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1 Le jeudi 16 décembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites entrer le témoin, s'il
6 vous plaît.
7 M. NICE : [interprétation] Pendant que le témoin est en route, et que nous
8 préparons son arrivée, nous pourrions lui mettre à disposition ses propres
9 pièces intercalaires numéro 2.
10 Je ne suis pas très certain sur quel canal nous sommes censés être ce
11 matin.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a un problème technique.
13 M. NICE : [interprétation] Je crois que nous entendons l'albanais sur
14 le canal anglais. J'ai été heureux de constater notre ignorance au plan
15 linguistique.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 LE TÉMOIN : M. CEDOMIR POPOV [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la
20 parole.
21 M. NICE : [interprétation] Si nous pouvons remettre au témoin ses propres
22 pièces à l'intercalaire numéro 2 et si lui-même peut se tourner vers les
23 pages en serbe, se tourner à la page 161 que nous allons mettre sur le
24 rétroprojecteur, la traduction que nous avons obtenue sur Internet, à la
25 page 26 sur 29, en haut à droite.
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1 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]
2 Q. [interprété] Merci beaucoup. Monsieur le Professeur Popov, nous avons
3 évoqué hier la question du document Garasanin Nacertanije, et Garasanin
4 ayant occupé pendant deux décennies des fonctions à haut niveau, mais son
5 document avait été gardé dans quelque coffre-fort pendant 60 ans, et ce
6 document étant d'importance à cause du fait qu'il illustre la politique
7 serbe du XIXe siècle. Vous nous en avez parlé, vous nous avez précisé qu'il
8 s'agissait d'un document qui n'était pas en faveur de la violence, vous
9 avez parlé de quelques principes fondamentaux de ce document, hier. Nous
10 regardons ce matin la version en serbe qui parle, "Du troisième principe
11 fondamental," à la page 161.
12 R. Je vois.
13 Q. Nous avons ici sur ce document, la traduction anglaise, on peut lire
14 comme suit : "Le troisième point fondamental de cette politique est celui
15 de l'unité des nationalités dont les représentants diplomatiques sont
16 censés être le gouvernement de la principauté de Serbie. Quelle que soit la
17 validité de ce principe, c'est vers le gouvernement que les Bosniaques et
18 les autres Slaves doivent se tourner pour toutes formes de protection et
19 d'assistance. La Serbie, à cet égard, doit se rendre compte que la Serbie
20 est la protectrice naturelle de tous les Slaves vivant en Turquie et que
21 les autres Slaves lui reconnaîtront ce droit lorsqu'elle prendra sur elle
22 le devoir de dire quelque chose et de faire quelque chose en leur nom."
23 Si vous aviez l'amabilité, je vous prie, de passer à la page suivante, à la
24 page 162, dans votre document et dans la version serbe, paragraphe numéro
25 5.
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1 Si Monsieur l'Huissier avait l'amabilité de passer à la page 27 en anglais
2 où nous avons le même paragraphe numéro 5.
3 Après une première phrase dans la version anglaise et dans la version
4 serbe, on peut lire ce qui suit : "Des contacts commerciaux directs avec
5 les états étrangers par l'intermédiaire Zemun seront toujours une affaire
6 difficile. Par conséquent, les Serbes devront trouver une autre route
7 commerciale qui leur permettra d'avoir une ouverture sur la mer et accès à
8 un port. La seule route possible pour l'instant est celle qui va de Skadar
9 à Ulcinj."
10 Je vais revenir aux questions que j'ai posées hier. N'est-il pas vrai, de
11 dire, que le concept de Nacertanije portait sur les frontières historiques
12 de la Serbie et qu'il devait toujours y avoir une ouverture sur la mer ?
13 Ces frontières historiques ayant été définie au plan ethnique, que les
14 Serbes devaient, leur dynastie en tête, diriger ceci.
15 R. Les Serbes étaient censés être sous protection et aidés par la
16 principauté de Serbie. Tout mouvement national de leur part ainsi que toute
17 lutte pour l'égalité en droit et la liberté. Cela est une position.
18 En sus de cet élément national, la Serbie avait ses intérêts économiques.
19 Elle avait l'intention de les réaliser en passant par des territoires
20 ethniquement serbes en direction de Ulcinj, qui se trouvait être peuplé en
21 majeure partie par des Serbes. Ce sont les Monténégrins d'aujourd'hui, qui
22 à l'époque, avaient des sentiments serbes très prononcés. Ces deux
23 principes et ces deux intérêts ne se trouvent pas mutuellement confrontés
24 l'un à l'autre. Je ne vois pas en quoi cela remettrait en question
25 l'interprétation que je vous ai fournie hier, au terme de laquelle, le
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1 Nacertanije de Garasanin constituait un programme ne représentant en rien
2 une politique agressive.
3 Q. Je suis d'accord sur ce point.
4 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut attribuer une cote à cette
5 traduction, je vous prie, avant que je ne l'oublie. Il y aura peut-être une
6 traduction de notre propre service de traduction, mais je ne sais pas
7 encore. Pour éviter toute difficulté, je souhaite que cette pièce soit
8 versée pour l'instant.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous aider, s'il vous
11 plaît, si l'intercalaire 2 comporte tous les documents de Nacertanije ou
12 simplement une partie ?
13 M. NICE : [interprétation] Sans doute, une grande partie, car nous sommes
14 arrivés à la fin des documents, lors de la citation des deux passages, mais
15 je n'ai pas vérifié.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous sommes en train
17 de mettre en place un système d'attribution de cote que je n'aime pas
18 beaucoup. Nous avons déjà attribué un numéro à la pièce de la Défense.
19 M. NICE : [interprétation] Puis-je, avec tout le respect que je vous dois,
20 vous proposez de remettre à la Défense un numéro de pièce de l'Accusation
21 et retourner ensuite à la question générale des pièces de la Défense ? Le
22 témoin a parlé de Nacertanije, par conséquent, je crois que ce document
23 pourrait être présenté pendant le contre-interrogatoire que l'original soit
24 disponible ou non.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
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1 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
2 Q. Professeur --
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce numéro 805.
4 M. NICE : [interprétation]
5 Q. Quelles que soient les intentions de Garasanin au XIXe siècle, Monsieur
6 le Professeur, les choses ont changé au début du XXe siècle, car
7 l'unification ou la mort aux mains des paramilitaires sont venues sur le
8 devant de la scène. Cette organisation "Black Hand," Main noire était
9 responsable en 1903 du meurtre du roi Aleksandar Obrenovic, et plus connu
10 pour l'assassinat du roi Ferdinand à Sarajevo, n'est-ce pas ?
11 R. Ce n'est pas tout à fait exact. Ce n'est pas la même organisation. En
12 1903, il y avait un complot militaire qui a liquidé le dernier représentant
13 de la dynastie des Obrenovic. Ensuite, ils ont été démantelés. Plusieurs
14 personnalités, qui ont participé à ce complot de 1903, ont créé en 1911 une
15 nouvelle organisation appelée la Main noire, qui s'est trouvée impliquée,
16 d'après ce que l'historiographie sait nous dire, était impliquée dans
17 l'attentat de Sarajevo. On le sait, à partir d'une confession de la part du
18 dirigeant de la Main noire, le colonel Trabutin Dimetriovic Apis, qui entre
19 autres, a été condamné au procès de Salonik en 1911 et a été, par la suite
20 exécuté.
21 Q. Nous allons revenir sur ce point de détail, ou non. En revanche, le
22 point important est celui-ci, l'unification ou l'unification ou la mort
23 nous rappelle qu'il s'agit de l'unification avec la Bosnie et le
24 rattachement avec la Serbie, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
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1 Q. Par conséquent, cette idée d'une Grande Serbie, cette conception est
2 passée de quelque chose qui avait des connotations pacifiques dans le cadre
3 de la politique de Garasanin et de son document caché. On est passé de ces
4 connotations pacifiques à une violence totalement inacceptable.
5 R. Vous avez posé votre question ?
6 Q. Oui.
7 R. Cette organisation paramilitaire appelée la Main noire, a effectivement
8 procédé à un changement de méthodes, mais les objectifs, eux, n'ont pas
9 changé. La réunification des Serbes de Bosnie et des Serbes de Serbie avait
10 été l'objectif le plus marqué de cette population en Bosnie, qui
11 constituait 44 % de la population, avec quelque 32 % de Musulmans et 22 %
12 de Croates. Cette majorité relative de Serbes a pratiquement, de façon
13 unanime, exigé la réunification avec la Serbie.
14 Etant donné que le gouvernement serbe, à ce moment-là, n'a pas, et par la
15 suite n'a pas non plus estimé que la chose pourrait être réalisée. Ces
16 organisations de jeunes Bosniaques où il y avait des Serbes, des Croates et
17 des Musulmans entre autres, parmi ces Croates, il y avait le plus éminent
18 des écrivains yougoslaves, Ivo Andric. Il a été même --
19 Q. Pardonnez moi. Je vais --
20 R. Ils se sont adressés, disais-je, étant donné qu'ils n'ont pas pu
21 obtenir un soutien de la part du gouvernement, ils se sont adressés à cette
22 organisation paramilitaire qui leur a apporté son aide dans la réalisation
23 de cet attentat.
24 Q. On me rappelle qu'il n'y avait aucun référendum à l'appui de ces
25 chiffres. Pourriez-vous nous donner vos sources, s'il vous plaît ? Ne pas y
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1 consacrer trop de temps, néanmoins.
2 R. Il n'est pas question de référendum; il s'agit d'un recensement de la
3 population de 1910, réalisé par la monarchie des Habsbourg.
4 Q. Très bien. Nous allons revenir à ma question. L'idée de la Grande
5 Serbie, de l'expansion de la Serbie, est quelque chose qui a des accents de
6 violence et de mort, d'unification ou la mort. Je souhaite vous présenter
7 la position de l'Accusation, de façon à ce que vous puissiez réagir. La
8 Grande Serbie est restée, d'une certaine façon, un concept inacceptable
9 jusque dans les années 90, car il avait été admis que ce concept pourrait
10 n'être appliqué que par la violence. Je pense qu'en tant qu'historien et
11 homme ayant un certain nombre de connaissances, vous avez certainement
12 gardé ceci à l'esprit.
