Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 10 février 2004

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de commencer l'audience, je

7 dis d'emblée que le Juge May est indisposé. Il n'est pas bien ce qui fait

8 que le Juge Kwon et moi-même siégeons en application de l'Article 15 bis du

9 Règlement de procédure et de preuve.

10 Monsieur Theunens, vous êtes toujours sous le coup de la déclaration

11 solennelle que vous avez prononcée. Maître Tapuskovic, rappelez-vous lors

12 de la dernière journée d'audience, dix minutes avaient été prévues pour la

13 fin de vos questions. Vous pouvez commencer.

14 LE TÉMOIN: REYNAUD THEUNENS [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

17 Vous vous souviendrez, sans doute, que nous avons déjà abordé plusieurs

18 sujets. J'ai posé une question au témoin expert. Elle concernait un

19 document que je lui avais montré. Je vais demander que ce document lui soit

20 remis. Je tenais à lui soumettre plusieurs paragraphes, ce que je n'ai pas

21 pu faire vu le manque de temps. Il s'agit uniquement de quelques documents

22 versés au dossier en septembre 2002. A ce moment-là, cela faisait 300

23 pages. Moi, je ne vais poser que quelques questions portant sur quelques

24 paragraphes à peine.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

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1 Questions de la Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

2 Q. [interprétation] Monsieur Theunens, vous savez que le 1er juillet 1991,

3 Stipe Mesic, sous l'influence de la Communauté européenne est devenu

4 président de la République socialiste de la Yougoslavie, ou plutôt,

5 président de la présidence de la RSFY. Vous en souvenez ?

6 R. J'ai déjà répondu à des questions connexes. C'est en dehors du cadre de

7 mon rapport. Mais je me souviens que dès le 15 mai, il y avait des

8 problèmes au moment où M. Stipe Mesic était censé devenir président de la

9 RSFY. Il n'avait, cependant, pas obtenu la majorité requise. La Communauté,

10 enfin l'Union européenne, avait essayé de trouver une solution pacifique.

11 Je me souviens aussi qu'il y a eu des négociations les 7 et 8 juillet à

12 Brioni.

13 Mais pour répondre à votre question, je n'ai pas analysé de façon détaillée

14 cette facette de la problématique, car ceci ne faisait pas partie de la

15 mission qui m'avait été confiée.

16 Q. Je vous en prie, Monsieur Theunens. Votre rapport ou son résumé dit

17 ceci : "Les forces armées de la RSFY et le conflit en Croatie." C'est bien

18 la tête de rubrique ou même le titre du rapport. C'est la raison pour

19 laquelle j'aimerais vous présenter plusieurs paragraphes de ce rapport. Il

20 s'agit de la session de la présidence du 12 juillet, la seule d'ailleurs

21 qui ce soit tenue dans cette composition, sous les auspices de M. Stipe

22 Mesic, et qui s'est consacré uniquement aux questions qui consistaient, à

23 savoir, ce que devraient faire les forces armées de la RSFY.

24 Il y avait le chef de l'état major, Kadijevic, et même Ante Markovic, qui

25 était alors premier ministre du gouvernement fédéral. La seule personne

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1 manquante était Drnovsek. Si vous regardez la dernière page de ce document,

2 vous ne pourrez que marquer votre accord avec ce que je viens de dire,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui, je suis d'accord.

5 Q. Veuillez maintenant examiner la version en anglais de la page 36,

6 paragraphe 6, et 7 de la dite page. Paragraphe 6 --

7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas de copie du

8 document.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

10 Q. -- c'est Kadijevic qui intervient. Je vous demande de vous attacher plus

11 particulièrement aux phrases qui précèdent. C'est Kadijevic qui parle de la

12 place que devrait avoir l'armée, et des objectifs qu'elle doit poursuivre

13 cette armée de la RSFY. C'est au paragraphe 6, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, Monsieur le Président. Enfin, je ne sais pas combien de pages

15 qu'il y a dans ce document. Apparemment, c'est un procès verbal, et je

16 crois ce que me dit Me Tapuskovic, que c'est bien Kadijevic qui parle --

17 Q. Mais je viens de vous lire quelque chose. Voici ce qu'il dit,

18 paragraphe 7 maintenant, s'agissant des tâches incombées à l'armée. Il dit

19 qu'elle a essentiellement les tâches suivantes : "Assurer la cessation de

20 toutes hostilités en l'espace de quatre jours sur le territoire de la RSFY,

21 assurer la démobilisation de toutes les formations sur ce même territoire,

22 à l'exception de la JNA." N'est-ce pas ce qu'il demande à la présidence de

23 faire, à savoir qu'une décision soit prise pour que ces conditions soient

24 réalisées ?

25 R. Effectivement, si on lit ce paragraphe. Le général Kadijevic formule

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1 cette demande le 12 juillet. Mais il apparaît clairement, à partir d'autres

2 sources, par exemple, le livre qu'il a écrit et à partir d'autres données

3 par le SSNO et par le Grand état major de la JNA, et à partir de la --

4 Q. Je n'ai pas de temps d'aborder tout cela. Je viens juste de vous

5 présenter un document. Vous parliez de Kadijevic vous-même, vous avez parlé

6 du livre qu'il a écrit. Je vous demande maintenant d'examiner la version en

7 anglais, la page 85, paragraphes 1 et 2.

8 En gros, on peut dire que la majorité était favorable à la proposition

9 faite par Kadijevic, celle que je viens énoncer au paragraphe précédent. Il

10 demande un délai de quatre jours pour assurer le désarmement des

11 paramilitaires pour ce qui est des unités qui opéraient sur toute la

12 Yougoslavie et la majorité de l'accord. Bogicevic, président de la Bosnie-

13 Herzégovine dit ceci, à la page 85, vous l'avez sous les yeux : "S'agissant

14 de la première proposition de cessation de tout conflit armé sur le

15 territoire de RSFY, je suis tout à fait d'accord. Je pense que le

16 rétablissement de la paix est la seule garantie nous permettant d'avancer

17 dans nos négociations. Est-ce que nous allons réussir, j'espère bien, en

18 l'espace de 24 heures, même pas, dans un délai de quatre jours."

19 N'était-ce pas là l'avis majoritaire qui est ainsi résumé ?

20 R. C'est ce que dit ce paragraphe mais je le répète --

21 Q. Merci.

22 R. Je voudrais quand même dire quelque chose. Le document est très long.

23 Il me semble tout à fait dangereux de tirer les conclusions à partir de

24 certains paragraphes sans les avoir tous lus. Moi aussi, je peux lire la

25 teneur de celui-ci, mais comment voulez-vous que je vous dise si c'est bien

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1 le reflet de toute la teneur du rapport.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons pris acte de ce que vous

3 avez dit.

4 Poursuivez, Maître Tapuskovic.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

6 Q. Vous parlez du livre de Kadijevic. Je sais que vous respectez ce qu'il

7 écrit dans ce livre, mais vous ne vous souvenez pas, me semble-t-il que ce

8 document qui a été produit le premier jour du volet Croatie qui fait trois

9 pages, qu'il s'attachait uniquement aux travaux entrepris par l'armée de la

10 RSFY afin de désarmer les paramilitaires. Pourtant, vous n'avez pas tenu

11 compte de ce livre. C'est pourquoi je dois vous soumettre ces paragraphes

12 et vous demander pourquoi l'armée n'a pas reçu le feu vert pour désarmer

13 les paramilitaires.

14 Vous travaillez depuis de nombreuses années au sein du bureau du Procureur.

15 Pourquoi ne pas avoir examiné les problèmes en rapport avec le conflit en

16 Croatie, pourquoi pas ? Expliquez-moi.

17 R. Ce rapport se compose de trois parties. Je pense qu'il y a 400 notes de

18 bas de pages. On le dit au début du rapport ainsi que dans le résumé.

19 J'avais uniquement et surtout une tâche d'analyste militaire. Je n'avais

20 pas pour tâche d'examiner les procès-verbaux des réunions de la présidence

21 ou de faire fonction d'analyste juridique, pour ainsi dire.

22 Il y a plusieurs réunions de la présidence de la RSFY. Je crois comprendre

23 effectivement qu'il y a eu beaucoup de discussions à propos d'armement, de

24 désarmement, de la nécessité de prendre des mesures, mais je n'ai pas

25 estimé qu'il était nécessaire d'aborder ceci de façon détaillée.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

2 demander à M. Theunens de tirer au clair deux choses supplémentaires à

3 propos de ce rapport. Ma dernière question, je la poserai après avoir

4 soumis au témoin deux paragraphes supplémentaires.

5 Page 194, je pense que c'est 171 en version anglaise, paragraphe 5. La tête

6 de rubrique étant Kadijevic s'adresse à tout le monde. Je cite : "En ce qui

7 concerne le point numéro 1, il est à ce point crucial, comme vous le

8 verrez, que c'est la nouvelle variante me permettant le retrait de la

9 Slovénie. L'avenir de la Yougoslavie en est tributaire, parce que

10 finalement, ce sera une guerre civile." Ante Markovic dit : "Je suis tout à

11 fait d'accord." Kadijevic dit ensuite : "C'est donc le point clé, le point

12 essentiel. Il y aura guerre ou pas en fonction de ce point-là." Est-ce que

13 c'est à peu près cela que cela veut dire ?

14 R. Je répondrai de la même façon qu'aux questions précédentes. Le document

15 est long. Il fait 250 pages. Vous m'en donnez un paragraphe. Je suis

16 d'accord avec la lecture que vous venez de faire en ce qui concerne ce

17 paragraphe-ci, mais comment voulez-vous que je compare avec d'autres

18 paragraphes.

19 Q. Je vous remercie. Je vous remercie. Examinez maintenant la page 228,

20 paragraphe 2. Stipe Mesic dit, quand tout a été fini, quand tout le monde a

21 été favorable à la prise de ces décisions, voici ce que dit Stipe Mesic. Je

22 cite : "Très bien, prenez-la cette décision. Prenez n'importe quelle

23 décision, mais moi, je ne signerai pas un acte de capitulation, lorsqu'on

24 va se saisir du territoire croate." Plus tard, il dit : "Je ne peux pas

25 rentrer en Croatie en tant que traître, c'est exclus. Arrêtez-moi, faites

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1 ce que vous voulez de moi. Voulez-vous que je signe ma démission ? Si c'est

2 ce que vous voulez, je le ferai." Stipe Mesic, président de la présidence,

3 ne voulait pas endosser la position adoptée par tous les autres membres de

4 la présidence, qui était de donner un délai de quatre jours permettant de

5 désarmer tous les paramilitaires. J'ai dit l'armée, mais je voulais dire

6 les paramilitaires, oui.

7 A cet égard, Monsieur Theunens, voici ce que sera ma dernière question.

8 L'INTERPRÈTE : Le micro n'étant pas branché.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

10 Q. Face à une telle situation, si la JNA avait le monopole de la violence,

11 est-elle la seule institution détenant ce monopole de la violence ? Si la

12 présidence demandait qu'il y ait désarmement des paramilitaires pour

13 empêcher tout autre conflit partout en Yougoslavie, est-ce que c'était là

14 quelque chose d'important, quand on pense à ce qui pourrait se passer en

15 Croatie, puisque dès le mois suivant, il y a eu siège de toutes les

16 garnisons, de toutes les casernes en Croatie ?

17 R. Messieurs les Juges, il m'est difficile d'apporter un commentaire,

18 comme cela, de but en blanc. On me donne un paragraphe alors que le

19 document est long, la question complexe, et qui n'est pas tout à fait de

20 mon domaine d'expert, car je m'attache aux aspects militaires du conflit.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Une dernière question, Monsieur le

22 Président.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre dernière question ?

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Avec votre permission, je vais vous

25 expliquer pourquoi je vous pose cette dernière question.

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1 Q. M. Theunens dit que ceci ne relève pas de son domaine ni du mandat qui

2 lui était confié. Paragraphe 8, il est dit : "Les forces armées de la RSFY

3 avaient pour tâche --" et là, je cite son résumé, "de protéger

4 l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays ainsi

5 que l'ordre public, comme le prévoit la constitution de la RSFY." Comment

6 était-il possible que l'armée de la RSFY s'acquitte de ses devoirs, de ses

7 obligations, si la décision demandée à la présidence à cet égard, ne

8 pouvait pas être acceptée ? Comment pouvait-elle s'acquitter de son rôle et

9 de cette mission, si ce que vous dites au paragraphe 8 est exact ?

10 R. Dans ce résumé, le paragraphe 8 s'appuie sur le mandat qui m'avait été

11 donné et qui est mentionné dans la constitution de 1974, confirmé en 1992

12 par la loi, concernant la Défense populaire généralisée. Je ne peux pas

13 vous dire si c'est exact ou pas. Je me suis contenté de lire ce texte de

14 loi dont je citais des extraits.

15 Deuxième page du paragraphe 8. Là, on voit l'évolution de la mise en place

16 de cette mission. Ceci s'appuie sur l'examen que j'ai fait des ordres

17 donnés par la JNA, le SSNO, qu'on retrouve dans le bulletin de SSNO, signé

18 par Kadijevic et par le général Adzic. Je me suis appuyé aussi sur

19 l'ouvrage de Kadijevic. Si j'avais eu pour tâche d'analyser --

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Tapuskovic, et merci

22 Monsieur Theunens.

23 Monsieur Nice, vous aviez indiqué que vous n'alliez pas poser de questions

24 supplémentaires, êtes-vous toujours de cet avis ?

25 M. NICE : [interprétation] J'étais prêt à abandonner cette possibilité pour

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1 gagner du temps. Je ne vais pas changer d'avis.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

3 M. NICE : [interprétation] Pourtant, pouvons-nous parler des pièces. Pour

4 gagner du temps, j'ai déposé une requête courte qui vous propose une

5 méthodologie éventuelle pour ce qui est du versement des pièces.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons reçu cette requête, et la

7 Chambre de première instance y fait droit, à l'exception du troisième

8 paragraphe des recours demandés, à savoir que le solde des documents

9 reçoive une cote provisoire d'identification. En d'autres termes, les

10 autres pièces pourront recevoir une cote chacune, comme vous le proposez.

11 Le Juge Kwon va veiller au grain, va vérifier cet exercice avec la

12 greffière d'audience.

13 M. NICE : [interprétation] Il faudra ajouter l'intercalaire 22. Il s'agit

14 d'un document, je ne sais pas si le témoin sait qu'on a ajouté ce document.

15 Je vais lui demander de l'examiner rapidement.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas.

17 M. NICE : [interprétation] Merci. Cet intercalaire 2, une pièce

18 supplémentaire, pourriez-vous nous en expliquer la teneur si vous le

19 reconnaissez tout de suite.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit d'un rapport

21 préparé par la 2e Région militaire. Le commandant, le général Milutin

22 Kukanjac, procède à l'évaluation de la situation en Bosnie-Herzégovine,

23 telle qu'elle se présente en mars 1992. J'ai déjà examiné ce document. Il a

24 été utilisé dans la troisième partie du rapport, consacrée à la situation

25 en Bosnie-Herzégovine. Voulez-vous que je vous donne d'autres détails.

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1 M. NICE : [interprétation] Non. Ceci suffira. Messieurs les Juges, pour

2 ceux qui suivent les débats, et pour voir comment on traite les différentes

3 pièces, nous proposions dans cette brève requête une méthode, la voici.

4 C'est que 20 ou quelques classeurs de documents examinés par M. Theunens,

5 et qui sont répercutés dans le rapport qu'il a préparé, ainsi que la partie

6 préparée par M. Alan Borrelli, restent disponibles jusqu'aux conclusions.

7 Nous ne voulons pas imposer une tâche trop considérable aux Juges ni crever

8 davantage le dossier de l'audience, à l'exception de ces 22 intercalaires.

9 Si plus tard, il s'avère nécessaire de revenir de façon détaillée sur ces

10 documents, il faudra à ce moment-là prendre les mesures nécessaires vous

11 permettant d'examiner les documents.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'agissant de l'intercalaire 22,

13 dont on vient juste de demander le versement, je crois que l'accusé doit

14 avoir l'occasion de l'examiner. La Chambre est prête à déclarer ce document

15 recevable.

16 Monsieur Milosevic, avez-vous eu l'occasion d'examiner le document

17 représentant l'intercalaire 22 ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur Robinson.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons vous donner l'occasion

21 d'examiner ce document, Monsieur Milosevic. Nous y reviendrons plus tard.

22 Je parle ici de cet intercalaire 22.

23 Monsieur Theunens, ceci met fin à votre déposition. Vous pouvez vous

24 retirer.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

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1 [Le témoin se retire]

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Comme il n'y a pas pour le moment de témoin

5 dans le prétoire, je saisis cette occasion pour vous demander deux choses,

6 pour soulever deux questions.

7 J'ai reçu le calendrier des audiences, le 4 février. J'aimerais relever

8 deux paragraphes pour lesquels je vous demande une explication. Vous dites

9 ceci : "Etant donné que l'accusé doit se préparer à avoir cinq journées

10 d'audience plus longues, étant donné qu'il ne sent pas bien pour le moment,

11 comme ces longues journées nécessiteront de sa part des préparatifs qui ne

12 tombent pas dans le cadre des calendriers de préparatif habituel, il

13 convient que le Greffe lui donne toute l'assistance possible, si l'accusé

14 le lui demande, afin qu'il se prépare au procès."

15 Passage suivant : "Le Juge May ne sera pas disponible lors de la reprise

16 de l'audience le 10 février 2004, --"

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, Monsieur Milosevic.

18 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette ordonnance est limpide. La

6 Chambre a estimé qu'étant donné que vous étiez malade, il convenait que le

7 Greffe vous donne toute l'aide requise. Je pense que c'est ce qui se passe.

8 La Chambre estime qu'il est absolument nécessaire que l'Accusation termine

9 la présentation de ces moyens dans les deux semaines à venir. C'est tout ce

10 que nous avons à dire à ce sujet.

11 Monsieur Nice, --

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux vous dire quelque chose, Monsieur

13 Robinson et Monsieur Kwon. Je ne vois pas très bien ce que peut faire le

14 Greffe. Deuxième chose, le Greffe n'a absolument rien fait.

15 J'ai une deuxième question, Monsieur Robinson. Il y a à peine quelques

16 instants, j'ai reçu un document portant prorogation de la l'interdiction de

17 communication pour le troisième mois consécutif. Comme vous le savez

18 pertinemment, une fois que ce faux Procureur, cette fausse équipe de

19 l'Accusation en aura terminée, ce sera à mon tour. Je ne vois pas très bien

20 comment je peux me préparer correctement, si on m'empêche de communiquer

21 avec qui que ce soit.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une question sur laquelle la

23 Chambre va se pencher en temps utile, soyez-en assuré.

24 Monsieur Nice.

25 M. NICE : [aucune interprétation]

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de faire venir le témoin, je

2 suis sûr que vous avez reçu l'ordonnance qui était rendue par la Chambre.

3 M. NICE : [interprétation] Oui, je l'ai reçue. Nous nous sommes préparés en

4 conséquence.

5 Le témoin, comme vous le savez, a fait une longue déclaration sur la base

6 de ses propres notes. Afin que nous pussions travailler rapidement, je

7 souhaiterais qu'il puisse disposer de ce document à côté de lui pour se

8 rafraîchir éventuellement la mémoire.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cette déclaration est fort

10 longue. Nous souhaiterions que l'interrogatoire principal et le contre-

11 interrogatoire ne partent pas dans tous les sens.

12 M. NICE : [interprétation] Il serait utile de pouvoir permettre au témoin

13 de disposer de ce document pour se rafraîchir éventuellement la mémoire.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il pourra en disposer.

15 M. NICE : [interprétation] Je pars du principe que tout le monde dispose de

16 la liasse de pièces à conviction dont je demanderai la production de

17 certaines au fil de l'interrogatoire principal. Je vais utiliser cette

18 liste et essayer de passer en revue tous les éléments de preuve que le

19 témoin nous communique aussi rapidement que possible.

20 On pourrait, peut-être, attribuer une cote provisoire à cette liasse en

21 attendant le témoin.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cote 645.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander l'aide du juriste

24 de la Chambre.

25 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]

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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

3 prononcer la déclaration solennelle.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez prendre place.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

8 LE TÉMOIN: DIEGO ENRIQUE ARRIA [Assermenté]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Nice :

11 Q. [interprétation] Pouvez-vous nous donner vos noms et prénoms.

12 R. Diego Enrique Arria.

13 Q. Vous avez été employé au bureau des Nations Unies en 1992, 1993.

14 Actuellement, vous travaillez à titre bénévole aux Nations Unies en tant

15 qu'assistant du secrétaire général. Vous avez également occupé d'autres

16 postes qui sont détaillés dans les documents.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Est-ce que vous avez attendu la question ? Vous avez été représentant

21 du Venezuela auprès des Nations Unies. Vous avez occupé de hautes fonctions

22 au niveau universitaire et autres. Vous êtes actuellement employé auprès

23 des Nations Unies à titre gracieux.

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez fait une très longue déclaration que nous n'allons pas

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1 présenter officiellement mais vous avez publiquement, d'autre part, été

2 très critique au sujet des divers intervenants ou non au conflit. Vous avez

3 également critiqué la communauté internationale en général, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vais me concentrer sur deux aspects de ces questions où vous pouvez

6 nous aider à mieux comprendre. En premier lieu, j'aimerais que, grâce à

7 certains documents et par votre intervention, vous nous disiez comment, à

8 votre avis, l'accusé et le gouvernement en Serbie et en Yougoslavie ont été

9 informé de ce qui se passait sur le territoire, étaient informé de ce qui

10 se passait sur le territoire.

11 Deuxièmement, je voudrais que, sur la base de votre expérience, sur la base

12 de ce que vous savez, vous nous disiez quel impact cela a eu ou cela a pu

13 avoir sur un éventuel sentiment d'impunité qui a pu exister sur le

14 territoire, donc, question en deux volets.

15 R. S'agissant de la première partie de la question, l'ex-Yougoslavie était

16 pour moi dans ma région du monde un pays très prestigieux. Nous étions

17 favorables, jusqu'à la fin 1991, nous étions tout à fait favorables à

18 l'intégrité du territoire de la Yougoslavie et à son maintien. Lorsque les

19 choses ont commencé à mal tourner au début 1992 ou à la fin 1991, c'est à

20 ce moment-là que l'accusé s'est rendu compte de la direction dans laquelle

21 les événements partaient.

22 Q. Je vais vous demander de bien vouloir répondre aux questions

23 précisément parce que nous sommes limités par le temps. Vous avez une liste

24 de pièces à conviction sous les yeux et la liasse de pièces est à votre

25 gauche. Je vous demande s'il y a plusieurs résolutions du conseil de

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1 Sécurité des Nations Unies au sujet de la Yougoslavie au sujet de

2 l'intervention de la Serbie et vous avez critiqué ces résolutions parce que

3 vous estimiez qu'elles étaient trop énergiques ou pas assez ?

4 R. Je pensais qu'elles n'étaient pas suffisamment énergiques puisqu'elles

5 ne permettaient pas de mettre un coup d'arrêt au conflit.

6 Q. A votre avis, qu'est-ce que cela a eu pour effet ces résolutions sur le

7 terrain et sur les Serbes en particulier ?

8 R. Cela a donné l'impression que la communauté internationale était

9 impuissante et qu'elle n'allait rien faire pour empêcher les événements qui

10 se produisaient de se poursuivre.

11 Q. Intercalaires 1, 2 et 3 de la pièce à conviction 615, nous trouvons ici

12 un certain nombre de résolutions. Nous allons commencer par l'intercalaire

13 numéro 4. Il s'agit d'une lettre qui vient de Branko Kostic, qui est vice-

14 président de la présidence de Yougoslavie, et qui rejette toutes les

15 allégations qui y sont faites. C'est une lettre en date du 30 mai 1992. En

16 regardant la deuxième page de cette lettre, on voit qu'il rejette un

17 certain nombre d'allégations qui ont été faites contre l'ex-Yougoslavie. Il

18 affirme que la Yougoslavie respecte l'intégrité territoriale; deuxièmement,

19 qu'elle va utiliser tous les moyens pour mettre un terme au combat;

20 troisièmement, cela a trait à l'organisation militaire; quatrièmement, les

21 conditions relatives à l'aide humanitaire; cinquièmement, opposition à

22 toute expulsion de population.

23 Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît. Dans un discours que vous

24 avez fait aux Nations Unies à ce sujet, est-ce que vous avez fait référence

25 à ces cinq affirmations faites par l'ex-Yougoslavie ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que ces affirmations étaient vraies ?

3 R. Non.

4 Q. Je veux maintenant passer à l'intercalaire numéro 5. C'est une lettre

5 de Mme Ogata du 18 mars 1993.

6 On voit, je cite : "Le 16 mars, j'ai reçu des assurances du président

7 Milosevic et du Dr Karadzic," et cetera. Ensuite, à la page 2 de la lettre,

8 je ne peux pas, moi-même, donner le document pour qu'il soit placé sur le

9 rétroprojecteur. Pour ne pas perdre de temps, je vais demander à l'huissier

10 de m'aider de son côté. Page 2, il est dit, je cite : "Je souhaite attirer

11 votre attention sur les événements à moyen terme à Srebrenica. Je considère

12 qu'il est absolument essentiel de maintenir une présence internationale

13 dans l'enclave. Ceci est le seul moyen de garantir que la population locale

14 ne soit pas complètement abandonnée." On voit qu'elle est prête à maintenir

15 ses propres collaborateurs sur place. Reprise de la lecture, je cite :

16 "Tout indique qu'une tragédie humanitaire de grande envergure est en train

17 de se préparer dans l'enclave de Srebrenica. J'estime que les dirigeants

18 les plus importants de la planète doivent être avertis de cette évolution.

19 J'espère que ce qui se passe aujourd'hui en Bosnie orientale pourra être

20 porté à l'attention des participants à la conférence internationale."

21 Quand avez-vous eu cette lettre pour la première fois, Monsieur Arria ?

22 R. Il y a 11 ans, mais elle n'a jamais été présentée au conseil de

23 Sécurité.

24 Q. Vous avez fait des observations au sujet de ce document. Nous n'avons

25 pas le temps d'entrer dans les détails. Vous avez critiqué le conseil de

Page 31714

1 Sécurité parce qu'il n'a pas communiqué un certain nombre d'informations

2 pertinentes.

