du 3 octobre -- j'ai les informations ici sous les yeux.
21 Donc je te demande de corroborer cela car c'est tout à fait capital pour
22 expliquer la façon dont la présidence yougoslave fonctionnait à l'époque.
23 Donc à la séance du 3 octobre, la présidence déclare que la Yougoslavie est
24 désormais confrontée à l'éminence du danger de guerre et qu'à partir de ce
25 moment-là elle fonctionne dans cette nouvelle situation compte tenu des
Page 29262
1 décisions qui ont été prises par elle-même antérieurement, n'est-ce pas ?
2 R. Oui. Je me souviens que c'était le 3 ou le 4, je ne me souviens pas
3 exactement de la séance en question, mais je sais qu'il y avait eu un
4 certain nombre de questions débattues antérieurement, et c'est probablement
5 de cette façon que les choses se sont passées de toute façon. On peut
6 vérifier, mais je ne me souviens pas littéralement ce qui a été écrit dans
7 les procès verbaux à l'époque.
8 Q. Donc cette décision reposait sur l'application tout à fait normale des
9 règles de Procédures régissant le travail de la présidence, et reposait
10 également sur la constitution, et ceci en présence de six membres de la
11 présidence, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Puisque tu dis ici qu'après, que par la suite, un bloc serbe a été créé
14 au sein de la présidence, est-il exact que les dissensions qui sont
15 apparues au sein de la présidence étaient dues à des divergences politiques
16 s'agissant de l'avenir de la Yougoslavie, et n'étaient dues en aucun cas à
17 une quelconque pression personnelle exercée par quiconque, y compris par
18 moi ?
19 R. Effectivement, il est permis de dire cela parce qu'il n'y avait pas de
20 division reposant sur des sympathies personnelles ou autres, mais sur des
21 divergences politiques.
22 Q. Et le Monténégro et la Serbie avaient pour position politique de dire
23 qu'elles étaient opposées au démantèlement de la Yougoslavie, n'est-ce pas
24 ?
25 R. Au début toutes les républiques ont été opposées au démantèlement
Page 29263
1 jusqu'au moment où la Slovénie et la Croatie ont commencé à discuter,
2 négocier avec la communauté internationale et que cela a créé des
3 hésitations, la communauté internationale disant accepter certaines
4 éventualités, à partir notamment de la première conférence de La Haye et
5 toutes les républiques à ce moment-là étaient censées aux yeux de la
6 communauté internationale pouvoir acquérir leur indépendance. Certaines
7 républiques ont pris la décision d'aller dans ce sens. Mais au départ,
8 toutes les républiques sauf peut-être la Slovénie et la Croatie étaient
9 favorables au maintien de la Yougoslavie.
10 Q. Fort bien. Est-ce que tu te souviens de la séance de la présidence
11 RSFY, je veux dire les 7 et 8 mai 1991 ?
12 R. Oui, bien sûr je m'en souviens.
13 Q. Selon les notes que j'ai sous les yeux, la durée deux jours entiers,
14 vous avez convoqué tous les représentants des républiques à cette séance.
15 Si les informations que j'ai sous les yeux sont exactes, tous les membres
16 de la présidence de la RSFY étaient présents, donc il n'y avait pas
17 d'exception. Le président du Conseil exécutif fédéral était présent
18 également, comme les présidents de la république de Macédoine et de Serbie,
19 Gligorov et moi. Donc étions présents ainsi que les présidents de la
20 présidence de la république de Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de
21 Slovénie. Et pour qu'il n'y ait pas erreur ici, dans un cas on parle de
22 présidents, dans d'autres de présidents, de présidences, mais enfin les
23 présidents de la Macédoine, de la Serbie, de la Bosnie, de la Serbie, de la
24 Slovénie étaient présents, n'est-ce pas, ainsi que le Premier ministre de
25 Croatie, donc les plus hauts dignitaires de tous le pays étaient présents,
Page 29264
1 n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Quant au président, seul le président de Croatie était absent, mais son
4 Premier ministre l'a remplacé ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-il exact qu'à ce moment-là des décisions très importantes ont été
7 prises au sujet des rapports interethniques, c'est-à-dire sur la façon dont
8 il convenait de régler ces affrontements qui avaient déjà surgi dans les
9 relations entre diverses nationalités ?
10 R. Oui. C'était une réunion très importante avec la présence de tous les
11 présidents des républiques et pour la première fois chacun s'est mis
12 d'accord sur l'origine des affrontements qui avaient surgi en Croatie entre
13 les unités paramilitaires croates et la population serbe.
14 Donc un accord a été obtenu, a été atteint sur les raisons de la situation.
15 Et il a été décidé que les représentants du pouvoir croate et les
16 représentants de la population serbe vivant en Croatie devaient se réunir
17 autour d'une table et traiter de tous les problèmes un par un pour les
18 supprimer, les régler un par un. Donc c'était une séance très importante.
19 Et à mon avis, elle avait même une importance que l'on peut qualifier
20 d'historique étant donné que c'était la dernière tentative faite pour
21 réunir toutes les républiques, y compris la Croatie, et obtenir un accord
22 entre elles sur les causes des affrontements et la façon de les régler.
23 Q. Ce que je vois ici sur le texte que j'ai sous les yeux c'est quelque
24 chose que j'aimerais commenter avec toi. Paragraphe 5 du procès verbal de
25 cette séance, je lis qu'un groupe paritaire devrait être créé immédiatement
Page 29265
1 auquel tu participerais ainsi que les représentants du pouvoir croate et
2 les représentants légitimes de la population serbe vivant en Croatie afin
3 de démarrer des pourparlers sur toutes les questions politiques en
4 discussion qui peuvent être considérées comme la cause de la crise. Puis
5 ensuite il y a une énumération où il est question d'égalité
6 constitutionnelle entre les peuples serbes et croates. Il est question de
7 l'utilisation des alphabets, de la langue, des symboles et emblèmes
8 nationaux, du droit du peuple à l'autodétermination y compris le droit à la
9 sécession. Et du droit des nations à l'autodétermination, je le répète, y
10 compris le droit à la sécession, et puis ensuite, il est question après
11 règlement de toutes ces questions de l'organisation d'un référendum, et
12 cetera, et cetera.
13 R. Oui.
14 Q. Donc est-ce que cette énumération était contestée en Croatie ? Est-ce
15 que la conclusion de toute la direction, de tous les dignitaires du pays au
16 plus haut niveau des républiques était qu'il fallait résoudre ces
17 divergences entre les représentants légitimes du peuple serbe et du
18 gouvernement croate en Croatie, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Nous pensions que c'était une affaire interne à la Croatie et que
20 le règlement de ses problèmes pouvait permettre aux conflits à
21 l'affrontement en question de ne pas s'aggraver.
22 Q. Mais est-il incontesté que chacun lors de cette séance a décidé que les
23 problèmes qui avaient provoqués les affrontements en Croatie devaient être
24 discutés, que tous les obstacles devaient être levés de façon pacifique et
25 que tout cela avait une cause fondamentale qui était en fait la violation
Page 29266
1 des droits du peuple serbe, n'est-ce pas ?
2 R. Ceci est absolument incontesté. M. Mesic, membre de la présidence de
3 Croatie et Premier ministre de Croatie à l'époque qui représentait la
4 Croatie n'a pas contesté cela. Les décisions ont été adoptées à
5 l'unanimité.
6 Q. Mais si tout s'était fait de cette façon il n'y aurait pas eu
7 d'affrontements, pas de conflits, n'est-ce pas ?
8 R. Et bien c'est le problème. Face aux faits, il est difficile de nier
9 l'existence de la réalité parce que toutes les autres républiques, tous les
10 autres membres de la présidence avaient déclaré que les choses se
11 passeraient ainsi. Mais, immédiatement après, les choses qui avaient été
12 dites ont été oubliées. Dans la réalité, aucune discussion n'a commencé
13 avec les représentants du peuple serbe en Croatie. La situation a continué
14 à se développer comme elle avait évoluée avant.
15 Q. Mais est-ce que ce qui s'était interrompu c'est les efforts à la
16 sécession par la violence ?
17 R. Et bien, fondamentalement la cause du conflit s'était la décision de la
18 Croatie de faire sécession par rapport à la Yougoslavie, et puis ensuite la
19 décision en réaction du peuple serbe dans le cas où la Croatie faisait
20 sécession de se séparer de la Croatie. Ça, ça était la dernière goutte
21 d'eau, si je puis utiliser cette expression. Aussi longtemps que les droits
22 du peuple serbe étaient remis en cause, le peuple serbe se sentait mal et
23 n'était pas d'accord avec les Croates. Il y a eu des discussions, des
24 débats animés mais pas d'affrontements directs sur ces questions pendant un
25 certain temps. Mais le problème le plus grave et le plus difficile à régler
Page 29267
1 c'était la volonté de sécession.
2 Q. Mais qu'en est-il des Serbes de Croatie à l'époque ? Est-ce qu'ils
3 subissaient des pressions, celles dont M. Nice t'as parlé dans les
4 questions qu'il t'as posées, je pense, en rapport avec le paragraphe 10 de
5 ta déclaration préalable où tu dis : "Que la crainte régnait d'un génocide
6 contre les Serbes notamment si ceux-ci devaient devenir une minorité
7 nationale en Croatie," et cetera, et cetera. Donc est-ce qu'il y avait du
8 point de vue historique, du point de vue
9 d'expérience vécue dans la Seconde guerre mondiale, est-ce qu'il n'y avait
10 pas de bonnes raisons pour justifier ces craintes du peuple serbe ? Est-ce
11 que la présidence yougoslave lors de la séance dont on a parlé n'a pas
12 exprimé sa compassion par rapport à ces préoccupations ? Est-ce qu'elle n'a
13 pas dit qu'elle partageait ces préoccupations et ces inquiétudes ?
14 R. Et bien, les Juges peuvent interroger les gens de la région mais je
15 pense que tout cela est absolument indubitable.
16 Q. Est-ce que tu te souviens de l'Assemblée fédérale du 29 mai 1990 où le
17 principe d'autodétermination, y compris le droit à la sécession a été
18 défendu parce que la présidence yougoslave, le 28 mai, avait lancé une
19 initiative à l'assemblée pour que le droit à la sécession soit régularisé
20 légalement, n'est-ce pas, par voie législative ?
21 R. Oui. Nous pensions que ceci serait très bon car certaines républiques
22 souhaitaient se séparer de la Yougoslavie, et donc il fallait que ce droit
23 constitutionnel soit respecté mais qu'il le soit dans le respect de la
24 législation, car là, il y avait des problèmes qui se posaient. Il y avait
25 des problèmes matériels, des problèmes financiers, des problèmes qui
Page 29268
1 pouvaient se poser aux salariés des entreprises qui travaillaient dans une
2 république ou dans une autre. Il y avait des problèmes d'assurance, des
3 problèmes en cas de décès, des problèmes en cas d'héritage avec, y compris,
4 les problèmes au niveau des obligations internationales qui devaient être
5 respectées par les uns et par les autres où qu'ils vivent et tout cela
6 devait être examiné de très près pour qu'en Croatie, les choses se passent
7 de la meilleure façon possible.
8 Nous pensions que si des procédures en bonne et due forme n'étaient pas
9 établies au préalable, le chaos risquait de surgir. Et la Croatie n'a
10 jamais voulu accepter ce point de vue, à mon avis, et je le pense très
11 profondément, elle a refusé cela car elle pensait que si les choses étaient
12 réglementées comme nous le souhaitions, elle-même ne parviendrait pas à ses
13 fins comme elle le souhaitait. Or ce que souhaitait la Croatie, c'était ne
14 pas respecter les droits constitutionnels du peuple serbe et obtenir ce
15 qu'elle recherchait par la violence, c'est-à-dire, pas par des façons
16 légales et constitutionnelles. Et dans cette période, la Croatie s'est
17 d'ailleurs armée en violation de la loi en vigueur dans le pays et en
18 violation des dispositions constitutionnelles et de ce que souhaitaient les
19 autorités.
20 Q. Est-ce que tu te souviens de cette proposition de respecter les droits
21 de l'homme et d'obtenir un règlement pacifique parce que nous tenions
22 beaucoup à cela ? Nous, nous étions développés pendant des années comme un
23 pays civilisé et nous pensions qu'il ne devait pas se poser de problèmes en
24 raison de ce genre de choses.
25 R. Evidemment. Evidemment que dans ce processus de séparation, il fallait
Page 29269
1 que les grands principes en vigueur dans le pays soient respectés, donc
2 nous avions fait des propositions. Mais malheureusement, nos propositions
3 ne pouvaient pas être adoptées sans l'accord de toutes les républiques non
4 plus.
5 Q. Et est-ce qu'il était très clair que nous prônions le maintien de la
6 Yougoslavie et que nous étions en faveur d'un processus juste, civilisé qui
7 respecte le droit de chaque nation à l'autodétermination. Nous croyons
8 qu'aucune force, aucune violence investie pour maintenir quelqu'un dans la
9 Yougoslavie ne pourrait être envisagée et que le démantèlement de la
10 Yougoslavie a commencé par la sécession de la Slovénie et de la Croatie par
11 la force, en dépit de toutes les mesures prises, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. La différence principale qu'il y a entre notre position et la
13 leur, ce n'était pas de savoir s'il pouvait y avoir sécession ou pas de
14 leur part, mais de savoir si cette sécession pouvait se faire de façon
15 régulière et légale assurant le droit de ceux qui restaient et de ceux qui
16 partaient, ou si ceci allait se faire en dehors de la loi, hors la loi par
17 le recours à la force. Et c'était la différence principale et c'est la
18 raison pour laquelle tout s'est passé par la suite sous forme de conflit.