13 L'IRA, par exemple, a sévi pendant longtemps. Tout homme politique qui
14 aurait soutenu l'IRA, aurait soutenu des plans d'action d'une certaine
15 violence, ou très violents.
16 Je vais en revenir à la Serbie. Je vais revenir aux années 1990. Nous
17 avons entendu un très grand nombre de témoins utiliser le terme "Grande
18 Serbie", des témoins comme Marinovic, l'amiral de Dubrovnik, des témoins
19 comme Stipe Mesic, et cetera. Vous avez certainement compris le concept de
20 "Grande Serbie". Nous l'avons entendu présenter par l'autre côté. L'accusé
21 a fait très attention de ne jamais utiliser ce terme.
22 La question que je vous pose, par conséquent, est celle-ci : à partir
23 du moment où la Grande Serbie a été présentée comme un plan violent, il a
24 été difficile d'adopter ce plan de façon publique, n'est-ce pas ?
25 R. Ce n'est pas exact. Je n'accepte pas du tout l'existence d'un concept
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1 confirmant l'existence d'une Grande Serbie, ou voir l'existence d'un plan
2 relatif à la Grande Serbie aux XIXe et XXe siècle, à quelque période
3 historique que ce soit, d'ailleurs, non plus.
4 Maintenant, le fait de citer Stipe Mesic et d'autres, cela n'illustre en
5 rien le plan relatif à la Grande Serbie. Ces témoignages-là ou des opinions
6 de cette nature, tracent un signe d'égalité entre la Yougoslavie et la
7 Serbie, ce qui ne peut pas être fait, absolument pas. La Yougoslavie avait
8 été l'état de tous les peuples slaves du sud. La Grande Serbie, elle, n'a
9 jamais existé. La Grande Serbie est un mythe dont j'ai justement parlé dans
10 l'étude ou le rapport que je vous ai présenté. Ce mythe a ses origines. Je
11 crois les avoir expliquées de façon suffisante. Il serait toutefois très
12 intéressant d'entendre de combien la Serbie devrait se faire petite afin de
13 ne pas être grande.
14 Q. C'est peut-être un concept que je vous soumettrai, mais nous allons
15 essayer d'avancer rapidement. En 1914, vous avez attiré notre attention sur
16 la déclaration Nis, qui se trouve à l'intercalaire 3 de vos pièces. C'est
17 le document pour lequel nous avons une traduction en anglais.
18 R. C'est exact.
19 Q. Nous avons lu une phrase, et l'accusé vous a demandé de lire une
20 phrase. Je vais maintenant m'y pencher. Il s'agit de la seconde page de ces
21 pages traduites ici. Le point qui est soulevé est important car on peut
22 lire ceci : "Assurés de la résolution de l'ensemble de la nation serbe
23 d'endurer ce combat sacré aux fins de défendre leurs foyers et leur
24 liberté. Le gouvernement du royaume estime qu'il s'agit de terminer avec
25 succès cette grande guerre. Lorsqu'il a été clair pour tous qu'il
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1 s'agissait de se battre pour la liberté et l'unité de tous nos frères
2 serbes, les Croates et les Slovènes, dont le seul but dans ces temps
3 difficiles, était de réaliser cela. Il est vrai que les Serbes voulaient
4 toujours un état unitaire, n'est-ce pas ? Les Serbes voulaient toujours un
5 état unitaire, n'est-ce pas ?
6 R. C'est absolument exact. Tous les peuples européens ont eu cela.
7 Q. Effectivement, cela a été une des difficultés. C'est en tout cas ce que
8 j'avance, que la Serbie -- les Serbes, jusqu'aux années 1990, ne pouvaient
9 pas accepter l'idée d'une fédération, mais souhaitaient toujours un état
10 unitaire dans lequel elle aurait la majorité et assurait le contrôle,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Ce n'est pas exact.
13 Q. Pouvez-vous me donner un exemple de --
14 R. Je vais vous donner toute suite l'exemple.
15 Q. Oui. La volonté de la Serbie d'être un partenaire au sein d'une
16 confédération ou faisant partie d'un organe dans lequel elle n'assurait pas
17 le contrôle ?
18 R. La Serbie n'a jamais exercé de contrôle sur le territoire entier. Cette
19 question de centralisme ou de fédéralisme avait constitué le problème
20 majeur entre les deux guerres. Après la Deuxième guerre, il a été accepté
21 par la Serbie, de façon unanime, cette solution fédéraliste. Vous êtes en
22 train d'échanger ou de remplacer des thèses parce qu'elle n'a pas accepté
23 la confédération, certes, mais vous n'ignorez pas le fait que confédération
24 et fédération, ce n'est pas la même chose.
25 Q. Effectivement, mais la question que je vous ai posée est restée sans
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1 réponse. Pourriez-vous, s'il vous plaît, m'indiquer un événement qui montre
2 ou qui démontre la volonté des Serbes à accepter une fédération ou, d'une
3 manière ou d'une autre, à accepter de faire partie d'un système où ils
4 n'étaient pas -- ne représentaient pas l'élément le plus important, ou
5 n'avaient pas la majorité.
6 R. La Serbie a accepté toutes les constitutions de cette deuxième
7 Yougoslavie à partir de 1948 à 1974. Il y en a eu trois constitutions, et
8 une loi constitutionnelle adoptée, qui ont aménagé, de façon
9 constitutionnelle, les relations fédératives dans le cadre de cette
10 Yougoslavie. La Serbie a disposé d'une république à elle. J'ai l'impression
11 que vous demandez à présent pourquoi la République de Serbie avait la
12 majorité dans sa propre république. Dans toutes les autres républiques, les
13 peuples majoritaires avaient leur majorité à eux et dominaient dans leur
14 république.
15 Q. Bien. Nous en viendrons à cette date-là très bientôt, 1946 à 1974. Je
16 souhaite maintenant parler de l'accord de Corfou. Nous n'avons pas de
17 traduction en anglais. Intercalaire numéro 5. Déclaration de Corfou. Un
18 court extrait que je souhaiterais vous soumettre et que j'aimerais que vous
19 lisiez. Intercalaire numéro 5.3. Je crois que j'ai du mal à lire.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 5.4 ou 5, à la page 36. 20 juillet 1917.
21 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, est-ce que vous
22 auriez l'amabilité de le mettre sur le rétroprojecteur. Je vais retrouver
23 la page. Il s'agit d'un intercalaire qui est composé d'un certain nombre de
24 livres.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 5.5 page 36.
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Nous allons le poser sur le rétroprojecteur. Je vous demande de bien
3 vouloir lire ce qui suit à droite, du côté droit, là où nous voyons le
4 premier paragraphe, "Drzava Srba".
5 R. "Les représentants des Serbes, des Croates et des Slovènes --" l'état
6 des Serbes, Croates et des --
7 M. NICE : [interprétation] Le paragraphe suivant.
8 R. Je vois.
9 "L'état des Serbes, croates et Slovènes connu sous le nom des Slaves
10 du Sud ou des Yougoslaves, sera un royaume libre indépendant et disposant
11 d'un territoire unifié ainsi que d'un état unique. Il s'agira d'une
12 monarchie constitutionnelle démocratique et parlementaire, à la tête de
13 laquelle se trouvera la dynastie des Karadjordjevic qui a fourni des
14 preuves aux termes desquels ses idées et sentiments ne la séparaient pas
15 des peuples et qu'il plaçait la liberté et la volonté du peuple par-dessus
16 tout."
17 Q. Les négociations qui ont conduit le gouvernement serbe en exil à
18 parvenir à cet accord, voire complexe, nous n'avons pas le temps de nous y
19 pencher. Il y avait Apis qui a été jugé et exécuté. Ce que nous constatons
20 d'après cet extrait de l'accord qui a mené à la mise en place de la
21 première Yougoslavie, est que les Serbes avaient obtenu un état unitaire à
22 la tête duquel se trouvait leur monarque.
23 R. C'est exact. Les autres n'ont pas eu de dynastie. C'est pour cela
24 qu'ils n'ont pas pu en fournir.
25 Q. Avant d'aller plus loin, après l'année 1914, il y a deux points que je
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1 souhaite soulever. Si les universitaires ont des points de vue différents
2 sur des questions essentielles, sur des sujets importants, cela reste une
3 question ouverte dans ces cas-là, n'est-ce pas ?
4 R. Bien sûr, mais je ne comprends pas du tout votre remarque. Vous parlez
5 "d'académicien sérieux". Cela implique qu'il y en aurait qui ne seraient
6 pas sérieux du tout ?
7 Q. La réponse à ma question suivante vous fournira peut-être une réponse.
8 Il y a, n'est-ce pas, il y a des universitaires albanais du Kosovo qui
9 estimeront que la Serbie n'avait pas le droit, en 1914, de gouverner le
10 Kosovo ?
11 R. C'est l'une des opinions scientifiques possibles qui peuvent se
12 défendre, et qu'il s'agit de confronter avec les opinions de toute une
13 série d'autres historiens. Il s'agit là d'une question très intéressante
14 sur le plan professionnel et scientifique. Cela n'a aucune pertinence pour
15 la Chambre.
16 Q. Cela me suffit. Je vous demande de bien vouloir vous tourner vers la
17 page 14 de votre rapport en anglais. Mme Dicklich va certainement pouvoir
18 m'indiquer à quel endroit cela se trouve.
19 R. Pardonnez-moi, Monsieur le Professeur, page 14 dans la version
20 anglaise.
21 R. Dites-moi d'abord de quel document vous êtes en train de parler.
22 Q. Votre rapport.
23 R. Mon rapport. Bien.
24 Q. Dans votre rapport, au paragraphe qui commence par, "En premier lieu,
25 tous les territoires que Garasanin considérait comme serbes…".
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1 C'est ce paragraphe-là que je souhaite que vous lisiez, et je vous
2 demande de bien vouloir regarder la dernière phrase de ce paragraphe.