3 R. Oui.

4 Q. Intercalaire 6, --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, peut-on demander qui

6 a souligné ces paragraphes ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est Mme Ogata.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est elle-même ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Intercalaire 6, lettre de Boutros-Ghali, que vous avez critiquée,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Deuxième page de l'intercalaire 6, elle fait partie d'une lettre, fait

15 partie d'une deuxième lettre de Mme Ogata où on parle de la situation très

16 inquiétante à Srebrenica. Est-ce que cette deuxième lettre est la même ou

17 ressemble beaucoup à la première ?

18 R. Elle la complète.

19 Q. Non, ce que je veux dire c'est, est-ce que les observations de Boutros-

20 Ghali reprennent le ton de la première lettre ou pas ?

21 R. Non, pas du tout. Mme Ogata a imploré, a appelé le secrétaire général à

22 intervenir rapidement, rapidement sur cette question. Il a fallu 12 jours

23 avant que le conseil de Sécurité ne soit de nouveau informé sur ce qui se

24 passait à Srebrenica et sur le fait que les citoyens étaient assiégés dans

25 cette ville.

Page 31715

1 Q. Deuxième page de cette lettre du 2 avril, en annexe, au paragraphe 1,

2 on nous explique la situation très difficile dans laquelle se trouve la

3 population de Srebrenica. Page suivante, il faut que j'aille très vite, on

4 pourra lire la lettre si on le souhaite. Je cite, deuxième paragraphe :

5 "Dans ces circonstances, nous avons deux options. Si nous voulons sauver la

6 vie des personnes qui sont à Srebrenica, la première option, c'est

7 d'augmenter la présence internationale." Elle explique ici le type d'aide

8 qui peut être apportée.

9 Ici, on voit le type d'aide ou plutôt la situation telle qu'elle se

10 présentait en Yougoslavie.

11 R. Oui.

12 Q. Maintenant, à l'intercalaire 7, note par le président du conseil de

13 Sécurité. Premier paragraphe : Choqué et alarmé par la situation qui

14 s'aggrave. Deuxième paragraphe, le conseil de Sécurité rappelle les

15 résolutions pertinentes, condamne le mépris manifesté par les Serbes de

16 Bosnie dans le cadre de leurs activités totalement inacceptables de

17 nettoyage ethnique qui empêche toute aide humanitaire. Troisième

18 paragraphe, on appelle à un respect du conseil de Sécurité. Est-ce que

19 cette lettre est publique ?

20 R. Oui.

21 Q. Intercalaire 8, deux lettres, lettre de Sacirbey. Il a déploré la

22 situation. Comment sa lettre a-t-elle été reçue ?

23 R. On l'a pratiquement, totalement ignoré. On était très blasés. On a

24 considéré que c'était juste une remarque de plus de Sacirbey.

25 Q. Est-ce que sa prise de position était prise au sérieux comme cela

Page 31716

1 l'aurait dû le faire ?

2 R. Non. Parce qu'on était dans une atmosphère où on savait ce qui se

3 passait mais, en fait, le conseil de Sécurité n'était pas vraiment prêt à

4 accepter la réalité de cette information.

5 Q. Est-ce que ceci avait un lien avec la position auprès du conseil de

6 Sécurité, soit de certains de ces membres en Bosnie ?

7 R. Oui. Tous les pays dans la lignée du conseil de Sécurité ont toujours

8 eu le sentiment que la Bosnie traitée de manière différente qu'un pays

9 comme le Koweït précédemment. On craignait de voir apparaître un pays

10 musulman au milieu de l'Europe avec non pas des Européens mais des

11 Musulmans.

12 Q. Intercalaire 9, document dont nous n'avons pas encore examiné. Ceci

13 vient de la Cour internationale de justice. C'est une ordonnance suite à

14 une plainte de la Bosnie. Nous n'avons pas le temps d'entrer en détail,

15 d'entrer dans le détail de cette plainte. Mais vers la fin du document,

16 page 24 ou 25 en bas, on voit que sous le titre, "Application de la

17 convention du génocide", le tribunal a ordonné que le gouvernement de la

18 République fédérale de Yougoslavie prenne immédiatement toutes les mesures

19 en son pouvoir pour empêcher la commission du crime de génocide, et par 13

20 contre 1, je crois que les Russes n'ont pas voté, qu'il faudrait faire en

21 sorte que toute organisation paramilitaire, militaire ou irrégulière, ainsi

22 que toute organisation sous son contrôle ou son influence, ne commette

23 aucun acte de génocide, de complicité de génocide ou n'incite à la

24 perpétration du génocide. Voici une ordonnance qui était publique et qui

25 avait été rendue après une plainte déposée publiquement, n'est-ce pas ?

Page 31717

1 R. Oui.

2 Q. Estimez-vous que c'est un document important ? Estimiez-vous à l'époque

3 que c'était important ?

4 R. J'estime que c'est un document fort important, très important. Si bien

5 que les pays non alignés se sont battus au sein du conseil de Sécurité pour

6 qu'on prenne acte de ce document dans une résolution puisque cela venait de

7 la Cour internationale de justice. Mais nous nous sommes opposés à une très

8 forte résistance de la part du conseil.

9 Q. Pour un tel document, combien de temps faut-il pour que le conseil de

10 Sécurité prenne des mesures ou vote une résolution ?

11 R. Cela aurait pu être fait dans les deux jours, surtout si on avait un

12 document qui venait de la Cour internationale de justice, parce que, si je

13 me souviens bien, c'était la deuxième fois que la Cour s'adressait au

14 conseil de Sécurité. Elle l'avait d'abord fait pour la Libye, et là, cela

15 aurait dû être l'intervention de la Cour internationale de justice. Cela

16 aurait dû être traité dans l'urgence par le conseil de Sécurité.

17 Q. Dans ce cas-là, on voit qu'il faut attendre le 15 avril, à

18 l'intercalaire 11, pour que votre lettre, en tant que coordinateur,

19 permette la transmission d'une déclaration que nous voyons à la page

20 suivante. C'est une déclaration qui vient des pays non alignés, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Au milieu de la première page --

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'intercalaire 10.

25 M. NICE : [interprétation] Oui, effectivement. Je m'excuse, intercalaire

Page 31718

1 10.

2 Q. Paragraphe suivant, je cite : "Dans ce contexte, nous estimons comme

3 très grave le retard dans l'adoption du projet de résolution." C'était

4 votre projet de résolution, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. "Les Serbes de Bosnie ont prouvé qu'ils ne sont pas prêts à faire des

7 efforts de bonne foi pour la paix." Ensuite, vous parlez du plan Vance-

8 Owen. Puis, vous dites : "Nous appuyons les principes contenus dans le

9 projet de résolution." Au dernier paragraphe, vous parlez de la levée de

10 l'embargo sur les armes que vous demandez. Que pensiez-vous de l'impact sur

11 la Bosnie-Herzégovine de l'embargo sur les armes ?

12 R. Nous estimions que lorsque l'embargo a été mis en place en 1991, en

13 novembre 1991, on pensait que c'était une mesure extrêmement importante.

14 Cependant, on ignorait qu'on était en train de déterminer l'issue du

15 conflit parce que la seule partie dans ce conflit qui n'était pas armée,

16 qui n'avait pas de forces armées régulières, c'était le gouvernement de la

17 Bosnie-Herzégovine. Personne n'a informé les membres non permanents, ni le

18 conseil de Sécurité de cette situation. Si bien que les parties en présence

19 n'étaient pas sur un pied d'égalité, l'avenir l'a montré.

20 Q. Le projet de résolution se trouve à l'intercalaire 11. Ceci a été

21 rédigé par les pays non alignés. Vous demandez une réaffirmation de la

22 position contre le nettoyage ethnique. Vous réaffirmez l'indépendance de la

23 Bosnie-Herzégovine. Vous demandez la mise en place d'un tribunal, de notre

24 Tribunal. A la deuxième page, au point 3, on voit que vous exprimez votre

25 préoccupation s'agissant du refus de mettre en place ou d'accepter les

Page 31719

1 termes d'un accord provisoire. Vous exigez le respect des cessez-le-feu, le

2 respect des droits des Nations Unies sur place, et cetera.

3 Cette résolution n'a jamais été adoptée, n'est-ce pas ?

4 R. Non.

5 Q. Quelles auraient été les conséquences de l'adoption de cette résolution

6 si on avait eu la volonté de le faire ?

7 R. Il était clair que le conseil de Sécurité ne voulait pas aller dans

8 cette direction, ne voulait pas en faire plus de ce qui n'avait été fait.

9 S'ils avaient soulevé, s'ils avaient annulé l'embargo sur les armes, la

10 situation aurait été complètement différente. La majorité des pays au sein

11 des Nations Unies étaient d'accords mais pas le conseil de Sécurité. Il y a

12 eu un vote de 9 contre 6.

13 Q. Revenons à la question de l'impunité qui a été ou pas créée par cette

14 atmosphère, par l'attitude des Nations Unies. Est-ce qu'on s'en rendait

15 compte en Yougoslavie ?

16 R. Oui, si bien que l'ambassadeur de la Yougoslavie, à l'époque, Jokic

17 envoyait des lettres à son collègue au Venezuela en l'informant de ce qui

18 se passait dans les délibérations du conseil de Sécurité. Je me souviens

19 avoir dit à M. Jokic, que je n'enverrai plus de rapport à ce sujet sur le

20 conseil de Sécurité, parce que lui, il était mieux informé.

21 Q. Vous aviez l'impression que toutes ces informations allaient

22 directement à Belgrade ?

23 R. Oui.

24 Q. Nous en arrivons maintenant à la seule mission menée par les Nations

25 Unies à Srebrenica à l'époque. C'est bien cela ?

Page 31720

1 R. Oui.

2 Q. Vous avez demandé à ce que cette mission soit mise en place, et vous

3 l'avez dirigée, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Je signale que nous avons une deuxième lettre de Sacirbey à

6 l'intercalaire 12. Est-ce qu'une fois de plus, cela n'a pas été pris au

7 sérieux ?

8 R. Oui, même chose qu'avant. Bien que, à l'époque toutes ces lettres

9 étaient reprises par les médias internationaux.

10 Q. Il en est de même pour l'intercalaire 13.

11 En vous servant de votre déclaration pour vous rafraîchir la mémoire, le

12 Tribunal ou les Juges de la Chambre vous l'autorise. Je vous demande de

13 vous rendre à l'intercalaire numéro 14, paragraphe 304. Cette mission

14 concernait plusieurs pays. Nous avons vu que votre rapport était un rapport

15 unanime, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Ce qui était inhabituel.

18 R. Oui.

19 Q. Dont vous êtes fier.

20 R. Oui.

21 Q. Qu'avez-vous découvert sur l'accord qui avait été conclu par la

22 FORPRONU ? Paragraphe 304.

23 R. Nous débattions d'une résolution du conseil de Sécurité, et ceci

24 jusqu'à minuit, pensant que nous allions garantir la sécurité des habitants

25 de Srebrenica. Quand nous sommes arrivés à Srebrenica, nous nous sommes

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1 rendus compte que sur le terrain, on avait déjà réglé cette question,

2 puisque les forces bosniaques avaient été contraintes de capituler, qu'on

3 avait déjà commencé la démilitarisation de ces forces, le désarmement des

4 Bosniaques. Ceci était fait par la FORPRONU, ce qui allait au-delà de la

5 résolution. Si bien que cette résolution était totalement dénuée de

6 pertinence, parce qu'elle ne correspondait pas du tout à ce qui se passait

7 sur le terrain.

8 Q. Nous avons ici une contradiction entre le débat public aux Nations

9 Unies et la capitulation sur le terrain. On le voit à l'intercalaire 14. On

10 y voit l'accord auquel vous faites référence. Est-ce qu'on savait tout cela

11 en ex-Yougoslavie ?

12 R. Bien sûr.

13 Q. Passons au paragraphe 307. Nous voyons que vous avez préparé un rapport

14 que nous n'allons pas examiner en détail. Vous faites référence à la

15 possibilité de voir 25 000 personnes massacrées. Votre estimation, tout le

16 monde la connaissait, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, nous avions avec Médecins sans frontières, la FORPRONU, le Haut-

18 commissariat aux Réfugiés, le bureau chargé des affaires humanitaires, et

19 cetera. On en était arrivé à cette estimation après consultation mutuelle.

20 Q. Vous dites dans votre rapport, que l'accord de la FORPRONU met fin à

21 tout cela. Est-ce que c'était la poursuite ou la fin de la menace de

22 massacre ?

23 R. A l'époque, étant donné la tension qui régnait au sein de la communauté

24 internationale, grâce aux médias internationaux, tous les projecteurs

25 étaient braqués sur Srebrenica. On pensait que c'était positif.

Page 31722

1 Q. A moyen ou à long terme, quelle était la situation ?

2 R. Nous pensions, cela figure dans le rapport, qu'il y aurait un massacre,

3 quand je me suis rendu à Srebrenica. Je me suis rendu compte que la

4 situation était complètement inimaginable, se dégradait ce qui était enduré

5 par les gens de la région était inimaginable. Cela ne nous avait jamais été

6 rapporté au conseil de Sécurité. On pensait que Srebrenica était assiégé,

7 mais on ne pensait que c'était en fait une prison à ciel ouvert, qu'on

8 avait un génocide au ralenti qui était en train de s'y produire, qui a été

9 finalisé en 1995.

10 Q. Est-ce que ces gens continuaient à être mis en péril ?

11 R. Oui, le risque existait. Il continuait à exister, parce que la FORPRONU

12 et les effectifs internationaux étaient placés sous le contrôle des unités

13 paramilitaires serbes.

14 Q. Vous-même et d'autres sur le terrain, avez-vous compris que les gens

15 continuaient d'être en péril ?

16 R. Oui, l'enclave entière était menacée par les armes lourdes qui se

17 trouvaient sur les collines. Autour les forces serbes, les paramilitaires

18 serbes patrouillaient dans tout le secteur.

19 Q. Votre mission, et je me réfère au paragraphe 311, a été retenue à un

20 endroit déterminé par plusieurs soldats serbes qui avaient pointé leurs

21 armes sur vous, n'est-ce pas, à Kiseljak ?

22 R. En effet, il s'agissait de quelque cinq soldats serbes qui ont arrêté

23 un contingent de 20 blindés de militaires du Danemark qui escortaient

24 cette mission. Je dirais que les Nations Unies n'étaient pas du tout

25 responsables sur le terrain. C'était plutôt les soldats, ou plutôt les

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1 officiers, et je dirais même les simples soldats qui avaient le contrôle de

2 la situation.

3 Q. Est-ce que vous avez communiqué cela à New York ?

4 R. Non. Pour moi et la mission entière, cela avait été un choc que de le

5 constater. Il y avait des ambassadeurs du conseil de Sécurité qui ont signé

6 le rapport, et après ils ont constaté quelle était la situation sur le

7 terrain. Ils ont informé de la situation dans le rapport de la mission.

8 Q. Le brigadier, le général de brigade, Hayes qui avait été votre contact

9 et qui a facilité votre visite, vous a-t-il fait permis de voir ce qu'il y

10 avait à voir ?

11 R. Le général de brigade, Hayes avait été notamment intéressé par un

12 aspect secondaire de la mission. Il n'a pas été très coopératif. Il ne nous

13 a pas permis d'accomplir notre mission et nos responsabilités de façon

14 appropriée, pour ce qui est des évaluations de ce qui se passait à

15 Srebrenica. Au contraire, il a rendu impossible le constat de la situation.

16 J'ai compris pourquoi les Nations Unies n'avaient pas envoyé de missions

17 sur le terrain. Parce que si ces missions avaient été envoyées sur le

18 terrain, on aurait finalement appris la vérité.

19 Q. Je crois que vos collègues avaient été retenus, qu'on leur avait saisi

20 les caméras et les appareils photos, à part votre appareil photo à vous. Ce

21 sont les images qui ont fait le tour du monde.

22 R. Oui, on m'a emmené jusqu'à Zvornik sans me le dire. J'ai été accueilli

23 là-bas par un colonel serbe. Je crois qu'il s'appelait Ratko. Il m'a dit

24 que je venais d'arriver dans la Republika Srpska. Bien entendu, nous

25 n'avons jamais reconnu la chose. J'ai été retenu là-bas une autre heure. Il

Page 31724

1 était clair qu'il nous faisait perdre du temps pour que nous n'accédions

2 pas à Srebrenica. Mes collègues sont restés derrière à Kiseljak, et sont

3 arrivés une heure plus tard. Les autres journalistes des médias

4 internationaux qui nous accompagnaient, n'ont pas pu accéder à Srebrenica.

5 La seule caméra qui était restée, c'était la mienne. Je ne l'ai pas

6 restituée. C'est ainsi que j'ai pu prendre les photos de Srebrenica, que

7 j'ai communiquées à Reuters.

8 Q. Avez-vous vu par la suite Karadzic, vous aurait-il dit qu'il y aurait

9 un piège à Srebrenica ?

10 R. Nous avons vu l'autre accusé à l'aéroport de Belgrade. Il venait de

11 rencontrer M. Milosevic. Nous l'avons rencontré à l'aéroport. Il a dit

12 publiquement qu'il les avait encerclés à Srebrenica comme des rats. Dans

13 l'un de mes discours devant le conseil de Sécurité, j'ai également indiqué

14 qu'on ne pouvait imaginer qu'il allait faire une chose pareille. Arrivés à

15 Srebrenica, nous avons vu qu'il ne mentait pas.

16 Q. Vous avez fait des plaintes, vous vous étiez plaint, avez-vous été

17 surpris ?

18 R. Non. Il était tout le temps en train de sourire. Il disait qu'il ne

19 savait rien. Il ne savait pas qu'il n'y avait pas d'eau et d'électricité

20 dans la ville, qu'il n'y avait pas de médecin, et que les gens mourraient

21 de faim.

22 Q. Vous avez parlé de l'atmosphère générale. Je voudrais maintenant que

23 nous parlions du paragraphe 344, en page 46. Vous avez fait des communiqués

24 de presse qui ont fait le tour du monde. Pour gagner du temps, je voudrais

25 dire en bref que vous avez déclaré qu'il s'agissait d'un génocide au

Page 31725

1 ralenti, et que Srebrenica était loin d'être une zone de sécurité, une zone

2 sécurisée. Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'aide médicale dans

3 l'enclave. Vous avez dit, je crois, qu'il y avait une violation ouverte de

4 la volonté de la communauté internationale.

5 R. Absolument.

6 Q. Vous avez fait quelques observations à l'intention des journalistes, en

7 disant que les Serbes avaient mis sur pied des camps de concentration ?

8 R. En effet.

9 Q. Le rôle de la police était confié à la FORPRONU et entre-temps, ce

10 génocide au ralenti, avait cours.

11 R. En effet.

12 Q. Nous allons passer maintenant aux pièces à conviction qui figurent sous

13 l'intercalaire 15, où il y a un rapport unanimement présenté. Nous y voyons

14 un projet de résolution.

15 R. Oui, oui.

16 Q. Cela a été adopté.

17 R. Oui.

18 Q. Passons maintenant à cette résolution, mais penchons-nous plutôt sur le

19 rapport et notamment la page 4 de celui-ci, qui parle de la situation sur

20 le terrain. Vous parlez, à ce niveau-là, de plusieurs choses. Vous indiquez

21 que les Serbes estimaient que les faits et gestes des Musulmans

22 justifiaient leur offensive.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel paragraphe ?

24 M. NICE : [interprétation] Paragraphe 6.

25 Q. Vous dites qu'il y a 70 000 personnes, paragraphe 11. Vous dites que

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1 l'accomplissement de votre mission a été entravé. Vous passez au paragraphe

2 13. Vous parlez de ce que vous avez dit, Wahlgren et vous avez été surpris

3 de ses propos. Vous parlez du massacre lui-même de 25 000 personnes, au

4 paragraphe 14.

5 Au paragraphe 17, vous revenez là-dessus. Au paragraphe 19, vous parlez

6 encore de ce génocide au ralenti. Je passe maintenant à la page suivante

7 pour traiter du paragraphe 27, plutôt non, 24. Vous parlez de ce que vous y

8 avez vu. Vous avez des chars, des armes lourdes enfouis dans le sol. Vous

9 avez au paragraphe 27A, le siège de la ville; au (b) les conditions

10 inhumaines. Nous passons à la page suivante, au (g), vous parlez de la

11 situation au niveau des convois humanitaires internationaux. Puis au (k),

12 la nécessité d'être constamment informé.

13 Dites-nous, est-ce que ce rapport est un document que tout à chacun peut

14 examiner si besoin est ? Est-ce que ce rapport a été communiqué à l'accusé,

15 aux autorités de l'ex-Yougoslavie ?

16 R. Oui. Ce document a été mis à la disposition de l'assemblée générale.

17 Les médias internationaux l'ont cité en long et en large. Messieurs les

18 Juges, c'est un rapport qui a été définitivement bien diffusé. C'est l'un

19 des premiers rapports présenté par le conseil de Sécurité ou une mission du

20 conseil qui s'est rendu sur le terrain pour parler du conflit.

21 Q. Traversons maintenant les intercalaires 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22. Ce

22 sont là des interviews que vous aviez accordées à la radio et télévision à

23 l'époque ?

24 R. En effet, Monsieur.

25 Q. Vous avez constaté qu'il s'agissait à l'époque d'un génocide perpétré

Page 31727

1 au ralenti. Vous avez dit que cela n'allait pas manqué de survenir tôt ou

2 tard. Est-ce que cela a été contesté ?

3 R. Cela a été tout à fait évident, Messieurs les Juges. Vous aviez une

4 petite ville encerclée d'armes lourdes. Les médecins ne pouvaient pas y

5 accéder. Il n'y avait pas de services de santé, pas d'eau, pas

6 d'électricité, pas de mesures médicales. Il était évident que cela allait

7 survenir. Malheureusement, cela est survenu. Les Nations Unies n'avaient

8 pas la volonté de faire quoi que ce soit de plus, appuyées par la force, il

9 était difficile d'accéder à la région. Il était difficile de faire en sorte

10 que les médecins aient un accès pour qu'il y ait approvisionnement en

11 médicaments et eau, et cetera.

12 Q. Vous avez décrit la situation lorsque vous y êtes arrivé. Les

13 informations vous parvenant à New York étaient inappropriées et inexactes ?

14 R. Il n'y a pas que cela, elles nous arrivaient également avec un très

15 grand retard. Pour tous les membres du conseil de Sécurité, cela avait été

16 un choc, parce que les papiers, les documents que nous recevions ne

17 traduisaient pas la gravité de la situation, cette situation tragique sur

18 le terrain. Je crois que c'est précisément ce qui a poussé les membres de

19 la mission à mettre les choses, noir sur blanc et présenter au conseil de

20 Sécurité.

21 Q. Votre mission a réussi à attirer l'attention de la communauté sur le

22 problème de Srebrenica. Après cette tentative qui avait été la vôtre de

23 modifier quelque chose sur le terrain, qu'est-il arrivé ensuite ? Est-ce

24 qu'il y a eu modification de la façon dont on informait le public de ce qui

25 se passait à Srebrenica ? Est-ce que cela s'est situé à un niveau plus

Page 31728

1 élevé, ou est-ce que c'est revenu à un niveau inférieur ?

2 R. Cela est retourné à un niveau inférieur, Messieurs les Juges. Il n'y a

3 pas que cela. Le secrétaire général Boutros-Ghali a dit au général Wahlgren

4 qui se trouvait sur le terrain, qu'il n'estimait pas que l'interprétation

5 militaire de la résolution englobe également la modification du mandat

6 militaire. Cela a été corroboré et confirmé par le général de brigade,

7 Hayes, qui a dit à Sarajevo qu'il estimait que les résolutions du conseil

8 de Sécurité n'avaient aucune pertinence. Vous pouvez imaginer ce que les

9 Serbes pensaient de ces résolutions.

10 Q. Avez-vous réussi à aboutir à une modification à long terme. Est-ce que

11 vous avez réussi à modifier cette ambiance d'impunité au niveau de

12 Srebrenica ?

13 R. Le conseil n'a jamais pris de mesures. Le bataillon canadien y est

14 resté avec des effectifs de 200 hommes. Ils n'ont pas eu de renfort. La

15 situation n'a pas changé. Ce que M. Karadzic a proposé à l'aéroport de

16 Belgrade n'a jamais été réalisé. La situation a empiré. Les événements

17 allaient de mal en pis au niveau de cette ville de Srebrenica jusqu'à ce

18 qu'à ce qu'il ne soit trop tard, à savoir, jusqu'au mois de juillet 1995.

19 Q. Intercalaire 23, pour compléter le parcours des documents. Il s'agit là

20 d'une lettre du représentant permanent du Pakistan, datée du 14 mai. Il

21 s'agit d'une lettre signée par plusieurs personnes faisant partie du groupe

22 des pays non alignés. Je crois qu'au paragraphe 2, il est précisé que le

23 conseil de Sécurité n'est pas en mesure d'accomplir sa mission émanant de

24 la Charte des Nations Unies, et maintenir la sécurité collective dans le

25 monde. Cela découle avec clarté de ce qui est dit dans l'énoncé.

Page 31729

1 Si vous passez à présent à la page suivante, vers le sommet de cette page,

2 on dit que depuis la conférence internationale de Londres sur l'ex-

3 Yougoslavie et le plan Vance-Owen, les Serbes ont, une fois de plus, trompé

4 la communauté internationale et n'ont, une fois de plus, pas réalisé leurs

5 promesses. Ils ont mis à profit le processus de négociations et le plan de

6 Vance-Owen, non pas pour aboutir à une solution pacifique, mais en tant

7 qu'outil pour réaliser leurs objectifs. Est-ce que cela a été la position

8 du groupe international dont vous avez fait partie ?

9 R. En effet. Permettez-moi de vous expliquer. Les pays non alignés au

10 conseil de Sécurité voulaient que cela se passe à huis clos, parce qu'en

11 général on voit la grande salle du conseil de Sécurité, mais il y a des

12 pièces de consultation informelle. C'est là que les véritables débats ont

13 lieu, et n'ont jamais été ouverts au public. Nous voulions que cela soit

14 dit en public. C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé le document

15 en question pour parler des positions qui étaient les nôtres et parler des

16 informations que nous avions en notre possession au sujet de ces questions.

17 Q. Tous ces documents étaient accessibles, rendus accessibles aux

18 autorités de l'ex-Yougoslavie. Au paragraphe 15, on dit que : "La Bosnie-

19 Herzégovine était devenue symbole de la résistance sur le terrain." Vous

20 parlez du crime de génocide. Vous parlez de plus de 100 000 morts et vous

21 affirmez que personne ne saurait affirmer qu'il ne savait pas ce qui s'y

22 passait.

23 R. En effet, je crois que le seul crime qui n'a pas été commis là-bas, est

24 le crime de passer sous silence, les choses.

