Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 2 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pouvez

7 poursuivre votre contre-interrogatoire.

8 LE TÉMOIN: VUKASIN JOKANOVIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, la première pièce à

12 conviction, comme promise, est maintenant mise à votre disposition. Elle a

13 été distribuée. Je vais vous expliquer de quoi il s'agit. Il s'agit d'une

14 collection d'élément de source ouverte. Il se peut que je fasse référence à

15 chaque page, ou non, car nous avons peu de temps, et il y a un domaine

16 assez important à couvrir avec ce témoin. Il me semblait plus approprié

17 d'avoir une collection de documents de source ouverte disposée en ordre

18 chronologique, et si je dois choisir certains documents, je puis, à ce

19 moment-là, me tourner vers le haut de la page à droite pour pouvoir

20 retrouver le numéro de la pièce.

21 Si je ne fais pas référence à chaque numéro de page, la Chambre décidera

22 peut-être de retirer certaines pages à la fin, mais il me semblait plus

23 efficace, ou plus facile à gérer de le présenter de cette manière.

24 Q. Ceci n'est qu'en anglais, Monsieur Jokanovic, malheureusement, le texte

25 n'est qu'en anglais. Je vais demander à M. l'Huissier de disposer ceci sur

Page 34088

1 le rétroprojecteur, s'il vous plaît, la deuxième page du document que nous

2 avons examiné hier après-midi. à savoir l'extrait du New Times, c'est daté

3 du 12 juillet 1982.

4 Nous avions, je crois, regardé la citation de M. Jokanovic, et simplement

5 pour reprendre ceci, il l'a expliqué, c'est exact, Monsieur Jokanovic, vous

6 avez décrit à ce journal les quatre raisons pour le départ; elles étaient

7 socio-économiques, migration normale, climat politique négatif, pressions

8 directes et indirectes.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez faire en sorte

10 qu'on voit le haut de la page sur le rétroprojecteur ?

11 M. NICE : [interprétation] Désolé, oui.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Est-ce exact, Monsieur Jokanovic ?

15 R. Je crois que c'est exact. J'ai certainement évoqué tout ceci en termes

16 plus généraux. Je me suis entretenu avec ce journaliste de façon plus

17 importante, et le journaliste a décidé de publier simplement cet extrait-

18 là.

19 Q. Très bien.

20 R. J'ai dit beaucoup plus que cela.

21 Q. Il va falloir aller plus vite aujourd'hui, car nous avons un nombre

22 très important de points à traiter, néanmoins, celui que je souhaite que

23 vous vous concentriez ce matin : dans cet article de journal, vous avez eu

24 l'occasion d'expliquer quelle était la position, et vous n'avez rien dit à

25 ce moment-là de meurtres de Serbes aux mains des Albanais, n'est-ce pas ?

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1 R. D'après cet article, on constate que ceci a été dit par mon collègue,

2 M. Hoti. J'ai sans doute dit la même chose au journaliste et le journaliste

3 n'a pas voulu répéter la même chose deux fois.

4 Q. Vous avez mentionné un incident, je crois. Mais il n'y a pas

5 d'allégations de meurtres. Il y a des allégations et des affirmations

6 concernant d'autres types de pressions, et nous allons aborder ceci un peu

7 plus tard. Vous ne parliez pas de meurtres et vous ne vous en plaignez pas

8 à ce moment-là.

9 R. Puis-je répéter ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la

11 parole.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que la question n'est pas tout à fait

13 juste, car M. Jokanovic avait tout d'abord expliqué que le journaliste

14 avait choisi de citer un autre représentant officiel qui était d'origine

15 ethnique albanaise, alors que lui, il s'est entretenu plus longtemps avec

16 ce journaliste. Vous ne pouvez pas en conclure d'après l'article qu'il n'a

17 jamais parlé de meurtres.

18 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, le --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est tout à fait, exact,

20 Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, oui. Cette observation

22 peut être correcte ou non. Je ne suis pas tout à fait certain de son bien-

23 fondé, mais je souhaite protester en raison des interruptions répétées de

24 l'accusé, s'il fait des commentaires sur le témoignage en question.

25 Q. Monsieur Jokanovic, je souhaite parler de ceci : si votre description

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1 que vous avez donnée hier sur les problèmes au Kosovo, et la montée des

2 tensions, et si les meurtres constituaient un sujet de préoccupation, ceci

3 aurait constitué une priorité sur votre ordre du jour, et vous en auriez

4 parlé en détail avec n'importe quel journalise, n'est-ce pas ?

5 R. Monsieur le Procureur, il est fort probable que M. Hoti et moi-même

6 nous étions ensemble lorsque nous nous sommes entretenus avec ce

7 journaliste, et il a décidé de citer Hoti sur certaines choses et moi-même

8 sur d'autres. Ceci couvre également les meurtres, car je n'avais aucune

9 raison de ne pas en parler et de ne pas parler de quelque chose qui était

10 aussi évidente que mon collègue, M. Hoti qui était Albanais, en a parlé. Je

11 crois qu'il s'agit ici d'une politique éditoriale, et c'est le choix du

12 journaliste que de ne pas répéter la même chose deux fois. Les deux

13 personnes qui ont été interviewées travaillaient au sein de la même

14 organisation et donnaient l'interview dans une seule et même pièce.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous me dire à propos de quoi

16 il s'agit d'un simple meurtre dont il est fait mention ici, et à quel

17 moment M. Hoti est-il cité ?

18 M. NICE : [interprétation] Oui, absolument. J'allais en venir. Il s'agit

19 que d'un seul meurtre auquel il fait référence ici, et nous allons

20 poursuivre car nous avons peu de temps.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas lui qui le cite,

22 simplement, c'est le journaliste.

23 M. NICE : [interprétation] Oui, simplement, une fois. Le point que je

24 souligne est le même.

25 Q. Je vais maintenant retourner en arrière un petit peu. Il y avait 68

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1 grèves ou manifestations estudiantines en mesure Europe, en tout cas, à

2 Paris, n'est-ce pas ?

3 R. Il y avait des manifestations estudiantines partout en Europe.

4 Néanmoins, le mouvement des insurgés au Kosovo était d'une nature un peu

5 différente. J'en ai parlé hier.

6 Q. Il est vrai que l'armée a été envoyée par les autorités fédérales,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci.

10 R. Quelques troupes se trouvaient au Kosovo, en partie, en tout cas.

11 Q. Savez-vous qu'en 1981, il y avait des troubles sociaux au Kosovo ?

12 R. Non. Il ne s'agissait pas de troubles sociaux. Il s'agissait de

13 manifestations agressives et massives.

14 Q. L'armée a été envoyée de nouveau.

15 R. L'armée a été appelée par le comité de la province du Kosovo car les

16 forces policières au Kosovo, dont la plupart étaient Albanais n'ont pas pu

17 dissiper la manifestation à cause de la violence et de l'agressivité. Les

18 troupes et l'armée n'ont pas pu venir à bout de la manifestation. L'armée

19 protégeait simplement le bâtiment qui était celui du gouvernement en

20 question.

21 Q. Que nous nous comprenons bien, Monsieur Jokanovic, la position de l'un

22 et de l'autre. Allez-vous dire, tout au long de votre témoignage que les

23 Albanais kosovars devaient porter le blâme pour tout ceci. Est-ce ce que

24 vous dites, en somme ?

25 R. Ce n'est pas mon propos ici. Je ne montre pas du doigt les Albanais du

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1 Kosovo. Je vous prie de ne pas m'interposer entre moi-même et tous mes amis

2 albanais.

3 Je parlais des Albanais, des séparatistes, des nationalistes qui

4 souhaitaient séparer le Kosovo de la Serbie. J'établis une différence entre

5 les nationalistes, les Albanais chauvins et le peuple albanais de l'autre

6 côté.

7 Q. En 1981, la Serbie, le Kosovo et la Vojvodine devaient respecter la

8 constitution de 1974. En vertu de cette constitution, simplement pour

9 l'expliquer en des termes très généraux, la Serbie n'était pas une

10 république centralisée, à ce moment-là. Au contraire, les instances

11 provinciales pouvaient exercer leur propre responsabilité en vertu de la

12 constitution et avaient le droit de faire appliquer les lois de la

13 république?

14 R. Oui, c'est exact. J'en ai parlé hier.

15 Q. Ceci pourra être traduit, peut-être à l'avenir, les articles ne l'ont

16 pas été, mais je vais être obligé d'en résumer le contenu.

17 Vous savez, Monsieur Jokanovic, n'est-ce pas, que les événements

18 historiques que vous avez décrits hier représentent en fait la version

19 historique de cet accusé mettant la lumière sur un pouvoir centralisé en

20 Serbie. Nous allons y revenir un peu plus tard, mais, en résumé, est-ce que

21 vous acceptez que la situation était ainsi ?

22 R. Monsieur Nice, vous avez fait des observations avec lesquelles je ne

23 suis pas d'accord. Je ne suis pas historien et j'ai simplement parlé

24 d'événements auxquels j'ai pris part personnellement. Je souhaite que mon

25 témoignage ne porte que sur les éléments auxquels j'ai participé et les

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1 éléments sur lesquels j'ai une connaissance personnelle.

2 Pour ce qui est de la centralisation, que vous dites avoir été mise en

3 place par M. Milosevic, je crois qu'il apparaît clairement, au fil de mon

4 témoignage d'hier que, ce qui était important, c'est que la Serbie n'a pu

5 s'arroger des fonctions essentielles qu'avaient déjà les autres

6 républiques. Dans tous les autres domaines, le statut de la province au

7 sein de la fédération n'a absolument pas changé.

8 Q. Nous allons en venir au changement par la suite. Je souhaite simplement

9 maintenant, parler de la constitution de 1974, bien qu'il y ait cette

10 décentralisation de la république et décentralisation appliquée à la

11 province, en vertu de certaines circonstances et conformément à l'Article

12 296, la Serbie pouvait agir directement et de façon légale, n'est-ce pas ?

13 R. Je ne sais pas à quelle constitution vous faite référence, et je ne

14 sais pas à quel article vous faites référence, 296, je ne sais pas s'il

15 s'agit de la constitution de la Serbie, du Kosovo, ou de la constitution

16 fédérale. S'agit-il, peut-être, d'un texte de loi ?

17 Q. La constitution de 1974 de la Serbie, Article 296, par exemple,

18 autorisait le gouvernement central de Serbie, de traiter directement avec

19 les organes municipaux, plutôt que de passer par les organes provinciaux,

20 dans certaines circonstances considérées comme urgentes. Il s'agit là d'un

21 exemple aux fins de laquelle la constitution donne certains pouvoirs au

22 gouvernement central aux fins d'exercer un certain contrôle. Savez-vous

23 cela ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir me lire cet

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1 article, de me le citer.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, attendez

3 quelques instants, s'il vous plaît. Monsieur Milosevic souhaite dire

4 quelque chose.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite vous poser la question, Monsieur

6 Nice doit-il présentez ce document au témoin ? Il parle de la constitution,

7 il parle d'un article en particulier. Je pense que le témoin devrait

8 pouvoir lire cet article plutôt que de le voir mal interprété par M. Nice.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si le témoin le souhaite, nous

10 pouvons le mettre sous le rétroprojecteur.

11 M. NICE : [interprétation] Je peux le lui remettre en serbe. Je n'ai tout

12 simplement pas le temps nécessaire et le service de traduction était

13 débordé.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Remettez-le lui, s'il vous plaît,

15 Monsieur Nice.

16 M. NICE : [interprétation] Je dois dire que la charge de traduction est

17 très, très lourde. Certaines choses ont été traduites entre hier et

18 aujourd'hui.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'ensemble de la constitution

20 est traduit ?

21 M. NICE : [interprétation] Non.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est très curieux que nous ne l'ayons

23 pas, à l'instant présent.

24 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, la situation est celle-ci

25 : les parties pertinentes ont été traduites auparavant. L'Accusé vient de

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1 soulever ce point sans pour autant en fournir la traduction elle-même.

2 Vous vous souvenez peut-être que certains documents, hier, n'avaient pas

3 été traduits. Il y avait un extrait important et les propres termes du

4 témoin ici, qui ont été cités. Je crois qu'il s'agissait certainement de

5 l'extrait du passage qui aurait dû être traduit hier. Compte tenu de tout

6 cela, nous n'avons pas pu faire davantage et nous n'avons pas pu terminer

7 ceci encore.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces documents ont-ils été communiqués

9 avant et au cours de la présentation des moyens de la Défense, la

10 conférence préalable au procès ?

11 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est des documents traduits, nous

12 pensions que ceci serait traduit. Nous pensions que quand bien même la

13 Défense n'avait pas encore soumis ceci, ils étaient sur le point de nous

14 être fournis et nous pensions que ces documents allaient arriver hier.

15 Q. Monsieur Jokanovic, avez-vous eu la possibilité de lire cet article

16 auquel je viens de faire référence ?

17 R. Oui.

18 Q. Ce que je viens de dire est exact ? Il y avait certains pouvoirs

19 conférés à la Serbie, à Belgrade d'intervenir directement si les

20 circonstances le justifiaient, n'est-ce pas ?

21 R. Vous avez en partie raison, car cet article stipule que, pour ce qui

22 est des questions de défense nationale, lorsqu'il y a une situation

23 d'urgence, les autorités de la province ou les autorités de la république

24 peuvent communiquer avec les autorités de la province ou plutôt peuvent

25 communiquer avec les autorités municipales, par l'intermédiaire des

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1 autorités de la province, voire même directement, mais doivent en tenir

2 informé les autorités de la province. Cela dit, cela ne change rien à ce

3 que j'ai dit plus tôt, à savoir que la Serbie n'avait aucun pouvoir dans le

4 domaine de la défense nationale. Elle devait exercer ses pouvoirs par le

5 biais des autorités de la province.

6 Q. Tout au long de cette période, bien entendu, la constitution de la

7 République fédérale de la Yougoslavie autorisait les autorités fédérales à

8 intervenir, comme elle l'avait fait en envoyant l'armée en 1968, avant la

9 constitution de 1974 et en 1981, pour traiter des manifestations et les

10 troubles sociaux.

11 R. L'armée était un organe unifié. On ne pouvait faire appel à l'armée que

12 si les instances suprêmes décrétaient un état d'urgence. En général, il

13 revenait aux autorités de la province de faire appliquer le droit fédéral.

14 Q. En 1981 et en 1986, je crois que vous étiez le secrétaire de la Ligue

15 des Communistes de Kosovo, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, j'étais un des secrétaires exécutifs au sein du comité de la

17 province. Malheureusement, je n'étais pas le secrétaire, j'étais un des

18 secrétaires exécutifs. Si je devais vous expliquer le fonctionnement de

19 tout ceci, l'organigramme, ceci prendrait du temps.

20 Q. Pour essayer de mettre, placer les choses dans l'ordre, entre 1986 et

21 1988, vous étiez un membre de la présidence du Kosovo, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. En 1986, il y a eu deux choses qui se sont produites. En premier lieu,

24 il y a eu le mémorandum de l'académie fort connue qui a fait l'objet d'une

25 fuite ou qui a été publié, n'est-ce pas ?

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1 R. On a beaucoup parlé au Kosovo de ce mémorandum. En réalité, il y a peu

2 de personnes qui l'ont lu. Je fais partie de ces personnes qui ont réussi à

3 le lire. Il y a eu un certain nombre de réunions qui ont été tenues aux

4 fins de parler de ce mémorandum, et la plupart des personnes qui avaient

5 pris part à ces réunions ne l'avaient pas lu.

6 Q. Vous nous avez parlé hier d'Ivan Stambolic comme étant la personne qui

7 a enclenché le processus de la réforme. Avant sa mort, Ivan Stambolic a

8 écrit un livre.

9 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, encore une fois, nous allons

10 ici, je n'ai pas pu faire traduire ce livre. Cela va au-delà de ce que je

11 puis faire dans ce domaine. Je souhaite le placer sur le rétroprojecteur.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui.

13 M. NICE : [interprétation] J'ai le livre original. Nous avons ici un

14 document comportant un numéro ERN. Voici le livre dont c'est extrait, je

15 vous le montre. Nous avons une photocopie qui comporte un numéro ERN.

16 Q. Monsieur Jokanovic, je vous demande de lire cet extrait. Le livre a été

17 écrit sous la forme de question et réponse. Il est important de lire en

18 premier lieu la question en commençant par "Ipak, izborili," et ensuite la

19 réponse, je vous prie.

20 R. Oui. Vous voulez dire : "En 1986, le parlement a finalement pris la

21 décision d'amender la constitution de la RSFY et de la Serbie pour les

22 parties qui concernaient la position de la Serbie et des provinces qui en

23 faisait partie. J'ai estimé, à ce moment-là, que les choses allaient pour

24 le mieux. Comme vous le savez maintenant, les forces de résistance ont

25 commencé à agir, et on se préparait à un autre changement, un changement

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1 beaucoup plus violent et un changement pour le pire."

2 Mais ceci n'est pas tout à fait exact. Ivan Stambolic n'a pas tout à

3 fait raison, car les changements avaient débutés bien avant 1986. Ivan

4 Stambolic a présidé une des premières réunions auxquelles j'ai participé.

5 Je n'ai pas dit que c'est lui qui était à l'origine de tout cela.

6 Q. Avant de poursuivre, et je vais revenir à la citation de Stambolic un

7 peu plus tard, d'abord, Rajif Dizdarevic qui était le président bosniaque

8 de la présidence en 1988 et 1989, a écrit son propre livre. Est-ce

9 quelqu'un dont vous pouvez douter des propos ou de ce qu'il raconte dans

10 son livre ?

11 R. Je ne pense pas que j'ai quelques doutes à propos de ce qu'il a écrit,

12 mais en même temps, je ne lui fais pas entièrement confiance ou vraiment

13 confiance à ce qu'il dit, car il parle surtout avec la sagesse du recul.

14 Comme on dit souvent, les généraux sont souvent sages après la bataille.

15 Q. Je n'ai pas son livre, mais je sais ce qu'il contient. S'il a dit que

16 les événements de 1981 que vous avez décrits, et la manière dont vous

17 l'avez décrit, si ceci a donné lieu à des tendances nationalistes venant au

18 grand jour, est-ce que vous seriez d'accord avec lui ?

19 R. Vous souhaitez imposer votre point de vue et dire que tout ceci est dû

20 au nationalisme serbe. J'ai parlé du fait que les relations interethniques

21 se sont empirées, qu'il fallait calmer le jeu, l'insécurité, le manque de

22 perception de tout ceci par les Serbes. Ils faisaient partie du problème.

23 Ils ont été mis sous pression. Ils voulaient simplement que l'on vienne en

24 aide pour qu'ils puissent exercer leurs droits qui étaient des droits tout

25 à fait normaux, et mener une vie normale.

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1 Q. Monsieur Jokanovic, ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Je ne vous

2 demandais pas si tout ceci était dû au nationalisme serbe. Je vous ai

3 simplement demandé, peut-être que vous pourriez nous aider, si les

4 événements de 1981 ont donné lieu à un nationalisme serbe croissant, et que

5 ceci a pu venir ou être exprimé ou favoriser l'expression de tout ceci.

6 J'ai fais attention en choisissant mes mots. Etes-vous d'accord avec moi ?

7 R. Je ne suis pas d'accord. Vous parlez d'une tendance accrue du

8 nationalisme serbe, alors que moi je parle de la position dans laquelle se

9 trouvaient les Serbes et les Monténégrins. On a exercé une pression sur eux

10 pour qu'ils s'en aillent. Ceci s'écarte de toutes les conclusions qu'ils

11 ont parvenu les différents organes en Serbie dans la fédération et dans les

12 provinces. Ce que vous nous donnez ici est une représentation juridique qui

13 ne correspond pas à la situation à l'époque ni aux conclusions auxquelles

14 étaient arrivé les représentants officiels, et tout ce qui a été imprimé

15 par les organes de l'état.

16 Q. A la fin du mois de décembre 1980, lorsque vous étiez en poste au Parti

17 communiste dans les conditions que vous avez décrites, il y a eu une séance

18 de trois jours du comité central des communistes serbes. Est-ce que vous

19 vous souvenez avoir assisté à cette réunion ?

20 R. En 1981, je ne faisais pas partie du comité central. J'étais membre de

21 l'administration de la province au niveau exécutif. J'étais donc secrétaire

22 au niveau de la province, responsable de la législation, des lois, mais je

23 n'ai jamais été membre du comité central de la Ligue des Communistes

24 yougoslaves à cette époque.

25 Q. Vous n'avez pas assisté à cette réunion en cette qualité ?

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1 R. Je n'ai pas assisté à cette réunion en quelque qualité que ce soit.

2 D'ailleurs, dans toute ma vie, je n'ai été que --

3 Q. Bien. C'est tout ce que je vous demandais. Je vous entends parler d'une

4 réunion qui s'est tenue avant. Ivan Stambolic déclare qu'il pensait, je

5 cite : "Nous avions imprimé une amélioration. Malheureusement, les forces

6 de résistance sont devenues actives en hâte, attendant un changement tout à

7 fait différent obtenu par la violence et allant dans le sens du pire."