3 R. Vous avez dit page 15, n'est-ce pas ?
4 Q. Le paragraphe commence par, "Tous les territoires que Garasanin
5 considérait comme serbes…"
6 R. Oui, j'ai trouvé.
7 Q. C'est peut-être une erreur typographique, c'est possible. Car on lit au
8 niveau de la dernière phrase : "Les Serbes avaient un droit historique
9 incontestable au Kosovo et au Metohija."
10 A la lumière de votre dernière réponse quant au point de vue différent
11 avancé par différents universitaires, je crois que la situation doit être
12 celle-ci, autrement dit que les Serbes avaient un droit contestable au
13 Kosovo et au Metohija en 1914, n'est-ce pas ?
14 R. Non. Ils avaient un droit incontestable, étant donné qu'il s'agissait
15 là du centre autour duquel s'était constitué l'état serbe médiéval déjà.
16 Q. J'essaie de traiter ces différentes questions à essayer d'éviter de
17 consacrer trop de temps à l'époque médiévale.
18 Les Serbes ont occupé le Kosovo pendant deux siècles jusqu'à --
19 R. Il faut bien qu'on en parle puisque vous parlez d'un droit
20 historique.
21 Q. Ils ont occupé le Kosovo pendant deux siècles jusqu'en 1389
22 lorsque, comme cela est bien connu, ils ont été vaincus par la suite. Le
23 Kosovo a été occupé par différents peuples, y compris les Bulgares et
24 l'Empire ottoman. Vous nous avez dit qu'il y aurait des universitaires du
25 Kosovo qui auraient un autre point de vue et qui diraient que ce droit
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1 n'était pas un droit qui revenait à la Serbie en 1914. Vous m'avez dit
2 avant cela, que si les universitaires ont des points de vue différents, il
3 s'agit d'une question ouverte, qu'il ne s'agit pas de dire qu'il s'agit
4 d'une question incontestable. Je souhaite qu'on ne consacre pas trop de
5 temps à l'analyse historique. Je souhaite de parvenir au point où vous
6 accepterez qu'en 1914, était l'illustration d'un droit contestable.
7 R. En 1914, il ne s'est rien passé du tout au Kosovo et Metohija.
8 Nous ne pouvons pas éviter de parler de certains faits historiques, parce
9 que vous avez eu recours à tout un galimatias de faits erronés en partant
10 de nulle part, dire que les Serbes ont occupé le Kosovo aux XIIIe et XIVe
11 siècle, parce que cela n'est pas exact. Ils se sont installés là au VIe et
12 VIIe siècle en arrivant au moment où les Slaves sont arrivés au sud. Ce
13 n'était pas encore des Serbes; c'étaient des Slaves. Il n'est pas vrai de
14 dire que la bataille du Kosovo a eu lieu en 1382, mais en 1389, mais il est
15 exact de dire que c'était là des territoires exclusivement serbes où la
16 population albanaise est arrivée peu à peu à compter du XVe et du XVIe
17 siècle, et par la suite. Les liens entre les Serbes et les Albanais ont
18 existé au travers du Moyen-Âge tout entier, et d'une manière générale, la
19 collaboration se déroulait très bien. Il ne s'est rien passé du tout.
20 Les Serbes, en 1914, il ne s'est rien passé. Les Serbes ont libéré
21 leur berceau historique en 1912.
22 Q. Le Kosovo a été annexé à la Serbie. C'est le terme qui a été
23 utilisé, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, on l'a confisqué à la Turquie. C'était un vilayet turc, et cela a
25 été libéré pour faire partie de l'état serbe.
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1 Q. Encore une fois, pour nettoyer le pont, comme on dit en langue
2 vernaculaire, d'autres universitaires parlent de souffrances très
3 importantes des Albanais, de milliers d'Albanais aux mains des Serbes et
4 des massacres des Albanais aux mains des Serbes en 1913. Je crois que la
5 date est exacte. Je souhaite que vous confirmiez que beaucoup de choses ont
6 été écrites sur ce sujet.
7 R. Il y a des témoignages dans la presse de Vienne et dans la fondation de
8 Carnegie parlant de crimes serbes au Kosovo et Metohija. Il existe de même
9 de nombreux témoignages dont a parlé M. Terzic, disant qu'il y avait de la
10 résistance de la part de régiments d'Albanais armés, des comportements et
11 des représailles à l'égard de l'armée serbe puisque les Serbes avaient
12 constitué -- puisque les Albanais avaient déjà la majorité sur le plan
13 démocratique. Ils ne voulaient pas accepter l'autorité des Serbes.
14 Q. Monsieur le Professeur Popov, je ne pense pas que la Chambre va
15 souhaiter décider sur ce point. Cela suffit sans doute. Avant d'aller plus
16 avant, je souhaite parler d'autre chose. Nous avons parlé d'un des deux
17 accords de Londres et les cartes qui ont été dressées à ce moment-là. Il
18 s'agissait de céder à l'Italie une partie du territoire en vertu de cet
19 accord. Nous avons réussi à retrouver cette autre carte que nous pouvons
20 présenter, et nous pouvons y voir attribuer une cote. C'est la carte que
21 nous avons évoquée hier, celle que vous avez évoquée hier, je pense.
22 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est une carte que nous
23 avons trouvée sur Internet. Ce document est intitulé, "Le Congrès de
24 l'unité serbe".
25 R. Vous auriez pu trouver une carte bien meilleure que celle-ci. Il a été
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1 publié un recueil de cartes de nos régions en anglais et en serbe. On peut
2 y voir entre autres une carte très précise tant des accords de Londres et
3 des propositions qui ont émané de là ainsi que des offres faites à l'égard
4 de la Serbie pour lui compenser les territoires perdus par les peuples
5 slaves du Sud par la réalisation de ces accords de Londres. Voilà, c'est
6 cette carte-ci qui se trouve sous mes yeux.
7 Q. Si vous auriez l'obligeance de bien vouloir regarder la carte que je
8 viens de vous soumettre, car nous comprenons fort bien qu'il s'agisse là
9 d'un document qui fait autorité. Peut-être que vous avez une carte plus
10 lisible. Nous allons, en tout cas quoi qu'il en soit, mettre celle-ci sur
11 le rétroprojecteur.
12 R. Qu'on mette la mienne sur le rétroprojecteur.
13 Q. Nous allons pour l'instant utiliser la carte que je vous ai remise. La
14 question est très simple.
15 R. Bien.
16 Q. La question est celle-ci; elle est très simple : si vous regardez les
17 limites territoriales de la Serbie qui comprend l'ensemble de la Bosnie, la
18 Bosnie qui n'y figure pas et du Monténégro, il s'agit véritablement d'une
19 Serbie élargie, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, mais c'était une proposition émanant des puissances alliées, non
21 pas une revendication de la Serbie. Je vous l'ai dit déjà cela.
22 Q. Mais la Serbie est grandement élargie ici. Si en 1991, une ou deux
23 personnes avaient prévu d'étendre la Serbie sur les prémisses de cette
24 carte, ils seraient en train d'aborder la question en termes d'une Grande
25 Serbie, n'est-ce pas ?
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1 R. Tout d'abord, il convient de dire -- qu'il ne faut pas dire, "qu'il
2 n'importe que peu." C'est important de savoir qui c'est qui a planifié
3 cela. Le gouvernement serbe et la population, le peuple serbe et ses
4 institutions n'ont pas planifié telle chose. Deuxièmement, la Serbie créée
5 à l'époque n'aurait pas constitué une Grande Serbie tout de même.
6 Q. Si vous auriez l'amabilité de vous en tenir à votre domaine des
7 expertises. Je vous prie, de ne pas essayer de nous aider avec autre chose.
8 Je vais revenir sur la question en vous posant deux autres questions.
9 L'homme de la rue à Belgrade en 1991, qui pensait ou réfléchissait ou
10 parlait de ce concept de la Grande Serbie, n'aurait pas eu à l'esprit
11 toutes les connaissances historiques dont vous disposez vous-même, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Je suppose.
14 Q. Cet homme de la rue penserait en des termes très généraux à cette
15 question.
16 R. Je ne sais pas. Peut-être.
17 Q. Seselj, qui a eu la candeur de parler de la Grande Serbie et
18 d'intituler sa revue, "Grande Serbie", aurait attiré des partisans qui
19 auraient évoqué la question de la Serbie en des termes expansionnistes, et
20 qui regrouperaient tous les Serbes,
21 n'est-ce pas ?
22 R. Il ne fait pas de doute le fait que Seselj en ait parlé, qu'il se soit
23 exprimé verbalement de la sorte. Je ne vois, pas dans ce procès contre le
24 président Milosevic, qu'il y ait quelque relation que ce soit, parce que
25 l'homme politique qui assumait des responsabilités à l'époque, c'était le
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1 président Milosevic, et non pas Seselj. Seselj, c'était un agitateur
2 politique qui s'efforçait de la sorte de se procurer le plus possible de
3 votes.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Professeur, je vous prie
5 de ne pas faire des commentaires sur la pertinence des éléments présentés.
6 Si nous estimons que cela n'est pas pertinent, nous interviendrons.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Je veux en revenir à ma question. Ne vous souciez pas de qui nous avons
9 en tête ou qui nous allons identifier. Si quelqu'un, dans les années 90, en
10 1991, si quelqu'un parlait des frontières serbes telles qu'elles avaient
11 été définies par l'accord de Londres et les cartes dessinées, cette
12 personne penserait ou aurait en tête cette idée de la Grande Serbie, n'est-
13 ce pas ?
14 R. Savez-vous combien de gens en Grande-Bretagne ont parlé de ces
15 conquêtes coloniales et étaient favorables ? Faut-il maintenant demander la
16 responsabilité des ressortissants de la Grande-Bretagne parce qu'ils
17 avaient tant d'adeptes de la colonisation ?
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Professeur, si vous
19 n'êtes pas en mesure de répondre à la question, dites-le simplement. Ce que
20 vous venez de faire est un commentaire et non pas une réponse à la question
21 qui vous a été posée.