25 Q. Passons maintenant à l'intercalaire 24, Résolution 827 adopté le 25 mai

Page 31730

1 où l'on exprime la préoccupation afférente à la situation et au génocide

2 qui avait cours. Je passe maintenant à l'intercalaire 25. Pouvez-vous nous

3 dire quelque chose brièvement à ce sujet ?

4 R. Cela avait été un projet de résolution qui visait à supprimer l'embargo

5 sur la fourniture d'armes.

6 Q. Oui, continuez.

7 R. Nous avons expliqué ou du moins, j'ai essayé d'expliquer auparavant,

8 nous avions visé par là, à fournir à l'une des parties en présence, la

9 possibilité de se défendre. C'est un droit qui figure à la Charte des

10 Nations Unies. Nous les avions privés de ce droit, et nous avons estimé que

11 la moindre des choses que nous pouvions faire était de leur rendre possible

12 cette défense. Et quoique l'assemblée générale ait compris la proposition,

13 il n'y a pas eu approbation des membres permanents du conseil de Sécurité à

14 l'exception faite des Etats-Unis qui avait approuvé.

15 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, encore quelques questions.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, continuez.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Dans le projet de déclaration en page 60, paragraphe 436, vous

19 expliquez les modalités au suivant lesquelles en date du 29 juin, il a eu

20 un prononcé favorable au profit de la résolution, et en page 400, plutôt

21 64, paragraphe 463, vous avez dit quelque chose qui devait forcément

22 parvenir aux oreilles des gens à Belgrade. Vous avez dit que les Nations

23 Unies n'étaient pas un club de débat, et vous comparez la situation avec la

24 Tchécoslovaquie en 1938, est-ce exact ?

25 R. En effet.

Page 31731

1 Q. Vous indiquez également que le contexte historique, je me référence

2 notamment au paragraphe 465, disant que : "Beaucoup de choses avaient été

3 semées qui risquaient de dégénérer en conflit. Lord Owen a qualifié

4 Izetbegovic d'intransigeant comme cela avait été pour Benes. Et la Bosnie-

5 Herzégovine avait été contrainte à léguer ou à céder 90 % de leur

6 territoire aux Serbes et aux Croates. C'est ce qui a été fait pour créer

7 des zones homogènes dans l'esprit de l'apartheid."

8 Puis vous étendez l'analogie avec la Tchécoslovaquie. Vous passez au

9 paragraphe 467, vous parlez du danger qu'il y avait à empêcher des gens de

10 réaliser leur droit à leur autodéfense.

11 M. Arria, vous savez que mon temps est limité, et je viens de l'épuiser.

12 Avez-vous fait tout ce que vous pouviez faire, tout ce qui avait été en

13 votre pouvoir pour décrire la position à l'égard du monde et des Nations

14 Unies ?

15 R. Oui, Monsieur, mais je crois que cela n'avait pas été nécessaire. Le

16 monde et les médias savaient ce qui se passait sur le terrain. Les médias

17 ont informé de ce qui se passait. Ce que nous avons fait c'est d'y ajouter

18 du poids, étant donné que les informations afférentes à la gravité

19 provenaient du conseil de Sécurité. Mais nous n'avons rien ajouté de

20 nouveau, exception faite du fait que nous nous sommes déplacés à

21 Srebrenica, et nous y avons constaté une situation terrible, tragique. Mais

22 le monde entier savait pertinemment bien ce qui se passait.

23 Q. S'agissant des moyens de communication que vous avez décrits font état

24 des risques auxquels étaient exposés 25 000 personnes dans cette enclave.

25 R. Absolument. Je m'en souviens parfaitement bien, Messieurs les Juges, du

Page 31732

1 fait que le New York Times avait parlé du génocide au ralenti, et que cela

2 allait totalement arriver. C'est qui est arrivé en 1995. Mais j'ai toujours

3 estimé que le massacre en question avait été entamé en 1993, et non pas en

4 1995. C'est le même crime qui s'est accumulé au fil du temps et il a fallu

5 beaucoup de temps pour que les choses soient mises en œuvre. Mais le

6 massacre avait commencé auparavant et il a duré pendant deux ans. Il ne

7 s'agit pas de 7 000 personnes disparues à Srebrenica. Il est question de 20

8 000 personnes, et c'est d'ailleurs le chiffre qui est mentionné dans un

9 rapport du secrétaire général, M. Kofi Annan, au sujet de Srebrenica.

10 Q. Vous avez dit au début, on a permis un feu rouge à tout cela, et y a-t-

11 il un feu rouge à l'intention de ceux qui étaient impliqués ?

12 R. J'ai toujours estimé que c'était une question culturelle Messieurs les

13 Juges. Il y avait une culture aux Nations Unies. Prenons, par exemple,

14 lorsqu'on avait emmené M. Turajlic, le vice-premier ministre de Bosnie-

15 Herzégovine, et lorsqu'il a fallu ouvrir la porte du blindé, et ce vice-

16 premier ministre a été tué devant les représentants des Nations Unies.

17 Personne n'a bougé le petit doigt. Par conséquent, si, avec la protection

18 des Nations Unies, vous pouviez tuer l'adjoint du premier ministre, le

19 membre le plus récent des Nations Unies, alors vous pouvez faire tout ce

20 que vous voulez, et c'est ce qui aurait été fait.

21 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie, et j'espère que vous avez

22 compris le caractère compact de votre témoignage.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Nice. La Chambre vous

24 remercie de votre coopération.

25 Maître Milosevic.

Page 31733

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, combien de temps mettez-vous

2 à ma disposition pour le contre-interrogatoire ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et bien, à la lumière des faits qui

4 ont été présentés dans l'interrogatoire principal, vous allez bénéficier

5 d'une heure et 20 minutes.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai reçu la déclaration de

7 ce témoin-ci qui comporte quant à elle presque 500 paragraphes. Cela m'a

8 été apporté hier soir et on m'a communiqué votre décision d'hier soir pour

9 ce qui était du raccourcissement prévu, et on y prévoit 30 minutes à

10 l'intention de M. Nice. Or

11 M. Nice a bénéficié de 60 minutes, comme vous avez pu le constater.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Il a mis à profit 41 minutes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

14 commencer. La Chambre a toujours eu à l'esprit votre droit au contre-

15 interrogatoire. Au cas où, à la fin du temps imparti, vous estimez avoir

16 besoin davantage de temps, nous allons nous pencher sur la question.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur Robinson.

18 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

19 Q. [interprétation] Monsieur Arria, au paragraphe 7 de votre déclaration,

20 vous dites : "Cette déclaration n'englobe pas la chronologie de tous les

21 événements et de tout ce qui s'est passé, étant donné que je n'ai pas de

22 tout temps fait partie des effectifs ou du personnel des Nations Unies. Le

23 personnel du bureau du Procureur m'a demandé de me pencher sur un certain

24 nombre de documents et de les commenter."

25 Est-ce que cela avait été la mission qui vous a été confiée par la partie

Page 31734

1 adverse.

2 R. Exactement.

3 Q. Vous vous êtes tenu à cette mission-là lorsque vous avez fait votre

4 déclaration préalable ?

5 R. Messieurs les Juges, la requête qui m'a été adressée n'a pas recensé

6 les informations que j'ai censées fournir. J'ai de mon plein gré communiqué

7 la plupart des informations qui y figurent dans ce document.

8 Q. C'est vous qui avez procédé au choix des informations dans cette

9 sélection des informations que vous avez commentées par la suite.

10 R. Messieurs les Juges, j'ai toujours exercé un contrôle entier sur la

11 contribution que j'ai faite dans ce document.

12 Q. Bien, Monsieur Arria, la guerre en Bosnie-Herzégovine a été un

13 processus en continuité, et les membres du conseil de Sécurité ont suivi ce

14 qui se passait. Estimez-vous qu'une image complète et entière peut-être

15 communiquée au conseil de Sécurité en limitant un rapport ou une analyse

16 sur une partie du document, sans pour autant parler de la chronologie toute

17 entière des événements ?

18 R. Cela a précisément été ce que j'ai essayé de faire comme contribution.

19 J'ai essayé de combler les lacunes et de fournir le contexte entier qui

20 découlait de mon expérience, et de mes activités au sein du conseil de

21 Sécurité. Comme je l'ai dit personne ne m'a dicté ou limité la contribution

22 qui devait être la mienne au travers de ce document.

23 Q. Bien, Monsieur Arria, mais s'agissant des événements en

24 Bosnie-Herzégovine, vous n'y avez pas assisté vous-même, vous n'avez pas de

25 connaissance directe à leur sujet exception faite d'un séjour assez brève

Page 31735

1 en avril 1993, dans le cadre d'une mission des Nations Unies, n'est-ce pas,

2 du conseil de Sécurité des Nations Unies, n'est-ce pas ?

3 R. Nous recevions des informations à partir de sources variées, et cela ne

4 provenait pas seulement de la visite que nous avions effectuée. Quoique ces

5 informations arrivaient en retard, nous obtenions quand même des

6 informations de la part de la FORPRONU, et des missions qui se trouvaient

7 sur le terrain. Par conséquent, nous étions en position privilégiée étant

8 donné que nous recevions ces informations.

9 Q. J'indique que vous n'aviez pas de connaissance directe exception faite

10 de ce séjour bref entre le 23 et 26 avril 1993, et en trois journées vous

11 avez été à Zagreb, à Belgrade, et à des endroits variés en Bosnie-

12 Herzégovine. Vos connaissances directes ne se situent qu'au niveau de ces

13 trois journées-là, n'est-ce pas,

14 Monsieur ?

15 R. Non, Messieurs les Juges, cela ne peut être qualifié d'exact. Il y a

16 bon nombre de rapports de la commission d'experts, des droits de l'Homme

17 des Nations Unies, de la commission, autres. Nous recevions bon nombre

18 d'informations. Nous les avons toutes recueillies.

19 Q. Oui, mais en réalité, vous n'êtes en train de témoigner que de ce que

20 vous avez appris au sujet ou à partir de sources autres, n'est-ce pas,

21 Monsieur Arria ?

22 R. Non. Je me suis basé sur mes propres informations et sur des

23 informations provenant de sources tout à fait fiables et qualifiées,

24 destinées au conseil de Sécurité. Après tout, le conseil de Sécurité

25 disposait de bon nombre de personnes sur le terrain. Le système entier des

Page 31736

1 Nations Unies est politiquement placé sous le contrôle ou sur l'autorité du

2 conseil de Sécurité. Nous avions tout un système qui était en train de

3 travailler pour nous.

4 Q. Fort bien. En votre qualité de représentant du Venezuela au conseil de

5 Sécurité des Nations Unies, vous receviez des informations au sujet des

6 événements et vous aviez des représentants de la FORPRONU sur le terrain

7 qui avaient pour mission de vous communiquer des rapports au sujet des

8 événements, n'est-ce pas ?

9 R. Non, ce n'est pas nécessairement le cas. Messieurs les Juges, j'ai

10 précisé que nous recevions des informations de sources variées, de

11 commission d'experts, de la FORPRONU, de notre mission sur le terrain, des

12 ambassades respectives de nos pays sur le terrain; tout ceux qui avaient

13 accès à certaines informations. De ce point de vue-là, nous n'avons pas

14 manqué d'informations sur ce qui se passait réellement sur le terrain.

15 Q. Monsieur Arria, partant de votre rapport, au paragraphe 38, vous dites

16 : "J'ai toujours estimé que le conseil de Sécurité des Nations Unies,

17 indépendamment de la considération politique internationale, était une

18 instance plutôt mal informée pour deux raisons. Tout d'abord, parce que les

19 membres permanents ne partageaient pas les informations disponibles avec

20 les autres; et deuxièmement, parce que les rapports du secrétariat

21 arrivaient régulièrement en retard et très souvent se trouvaient être

22 partiaux et incomplets probablement en raison du fait que ceux qui les

23 avaient rédigés ignoraient la réalité des faits."

24 Au paragraphe 38, vous faites état d'informations qui vous auraient été

25 communiquées mais à titre extrêmement lacunaire, comme vous le dites vous-

Page 31737

1 même.

2 R. Messieurs les Juges, le conseil de Sécurité était officiellement

3 informé de façon lacunaire mais cela n'est pas vrai dans la réalité. Le

4 problème du conseil de Sécurité était de celui de ne pas vouloir

5 reconnaître ce qu'ils savaient pertinemment bien. Il ne s'agissait pas de

6 lacune d'informations, je parlais de lacune d'informations officielles

7 partant desquelles il était question de prendre des mesures officielles.

8 Q. Bien, Monsieur Arria. La première des raisons que vous avancez indique

9 que tous n'étaient pas mal informés et que les membres permanents de ce

10 conseil de Sécurité n'informaient pas les autres. Au paragraphe 29, vous

11 indiquez que les membres avaient des sources d'informations extérieures et

12 que ces informations étaient communiquées aux membres non permanents de

13 façon sélective et suivant leur propre convenance. Les mals informés,

14 c'étaient les membres du conseil de Sécurité qui n'étaient pas des membres

15 permanents de celui-ci, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, Messieurs les Juges, mais je dois, une fois de plus, souligner le

17 fait que cela avait été l'aspect officiel. Dans la réalité, bon nombre des

18 personnes des Nations Unies, des membres des Nations Unies étaient alarmés

19 au sujet de ce qui se passait sur le terrain. Il y avait des missions de

20 certains membres permanents du conseil de Sécurité qui étaient sur le

21 terrain. Nous avions d'amples informations pour agir. Seulement certains

22 membres permanents n'avaient pas reconnu officiellement certaines

23 informations parce qu'ils ne voulaient pas agir.

24 Q. Le fait que vous accusiez maintenant les membres permanents du conseil

25 de Sécurité, c'est une chose qui vous regarde. Mais vous dites que le

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1 secrétariat et je vous cite, à savoir : "Les rapports du secrétariat

2 étaient régulièrement en retard et étaient souvent partiaux et incomplets.

3 Et ceci non pas nécessairement du fait de l'ignorance des faits, dans la

4 réalité."

5 A votre avis, Boutros-Ghali et ses services avaient sciemment et

6 intentionnellement dissimulés certains faits. C'est ce que vous êtes en

7 train de nous dire, Monsieur Arria, n'est-ce pas ?

8 R. Messieurs les Juges, je crois qu'ici, il n'y a qu'un seul accusé. Je ne

9 suis pas du nombre, je ne fais pas partie du nombre des accusés. Comme je

10 l'ai indiqué, j'ai estimé qu'officiellement, cela a constitué la plus

11 grande opération de dissimulation au niveau des Nations Unies de façon

12 officielle étant donné que bon nombre d'informations avaient été

13 dissimulées à l'égard des membres du conseil de Sécurité.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a un secteur étroit de

15 pertinence concernant le témoignage de ce témoin-ci. C'est la raison pour

16 laquelle la Chambre a émis une ordonnance pour diriger le bureau du

17 Procureur en ce qui concerne la manière, la conduite de son interrogatoire

18 en chef. Ce ne sont pas les Nations Unies ou le conseil de Sécurité qui se

19 trouvent être jugés ici. Ce qui s'est passé est important et demeure

20 pertinent parce que cela constitue le contexte des événements de

21 Srebrenica.

22 Pour autant que je le comprenne, M. Milosevic est en train de vous

23 interroger au sujet du degré d'information du conseil de Sécurité parce que

24 dans la mesure où celui-ci avait été mal informé et vous étiez membre du

25 conseil de Sécurité, vous dites implicitement que vous étiez vous-même mal

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1 informé. Je crois que c'est là la question à laquelle vous devriez

2 répondre.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je

4 comprends parfaitement ce que l'accusé a dit et je comprends ce qu'il a

5 entendu par ces questions. Je voulais apporter des clarifications à ce que

6 j'ai dit. Officiellement, le conseil a été mal informé. Cela ne signifie

7 pas que les membres du conseil n'avaient pas accès à des informations, mis

8 à part les informations qui ont pu être recueillies à l'occasion de notre

9 visite à Srebrenica. Ils ont disposé d'informations complémentaires par

10 rapport à celles-ci. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 M. Milosevic, veuillez continuez.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je m'efforce de vous

14 indiquer que ce témoin a mis sans dessus dessous les faits. Il critique le

15 rapport du président de conseil de Sécurité. Il découle de ce qu'il nous

16 dit que seul, lui, et quelques autres membres de ce groupe étaient là à

17 savoir quelque chose et que les autres ne savaient rien.

18 Q. Je vous prie, Monsieur Arria, vous nous dites et vous allez plus loin

19 dans vos accusations contre M. Boutros-Ghali et vous indiquez que le

20 secrétariat, dans certains cas, a fourni des désinformations. Vous dites

21 que cela a été le cas de la Bosnie-Herzégovine, notamment, de Srebrenica.

22 Vous affirmez non seulement que le secrétariat présidé par Boutros-Ghali

23 vous avait privé d'informations mais qu'il avait placé des désinformations

24 à votre intention et vous a privé de ce qui était censé constituer une

25 information. C'est une accusation de taille, ne pensez-vous pas ? Je suis

Page 31740

1 en train de vous citer.

2 R. Messieurs les Juges, il me semble clair que je ne suis pas un accusé

3 ici et je n'accuse personne. La pertinence de ceci, c'est celle de dire que

4 le secrétariat n'a pas fourni en temps utile des informations. Je crois que

5 c'est la raison pour laquelle je parle de la lettre de Mme Ogata datée du

6 18 mars. J'ai indiqué que ce n'est que 11 ans plus tard que j'ai pu voir

7 cette lettre. Si ceci ne constitue pas désinformation, je ne sais pas ce

8 que les informations signifient. Il n'y a pas que cela. Le secrétaire

9 général, à l'époque, M. Boutros-Ghali n'a jamais été présent lorsque nous

10 avions des consultations privées au sujet de ce qui se passait en

11 Bosnie-Herzégovine. J'ai été très critique de son attitude éloignée de ce

12 qui se passait en sa qualité de personne qui avait des responsabilités

13 morales, étant donné qu'il avait été secrétaire général.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que c'est l'heure d'une

15 pause. Je crois que nous avons même fait plusieurs minutes.

16 Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Puis-je soulever une question administrative ?

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il faut que nous

19 permettions au témoin de s'en aller.

20 Monsieur, pendant la pause d'une demi-heure, vous n'êtes autorisé à parler

21 à personne de votre témoignage. Vous pouvez vous en allez.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

23 M. NICE : [interprétation] Vous vous souvenez, Monsieur le Juge, que vous

24 avez rendu une ordonnance à propos de toute une série de documents, procès-

25 verbaux du conseil suprême de la Défense, notamment, du conseil de

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1 l'harmonisation. Nous allions vous en fournir une analyse, une

2 interprétation. C'est une tâche énorme. Notre personnel a travaillé tout le

3 week-end. Nous vous saurions gré d'un délai supplémentaire. Rappelez-vous,

4 les amis de la Chambre étaient censés réagir dans le mois suivant le dépôt

5 de ce rapport. Si vous nous donniez une semaine de plus, cela serait fort

6 utile.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est accordé. Une demi-heure

8 de pause.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

10 --- L'audience est reprise à 11 heures 10.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

12 poursuivre.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Arria, soyons clair. Je conteste carrément votre affirmation

16 selon laquelle le secrétaire général de l'époque,

17 M. Boutros-Ghali vous aurait mal informé. Vous dites que parfois le

18 secrétariat s'est trompé. C'est tout à fait dénué de fondement, cette

19 accusation à l'égard de celui qui était le secrétaire général des Nations

20 Unies, vous le savez ?

21 R. Vous savez, je crois que si c'était le cas,

22 M. Boutros-Ghali choisirait un autre avocat pour le défendre, un autre que

23 l'accusé.

24 Q. Je ne comprends pas votre réponse. Je vous cite, Monsieur là, je cite

25 vos propos. Puisque vous dites : "A donné des informations erronées."

Page 31742

1 R. Monsieur le Président, --

2 Q. Vous manifestez aussi une méfiance certaine à l'égard du secrétaire

3 général du conseil de Sécurité et tout le monde, à l'exception de ce qui

4 selon vos dires s'est passé.

5 R. Monsieur le Président, lorsque l'accusé a fait référence à un groupe,

6 je dois vous dire que ce groupe se composait de 110 membres non alignés.

7 Ils étaient absents au conseil de Sécurité, mais ils ont poursuivi sans

8 arrêt leur consultation. Ce n'est pas simplement l'avis de cinq membres ou

9 de membres non alignés du conseil de Sécurité.

10 A titre d'illustration, je voudrais vous citer trois choses. Mme Ogata

11 était le plus haut fonctionnaire des Nations Unies. Elle était chargée des

12 réfugiés. Le 18 mars, elle a averti le secrétaire général de l'éminence

13 d'une tragédie, vu le danger qui menaçait la population de Srebrenica. Il a

14 fallu deux semaines au secrétaire général pour informer le conseil de

15 Sécurité. La nuit au cours de laquelle on a discuté de cela, le secrétaire

16 savait parfaitement que les gens de Srebrenica avaient capitulé, même si on

17 n'en avait pas averti le conseil.

18 Troisième exemple, lorsqu'il s'est agi de la nouvelle résolution pour les

19 nouvelles zones protégées, le secrétariat a retiré le mandat qui avait été

20 préparé très bien d'ailleurs, par Mme Ogata, pour la création de zones

21 protégées. Ceci a été retiré par le secrétariat sur instruction du

22 secrétaire général. C'est pour cela que je parle du manque de

23 collaboration, sur le fait qu'on a dissimulé des choses ou qu'on a fait de

24 la désinformation.

25 Q. Monsieur Arria, puisque vous parlez maintenant de Mme Ogata et d'une

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1 lettre qu'elle a envoyée. Vous l'avez montrée cette lettre ici. Savez-vous

2 que c'est l'inverse qui s'est produit. Quelque chose de tout à fait

3 différent de ce que vous n'avez de cesse de dire. Car il est dit dans cette

4 lettre : "Dans le cadre de trois conversations téléphoniques que j'ai eues

5 avec le président Milosevic à propos du passage à donner à des convois

6 humanitaires, en direction de la Bosnie orientale et de la Bosnie centrale

7 et surtout vers Srebrenica."

8 Savez-vous qu'il n'y a pas eu le moindre cas qui ce soit présenté où la

9 Serbie, et c'est à moi que s'adressait en personne Mme Ogata, personne n'a

10 refusé d'entendre ces requêtes faites par le Haut-commissaire aux Réfugiés,

11 pour permettre le passage de ces convois humanitaires. Tous les convois

12 humanitaires qui ont transité par la Serbie, ont été approuvés. Pas un seul

13 n'a été refusé, pas un seul ne s'est trouvé dans l'impossibilité de remplir

14 sa mission. Il n'y a pas un seul cas où la Serbie aurait dressé le moindre

15 obstacle au passage de l'aide humanitaire. Au contraire, nous avons fait

16 l'impossible pour que ces convois humanitaires puissent passer. Est-ce que

17 vous savez que la Serbie, elle-même, a envoyé un convoi à la Bosnie, même à

18 Sarajevo, aux Musulmans de Sarajevo. Qu'est-ce que vous essayez de prouver

19 par le truchement de cette lettre en ce qui concerne la Serbie, en ce qui

20 me concerne personnellement ? Vous n'avez pas un seul cas à m'avancer --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, laissez le temps

22 au témoin de répondre à la question que vous posez.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais cru comprendre que c'était une

24 déclaration davantage qu'une question. Corrigez-moi, si je me trompe.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que sa question revient à

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1 dire ceci. La Serbie n'a dressé aucun obstacle au passage de convois

2 humanitaires, un transit de convois humanitaires.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] La Serbie a fourni tous les chars, les

4 munitions, le matériel, le carburant, effectivement, pour empêcher

5 l'arrivée de ces convois humanitaires. La Serbie a fourni tout cela à des

6 gens qui les représentaient.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. C'est absurde. Enfin, passons à autre chose. S'agissant de ce manque

9 d'information, quelque chose d'inadmissible, vous dites que c'est Boutros-

10 Ghali et ses services, paragraphe 30. Vous dites que : "A ce moment-là, le

11 filtre est devenu excessif pour ce qui est de l'ex-Yougoslavie. Lorsque ce

12 filtre a fait s'accumuler tant d'informations que c'est devenu un barrage,

13 ceci a limité et empêché l'arrivée d'informations précieuses en temps réel

14 au conseil de Sécurité, même pour des questions qui avaient un effet sur la

15 vie de milliers de personnes."

16 Vous accusez Boutros-Ghali d'un crime ?

17 R. Je vous ai présenté des documents. On voit que le général Wahlgren

18 reconnaît qu'un mois avant que nous ne sachions que Srebrenica allait

19 tomber, le secrétariat était au courant. C'est de cela que je parle. Je dis

20 que l'information n'a pas été donnée en temps réel. Je doute que s'il avait

21 eu cette information, le conseil de Sécurité aurait pu faire davantage,

22 mais la situation n'était pas aussi terrible un mois plus tôt, pas aussi

23 mauvaise qu'elle ne l'était en avril 1993.

24 Q. S'agissant de Boutros-Ghali, vous n'épargnez aucune accusation, voire

25 injure. Paragraphe 42, vous dites qu'il ne s'est pas rendu à des

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1 consultations aux Nations Unies. Vous dites que c'est un pervers ou que ce

2 sont là, comme vous les qualifiez, des pratiques perverses. C'est le seul

3 qualificatif qui se prête à de telles pratiques.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question précise que

5 vous posez au témoin ?

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Est-ce que cela veut dire que Boutros-Ghali dissimulait, retenait des

8 informations et fournissait des informations erronées, alors que ceci

9 concernait des milliers de personnes et qu'il se comportait de façon

10 perverse ? Vous dites que c'est là le comportement d'un secrétaire,

11 secrétaire général d'une organisation qui aspire à être les Nations Unies.

12 R. Il y a près de 11 ans, j'ai levé la main pour approuver la création de

13 ce présent Tribunal. C'est précisément pour qu'on puisse juger des gens

14 comme l'accusé, pas le secrétaire général. Je l'ai déjà dit et je le

15 répète. A l'époque, j'ai toujours été critique face au manque de franchise

16 dont a fait preuve le secrétariat et certains des grands pays, qui auraient

17 pu donner les véritables informations, celles qu'il fallait, en temps réel,

18 au conseil de Sécurité.

19 Q. Fort bien, Monsieur Arria. Lorsque vous évaluez le comportement

20 d'envoyer des négociateurs comme Cyrus Vance ou Lord Owen, vous n'êtes non

21 moins critique. Au paragraphe 148 de votre déclaration, vous dites que :

22 "Les négociations se poursuivaient à l'époque. Il y avait Owen et Vance. La

23 division territoriale d'apartheid était proposée par ces hommes, ayant le

24 caractère d'apartheid. C'était ce qu'eux et M. Milosevic proposaient."

