Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 23 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avant de commencer,

7 je voudrais dire que j'ai cru comprendre que le témoin avait un avion à

8 prendre à une heure déterminée. Je crois qu'il doit nous quitter vers 9

9 heures 30.

10 M. NICE : [interprétation] J'ai été prévenu de la chose hier. Cela signifie

11 qu'il me faudra réorganiser mes questions en fonction des priorités qui

12 sont les miennes. Je ne serai pas en mesure de tout couvrir.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je dois vous

14 dire qu'à l'avenir, il vous appartiendra d'attirer l'attention de la

15 Chambre sur les problèmes logistiques en corrélation avec vos témoins.

16 Veuillez commencer, Monsieur Nice.

17 LE TÉMOIN : NIKOLAI RYZHKOV [Reprise]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

20 Q. [interprétation] Je ne vais pas parler des documents que vous avez

21 présentés hier, parce que je ne les ai pas en version traduite, et je ne

22 peux pas parler du contexte entier. Mais l'un des documents que vous avez

23 fourni est un document, une lettre adressée par vos soins à Mme Del Ponte.

24 Nous avons une traduction de la chose.

25 M. NICE : [interprétation] Je voudrais que le témoin soit saisi de ce

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1 courrier. Il s'agit de l'intercalaire 4 de la collection originale de sa

2 collection. C'est l'un des documents qui n'a pas été versé au dossier.

3 Q. J'aimerais donner lecture du deuxième paragraphe de concert avec vous,

4 Monsieur Ryzhkov. Dans ce deuxième paragraphe, il est question des

5 conclusions de cette première session de la commission chargée d'évaluer

6 les aspects juridiques internationaux de la situation en République

7 fédérale de Yougoslavie. Je crois que cette fois-ci, les interprètes

8 disposent du document en question. Je m'excuse parce que je suis coupable

9 du fait qu'ils n'aient pas disposé des extraits du livre hier.

10 Le deuxième paragraphe dit, Monsieur Ryzhkov, "Au fil d'une période de

11 temps prolongé, une partie radicale de la population albanaise au Kosovo a

12 déployé des activités dont l'objectif a visé à une séparation vis-à-vis de

13 la Yougoslavie. Compte tenu de cet objectif, ces groupes clandestins ont

14 organisé des structures du pouvoir clandestin, ainsi que des groupes

15 paramilitaires illégaux. Aux fins de s'opposer à ces tentatives, les

16 autorités de la République fédérale de Yougoslavie ne se sont

17 malheureusement pas servies de toutes les possibilités qui auraient permis

18 une solution pacifique. Dans un certain nombre de cas, la réaction des

19 autorités fédérales était inappropriée, et parfois rigide de façon

20 injustifiée. La limitation de cette autonomie au Kosovo en 1989 a mis en

21 péril des droits de la population albanaise, et a conduit à un

22 approfondissement du conflit. Au courant de cette phase active du conflit,

23 des cas de violence à l'égard de groupes ethniques différents, groupes

24 ethniques de population civile au Kosovo, se sont produits. La commission a

25 déclaré sa disponibilité pour ce qui est de prendre en considération de

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1 façon objective et impartiale tous les éléments de preuve relatifs à ces

2 faits."

3 Un point a été soulevé ici, Monsieur Ryzhkov, à savoir que la commission à

4 laquelle vous avez pris part, et il y en a eu bon nombre de ces

5 commissions, a reconnu que la limitation de l'autonomie au Kosovo en 1989 a

6 mis en péril les droits de la population albanaise, tout en approfondissant

7 le conflit. Est-ce exact ? Je vous serais reconnaissant de nous donner des

8 réponses des plus brèves ce matin.

9 R. Je m'efforcerai de le faire, Monsieur Nice. Je m'efforcerai de répondre

10 brièvement. Je n'ai pas pris part aux travaux de cette commission. Par

11 contre, s'agissant de dire que c'est là mon opinion, non, je ne peux pas le

12 faire. Il s'agissait d'une commission indépendante. Elle a travaillé à

13 Saint-Pétersbourg en 1999, et ce document en page 8 vous montre la

14 signature de tous ceux qui ont signé ce document. Vous verrez que mon nom

15 ne compte pas parmi ces noms-là. Par conséquent, je ne peux pas être

16 considéré responsable pour une opinion qui est celle des personnes qui ont

17 rédigées ce document.

18 Q. Très bien.

19 M. NICE : [interprétation] J'aimerais que l'on nous fournisse une cote, et

20 je crois que cela devrait être le 788, intercalaire 4, conformément à la

21 suggestion présentée par Mme Dicklich.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est exact.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Comment peut-on présenter ce témoin ou le

25 verser au dossier étant donné qu'il n'a rien à voir avec le document en

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1 question.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a présenté un commentaire.

3 M. NICE : [interprétation] Il a fourni des documents et nous nous

4 attendions à ce que ces documents soient traités par le témoin.

5 Q. Il serait exact de dire, Monsieur Ryzhkov, n'est-ce pas, que le

6 président Yeltsin, à l'époque, avait une attitude critique et négative à

7 l'égard de la Duma, et dans son livre à lui, il décrit la Duma comme étant

8 une instance proclamant des résolutions l'une après l'autre, et les

9 communistes, chose qui vous inclut également, auraient eu avec M. Milosevic

10 une communication active planifiant ou envisageant une union militaire

11 entre les deux gouvernements. Vous souvenez-vous de ce point de vue ?

12 R. Dans le document que nous avons présenté, il est une liste de documents

13 qui sont là pour expliquer le contexte. Vous avez tiré de l'ensemble un

14 seul des documents qui abondait dans le sens de notre rapport, mais

15 l'opinion de la commission, qui s'est réunie à Saint-Pétersbourg, a été

16 telle que présentée. Nous avons estimé qu'il relevait de notre devoir de

17 présenter ce document en annexe. C'est une autre question maintenant que de

18 savoir comment cela doit être interprété. Par exemple, je ne suis pas

19 d'accord avec ce qui est dit, mais vous ne m'avez pas posé la question de

20 le savoir.

21 Deuxièmement, Monsieur le Procureur, je voudrais clarifier une chose. Peut-

22 être n'ai-je pas bien compris votre question, mais dans une certaine

23 mesure, il me semble que vous ne m'accusez peut-être pas mais vous laissez

24 entendre que certaines personnes ont coopéré à ce sujet. J'ai, par exemple,

25 coopéré avec la direction de la Yougoslavie. Peut-être n'ai-je pas bien

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1 compris ce que vous avez voulu dire. Je voudrais déclarer devant cet

2 éminent Tribunal que je n'ai rien à voir aujourd'hui avec le Parti

3 communiste de Russie, absolument rien à voir. J'ai été membre du Parti

4 communiste de l'Union soviétique qui a cessé d'exister en 1991. J'ai mes

5 convictions à moi, et en ma qualité de citoyen, j'ai mes positions que je

6 vous ai exprimées et exposées hier, mais ce que je puis

7 dire --

8 Q. Monsieur Ryzhkov --

9 R. -- mais il est tout à fait erroné de dire que j'aurais été une sorte

10 d'intermédiaire entre le Parti communiste de Russie et M. Milosevic.

11 Q. Je vous ai donné l'opportunité de parler du commentaire présenté par M.

12 Yeltsin. C'est un autre fait en corrélation avec M. Yeltsin. Il serait

13 exact de dire, en effet, que l'accusé Milosevic, à l'occasion d'une visite

14 officielle en Russie, s'est vu refuser, rejeter une possibilité d'effectuer

15 cette visite. Il a été accusé d'être un homme politique des plus cyniques.

16 Vous souvenez-vous de ces propos de la part de votre président ?

17 R. Je ne me souviens pas d'une opinion de cette sorte exprimée par M.

18 Yeltsin ou par qui que ce soit d'autre dans la direction de Russie. Ce que

19 je sais, c'est que M. Yeltsin a effectivement rencontré M. Milosevic à

20 Moscou, et ils ont discuté des possibilités de résoudre de façon pacifique

21 le problème entier. Il a été publié un communiqué conjoint. Par la suite,

22 nous l'avons tous lu. Je n'ai jamais entendu de propos dans le sens de ce

23 que vous venez de dire.

24 Q. La documentation que vous avez envoyée à Mme Del Ponte a été considérée

25 comme étant une documentation publique alors que la décision du bureau du

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1 Procureur de ce Tribunal a été de ne pas continuer à diligenter une enquête

2 concernant les allégations de crimes faits à l'encontre de l'OTAN. Le

3 savez-vous ?

4 R. Je n'ai pas très bien compris votre question, mais je vais essayer d'y

5 répondre tout de même. J'en ai parlé hier, et je vais le répéter

6 aujourd'hui : en date du 20 octobre 1999, conformément à la décision de la

7 Duma, donc du parlement de notre état, la commission que je présidais a

8 fait un projet de document que j'ai signé et que j'ai adressé au Procureur

9 de ce Tribunal, à Mme Del Ponte. En date du 23 décembre, mon adjoint dans

10 cette commission, le professeur Tamara Pletneva et le secrétaire, M.

11 Tetyorkin, sont arrivés à La Haye et ont remis ce document. Le document a

12 été cité hier par M. Milosevic. Vous ne pas laissez pour ma part citer

13 quelques paragraphes moi-même, mais vous avez eu lecture de ces paragraphes

14 de sa bouche.

15 Comme je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, les demandes présentées

16 de façon concrète au paragraphe 5, soulèvent la question de la

17 responsabilité du chef de l'OTAN et des chefs d'états membres de l'OTAN qui

18 ont lancé cette guerre.

19 Q. Je crois que je vais vous interrompre ici --

20 R. Il a été répondu de sa part qu'elle n'avait pas des attributions à ce

21 sujet. Elle a répondu deux mois plus tard, en disant qu'elle n'avait pas

22 d'attributions pour ce qui est de poursuivre en justice ce type de délits.

23 Je vous ai présenté le document que nous avons reçu de la part de Mme Carla

24 Del Ponte.

25 Q. Avez-vous pris lecture du document public qui fait état de la décision

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1 du bureau du Procureur ?

2 R. J'ai lu la réponse que nous avons reçue de la part de Mme Del Ponte. Je

3 n'ai pas eu l'occasion de lire quelque autre document que ce soit.

4 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, les limites de temps ne me

5 laissent pas donner lecture de ce document, mais comme c'est un document

6 pertinent et que c'est un document public, je crois que si l'accusé le

7 veut, on pourra le lui montrer, c'est disponible à l'intention de M.

8 Ryzhkov.

9 Q. Monsieur Ryzhkov, avez-vous lu le rapport qui se trouve être en

10 corrélation avec les victimes civiles et autres événements suite au

11 bombardement de l'OTAN, et le titre de ce document s'énonce comme suit :

12 "Le Kosovo un an plus tard." Cela n'a pas été présenté en tant qu'élément

13 de preuve ici.

14 R. J'ai ouï dire qu'il existait un document de cette nature, mais je ne

15 l'ai pas lu.

16 Q. Avez-vous pu lire et vous pencher sur le rapport de "Human Rights

17 Watch," qui constitue effectivement une pièce à conviction dans cette

18 affaire, il s'agit de la pièce 206, intitulée "Les victimes civiles dans le

19 courant de la campagne aérienne de l'OTAN."

20 R. Je ne suis certainement pas très au courant de la pratique en matière

21 médico-légale de ce Tribunal, mais je crois que des documents auraient dû

22 m'être montrés à ce sujet pour que je puisse vous répondre. Partant du

23 titre, je ne peux rien vous dire.

24 Q. Je peux vous montrer le document pour ce qui est de vous faire une

25 idée, mais comme vous allez vous en aller bientôt, je n'ai pas le temps de

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1 vous poser davantage de questions si ce n'est celle de vous demander si

2 vous avez lu et étudié le document ?

3 R. Il faudrait le faire traduire en russe. Ici, on voit des photos que

4 j'ai déjà vues. Je vois bon nombre de photographies que j'ai déjà vues.

5 Voyez-vous, Monsieur le Procureur, je vous serais véritablement

6 reconnaissant si vous pouviez me poser des questions comme vous le feriez à

7 l'intention ou à l'égard d'une personne représentant le parlement russe, ou

8 alors à l'intention d'une personne qui a été un témoin oculaire in situ, à

9 savoir, sur les lieux.

10 Je ne peux pas témoigner partant de documents que vous me montrez, et

11 que je ne puis examiner que de façon superficielle. Je ne puis vous donner

12 qu'une opinion.

13 Q. Monsieur Ryzhkov, veuillez nous aider au sujet de ce qui suit. C'est la

14 raison pour laquelle je vous ai posé cette question préliminaire. Dans ce

15 rapport ainsi que dans le rapport présenté par Lord Robertson, il est

16 question des victimes civiles au Kosovo, dont le chiffre varie entre 488 et

17 527. Vous avez effectué une visite dans la région, et je voudrais savoir si

18 vous disposez d'une documentation quelconque, d'une documentation d'un

19 témoin oculaire, qui montrerait quoi que ce soit de contraire aux

20 conclusions présentées par ce rapport, ou alors qui confirmerait

21 l'exactitude de ce qui est dit dans ce rapport.

22 R. Monsieur Nice, je vous dis une fois de plus que je n'ai pas traité de

23 ces questions. Je n'ai pas pris part aux exhumations. Je connais des

24 personnes qui l'ont fait. Je sais qu'il y a des gens qui ont sorti des

25 cadavres, et qui ont tiré des conclusions à ce sujet. Je sais qu'il y a une

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1 équipe de Finlande qui s'en est chargée. Je répète une fois de plus que je

2 n'ai pas traité de cela. Cela n'a pas été la finalité de ma mission. J'y

3 suis allé en tant qu'homme politique et en tant que personnalité publique,

4 et non pas en tant qu'expert susceptible de déterminer quelle est la cause

5 des décès de ces personnes.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ryzhkov, pourriez-vous

7 juste nous confirmer que vous devez forcément vous en aller à 9 heures 30

8 d'ici pour votre avion ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

10 j'apprécie beaucoup la volonté que vous témoignez de faire en sorte que je

11 puisse rester ici, mais je dois partir dans trois minutes. Il y a une

12 session du sénat, et il faut que j'y sois pour présenter un rapport. Il

13 faut que je me trouve à Moscou à ce moment-là afin de le faire, et il faut

14 que je fasse ce voyage. Je vous serais reconnaissant de me fournir la

15 possibilité de m'en aller.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

17 Monsieur Nice.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. D'abord, deux questions. D'abord, la Grande Serbie. Vous vous êtes

20 entretenu avec Karadzic deux fois. Vous avez eu un nombre limité de

21 contacts avec ce dernier. Vous avez eu plus de contact avec l'accusé.

22 Seriez-vous d'accord pour dire que ce plan des Serbes et des Serbes de

23 Bosnie avait l'intention de faire, d'établir une corrélation ou un lien

24 entre les territoires des Serbes de Serbie et ceux des Serbes de Bosnie

25 pour créer un territoire plus grand que celui qui était le territoire de la

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1 Serbie de l'époque. Seriez-vous d'accord avec nous pour le dire ?

2 R. Cela n'a pas été mon impression. Comme je l'ai dit hier et je le

3 reprends aujourd'hui, j'ai rencontré deux fois M. Karadzic, en 1993 et

4 1994. Par la suite, je ne l'ai plus jamais revu. Je ne l'ai plus revu

5 depuis ces 10 ans qui se sont écoulés. Je répète une fois de plus qu'à

6 l'époque, mon impression a été celle de dire que Karadzic était mécontent

7 des positions prises par M. Milosevic, par le président Milosevic, et je

8 répondrai à votre question pour ce qui est de savoir si mon impression

9 était celle de voir tout se faire aux fins d'annexer une partie de la

10 Bosnie-Herzégovine à la Serbie. Et bien, je n'ai absolument pas eu une

11 impression de cette nature. Selon la façon dont j'ai compris ces questions,

12 il me semblait que c'était là une chose fabriquée de toute pièce.

13 Q. Très bien.

14 R. S'agissant de la guerre civile dans les républiques, je ne peux

15 absolument pas confirmer vos dires. Je crois que cela n'est pas du tout

16 vrai.

17 Q. J'ai deux autres questions en réalité. Une première rencontre a eu lieu

18 avec l'accusé en mars 1993. Nous avons des notes sténographiées. Il est

19 question de quelques mois auparavant, où il s'est déroulé un processus de

20 négociation qui visait à maintenir ce qui a été fait de jure, ce qui

21 s'était déjà réalisé sur le terrain. Comment expliquez-vous le plan qui

22 s'explique en ces termes, à savoir qu'il avait envisager de faire en sorte

23 que les négociations lui fassent conserver ce qui se trouvait être une

24 réalité de fait sur le terrain.

25 R. Monsieur Nice, Messieurs les Juges, je vous prie de tenir compte de ce

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1 qui suit. Lorsque j'ai témoigné ici hier au sujet des activités qui ont été

2 les miennes il y a 11 ans, lorsque j'ai établi une coopération et des

3 contacts avec la Yougoslavie, j'ai précisé qu'au tout début, je n'ai jamais

4 directement pris part aux questions portant sur la Bosnie-Herzégovine. Je

5 n'ai pas traité de cela. Je ne peux pas vous apporter des réponses

6 qualifiées au sujet des positions qui étaient celles d'un tel ou d'un tel

7 autre, ou si j'étais d'accord avec Vance et Owen ou pas, parce que je n'en

8 ai pas traité; ce n'était pas mon travail. Maintenant, vous m'avez demandé

9 si j'ai rencontré Karadzic. J'ai dit que oui. Quelles sont les questions

10 dont on a discuté ? Je vous l'ai déjà dit. Je ne peux pas vous en dire

11 davantage, et je vous prie de ne plus me poser des questions à sujet de la

12 Bosnie-Herzégovine, parce que je ne sais pas vous répondre autrement.

13 M. NICE : [interprétation] A la lumière de cette réponse, je crois que je

14 n'ai plus besoin de continuer avec ces questions. En fait, j'en ai terminé

15 avec mes questions.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous des

17 questions complémentaires ? Etant donné les problèmes logistiques auxquels

18 le témoin doit faire face, moi, je vous conseillerais de ne pas poser

19 davantage de questions.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de retenir M. Ryzhkov

21 ici. Je tiens seulement à le remercier d'être venu pour témoigner.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ryzhkov, ceci met un terme

23 à votre témoignage. Je crois que vous avez la possibilité de vous en aller.

24 Vous êtes libre de vous en aller.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Merci

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1 beaucoup.

2 [Le témoin se retire]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre témoin suivant, Monsieur

4 Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander que soit cité le témoin

6 Leonid Gregori Ivasov.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin prononce la

9 déclaration solennelle.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez prendre place.

13 LE TÉMOIN: LEONID GREGORI IVASOV [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

16 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Général Ivasov.

18 R. Bonjour.

19 Q. Pourriez-vous nous décliner votre nom ?

20 R. Je m'appelle Leonid Gregori Ivasov.

21 Q. Pourriez-vous nous fournir quelques faits biographiques ?

22 R. Je suis né le 31 août 1943, dans la République du Kyrgyz en Union

23 soviétique. A l'âge de 17 ans, je suis entré à l'académie militaire.