22 Etes-vous en mesure de répondre à la question ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Procureur m'a demandé s'il y avait un
24 soutien aux idées de Grande Serbie. C'était bien votre question ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question : si quelqu'un dans les
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1 années 90 et toute personne dans les années 90 ou 91, évoquait la question
2 des frontières serbes telles qu'elles étaient définies dans les grandes
3 lignes par l'accord de Londres et la carte qui avait été dessinée à cet
4 effet, cette personne aurait pensé -- aurait eu à l'esprit l'idée de la
5 Grande Serbie. La question qui vous a été posée était de savoir si ceci est
6 exact ou non ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette personne aurait pensé de cette façon.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Nous allons reprendre notre historique et repartir à la fin de la
10 Première guerre mondiale. Nous avons un gouvernement démocratique. Le roi
11 Aleksandar Karadjordjevo, qui était à la tête de ce gouvernement unitaire
12 démocratique, avant qu'il ne devienne un dictateur en 1929, tous les
13 gouvernements entre ces différents gouvernements étaient serbes, n'est-ce
14 pas ?
15 R. C'était mixte. Le premier premier ministre était Ante Trulic [phon]. Et
16 avant, c'était Anton Korosec. C'étaient deux positions-clés, si je ne
17 m'abuse.
18 Q. C'étaient les gouvernements qui avaient une majorité serbe, n'est-ce
19 pas ?
20 R. Cela, c'est exact.
21 Q. Voyez-vous, la question que je souhaite que vous réfléchissiez est très
22 simple. Cette notion de Grande Serbie n'a pas besoin de devenir quelque
23 chose d'essentiel, pour autant que les Serbes gouvernaient le pays. Ceci ne
24 refait surface qu'au moment où les Serbes commencent à perdre le contrôle.
25 Jusqu'aux années de dictature du roi, il y avait une domination serbe.
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1 Inutile de voir émerger l'idée d'une Grande Serbie, n'est-ce pas ?
2 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par domination serbe. Il y avait
3 effectivement une majorité de Serbes dans l'armée, mis à part le fait que
4 l'armée serbe a accepté dans ses rangs 2 500 officiers et soldats austro-
5 hongrois, parmi lesquels il y avait 60 généraux, de l'armée contre laquelle
6 elle s'était battue. Elle a accepté tous les employés de l'Autriche-
7 Hongrie, tous les fonctionnaires. Elle a accepté les systèmes scolaires,
8 pour procéder à une égalisation graduelle, étant donné que la Yougoslavie
9 s'est unifiée avec des pays où il y avait --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore une fois, je pense que vous
11 ne vous concentrez pas sur la question qui vous a été posée. Je crois que
12 ce que le Procureur a suggéré est que le concept de la Grande Serbie n'est
13 apparu au grand jour qu'au moment où les Serbes ont commencé à perdre le
14 contrôle. Il était inutile de se reposer sur ce concept au moment où les
15 Serbes avaient le contrôle. Est-ce que vous acceptez cette analyse ? Est-ce
16 que vous estimez qu'elle est juste ? Est-ce que de façon générale vous
17 estimez que cette idée est exacte ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle n'est pas juste, parce que dans ce cas-
19 là, la deuxième Yougoslavie serait Grand Croate, étant donné que la majeure
20 partie des dirigeants au sommet de l'état se trouvaient être originaires de
21 Slovénie et de Croatie. Par conséquent, je n'accepterais en aucune façon
22 une interprétation de cette nature.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. Nous allons revenir à la question de la deuxième Yougoslavie dans
25 quelques instants. Nous allons avancer. Le roi est devenu un dictateur. Les
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1 Croates se sont radicalisés, et d'après la Vojvodine, que d'aucun estime,
2 représentait les origines culturelles de la Serbie, nous voyons l'émergence
3 d'un club culturel serbe, et des personnes comme Cubrilovic, qui commence à
4 évoquer la question des mouvements ethniques, et qui recommande
5 l'utilisation de la violence.
6 R. Quelle est votre question ?
7 Q. Ai-je raison de penser qu'au vu de la radicalisation des Croates, on
8 voit différents arguments proposés par le club culturel serbe en faveur
9 d'une solution violente à ce qui pourrait être perçu comme une difficulté
10 pour la Serbie ?
11 R. La radicalisation de la question croate a commencé en 1920, et elle a
12 été présentée dans le public avec les revendications très radicales par
13 Stjepan Radic, le plus éminent des dirigeants de ce peuple croate à
14 l'époque, en 1922 déjà. J'ai présenté ici une interview -- non, peu importe
15 le journal. Je crois que c'est le Daily News où il a défini avec exactitude
16 les revendications croates de façon tout à fait radicale.
17 A partir de ce moment en Yougoslavie, jusqu'en 1941, il y a eu prédominance
18 de cette question croate.
19 Q. Professeur Popov, nous avons regardé le mémorandum Cubrilovic de 1937.
20 Vous ne savez pas peut-être ceci. Nous avons abordé ces questions et le
21 mémorandum de 1944, qui est considéré comme encore plus violent. A la
22 lumière des difficultés aux mains des Croates, le nationalisme serbe
23 utilise son potentiel de violence, n'est-ce pas ? C'est en tout cas ce qui
24 s'est passé dans les années précédant la guerre ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous demande
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1 de vous concentrer sur la question avant de répondre, s'il vous plaît.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Le mémorandum de Cubrilovic que vous mentionné
3 n'a rien à voir avec les relations serbo-croates. Cubrilovic s'est déclaré
4 comme étant serbo-croate. Il était membre de cette organisation des Jeunes
5 Bosniaques. Ils se sentaient comme appartenant à un même peuple. Le
6 mémorandum de Cubrilovic se rapporte au Kosovo et Metohija. Ce mémorandum,
7 si je ne m'abuse, c'est un aide-mémoire plutôt, date de 1937. S'agissant
8 maintenant des documents de 1944 que vous mentionnez ici, je n'en sais
9 rien. Personne jamais n'en a parlé dans l'histoire yougoslave.
10 M. NICE : [interprétation]
11 Q. Il y a Cubrilovic, et en outre, Moljevic, que vous avez évoqués vous-
12 même. Nous regardons un petit peu Moljevic, la carte de Moljevic, qui a été
13 dessinée après la guerre.
14 M. NICE : [interprétation] Si vous voulez bien mettre ceci sur le
15 rétroprojecteur, s'il vous plaît. Si vous voulez bien le mettre sur le
16 rétroprojecteur. Il s'agit de la deuxième version, qui est plus lisible que
17 la première. Il y a une légende en anglais. Monsieur l'Huissier, je vous
18 demande de bien vouloir le montrer au témoin, et ensuite passer à la
19 deuxième page, qui est une version en anglais qui est plus lisible.
20 Il s'agit de la carte de Moljevic. C'est l'original de cette carte. Si nous
21 passons à la page suivante en anglais, à l'intercalaire numéro 7 des
22 documents du Pr Popov.
23 Q. La version anglaise indique clairement qu'à la fin de la guerre,
24 Moljevic avait proposé une expansion remarquable des territoires serbes, à
25 commencer par le sud, en englobant Scuttarisodar [phon], une partie de la
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1 Bulgarie, une partie de la Roumanie, de la Hongrie, laissant la Croatie un
2 territoire divisé, à l'est, une partie au nord-est de Banja Luka, et
3 ensuite en forme de papillon au sud de la Slovénie. C'est en tout cas ce
4 qu'indique cette carte, n'est-ce pas ?
5 R. Oui. C'est exact.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais écoutez. Permettez-moi, Monsieur le
7 Président, il faut que je le dise. Le Procureur se mêle de choses dont il
8 n'est pas du tout au courant. Moljevic et Vasa Cubrilovic, c'est le ciel et
9 la terre. Cela, c'est d'un.
10 D'abord, la carte de Moljevic. Je ne sais pas si le Procureur a suivi ma
11 conversation avec le président Milosevic hier et les journées d'avant, où
12 nous avons débattu de cette carte de Moljevic. Elle ne date pas de la fin
13 de la guerre. Elle date de 1941. C'est au tout début de la guerre où il y a
14 eu une terrible terreur exercée à l'encontre des Serbes. Elle n'a pas été
15 acceptée dans son ensemble, pas même à l'état-major de Draza Mihailovic. En
16 1945, cela a été battu en brèche par cette population serbe qui a combattu
17 dans les rangs de l'Armée de Libération nationale.
18 Q. Je vous demande de bien vouloir confirmer que ce que nous voyons au
19 niveau de la frontière du sud-est de ce territoire en forme de papillon,
20 depuis la Croatie va, de façon précise et assez générale, le long de la
21 ligne Karlobag-Virovitica, n'est-ce pas ?
22 R. Cela n'a été accepté par personne en Serbie, cela.
23 Q. Monsieur le Professeur, vous nous aidez en nous donnant la perspective
24 historique de ce concept de Grande Serbie, et je suis simplement ce qui
25 m'intéresse.
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1 R. Oui, tout à fait.
2 Q. Ici, nous avons l'idée de cette démarcation nord-est [comme
3 interprété], Karlobag. Nous le voyons en fait. Ceci est représenté sur
4 cette carte. Merci beaucoup. Avançons, s'il vous plaît, à la période qui
5 vous concernait un peu plus tôt.
6 Après la Seconde guerre mondiale, dans la Yougoslavie de Tito, et ce
7 pendant longtemps, des tensions ont opposé une Serbie affaiblie et une ex-
8 Yougoslavie décentralisée; c'est bien cela ?
9 R. Non. Non, non, il n'y avait aucune --
10 Q. Et bien, corrigez-moi --
11 R. Je vais le faire, bien sûr. Il n'y a eu aucune tension entre la Serbie
12 et la deuxième nouvelle Yougoslavie jusqu'aux années 1960 du XXe siècle,
13 c'est-à-dire jusqu'au début de la politique de décentralisation de
14 Yougoslavie, une décentralisation qui était déjà orientée vers son
15 démantèlement. C'est seulement à ce moment-là que les tensions ont commencé
16 à se faire sentir.