19 Q. Prenons le problème par l'autre bout de la lorgnette, à savoir, comme
20 l'on vu ce problème, les représentants de la communauté internationale,
21 aucun avertissement n'aurait pu dissuader l'Allemagne de reconnaître
22 l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, le 12 décembre 1991,
23 beaucoup d'hommes d'états l'on reconnu cette erreur par la suite.
24 Mitterrand, par exemple, dans un entretien accordé à la télévision le 3
25 septembre 1990 [sic], disait que la communauté internationale était en
Page 29270
1 partie responsable de ce qui s'était passé parce qu'on n'a pas essayé de
2 défendre les normes internationales. Tous, beaucoup ont reconnu qu'il y
3 avait eu reconnaissance hâtive de la Slovénie notamment. Et ici, on a dit
4 que : "l'Europe ne voulait pas défendre les normes légales existantes."
5 C'est ce que ce représentant a dit, et il a ajouté que : "Toutes les
6 républiques avaient été reconnues beaucoup trop vite."
7 R. Je ne veux pas ici faire de commentaires sur ce qu'ont dit les
8 dirigeants du monde. Je parle ici de ce que je sais et de ce que je
9 ressens. Mon sentiment c'était que la communauté internationale ou plutôt
10 certaines instances, institutions internationales ont commis des erreurs
11 qui ont contribué à l'escalade du conflit en ex-Yougoslavie et que tout
12 ceci s'est fait au grand malheur de son peuple, que les choses auraient pu
13 se passer tout à fait différemment si on avait emprunté la voie que nous
14 avions proposé ou une voie similaire qui préconisait le non recours à la
15 force.
16 Q. Après cette reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie
17 et ensuite après la tragédie de ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine,
18 est-ce qu'il n'y a pas eu escalade du conflit ?
19 R. Oui.
20 Q. Puisque tu faisais partie de la présidence pendant tout ce temps,
21 pendant un certain temps en tant que président de la présidence et puis en
22 tant que membre de la même présidence, et ceci jusqu'au milieu de 1992,
23 est-il exact de dire que tous les membres de la présidence qui ont continué
24 à œuvrer au sein de cette présidence, ne nous n'ont pas abandonné,
25 voulaient arrêter les hostilités. Ils voulaient une résolution pacifique du
Page 29271
1 conflit. N'était-ce pas la position de la Serbie et du Monténégro ?
2 R. Tout à fait. Tout à fait. Un objectif primordial, c'était de mettre au
3 terme le plus vite possible, immédiatement aux hostilités pour des raisons
4 bien simples. La première raison c'était qu'elle ne voulait pas qu'il y ait
5 des pertes de vies humaines inutiles puisqu'on pouvait trouver une solution
6 par un accord. La deuxième raison étant que la Serbie a été punie de façon,
7 à mon avis, tout à fait injuste. Elle a fait l'objet de sanctions. Elle lui
8 a été impossible de vivre normalement puisqu'il y avait la guerre en dehors
9 de la Serbie. Or, c'était dans notre intérêt vital de se débarrasser de ces
10 sanctions et de mettre fin à la guerre.
11 Q. Ici, il y a une thèse sur laquelle la Serbie a agressé la Bosnie-
12 Herzégovine. Vu le poste que tu occupais à l'époque à la présidence de la
13 RSFY et vu ton rôle général au niveau politique en Serbie, est-il possible
14 d'expliquer une telle allégation ?
15 R. La JNA se trouvait en Bosnie-Herzégovine, qui faisait partie de son
16 propre état, en tant que partie de la Yougoslavie, c'était une couverture
17 nationale, géographique naturelle pour la JNA puisque c'était son
18 territoire. Et ceci jusqu'au moment où il y a eu reconnaissance
19 internationale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'état séparé. Et là, nous
20 avons adopté une décision de faire se retirer la JNA de la Bosnie-
21 Herzégovine. Il y a eu décision prise afin d'assurer la démobilisation et
22 le retrait de tous les citoyens de Serbie et Monténégro.
23 Pendant que la Bosnie-Herzégovine a été partie de la Yougoslavie, ce
24 n'aurait pu être une agression puisque l'armée était sur son propre
25 territoire. Elle a dû se défendre de temps à autre. Elle a dû mener des
Page 29272
1 attaques de temps à autre mais c'était quelque chose de tout à fait
2 périphérique. Il n'y a pas eu de guerre menée par l'armée. Elle avait une
3 simple présence sur le terrain. Et après cela, la JNA n'a plus été en
4 Bosnie-Herzégovine, tout du moins pendant la durée de mes fonctions à la
5 présidence de la Yougoslavie, et je crois ce fût le cas après aussi.
6 Voilà pour ce qui est de la JNA, je le sais et je peux en parler.
7 Q. Est-il exact de dire que l'armée a été d'orientation yougoslave ? Est-
8 il vrai de dire que les forces armées se composaient de forces armées
9 représentant toutes les minorités, toutes les nations de la Yougoslavie ?
10 R. Mais, bien sûr, que ce soit au niveau des chefs de l'armée, mais aussi
11 au niveau des unités, les effectifs étaient mixtes. C'était là la politique
12 qui avait été retenue. Toutes les unités devaient être mixtes s'agissant de
13 leur composition, et c'était pour le commandement aussi. Dès le départ, ce
14 fût vraiment une armée véritablement yougoslave.
15 Ce processus a commencé à être sapé à sa base lorsqu'il y a départ de la
16 Slovénie et de la Croatie, de la Yougoslavie et, même avant que la Croatie
17 et la Slovénie soient reconnues, il y a eu abandon de membres de la Croatie
18 et de la Slovénie, de l'armée yougoslave sous l'influence de la situation
19 politique qui sévissait dans ces républiques. Il n'en demeure pas moins que
20 l'armée est restée yougoslave car toutes les nations y étaient
21 représentées.
22 Q. Tirons au clair cette question du contrôle et du commandement. Tu es
23 sans nul doute tout à fait qualifié pour en parler ici de nombreuses
24 allégations qui ont été formulées, et j'aimerais tirer tout à fait au clair
25 certaines choses.
Page 29273
1 Est-il vrai de dire que, s'agissant de ses compétences en matière de
2 commandement et de contrôle pour ce qui est des forces armées de la RSFY,
3 les présidents des républiques n'avaient aucune de ces compétences, n'est-
4 ce pas ?
5 R. C'est exact. Ils avaient pour seule possibilité par le truchement des
6 membres qu'ils représentaient à la présidence où, par leur participation
7 directe aux réunions de la présidence, ils étaient invités pour exprimer
8 leur avis. Ils pouvaient exprimer leur avis et essayer d'exprimer une
9 influence; cependant, ils n'avaient aucun droit de vote. Ils n'avaient non
10 plus de prendre dans ce domaine des décisions indépendantes.
11 Q. C'était bien la situation de jure, n'est-ce pas ? Ce n'est pas
12 contesté ?
13 Je te demande maintenant ceci. Il est souvent affirmé ici que moi, j'étais
14 en mesure de commander les forces armées à travers toi, à travers d'autres
15 membres de la présidence ou d'autre façon. Est-ce que c'était vrai ? Est-ce
16 que je pouvais commander l'armée yougoslave, la JNA ? Est-ce que je pouvais
17 donner des ordres à Kadijevic qui a été ministre de la Défense pendant
18 toute l'année 1991 ?
19 R. Pour ce qui est des décisions prises par la présidence de Yougoslavie,
20 ces décisions ne peuvent être prises que par des membres de la présidence.
21 Et je le répète, c'étaient des décisions contraignantes pour les dirigeants
22 militaires, pour le Grand état major, ainsi que le ministre de la Défense.
23 La mise en œuvre de ces décisions sur le terrain ne relevait pas de la
24 compétence de la présidence, mais relevait du mandat confié à l'état major
25 principal, au Grand état major.
Page 29274
1 Alors si quelqu'un -- la question est de savoir si quelqu'un faisait des
2 suggestions à l'armée, et que Milosevic aurait été une de ces personnes. Ça
3 je ne le sais pas. On aurait dû demander à ces personnes si de telles
4 suggestions leur avaient été faites, mais il était impossible qu'ils
5 auraient reçu des ordres car ces compétences n'étaient pas les siennes. Ça,
6 ça ne fait pas l'ombre d'un doute.
7 Quant à savoir s'il a formulé des suggestions et si elles ont été suivies
8 des faits, je ne sais pas. Cette question-là, il faut la poser à ces
9 hommes-là. Mais, en vertu de la constitution, il n'avait pas le droit de
10 recevoir le moindre ordre de qui que ce soit, pas même d'un membre de la
11 présidence, ni du président de la présidence, à l'exception des décisions
12 prises par la totalité des membres de la présidence, décisions qu'il devait
13 appliquer et dont il devait faire rapport à la présidence.
14 Q. Fort bien. Avançons pour passer à un sujet tout à fait différent. Ici il
15 s'agit d'une allégation tout à fait inverse. J'essaie de balayer tout ceci.
16 Est-ce qu'il t'est arrivé de savoir ou d'apprendre que j'aurais voulu
17 constituer une espèce d'armée serbe ?
18 R. Je savais que tu étais opposé à une telle idée.
19 Q. Merci.
20 R. Notre concept et notre préoccupation n'ont jamais cessé d'être ceux des
21 Serbes en dehors de la Serbie. Nous n'avions pas la crainte de voir la
22 Serbie attaquée. Notre problème, c'était de savoir comment, de façon
23 politiquement satisfaisante, nous pouvions régler le problème que
24 rencontraient les Serbes en dehors de la Serbie, et pour que ce soit
25 possible, il fallait assurer la protection de ces Serbes, leur permettre de
Page 29275
1 rester là où ils étaient en liberté, jusqu'à ce qu'une solution politique
2 soit trouvée. Et ceci aurait pu être fait par la JNA tant qu'elle existait.
3 Si on avait eu une armée serbe, ça n'aurait pas été possible parce que cela
4 aurait signifié qu'on outrepassait -- ou qu'on dépassait des frontières de
5 notre république. Ceci aurait été inacceptable au plan international. Il
6 était donc logique que ceci n'aurait pas été notre idée. Ceux qui étaient
7 partisans de la création d'une armée serbe, à mon avis, c'étaient
8 simplement des gens qui voulaient tirer un avantage personnel politique de
9 tout ceci. Ils voulaient démanteler l'armée yougoslave ou renverser les
10 autorités serbes.
11 Q. Est-il vrai de dire qu'en 1987, il y a eu restructuration de l'armée,
12 de façon à ce qu'il y ait réduction des effectifs, donc réduction
13 numérique, et que les régions militaires ne coïncidaient plus avec les
14 territoires des républiques ?
15 R. Je ne sais pas à quel moment ça s'est passé. En effet, moi je ne
16 m'occupais pas à l'époque de choses militaires; cependant, je sais que,
17 lorsque je suis devenu -- ou que j'occupais ma fonction à la présidence de
18 la Yougoslavie, c'était vrai. Les régions militaires ne coïncidaient pas
19 avec les frontières des républiques; au contraire, elles étaient
20 constituées ces régions, de façon différente.
21 Q. Est-il vrai de dire que je n'ai pas assisté à la moindre réunion du
22 commandement suprême, que ce soit en 1990 ou en 1991. Alors que toi, tu
23 étais à la présidence ?
24 R. Les réunions du commandement suprême des forces armées n'avaient pour
25 participants que les membres de la présidence et le haut état major. Jamais
Page 29276
1 un seul représentant des républiques n'y a été convié. Ils n'ont pas
2 participé pas plus que toi.
3 Q. Il y a un instant, vers la fin de l'interrogatoire principal, tu as
4 expliqué que je n'étais pas partie prenante aux décisions, notamment, la
5 décision portant sur la diminution du nombre des officiers sur la mise à la
6 retraite de généraux. Et d'après ce que j'ai entendu et d'après ce qu'on
7 m'a rappelé, lorsque j'ai entendu les explications que tu as données, même
8 en ta présence, on ne m'a pas demandé ce qu'on aurait dû me demander, pas
9 en tant que président de Serbie, mais en tant que quelqu'un remplaçant un
10 membre de la présidence. En ton absence, on ne m'a pas posé une question à
11 propos de la mise à la retraite de généraux, et même du ministre de la
12 Défense de Serbie, au moment où il a été remplacé.
13 R. Dans cette première vague de mise à la retraite de généraux, nous
14 n'avons pas consulté les présidents des républiques. Ceci a été proposé par
15 l'armée. Nous avons analysé cette proposition puis il y a une deuxième
16 vague. J'ai expliqué comment ça s'est passé de manière que je n'ai pas
17 approuvée. Je persiste à croire qu'il était erroné. Enfin, je ne dirais
18 peut-être pas erroné, mais quelque part, inéquitable d'agir de la sorte à
19 l'égard de personnes qui avaient passé autant de temps dans l'armée. Comme
20 ça, les rayés -- les radiés d'une liste sans la moindre raison, sans raison
21 justifiée, c'était là quelque chose qu'il ne fallait pas faire et tu aurais
22 dû être consulté parce que tu me remplaçais, en mon absence.
23 Q. Fort bien. Puisque je n'étais pas consulté, même alors que je te
24 remplaçais, alors que j'aurais dû être consulté. Est-ce que la conclusion
25 logique et claire ? N'est pas qu'ils ne m'ont jamais consulté sur d'autres
Page 29277
1 dossiers lorsque je ne te remplaçais pas ?
2 R. Je crois que je l'ai déjà dit. Nous n'avons consulté personne. En
3 d'autres termes, toi non plus, tu n'as pas été consulté que ce soit pour la
4 première vague des mises à la retraite, et pour la deuxième non plus.