24 Ensuite, je suis entré dans une école de formation militaire, puis j'ai

25 servi au sein de l'armée. A la suite de quoi j'ai terminé l'académie

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1 militaire. J'ai continué à servir l'armée. A partir du mois de décembre

2 1976, j'ai travaillé au sein de l'administration centrale du ministère de

3 la Défense de l'Union soviétique. J'étais responsable de la direction du

4 ministère de la Défense. J'étais responsable de la section des affaires

5 internationales du ministère de la Défense. Lorsque l'Union soviétique

6 s'est désintégrée, j'étais chef du département qui s'occupait des nouveaux

7 états indépendants, et à partir de 1993, j'ai été nommé chef de la

8 direction principale responsable de la coopération militaire au sein de la

9 Fédération russe. Par ailleurs, je m'occupais d'analyser des renseignements

10 militaires et des sciences militaires. J'ai un doctorat ès sciences

11 militaires. En 2002, j'ai quitté mon poste du ministère de la Défense.

12 Depuis cette date je travaille pour l'académie des problèmes géopolitiques.

13 J'en suis le vice-président. En parallèle, j'enseigne dans différentes

14 écoles de formation, dans différentes académies militaires.

15 Lorsque j'étais chef du département militaire au sein des nouveaux états

16 indépendants, j'ai eu des contacts, j'ai organisé des réunions avec les

17 ministères de la Défense de nombreux pays. J'ai participé à de nombreuses

18 négociations, notamment aux négociations en Yougoslavie portant sur le

19 Kosovo. J'ai eu de nombreux contacts avec l'OTAN, avec les représentants

20 militaires américains. J'ai également participé à de nombreuses conférences

21 internationales.

22 Est-ce que cela suffit, Monsieur le Président ?

23 Q. Oui, Général Ivasov. J'aimerais juste préciser quelque chose. Vous êtes

24 le premier vice-président de l'académie responsable des questions

25 géopolitiques; est-ce bien exact ?

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1 R. Oui. Je suis le premier vice-président de l'académie des questions

2 géopolitiques, ou des affaires géopolitiques de la Russie.

3 Q. Vous êtes général de corps d'armée ?

4 R. Oui, oui. Mon grade est général de corps d'armée en réserve.

5 Q. Vous avez véritablement beaucoup participé aux réunions portant sur la

6 Yougoslavie et sur la région des Balkans, et ce, pendant un certain temps ?

7 R. Oui, tout à fait, et ce, à partir de 1996. Dans le cadre de mes

8 fonctions militaires, j'ai véritablement été partie prenante de la

9 situation dans les Balkans. Pour être plus précis, je m'occupais de la

10 situation qui évoluait au Kosovo et autour du Kosovo. En tant que tel, j'ai

11 eu de multiples contacts avec tous les pays qui étaient intéressés, ou qui

12 peut-être n'étaient pas intéressés par la solution des problèmes là-bas.

13 Q. Avez-vous reçu des informations détaillées sur tous les événements au

14 Kosovo ? Lorsque je dis "détaillées", je fais référence à des informations

15 confidentielles ou renseignements.

16 R. Oui, j'ai reçu différents types d'informations qui se fondaient ou qui

17 émanaient de sources du renseignement. Cela dans le cadre des différentes

18 réunions que j'avais avec des personnalités politiques et des hauts gradés

19 militaires venant de plusieurs pays, notamment les états membres de l'OTAN.

20 J'ai reçu ces renseignements grâce au travail effectué par les différents

21 centres analytiques au sein de la Russie et dans d'autres pays. En sus,

22 j'ai reçu une partie de mes renseignements de la part de conférences

23 internationales auxquelles j'ai participé ou auxquelles mes subordonnées

24 ont participé.

25 J'ai également reçu des renseignements directement à la suite de mes

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1 contacts avec le président Milosevic, du chef d'état-major, de hauts

2 gradés, de responsables militaires de la République fédérale de

3 Yougoslavie. J'ai également reçu des informations de la Mission de

4 vérification à laquelle participaient mes officiers subordonnés.

5 Q. Avez-vous vous-même participé à la rédaction de certains documents ?

6 Avez-vous vous-même participé à des exercices d'analyse ?

7 R. Oui, c'était justement ma fonction. Il s'agissait d'analyser la

8 situation qui évoluait en Yougoslavie. Il s'agissait de tirer des

9 conclusions et de présenter des rapports au ministre de la Défense ainsi

10 qu'au président. Au début de l'année 1998, afin d'analyser la situation qui

11 prévalait autour du Kosovo, un centre analytique spécial a été créé au sein

12 de mon directorat. Le but était justement d'étudier de façon précise ces

13 questions. Les documents qui ont été ainsi produits ont été envoyés à

14 l'état-major ainsi qu'au président de la Russie.

15 Q. Général Ivasov, une petite précision, vous nous avez déjà dit que vous

16 avez eu des contacts fréquents et réguliers avec la direction militaire ou

17 avec les dirigeants militaires de la Yougoslavie. Autant que je sache, nous

18 nous sommes rencontrés sept fois lors de sept réunions différentes.

19 R. Oui, Monsieur le Président. Nous nous sommes rencontrés effectivement

20 sept fois avec la délégation du ministre de la Défense, la délégation du

21 ministre des Affaires étrangères. Et ce, lorsque je me trouvais en

22 Yougoslavie en tant que chef de la délégation militaire, nous avions des

23 contacts constants quasiment au quotidien avec les dirigeants ou les

24 responsables de l'état-major de la République fédérale de Yougoslavie. Il

25 s'agissait de contacts téléphoniques et de contacts personnels directs.

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1 Nous procédions à un échange de points de vue sur la situation. Nous étions

2 à l'écoute de vos officiers militaires, nous étions à l'écoute de nos

3 officiers militaires, et nous transmettions les résultats de notre analyse

4 ainsi que d'autres informations à l'état-major de l'armée yougoslave.

5 Q. Pourriez-vous me dire si vous avez eu des contacts fréquents avec les

6 officiers ou les responsables militaires des pays de l'OTAN ?

7 R. Oui, il s'agissait des contacts réguliers. Lorsque la situation au

8 Kosovo et au sein de la République fédérale de Yougoslavie s'est durcie,

9 les contacts sont devenus de plus en plus fréquents. J'ai participé à des

10 réunions entre la Russie et l'OTAN. J'ai participé également à des réunions

11 bilatérales entre les ministres de la Défense russe et les ministres de la

12 Défense des pays de l'OTAN. Personnellement, j'ai eu des réunions avec les

13 ministres de la Défense de ces pays et avec les hauts représentants

14 militaires de ces pays. J'ai également eu des contacts fréquents avec M.

15 Solana, avec M. Robertson, qui étaient les secrétaires généraux de l'OTAN.

16 De surcroît, j'ai également eu des contacts avec le président du comité de

17 l'OTAN ainsi qu'avec d'autres personnalités de l'alliance.

18 Q. Je souhaiterais être un tant soit peu plus précis à propos de la

19 période de temps dont il a été fait référence. Est-ce que l'on pourrait

20 dire que les Russes ont suivi de très, très près les événements au Kosovo

21 en 1997, en 1998 ainsi qu'en 1999 ?

22 R. Oui, c'est exact, Monsieur le Président. Nous avons intensifié

23 l'obtention des renseignements dans cette région. Nous avons également

24 étoffé notre personnel au sein de l'ambassade russe à Belgrade, et nous

25 avons compilé des renseignements émanant de différentes sources pour

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1 pouvoir nous faire une idée objective de la situation et des événements. Et

2 ce, afin de pouvoir conclure et afin de pouvoir dégager des conclusions à

3 propos des intentions de tous les camps, notamment l'organisation

4 terroriste UCK, et ce, afin de définir les différentes filières d'armes qui

5 arrivaient au Kosovo. Nous voulions également localiser les camps, les

6 camps de formation, les bases de formation où les terroristes faisaient

7 l'objet de formation. Nous voulions également localiser les sources qui

8 fournissaient un soutien militaire, politique et financier à l'UCK.

9 Q. Avant que je ne vous pose une question qui portera sur ce que vous

10 venez de nous dire, j'aimerais vous demander de nous fournir une

11 description brève des événements ou de la situation qui prévalait à cette

12 époque-là au Kosovo.

13 R. A la fin de l'année 1998, nous nous étions forgés une idée complète de

14 la situation qui prévalait au Kosovo. L'état-major de la Russie ainsi que

15 mon directorat, avaient analysé la situation. Compte tenu des informations

16 qui avaient été obtenues, compte tenu des consultations menées à bien avec

17 différents experts militaires originaires des différents pays, la

18 conclusion était qu'en ce qui concerne la République fédérale de

19 Yougoslavie, il y avait un plan général de destruction du pays, un plan qui

20 consistait à jeter le discrédit sur les dirigeants politiques et militaires

21 de la République fédérale de Yougoslavie. Le but étant d'obtenir la

22 sécession du Kosovo ou de faire en sorte qu'il y ait séparation entre ces

23 deux pays, le Kosovo, la Serbie et la Yougoslavie.

24 Nous avons pu voir l'interaction entre les différentes forces. Dans un

25 premier temps, nous avons vu que lors de la création de l'UCK et avec la

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1 déstabilisation de la situation, il y a eu établissement d'une mafia

2 internationale, d'une mafia du Caucase qui voulait véritablement avoir sous

3 son emprise Pristina et l'Albanie, et ce, afin de pouvoir distribuer des

4 stupéfiants dans l'Europe entière.

5 Lorsque nous avons analysé ces renseignements, nous en avons conclu

6 également que le conseil de Sécurité des Nations Unies, à l'époque, en

7 1997, avait adopté une décision qui consistait à mener à bien une opération

8 militaire lancée contre la Yougoslavie. Le plan de cette opération avait

9 pour objectif l'organisation d'une guerre psychologique puissante contre la

10 Yougoslavie. Le but étant de perturber les négociations, le but étant

11 d'informer la communauté internationale à propos des événements qui se

12 déroulaient là-bas. Le but était également de préparer l'opinion publique

13 à cette opération militaire qui était sur le point d'être lancée.

14 Ce plan et ces conclusions nous ont été présentés par les dirigeants de

15 notre pays. Nous avons également mis en garde les dirigeants de la

16 Yougoslavie.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps parce que votre

18 description a été un peu trop longue. Je pense que le moment est venu de

19 poser des questions un peu plus précises.

20 J'aimerais vous poser une question. Vous avez reçu ces

21 renseignements. C'est à partir de cela que vous avez dégagé vos

22 conclusions. J'aimerais savoir si ce sont des renseignements qui ont été

23 compilés exclusivement au niveau de l'ambassade russe de Belgrade ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je serai

25 bref. Je vous dirais que ces renseignements venaient non seulement de

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1 l'ambassade russe, mais nous recevions ces renseignements à la suite des

2 contacts quotidiens que nous avions avec les représentants de l'OTAN. Nous

3 recevions également des renseignements grâce aux contacts établis avec

4 d'autres états qui ne faisaient par partie de l'OTAN. Nous recevions

5 également des renseignements des sources ouvertes.

6 Après l'analyse de ces renseignements, nous en avons dégagé ces

7 conclusions, à savoir, il existait un plan général qui consistait à mener à

8 bien cette opération contre la Yougoslavie. Il s'agit de l'opération que je

9 viens de décrire.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous

11 demanderais de bien vouloir poser des questions précises pour obtenir des

12 réponses. Car la méthode qui consiste à avoir une description narrative est

13 une méthode que l'on peut mieux comprendre lorsqu'il s'agit d'un témoin qui

14 témoigne sur les faits. Je pense que vous devez poser des questions plus

15 précises à ce témoin pour obtenir des réponses.

16 Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais faire une

18 observation à propos de la très longue réponse fournie par le témoin,

19 réponse qui a été d'ailleurs très cohérente. Je n'ai pas d'objection. Je

20 n'avais pas l'intention de soulever une objection lorsqu'il était en train

21 de présenter cette description. Il est évident que ce genre de narration,

22 de description narrative, pose beaucoup de problèmes et n'est probablement

23 pas recevable. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai demandé la parole

24 maintenant, car si nous laissons -- si nous l'avons laissé finir sa

25 description, il ne faut pas supposer que nous considérions cela comme

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1 admissible.

2 Cela pose des problèmes pour plusieurs raisons. Dans un premier

3 temps, il est évident que le témoin est tributaire de toute un gamme de

4 documents, notamment des documents secrets que nous n'avons pas obtenu, ce

5 qui fait que je serais tout à fait dans l'incapacité de procéder à un

6 contre-interrogatoire à ce sujet.

7 Deuxièmement, il faut savoir à propos du premier élément que le témoin

8 donne une opinion indépendante parce qu'il dit, sans se considérer comme un

9 expert, il dit : "Mon équipe et moi-même avons analysé bon nombre de

10 documents, et voilà les conclusions que nous avons dégagées."

11 Parmi lesdites conclusions, il y a une conclusion qui est très, très

12 ferme. Je ne sais pas si elle est pertinente à l'affaire d'ailleurs mais

13 une conclusion présentée de façon péremptoire, à savoir le plan de

14 l'opération avait pour but l'organisation d'une guerre psychologique

15 véhémente ou puissante contre la Yougoslavie. Cela est attribué aux Etats-

16 Unis.

17 Même si j'avais pu avoir le rapport au préalable ou si j'avais pu avoir une

18 déclaration au préalable dans tous ses détails, je n'aurais pas forcément

19 été en mesure de faire plus que ce je pourrais faire aujourd'hui, parce que

20 seulement avec les documents, si nous n'avons pas la possibilité de les

21 analyser nous ne pouvons pas véritablement avoir une bonne méthode pour ce

22 qui est de poser des questions par rapport à ce genre de documents.

23 Je n'ai pas interrompu le témoin, c'est à dessein que je ne l'ai pas

24 interrompu, car je voulais voir ce qu'il avait à dire. J'aimerais inviter

25 la Chambre de première instance à considérer qu'il s'agit d'un terrain

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1 particulièrement dangereux. De toute évidence, la méthode la plus facile

2 consisterait à dire que cela n'est pas admissible pour toute une gamme de

3 raisons, notamment, les deux que je viens d'identifier, mais il vous

4 appartient d'en décider. Ce que je peux vous dire c'est que je suis dans

5 l'incapacité de mener à bien un contre-interrogatoire à propos de ce type

6 de conclusions.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nice.

8 Monsieur Milosevic, vous avez entendu les deux objections soulevées par M.

9 Nice. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire, et puis, ensuite nous

10 étudierons la question.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec ces objections. Il

12 s'agit d'un témoin extrêmement compétent dont la fonction consistait à être

13 au courant de tous ces renseignements et de toutes ces informations. Comme

14 vous pouvez le voir, il a préparé des renseignements et une analyse de ces

15 renseignements destinée au président de l'Etat et destinée à l'état-major.

16 Tous les renseignements secrets, confidentiels de la fédération sont passés

17 entre ses mains. Ce sont des renseignements qui ont été mis à la

18 disposition de la Fédération russe. Il s'agit d'un témoin extrêmement

19 crédible au vu de sa carrière et au vu du poste qu'il assumait et au vu des

20 renseignements qu'il avait à sa disposition.

21 Général Ivasov, justement parce qu'il était au courant de tous ces

22 renseignements, n'a pas été en mesure de quitter la Russie pendant un

23 certain temps. C'est la première fois qu'il a eu la possibilité de quitter

24 son pays pour pouvoir témoigner ici, à l'exclusion de plusieurs visites

25 officielles. Il s'agit d'un témoin extrêmement compétent, d'un témoin qui

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1 est extrêmement bien informé.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque vous nous dites c'est qu'il

3 fournit ou qu'il dépose en tant qu'expert ? -- je n'ai pas terminé. Comme

4 vous le savez, lorsqu'il s'agit d'éléments de preuve fournis par un expert,

5 il faut que nous ayons une notification préalable pour ce faire.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'un témoin qui témoigne

7 sur les faits. En outre, il s'agit d'une personne extrêmement compétente,

8 d'un professionnel extrêmement compétent, ce n'est pas de sa faute, mais il

9 s'agit d'un témoin qui témoigne sur le fait.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous pensons que ce

12 témoignage est tout à fait admissible. Vous avez indiqué qu'une partie de

13 ce témoignage se fonderait sur des documents confidentiels et secrets, que

14 vous ne pouvez pas vous procurer. Vous pouvez soulever la question à

15 l'occasion du contre-interrogatoire, et il appartiendra à la Chambre de

16 déterminer de quelle façon il convient de traiter de cette question. C'est

17 tout un régime de droit qui régit l'accès à la documentation

18 confidentielle. Le fait même de voir un témoignage se fonder sur des

19 documentations confidentielles ne rend ce témoignage inadmissible.

20 Nous ne pensons pas que le témoin doit être considéré comme étant un témoin

21 expert. On ne laisse pas entendre que l'interrogatoire fasse état de son

22 expertise dans un secteur tout à fait particulier. En conclusion, nous

23 allons admettre le témoignage en tant que tel.

24 M. NICE : [interprétation] Comme les Juges de la Chambre voudront bien le

25 faire.

Page 33690

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne veux pas

2 que ce soit trop narratif parce que cela devient dénué de sens à la longue.

3 Il faudrait que vous posiez des questions tout à fait concrètes pour que

4 vous obteniez des réponses brèves, et pour que nous puissions aller de

5 l'avant, passer à autre chose.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Ivasov, vous avez parlé de l'année 1997 et vous avez parlé des

9 conclusions du Conseil américain chargé de la sécurité nationale au sujet

10 de l'attaque lancée contre la Yougoslavie. Etes-vous à même de confirmer

11 ici que vous disposiez d'informations portant sur l'intention et le plan de

12 s'attaquer à la Yougoslavie depuis l'année 1997 déjà ?

13 R. Oui, Monsieur le Président, je le confirme. Premièrement, ma réponse

14 affirmative repose sur l'analyse de la stratégie de défense nationale des

15 Etats-Unis, en particulier depuis 1993, analyse qui a misé sur la force

16 militaire dans le but de créer et non de défendre les intérêts américains

17 dans le monde.

18 Je parle de la charte militaire de l'armée américaine ainsi que des

19 documents en vigueur à l'époque qui contenaient un certain nombre de

20 décisions. Je fonde également mes conclusions sur d'autres éléments et

21 d'autres documents et données que j'ai eus à ma disposition.

22 Oui, en effet, à la fin de 1997, un plan à grande échelle est coordonné, a

23 été mis en œuvre, qui visait à la destruction de la République fédérale de

24 Yougoslavie. Il existe une analyse des motifs politiques, économiques, qui

25 ont servi ce plan, plan qui a été mis en œuvre par étape. Compte tenu de la

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1 durée d'application de ce plan, je ne parlerai que de l'aspect information

2 et psychologique de la guerre qui s'est menée en application de ce plan.