17 Q. Fort bien. Je n'ai pas une extrême nécessité à contester exagérément ce
18 que vous venez de dire, car nous pouvons nous rendre en page 39 de votre
19 rapport, page 39 de la version serbe qui correspond à la page 36 de la
20 version anglaise. Nous y trouvons quelque chose qui nous permettra de voir
21 si vous et moi pouvons nous mettre d'accord.
22 R. Oui.
23 Q. Professeur, c'est assez long. C'est à peu près au milieu du paragraphe,
24 Professeur Popov. Vous dites ce qui suit -- deux lignes plus bas, Monsieur
25 le Président. Je cite : "Des campagnes contre le nationalisme, centralisme
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1 et l'hégémonie serbe ont atteint leur sommet au moment où des mesures
2 décisives destinées à affaiblir la Fédération yougoslave ont été appliquées
3 au moment des amendements constitutionnels de 1963 résultant de la réunion
4 plénière de Brioni." Je crois que cela s'est passé en 1966.
5 R. Oui, c'est exact, en 1966.
6 Q. Je poursuis la lecture, je cite : "La suppression de la scène politique
7 du dirigeant serbe le plus connu, Aleksandar Rankovic, en 1966, les
8 amendements constitutionnels votés entre 1971 et 1974, après la mort de
9 Tito en 1980, le développement du mouvement séparatiste du Kosovo et
10 Metohija en 1981, et l'apparition du mémorandum de l'Académie des sciences
11 et des lettres en 1986."
12 Vous considérez, n'est-ce pas, tous ces événements comme des événements de
13 référence, sur le plan politique entre autres, qui mènent au conflit,
14 n'est-ce pas ?
15 R. C'est exact. Nous sommes d'accord et nous sommes d'accord que tout cela
16 a commencé dans les années 60 et pas immédiatement après la guerre.
17 Q. Et --
18 R. Vingt ans après la guerre.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que la question ne convient pas, car
21 elle saute la première phrase du paragraphe, dans lequel le Pr Popov
22 déclare, d'une façon peut-être assez fine, que la théorie irrationnelle,
23 sur le plan économique et politique, s'est poursuivie, et cetera, et
24 cetera, et ensuite on parle de la campagne contre le nationalisme et le
25 centralisme et l'hégémonie serbe. Il parle d'abord d'une théorie
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1 irrationnelle. Si nous oublions ce premier élément et que nous prenons la
2 citation du professeur à partir de sa deuxième partie, alors nous avons une
3 image tout à fait différente de ce que le Pr Popov voulait dire. Sur le
4 plan intellectuel c'était inacceptable.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic. C'est
6 précisément le genre de choses que vous pouviez évoquer en contre-
7 interrogatoire si vous pensiez que le Procureur a omis quelque chose.
8 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie, Professeur Popov, d'avoir
9 accepté de répondre à une question qu'il juge inacceptable.
10 Q. Maintenant, je reviens à ma question initiale, ma question originale.
11 Le problème depuis 1966, c'est simplement que la Serbie ne se considérait
12 pas comme à la tête des responsabilités. Elle était un partenaire moins
13 important dans ce qui, à l'époque, était un état non centralisé. C'est cela
14 qui était le problème.
15 R. Les problèmes, ce sont les amendements constitutionnels. Ici, on parle
16 de 1971, or le processus de modification de la constitution a commencé en
17 1967, et en 1971 a eu lieu le vote. Ce qui pose problème, c'est la
18 composition inégale de la Fédération yougoslave. Les luttes commencent à ce
19 moment-là, entre les différents éléments de la Fédération, dans des milieux
20 très limités qui, dans les années 80, s'élargissent à l'ensemble des
21 milieux politiques. Le but, c'était de créer un équilibre, de revenir à
22 l'égalité de statut au sein de la Fédération yougoslave, parce qu'en raison
23 des provinces qui, d'une certaine manière, contrôlaient la politique de la
24 Serbie, celle-ci avait un statut inégal, inférieur, et elle n'avait aucune
25 compétence dans les provinces. Mais finalement, elle perdait ses
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1 compétences sur son propre territoire.
2 Q. Une de mes questions antérieures était la suivante, peut-être
3 pourrions-nous y revenir d'une façon un peu différente. En effet, c'est
4 dans ce climat politique que vous parlez du concept de Grande Serbie, qui
5 était susceptible de jouer un rôle phare pour la vie politique, et c'est
6 sans doute ce qui s'est passé, n'est-ce pas ?
7 R. Non, cela est une combinaison de faits que vous faites, qui vous est
8 due à vous, et que je n'ai retrouvé nulle part dans aucun écrit en
9 particulier.
10 Q. Puisque tout cela a commencé dans les événements qui ont précédé la
11 Première guerre mondiale. Je parle de cette idée dont chacun reconnaissait
12 qu'elle appliquait de la violence criminelle, cette idée ne pouvait pas
13 être débattue ou discutée ouvertement.
14 R. De quelle idée vous parlez ? Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.
15 Q. De la Grande Serbie, de la Grande Serbie dont nous sommes en train de
16 discuter depuis quelques instants. Chacun reconnaissait que cette idée ne
17 pouvait pas être réalisée sans violence, et c'est exactement ce qui s'est
18 passé.
19 R. Ce n'est pas exact. Pendant toute la durée de ma déposition et des
20 preuves que j'ai présentées ici, j'ai prouvé qu'il n'existait pas l'idée de
21 Grande Serbe, et que l'unification des Serbes autour de la Serbie, n'était
22 pas synonyme de Grande Serbie.
23 Q. J'aimerais, à présent, que nous examinions la pièce 786.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur Popov. Professeur Popov,
25 s'agissant de votre dernière réponse, où vous dites que l'unification des
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1 Serbes autour de la Serbie n'était pas synonyme de Grande Serbie. Quel est
2 le processus que vous décrivez par ces mots ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] La Serbie. La Serbie.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Serbie. Je vois. Merci.
5 M. NICE : [interprétation]
6 Q. Je vais, dans un instant, vous présenter une série de cartes
7 géographiques, mais pour rebondir sur la question que vient de vous poser
8 le Président de la Chambre, l'unification des Serbes autour de la Serbie,
9 avec la Serbie, cela fait quelque chose d'assez grand, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact, oui. Quelque chose d'un peu plus grand, en effet.
11 Q. Très bien. J'aimerais que nous examinions maintenant la pièce à
12 conviction 786. Là, encore un extrait, un article du magazine Epoha. Je
13 suis content de voir à votre sourire que vous trouvez ce magazine amusant.
14 Je tiens à vous rappeler quelque chose que celui que je crois être votre
15 ami et collègue, M. Mihailo Markovic, a dit lorsqu'on l'a interrogé à ce
16 sujet devant la Chambre.
17 On lui pose la question suivante, je cite : "Connaissez-vous un magazine
18 dont le nom est Epoha, si je ne m'abuse ?"
19 Il dit : "Epoha."
20 Je lui réponds : "Oui."
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. NICE : [interprétation]
23 Q. Et lui réplique, je cite : "S'il s'agit du magazine qui a été publié
24 pendant un certain temps par le Parti socialiste de Serbie, je le connais."
25 Apparemment, il semblait reconnaître qu'il s'agissait du magazine du Parti
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1 socialiste de Serbie, et vous vous souviendrez que c'était très instructif
2 d'examiner les détails relatifs au responsable de la parution de ce
3 magazine en juin 2002, qui montrait qu'il avait été fondé par le Parti
4 socialiste de Serbie.
5 J'aimerais que vous jetiez un coup d'œil à ce magazine et que vous
6 regardiez d'abord la carte --
7 R. Je l'ai déjà regardée hier.
8 Q. Fort bien. Fort bien. Veuillez la regarder encore une fois.
9 R. Oui. Pour le Tribunal, je peux regarder ce magazine dix fois si c'est
10 nécessaire.
11 Q. Très grande marque de coopération de votre part. Je vous en remercie.
12 Vous voyez cette carte sur l'écran et sur le rétroprojecteur à
13 votre gauche, vous pouvez lire la légende, et je crois savoir ce que dit
14 cette légende. Regardons ensemble. On a une ligne en haut à gauche dont on
15 nous dit que c'est le tracé optimal; le meilleur tracé, le tracé préféré,
16 qui va bien sûr de Karlobag à Virovitica en passant Karlobag, n'est-ce pas
17 ?
18 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous
19 trouvez la traduction anglaise dans la première page qui suit le titre où
20 on indique que ce tracé est le tracé optimal de la frontière occidentale
21 des terres serbes.
22 Q. Prenons le titre de l'article, car nous n'avons pas le temps de le lire
23 mot pour mot. Il est assez long, mais en tout cas, nous lisons, je cite :
24 "Comment allons-nous --" Je souligne la présence de ce mot "nous." --
25 comment allons-nous tracer les nouvelles frontières ?" Et là, il y a un
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1 certain nombre d'options qui sont évoquées dans ce magazine fondé par le
2 Parti socialiste de Serbie, n'est-ce pas, en effet, une proposition de
3 Grande Serbie ? Ceci fait suite à la conférence de La Haye.
4 R. Si vous vous en souvenez, et si vous avez suivi ce que j'ai dit hier,
5 j'ai dit ce qui suit : D'abord, que je n'avais aucune idée au sujet du
6 magazine Epoha, que je le connaissais pas du tout. Je l'ai reçu avant de me
7 rendre à La Haye, et que c'est ici, que je l'ai lu pour la première fois.
8 Deuxièmement, ce n'est pas un magazine du Parti socialiste de Serbie.
9 Troisièmement, j'ai dit que l'interprétation du titre de cet article ne
10 consiste pas à dire que ce qui est débattu ici c'est la façon de se
11 répartir les frontières, mais comment, nous, les Croates, allons agir ?