8 Q. Cette position, Monsieur Jokanovic, j'aimerais vous la donner dans tous

9 ces aspects de façon à mieux vous permettre d'y répondre. Ce processus de

10 réforme, tout autant d'ailleurs que la rédaction du mémorandum, à donner un

11 certain nombre d'opportunités à l'accusé qui se trouve ici aujourd'hui,

12 qui, même tacitement, était d'accord avec les positions du mémorandum, et

13 s'est servi du processus de réforme pour établir la base de son pouvoir.

14 R. Je ne suis pas d'accord avec votre conclusion. Je crois que ceci n'est

15 pas exact quant au passage du livre d'Ivan Stambolic qui été écrit il y a

16 de nombreuses années. Plusieurs années après les événements, il n'y est pas

17 dit que les forces qui étaient pour le changement allaient dans le sens du

18 pire. Ces forces qui souhaitaient le changement dans le sens du pire et qui

19 voulaient obtenir le changement par la violence, existaient dès le départ

20 au Kosovo. Mais ce ne sont pas à ces forces qu'il fait particulièrement

21 référence.

22 Q. Monsieur Jokanovic, les pressions en vue d'obtenir des amendements à la

23 constitution ne venaient pas des Albanais du Kosovo, n'est-ce pas ? Elles

24 venaient du Parti communiste, elles venaient de Belgrade, elles venaient

25 des Serbes, n'est-ce pas ?

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1 R. Le mot "pression" ne s'applique pas. Les manifestations de 1981 ont

2 donné à des critiques et à l'apparition d'exigences d'amendements à la

3 constitution. Ces critiques s'exprimaient au Kosovo au niveau de la Serbie

4 et de la fédération. Le comité central du parti communiste yougoslave en a

5 discuté. Au sein de ce comité central, on trouvait des représentants de

6 toutes les républiques et de toutes les provinces autonomes, et notamment,

7 un grand nombre d'Albanais du Kosovo. Il n'était pas question de pression,

8 mais simplement de proposition de réfléchir et de voir ensemble de quelle

9 façon il pouvait être possible d'apporter des solutions afin d'assurer

10 l'unité de la République de la Serbie.

11 M. NICE : [interprétation] Autre document public dont nous commencerons

12 l'examen dans un instant. En haut à droite, on voit le numéro 619.

13 J'aimerais qu'on le place sur le rétroprojecteur.

14 Q. Pendant qu'on prépare la présentation de ce document, Monsieur

15 Jokanovic, je vous demanderais simplement de ne pas perdre de vue trois

16 choses, à savoir, se demander si les reportages de la presse internationale

17 était équitable en raison des allégations faites devant ce Tribunal selon

18 lesquelles la presse internationale était aux mains des Américains ou

19 faisait partie d'une espèce de conspiration occidentale, si je ne m'abuse.

20 Deuxièmement, ce que vous avez dit vous-même. Troisièmement, quels sont les

21 éléments qui permettent de prouver effectivement ce qui se passait sur le

22 terrain. Je n'ai pas le temps de rentrer dans les détails du rapport que je

23 vous soumets en ce moment. J'espère que je ne dénaturerai pas le texte en

24 n'en citant que certains extraits.

25 Ceci vient du Washington Post du 29 novembre 1986.

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1 Paragraphe 1 où on voit qu'il est de tension croissante --

2 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, nous allons passer très

3 rapidement, donc je vous demanderais votre aide pour déplacer le texte sur

4 le rétroprojecteur. Je vous remercie.

5 Q. Paragraphe 2, je cite : "Depuis le début des émeutes en 1981, les

6 autorités se sont trouvées confrontées à un constant défi de la part de

7 groupes séparatiste et nationaliste parmi la population albanaise

8 majoritaire. Plus de 1 000 personnes ont été emprisonnées pour avoir

9 demandé l'indépendance du Kosovo par rapport à la Serbie." Je pense que je

10 lis trop vite. Je vais ralentir.

11 "L'importance du conflit a été accru cette année par l'apparition d'une

12 grande inquiétude des Serbes de Yougoslavie au sujet l'émigration sous la

13 contrainte."

14 Je saute quelques mots pour gagner du temps. Je reprends la citation.

15 "Les petits paysans ne cessent de quitter les villes de la province et les

16 petits villages serbes. Plus de 10 000 ont émigré depuis 1981 sur une

17 population totale de 220 000. La population albanaise se développe avec un

18 taux de natalité qui est le taux le plus important d'Europe.

19 "Les Serbes de la région affirment que les autorités de la province, sous

20 influence albanaise, n'offrent aucune protection par rapport à ces attaques

21 violentes. Ils signent des pétitions et organisent des manifestations aux

22 alentours de Pristina. Ils envoient également des groupes pour défendre

23 leurs arguments à Belgrade.

24 "Ce qui s'est passé hors du Kosovo a exigé une intervention des

25 intellectuels et même des dirigeants politiques communistes serbes, qui

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1 demandent des changements constitutionnels et autres actions draconiennes

2 pour mettre un terme à l'émigration et permettre à la Serbie de reprendre

3 le contrôle sur le Kosovo. Les manifestations serbes, en retour, ont

4 provoqué les inquiétudes des dirigeants yougoslave de cinq autres

5 républiques qui partagent certains des griefs et certaines aspirations

6 nationales serbes."

7 Nous en arrivons à ceci. Je cite :"La dernière délégation des Serbes qui

8 s'est rendue à Belgrade un peu plus tôt au cours de ce mois-ci, a prévenu

9 qu'elle allait s'armer contre ceux qu'elle perçoit comme les responsables

10 de ces tourments parmi les Albanais."

11 Ouis, vous lancez l'avertissement suivant. Je cite: "Ceci devrait pris en

12 compte avec le plus grand sérieux. C'est un avertissement, et nous le

13 comprenons de cette façon à dit Vukasin Jokanovic. Nous prendrons des

14 mesures urgentes pour regagner la confiance de ces populations."

15 Je m'arrête ici. Est-ce qu'à ce moment-là vous pensiez que tout ceci était

16 un motif suffisant pour prendre les armes ?

17 R. Jamais de ma vie je n'ai prononcé ces mots. Je n'ai jamais lancé le

18 moindre appel à prendre les armes. Toutes mes déclarations n'avaient qu'un

19 but, préserver la paix. Je n'ai cessé de parler de paix et de dire que

20 c'était notre objectif ultime, qu'il ne fallait pas d'interventions armées,

21 parce que les armes infligeraient des dommages terribles tant sur les

22 Serbes que sur les Albanais.

23 Q. Fort bien.

24 R. Ceci est inventé de toute pièce et n'a rien à voir avec la vérité.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

Page 34104

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci est totalement inacceptable. Le témoin est

2 censé répondre à quelque chose qu'il n'a pas dit et qui est cité dans cet

3 article. Cet article ne reprend pas fidèlement les propos du témoin. Le

4 témoin n'a jamais dit qu'il fallait prendre les armes. Pas du tout. Il a

5 dit le contraire.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je pense que

7 vous êtes exagérément sur la défensive par rapport au témoin. Le témoin

8 peut s'occuper de son propre sort. D'ailleurs, il l'a fait. Vous n'avez pas

9 besoin d'intervenir.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson. Monsieur Robinson, je

11 suppose que vous conviendrez avec moi que le témoin devrait recevoir le

12 texte de l'article qui fait l'objet des questions qui lui sont posées. Dans

13 le cas contraire, il lui est très difficile de suivre les questions. Il

14 faut lui remettre le texte de façon à ce qu'il puisse le lire.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, s'il le souhaite.

16 Monsieur le Témoin, souhaitez-vous le texte ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite que M. Nice

18 ne tire pas profit du fait que je ne parle pas anglais pour m'imputer des

19 mots que je n'ai jamais prononcés dans toute ma vie. Ce texte est en

20 anglais, je ne peux pas le comprendre. Je ne pense pas qu'il soit juste de

21 déclarer en public que c'est moi qui aie lancé un appel aux armes. Ceci est

22 totalement contraire à la vérité. En fait, cela se rapproche d'une insulte.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez répondu de la

24 meilleure façon qui soit.

25 Monsieur Nice, à vous.

Page 34105

1 M. NICE : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic.

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. En dehors de cette observation, dans la presse occidentale, en tout

5 cas, dans le Washington Post que nous lisons pour le moment, admettez-vous

6 que les événements qui se déroulaient au Kosovo en 1986 sont bien décrits ?

7 R. Dans cette description, dans les mots que vous venez de lire, il y a une

8 partie de la vérité, mais ce n'est pas la vérité complète. C'est simplement

9 la façon dont le journaliste voit les choses.

10 Q. Au bas de cette page, nous trouvons des explications complémentaires

11 par rapport à ce qui se passe. Nous lisons, je cite : "Une série de mesures

12 a été adoptée pour ralentir le flux de l'émigration, y compris une

13 interdiction des ventes de terre par les membres d'un groupe ethnique aux

14 membres de l'autre groupe ethnique."

15 Et puis, page suivante, en haute de la page, page 620, je

16 cite : "Une simple visite très brève au Kosovo, dont la superficie ne

17 dépasse pas celle du Maryland, révèle rapidement des racines apparemment

18 indéracinables de tensions ethniques."

19 Et puis, Monsieur Jokanovic, vous êtes cité comme ayant dit, je cite : "Les

20 lois n'arrêteront jamais l'émigration." Vous parlez, semble-t-il ici, de la

21 loi sur l'interdiction des ventes de terre, et la citation se poursuit :

22 "Cette loi ne semble être acceptée que par les gens qui, en réalité, ne

23 souhaitent pas émigrer."

24 Je m'arrête ici. Est-ce que c'était vraiment avis que les lois

25 n'arrêteraient pas l'émigration ?

Page 34106

1 R. Probablement, c'était mon avis à l'époque parce qu'il est certain que

2 les lois ne pouvaient pas mettre un terme à l'émigration. Il y avait toutes

3 sortes de façons de contourner la loi, si je puis m'exprimer ainsi. Je

4 m'étais engagé à restaurer la confiance, à restaurer les bonnes relations

5 entre voisins, à adopter les lois pertinentes dans la matière, et pas des

6 lois interdisant les ventes de propriété.

7 Q. Prenons les choses point par point. Au bas de cette page, M.

8 l'Huissier, voyons ce qui suit. Je cite : "Quelques assassinats ont été

9 enregistrés depuis les émeutes de 1981, mais au cours des trois mois de

10 juillet, août et septembre, les autorités ont enregistré 34 attaques de la

11 part d'Albanais contre des Serbes. Deux cas de viols ont provoqué des

12 manifestations, suscitées par le choc ici à Pristina, et ont motivé l'envoi

13 de la dernière délégation furieuse qui s'est rendue au parlement fédéral à

14 Belgrade."

15 Ceci est-il une façon fidèle de dépeindre la réalité ? Nous essayons

16 d'obtenir une image de la situation globale, et pas une image décrite par

17 l'une ou l'autre des parties. Quelques assassinats en 1981, et

18 enregistrement de 34 attaques au cours de trois mois, et puis deux exemples

19 de viol. Le journaliste, a-t-il bien rendu compte de la situation ?

20 R. J'ai déclaré et je peux répéter ce que j'ai déjà dit, que les pressions

21 se sont intensifiées après les manifestations de 1981. Ceci est possible.

22 Il est possible qu'au cours des trois mois mentionnés ici, 34 attaques et

23 deux viols se soient produits. Je n'ai pas de connaissances précises à ce

24 sujet, mais je ne vois pas pourquoi je mettrais la chose en doute.

25 En tout cas, ce qui était sûr, c'est que les tensions et

Page 34107

1 l'agressivité se sont intensifiées de manière tout à fait significative à

2 ce moment-là.

3 Q. Dernier sujet dans ce reportage. Un sujet différent. Je vous interroge

4 pour que vous aidiez les Juges par votre expérience. Comment se fait-il que

5 cette émigration économique, partielle en tout cas, se soit produite ?

6 Un peu plus haut de la page, je vous prie. Un certain Abrashi, je ne sais

7 pas s'il est identifié plus en détail dans le document, dit ce qui suit,

8 je cite : "'Permettez-moi de vous expliquer la psychologie d'un paysan

9 albanais au sujet de la terre,' dit Abrashi, lui-même Albanais. 'Depuis des

10 siècles, ces gens définissent leur existence et leurs biens uniquement par

11 le truchement de la terre. Ils sont prêts à consentir d'énormes sacrifices,

12 de travailler 30 ans d'affilée, d'aller vivre et travailler à l'étranger,

13 d'habiter dans des conditions terribles, pour pouvoir rassembler, dinar par

14 dinar, l'argent nécessaire à l'achat d'un lopin de terre. Cette terre doit

15 être proche du reste de la famille. Pour obtenir cela, ils sont prêts à

16 payer pratiquement n'importe quel prix.'

17 "'Les prix des terres au Kosovo, en dépit de la pauvreté de la région, sont

18 cinq fois supérieurs aux prix pratiqués en Serbie, en moyenne 35 000 $ pour

19 un âcre de bonne terre labourable,' dit Abrashi. Les journaux ont parlé de

20 ventes de fermes dont le prix aurait dépassé 1 000 000 $. En raison de cela

21 les Serbes, qui contrairement aux Albanais, ont des raisons d'être attirés

22 en dehors de la province différente des Albanais, sont donc incités, pour

23 des raison économiques, à vendre leurs terres aux Albanais."

24 Ensuite, il poursuit en disant que les Serbes qui restent dans la région

25 subissent du harcèlement. Je concentrais ma question sur cette façon de

Page 34108

1 décrire l'émigration. Est-ce que ces aspects évoqués ici sont conformes à

2 la vérité ? Pour terminer ma question, parce que peut-être que les Juges ne

3 se souviennent pas d'avoir entendu d'autres témoins dire ce que je vais

4 rappeler maintenant : les Albanais du Kosovo vivent, n'est-ce pas, dans des

5 fermes assez tendues, qui abritent plusieurs familles, ou en tout cas les

6 différents éléments d'une même famille, qui dont résident ensemble, alors

7 que les Serbes vivent d'une façon qui nous est peut-être plus familière à

8 nous en Europe occidentale. Est-ce que ceci en gros est exact ?

9 R. Vous parlez de la dernière partie de votre question ?

10 Q. Oui.

11 R. Vous venez de vous exprimer en termes très généraux. Vous avez posé

12 plusieurs questions dans une seule question. Il est donc permis de vous

13 faire plusieurs commentaires suite à ces questions. Je ne suis pas d'accord

14 avec ce que déclare M. Abrashi ici, parce que je pense qu'il essaye

15 d'édulcorer les choses, et d'exagérément relativiser la situation.

16 Quand au mode de vie des Albanais, je le connais fort bien. J'ai rendu

17 visite à de nombreuses familles. Je suis rentré dans de très nombreuses

18 maisons albanaises en diverses occasions. Je puis vous dire qu'il y a très

19 peu de différences entre le mode de vie rurale des familles albanaises et

20 des familles serbes. Il n'y a pratiquement pas de différences du tout,

21 d'ailleurs. Les familles rurales serbes sont très attachées à leurs terres.

22 Elles aussi ont le respect de traditions patriarcales, très comparables à

23 celles des Albanais.

24 Quant au mode de vie occidentale que vous avez évoqué, oui, il peut

25 s'appliquer à certaines familles qui vivent à Pristina ou dans d'autres

Page 34109

1 grandes villes de la province, mais de nouveau, le commentaire est

2 identique pour les familles albanaises et pour les familles serbes dans ces

3 grandes villes.

4 Q. Je reviendrais à une partie de votre réponse, et une partie de ma

5 question. Est-ce que l'incitation à émigrer, l'encouragement à émigrer

6 venait, pour partie, et je dis bien pour partie, Monsieur Jokanovic, du

7 fait que des sommes d'argent importantes étaient proposées aux Serbes, qui

8 acceptaient de quitter la région et que, dans ces conditions, il leur était

9 difficile de refuser de partir ?

10 R. Il est permis de décrire cela comme étant l'une des motivations, parce

11 que chacun sait bien --

12 Q. Merci.

13 R. Non. Mais, est-ce que je peux poursuivre ? Parce que si on répond

14 uniquement par "oui", c'est tout à fait inexact. Il faut tout de même que

15 je prononce quelques mots d'explications supplémentaires pour expliquer

16 quelle était la stratégie mise en œuvre afin d'obtenir la pureté ethnique

17 au Kosovo. Si vous me permettez de poursuivre ma réponse.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur ce point, oui. Mais rapidement.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Concrètement, dans le village de Tankosic, non

20 loin de chez moi, on va d'abord chercher à acheter la propriété du

21 propriétaire le plus important, de celui qui est le plus renommé dans le

22 village, sur lequel tout le monde a les yeux fixés. C'est à lui qu'on va

23 proposer un prix important de façon à briser la collectivité, de façon à

24 briser l'esprit de communauté du village. A partir du moment où cette

25 propriété est vendue, les propriétés qui se vendent ensuite voient leurs

Page 34110

1 prix baisser régulièrement. Et la dernière propriété vendue est vendue à

2 perte, pratiquement. Voilà quelle est l'une des façons mise en œuvre de

3 façon à exercer des pressions sur la population serbe et nettoyer

4 ethniquement les villages à majorité serbe.

5 C'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans mon village, par exemple. Avant

6 1990, mon village est devenu ethniquement pur, avec départs progressifs de

7 tous les Serbes, les premiers étant partis en ayant vendu leurs biens à des

8 prix tout à fait importants et petit à petit, les prix n'ont pas cessé de

9 baisser. Il est évident que lorsque l'on crée une situation pour une partie

10 de la population d'un village où il n'y a aucun respect ni pour sa culture

11 religieuse, ni pour sa culture intellectuelle, ni pour ses traditions, on

12 crée des conditions d'insécurité qui font que la vie est perçue comme étant

13 insupportable.

14 Sur une période de temps assez prolongé, 700 localités du Kosovo ont été

15 nettoyées ethniquement.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Monsieur Jokanovic, l'article que nous examinons conclut en page 621,

19 sur une phrase qui vous est attribuée, je cite : "Nous ne nous sommes pas

20 occupés de l'émigration depuis longtemps, et aujourd'hui, elle a atteint un

21 tel niveau qu'il est difficile d'interrompre le déroulement des

22 événements."

23 Etait-ce réellement votre position et est-ce bien toujours aujourd'hui

24 votre position, parce que vous vous êtes pas occupé de l'émigration pendant

25 longtemps, cette émigration des Serbes est arrivée à un stade qu'il était

Page 34111

1 impossible d'arrêter.

2 R. Cette déclaration confirme ce que je viens de vous dire, parce qu'une

3 fois que vous avez brisé le tissu ethnique d'une société, lorsque les gens

4 n'ont plus de bonnes conditions de scolarité pour leurs enfants, et que

5 leurs autres besoins vitaux ne sont pas satisfaits de façon convenable, il

6 devient très difficile de conserver plusieurs familles dans une localité

7 dans des conditions qui pourraient être qualifiées de normales. C'est dans

8 ce contexte que j'ai fait cette déclaration, je parlais d'une situation

9 très complexe.

10 Q. Fort bien, fort bien. Nous voyons dans cet article, en dehors de la

11 référence à quelques assassinats en 1981, que s'agissant de vous, en tout

12 cas d'après ce que dit le journaliste, vous ne faites nulle part

13 expressément référence à l'assassinat des Serbes comme étant un sujet qui

14 est prioritaire dans votre esprit, n'est-ce pas ?

15 R. Je ne vois pas très bien de quoi vous voulez parler.

16 Q. Ce qui se passe, c'est que dans cet article, on ne voit nulle part

17 mention faite par vous à des assassinats,

18 je cite : "Quelques assassinats commis depuis 1981," sont cités par le

19 journaliste. J'en ai déjà parlé. J'essaye de donner une image conforme à la

20 réalité aux Juges de la Chambre.

21 En 1986, nous ne sommes pas en présence d'une situation dans laquelle les

22 Albanais commettraient de nombreux assassinats contre les Serbes, n'est-ce

23 pas ? Nous sommes en présence d'une situation qui est peut-être complexe,

24 difficile, mais pour des raisons différentes, n'est-ce pas ?

25 R. Je dois dire que je ne vous ai pas compris, et je ne sais pas ce que

Page 34112

1 vous me demandez. Or, Messieurs les Juges, j'ai lu, dans les consignes qui

2 m'ont été données, qu'en ma qualité de témoin, si je ne comprends pas

3 quelque chose, je peux redemander à ce que l'on reformule la question pour

4 qu'elle soit claire, précise et nette. Je vois mal comment, en me lisant un

5 article de plusieurs paragraphes, on pourrait ensuite me poser une seule

6 question et s'attendre à obtenir une réponse de ma part.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends.