3 Aux Etats-Unis, il existe le règlement M335 qui régit les opérations de la

4 guerre informationnelle et psychologique, et tout ce qui a été fait en

5 Yougoslavie est totalement conforme à ces dispositions.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Ivasov, j'aimerais vous

7 demander si vous avez apporté avec vous des documents qui étayent

8 l'existence de ce plan.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai apporté avec moi des documents de l'état-

10 major, des analyses de l'état-major de la Fédération russe, dont on a levé

11 le caractère confidentiel en l'an 2000, qui ont été mis à la disposition du

12 public sous le titre "Les Balkans aujourd'hui et demain." Cet ouvrage a été

13 publié par les éditions du quartier général principal de l'armée de la

14 Fédération russe. On y trouve un certain nombre d'éléments très précis et

15 de conclusions très précises, notamment la description du scénario

16 soutenant le plan dont je parle et qui a été appliqué dans

17 l'ex-Yougoslavie.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez aucun plan qui provienne

19 des Etats-Unis ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai mis le scénario noir sur blanc à la main.

21 Il est inclus dans la publication dont je viens de parler.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avant

23 d'autoriser le témoin à poursuivre, j'aimerais que vous nous expliquiez la

24 pertinence de toutes ces questions par rapport à la présente affaire.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] La pertinence, Monsieur Robinson, vient de ce

Page 33692

1 que ce témoin, entre autre, démontre la réalité du fait que la décision

2 d'attaquer la Yougoslavie, de procéder à une agression contre la

3 Yougoslavie, a été prise plusieurs années avant la construction de toute

4 pièce de la justification d'une telle attaque. Ici est démontré l'existence

5 d'un plan et l'intention de procéder à une agression. Après quoi, grâce à

6 divers mécanismes, y compris la mise en place d'une Mission de

7 vérification, y compris Rambouillet et d'autres éléments, un certain nombre

8 d'éléments ont été mis en place plus tard pour servir de prétexte à la mise

9 en œuvre de ce plan.

10 Ceci est tout à fait clair. Des décisions ont été prises dès 1997. Plus

11 tard, on a inventé que les conséquences de Rambouillet pouvaient servir de

12 prétexte à la mise en œuvre de ce plan, ce qui démontre bien la

13 contrevérité de ces prétextes.

14 D'ailleurs, le général Ivasov vient de citer le document FM33-5 car

15 les interprètes ont dit M335. Moi, ce que je lis dans mes notes, c'est

16 FM33-5 qui traite des préparations de la guerre psychologique et

17 informationnelle, et qui s'intitule "Instructions pour les opérations sur

18 le terrain". Je vais continuer à poser des questions à ce témoin.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous y réfléchirons, Monsieur

20 Milosevic.

21 Non, Monsieur Milosevic, vous n'êtes pas autorisé à poursuivre

22 immédiatement. Nous devons nous consulter au niveau de la Chambre pour

23 examiner la question de la pertinence.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous vous

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1 autorisons à poursuivre. Je vous demande si le témoin dispose du dernier

2 document auquel il a fait référence qui, si je ne m'abuse, est un document

3 américain, le document qui provient des Etats-Unis.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces documents sont aux Etats-Unis. Ils

5 contiennent la stratégie de sécurité nationale, autrement dit, la doctrine

6 militaire de l'armée américaine. Ces documents sont publiés dans la presse.

7 Quant aux manuels relatifs aux opérations sur le terrain et aux consignes

8 en cas de guerre psychologique, je puis dire que je les ai à ma

9 disposition. Je suis certain qu'il serait tout à fait réalisable de les

10 demander directement aux Etats-Unis car je ne les ai pas sur moi en ce

11 moment. Je n'ai sur moi que quelques extraits de ces documents mais pas le

12 texte intégral.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, tout ceci n'a

14 qu'une pertinence secondaire, marginale. Je vous autorise à poser les

15 questions que vous voulez poser, car votre défense consiste pour partie à

16 démontrer que la JNA et d'autres ont agi en autodéfense contre l'attaque de

17 l'OTAN. Ceci peut avoir un lien avec l'attaque de l'OTAN. C'est sur cette

18 base très ténue que je vous autorise à poursuivre vos questions. Vous vous

19 rendrez bien compte que cette déposition n'a guère de valeur dans la

20 présente affaire si le témoin ne peut étayer ses propos. Si aucune preuve

21 de l'existence de ce plan n'est fournie, ceci n'a qu'une valeur très

22 infime.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a de nombreux éléments logiques ici. Ce

24 témoin est au courant de cette information qui a été divulguée à l'automne

25 1997. C'est au sujet de cela que témoigne ce témoin. Par ailleurs, vous

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1 entendrez également parler d'autres témoins qui témoigneront de la façon

2 dont les troupes ont été recrutées pour la guerre au Kosovo, dès 1996. Tout

3 cela, ce sont des réalités. Par conséquent, il ne sera pas difficile

4 d'établir une réalité factuelle, à savoir, le fait que dès 1996, le conflit

5 au Kosovo était prévu et appuyé par ceux qui souhaitaient le démantèlement

6 de la Yougoslavie.

7 Poursuivons.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Général Ivasov, est-il exact en dehors de ces informations relatives à

10 la guerre psychologique et informationnelle, que sur des aérodromes de

11 bases militaires en Macédoine, notamment en Hongrie et dans d'autres pays

12 voisins, ces terrains ont été utilisés pour des opérations contre la

13 Yougoslavie. Ceci ne rentre plus dans le cadre des secrets de

14 renseignements.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci est très manifestement une

16 question directrice. "Vous saviez que des aéroports et des bases militaires

17 ont été, et cetera," vous placez la déposition dans la bouche du témoin.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Dans ce cas, je vais reformuler ma

19 question.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur le Témoin, que saviez-vous des préparations physiques pour une

22 attaque contre la Yougoslavie à cette époque-là ?

23 R. Oui, j'étais au courant de cela. Ces préparatifs ont été très

24 complexes. J'ai déjà parlé des préparatifs sur le plan de l'information et

25 sur le plan psychologique. En dehors de cela, il y avait également des

Page 33695

1 préparatifs militaires qui remontent à

2 janvier 1998. Ensuite, il y a eu construction de plus en plus rapide de

3 regroupements au niveau renseignement. Parmi les satellites des Etats-Unis,

4 des infrastructures militaires ont été préparées, notamment dix aérodromes

5 dans des pays membres de l'OTAN, qui ont accru leur capacité

6 opérationnelle. Ces préparatifs se sont de plus en plus rapprochés des

7 frontières. Des infrastructures ont été placées tout près des frontières

8 yougoslaves, en particulier celles qui ont été placées en Macédoine, en

9 Hongrie, et pour partie en Albanie. En parallèle à tout cela, des

10 préparatifs supplémentaires ont eu lieux parmi les troupes de l'OTAN.

11 Tout ceci est caractéristique de préparatifs destinés à une campagne

12 militaire majeure. Moi-même et d'autres en avons parlé lors des réunions du

13 conseil de l'OTAN en Russie. Nous avons particulier discuté des pressions

14 militaires exercées à l'époque sur la République fédérale de Yougoslavie.

15 Q. Général Ivasov, quand avez-vous, en compagnie du maréchal Sergeyev,

16 quand avez-vous évoqué la question des pressions militaires exercées sur la

17 Yougoslavie en conseil militaire de la Fédération russe ?

18 R. Cette question a été évoquée par le maréchal Sergeyev pour la première

19 fois en mai 1998. En 1997, lors d'une rencontre des ministres de la Défense

20 de la Russie et des pays de l'OTAN, le général Rodionov qui, à l'époque,

21 était ministre de la Défense, a également évoqué cette question.

22 Par ailleurs, nous avons transmis des renseignements aux membres du conseil

23 de l'OTAN. Le maréchal Sergeyev a proposé un plan de règlement concret de

24 la situation du Kosovo dans le cadre du conseil de l'OTAN en Russie. Ce

25 plan prévoyait la mise en place d'une initiative de paix et des éléments de

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1 règlement pacifique. Cependant, l'OTAN n'a pas été uni sur cette question,

2 puisque le ministre de la Défense italien s'est dit d'accord avec la

3 proposition du maréchal Sergeyev, faite à cette réunion du conseil de

4 coopération entre la Russie et l'OTAN. Il a ajouté qu'il devrait être

5 possible de se concentrer sur la recherche d'un règlement pacifique du

6 problème de Kosovo, selon le modèle de la sécurité collective européenne. A

7 ce moment-là, il a été interrompu par le représentant européen M. Cohen.

8 Ensuite, en signe de protestation, il a quitté la salle.

9 Nous avons toujours discuté de ces questions. Par ailleurs, en décembre

10 1998, le général Kvashnin, général en chef de l'armée de Russie, lors d'une

11 réunion du comité exécutif de l'état-major de la Fédération russe, a remis

12 au général Clark les renseignements relatifs à la composition de l'armée de

13 libération du Kosovo et d'autre renseignements relatifs à l'existence de

14 camps d'entraînement destinés aux terroristes. Il lui a également remis les

15 itinéraires suivis par les armes qui entraient en contrebande par la

16 Macédoine et l'Albanie dans le pays. Il a proposé de mettre en œuvre des

17 efforts conjoints pour faire cesser ces entraînements de terroristes, et

18 faire cesser cette fourniture d'armes au Kosovo. Il a également proposé un

19 plan conjoint entre la Russie et l'OTAN avec la participation des forces

20 armées des forces de sécurité de la République fédérale yougoslave.

21 M. Clark a accueilli tout cela avec gratitude. Quelque temps plus tard, il

22 nous a informé que les renseignements de l'OTAN étaient extrêmement faibles

23 et incapables de confirmer la réalité de toutes ces données.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de poursuivre cet

25 interrogatoire, je vous demande, Monsieur Nice, si la question de l'attaque

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1 de la Yougoslavie par l'OTAN -- des frappes aériennes de l'OTAN sur la

2 Yougoslavie, est une question contestée par le Procureur ?

3 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je ne devrais pas poser une

4 question, je ne suis censé que de demander des éclaircissements. Mais vous

5 entendez le mot "contestée" dans quel sens ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'essaie de vérifier si les attaques

7 de l'OTAN constituent un problème entre les deux parties.

8 M. NICE : [interprétation] A en juger par la déposition du dernier témoin,

9 même si un peu plus tard il a admis ne rien savoir en détail à ce sujet, il

10 peut sembler qu'il existe effectivement un problème entre les parties sur

11 ce point. Savoir si cela est pertinent ou non, c'est une décision qu'il

12 appartient aux Juges d'émettre en dernière analyse. Apparemment, le

13 problème se situe au niveau des motivations réelles, et de ce qui était

14 réellement visé. Apparemment, compte tenu de la présentation des moyens de

15 preuve de la Défense, il semble qu'il y ait effectivement un problème à ce

16 sujet entre les parties.

17 Vous vous rendrez bien compte après avoir entendu le dernier témoin, et

18 d'ailleurs un témoin précédent qui a également émis un certain nombre

19 d'éléments dans sa déposition, éléments à vérifier d'ailleurs dans le

20 rapport de Human Rights Watch, par exemple, que nous considérons ce qui

21 vient de la Défense comme une appréciation indépendante qui ne nous dérange

22 pas trop. Il semble que ceci soit contesté par l'accusé. Je ne saurais dire

23 qu'il n'y a pas de problèmes.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, vous

25 pouvez poursuivre.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai un commentaire à faire.

2 Un dicton latin dit qu'il -- difficile est non satiram scribere. Autrement

3 dit, je ne peux croire que quiconque sur cette planète puisse contester le

4 fait qu'il y a eu des frappes aériennes de l'OTAN sur la Yougoslavie. Je

5 poserai la question à chacun dans cette salle, en leur demandant s'ils

6 pourraient par hasard être en désaccord avec cela. Je ne présente que des

7 données factuelles.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez voter question suivante.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Général Ivasov, en 1997 et en 1998, déjà vous étiez au courant des

11 préparatifs d'une attaque contre la Yougoslavie, mais vous aviez également

12 des entretiens avec des représentants de l'OTAN au sein de ce conseil de

13 coopération entre la Russie et l'OTAN, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, Monsieur le Président, c'est effectivement le cas. Au sein de

15 l'OTAN, nous avions des avis divergents et des points de vue différents sur

16 cette question. La majorité des ministres de la Défense des états-membres

17 de l'OTAN, n'a pas protesté contre la préparation d'une opération

18 militaire. Le rôle le plus actif a été joué dans ce sens par le ministre de

19 la Défense des Etats-Unis et par le ministre de la Défense du Royaume-Uni.

20 Les autres ont adopté une attitude passive. C'est seulement en février 1999

21 que le général Zavarzin, représentant de la Russie au sein de l'OTAN, m'a

22 fait savoir que tous les ministres de la Défense des états-membres de

23 l'OTAN avaient vu leur résistance passive brisée, et que désormais ils

24 soutenaient l'agression militaire envisagée.

25 Q. Merci, Général Ivasov. Que savez-vous de la participation important en

Page 33699

1 terme de soutien et de financement à l'Uceka ? Excusez-moi. J'ai fait une

2 erreur.

3 Avant de répondre à cette question, je vous en poserais une autre :

4 je vous demande, s'il vous plaît, en quels termes vous qualifiez l'Uceka ?

5 R. Dans tous les documents officiels de Russie, qui ont été produits par

6 le ministère de la Défense et transmis à la direction, l'Armée de

7 libération du Kosovo était évoquée comme une formation militaire illégale

8 qui menait des activités terroristes; le président de la Fédération russe,

9 le parlement ainsi que tous les ministères du pays étaient d'accord avec

10 cette définition.

11 La même définition a été acceptée, en tout cas, elle n'a fait l'objet

12 d'aucune protestation au sein du Conseil de coopération Russie-OTAN ainsi

13 que dans les entretiens bilatéraux entre les ministères de la Défense et

14 d'autres ministres ou dirigeants politiques de la Russie avec les états

15 membres sans parler des états neutres tel que la Suède et la Finlande, par

16 exemple. Cette définition de formation militaire illégale est la définition

17 officielle sur le plan juridique qui était utilisée vis-à-vis de cette

18 organisation en Russie.

19 Par ailleurs, nous estimons que la direction de la République fédérale de

20 la Yougoslavie avait non seulement le droit de combattre une formation

21 militaire illégale --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous répondez à l'avance à d'autres

23 questions éventuelles.

24 Monsieur Milosevic, passez à votre question suivante.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

Page 33700

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Général Ivasov, vous venez de qualifier l'Uceka d'organisation

3 terroriste. Etes-vous au courant du fait que dans les pays occidentaux

4 l'Uceka a également, pendant longtemps, été considérée comme une

5 organisation terroriste ?

6 R. Ceci peut être confirmé par les propos tenus durant les rencontres

7 bilatérales que nous pouvions avoir à l'époque, et également par les propos

8 tenus lors de réunions d'organisations internationales. Je pourrais citer,

9 par exemple, le groupe Contact, qui dès sa création en 1998, définit les

10 activités de l'Uceka comme des activités terroristes. Cette même définition

11 était utilisée lors des conversations que nous avions avec des

12 représentants de l'OTAN. L'OTAN ne faisait pas référence à l'Uceka en tant

13 qu'organisation terroriste officiellement dans ces documents, mais il y

14 était question d'activités terroristes. Au niveau international, il y avait

15 accord, ou en tout cas, reconnaissance du fait que l'Uceka était une

16 organisation terroriste illégale.

17 Q. Général Ivasov, que savez-vous de la participation extérieure en

18 rapport avec la création de l'Uceka et avec le soutien et le financement

19 des activités de l'Uceka en tant qu'organisation ?

20 R. Oui. Oui. Je suis au courant du fait que l'Uceka a bénéficié d'un appui

21 venant de structures diverses, et avant tout des mafias responsables du

22 trafic de drogues en Turquie et en Albanie. Elles constituaient un réseau

23 très important conformément aux données dont nous disposons, nous savons

24 que la création de l'Uceka et les diverses étapes de son activité ont été

25 financées par ce trafic de drogues; 45 % de ces ressources ayant été

Page 33701

1 utilisées pour la fourniture d'armements et de divers équipements.

2 Je suis également au courant du fait que des organisations internationales

3 telles que le mouvement populaire pour la République du Kosovo, créée dès

4 1982, disposait d'un réseau très large dans des pays tels que l'Allemagne,

5 la Suisse et d'autres pays européens, de même qu'aux Etats-Unis. Cette

6 organisation a participé à la collecte de fonds destinés à fournir des

7 armes et à entraîner les terroristes.

8 Nous avons également été informé du fait qu'avant même le début de l'action

9 militaire, ou en tout cas avant le début de 1990, c'est-à-dire dès la fin

10 de 1988, l'Uceka était en possession d'armements modernes qui n'ont pu lui

11 parvenir qu'en provenance de pays occidentaux. Le gros de ces armements a

12 été fourni en 1994-1996 dans la partie septentrionale de l'Albanie où des

13 rebelles albanais et une partie de la population ont réussi à contrer

14 toutes ces tentatives. Certaines armes ont été saisies durant les combats

15 et on a également vu des armes vendues en Macédoine.

16 Je confirme qu'un appui important a été accordé à l'Uceka en terme de

17 financement et d'approvisionnement d'armes.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivasov, en rapport avec

20 l'idée qu'une campagne psychologique a été lancée contre la Yougoslavie,

21 vous avez évoqué un document, le document FM33-5. De quel document s'agit-

22 il et où se trouve-t-il ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un document de l'Armée américaine,

24 intitulé "Manuel relatif à la guerre de renseignements et à la guerre

25 psychologique." Je puis citer certains extraits de ce document si les Juges

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1 de la Chambre le souhaitent.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est à M. Milosevic ou à M. Nice

3 qu'il appartient de vous le demander. Je voulais vous interroger au sujet

4 de l'identification du document. Merci.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un manuel général dont vous

6 parlez. Ce n'est pas un document précisément relatif à la Yougoslavie,

7 n'est-ce pas ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un manuel

9 général relatif aux opérations militaires qui doit servir aux personnes

10 engagées dans des opérations militaires et/ou politiques. Alors que nous

11 réfléchissions à la situation, ce document a été mis à ma disposition et il

12 m'est apparu très manifestement que toutes les activités technologiques

13 nécessaires étaient mises en œuvre conformément aux consignes que l'on

14 trouve dans ce manuel.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Pause de 20 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

17 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Milosevic.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Général Ivasov, avez-vous connaissance des objectifs politiques qui

22 étaient ceux de cette organisation terroriste qui était l'Uceka ?

23 R. Oui, Monsieur le Président. J'en ai connaissance, en effet. Tout

24 d'abord, les dirigeants de l'Uceka n'ont jamais dissimulé leurs ambitions

25 séparatistes. Ils ont toujours visé à faire sécession vis-à-vis de la

Page 33703

1 République fédérale de Yougoslavie. Dans ces ambitions-là, ils ont

2 bénéficié d'un soutien international, ou plutôt étranger. Cela a été leur

3 objectif ainsi que les tactiques auxquelles ils ont eu recours dans leur

4 lutte.

5 Leur deuxième objectif, et là je parle d'influence des puissances

6 étrangères, visait à faire déstabiliser la situation dans la province, de

7 procéder à des activités terroristes sur le territoire de cette province.