12 C'est quelque chose que l'on comprend quand on lit le corps du texte, donc
13 l'ensemble de l'article. C'est une des combinaisons possibles qui a été
14 proposée dans cette période critique de 1980 jusqu'à 1991, 1992, 1993, au
15 cours de ces années, donc je ne pense pas que cette proposition ait été
16 prise au sérieux par grand monde, mais c'est une proposition qui émane de
17 certaines instances de Serbie. Autrement, je n'en aurais pas eu
18 connaissance.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai autorisé des remarques
20 liminaires, Professeur Popov, mais il n'en demeure pas moins que vous devez
21 répondre à la question, à savoir, est-ce que c'était effectivement une
22 proposition de Grande Serbie ? Je vous ai autorisé quelques remarques
23 explicatives liminaires, mais vous devez répondre à la question.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, elle avait été réalisée, cette idée aurait
25 été l'idée de la Grande Serbie, mais personne n'a fait un geste pour la
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1 réaliser.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Professeur Popov, afin que vous compreniez bien les règles de base, il
4 était important que j'aide les Juges à comprendre qui était à l'origine de
5 ce magazine, et finalement, votre dernière réponse est très utile --
6 R. C'est exact, en effet.
7 Q. Merci. Votre réponse est désormais conforme à celle que vous avez faite
8 lorsque je vous ai demandé si une quelconque personne discutant la carte de
9 l'accord de Londres en 1990 pensait à la Grande Serbie. Ces cartes se
10 ressemblent toutes, n'est-ce pas, au niveau de leurs frontières nord-ouest,
11 celle-ci ressemble à la carte Moljevic. Toute personne qui dans les années
12 90 défendait ce genre d'idées comme vous l'avez expliqué, pensait en terme
13 de Grande Serbie, n'est-ce pas ?
14 R. Bien, je ne saurais dire ce que d'autres personnes pensaient. Je sais
15 qu'il y avait des dizaines de sujets aussi importants que ceci qui étaient
16 discutés. Je ne peux pas entrer dans la tête de quiconque. Je ne peux pas
17 savoir ce que pense une tierce personne.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une réponse parfaite sur le
19 plan du droit.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. J'aimerais que nous examinions la pièce à conviction qui est tirée du
22 magazine Epoha, édition du 7 janvier 1992. Mais avant de le faire,
23 connaissez-vous l'initiative de Belgrade ?
24 R. De quoi parlez-vous ? Je connais celle qui date de la Seconde guerre
25 mondiale.
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1 Q. Celle de 1992.
2 R. Je ne suis pas au courant.
3 Q. Fin 1991.
4 R. Je ne suis pas au courant.
5 Q. Bien, jetons un nouveau coup d'œil à la carte parce que vous nous avez
6 parlé des évolutions politiques survenues dans les années 90, et moi, j'ai
7 ici sous les yeux un exemplaire d'Epoha du 7 janvier 1992. L'article est
8 écrit en serbe, et nous pouvons le lire en anglais, il est question de
9 troisième Yougoslavie. Nous voyons qu'une carte accompagne cet article.
10 Je demande à Mme l'Huissière, de placer cette carte sous le
11 rétroprojecteur. On y voit les zones bosniaques majoritairement peuplées de
12 Serbes à l'époque, c'est ce que les auteurs de cette carte pensaient.
13 Nous en arrivons au corps du texte, et j'aimerais que vous vous rendiez en
14 page 2, où se trouve la carte. Vous y voyez un paragraphe qui commence par
15 les mots suivants, je cite : "Tous les territoires qui font l'objet du
16 débat devraient être placés sous protection des Nations Unies." Vous avez
17 trouvé ce paragraphe ?
18 R. J'ai trouvé la carte, mais je ne trouve pas le paragraphe que vous
19 venez de citer. Ceci se trouve-t-il en page 1 ou 2 ?
20 Q. En page 2 ou peut-être encore plus loin. Je vous prie de m'excuser, je
21 n'ai surligné ce passage. C'est ma faute. Oui, c'est bien cela. Cela se
22 trouve à la page qui comporte, en haut à droite, le numéro 9 967, colonne
23 de gauche, un nouveau paragraphe qui commence par "Sves Ulja" [phon].
24 R. Sves Ulja, oui, je vois.
25 Q. En gros, on y trouve le passage qui suit -- excusez-moi Monsieur le
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1 Président, Messieurs les Juges, page 3 sur 10 dans la version anglaise. Je
2 cite : "Tous les territoires qui font l'objet du débat devraient être
3 placés sous protectorat des Nations Unies et sous la protection des Casques
4 bleus. De cette façon, nous garantirons une meilleure protection au peuple
5 serbe de Croatie contre l'agression de l'armée croate, et dans le même
6 temps, la possibilité de s'exprimer au sujet de leur nouvel état sera créée
7 pour les habitants dans cinq ans ou plus." Monsieur le Président, excusez-
8 moi, la traduction peut sans doute être améliorée.
9 Je poursuis la lecture, je cite : "Dans 90 % des cas, les territoires qui
10 auront été tôt ou tard sous protection des Nations Unies auront le droit de
11 devenir indépendants."
12 Regardons une nouvelle fois la carte. Où se trouvent ces zones contestées.
13 Vous vous rappelez également la question que vient de poser, il y a
14 quelques instants, le président de la Chambre, Monsieur le Juge Robinson,
15 au sujet des zones serbes de Bosnie. Tout cela n'indique-t-il pas l'échec
16 de la conférence de La Haye, et le non succès, l'insuccès de l'initiative
17 de Belgrade ? Or, vous dites que vous n'êtes pas au courant. Je l'admets.
18 Est-ce que tout cela n'avait pas pour but de placer le plus rapidement
19 possible une série de territoires sous protection des Nations Unies,
20 autrement dit, de créer ce qu'on peut appeler en d'autres termes la Grande
21 Serbie ?
22 R. Etant donné la longueur de votre question, je ne suis pas sûr de
23 l'avoir totalement comprise. Enfin, cela n'a pas d'importance. Est-ce que
24 vous souhaitez que je commente ce texte ou vous attendez de moi une autre
25 réponse ?
Page 34622
1 Q. Je souhaite que vous commentiez la proposition contenue dans ce projet,
2 à savoir qu'un certain nombre de territoires soient placés, le cas échéant,
3 sous protection des Nations Unies. Je vous demande si cela ne s'appelait
4 pas la Grande Serbie en d'autres termes ?
5 R. J'ai dit que je ne connaissais pas ce texte. A partir de ce que je lis,
6 ici, pour la première fois, je ne pense pas qu'il puisse être question de
7 création ouverte d'une Grande Serbie. Je ne comprends pas pourquoi les
8 Nations Unies et les Casques bleus devraient créer un protectorat pour
9 créer la Grande Serbie. Les discussions très animées, les luttes qui se
10 déroulent à ce sujet sont justifiables et injustifiables en même temps.
11 Q. J'aimerais que vous examiniez un autre document qui a été montré au
12 début de votre déposition, mais qui n'a pas été versé au dossier.
13 J'aimerais qu'on le mette sur le rétroprojecteur. Il s'agit de la dernière
14 carte de janvier 1992 émanant du SPS.
15 Cette carte illustre, d'après moi, la position du SPS en décembre 1992
16 s'agissant des zones sous contrôle serbe. Ces zones sous contrôle serbe
17 figurent en bleu sur la carte. Plaçons cette carte sur le rétroprojecteur -
18 - de l'autre côté, je pense. Merci, Monsieur l'Huissier. Regardons la
19 partie gauche de la carte. Nous voyons qu'elle est assez comparable à la
20 carte d'Epoha. Si nous regardons d'un peu plus près les frontières avec le
21 Monténégro, nous avons cette frontière entre la Serbie et le Monténégro.
22 Nous voyons quelque chose d'un peu différent de la carte d'Epoha. En effet,
23 nous voyons en bleu clair les régions qui ont été prises non loin de la
24 Drina, de l'autre côté de la Drina, et qui font l'objet de ce projet de
25 protection, à savoir, Srebrenica, Gorazde, et Zepa.
Page 34623
1 Professeur Popov, imaginons, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, que
2 cette carte soit exacte et qu'elle montre bien les lignes de front sur les
3 zones sous contrôle serbe à la fin de décembre 1992. Encore une fois, je
4 n'ai pas oublié la réponse que vous avez faite au Président de la Chambre
5 il y a quelques instants. Je vous demande si ceci n'est pas simplement
6 l'illustration de la réalisation de la Grande Serbie, en tout cas, dans les
7 limites du possible ?
8 R. Non, cette carte montre si elle est authentique. Je suppose qu'elle
9 l'est. J'admets qu'elle le soit. Elle montre les territoires sous contrôle
10 des Serbes de Bosnie puisque ceux-ci s'opposaient à la décision de
11 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, déclarant que la Bosnie devrait se
12 séparer de la Yougoslavie. Puis, nous voyons que le conflit survient en
13 avril 1992. A mon avis, ce conflit a été provoqué par les Musulmans de
14 Bosnie, j'en suis profondément convaincu. Ce sont des territoires sous
15 contrôle des forces armées de ce qui est aujourd'hui la Republika Srpska,
16 ou plutôt la République des Serbes de Bosnie, non pas sous contrôle de la
17 Serbie en tant que tel.
18 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, une minute s'il vous
19 plaît ? Je ne peux avoir qu'une idée à la fois, mais nous avons commencé
20 avec quelques minutes de retard. Je vous demande une minute.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
24 Juges, compte tenu de la longueur de la déposition de ce témoin, et du fait
25 que j'ai dû passé assez longtemps à rentrer dans certains détails suite à
Page 34624
1 certaines questions que je lui ai posées, j'ai essayé d'en terminer le plus
2 rapidement possible, mais je ne peux le faire que dans quelques minutes. Je
3 vous demande cinq minutes de plus, Monsieur le Président, si vous le voulez
4 bien.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
6 M. NICE : [interprétation] Je dirais que de toute façon, c'est un avantage
7 pour les Juges.
8 Q. Il y a un point, Professeur Popov, sur lequel j'aimerais revenir avec
9 vous. Ce n'est pas dans l'ordre chronologique des événements. Il s'agit du
10 plan Cutileiro dont vous avez parlé hier dans votre déposition.
11 Il est possible qu'il n'en existe pas un nombre d'exemplaires suffisant.
12 Les photocopies n'ont pas été faites. Ce sera fait pendant la pause. On
13 peut placer cet exemplaire sur le rétroprojecteur et chacun pourra le voir.
