Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 25 mars 2004

2 [Audience sur requêtes]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 02.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Il

9 s'agit de l'affaire IT-02-54-T, l'Accusation contre Slobodan Milosevic.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

11 Puis-je avoir la présentation des parties ?

12 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui. L'Accusation est représentée par le

13 Procureur, Carla Del Ponte, et mon collègue Goeffrey Nice, premier

14 substitut du Procureur.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Procureur.

16 Monsieur Milosevic, entendez-vous la procédure dans une langue que vous

17 comprenez et m'entendez-vous ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous comprends, Monsieur le Juge.

19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Milosevic.

20 Monsieur Milosevic, vous connaissez, sans doute, les Règles de procédure et

21 de preuve et, en particulier, l'Article 15 bis(C), en vertu de quoi j'ai

22 organisé cette audience aujourd'hui. Je souhaite vous exposer la situation

23 telle qu'elle existe aujourd'hui. Je souhaite avoir votre point de vue là-

24 dessus.

25 Le 12 mars, j'ai reçu un rapport émanant du président de la Chambre de

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1 première instance en l'application de l'Article 15 bis(C). Dans ce rapport,

2 on m'a recommandé qu'en raison de la maladie de M. le Juge May, suite à sa

3 maladie, il ne pourra pas continuer à entendre l'affaire contre vous. En

4 vertu de l'Article 15 bis(C), lorsque le président de la Chambre en informe

5 le président, et lorsqu'un président de la Chambre ne peut plus siéger, il

6 peut soit demander à ce que l'on réentende les débats ou il peut demander

7 tout simplement à ce que le procès se poursuive avec un Juge suppléant.

8 Néanmoins, après les déclarations liminaires en application de l'Article

9 84, à savoir, le début des éléments de présentation des preuves en vertu de

10 l'Article 85, je ne puis coordonner cette poursuite lorsque je reçois le

11 consentement de l'accusé.

12 Cette audience, par conséquent, a été organisée dans ce but, et dans ce but

13 uniquement.

14 Comme vous devez le savoir, au nom de l'amici curiae, M. Steven Kay a

15 déposé un document le 27 [comme interprété] mars, me conseillant --

16 m'informant du fait qu'il ne pouvait pas être présent aujourd'hui parce

17 qu'il avait d'autres engagements ailleurs. Dans ce document, Monsieur Kay

18 m'a précisé qu'il estimait qu'il était peu approprié d'émettre une opinion,

19 à savoir s'il devait y avoir une réouverture des débats ou une poursuite du

20 procès en présence d'un Juge suppléant. Il considère que, vous-même,

21 Monsieur Milosevic, seriez à même de donner votre opinion en la matière et,

22 ne connaissant pas votre point de vue sur la question, il ne souhaite pas

23 lui-même proposer sa propre opinion car il craignait de porter préjudice à

24 vos intérêts.

25 Par conséquent, avant de vous demander si vous consentez à la poursuite du

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1 procès, je souhaite vous expliquer la chose suivante : si vous refusez d'y

2 consentir la question devra être renvoyée devant la Chambre de première

3 instance en application de l'Article

4 15 bis (D).

5 En application de l'Article 15 bis (D) et sans votre consentement, Monsieur

6 Milosevic, la Chambre de première instance a le pouvoir de poursuivre la

7 procédure en présence d'un Juge suppléant qui aura été nommé par moi-même

8 pour autant que la Chambre de première instance en satisfasse. Autrement

9 dit, que cela réponde aux intérêts de la justice. Si la Chambre de première

10 instance rend une telle ordonnance, je nommerais un Juge suppléant dès que

11 possible. Le Juge suppléant sera autorisé à rentrer en fonction et

12 seulement après qu'il ou elle puisse clairement indiquer qu'il connaît très

13 bien les dossiers de cette affaire.

14 J'espère que je vous ai exposé la situation de façon suffisamment claire,

15 Monsieur Milosevic, et j'ai demandé à ce que cette audience soit tenue

16 aujourd'hui pour vous entendre, Monsieur Milosevic et savoir votre point de

17 vue là-dessus.

18 Consentez-vous ou non à poursuivre ce procès ? Si vous y consentez, nous

19 pouvons poursuivre le procès et nommer un Juge suppléant en application de

20 l'Article 15 bis (C). En revanche, si vous ne souhaitez pas y consentir, la

21 Chambre de première instance rendra une décision à cet égard, conformément

22 à l'Article 15 bis (D) et ce malgré votre non accord dans la mesure où il

23 est important que ce procès se poursuive dans l'intérêt de la justice en

24 présence d'un Juge suppléant conformément à l'Article 15 bis (D). Par

25 conséquent, tout Juge suppléant qui sera nommé par moi devra clairement

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1 indiquer qu'il ou elle connaît très bien le dossier dans cette affaire

2 avant que ce Juge ne soit nommé dans cette affaire.