5 Q. Est-il vrai de dire que, dès le mois de novembre 1991, de facto et de
6 jure, la JNA était toujours considérée comme étant l'armée de la RSFY, que
7 ce n'était aucunement une armée serbe ? Ses effectifs n'étaient pas tous
8 Serbes. En dépit du fait que bon nombre de Slovènes, de Croates étaient
9 partis -- avaient quitté ses rangs, que les Musulmans avaient reçu pour
10 instruction de ne pas répondre à l'appel sous les drapeaux, en dépit d'une
11 grosse campagne menée contre l'armée par certains partis d'opposition, elle
12 demeurait l'armée de la RSFY, n'est-ce pas ?
13 R. Tout à fait. L'exemple le plus parlant c'est celui-ci que le ministre
14 de la Défense est de Croate et le chef d'état major était de Bosnie et
15 l'adjoint au ministre des Armées était de Slovénie. Cela veut dire que
16 toute la composition de l'armée demeurait mixte pour autant que certains ne
17 quittent pas l'armée.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une pause.
19 M. NICE : [interprétation] Nous avons l'Article 324 de la constitution qui
20 se trouve être à la pièce 131. J'en ai une copie pour vous, Monsieur le
21 Juge Kwon.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire la pause.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
Page 29278
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez l'intention de travailler jusqu'à
2 quelle heure ?
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A 14 heures 15. Excusez-moi, 14 heures,
4 je me trompe.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. J'ai un renseignement ici, est-il exact ? Est-il vrai qu'en octobre
8 1991, 27 % des hauts cadres de la JNA n'étaient ni Serbes, ni Monténégrins,
9 ni ceux qui se seraient déclarés yougoslaves au plan ethnique ?
10 R. Impossible de confirmer ou d'infirmer ces chiffres. En effet, je n'ai
11 pas ces informations sous la main; cependant, je pense que ces chiffres
12 sont sans doute vrais.
13 Q. Exact. Est-il vrai de dire que, dès le mois d'avril 1992, dans la JNA,
14 il y avait environ 600 soldats croates, même s'il y avait reconnaissance
15 internationale de la Croatie en tant qu'état en janvier 1992, donc il n'y
16 avait pas encore séparation complète ?
17 R. Même réponse que la précédente.
18 Q. Est-il vrai de dire que, dans les forces aériennes, quelque 52 % des
19 officiers n'étaient pas des Serbes, ni des Monténégrins pas plus que des
20 Yougoslaves ?
21 R. C'est bien connu.
22 Q. Et pour ce qui est du rôle de la JNA en Croatie -- vous connaissez la
23 situation puisque vous étiez membre de la présidence de la RSFY -- est-il
24 vrai que la JNA a essayé de se protéger -- de se défendre, mais aussi s'est
25 efforcé d'empêcher que des conflits n'éclatent et s'est toujours
Page 29279
1 interposée ? Elle n'a protégé les Serbes que lorsqu'ils étaient attaqués.
2 Est-il exact que la JNA ne s'est pas livrée à d'autres activités ?
3 R. Voici comment les choses se sont passées. Tout comme se fut le cas dans
4 d'autres régions de Yougoslavie, il y a eu déploiement de l'armée en
5 Croatie en application des plans stratégiques existants à l'époque au Grand
6 état major pour ce qui est de la défense du pays. Il y a donc eu
7 déploiement dans des casernes et garnisons dans différentes parties de la
8 Croatie. Sans recevoir de missions militaires particulières quelconque,
9 l'armée s'est trouvée dans les casernes ou dans des camps d'exercice où
10 elle subissait des formations.
11 Mais, finalement, le sort de l'armée est double après. Là où elle
12 bénéficiait de l'appui des Serbes majoritaire, personne n'a attaqué les
13 casernes. Elle est restée dans ces casernes, mais là où il y avait des
14 unités paramilitaires croates qui avaient été établies, l'armée a été
15 assiégée dans les casernes. Les soldats n'étaient pas autorisés à partir.
16 Ils n'ont eu aucune électricité, sans eau, sans nourriture aussi, sans
17 moyens de vivre, ni de survivre, et ceci a perduré. Il a fallu s'accommoder
18 de la situation jusqu'à l'arrivée des soldats responsables du maintien de
19 la paix en Croatie, jusqu'à la fin des conflits en Croatie.
20 Pour ce qui est des territoires où l'armée n'a pas été attaquée, donc là où
21 habitaient des Serbes, l'armée restait dans les casernes jusqu'au moment où
22 la présidence de Yougoslavie a pris une décision selon laquelle elle
23 pouvait prendre position le long des frontières des territoires pour
24 empêcher des conflits entre les unités croates qui voulaient avancer dans
25 ces zones et les paramilitaires serbes qui se défendaient contre les
Page 29280
1 Croates.
2 Voilà comment les choses se sont passées pour ce qui est de l'armée en
3 Croatie.
4 Q. Fort bien. Veljko Kadijevic était à la tête de l'armée au cours de
5 cette période, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-il exact de le dire ici -- nous avons entendu plusieurs
8 affirmations. N'est-il pas vrai de dire que Kadijevic n'était pas mon homme
9 à moi, mais qu'il n'aurait pas pu, en plus de ça, être sous mon
10 commandement non plus, de quelque façon que ce soit ?
11 R. Moi, je sais ce que dit la loi et je sais des choses générales en vertu
12 de la loi. Il avait, comme organe supérieur à lui, la présidence de la
13 Yougoslavie. Il n'était autorisé à rien mettre en œuvre dans l'armée que ce
14 soit pour augmenter ses effectifs, ou pour diminuer ses effectifs, ou pour
15 mettre en œuvre un déploiement stratégique, pas plus que pour déployer
16 d'aucune façon les dirigeants les chefs militaires. Toutes ces questions
17 relevant de l'armée, il ne pouvait le faire sans une décision dans ce sens
18 prise par la présidence qui lui était supérieure.
19 Pour ce qui est des rapports qu'il entretenait avec qui que ce soit dont le
20 président de la République de Serbie, bien sûr, ces rapports n'étaient pas
21 interdits, mais il va de soi qu'il n'y avait pas de fondement juridique
22 permettant à qui que ce soit d'en donner quoique ce soit à d'autre à
23 autrui.
24 Pour ce qui est des connaissances que j'ai, s'agissant des rapports
25 personnels, j'ai en effet assisté à beaucoup de réunions. Il y avait aussi
Page 29281
1 bien Milosevic, Kadijevic que moi-même, c'étaient des rapports de
2 tolérance. Quelques fois il y avait des étincelles, c'est-à-dire, il y
3 avait des désaccords et ceci a créé deux formes.
4 La première c'est que Kadijevic a insisté de façon persistante sur la
5 nécessité de défendre la Yougoslavie dans sa totalité. Milosevic lui il
6 estimait qu'il ne fallait pas forcer les Croates et les Slovènes, qui
7 voulaient partir de la Yougoslavie, à y rester et qu'il ne fallait pas
8 renverser l'autorité qui était la leur, essayer de contrecarrer
9 d'éventuelles décisions dans ce sens de leur part. Ça c'était la première
10 différence.
11 La seconde était celle-ci. A bien des reprises, Kadijevic a demandé à la
12 Serbie et à d'autres républiques de faire trop appel à la mobilisation pour
13 appeler pour sous le drapeau trop de conscrit par rapport aux objectifs qui
14 étaient vraiment nécessaires, et par rapport aussi à l'autorisation
15 politique qui lui aurait été donnée dans ce sens. Il a parfois essayé de
16 faire des suggestions politiques qui n'étaient pas du goût de Milosevic,
17 tout comme Kadijevic n'aimait pas que Milosevic fasse des suggestions
18 d'ordre militaire ou tactique. Donc il y a eu parfois des étincelles, mais,
19 de façon générale, je pense que la coopération se faisait normalement.
20 Q. Mais ce n'était pas un rapport où au moins j'aurais eu la possibilité
21 de lui donner le moindre ordre ?
22 R. Non, et même si on parle de l'issue finale et des conséquences que ceci
23 pourrait avoir, il est de notoriété publique que Kadijevic avait été élu
24 par l'assemblée fédérale et que c'était celle-ci seule qui pouvait le
25 remplacer ou le révoquer. Dans tout conflit avec Milosevic, Kadijevic
Page 29282
1 n'allait pas subir de préjudice, ni de répercussions personnelles.
2 Q. Effleurons rapidement la question de la Défense territoriale. Des armes
3 avaient été volées dans des entrepôts et la TO a décidé que toutes les
4 armes de la TO devraient être transportées dans des entrepôts militaires,
5 avec sécurisation militaire ?
6 R. C'est exact, parce qu'à l'époque, la Croatie et la Slovénie avaient
7 commencé l'armement intensif de leurs unités illégales, et elles se sont
8 emparées à cette fin des armes qui se trouvaient dans les entrepôts. La
9 présidence de l'état yougoslave a donc donné des instructions au Grand état
10 major pour mettre un terme à tout cela et c'est bien ce qu'il a fait. Il a
11 donné l'ordre que les entrepôts soient placés sous le contrôle militaire
12 dans toutes les républiques.
13 Q. Et est-ce que non plus on n'a pas dit à l'assemblée générale ? Est-ce
14 qu'il n'y a pas eu un député qui avait posé la question qui demandait
15 pourquoi on avait confisqué ces armes à la Défense territoriale, et la
16 réponse a été que cette décision s'appliquait à tout le monde ?
17 R. Non, je pense que cette réaction fût tout à fait naturelle parce que
18 les personnes responsables de la question avaient été prises de surprise
19 par cette décision qui n'avait pas été annoncée.
20 Q. Est-il vrai de dire qu'après la désintégration de la JNA, la plupart
21 des officiers, nés en Bosnie-Herzégovine ou en Croatie, sont rentrés dans
22 leur république de naissance pour rejoindre les armées qui avaient été
23 constituées de ces républiques a fin d'aider leur propre population de
24 façon générale, ils sont rentrés pour être incorporés dans la défense de
25 leur propre population ?
Page 29283
1 R. De l'échelon le plus bas jusqu'à l'échelon le plus élevé si on parle en
2 occurrence d'officier, on peut dire que tout le monde a suivi les tendances
3 politiques qui se dessinaient dans leur communauté ethnique, dans leur
4 propre république. Ces hommes ont rejoint -- ou ont suivi la volonté
5 politique exprimée par le peuple de la république. Ces hommes ont quitté en
6 masse les rangs de l'armée pas tout à fait -- pas tous bon nombre d'entre
7 eux. Ce sont d'abord les officiers qui sont partis suivi des soldats de
8 Slovénie et de Croatie, et puis de Bosnie-Herzégovine qui n'étaient pas
9 Serbes.
10 Q. Nous parlons maintenant de ceux qui sont allés rejoindre l'armée de la
11 Republika Srpska et de la Krajina serbe. Est-il exact de dire que la JNA,
12 qui était plus tard connue sous le nom de armée de Yougoslavie, n'avait
13 aucune autorité de commandement à l'encontre de ces armées ?
14 R. Je ne faisais pas partie du commandement suprême à l'époque; cependant,
15 d'après ce que je sais -- j'étais parlementaire à l'époque -- je pense que
16 c'est, effectivement, le cas.
17 Q. Si on parle donc de commandement de contrôle, ces armées n'étaient
18 aucunement subordonnées à l'armée de Yougoslavie à la VJ.
19 R. Aucune décision n'a été prise par l'assemblée fédérale, donc je vois
20 ces parties en tant que parlementaire, qui feraient apparaître qu'on
21 donnait un droit de tutelle ou de subordination à cette armée ou à ces
22 dirigeants, et je pense que ce principe a été respecté.
23 Q. Est-il vrai qu'après la victoire remportée aux élections de 1990 par le
24 HDZ, il y a eu un projet qui a démarré aussitôt un plan de création des
25 armées croates, et qu'il y a eu un plan de défense à l'encontre des
Page 29284
1 officiers a fin d'assurer la désintégration de la JNA ?
2 R. Je relève dans le livre que j'ai écrit ce genre de choses, d'après des
3 informations reçues de nos services de renseignements et à partir de ce que
4 les représentants de la Croatie ont dit eux-mêmes, y compris le président
5 Tudjman, à partir aussi des ordres venant des dirigeants croates et envoyés
6 aux organes locaux, aux organes et aux unités de la Défense territoriale.
7 Avec cette démarche, la Croatie voulait s'arroger la possibilité de faire
8 sécession avec la Yougoslavie, même s'il pensait que la Yougoslavie ne le
9 permettrait pas.
10 Q. Mais est-ce qu'il n'est pas vrai qu'au cours de l'été 1990, il a
11 commencé à avoir des provocations massives, et qu'on a fait pression sur la
12 JNA, sur ses officiers, sur tous les membres de la JNA, sur les familles ?
13 Et je suppose que tous les membres de la présidence ont reçu des rapports
14 dans ce sens émanant de l'armée, il s'agit donc de la JNA, pas de l'armée
15 de Yougoslavie.
16 R. Je suis sûr que la Chambre aura lu tous ces documents, toutes ces
17 informations reçues de la présidence, ainsi que les choses que j'ai
18 consignées dans mon livre. Il s'est passé des choses incroyables. Vous
19 aviez des unités paramilitaires en civil ou pas -- mais armées qui
20 recevaient des missions, et ces missions consistaient à menacer toutes les
21 familles des officiers -- toutes les familles d'officiers jusqu'à les tuer
22 pour empêcher que ne parviennent ces officiers jusqu'aux casernes, et pour
23 éviter qu'ils ne prennent fonction. C'était là une série de mesures qui
24 étaient tout à fait incompréhensibles puisqu'on était encore en temps de
25 paix. L'impression exercée sur l'armée était énorme. Elle venait de toutes
Page 29285
1 les parties et de toutes -- et ceci a eu comme point, comme apogée le siège
2 des casernes.