14 Version anglaise, version B/C/S, c'est un sujet tout à fait nouveau au
15 sujet du plan Cutileiro.
16 Merci, Monsieur l'Huissier. Regardons le haut de ce document. C'est un
17 nouveau document. J'aurais dû prévenir Mme Dicklish pour qu'elle puisse en
18 faire des photocopies. C'est ma faute, excusez-moi. En tout cas, ce
19 document émane du ministère fédéral des Affaires étrangères en date du 9
20 août 1994. C'est une lettre d'information au sujet de ce qu'il est convenu
21 d'appeler le plan Cutileiro pour l'ex-Bosnie-Herzégovine.
22 Je demanderais à Monsieur l'Huissier de tourner la page, de passer à la
23 page suivante. Nous n'avons pas le temps de lire le détail du texte. Très
24 bien.
25 Deux paragraphes sont présents sur cette page, je cite : "A partir des
Page 34625
1 positions actuelles, il est manifeste qu'une erreur fatale a été commise."
2 Je reprends la lecture. Je cite : "Le plan Cutileiro a d'abord été
3 accepté par les trois parties impliquées en Bosnie-Herzégovine. Peu de
4 temps après, la partie musulmane l'a rejeté, ce qui a constitué une
5 incitation supplémentaire à la guerre dans cette république de l'ex-
6 Yougoslavie.
7 "De façon générale, il est tout à fait clair qu'il s'est agi d'une erreur
8 fatale. En dehors d'une guerre civile sanglante, tous les plans mis au
9 point plus tard par la communauté internationale (à part le plan Vance-
10 Owen), et notamment le dernier plan du Groupe de contact, se sont avérés
11 plus favorables pour la partie serbe.
12 "Les qualités du plan Cutileiro résident en ce que la communauté
13 internationale, déjà à cette époque, s'était montré prête à légitimer et à
14 vérifier les frontières nationales, légales des territoires serbes de
15 Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, même après une guerre de deux ans dans
16 cette ancienne république yougoslave, ces frontières n'ont pas été
17 reconnues officiellement."
18 J'aimerais que vous examiniez ce document que vous n'avez pas eu le temps
19 de voir auparavant, parce qu'il montre que le plan Cutileiro avait les
20 faveurs --
21 R. Non.
22 Q. Nous voyons que dans ce document initial, la communauté internationale
23 perçoit les choses comme une capacité, comme une volonté de vérifier les
24 frontières des territoires serbes de Bosnie-Herzégovine. C'est la raison
25 pour laquelle ce plan a été bien accueilli, n'est-ce pas ?
Page 34626
1 R. C'est exact, parce qu'il s'agit ici du peuple serbe de Bosnie-
2 Herzégovine. Nous devons, bien sûr, distinguer en termes de frontières
3 entre le peuple serbe de Bosnie-Herzégovine et le peuple qui résidait sur
4 le territoire de la République de Serbie. Il ne s'agit pas de légitimer les
5 frontières de la République de Serbie, mais de répondre aux vœux des Serbes
6 de Bosnie-Herzégovine, qui suppliaient d'être protégés.
7 Q. Bien sûr, il appartiendra aux Juges de la Chambre d'en décider, mais
8 dans tous ces plans, l'idée poursuivie n'était-elle pas de réunir les
9 territoires de la Bosnie, les territoires peuplés par les Serbes en Bosnie
10 et la Serbie en tant que telle ? Tout cela, n'est-il pas synonyme de Grande
11 Serbie ?
12 R. Non. Ce n'est pas ce que cela veut dire, parce qu'aujourd'hui, il y a
13 des liens différents entre la Serbie et la Republika Srpska, des liens sur
14 le plan économique, social, culturel, politique. Mais cela ne signifie pas
15 que la Grand Serbie a été créée.
16 Q. Si le plan consistait à réunir ces territoires, alors dans l'esprit des
17 auteurs de ce plan, c'était bien l'idée de la Grande Serbie qui était
18 poursuivie, comme c'était le cas sur la carte de l'accord de Londres et sur
19 la carte d'Epoha ?
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, compte tenu de la
21 dernière réponse du témoin et compte tenu de la question que vous venez de
22 poser, vous devriez peut-être supprimer la référence aux auteurs du plan,
23 et interroger simplement le témoin quant au fait que la réunification de
24 ces territoires correspond éventuellement à l'idée de Grande Serbie.
25 M. NICE : [interprétation] Certainement. Je vous remercie de cette
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1 suggestion.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je remercie également M. Robinson pour avoir
3 interdit qu'une question soit posée au conditionnel. Je ne crois pas que
4 ceci soit assimilable aux efforts de création de la Grande Serbie.
5 M. NICE : [interprétation]
6 Q. Ma dernière question est la suivante : vous êtes membre du Parti
7 socialiste de Serbie depuis longtemps, n'est-ce pas ? Et le Parti
8 socialiste de Serbie a bien collaboré avec le parti de Seselj en 1991 et
9 1992 ? En fait, à un certain moment, l'accusé a parlé de Seselj comme du
10 meilleur représentant politique qu'il connaisse. Est-ce que tout cela est
11 exact ? Je vous renvoie en 1992, 1993. Je vous remercie.
12 R. Je ne suis pas au courant d'une telle collaboration. Je sais qu'un
13 gouvernement d'unité nationale a été créé entre eux en 1998, si je ne
14 m'abuse. Si je me trompe, M. Milosevic peut me corriger.
15 Q. Très bien, merci beaucoup.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que vous avez
17 réglé le problème des pièces à conviction ?
18 M. NICE : [interprétation] Non, non. Je demanderais que le deuxième
19 magasine Epoha soit versé au dossier.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi est-ce que vous ne commencez
22 pas par le document du congrès d'unité serbe ? La deuxième carte du traité
23 de Londres.
24 M. NICE : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Je devrais commencer par
25 là. Je vous remercie.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de
2 l'Accusation P806.
3 M. NICE : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ensuite, la carte Moljevic.
5 M. NICE : [interprétation] La carte Moljevic vient toute suite après,
6 effectivement.
7 La carte en tant que telle a déjà été versée au dossier. Il y a ce document
8 qui l'accompagne, qui compte trois pages. Peut-être pourrait-il constituer
9 une pièce à conviction distincte ? Le problème serait réglé.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
11 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction P807 de
13 l'Accusation.
14 M. NICE : [interprétation] Ensuite, l'édition d'Epoha du
15 7 janvier 1992.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation
17 P808.
18 M. NICE : [interprétation] La carte, Monsieur le Président, si je me
19 souviens bien, a déjà été évoquée au début de la déposition, mais n'a pas
20 été versée au dossier. Je pense qu'il faudrait qu'elle le soit. J'aurais
21 peut-être besoin d'une suggestion pour m'aider. Le témoin a déclaré qu'il
22 admettait l'authenticité de cette carte, mais en tout état de cause, elle
23 sert d'élément de démonstration dans la thèse de l'Accusation. Ce témoin, à
24 mon avis, devrait servir à la verser au dossier.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, elle peut être versée, du point
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1 de vue des Juges de la Chambre.
2 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation
4 P809.
5 M. NICE : [interprétation] Finalement, la lettre du ministère fédérale des
6 Affaires étrangères sur le plan Cutileiro du
7 9 août 1994.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation
9 P810.
10 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. S'agissant des pièces de la
11 Défense, je ne crois pas que de nouvelles traductions anglaises nous soient
12 parvenues depuis l'intervention de la Défense hier.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A la fin des questions
14 supplémentaires, la Chambre rendra sa décision sur les pièces soumises au
15 cours de l'interrogatoire principal.
16 Monsieur Milosevic, vous avez des questions supplémentaires ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais, bien sûr, quelques questions
18 supplémentaires à poser, mais je serai très bref. Je suis très pressé, car
19 je sais que le Pr Mihailovic devrait en terminer avec sa déposition avant
20 demain. J'espère que je parviendrai à finir dans les délais.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, merci.
22 Suspension de 20 minutes. Nous reprendrons nos travaux dans 20 minutes. Je
23 demande au Juriste hors classe de s'approcher.
24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.
25 --- L'audience est reprise à 11 heures 10.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous pouvez
2 commencer.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
4 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
5 Q. [interprétation] Professeur Popov, M. Nice vous a cité un passage du
6 rapport d'expert, page 39, c'est l'avant-dernière page de votre rapport. Il
7 a laissé entendre que cela a conduit ultérieurement à des conflits. Ce que
8 je voudrais à présent c'est de vous donner lecture du passage tout entier.
9 Ce n'est qu'alors que vous me répondrez à la question de savoir si c'est ce
10 qu'on peut affirmer partant de ce que vous nous dites ou c'est quelque
11 chose de tout à fait autre. Voilà, le passage du paragraphe entier.
12 "Dans une forme raffinée et atténuée, cette théorie irrationnelle, je
13 souligne irrationnel, sur le plan économique et politique de la Yougoslavie
14 socialiste, après une brève période de cet yougoslavisme partisan, à
15 savoir, (patriotisme et yougoslave) dans les années 60, en guise de
16 testament du national communiste le plus éminent du côté des Croates,
17 Andrija Hebrang, ont été acceptés par les dirigeants croates sur le plan
18 politique. Vladimir Bakaric, Savka Dartevic [phon], Curcija Mirco Fripalo
19 Franjo Tudjman [phon]. "Ils ont soutenu les séparatistes des autres
20 peuples, du Slovène Edvard Kardelj, deuxième personnalité de la politique
21 yougoslave et sont allés au pas à pas vers le démantèlement de la
22 Yougoslavie avec un boucan terrifiant portant sur les menaces du
23 centralisme Grand Serbe et du nationalisme Grand Serbe, qui met en péril le
24 développement et la démocratisation de l'état. Les campagnes de
25 nationalisme serbe, de centralisme et de l'hégémonie sont arrivés à un
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1 crescendo du temps de la prise de mesures déterminées pour ce qui est de
2 l'affaiblissement de la Fédération yougoslave."
3 Ce que je vous demanderais maintenant, c'est de savoir s'il y a eu un
4 nationalisme ou un centralisme ou un hégémonisme Grand Serbe ?