3 Monsieur Milosevic, je souhaite maintenant vous poser la question et

4 j'apprécierais une réponse directe de votre part.

5 Consentez-vous à la poursuite du procès, Monsieur Milosevic, en présence

6 d'un Juge suppléant ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Meron, puisque je n'ai pas eu

8 l'occasion de déposer une requête quelle qu'elle soit au sujet de mes

9 droits fondamentaux, lorsqu'on a cherché à prendre une décision sur les

10 délais, sur le temps imparti pour les préparatifs, comme vous appelez cela,

11 et sur le temps qui me sera accordé à moi, alors tout d'abord, compte tenu

12 de cela, je souhaite saisir l'occasion pour formuler mes requêtes à ce

13 sujet.

14 Tout d'abord, j'exige que l'on réexamine les délais qui me sont accordés,

15 le délai de 90 jours qui m'a été accordé pour la préparation, à la

16 différence du temps dont a disposé cette prétendue Accusation; une période

17 de trois ans, comme vous le voyez bien, mon temps est bien plus bref et

18 j'estime que ce réexamen doit être fait en se fondant sur le fait que le

19 médecin estime que je ne peux travailler que trois jours par semaine. Même

20 si vous mainteniez cette décision, qui ne me donne que 90 jours, ce qui est

21 fort modeste, à en juger d'après les conclusions de vos propres médecins,

22 vous savez, il me faudrait 30 semaines. Or, j'estime qu'il m'en prendrait

23 bien davantage.

24 Il me semble qu'il n'y a pas lieu d'apporter plus de détails là-dessus.

25 Un deuxième point, vous devriez réexaminer -- revenir sur la décision qui a

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1 été prise de m'accorder 150 jours pour ma partie de la présentation des

2 éléments de preuve, ce qui est bien moins que le temps qui a été donné à la

3 disposition de l'autre partie. C'est deux fois moins que cela. Le calcul

4 s'est fondé sur le fait que l'autre partie a utilisé moins de temps et ce,

5 parce que, conformément aux Articles 89(F) et 92 bis, la plupart des

6 témoins ont été présentés par cette partie au détriment du principe de la

7 publicité des débats. La présentation par écrit des dépositions quasiment

8 sans interrogatoire principal s'est déroulée au détriment du principe de la

9 publicité des débats. Pour ma part, je tiens à ce que tous les témoins que

10 je citerai à la barre déposent publiquement et non pas par la voix de

11 déclaration écrite. C'est la raison pour laquelle, j'estime qu'il me faut

12 bien davantage de temps que l'on ait pu calculer en se fondant sur le temps

13 utilisé effectivement par l'autre partie et ce qui va certainement à

14 l'encontre du principe de la publicité.

15 Je considère, par ailleurs, que l'autre partie ne doit pas tirer avantage,

16 un bénéfice, du fait de porter préjudice à la publicité des débats et

17 qu'elle ne devrait pas m'empêcher moi de favoriser ce principe. Par

18 conséquent, je vous demande de revenir sur cette décision en la

19 réexaminant.

20 Un troisième point, encore une fois, j'exige qu'une mise en liberté

21 provisoire me soit accordée car, compte tenu de la situation et dans ce

22 contexte, je ne suis pas en mesure d'exercer un droit que vous m'avez

23 reconnu vous-même, à savoir le droit à me défendre moi-même car je n'ai pas

24 la possibilité d'agir librement sans être surveillé. Je ne peux pas

25 communiquer avec des témoins potentiels. L'autre partie, quant à elle, a

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1 présenté tous ses témoins. Il n'y a pas de dangers, par conséquent, que

2 j'influe sur ces témoins-là. Par conséquent et par ailleurs, il n'y a pas

3 de dangers que je disparaisse dans la nature car mon objectif n'est pas de

4 disparaître. Tout au contraire, je veux vaincre et je veux démontrer la

5 vérité car, sinon, cet acte d'accusation est faux. De toute façon, il a

6 déjà échoué pour ce qui est de la première mi-temps que nous avons vue.

7 Mes demandes concernent les délais qui me sont accordés pour mes

8 préparatifs, d'un point de vue qui est celui de la durée de la période et

9 d'autre part, compte tenu du fait que je ne peux travailler que trois jours

10 par semaine. Un deuxième point concerne la durée de ma présentation des

11 éléments de preuve et un troisième point concerne la remise en liberté

12 provisoire. Ceci étant dit, il serait nécessaire que vous agissiez

13 conformément à la position prise par le médecin. Comment allez-vous

14 calculer ce temps qui m'est alloué ? Je pense que les médecins eux doivent

15 se prononcer là-dessus. Ce sont eux qui possèdent les résultats des

16 examens. J'estime que ces requêtes doivent être prises en considération et

17 qu'une décision doit être prise à ce sujet.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je puis vous

19 assurer que nous sommes très soucieux de votre santé et nous comprenons

20 fort bien l'incidence que peut avoir sur la préparation sur votre défense,

21 et nous allons faire de notre mieux pour vous aider de la meilleure façon

22 possible.