8 M. NICE : [interprétation] Je ne vois pas comment je pourrais poser cette

9 question --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais voir si je peux reformuler

11 la question qui vous est posée par M. Nice. Ce qu'il vient de dire,

12 Monsieur Jokanovic, c'est que dans tout cet article, on ne trouve aucune

13 mention de votre part, quant au fait que des Serbes auraient été assassinés

14 par des Albanais. Il a dit que vous aviez parlé d'autres éléments. Vous

15 aviez expliqué l'émigration sur la base d'autres aspects de la situation,

16 mais sans parler d'assassinats de Serbes par des Albanais. Pouvez-vous

17 répondre à cela ? Pouvez-vous apporter une explication, le cas échéant, ou

18 répondre simplement par oui ou par non.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette interview a eu lieu en 1982, c'est-à-

20 dire il y a 22 ans. Il m'est très difficile de me souvenir exactement ce

21 que j'ai dit ce jour-là, et d'ailleurs, je n'ai même pas été informé de la

22 parution de cet article. Le New York Times, je ne le lisais pas, n'est-ce

23 pas, surtout pas à l'époque.

24 Ce qui est vrai, c'est que je me suis exprimé en termes généraux. J'ai

25 expliqué le problème de l'émigration en termes généraux. J'ai parlé de

Page 34113

1 diverses sortes de pressions, à savoir, des assassinats, des viols et

2 toutes sortes d'autres formes de pressions, parce que j'étais membre d'une

3 commission qui était chargée de s'intéresser à cette question. Par

4 conséquent, il est impossible que je n'aie prononcé, face aux journalistes,

5 qu'une seule phrase à ce sujet. Il est certain que l'interview a été plus

6 longue de cela et le journaliste ensuite a choisi les éléments de réponse

7 qu'il a souhaité introduire dans son article. Il est fort probable que

8 l'information qu'il reprend dans son article au sujet des assassinats vient

9 de moi.

10 Je suis certain que j'ai décrit la situation du Kosovo conformément à ce

11 qu'elle était dans la réalité à l'époque.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un peu plutôt, vous avez dit qu'un

13 autre collègue à vous a également été interviewé et qu'il aurait pu parler

14 de la question des assassinats ou ne vous ai-je pas bien compris ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parle pas anglais. C'est ce que j'ai cru

16 comprendre de la bouche de M. Nice. Il a prononcé le nom de Hoti en rapport

17 avec ces assassinats. Je lui ai fait confiance.

18 Si j'avais eu le texte sous les yeux, si j'avais pu lire cet article,

19 j'aurais pu mieux répondre aux questions qui m'ont été posées plutôt que de

20 me contenter de répondre à ce que m'a dit M. Nice. Il place des mots dans

21 ma bouche que je n'ai jamais prononcé. Des mots qui n'ont jamais

22 correspondu à une pensée de mon esprit.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jokanovic, la dernière série

24 de questions porte sur cet article de 1986, et à des questions qui vous ont

25 été posées un peu plus tôt, quant au fait que M. Hoti voit son nom

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1 apparaître dans un article de 1982. Vous souvenez-vous avoir été interviewé

2 à différentes reprises ? Vous souvenez-vous que ces deux séries de

3 questions portent sur deux interviews différentes ? L'auteur de l'article

4 de 1982 est Marvine Howe et celui de 1986, Jackson Diehl.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, dans la vie publique et

6 politique, je m'y trouve depuis 30 ans. J'ai accordé je ne sais combien

7 d'interviews. J'ai fait je ne sais combien d'allocutions et de discours. Je

8 ne peux pas me souvenir de toutes les opportunités où je me suis entretenu

9 avec quelqu'un au fil de 30 années de travail politique. Depuis l'exercice

10 de mes fonctions de maire jusqu'à mon départ à la retraite.

11 Ces deux articles que vous mentionnez traitent de deux questions

12 différentes. Je ne me souviens pas du tout, ce que j'ai dit. Si j'avais le

13 texte sous les yeux, dans ma langue, bien entendu, je serais à même de vous

14 en dire davantage.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons prendre cela en

16 considération, lorsqu'il conviendra de donner une valeur probante à ce

17 témoignage.

18 Allez-y, Monsieur Nice.

19 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

20 Q. Nous allons passer à 1987. Vous allez, bien entendu, comprendre,

21 Monsieur Jokanovic, que nous sommes en train de parcourir les événements de

22 façon chronologique. Nous nous efforçons d'aller le plus vite possible en

23 raison des contraintes de temps. Le tout a pour objectif de comprendre

24 comment les choses ont évolué aux fins d'aider la Chambre.

25 Donc en 1987, en avril, à Kosovo Polje --

Page 34115

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, donnez-nous quelques

2 instants je vous prie.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je me suis

5 penché sur la question de l'attitude équitable adoptée à l'égard de ce

6 témoin, étant donné que ce que vous avez parcouru comme document est un

7 document important. Or, cela n'a pas été traduit dans une langue comprise

8 par le témoin. De par le passé, la Chambre a autorisé les deux parties en

9 présence de poser des questions partant de documents qui n'ont pas été

10 traduits lorsqu'il s'agissait de passage relativement bref.

11 Maintenant, quelle est votre explication pour ce qui est des raisons pour

12 lesquelles ceci n'a pas été traduit en B/C/S ?

13 M. NICE : [interprétation] Tout d'abord, en vertu du statut, il n'y a pas

14 une obligation de le faire, et cela n'a pas été une pratique de cette

15 Chambre non plus. Quoique, ayant parcouru certains passages de façon

16 extensive afin d'obtenir des commentaires, --d'écrire des commentaires au

17 sujet de ce qui a été dit, je ne pense qu'il y ait eu un manque d'équité à

18 l'égard du témoin, étant donné que je me suis référé à un document public,

19 où il est fait état d'interview accordée par ce témoin. On lui a demandé

20 des commentaires, des descriptions générales. Il a tout simplement été

21 impossible, compte tenu des limites, des ressources limitées au niveau des

22 traductions de la documentation, il n'a pas été pensé que cela pourrait

23 être de prime abord admissible pour être traduit dans la langue du témoin.

24 Messieurs les Juges, maintenant, s'agissant des raisons de limite de temps,

25 étant donné que nous sommes en train d'aborder des sujets déterminés,

Page 34116

1 lorsque nous avons un témoin avec des informations qui nous sont

2 communiquées en vertu du 65 ter, un résumé très court de son témoignage,

3 nous devons préparer des séries entières de documents pour pouvoir traiter

4 de son témoignage. Très souvent, nous avons peu de temps pour ce qui est

5 entre l'information de sa comparution et la traduction de tous ces

6 documents en B/C/S. Je vais maintenant demander à Mme Dicklich combien de

7 temps --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il s'agit d'un document d'une

9 nature s'importante, c'est cela qui m'inquiète. Vous dites que vous allez

10 traiter de parties sélectionnées.

11 M. NICE : [interprétation] Si j'en traite. Je demanderai des commentaires,

12 des descriptions générales de la part du témoin. Je veillerai à ce que les

13 descriptions fournies soient objectivement présentées, si tant est que cela

14 a été reproduit ou repris par la presse.

15 Je demanderais à la Chambre de ne pas nous limiter pour ce qui est de

16 l'utilisation de ces documents, parce que nous le faisons en application

17 des dispositions du règlement de ce Tribunal.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, Monsieur Nice, mais je

19 suis tenu de vous dire que ceux qui évalueront le poids de la preuve, vont

20 prendre la chose en considération.

21 M. NICE : [interprétation] C'est une limitation indispensable.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certes.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Monsieur Jokanovic, j'aimerais que nous passions maintenant à avril

25 1987, parce que l'accusé s'est rendu à Kosovo Polje à deux reprises, me

Page 34117

1 semble t-il. Il a fait son discours où il a dit à la foule que : "Personne

2 n'avait le droit de les battre." Y étiez-vous ?

3 R. Je n'étais pas à ce discours, j'étais à Pristina. J'ai été employé par

4 des autorités de l'état et non pas des autorités du parti. Cette réunion,

5 cette assemblée était une assemblée organisée par le parti, en présence des

6 membres du parti et d'autres citoyens. Mais je n'étais pas présent moi-

7 même.

8 Il y avait, je crois, le président de la direction de la province qui

9 y a assisté et ceux qui étaient employés à titre professionnel au sein du

10 comité provincial de la Ligue des Communistes. Il est exact de dire qu'en

11 1987, Milosevic était effectivement venu à Kosovo Polje.

12 Q. Avant que de faire ce discours avec cette déclaration symbolique

13 "Personne n'a le droit de vous battre," n'est-il pas vrai de dire qu'il a

14 été préparé des pierres dans une camionnette pour pouvoir jeter cela sur la

15 police, et pour que la police puisse riposter; n'est-ce pas ?

16 R. Malheureusement, je ne le sais pas. Je ne sais pas du tout de quoi vous

17 parlez.

18 Q. Si le temps nous le permet, j'ai un enregistrement vidéo que je pourrai

19 vous faire visionner. On y reviendra plus tard.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quoi voulez-vous en venir si le

21 témoin n'était pas là-bas ?

22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, les éléments de preuve de

23 deuxième main, ne sont admis, et il se trouve avoir été membre de la Ligue

24 des Communistes, du Parti communiste. Ceci constitue bien d'un événement

25 local. Il s'agit de la branche locale du parti. Après la pause, je me

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1 propose de faire visionner cet enregistrement. On voit là, que c'était là

2 quelque chose de planifier. J'ai demandé au témoin s'il en savait quelque

3 chose.

4 Mais j'irai de l'avant, si vous le voulez bien.

5 Q. Suite à ce qu'il a déclaré : "Personne n'a le droit de battre --"

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je dois vous dire, Monsieur Nice,

7 c'est la troisième fois que l'on fait référence à cela. J'ai l'impression

8 qu'aujourd'hui, c'est vous qui tenez des discours plutôt que de contre-

9 interroger ce témoin.

10 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Juge, j'espère que ce

11 n'est pas le cas. J'ose espérer que ce n'est pas le cas. Désolé. Mais je ne

12 sais pas quelle est la préoccupation de

13 M. le Juge Bonomy.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Justement, cette citation, "personne

15 n'a le droit de vous battre."

16 M. NICE : [interprétation] Je comprends, mais ce n'est qu'une citation

17 émanant d'un discours. J'essaie d'établir une séquence des événements pour

18 les Juges de la Chambre. J'essaie de démontrer que ceci a un impact

19 important, significatif sur l'approche qu'a eue l'Accusation vis-à-vis des

20 événements du 23 mars 1989.

21 Q. Suite à ce qui a été dit, le parti cherchait à discipliner l'accusé,

22 parce que ce qu'il a déclaré se trouvait en dehors de ce qui a été

23 considéré comme faisant partie de la fraternité de l'unité. Cela faisait

24 partie d'une manifestation de la cause serbe.

25 R. Ce n'est pas exact. Je tiens à dire que je n'étais pas présent. J'étais

Page 34119

1 membre de la Ligue des Communistes. J'étais membre de la présidence de la

2 province du Kosovo. C'est un organe d'état. J'ai entendu à la télévision la

3 totalité du discours tenu par Slobodan Milosevic. D'ailleurs cela a été

4 publié dans certains livres. Cette citation, "Personne n'avait le droit de

5 vous battre," c'est quelque chose de monter. Je vais vous dire dans quel

6 contexte cela a été dit. Je vais aussi vous dire quelle est la phrase-clé

7 de Milosevic dans ce discours. Et le tout pour vous expliquer --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Jokanovic. Je crois

9 que vous avez répondu à la question. Allons de l'avant.

10 M. NICE : [interprétation] Certes.

11 Q. La chose suivante qui s'est produite, c'est l'année 1987 et la

12 révocation d'Ivan Stambolic de ses fonctions de président du Parti

13 communiste par les soins de l'accusé. Je voudrais que vous voyiez un

14 enregistrement vidéo bref portant sur ce sujet-là, plutôt c'est l'un des

15 deux enregistrements que j'ai l'intention de vous faire visionner.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

18 "Aux fins de révoquer le président, Milosevic était à la recherche de

19 toutes les voix dont il pouvait avoir besoin.

20 Slobodan MILOSEVIC : Nous nous attendions à des résistances, notamment au

21 Kosovo de la part des séparatistes. Nous ne nous attendions pas à des

22 résistances ici, et diluer ou faire ou étirer les choses, constituent une

23 violation de la discipline du parti indépendamment du fait que cela plaise

24 à quelque ou pas.

25 DECENKREBIC : [phon] Je ne pense pas qu'Ivan n'a pas fait état de ce

Page 34120

1 comportement de leader.

2 Ivan STAMBOLIC : Lorsqu'on a décidé de procéder à un règlement de compte

3 politique, il a été fait recours à des prétextes. Tous les prétextes

4 étaient bons pour ceux qui visaient à conduire et à amener les choses vers

5 un conflit. Je ne comprends pas pourquoi le fait d'avoir fait preuve de

6 leadership m'a été reproché. Je n'ai pas eu cette attitude ni vis-à-vis de

7 Dusko [phon] ni vis-à-vis de quelqu'un d'autre.

8 INTERVENANT SUIVANT : Et avant que tout à chacun puisse se débrouiller le

9 comité central a voté.

10 Slobodan MILOSEVIC : Qui est pour cette proposition doit lever la main.

11 COMMENTAIRES : Il était clair que c'était une très grande victoire pour

12 Milosevic. Il tirait profit du moment.

13 Milosevic compte les voix. Huit contre.

14 INTERVENANT : Ce dont je me souviens, c'est que Stambolic était au premier

15 rang, et quand on a demandé, "qui est pour," il s'est retourné pour voir

16 qui était contre. Il était très humilié de voir qu'il n'avait que huit voix

17 contre."

18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Est-ce que ceci constitue à résumer un aperçu des événements portant

21 sur la révocation de Stambolic et le succès réalisé par l'accusé au niveau

22 du Parti communiste. Est-ce que c'est ce qui correspond au souvenir que

23 vous avez de ces événements ?

24 R. Je n'étais pas membre de la Ligue des Communistes de Serbie. Je n'étais

25 pas présent à cette réunion. Je n'étais pas présent aux réunions de la

Page 34121

1 Ligue des Communistes à l'époque, étant donné que j'étais membre de la

2 présidence du Kosovo, et je ne participais qu'aux réunions des instances de

3 l'état.

4 Cet élément de preuve, comme vous le qualifiez, a été montré à un témoin

5 qui n'a pas pris part à ces événements. Les Juges de la Chambre ont

6 remarqué que mon témoignage tout entier n'a porté que sur les éléments où

7 j'ai pris part -- où les événements où j'ai pris part moi-même, ou à sur ce

8 que j'ai vu en personne. Maintenant, s'agissant de mes commentaires ou de

9 mon commentaires, Monsieur Nice, je vous dirais que ceci --

10 Q. Je vous interromps. Je voudrais obtenir vos commentaires au sujet de

11 deux éléments, parce qu'il est évident que ce changement de direction à la

12 tête du Parti communiste était quelque chose de --

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. MILOSEVIC : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

17 M. NICE : [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE BONOMY : [aucune interprétation]

19 M. NICE : [aucune interprétation]

20 L'INTERPRÈTE: L'interprète a oublié de brancher son micro. Il

21 s'excuse.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Dans l'enregistrement vidéo que nous venons de voir, il est

24 question d'un prise du pouvoir au sein du Parti communiste. Donc, plus

25 personne ne pouvait se placer au travers de la voie ou sur la voie, le

Page 34122

1 chemin des réformes. Est-ce que c'est bien ce qu'il a fait ?

2 R. Je ne suis pas analyste. Je peux vous apporter un commentaire, si cela

3 est jugé utile par les Juges de la Chambre. Si je suis analyste, je veux

4 bien essayer d'analyser les événements politiques dans leur ordre. Je veux

5 bien.

6 Q. La deuxième question découle du même enregistrement vidéo : Azem Vllasi

7 était communiste Albanais. C'était un collaborateur, un proche

8 collaborateur de l'accusé de par le passé. Dans cette vidéo, il est en

9 train de dire que tout à chacun était sollicité pour ce qui était de voter.

10 On a fait pression sur tout à chacun pour voter, et il a refusé d'apporter

11 son soutien à l'accusé.

12 En avez-vous discuté à quelque moment que ce soit avec Vllasi ?

13 R. Je connais très bien Azem Vllasi. Je dirais que c'est un ex-ami. Cela

14 ne veux pas dire qu'il ne sera pas ami à nouveau. Je dis "ex-ami", parce

15 qu'il y a eu des événements depuis. Mais Azem Vllasi était plus proche

16 collaborateur de moi-même que de M. Milosevic. De là à savoir si des

17 pressions ont été exercées à son égard, ou à l'égard de quelqu'un d'autre,

18 je n'en sais rien.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, la question

20 était celle de savoir si vous vous êtes entretenu de cela avec Vllasi.

21 Quelle est la réponse que vous pouvez nous apporter ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis entretenu à plusieurs reprises avec

23 Vllasi. Mais s'agissant de pressions, jamais il ne m'en a parlé. Nous avons

24 toutefois discuté de maintes questions.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Monsieur Nice.

Page 34123

1 M. NICE : [interprétation] Très bien.

2 Q. Nous allons aller de l'avant et passer de 1987 à 1988. Je crois que

3 vous nous avez dit avoir, peut-être, été présent à l'une des sessions du

4 comité central de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Je vous avais

5 interrompu dans votre réponse, n'est-ce pas ?

6 R. Je ne me souviens pas du tout de l'année. Je sais que le sujet était

7 celui du Kosovo, et le président du comité central, le président s'était

8 Korosec, un Slovène. La session était une session élargie du comité

9 central, et on y avait convié un certain nombre de responsables du Kosovo

10 qui n'étaient, toutefois, pas membres du comité central. C'est ainsi que

11 j'ai participé à cette session, et j'ai pris la parole. Non pas en tant que

12 membre du comité central, mais en qualité d'invité.

13 Q. Est-ce que cela a pu se produire en juillet 1988, ou ne savez-vous pas

14 nous aider du tout au sujet de la date ?

15 R. Je suis désolé. Je n'arrive pas du tout à me souvenir du mois, ou de la

16 date.

17 Q. Dans ce cas, je ne vous fatiguerais pas davantage avec cette question.

18 Pourriez-vous juste nous confirmer à des fins chronologiques, et dire qu'en

19 1988, ou plutôt en octobre 1988, il y a eu des problèmes en Vojvodine, dans

20 la deuxième des deux provinces semi autonomes, n'est-ce pas ?

21 R. Vous avez dit qu'il y a eu des problèmes. Je ne sais pas si on m'a bien

22 traduit les choses. C'est bien ce que vous avez dit ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que M. Nice parle l'anglais, le

25 compte rendu d'audience se doit être précis. Il a dit "province semi

Page 34124

1 autonome." Qu'est-ce que cela veut dire, que "province semi autonome ?"

2 M. NICE : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que le témoin éprouve des

4 difficultés avec cet élément ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne parle pas l'anglais. Je parle

6 l'albanais, ce qui fait que je ne sais pas du tout ce qui est écrit sur le

7 compte rendu d'audience.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y est dit "semi autonome." Est-ce

9 que vous comprenez cela ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, "semi autonome" je comprends. Mais cela

11 ne correspond pas à la situation de fait. Je ne sais pas du tout ce que

12 l'on veut dire par semi autonome. La Vojvodine était une province autonome

13 dans cette République socialiste de Serbie.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ceci n'a aucune importance.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Monsieur Nice.

16 M. NICE : [interprétation]

17 Q. Ces problèmes en Vojvodine en automne 1988, le président, à ce moment-

18 là, était président de la présidence de Serbie. Des gens originaires du

19 Kosovo, des membres du Parti communiste sont partis du Kosovo pour

20 manifester en Vojvodine. A un moment donné en Vojvodine, la direction de

21 celle-ci a été révoquée, limogée. Pouvez-vous nous aider à ce sujet ?

22 R. J'ai vécu et j'ai travaillé au Kosovo. Je n'ai pas travaillé et résidé

23 en Vojvodine. Je peux vous donner une opinion. Je ne sais pas dans quel

24 mesure cela sera considéré comme étant pertinent.

25 Q. Essayons de fragmenter cela en plusieurs volets. Est-il exact de dire

Page 34125

1 que des membres du Parti communiste, et peut-être d'autres personnes

2 encore, sont allés du Kosovo pour manifester en Vojvodine ? Sont-ils allés

3 là-bas, oui ou non ?

4 R. Je ne peux vous dire ni oui ou non. Ce que je peux vous dire, c'est ce

5 qui suit.