8 Par conséquent, ce que je peux faire, c'est confirmer que leurs objectifs

9 politiques avaient été des objectifs séparatistes et terroristes, alors que

10 les méthodes utilisées dans la réalisation de ces objectifs ont consisté en

11 la conduite d'activités illégales contre les instances chargées du maintien

12 de l'ordre et de l'application de la loi.

13 Q. Que savez-vous me dire pour ce qui est des liens entre l'Uceka et

14 l'OTAN ?

15 R. Je suis au courant de ces liens. Ces liens ont existé au niveau

16 officiel, lorsque les représentants de l'OTAN ont reçu officiellement des

17 représentants de ce mouvement séparatiste, et lorsqu'ils ont eu des

18 contacts avec des leaders de l'Uceka. Il y a eu également des rencontres

19 officieuses, je dirais secrètes, qui se sont déroulées avec une médiation

20 des services spéciaux de l'OTAN. Pour ce qui est de la Mission de

21 vérification et de M. Walker lui-même, il y a eu immédiatement une

22 rencontre avec --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous nous en dire davantage

24 au sujet de ces rencontres au sujet desquelles vous dites qu'elles se sont

25 déroulées entre des représentants de l'OTAN et des leaders de l'Uceka.

Page 33704

1 Quand est-ce que cela a eu lieu, et où ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart de ces rencontres se sont tenues

3 après la création de cette Mission de vérification. Nos représentants au

4 sein de la Mission de vérification nous ont rapporté les contacts qu'a eu

5 M. Walker, à commencer avec le mois d'octobre et en se terminant vers le

6 mois de janvier. Nous avons également été mise au courant des rencontres

7 entre les représentants des pays membres de l'OTAN qui faisaient partie de

8 cette Mission de vérification. Nous avons reçu des informations disant que

9 dans cette période, les opérations relatives aux renseignements ont été

10 réalisées sur le territoire de la province, avec une participation

11 conjointe des représentants de l'OTAN et les représentants de l'Uceka. Ils

12 leur passaient des informations concernant l'emplacement des postes de

13 police concernant le déploiement des unités militaires, concernant les

14 installations militaires au sein de la province. Nos gens nous rapportaient

15 qu'il y a eu établissement de transmission radio spéciale par les soins de

16 l'OTAN.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quelle date ? Avez-vous une date ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci s'est produit à compter de l'été 1998

19 jusqu'au début de l'agression contre la République fédérale de Yougoslavie.

20 Les rencontres les plus fréquentes se sont déroulées dans le courant de

21 janvier à mars. Nous savons également que Mme Albright a passé à Hashim

22 Thaci une information comme suit : à savoir, au cas où l'UCK serait

23 d'accord qu'il y ait déploiement au Kosovo des troupes de l'OTAN, qu'elle

24 leur garantirait que cela se produirait par la tenue d'un référendum.

25 J'ai rencontré M. Walker moi-même, et j'ai soulevé cette question. Je lui

Page 33705

1 ai demandé pourquoi il rencontrait aussi souvent des représentants de

2 l'UCK, et j'ai cité, cette fois-là, les noms de ces derniers, sans pour

3 autant rencontrer les représentants des autorités serbes et des autorités

4 serbes chargées de la mise en œuvre et de l'application de la loi.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les meetings, les rencontres entre

6 ces représentants officiels de l'OTAN et de l'UCK se sont déroulées avant

7 les frappes aériennes ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je puis vous le confirmer, Messieurs les

9 Juges.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il y a eu en même temps

13 amoncellement des forces de l'OTAN à nos frontières, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est exact. J'ai déjà indiqué qu'une infrastructure militaire

15 était mise en place pour la conduite d'une grande opération militaire. Les

16 activités du renseignement se renforçaient à l'encontre de la République

17 fédérale de Yougoslavie. Pour être tout à fait concret, je dirais qu'un

18 régiment, affectation spéciale en provenance du Royaume-Uni, a été

19 transféré avant l'agression sur le territoire de la Macédoine. Celui-ci a

20 établi 80 unités du renseignement pour la surveillance radio, pour les

21 écoutes radio, et pour développer des activités relatives à la collecte

22 d'informations relatives aux renseignements et organisations de

23 provocations.

24 Les représentants de ce régiment ont eu des rencontres fréquentes avec les

25 représentants de l'UCK, et se sont efforcés de s'infiltrer sur le

Page 33706

1 territoire du Kosovo.

2 Q. Est-ce que cet amoncellement d'activités militaires

3 n'a-t-il pas constitué une raison pour l'augmentation de notre présence, la

4 présence de nos effectifs dans le secteur ?

5 R. Dans les plans de l'OTAN, tels que présentés à plusieurs reprises par

6 le secrétaire général de l'OTAN, M. Solana, il y avait de prévu la

7 réalisation d'une opération au sol avec un vaste recours à l'aviation et

8 aux forces terrestres qui réaliseraient une opération sur le territoire de

9 la Macédoine et de l'Albanie. Quatre groupes complets de forces de l'OTAN

10 se sont organisés, y compris la présence de missiles opérationnels et

11 tactiques avec un déploiement de lance-missiles, déploiement d'hélicoptères

12 de combat et autres matériels militaires d'envergure. Cela a également

13 inclus le déploiement de deux groupes de forces spéciales.

14 Lorsque les représentants de l'OTAN ont officiellement annoncé qu'ils

15 étaient prêts à réaliser des frappes aériennes et une opération au sol, les

16 forces armées de la Yougoslavie se trouvaient tout simplement obligées,

17 contraintes tout comme les forces armées de quelque pays que ce soit, à se

18 préparer à la défense contre cette agression. Je pense que le déploiement

19 de leurs propres effectifs avec un renforcement de leur présence dans la

20 province, à mon avis, se trouvait complètement conforme à la constitution

21 ainsi qu'à leurs propres obligations.

22 Q. Je tiens à souligner, et vous l'avez dit. Vous avez parlé de frappes

23 aériennes et d'opérations de troupes au sol. Vous avez dit l'un et l'autre,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Oui, l'un et l'autre. En réalité, l'OTAN se préparait aux deux, y

Page 33707

1 compris les opérations au sol. Toutefois, l'opération au sol ne s'est pas

2 produite pour trois raisons. Tout d'abord, il n'y a pas eu de consensus au

3 sein de l'OTAN pour ce qui est de procéder à cette opération terrestre,

4 parce qu'un certain nombre de pays a refusé d'y prendre part. Deuxièmement,

5 jusque-là, il a été porté des pertes assez lourdes à l'UCK de par la police

6 serbe et ces forces armées. Troisièmement, cette opération au sol ne s'est

7 pas réalisée, parce que suite aux frappes aériennes, les effectifs au sol

8 de la Yougoslavie ont tout de même préservé leur aptitude au combat.

9 Q. Général Ivasov, est-il clair, alors, le fait que nos effectifs, nos

10 forces vaquaient à la défense du pays ? Ne défendaient-elles pas leur

11 propre pays ?

12 R. Oui, c'est exact. Je ne puis que confirmer que cela est exact. Je

13 dirais même plus l'armée russe, y compris le ministre de la Défense de

14 Russie, le maréchal Sergeyev et moi-même, tout comme l'état-major entier,

15 avons proposé l'adoption de mesures plus accentuées encore pour ce qui

16 concerne la défense du territoire de la Yougoslavie, la défense de

17 l'intégrité territoriale et l'inviolabilité de ces frontières. Cela relève

18 des prérogatives de tous pays d'ailleurs.

19 Q. Je vous pose la question, parce que l'on a affirmé ici que nous avions

20 amoncelé des forces là-bas pour chasser des citoyens de notre pays de

21 souche albanaise au Kosovo de ce Kosovo. Etait-ce cela la raison ou la

22 défense de notre pays ?

23 R. J'ai constaté, et j'affirme que les effectifs serbes de police ainsi

24 que les forces de sécurité serbes, ont été contraintes à éliminer les

25 activités terroristes de ces membres de l'UCK sur leur propre territoire.

Page 33708

1 C'est une chose que la Russie a empressé la direction yougoslave à faire,

2 parce que ces activités terroristes de l'UCK ont tout d'abord déstabilisé

3 la situation à Yougoslavie. Deuxièmement, cela menaçait de se répandre sur

4 le territoire des pays voisins. Troisièmement, cela a donné lieu à un

5 terrible flux de réfugiés.

6 Qui plus est, les actes terroristes ou les connaissances ou échanges de

7 tirs entre les parties avaient donné lieu à une situation de panique parmi

8 les citoyens qui ont commencé à fuir et à se cacher. Ce que je peux vous

9 dire précisément, c'est que les dirigeants de l'Uceka qui avaient conduit

10 des opérations psychologiques pour exercer des pressions à l'encontre de la

11 population civile soit pour que celle-ci rejoigne les rangs de l'Uceka soit

12 pour ce qui est de quitter le secteur.

13 J'ai rencontré en Grèce un groupe d'Albanais catholiques, et une famille

14 d'Albanais catholiques qui m'a dit qu'un commandant de l'Uceka sur le

15 terrain, Adem Jashari, a forcé les catholiques albanais à rejoindre les

16 rangs de l'Uceka. Tous ceux qui refusaient étaient tout simplement

17 physiquement éliminés. De même, ces lacunes dans le comportement des

18 autorités serbes n'ont pas été la raison du flux de réfugiés. Le flux de

19 réfugiés a été occasionné par les activités terroristes de l'Uceka.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Ivasov, dans une de vos réponses

21 à des questions précédentes, vous avez indiqué que vous-même et le ministre

22 de la Défense ainsi que l'état-major aviez proposé l'adoption de mesures

23 plus poussées encore pour ce qui est de la défense de la Yougoslavie.

24 Pouvez-vous nous donner quelques exemples au sujet de mesures plus extrêmes

25 encore ?

Page 33709

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous opérons un retour au mois de décembre

2 1997, je dirais que le ministre de la Défense de Russie, le général

3 Rodionov, a proposé au président Milosevic ainsi qu'au chef d'état-major de

4 renforcer la présence des forces de sécurité et de la police au sein de la

5 province aux fins de procéder à l'isolement de ces groupes terroristes,

6 savoir qui étaient leurs dirigeants, et mettre un terme à cet afflux de

7 groupes et d'armes en provenance des frontières du pays. Nous avions

8 compris que cela était nécessaire pour éviter le recours à l'Armée de la

9 Yougoslavie dans ces opérations. Toutefois, partant de nos informations et

10 des informations rendues disponibles à l'état-major de la Yougoslavie, il

11 n'a guère été suffisant de se servir des forces de sécurité seules étant

12 donné que la situation dans le pays générait une préoccupation des plus

13 graves. Il s'agissait de protéger les frontières et de déployer en

14 simultané des opérations permanentes contre ces activités terroristes.

15 Je dirais encore que le maréchal Sergeyev avait exigé un recours plus grand

16 à ces effectifs de police, et recours même aux effectifs de l'armée. J'ai

17 vu bon nombre de rapports militaires dans lesquels l'ordre principal à

18 l'intention des militaires visait à prévenir l'escalade des opérations de

19 combat. Ces ordres ont, à chaque fois, inclus, et nous les avons critiquées

20 pour cela, ces ordres ont toujours inclus une clause au terme de laquelle

21 en cas d'attaque de la part des terroristes, il fallait d'abord les convier

22 à cesser de combattre et à les prévenir du fait qu'au cas où cela ne serait

23 pas le cas, l'armée aurait recours à la force. Pour ce qui nous concerne,

24 nous avons toujours estimé qu'en cas d'attaque la partie attaquée devait

25 immédiatement ouvrir le feu contre les terroristes.

Page 33710

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Avez-vous connaissance des liens entre l'Uceka et l'al- Qaeda ?

4 R. Oui. Cela s'est avéré vrai partant des rapports des renseignements qui

5 étaient les nôtres, et nous avons également obtenu des informations de la

6 part de représentants de pays islamique. J'ai eu des contacts réguliers

7 avec les ambassadeurs de pays islamiques à Moscou, y compris l'ambassadeur

8 de l'Iran et autres représentants officiels de l'Iran. Ils nous ont

9 confirmé les liens entre les Taliban et l'al-Qaeda d'une part et les

10 représentants de l'Uceka d'autre part. Ils ont même, à titre tout à fait

11 concret, indiqué les itinéraires concrets empruntés par les terroristes et

12 les armes pour infiltration sur le territoire des Balkans. Ils ont

13 toutefois nié toutes implications officielles de l'Iran ou de pays

14 islamiques dans ce type d'activités exception faite de la Turquie.

15 Q. Pour autant que je le sache, l'ambassadeur M. Seferi de l'Iran a nié la

16 participation de l'Iran mais a confirmé les liens entre ces gens-là, les

17 Taliban et al-Qaeda.

18 R. Il en est tout à fait ainsi, Monsieur le Président.

19 Q. Avez-vous des connaissances concernant les activités déployées par une

20 organisation qui s'appelle les vétérans du MPRI, ce sont des professionnels

21 militaires, des vétérans ?

22 R. En effet, je suis au courant des activités de ladite organisation. Je

23 sais qu'elle recrute des mercenaires dans différents pays pour les envoyer

24 vers des contrées variées de part le monde. Nous avons également localisé

25 des instructeurs qui ont été recrutés auparavant dans les USA et autres

Page 33711

1 pays. Nous les avons suivis vers des secteurs nord de l'Albanie, y compris

2 vers les secteurs habités de Tropoja et Kukes. Ce que je peux confirmer,

3 c'est cela.

4 Q. Quand vous dites que vous vous êtes entretenu avec les ambassadeurs des

5 pays islamiques, je voudrais que vous nous indiquiez avec combien

6 d'ambassadeurs de ces pays islamiques vous vous êtes entretenu; un, deux,

7 trois, une quinzaine, combien ?

8 R. Au moins 15 ambassadeurs de pays arabes et pays islamiques. Ils ont

9 tous été d'avis qu'au Kosovo une guerre terroriste avait cours. Certains

10 d'entre eux n'ont pas pris une part active aux discussions mais ils ont

11 tacitement été d'accord. L'opinion générale disait que des opérations

12 terroristes avaient cours au Kosovo, et qu'une opération militaire de

13 grande envergure de l'OTAN était préparée contre la Yougoslavie. La

14 majorité des représentants de pays islamiques avec qui je me suis entretenu

15 l'ont confirmé.

16 Q. Est-ce que cela signifie que les représentants des pays islamiques, à

17 savoir les ambassadeurs avec lesquels vous vous êtes entretenu à Moscou

18 savaient eux aussi qu'il y avait des préparatifs d'une agression de l'OTAN

19 contre la Yougoslavie qui se déroulait ?

20 R. Oui. J'espère bien qu'ils en avaient conscience, mais la confirmation

21 ne nous est arrivée que lorsque nous avons eu des rencontres avec des

22 représentants officiels de plus haut niveau de différents pays, y compris

23 le président de Syria, Hafez Assad, qui a reçu le ministre de la Défense

24 russe, le marshall Sergeyev, et à l'occasion de cette rencontre, ils se

25 sont entretenus au sujet de ce pays et ont parlé d'exemple de traiter des

Page 33712

1 séparatistes qui ont organisé un soulèvement dans la ville de Homs avec

2 usage de l'artillerie lourde contre les troupes de l'armée, chose qui a

3 permis d'empêcher le terrorisme et le séparatisme de se propager sur le

4 territoire de la Syrie.

5 Q. Dites-moi, quel avait été le plan de l'OTAN ? Que savait le sommet

6 militaire russe au sujet des plans de L'OTAN ?

7 R. Je dirais que le plan complet de l'agression sur la République fédérale

8 de Yougoslavie était connu des représentants les plus éminents des Etats-

9 Unis. Un bon nombre d'informations avaient été rendues disponibles au

10 ministère de la Défense, à la direction politique du Royaume-Uni ainsi qu'à

11 d'autres ministres de la Défense des pays membres de l'OTAN. Ces derniers

12 ont disposé d'un peu moins d'informations, et eux étaient bien contents de

13 recevoir des informations de notre part.

14 En substance, il y avait un plan comme suit : il s'agissait de discréditer

15 la direction politique et militaire de la Yougoslavie dans l'objectif de

16 diligenter une guerre psychologique et médiatique spéciale. A cette fin,

17 une escadrille, la 193e Escadrille de l'aviation de l'armée nationale des

18 Etats-Unis, il s'agissait d'avions de propagande qui se sont déployés en

19 Macédoine. La guerre médiatique avait déjà été lancée.

20 Deuxièmement, le comité militaire de l'OTAN a entamé des préparatifs depuis

21 1998 en vue d'une opération militaire. Tous ministres de la Défense

22 savaient juste ce qu'il fallait savoir pour ce qui est des éléments du plan

23 qui les concernaient concrètement quand à leur participation à eux. Ce plan

24 englobait des relations, une alliance avec l'UCK et l'opposition au Kosovo,

25 l'édification ou le développement d'activités relatives aux renseignements

Page 33713

1 pour la préparation d'action militaire concrète. Ce plan envisageait le cas

2 où M. Milosevic et la direction yougoslave n'accepteraient pas l'ultimatum,

3 il y aurait une entrée des troupes de l'OTAN. L'objectif serait d'y aboutir

4 par des moyens militaires. C'est exactement ce que nous avons vu.

5 M. Walker ainsi que Mme Madeleine Albright ainsi que d'autres représentants

6 des Etats-Unis et de l'OTAN, ont essayé en exerçant des pressions

7 militaires et en procédant à une expansion des activités terroristes sur le

8 territoire entier de la province du Kosovo, à forcer la direction à

9 accepter l'ultimatum en question, aux fins de procéder à une violation de

10 l'intégrité et de la souveraineté ainsi que de l'intégrité territoriale de

11 la République, ce qui se solderait par une occupation de la Yougoslavie par

12 des forces de l'OTAN.

13 La direction yougoslave n'a pas accepté cela. C'est la raison pour laquelle

14 le plan des frappes aériennes a été mis en œuvre.

15 Q. Général Ivasov, pouvez-vous me dire sur un plan tout à fait concret ce

16 qui s'est passé en été 1998 pour ce qui est des relations entre l'OTAN et

17 la Yougoslavie ? En d'autres termes, que savez-vous me dire au sujet de

18 manoeuvres militaires de grande taille et de grande envergure qui ont été

19 organisé à nos frontières ?

20 R. J'en ai eu connaissance, Monsieur le Président, tout à fait. Car au

21 début du mois de mai 1998, dans le conseil de coopération entre la Russie

22 et l'OTAN, le thème du Kosovo a fait l'objet de discussion. La Russie avait

23 été le témoin oculaire de la préparation, des préparatifs d'une opération

24 militaire de très grande envergure. Le maréchal militaire de la Russie

25 avait indiqué à cette réunion du conseil de coopération entre la Russie et

Page 33714

1 l'OTAN, avait déclaré et avait insisté pour que l'OTAN mette en vigueur les

2 dispositions de l'acte portant création des relations entre l'OTAN et la

3 Russie, qui d'ailleurs, avait été signé en 1997. Ils voulaient obtenir une

4 assurance de la part de M. Solana, de M. Clark et du général Shelton

5 suivant lesquels la Russie participerait à l'analyse de la situation, et

6 suivant lesquels l'OTAN ne prendrait pas de décisions aboutissant à des

7 pressions militaires, et encore moins à des opérations militaires.