25 D'après vos dires, ces deux hommes, avec moi, avons créé un régime

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1 d'apartheid en Bosnie-Herzégovine. N'est-ce pas là un crime ? D'où vous

2 vient cette idée ?

3 R. Ceux qui n'étaient pas membres du conseil de Sécurité ont toujours dit

4 qu'il ne faudrait jamais diviser la Bosnie-Herzégovine en fonction de

5 lignes d'apartheid. C'est précisément ce pourquoi ont lutté les Nations

6 Unies, bien des années avant. Ce fut une des grandes victoires des Nations

7 Unies, cette victoire contre l'apartheid.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic vous demande sur

9 quoi précisément vous vous basez pour conclure que la division qu'il

10 proposait se faisait selon le clivage de l'apartheid.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] L'accusé a adopté une politique de

12 conversations, de négociations interminables avec le conseil de Sécurité,

13 avec certains des médiateurs. J'ai été informé par Vance et Owen des

14 ambitions qui étaient celles du parti serbe. A l'époque et même à partir du

15 début, Srebrenica devait devenir une partie de la Republika Srpska. C'est

16 de cela que je parle. Cette partie-là, cette idée-là, émanait de M.

17 Milosevic en personne.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Ce n'est pas vrai, même cela ce n'est pas vrai. Ce n'est pas venu

21 directement de moi. Je vous ai cité personnellement, parce que vous dites

22 qu'on proposait une division territoriale du type d'apartheid, que

23 c'étaient eux qui proposaient cela, à savoir, Owen et Cyrus Vance. C'est

24 pour cela que je vous ai posé la question.Vous avez ajouté que j'en faisais

25 partie aussi. C'est ce que je veux dire, qu'eux deux et moi-même, nous

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1 aurions voulu créer une certaine d'apartheid.

2 R. Je pense avoir déjà répondu à cette question, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Savez-vous que le plan Vance-Owen prévoit précisément la cantonisation

6 de la Bosnie, une division en cantons qui ne tient vraiment pas compte de

7 la répartition de la population à partir du critère ethnique en Bosnie-

8 Herzégovine. Il y avait en partie coïncidence, concordance, mais en partie,

9 pas du tout. Cela n'a pas été la prémisse fondamentale de ce plan Vance-

10 Owen que nous voulions tous. Nous ne voulions pas créer l'apartheid. Après

11 tout, ce plan existe encore, on peut le consulter.

12 R. C'est précisément cette partie où il n'y avait pas concordance à partir

13 des critères ethniques, c'est Srebrenica. Je pense que le principal

14 protagoniste dans ce conflit, sait ce qu'il en est. Il s'agissait de

15 chasser de Srebrenica les gens qui étaient loin de Sarajevo. C'est

16 effectivement cette région-là qui ne correspondait pas à la répartition

17 ethnique. Srebrenica, c'était le prix qu'il fallait payer.

18 Q. Paragraphes 150, 151 et 152 de votre déclaration, vous dites que :

19 "Srebrenica était une importante stratégie pour les Serbes et pour les

20 négociateurs onusiens, parce que Srebrenica devait être tenu par les Serbes

21 afin de parvenir à cet accord de paix, que Srebrenica allait faire partie

22 de la Grande Serbie. Une telle démarche préméditée pouvait aisément être

23 établie si l'on suit les rapports que le secrétaire général Boutros-Ghali

24 n'a jamais partagés avec les membres non permanents du conseil qui étaient

25 les seuls qui se seraient opposés à une telle démarche, pas plus qu'en

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1 lisant les directives qu'il a fournies à la FORPRONU qui visait à ne pas

2 assurer la protection des enclaves."

3 C'est ce que vous affirmez s'agissant de la responsabilité que doivent

4 endosser les négociateurs onusiens. Je suppose que vous y incluez Vance-

5 Owen, les membres permanents du conseil de Sécurité. Vous dites que c'est

6 là une démarche politique préméditée. C'est bien ce que vous dites ?

7 R. Messieurs les Juges, je crois que je l'ai même dit par écrit, pour que

8 ceci ne soit pas déformé par M. Milosevic.

9 Q. Je n'ai rien déformé Monsieur.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En d'autres termes, vous maintenez

11 ce qui est écrit dans votre rapport.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Par conséquent, à votre avis Owen, Vance, le conseil de Sécurité avec

15 moi, nous avons créé dans le fond, la base d'une Grande Serbie. C'est ce

16 que vous affirmez ? Ce n'est vraiment pas très sérieux, Monsieur Arria.

17 Vous ne le voyez pas ?

18 R. Pas du tout. Si l'on prend les premières négociations, et on voit à la

19 fin de ces négociations, à la fin du conflit, il y a une résolution en

20 faveur de la paix et qui reflète exactement ce qu'on voulait au départ, une

21 division de la Bosnie. Malheureusement, c'est bien ce qui s'est passé en

22 fin de compte.

23 Q. Maintenant, vous voulez affirmer que l'accord de Dayton, c'était aussi

24 quelque chose de mal conçu. Ce qui a permis de mettre fin à la guerre en

25 Bosnie, de parvenir à la paix. C'est bien ce que vous affirmez, Monsieur

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1 Arria ?

2 R. Je ne connais pas les sentiments de l'accusé à ce propos. Je suis très

3 soulagé qu'en fait, il y a eu la paix, avec ces gens qu'il a humiliés

4 pendant si longtemps. Si vous voulez que je réponde, je le ferai avec

5 plaisir, même si je pense que ce n'est pas vraiment la question à poser

6 ici.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Examinez le paragraphe 46 de votre déclaration préalable de ce résumé,

10 à propos de la mission des Nations Unies. Vous faites référence à

11 l'enclave, aux zones protégées. Vous dites : "Il faudrait rappeler

12 clairement que les zones de protection établies par le conseil de Sécurité,

13 ne sapent en rien le détail des propositions reprises dans le plan Vance.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons des problèmes. Vous

15 parlez du paragraphe 46 ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, dans le rapport de mission présenté au

17 conseil de Sécurité; sa mission à lui, la mission menée par son groupe.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Vous dites : "Ceci ne sape aucunement les propositions détaillées

20 faites par le plan Vance-Owen. Ce n'est pas là une tentative destinée à

21 créer de nouvelles frontières, des frontières différentes au sein de la

22 Yougoslavie."

23 Vous, à l'instar de tous les membres de la mission, vous étiez favorables

24 au plan Vance-Owen. Est-ce que cela veut dire qu'en soutenant par écrit

25 cette idée par voie de document officiel, vous avez au fond, soutenu

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1 l'apartheid, puisque vous vouliez soutenir la création d'une Grande

2 Serbie ? Puisque dans ce rapport que vous avez rédigé, vous soutenez le

3 plan Vance-Owen.

4 R. Je n'ai pas suivi le paragraphe qui a été cité.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Apparemment, c'est le paragraphe 46

6 de votre déclaration, du rapport adressé au conseil de Sécurité.

7 Monsieur Nice --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 15, page 11.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 46. Je vois.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez lu le paragraphe. Etes-

12 vous en mesure de répondre à la question posée ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Pendant tout ce

14 processus, les membres non alignés ont toujours approuvé et soutenu les

15 propositions de plan de paix, surtout le plan Vance-Owen. Nous voulions la

16 paix tout en revendiquant des mesures plus musclées, au conseil de

17 Sécurité. Pour nous, c'était compatible, surtout vu la politique poursuivie

18 par le conseil de Sécurité, sans quoi il n'était possible d'arriver à rien.

19 Malheureusement, je pense qu'à la fin, l'accord a corroboré et a inscrit

20 dans le marbre cette division du pays, qui est vraiment un précédent

21 terrible pour l'humanité. J'en suis convaincu.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Je suppose ici que vous ne parlez pas de vos convictions. Enfin, au

25 départ vous n'étiez pas censé le faire, mais vous le faites. Je le vois.

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1 Vous avez soutenu ce plan Vance-Owen, même si avant, vous avez dit que

2 Vance et Owen, avec moi, voulaient créer une division qui équivalait à

3 l'apartheid. Si vous ne le savez pas, je vais vous le dire, Monsieur Arria.

4 Ce plan, il a été établi par les trois parties en Bosnie-Herzégovine. La

5 Yougoslavie a soutenu ce plan comme elle a soutenu d'autres plans de paix.

6 A cet égard vous ne verrez aucune différence entre les positions défendues

7 par le conseil de Sécurité et celles défendues par la Yougoslavie. Car, la

8 Yougoslavie et la Serbie, et moi-même, nous avons toujours soutenu le plan

9 de paix. Vous le savez ?

10 R. Monsieur le Juge, je sais parfaitement que Srebrenica a toujours été

11 une épine dans le pied ou une question discutée par tous, parce que les

12 Serbes ont toujours voulu avoir Srebrenica. C'est ce qui s'est passé

13 aujourd'hui. Maintenant Srebrenica est du côté serbe.

14 Q. Savez-vous que cette carte, c'est le résultat ultime des négociations

15 qui se sont terminées à Dayton, au moment où ont été arrêtées des positions

16 suite aux propositions faites par le groupe de contact. Les voix se sont

17 réparties comme suit : 51 à 49, entre la Republika Srpska et la fédération

18 de Bosnie-Herzégovine, que c'était la proposition du groupe de contact qui

19 avait été proposée quatre mois plus tôt. Vous le savez ?

20 R. Au moment de Dayton, la situation avait été déjà créée par des

21 atrocités commises par les Serbes en Bosnie-Herzégovine. Le gouvernement de

22 Bosnie-Herzégovine n'avait pas le choix. Il devait accepter ces conditions

23 car, on savait que rien n'allait changer.

24 Q. Puisque vous n'étiez pas à Dayton, vous ne savez sans doute pas que

25 toutes les options ont été discutées à Dayton et qu'il n'y a pas eu de

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1 questions privilégiées, dont on n'aurait pas discuté. L'accord de Dayton,

2 c'est le résultat consensuel obtenu entre les trois parties qui ont

3 participé à la négociation, ainsi que le groupe de contact, et le pays

4 hôte, les Etats-Unis. Vous le savez sans doute, inutile que je vous

5 l'explique.

6 R. Je ne sais pas si vous voulez que je parle de l'accord de Dayton dans

7 le cadre du temps qui m'est imparti.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez le mieux que vous pouvez

9 rapidement.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je maintiens ce que j'ai dit. Je vous l'ai

11 dit le pays avait été ravagé, détruit, victime de génocide, de crimes

12 contre l'humanité, et la décision, elle avait été établie sur le terrain

13 par les forces serbes avec l'appui de Belgrade et les représentants de

14 Bosnie-Herzégovine avaient pas d'autre choix que de signer. Bien des

15 ouvrages ont été écrits à ce propos. Vous les connaissez sans doute, mais

16 il y a un point, un fait qui demeure, à savoir qu'au bout du compte, la

17 Bosnie-Herzégovine, un des pays les plus récents des Nations Unies, a été

18 divisée à partir d'un climat ethnique. Je maintiens ce que j'ai dit.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. D'accord, Monsieur Arria. Vous maintenez des faits qu'il est impossible

21 de corroborer sur le terrain, et peu importe, avançons car nous n'avons pas

22 tout le temps du monde.

23 Paragraphe 35, vous dites que : "Les forces paramilitaires se sont souvent

24 basées sur les médias, et que ces services d'informations étaient souvent

25 plus fiables que le secrétariat…"

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1 Vous étiez très mal informé au conseil de Sécurité, et ce sont les médias

2 qui vous ont informés.

3 R. Si vous n'aviez pas eu des photographes, des reporteurs britanniques

4 courageux qui vous avaient montré ce qui c'était passé à Srebrenica,

5 personne ne le saurait, et ce sont effectivement les médias britanniques

6 qui nous ont fourni ces informations. En fait, les médias se sont avérés

7 être les meilleurs alliés des pays non alignés parce qu'ils fournissaient

8 des informations objectives. Ce n'était pas la seule source mais c'était

9 celle qui a plus d'écho dans l'opinion publique. Dans une certaine mesure

10 en 1993, il n'y a pas eu un massacre à Srebrenica, mais c'est grâce à

11 l'aide fourni par ce journaliste britannique qui en a parlé à l'opinion

12 publique mondiale.

13 Q. Mais la raison pour laquelle il n'y a pas eu de massacre en 1993 avait

14 l'objet de la présentation de grands nombres d'éléments de preuve. Mais je

15 ne vais pas perdre plus de temps à ce sujet puisque manifestement vous n'en

16 savez rien. Si vous receviez vos informations de la part des médias, peut-

17 on en conclure que vous n'étiez pas très différent de million d'autres

18 personnes qui recevaient leurs informations à ce sujet en regardant la

19 télévision ou en lisant les journaux ? Peut-on en déduire que vous n'êtes

20 pas mieux informé, que vous n'êtes pas un meilleur témoin que n'importe

21 quel autre auditeur, téléspectateur ou lecteur de journaux ?

22 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sans ces informations, le

23 général Morillon ne serait sans doute pas allé à Srebrenica comme vous

24 l'avez fait. Et quand on est réuni toutes les informations qui circulaient,

25 et quand on ajoute à cela la visite du général Morillon à Srebrenica, on a

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1 une situation dans laquelle le conseil de Sécurité est dans l'impossibilité

2 de ne pas se réunir. Si le conseil de Sécurité n'avait pas créé une zone de

3 sécurité, elle n'aurait pas existée, on se serait contenté de belles

4 déclarations.

5 Q. Ce n'est pas vrai, mais étant donné que nous aurions l'occasion

6 d'entendre le général Morillon ici même, il est inutile que vous parliez à

7 sa place.

8 Mais dites-moi, vous parlez des médias, vous nous dites que vous y puisiez

9 vos informations, est-ce que vous estimez que l'observation faite par David

10 Owen et que je tire de son livre, et juste, il dit, je cite : "Dans cette

11 phase de guerre de propagande les informations données avec l'opinion

12 publique sont un élément vital de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Les

13 documents du ministère de la Justice des Etats-Unis d'Amérique montrent que

14 la Croatie a payé une société à Washington, une société de relation

15 publique, la somme de 10 000 dollars par mois, pour donner une image

16 positive de la Croatie auprès des membres du congrès, auprès des organes

17 d'informations et que d'autre part des auteurs sont rémunérés pour écrire

18 des articles, envoyer des lettres aux journaux." On a dit également, je

19 n'ai pas le temps tout ce que dit Lord Owen, mais il parle de toutes les

20 démarches qui sont entreprises; interviews, et cetera, lettres officielles…

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez, s'il

22 vous plaît, maintenant poser une question précise au témoin.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Lord Owen conclue que : "Nous n'avions pas les moyens au sein de la

25 communauté internationale de réagir face à une opération de ce type." Il

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1 parle de l'opération de propagande que je viens de décrire.

2 Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qu'il dit dans son livre ?

3 R. Je pense qu'il appartiendrait à Lord Owen de répondre. Je ne peux pas

4 répondre à sa place. Si vous le souhaitez, je peux faire quelques

5 commentaires.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous le souhaitez, mais vite.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Si Belgrade n'avait pas été sanctionnée,

8 elle aurait sans doute aussi engagé un cabinet de relation publique. Si

9 l'ex-Yougoslavie avait gardé le prestige dont elle jouissait avant le

10 conflit, elle n'aurait pas eu besoin de relations publiques. L'Yougoslavie

11 était un pays très respecté au sein de l'Europe.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Mais pourquoi est-ce que le gouvernement de Bosnie avait besoin

14 d'expert en relation publique ? Pourquoi a-t-il payé des agitateurs et des

15 lobbyistes au congrès pour intervenir également dans les médias

16 occidentaux ? Pourquoi si tout ce que vous nous dites est vrai pourquoi

17 avait-il besoin de prendre ce genre de démarches ?

18 R. Moi, je ne suis pas au courant de ce que faisait, ce que pensait les

19 Bosniaques. C'est à eux de répondre.

20 Q. Mais vu la guerre de propagande qui est évoqué par Lord Owen, pouvez-

21 vous affirmer avec certitude que les informations sur lesquelles vous

22 faites reposer ce que vous dites sur la guerre en Bosnie, est-ce que ces

23 informations qui viennent des médias étaient toujours exactes ?

24 R. Moi, je ne peux pas témoigner sur la guerre de la propagande. Moi, je

25 peux témoigner sur le génocide, sur les atrocités, tout ce qui était

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1 commis. Mais je ne peux rien dire sur la guerre de propagande.

2 Q. Etant donné dans le rapport que je cite, paragraphe 46, vous dites la

3 chose suivante : Vous dites des choses très positives sur le plan Vance-

4 Owen, alors donc c'est dans votre rapport alors que dans la déclaration que

5 vous avez faite à la demande de la partie adversaire, vous êtes très

6 critique envers le plan. Quelles sont les informations que vous avez

7 recueillies entre-temps qui vous ont fait changer d'avis ?

8 R. Je ne comprends absolument pas cette question. Par exemple, quand il

9 parle de la partie adverse, je ne vois pas ce que cela veut dire.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

11 reformuler cette question de manière plus précise ?

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Monsieur Arria, dans votre déclaration, la déclaration que j'ai citée,

14 vous êtes très positif au sujet de ce plan, et vous avez cette déclaration

15 à la demande de la partie adversaire, à savoir, de M. Nice.

16 Or, dans votre rapport vous dites des choses tout à fait positives au sujet

17 du plan. Il semble que vous ayez changé d'avis. Qu'est-ce qui vous a fait

18 changé d'avis au sujet du plan Vance-Owen ?

19 R. Le comportement de l'accusé essentiellement, le boycott systématique du

20 processus, il est selon lequel l'accusé ou les intervenants essentiels dans

21 cette affaire a effectivement finalisé le conflit. Ceci est à l'origine de

22 notre changement d'opinion.

23 Q. Mais, Monsieur Arria, il est bien connu que tous mes efforts avaient

24 pour un seul objectif, c'était de trouver la paix. Personne ne peut le

25 contester. Cela a été le cas dans toutes les négociations. Le savez-vous ?

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1 R. Nous avions très bien compris que la partie serbe avait une attitude

2 qui se déclinait en deux volets. D'un côté, nous avions M. Milosevic qui

3 poursuivait des négociations interminables, de l'autre côté, il avait ses

4 acolytes sur le terrain qui faisait le travail, le sale travail, le sale

5 boulot, nettoyage ethnique, atrocités, et cetera. C'est à cause de cette

6 approche double que la communauté internationale a attendu pendant des

7 années, a attendu que des milliers de personnes se fassent tuer pour mettre

8 un terme au conflit et intervenir directement.

9 Q. Mais enfin, Monsieur Arria, puisque vous parlez de nettoyage ethnique

10 en rapport avec moi, j'ai cité quelque chose qui date de 1992, c'est-à-

11 dire, 1992, bien avant que vous n'alliez vous-même à Srebrenica.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où tirez-vous cette citation,

13 Monsieur Milosevic ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une interview que j'ai donnée à la chaîne

15 de télévision ITN. J'y parle de la conférence de Londres, et j'y dis que

16 nous joignons nos efforts qui sont déjà entrepris pour mettre un terme aux

17 événements sanglants qui se déroulent en Bosnie-Herzégovine. Ensuite, je

18 dis, je me cite : "Il y en a certains qui sont en faveur et qui appellent à

19 quelque chose qui ressemblerait à un nettoyage ethnique. Nous, en Serbie,

20 nous estimons qu'il s'agit là d'un crime." Je m'exprimais en 1992. Nous

21 avons insisté très clairement sur le fait que de tels actes ne devaient pas

22 se produire et que toute personne se livrant à ce type d'activités devrait

23 faire l'objet de poursuites criminelles. Ensuite, je parle de la Bosnie. Je

24 dis qu'il s'y déroule une guerre civile et que dans les guerres de ce type,

25 il n'y a ni innocents ni vainqueurs. Il n'y a que des victimes.

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1 La conférence de Londres a eu lieu en l'été 1992. On a entendu ce que

2 j'avais dit à ce moment-là. Vous, vous dites que nous ne souhaitions pas

3 contribuer à la paix. Ce que je viens de lire, c'est un extrait d'une

4 déclaration que j'ai faite à la chaîne de télévision britannique ITN, et ma

5 déclaration est en rapport direct avec ce que vous venez de nous dire,

6 puisque vous dites que nous promouvions le nettoyage ethnique. Moi, j'ai

7 bien dit que c'était un acte criminel et que toute personne se livrant à

8 cet acte devrait être traduit devant les tribunaux.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Est-ce que vous connaissez ce détail, Monsieur Arria ? Ce n'est

11 qu'un des exemples, un des nombreux exemples que je pourrais vous donner.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le témoin répondre.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux dire, c'est que je

14 souhaite sincèrement que ces actes étaient conformes à ces paroles.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

16 Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Savez-vous, Monsieur Arria, que le premier acte criminel quand on en a

19 entendu parler, je parle de ce qui s'est passé en Bosnie, et où on a établi

20 que les auteurs étaient des citoyens de Serbie, et bien, que les personnes

21 concernées ont été jugées en Serbie, à cet époque. Le savez-vous ?

22 R. Oui.

23 Q. Il ne s'agissait pas de simples paroles. Il y avait le comportement de

24 la Serbie qui montrait qu'elle refusait ce type d'exaction. Comme vous

25 connaissez l'ex-Yougoslavie, Monsieur Arria, ainsi que le Monténégro et la

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1 Serbie, vous savez que seul, au sein de l'ex-Yougoslavie, la Serbie et le

2 Monténégro n'ont pas modifié la composition ethnique de leur population,

3 que personne au sein de la république fédérale n'a jamais été poursuivi

4 pour son appartenance à une communauté ethnique quelle qu'elle soit. Le

5 savez-vous ?

6 R. Je ne pense pas qu'ici on contredise ce que j'ai déjà dit. Je souhaite

7 simplement sincèrement que M. Milosevic ait confirmé par ses actes ce qu'il

8 avait déclaré parce qu'il a fait de nombreuses déclarations de ce type. Il

9 a fallu des années pour que la communauté réunisse la volonté nécessaire

10 pour obliger M. Milosevic à se plier et pour mettre un terme à ce conflit.

11 Q. Monsieur Arria, j'imagine que c'était plutôt une guerre civile entre

12 trois belligérants en Bosnie et pas la guerre de Milosevic comme vous

13 l'avez dit. Lord Owen a écrit à ce sujet. Il a également dit que c'était

14 une guerre civile entre les Croates, les Musulmans, et les Serbes de

15 Bosnie; les trois parties belligérantes. Contrairement à vous, il est resté

16 sur les lieux pendant très longtemps. Il a dirigé une conférence

17 internationale.

18 R. S'il avait s'agit d'une guerre civile comme l'affirme l'accusé, son

19 pays n'aurait jamais été mentionné dans 50 résolutions, n'aurait jamais été

20 victime de sanctions. Pourquoi est-ce que la communauté internationale a-t-

21 elle sanctionné la Yougoslavie s'il s'agissait d'une guerre civile. Ce

22 n'était pas une guerre civile. C'était une guerre d'agression d'un ex-

23 membre des Nations Unies contre un membre sans défense des Nations Unies.

24 Il ne s'agissait pas d'une guerre civile. Il s'agissait d'une guerre

25 d'agressions destinée à conquérir un territoire et à procéder au nettoyage

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1 ethnique. Voilà ce dont il s'agissait.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il appartiendra aux Juges de la

3 Chambre de décider de la question, de savoir quelle était la nature exacte

4 du conflit.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Vous évoquez les sanctions qui ont été mises en place. Vous nous dites

7 qu'on les a mise en place parce que la Yougoslavie s'est comportée d'une

8 manière qui n'était pas acceptable. Je vais, dans ces conditions, vous

9 rappeler quelque chose. La déclaration ou, plutôt, le rapport du secrétaire

10 général des Nations Unies ayant trait à la résolution du conseil de

11 Sécurité 752, du 30 mai 1992. Il me semble qu'on me l'a donnée dans la

12 liasse de documents, rapport du conseil de Sécurité au sujet de la

13 résolution 752.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez-nous le temps de trouver ce

15 document, je vous prie.

16 Monsieur Nice, est-ce que vous pouvez nous aider, s'il vous plaît ?

17 Monsieur Milosevic, lui-même, peut peut-être nous dire de quoi il s'agit.

18 Quel est le numéro de l'intercalaire, je vous prie ?

19 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 4.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai beaucoup de documents. Cela se

21 trouvait à l'un des intercalaires et j'en ai extrait.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On va voir s'il s'agit peut-être de

23 l'intercalaire 4.

24 M. NICE : [interprétation] L'accusé nous décrit pas le document d'une

25 manière tout à fait limpide.

Page 31761

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Je ne pense pas qu'il s'agisse

2 de l'intercalaire numéro 4.

3 M. NICE : [interprétation] S'il présente le document à Mme Dicklich, on va

4 pouvoir déterminer de quoi il s'agit.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Milosevic, on va

6 faire comme cela; poursuivez le contre-interrogatoire, mais lisez l'extrait

7 de ce document très lentement. Je pense qu'on va pouvoir y arriver.

8 M. KAY : [interprétation] A la page 12 de la déclaration du Dr Arria, on

9 fait référence à ce document.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Kay. Page

11 12.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un rapport du secrétaire général des

14 Nations Unies. Je vais donner lecture de trois points essentiels. Voici ce

15 qu'il dit, il s'agit du rapport de Boutros-Ghali, au conseil de Sécurité le

16 30 mai 1992. Point 5 : "L'ensemble de la JNA déployé en Bosnie-Herzégovine,

17 la grande majorité de ces soldats étaient des citoyens de cette république

18 et n'étaient pas concernés par la décision des autorités de Belgrade du 14

19 mai, de retirer les membres de la JNA de la Bosnie-Herzégovine. La plupart

20 d'entre eux semblent avoir rejoint les rangs de ce qu'on appelle l'armée de

21 la République serbe de Bosnie-Herzégovine, d'autres ont rejoint les rangs

22 de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine qui est contrôlée, au

23 niveau politique, par la présidence de cette république. D'autres ont,

24 peut-être, rejoint les rangs d'autres forces irrégulières qui opèrent sur

25 ce terrain."