6 Q. Allez-y.

7 R. Il y a des citoyens qui ont souffert de bon nombre d'injustices. On en

8 a déjà parlé. Ils sont venus, à plusieurs reprises, à Belgrade auprès

9 d'instances nombreuses de la République et de la Fédération. Ce sont des

10 citoyens du Kosovo qui sont allés à Novi Sad, en Vojvodine. Cela, je m'en

11 souviens, et je l'ai vu à la télévision. De là à savoir qui, parmi eux,

12 était membre du Parti communiste et qui ne l'était pas, cela je ne peux pas

13 le savoir. Mais on ne peut pas dire qu'il s'agissait des membres de la

14 Ligue des Communistes. On peut dire qu'il s'agissait de citoyens

15 originaires du Kosovo qui sont partis en Vojvodine pour parler des

16 difficultés, des problèmes auxquels ils devaient faire face là où ils

17 vivaient.

18 Cela, je le sais partant des médias. Je l'ai appris par la télévision et

19 par la presse. C'est ce que je peux vous dire, mais je ne sais pas si cela

20 peut être pertinent en qualité de témoignage.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre devra le déterminer.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Je m'excuse. J'ai dit qu'il était président de la présidence en 1988.

24 En réalité, il était président de la présidence en mai 1989. Et je suis

25 reconnaissant à mon collaborateur pour ce petit rectificatif.

Page 34126

1 Puis-je encore poser une question avant la pause ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pensais que nous allions prendre

3 la pause toute suite. Vous voulez poser une question ?

4 M. NICE : [interprétation] Oui, juste une question.

5 Q. Monsieur Jokanovic, je vous demanderais de bien vouloir répondre à

6 cette question, ou à ce problème. S'il y a nécessité de réformer la

7 constitution au Kosovo, et si cela avait été si puissamment suscité par le

8 mouvement séparatiste des Albanais du Kosovo et non pas par des raisons

9 autres, quel a, alors, été la raison de la réduction du niveau d'autonomie

10 qui existait en Vojvodine ? C'est ce qui a donné lieu à ce mouvement de

11 manifestants vers la Vojvodine. Quelle en a été la finalité ?

12 R. Votre question et la façon dont vous l'avez posé, ainsi que la façon

13 dont je l'ai comprise confirme tout ce que j'ai dit hier dans mon

14 témoignage. Le nationalisme et le séparatisme au Kosovo n'ont été qu'une

15 des raisons qui ont suscité tout cela. Il y a eu bon nombre d'autres

16 raisons qui nécessitaient la modification de la constitution de Serbie pour

17 que la République de Serbie puisse exercer ses fonctions élémentaires de

18 constitutionalité, pour lui permettre d'accomplir sa mission en matière de

19 sécurité, pour lui permettre d'accomplir ses missions en matière de

20 relations internationales. Il ne s'agissait pas de structure ethnique du

21 tout, il s'agissait de savoir s'il s'agissait-là d'une république ou non.

22 Maintenant, pour ce qui est du nationalisme et du séparatisme, cela n'a

23 fait qu'accélérer cette nécessité et constituait un argument

24 complémentaire. Mais cela était aussi valide pour la Vojvodine, où il y

25 avait une prédominance de la population Serbe.

Page 34127

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause de vingt

2 minutes à présent.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Nous allons maintenant parler de l'année 1989. Les dirigeants de la

8 Vojvodine ont été changés, n'est-il pas exact de dire qu'à la fin de

9 l'année 1988 et au début 1989, il y a eu des grèves à la mine de Trepca au

10 Kosovo, y compris la mine de Stari Trg ?

11 R. Oui, c'est exact.

12 Q. Parmi les préoccupations, les revendications des grévistes et des

13 mineurs albanais, il y avait les propositions d'amendement de la situation

14 au plan constitutionnel du Kosovo.

15 R. La grève des mineurs à Trepca a eu lieu au mois de janvier 1989 et la

16 principale revendication était d'ordre politique. Ils souhaitaient que

17 plusieurs personnalités politiques; Ali Shukrija et d'autres soient

18 remplacés, Rrahman Morina et M. Azemi. C'était, en fait, l'essentiel de

19 leur revendication. Il y avait également une certaine manipulation à cet

20 égard. On avait fait croire aux mineurs que si ces amendements de la

21 constitution n'étaient pas faits, ils n'auraient plus le droit d'avoir une

22 école, ils ne pourraient plus utiliser leur langue maternelle, ils

23 n'auraient plus les mêmes droits et ils n'auraient plus la possibilité de

24 s'exprimer dans leurs langue, par conséquent, cette grève a, en fait, été

25 une manipulation aux fins d'obtenir ou de réaliser des objectifs maintenant

Page 34128

1 fort connus.

2 Q. Il y a trois hommes que vous avez mentionnés, Sinan Hasani, Rrahman

3 Morina et Ali Shukrija. Ces trois hommes avaient été imposés au lieu de

4 Kaqusha Jashari, Sinan Hasani et Azem Vllasi. Ils étaient trois. On avait

5 remplacé ces personnes parce qu'elles appuyaient ou étaient en faveur de

6 l'accusé, n'est-ce pas ? Vllasi et les autres ont été remplacés et ils ont

7 perdu leur emploi et ont été remplacés par des loyalistes, n'est-ce pas ?

8 R. Non, ceci n'est pas exact. Personne ne peut dire qu'Ali Shukrija était

9 un homme, un béni-oui-oui. C'était un homme intègre qui avait été décoré de

10 la médaille des vétérans et qui avait pris part au combat de 1941 et à la

11 guerre de libération. C'était un homme très intègre et personne n'avait le

12 pouvoir de simplement remplacer quelqu'un ou remplacer plusieurs personnes

13 par d'autres.

14 Q. Jashari, Hasani et Vllasi sont les noms d'endroits qui ont été donnés à

15 ces gens-là. J'ai raison n'est-ce pas ?

16 R. On ne leur a pas donné ces postes. Il y a un forum, le forum compétent

17 qui les a élus. C'était les organes ou les instances compétentes du parti

18 qui ont élu ces hommes là.

19 Q. N'est-ce pas ?

20 R. Personne ne les a imposé.

21 Q. Le forum du Parti communiste les a élus, ce qui nous amène à ce qui

22 s'est passé le 23 mars 1989. Nous allons prendre le temps pour y venir de

23 façon à ce que les choses soient très claires.

24 Tout d'abord, le 3 février, vous souvenez-vous de cette date ? L'assemblée

25 de la Serbie a voté certains amendements à la constitution qui donnait plus

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1 de contrôle sur le pouvoir judiciaire du Kosovo, le budget, et cetera. Ceci

2 s'est produit le 3 février.

3 R. Le 3 février, l'assemblée de Serbie a voté ces différents amendements

4 qui, ensuite, ont été publiés le 28 en vertu de la procédure appliquée et

5 conformément à la constitution de Serbie.

6 Q. Parce qu'évidemment, à ce stade, et conformément à la constitution de

7 1974, le consentement du Kosovo était requis.

8 Si vous pouvez m'aider sur ce point, les propositions faites par la

9 Serbie pour faire en sorte qu'elle suive la ligne du parti comme les autres

10 républiques différaient sur un seul point. Lorsque les amendements ont été

11 votés, ou sont entrés en vigueur, le Kosovo et la Vojvodine maintenaient

12 toujours leurs sièges d'électeurs au sein de la présidence du gouvernement

13 fédéral, donc la Serbie aurait trois sièges, trois voix, alors que les

14 autres républiques n'en avaient qu'une. Est-ce exact ?

15 R. Ceci n'est pas exact Je vais vous expliquer ceci.

16 La situation des provinces au sein de l'assemblée n'a pas changé.

17 Lorsque les amendements ont été adoptés, l'assemblée du Kosovo a élu Riza

18 Sapundzija, un membre qui a été élu à bulletin secret. Il s'agissait d'un

19 vote fait par un membre de la présidence du Kosovo, à l'intérieur de la

20 présidence de Yougoslavie. Il s'appelait Riza Sapundzija. Il a été élu le 5

21 mai.

22 Q. Nous allons voir ce qui est arrivé à Sapundzija par la suite, mais si

23 vous n'acceptez pas cette première proposition que je vous soumets, je vais

24 vous soumettre ceci : il y avait trois personnes qui siégeraient à la

25 présidence du gouvernement fédéral, alors que pour les autres républiques,

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1 il n'y aurait qu'une personne, si on parle de la Vojvodine et du Kosovo en

2 vertu de la constitution amendée que recherchait la Serbie. C'était cela ce

3 qu'elle cherchait ?

4 R. Ceci n'est pas exact. Nous ne parlons par du gouvernement, nous parlons

5 de la présidence de la RSFY. Deuxièmement, les assemblées de Vojvodine et

6 du Kosovo ont élu leurs propres membres à la présidence. Dans le cas du

7 Kosovo, les membres élus étaient des Albanais. Comme je vous l'ai dit, Riza

8 Sapundzija a été élu après que les amendements constitutionnels aient été

9 adoptés, et le membre de la Vojvodine a été élu par l'assemblée de la

10 Vojvodine. Je ne me souviens pas du nom de cet homme-là. C'était peut-être

11 Kostic à ce moment-là.

12 Q. Très bien. Jugoslav Kostic, peut-être ?

13 R. Oui, vous avez raison. Jugoslav Kostic.

14 Q. L'événement suivant : le 20 février - vous en souvenez-vous ? - il y a

15 une autre grève des mineurs. Il s'agit peut-être de celle où la pression a

16 été exercée pour le retour de Vllasi mais je ne fais aucune critique à cet

17 égard. Vous dites que cela, en fait, a eu lieu lors de la première grève.

18 Quoi qu'il en soit, une autre grève le 20 février, quelques 1 300 mineurs

19 albanais ont fait la grève de la faim.

20 R. Au mois de février -- je sais qu'il y a eu des grèves au mois de

21 janvier. Il est fort possible qu'il y ait eu des grèves au mois de février

22 également.

23 Mais pour ce qui est du nombre de mineurs impliqués, je ne sais pas.

24 Je sais qu'ils se sont mis en grève, et j'ai dit un peu plus tôt qu'il

25 s'agissait d'une forme de manipulation de ces travailleurs en vertu du

Page 34131

1 slogan, "Il ne faut pas que nous laissions tomber nos cadres."

2 Q. Ailleurs en ex-Yougoslavie, en particulier à Ljubljana en Slovénie, il

3 y avait des rassemblements en faveur des mineurs du Kosovo avec Kucan, le

4 président Kucan, il est président, ce qui en sorte que les Slovènes

5 épousaient les intérêts des Kosovars et leurs préoccupations, n'est-ce pas

6 ?

7 R. Ceci est vrai en partie, mais je puis vous expliquer pourquoi.

8 Q. Peut-être un peu plus tard. Entre-temps, comme vous nous l'avez dit

9 hier, et j'espère ne pas être obligé de passer tout ceci en détails, il y a

10 différentes réunions qui se sont tenues, que l'on peut voir illustrées par

11 certains documents. J'anticipe sur votre témoignage et l'utilisation de ce

12 que vous dites par l'accusé, différentes réunions ont été tenues par les

13 organes du parti communiste aux fins de préparer ces propositions pour un

14 amendement dans la constitution, n'est-ce pas ? Il y a eu différentes

15 réunions.

16 R. Je pense qu'il y a eu un nombre très important de réunions qui se sont

17 tenues au Kosovo, ainsi qu'à Belgrade, et à la fois au niveau de la

18 fédération et au niveau de la République de Serbie.

19 Q. De façon à ce que nous puissions comprendre comment le système

20 communiste fonctionnait, vous y avez fait référence hier : les décisions

21 étaient prises au niveau local, et lorsque les gens sont venus à cette

22 réunion le 23 mars, il s'agissait de délégués en grande partie.

23 R. Vous me posez la question ?

24 Q. Oui. Les gens lorsqu'ils sont venus à cette réunion savaient déjà

25 comment ils allaient voter.

Page 34132

1 R. Monsieur Nice, je crois que vous connaissez mal notre système

2 constitutionnel qui était fort complexe à l'époque. Il était dominé par le

3 système des délégués, ce qui signifie qu'avant de prendre sa décision, un

4 délégué doit consulter les autres membres et recueillir le point de vue de

5 ses électeurs, ou des personnes qui l'ont élu, en premier lieu. C'est un

6 système assez complexe qui était le nôtre à ce moment-là.

7 Q. Je peux trouver dans votre témoignage d'hier, aie-je raison de dire,

8 que pour --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, laissez-le terminer,

10 je vous prie. Il a dit qu'il s'agissait d'une tentative de --

11 M. NICE : [interprétation] Je n'avais pas l'intention de l'interrompre.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit, c'était une

13 tentative, ce système de délégués. C'était une tentative où tentait de --

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On tentait de promouvoir l'autogestion

15 socialiste par ce biais. C'était un système tout à fait unique dans le

16 monde. C'est exactement à ce moment-là qu'on le perfectionnait, et c'est à

17 ce moment-là que ce système commençait à véritablement fonctionner

18 correctement que la Yougoslavie a été démantelée.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Un certain nombre de documents nous ont été fournis par l'accusé, et

21 avant que vous ne les produisiez, mais cela n'a pas été possible. Je vais

22 simplement en lire les titres, la session des organes de Coordination de la

23 Commission de l'assemblée de la province socialiste autonome de Kosovo du

24 20 février 1989. Un autre titre était l'enregistrement audio de la réunion

25 de la commission chargée de la Constitution de l'assemblée de la province

Page 34133

1 socialiste autonome du Kosovo le 13 janvier. L'autre constitue un

2 enregistrement de la commission constitutionnelle de l'Assemblée de la

3 province socialiste autonome du Kosovo le 5 janvier. Et le dernier est une

4 transcription d'un enregistrement audio de la session élargie de l'organe

5 de Coordination de la commission constitutionnelle de l'assemblée de la

6 province socialiste autonome du Kosovo, le 4 janvier.

7 Pour autant que cela soit possible dans le temps qui nous est donné, et

8 compte tenu des traductions qui ont été mises à notre disposition,

9 reconnaissez-vous, Monsieur Jokanovic, que les débats au niveau régional ou

10 au niveau local, tels qu'ils sont indiqués dans ces documents, n'évoquent

11 absolument pas des actes de violence commis par les Albanais, et n'évoquent

12 absolument pas non plus, la question du séparatisme albanais, et n'évoquent

13 que les questions constitutionnelles, les amendements apportés à la

14 constitution, et les questions relatives à l'éducation. Etes-vous d'accord

15 avec cela ?

16 R. Ces réunions étaient des réunions qui regroupaient des professionnels.

17 Un certain nombre de ces réunions indique qu'il s'agissait de travaux très

18 précis sur la formulation de la constitution. On débattait de chaque

19 phrase, de chaque virgule, et on faisait très attention à la formulation de

20 ce texte. Tout à chacun avait le droit de s'exprimer de façon à ce que tous

21 les points de vue soient pris en compte.

22 Q. Je vous ai peut-être mal aiguillé mais je vais répéter ma question.

23 Nous n'allons pas trouver dans ces procès-verbaux une quelconque référence

24 à des actes de violence commis par des Albanais ou évocation d'un

25 séparatisme albanais comme étant la raison pour laquelle on a procédé à des

Page 34134

1 amendements constitutionnels, n'est-ce pas ?

2 R. Lorsque des juristes et des professionnels se proposent de trouver des

3 solutions à la constitution, ils n'évoquent pas la situation politique sur

4 le terrain. C'est ce document, le document de politique générale de la

5 Ligue des communistes de Yougoslavie, qui traite des questions politiques.

6 Si cela vous intéresse, je peux vous le remettre. Il s'agit de quelque

7 chose qui était du ressort des organes politiques.

8 Cette commission constitutionnelle était un groupe de professionnels dont

9 le but était de concentrer leur attention sur les questions purement

10 juridiques et techniques.

11 Q. Après les rassemblements de Ljubljana au soutien aux Albanais du

12 Kosovo, il y avait un des rassemblements à Belgrade, je crois que vous-

13 même, vous avez dit que certaines personnes se sont rendues à Belgrade à

14 cet effet, et peut-être que nous pourrions regarder ce cours extrait, je

15 vous prie.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

18 "Ils ont donné à Milosevic le pouvoir d'utiliser l'armée au Kosovo. La

19 foule avait attendu toute la journée pour que Milosevic lui dise que le

20 Kosovo leur appartiendrait à nouveau.

21 "Aucune force sur terre ne peut empêcher le peuple serbe. Nous allons nous

22 battre pour notre cause et gagner. Je quittais Belgrade et j'écoutais la

23 radio dans la voiture. Quelqu'un dans la foule avait hurlé ou crié,

24 'Arrêter, arrêter Vllasi'. Je ne vous entends pas bien, mais je vais

25 répondre à votre demande. Ceux qui déçoivent le peuple, ceux qui trament

Page 34135

1 quelque chose contre la Yougoslavie seront arrêtés et punis."

2 [Fin de diffusion de cassette vidéo]

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. Etiez-vous présent à ce rassemblement politique ?

5 R. Non, je n'étais pas présent.

6 Q. L'avez-vous vu à la télévision ?

7 R. Bien sûr, j'ai vu ceci à la télévision, et j'ai lu la presse à ce

8 moment-là.

9 Q. Il s'agissait ici d'attiser le nationalisme serbe, n'est-ce pas ?

10 R. Non. M. Milosevic dit que les dirigeants serbes vont œuvrer pour avoir

11 des objectifs justes et équitables. J'espère que ceci a été traduit

12 correctement. Il dit ensuite, qu'aucune force ne pourra empêcher les

13 dirigeants du Kosovo de punir ceux qui travaillent contre les intérêts de

14 l'état. J'ai déjà entendu ceci, et je ne peux être d'accord avec ce que

15 vous dites.

16 Q. Vous souvenez-vous que quelques jours plus tard, le 27 février,

17 l'accusé a réussi à convaincre le gouvernement fédéral de mettre en place

18 des mesures d'urgence, n'est-ce pas ?

19 R. Vous imputez un très grand pouvoir à M. Milosevic, ou l'accusé, comme

20 vous l'appelez. Malheureusement, il n'avait pas de tel pouvoir. Vous

21 semblez indiquer ou insinuer qu'il était en mesure de dicter ses termes au

22 gouvernement fédéral, au gouvernement de la république, à son peuple, et à

23 tout à chacun. Il ne pouvait rien me dicter à moi-même. Moi-même, j'étais

24 dans la vie politique avant même qu'il n'arrive sur le devant de la scène.

25 Lorsque Milosevic me disait quelque chose et que je n'étais pas d'accord

Page 34136

1 avec lui, je ne lui obéissais pas. S'il avait proposé quelque chose avec

2 lequel je ne pouvais pas être d'accord, je ne lui aurais pas obéi. Je crois

3 que vous lui imputez des pouvoirs qu'il n'avait pas.

4 Q. Des mesures d'urgence ont été imposées, et avec des pouvoirs

5 extraordinaires ce qui a eu pour conséquence ceci au

6 Kosovo : des troupes sont arrivées au Kosovo, et nous avons vu des chars

7 arrivés. Les grèves ont été interdites et le couvre-feu imposé, tout ceci à

8 la fin du mois de février 1989, n'est-ce pas ?

9 R. Des mesures d'urgence ont été introduites par la présidence du

10 gouvernement fédérale, ou le gouvernement fédéral, je ne me souviens plus

11 précisément. Après, un certain nombre de décisions ont été adoptées aux

12 fins de limiter la liberté de mouvements au Kosovo et le rassemblement dans

13 des lieux publics.

14 Le premier ministre Nazmi Mustafa, le journal officiel du mois de mars 1989

15 -- je ne sais pas si cela correspond au point que vous soulevez ici. Il est

16 vrai que les mesures d'urgence ont été introduites.

17 Q. Le 2 mars, Vllasi, qui s'était opposé à l'accusé lorsqu'il avait

18 postulé pour le poste de Stambolic et qu'il a obtenu, et lorsque la foule

19 l'acclamait à Belgrade, il a été arrêté et détenu pendant cinq mois sans

20 chef d'accusation quelconque, ou jugé pour une quelconque infraction; est-

21 ce exact ?

22 R. Azem Vllasi a été jugé à Kosovska Mitrovica, et il a été acquitté par

23 ce Tribunal.

24 Q. A la période qui nous intéresse ici, les amendements à la constitution,

25 Vllasi a été arrêté dans la rue et jeté en prison, n'est-ce pas ?

Page 34137

1 R. Je ne peux que faire des supputations à cet égard. Vllasi était

2 considéré comme l'organisateur et le manipulateur derrière les grèves

3 organisées et les manifestations organisées au Kosovo, parce qu'il avait

4 perdu son poste de dirigeant au Kosovo et à Metohija. Mais plus tard, au

5 cours de son procès, rien n'a pu être prouvé, et d'après nos lois, il ne

6 pouvait pas être condamné pour son activité, et pour ses activités

7 politiques.

8 Q. Nous allons retourner maintenant à la réunion du 23 mars dont nous

9 avons vu une séquence hier. Je ne vais pas vous la montrer, mais il s'agit

10 de la pièce 254.

11 Le document qui était un document incomplet, est-ce vous qui avez apporté

12 ce document, ou ce document vous a-t-il été remis par l'accusé lorsque vous

13 êtes venu à La Haye, Monsieur Jokanovic ?