3 Q. Est-il vrai qu'au début du mois d'octobre 1992, on a commencé de façon
4 intensive à armer les formations paramilitaires croates et ces armes
5 venaient de divers pays dont la Hongrie, l'Autriche, n'est-ce pas ?
6 R. D'après les renseignements reçus de l'armée par la présidence et que je
7 cite dans mon livre, c'est à ce moment-là que tout a commencé,
8 effectivement.
9 Q. Est-il vrai de dire que les formations paramilitaires croates ont aussi
10 fait une descente au ministère de l'Intérieur où les Serbes travaillaient ?
11 On leur a confisqué leurs armes, les forces réservistes serbes se sont vus
12 aussi confisquer leurs armes et, dans la région de Knin en 1990, des
13 menaces étaient formulées. Il y avait la peur qui régnait, de façon
14 générale, et les Serbes, pour cette raison, ont commencé à s'armer pour se
15 protéger ?
16 R. C'était une raison très importante qui a poussé les Serbes de Krajina -
17 - servent à opposer une résistance parce que le gouvernement croate, de
18 façon tout à fait inattendue et sans aucune raison, a donné des ordres pour
19 que des Unités de la police de Zagreb soient amenées par hélicoptères là où
20 il y avait une population majoritaire serbe et afin de confisquer toutes
21 les armes qui étaient là pour être utilisées par les forces de police de
22 réserve. Et dans chaque municipalité, outre les forces régulières de
23 police, il y avait les armes pour les réservistes.
24 Et les Serbes estimaient que cela était l'une des raisons pour lesquelles
25 la présidence de la Yougoslavie, le 7, le 8 -- ou le 8 et le 9 mai, avait
Page 29286
1 indiqué que la question devait forcément être débattue avec les Serbes et
2 résolue suivant des modalités acceptables.
3 Q. Serait-il exact de dire que la présidence a pris une décision afférente
4 aux désarmements de toutes les unités paramilitaires et, sur 30 000 fusils
5 automatiques et -- fusils mitrailleurs, ces unités-là en Croatie n'ont
6 restitué que 150 cannons longs, à savoir, seulement 11 Kalachnikovs ? Ce
7 sont les renseignements dont je dispose.
8 R. Le 9 janvier 1991, nous nous sommes penchés sur la situation de
9 l'armement illégal, de l'armement clandestin sur des bases ethniques et sur
10 les périls qui menaçaient de voir surgir une guerre civile. Nous avons
11 estimé qu'il y avait un grand nombre d'armes au sein d'unités qui s'étaient
12 constituées partant de la composition ethnique, tant Croates que Serbes,
13 mais bien plus de Croates qui ont importé, de façon clandestine, les armes
14 en question.
15 Le 9 mars, la présidence de Yougoslavie a adopté une conclusion vu qu'il y
16 avait des preuves irréfutables sur les auteurs et sur ce qui avait été
17 fait, par qui, de procéder -- à ne pas poursuivre en justice tous les
18 responsables et les organisateurs de ce comportement si les armes étaient
19 restituées dans un délai de 15 jours aux unités militaires, et c'est une
20 décision qui a été acceptée par les représentants de la Croatie à
21 l'occasion d'une session à laquelle avait même assisté le président Tudjman
22 en personne.
23 Les Serbes ont restitué leurs armes parce qu'ils croyaient bien que, même
24 en restituant ces armes-là, ils seraient protégés par l'armée populaire
25 yougoslave. Avec les Croates, nous avons eu de grosses difficultés, nous
Page 29287
1 avons à plusieurs reprises eu des négociations complémentaires dont il est
2 fait état dans mon livre. Et pour finir, ils n'ont pas restitué leurs
3 armes. En substance, ils sont restés armés jusqu'au bout, indépendamment de
4 toutes les décisions prises par la présidence et indépendamment des
5 promesses qu'ils avaient faites. En outre, ils n'ont pas permis que soient
6 poursuivi en justice, ceux qui devaient être sanctionnés par ce que le
7 Tribunal militaire, qui avait commencé à siéger, n'a pas pu continuer à
8 faire son travail en raison de manifestations et de pressions énormes.
9 Q. Serait-il exact de dire, au sujet de votre déclaration, au paragraphe
10 48, il a été tiré, notamment là par M. Nice, une conclusion erronée parce
11 que l'on y dit -- on dit ici que j'étais favorable à la condamnation des
12 coupables. La dernière ligne dit qu'on vient de condamner les coupables. Il
13 estime que céder serait erroné, donc il estime que les coupable se sont
14 ceux qui se sont procurés ces armes, ceux qui étaient impliqués dans ces
15 approvisionnements d'armes.
16 La mesure d'abolition était pour ceux qui n'avaient pas de rangs élevés et,
17 pour ce qui est des autres, il fallait qu'ils répondent parce que ces armes
18 étaient censées servir à des effusions de sang.
19 R. L'énoncé du paragraphe 48, telle que rédigée est exact. Il faut
20 comprendre cela, toutefois, en tant que partie intégrante de ce qui se
21 passait à l'époque. Lorsque nous avons décidé de la restitution des armes
22 avec une mesure d'abolition, il y a eu un débat entre moi-même et M. Mesic
23 au terme duquel il a été arrêté que cela serait fait par leur soin. Et à
24 l'occasion d'une conversation qu'il avait eu avec moi, il a promis de faire
25 en sorte que soit restitué leur 20 000 Kalachnikovs. Bien sûr, tout ce qui
Page 29288
1 suit, ce qui a été dit plus loin est tout à fait exact également. J'en ai
2 également informé Kadijevic et Milosevic, je leur ai dit que les Croates
3 allaient restituer 20 000 armes, 20 000 fusils, et il est exact de dire ici
4 que Milosevic avait estimé que cela serait un mensonge et s'était énervé.
5 Il avait dit qu'on perdait du temps et qu'eux gagnaient du temps et que
6 cela leur permettait de s'organiser mieux et davantage encore. Alors ma
7 réaction avait été celle de dire que nous n'allions faire la guerre pour
8 ces armes parce que nous avions conclu qu'ils allaient de les restituer et
9 ils ont promis de le faire ? C'est une conversation qui est une
10 conversation s'étant effectivement tenue.
11 Alors lui a dit : "Allons-nous pardonner ceux qui sont coupables ?" Alors
12 j'ai dit : "Il a été conclu de la condamnation des véritables coupables."
13 Q. Donc je m'étais employé en faveur du sanctionnement des coupables et
14 j'ai affirmé qu'ils avaient menti et il s'est avéré par la suite qu'ils
15 avaient menti, en effet.
16 R. Oui, ils ont menti et nous n'avons pas poursuivi en justice les
17 coupables véritables.
18 Q. Fort bien. Serait-il exact de dire que, portant de ces armes, les
19 Serbes à Knin ont restitué leurs armes à eux ?
20 R. Oui, c'est exact. Ce que je dois dire c'est que les Serbes à Knin
21 avaient cru qu'ils allaient être protégés par l'armée populaire yougoslave
22 au cas où, éventuellement, les choses se passeraient autrement que prévues.
23 Q. Est-il exact de dire que Tudjman, après le tournage du film sur Spegelj
24 et l'armement clandestin, a promis fermement le désarmement de toutes les
25 unités paramilitaires. Il avait même promis de sanctionner les coupables,
Page 29289
1 bien entendu, il n'a rien entrepris de tout cela ?
2 R. J'ai indiqué tout à l'heure que Tudjman était présent à l'occasion de
3 la session de la présidence de la RSFY, le 9 janvier, lorsque cette
4 décision portant sur le désarmement et sanctionnement des coupables a été
5 prise. Et il avait accepté cette décision, mais il ne l'a pas réalisée.
6 Mon avis c'est qu'il n'avait pas de possibilité autre que de procéder de
7 façon tactique, ainsi aux fins d'atténuer la colère de la présidence à son
8 égard, à l'égard de lui-même en personne.
9 Q. De -- souviens-tu de la proposition de mesures d'urgence ? Est-il exact
10 de dire qu'à cette session du 11 mars, la présidence -- et je crois que
11 Riza Sapundziju a également voté en faveur de la prise de ses mesures
12 d'urgence, et il y avait d'autres membres -- trois autres membres de la
13 présidence qui ont voté en faveur, donc cela signifiait désarmement,
14 accalmie et, au bout de six mois, des élections. Mais ces mesures n'ont pas
15 été adoptées parce que toutes les personnes n'étaient pas présentes ?
16 R. Je crois que c'était le 11 mars.
17 Q. Peu importe si c'était le 11 ou le 12.
18 R. C'est exact. Il est vrai de dire que nous n'avions pas de quorum.
19 Drnovsek n'était pas présent, mais, comme on le sait, pour une décision de
20 la présidence, pour une décision de cette nature-là, il suffisait d'avoir
21 cinq membres de la présidence présents. Et même s'ils avaient été cinq à
22 cette session, il fallait qu'il y en ait cinq pour. Donc il ne suffisait
23 pas qu'il y ait sept personnes présentes et quatre favorables à la
24 décision; la décision n'a pas pu être prise.
25 Q. Serait-il exact de dire que cette décision, plutôt l'absence de prise
Page 29290
1 de décision, a eu des conséquences des plus négatives pour ce qui est des
2 réactions des Serbes qui étaient menacées parce qu'ils s'attendaient à ce
3 que l'armée les protègent. Et comme tu l'as dit tout à l'heure, si ces
4 mesures d'urgence avaient été prises et lorsque la proposition du
5 secrétariat fédérale à la Défense nationale a été rejetée pour ce qui est
6 de la proclamation d'un état d'urgence et lorsqu'il n'a pas été possible de
7 procéder au désarmement, donc tout ceci cumulé, n'a-t-il pas fait qu'ils
8 aient commencé à s'armer ? Je parle là des Serbes présents dans la Krajina.
9 R. Je ne suis pas tout à fait certain du fait que cela ait constitué une
10 journée décisive, mais, en substance, les choses se sont passées ainsi.
11 Etant donné qu'il s'était avéré que les Croates n'avaient pas respecté la
12 décision prise en date du 9 janvier, donc il s'était écoulé deux ou trois
13 mois. Ils sont restés armés. Ils ont continué à s'armer non seulement à
14 partir de sources locales, mais, à partir de sources extérieures au pays et
15 -- les Serbes ont alors commencé à s'armer en cessant de faire confiance à
16 qui que ce soit.
17 Je ne sais pas si cette date-là a été décisive. Je ne sais pas vous le
18 dire, mais c'est le cours ou l'évolution des choses qui s'est fait sans
19 revirement brusque.
20 Q. Mais est-il exact de dire que cette direction, qui avait été à la tête
21 des unités paramilitaires et qui avait distribué des armes aux citoyens du
22 groupe ethnique croate et qui était territorialement entourée de Serbes
23 dans des milieux mixtes sur le plan ethnique, dans la région de Knin, de
24 Lika, de Kordun, de Banija dans la région de Srem et de Baranja ?
25 R. Je n'ai pas très bien compris. Vous voulez dire qu'ils ont distribué
Page 29291
1 des armes aux Croates ou les Croates étaient encerclés de Serbes ?
2 Q. Je voulais dire où il y une présence plus importante de population
3 serbe.
4 R. Je ne sais vraiment pas. Ce type d'informations n'était pas
5 prédominant. Il se peut qu'il cela a été le cas quelque part. Ce que je
6 sais, c'est que les autorités croates, d'une manière générale, ont armé
7 uniquement des Croates et, pour la plupart des cas, il s'agissait de
8 membres du HDZ, donc il y avait l'appartenance ethnique et l'affiliation au
9 parti. C'était ce qui servait de fondement à l'armement des unités.
10 Alors, de là, à savoir s'ils l'ont fait dans les cités où il n'y avait pas
11 de Serbes ou il y avait majorité de Serbes, je n'ai pas eu d'informations
12 si fiables que cela, mais il se peut que ce soit le cas.
13 Q. Bien. Mais c'est à partir de 1990 que l'on a commencé à désarmer les
14 postes de police où il y avait majorité de Serbes, c'est bien connu ?
15 R. Oui.
16 Q. On a commencé à mettre sur pied des postes de police nouveaux,
17 notamment, dans la Krajina et la Slovénie et dans les régions qui étaient
18 habitées notamment de Serbes ?
19 R. Oui.
20 Q. Et c'est là qu'il y a eu création d'unités spéciales qui ont fait des
21 descentes dans cette région ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-il exact de dire que c'est l'armée qui a empêché des conflits
24 sérieux et cela serait contraire à ce qu'a dit Babic lorsqu'il a témoigné
25 ici, que cela visait à rendre impossible le fonctionnement des organes ou
Page 29292
1 des autorités légales de l'état de Croatie qui opéraient sur leur propre
2 territoire ?
3 R. Et bien, c'est une question qui n'est pas tout à fait clair, du moins à
4 mes yeux. Pour autant que je le sache, la Croatie avait entrepris des
5 mesures visant à désarmer toutes ces Unités de la police où il y avait
6 prédominance de Serbes et elle a envoyé des hélicoptères pour ramasser ces
7 armes. Elle a réussi à le faire dans bon nombre de localités, mais elle n'a
8 pas réussi à le faire à Obrovac et à Knin.
9 Lorsque les hélicoptères se sont dirigés dans cette direction-là, ils ont
10 été interceptés et renvoyés au point de départ par l'armée. Ce qui est
11 contestable, c'est de savoir si l'armée les a renvoyés parce qu'elle savait
12 qu'ils allaient à Knin ou Obrovac et qu'elle savait qu'il allait y avoir
13 conflit, comme l'affirme Tudjman, ou est-ce qu'elle l'a fait parce qu'ils
14 n'avaient pas déclarés les survols parce que c'est l'armée qui avait à
15 contrôler les survols ?