8 Toutefois, lors de la visite du maréchal Sergeyev en Grèce en septembre

9 1998, nous avons assisté à des exercices militaires assez importants. Il

10 s'agissait des forces aériennes et des forces terrestres de l'OTAN, ce qui

11 fut d'ailleurs une surprise assez désagréable pour notre maréchal. Notre

12 gouvernement, d'ailleurs, a rappelé le maréchal Sergeyev à Moscou, parce

13 qu'il s'attendait à ce que ces exercices aboutissent à une agression. Notre

14 maréchal est, effectivement, reparti à Moscou. Toutefois, il faut savoir

15 que les représentants helléniques lui avaient assuré qu'il n'y aurait pas

16 d'agression. Il faut savoir toutefois que ce genre de comportement de la

17 part de l'OTAN représentait une violation non seulement de la charte des

18 Nations Unis à propos de la menace d'agression, mais allait à l'encontre de

19 l'acte portant création de la relation entre l'OTAN et la Russie.

20 Q. Juste pour obtenir une petite précision, Maréchal Ivasov. A la suite de

21 cet acte portant création, et en vertu de conversations bien précises qui

22 ont eu lieu entre les représentants de la Russie et de l'OTAN, l'OTAN

23 devait consulter la Russie, et devait l'informer également de toute

24 activité militaire, n'est-ce pas ? Il ne devait pas y avoir des surprises

25 du style de celles qu'ont pu observer le maréchal Sergeyev et d'autres en

Page 33715

1 Grèce ?

2 R. Oui, c'est exact. Cela était observé à l'OTAN. A propos de ces

3 exercices militaires, le maréchal Sergeyev a écrit et envoyé une lettre de

4 protestation au ministre de la Défense de tous les pays de l'OTAN. Il a

5 proposé la création d'un groupe de travail mixte, dont le but serait de

6 présenter des propositions, des résolutions pacifiques à la crise au

7 Kosovo. Certains ministres ont répondu à cette lettre, d'autres ne l'ont

8 pas fait.

9 Qui plus est, si vous le souhaitez, je peux vous donner les noms des

10 ministres de la Défense des pays de l'OTAN, qui se sont plaints auprès du

11 maréchal Sergeyev, parce qu'une pression militaire avait été exercée sur

12 eux à propos d'une opération militaire.

13 Q. A l'époque, avez-vous parlé aux représentants de l'OTAN ? Je pense à M.

14 Solana, à M. Clark et à d'autres.

15 R. Oui. Chaque fois qu'un ministre de la Défense se rendait à l'OTAN, ou

16 chaque fois que je participais à de réunions avec le secrétaire général ou

17 avec le général Clark ou avec d'autres représentants officiels européens.

18 Ces visites et ces réunions avaient lieu régulièrement, à la fois à

19 Bruxelles et à Moscou.

20 Q. Est-il vrai que les ministres de Affaires étrangères ont posé des

21 questions tout à fait identiques au groupe des huit ? Les Russes avaient

22 justement insisté sur les principes d'Helsinki, sur d'autres traités et sur

23 la charte des Nations Unies ?

24 R. Oui, c'est exact. Cela s'est fait lors de contacts pris entre l'OTAN et

25 la Russie. Les ministres des Affaires étrangères ont parlé de la crise au

Page 33716

1 Kosovo au sein du groupe de contact et avec d'autres groupes.

2 Le point de vue exprimé par la Russie a toujours été le même. Les

3 représentants russes ont toujours proposé un plan très complexe permettant

4 de résoudre de façon pacifique la crise du Kosovo. Les représentants

5 russes, notamment le ministre des Affaires étrangères russe, ont indiqué

6 que toutes les mesures politiques et pacifiques n'avaient pas encore été

7 utilisées pour essayer de trouver une solution au problème. Ils étaient

8 véhémentement opposés à une opération militaire.

9 Certains d'aucuns étaient d'accord avec ce point de vue, d'autres

10 soulevaient des objections, certains essayaient de pointer un doigt

11 accusateur vers Belgrade et vers les dirigeants de la Yougoslavie. Il y

12 avait des opinions divergentes. Toutefois, il y avait quand même une

13 position très ferme, très véhémente et très uniforme, qui a toujours été

14 préconisée par la Russie, et qui a été approuvée par le président Yeltsin.

15 Q. Général Ivasov, puisque vous avez eu à votre disposition différentes

16 informations, différents renseignements que vous avez mentionnés. Vous avez

17 fait état d'éléments bien précis sur le début des conflits. Vous avez dit

18 qu'il y avait eu un rassemblement de troupes de la part de l'UCK. Vous avez

19 fait état des filières ou des itinéraires utilisés pour amener les armes.

20 Alors, quel est l'aide qui a été reçue de l'extérieur ? Car votre chef

21 d'état-major à l'époque, le général Kvashnin, en décembre 1998, est-ce

22 qu'il a fait état de tous ces renseignements importants auprès du général

23 Clark ?

24 R. Oui. Le chef d'état-major russe disposait de ces renseignements. Il

25 s'agissait des renseignements qui portaient sur différents camps. Je pense

Page 33717

1 qu'il y avait un total de 11 camps où les terroristes recevaient une

2 formation. Ils se trouvaient au nord de l'Albanie et au Kosovo.

3 Il a également fait état d'entrepôts, d'entrepôts qui servaient à

4 l'entreposage des munitions et d'armes. Il a également mentionné cinq

5 itinéraires qui étaient utilisés pour l'acheminement d'armes, de

6 stupéfiants. Il a également fait état des itinéraires qui étaient utilisés

7 pour déplacer les soldats depuis l'Albanie et la Macédoine. Tous ces

8 itinéraires convergeaient vers le Kosovo.

9 Ce sont des renseignements qui ont été transmis au général Clark. Il

10 s'agissait de renseignements militaires précis qui ont été transmis.

11 Nous avions décidé de transmettre, ou de relayer cette information à

12 l'OTAN, car grâce à un effort mixte, conjoint, nous voulions mettre un

13 terme aux activités terroristes de l'UCK. Nous voulions ainsi perturber les

14 filières d'acheminement et de soutien de l'UCK. C'est une mesure absolument

15 sans précédent qui fut prise par le chef d'état-major russe.

16 Malheureusement, le général Clark a indiqué qu'il a fait état à des

17 renseignements qui n'étaient pas toujours corroborés de la part des

18 services du Renseignement de l'OTAN. Il a refusé de discuter de cette

19 question. Les moyens d'obtention du renseignement de l'OTAN étaient assez

20 importants. Il y a des satellites du renseignement des Etats-Unis qui ont

21 été augmentés du nombre de 10 au nombre de 30. Qui plus est, ils avaient

22 différentes sources d'information, différents groupes du renseignement. Par

23 conséquent, indiquer que ces renseignements de l'OTAN n'étaient pas

24 suffisamment corroborés, n'était pas vrai.

25 Q. Autant que je sache, il a fallu attendre un mois à partir du moment où

Page 33718

1 cette information a été transmise au général Clark jusqu'au moment où il a

2 répondu. Et ce, en dépit de toutes les ressources dont ils disposaient, ils

3 n'ont pas pu confirmer cette information.

4 R. Oui, c'est exact. Toutefois, le général Zavarzin le représentant russe

5 à l'OTAN, a essayé de coopérer avec les représentants du comité militaire

6 de l'OTAN en fonction de ces renseignements. Il a essayé d'avoir des

7 contacts bilatéraux. En fait, Klaus Naumann et d'autres généraux qui

8 faisaient partie de ce comité, n'étaient pas du tout au courant de ces

9 renseignements, alors que le général Clark a confirmé ce que je viens de

10 vous relater.

11 Q. Par conséquent, même ceux qui faisaient partie du cercle des initiés

12 n'étaient pas au courant de cette information, n'en savait rien.

13 R. C'est exact. Nous n'avons reçu aucune information, aucun renseignement

14 nous indiquant que les renseignements russes avaient fait l'objet

15 d'analyses et de discussions.

16 Q. Par l'entremise de votre représentant au sein de la Mission de

17 vérification, avez-vous pu savoir si les renseignements transmis au général

18 Clark ont été transmis à leur tour aux Missions de vérification pour

19 qu'elles puissent voir ce qui se passait sur le terrain au Kosovo ?

20 R. Non. Nous n'avons pas reçu ce genre de confirmation. Nos officiers qui

21 travaillaient au sein de la mission, disposaient de ces renseignements. Ils

22 ont essayé de transmettre ces renseignements aux représentants d'autres

23 pays qui faisaient partie de la mission. Toutefois, ils n'ont reçu aucun

24 aval, aucun soutien.

25 De surcroît, les représentants des pays de l'OTAN qui faisaient

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1 partie de la Mission de vérification ont, dans un premier temps, présenté

2 un rapport aux responsables de la Mission de vérification. Ils ont indiqué

3 que les données n'étaient pas objectives. En outre, ils ont mené à bien des

4 activités dont le but était de déstabiliser les forces de police, les

5 installations militaires. Nous, nous savions qu'ils avaient le matériel

6 suffisant pour pouvoir établir ce genre de renseignement.

7 Il y avait de nombreuses personnes très honnêtes au sein de la

8 mission. Je pense à des pays de l'OTAN et à des pays neutres d'ailleurs.

9 Mais il y avait d'autres qui ont mené à bien des activités afin justement

10 d'aider les futures attaques aériennes de l'OTAN.

11 Q. Général Ivasov, d'après ce que j'ai compris de vos explications, vous

12 avez parlé de ces exercices en Grèce, qui ont été considérés par la

13 direction militaire russe comme une intention très, très claire de la part

14 de l'OTAN qui voulait pénétrer en Yougoslavie. Cela était déjà manifeste et

15 évident à la mi-1998, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, c'est exact. Les rapports du ministère de la Défense de la Russie

17 et du ministère des Affaires étrangères, ont été transmis au président

18 Yeltsin qui a marqué son aval d'ailleurs avec ces rapports. Il s'agissait

19 des renseignements qui étaient à la disposition des autorités russes. Ils

20 ont défini leurs points de vues et leurs positions, compte tenu de ces

21 rapports. Il y a eu une négociation. Puis, le déploiement de la Mission de

22 vérification, en fait, n'était qu'un paravent destiné à dissimuler les

23 préparatifs de l'agression.

24 Il faut savoir qu'en sus, la direction yougoslave qui menait à bien des

25 négociations avec Holbrooke, avec Clark, avec Solana et avec d'autres, ont

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1 véritablement fait de nombreuses concessions, et se sont écartés en quelque

2 sorte de leur souveraineté, et ce, au lieu d'augmenter les activités

3 politiques. Il faut savoir que l'OTAN et la communauté internationale n'ont

4 rien fait vis-à-vis de, ou par rapport à l'intensification des activités de

5 l'UCK et de leurs activités terroristes, qui sont d'ailleurs, -- qui se

6 sont encore exacerbées lorsque la mission de l'OSCE a été déployée dans la

7 région. Par conséquent, nous avons conclu que les accords de la Mission de

8 vérification signée en octobre par Holbrooke et par Milosevic ainsi que les

9 autres accords, avaient été signés juste pour dissimuler les préparatifs de

10 l'agression.

11 Il faut savoir que lors des négociations, M. Solana et M. Clark indiquaient

12 de plus en plus fréquemment que les opérations militaires étaient

13 inévitables. M. Walker, à la fin de l'année 1998, a déclaré publiquement

14 que les Serbes n'avaient rien à faire au Kosovo.

15 Q. Les menaces augmentaient. Il y avait rassemblement de troupes. La

16 Yougoslavie était tombée sous le joug des sanctions des Nations Unies en

17 matière d'achat ou d'acquisition d'armes. Est-ce que c'est bien la

18 situation qui prévalait à l'époque ?

19 R. Oui, c'est exactement ce qu'était la situation. Le général Ojdanic, le

20 ministre Pavle Bulatovic, le ministre de la Défense de la Yougoslavie, nous

21 ont critiqué nous, officiels ou représentants russes, car l'UCK ne faisait

22 qu'augmenter ses forces alors que l'armée yougoslave ne pouvait même pas

23 recevoir de pièces de rechange pour son matériel. Nous en avons parlé avec

24 l'OTAN en indiquant qu'il n'y avait absolument pas égalité d'armes, parce

25 qu'il y avait d'un côté une organisation terroriste illicite qui ne faisait

Page 33721

1 que croître en force de jour en jour. Par ailleurs, il y avait l'armée

2 yougoslave qui n'avait pas le droit de faire la même chose. Nous avons

3 considéré qu'il s'agissait d'un des rouages des préparatifs de l'agression

4 dont le but était d'affaiblir les forces armées yougoslaves.

5 Q. Est-ce que les dirigeants de la Yougoslavie ont demandé à la Russie une

6 assistance militaire ?

7 R. Cette requête n'a pas été présentée au niveau officiel. La République

8 fédérale de Yougoslavie a respecté les sanctions. Personnellement, je pense

9 qu'il n'y avait aucun fondement pour ces sanctions. Ce sont des sanctions

10 qui ont été imposées par le conseil de Sécurité de l'ONU.

11 Les officiers de l'armée yougoslave nous ont reproché d'avoir facilité

12 l'agression et d'avoir facilité la tâche de l'UCK qui était l'allié de

13 l'OTAN.

14 Q. Au début de l'agression, quelle a été la position du ministre de la

15 Défense russe et de la direction militaire russe ?

16 R. Premièrement, je vous dirais que le président de la Russie, Boris

17 Yeltsin, le 25 mars, a appelé les frappes de l'OTAN un acte d'agression.

18 C'est le point de vue qui a été adopté par tous les autres ministres. 90 %

19 de la population russe considérait qu'il s'agissait d'un acte d'agression.

20 Il faut savoir que le chef de l'Eglise russe orthodoxe a indiqué qu'il

21 s'agissait d'un péché, le

22 25 mars. Il s'agissait du Patriarche Alexei. Il a indiqué qu'il s'agit d'un

23 crime qui était une violation du droit international.

24 Nous avons étudié avec beaucoup de circonspection les dispositions

25 juridiques de la charte des Nations Unies ainsi que les dispositions de

Page 33722

1 l'assemblée générale de 1974. J'ai moi-même analysé très soigneusement les

2 documents du procès de Nuremberg. Tous ces documents indiquaient qu'il y

3 avait une agression qui était menée à bien contre un état indépendant. Cela

4 correspondait à la seule position qui a été adoptée par la Russie à cet

5 égard.

6 Q. A l'époque, est-ce que l'accumulation ou le rassemblement des forces de

7 l'OTAN en Macédoine a continué ?

8 R. Oui. Ce rassemblement, ou cette accumulation de forces en Macédoine

9 ainsi qu'en Albanie s'est poursuivie, et ce, depuis le -- ou à partir du

10 début de l'agression. Ils créaient un groupe d'attaque qui allait commencer

11 à lancer une attaque contre la Yougoslavie. Nous avons pu l'observer cela.

12 Lors de la deuxième phase des frappes aériennes qui a commencé en mai, ce

13 rassemblement, ou cette accumulation de forces s'est un peu ralentie. Nous

14 avons reçu des renseignements de la part des ministres de la défense des

15 pays de l'OTAN, qui nous ont indiqué qu'il n'y aurait pas d'opération sur

16 le terrain puisqu'il n'y avait pas de consensus parmi les membres de

17 l'OTAN.

18 Les forces armées de la Yougoslavie, à l'exception des forces aériennes,

19 n'ont pas véritablement souffert de beaucoup -- été victimes de beaucoup de

20 pertes. Il faut savoir, par conséquent, que les plans qui consistaient à

21 aller de l'avant et à se lancer dans la campagne terrestre, n'ont pas été

22 mis en application, mais jusqu'à ce moment-là, l'accumulation continuait.

23 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement ce dont vous avez discuté

24 avec Walker lorsqu'il est venu vous voir ? D'après mes informations, cela

25 s'est passé le 12 février 1999.

Page 33723

1 R. Le 12 février, j'ai vu M. Walker. La première question que je lui ai

2 posée, consistait à savoir pourquoi les représentants russes de la mission

3 n'avaient pas le droit de présenter des informations objectives. Je lui ai

4 demandé pourquoi dans le rapport de la mission il n'était fait état que des

5 opinions des représentants de l'OTAN. Il faut savoir que les avis russes,

6 les avis de l'Ukraine, de la Suède et de la Finlande n'avaient pas été pris

7 en considération. M. Walker a répondu qu'il était difficile de travailler,

8 parce que les seules personnes qui ne portaient pas d'armes au Kosovo

9 étaient les membres de la mission, et que tous les autres portaient des

10 armes. Lorsque je lui ai demandé qui a armé l'UCK, M. Walker a rétorqué

11 qu'il y avait différentes sources dont il ne voulait pas donner les

12 détails.

13 Nous avons abordé une deuxième question. Je lui ai demandé quelles

14 étaient les perspectives d'une solution politique au problème du Kosovo. M.

15 Walker a répondu qu'au printemps 1999, la situation au Kosovo se

16 dégraderait, et que l'opération militaire était inévitable. C'est ce qu'il

17 m'a dit lorsque, j'en parlais tout à l'heure, lorsqu'il a dit que les

18 Serbes n'avaient rien à faire au Kosovo.

19 Q. C'était son point de vue, son point de vue suivant lequel les Serbes

20 devaient quitter le Kosovo. C'est un point de vue que vous avez bien

21 compris, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. C'était l'opinion indiquée publiquement un peu avant cela par lui.

23 Après, il me l'a confirmé.

24 Nous avons abordé une troisième question, il s'agit des activités du

25 renseignement mené à bien par différents représentants de plusieurs pays au

Page 33724

1 sein de la mission. Il s'agissait d'activités qui étaient menées à bien au

2 Kosovo. Il a refusé de le confirmer, en indiquant qu'il n'était absolument

3 pas au courant de la situation.

4 Q. Vous venez de nous dire que vous lui aviez posé une question. Vous lui

5 aviez demandé comment s'étaient armés les terroristes albanais au Kosovo,

6 et il vous a dit qu'il ne savait pas comment cela s'était effectué.

7 R. Oui, c'est exact. Il a mentionné des armes. Il a dit qu'il y avait des

8 armes de la Deuxième guerre mondiale qui avaient été censées être restées

9 là-bas. Il a également mentionné quelques autres sources dont il ne savait

10 rien, mais il a fermement réfuté l'idée suivant laquelle les pays de l'OTAN

11 et les Etats-Unis avaient fourni les armes, et il s'agissait des pays qu'il

12 représentait.

13 Q. Aviez-vous des renseignements suivant lesquels il leur avait fourni des

14 armes ?

15 R. Oui. Oui. Il s'agissait d'information indirecte. Sur le territoire du

16 Kosovo dans le nord de l'Albanie, des fusils de tireur d'élite avaient été

17 découverts. Il y avait également des mortiers, du matériel de vision

18 nocturne. Il y avait également des lanceurs de missile portable qui avaient

19 été fabriqués par les pays de l'OTAN.