14 R. De quel document voulez-vous parler ? Pourriez-vous me donner le titre,

15 s'il vous plaît ?

16 Q. Certainement. Je vais vérifier. Est-ce que c'est vous qui avez apporté

17 ce document, ou ce document se trouvait-il déjà ici ?

18 R. J'ai apporté le document original. Ceci a certainement été remis à M.

19 Milosevic plus tôt. Ce qui est en ma possession est le document original.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quel numéro s'agit-il, Monsieur

21 Nice ?

22 M. NICE : [interprétation] 254.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du numéro 254, c'est en

24 anglais. Un enregistrement des trois Chambres, c'est exact.

25 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est le titre qui figure dessus.

Page 34138

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est anglais.

2 M. NICE : [interprétation] En anglais et en serbe.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En serbe aussi.

4 M. NICE : [interprétation] Si vous vous souvenez hier, je vous ai dit qu'il

5 y avait des pages manquantes. Bien que les pages aient été fournies à la

6 fin, nous n'avons néanmoins pas un document complet.

7 Q. Si vous auriez l'obligeance, s'il vous plaît, de vous tourner vers le

8 texte anglais, page 35, dans votre version en serbe. Je vous demande de

9 bien vouloir ouvrir ce document qui est devant vous, et de vous tourner à

10 la page 70. Je vais vous la trouver. 74.

11 R. 74.

12 Q. En haut de la page, et si vous passez à la page précédente, il s'agit

13 de la page 71 dans la version que nous avons. Vous avez également la page

14 précédent la page 74, c'est aussi la page 71 ?

15 R. Oui. J'ai la page 71.

16 Q. Les pages 72 et 73 ne sont pas dans ce document. Elles constituent

17 l'essentiel de l'allocution de Avdi Trnkoli.

18 M. NICE : [interprétation] Je vais maintenant tourner l'attention de la

19 Chambre sur un autre document de source ouverte, que j'ai remis ce matin.

20 Encore un document qui nous permettra peut-être de combler cette lacune. Si

21 vous auriez l'obligeance de bien vouloir regarder cette liasse de

22 documents, et de vous tourner en haut à droite, et vous tournez au numéro 5

23 634. Si Monsieur l'Huissier veut bien mettre ce document sur le

24 rétroprojecteur.

25 Les Juges de la Chambre ont-ils ce document sur leur écran, car mon

Page 34139

1 écran ne fonctionne pas.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons regarder le

3 document sur l'écran. Cela y est.

4 M. NICE : [interprétation] Merci.

5 Q. Ce que nous regardons ici, c'est un résumé des différents programmes

6 diffusés, 23 mars 1989. Si vous auriez l'obligeance de montrer les deux

7 pages, s'il vous plaît. C'est un résumé de la BBC et de regarder le haut de

8 cette page ici. K0485636, ces trois paragraphes portant sur les résumés

9 faits par la BBC. Je vais le lire lentement, Monsieur Jokanovic. Il parle

10 des propos de Mme Trnkoli. Ceci commence en haut de la page.

11 "Quelques délégués albanais aujourd'hui ont continué à exprimer leurs

12 réservations eu égard aux amendements apportés à la constitution serbe. Par

13 exemple, un nombre de délégués a demandé à avoir une vérification. Je ne

14 comprends pas ce qui suit, de quelques amendements. L'amendement 47, qui

15 régit les changements apportés à la constitution serbe, est celui qui a été

16 le plus évoqué. Quelques délégués affirment que cet amendement n'avait pas

17 été soumis à un débat public et ont averti, que pour l'instant, on ne

18 pouvait pas voter pour ou contre cet amendement.

19 "Le délégué Melihate Trnkoli a pris part à un examen détaillé de la

20 position de la Serbie, et a dit que la Serbie était une république avec une

21 position bien définie, qui d'après elle, signifie que c'est un état d'un

22 type particulier, à cause des deux provinces qui la composent. Pour

23 Melihate Trnkoli, il s'agit là du privilège de la Serbie et elle considère

24 par conséquent, ne pas comprendre la position de cette république avec

25 celle des autres républiques socialistes de Yougoslavie. Ce qui voudrait

Page 34140

1 dire, d'après elle, l'abolition de l'autonomie des provinces. Le rejet dos

2 à dos des deux positions.

3 "Des 'arguments' similaires contre l'amendement 47 ont été exprimés

4 par le délégué Uka Riza. D'après lui, le cadre du changement de la

5 constitution serbe n'a pas été appliqué. Il a, par conséquent, suggéré

6 qu'il ne fallait pas approuver les amendements 29 et 47, qui d'après lui

7 n'ont pas été soumis à un débat public…"

8 Pour que la citation soit complète, ou en fait -- non, ce n'est pas pour

9 cela, mais enfin allons en bas de la page, nous voyons une synthèse, je

10 cite :

11 "Les délégués des trois Chambres de l'assemblée du Kosovo ont donné leur

12 feu vert aux amendements de la constitution dans la république et la

13 province suite à un vote public. L'introduction des amendements 9 et 49

14 dans la constitution serbe a été votée à la majorité des voix. Seuls 10

15 délégués se sont fermement opposés et deux se sont abstenus. Cet acte

16 solennel, tel qu'il a été décrit par beaucoup, s'est achevé sur une ovation

17 debout. Le président de l'assemblée, Vukasin Jokanovic a souligné, dans sa

18 brève allocution devant les délégués, que cette journée historique serait

19 le début d'un avenir meilleur et plus heureux pour chacun dans la

20 province."

21 Vous rappelez-vous que l'opposition, exprimée par au moins un, sinon

22 plusieurs délégués, a existé. Je veux parler de Mme Trnkoli ?

23 R. Je me souviens. Il est vrai que la déléguée, Mme Trnkoli, une jeune

24 femme a parlé longuement. Elle a d'ailleurs parlé plus longtemps que moi

25 durant mon allocution liminaire. Alors que l'autre personne, évoquée par

Page 34141

1 Mme Trnkoli ici, est son oncle. Et cet autre délégué, Riza a exprimé son

2 avis, fait les commentaires qu'il souhaitait faire, opposé des objections

3 diverses au cours de la séance. Ces deux personnes ont pu dire tout ce

4 qu'elles souhaitaient dire. Nous avons travaillé dans un climat tout à fait

5 démocratique, lors de cette réunion de l'assemblée et leurs objections ont

6 été faites par rapport à cet amendement 47 qui n'aurait pas été

7 suffisamment discuté en public. Mais la question qui se pose, c'est de

8 savoir ce qu'est un débat public ? Un débat public signifie l'intervention

9 de tous les citoyens, de tous les travailleurs. Partout où ils se trouvent,

10 ils peuvent soumettre des propositions, faire des suggestions. Il y en a eu

11 en Vojvodine, il y en a eu en Serbie et au Kosovo.

12 Au Kosovo, certaines propositions ont été qualifiées d'inacceptables

13 et nous les avons rejetées. Il y en a eu également des propositions

14 inacceptables qui sont venues de Serbie et de Vojvodine. Dans le cadre de

15 ces débats publics, l'amendement 47 a été proposé et il proposait de rendre

16 à la Serbie ses pouvoirs constitutionnels, tout à fait comparables aux

17 pouvoirs constitutionnels dont disposaient toutes les autres républiques.

18 C'est le droit souverain de toute république de disposer de ses pouvoirs

19 constitutionnels --

20 Q. -- nous allons maintenant examiner l'amendement 47. Je l'ai pour vous

21 en B/C/S, nous en avons une version en anglais également. Je pense qu'il

22 est intéressant d'examiner d'un peu plus près la procédure de vote.

23 Vous avez confirmé, si je ne m'abuse, que dans leur majorité, les délégués

24 qui sont venus à cette réunion savaient déjà de quelle façon ils allaient

25 voter, n'est-ce pas ?

Page 34142

1 R. Leurs circonscriptions avaient décidé du vote à formuler dans toutes

2 les municipalités. Au total, 22 municipalités, au sein des différentes

3 instances de responsabilité, s'étaient réunies aussi bien au niveau de la

4 province qu'à d'autres niveaux. Des débats avaient eu lieu et des positions

5 avaient été adoptées, que les délégués devaient respecter.

6 Q. Dans ce système communiste très complexe, il aurait été extraordinaire

7 qu'une réunion de ce genre ne se termine pas sur le plan du résultat du

8 vote, comme elle s'est terminée, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne vois pas exactement ce que vous voulez dire.

10 Q. Ce que je vous dis, c'est que suite à ces débats qui ont duré plusieurs

11 années, les délégués prennent une décision dans le cadre du système de

12 parti unique, le Parti communiste, et que dans ces conditions, il aurait

13 été tout à fait étonnant, sinon absolument extraordinaire, que les délégués

14 dans une réunion de ce genre, votent différemment ce que qui avait été

15 prévu au départ. Ces amendements ne pouvaient faire qu'une chose, être

16 adoptés, n'est-ce pas ?

17 R. Je vous en prie. C'est le résultat d'une action coordonnée de toutes

18 les instances sociales, de toutes les structures qui existent dans la

19 société. Personnes n'a exercé la moindre pression sur quiconque. C'est la

20 suite d'un consensus qui s'est établi au cours de débats menés dans toutes

21 sortes d'endroits différents. Finalement, tout cela arrive au parlement, où

22 les délégués n'ont pas la liberté, dans notre système en tout cas, de se

23 comporter comme ils le souhaitent personnellement, mais ils n'avaient pas

24 interdiction d'exprimer leur avis personnel.

25 La déléguée Mme Trnkoli a exprimé son avis personnel. Dans ce document, si

Page 34143

1 vous le lisez dans son intégralité, vous découvrirez sans doute qu'elle a

2 souligné s'exprimer en son nom personnel. Il est indiqué qu'elle n'avait

3 pas raison de le faire, et cetera.

4 Q. Très bien, très bien. Nous sommes ici en présence d'un organe qui est à

5 70% Albanais, mais à 100% communiste, n'est-ce pas ?

6 R. Cela, je n'en suis pas sûr. Je ne crois pas. Evidemment, il y avait un

7 certain nombre de délégués qui émanaient du Parti communiste, un autre

8 groupe de délégués qui émanaient de l'Alliance socialiste, un troisième

9 groupe de délégués qui émanaient de l'union. Il se pouvait fort bien qu'il

10 y ait des délégués qui n'aient pas appartenu à la Ligue des Communistes.

11 Cependant, il y

12 Avait automatiquement, dans ce genre de réunions, une représentation

13 chiffrée de la Ligue des Communistes. Nous n'enregistrions pas au départ

14 qui était membre du parti, qui ne l'était pas.

15 Q. Les délégués étaient-ils des bureaucrates, des fonctionnaires, des

16 permanents ?

17 R. Non. C'étaient des gens qui venaient du terrain. La structure se

18 déterminait en fonction de la structure nationale et de la structure au

19 sein de la société. C'est-à-dire qu'il y avait des représentants, des

20 paysans, des représentants des intellectuels, des représentants de toutes

21 les couches de la société. Ce n'étaient pas des permanents, ce n'étaient

22 pas des fonctionnaires du parti. Aucun de ces délégués ne percevait la

23 moindre rémunération du parti, hormis des gens comme le président du

24 Parlement et le vice-président. Autrement dit, ceux qui occupaient des

25 postes tout à fait dirigeants. Les délégués ne percevaient que des

Page 34144

1 indemnités journalières pour assister à ce genre de réunions.

2 Q. Les membres du Parlement, avant le vote, avaient-ils été appelés par

3 des responsables gouvernementaux ou des représentants politiques, est-ce

4 que vous vous rappelez de cela, pour obtenir des instructions de votes ?

5 R. Je ne pense pas qu'ils aient été appelés par des représentants du

6 gouvernement, même si je ne me souviens pas très bien. Les délégués

7 représentaient des municipalités qui les avaient délégués pour participer à

8 cette réunion. Au niveau qu'ils représentaient, au niveau de leur

9 circonscription, ils avaient discuté des diverses propositions préalables.

10 Ensuite, les avis étaient harmonisés à ce niveau-là, et puis il avait aussi

11 des représentants des syndicats, de la Ligue des Communistes, de l'Alliance

12 socialiste, et cetera.

13 Le gouvernement, qui à l'époque portait le nom de conseil exécutif, n'était

14 pas autorisé à appeler qui que se soit pour avoir des conversations privées

15 avec tel ou tel délégué. Mais cela est une supposition de ma part.

16 Q. Dans la salle, ce matin-là, il y avait des membres de la police

17 secrète, n'est-ce pas ? Que faisaient-ils ?

18 R. Le parlement avait son propre système de sécurité interne, son service

19 d'ordre. C'est le cas de tous les parlements du monde. Aucun membre de la

20 police d'état ou de la sécurité d'état n'était présent. Qui était présent

21 en tant que membre de la sécurité de l'état, je ne le sais pas, mais en

22 tout cas la sécurité de l'état, dans cette région, c'était la sécurité au

23 niveau du Kosovo. Il faut savoir qu'à l'époque, le ministre de l'Intérieur

24 était un Albanais. C'était Karakushi, et le responsable à la sécurité

25 d'état au Kosovo était également un Albanais.

Page 34145

1 Je pense que l'Accusation ici estime que les personnes qui ont participé

2 aux travaux de cette séance du parlement n'avaient qu'un seul but qui est

3 de présenter ceci de façon tout à fait déformée. Manifestement, vous avez

4 reçu des renseignements de la part de ceux qui souhaitent donner cette

5 image, qui va dans le sens de leurs objectifs. Ces objectifs sont tout à

6 fait clairs, ils ont été clairement exprimés aujourd'hui. Leur objectif,

7 c'est de créer un Kosovo souverain et indépendant.

8 Q. Je reviendrai sur les éléments de preuve disponibles un peu plus tard.

9 Hier, on a appelé votre attention sur le fait que dans l'acte d'accusation,

10 on trouve une allégation quant à l'absence de quorum, lors de cette

11 réunion. La validité du vote dont vous avez parlé aux Juges de la Chambre,

12 hier, a déjà été contestée, n'est-ce pas ?

13 R. J'entends l'interprète me parler de "la validité de la voix". Quelle

14 voix ? Est-ce qu'il s'agit de votes ? Est-ce que l'interprète a fait une

15 erreur ? La voix, quelle voix ? Vous parlez de la validité du vote, le vote

16 au parlement ?

17 Q. La validité de la décision rendue par l'assemblée ou par le

18 parlement a déjà été contestée par le passé, n'est-ce pas ?

19 R. Contestée par certains individus qui très manifestement poursuivaient

20 des objectifs séparatistes. Ils avaient pour objectif de créer une

21 République de Kosovo, et de la séparer de la République de Serbie. Sinon,

22 cette décision n'a été contestée dans aucune réunion ou dans aucune

23 instance officielle, même pas dans le document que j'ai actuellement entre

24 les mains.

25 Q. Je reviendrai sur ce document plus tard, et sur le fait de savoir

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1 pourquoi il n'a jamais pu aboutir à une conclusion dans la réalité. Ma

2 proposition, Monsieur Jokanovic, est la suivante : la réunion en question

3 s'est achevée sur un vote à main levée et dans l'assistance, certaines

4 personnes n'ont pas été autorisées à voter, et cela c'est une allégation

5 également que vous avez déjà entendue, n'est-ce pas ?

6 R. De telles affirmations, il se peut que je les entende ou que je les

7 lise quelque part, mais elles émanent des mêmes individus qui s'emploient à

8 la réalisation de ce même objectif bien connu que j'ai évoqué tout à

9 l'heure.

10 Q. Comme vous l'avez expliqué hier en réponse à une question de M. le Juge

11 Kwon, il est tout à fait possible d'organiser un vote à bulletin secret,

12 mais vous avez choisi, pour votre part, d'organiser un vote à main levée

13 dans une salle bondée.

14 R. D'abord, ce n'est pas moi qui ai choisi de le faire. D'ailleurs, je

15 n'en avais pas la capacité. En effet, il y a un règlement qui est appliqué

16 par le parlement dans ces travaux. En principe, les votes se font

17 publiquement, par acclamation ou à main levée. Si les délégués souhaitent

18 que le vote ne soit pas public, le parlement en débat, on fait une pause,

19 on examine des propositions. Or, il n'y a pas eu de proposition allant dans

20 ce sens. Je l'ai d'ailleurs déjà dit. Au cours de cette séance de travail,

21 il a été décidé de voter à main levée et de sceller les travaux par des

22 applaudissements. Cela n'a pas été le fruit d'une décision venant de moi,

23 mais tout cela était régi par les dispositions de la constitution.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez dit, n'est-

25 ce pas, si j'ai bien compris tout à l'heure, que dans la salle bondée il y

Page 34147

1 avait des gens qui n'ont pas été autorisés à voter.

2 M. NICE : [interprétation] En effet.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, pourriez-vous

4 répondre à cet aspect particulier de la situation ? Vous avez répondu de

5 façon générale en disant que ce genre d'allégation provenait de

6 sécessionnistes. Je pense qu'il serait bon que vous répondiez à cet aspect

7 précis de la question.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet aspect de la question de

9 M. Nice est inexact. En page 1 du procès-verbal de la réunion, on trouve le

10 nom de tous les représentants présents qui représentaient les instances les

11 plus importantes de la république, de la commission constitutionnelle de

12 Serbie, de la fédération, de la province, le secrétaire général du

13 ministère des Affaires étrangères et les présidents des municipalités.

14 Toutes ces personnes étaient des invités, des invités officiels. Je crois

15 qu'il y avait, ce jour-là, une vingtaine ou une trentaine d'invités

16 officiels qui ont assisté à la séance. Quant à toutes les autres personnes

17 présentes, c'étaient des délégués. Ces invités, je les salue dans mon

18 allocution qui figure en page 1 du procès-verbal.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Pour en finir avec les conditions dans lesquelles le vote a été

21 organisé --

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai la page 1 sous

23 les yeux. Cependant, je ne vois pas le nom des personnes qui ont assisté à

24 la séance. J'y vois quelques noms, mais pas 190, pas 187 noms des délégués.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon allocution d'ouverture, j'informe les

Page 34148

1 députés qu'il y a un certain nombre de camarades qui sont présents en

2 qualité d'invités. Ensuite, on trouve la liste des invités.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, la question devrait

4 être formulée de la façon suivante : parmi les personnes présentes dans la

5 salle, y avait-ils des gens qui n'étaient pas des délégués, mais qui se

6 faisaient passer pour des délégués, et qui ont pris part au vote ? Y a-t-il

7 eu des personnes correspondantes à cette définition ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu de personnes dans la salle

9 correspondant à cette définition. Ce qu'il y avait dans la salle, c'étaient

10 des invités, des gens qui occupaient des fonctions déterminées à des postes

11 importants, et qui ont été invités en qualité d'invités. Quand à l'idée de

12 penser que certaines personnes auraient joué le rôle de député lors de

13 cette réunion, c'est une invention de toute pièce.

14 Pensez-vous qu'en présence de 180 journalistes, en présence des

15 responsables de la sécurité dont il vient d'être question, en présence des

16 cameramen, des photographes de presse, de gens qui avaient toute capacité

17 d'enregistrer, de filmer, il y aurait eu des personnes qui seraient venues

18 en se faisant passer pour d'autres personnes, et ce, en présence des chars

19 également et de la police, qui étaient tous là ? Tout cela est dit pour

20 déformer la vérité, pour présenter les choses sous un jour différent de ce

21 qui s'est passé.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, avant de laisser de côté

23 la pièce à conviction D254, j'ai une question à vous poser. Je ne comprends

24 pas très bien pourquoi vous nous avez demandé de constater qu'il y avait

25 des pages qui manquaient dans la transcription écrite, les pages 73 et 74,

Page 34149

1 par exemple, qui ne sont pas le bon ordre ou qui manquent, parce qu'on

2 trouve la reproduction de ces deux pages dans les pages 19 à 22 de la

3 version anglaise, me semble-t-il.

4 M. NICE : [interprétation] Si j'ai fait une erreur -- oui, effectivement,

5 le discours semble être reproduit dans son intégralité. Vous avez tout à

6 fait raison. Je recherchais, en fait, l'autre personne qui répond au nom de

7 Trnkoli. Des pages 19 à 22, on retrouve la synthèse de la BBC. Je vous

8 remercie d'avoir posé la question. C'est l'autre Trnkoli dont le nom,

9 apparemment, n'est pas mentionné. Mais aujourd'hui, cette personne est

10 prête à venir témoigner ici. Nous y reviendrons plus tard

11 Q. Parce que je ne sais pas si vous saviez cela, Monsieur Jokanovic, mais

12 je puis vous dire en me fondant sur ce qu'a dit un délégué au cours des

13 travaux de l'assemblée ainsi que sur les propos tenus par le président

14 Rugova au cours de sa déposition devant ce Tribunal, qu'il y avait des

15 chars, ou en tout cas, peut-être des blindés transports de troupes qui

16 cernaient le bâtiment, qu'il y avait également des membres de la police

17 secrète à l'intérieur de la salle, et que tout cela a exercé d'énormes

18 pressions sur les délégués qui n'ont pas eu d'autre possibilité que de

19 voter pour les amendements proposés. C'est bien cela qui s'est passé dans

20 la réalité, n'est-ce pas ?