16 Et Tudjman m'a appelé au téléphone, en disant que l'armée avait contraint
17 des hélicoptères à revenir, alors que ces hélicoptères étaient légalement
18 envoyés en mission. J'ai, pour ma part, contacté Adzic. Je lui demandé de
19 quoi il s'agissait et il m'a dit que ce n'était pas vrai. Les hélicoptères
20 n'avaient pas déclaré ces vols-là, or l'armée avait à gérer l'usage de
21 l'espace aérien.
22 Donc je laisse à tout à chacun d'en décider. Il se peut que l'un et l'autre
23 soient exacts.
24 Q. Bien. Je vais être bref pour poser une question. Je te prie de répondre
25 à chaque segment au mieux de tes connaissances. Ça date de la période où tu
Page 29293
1 avais été à la présidence.
2 On indique ici toute une série d'événements. Je n'arrive pas à en prendre
3 bonne note pour ce qui les concerne tous -- je ne peux pas feuilleter tous
4 les documents, mais il y a Vukovar, Dubrovnik, Lovas, Skabrnja, Zvornik,
5 Foca, Bijeljina, Brcko, Srebrenica. Je n'arrive pas à faire une liste
6 définitive, pour ma part.
7 Bon, en somme, la Serbie ou la présidence de la RSFY, a-t-elle eu une
8 participation quelconque à ce qui se passait pour ce qui est de Lovas,
9 Skabrnja et d'autres localités ? J'en ai entendu parler, pour la première
10 fois ici, du point de vue géographique. Pour ce qui est des autres villes,
11 je connais les notions géographiques et non pas parce que nous aurions
12 participé à quoi que ce soit, pour autant que nous le sachions.
13 Donc est-ce qu'à tes connaissances ou à ma connaissance, il y a eu quoi que
14 ce soit de lié à tous ces sites et à des ingérences inadmissibles d'unités
15 ou de forces en provenance de la Serbie, voir de la JNA pour ce qui s'est
16 passé là-bas ?
17 R. Nous deux, nous ne nous sommes jamais entretenus à ce sujet-là. Je ne
18 sais pas ce que je savais, l'un ou l'autre, mais nous n'en avons jamais
19 parlé.
20 Et pour ce qui est de mes connaissances, je crois avoir expliqué des
21 choses, je vais le répéter. Les décisions de la présidence, le rôle de la
22 présidence, les attributions de la présidence s'arrêtaient à l'adoption des
23 positions politiques globales. Tout le reste relevait des attributions du
24 Grand état major tant pour ce qui est des questions tactiques et
25 opérationnelles que pour ce qui est des problèmes survenant à des localités
Page 29294
1 variées. Et de temps en temps, la présidence était saisie de rapports
2 globaux.
3 Maintenant, s'agissant des localités qui viennent d'être mentionnées, elles
4 n'ont jamais été présentes à mon esprit. Je n'ai pas eu d'informations sur
5 ce qui se passait et ceci au fait des événements globaux. Et je crois avoir
6 décrit dans mes livres des informations qui me parvenaient.
7 Q. Bon. Si cela n'a pas fait l'objet de ton attention ou du volume des
8 informations qui te parvenaient, peux-tu supposer que cela me parvenait en
9 guise d'informations pour me tenir au courant de ce qui se passait des ces
10 localités ?
11 R. Ce que je puis affirmer, c'est que nous n'en avons jamais parlé nous-
12 mêmes, tous les deux. Et de ce fait, il peut-être entendu, ou l'on peut
13 supposer que tu n'étais pas au courant non plus.
14 Q. Bon. Qu'est-ce que tu sais nous dire au sujet des événements de
15 Vukovar ? Quel est le rôle de la présidence de la RSFY pour ce qui est des
16 événements de Vukovar ? Est-ce que la présidence de la RSFY avait joué un
17 rôle immédiat dans tout ceci, ou est-ce que cela se situe dans le contexte
18 des attaques généralisées sur la JNA et des conflits entre la JNA et les
19 autres intervenants aux conflits en Croatie ?
20 R. Il y a là deux segments dans lesquelles la présidence était impliquée.
21 D'abord, il y a eu une décision de la présidence, datant des 7, 8 et 9 mai,
22 au terme de laquelle l'armée populaire yougoslave était censée se placer
23 entre les Unités croates et serbes aux fins d'atténuer les tensions et
24 d'empêcher les conflits, ainsi que de protéger les territoires habités par
25 les Serbes, en attendant que l'on ne trouve une solution politique. Ça
Page 29295
1 c'est la décision du 9 mai. C'est partant de cette décision-là que l'armée
2 est intervenue en Croatie.
3 Deuxièmement, il y a eu un accord entre Kadijevic, qui était allé à Genève
4 en notre nom et Tudjman, réunion à laquelle ont pris part M. Vance et M.
5 Milosevic. Et, aux termes de cet accord, la Croatie était censée débloquer
6 toutes les casernes assiégées de la JNA, en Croatie. Et les casernes
7 devaient être quittées -- abandonnées par l'armée suivant des modalités
8 pacifiques. Nous avons donc abouti à un accord à ce sujet, c'est ce qui
9 devait servir de fondement ou de base pour les activités à suivre.
10 Comme on le sait, cette décision n'a pas été appliquée de façon conséquente
11 ou n'a pas été appliquée du tout. Et à Vukovar, il y avait une caserne avec
12 plusieurs centaines soldats de la JNA. La caserne, qui a été assiégée
13 pendant plusieurs mois, je ne sais pas vous dire au juste combien de temps,
14 mais elle a longtemps été coupée de tout approvisionnement en vivres,
15 médicaments. Pour ce qui est des communications téléphoniques, elle a été
16 privée d'approvisionnement en énergie électrique et en eau, donc il était
17 devenu impossible d'y vivre normalement.
18 En outre, on l'avait constamment pilonnée et attaquée aux tirs de fusils --
19 aux tirs de tireurs isolés. Il y a eu des personnes tuées, des personnes
20 qui sont décédées, et on ne pouvait pas les enterrer, on ne pouvait pas
21 sortir de la caserne en raison des attaques constantes.
22 L'accord, qui a été signé à Genève, n'a pas été réalisé par la partie
23 croate. La partie croate n'a pas donc voulu que l'évacuation de la caserne
24 se fasse dans des conditions normales. C'est dans ces circonstances-là que
25 l'armée populaire yougoslave a décidé de libérer la caserne parce qu'il
Page 29296
1 était devenu impossible de tolérer que plusieurs centaines d'hommes crèvent
2 de faim là-bas ou tombent malades là-bas, parce que les cadavres étaient
3 déjà en train de se décomposer à l'intérieur. C'était une information qui
4 était communiquée à la présidence de la RSFY, disant donc que la Croatie ne
5 réalisait pas les décisions prises au sujet du déblocage de la caserne, et
6 que cette caserne de Vukovar devait être prise de force et ce que la
7 présidence de la Yougoslavie en sait.
8 Q. Mais avions-nous connaissance d'autres choses, nous en Serbie, étant
9 donné que cela se trouvait à l'extérieur de la Serbie ? Est-ce que nous
10 pouvions en savoir plus long que la présidence de la Yougoslavie ?
11 R. Je ne peux pas comparer les connaissances des uns et des autres. Ce que
12 je puis dire c'est les informations qui nous étaient parvenues et quelle
13 est la teneur de ce qui nous a été communiqué par l'armée. Il se peut que
14 d'autres en aient su davantage ou moins que nous-mêmes. Je n'en sais rien.
15 Q. Le fait est que nous avons suivi les événements, et nous avons suivi ce
16 qui se passait en Serbie, ce qui faisait partie de nos attributions à nous.
17 Et pour ce qui est de l'armée, cela relevait des attributions de la
18 présidence de la RSFY.
19 R. Il est tout à fait normal de considérer que l'armée populaire
20 yougoslave avait disposé d'un maximum d'information et elle nous a fourni
21 des informations suffisantes à ce sujet. Je suppose que personne d'autre
22 n'avait davantage d'information à ce sujet que l'armée elle-même.
23 Q. Je le suppose également. Faisons une petite digression. Je te
24 demanderai d'essayer de t'en souvenir. Tu as mentionné hier le fait que la
25 communauté internationale -- et je crois que tu t'es servi de ces termes-là
Page 29297
1 -- que la communauté internationale avait toujours insisté pour que la
2 Serbie prenne part à toutes ces négociations. Exact ou pas ?
3 R. C'est un fait. Il voulait que tu sois présent partout.
4 Q. En effet. Te souviens-tu alors -- et cela est le cas pour ce qui est
5 des accords de Genève, pour ce qui est des accords de Carrington, Igalo
6 Kadijevic était là-bas au nom de la Yougoslavie. On avait réclamé ma
7 présence parce qu'il s'agissait d'une question à résoudre, et ainsi de
8 suite. Et je crois t'en avoir parlé à l'époque également. Il s'agissait des
9 formulations à adopter, disant que toutes les forces sous leur
10 commandement, et ainsi de suite, étaient censées se retirer, et que l'on
11 installe un cessez-le-feu, que les hostilités cessent. Et moi, je faisais
12 objection. Je disais : "Je n'ai rien à chercher là-bas. Je n'ai rien à
13 demander." Je disais que la Serbie n'avait aucune force là-bas et
14 Carrington a trouvé une formulation, disant "sous leur influence
15 politique". C'est une formulation qui est très élastique et l'on peut
16 laisser entendre par là que la Serbie et moi-même, par voie de conséquence,
17 allions faire tout ce que nous pouvions dans le cadre de notre influence
18 politique, au sujet des partis concernés sur lesquels nous pouvions
19 influer.
20 Es-tu au courant de cette formulation ? C'est une formulation qui a été
21 reprise à Genève dans les accords d'Igalo. Et Carrington m'a, à ce moment-
22 là, dit : "Bon, tu n'y figures pas, mais tu es en mesure d'exercer une
23 influence politique," influence que j'ai réalisée d'ailleurs, pour ce qui
24 est de l'arrivée des forces de maintien de la paix des Nations Unies et du
25 plan Vance-Owen pour apaiser la situation, donc influence politique. Donc
Page 29298
1 est-il contesté ou pas que nous n'avions pas d'effectifs à nous, que nous
2 avions à envoyer là-bas ? Et quand je dis, nous, j'entends la direction
3 politique de la Serbie. J'entends le gouvernement dans la Serbie, ou
4 quelque autre autorité que ce soit de la Serbie.
5 R. Et bien, le problème, à mon avis -- le problème fondamental est survenu
6 lorsque la communauté internationale et ses instances à elle n'ont pas
7 reconnu ce qu'il a été convenu d'appeler présidence Coupion [phon]. Ils
8 n'ont pas pu éviter de parler de la fédération, parce que la décision était
9 entre leurs mains. Mais on avait convenu que le général Veljko Kadijevic y
10 aille en notre nom. Ils le reconnaissaient, mais ils ont évité qu'à quelque
11 endroit que ce soit, il figure la signature de quelqu'un de la présidence
12 de la Yougoslavie.
13 Mais, pour ce qui est de l'armée de la Yougoslavie et de la présidence,
14 Kadijevic était autorisé à signer et à décider comme si nos avions été
15 présents, mais seulement dû au fait qu'ils ne voulaient pas nous voir.
16 Pour ce qui est de la participation des autres, à mon avis, cela avait été
17 exigé par les représentants de la communauté internationale, notamment,
18 lorsqu'il s'agissait de M. Milosevic, et ceci parce qu'ils avaient
19 probablement certitude que cela allait être réalisé en raison de l'autorité
20 de l'influence qu'ils étaient à même d'exercer sur ce qui devait être
21 réalisé. Mais il n'avait pas été indispensable pour ce qui est du point de
22 vue de la fédération en tant que telle. Mais on avait je crois, considéré
23 que sa présence aurait été utile.
24 Q. Merci. Je crois que l'explication est tout à fait suffisante.
25 As-tu connaissance d'autre chose. On parle ici constamment. Peut-être ai-je
Page 29299
1 exagéré en disant constamment, mais à bon nombre de reprises, il a été
2 question d'un concept de création d'une Grande Serbie, disant que l'armée
3 devait se placer aux frontières de la Grande Serbie, Karlobag, Karlovac,
4 Virovitica. Je n'arrive pas en m'en souvenir au juste. C'est à peu près
5 cela. Donc as-tu connaissance du fait qu'à quelque moment-là que ce soit ou
6 dans quelque organe que ce soit, en corrélation avec l'armée ou avec autre
7 chose, il ait été question d'une frontière dans ce secteur-là, ou de
8 quelque frontière que ce soit ?
9 R. Cela était présent en permanence dans l'opinion publique, mais cela
10 avait été des slogans, des objectifs qui avaient été prononcés par des
11 partis politiques d'opposition, notamment, le Parti du Renouveau serbe et
12 le Parti radical. A mon avis, cela devait constituer une espèce de grande
13 promesse à l'intention du peuple serbe disant que, s'ils venaient, eux, au
14 pouvoir cela serait rendu possible. Donc, à mon avis, il s'agissait non
15 seulement d'une illusion pour ce qui est de la réalité ou de l'éventualité
16 de faire ainsi. Je crois que c'était une même supercherie politique. La
17 direction officielle n'a jamais déclaré chose pareille. Il n'a jamais prôné
18 une opinion de cette nature. On sait ce que l'on a prôné. On a visé à faire
19 en sorte que le peuple serbe exerce son droit à l'autodétermination et nous
20 avons prôné une solution politique pour le peuple serbe en Croatie,
21 acceptable pour ce peuple serbe là-bas, mais sans mentionner quelque
22 frontière de cette nature, et cela ne correspondait pas aux frontières
23 ethniques de ce peuple serbe.
24 Q. Mais tu sais, n'est-ce pas, qu'au moment où la République fédérale de
25 Yougoslavie a été proclamée en avril 1992, l'assemblée a déclaré que la
Page 29300
1 République fédérale de Yougoslavie n'avait aucune prétention territoriale
2 vis-à-vis les anciennes républiques du pays, n'est-ce pas ?