20 Je n'ai que des informations indirectes, je n'ai pas d'information directe,

21 mais d'après ces informations indirectes, ces armes avaient été fournies à

22 partir du territoire de la Turquie par des filières officielles ou

23 officieuses. Il y avait certaines armes qui auraient pu venir de Croatie,

24 de Slovénie, de Bosnie-Herzégovine, étant donné que ces pays commençaient à

25 utiliser de nouvelles armes de l'OTAN.

Page 33725

1 Q. Pour ce qui est de l'armement des terroristes au Kosovo, il faut savoir

2 que c'est une question qui a été posée par le maréchal Sergeyev, le 18

3 février. Cela a été posée au ministre Scharping, qui était le ministre de

4 la Défense en Allemagne. Savez-vous quelle fût sa réponse ?

5 R. Oui. Je peux confirmer que c'est une question qui effectivement a été

6 posée à M. le ministre Scharping. M. le Ministre Scharping a évité de

7 répondre à cette question. Il a confirmé le fait que les armes arrivaient

8 aux terroristes dans cette région, et qu'il s'agissait d'un grand nombre

9 d'armes. Mais, il n'a pas confirmé que la source de ces armes était un pays

10 de l'OTAN. Il a indiqué qu'il y avait des filières qui provenaient du

11 Moyen-Orient et qu'il fallait veilleur au grain pour ce qui est de ces

12 filières du Moyen-Orient et du Caucase.

13 Q. Puisque la Russie faisait partie de la Mission de vérification, et que

14 les représentants russes siégeaient au sein de cette mission, veuillez dire

15 ce que vous considérez comme le plus important au sujet de leur travail au

16 sein de cette mission du travail des représentants russes.

17 R. La Russie a consenti à créer cette mission sans perdre de vue le fait

18 que l'action de cette mission était censée favoriser un règlement

19 pacifique. Un millier de membres de cette mission ont été déployés dans la

20 région, et à ce moment-là, il s'est avéré qu'ils étaient sans arme, qu'ils

21 n'avaient aucune protection, que leur liberté de circulation était limitée,

22 et qu'il leur était très difficile de recueillir des renseignements

23 objectifs. Cependant, en dépit de cela, la Russie a pris un certain nombre

24 de mesures visant à garantir que ces représentants puissent obtenir des

25 renseignements objectifs.

Page 33726

1 Mais permettez-moi de dire encore une fois que ces représentants envoyaient

2 leurs rapports au QG de la mission mais aussi à Moscou. A notre grande

3 surprise, nous avons appris que dans les rapports intermédiaires et dans le

4 rapport définitif, les objectifs des représentants russes, finlandais,

5 suédois, et ukrainiens au sein de la mission ont été ignorés. Nous avons

6 envoyé ces documents directement à l'OSCE ainsi qu'un certain nombre

7 d'organisations juridiques. Au mois de décembre 1998, j'ai discuté de cette

8 situation de nos représentants au sein de la mission avec

9 M. Ivanovski, qui en faisait partie. Je lui ai demandé pour quelles raisons

10 notre avis avait été ignoré.

11 Le 12 février, la même question a été posée à M. Walker, et le 18

12 février, le ministre de la Défense de Russie a posé cette question au

13 ministre Scharping également. Par conséquent, nous avons exercé des

14 pressions. Nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les

15 renseignements relatifs au Kosovo soient présentés de façon objective et

16 impartiale.

17 Nous avons demandé à M. Walker comment il se faisait qu'il semblait

18 rencontrer les représentants de l'Uceka, les représentants de la population

19 albanaise. Nous lui avons demandé pour quelles raisons, seuls les réfugiés

20 en Albanie et en Macédoine étaient interviewés, et pourquoi l'avis d'un

21 certain nombre d'autres organisations était ignoré. Nous lui avions demandé

22 comment il se faisait que M. Walker rencontrait rarement les représentants

23 des Serbes et autres groupes ethniques au Kosovo. Il a répondu en disant

24 qu'il manquait de temps pour agir autrement qu'il ne l'avait fait.

25 Q. En juger par ce que vous dites, le général Ivasov, suis-je en droit de

Page 33727

1 conclure que sur la base des résultats de recherche effectuée par vos

2 services, les rapports de Walker n'étaient pas objectifs.

3 R. Oui, je confirme ce fait. Par ailleurs, lorsque nous lui avons proposé

4 de donner davantage de force à la mission et de garantir la sécurité en

5 renforçant l'action entreprise, M. Walker n'a pas consenti à cela.

6 Q. Que dire dans ces conditions, des rapports émanant de "Human Rights

7 Watch," si l'on parle du constat que les rapports de la Mission de

8 vérification au Kosovo étaient ce qu'ils étaient.

9 M. NICE : [interprétation] Il y a tout de même des limites --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a pas dit cela M.

11 Milosevic. Votre question précédente consistait à lui demander si les

12 rapports de l'ambassadeur Walker étaient objectifs, et le témoin a confirmé

13 qu'ils n'étaient pas objectifs.

14 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, ce que --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et vous ne devez pas interroger le

16 témoin au sujet des rapports de "Human Rights Watch" en vous fondant sur le

17 qualificatif des rapports de la Mission de vérification au Kosovo qui ont

18 été qualifiés de non objectifs. Je pense que M. Nice fonde son objection --

19 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, en effet. Je n'ai pas

20 protesté par rapport aux nombreux avis qui ont été fournis dans le cadre de

21 la déposition ces derniers temps. La question immédiatement précédente

22 était, bien sûr, une question directrice mais la dernière question semble

23 être une demande d'avis personnel. L'admissibilité d'une telle question

24 serait censée d'écouler par déduction d'un avis exprimé précédemment, donc,

25 j'invite la Chambre, parce que le moment est peut-être tout de même venu de

Page 33728

1 tracer une limite.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne donne pas uniquement mon avis personnel,

3 je cite un rapport de l'OSCE. Le Kosovo, comme on le décrivait en octobre

4 1998 et en 1999, je cite : "Les autorités serbes et les instances chargées

5 de l'application de la loi n'ont agi avec rigueur que dans les régions où

6 étaient situées les bases militaires de l'Uceka. Les opérations unifiées

7 ont été dirigées contre des organisations terroristes et séparatistes qui

8 prenaient

9 ouvertement --"

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interrompe, mon Général.

11 Monsieur Milosevic, si le témoin doit parler de l'objectivité de la Mission

12 de vérification au Kosovo, et nous avons entendu ici des témoignages

13 émanant de cette Mission de vérification, ceci est tout de même d'une

14 certaine importance. Vous devez donc fonder cette analyse pour demander au

15 témoin une telle évaluation.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le général Ivasov vous a dit

17 clairement ici que les membres russes de la Mission de vérification lui

18 étaient soumis. Donc, tout en haut de la pyramide militaire, tout en haut

19 de la filière de commandement, il y avait le général Ivasov lui-même, qui

20 précisément avait un pouvoir sur les membres de la Mission de vérification

21 russes. Donc, il fonde son témoignage sur les rapports de ses subordonnés

22 qui se trouvaient au Kosovo et qui lui ont dit que Walker ne tenait aucun

23 compte de leurs rapports, et qu'ils étaient dans l'incapacité de recueillir

24 des informations pour les consigner dans le rapport envoyé à Vienne.

25 J'espère que ceci se situe hors de tout doute raisonnable dans l'esprit de

Page 33729

1 chacun, et qu'il est clair désormais qu'il y ait eu une manipulation.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez votre question au témoin au

3 sujet de la Mission de vérification du Kosovo, et M. Nice pourra contre-

4 interroger le témoin sur ce même sujet.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Les rapports produits par les membres russes de la Mission de

7 vérification au Kosovo, ont-ils été pris en considération ? Ont-ils été

8 traités sur un pied d'égalité par William Walker et ses collaborateurs ?

9 R. Le point de désaccord principal pour les membres russes de la Mission

10 de vérification et d'autres membres de cette Mission de vérification, ce

11 situait au niveau de la définition de qui était à l'origine des activités

12 terroristes agressives. Nous estimions que ses initiateurs étaient l'Uceka,

13 certaines forces politiques au Kosovo, et certaines sources extérieures.

14 Les représentants américains essayaient de prouver le contraire, en

15 affirmant que l'Uceka était une formation illégale qui s'opposait aux

16 violations provoquées par les forces de police serbe.

17 Nous leur avons démontré que la réalité, c'était que les instances

18 chargées du respect de l'ordre serbe agissaient uniquement en représailles

19 à des actions antérieures, à des actions déjà accomplies, pour tenter

20 d'empêcher le développement de l'instabilité et du terrorisme.

21 Malheureusement, M. Walker, dans son rapport, a tout rapproché aux

22 autorités yougoslaves et à la population Serbe. Voilà où se situait

23 principalement la contradiction.

24 Je peux citer ici, si vous le désirez --

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 33730

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, votre question

2 suivante.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Général Ivasov, si j'ai bien compris ce que vous avez dit au sujet des

5 conclusions tirées par les représentants russes au sein de la Mission de

6 vérification du Kosovo, c'est que les forces de notre pays ont, avant tous,

7 réagi au terrorisme, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, je le confirme.

9 Q. Bien, avançons.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, avez-vous dit, Monsieur,

11 qu'il y avait des documents qui le démontraient ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a des documents, à commencer par les

13 ordres émanant de l'état-major de l'armée populaire yougoslave, les ordres

14 donnés au corps de Pristina, et d'autres documents officiels qui démontrent

15 que les forces armées et les forces de police étaient chargées d'empêcher

16 une escalade du conflit, d'isoler les terroristes, et de défendre la

17 population civile pacifique. Nous possédons de tels ordres.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, je comprends cela, mais je

19 pensais à des rapports établis éventuellement par vos représentants au sein

20 de la Mission de la vérification du Kosovo, qui n'aurait pas été transmis à

21 l'époque au quartier général de l'OSCE.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces rapports étaient transmis verbalement, par

23 téléphone. Il y'en existait également qui se présentait par écrit sous

24 forme de document.

25 Certains de ces documents, certains de ces renseignements, ont été transmis

Page 33731

1 directement à l'OSCE. S'agissant du rapport dont j'ai déjà parlé, nous y

2 faisons connaître notre position.

3 Par ailleurs, l'organisation humanitaire internationale "Human Rights

4 Watch" a peut-être conclu que les points de vue de la commission de l'OSCE

5 étaient partiaux, et nous sommes d'accord là-dessus. Notre représentant a

6 également participé au travail de cette commission.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, disposez-vous

8 d'éléments de preuve susceptibles d'étayer ce que le témoin vient de

9 confirmer dans sa réponse à votre question, à savoir que vos forces n'ont

10 fait que réagir au terrorisme, ou pour être plus précis que les membres

11 russes de la Mission de vérification ont consigné dans leurs rapports que

12 vos forces, les forces yougoslaves, n'ont fait que réagir au terrorisme.

13 Avez-vous l'intention d'entendre des témoins sur ce point ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr, bien sûr. J'ai en tête un certain

15 nombre de témoins, des responsables officiels de notre police et de notre

16 armée ainsi que des témoins venant du Kosovo. Je ne saurais les énumérer

17 tous aujourd'hui, car le témoin que nous entendons actuellement est un

18 témoin important puisqu'il représente la direction militaire russe, à

19 savoir, les milieux d'où provenaient toutes les informations. Ses

20 représentants étaient sur le terrain pendant toute les durée des événements

21 au Kosovo.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je disais que vous pourriez peut-

23 être demander au témoin de parler de cela dans sa déposition, mais c'est à

24 vous qu'appartient la décision.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'agissant de la déposition de ce témoin, je

Page 33732

1 suppose que les choses sont tout à fait claires. Je ne sais pas si vous

2 demandez un élément de preuve susceptible de démontrer que le général

3 Ivasov dit la vérité. Me demandez-vous à moi de vous apporter la preuve que

4 le général Ivasov dit la vérité ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à vous qu'il appartient de

6 décider de la façon dont vous dirigez la présentation de vos moyens de

7 preuve. Le témoin vient de prononcer une déclaration importante, et la

8 Chambre devra déterminer le poids à accorder à cette déclaration. Bien

9 entendu, elle lui accordera un poids plus important si cette déclaration

10 est étayée par des documents écrits.

11 Nous allons faire une pause maintenant.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Mon Général, vous voulez dire

15 quelque chose ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire que je

17 serai bref, car demain, il faut absolument que je parte pour Moscou. J'ai

18 des engagements internationaux cette semaine à Copenhague au Danemark. Je

19 vous demande de garder cela à l'esprit.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle heure demain ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon vol est prévu à 11 heures du matin.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

23 M. NICE : [interprétation] Si cela peut aider la Chambre, j'indiquerais que

24 je pourrais, bien sûr, demander à rappeler ce témoin à la barre pour le

25 contre-interrogatoire à une date ultérieure. Je prévois que j'aurais tous

Page 33733

1 les arguments nécessaires pour ce faire le cas échéant. L'expérience que

2 nous avons depuis le début de ce procès, nous a prouvé à quel point il été

3 difficile pour un témoin de se rappeler le contenu intégral de sa

4 déposition. J'ai l'intention de me préparer autant que je peux le faire cet

5 après-midi, pour m'efforcer de terminer le contre-interrogatoire demain,

6 car je suis sûr que ce serait le plus agréable pour tout le monde.

7 Je ne peux pas garantir que je n'aurai pas à demander le retour de ce

8 témoin plus tard, mais je ferai de mon mieux pour l'éviter. Bien sûr, je

9 suis absolument dans l'incapacité de terminer le contre-interrogatoire

10 aujourd'hui.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Je comprends tout ce qui vient

12 d'être dit.

13 Monsieur Milosevic, vous ne pouvez pas gérer votre défense de cette façon.

14 Vous devez soumettre à la Chambre toute difficulté que vous pouvez avoir

15 sur le plan pratique, du point de vue des difficultés de transport ou

16 autres des témoins. Vous devez penser à la nécessité pour les témoins de

17 rentrer chez eux dans des délais acceptables. Ce témoin est, à mon avis, un

18 témoin important. Je prévoirais que le contre-interrogatoire puisse être

19 assez long.

20 Quels étaient les délais prévus pour ce témoin ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'avais prévu un peu plus de trois heures, mais

22 j'aurai, manifestement, besoin davantage de temps.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Général Ivasov, auriez-vous la possibilité de prendre un avion pour

25 Moscou demain dans la soirée ? Il doit bien y avoir un avion dans la

Page 33734

1 soirée, ce qui nous permettrait de continuer à travailler demain dans

2 l'après-midi.

3 R. Oui, si le personnel du Tribunal m'apporte son aide pour une nouvelle

4 réservation sur un vol dans la soirée, ce serait une possibilité.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons demander à la

6 Section chargée des Victimes et des Témoins de s'occuper da la chose.

7 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'étais en train de consulter mes

11 collègues pour voir s'il existe une possibilité que sa déposition se

12 termine effectivement demain. Mais on m'indique que demain est le dernier

13 jour prévu de toute façon. Donc, il devra revenir si sa déposition n'est

14 pas terminée.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je garde à l'esprit votre

16 proposition relative à la nécessité de produire autant de documents que

17 possible, même si je pense que la parole du général Ivasov fait autorité et

18 que cela devrait suffire. En même temps, je vous demande, Monsieur Ivasov,

19 si vous avez sur vous un document --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Puisque vous assurez

21 votre propre défense, c'est moi qui me chargerai de cette déclaration -- de

22 cette intervention. La déposition de ce témoin est importante. Ce témoin a

23 abordé un point que je considère comme extrêmement important, à savoir,

24 l'objectivité des rapports émanant de la Mission de vérification Kosovo. En

25 effet, une partie importante de la thèse de l'Accusation est centrée sur ce

Page 33735

1 problème. Le témoin déclare que ces rapports n'étaient pas objectifs. Il

2 fonde son propos sur le fait que les soldats russes qui faisaient partie de

3 la Mission de vérification lui ont rendu compte du fait que leur rapport

4 n'était pas pris en compte -- n'était pas autant pris en compte que les

5 autres rapports émanant de la mission et adressés au l'OSCE. Je considère

6 ceci comme quelque chose de très important.

7 La Chambre sera en mesure d'accorder un poids beaucoup plus important

8 à cette partie des éléments de preuve si vous pouvez l'étayer à l'aide de

9 documents, documents émanant, par exemple, des soldats russes présents sur

10 le terrain, qui faisaient partie de cette mission, et susceptibles

11 d'établir que leurs rapports n'étaient pas pris en compte. Car, à mon avis,

12 l'objectivité de la Mission de vérification au Kosovo est un élément tout à

13 fait capital dans la présente affaire.

14 Donc, ne cherchez pas à vous appuyer sur la déposition du témoin sur

15 ce point. Si vous avez d'autres éléments de preuve pour étayer le propos du

16 témoin, cela renforcera votre thèse. Cela vous permettra de confirmer

17 davantage l'argument déjà fourni par le témoin.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous comprends, Monsieur Robinson.

19 J'ai l'intention de citer à la barre d'autres témoins russes. Je voulais

20 également demander au général Ivasov s'il avait sur lui, en ce moment, des

21 documents qui pourraient être utilisés à l'appui du point que vous venez

22 d'évoquer. Si tel n'est pas le cas, je me les fournirai ailleurs. Bien sûr,

23 je présenterai des documents et des témoins qui pourront étayer ce propos.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Nombre de mes arguments se retrouvent par

25 écrit dans des documents de l'état-major de l'armée russe, dont je dispose

Page 33736

1 ici. Je dispose également de deux exemplaires d'ordre du Corps de Pristina

2 que je pourrais proposer à la Chambre demain ou même aujourd'hui à la fin

3 de l'audience. Ce sont des photocopies; ce ne sont pas des originaux.

4 Je pourrais proposer ces photocopies puisque aujourd'hui -- mais puisque

5 aujourd'hui je ne fais plus partie du monde militaire, il me faudra quelque

6 temps pour obtenir des autorités officielles confirmation de ces rapports

7 émanant de nos représentants membres de la mission.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

9 Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Veuillez brièvement dire Général Ivasov, pour quelle raison la Mission

13 de vérification a quitté le Kosovo ?

14 R. S'agissant de cette imitation de processus de maintien de la paix, et

15 j'insiste sur cette expression, imitation d'un processus de maintien de la

16 paix, je crois que la mission a réussi dans sa tâche sur ce plan. Elle a

17 également fourni un motif pour la mise en œuvre du plan destiné à lancer

18 une opération militaire contre la Yougoslavie. C'est la raison pour

19 laquelle elle a évacué le Kosovo avant le début de l'agression. La mission

20 a réussi dans ses objectifs, c'est-à-dire, dans la création d'une

21 couverture et dans la création de motifs justifiant l'agression. Elle a

22 également rempli avec succès la partie renseignement de son mandat. Elle a

23 réussi à décrire les bâtiments qui pouvaient servir de cible à ces

24 attaques. C'est pour cette raison que la mission a été démantelée

25 prématurément.

Page 33737

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour le compte rendu, je vous demande

2 une précision, avez-vous parlé d'invitation au maintien de la paix ou

3 d'imitation d'un processus d'un maintien de la paix ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait d'imitation.