21 R. Je ne suis pas du tout surpris d'entendre que M. Rugova a dit cela. Je

22 ne suis pas surpris qu'il pense cela et qu'il l'affirme car il a un

23 objectif à poursuivre. Il dirige un parti qui, depuis plus de 15 ans, est

24 engagé sur la voie de l'indépendance du Kosovo. Bien entendu, il fera feu

25 de tout bois, et utilisera tous les éléments susceptibles d'aller dans son

Page 34150

1 sens.

2 Ce qui m'étonne un peu plus, c'est de voir que vous, vous accordez du

3 crédit à de telles affirmations. Moi, j'ai fait mes études de droit. A la

4 faculté de droit, on nous a toujours dit qu'un juriste a pour tâche

5 principale et première d'œuvrer à la découverte de la vérité plutôt que de

6 n'entendre qu'une seule partie ou d'inviter Mme Trnkoli qui, bien entendu,

7 a parlé plus longuement que moi, y compris à l'ouverture de la séance.

8 M. NICE : [interprétation] Ceci est un commentaire inopportun.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après vous, évidemment.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que M. Nice connaît bien la

11 tâche qui est la sienne en tant que Procureur.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Voyons, par exemple, le fameux amendement tant critiqué numéro 47.

14 J'aimerais que la version anglaise soit placée sous le rétroprojecteur. Il

15 s'agit de la pièce à conviction 526, intercalaire 5.

16 Faute de temps, je vous dis d'emblée que la partie la plus importante de

17 l'amendement dont vous dites qu'elle a été votée de façon tout à fait

18 volontaire par les représentants de l'ancienne province autonome, -- il

19 semble y avoir un malentendu avec l'accusé.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander qu'on me remette également le

23 texte de l'amendement 47 de façon à ce que je puisse le lire ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui. Vous avez droit à cela.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 34151

1 Q. Ce qui m'intéresse, Monsieur Jokanovic, et nous verrons si nous pouvons

2 trouver un autre texte pour l'accusé, mais ce qui m'intéresse, c'est le

3 sous-paragraphe 5 de l'amendement 47 qui est à l'écran en anglais.

4 R. Vous me demandez mon commentaire ?

5 Q. L'accusé a demandé le texte. On est en train de le chercher.

6 Mme Dicklich va remédier rapidement et de la meilleure façon qu'il soit à

7 mon défaut de préparation.

8 Cet amendement est un amendement tout à fait critique, n'est-ce pas,

9 puisque nous y lisons, je cite : "Avant de se prononcer sur la proposition

10 d'amendement de la constitution de la République de Serbie, l'assemblée de

11 la République de Serbie envoie le projet de texte aux assemblées des

12 provinces autonomes pour obtenir leur avis, et prend position au sujet de

13 cet avis."

14 C'est bien cela ? Donc, c'est tout à fait critique ?

15 R. Au paragraphe 5 de ce projet d'amendement, il est dit qu'avant de se

16 prononcer sur les amendements de la constitution, l'assemblée de la

17 République de Serbie recueille l'opinion des provinces autonomes, et que

18 c'est sur la base du recueil de ces opinions qu'elle se prononce. C'est

19 exactement ce qui est écrit ici, et c'est ce que j'ai entendu de la bouche

20 des interprètes qui ont très bien interprété la chose.

21 Q. Alors que par le passé, pour amender la constitution, il fallait

22 obtenir non pas seulement l'avis mais également un vote de l'assemblée du

23 Kosovo. Un vote de l'assemblée du Kosovo était indispensable si l'on

24 voulait passer à l'étape suivante qui consistait à proposer un amendement

25 de la constitution, n'est-ce pas ?

Page 34152

1 R. Je ne sais pas, Monsieur Nice, si vous connaissez suffisamment la

2 situation. La situation que vous venez de décrire était stipulée dans la

3 constitution en vigueur avant les projets d'amendement dont nous parlons

4 ici. Ensuite, la procédure a été modifiée, et il est devenu possible

5 d'amender la constitution selon les dispositions dont nous venons de

6 parler. Mais celles que vous avez décrites, c'étaient celles qui figuraient

7 dans la constitution antérieure.

8 Q. Vous nous dites que lors de la discussion de ces projets d'amendement à

9 la constitution, l'opinion des habitants du Kosovo a été prise en compte,

10 et que lors de cette séance présidée par vous, ils ont pu décider de leur

11 propre constitution, qu'ils se sont mis totalement entre les mains de

12 Belgrade, du gouvernement serbe; c'est bien cela ?

13 R. La procédure a été modifiée. Le mécanisme en vigueur a été modifié.

14 Elle est restée complexe la procédure en vigueur pour amender la

15 constitution. Il est certain que toutes les instances compétentes doivent

16 donner leur accord pour qu'il soit possible de voter les amendements 9 à

17 49.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que nous soyons très clairs

19 sur ce point. Monsieur Jokanovic, ce que l'on trouve dans cet amendement

20 47, c'est un projet d'abolition, de suppression du droit de veto à la

21 province autonome du Kosovo. Ai-je bien compris ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Un amendement à la constitution est proposé

23 dans les conditions où il a été voté. Voilà ce qui s'est passé. Ce qui a

24 été voté, c'est une procédure très complexe. Oui, on peut dire que le droit

25 de veto a été supprimé. Le pouvoir de proposer le libellé et de voter la

Page 34153

1 constitution a été remis entre les mains de la Serbie. C'est un des droits

2 fondamentaux de tout état, parce que le Kosovo avait précédemment pouvoir

3 de voter sa propre constitution sans aucune ingérence de la Serbie.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Le déroulement des événements qui suivent assez rapidement est le

7 suivant : à partir de ce moment là, comme nous l'avons déjà entendu ici, le

8 28 mars, une cérémonie se tient sous la présidence de Borislav Jovic où il

9 est proclamé que la Serbie est désormais sur un pied d'égalité avec les

10 autres républiques, n'est-ce pas ?

11 R. Ce n'était pas une cérémonie, c'était une réunion de l'assemblée de

12 Serbie. Les trois conseils étaient représentés. Il y avait un certain

13 nombre de délégués et des invités. Au nombre des délégués on trouvait un

14 certain nombre de délégués du Kosovo, aussi bien des Albanais que des

15 Serbes, et d'autres également d'ailleurs. Les représentants du Kosovo

16 étaient présents. Ils étaient membres de l'assemblée. La séance s'est tenue

17 conformément aux dispositions prévues par la constitution de Serbie, Et une

18 fois que la Vojvodine et le Kosovo ont donné leur accord, les amendements à

19 la constitution ont été promulgués. Ce n'était pas une cérémonie, c'était

20 une séance de l'assemblée.

21 Q. Je m'excuse si je l'ai qualifiée de cérémonie. J'avais à l'esprit ces

22 deux lignes de femmes habillées de la même façon, qui se trouvaient

23 derrière M. Jovic. C'est ce qui a prêté à confusion. Si Borislav Jovic a

24 dit que la Serbie se trouvait désormais sur pied d'égalité, cela n'était

25 pas tout à fait vrai, parce que cela nous ramène au point que j'ai soulevé

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1 tout à l'heure, à savoir, le fait que la présidence de la république

2 fédérale, il y avait trois votes émanant de la République de Serbie, alors

3 que les autres républiques, elles, n'avaient qu'un vote. Exact ou pas ?

4 R. Inexact. Ces deux votes venaient, l'un de Vojvodine et l'autre de

5 Kosovo.

6 Q. Laissez-moi poser la question d'une façon différente. Pourquoi, à

7 l'occasion de cette modification de la constitution de la façon dont cela

8 s'est fait, le Kosovo et la Vojvodine n'ont-elles pas alors perdu le droit

9 d'avoir une personne ou un représentant au sein de la présidence de la

10 république fédérale -- du gouvernement fédéral ?

11 R. Non. La présidence, mais pas le gouvernement.

12 Q. Oui, la présidence. Je m'excuse si j'ai utilisé le mauvais terme.

13 R. Parce que pour ce qui est de l'amendement au niveau 2 -- au niveau du

14 paragraphe 2, on dit que la constitution de Serbie ne peut pas changer les

15 droits et les obligations des provinces autonomes au sein de la République

16 fédérale de Yougoslavie. Donc, cela ne pouvait changer leur position, et

17 cela ne les a pas changé. Les amendements dont j'ai témoigné aujourd'hui

18 n'ont pas changé ces positions.

19 Q. Ces amendements, ont leur a apporté le mieux de ce que l'on pouvait,

20 enfin le meilleur des mondes possibles, parce qu'ils leur laissaient les

21 trois votes, chose qui ne pouvait pas se faire en 1990, étant donné qu'il

22 n'y avait plus de droit de veto au Kosovo, et le Kosovo n'avait plus de

23 constitution et n'avait plus de présidence; est-ce exact ?

24 R. Je vous ai témoigné sur une période s'étirant jusqu'en 1990, donc sur

25 une période où j'y ai pris part moi-même et au sujet de laquelle je peux

Page 34155

1 témoigner. Il a été adopté fin 1990 une autre constitution. Il y a eu

2 changement de système. Il y a eu mise en place d'un système pluripartite.

3 Il a été promulgué une autre constitution à l'image des constitutions des

4 autres pays européens. Il s'agit d'une situation tout à fait nouvelle,

5 d'une constitution tout à fait nouvelle survenue en raison de tous les

6 changements intervenus au niveau de la Yougoslavie. Suite à la décision de

7 la Slovénie et de la Croatie qui était celle de quitter la Yougoslavie.

8 Q. L'autonomie de la Vojvodine et du Kosovo s'est trouvée complètement

9 supprimée.

10 R. Non, cela n'a pas été supprimé, et cela n'a pas été retiré. Ce qui a

11 été supprimé, malheureusement, c'est la Yougoslavie. Mais comme il n'y

12 avait plus de Yougoslavie, il n'y avait plus ni Kosovo, Serbie, Vojvodine,

13 Croatie, ou autres républiques. On n'a rien supprimé du tout, ce qui s'est

14 trouvé supprimé, c'est la Yougoslavie.

15 Q. Revenons là où nous nous étions arrêtés. Les amendements ont été

16 proclamés au Kosovo, puis sous la présidence du président de la présidence

17 de Borislav Jovic, cela a été rendu public, je ne pense pas que vous nous

18 ayez dit hier qu'il y a eu des manifestations massives au Kosovo ? Vous

19 avez dit que des amendements ont été votés, et que, par la suite, il y a eu

20 des manifestations massives avec des victimes humaines, n'est-ce pas ?

21 R. Il y a eu des manifestations au Kosovo, au mois de mars.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous vous êtes référés à des documents,

23 j'aimerais aussi me référer à certains documents et vous donner lecture de

24 quelque chose ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais dites-nous d'abord de quoi

Page 34156

1 il s'agit.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de documents émanant de la Ligue des

3 Communistes du Kosovo qui a formulée des appréciations au sujet de ces

4 manifestations.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle en est la date ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] La date c'est --

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il s'agit d'une pièce à

8 conviction qui a été versée au dossier, hier. Un jeu de documents à partir

9 desquels j'ai cité le président fédéral de la présidence, et ainsi de

10 suite. Ce à quoi se réfère, M. Jokanovic, ce sont des conclusions formulées

11 par la direction du Kosovo.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic pour

13 l'explication que vous nous apportez. Quel est le numéro de cette pièce à

14 conviction ?

15 M. NICE : [interprétation] Le numéro 253, mais c'est une cote pour

16 identification.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, le voilà.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux vous donner lecture du

19 passage ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me réfère à la page 67. "Les événements du

22 mois de mars sont les plus graves à ce jour, étant donné que les

23 séparatistes et les nationalistes albanais sont sortis sur la scène

24 ouverte, avec pour objectif de déstabiliser la Yougoslavie, remettre en

25 question son intégrité territoriale, son ordre constitutionnel et son

Page 34157

1 aménagement social. Il y a eu, non seulement, un conflit interethnique,

2 mais un conflit armé entre les nationalistes albanais et les séparatistes

3 albanais d'une part, et les instances légales de l'Etat yougoslave, d'autre

4 part. Cela constitue une tentative de ces nationalistes et séparatistes

5 visant à orchestrer des désordres en masse, ainsi qu'une effusion de sang."

6 Un autre passage, si vous le voulez bien : "Lorsque l'assemblée du Kosovo,

7 par sa grande majorité, a accordé son approbation pour les amendements à la

8 constitution de Serbie, les nationalistes albanais ont estimé qu'ils

9 perdaient leur appui pour ce type d'actions nationalistes et activités

10 nationalistes. Ils ont alors pris les armes, la direction politique en

11 place est déterminée pour ce qui est de persister sur la ligne de la

12 politique de la Ligue des Communistes de Yougoslavie et faire face à ces

13 forces contre-révolutionnaires aux fins d'assurer des conditions de vie

14 pacifique et de co-existence à l'intention de tous les groupes ethniques du

15 Kosovo." Ceci a été dit par un Albanais, Yasir Maj [phon]. Il donnait une

16 information au sujet des victimes. "Il est tombé deux victimes parmi les

17 forces de l'ordre et 112 policiers ont été blessés. Pour ce qui est des

18 informations qui circulent dans l'objectif de semer la panique et la

19 défiance, pour ce qui est des mesures déployées par la présidence de la

20 RSFY, il convient de dire, à présent et ici, que les manifestations contre-

21 révolutionnaires du mois de mars ont occasionné la mort de 21 manifestants

22 et 92 personnes ont été blessées."

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Je n'ai pas le document à partir duquel vous nous donnez lecture.

25 Mais revenons aux questions que nous avions soulevées. Je crois qu'après

Page 34158

1 ces amendements à la constitution qui ont fait, de façon aisée, que

2 l'autonomie complète du Kosovo s'est vue abolie, il y a eu des personnes de

3 tuées et des personnes de blessées, y compris ces deux policiers, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Je viens de vous donner lecture.

6 Q. Nous allons aller de l'avant.

7 R. Vingt-et-un manifestants ont été tués, deux policiers ont été tués, 112

8 policiers ont été blessés, et 92 manifestants ont été blessés. Ce sont là

9 des renseignements officiels et vous ne pouvez pas parler de masse de gens

10 et dire qu'on a tout aboli dans la province. Je ne suis pas d'accord avec

11 ce type d'assertion.

12 Q. Je n'ai pas dit qu'on a supprimé la province. J'ai dit qu'on avait

13 supprimé l'autonomie.

14 M. NICE : [interprétation] Nous allons traiter des constitutions une fois

15 qu'on aura un expert. Ce que je voudrais à présent, c'est confirmer la

16 chose suivante :

17 Q. Début juin 1990, sur l'autorité de ce nouveau régime en place, il a été

18 décidé de déployer des mesures au niveau d'Electrokosovo, de la télévision

19 locale, des journaux, des mines, pour tout placer sous contrôle; est-ce que

20 c'est bien exact ?

21 R. De quand parlez-vous ?

22 Q. Juin 1990.

23 R. En juin 1990, je travaillais à Belgrade, et je ne suis pas au courant

24 de tous ces détails.

25 Q. Certes, mais en votre qualité de personne ayant présidé à l'adoption de

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1 ces amendements à la constitution, pour ce qui est du consentement que

2 cette province de Kosovo était censée donner, et compte tenu de ce que j'ai

3 déjà dit au sujet des votes, la question a été posée à la cour

4 constitutionnelle du Kosovo, suite à des initiatives d'un académicien

5 Gazmend Zajmi et d'un avocat Bajram Kelmendi. Vous en souvenez-vous ?

6 R. Quelle année ?

7 Q. Le 27 juin 1990.

8 R. Cela ne m'étonne pas. Cela s'est passé suite à la dissolution de

9 l'assemblée du Kosovo, suite à ces manifestations et suite à la rébellion

10 armée. Il y a eu une situation où la Yougoslavie se démantelait déjà, et où

11 les forces séparatistes essayaient de faire, chacune de leur côté, ce que

12 bon leur semblait, et créaient des institutions à elles.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, la question est

14 courte et une réponse assez courte.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Comme vous pouvez le constater, on peut voir quelles ont été les

17 conséquences pour ce qui est du règne de la loi au Kosovo et ce qui s'est

18 passé de l'état de droit.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne fais pas d'objection au sujet de la

22 traduction. La traduction a été telle que j'ai l'impression que M.

23 Jokanovic n'a pas compris du tout la question. La question était celle de

24 savoir s'il savait que la décision de ce parlement du Kosovo a été

25 contestée devant la Cour constitutionnelle. Il me semble que M. Nice a dit

Page 34160

1 la Cour constitutionnelle du Kosovo, voire de la Yougoslavie, ou de la

2 Serbie, peu importe, j'ai cru comprendre que la question était celle de

3 savoir si un dénommé Kelmendi avait initié une procédure au niveau de la

4 Cour constitutionnelle. Il n'a pas répondu, parce qu'il n'a pas compris la

5 question.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai demandé en quelle année, mais de

7 toute façon, ce sont là des choses dont je n'ai pas connaissance, il s'agit

8 de l'année 1990. Je ne me trouvais plus au Kosovo. Je dirais que le

9 parlement du Kosovo a déjà été dissous pour les raisons dont j'ai parlé

10 déjà hier.

11 M. NICE : [interprétation]

12 Q. Je vais terminer mes questions sur ce volet : je ne peux pas mieux

13 expliquer une chose que cela ne m'est fourni dans la traduction, mais il

14 s'agit d'un projet de décision de cette cour, numéro 54, daté de 1990, il

15 s'agit d'une décision qui a été adoptée suite à un vote tel que vous l'avez

16 décrit, et la décision a été annulée. La décision n'a pas été signée étant

17 donné que la Cour constitutionnelle a été abolie par l'adoption, ou du fait

18 de l'adoption de cette nouvelle constitution serbe. La question de la

19 validité de ce vote, M. Jokanovic, n'est jamais arrivé au Tribunal qui

20 était censé en décider; est-ce exact ou pas ?

21 R. Ce n'est pas exact, parce qu'il y avait une Cour constitutionnelle de

22 la Serbie et une Cour constitutionnelle de la Yougoslavie.

23 Q. Ma toute dernière question sur ce sujet, je ne voudrais pas prendre

24 trop de temps pour ce qui est de la troisième audience de cette matinée, je

25 n'ai pas encore vu la traduction ou la version anglaise au sujet de

Page 34161

1 laquelle l'accusé a dit hier, qu'il n'y avait pas de traduction, mais ma

2 question n'en sera pas moins la suivante : le premier témoin à comparaître

3 dans ce prétoire a répondu, à l'occasion du contre-interrogatoire, au sujet

4 de ce vote en disant ce qui suit : "Certains avaient plus de courage que

5 d'autres, et on dit qu'indépendamment de la violence, je ne saurais être

6 d'accord avec les changements effectués," en expliquant qu'il y a eu

7 recours à la force pour l'adoption de ces modifications.

8 M. Bekalli avait raison, n'est-ce pas ? Ce vote a été fait sous des

9 pressions, mais un certain nombre de personnes avaient eu le courage de

10 dire qu'ils n'étaient pas d'accord avec ces changements.

11 R. Cela n'est pas exact. Maintenant, pour ce qui est des sentiments

12 exprimés par les uns ou les autres, je ne vais pas m'aventurer à les

13 commenter.

14 Q. Votre carrière a commencé avec celle de l'accusé, n'est-ce pas ?

15 R. Non. Ma carrière a commencé avant celui que vous qualifiez d'accusé.

16 J'ai été dirigeant dès 1970, moi-même.

17 Q. Essayons de nous rappeler ce qui suit : vous étiez membre de la

18 présidence du Kosovo entre 1986 et 1988. En mars 1989, vous êtes devenu

19 président du parlement du Kosovo. En juin 1990, vous êtes devenu vice-

20 président du parlement de Serbie. Entre 1990 et de 1994, vous étiez vice-

21 président du parlement de Serbie. En 1996 ou plutôt entre 1994 et 1997,

22 vous étiez ministre de l'Intérieur de la République fédérale de

23 Yougoslavie. De 1997 à 2000, vous avez exercé les fonctions de procureur de

24 la république. Est-ce que c'est là le résumé de votre carrière ?

25 R. A compter des années par lesquelles vous avez commencé, mais vous

Page 34162

1 n'avez rien dit au sujet des années qui ont précédé et où j'ai quand fait

2 quelque chose. Vous voulez chercher à prouver, ici, que ma carrière s'est

3 déroulée en parallèle avec celle de Slobodan Milosevic. Or, cela est tout à

4 fait inexact.