3 R. Mais oui. Cela fait partie intégrante de la constitution. C'était une
4 déclaration qui accompagnait la promulgation de la constitution.
5 Q. Revenons maintenant un peu en arrière. Est-ce que chacun savait à
6 l'époque que ces formations paramilitaires extrémistes qui ont vu le jour
7 en Croatie, formations responsables des crimes les plus horribles sur les
8 Serbes pendant l'été et l'automne 1991, à Sisak, en particulier, et puis
9 ensuite à Pakrac sur le plateau de Miljevac, au pont de Maslenica, et
10 durant l'opération Tempête, ainsi que durant l'opération Eclair en 1995 ?
11 Est-ce que chacun se rend bien compte ? Et est-ce que c'est un fait que
12 tout cela faisait partie de la guerre contre la Yougoslavie, à savoir qu'il
13 s'agissait d'une sécession armée soutenue par une partie de la communauté
14 internationale, et notamment par l'Allemagne ?
15 R. Je n'aimerais pas être appelé à juger chacun de ces incidents ou chacun
16 de ces événements séparément parce qu'il s'agit de situations très
17 sensibles, mais, de façon générale, toutes ces actions militaires menées en
18 Croatie avaient pour but de neutraliser l'armée populaire yougoslave et
19 donc, la résistance du peuple serbe.
20 Maintenant, les formes revêtues par ces actions, il est permis de se
21 demander si ces actions ont été menées en dépit des autorités croates ou si
22 elles faisaient partie intégrante de la politique et de la tactique jugées
23 nécessaire par les autorités croates dans chacune de ces situations, mais
24 ça, je ne peux pas répondre à cette question.
25 Q. Fort bien. Mais est-il vrai que la guerre en Bosnie-Herzégovine et la
Page 29301
1 guerre en Croatie constituaient des conflits interethniques, des guerres
2 civiles et, en aucun cas, une agression serbe ou une agression yougoslave
3 ou une quelconque action de la part de l'armée populaire yougoslave ?
4 R. Bien entendu, l'armée populaire yougoslave n'a attaqué personne au
5 moment où le conflit a éclaté. Ce conflit a éclaté sur des bases
6 interethniques pour les raisons dont je viens de discuter qui sont bien
7 connues de chacun.
8 L'armée yougoslave est devenue partie prenante à partir du 8 ou du 9 mai
9 1991 lorsqu'elle a reçu pour consigne de prendre position entre les parties
10 belligérantes et donc empêcher une guerre civile en empêchant
11 l'affrontement de communautés ethniquement différentes.
12 Q. Est-il vrai que la guerre en Bosnie-Herzégovine a objectivement été
13 imposée au peuple serbe précisément par ceux qui se sont lancés dans la
14 recherche par la force d'une sécession par rapport à la Yougoslavie ?
15 R. Ceci est un jugement qu'il faudrait peut-être demander à quelqu'un de
16 plus compétent sur la base de tout ce qui s'est passé. La seule chose que
17 je peux faire, c'est faire connaître ma conviction profonde qui est la
18 suivante : je pense que Bosnie-Herzégovine avait tout ce qu'il fallait pour
19 survivre sans guerre, qu'elle décide de se séparer de la Yougoslavie ou de
20 rester au sein de la Yougoslavie, mais elle n'aurait pu le faire que si
21 elle renonçait à être un pays intégré sur le plan ethnique, c'est-à-dire,
22 un pays où les droits des trois peuples représentés étaient respectés.
23 La Bosnie-Herzégovine en Yougoslavie avait une position sur le plan
24 constitutionnel qui tenait compte de l'existence de trois nations sur ce
25 territoire, trois nations sur un pied d'égalité complet. La Bosnie-
Page 29302
1 Herzégovine avait une assemblée composée de trois chambres, une chambre
2 serbe, une chambre croate, une chambre musulmane. Les députés étaient élus
3 par les habitants de ces trois communautés ethniques et pas une seule
4 décision ne pouvait être prise au détriment de l'une ou l'autre de ces
5 communautés. Il fallait qu'il y ait collaboration -- coordination entre les
6 trois communautés ethniques représentées. Il y avait des commissions
7 spéciales chargées de cette coordination et, si la Bosnie avait décidé de
8 se séparer de la Yougoslavie ou de rester au sein de la Yougoslavie, il
9 fallait que ces dispositions soient respectées puisqu'elles fonctionnaient
10 depuis 50 ans, il fallait les conserver et il n'y aurait pas eu de guerre.
11 Mais, au lieu de cela, tout a été fait contre certaines de ces communautés
12 nationales et les mesures en question ont été le référendum. Les Musulmans
13 ont obtenu une grande majorité à l'issu du référendum et, à mon avis, c'est
14 ce qu'a provoqué la guerre en Bosnie.
15 Q. Est-il vrai que la guerre civile en Bosnie-Herzégovine, si nous voulons
16 être un peu plus précis, a éclaté au moment où une communauté l'a emporté
17 sur le plan des votes, à l'issu donc du référendum qui s'est tenu sans la
18 participation du peuple serbe, même si la constitution stipulait que la
19 république était constituée de trois nations égales ?
20 R. La séquence des événements était la suivante, c'est-à-dire, que le
21 premier incident a démarré immédiatement après cela et ensuite, il y eu
22 escalade.
23 Q. Est-il vrai que ni la Serbie, ni la Yougoslavie n'ont participé à cette
24 guerre ?
25 R. C'est absolument vrai. Il s'agissait, en tout état de cause, d'une
Page 29303
1 guerre civile provoquée par les raisons que je viens de mentionner.
2 Q. Est-il exact que nous n'avons cessé d'insister ? Je pense d'ailleurs,
3 non, je ne pense pas. Je sais personnellement combien de fois je suis
4 intervenu pour insister et il me semble que toi, également, tu as adopté la
5 même attitude, donc que nous n'avons cessé d'insister pour dire qu'il
6 n'existait qu'une seule solution pacifique pour la Bosnie-Herzégovine,
7 c'est-à-dire, une solution qui permettrait de respecter absolument les
8 droits de tous, à savoir, donc les droits des Serbes, des Musulmans et des
9 Croates.
10 R. Les événements ultérieurs l'ont prouvé. Ils ont bien prouvé que la
11 guerre s'est menée en vain et qu'en dehors de l'accord de toutes les
12 nations, aucune solution ne pouvait être trouvée.
13 Q. Et la guerre a commencé parce que le consensus a été foulé aux pieds
14 avec l'organisation du référendum auquel les Serbes ne participaient pas ?
15 R. Malheureusement, c'est sur la proposition de la Communauté européenne
16 que ceci a été fait. Le référendum a été organisé en dépit du fait que la
17 Bosnie était un état multiethnique.
18 Q. Mais, en dépit de ce fait et compte tenu de l'évolution des événements
19 bien connus par la suite, est-il vrai -- et cela a d'ailleurs été discuté
20 entre nous également -- est-il vrai que la Serbie et la République fédérale
21 de Yougoslavie ont accordé leur appui à tous les plans de paix susceptible
22 d'arrêter la guerre en Bosnie-Herzégovine ?
23 R. Oui, c'est exact. Il me semble qu'il y a eu six plans de ce genre
24 depuis le plan Cutileiro jusqu'à l'accord de Dayton et la Serbie a approuvé
25 tous ces plans. Mais, dans tous les cas, il y a eu quelqu'un pour rejeter
Page 29304
1 ce plan ce qui a expliqué que les plans en action n'aient pas été acceptés
2 en dehors de l'accord de Dayton.
3 Et je dirais que la Serbie ne s'est pas engagée avec toutes ses forces
4 vitales en faveur de la guerre, mais qu'en outre, elle estimait que c'était
5 la pire des choses qui pouvait survenir et elle avait un intérêt vital à la
6 levée des sanctions car elle avait subi une imposition de sanctions en
7 raison d'une guerre qui se menait sur un territoire autre que le sien, dans
8 un autre pays.
9 Q. Est-il vrai que puisque tu viens de parler du plan de Cutileiro, est-il
10 vrai que les représentants des trois autres parties avant le début du
11 conflit, donc avant le début de la guerre avaient accepté le plan à
12 Sarajevo le 18 mars 1992 avant le conflit en Bosnie-Herzégovine ?
13 R. Pour autant que je m'en souvienne oui, mais par la suite la partie
14 musulmane l'a rejeté.
15 Q. Oui parce qu'Izetbegovic le 25 mars a retiré sa signature du plan en
16 question.
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce une réalité qu'il a retiré sa signature sous l'influence de M.
19 Zimmerman l'Ambassadeur américain ?
20 R. C'est ce qui a été écrit dans les média et cela n'a pas été démenti.
21 Donc c'est sans doute exact.
22 Q. Est-il exact que ce plan prévoyait l'indépendance de la Bosnie-
23 Herzégovine, mais il est vrai qu'il était prévu d'y créer des cantons,
24 n'est-ce pas ?
25 R. Oui c'est exact. Les trois peuples en tout cas leur représentant à ce
Page 29305
1 moment-là ont donné leur accord à l'existence de la Bosnie-Herzégovine en
2 tant que pays indépendant et à la création de cantons, dans lesquels ils
3 jouiraient d'un certain pouvoir avec constitution d'un gouvernement
4 correspondant à une formule sur laquelle ils s'étaient entendus.
5 Q. Donc il est impossible de reprocher aux Serbes de Bosnie d'avoir à
6 l'époque soutenu une espèce de grande Serbie, puisqu'ils ont approuvé le
7 plan prévoyant l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, mais chacun
8 admettait donc que pour respecter l'égalité des différents peuples il
9 fallait que cette Bosnie-Herzégovine indépendante soit divisée en cantons,
10 n'est-ce
11 pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Je te demanderais maintenant un commentaire ou en tout cas de dire si
14 ce qui a été publié le 19 juillet 1993 dans un journal de Bosnie, un
15 journal musulman Majod Bosna [phon] donc si cela est exact ou pas. En effet
16 dans cet article il est question du rejet du plan de Cutileiro comme étant
17 l'une des plus -- des erreurs les plus désastreuses caractérisant la
18 politique des Musulmans et je cite : "La position à courte vue
19 caractérisant la politique des Musulmans est illustrée parfaitement par --
20 est sanctionnée le plus clairement par le fait que le plan de Cutileiro
21 avait été accepté à la fin des négociations de paix sur la Bosnie-
22 Herzégovine, et que les Serbes l'avaient accepté également. Les Musulmans
23 ont refusé -- ont rejeté c ce plan en défendant l'idée d'une Bosnie
24 intégrée."
25 Est-ce que cette déclaration a une importance particulière ?
Page 29306
1 R. Pour autant que je -- pour autant que je m'en souvienne je pense que
2 cet article correspond à la réalité mais chacun peut avoir sa propre
3 opinion sur la question.
4 Q. Te souviens-tu qu'à la réunion de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, le
5 27 février 1991 où le projet de déclaration Souveraineté de la Bosnie
6 proposé par le parti de l'Action démocratique de Alija Izetbegovic a été
7 discuté, ce dernier a déclaré "qu'il était prêt à abandonner la paix pour
8 obtenir la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, mais qu'il n'était pas
9 prêt à abandonner la souveraineté pour obtenir la paix."
10 R. Oui cette phrase figure quelque part dans mon journal personnel, et
11 j'ai dit que c'était une -- l'expression d'une politique très dangereuse.
12 Q. Te souviens-tu des troubles que cela a suscités parmi les Serbes de
13 Bosnie par la suite.
14 R. Oui cette déclaration a provoqué des troubles et suscité de grandes
15 inquiétudes même au delà des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Lorsque
16 quelqu'un déclare en public qu'il est prêt à recourir à la guerre pour
17 obtenir une Bosnie unitariste, et qu'il est prêt à renoncer à la paix pour
18 obtenir la souveraineté de la Bosnie, cela signifie qu'il est prêt à abolir
19 le droit à la souveraineté des deux autres nations qui existent sous le
20 territoire du pays, et c'est une déclaration véritablement très dangereuse.
21 Q. Mais te souviens-tu et je m'excuse par avance de ne pas pouvoir citer
22 la date qui ne figure pas dans mes notes, mais je suis sûr que tu te
23 souviendras du moment où cela s'est produit. C'était après la déclaration
24 d'Alija Izetbegovic ainsi que la déclaration sous la souveraineté de la
25 Bosnie-Herzégovine, et donc c'était une réaction de la part du club des
Page 29307
1 députés du parti démocrate serbe à l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Une
2 lettre est donc envoyée à la présidence d'état yougoslave et je pense
3 qu'elle est adressée au président de la présidence, elle demande des
4 mesures de protection et fait référence au droit à la souveraineté et au
5 droit de rester au sein de la Yougoslavie et garanti par les articles 1 et
6 2 de la constitution de Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la constitution
7 yougoslave. Dans cette lettre entre autres il est dit je cite : "Nous
8 représentants attestés à l'assemblée socialiste de la République de Bosnie-
9 Herzégovine ainsi que représentants légitimes et seuls représentants du
10 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine exigeant des institutions fédérales
11 qu'elle défende notre droit à la souveraineté, et notre droit a demeuré
12 dans le cadre de la République fédérale de Yougoslave. Et nous estimons que
13 ce droit nous autorise à vivre en République de Yougoslavie sur les
14 territoires de la Bosnie-Herzégovine actuelle." Article 1 paragraphe 2 de
15 la constitution ainsi que disposition de la constitution de la RSFY sont
16 mentionnées.
17 Et je pense que vous étiez président de la présidence à l'époque je
18 suppose que -- tu étais président de la présidence à l'époque je suppose
19 que tu as reçu cette lettre et que tu as réagi. L'intention d'Izetbegovic
20 qui avait été rendue publique était effectivement très dangereuse.