Page 31762

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de poser votre

2 question, Monsieur Milosevic.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Au point 6 on lit : " Ceux qui ne sont pas citoyens de la Bosnie-

5 Herzégovine représentent moins de 20 % du total, d'après les autorités de

6 Belgrade, et on estime que la plupart de ces personnes sont, déjà,

7 retournées en Serbie et au Monténégro en faisant l'objet d'agression

8 pendant qu'elles s'en allaient. Cependant, d'autres sont restés dans

9 d'autres garnisons en Bosnie-Herzégovine, en particulier dans les

10 territoires contrôlés par les Serbes. Il y a eu une autre catégorie qui est

11 constituée par ceux qui ont été bloqués sur place, dans leur caserne, par

12 la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, ou par des forces

13 irrégulières hostiles."

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment est

15 venu de poser une question, sinon on va, complètement, oublier la nature du

16 passage dont vous avez donné lecture.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Est-il clair pour vous que dans le rapport de Boutros-Ghali, le

20 secrétaire général, à l'intention du conseil de Sécurité, il est dit, très

21 clairement, que les dirigeants de la Yougoslavie ont décidé de retirer

22 leurs citoyens, parce qu'à l'époque la Bosnie-Herzégovine avait été

23 reconnue ? La Yougoslavie retire de Bosnie-Herzégovine tous ces citoyens

24 qui étaient membres de la JNA. Ceux qui sont restés sur place, ceux qui

25 n'ont pas été rappelés c'était ceux qui étaient bloqués dans leur garnison,

Page 31763

1 dans leur caserne. Cela vous parait tout à fait clair ?

2 R. Moi, je n'ai rien trouvé de tel dans mes documents. Moi, j'ai vu le

3 rapport actuel du secrétaire général des Nations Unies sur Srebrenica,

4 c'est exactement le contraire.

5 Q. Il faut que vous soyez sûr de ce dont il s'agit pour répondre à la

6 question.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je veux en être sûr.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, évidemment.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Annan dit quelque chose de très différent

10 dans son rapport sur Srebrenica.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice nous ne trouvons pas

12 le document.

13 M. NICE : [interprétation] Le dernier document nous l'avons trouvé à

14 l'intercalaire 2, c'est le document 547, enfin il s'agit de la résolution.

15 Le dernier document je ne sais pas --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez le

17 document ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'étais en train de citer ce document,

19 Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez demander à l'Huissier de

21 remettre le document au témoin.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on me le rende ensuite.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait

24 l'intention de vous dérober ce document. Veuillez, s'il vous plaît,

25 remettre le document au témoin. Nous allons laisser au témoin le temps de

Page 31764

1 lire le passage concerné.

2 On me dit qu'il s'agit de la pièce à conviction de la Défense portant la

3 cote 91. Dès que le témoin aura lu le passage concerné, Monsieur Milosevic

4 reformulera de façon très concise sa question et le témoin y répondra.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que c'est la première fois

6 de ma vie que je vois ce document. L'intitulé se différencie des titres,

7 généralement, donnés par les documents qui émanent du conseil de Sécurité.

8 Je ne sais pas qui a produit ce document. Pour moi, cela n'a pas l'air

9 d'un document officiel du conseil de Sécurité, il n'y a pas de référence,

10 il n'y a pas de numéro d'ordre.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, me

12 remettre ce document. Je m'y connais un tout petit peu en résolution du

13 conseil de Sécurité.

14 Il me semble qu'il s'agit d'un rapport qui vient du secrétaire général,

15 suite à une résolution du conseil de Sécurité. C'est la pièce à conviction

16 numéro 91.

17 Monsieur Milosevic quel paragraphe avez-vous cité ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du point 5, me semble t-il, Monsieur

19 Robinson. Il faut passer à la page suivante, si vous regardez les points 5,

20 et 6 ou 7 aussi.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, remettre

22 le document au témoin. J'ai annoté le passage concerné, il se trouve à la

23 deuxième page.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut me rendre mon exemplaire,

25 s'il vous plaît ?

Page 31765

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez rendre à Monsieur Milosevic

2 son exemplaire. Il s'agit d'un rapport du secrétaire général suite à une

3 résolution.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais le document

5 qu'on m'a présenté avant était différent. Celui-là je le reconnais,

6 effectivement. Je reconnais son format et je dois dire que je l'ai déjà vu.

7 Sur ce point précis le rapport du Secrétaire général Kofi Annan sur

8 Srebrenica précise que l'essentiel de l'armée qui avait été créée par magie

9 pratiquement, dans ce qu'on appelle la Republika Srpska, que l'ensemble de

10 ces gens-là venait de Belgrade. Le Secrétaire général Annan précise,

11 également, qu'il y avait là des personnes impliquées dans des activités

12 criminelles, dans son rapport sur Srebrenica. Or ici, c'est un petit peu

13 contradictoire, parce que le rapport de M. Annan au sujet de Srebrenica est

14 un aveu. Un aveu du fait que les Nations Unies n'ont pas apporté l'aide

15 qu'ils auraient dû apporter à un pays membre. Ici, il dit le contraire, il

16 dit qu'il y a eu transfert de munitions, de chars, de radars, à partir de

17 Belgrade. Il ne s'agissait de quelque chose qui s'est produit par un coup

18 de baguette magique. C'est un acte de soutien entrepris par Belgrade pour

19 créer des forces armées, tous ces gens venant de Serbie. Tous ces gens en

20 Bosnie-Herzégovine vivaient ensemble jusqu'à la provocation.

21 Je vois une différence ici mais c'est la première fois que je vois ce

22 document. Donc, différence entre ces deux documents établis à quelques

23 années de différence puisque dans un des documents, on dit, très

24 clairement, qu'on a fait passé les forces armées de Serbie en Bosnie-

25 Herzégovine. Est-ce que tous ces gens-là habitaient déjà de l'autre côté de

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1 la frontière puisque, un an avant, ils faisaient tous partie du même pays,

2 cela je ne sais pas. Voilà tout ce que je peux dire.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, continuez, je

4 vous prie.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Arria, essayons d'observer un petit d'ordre et de nous en

7 tenir au rapport qui nous intéresse, celui du 30 mai 1992 à l'intention du

8 conseil de Sécurité des Nations Unies. Il en ressort, très clairement, de

9 ce rapport que les éléments de la JNA et vous savez que c'était une armée

10 qui opérait sur la totalité du territoire de la Yougoslavie. Il est dit que

11 les gens qui venaient de la République fédérale de Yougoslavie ou plutôt de

12 Serbie et du Monténégro se sont retirés vers la Serbie et le Monténégro.

13 C'est ce qui est dit dans ce rapport. Il est dit, également, que les seuls

14 qui sont restés sur place, ce sont ceux qui étaient des citoyens de ce pays

15 qui venait d'être reconnu. Vous l'avez dit vous-même. Pourquoi seraient-ils

16 partis sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie s'ils

17 étaient chez eux. La République fédérale de Yougoslavie ne peut pas faire

18 venir au sein de ses frontières des gens qui appartiennent à un autre pays.

19 Boutros-Ghali confirme, dans ce rapport, le fait que la Yougoslavie a été à

20 la hauteur de ses responsabilités et a retiré les éléments de la JNA

21 correspondant sur leurs bases, si l'on peut dire.

22 Ensuite, il explique, j'espère que vous l'avez remarqué et cela ne peut pas

23 être contesté je pense, de quoi il est question.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il faut laisser au témoin la

25 possibilité de répondre.

Page 31767

1 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que je peux dire, c'est de

2 faire la comparaison entre l'analyse du secrétaire général Annan et la

3 déclaration qui vient d'être faite. Je ne vois pas l'intérêt pour moi de

4 faire une déclaration sur ce qu'avait dit Boutros-Ghali sur son rapport

5 parce que je le vois, aujourd'hui, pour la première fois bien que j'aie été

6 membre du conseil de Sécurité, à l'époque. Je peux reprendre les propos du

7 secrétaire général Kofi Annan sur cette mission et qui ne va pas du tout

8 dans le même sens.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Arria, vous-même, il y a encore quelques instants, vous avez

11 dit que c'était, justement, parce que la Yougoslavie n'avait pas remplie

12 ses obligations, qu'elle a été soumise à des sanctions qui ont été

13 imposées. Nous avons un rapport, ici, qui date de mai 1992. Il est,

14 également, dit que les forces qui sont restées en Bosnie ne sont pas

15 contrôlées par la JNA. Ensuite, au point 10, il est dit : "Le retrait des

16 éléments de l'armée croate actuellement en Bosnie n'a pas eu lieu. La

17 FORPRONU a reçu des rapports fiables selon lesquels des éléments de l'armée

18 croate en uniforme sont présents en Bosnie-Herzégovine. Les autorités

19 croates ont, toujours, maintenu la position selon laquelle les soldats

20 croates en Bosnie-Herzégovine ont quitté l'armée croate et ne relèvent pas

21 de son autorité.

22 Cependant, les observateurs internationaux ne doutent pas une seconde que

23 certaines parties de la Bosnie-Herzégovine sont placées sous le contrôle

24 d'unités militaires croates, qu'il s'agisse de la Défense territoriale

25 locale, de groupes paramilitaires ou de l'armée croate. On ne voit pas,

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1 très bien, si le retrait des forces demandé par le conseil de Sécurité

2 pourra être réalisé."

3 En conséquence, Boutros-Ghali nous dit trois choses. Il dit que la JNA

4 s'est retirée, que l'armée de la Republika Srpska se trouve en dehors de

5 tout contrôle de la JNA ou disons du contrôle de Belgrade et il dit aussi

6 que l'armée croate, quand à elle, ne s'est pas retirée. Ensuite, je vais

7 vous poser la question suivante. Monsieur Arria, savez-vous que ce rapport,

8 justement, a été établi par celui qui était alors M. Hohenfellner, le

9 représentant autrichien qui était président et qu'il n'a pas communiqué ce

10 rapport au conseil de Sécurité ? Il a attendu que l'on vote les sanctions

11 contre la Yougoslavie. C'est, uniquement, après la mise en place des

12 sanctions --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, attendez un

14 moment, je vous prie.

15 Il est une règle générale. Il ne faut pas que vous énonciez plus de deux ou

16 trois phrases sans les faire suivre d'une question parce qu'il est très

17 difficile au témoin de suivre et cela ne nous sert à rien. Il ne sert pas

18 aux intérêts du procès de procéder ainsi. Il faut que vous laissiez au

19 témoin la possibilité de répondre.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous le voyez, Messieurs les Juges, j'ai

21 eu raison. Je n'ai pas vu ce rapport parce qu'il ne nous a pas été

22 distribué. Je puis faire un commentaire d'ordre général et bref.

23 Pour M. Tudjman et pour M. Milosevic, c'était une chose très arrangeante

24 que de masquer le fait qu'il y avait des effectifs à eux et d'en faire des

25 effectifs locaux. Mais, c'étaient des effectifs qui venaient de Croatie ou

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1 de Belgrade. Je ne pense pas que M. Mladic ait fait son académie militaire

2 à Pale. Il a fait son école militaire à Belgrade comme tous les autres

3 officiers.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Arria, il m'est très difficile

5 de comprendre ce que vous dites. Vous indiquez que ce rapport du secrétaire

6 général ne vous a pas été communiqué. En êtes-vous sûr ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en suis tout à fait certain. Ce rapport

8 n'a pas circulé. Comme je vous l'ai dit, il y a des choses que j'ai vues

9 seulement au bout de 11 ans. J'ai consulté bon nombre de mes collègues de

10 l'époque et si vous lisez le rapport, il y a eu une commission française

11 qui a estimé qu'il y a eu beaucoup d'omissions, beaucoup d'informations qui

12 n'ont pas été communiquées en temps utile. C'est la chose à laquelle j'ai

13 fait allusion. Il y a eu beaucoup d'éléments couverts, dès le début.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a un numéro du

15 conseil de Sécurité sur ce rapport ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non ou plutôt si, le rapport a un numéro. Cela

17 pourrait, en effet, être un document destiné à un auditoire assez large

18 mais je n'ai pas, ici, mon fichier des résolutions du conseil de Sécurité.

19 D'habitude, il y a un numéro, une date.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas une

21 résolution, c'est un rapport qui a été rédigé par le secrétaire général.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il faudrait qu'il y ait un

24 numéro.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a l'air d'être un rapport, je n'en doute

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1 pas. Je ne l'ai pas vu auparavant.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous allez

4 conduire à votre terme votre une heure et 20 minutes dans trois minutes.

5 Qu'en pensez-vous ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, je voudrais que vous me prolongiez

7 le temps imparti d'au moins une heure.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois qu'une heure sera peut-être

9 un peu trop mais je me propose de consulter mon confrère.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous allez disposer du reste de

12 cette session-ci, à savoir, jusqu'à midi trente puis, 10 minutes après la

13 pause.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson. Je vais essayer

15 de procéder à une sélection de ce que je voulais poser comme questions,

16 mais il faut que vous ne perdiez pas de vue le fait que l'on m'a communiqué

17 une déclaration préalable de ce témoin comportant 500 paragraphes, et il

18 m'est difficile de faire un choix.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Mais Monsieur, savez-vous que Pete Hohenfellner, qui était président du

21 conseil de Sécurité en mai 1992, donc à l'époque où le conseil de Sécurité

22 a été saisi de ce rapport de M. Boutros-Ghali, afin que le conseil de

23 Sécurité puisse décider en fonction de ce qui est dit, a gardé sur soi le

24 rapport, a entendu que la session du conseil de Sécurité où l'on a adopté

25 les sanctions à l'encontre de l'Yougoslavie soit adopté, partant de faits

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1 qui avaient été avancés, faits qui se trouvaient être disharmonies avec le

2 présent rapport, et il a distribué le rapport à Boutros-Ghali une fois les

3 sanctions adoptées. Il n'a, bien sûr, pas pu le conserver à tout jamais. Le

4 saviez-vous cela ?

5 R. Monsieur le Président, je connaissais très bien l'ambassadeur

6 Hohenfellner, je connais bien le peuple autrichien, et je doute qu'un

7 ambassadeur autrichien à plus juste titre est pu faire une chose pareille.

8 Mais cela n'a peut-être pas de pertinence parce que cela n'aurait pas du

9 tout influer sur la décision du conseil de Sécurité portant la mise en

10 place de sanction. Cela n'aurait rien changé du tout.

11 Q. Mais, Monsieur Arria, n'est-il évident portant de la teneur du rapport

12 à Boutros-Ghali, il n'y a aucun fondement pour ce qui est de l'adoption de

13 mesure de sanction à l'encontre de l'Yougoslavie ? Peut-être à l'encontre

14 de la Croatie, cela est-il le cas, parce qu'il indique que les forces de

15 l'Yougoslavie et de la JNA s'étaient retirées et que les forces croates ne

16 s'étaient pas retirées. Or, vous n'ignorez pas que l'Autriche était leur

17 allié à eux, et vous contestez qu'Hohenfellner est maintenu à garder sur

18 lui un rapport alors qu'il présentait des faits matériels, étant donné que

19 le rapport est daté du 30 mai quant à lui. Le saviez-vous cela ?

20 R. Je n'ai aucune connaissance du fait au terme duquel l'ambassadeur

21 autrichien aurait délibérément induit le conseil de Sécurité, dans

22 l'erreur. Mais, Monsieur le Juge, je n'ai pas lu le rapport entier. Je ne

23 fais que lire le petit paragraphe en question. Je ne puis parler que de ce

24 paragraphe. Si vous voulez que je me prononce au sujet du texte entier, il

25 faudrait que je le lise en entier.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison

2 sur ce point.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer d'accélérer autant que faire

4 sous peu, Monsieur Robinson. Mais je crois que les choses sont tout à fait

5 claires. Je suppose que le rapport du secrétaire général des Nations Unies

6 a été versé au dossier.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Dans le paragraphe 444, lorsque vous parlez des négociations à Genève

9 d'Owen et Stoltenberg, et vous dites : "Le moment est venu de négocier avec

10 la partie musulmane, les négociateurs ont décidé de faire venir sept

11 membres de la présidence de cette république : Trois Croates, trois Serbes,

12 et un Musulman. Je répète, un seul Musulman."

13 Si nous parlons de la même présidence de la Bosnie-Herzégovine, car je ne

14 sais pas de laquelle vous êtes en train de parler, cette présidence

15 comptant au total sept membres. Sa structure ethnique ne pouvait pas être

16 déterminée par les négociateurs internationaux. Cette structure a été

17 déterminée au sein même de la Bosnie-Herzégovine, et il n'est pas du tout

18 exact de dire qu'il n'y avait au sein de cette présidence qu'un seul

19 Musulman.

20 Alors ce fait matériel à lui seul montre que vous vous référez à des

21 allégations tout à fait erronées, Monsieur Arria. Je n'ai fait que vous

22 citer vous-même.

23 R. Messieurs les Juges, à l'époque, à l'occasion d'une session publique du

24 conseil de Sécurité, j'ai indiqué que les négociateurs allaient essayer

25 d'aboutir à un accord à tout prix, et j'ai dit à ce propos que cela se

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1 trouvait être pour le moins qu'on puisse dire bizarre que de faire en sorte

2 qu'à Genève l'on fasse venir trois autres membres d'un côté et de l'autre,

3 et un seul Musulman, et j'ai indiqué que cela s'est fait en raison de

4 fouilles qui avaient été faites par la police à son encontre, et il avait

5 été le seul à pouvoir venir à cette réunion.

6 Q. Je n'ai jamais entendu parler de cela, et je n'ai jamais oui dire qu'un

7 quelconque membre de la délégation musulmane, a commencé par Alija

8 Izetbegovic et les autres mais du reste, il avait toujours eu des

9 délégations très nombreuses, donc je n'ai jamais oui dire qu'il avait --

10 qui que ce soit d'entre eux étaient malmenés ou discriminés par la police à

11 Genève. C'est vous qui l'affirmez. Moi, je l'entends dire pour la première

12 fois.

13 R. Messieurs les Juges, tout ce que je peux dire, c'est que cela figure

14 dans ma déclaration publique. Lord Owen se trouvait là-bas. Il n'a pas

15 contesté la chose. Il y avait d'autres représentants britanniques. Personne

16 ne l'a contesté. Pas plus que les autres membres du conseil de Sécurité.

17 Q. Mais quand cela s'est-il passé ? Veuillez me l'indiquer, je vous prie.

18 Vous dites que cela figure dans vos notes. Quand cette réunion a-t-elle eue

19 lieu, réunion où les membres de la délégation bosniaque qui ont été

20 constitué de trois Croates, trois Serbes ? Les Serbes n'ont jamais été

21 membres de la délégation de cette présidence de Bosnie. Il n'y en avait que

22 deux. Il y avait Nikola Koljevic et Biljana Plavsic. Je ne sais pas comment

23 vous avez pu en voir un troisième alors qu'il en avait que deux.

24 R. Messieurs les Juges, je n'ai pas dit qu'ils étaient membres de la

25 présidence. J'ai dit qu'ils étaient délégués. J'ai dit qu'il y avait trois

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1 délégués croates, trois délégués serbes et un représentant des Musulmans.

2 Je n'ai pas dit moi-même qu'ils étaient membres de la présidence.

3 Q. Très bien. Enfin, j'estime quand même que c'est une allégation tout à

4 fait injustifiée.

5 Mais au paragraphe 11, dans toute une série de questions soulevées par un

6 témoin, à titre inhabituel pour ce qui est des témoins, vous dites aussi ce

7 qui suit : "Pourquoi le conseil de Sécurité des Nations Unies ex-officio a-

8 t-il délégué les principales des responsabilités pour ce qui est de la

9 solution de la crise à l'Union européenne (David Owen) et les Etats-Unis

10 (Cyrus Vance)" ?

11 Je voudrais que vous m'indiquiez pourquoi s'agissant des délégués de

12 l'Union européenne de David Owen, et des Etats-Unis de

13 M. Cyrus Vance, vous vous référez dans l'énoncé suivant à Thorvald

14 Stoltenberg qui a remplacé Cyrus Vance. Donc vous étiez au courant de ce

15 tel plan, puisque vous le mentionnez le fait. Or, Stoltenberg se trouvait

16 être Norvégien. Il n'avait rien à voir avec les Etats-Unis d'Amérique. La

17 question que vous soulignez en disant que les responsabilités ont été

18 reléguées à l'Union européenne et aux Etats-Unis n'a aucun sens.

19 Vance avait fait office, ou remplit ses fonctions pendant certain temps,

20 puis il s'est fait remplacer par un Norvégien; Stoltenberg.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez nous indiquer pourquoi vous

22 posez cette question. Pourquoi avez-vous soulevé cette question ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'était avéré que cela

24 avait constitué une catastrophe énorme pour ces pauvres bosniaques, et on a

25 estimé que l'Europe et la Communauté européenne n'ont pas accompli leur

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1 mission de façon appropriée. La question alors était soulevée auprès de la

2 Communauté internationale. Je me souviens que le ministre des Affaires

3 étrangères du Luxembourg, M. Poos, avait dit que cela était terrible, que

4 cela se trouvait à une heure de l'Europe ou plutôt ce n'était pas une

5 question affairante aux Nations Unies, c'était quelque chose qui relevait

6 des responsabilités de l'Europe qui n'avait pas accompli sa mission. Je

7 dois dire, Messieurs les Juges, que le conseil de Sécurité avait eu à faire

8 quelque chose. Imaginez un génocide en Europe, des viols systématiques et

9 que cela ait fait partie de la politique d'un état, que cela se passait en

10 plein milieu de l'Europe, et le conseil de Sécurité se trouvait être tout à

11 fait bloqué, ne pouvait rien faire, et l'on s'attendait à ce que la

12 Communauté européenne vienne résoudre leurs problèmes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. N'avez-vous pas conscience du fait qu'il s'agissait d'une guerre civile

16 et qu'il y avait des bestialités de perpétrées, des atrocités de perpétrées

17 et que dans une guerre de cette nature, il ne pouvait pas du tout y avoir

18 de parties innocentes ?

19 R. Messieurs les Juges, je vais répéter ma réponse : Cela n'était pas une

20 guerre civile, c'était une guerre de conquête.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous demande

22 de vous retenir pour ce qui est des questions portant à caractérisation du

23 conflit. Je vous ai déjà dit que c'était une question de droit. Veuillez

24 continuer, je vous prie.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

Page 31776

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. S'agissant de la résolution 740 datée du 7 février 1992, vous dites au

3 paragraphe 60, vous dites : "Lorsque la résolution a été adoptée, je me

4 souviens de la satisfaction exprimée par les pays non alignés parce que la

5 résolution a été adoptée qui portait l'adoption d'un embargo sur les armes.

6 Nous, nous n'avions pas idée du fait qu'en adoptant la dite résolution,

7 nous allions scellé le sort de la république bosniaque. Nous avons privé de

8 pays membre du droit à l'autodéfense qui est garantie par la charte des

9 Nations Unies."

10 De quel état membre êtes-vous en train de parler en date du 7 février

11 1992 ? Il n'y avait qu'un seul pays à ce moment-là, la République

12 socialiste fédérative de Yougoslavie. A ce moment-là, la Bosnie-Herzégovine

13 n'avait pas encore proclamée son indépendance elle-même. Elle a fini par

14 être reconnue que le 6 avril 1992. Pour ce qui est de son affiliation ou

15 son admission aux Nations Unies, cela s'est fait en date du 22 mai 1992.

16 Trois mois avant, vous en parlez, ce que vous désignez comme étant un

17 membre des Nations Unies, n'existait pas en tant qu'état indépendant. C'est

18 cette reconnaissance, cette triste reconnaissance qui a donné lieu, qui a

19 engendré cet état de guerre, cette malheureuse guerre. C'est une chose qui

20 a été reconnue par bon nombre de personnes. En avez-vous connaissance ou

21 pas, Monsieur Arria ?

22 R. Je suis au courant. Je suis au courant non seulement de la première des

23 parties de ce que vous avez dit. J'ai également indiqué que mon pays avait

24 appuyé la sauvegarde de l'intégrité de ce pays. Il nous a fallu plusieurs

25 semaines, à compter du début du conflit en Yougoslavie, que cela n'a plus

Page 31777

1 été la Yougoslavie de Tito et que l'accusé n'était pas Tito non plus. C'est

2 la raison pour laquelle nous avons changé d'avis.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, posez votre

4 dernière question avant la pause.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Dites-moi, je vous prie, étant donné que dans les paragraphes 53 à 56,

7 vous parlez du soutien que vous aviez apporté à la préservation de

8 l'intégrité territoriale de la RSFY et cela a été le cas de bon nombre

9 d'autres membres des Nations Unies. Alors, comment pouvez-vous alors

10 exprimer vos regrets pour ce qui est des aspirations sécessionnistes de

11 certains éléments ? Parce qu'en vertu de la constitution de la RSFY, la

12 seule force armée avait été la JNA, les autres groupes armés avaient visé à

13 réaliser la sécession de ces républiques, de certaines républiques.

14 Par exemple, la Ligue patriotique de Bosnie-Herzégovine était une force

15 illégale et elle était censée être désarmée. Le saviez-vous ? Si cela avait

16 été fait, il n'y aurait pas eu de guerre.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, veuillez je vous prie,

18 m'aider à distinguer en quoi consiste la question ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, voulez-vous bien

20 reformuler votre question brièvement.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Saviez-vous qu'à l'époque il y avait un soutien général apporté au

23 maintien de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, n'est-ce pas,

24 Monsieur Arria ?

25 R. De quelle date parlez-vous ?

Page 31778

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, veuillez nous indiquer la

2 période.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Je parle de l'époque avant la reconnaissance des républiques qui ont

5 fait sécession. Il y avait la conférence de La Haye, il y avait beaucoup de

6 déclarations de toutes sortes de personnalités éminentes dans le monde qui

7 ont apporté leur soutien à la souveraineté et à l'intégrité de la

8 Yougoslavie. Maintenant, je vous demande comment pouvez-vous exprimer votre

9 regret concernant les forces armées de Yougoslavie, de la JNA vis-à-vis de

10 ce qui avait constitué, face à elle, des groupes armés, des groupes

11 politiques sécessionnistes qui ont visé à procéder à une sécession par la

12 force.