5 J'ai été élu président du parlement du Kosovo, et membre de la présidence

6 du Kosovo à une époque où je ne connaissais même pas Slobodan Milosevic.

7 Quand bien même, il l'aurait voulu, M. Slobodan Milosevic ne pourrait pas,

8 si vous le permettez j'aimerais terminer ce que je voulais dire, M.

9 Slobodan Milosevic, disais-je, ne pouvait pas influer sur mon élection

10 parce que la politique des cadres de la politique du personnel était une

11 politique qui était mise en place par le Kosovo.

12 Q. Pour compléter l'image que je voulais dépeindre, je dirais que vous

13 avez occupé les fonctions de président de la radiotélévision serbe entre

14 1996 et l'an 2000. Vous avez eu deux fonctions. Vous avez été ministre de

15 l'Intérieur, et procureur de la république.

16 Veuillez nous aider. Est-ce que c'est une chose qui arrivait de façon

17 normale en ex-Yougoslavie et en République fédérale de Yougoslavie, voir,

18 par exemple, des responsables aussi importants au niveau de l'Etat présider

19 au comité d'administration de la télévision ?

20 R. Ce n'est pas des choses qui arrivent usuellement. C'est dû à un

21 concours de circonstances. J'ai été député au niveau fédéral et j'ai été

22 élu au comité d'administration parce que j'avais une tâche autre au niveau

23 du gouvernement. Les tâches relatives à la sécurité ont été reprises du

24 niveau fédéral par la République de Serbie et par la République du

25 Monténégro étant donné que j'avais commencé à travailler à la rédaction des

Page 34163

1 lois, portant citoyenneté, déplacement des étrangers, passeports, et

2 résidents étrangers. Cela est devenu le cas. Ce n'était pas habituel.

3 La fonction de ministre, à ce moment-là, dans cette Yougoslavie diminuée

4 telle qu'elle était à ce moment-là n'était pas une fonction qui permettait

5 d'exercer un pouvoir quel qu'il soit. C'était une fonction qui constituait,

6 en réalité, à reliquat de ce que cela avait été par rapport à la

7 Yougoslavie de l'époque. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire

8 que le fait d'occuper ces fonctions en parallèle n'étaient pas une chose

9 coutumière.

10 Q. Est-ce que cela permettait d'exercer un contrôle à l'égard de la presse

11 et des médias ?

12 R. Cela n'était pas, du tout, une modalité d'exercice de contrôle, parce

13 que le ministère de l'Intérieur n'avait ni une sécurité publique, ni une

14 sécurité d'Etat. Il n'y avait qu'une administration qui veillait à la

15 sécurité des bâtiments des établissements fédéraux et des bâtiments des

16 ambassades. Aucune autre tâche liée à la sécurité publique ou à la sécurité

17 de l'Etat n'était plus assumée par ce ministère. Il n'y avait pas un seul

18 employé au niveau de la sécurité d'Etat qui aurait pu vaquer à des missions

19 d'exercice d'autorité, de pression, ou de contrôle, comme vous le dites.

20 Donc il n'y a eu aucun contrôle de possible au niveau du ministère de

21 l'Intérieur fédéral à ce moment-là.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous avons dépassé

23 l'heure prévue pour la pause.

24 Nous allons faire une pause de 20 minutes à présent.

25 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

Page 34164

1 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.

3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président. J'en arrive à la fin des

4 questions que je voulais poser. Je vais parler de la question des documents

5 que je viens de recevoir. Je vais poser quelques questions supplémentaires,

6 néanmoins, au témoin avant cela. Q. Monsieur Jokanovic, nous avons, avant

7 la pause, parlé de la question de l'impuissance du gouvernement fédéral, et

8 je souhaite repartir en arrière et évoquer autre chose.

9 M. NICE : [interprétation] Pour se faire, je vais demander à la Chambre de

10 première instance de regarder encore une fois ce document de source

11 ouverte. Ceci ne contient pas une citation du témoin, mais se trouve à la

12 page 5 647. Il est daté du 23 mars 1981, et est un document de la BBC.

13 Q. Monsieur Jokanovic, je vous ai posé un certain nombre de question un

14 peu plus tôt, et vous avez répondu en me demandant si j'insinuais que votre

15 carrière et votre succès avaient un quelconque lien avec l'accusé.

16 Auparavant, j'ai parlé de ce Sapundzija, de voir ce qu'il était advenu de

17 cet homme.

18 Dans la version anglaise, que je vais lire lentement, dans ce rapport du 23

19 mars 1981, ce lit comme suit : "Le parlement serbe, le jeudi, 21 mars, a

20 nommé le député Sejdo Bajramovic candidat à la présidence Yougoslave de la

21 province serbe du Kosovo. Bajramovic était un Albanais du Kosovo, et il

22 devait remplacer Riza Sapundzija, dont le parlement serbe a remercié le

23 lundi 18 mars. En expliquant cette proposition de remplaçant, le président

24 serbe Slobodan Milosevic a dit que Sapundzija 'avait pris part depuis

25 quelque temps déjà à des travaux organisés par la Présidence de la

Page 34165

1 Yougoslavie, et ce, au détriment du Kosovo et de la Metohija, et a

2 ouvertement prenez les positions séparatistes.' Par cette candidature de

3 Bajramovic doit être soumise à l'approbation du parlement Yougoslave. Avant

4 cette date, le vice-président du parlement serbe, Vukasin Jokanovic, va

5 exercer d'office, le rôle de ce membre au sein de la présidence."

6 Deuxième extrait : On parlait de séparatiste déjà en 1991. Ceci était tout

7 à fait inacceptable pour l'accusé, n'est-ce pas ?

8 R. Je n'ai pas compris votre question.

9 Q. On parlait du séparatisme. On prenait le séparatisme, on -- et

10 l'évocation d'une séparation du Kosovo était considérée comme inacceptable

11 par l'accusé. C'est la raison pour laquelle il s'est débarrassé de

12 Sapundzija; est-ce exact ?

13 R. Monsieur Milosevic ainsi qu'un certain nombre d'autres personnes, de

14 citoyens, d'hommes politiques au Kosovo et à l'extérieur du Kosovo,

15 s'opposaient au séparatisme. Riza Sapundzija, pour autant que je m'en

16 souvienne, en même temps qu'un membre de la présidence de Monténégro,

17 Bucin, a démissionné. Sejdo Bajramovic, un Albanais du Kosovo, a été

18 désigné pour occuper ce poste. Entre-temps, avant la fin de la procédure de

19 nomination, j'ai pris part à deux réunions de l'assemblée de la présidence

20 de la RSFY. Je le remplaçais à ce moment-là, car je venais du Kosovo, et

21 parce que j'étais vice-président de l'assemblée serbe. Néanmoins, je

22 n'étais pas un membre de la présidence. Je l'ai simplement remplacé en

23 attendant la fin de la procédure électorale. Riza a tout simplement

24 démissionné, Nenad Bucin également. Riza Sapundzija et Nenad Bucin du

25 Monténégro.

Page 34166

1 Q. Vous avez entendu dire ce qui a été dit par l'accusé d'après l'article

2 de presse.

3 A ce moment-là et avant un démantèlement plus prononcé de

4 l'ex-Yougoslavie, il était important pour lui que les votes serbes lui

5 soient garantis. Il fallait un vote pour la Serbie, un pour la Vojvodine,

6 un pour le Kosovo et un pour le Monténégro. Donc, il était important

7 d'avoir quatre au total, au sein de la présidence, n'est-ce pas ?

8 R. Cela n'est pas exact. Sejbo Bajramovic était du Kosovo, et Kostic était

9 de Vojvodine. Ils votaient d'après les points de vue recueillis au sein des

10 assemblées du Kosovo et de la Vojvodine respectivement, en tout cas, pour

11 autant que l'assemblée du Kosovo siégeait.

12 Je ne suis pas d'accord avec votre tentative d'imputer à

13 M. Milosevic le désir de contrôler la présidence. A l'époque, il était

14 président de la République de Serbie, et le membre de la présidence était

15 Borisav Jovic.

16 Q. N'avez-vous jamais voté contre quelque chose que souhaitait voir

17 appliquer l'accusé lorsqu'il a occupé les postes qu'il a occupés ?

18 R. Je n'ai toujours voté qu'en faveur des choses auxquelles je croyais. Je

19 n'ai jamais voté contre ma propre conscience. Il a certainement dû y avoir

20 des événements et des points sur lesquels je n'étais pas d'accord, y

21 compris M. Milosevic. Je n'ai pas toujours été d'accord avec lui. Je n'ai

22 pas toujours voté dans le même sens que lui. Je n'ai jamais été un

23 exécutant comme vous tentez de me décrire aux fins de me discréditer.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, en réponse à une

25 même série de questions, vous dites que M. Nice imputait trop de pouvoir ou

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1 accordait trop de pouvoir à M. Milosevic. En guise d'illustration, vous

2 avez dit que -- je crois que vous avez dit, que toutes les fois que M.

3 Milosevic vous demandais de faire quelque chose, si c'était quelque chose

4 que vous ne vouliez pas faire, vous ne le faisiez pas. Vous souvenez-vous

5 avoir dit cela ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit cela et je réitère mon propos, c'est

7 mon point de vue. Je pense que je n'aurais jamais obéi aux ordres de

8 quiconque, y compris les ordres de M. Milosevic, s'ils ne correspondaient

9 pas à ma position.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Suite à cela, j'allais vous demander

11 de nous fournir quelques exemples au cours desquels

12 M. Milosevic vous aurait demandé de faire quelque chose qui était contraire

13 à voter position, chose que vous n'avez pas faite.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens, et M. Milosevic pourra

15 certainement s'en souvenir également, que je n'étais pas d'accord avec

16 différentes propositions concernant le personnel au Kosovo. J'étais contre

17 les élections d'un nombre de dirigeants au Kosovo, qui ont pour finir été

18 élus. Il s'agissait de remplir des postes importants. J'ai dit à M.

19 Milosevic que je n'étais pas d'accord avec les personnes qui avaient été

20 nommées à ces postes. Je ne sais pas, je peux citer les noms. Je ne sais

21 pas si c'est pertinent ici.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous me dire pourquoi M.

24 Milosevic vous a donné les noms de ces candidats à l'élection ? Quel était

25 son point de vue ?

Page 34168

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous entendez les élections aux fins de voter

2 les membres de la présidence. Oui, les élections au Kosovo. Pardonnez-moi,

3 je comprends maintenant.

4 Milosevic ne menait pas seulement à bien la question du personnel au

5 Kosovo. Moi-même, j'ai également assisté à de telles réunions. J'avais moi-

6 même une opinion dissidente. Je n'étais pas toujours d'accord avec les

7 candidats qui avaient été nommés. J'estimais que certaines de ces personnes

8 n'avaient pas les capacités nécessaires pour remplir ce type de poste.

9 Je n'étais pas d'accord avec bon nombre des nominations au Kosovo et au

10 Metohija, car j'y ai habité, j'y ai vécu, et je connaissais très bien la

11 situation dans cette région-là.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] [comme interprété] Quelle était la

13 position de M. Milosevic lors de ces réunions où vous parlé de ces

14 nominations ? Il était le président de la Serbie ? Est-ce que ceci a été

15 débattu en Serbie ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Les réunions que j'ai évoquées étaient des

17 réunions auxquelles il assistait en sa qualité de président du Parti

18 socialiste de Serbie, car les candidats en question étaient des membres du

19 Parti socialiste. Ces réunions englobaient les dirigeants du Parti

20 socialiste. Il y avait d'autres propositions qui avaient été mises en avant

21 par d'autres personnes avec lesquelles je n'étais pas d'accord. Il ne

22 s'agissait pas seulement des propositions de M. Slobodan Milosevic.

23 Parfois, on parlait de la nomination des candidats du Parti socialiste au

24 parlement. A ces occasions-là, je n'étais pas toujours d'accord avec lui.

25 J'espère que M. Milosevic se souvient de cela.

Page 34169

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En cette qualité,

2 M. Milosevic, ne pouvait-il pas exercer une certaine influence sur la

3 présidence fédérale en tant que président du Parti socialiste de Serbie ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'exerçait pas une influence directe en

5 tant que président de Serbie, car la Serbie avait ses propres représentants

6 au sein de la présidence dont Borisav Jovic. Il est fort probable qu'au

7 cours d'échanges avec Borisav Jovic aux fins d'arriver à une harmonisation

8 des positions qu'il avait exercée une certaine influence.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle ici de la position de M.

10 Milosevic en tant que président du Parti socialiste de Serbie, non pas en

11 tant que président de la Serbie.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. J'entends bien.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans cette qualité-là, vous comprenez

14 qu'il exerce une certaine influence sur les membres de ces partis, même

15 s'il s'agit d'une influence indirecte.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme tout président de tout parti, il

17 présidait les différentes séances et il exerçait une influence sur ses

18 membres. Il mettait en avant ses positions et exerçait une influence sur

19 les travaux du parti en général, y compris les différentes propositions

20 faites par le Parti socialiste, lesquelles il présentait aux autorités

21 compétentes. Néanmoins, cela n'était pas la seule personne qui prenait des

22 décisions. Il y avait des propositions qui venaient de la base et d'autres

23 réunions.

24 Je ne pense pas que Slobodan Milosevic détenait ce bâton magique. Je crois

25 que ce n'est pas lui qui a nommé, remplacé, décidé de tout cela. Il n'avait

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1 pas de tels pouvoirs. Il est vrai qu'il avait l'autorité, on le tenait en

2 haute estime et il mettait en avance un certain nombre d'idées avec

3 lesquelles bon nombre de personnes étaient d'accord. Il y avait aussi des

4 propositions qui étaient faites avec lesquelles les gens n'étaient pas

5 d'accord.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Jokanovic.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Vous avez dit hier, à la fin de votre témoignage, que votre ami et

9 voisin, Bane Petrovic, protégeait les Albanais des paramilitaires. Quelles

10 formations paramilitaires étaient déployées au Kosovo ?

11 R. Après la guerre de Bosnie et de Croatie, ce qu'on avait appelé les

12 chiens de guerre sont apparus au Kosovo également. Avec leurs intentions

13 criminelles, ils pillaient, ils semaient le désordre partout.

14 Q. Comment s'appelaient-ils ?

15 R. Il s'agissait de volontaires, de personnes qui s'étaient munies d'armes

16 et qui sont venues au Kosovo. Ils prétendaient être des combattants puisque

17 le chaos général régnait.

18 Q. Pouvez-vous nous donner le nom de ces unités paramilitaires qui

19 travaillaient, qui combattaient, qui se battaient au Kosovo ? Pourriez-vous

20 nous citer les noms des personnes qui étaient au Kosovo ?

21 R. Il y avait toutes sortes de bandits. Je ne connais pas leurs noms.

22 Personne ne connaissait leurs noms. C'étaient des groupes d'hommes. Ils

23 étaient à deux ou à trois. La seule chose qui les intéressait, c'était de

24 faire du mal et de faire souffrir la population du Kosovo.

25 Q. Nous allons repartir un petit peu en arrière. Vous avez occupé le poste

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1 de vice-président de l'assemblée. Entre 1990 et 1994, les Bérets rouges ont

2 été créés le 4 mai 1991. Nous allons aborder la question des différentes

3 fonctions que vous avez occupées. Qui finançaient les Bérets rouges ?

4 Comment cela fonctionnait-il ?

5 R. Cela, je ne le sais pas.

6 Q. L'assemblée de Serbie et l'assemblée de RSFY, s'agit-il d'organes qui

7 peuvent intervenir au niveau du budget de l'état ?

8 R. Cela ne vient pas à dire qu'il ne pouvait intervenir. Ce sont eux qui

9 votaient le budget du gouvernement comme c'est le cas dans chaque état.

10 Q. Si le gouvernement, qu'il s'agisse du gouvernement de la RSFY ou de la

11 Serbie, consacrait une partie de son budget aux unités paramilitaires, il

12 serait normal que l'assemblée en soit tenue informée, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, cela eut été normal si certains fonds auraient été alloués de

14 façon erronée, ou pour que -- une mauvaise utilisation des fonds aurait

15 sans doute porté ceci à l'attention des membres de l'assemblée. Lorsque

16 j'étais membre de l'assemblée de Serbie, personne n'a jamais posé cette

17 question et n'a jamais parlé ni de l'existence ni du financement de groupes

18 paramilitaires, y compris les Bérets rouges.

19 Q. Très bien.

20 R. Je ne suis pas au courant de cela. Je suis tout à fait certain qu'il y

21 avait certains postes budgétaires qui portaient sur l'administration en

22 général, sur le gouvernement, sur le MUP. Je ne pense pas que ceci ait pu,

23 à aucun moment, constitué un des postes budgétaires.

24 Q. Avant de poursuivre, s'il en ressort, c'est une hypothèse, que l'accusé

25 comprend ce que je suis en train de dire. Si on découvre que les

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1 paramilitaires avaient été commandités par la Serbie, vous, en tant que

2 vice-président de l'assemblée, vous auriez dû en être informé, n'est-ce pas

3 ? Je crois que c'est une question assez importante que de financer des

4 groupes paramilitaires. Vous auriez dû en être informé, n'est-ce pas ?

5 R. Non, je ne devais pas en être tenu informé. Je n'ai pas été informé, et

6 je n'avais besoin d'être informé de cela. J'ai été un des quatre vice-

7 présidents de l'assemblée.

8 Q. Nous allons examiner ceci d'un peu plus près. Vous êtes un membre de

9 l'assemblée et une personnalité importante. Vous avez un budget que vous

10 devez examiner. Est-ce que vous avez examiné ce budget et les différents

11 postes pour voir, bien comprendre les dépenses de l'état ? Il y a deux

12 possibilités soit vous étiez au courant et vous ne le dites pas, à ce

13 moment-là, ou un peu plus tard, et si vous regardez la RSFY ou le

14 gouvernement n'avait pas informé l'assemblée de cette dépense. Je vous

15 demande de bien vouloir nous aider ici en la matière.

16 R. Moi, en tant que député de l'assemblée serbe, je ne suis pas au courant

17 du financement des Bérets rouges. Tout ce que je pourrais dire serait

18 infondé.

19 Q. Connaissez-vous l'existence du conseil de la Défense suprême qui jouait

20 le rôle de commandant en chef des forces armées ?

21 R. Au sein de la République fédérale de Yougoslavie ou --

22 Q. La République fédérale de Yougoslavie.

23 R. Il y avait le conseil de la Défense nationale de la RSFY, n'est-ce pas

24 ?

25 Q. Oui. Evidemment, on peut utiliser différents titres. Il s'agit d'un des

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1 titres, effectivement.

2 Cet organe -- vous avez les documents, a mis en place un système qui

3 permettait de financer ceux qui combattaient dans le SVK et qui

4 combattaient au sein de la VRS, les Serbes qui se battaient en Croatie et

5 en Serbie. Il s'agissait de centres du personnel comportant le numéro 30 ou

6 40. Il s'agissait d'un écran fictif qui permettait découler l'argent. Vous,

7 en tant que député, membre de l'assemblée, avez-vous été informé de

8 l'existence de ces centres du personnel, 30 et 40e centre du personnel, et

9 comment cet argent avait été utilisé pour financer les combattants en

10 Croatie et en Serbie ou en Bosnie ?

11 R. On ne m'a rien caché, et je ne sais rien de ce genre.

12 Maintenant, les différents éléments de cette procédure, je crois être en

13 train de pouvoir constater que vous disposez d'information particulière sur

14 ce point, et vous aurez sans doute la possibilité d'interroger un autre

15 témoin à ce sujet. Moi, je ne sais rien.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère qu'il est clair à partir de tout ce

19 que vient de dire M. Jokanovic ici, qu'il n'a aucun rapport avec l'armée,

20 je pense que c'est une pure perte de temps que de lui poser ce genre de

21 questions. D'ailleurs, M. Nice est considérablement sorti du champ qui lui

22 est imparti. Il n'y a vraiment aucune raison d'interroger le témoin au

23 sujet de l'armée, avec laquelle il n'avait aucun rapport.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin peut répondre.

25 M. NICE : [interprétation]

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1 Q. Au vu de l'observation faite par l'accusé, Monsieur Jokanovic, veuillez

2 m'aider sur le point suivant. Vous avez dit que vous étiez en train de

3 faire en sorte que la Yougoslavie entre dans le giron de la démocratie

4 occidentale sous sa direction. Est-ce que vous comprenez que la démocratie

5 occidentale prévoit, c'est un aspect tout à fait typique d'une telle

6 démocratie, que les finances soient contrôlées par les deux chambres du

7 parlement, afin que les élus puissent vérifier l'utilisation de l'argent.

8 Est-ce que vous comprenez, de cette façon, l'élément fondamental de la

9 démocratie occidentale ?