21 R. Et bien est-ce que cette lettre était adressée à la présidence
22 yougoslave, parce que la constitution yougoslave stipule que l'égalité de
23 toutes les nations et de toutes nationalités est garantie en Yougoslavie,
24 c'est très certainement ce que garantissait la constitution yougoslave,
25 mais ces droits devaient être également respectés sur le territoire des
Page 29308
1 républiques.
2 Bien entendu nous n'étions pas d'accord avec ce qui s'était passé lorsque
3 une -- peuple avait été isolé par les voix prépondérantes des autres à
4 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, nous voulions qu'il y ait toujours trois
5 représentations officielles dans les trois Chambres, et que toutes les
6 nations soient représentées et nous voyons bien que cela réduisait le
7 pouvoir d'une des nationalités concernées. Nous avons donc fait ce que nous
8 pouvions, mais ne pouvions pas faire grand-chose d'autre parce que la
9 Communauté européenne ou plutôt la communauté internationale avait appelé
10 la Bosnie-Herzégovine a réglé elle même ce problème, donc aucune réaction
11 de notre part qu'il s'agisse d'un soutien verbal ou autre ne pouvait
12 empêcher la Bosnie-Herzégovine d'obtempérer aux instructions de la
13 communauté internationale.
14 Q. Fort bien. Mais revenons à ce dont nous discussions il y a quelques
15 instants. Il ne fait aucun doute que du coté des Serbes en Bosnie-
16 Herzégovine par l'acceptation du plan Cutileiro les exigences faites à la
17 Bosnie-Herzégovine de demeurer au sein de la Yougoslavie étaient
18 supprimées, à savoir donc les Serbes de Bosnie acceptaient l'indépendance
19 de la Bosnie-Herzégovine en dehors de la Yougoslavie et que tout ce qu'ils
20 demandaient c'était une régionalisation, une décentralisation donc dans le
21 cadre de ce que prévoyait le plan Cutileiro. Cette décentralisation était
22 baptisée cantonisation et était censée accordée une forme de protection et
23 de défense de l'égalité des Serbes de Bosnie par rapport aux autres
24 communautés présentes sur le territoire du pays, n'est-ce pas.
25 Ceci n'est-il pas très clair ?
Page 29309
1 R. Hier nous avons examiné certains détails tirés des procès verbaux des
2 réunions de la présidence yougoslave en date du 2 mars 1992, réunion --
3 cette réunion particulière à laquelle a assisté M. Karadzic entre autres,
4 le plan Vance était discuté ainsi que son application et à plusieurs
5 reprises en 1992 et même avant cela, Karadzic avait dit que les Serbes de
6 Bosnie acceptaient tout à fait clairement de ne plus faire partie de la
7 Yougoslavie, mais de faire partie de la future de Bosnie-Herzégovine. Tout
8 ce qu'il demandait c'était l'égalité dans les frontières de ce nouvel état.
9 Donc ils ont continué à défendre la même position et ont continué à
10 formuler des déclarations allant dans ce sens.
11 Q. Te souviens-tu de la déclaration de Cutileiro à Sarajevo, faite au
12 journal Oslobodjenje le 24 février 1992, au début des négociations qui ont
13 mené à la conférence de Lisbonne les 21 et 22 février 1992, quand il a dit
14 que les Serbes demandaient la création d'une confédération en Bosnie-
15 Herzégovine, pour que les Musulmans aient un état unitaire et que les
16 Croates eux aient une fédération ?
17 R. Et bien, je ne me souviens pas, mais je n'ai aucune raison de ne pas
18 croire ce qui vient d'être dit.
19 Q. Fort bien. Je suppose qu'il n'est pas contesté que le plan Cutileiro
20 prévoyait la création d'un canton ce qui était une forme plus structurée
21 d'état ?
22 R. Nous pouvons vérifier cela dans le texte.
23 Q. Bien sûr. Est-ce que tu admets que les Serbes n'étaient pas d'accord au
24 début avec ce que proposait le plan et qu'ils ont demandé à Cutileiro
25 d'aller davantage dans le sens d'une Bosnie-Herzégovine indépendante,
Page 29310
1 structurée selon les formes qui ont finalement été mises en œuvre ? Les
2 Serbes ont demandé donc une confédération, les Musulmans demandaient un
3 état intégré, les Croates demandaient une fédération et les Serbes une
4 confédération. Et ensuite c'est -- les Musulmans ont abandonné l'idée d'un
5 état intégré pour aller dans le sens d'une fédération. Ils ont donc réduit
6 un peu leurs exigences initiales et ceci dans l'intérêt de la solution
7 pacifique ?
8 R. Et bien, chacun a dû abandonner quelque chose, il fallait qu'un
9 compromis soit obtenu, et il est tout à fait dommage que ce plan qui a
10 finalement été adopté, n'ait pas été appliqué.
11 Q. Donc les Serbes étaient prêts à faire des concessions en faveur -- dans
12 l'intérêt de la paix et du côté d'Izetbegovic, la chose était moins nette.
13 Les autorités de Sarajevo n'étaient pas préparées à agir de même.
14 R. Je n'aimerais entamer un débat sur ce point mais je peux donner mon
15 opinion personnelle, à savoir que les autorités de Sarajevo ont d'abord
16 approuvé le plan parce qu'ils estimaient qu'il était bon pour la Bosnie, et
17 par la suite, poussé par l'idée de défendre les intérêts de ceux qui les
18 avaient mis en place et qui leur disaient que ce n'était pas la bonne
19 solution, ils ont décidé de le rejeter, car on leur disait que personne ne
20 devait défendre l'idée d'une communauté mononationale dans cet état, et
21 qu'il ne fallait accepter aucune solution qui ne soit une forme de
22 promotion que d'un seul peuple. Mais bien entendu je ne suis pas le mieux
23 placé pour tirer des conclusions de ce genre. Je peux simplement donner mon
24 avis personnel au mieux de mes connaissances.
25 Q. Oui, mais as-tu été président de la présidence yougoslave et tu étais
Page 29311
1 donc au plus haut de la hiérarchie, tu savais un grand nombre de choses et
2 tu avais une grande expérience sur le plan international, quels étaient
3 donc ces intérêts qui ont provoqué les conflits en Bosnie-Herzégovine ? A
4 qui cela profitait-il ?
5 R. Et bien, probablement à ceux qui ont proposé que le plan ne soit pas
6 approuvé. Des promesses importantes avaient sans doute été faites à Alija
7 Izetbegovic, et il devait les trouver intéressantes. Donc voilà où se situe
8 la clé du problème sans doute. C'est probable, mais je ne peux pas le dire
9 avec certitude.
10 Q. Fort bien. Est-il certain que le plan Cutileiro était la meilleure
11 chance de préservation de la paix en Bosnie et que les Serbes ont approuvé
12 ce plan ? Est-ce que ceci est une réalité incontestée ?
13 R. Que les Serbes ont approuvé, ceci est incontesté. C'était le meilleur
14 des plans possibles, moi, je dirais, qu'en tout cas, c'était un très bon
15 plan.
16 Q. Oui, mais c'était l'option qui permettait d'empêcher la guerre.
17 R. Très probablement.
18 Q. Est-ce que tu sais que deux d'entre nous, toi et moi, à moins que ce ne
19 soit l'ensemble des autorités de la république de Serbie et de la
20 Yougoslavie, y compris, nous deux, ont soutenu le plan Cutileiro ?
21 R. Et bien, ceci est incontesté. Comme je l'ai dit, nous avons apporté
22 notre appui à ce plan pour les deux raisons que j'ai évoquées. La plus
23 importante était d'arrêter la guerre et la deuxième était d'obtenir la
24 levée des sanctions. Après cela, ils nous fallaient trouver des solutions
25 au reste.
Page 29312
1 Q. Donc nous avons apporté notre appui au plan Vance-Owen, au plan
2 Stoltenberg, au plan d'action de l'Union européenne ainsi qu'au plan
3 Kinkel-Juppe, et au plan du Groupe de contact et finalement, dans le cadre
4 des mêmes efforts, nous avons également approuvé le plan, l'accord de
5 Dayton.
6 Est-il vrai et exact que les plans que je viens d'énumérer prévoyaient une
7 régionalisation, une décentralisation ou la création d'un canton en Bosnie-
8 Herzégovine ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Donc cette approbation d'une régionalisation, de la création d'un
11 canton qui était proposé, a donc été proposée avant le début de la guerre à
12 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et elle avait pour but d'assurer un
13 minimum d'égalité entre les différentes communautés ethniques, c'est-à-dire
14 entre les Serbes et les autres populations présentes sur ce territoire,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Et bien, je ne saurais dire quel était le maximum ou le minimum qui
17 était exigé, mais tout ce que je sais c'est qu'en Yougoslavie, jusqu'à sa
18 désintégration, la Bosnie avait une structure déterminée, elle avait une
19 structure claire du point de vue du pouvoir, je l'ai décrite, il y avait un
20 certain nombre de nationalités présentes qui avaient les mêmes droits
21 d'élire leurs représentants, il n'y avait pas de décentralisation
22 régionale. Mais nous savions que 60 % du territoire de la Bosnie-
23 Herzégovine était habité par les Serbes. Et il y avait des territoires
24 habités par
25 30 % de Serbes et une majorité de Musulmans ailleurs. Mais dans les villes
Page 29313
1 et dans les zones urbanisées, c'est ainsi que les choses se passaient. Les
2 Croates étaient dans d'autres régions.
3 Alors cette structure qui existait jusqu'à ce moment-là n'était pas jugée
4 suffisamment acceptable par ceux qui prônaient la régionalisation et c'est
5 probablement en raison de cela que la solution n'a pas pu être appliquée.
6 Q. Mais le plan Cutileiro était estimé acceptable par les Musulmans
7 également. Izetbegovic ne l'aurait pas signé si les Musulmans ne l'avaient
8 pas jugé acceptables ?
9 R. Et bien, oui. C'est ce que je viens de dire en effet.
10 Q. Mais en dépit du fait que les Serbes de Bosnie et que la Yougoslavie
11 avaient accepté tous ces plans, est-ce que les choses se sont passées comme
12 elles se sont passées, et ceci n'est-il pas la meilleure illustration
13 possible qu'il est interdit de parler de l'existence d'un quelconque plan
14 prônant la création d'une Grande Serbie ? On ne peut pas utiliser cette
15 expression ne serait-ce qu'oralement et dans les faits elle est
16 injustifiée.
17 R. Verbalement elle est injustifiée, et dans les faits également. Nos
18 positions politiques, nos discours politiques, les documents rédigés par
19 nous ne parlent jamais de cette idée, de ce concept et donc pendant toutes
20 ces années, il aurait été impossible de régler les problèmes qui se
21 posaient à l'aide de ce genre de concept. Aucun des responsables politiques
22 serbes qui exerçaient le pouvoir à l'époque n'auraient pu utiliser cette
23 expression. Elle n'existait tout simplement pas dans notre politique -- pas
24 plus que dans notre pratique, parce que jamais nulle part dans la pratique,
25 et qu'on lise le plan Vance-Owen ou les accords de Dayton ou tous les
Page 29314
1 autres accords et prépositions, on le constatera jamais nous n'avons été
2 favorable à l'annexion de quelconque territoire. Le peuple serbe vivant sur
3 les territoires où ils vivaient, cherchaient une solution pour jouir d'une
4 égalité avec les autres communautés représentées aux endroits où ils
5 habitaient.
6 Q. Ce qui veut dire que le peuple serbe était libre et souhaitait être
7 égal et que c'était ces deux principes qui étaient les plus importants,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-il vrai que ce principe d'égalité a été confirmé dès la mi-1991, au
11 moment de l'arrivée de Cyrus Vance et de la proposition de faire venir des
12 forces de paix, c'est-à-dire des Casques bleus, des forces des Nations
13 Unies, dans le pays pour les positionner dans certaines zones sous
14 protection des Nations Unies de façon à rechercher ensuite une solution
15 pacifique dans un environnement pacifié ? Est-ce que ceci est tout à fait
16 clair ? Est-il clair que personne n'aurait pu avoir la moindre idée de
17 défendre un concept donnant la préférence à une nationalité ou à un groupe
18 ethnique ?
19 R. Et bien, c'est exact, mais malheureusement, il y avait ce groupe
20 d'ambassadeurs, des quatre grandes puissances, qui a établi le plan Z-4
21 prévoyant un règlement politique susceptible de régler la situation des
22 Serbes en Croatie sur la base d'une autonomie substantielle et à mon avis
23 c'était au départ une bonne solution. Mais ce plan a été débattu avec
24 sérieux, et ensuite il y a eu l'opération Tempête, alors que les forces des
25 Nations Unies étaient présentes en Croatie, les Serbes de Croatie ont été
Page 29315
1 expulsés du territoire et la situation a évolué comme chacun le sait.