13 R. Messieurs les Juges, le mouvement des non-alignés au sein des Nations

14 Unies avait apporté ce soutien à l'intégrité, à l'unité de la Yougoslavie

15 jusqu'au moment où Belgrade a commencé à pilonner la Croatie. Nous avons

16 compris, suite à cela, que nous avions affaire à nouvelle guerre dans les

17 Balkans. Ce que j'ai dit à cette époque, ce référait à ce que nous savions

18 au sujet de la situation prévalant en février 1992. Je dis que si nous

19 avions connaissance des intentions véritables de Belgrade à l'époque,

20 alors, nous n'aurions pas fait ce que nous avons fait, parce que l'embargo

21 sur la livraison des armes a abouti à des effets tout à fait contraire, il

22 a contribué à ce qui s'est passé et je dis que nous avons une grande

23 responsabilité à assumer. Bon nombre de pays aurait dû adopter un

24 comportement bien plus responsable et faire face aux réalités qui

25 prévalaient sur le terrain parce que l'embargo sur la livraison, la

Page 31779

1 fourniture d'armes a eu un effet néfaste, fatal pour la population

2 bosniaque.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons procéder à une

4 pause. Nous allons faire la pause déjeuner et nous continuerons à 14

5 heures.

6 Je vous rappelle, Monsieur Arria, que pendant la pause, vous n'êtes censé

7 parler à personne de la teneur de votre témoignage.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement.

9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 33.

10 --- L'audience est reprise à 14 heures 06.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez dix

12 minutes, pas une de plus.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vous remercie, Monsieur Robinson.

14 Je vais faire de mon mieux pour aborder très rapidement deux sujets.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Arria, paragraphe 49 du rapport de mission adressé au conseil

17 de Sécurité, établi en application de la Résolution 819, où on parle du

18 "général Morillon, du personnel militaire de la FORPRONU, du personnel

19 civil, et cetera."

20 En 1993, en avril, après avoir été en Bosnie-Herzégovine, vous

21 marquez votre admiration à l'égard du général et du FORPRONU. Maintenant,

22 vous affirmez qu'ils ont forcé les Musulmans à se rendre, du fait d'accord

23 de démilitarisation. Est-ce que là, une fois de plus, vous changez d'avis.

24 R. Il est bien connu que j'admire les pays qui aient constitué les forces

25 de la FORPRONU. Paragraphe premier de la déclaration, j'ai même ajouté que

Page 31780

1 le gouvernement des Pays-Bas a endossé beaucoup de responsabilités après le

2 massacre de Srebrenica. Ceci aurait dû créer un précédent pour que les gens

3 se sentent, et les pays surtout se sentent plus responsables. Jamais je

4 n'ai changé d'avis à propos des forces de la FORPRONU. Lorsque j'ai dit :

5 "Ont été contraints à capituler," il faut le voir dans le contexte d'alors.

6 Parce qu'ils savaient sur le terrain, qu'il n'y avait pas d'autre aide qui

7 venait, même si Lord Owen avait dit à Izetbegovic : "Personne ne viendra à

8 votre rescousse." La FORPRONU n'avait pas le choix. C'est ce que nous avons

9 dit dans le rapport. C'était ma conviction, mais c'était la conviction

10 également de tous les membres de la délégation du conseil de Sécurité.

11 Q. Très bien, Monsieur Arria. Savez-vous que cette zone n'a pas été

12 démilitarisée, que la 28e Division y opérait sous le commandement de Naser

13 Oric, et qu'avant les événements de 1993, après ceci également, la zone

14 protégée a été utilisée comme point d'appui pour commettre des atrocités

15 horribles contre les villages serbes autour de Srebrenica, et dans la

16 région. Est-ce que vous savez que des centaines de personnes, ont été

17 tuées, et que des villages ont été détruits ? Etes-vous au courant de tout

18 cela ?

19 R. Ce que j'ai dit il y a un instant, et je persiste. Nous savions que

20 Srebrenica était encerclé, assiégé, pilonné, qu'une population sans défense

21 était bombardée et pilonnée. C'est ce que nous savions.

22 Q. Très bien. Savez-vous combien d'entre nous en Serbie et précisément en

23 1993, je me suis employé personnellement pour empêcher que n'éclatent des

24 conflits à grande échelle, avec toutes ces conséquences horribles. J'ai été

25 à ce moment-là, soutenu aussi par les dirigeants de la Republika Srpska.

Page 31781

1 Nous voulions un accord, et nous voulions que la situation s'améliore sur

2 le terrain. Est-ce que vous savez que des atrocités sans nom ont été

3 commises, des crimes horribles ? Le savez-vous ?

4 R. Ce que je sais, Messieurs les Juges, c'est que M. Milosevic a fait

5 toute sorte de promesses, de déclarations. Tout ceci n'a pas été réalisé,

6 tant que la communauté internationale n'a pas resserré les écrous et l'a

7 forcé à s'arrêter. C'est tout ce que je sais.

8 Q. Je ne connais pas de promesses que j'aurais faites, et que je n'aurais

9 pas remplies. Enfin, pas le temps d'en parler.

10 Je voulais aborder un autre sujet. J'ai l'impression que la preuve la plus

11 convaincante de ce que vous dites, à savoir que les Serbes auraient été

12 coupables de génocide, que la Yougoslavie aurait été coupable de génocide

13 contre les Musulmans, c'est cette référence constante que vous faites de la

14 décision rendue le 8 avril 1993 par le Tribunal, la Cour internationale,

15 pour ce qui est des mesures provisoires, conservatoires, n'est-ce pas ?

16 R. J'admire le peuple yougoslave. Ce n'est pas lui qui est responsable de

17 crimes commis au nom du pays. Ce qui est arrivé à la population serbe est

18 terrible, parce que tout ceci a été proposé et appliqué par le régime de

19 Belgrade. Tout ceci n'a jamais été le fait de la population yougoslave.

20 Q. Monsieur Arria, je ne vous demande pas si vous avez parlé de cela. Vous

21 dites que la Cour internationale de justice, par les mesures conservatoires

22 prises le 8 avril 1993, en rapport avec la convention sur le génocide, que

23 la Bosnie-Herzégovine devant ce Tribunal, cette Cour a accusé la République

24 fédérale de Yougoslavie.

25 Paragraphe 178 et 180, on dit : "Les mesures conservatoires suivantes

Page 31782

1 s'appliqueront en l'espèce." 179. "La Serbie le Monténégro ainsi que ses

2 agents et ses représentants en Bosnie ou ailleurs, doivent immédiatement

3 cesser tout acte génocidaire dirigé contre le peuple ou l'état de Bosnie-

4 Herzégovine incluant, mais sans se limiter l'assassinat, les exécutions

5 sommaires, la torture, le viol, ce qu'on appelait le nettoyage ethnique, la

6 dévastation sans raison, sans motif des villages, de villes, de régions et

7 de villes, le siège de villes, de villages, et le fait d'affamer la

8 population civile, le bombardement des centres urbains civils, et la

9 détention de civils dans des camps de concentration."

10 C'est ce que vous avez dit à propos de la Cour internationale de justice.

11 Je vous demande ceci. Est-ce que ceci ne montre pas que ceci n'est pas une

12 partie intégrante de la décision rendue par la CIJ du tout. Ceci fait

13 partie de la requête formulée par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Ce

14 n'est pas là une partie de la décision rendue par la Cour internationale de

15 justice. Par conséquent, vous, Monsieur Arria, vous trompez ceux qui nous

16 écoutent en affirmant que cette citation que je viens de vous faire, ferait

17 partie d'une décision rendue par la Cour. Vous, vous citez dans ce texte le

18 gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Il est certain qu'ils ont choisi les

19 pires termes pour qualifier les Serbes.

20 R. C'était la toute première fois qu'une Cour internationale de justice a

21 été saisie d'une affaire de ce genre, et a entendu les éléments de preuve

22 gigantesques. Ici, on ne fait que faire une citation de l'ordonnance rendue

23 par la CIJ. Si nous prenions le temps de lire la totalité, vous verrez que

24 ceci se répète dans la totalité du texte. C'était la décision la plus

25 complète, parce que c'était la première fois qu'on parlait de la question

Page 31783

1 de génocide.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si je comprends bien, Monsieur

3 Milosevic, il veut dire que le contenu du paragraphe 179, c'est la requête

4 faite aux fins d'obtention de mesures conservatoires, que ce n'est pas une

5 partie de la décision en tant que telle. Il faudrait examiner le jugement,

6 la décision en tant que telle pour s'assurer de ce que ceci en ferait

7 partie.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous savez pertinemment, et

9 j'espère que Monsieur Arria, grâce à son expérience de diplomate, le sait

10 aussi. Vous savez que lorsque des mesures conservatoires sont prises par la

11 CIJ, la CIJ ne se prononce pas. Au fond, elle ne parle pas des faits. Il y

12 a l'obligation, bien sûr, c'est un rappel qu'on fait de respecter les

13 dispositions de la convention. Cela ne veut pas dire qu'il y a eu violation

14 de ces dispositions.

15 J'ai le document. Vous le trouvez à l'intercalaire 9.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Tout ceci effectivement, on cite des phrases fournies par le

18 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, parce que bien entendu, c'est là

19 l'objet du litige sur lequel ils se prononcent. A la page 24, vous allez

20 trouver ceci : "La Chambre, dans l'attente d'une décision finale qu'elle

21 rendra dans l'affaire intentée par la Bosnie-Herzégovine contre la RFY,

22 propose les mesures conservatoires suivantes : Le gouvernement de la

23 République fédérale de Yougoslavie doit aussitôt prendre toutes les mesures

24 qui sont en son pouvoir en application de la convention du 9 décembre 1948,

25 pour empêcher qu'il y ait commission du crime de génocide."

Page 31784

1 Deuxième paragraphe : "La Yougoslavie devra en particulier veillez à ce que

2 les unités armées irrégulières, les forces paramilitaires, militaires qui

3 pourraient être, j'insiste sur ceci, qui pourraient se trouver sous son

4 contrôle ou sous son influence directe, pour veiller à ce que ses forces ne

5 commettent aucun acte de génocide ou de conspiration en vue de commettre le

6 génocide de façon directe ou publique, dans le sens d'un génocide ou de

7 complicité de génocide dirigé contre la population musulmane de Bosnie-

8 Herzégovine ou contre tout autre groupe national."

9 Enfin au titre du B : "Le gouvernement de la RFY et le gouvernement de la

10 République de la Bosnie-Herzégovine ne devraient prendre aucune mesure, et

11 devraient veiller à ce qu'aucune mesure ne soit prise qui serait de nature

12 à aggraver le litige existant --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons la décision rendue par la

14 CIG, Monsieur Milosevic. Nous pourrons la lire nous-mêmes. Apparemment, ce

15 qui se trouve au paragraphe 180 de la déclaration du présent témoin, se

16 reflète dans le deuxième paragraphe se trouvant à la page 24 de la

17 décision. Cependant, ce qui se trouve au paragraphe 179 de la déclaration

18 du témoin, ne semble pas se retrouver dans la décision. Cette décision nous

19 l'avons, je le répète. Nous allons l'examinée et nous allons nous

20 prononcer.

21 Poursuivez. De toute façon, vous avez dépassé déjà les dix minutes

22 imparties. Il vous faut vous arrêter. Je donne maintenant la parole aux

23 amis de la Chambre. Maître Kay.

24 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

25 Q. [interprétation] Monsieur Arria, mes questions se concentrent surtout

Page 31785

1 sur le rapport que vous avez rédigé à l'intention des Nations Unies et sur

2 les commentaires que vous avez formulés dans diverses conférences de

3 presse. Examinez, si vous le voulez bien d'abord, l'intercalaire 17.

4 R. Page 5 ?

5 Q. Vous voyez l'intitulé donné à ce document "Transcriptions des cassettes

6 concernant Arria". Vous avez l'endroit ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous verrez sous cet intercalaire apparemment, plusieurs entretiens ou

9 plusieurs déclarations enregistrées, déclarations que vous et d'autres avez

10 faites après avoir effectué une visite à Srebrenica, ainsi que pendant la

11 visite effectuée dans la région à l'occasion des déclaration qui ont été

12 faites. Examinons d'abord la première page, le bas de la page. Il y a un

13 paragraphe qui commence comme ceci : "Non, ces conditions n'étaient pas

14 connues. C'est la première fois. Je suis membre du conseil de Sécurité. Mes

15 collègues n'étaient jamais au courant de ceci. Nous devons demander la

16 permission pour qu'un médecin entre dans Srebrenica." Un peu plus loin vous

17 dites : "Nous avons vraiment été ébranlés et choqués de voir les conditions

18 qui prévalaient."

19 Dans le cadre de votre déposition, vous parlez du constat de l'observation

20 et de la connaissance. C'est un peu différent. Ici, vous dites n'avoir pas

21 été au courant des conditions qui existaient à Srebrenica. C'est bien

22 cela ?

23 R. Tout à fait correct. Les conditions que j'ai décrites ici dans le cadre

24 d'une déclaration d'un communiqué de presse fait à la BBC de Londres, vous

25 avez ici une copie.

Page 31786

1 Q. Page 2, deuxième paragraphe, vous dites, que ce que les autorités

2 onusiennes y ont fait, est extraordinaire. Ici, vous mentionnez les forces

3 de pays comme le Canada, le Danemark, la Russie, le Bangladesh.

4 Apparemment, vous étiez impressionné par le travail réalisé par l'ONU à

5 Srebrenica.

6 R. Oui. Je l'ai déjà dit. J'ai énormément et j'ai toujours eu énormément

7 d'admiration pour les hommes et les femmes servant dans la FORPRONU.

8 Q. Page suivante, coin supérieur droit, vous avez les trois derniers

9 chiffres "842". Prenons au troisième paragraphe, si vous voulez bien,

10 l'avant-dernière phrase. Vous parlez du Haut-commissariat aux Réfugiés des

11 Nations Unies. Vous dites qu'ils ont fait un travail admirable.

12 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

13 que la vérité.

14 R. Oui.

15 Q. Je poursuis votre citation. "Il faut absolument aider ceux qui ne sont

16 pas des habitants et veulent partir." Au paragraphe suivant, vous dites :

17 "Nous avons rencontré le gouvernement musulman. Celui-ci n'a pas exprimé

18 que sa population ne voulait pas partir. Personne dans la rue ne s'est

19 approché de nous pour demander de partir."

20 Est-ce qu'il n'est pas établi que dans cette zone de protection, les

21 autorités civiles voulaient maintenir beaucoup de civils à l'intérieur de

22 Srebrenica ?

23 R. Ce n'était pas du tout notre impression.

24 Q. Est-ce qu'ici, vous ne dites pas que les gens n'exprimaient pas la

25 volonté de partir ?

Page 31787

1 R. Nous avons été étonnés. Nous aurions été surpris qu'ils ne veuillent

2 pas partir. Parce que vraiment, ils vivaient dans la souffrance. Nous avons

3 été impressionnés par le contraire, à savoir qu'ils ne veuillent pas

4 partir, alors que les circonstances étaient tout à fait extrêmes, qu'ils

5 étaient assiégés et encerclés par les paramilitaires serbes.

6 Q. Oui. Srebrenica est une municipalité d'une taille certaine, n'est-ce

7 pas ? Est-ce qu'on ne parle pas de 10 000 habitants. Par la suite, il y

8 avait 40 000 ou plus ?

9 R. 70 000.

10 Q. Merci de cette correction. Cela veut dire que la population était

11 tellement gonflée, qu'il n'y avait pas dans la communauté de base,

12 suffisamment d'installations et d'infrastructures pour répondre au besoin

13 d'autant de réfugiés.

14 R. Même pour satisfaire les conditions de 500 personnes, encore moins. Au

15 moment où nous nous sommes trouvés à Srebrenica, ils n'étaient pas 70 000,

16 ils étaient 10 000 à peu près.

17 Q. Le fait d'avoir importé autant de personnes dans cette zone protégée,

18 bien plus que ce que pouvait accueillir cette ville, est-ce que cela ne

19 veut pas dire que la ville n'était pas dotée des équipements nécessaires

20 pour répondre à leur besoin.

21 R. C'est la première fois que j'en entends parler.

22 Q. Est-ce que ce n'est pas pour cela qu'il y avait des conditions

23 effroyables ? Pas d'eau, pas d'hygiène, pas suffisamment de logements, et

24 pas assez de vivres. Cet endroit n'avait pas été établi pour venir à bout

25 d'autant de personnes.

Page 31788

1 R. La réalité était tout à fait contraire. Il n'y avait pas de maisons,

2 parce qu'elles avaient été pilonnées. Il n'y avait pas de maisons, parce

3 qu'elles avaient été détruites. Il n'y avait pas de l'électricité, parce

4 qu'elle avait été coupée, pareil pour l'eau. Même 500 personnes n'auraient

5 pu y vivre.

6 Q. Au moment où vous vous êtes trouvé à Srebrenica, saviez-vous que les

7 Serbes de Bosnie avançaient, qu'eux étaient en butte à des attaques menées

8 par les forces musulmanes, qui étaient gardées au sein de l'enclave ?

9 R. J'ai accompagné le commandant du Bataillon canadien à Srebrenica. Le

10 général de brigade, Hayes, m'a présenté les officiers serbes par nom, par

11 leurs noms - commandant, colonel untel - et puis à droite se trouvaient des

12 gens qui avaient l'air de civils, et bien, ce sont mes amis aussi, ce sont

13 des Musulmans. Ils avaient très peu d'armes et il aurait fallu être aveugle

14 pour ne pas voir que la ville était entourée d'armes lourdes et était tout

15 à fait contrôlée par les forces paramilitaires serbes. Par la suite, la

16 FORPRONU a constaté que les autres avaient très peu d'armes.

17 Q. C'est peut-être vrai ce que vous dites s'agissant des blindés, des

18 armes lourdes se trouvant autour de Srebrenica. Mais ma question est celle-

19 ci : Saviez-vous qu'il y avait des forces menées par un commandant qui

20 essayaient de sortir de Srebrenica et qui combattaient les forces serbes de

21 Bosnie sur le territoire avoisinant. Est-ce que vous connaissiez cette

22 problématique ?

23 R. Ce que M. Karadzic n'a eu de cesse de rappeler. Oui, oui, je m'en

24 souviens.

25 Q. Vous souvenez-vous du nom du commandant de ces forces, un certain Naser

Page 31789

1 Oric ?

2 R. Non.

3 Q. Page suivante, vous avez la fin du numéro ERN 843. Il y a un très gros

4 paragraphe vers le milieu de la page. Un de vos représentants du Haut-

5 commissariat avait expliqué qu'il y avait trop de monde dans la ville,

6 qu'il était impossible d'aider toute la population. Il y avait un problème

7 quotidien au niveau des médecins, des denrées, des vivres, de l'hygiène. Au

8 milieu de la page, on a ceci : "La question principale à se poser était de

9 savoir si nous devons lutter pour le droit de ces gens à être évacués de

10 Srebrenica ou pour qu'ils aient le droit de rester dans la dignité, la

11 sécurité ? Le Haut-commissariat fera ce qu'il peut et j'espère que les

12 hommes politiques et les ambassadeurs nous aideront aussi, nous aideront à

13 négocier une zone de protection plus grande."

14 Je reviens à cette question. En fait, les gens étaient soumis à une

15 décision prise par les autorités civiles de Srebrenica qui disaient à ces

16 gens de ne pas quitter cette zone protégée. Le saviez-vous ?

17 R. Nous pensions que nous avions adopté une résolution visant à la

18 création d'une zone protégée, ce qui était loin d'être le cas. Nous nous

19 sommes dits qu'il ne fallait pas répéter la même erreur pour ce qui est de

20 la zone que nous avions proposée ensuite. Rappelez-vous, il y a une

21 résolution à ce propos qui demande que ne se répète pas l'expérience vécue

22 par les gens de Srebrenica. C'est là le souvenir que j'ai des événements.

23 Q. Revenons maintenant à votre rapport qui se trouve à l'intercalaire

24 numéro 15. Je suis à la page qui porte le numéro 4, en haut à gauche.

25 R. Il ne s'agit pas de mon rapport, il s'agit du rapport de la mission,

Page 31790

1 voyez-vous.

2 Q. Vous êtes la personne par le truchement de laquelle nous allons

3 l'examiner. Je vous prie de m'excuser. On a fini par l'identifier à vous-

4 même ce rapport. Ce rapport que vous avez contribué à préparer, comporte à

5 la page 4, les activités prévues dans le cadre de votre mission. Au

6 paragraphe 3, vous indiquez les dirigeants des trois parties belligérantes

7 que vous avez rencontrés, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Le président Izetbegovic, le Dr Karadzic et Mate Boban. Vous n'avez pas

10 rencontré le président Milosevic dans le cadre de la préparation de ce

11 rapport, n'est-ce pas ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Vous avez eu un certain nombre d'entretiens. A plusieurs reprises au

14 cours de votre déposition, vous avez fait des observations au sujet des

15 parties en présence mais il est exact, n'est-ce pas, que l'on vous a

16 signalé que de tous les côtés, on commettait des atrocités de plus ou moins

17 grandes gravités mais que seul les Serbes s'emparaient de territoires,

18 n'est-ce pas ?

19 R. J'en ai été informé. J'ai également été informé de ce que le secrétaire

20 général, Kofi Annan, a qualifié à l'époque d'équivalence, d'égalité morale

21 entre les différentes parties en présence, qu'en fait, n'était pas égale.

22 Q. C'est la raison pour laquelle vous avez rencontré toutes les parties en

23 présence et tous les dirigeants, croates, serbes, musulmans, et cetera,

24 parce que vous savez qu'il y avait trois parties en présence.

25 R. Non, pas tout à fait. Nous n'avons pas vu M. Milosevic parce que nous

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1 ne voulions pas intervenir dans les négociations qui étaient en cours avec

2 Owen et Vance. C'est pourquoi nous ne l'avons pas rencontré. Non pas parce

3 que nous pensions qu'il n'était pas concerné mais justement parce qu'il

4 était concerné.

5 Q. Oui, cela ne figure pas dans ce rapport, n'est-ce pas ?

6 R. Si, si. Il me semble que j'explique dans le rapport pourquoi nous ne

7 l'avons pas rencontré.

8 Q. Fort bien.

9 R. Si vous le voulez, je peux retrouver le passage concerné.

10 Q. Veuillez m'indiquer où cela se trouve, s'il vous plaît.

11 R. Je vais chercher.

12 Q. Les Juges de la Chambre pourront chercher ce passage. On pourra y

13 revenir si c'est nécessaire. Je n'ai que très peu de temps. C'est pourquoi

14 je m'intéresse à un seul sujet et de la manière la plus rapide possible.

15 Passons à la page 7 du rapport, au bas de cette page, paragraphe 27(C), je

16 cite : "Le Dr Karadzic a indiqué à la mission lors de la réunion qui a eu

17 lieu à l'aéroport de Belgrade qu'il ne prendrait pas la ville, que

18 l'approvisionnement en eau serait immédiatement restauré et que les convois

19 d'aide humanitaire pourraient entrer."

20 Il est exact de dire qu'à ce moment-là, le Dr Karadzic, si avait

21 suffisamment d'armes, avait suffisamment d'hommes à sa disposition pour

22 entrer dans Srebrenica tout de suite s'il l'avait voulu.

23 R. En fait, comme nous l'avons dit dans le rapport, il ne disait pas la

24 vérité. Il avait déjà pris la ville. La ville était une prison à ciel

25 ouvert. Quand je suis allé à Srebrenica, j'étais dans un véhicule blindé

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1 des Nations Unies et derrière moi, il y avait une voiture où se trouvait le

2 chef des paramilitaires serbes, Ratko, avec le général de brigade, Hayes.

3 On peut vraiment dire qu'il contrôlait la ville.

4 Q. Il y a une énorme différence entre cela et le contrôle de

5 l'infrastructure. Il y a une différence entre la présence des soldats dans

6 la ville et la prise de l'infrastructure.

7 R. Il n'y avait pas d'infrastructure. Il n'y avait pas de soldats dans les

8 rues. Il y avait seulement des gens qui n'avaient pas de toits, qui

9 n'avaient pas accès à l'eau courante, qui n'avaient pas d'accès aux soins

10 médicaux. Il y avait une épidémie qui était en train de se déclencher. On

11 laissait les gens se débrouiller tous seuls. C'était une prison à ciel

12 ouvert.

13 Q. C'est justement pourquoi on a organisé cette mission des Nations Unies

14 et on savait quelle était la situation du Dr Karadzic.

15 R. Que voulez-vous dire ?

16 Q. On savait qu'il avait encerclé Srebrenica, qu'il en avait fait une

17 prison à ciel ouvert.

18 R. Nous, nous avons dit ce qu'il en était parce qu'il prétendait ne rien

19 savoir. Il nous a demandé à ce que l'on fasse entrer des médecins et des

20 tentes dans la ville mais jamais il ne l'a permis.

21 Q. Bien. Vous êtes allé à Srebrenica et on voit que vous en parlez à la

22 page 11 ainsi que dans les paragraphes 46 et 47 qui ont déjà été

23 mentionnés. Vous-même et votre mission, vous en êtes arrivé à la conclusion

24 qu'il fallait maintenir la zone de sécurité. Il y était peut-être

25 nécessaire de modifier le mandat de la FORPRONU mais selon vous, il fallait

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1 maintenir la zone de sécurité à Srebrenica.

2 R. Je ne comprends pas votre question surtout dans sa dernière partie.

3 Q. N'est-il pas exact si l'on regarde le paragraphe 47, on peut lire la

4 chose suivante, je cite : "La mission reconnaît que la création d'enclaves,

5 de zones de sécurité, doivent faire l'objet d'une réflexion mais qu'il

6 convient de réviser ou de revoir le mandat de la FORPRONU en s'intéressant

7 également aux cessez-le-feu, et cetera, sans pour autant jusqu'à aller à

8 des frappes de représailles."

9 R. Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire. Vous citez mes

10 déclarations. Je ne comprends pas très bien.

11 Q. C'est la situation dans laquelle vous vous trouviez plutôt que de

12 modifier la politique concernant Srebrenica, vous avez décidé qu'il fallait

13 poursuivre la politique mis en œuvre.

14 R. Au contraire. Quand on est rentré à New York, dans notre rapport, nous

15 avons dit que l'expérience de Srebrenica ne devait pas être répétée et nous

16 avons dit que s'il devait y avoir des zones de sécurité à l'avenir, elles

17 devaient être établies sur des bases différentes.

18 Q. Il est possible qu'il y ait un petit malentendu entre nous à ce sujet

19 mais je veux en rester là.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, revenons à une question

21 que vous avez posée un peu plus tôt. Avez-vous demandé au témoin si la

22 situation à Srebrenica, les souffrances endurées par les Musulmans étaient

23 le fait essentiellement ou exclusivement même de la surpopulation de la

24 ville et non d'aucun autre facteur ?