10 R. Je parlais de la constitution qui était mise en œuvre avec l'œil fixé

11 sur les pays occidentaux. Toutefois, je ne suis pas expert en finance, et

12 je ne sais vraiment rien de la façon dont les dépenses budgétaires sont

13 vérifiées. En tant que député, je recevais certains documents de base

14 simplement --

15 Q. Excusez-moi de vous interrompre, ou d'essayer de vous interrompre en

16 tout cas, parce que j'aimerais qu'une réponse définitive soit apportée à ma

17 question. Votre dernière réponse portait sur deux sujets. Elle était brève.

18 Cela ne correspond pas tout à fait au fait qu'en 1994, c'est vous qui avez

19 mené l'enquête au sujet de la banque Dafiment ?

20 R. J'étais délégué à l'assemblée fédérale. L'assemblée fédérale a créé une

21 commission d'enquête qui était chargée d'enquêter sur les circonstances qui

22 ont permis à cette banque de voir le jour, et sur les répercussions de la

23 décision de créer cette banque. Il s'agit là d'une procédure parlementaire

24 qui permet au député de recueillir certains renseignements de certaines

25 instances pour, ensuite, les présenter à l'assemblée. Mais cela n'a rien à

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1 voir avec ceci.

2 Q. En tant président de la commission d'enquête, ceci est un rapport qui a

3 permis de conclure à un haut niveau de corruption dans cette banque

4 pyramidale, qui a fait l'objet de nombreux rapports depuis, et dont le seul

5 but était de rassembler des fonds. Ce n'est pas un rapport de votre main,

6 c'est un rapport de gens extérieurs.

7 R. En tant que membre de la commission d'enquête parlementaire, je dis

8 bien parlementaire au niveau fédéral, ce n'est pas moi qui menais

9 l'enquête. Les enquêteurs étaient des membres du MUP et des responsables de

10 justice. Moi, je suis député, et je dirigeais simplement la commission

11 d'enquête.

12 Q. L'accusé Milosevic avait-il le moindre rapport avec cette banque. Ceci

13 a-t-il découvert à lecture d'un autre rapport par la suite ?

14 R. Ceci est un bon rapport rédigé par un député au niveau fédéral, et ce

15 rapport a été adopté à l'unanimité par les deux partis en présence, à

16 savoir le parti au pouvoir et l'opposition. La commission d'enquête a

17 recueilli un grand nombre d'informations de toutes sortes d'instances qui

18 ont participé à l'enquête. Elle a également entendu Dafina Milanovic et, à

19 aucun moment, la commission enquête n'a établi que M. Milosevic ait

20 participé à la création ou au fonctionnement de cette banque. Notre rapport

21 évoque les failles dans le travail du gouverneur de la banque nationale,

22 des inspecteurs de celle-ci et d'autres instances dirigeantes au niveau

23 bancaire, et je crois que ce rapport propose un certain nombre de mesures

24 pour régler le problème.

25 Quant à M. Milosevic, il n'y a rien qui indique dans toutes ces

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1 déclarations que je viens de citer, qu'il ait eu la moindre information

2 utile pour la commission enquête.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisqu'il y a un instant, M. Nice a dit que

5 j'avais quelque chose à avoir avec la banque Dafiment, il a même évoqué un

6 rapport où ceci serait écrit, je vous demanderais, s'il vous plaît, de

7 faire en sorte que je puisse recevoir ce rapport, parce que c'est la

8 première fois que j'entends que j'aie pu avoir la moindre participation

9 avec cette banque. J'aimerais vraiment avoir ce rapport sous les yeux, cela

10 éveille ma curiosité.

11 M. NICE : [interprétation] Je le fournirai à l'accusé.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous devons veiller à

13 l'heure. Il faut nous arrêter à 13 heures 45. L'accusé aura besoin

14 également de quelques minutes pour les questions supplémentaires.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Ma dernière question porte sur le même sujet. Entre 1994 et 2000, vous

17 étiez premier ministre fédéral, ou plutôt -- ministre de l'Intérieur au

18 niveau fédéral, puis procureur général au niveau fédéral, n'est-ce pas,

19 Monsieur Jokanovic ? En dehors des journaux que vous lisiez, de la

20 télévision que vous regardiez, vous receviez, sans aucun doute, des

21 renseignements par le biais de documents gouvernementaux. J'aimerais que

22 vous nous aidiez sur ce point, je vous prie. Comme vous le savez, il a été

23 dit de la façon la plus claire qui soit, et ce sont les autorités de la

24 Serbie et du Monténégro qui l'ont dit très récemment, que les documents

25 professionnels de Mladic montrent que son nom figurait sur les listes de

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1 rémunération jusqu'à 2002. Dans quelles conditions était-il payé et

2 pourquoi faire ?

3 R. Je ne sais pas cela, je ne l'ai lu que dans la presse. C'est vous qui

4 venez de m'en parler.

5 Q. Dans vos fonctions, en partant du principe qu'en temps utile ce qui

6 vient d'être admis à Belgrade est vrai, est-ce que l'ignorance dans

7 laquelle vous vous trouviez à ce sujet, alors que vous étiez ministre de

8 l'Intérieur de la fédération, ne signifie pas qu'il y avait des gens qui

9 vous cachaient certaine chose. Si oui, qui pouvait cacher de telles

10 informations à un ministre fédéral ?

11 R. Mladic était un militaire. Qu'est-ce qu'un ministre fédéral avait à

12 voir avec l'armée. Je n'avais rien à voir avec l'armée. Vous essayez de

13 m'impliquer dans quelque chose au sujet de quoi je n'ai aucune

14 connaissance, et avec quoi je n'avais aucun rapport, et aucun contact.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

16 Monsieur Milosevic, vous avez des questions supplémentaires ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelques instants. Avant de répondre à cela,

18 puisque je n'ai pas assez de temps, je vois que

19 M. l'Huissier vient de me remettre un exemplaire du rapport de la

20 commission d'enquête relative à l'appréciation de la situation dans le

21 secteur des institutions d'Epargne étrangères, d'opérations financières de

22 la banque Dafiment, entreprise d'Economie mixte, et avec d'une part, une

23 partie de fonds publics, et une partie de fonds en action, et de la banque

24 Aleksandar.

25 Ce document est très volumineux. Comme M. Nice vient de l'expliquer il y a

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1 quelques instants, il semble comporter des renseignements au sujet de ma

2 participation dans tout cela. Pourriez-vous, je vous prie, veillez à ce que

3 le temps suffisant me soit donné pour parcourir ce document, parce que je

4 n'aurai même pas le temps de le lire en entier.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin n'a fait aucun commentaire

6 de ce genre. Ceci ne fait pas partie des pièces à conviction.

7 Avant que vous ne commenciez vos questions supplémentaires, je me

8 permettrai de vous dire que vous avez parlé du temps qui vous est imparti

9 pour celle-ci, nous vous autorisons à dépasser l'heure normale, parce que

10 nous pensons que ceci est justifié, bien que Monsieur Nice, je doive vous

11 demander à l'avenir d'être plus strict sur la question du temps, car nous

12 devons veiller à ce que l'accusé puisse disposer du temps pour les

13 questions supplémentaires. Monsieur Milosevic, je vous demanderais

14 également de garder à l'esprit que le temps de dépassement ne vous sera pas

15 décompté. Finalement, l'obligation consiste à vous assurer le même temps

16 pour présenter votre défense que le temps dont a disposé le Procureur. Je

17 vous en prie, veuillez commencer.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que les choses se passeront bien

19 ainsi, Monsieur Robinson.

20 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

21 Q. [interprétation] Monsieur Jokanovic, quelques petites questions. Qui a

22 proclamé des mesures d'urgence au Kosovo en 1989 ?

23 R. En 1989 ?

24 Q. Les mesures dont M. Nice vient de vous parler dans ses questions.

25 R. C'était la présidence de la RSFY.

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1 Q. Merci.

2 R. Des décisions ont été prises par le conseil exécutif du Kosovo à ce

3 sujet. Je dispose du journal officiel Gazette que j'ai sur moi.

4 Q. Merci. L'amendement 47 a été évoqué ici. Un certain nombre de

5 dispositions ont été citées. Je ne vais pas revenir en détail là-dessus,

6 mais sur la base de ce que vous avez dit dans votre déposition et de ce que

7 l'on a pu lire dans les documents, est-ce que cet amendement 47 était le

8 résultat d'un processus démocratique, d'un débat public qui s'est déroulé

9 dans toute la Serbie, y compris au Kosovo, qui fait partie intégrante de la

10 Serbie. Oui ou non ?

11 R. Oui. Et j'ai dit quel était l'objet de ce débat public.

12 Q. Fort bien, donc l'amendement 47 a été le fruit d'un débat public par

13 les citoyens.

14 R. Oui, sur tout le territoire de la Serbie, y compris dans ces deux

15 provinces.

16 Q. Merci, Monsieur Jokanovic. Maintenant, dites-moi, en page une, vous

17 donnez le nom des invités qui assistaient à la séance. La liste est brève.

18 Il semble que le nombre des invités ait été assez limité. J'aimerais que

19 vous confirmerez simplement le point suivant.

20 Vous dites que les députés de la séance -- que les invités, -- il y a avait

21 bel et bien Velimir Vukmanovic, Ferat Ahmeti, vice-présidents de

22 l'assemblée de la République socialiste de Serbie. Ensuite, vous dites en

23 gros, un certain nombre d'invités dont vous citez les fonctions

24 représentants de l'armée populaire yougoslave, représentants de toutes,

25 j'insiste, toutes les organisations sociales et culturelles de la province.

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1 Vous parlez de l'adjoint du premier ministre du gouvernement chargé de

2 l'agriculture. Vous parlez également d'un certain nombre d'invités au

3 niveau des municipalités, en gros, combien en avait-il ? Il en avait 26 des

4 municipalités au Kosovo. Donc, la liste des invités est tout à fait

5 complète ici, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. C'est bien clair ?

8 R. Oui, tout a fait.

9 Q. Est-ce que l'une quelconque de ces personnalités invitées qui n'étaient

10 pas des députés au niveau de ce parlement du Kosovo, auraient voté à

11 l'occasion du vote de cette assemblée ?

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que l'un quelconque des députés du parlement du Kosovo aurait

14 voté à ce moment-là, devant ces 185, comme vous l'avez dit, journalistes

15 présents ?

16 R. Non.

17 Q. Vous avez dit que le vote ne s'est pas fait de façon électronique, mais

18 de façon publique. Ne savez-vous pas que le vote électronique dans

19 l'assemblée, était effectivement public, parce que sur la liste, on peut

20 faire imprimer la façon dont tout à chacun a voté. Il s'agit d'élection

21 d'individus pour ce qui est de l'exercice de fonctions déterminées. Il y a

22 des questions très déterminées pour ce qui est des façons dont on vote. Y

23 a-t-il quelque doute que ce soit pour ce qui est de cette session du

24 parlement du Kosovo, qui se serait oui ou non déroulé conformément à la

25 constitution du Kosovo, et conformément aux règlements régissant le

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1 fonctionnement de ce parlement du Kosovo ?

2 R. Il n'est est point de doute.

3 Q. Y avait-il une possibilité juridique quelconque pour que quelque

4 décision que ce soit, y compris cette information sur les amendements,

5 puissent être contestée devant la cour constitutionnelle ?

6 R. Il y avait toujours possibilité de contester toute décision devant la

7 cour constitutionnelle, quelque décision que ce soit.

8 Q. Est-ce que ces décisions ont été contestées devant l'une quelconque des

9 cours constitutionnelle de la Yougoslavie ?

10 R. Non.

11 Q. Vous avez, ou plutôt on a mentionné dans les explications accompagnant

12 le déroulement de cette session du parlement, et on a vu les rapports

13 présentés par les agences étrangères. Tout coïncide. Il n'y en avait que

14 deux, -- dix contre et deux d'abstenus. Ceux qui étaient contre auraient

15 été poursuivis et mis en prison. Est-ce que l'une quelconque des personnes

16 qui aurait voté contre aurait été poursuivie en justice ou arrêtée ?

17 R. Personne n'a été persécuté ou poursuivi ni arrêté. Tous ceux qui ont

18 voté au parlement ne pouvaient, enfin, toute personne élue au parlement ne

19 pouvait être arrêtée. Il y a ce que l'on appelle l'immunité. C'est une

20 disposition légale.

21 Q. Monsieur Jokanovic, dites-moi encore autre chose, est-ce que l'une

22 quelconque personne originaire de Belgrade, à l'époque, à l'époque dont

23 vous parlez, j'entends, dans le fil de votre carrière, jusqu'en 90, au

24 Kosovo, a pu ou aurait pu décider de l'élection de quiconque au sein de

25 cette province du Kosovo ?

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1 R. Non. En République de Serbie, personne ne pouvait décider qui est-ce

2 qui au Kosovo occuperait telle ou telle autre fonction jusqu'à la

3 modification de cette constitution, mais celle où il a été mis en place par

4 un système pluripartite.

5 Q. Merci, Monsieur Jokanovic, je n'ai plus de questions pour vous.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jokanovic, ceci met un

7 terme à votre témoignage. Merci d'être venu au Tribunal pour témoigner.

8 Vous êtes libre de vous en aller.

9 [Le témoin se retire]

10 M. NICE : [interprétation] Pièces à conviction ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, pièce à conviction.

12 M. NICE : [interprétation] Pourrais-je expliquer la position sur --

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

14 M. NICE : [interprétation] La pièce à conviction 253 qui porte une cote aux

15 fins de l'identification. Je crois que ce document est arrivé traduit dans

16 son intégralité. L'accusé a demandé à ce que l'on traduise le document tout

17 entier. Le service de traduction a dit qu'il souhaitait qu'on leur désigne

18 les passages que l'on voulait a avoir de traduits. Nous les avons

19 sollicités, mais ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas nous aider pour

20 ce qui est de traduire le texte entier.

21 En dernière minute, nous avons compris que nous n'allions pas obtenir une

22 version anglaise. Aussi, avons-nous identifié les passages que nous avons

23 jugé pertinents. Tout d'abord, il s'agit de la teneur et du poids accordé à

24 certains points par l'accusé pour ce qui est du témoignage de ce témoin.

25 Nous avons choisi certaines pages, et nous avons procédé à un examen de

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1 ceci dans le courant de la deuxième des pauses. Mais cela n'a pas été

2 suffisant comme temps pour présenter tout ceci de façon satisfaisante à

3 l'intention des Juges de la Chambre.

4 Notre requête est de faire en sorte que ces passages dont la traduction

5 nous a été fournie soient versés au dossier. Il y aurait forcément une

6 sélection de ces derniers. L'accusé pourra toujours demander la traduction

7 complémentaire d'autres passages comme le service de traduction nous le

8 demande.

9 Je me réserve le droit, bien sûr, de contester la pertinence de

10 certains passages ou de faire en sorte que l'accusé puisse se faire

11 traduire des passages pertinents. S'agissant des questions liées aux

12 amendements de la constitution, je crois que ces documents devraient vous

13 être disponibles.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous allons en faire ainsi.

15 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Deuxièmement, il s'agit d'un

16 document de source ouverte. Nous en avons examiné deux. Il y a une petite

17 partie qui débute à la page 5 632.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il en va de même pour ce qui est du 5

19 647.

20 M. NICE : [interprétation] Oui, il en va de même pour ce qui est du 5 647.

21 Il y en a eu quatre au total. J'ai perdu cela de vue. Je laisse aux Juges

22 de la Chambre le soin de décider si ceci va demeurer ensemble, ou s'il nous

23 faudra revenir sur certains de ces documents en raison de l'intérêt qu'ils

24 ont pour la période de temps qui nous intéresse.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons exclure le reste.

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1 M. NICE : [interprétation] Très bien. Merci.

2 Comme je vous l'ai déjà indiqué, nous demanderons à ce que soit

3 rajouté un nom à la liste des témoins potentiels. Ce nom sera ajouté à la

4 liste B de l'Accusation.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas de numéro, là.

6 M. NICE : [interprétation] Oui, je suis désolé.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons avoir besoin d'un numéro.

8 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge Kwon va toujours plus vite que

9 moi sur ces questions d'administration.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document sera le P796.

11 M. NICE : [interprétation] Merci.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pour ce qui est de l'Article 300 ?

13 M. NICE : [interprétation] Oui.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Article 3 --

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. J'ai posé la question aux parties

16 en présence.

17 M. NICE : [interprétation] C'est une partie d'une pièce à conviction déjà

18 existante. C'est une partie de cette pièce à conviction. Si nous avons

19 d'autres traductions, nous les rajouterons.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avons-nous l'Article 3 en B/C/S déjà ?

21 M. NICE : [interprétation] Oui, nous l'avons en B/C/S.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quel numéro s'agit-il ?

23 M. NICE : [interprétation] Il s'agit du 526, pour ce qui est des extraits.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est du compte rendu d'audience,

25 l'Article 3 n'est pas un Article 3. C'est un Article 300. Je crois que nous

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1 avons parlé d'un Article 300 de la constitution, et non pas de l'Article 3,

2 afin qu'il n'y ait pas de confusion.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Vous avez tout à fait raison,

4 Monsieur Milosevic. C'est le numéro 300.

5 M. NICE : [interprétation] La pièce à conviction existante est entièrement

6 en B/C/S, comme vient de me le dire Mme Dicklich. Nous pouvons ajouter la

7 pièce 526, intercalaire 6. Il y a des parties qui ont déjà été traduites

8 auparavant. Pour le témoignage Kristan, nous pouvons ajouter ces

9 traductions complémentaires à la pièce, si cela convient aux Juges.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La constitution dans son ensemble

11 constitue la pièce 526, intercalaire 6.

12 M. NICE : [interprétation] Oui. Intercalaire 6.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il une traduction de ce texte ?

15 M. NICE : [interprétation] Il y a une traduction partielle que nous devons

16 retrouver.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'avez tout de même pas versé au

18 dossier la transcription de l'émission Vie et Mort de l'ex-Yougoslavie.

19 M. NICE : [interprétation] Oui, j'oublie toujours. Il y a ces deux extraits

20 de la vidéo intitulée Vie et Mort de l'ex-Yougoslavie.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous avons décidé de

23 ne pas verser au dossier le document entier. Certaines parties de ce

24 document sont déjà versées au dossier.

25 M. NICE : [interprétation] C'est exact.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'agissant de ces deux

2 enregistrements vidéo, le témoin n'a pas été à même d'identifier quoi que

3 ce soit.

4 M. NICE : [interprétation] Si je peux le dire, en premier lieu il y a eu

5 plusieurs objectifs pour ce qui est de ces témoignages. Si vous vous en

6 souvenez, le dénommé Vllasi, il y a longtemps figurait sur la liste B, a

7 expliqué la toile de fond, et il lui a été posé des questions au sujet de

8 ces changements intervenus au sein du Parti communiste. En tout cas, il

9 était au courant de ces événements.

10 Le deuxième enregistrement vidéo porte sur ce rassemblement massif avant la

11 proclamation des mesures d'urgence. Il a dit qu'il en savait quelque chose

12 parce qu'il l'avait vu à la télévision. Il est évident qu'il s'agit là d'un

13 événement important dans la chronologie des événements qui font partie de

14 ce procès.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons alors verser au

16 dossier cet enregistrement numéro 2.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons rendre une décision pour

19 ce qui est de ces deux enregistrements vidéo, et nous le ferons

20 ultérieurement.

21 M. NICE : [interprétation] Comme les Juges voudront bien le faire.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certainement.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une cote.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour ce qui est de ces enregistrements,

25 ce sera une cote suivante P797 aux fins d'identification, et il y aurait

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1 les enregistrements 1 et 2.

2 M. NICE : [interprétation] Pendant que je suis encore debout, le témoin

3 suivant est M. Terzic, qui présente un rapport d'expert. Ce matin et hier

4 soir, nous avons reçu deux piles de documents. Je pense qu'ils n'ont pas

5 encore été traduits, ou la plupart n'ont pas été traduit. Je ne sais pas

6 quel est le pourcentage de cette documentation qui a pu être traduit.

7 Personnellement, il me semble que toute seconde de mon temps, d'ici à

8 lundi matin, est déjà dépensée d'avance. Je sais, d'ores et déjà, ce qu'il

9 faudrait que je fasse et je n'aurai pas le temps, la possibilité de me

10 consacrer à ces deux classeurs, ou du moins à ce qui a été traduit. Je ne

11 peux pas en dire davantage. Il me sera très difficile de parcourir une

12 documentation qui n'a pas été traduite ou qui nous a été communiquée à un

13 moment aussi tardif que celui-ci.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous continuez à

16 fournir une documentation sans traduction. De par le passé, nous nous

17 sommes efforcés de vous accommoder, mais ces exceptions sont en train de

18 devenir une règle. Je dois vous prévenir que si cela venait à se

19 poursuivre, nous interdirions le versement de telles pièces au dossier. Le

20 Règlement du Tribunal existe pour qu'il soit respecté. Il y a de bonnes

21 raisons pour ce faire. Veuillez garder cela à l'esprit.

22 Nous allons lever l'audience maintenant jusqu'à lundi matin, 9

23 heures.

24 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le lundi 6 décembre

25 2004, à 9 heures 00.