23 On m'a précisé que le Greffe vous a grandement facilité les choses au

24 quartier pénitentiaire, de façon à faciliter votre tâche, et vous permettre

25 de mieux préparer votre défense. Monsieur Milosevic, je crois que vous

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1 auriez pu également vous rendre les choses beaucoup plus faciles pour vous-

2 même, Monsieur Milosevic, si vous aviez accepté d'être représenté par un

3 avocat. Mais je pense que vous comprendrez fort bien que toutes les

4 questions, portant sur la reprise du procès, ainsi que sur votre temps de

5 préparation de la défense, relèvent uniquement de la compétence de la

6 Chambre de première instance, et non pas de ma propre compétence, ni du

7 propos d'aujourd'hui, dans le cadre de cette audience.

8 Je puis vous assurer que la Chambre de première instance recevra le compte

9 rendu intégral de l'audience de ce matin, et sera informée, par conséquent,

10 de vos sujets de préoccupations.

11 Vous avez brièvement abordé la question de la communication et je crois,

12 Monsieur Milosevic, que vous n'êtes soumis à aucune contrainte au regard

13 des problèmes de communication que vous avez soulevés. Par conséquent, il

14 s'agit simplement de questions purement théoriques. Cela a été le cas par

15 le passé, certaines mesures ont été appliquées par le passé, et ce,

16 conformément aux règles applicables.

17 Cela étant dit, je souhaite revenir sur le point suivant. Je souhaite avoir

18 une réponse directe de votre part. Pourriez-vous répondre, s'il vous plaît,

19 à cette question ? La question que j'ai soulevée, il y a quelques instants,

20 question à laquelle vous n'avez pas encore répondue.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Meron, j'espère que vous savez très

22 bien que je considère que votre Tribunal est illégal car il ne se fonde pas

23 sur la charte des Nations Unies. Bien entendu, je n'ai pas l'intention de

24 me prononcer sur vos questions administratives, qui plus est, ce prétendu

25 Tribunal, à mon sens, est un instrument de guerre contre pays,

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1 l'Yougoslavie, une guerre qui est toujours en cours --

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Milosevic, mais

3 cela n'est pas le propos d'aujourd'hui. Cela n'est guère pertinent et ne

4 relève pas du sujet abordé par l'audience d'aujourd'hui et je dois vous

5 interrompre. Je dois conclure, d'après votre observation, que vous ne

6 souhaitez pas autoriser la poursuite du procès car je ne comprends pas le

7 commentaire que vous venez de faire, qui semble -- je ne puis pas, d'après

8 vos propos, comprendre que vous souhaitez que le procès se poursuive en

9 présence d'un Juge suppléant. Pour moi, la manière dont je comprends votre

10 commentaire, va dans le sens où vous ne souhaitez pas que ce procès se

11 poursuive. Je ne vois aucune réaction de votre part, ce qui semble indiquer

12 que mon interprétation est exacte, par conséquent --

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Meron, votre interprétation n'est pas

14 exacte, compte tenu du fait que, puisque je considère que votre Tribunal

15 est illégal, je ne souhaite pas me prononcer sur des questions de nature

16 administrative, quelle que soit la question administrative qui se pose.

17 Ceci n'a rien à voir avec la substance de cette affaire.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Milosevic.

19 Je ne puis dans ce cas qu'adhérer à ma propre opinion. Vous n'avez, par

20 voix de conséquence, pas autorisé ce procès à se poursuivre. Pour être tout

21 à fait équitable envers vous, cela correspond à un non consentement.

22 Comme vous avez refusé de donner votre consentement, je ne puis pas

23 demander à ce que le procès se poursuive, et je renvois cette affaire

24 devant la Chambre de première instance, conformément à l'Article 15 bis

25 (D). Ce sera à la Chambre de première instance, par conséquent, d'en

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1 décider si, dans l'intérêt de la justice, il est important de poursuivre ce

2 procès en présence d'un Juge suppléant, et ce, sans votre consentement, ou

3 s'il faut ordonner la réouverture des débats.

4 L'Accusation souhaite-t-elle prendre la parole ?

5 Mme DEL PONTE : [interprétation] Non, rien de particulier, Monsieur le

6 Président. Je souhaite simplement dire que je ne suis pas le Procureur,

7 mais la Procureure.

8 Nous sommes d'accord. L'accusé n'a pas donné son consentement, par

9 conséquent, le silence -- ou la non-réponse doit être considérée comme une

10 absence de consentement car, bien évidemment, le consentement est un acte

11 positif.

12 Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Procureure.

14 A ce stade de la procédure, je souhaite remercier les parties et je lève la

15 séance.

16 --- L'audience sur Requêtes est levée à 10 heures 22.

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