25 M. KAY : [interprétation] Si l'on se réfère à ce passage de la conférence

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1 de presse, oui, c'est effectivement à l'intercalaire 17 que cela se trouve.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. KAY : [interprétation] A l'époque, on disait que les dégâts en ville,

4 les destructions de certains bâtiments, de l'école notamment, et cetera,

5 ainsi que les conditions très difficiles qui y prévalaient étaient

6 également dues au nombre considérables de personnes, au nombre en tant que

7 telles de personnes qui étaient venues se réfugier à cet endroit, dans

8 cette zone. En haut de la page 843, il est indiqué que la ville est

9 tellement surpeuplée qu'il n'est pas possible d'apporter une aide à toute

10 la population.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allé dans une école à Srebrenica. Les

14 circonstances étaient vraiment extraordinaires. Cinq jours avant notre

15 arrivée, à peu près une semaine avant notre arrivée, ce même colonel serbe

16 qui nous accompagnait avait pilonné Srebrenica. On voyait encore des restes

17 de cadavres d'enfants dans la cour. Il n'y avait aucun médecin dans cette

18 ville, aucun médicament. C'est vrai. Beaucoup de gens sont venus des

19 villages environnants autour de Srebrenica après l'arrivée des unités

20 paramilitaires. De toute façon, il était inconcevable de voir quiconque

21 vivre normalement dans cette situation. Les gens n'avaient pas de toit. Ils

22 vivaient dans la rue. Il n'y avait pas d'infrastructures. On a parlé

23 d'infrastructures, il n'y en avait pas. De surcroît, tous ces gens étaient

24 encerclés et par des gens qui étaient fortement armés. Ils savaient déjà

25 que les Nations Unies n'avaient pas leurs mots à dire. A l'époque,

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1 l'opinion publique n'était pas assez forte pour peser sur ce qui se passait

2 dans l'enclave. Nous avons apporté un changement à cet état de faits.

3 Au fil du temps, Srebrenica n'était plus sous le feu des projecteurs de

4 l'actualité et nous savons très bien comment ce triste chapitre de

5 l'histoire de l'humanité a pris fin.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Une ou deux choses sur lesquelles je souhaite

8 revenir.

9 Nouvel interrogatoire par M. Nice :

10 Q. [interprétation] D'abord, l'intercalaire 15, le rapport. On vous a

11 interrogé sur le paragraphe 46 ainsi que sur le paragraphe 47. On semble

12 dire que vous étiez favorable à la poursuite de la stratégie des zones de

13 sécurité. Est-ce que vous recommandiez une répétition de ce qui s'était

14 déjà fait ou quelque chose de complètement différent ?

15 R. Je recommandais que l'on fasse les choses de manière complètement

16 différente.

17 Q. Pour défendre les intérêts des citoyens, à votre avis, qu'est-ce qu'on

18 aurait dû faire de complètement différent ?

19 R. La différence que nous recommandions c'était se situer dans la

20 protection. Vous le savez sans doute que dans les résolutions et dans les

21 textes des Nations Unies, les mots ont une valeur très importante. En

22 français, on disait "la protection," en espagnol "ellos protohijos [phon],"

23 et en anglais, on parlait de "zones de sécurité." Chacun avait sa propre

24 interprétation de la situation. Il en va de même dans beaucoup d'autres

25 textes des Nations Unies, j'en suis sûr.

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1 Q. Dans votre rapport, dans votre déclaration sous serment, vous parlez

2 d'un équivalent moral. Ceci a été mentionné par M. Annan, qu'est-ce que

3 cela veut dire exactement ?

4 R. Il est coutumier au sein des Nations Unies d'appliquer ce terme aussi

5 bien à l'agresseur qu'aux victimes. Je crois que le secrétaire général,

6 Kofi Annan, a dit que mettre les auteurs et les victimes sur un pied

7 d'égalité, c'était sembler faire preuve de neutralité, ce qui était très

8 difficile, en fait.

9 Q. On parlait de quelle neutralité ici ? Des bosniaques ?

10 R. J'ai parlé ce matin du concept du génocide, la décision de la Cour de

11 justice internationale qui aurait dû intervenir plus fortement. C'est

12 pourquoi des membres permanents, on n'estimait qu'il ne faille pas

13 intervenir de manière énergique.

14 Q. Est-ce que les armées qui n'avaient pas été reconnues, par exemple,

15 l'armée de la Republika Srpska, étaient traitées de la même manière et

16 considérées de la même manière sur un pied d'égalité ?

17 R. Je ne comprends pas.

18 Q. Ma question est mal formulée, j'y reviendrai. Mais passons à autre

19 chose. Vous dites que vous n'avez pas rencontré Milosevic, mais vous avez

20 parlé pour cela de votre déclaration écrite sous serment, et pas du

21 rapport, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous dites que Karadzic s'est plaint parce que les forces musulmanes

24 avaient lancées des attaques à partir de Srebrenica. Est-ce que, lorsque

25 vous étiez sur place, les soldats serbes vous paraissaient sûr d'eux et

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1 apparaissaient à contrôler la situation ?

2 R. Absolument.

3 Q. Est-ce qu'ils se sont plaints auprès de vous, ceux qui étaient sur le

4 terrain, est-ce qu'ils se sont plaints d'attaques qui ont été évoqués par

5 Me Kay, d'attaques qui venaient de l'enclave ?

6 R. Pas du tout. Non, ils se déplaçaient en ville sans armes. D'abord, les

7 forces des Nations Unies n'ont jamais été inquiétées par les forces

8 bosniaques dans l'enclave.

9 Q. Me Kay vous a posé deux questions et j'aimerais y revenir. D'abord, la

10 situation générale, l'absence de médicaments, et cetera, un exemple, s'il

11 vous plaît. C'est dans votre rapport. Parlez-nous de Karadzic à ce sujet.

12 R. A l'aéroport, M. Karadzic venait rencontré M. Milosevic. On l'a

13 rencontré à l'aéroport de Belgrade et j'ai dit à Karadzic que le problème

14 de l'eau, on pouvait le résoudre immédiatement. Il a rétorqué, je vais le

15 faire immédiatement, mais il n'a jamais rien fait.

16 Q. Enfin, pour terminer avec une des questions de Me Kay, vous avez parlé

17 de votre admiration pour les forces de la FORPRONU. Vous avez également dit

18 que les forces que vous avez vues, étaient subordonnées aux forces serbes.

19 Je crois que vous évoquiez les Canadiens.

20 R. Non, c'était la situation des officiers britanniques.

21 Q. Des officiers britanniques.

22 R. Ce n'était pas à Srebrenica. Au contraire à Srebrenica, le commandant

23 du bataillon canadien était furieux, furieux vu le manque de soutien qui

24 lui était apporté. Beaucoup de Britanniques se plaignaient, d'officiers se

25 plaignaient des ordres qu'on leur donnait, des consignes qu'on leur

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1 donnait, de ne pas faire de vagues. C'est ce qu'on leur disait : "Surtout

2 ne faites pas trop de vagues. Ne créez pas de difficultés." On se pliait

3 aux desiderata des Serbes.

4 Q. Votre admiration pour les forces en présence, tient compte du fait

5 qu'ils agissaient de la manière dont ils l'ont fait sur ordre ?

6 R. Oui.

7 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est de la CIJ, dans mes questions

8 que j'ai posées à ce sujet dans mon interrogatoire principal, je pense que

9 j'ai explicité la différence entre les conclusions et l'exposé de

10 l'affaire.

11 Q. L'accusé semble dire que vous vous êtes laissé avoir par la politique

12 de relation publique menée, par exemple, par la Bosnie, que vous avez été

13 trompé par une guerre de propagande. Essayez de nous expliquer comment vous

14 avez entrepris de vous procurer suffisamment d'informations pour avoir une

15 vue équilibrée de la situation.

16 R. Ce qui était le plus convaincant, c'était la réalité sur le terrain. Je

17 n'ai jamais rencontré de personnes qui faisaient du lobbying pour les

18 Bosniens. Quand je suis devenu membre du conseil de Sécurité, je n'étais

19 pas là pour représenter uniquement mon pays, mais pour représenter la

20 région dans son ensemble. Je refusais d'être simplement un spectateur.

21 C'est la raison pour laquelle je suis ici. J'ai refusé d'être tout

22 simplement un spectateur.

23 Q. Est-ce que cette mission de Srebrenica vous tenait énormément à coeur ?

24 R. Nous voulions voir ce qui se passait, parce qu'on recevait toute sorte

25 d'informations différentes. L'ambassadeur pakistanais était à l'époque

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1 président du conseil de Sécurité. Il n'a pas été facile d'obtenir

2 l'approbation de l'envoi de la mission à Srebrenica. Cela donnait lieu à

3 une discussion très longue de deux heures au sein du conseil de Sécurité.

4 Ensuite, on m'a nommé à la tête de cette mission, pour essayer de réunir

5 les faits sur le terrain. C'était une visite sur place qui était d'une très

6 grande importance.

7 Q. L'accusé dit qu'il y avait guerre de propagande. Ce que vous avez vu

8 sur le terrain, est-ce que cela correspondait aux informations que l'on

9 trouvait dans les médias, dans la presse ? Est-ce que ce que vous avez vu a

10 confirmé, a modifié votre point de vue ?

11 R. C'était bien pire. J'ai déjà dit ce matin, qu'un journaliste

12 britannique a été le seul à montrer au monde entier ce qui se passait.

13 C'est à partir de cela, que le général Morillon est intervenu, à partir de

14 cela que le conseil de Sécurité a entrepris des démarches. Lorsque nous

15 sommes arrivés sur place, c'était encore pire. Ce que nous avons vu était

16 complètement inimaginable. Je me souviens avoir dit à l'ambassadeur russe

17 qui était opposé à notre politique au conseil de Sécurité, je me souviens

18 lui avoir dit : "Vous parlez toujours de Leningrad. Là, c'est une deuxième

19 Leningrad à une échelle différente. Il faut voir cela de ses yeux." Même

20 l'ambassadeur russe qui était avec nous lors de cette mission, a signé le

21 rapport. C'était un rapport marqué, frappé au coin du consensus.

22 Q. Deux questions encore. L'accusé vous a interrogé. Il vous a posé des

23 questions au sujet d'un rapport qu'il a rédigé lui même où il dit que le

24 génocide est un crime. Vous, vous avez parlé d'une politique à deux volets

25 menée par l'accusé. Est-ce que les propos qui lui sont attribués, lorsqu'il

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1 dit que le génocide est un crime, correspondent à cette politique à deux

2 volets.

3 R. Oui, je me souviens avoir expliqué la chose au conseil de Sécurité. Je

4 leur ai dit : "Ça y est, on a finalement compris la véritable signification

5 du nettoyage ethnique. Il s'agit de procéder à l'intimidation de la

6 population, de bombarder ces maisons, de déplacer la population." Je leur

7 ai dit cela : "Voilà nous n'avons plus besoin de lire des textes, nous

8 l'avons vu, nous savons ce que c'est." C'est la première fois que nous

9 avons vu de visu ce que c'était que cette politique de nettoyage ethnique

10 concrètement.

11 Q. Vous avez mal compris ma question. C'est ma faute. Je voudrais savoir

12 le fait que l'accusé ait dit publiquement que le nettoyage ethnique était

13 un crime, est-ce que c'est compatible avec ce que vous avez dit de sa

14 politique sur deux niveaux, de sa stratégie sur deux niveaux ?

15 R. Oui, cela correspond. Il y avait d'une part Belgrade, qui menait des

16 négociations interminables avec la communauté internationale. De l'autre

17 côté, je l'ai déjà dit ce matin, on avait Mladic, Karadzic, et cetera, tous

18 les acolytes qui exécutaient la politique de génocide, de crime contre

19 l'humanité, de nettoyage ethnique. Ceci jusqu'au moment où la communauté

20 internationale a mis un terme à cette politique sur deux niveaux. Cela a

21 permis quand même de modifier la géographie d'un état souverain des Nations

22 Unies, grâce à la conquête de territoires.

23 Q. Ceci m'amène à ma dernière question. La Grande Serbie, ce terme a-t-il

24 été utilisé dans votre rapport ? Bien que ce ne soit pas considéré comme

25 effectivement un propos tenu par l'accusé en personne. Pour vous, à

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1 l'époque, la Grande Serbie, qu'est-ce que c'était ?

2 R. Il n'y avait pas un seul article de journal, un seul rapport qui ne

3 parlait pas de la Grande Serbie. Il est plus difficile de comprendre

4 comment un pays de l'ex-Yougoslavie pouvait accepter des sanctions, si elle

5 n'avait pas à gagner dans toute cette situation. Ce qu'elle avait à gagner,

6 c'était de bénéficier d'un territoire plus vaste qui se trouvait sur

7 l'ancien territoire de la Bosnie-Herzégovine.

8 M. NICE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

9 M. MILOSEVIC : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

12 M. Nice vient de mentionner simplement à l'instant la réunion avec Karadzic

13 à l'aéroport. J'aurais une question, une seule question à poser au témoin,

14 s'il vous plaît.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, une question.

17 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Milosevic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Arria, vous avez rencontré Karadzic le 26

19 avril à l'aéroport. Vous venez de le dire. Vous l'avez rencontré de

20 Belgrade. Il vous avait dit qu'il avait participé à une réunion en ma

21 compagnie. La question que j'ai à vous poser est la suivante. Savez-vous

22 que quelques jours seulement après cela à Athènes, le 1er mai, s'est tenue

23 une conférence destinée à établir la paix, sous les auspices de Constantin

24 Mitsotakis, le premier ministre grec. Vance et Owen ont présenté leur plan

25 à cette occasion. Karadzic, lors de cette conférence, a signé le plan de

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1 paix Vance-Owen, quelques jours après la réunion. Est-ce que vous vous en

2 souvenez ou pas ?

3 R. Monsieur le Président, la réunion d'Athènes, je l'ai mentionnée dans

4 mon discours au conseil de Sécurité. Les négociateurs ont permis quelque

5 chose que nous avons estimé, n'était pas approprié, puisque M. Karadzic

6 avait signé, sous réserve d'obtenir autorisation et confirmation du congrès

7 ou du parlement de ce qu'on appelle la Republika Srpska qui n'existait pas.

8 On a autorisé pourtant à le faire lors de la négociation.

9 Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, il faudrait mentionner la

10 disparition de ce document mystérieux, dont vous m'avez parlé ce matin qui

11 concernait M. Boutros-Ghali. Monsieur Milosevic m'a demandé si j'avais vu

12 ce document. J'ai dit : "Non." Il a dit que c'était une fuite du conseil de

13 Sécurité. Il a dit que c'était un document qui appartenait à l'ambassadeur

14 autrichien. Je ne peux pas imaginer cependant, que M. Boutros-Ghali ait

15 remis ce rapport à cet ambassadeur autrichien qui l'ait caché au conseil de

16 Sécurité. C'est ce que je voulais ajouter au sujet de ce qui s'est passé ce

17 matin.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci, Monsieur Arria, vous

19 pouvez partir, désormais.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 [Le témoin se retire]

22 M. NICE : [aucune interprétation]

23 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avant de vous laisser

25 poursuivre. Je voudrais prêter deux questions qui ont été soulevées par M.

Page 31803

1 Milosevic ce matin.

2 En premier lieu, il s'agit de la suite à donner à l'ordonnance qui a été

3 rendue par la Chambre, selon laquelle le Greffe doit lui fournir autant

4 d'aide que possible à ce stade du procès. M. Milosevic nous a dit n'avoir

5 reçu aucune aide. J'ai demandé à ce que l'on prenne des informations à ce

6 sujet. Je peux vous dire, Monsieur Milosevic, que vous devez approcher le

7 Greffe à ce sujet. Vous devez lui faire savoir quel est le type d'aide dont

8 vous avez besoin. Dans la mesure du possible, on vous accordera cette

9 assistance, en particulier si vous avez besoin de bénéficier de plus de

10 temps pour rencontrer vos collaborateurs. C'est le genre de demande que

11 vous pouvez formuler auprès du Greffe, que le Greffe pourra vous accorder.

12 En deuxième lieu, Monsieur Milosevic, vous avez évoqué les conséquences de

13 la décision du Greffe relatives aux communications. M. Milosevic a affirmé

14 que du fait de cette décision, il verrait que la préparation de la

15 présentation de ses moyens entravait. J'ai examiné cette question. Monsieur

16 Milosevic, j'ai examiné la décision. Il est stipulé expressément que ces

17 limites, ces restrictions de communication ne s'appliquent pas aux

18 communications et aux visites qui sont raisonnablement considérées comme

19 nécessaires à la préparation de la présentation de vos moyens, y compris

20 les interrogatoires ou les entretiens par téléphone ou en personne avec des

21 témoins éventuels, qui sont nécessaires dans le cadre de la préparation de

22 la Défense, sans cependant que l'accusé puisse bénéficier de cette

23 possibilité pour avoir des contacts avec les médias. Vous pourrez préparer

24 la présentation de vos moyens sans aucun préjudice.

25 M. NICE : [interprétation] Le dernier témoin. On lui a posé un grand nombre

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1 de questions pendant le contre-interrogatoire au sujet de cette

2 déclaration-là. Je m'en remets à vous. Peut-être vaudrait-il mieux verser

3 au dossier sa déclaration afin de pouvoir se référer aux passages qui ont

4 été mentionnés par l'accusé, puisque beaucoup de questions pendant le cadre

5 du contre-interrogatoire ont été posées aux fins de tester la crédibilité

6 du témoin. Je pense qu'il serait bon que cette déclaration soit versée au

7 dossier.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous

9 quelque chose à dire au sujet de cette proposition pour ce qui est du

10 versement au dossier de ladite déclaration, la déclaration, j'entends de ce

11 dernier témoin.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Monsieur Robinson, j'ai quelque chose à

13 dire. Cette déclaration compte 500 paragraphes. Comme vous le savez

14 pertinemment bien, je n'ai pas eu le temps de me référer à plus d'un

15 cinquième, ce qui laisse quatre cinquième au sujet desquels je n'ai pas pu

16 poser de questions en raison du temps imparti, en raison de l'évasivité de

17 cette déclaration, qui se trouve du fait de cette évasivité, peu

18 pertinente.

19 Ce récit qui ressemble davantage au texte d'un journal, qui n'a rien à voir

20 avec les éléments de preuve de l'Accusation, ne mérite pas d'être versé au

21 dossier. Cela est appelé à apporter un soutien à ce faux acte d'accusation,

22 mais rien d'autre.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois où vous voulez en venir.

24 Monsieur Kay, vous voulez dire quelque chose.

25 M. KAY : [interprétation] Je voudrais donner un conseil. La déclaration

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1 dépasse ce qu'elle devrait constituer. Il y a beaucoup d'observations et

2 d'opinions personnelles faites par ce témoin particulier. A mon avis, le

3 contre-interrogatoire ne requiert pas, d'après les résultats de celui-ci,

4 le versement au dossier de ladite déclaration.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous décidons de ne pas verser au

7 dossier cette déclaration.

8 M. NICE : [interprétation] Comme les Juges l'entendront. Avant l'arrivée

9 du témoin suivant, j'ai une question administrative à soulever. Je crois

10 qu'il va falloir que nous parlions également d'un témoin pour demain. Je ne

11 suis pas en mesure en ce moment-ci d'en parler dès à présent. Notre premier

12 problème administratif dont nous pouvons traiter en audience publique,

13 étant donné que le témoin est dans une certaine mesure un témoin protégé,

14 cette question est la suivante.

15 En raison de la modification du calendrier, dans le calendrier présent,

16 nous n'avons pas de journée où il nous serait possible de citer à

17 comparaître M. Bildt. Il était censé venir la semaine passée, le 4

18 février. Je me suis penché avec lui sur son calendrier pour la semaine qui

19 vient, aujourd'hui, demain, jeudi, 12 et la semaine d'après 18 et 19, et

20 sans entrer dans davantage de détails, je veux dire qu'il se déplace entre

21 deux ou trois continents. A présent, dans la période indiquée, une fois

22 qu'il sera revenu en Europe du Nord, il sera à notre disposition un après-

23 midi, le vendredi qui vient, le lundi d'après, ainsi que le mardi. Par la

24 suite, les quatre autres journées, il ne sera pas disponible. Il s'agit

25 d'un témoin que nous avions souhaiter ajouter à la liste des témoins, parce

Page 31806

1 qu'il est censé nous fournir une déclaration de grande valeur en fort peu

2 de temps. A notre avis, son témoignage est susceptible de nous fournir une

3 toile de fond pour d'autres témoignages. Il importe pour la Chambre de

4 disposer de toutes les informations au sujet des connaissances de l'accusé

5 et des activités de l'accusé, à l'époque du massacre de Srebrenica. C'est

6 la raison pour laquelle nous avons demandé à ce qu'il soit ajouté à la

7 liste des témoins.

8 Bien entendu, il est capable de témoigner sur d'autres sujets, vu sa

9 position qu'il avait occupé, mais cela n'a pas été crucial pour notre

10 requête. Nous n'avons pas l'intention de conduire, enfin, de lui demander

11 de témoigner sur d'autres sujets. Quoique la Chambre ait été tout à fait

12 généreuse pour ce qui est du contre-interrogatoire, nous estimons que son

13 témoignage pourrait durer trois heures, peut-être un peu plus.

14 Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais je demanderais à la

15 Chambre d'essayer d'ajuster le calendrier, de façon à lui permettre de

16 témoigner peut-être la semaine prochaine. Il convient de garder à l'esprit

17 le fait qu'il ne soit pas en mesure de venir. Ce n'est pas quelque chose

18 qui est dans le domaine d'intervention où il pourrait modifier quoi que ce

19 soit. Cela échappe à notre contrôle.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous en avons pris bonne note.

21 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Le témoin suivant bénéficiera

22 de certaines mesures de protection. Je propose pour la première partie de

23 son témoignage de passer à huis clos partiel. Il en ira de même lorsque

24 nous parlerons de certaines pièces à conviction.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

Page 31807

1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

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8 [Audience publique]

9 M. NICE : [interprétation] Très bien. Je me propose maintenant de donner

10 lecture des sujets qui ont été traités par ce témoin dans sa déclaration

11 préalable. Je vais établir la corrélation avec bon nombre de pièces déjà

12 versées.

13 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

14 Q. Monsieur 1804, dans votre première déclaration, avez-vous traité du

15 retrait et du déploiement de votre unité vers la Bosnie ?

16 R. Oui, j'ai déjà répondu à des questions de ce type.

17 Q. Vous avez parlé des conditions qui ont prévalu à Zvornik ?

18 R. En effet.

19 Q. Vous avez parlé de la prise de Bijeljina ?

20 R. En effet, plusieurs questions m'ont été posées à ce sujet-là.

21 M. NICE : [interprétation] Les Juges de la Chambre vont voir que, dans cet

22 intercalaire numéro 2, il figure un document se référant au paragraphe 24.

23 Nous avons réfléchi à la question et décidé qu'il était inutile de

24 surcharger la Chambre avec cette pièce à conviction.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyons plus clairs. Vous entendez, à

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1 l'intercalaire 1, la première des déclarations.

2 M. NICE : [interprétation] Oui, juste la première déclaration.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première déclaration avec la feuille

4 avec le pseudonyme.

5 M. NICE : [interprétation] En effet.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

7 M. NICE : [interprétation] Nous pouvons barrer ou sortir de ce classeur

8 l'intercalaire 2.

9 Q. Monsieur le Témoin B-1804, vous nous avez parlé de l'armement des

10 Serbes à Zvornik. Ensuite, dans le paragraphe 33, vous parlez d'un document

11 qui est connu comme étant la variante A et la variante B.

12 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, vous verrez que ce document

13 a déjà été versé au dossier, ce qui fait que nous n'avons pas ajouter ici.

14 Q. Vous avez parlé, Monsieur le Témoin, de l'attaque sur Zvornik. Vous

15 avez parlé de Kula Grad et du nettoyage de Zvornik. Exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Au paragraphe 52, vous parlez d'une autre pièce à conviction, qui est

18 déjà versée au dossier, à savoir, la décision afférente aux objectifs

19 stratégiques du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine.

20 Nous revenons avec vous, Monsieur, à la création de la VRS. Vous avez

21 ensuite parlé de Srebrenica, notamment, des relations entre la VRS et la

22 JNA, ou la VJ. Vous parlez du 30e centre chargé du personnel. Au paragraphe

23 72 par la suite, il est question d'une conversation interceptée.

24 M. NICE : [interprétation] A l'exception de l'une de ces conversations,

25 Messieurs les Juges, je dirais que toutes ces conversations interceptées

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1 portent des cotes d'identification.

2 Q. Je tiens à m'attarder sur cette conversation interceptée-là et un

3 document confirmant le versement des salaires en provenance de Belgrade. En

4 est-il bien ainsi ?

5 R. En effet.

6 Q. Un autre détail qui se trouve peut-être un peu à l'extérieur ou en

7 dehors de ce que vous avez dit dans vos déclarations, mais je veux éviter

8 tout malentendu, tout quiproquo. Quand vous receviez votre salaire, comme

9 vous l'avez expliqué, cet argent venait de Belgrade. Jusqu'à la période

10 concernée, vous receviez un salaire, une solde qui correspondait à votre

11 grade, n'est-ce pas ?

12 R. En effet.

13 Q. Cela se rapporte à la période entière englobée par vos deux

14 déclarations préalables.

15 R. Oui, à l'exception d'une interruption de cinq à six mois, seulement.

16 Q. Il ne s'agissait pas seulement de dire qu'il venait une quantité

17 d'argent provenant de Belgrade, qui constituait une espèce d'aide sociale,

18 ou d'assistance sociale. Vous receviez votre solde, ce qui correspondait au

19 rang qui était le vôtre dans le service, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Passons maintenant à l'intercalaire 6. Il est question de ce document

22 dans la partie de votre déclaration où il est question du soutien apporté

23 par la VJ à la VRS. Il s'ensuit plusieurs exemples. Il s'ensuit une

24 conversation interceptée.

25 M. NICE : [interprétation] Peut-être pourrions-nous maintenant passer à

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1 huis clos partiel.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, huis clos partiel, je vous

3 prie.

4 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. Dans la partie suivante qui parle de la planification des attaques

10 proposées sur Srebrenica, c'est l'intercalaire 8. C'est un document qui

11 avait déjà été versé au dossier, que vous avez été en mesure d'identifier.

12 C'est un ordre du commandement du Corps de la Drina, en date du 2 juillet

13 1995.

14 R. Oui, j'ai vu ce document.

15 Q. Vous avez parlé de l'objectif poursuivi par cette attaque. Avant

16 l'attaque, il y avait certaines attentes s'agissant de l'attaque à mener

17 sur la zone de Srebrenica. Paragraphe 111, dans le cadre de cette partie,

18 vous avez mentionné une pièce déjà versée au dossier, à l'intercalaire 9.