5 L'objectif était de créer des motifs justifiant une opération militaire

6 sous la couverture de certaines prétendues conditions diplomatiques allant

7 dans le sens de la paix. Un prétexte a été créé qui a justifié l'opération

8 militaire. Ceci faisait partie du plan global sous-tendant l'opération

9 militaire en question. L'objectif consistait également à modeler l'opinion

10 publique de façon à ce qu'elle pense que le processus de paix n'était plus

11 possible, et que la Mission de vérification avait achevé son travail.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Racak, c'était quoi, Général ?

14 M. NICE : [interprétation] Je pense que ce serait peut-être une bonne idée

15 d'établir d'abord le niveau d'ouï-dire admissible dans la déposition, en

16 déterminant les sources d'information dont dispose le témoin.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, après tout ce

18 temps, vous devriez avoir compris qu'il vous faut établir le fondement de

19 ce genre de questions. Il est vrai que dans ce Tribunal, nous admettons

20 l'ouï-dire, mais il vous faut tout de même établir un fondement.

21 Le témoin n'était pas à Racak, je suppose. Comment peut-il avoir des

22 informations au sujet de Racak ? Vous devez l'établir.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le fondement d'information éventuelle au sujet

24 de Racak réside également dans le fait que ce témoin faisait partie des

25 milieux militaires dirigeants, supervisait la Mission de vérification, et

Page 33738

1 avait un certain nombre d'observateurs --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je me dois de

3 vous arrêter. Nous sommes déjà passés par là. C'est un problème technique.

4 Vous devez au préalable demander au témoin des renseignements qui

5 constituent le fondement de la suite de sa déposition. Ce n'est pas à vous

6 qu'il appartient de me dire ce que vous venez de dire ou de le dire à la

7 Chambre. Je ne vous demande pas de me dire cela, car ce n'est pas vous qui

8 témoignez. Vous êtes ici pour interroger le témoin, et c'est à lui qu'il

9 appartient d'établir le fondement de la suite de sa déposition. Ce n'est

10 pas de votre bouche que je souhaite entendre cela; je souhaite l'entendre

11 de la bouche du témoin.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai demandé au témoin ce qu'était Racak sur la

13 base des informations acquises par la Mission de vérification au Kosovo et

14 d'autres informations qui lui ont été transmises.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais poser la question au témoin.

16 Avez-vous la moindre information au sujet de ce qui s'est passé à Racak ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui ou non.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment est-ce que vous avez obtenu

21 ces informations ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai obtenu ces informations de la part de

23 l'ambassade russe, de la part des observateurs, de la part également où

24 cela venait, de par des observateurs russes qui étaient au Kosovo. Il y

25 avait la Mission de vérification également. L'essence de cette information,

Page 33739

1 la teneur de cette information était la conclusion officielle de M. Walker

2 --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un moment, je vous prie. Est-ce que

4 vous avez parlé à ces observateurs ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai parlé aux observateurs. Je peux

6 fournir des noms. Vous aviez, parmi à la tête, des observateurs russes. Je

7 leur ai parlé pendant deux ou trois jours après l'obtention des

8 informations.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ces observateurs étaient

10 présents à Racak ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions septiques à propos de la

12 conclusion de M. Walker.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à la question. Contentez-

14 vous de répondre à la question. Je voulais savoir si les observateurs avec

15 qui vous avez parlé étaient présents à Racak pendant cet événement ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, on ne leur a pas donné l'autorisation

17 d'aller à Racak.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment est-ce qu'ils ont obtenu ces

19 renseignements ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont obtenu ces renseignements en analysant

21 des activités de combat dans le secteur. Plus tard, nous avons utilisé des

22 renseignements qui provenaient d'experts indépendants -- d'experts médicaux

23 légaux de la Finlande, nous nous sommes également adressés à la population

24 locale qui n'avait pas vu de raids de la police dont le but était d'arrêter

25 un grand nombre de personnes, et qui n'ont pas témoigné que ces personnes

Page 33740

1 avaient été rassemblées dans un endroit afin d'être exécutées. Nous

2 n'avions pas obtenu ce témoignage. C'est pour cela que nous avions des

3 doutes à propos des conclusions de Walker.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. S'agissant d'appréciations qui vous ont été communiquées, de quoi

7 s'est-il agi à Racak ?

8 R. Nous avons des renseignements qui indiquent qu'il y a eu des combats et

9 des échauffourées entre les organisations -- entre des organisations

10 terroristes avec la police et les unités militaires de la République

11 fédérale de Yougoslavie. Nous avons des témoignages à cette fin. Toutefois,

12 il n'y a pas de preuves suivant lesquelles des arrestations ont été

13 effectuées. C'est pour cela que nous avions été extrêmement surpris par les

14 conclusions de M. Walker, qui ne se fondaient pas sur une enquête

15 méticuleuse. Il faut savoir qu'il n'y a pas eu de participation russe à

16 cela, à cette enquête.

17 Q. Merci, Monsieur Ivasov. Dites-moi, que savez-vous au sujet du début des

18 conflits armés et que savez-vous de la coopération entre l'OTAN et l'UCK

19 durant ces conflits armés ?

20 R. Nous en avons conclu qu'ils étaient alliés. A la suite des frappes

21 aériennes de l'OTAN, les activités de l'UCK se sont intensifiées à

22 l'époque, et il y a tout un travail de coordination qui a été mené à bien.

23 Les opérations terroristes ont été mieux organisées. Il y a eu une

24 intensification de ces opérations terroristes dans le territoire de la

25 province.

Page 33741

1 Certains représentants de l'UCK ont agi de concert avec certaines unités du

2 renseignement de l'OTAN qui avaient été déployées en Macédoine. Il y avait

3 coordination. Il y a eu une intensification des activités sous le couvert

4 des frappes aériennes, puis il y a eu une accumulation d'activités de

5 collectes de renseignement. Tout cela a confirmé l'existence d'une alliance

6 entre l'OTAN et l'UCK. Les contacts internationaux entre les représentants

7 politiques de l'UCK et les hauts représentants de l'OTAN confirment

8 d'ailleurs cela.

9 Q. Je vais, à présent, vous poser plusieurs questions sur ce que vous avez

10 appris au sujet de ces déplacements de la population. A cet effet, je vous

11 donnerai lecture de ce qui est dit à l'Article 104 de ce document de cet

12 acte d'accusation à mon encontre. On dit que le 24 mars 1999, et je me

13 réfère à l'article, au paragraphe 104, l'OTAN a entamé des frappes

14 aériennes. On dit ensuite : "Suite au début de ces frappes aériennes, les

15 forces de la RFY et de la Serbie ont entamé une campagne de grande

16 envergure, une campagne systématique pour chasser de ce territoire des

17 centaines de milliers d'Albanais du Kosovo du territoire du Kosovo."

18 Donc, on a lancé une campagne. Vous avez décrit tout à l'heure qu'il y a eu

19 coopération avec l'OTAN de la part de l'UCK pour ce qui est des attaques

20 lancées contre l'armée et la police. On affirme ici que ce sont nos forces

21 qui ont renforcé leur campagne à elle pour chasser la population de là-bas.

22 R. Je confirme maintenant qu'aucune information portant sur le fait que

23 les forces armées ou la police de la République fédérale de Yougoslavie ont

24 mené à bien des actions afin d'expulser la population civile. Ce genre

25 d'informations n'était pas disponible. Alors, je peux confirmer que j'ai eu

Page 33742

1 des discussions avec des Albanais qui avaient quitté le Kosovo au moment

2 des bombardements. Je peux d'ailleurs parler de réunions que j'ai eues ici,

3 il y a trois jours, avec des représentants de la diaspora albanaise qui ont

4 confirmé que le bombardement a été synonyme du début de la panique parmi la

5 population et de ces différents groupes ethniques. Tout à coup, tout le

6 monde a souhaité quitter le secteur où la guerre faisait rage.

7 A Bruxelles, les représentants de la Russie avaient confirmé qu'en mai

8 1999, le nombre de réfugiés qui avaient fui vers la Macédoine avait doublé.

9 La cause principale qui explique l'exode des réfugiés, dont le nombre a

10 triplé par rapport à la période précédente, d'après nos informations et

11 d'après les informations dont dispose le Haut-commissariat pour les

12 Réfugiés, cela avait atteint 600 000. Puis, il y avait également des

13 menaces d'opérations sur le terrain, ce qui fait que les gens quittaient le

14 théâtre des opérations de guerre. C'est la raison principale qui explique

15 cet exode massif des réfugiés.

16 Je réitère et indique que sous la menace des opérations terrestres, et sous

17 la menace des frappes aériennes, les forces armées de la Yougoslavie

18 assumaient leur propre défense, et cela explique le mouvement de soldats et

19 d'unités armées.

20 Q. Est-ce que cela signifie que les gens sont tout naturellement partis

21 des zones à risque élevé ? En votre qualité de soldat de militaire, vous

22 devez forcément avoir une explication. Nous sommes tout à fait clairs à ce

23 sujet.

24 R. Oui. C'était la raison principale. Permettez-moi d'ajouter que les gens

25 quittaient cet endroit non seulement pour se rendre vers des pays

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1 étrangers, mais ils se sont également enfuis vers la République fédérale de

2 la Yougoslavie. Parmi les réfugiés, on comptait des Serbes, des Albanais,

3 des Gitans, des Musulmans, des Catholiques. C'était la réaction naturelle

4 d'un peuple ou de personnes qui essayaient de se protéger. Ils sont allés

5 vers le Monténégro, la Vojvodine, Sandzak et, bien entendu, vers la Serbie.

6 Q. Vous avez dit tout à l'heure quelque chose au sujet d'une période

7 déterminée. Est-ce que cela signifie que cette vague de réfugiés s'est

8 manifestée après le début des bombardements de l'OTAN sur le territoire de

9 la Yougoslavie, et notamment sur le territoire du Kosovo ?

10 R. Oui, oui. Je confirme cela.

11 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas revenir à la charge à chaque

12 fois, mais il s'agit d'une question directrice qui n'aurait pas dû être

13 posée.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez reformuler la question,

15 Monsieur Milosevic. Avant de reformuler cette question, Monsieur Milosevic,

16 il s'agit, je vous le rappelle, d'une question importante. Si vous

17 présentez des éléments de preuve qui sont beaucoup plus directs que ce que

18 nous indique ce témoin à ce sujet, vous ne ferez que renforcer ce que vous

19 indiquez.

20 Par exemple, si vous êtes en mesure de présenter des éléments de preuve de

21 la part d'une personne qui a quitté les zones à risque, et que cette

22 personne nous explique pourquoi elle est partie, je pense que cela

23 renforcera considérablement la présentation de vos moyens à décharge.

24 Reformulez la question de telle sorte qu'elle ne soit plus directrice.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 33744

1 Q. Vous avez entendu parler d'une expression qui est l'expression de la

2 "catastrophe humanitaire," Général Ivasov, oui ou non ?

3 R. Oui, Monsieur le Président.

4 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui a causé ce phénomène qualifié par la suite

5 de "catastrophe humanitaire" ?

6 R. Essentiellement, c'était la menace pour la vie de toute la population

7 civile. Puis ensuite, il y avait cette menace contre tout le système,

8 l'infrastructure, et tout le système d'utilités publiques. Puis

9 troisièmement, il y avait l'absence d'approvisionnement alimentaire et les

10 produits de base. Nous avions également des renseignements suivant lesquels

11 les membres de l'Uceka, même avant le bombardement, et puis surtout après

12 le début du bombardement, ont pris leurs familles nombreuses pour les

13 envoyer loin de la province. Je peux citer le Haut-commissariat aux

14 Réfugiés, qui a dit qu'en juin 1998, il n'y avait qu'entre 10 et 12 000

15 réfugiés, alors qu'en mars 1999, il y en avait 200 000. Jusqu'à la fin du

16 bombardement, il faut savoir que ce chiffre a atteint le chiffre de 600

17 000. Donc, le conflit précédent et les confrontations précédentes dans la

18 province, n'avaient pas provoqués cet exode massif des réfugiés comme l'ont

19 fait les frappes aériennes.

20 A propos de la catastrophe humanitaire, toute la population, non seulement

21 du Kosovo et de la Yougoslavie, mais également toute la population des pays

22 avoisinants, sont d'avis pour avancer aujourd'hui qu'il existe une

23 véritable catastrophe humanitaire. Car il faut savoir que 70 % de la

24 population du Kosovo est au chômage, 40% de la population ne mange pas à sa

25 fin. Il faut savoir que les systèmes ne fonctionnent pas, l'infrastructure

Page 33745

1 ne fonction pas.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demandais quelle était la

3 pertinence de cet élément de preuve, la catastrophe humanitaire

4 d'aujourd'hui. Ce n'est pas le thème. Quoi qu'il en soit, passez à autre

5 chose. Je pense que vous avez de toute façon répondu à la question.

6 Question suivante, Monsieur Milosevic.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Si je vous ai bien compris, ce malheur, ces vagues de réfugiés, ont été

9 occasionnés par l'agression de l'OTAN. Est-ce là la conclusion claire qui a

10 été tirée par la direction militaire de la Russie ?

11 R. Oui, je peux confirmer cela. Oui. Il s'agit de l'opinion officielle du

12 gouvernement russe et de ma conviction personnelle.

13 Q. Général Ivasov, étant donné que vous avez eu des contacts très

14 fréquents avec la direction militaire de la Yougoslavie, avez-vous disposé

15 de quelque renseignement que ce soit au terme duquel il aurait été fait des

16 plannings ou il aurait été donné des ordres susceptible de mettre en danger

17 la vie paisible des citoyens ordinaires du Kosovo et Metohija, et qui se

18 trouverait en corrélation avec une déportation, un déplacement, des

19 persécutions, et cetera ?

20 R. Non, je ne dispose pas de ce genre d'information. J'ai vu de nombreuses

21 ordres, effectivement, qui avaient été émis par les forces armées

22 yougoslaves. Qui plus est, les Russes ont exercé des pressions au niveau

23 diplomatique ainsi qu'au niveau militaire, et ce afin d'empêcher que les

24 forces yougoslaves ne prennent des mesures qui dépasseraient les mesures

25 prises pour assurer la sécurité nécessaire. Les officiers yougoslaves nous

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1 ont toujours montré leurs documents, notamment les ordres donnés au corps

2 de Pristina. Il faut savoir que ces ordres incluaient des éléments tels que

3 ce qui

4 suit avant des attaques contre les terroristes : la population civile doit

5 être mise en garde et doit savoir qu'il va y avoir des activités de combat.

6 Ce sont des ordres, en fait, qui ont été donné même pendant les frappes

7 aériennes contre la Yougoslavie. Puis, il faut savoir que cela a une

8 importance par rapport à l'exode de masse des réfugiés, parce qu'il y a eu

9 des frappes de l'OTAN contre des cibles civils, notamment contre des

10 colonnes de réfugiés.

11 Q. Avez-vous reçu des informations au terme desquelles la direction

12 militaire et moi-même en personne, aurions donné des ordres de diligenter

13 des enquêtes au sujet de tout crime perpétré là-bas, afin que tous auteurs

14 de crimes soient traduits en justice ?

15 R. Le général Ojdanic, chef d'état-major, a présenté à nos dirigeants

16 militaires, notamment à moi-même, des ordres afin que soient menées à bien

17 des enquêtes sur les activités de certains militaires, qui ont en fait

18 dépasser le cadre des mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité. Ils

19 sont des personnes qui ont réagit de façon un tant soit peu trop émotive

20 dans leurs activités contre les terroristes. Alors, nous savons que ces

21 mesures ont existé. Nous savons que ces personnes ont été condamnées.

22 Lors des réunions avec le président Milosevic, j'ai entendu, tout comme le

23 maréchal Sergeyev et le premier ministre Primakov, qu'ils ont entendu tout

24 autant que moi, des termes tels que "il ne fallait pas autoriser les

25 tensions ethniques." Nous avons entendu des propos qui indiquaient qu'il

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1 était nécessaire de restaurer la paix au Kosovo, et nous n'avons rien

2 entendu qui aurait pu jeter le discrédit sur les Albanais du Kosovo. C'est

3 une approche vis-à-vis de tous les groupes ethniques qui était le même.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, saviez-vous s'il y avait des

5 paramilitaires qui étaient opérationnels pendant cette époque-là ? Est-ce

6 que ces paramilitaires étaient placés sous le contrôle des dirigeants

7 militaires ou non ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que je connaissais la majorité des

9 dirigeants militaires du ministère de la Défense et de l'état-major. Je

10 peux donner les noms de M. Ojdanic, Perisic, Galic, et d'autres. Je

11 connaissais également des commandants de corps. Bien entendu, je voyais

12 également des officiers moins gradés, mais je ne les connaissais pas.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à la

14 question.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous ai posé une question à propos

16 des paramilitaires.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Nous étions conscient

18 de ce phénomène, et nous supervisions les activités de ces dirigeants. Je

19 pense à Hashim Thaci, par exemple, et à d'autres. Alors, je ne sais pas,

20 peut-être -- je ne sais pas si c'est ce que vous souhaitiez obtenir comme

21 réponse.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais est-ce que vous étiez

23 également conscient des paramilitaires qui opéraient du côté serbe ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends maintenant, Monsieur le

25 Juge. Nous avons vérifié cette information, qui n'a pas été confirmée. Il y

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1 avait de temps à autres, des tentatives sporadiques effectuées de la part

2 d'habitants serbes au Kosovo qui voulaient organiser des unités

3 d'autodéfense, mais cela n'était pas vu d'un très bon œil par le

4 commandement militaire. Il n'y avait pas d'organisation structurée de ces

5 paramilitaires. Il s'agissait, plutôt des tentatives de la part de la

6 population locale qui voulait se protéger contre des actes terroristes ou

7 contre ces violences, mais il n'y avait pas de grandes structures de

8 formation paramilitaire. Je ne connais pas leurs dirigeants, s'ils

9 existent.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Mon Général. Monsieur

11 Milosevic, poursuivez, je vous prie.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Général Ivasov, avez-vous recueilli des informations portant sur des

14 crimes perpétrés de l'UCK à l'égard de citoyens paisibles, non seulement à

15 l'égard de non-Albanais, mais d'Albanais aussi bien.

16 R. Oui, oui, nous avions ce type de renseignements. J'ai même des

17 chiffres. J'ai même le nombre des victimes des différents camps. Nous

18 recevions ces chiffres de la part de l'OTAN et de la part des dirigeants

19 yougoslaves. Les actes terroristes ont véritablement fait des victimes

20 parmi les Albanais, qu'ils soient catholiques ou musulmans, parmi les

21 Romas, parmi d'autres communautés ethniques. Il y avait un plus grand

22 nombre de victimes parmi les Serbes, notamment parmi les soldats et les

23 forces de police. Là, le nombre des victimes dépassait le nombre des autres

24 victimes.

25 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet des activités organisées

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1 déployées par l'UCK en vue de chasser des civils du Kosovo, à savoir, en

2 vue de les envoyer vers la Macédoine et l'Albanie ?