2 Q. Est-il vrai, je tiens à tirer cela tout à fait au clair, est-il vrai
3 que certains pays depuis le début de la crise yougoslave ont encouragé et
4 appuyé des actes unilatéraux de la part des républiques yougoslaves en les
5 incitant à faire sécession et plus tard en leur promettant une
6 reconnaissance rapide de leur indépendance, qui était une violation des
7 principes fondamentaux de l'OSCE et du droit international ainsi que des
8 principes défendus par la conférence internationale sur la Yougoslavie de
9 La Haye en 1991 ?
10 R. Et bien, je ne saurais apporter une réponse directe à cette question.
11 Je ne voudrais pas faire la moindre erreur. Tout ce que je peux dire c'est
12 que ceux qui étaient à la tête du pays, et qui étaient les dirigeants
13 politiques yougoslaves de l'époque, ont été très désillusionnés car, en
14 fait, ils nourrissaient un certain nombre d'illusions. Alors, quelles
15 étaient ces illusions ? Nous estimions que l'Europe était prête à défendre
16 le principe qui avait été confirmé à Helsinki, principe selon lequel les
17 frontières étaient inviolables. Et que donc les frontières intérieures
18 seraient préservées. Et puis, nous avions une autre illusion, qui était que
19 nous pensions que le droit des nations à l'autodétermination serait
20 respecté. C'est un principe qui figure noir sur blanc dans la charte des
21 Nations Unies et dans la constitution yougoslave. Et c'est également un
22 principe fondateur à la base de la création de la Yougoslavie, étant donné
23 le nombre au pluriel de nationalités résidant sur son territoire. Donc nous
24 pensions que, lorsque certaines républiques se séparaient de la
25 Yougoslavie, ce principe serait respecté, or il ne l'a pas été par
Page 29316
1 l'Europe. C'était un principe, qui était jugé acceptable par les Nations
2 Unies également, et selon lequel les différents groupes nationaux devaient
3 avoir le droit -- ne pouvaient pas avoir le droit à l'autodétermination
4 autrement qu'au niveau de la république qui était la seule à jouir du droit
5 à la sécession. Et puis il y avait d'autres choses. Par exemple, le
6 problème de la sécession. L'Europe et le monde étaient opposés à la
7 sécession pour tant est qu'il s'agisse d'une sécession par la violence.
8 Pourtant en Yougoslavie, nous avons été très désenchantés parce que
9 l'Europe, tout d'un coup, s'est mise à soutenir ceux qui en Croatie, en
10 Slovénie prônaient une sécession par la violence, et proclamaient que
11 l'armée yougoslave était responsable d'une espèce d'agression sur la
12 Croatie et la Slovénie, ce qui était contraire à la réalité.
13 Donc voilà tout ce que je peux dire. Les choses se sont passées comme elles
14 se sont passées. Le droit international a été interprété d'une façon qui
15 n'a pas toujours été très bonne. Et il y a eu violation des dispositions de
16 la constitution yougoslave dans l'intérêt sans doute de certaines
17 puissances qui ont agi comme elles l'ont fait. Mais cela a eu des
18 conséquences tout à fait désastreuses pour la Yougoslavie, étant donné les
19 événements qui s'en sont suivis. Car il aurait dû être possible de régler
20 les problèmes par des moyens pacifiques, alors qu'en fait c'est un conflit
21 armé qui a éclaté.
22 Q. Donc des violences ont été imposées à la Yougoslavie. Je suppose que
23 cela est incontesté.
24 R. Et bien, je parlerai de violences légales, ou en tout cas d'absence de
25 respect pour les normes du droit international. Je pense que ce serait
Page 29317
1 peut-être une façon plus précise, plus exacte de s'exprimer.
2 Q. Est-il vrai que les décisions de la communauté européenne, le 23 juin
3 1991, ont signifié que 12 pays européens ont décidé de ne pas reconnaître
4 l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, et ont donc rejeté tout
5 contact au plus haut niveau avec ces deux nouveaux états, mais qu'ensuite
6 leur position a changé. Et je poursuivrai. Mais pour l'instant je te
7 demande si ceci est exact ?
8 R. Oui. C'est ainsi que les choses se sont passées. A un certain moment,
9 c'était la position défendue par l'Union européenne.
10 Q. Très bien. Mais la position prise par la communauté européenne se
11 fondait sur Helsinki et sur les normes du droit international à ce moment-
12 là, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Et puis tout d'un coup la situation a changé. La communauté européenne
15 a abandonné sa position, parce que l'Allemagne y a exercé des pressions et
16 a décidé d'appuyer de la façon la plus claire qui soit la sécession, en
17 allant vers un démantèlement de la Yougoslavie par voie de reconnaissance
18 des républiques qui avaient fait sécession. Et c'est allé jusqu'au point
19 d'inviter ces républiques à être reconnues sur le plan international.
20 C'est-à-dire, de proposer leur reconnaissance internationale. Est-ce que ce
21 n'est pas ainsi que les choses se sont passées ?
22 R. Et bien, je ne sais pas si je dirai les choses exactement comme cela.
23 En tout cas, je ne parlerai peut-être pas de vérité ou de non vérité. Il
24 n'est peut-être pas opportun d'utiliser ces termes. Mais tout de même, ce
25 commentaire comporte une grande dose de vérité. Je dirai en tout cas, que
Page 29318
1 la communauté européenne est intervenue comme nous savons qu'elle est
2 intervenue. Elle voulait apporter son aide à la recherche d'une solution
3 politique pour régler les problèmes du pays. Et il nous a été proposé de
4 mettre en place une commission spéciale qui devait étudier les dispositions
5 du droit international, et voir comment une solution politique pouvait être
6 trouvée dans le respect du droit international. C'était bien avant que la
7 guerre n'éclate, bien avant que le conflit n'éclate sur le plan
8 international.
9 Et cette commission que l'on appelé plus tard commission Badinter, a
10 d'abord étudié la constitution yougoslave, la situation en Yougoslavie, et
11 n'en était même pas encore arrivé à discuter avec nous. Mais à sa première
12 séance, elle a dit que la Yougoslavie était déjà dans un processus de
13 désintégration, et que toutes les républiques devaient pouvoir faire
14 sécession si tel était leur désir. Je pense que cette forme d'aide à la
15 sécession était inopportune. Nous avions une très grande confiance dans la
16 communauté européenne, et nous avons subi de lourdes désillusions.
17 Mais, si la décision prise avait été différente, est-ce que l'on aurait
18 demandé à toutes les nations et républiques de la Yougoslavie de rechercher
19 un règlement pacifique avec l'aide de l'Europe. Peut-être. Et dans ce cas,
20 je pense que le désastre aurait pu être évité, mais, maintenant, à savoir
21 si c'est l'Allemagne ou si c'est la France ou l'Angleterre qui a exercé les
22 plus grandes pressions, je ne chercherai pas à répondre à cette question.
23 Bien sûr, chacun peut avoir son avis. Mais je n'y répondrai pas.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le moment se prête bien.
25 Monsieur Nice, qu'y a-t-il ?
Page 29319
1 M. NICE : [interprétation] Je voudrais vous soumettre une question sans
2 aucun rapport avec ce qui vient de se dire.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Passons à huis clos partiel.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 29320
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 29321
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
Page 29322
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 [Audience publique]
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, ceci aura également une
19 incidence sur la déposition de M. Jovic, nous nous sommes demandés quel
20 devrait être le temps disponible à l'accusé vu l'importance que revêt le
21 présent témoin. Il devrait pouvoir encore être contre-interrogé demain.
22 M. NICE : [interprétation] Je me dois de manifester notre inquiétude, vu
23 votre décision. Manifestement, il s'agit ici d'un témoin, qui, dès le
24 départ, allait être un témoin que voulait l'accusé. Nous nous sommes dits,
25 nous n'en étions pas sûrs, nous voulions que vous ayez les livres. Nous
Page 29323
1 avons présenté beaucoup d'éléments qui sont apparemment, on pourrait le
2 dire favorable à l'accusé et s'agissant du temps alloué, je ne dirais pas
3 que c'est inéquitable, injuste mais c'est malencontreux.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous verrons s'il y a injustice. Nous
5 vous accorderons davantage de temps. Ce sera peut-être nécessaire si
6 l'accusé bénéficie d'un avantage de temps.
7 M. NICE : [interprétation] Nous ne voulons pas clore le sujet ou empêcher
8 que des questions soient posées à ce témoin pendant sa présence ici parce
9 qu'il n'y aura pas suffisamment de temps mais nous aurons besoin de
10 beaucoup de temps pour l'interrogatoire supplémentaire éventuellement.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais ceci nous ramène à la question. Il
12 sera peut-être nécessaire que le témoin soit présent pour une autre journée
13 d'audience. Il faudra, s'il y a des problèmes qui se posent, être
14 consultés. Vous pourrez discuté avec le témoin du moment où il pourrait
15 revenir.
16 M. NICE : [interprétation] Autre chose. Je sais que vous avez peine à vous
17 proposez sur cette question, maintenant, mais vu la nature du contre-
18 interrogatoire et les réactions du témoin qui étaient prévisibles
19 d'ailleurs mais qui sont ce qu'elles sont, et vu le problème posé
20 généralement par les contraintes de temps pour la présentation des éléments
21 à charge, est-ce qu'il est approprié de prévoir, ici, un deuxième contre-
22 interrogatoire par les amis de la Chambre. Je soumets respectueusement
23 ceci. C'est que les amis de la Chambre sont ici pour parer à d'éventuels
24 inconvénients que subirait l'accusé au moment de son contre-interrogatoire.
25 Mais les circonstances étant ce qu'elles sont, vous voudrez peut-être
Page 29324
1 penser que ce n'est pas nécessaire. Vous répugnerez, bien sûr, à procéder
2 de la sorte mais je dois essayer de sauvegarder notre temps du mieux que je
3 peux.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président ?
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ferai vraiment l'impossible si vous
8 m'accordez ce temps qui avait été annoncé, je ferai l'impossible, disais-
9 je, pour n'aborder que des questions que M. Slobodan Milosevic n'a pas
10 soulevées. Je garde ceci sans cesse à l'esprit. Je sais que je n'ai qu'à
11 aborder des sujets qui n'a lui -- n'a pas été abordés dans ces questions,
12 questions ou sujets qui relèvent malgré tout de la portée ou
13 d'interrogatoire principal. Donc, je me porterai à évoquer ces sujets
14 seulement.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Tapuskovic, il est bien sûr
17 certain que nous savons que vous êtes sincère dans vos efforts mais nous
18 pensons que vous ne devriez bénéficier que d'une demie heure vu le temps
19 accordé à l'accusé. Il va avoir plus de sept heures.
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais certainement me
21 conformer à votre décision mais il est vraiment très difficile de continuer
22 à travailler sous cette pression du temps. Et je dois me conformer à cette
23 décision, bien entendu, mais je vous demanderais de me permettre au moins
24 d'aboutir avec le traitement de deux sujets parce qu'il est très difficile
25 d'être aussi coincé par le temps -- c'est tellement difficile que j'ai
Page 29325
1 vraiment parfois envie de cesser de faire ce travail parce qu'il est si
2 difficile d'intervenir et de faire le tout en cinq à dix minutes, vraiment
3 difficile.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suis sûr que vous n'allez pas cesser.
5 Vous savez, ces contraintes, elles pèsent sur tous, nous compris. C'est
6 pénible pour tous mais je vous serai gré de votre collaboration et vous
7 aurez toute latitude pour aborder ces sujets.
8 Oui, Monsieur Milosevic.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas l'objection formulée par M.
10 Nice au terme de laquelle je voulais ce témoin pour moi-même parce que
11 j'insistais sur mon droit d'exploiter le temps qui m'est imparti pour le
12 contre-interrogatoire. Ecoutez, je vous en prie, mais j'espère --
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne vous en faites pas trop de ce qu'il a
14 dit et de ce qu'il veut dire par là, par l'expression qu'il a choisie. Le
15 fait est que vous avez toute la journée de demain pour votre contre-
16 interrogatoire.
17 Monsieur Jovic, désolé que vous ne puissiez pas terminer dans les temps
18 prévus mais si nous accordons la journée de demain à l'accusé, ce que nous
19 allons faire malheureusement, je le crains fort, vous devrez revenir pour
20 terminer votre déposition. Il faut que les amis de la Chambre vous posent
21 leurs questions et l'Accusation aura, elle aussi, des questions
22 supplémentaires. C'est la procédure que nous suivons normalement. Mais cela
23 veut dire en d'autres termes qu'il vous faudra revenir une fois de plus.
24 Bien sûr, il faut voir si vous avez des disponibilités. Vous voudrez peut-
25 être contacter M. Nice pour réserver un temps qui vous convient, soit le
Page 29326
1 mois prochain ou dans les deux mois à venir.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui me concerne il n'y aura pas de
4 problèmes.
5 M. NICE : [interprétation] Je m'interroge tout simplement puisqu'il n'y
6 aurait que l'interrogatoire supplémentaire vendredi cette semaine, serait-
7 ce possible ?
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je peux vous dire, dit le Président que
9 c'est précisément ce que pensaient les Juges. Nous allons y réfléchir. Vous
10 voudriez combien de temps ?
11 M. NICE : [interprétation] Impossible de vous le dire dès maintenant. Le
12 moins de temps possible mais au moins une demi-heure donc finalement vous
13 n'auriez qu'un volet de l'audience n'est-ce pas pour terminer vendredi.
14 C'est ce que vous proposez Monsieur Nice.
15 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est sans doute une suggestion marquée
17 du coin du bon sens. Nous pourrions siéger vendredi mais pour un premier
18 volet, il faudra terminer à ce moment-là. Je ne pense pas que ceci
19 empiéterait trop sur les droits de l'accusé, puisque ceci accommode tout le
20 monde de toute façon.
21 Mais il n'y a pas de prétoire. Apparemment la salle 2 serait disponible, ça
22 suffirait, ça ferait l'affaire.
23 L'INTERPRÈTE : M. Nice, hors micro.
24 M. NICE : [interprétation] Changer de lieu c'est comme prendre des
25 vacances.
Page 29327
1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Voilà vendredi matin nous
2 aurons le premier volet de l'audience réservé à Maître Tapuskovic et à M.
3 Nice.
4 M. NICE : [interprétation] Voilà. Maître Tapuskovic aura une demi-heure et
5 nous aurons le reste.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas si on peut aller jusque
7 là. En tout cas, nous aurons une audience demain, nous siégerons demain.
8 --- L'audience est levée à 14 heures 20 et reprendra le jeudi 20 novembre
9 2003, à 9 heures.
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25