19 C'est une directive en vue de nouvelles opérations, directive délivrée par

20 le commandement suprême des forces armées de la Republika Srpska.

21 M. NICE : [interprétation] C'est une pièce déjà produite. Vous le verrez,

22 Messieurs les Juges, pièce 553, intercalaire 2.

23 Q. Est-ce exact ?

24 R. Exact.

25 Q. Vous avez parlé de l'embargo imposé à la Republika Srpska. Vous avez

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1 dit qu'il n'y avait pas de participation directe de la VJ dans l'attaque

2 militaire dirigée sur la zone de sécurité de Srebrenica. Vous avez dit qu'à

3 votre connaissance, il n'y a pas eu participation d'unités de la VJ ou de

4 personnel de la VJ dans des actions directes de combat lors de l'opération

5 militaire de 1995, attaque menée sur la zone de sécurité de Srebrenica.

6 R. Exact.

7 Q. Après la chute de Srebrenica, c'est la partie suivante de votre

8 première déclaration, puis dans la partie qui concerne le généralement

9 Krstic, il s'agit de l'intercalaire 10. Je demanderais que nous examinions

10 cette partie. Paragraphe 125, on voit une pièce d'identité, une carte

11 d'identité de Krstic, qui était alors général de division de Belgrade.

12 C'est, bien sûr, une carte de service de la VJ, une pièce

13 d'identification ?

14 R. Oui.

15 Q. Intercalaire 11, toujours dans cette même partie. Pour vous, c'est le

16 paragraphe 131, une autre carte d'identité pour le même général, n'est-ce

17 pas ? Vous êtes en mesure de l'authentifier. C'est bien cela ?

18 R. C'est une carte d'identité civile, celle-là.

19 M. NICE : [interprétation] Merci. Intercalaire 12 à 17, Messieurs les

20 Juges, vous le verrez, ces pièces ont déjà été versées au dossier. Je pense

21 qu'il nous faut revenir quelques instants à huis clos partiel.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. NICE : [aucune interprétation]

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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16 [Audience publique]

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et j'ai fait quelques remarques.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. L'intercalaire 19 présente un autre organigramme du Grand état major de

20 la VRS. Une fois de plus, vous avez pu apporter confirmation de ces

21 données, du moins en partie.

22 R. Oui. Il y avait deux organigrammes, celui du commandement du Corps de

23 la Drina, et l'autre, celui du Grand état major.

24 Q. Ensuite, nous avons des noms de code, qui se trouvent à l'intercalaire

25 20.

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1 M. NICE : [interprétation] Vous avez ce document sous les yeux. Messieurs

2 les Juges, je vais demander au témoin de nous dire ce que je pense. Il dit

3 déjà au paragraphe 144 : "Cela va jusqu'à Domar." Après, il ne se souvient

4 plus des indicatifs.

5 Q. Le paragraphe 146 permet de produire l'intercalaire 21. On y trouve un

6 ordre en date du 8 avril 1994. A la page 6, y est mentionné, Gojko Simic,

7 en tant que membre de la Brigade de Zvornik.

8 R. Oui. On m'a montré un ordre. C'est le commandant de la brigade qui me

9 l'a montré, et ce nom a été mentionné.

10 Q. Paragraphe 147, intercalaire 22. Je vais vous demander d'examiner ce

11 document. Est-ce que, d'après vous, c'est un document authentique ?

12 R. Vous avez ici une copie de l'originale.

13 Q. C'est Pandurevic qui l'a signée. Page 3, en version en anglais, on voit

14 la rubrique, Organe pour les armes de combat, on voit le nom de Maksimovic

15 et celui de Kajtaz. Apparemment ces hommes font partie de la VJ.

16 R. Excusez-moi. Donnez-moi le temps de retrouver ces noms. Oui. Oui. Je

17 vois les numéros, les chiffres 8 et 9. Il s'agit Milos Maksimovic,

18 capitaine première classe; Milenko Kajtaz, capitaine première classe. Ils

19 faisaient partie du commandement de la Brigade de Zvornik pas du Grand état

20 major.

21 M. NICE : [interprétation] Si nous prenons la page 21, de la première

22 déclaration du témoin, vous verrez deux lignes du haut de la page qui ont

23 été ajoutées par erreur, et nous avons une nouvelle page à vous présenter.

24 J'espère que vous l'avez déjà reçue, ou en fait, ce sont deux lignes qui

25 manquaient.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à quelle page ?

2 M. NICE : [interprétation] La page 21.

3 Q. Intercalaire 23, vous en parlez dans ce paragraphe que nous sommes en

4 train d'examiner. Le témoin était en mesure de dire que même si c'est une

5 copie de l'original, ce document était authentique. C'est un document

6 émanant du général de division du Corps de la Drina, Zivanovic.

7 R. Oui. Commandant du Corps de la Drina.

8 Q. Intercalaire 24 à 27. Là, il s'agit de registres d'utilisation de

9 véhicules. Vous voyez la date, notamment, pour l'intercalaire 24, on parle

10 de la deuxième moitié du mois de juillet 1995, et puis on voit les

11 registres concernant le personnel du peloton de logistique ou de la

12 compagnie, l'intercalaire 25. Intercalaire 26, on voit le registre de

13 présence du personnel pour le bataillon. Intercalaire 27, on voit le

14 registre pour l'entretien des véhicules et pour l'entretien des groupes

15 électrogènes, là, aussi les dates sont celles du mois de juillet.

16 Nous arrivons ainsi à l'intercalaire 28, qui est évoqué au paragraphe 154,

17 c'est le certificat de décès de Gojko Simic, que vous avez été en mesure de

18 reconnaître, n'est-ce pas, Monsieur le Témoin, comme étant un document

19 authentique.

20 R. Oui. J'ai examiné déjà ce document lorsque vous me l'avez montré.

21 Q. Nous sommes maintenant à l'intercalaire 29, qui est mentionné au

22 paragraphe 155, vous avez examiné ce document qui concerne la police

23 militaire, et l'on voit les présences pour le MOS de juillet 1995.

24 M. NICE : [interprétation] Pouvez-nous passer à huis clos partiel pour

25 l'examen de l'intercalaire 30.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 M. NICE : [interprétation] C'est une conversation interceptée que nous

3 allons diffuser.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous

5 sommes maintenant à huis clos partiel.

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13 [Audience publique]

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Les paragraphes 1 à 3 sont des paragraphes de contexte. Je ne vais pas

16 en parler. Cela nous donne le contexte des questions importantes qui, elles

17 sont soulevées aux paragraphes suivants. Nous avons une chronologie des

18 événements les plus importants s'étant déroulé à la mi-1995 avec, en

19 détail, certains des événements qui ont eu lieu au moment de la chute de

20 Srebrenica, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, vous avez raison.

22 M. NICE : [interprétation] Les Juges de la Chambre, et pour cela je n'ai

23 pas besoin de passer à huis clos partiel, les Juges de la Chambre pourront

24 constater -- non, peut-être vaut-il mieux que nous passions malgré tout à

25 huis clos partiel très brièvement.

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant le début du contre-

9 interrogatoire, je souhaite dire que nous avons ici un témoin protégé. Ce

10 qui signifie qu'il bénéficie d'un certain nombre de mesures de protection,

11 et les mesures de protection jouent un rôle important dans l'administration

12 de la justice au Tribunal. Toute personne enfreignant les mesures de

13 protection est passible de poursuite. C'est pourquoi je signale à

14 l'intention des médias et d'autres que tout article ou toute relation de la

15 déposition qui permettrait de l'identifier serait considéré comme un

16 outrage au Tribunal et sanctionné par l'Article 77 du Règlement de

17 procédure et de preuve.

18 Monsieur Milosevic, c'est à vous.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, combien de temps me donnez-

20 vous pour ce témoin ?

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avions

23 prévu deux heures et demie, mais ceci pour cette durée s'applique les mêmes

24 dispositions que celles que j'ai précisées ce matin; si à un moment

25 quelconque vous souhaitez faire une demande pour bénéficier de plus de

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1 temps quand vous aurez épuisé le temps qui vous est imparti, vous pourrez

2 nous présenter cette demande.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien cela. Je serai en mesure de le déterminer

4 demain. Merci, Monsieur Robinson.

5 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

6 Q. [interprétation] Monsieur 1804 --

7 R. Allez-y.

8 Q. Avant le début du conflit en Bosnie-Herzégovine, vous étiez officier

9 d'active au sein de la JNA ?

10 R. Oui, vous avez raison.

11 Q. Avant le début du conflit de n'importe quel conflit que ce soit en ex-

12 Yougoslavie, bien que vous soyez de Bosnie-Herzégovine, vous avez fait

13 votre service militaire, non, pas votre service militaire, mais vous

14 serviez dans l'armée en dehors du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-il exact que c'était la pratique habituelle, étant donné que la JNA

18 était multiethnique, était-il visuel donc les officiers suivant les besoins

19 du service, étaient mutés sur tout le territoire de la Yougoslavie, sans

20 qu'on tienne compte de la république dont ils étaient originaires ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Dans les unités où vous avez servi, avez-vous rempli vos fonctions

23 d'officier avec d'autres membres, des membres d'autres communautés

24 ethniques de l'ex-Yougoslavie ?

25 R. Oui.

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1 Q. Parmi vous, est-ce qu'il y avait des tensions qui s'expliquaient par

2 vos différences appartenances ethniques ?

3 R. Non.

4 Q. Quand a-t-on vu apparaître les premières crises, les premières tensions

5 au sein de la JNA ?

6 R. Juste avant le début de la guerre en Slovénie, si je me souviens bien.

7 Disons en 1991, quelque chose comme cela.

8 Q. Bien. On vous a retiré de la zone où vous serviez pour vous faire

9 partir en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Savez-vous où d'autres unités ont été réinstallées ? Je pense aux

12 unités de votre corps d'armée ou de la région militaire où vous étiez.

13 R. Je ne suis pas en mesure de répondre avec précision à votre question,

14 mais les unités ont été envoyées en Bosnie, Vojvodina, Serbie, et cetera.

15 Q. Bien. Je vais essayer de procéder de manière aussi efficace que

16 possible pour qu'utiliser le temps qu'il m'est imparti de façon efficace.

17 Si bien, que je vais commencer par certains des éléments que vous évoquez

18 dans votre déclaration.

19 Au paragraphe 11 de votre déclaration, vous dites que lorsque le début de

20 la JNA a commencé, c'est ce à quoi se rapport le paragraphe 11 de votre

21 déclaration. Vous dites, que des unités paramilitaires ont participé aux

22 opérations de combat. Vous parlez des hommes de Seselj, des hommes de

23 Dragan, ainsi que d'autres, à titre d'exemple. Est-ce bien exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que ces unités se trouvaient placer sur le commandement de la

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1 JNA ou pouvaient-elles se déplacer en toute indépendance sans obéir à qui

2 que ce soit sans relever d'un commandement supérieur ?

3 R. Sur la base de ce que j'ai entendu dire, sur la base de ce que je sais,

4 je peux dire que ces diverses unités paramilitaires ont participé à des

5 actions de combat sur une base volontaire, c'est-à-dire, s'ils souhaitaient

6 y participer. Et lorsqu'il y avait des combats, les membres de cette unité

7 obéissaient ou relevaient de l'officier de la JNA qui était chargé de

8 diriger les opérations de combat en question.

9 Q. Avez-vous connaissance d'un ordre donné par un officier supérieur ou un

10 supérieur quel qu'il soit, un ordre ayant trait aux unités paramilitaires

11 qui ne souhaitaient pas se soumettre au commandement de la JNA, en vue d'un

12 ordre qui stipulait qu'il fallait désarmé, arrêter, et cetera, ces unités.

13 R. Je ne me souviens pas d'un ordre de ce type, mais je me souviens qu'à

14 Zvornik, on est intervenu lorsque les unités du régiment de protection ont

15 chassé une unité paramilitaire.

16 Q. Ils ont chassé une unité paramilitaire qui se livrait à des exactions,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que le témoin peut répéter ? Oui, il a dit Zuca. Ce Zuca, plus

20 tard, il a été arrêté en Serbie. J'imagine que vous le savez.

21 Mais dites-moi, ces activités de combat qui ont eu lieu en Croatie en 1991,

22 elles se sont déroulées alors que l'Yougoslavie existait encore, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Je vois dans votre curriculum vitae que vous avez été diplômé de

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1 l'école militaire, que vous avez fréquenté de la manière habituelle, vous

2 avez fréquenté ensuite l'Académie militaire, et j'estime que vous

3 connaissez toutes les dispositions relatives à la Défense généralisée,

4 n'est-ce pas, Monsieur B-1804 ?

5 R. Oui.

6 Q. Il est précisé dans la constitution de la RSFY que tous citoyens

7 participant à la résistance contre un assaillant est un membre des forces

8 armées de la République de l'Yougoslavie. J'imagine qu'en tant qu'officier,

9 vous-même, vous connaissez ce concept, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Maintenant, je voudrais que vous-même personnellement, vous me disiez

12 si vous estimiez que tous ceux qui y participaient à la défense de la SRFY

13 ainsi qu'à la défense de son intégrité territorial, est-ce que vous

14 estimiez que tous ces gens-là, conformément à la constitution, étaient des

15 membres des forces armées, des membres appartenant à des unités légales.

16 R. Monsieur Milosevic, moi, je considérais que les gens qui appartenaient

17 aux unités en tant que tel, étaient des membres des forces armées, c'est-à-

18 dire, la police ou ce qu'on appelait "milicija", la Défense territoriale,

19 la JNA, et cetera.

20 Q. J'imagine que là, vous incluez les unités de volontaires si elles

21 étaient subordonnées à la JNA.

22 R. Oui. Si elles étaient subordonnées à la JNA.

23 Q. Nous avons déjà observé que lorsqu'il n'y avait pas de subordination à

24 la JNA, on a procédé à des arrestations, on a pris les armes de ces unités,

25 on les a expulsées.

Page 31834

1 R. Oui. C'est exact dans certains cas.

2 Q. Vu votre parcours, le fait que vous êtes un officier de carrière ainsi

3 que les textes qui étaient en vigueur à l'époque, et puis les fonctions que

4 vous occupiez, j'imagine que vous saviez que ces formations paramilitaires

5 étaient des formations qui ne défendaient pas l'Yougoslavie. On les

6 considérait ou on les désignait comme des organisations paramilitaires,

7 mais elles ne défendaient pas l'intégrité de territoire de l'Yougoslavie,

8 puisqu'elles opéraient en infraction de la constitution, et leur existence

9 même, allait à l'encontre de la loi en vigueur.

10 R. Oui.

11 Q. Etant donné que vous avez beaucoup d'expérience de cette période de

12 1991, 1992, est-ce qu'on peut en déduire que la ZNG, la garde nationale

13 croate, est une institution qui avait été mise en place en infraction de la

14 constitution de même pour la Ligue patriotique en Bosnie-Herzégovine. Est-

15 ce qu'il s'agissait de formations paramilitaires ?

16 R. Monsieur Milosevic, effectivement jusqu'à la reconnaissance de ces

17 républiques, on peut dire qu'il s'agissait de formations paramilitaires.

18 Q. Bien. Essayons de préciser encore la question. Concentrons-nous sur la

19 Bosnie-Herzégovine avec cette Ligue patriotique, cette Ligue patriotique

20 qui a été mise en place en mars 1991, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui, c'est exact. Je ne connais pas le mot exact. Je ne sais pas si

23 c'est vraiment mars. Mais je sais, qu'effectivement, elle a été mise sur

24 pied en 1991.

25 Q. La date est connue puisque ce jour-là, on fête de la Ligue patriotique

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1 avec la participation de cette ligue, donc ce n'est pas un secret.

2 R. Vous avez sans doute raison. Je me suis jamais remémoré la date exacte,

3 mais je sais effectivement que cela s'est passé en 1991.

4 Q. Au paragraphe numéro 8 de votre déclaration, vous dites, je vous cite

5 que : "Un ordre est venu d'une instance supérieure selon laquelle tous les

6 soldats, tous les officiers qui étaient nés dans la Krajina devaient y

7 rester là et rejoindre les rangs de l'armée de la Krajina, et que les

8 autres devaient se joindre à l'autre armée," n'est-ce pas ?

9 C'est bien ce que vous avez dit dans votre déclaration ?

10 R. Oui. C'est cela.

11 Q. Cette instance supérieure qui a proclamé cette obligation s'appliquant

12 aux citoyens de la Krajina qui devaient rejoindre les rangs de l'armée de

13 la Krajina, cette instance supérieure ce n'était pas la JNA ou une autorité

14 yougoslave quelle qu'elle soit, puisque la JNA était en train de se retirer

15 de la Krajina, de Croatie, -- de cette région de la Croatie.

16 R. Cela nous est venu de notre commandement supérieur, c'est-à-dire, du

17 commandement du corps.

18 Q. Est-il exact que ce type d'ordre ne pouvait être délivré que par les

19 autorités de la Krajina à ces propres citoyens, et que cela faisait partie

20 intégrante du processus de mobilisation.

21 R. J'imagine que ce sont les autorités de la Krajina qui ont donné cet

22 ordre, mais j'ignore les détails de ce qui se passait dans la Krajina. Je

23 ne peux pas répondre avec précision parce que je ne connais pas assez bien

24 de détail de tout ce qu'il se passait là.

25 Q. Savez-vous que le retrait de la JNA de cet accord se faisait dans le

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1 cadre d'un accord qui avait été conclu d'un plan qui était désigné sous la

2 dénomination de plan Vance-Owen, puisque cette zone en Croatie était placée

3 sous une protection particulière.

4 R. Je ne sais effectivement qu'il y a eu des négociations politiques, mais

5 ce dont je me souviens encore mieux, c'est que le général Raseta a négocié

6 pour que le blocus qui nous empêchait de sortir de nos casernes soit levé.

7 Je pense à mon unité.

8 Q. Jusqu'à ce moment-là, les casernes en Croatie faisaient l'objet d'un

9 blocus, n'est-ce pas ?

10 R. Celles où je me trouvais, oui. J'imagine que c'était le cas des autres,

11 en tout cas, pour ce qui est de la caserne où j'étais, c'était le cas.

12 Q. Combien de temps ce blocus, cette interdiction de sortir de vos

13 casernes, a-t-elle durée ?

14 R. Un petit peu après la guerre en Slovénie, disons, à partir de l'été

15 1991 jusqu'au retrait.

16 Q. Quand êtes-vous parti de Croatie vous-même ?

17 R. Si je me souviens bien, c'était le 10 ou le 11 novembre 1991, à peu

18 près vers cette date.

19 Q. Vous aviez passé plusieurs mois dans cette situation de blocus, n'est-

20 ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Votre unité, à l'époque, lorsqu'elle était dans cette situation de

23 blocage, de blocus, a-t-elle lancé une attaque dans la zone où elle se

24 trouvait ?

25 R. Non, pas l'unité dans laquelle j'étais.

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1 Q. Est-ce que vous avez subi des tirs ? Est-ce qu'ils vous ont tiré

2 dessus ?

3 R. A plusieurs reprises, pas comme dans d'autres endroits.

4 Q. Pas comme dans d'autres endroits mais ils vous ont tiré dessus, n'est-

5 ce pas ? C'est ce que vous voulez dire ?

6 R. Oui, à plusieurs reprises. Nous avons essuyé des tirs d'infanterie à

7 plusieurs reprises.

8 Q. Vous n'avez pas riposté, n'est-ce pas ?

9 R. Non.

10 Q. Vous aviez un ordre qui vous interdisait de tirer, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, un ordre de notre chef, de notre commandant.

12 Q. Au paragraphe numéro 12, vous dites, je cite : "Quand j'ai été

13 redéployé avec mon unité," -- ensuite, je ne vais pas mentionner l'endroit

14 où on vous a cantonné parce que ceci pourrait révéler votre identité. C'est

15 ce qu'on lit au paragraphe 12 de votre déclaration. Ce qui nous intéresse

16 ici, ce n'est pas le lieu même.

17 Je reprends la lecture : "Lorsque j'ai été redéployé avec mon unité vers

18 "X", en Bosnie-Herzégovine, il y avait là plus d'officiers d'appartenance

19 ethnique serbe que de tout autre groupe. Mais ceci s'expliquait parce que

20 les membres des différentes communautés ethniques avaient décidé de

21 rejoindre leur armée respective. C'est ainsi que les Croates sont partis

22 pour rejoindre les rangs de l'armée croate et les Slovènes sont partis

23 rejoindre les rangs de l'armée slovène. Une partie des Musulmans et des

24 Albanais ont également pris la fuite, ont quitté l'unité. De plus, certains

25 partis politiques encourageaient les membres de leur appartenance ethnique

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1 à quitter la JNA ou à ne pas répondre aux appels de la JNA. Ceci pour

2 d'autres raisons également."

3 Ma question est la suivante, jusqu'à la guerre de Croatie et de Slovénie,

4 jusqu'à la guerre en Croatie, la JNA était multiethnique. Elle comptait des

5 membres de plusieurs appartenances ethniques. Puis, on a vu ce changement

6 se produire avec la sécession des républiques qui ont, par la force, quitté

7 la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Cette sécession a été suivie des faits dans la JNA où on a vu les

10 membres de la JNA partir, ceux qui étaient en faveur de la sécession.

11 R. Certains sont partis, d'autres ont fui. Je ne sais pas si on peut

12 parler de sécession en ce cas-là. Mais en tout cas, ils ont quitté les

13 rangs de la JNA.

14 Q. Bien. Vous avez constaté que se sont essentiellement les officiers

15 serbes qui sont restés, qu'ils étaient en majorité. Mais il ne s'agissait

16 nullement d'une démarche entreprise par la JNA pour se déplacer des membres

17 des autres communautés. Cela s'est fait tout simplement par le fait que les

18 autres étaient partis de la JNA.

19 R. Mais moi, je n'ai jamais dit le contraire.

20 Q. Certes. Mais je voulais simplement vérifier cela. Je ne suis pas en

21 train d'affirmer que vous ayez dit cela. Ils sont partis, ils ont quitté la

22 JNA.

23 Quand vous dites que la majorité des officiers étaient serbes, cela

24 signifie que les officiers serbes ne sont pas les seuls à être restés dans

25 l'armée. Il y a des membres d'autres communautés qui sont restés aussi en

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1 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Passons au paragraphe 14. Vous dites que parmi les officiers de la JNA

4 en Bosnie, on craignait que les Musulmans et les Croates de Bosnie ne

5 décident unilatéralement de faire sécession avec la Yougoslavie et de

6 mettre en place leur propre état unitaire comme cela avait été le cas en

7 Slovénie et en Croatie, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Puis-je en déduire dans ces conditions que les officiers de la JNA qui,

10 à l'époque, étaient dans la grande majorité, serbes, étaient en faveur de

11 la préservation de la Yougoslavie, d'une Yougoslavie commune ou plutôt, en

12 tout cas, c'était leur souhait ?

13 R. Dans la majorité des cas, c'était effectivement leur position.

14 Q. Bien. Etant donné que vous-même vous êtes Serbe de Bosnie-Herzégovine,

15 pouvez-vous me dire si les Serbes de Bosnie-Herzégovine étaient en faveur

16 du maintien de la Yougoslavie ?

17 R. A ma connaissance, oui.

18 Q. Etant donné que la Yougoslavie était un état multiethnique dont le

19 système constitutionnel garantissait à chaque citoyen une égalité des

20 droits, vous savez pertinemment que les Serbes en Yougoslavie

21 représentaient un petit moins 40 % de la population si bien que les Serbes

22 étaient favorables et appelaient de leurs vœux la multiethnicité et

23 l'égalité, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. La plupart des habitants, la majorité des habitants étaient en

25 faveur du maintien de la Yougoslavie. Enfin, si l'on est en train de parler

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1 des Serbes de Bosnie.

2 Q. Bien. Mais quel était leur point de vue ? Estimaient-ils que tout le

3 monde quelle que soit son appartenance ethnique devait bénéficier des mêmes

4 droits ? Ils devaient être sur un pied d'égalité ?

5 R. À l'époque que nous évoquons, oui, c'est le cas.

6 Q. Etant donné que le maintien de la garantie ou de l'intégrité

7 territoriale du pays était garantie par la constitution et qui interdisait

8 toute sécession, est-ce que cela signifie que les Serbes de Bosnie-

9 Herzégovine et de Krajina et de toute la Yougoslavie étaient en faveur de

10 la protection de l'ordre constitutionnel, eux aussi ?

11 R. Oui. J'ai déjà dit qu'ils voulaient maintenir, préserver la

12 Yougoslavie.

13 Q. Ce fait, le fait que les Serbes aient été favorables au maintien, à la

14 sauvegarde de la Yougoslavie, le fait que la JNA en sa qualité

15 d'institution yougoslave, elle aussi, se trouvait être favorable à la

16 préservation de la Yougoslavie, est-ce que tout ceci, justement, n'a pas

17 constitué le facteur qui a laissé entendre qu'il y avait alliance entre les

18 Serbes et la JNA ?

19 R. Du mien, peut-être.

20 Q. Bien, Monsieur 1804. Si en substance, ils étaient alliés, si leurs

21 objectifs visaient à sauvegarder l'état et à respecter la constitution en

22 s'opposant à ceux qui voulaient annihiler cette constitution et cet état,

23 n'est-il pas évident qu'il n'y a là, rien de mal. Je dirais aussi que les

24 uns et les autres, juridiquement et moralement, se comportaient de façon

25 analogue à ce que leur imposaient la loi et la constitution, n'est-ce pas ?

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1 R. Au début, oui.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai

3 l'impression que vous avez bien démarré, que vous êtes plein d'énergie pour

4 ce qui est de cette session d'après-midi mais l'heure est venue de lever la

5 séance.

6 Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges, je vois l'heure. Il y

8 a toutefois, plusieurs questions administratives qu'il nous faudrait

9 résoudre aujourd'hui. Je crois qu'il serait préférable de le faire une fois

10 que le témoin aura quitté le prétoire parce que cela n'a rien à voir avec

11 lui.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Monsieur le Témoin 1804, nous

13 allons conduire à un terme nos activités, nos travaux d'aujourd'hui. Je

14 tiens à vous dire que vous n'avez le droit de parler de votre témoignage

15 avec personne jusqu'à la fin de celui-ci. Je vous demande de revenir demain

16 matin à 9 heures dans ce même prétoire.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

20 M. NICE : [interprétation] Hors micro.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

22 [Audience publique]

23 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos

24 partiel.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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1 [Audience à huis clos partiel]

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10 --- L'audience est levée à 16 heures 50 et reprendra le mercredi 11 février

11 2004, à 9 heures 00.

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