3 R. Oui, oui, je le sais. C'est justement l'UCK qui avait organisé deux

4 itinéraires pour les réfugiés pour qu'ils puissent traverser la frontière

5 vers la Macédoine. C'était un des itinéraires. Il y avait également un

6 autre itinéraire vers l'Albanie. En outre, ils diffusaient des

7 renseignements et faisaient courir le bruit suivant lequel que dans les

8 pays européens les réfugiés avaient une bonne vie; ce qui n'a fait

9 qu'augmenter en quelque sorte l'exode de masse. Je sais même que des

10 Albanais catholiques qui ont refusé de se rallier à l'UCK sont devenus

11 victimes de leur violence ou ont été obligés de s'enfuir. Nous avons

12 également des preuves qui indiquent qu'après le recrutement forcé de

13 certains hommes au sein d'unités de l'UCK, étant donné qu'ils voulaient

14 éviter qu'ils désertent les unités en question, leurs familles étaient

15 prises en otage.

16 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de la façon dont les civils ont servi

17 de boucliers humains à l'occasion de différentes opérations déployées au

18 Kosovo ?

19 R. Oui, oui. Nous avons reçu ces informations de nos collègues serbes, de

20 l'attaché militaire qui se trouvait à notre ambassade à Belgrade. Nous

21 avons également obtenu ces renseignements de la part de nos services

22 secrets. Il faut savoir que c'est une question qui a fait l'objet de

23 discussions avec les représentants de l'armée yougoslave lors de nos

24 réunions conjointes. Ils nous ont montré des documents convaincants qui

25 confirmaient que pendant les opérations de combat, les terroristes se

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1 rendaient dans des zones peuplées, et utilisaient les habitants locaux

2 comme boucliers humains. Même d'ailleurs au niveau de leur base militaire,

3 ils utilisaient des civils comme boucliers humains. Cela, je peux tout à

4 fait le confirmer.

5 Q. Général Ivasov, avez-vous connaissance de l'existence d'ordre à

6 l'intention de l'armée et de la police, disant qu'il ne fallait ouvrir le

7 feu en direction de l'UCK si possibilité il y avait de voir périr des

8 civils ?

9 R. Oui. L'état-major de l'armée yougoslave m'a montré ce genre d'ordres.

10 On me les a montrés. Il y avait même une disposition dans ces ordres,

11 suivant laquelle la population civile devait mise en garde à propos de ces

12 activités militaires potentielles. Ce sont des ordres, et d'ailleurs cela a

13 été réitéré par le président Milosevic durant de nombreuses réunions, car

14 il voulait absolument s'assurer que le nombre de victimes soit minimisé

15 dans la mesure du possible lors des mesures prises contre les organisations

16 terroristes.

17 Q. Une question concrète portant sur vous-même, Général. En date du 22

18 décembre 1998, si mes renseignements sont bons, vous avez fait une

19 déclaration au sujet de la politique que l'on conduisait à l'encontre de la

20 Yougoslavie. Le 22 décembre 1998 est la date en question. Peut-être que je

21 me trompe, mais je crois que vous avez fait une déclaration officielle au

22 nom du commandement militaire suprême de la Russie.

23 R. Oui, cette déclaration existe, et j'ai été habilité à prononcer une

24 déclaration au nom du ministère de la Défense de la Fédération russe.

25 Auparavant, j'avais dit qu'en décembre 1998, la direction militaire russe

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1 avait pris connaissance du plan exhaustif visant la préparation et la mise

2 en œuvre de l'agression contre la République fédérale de Yougoslavie. A la

3 suite de l'analyse et des consultations au sein du ministère de la Défense

4 de Russie, nous sommes parvenus à la conclusion suivant laquelle

5 l'agression allait se produire. Nous savions également quels étaient les

6 objectifs de l'agression.

7 Le président Yeltsin a pu prendre connaissance de ces conclusions. En

8 vertu, ou à la suite d'ordres qui m'ont été fournis par le ministère de la

9 Défense le maréchal Sergeyev, j'ai fait, ou j'ai présenté cette

10 déclaration, une déclaration indiquant que la République fédérale de

11 Yougoslavie allait être divisée, que le régime actuel de la Yougoslavie

12 allait être renversé et que la Kosovo ne ferait plus partie de la

13 Yougoslavie.

14 J'ai également fait une déclaration pour indiquer qu'après l'agression, les

15 forces de l'OTAN pénétreraient dans la région en question et établiraient

16 leur base militaire là.

17 Q. Merci, Général Ivasov. Veuillez nous dire quelques mots au sujet de la

18 conférence de Rambouillet. Vous avez suivi cette conférence à Rambouillet,

19 n'est-ce pas ? Après la première phase de cette conférence, est-ce que le

20 ministère de la Défense de la Fédération russe a également estimé qu'il

21 allait y avoir une agression lancée sur la Yougoslavie ?

22 R. Oui, j'ai cette information. Car d'un côté les représentants russes ont

23 cru que la communauté internationale en Europe empêcherait l'escalade de

24 cette crise. Par conséquent, il y avait plusieurs mécanismes qui avaient

25 été proposés pour garantir que la conférence de Rambouillet déboucherait

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1 sur une solution pacifique. Nous étions convaincus que tous les mécanismes

2 visant la paix n'avaient pas été utilisés.

3 Par ailleurs, nous étions également opposés à une opération militaire

4 parce qu'elle menaçait non seulement la République fédérale de Yougoslavie,

5 mais l'ensemble du système de sécurité internationale. Nous pensions que

6 cela allait entraîner la destruction des normes et des concepts de droit

7 international, et que cela allait perturber le système de sécurité

8 internationale collectif en Europe. Nous avions, en fait, dans le cadre de

9 ce système, négocié différentes structures en Europe.

10 Nous étions également d'avis que les préparatifs militaires visant

11 l'agression se trouvait déjà dans un état pas assez avancé, et qu'il était

12 difficile d'y mettre un terme. Bien qu'il y ait de nombreux diplomates qui

13 pensaient encore qu'il était tout à fait dans le domaine du possible de

14 juguler cela, nous, les militaires, nous pensions qu'il n'était pas

15 possible de le faire parce que les préparatifs étaient complets, et que

16 tout le reste, tout ce dont ils avaient besoin c'était un prétexte.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, veuillez

18 poser la question suivante.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Dans l'une des déclarations que vous avez faites, et peut-être que je

21 me trompe au niveau de mes souvenirs, rectifiez-moi si je me trompe. Vous

22 avez parlé de raisons humanitaires qui ont servi de paravent, de prétexte

23 pour cette intervention. Quelles sont les raisons véritables de ces

24 activités de l'OTAN contre la Yougoslavie ?

25 M. NICE : [interprétation] Je pense que la question ne doit pas être posée

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1 comme elle a été posée. "Vous avez indiqué que les raisons humanitaires ont

2 été utilisées pour dissimuler certaines choses." Soit le témoin se souvient

3 de ce qu'il a dit, soit qu'il faut qu'il ait une copie imprimée. On ne peut

4 pas poser des questions de ce style.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, cette

6 objection est fondée. J'aimerais savoir si le témoin a cette déclaration.

7 Est-ce que vous avez cette déclaration, Monsieur ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne l'ai pas. Toutefois, je me

9 souviens. Je peux tout à fait confirmer les conclusions des dirigeants

10 militaires russes. Les objectifs des opérations de l'OTAN menées à bien

11 contre la Yougoslavie, étaient étayés par ce qui suit : parce que pendant

12 les frappes aériennes de l'OTAN, nous avons été en mesure de voir que

13 l'ensemble du territoire de la République fédérale de Yougoslavie a été

14 transformée en vaste champ de manœuvre ou champ d'exercice où ils ont pu

15 mettre à l'épreuve leurs nouvelles armes.

16 Sur ce territoire, ils ont mis à l'épreuve et testé plus de 40 types de

17 munitions fabriquées par un fabricant américain. Toute l'industrie

18 militaire américaine y a participé. Je peux vous donner les noms de

19 certains types de munitions qui ont été utilisées.

20 A la suite de cela, nous en avons conclu, le 5 mais 1999, que le Kosovo et

21 le territoire de la République fédérale de Yougoslavie étaient utilisés

22 pour tester de nouvelles munitions qui ont été utilisées. Il y avait, par

23 exemple, des munitions qui contenaient de l'uranium appauvri. Voilà une

24 autre raison --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Question suivante, Monsieur

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1 Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Veuillez m'indiquer Général Ivasov, s'il y a effectivement eu de la

4 part des organisateurs de Rambouillet et de la part de l'OTAN de s'assurer

5 d'un accord politique aux fins de protéger la population albanaise et

6 innocente, ou l'objectif a-t-il été d'obliger la Yougoslavie à autoriser

7 l'OTAN et les troupes de l'OTAN à entrer et à se déployer sur le territoire

8 de la Yougoslavie ?

9 R. Oui, je pense qu'il s'agissait d'une provocation. Si vous le souhaitez,

10 Messieurs les Juges, je peux vous donner le nom d'un ministre d'un pays de

11 l'OTAN qui, en février 1999, a fait la déclaration suivante : il a dit que

12 Mme Albright s'était rendue à Rambouillet, et que par conséquent, il était

13 très improbable que l'on parvienne à un accord. Même au sein de l'OTAN,

14 d'aucuns pensaient que Rambouillet n'allait pas permettre de déboucher sur

15 une solution politique.

16 Le même ministre de la Défense avait même dit que si l'un des camps

17 acceptait les conditions du document américain, l'autre camp refuserait

18 d'accepter parce qu'il s'agissait d'un ultimatum. Par conséquent, l'échec

19 des négociations serait une raison de commencer la guerre.

20 Q. J'ai l'impression que soit que les interprètes sont fatigués, soit il y

21 a un problème d'interprétation. J'ai l'impression que le général Ivasov n'a

22 pas bien entendu la question que j'ai posée.

23 Ma question a été, est-ce que l'intention de l'OTAN avait véritablement été

24 celle de protéger la population albanaise innocente comme on l'affirmait,

25 ou l'objectif avait-il été d'obliger la Yougoslavie à autoriser l'entrée et

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1 le déploiement des troupes de l'OTAN sur le territoire de la Yougoslavie ?

2 R. Oui, je peux confirmer que cet objectif existait. Il s'agissait de

3 déployer les troupes de l'OTAN sur le territoire de la République fédérale

4 de Yougoslavie. D'ailleurs, cela se trouvait dans les requêtes qui ont été

5 données par M. Holbrooke. Cela se trouvait également dans les déclarations

6 de M. Solana et du général Clark. Le même objectif a été retrouvé à

7 Rambouillet, à savoir, perturber les négociations, accuser les Serbes de

8 tout et trouver un prétexte au début des opérations qui avaient été

9 préparées à l'avance. Les avions étaient prêts au niveau des bases

10 aériennes.

11 Q. Général Ivasov, pensez-vous qu'à l'occasion de cette agression de

12 l'OTAN contre la Yougoslavie les forces armées de cette dernière sont

13 sorties du cadre de ce qui est considéré comme étant le cadre de la

14 nécessaire et légitime défense ?

15 R. Non.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit d'une question juridique

17 pour la Chambre. Est-ce que vous pouvez poser une autre question ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le témoin est un général de

19 corps d'armée, il est très au courant des activités déployées par l'armée

20 yougoslave pendant la guerre. Par conséquent, je pense que c'est une

21 personne tout à fait compétente pour ce qui est d'évaluer cette

22 intervention, et nous dire si cette armée est sortie du cadre de la

23 nécessaire autodéfense pendant cette agression. Je ne sais pas, qui entre

24 vous, serait être plus compétent pour en juger si ce n'est le général

25 Ivasov lui-même.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il faut voir si la nécessité est

2 l'un des éléments qui explique l'autodéfense. C'est une question qui devra

3 être abordée par la Chambre. Vous pourriez, par exemple, demander ou poser

4 des questions au témoin, poser des questions qui ont trait à des situations

5 factuelles. Mais je ne vous autoriserai pas à poser une question de ce

6 style car il appartient à la Chambre d'en décider.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. De quelle façon est intervenu l'armée de la Yougoslavie selon vous,

10 général Ivasov ?

11 R. Je pense que l'armée yougoslave a agi comme elle devait le faire. Elle

12 a effectué des manœuvres, elle a modifié sa structure afin de réagir vis-à-

13 vis des frappes aériennes et vis-à-vis des attaques terrestres. Il se peut

14 qu'il y ait eu des fautes pour ce qui est de l'organisation des soldats.

15 Toutefois, l'armée et l'état devaient se comporter de cette façon afin de

16 défendre leur état.

17 Q. On va encore dire que c'est une question subjective. Général Ivasov,

18 que savez-vous nous dire, qu'avez-vous oui dire au sujet d'un projet

19 qualifié de projet de Grande Serbie ?

20 R. Oui, Monsieur le Président. J'en ai entendu parler en lisant de la part

21 des mass média de certains pays occidentaux. C'est un concept dont je n'ai

22 jamais entendu parler lors de mes contacts avec les dirigeants et avec le

23 ministère de la Défense de la Yougoslavie. Je n'ai absolument aucune preuve

24 indiquant que ce thème avait fait l'objet de discussions.

25 Lors de mes contacts avec l'OTAN, c'est une question qui n'a jamais été

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1 soulevée par l'OTAN. Nous avons parlé de la question de la Grande Albanie.

2 Toutefois, lors de nos contacts avec l'OTAN, nous n'avons pas pu nous

3 mettre d'accord sur le fait que ce concept de la Grande Albanie

4 correspondait à un concept réaliste. Nos collègues de l'OTAN nous ont

5 toujours assurés que c'était un concept qui était en fait chéri par

6 certaines personnes radicales. Mes collègues russes n'ont jamais reçu ce

7 genre d'information et, par conséquent, je ne peux absolument pas confirmer

8 que ce genre de projet n'a jamais existé.

9 Q. Général Ivasov, et ce sera ma dernière question pour vous, comme vous

10 nous l'avez dit, vous avez eu sept rencontres avec moi.

11 R. Oui.

12 Q. Partant de toutes ces rencontres, quelle a été la chose en faveur de

13 laquelle je me suis essentiellement employé ? Quelle est votre impression

14 au sujet de ce qui a été ma politique et ce qui a été la politique de la

15 Yougoslavie pendant toute cette période où lesdites rencontres ont eu

16 lieu ? Quel est l'élément principal que vous pourriez mentionner, qu'il

17 soit positif ou négatif ? Veuillez nous l'indiquer.

18 R. Oui. Je peux effectivement confirmer que nous avons eu sept réunions

19 et, comme je l'avais indiqué, ces réunions n'ont pas été brèves. Chacune de

20 ces réunions a duré de trois à six heures. Par conséquent, nous avons eu

21 tout le loisir de discuter de plusieurs éléments.

22 Je peux, par exemple, confirmer qu'il n'y a pas eu de sentiments agressifs

23 exprimés, qu'il n'a pas été question de violer les droits des Albanais,

24 qu'il n'a pas été question de les opprimer. Il n'y a pas eu de discussions

25 portant sur la répression des droits de la population albanaise ou sur le

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1 fait que ces droits devaient être limités.

2 Bien au contraire. Le président Milosevic a discuté de ses plans. Peut-être

3 que ses plans étaient un tant soit peu trop idéalistes, mais il s'agissait

4 d'établir la paix dans cette région. Ces plans prenaient en considération

5 également l'évolution de la région. Il a cité des documents qui avaient été

6 adoptés à propos, par exemple, de l'éducation dans une région où la

7 priorité était accordée à l'éducation des Albanais. Il a parlé et s'est

8 exprimé à propos des droits des Albanais et a parlé d'un certain degré

9 d'autonomie, et a également indiqué que toutes ces questions devaient faire

10 l'objet de discussions pour éviter tous malentendus. Il a également parlé

11 et indiqué à toutes les réunions que l'objectif principal du gouvernement

12 qu'il dirigeait était de prévenir et d'empêcher toute violence dans la

13 région et d'encourager le développement.

14 Il a imposé des limites aux militaires pour ce qui est de leur lutte contre

15 les organisations terroristes. Lorsque l'agression de l'OTAN contre la

16 Yougoslavie a commencé, un groupe d'experts militaires qui n'étaient pas en

17 service actif à l'époque --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, mon Général. Je

19 pense que vous avez répondu à la question.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai cru comprendre que le général allait dire

21 quelque chose au sujet de l'opération militaire en tant que telle.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais juste dire une phrase. Puis-je ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous, les militaires russes, avions proposé de

25 repousser l'agression dans le territoire d'autres états où était déployé

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1 l'OTAN; par exemple, le territoire de la Macédoine. Cela est le droit de

2 tout état. Le président Milosevic a refusé que ce genre d'action soit

3 effectué parce qu'il a indiqué que cela ne ferait que propager le conflit à

4 d'autres états tels que la Macédoine.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Ivasov --

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne remets pas cela en

9 question, j'ai effectivement dit que j'avais une dernière question mais je

10 me suis trompé. Il y a une petite question factuelle que je souhaiterais

11 encore poser aux fins que l'on entende la vérité au sujet d'un événement.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'écoute les interprètes. C'est la raison

14 pour laquelle je fais des petites pauses.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Général Ivasov, vous avez été membre d'une délégation qui s'est rendue

17 en Yougoslavie aux côtés de Chernomyrdin lorsque, avec Atasari au nom du

18 Groupe G8, il a proposé les conditions du cessez-le-feu, et de la cessation

19 des hostilités ?

20 R. Oui, oui, c'est exact. Je faisais partie de cette délégation avec le

21 représentant spécial du président russe et l'objectif était de trouver une

22 solution pacifique.

23 Q. Comme vous devez vous en souvenir, il s'agissait d'une proposition du

24 G8 qui garantissait à la Yougoslavie sa souveraineté et son intégrité

25 territoriale --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais devoir vous interrompre, car

2 on vient de me dire que nous sommes en train de retarder le début de la

3 prochaine audience qui doit siéger dans ce prétoire. Ce n'est pas ainsi

4 qu'il faut se comporter.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai besoin que d'une minute.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic. Vous

7 l'aurez demain.

8 M. NICE : [interprétation] Alors, il est évident que le contre-

9 interrogatoire va commencer demain matin. Je pense qu'il va falloir

10 envisager le fait que nous allons devoir demander au témoin de partir et de

11 revenir à une date ultérieure, peut-être avec des documents. J'aimerais

12 demander à l'accusé de garder cela à l'esprit, et de faire en sorte que son

13 témoin suivant soit disponible, parce que si je présente une requête afin

14 que ce témoin revienne, il faudra qu'il revienne avec les documents

15 appropriés pour pouvoir répondre au contre-interrogatoire, et par

16 conséquent, il apparaît à l'accusé, c'est sa responsabilité de faire en

17 sorte, de pouvoir le faire.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous présentez ce genre de

19 requête, nous devrons l'examiner.

20 N'allons pas retarder davantage. Nous allons lever l'audience.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez un témoin,

23 Monsieur Milosevic, pour demain ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, oui nous avons un témoin

25 pour demain, mais j'ai cru comprendre que c'est le général Ivasov qui

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1 devait continuer à témoigner demain.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons lever l'audience jusqu'à

3 9 heures demain matin.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le mercredi 24

5 novembre 2004, à 9 heures 00.

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