5 R. Ces campagnes avaient pour mission de dissimuler les aspirations vers
6 ce que j'ai appelé le démantèlement de la Fédération. Il n'y a pas eu à ce
7 moment-là non plus de nationalisme Grand Serbe. On a sorti cela des
8 ténèbres de l'histoire pour justifier justement les aspirations visant à
9 démanteler la Yougoslavie et créer des états nationaux.
10 Qui plus est, la plupart des communistes serbes n'a rien fait d'autre
11 que de courir après 1966 jusqu'à la fin des années 1980 d'une séance
12 plénière à une autre pour se justifier de l'inexistence de ce nationalisme
13 serbe en promettant de le combattre là où il ferait son apparition. Il y
14 avait absence d'une confiance de la part des autres pour ce qui est de se
15 battre contre ce nationalisme au cas où il ferait son apparition.
16 Q. Professeur, ce que M. Nice a expliqué, à savoir que la Serbie était en
17 train de perdre une position prédominante qui aurait conduit à un conflit
18 ultérieurement. C'est bien ce qu'il a dit. Est-ce que c'est bel et bien ce
19 qui a conduit au conflit ?
20 R. La Serbie n'avait pas une position prédominante. Bien sûr qu'elle n'en
21 avait pas. Le démantèlement avait visé à une décomposition de cette
22 fédération en états nationaux.
23 Q. A la fin ce passage, j'attire votre attention dessus pour vous poser la
24 question. Tout cela, c'est un même passage et ce n'est pas par hasard que
25 tout ceci constitue un passage ou un paragraphe, parce que c'est là la
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1 pensée toute entière. "Lorsque la Serbie en 1987 et 1988 a décidé de
2 s'employer de façon énergique en faveur de la défense de la Yougoslavie et
3 d'une position d'égalité en droit au sein de la fédération en faveur d'une
4 mise d'un terme à ses tendances de centrifuge dans sa propre république,
5 les forces séparatistes, en menant campagne contre la création d'une
6 'Grande Serbie,' sont entrées dans une contre action soutenues par des
7 facteurs puissants à l'étranger, ces forces ont réussi à engendrer une
8 guerre sanglante interethnique et interconfessionnelle pour briser la
9 Yougoslavie."
10 Ce paragraphe nous parle du début de la guerre et ce n'est pas ce que M.
11 Nice a demandé -- qui a engendré la guerre et ce n'est pas les Serbes qui
12 l'ont engendrée.
13 R. Bien sûr que ce n'est pas exact. Il ne mène à rien que d'expliquer tout
14 ceci une fois de plus alors que les faits sont énoncés.
15 Q. Bien, Professeur. À la fin du texte, vous indiquez, dans le suivi de ce
16 mythe de longue date et de ce stéréotype portant sur la Grande Serbie et du
17 penchant des Serbes à l'agression et à l'hégémonie, pour ce qui concerne le
18 peuple serbe de nos temps; la connaissance la plus tragique c'est le fait
19 de voir se propager dans le monde ce stéréotype depuis une décennie et
20 demie au moins.
21 R. Le stéréotype, c'est de parler d'un État serbe qui viserait à dominer
22 les autres, c'est-à-dire, à placer sous son joug les autres états aux fins
23 de créer un état puissant dans les Balkans. C'est le stéréotype qui a été
24 exprimé dans toute une série de livres que j'ai mentionné ici. Je vais vous
25 citer Noel Malcom et deux livres écrits de sa main. C'est de l'"hocus
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1 pocus" pour ce qui est du Kosovo et de la Bosnie, chose que notre
2 historiographie a brisé en petits morceaux et cela n'a pas fait l'objet de
3 débats ultérieurs.
4 Q. Vous dites par la suite que ces tendances où l'on s'attaque à ce soi-
5 disant Grand Serbisme et à ses aspirations. Tout ce bagage pseudo
6 scientifique est utilisé et vous vous référez à Noel Malcom et aux autres.
7 En d'autres termes, est-ce qu'au sein de l'académie, il a été --
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je sais que vous
9 avez votre témoin suivant à l'esprit, mais les interprètes vous demandent
10 de bien vouloir lire ce texte plus lentement ainsi que de nous donner la
11 référence du texte.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la fin de son rapport, le dernier
13 paragraphe, vers la fin de ce dernier paragraphe où l'on dit ce que M. Nice
14 a cité hier.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. "Toute cette magouille pseudo scientifique" et il cite Audrey Budding,
17 Noel Malcom et autres, je ne sais combien d'autres, qui auraient pour
18 mission de condamner l'hégémonie Grand Serbe pour frayer le passage et
19 déblayer le chemin à ce nouvel ordre mondialiste dans cette partie de
20 l'Europe. Cette propagande, appuyée par des moyens politiques, économiques
21 et militaires, a un objectif déjà apparent, à savoir, découper le peuple
22 serbe en plusieurs entités pour lui faire perdre son identité nationale et
23 réduire la Serbie à ses frontières d'avant Kumanovo, pour la rendre
24 incapable de vivre de façon indépendante et de faire d'elle le moins égaux
25 en droit dans ce monde 'démocratique'."
Page 34634
1 Est-ce que c'est bien ce que vous nous dites ?
2 Professeur, vous parlez des sources que vous avez eues à l'esprit et je
3 crois qu'un groupe de membres de l'académie a rédigé une réponse au livre
4 de Noel Malcom.
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous avez estimez que c'était une falsification ?
7 R. C'est pour cela que j'ai parlé de magouille. Il y a de tout sauf de la
8 science véritable.
9 Q. Bien, Professeur. Je crois que les choses -- Vous vouliez peut-être
10 ajouter quelque chose ?
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je souhaite
12 clarifier ce point avec les interprètes. L'utilisation du mot "dregs," lit
13 de la société", vous dites que cela devrait être traduit par "au sumatre"
14 [phon]
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que c'est une traduction plus
16 exacte de "mutljag."
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, ceci il est vrai,
18 apporte une connotation quelque peu différente.
19 M. NICE : [interprétation] Cela est vrai, mais le paragraphe lu dans son
20 ensemble fait état de critiques de la part d'un professionnel.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je peux vous dire, c'est que le mot
23 utilisé ici ne signifie pas "dregs" en anglais.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
Page 34635
1 Q. On vous reproche l'utilisation de termes brutaux. Je ne trouve pas pour
2 ma part, mais il est question ici d'un caractère pseudo scientifique de ces
3 livres publiés.
4 R. Oui. C'est bien de cela qu'il s'agit.
5 Q. En premier lieu, j'imagine. Maintenant le terme utilisé importe moins.
6 Ce qui importe, c'est l'appréciation faite par ce groupe d'académiciens
7 serbes qui a rédigé une critique du livre de Noel Malcom, qui l'ont
8 qualifié de travail pseudo scientifique. Je n'ai pas, de fait, vérifié,
9 mais ne savez-vous pas que l'ouvrage de Noel Malcom a été distribué aux
10 membres de la KFOR au Kosovo et a été distribué également à différents --
11 M. NICE : [interprétation] Il s'agit d'une série de questions tendancieuses
12 et directrices. La première question posée sur l'ouvrage de Noel Malcom est
13 une question directrice, mais je crois qu'il faut y mettre un terme.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Vous
15 connaissez les règles et ne mettez pas les réponses dans la bouche du
16 témoin à partir des questions que vous posez, s'il vous plaît. Il vous faut
17 reformuler ces questions.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Fort bien. Dites-nous, Professeur, comment jugez-vous l'ouvrage de Noel
20 Malcom et les livres analogues au sein de l'académie et comment cela est-il
21 fait de la part d'hommes scientifiques et compétents qui vaquent à l'étude
22 de ces sujets ?
23 R. Cela me prendrait beaucoup de temps pour l'expliquer. J'essaierai de le
24 dire en une phrase. Cela a été jugé comme étant une improvisation au sein
25 de laquelle où l'on a, au lieu de parler de magouille ou d'eau trouble, de
Page 34636
1 faits accumulés pêle-mêle où l'on n'arrive pas à aboutir à une vérité
2 finale.
3 Q. Monsieur Nice a laissé entendre qu'il existait des académiciens sérieux
4 qui ne partageaient pas vos opinions pour essayer d'établir un équilibre
5 entre ce que les sciences de l'histoire ont déterminé de façon indubitable
6 et certaines opinions qu'il a vaguement citées. Il a été vague, il a parlé
7 d'un académicien albanais. D'un point de vue scientifique, est-ce que l'on
8 pouvait placer cela dans une sorte d'équilibre ?
9 R. Il est difficile d'établir un équilibre. Ali Hadri a été l'historien
10 le plus éminent au Kosovo. C'est lui qui, dans les sciences de l'histoire,
11 a parlé d'une thèse aux termes de laquelle les Serbes auraient occupé le
12 Kosovo dans le courant du XIIe ou XIIIe siècle. Ils auraient donc occupé des
13 territoires séculaires du peuple albanais, mais je précise que les Serbes
14 une fois arrivés là-bas, il n'y avait pas d'Albanais, parce qu'avant les
15 Serbes il y avait des barbares en grand nombre, qui ont complètement décimé
16 la population et vidé le territoire concerné. Il ne nous mène nulle part
17 d'en parler advantage.
18 Q. Une autre question. Un texte émanant du ministère des Affaires
19 étrangères et portant l'intitulé qui s'énonce comme suit : "Brève
20 information sur le plan de Cutileiro."
21 R. Oui, je l'ai vu.
22 Q. Il est question de la date du 9 août 1994. Quelques deux ans après le
23 plan de Cutileiro, quelqu'un au ministère fournit l'information portant sur
24 la teneur du plan de Cutileiro.
25 R. Exact.
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1 Q. Moi, je parle du plan de Cutileiro du mois de mars 1992. Dans le
2 premier passage, on dit : "Le premier plan que la communauté internationale
3 avait à présenter pour la solution de la crise en Bosnie-Herzégovine,
4 l'auteur du plan en question était la Communauté européenne qui a traité de
5 ces problèmes de la façon la plus active, s'agissant de cette ex-république
6 yougoslave."
7 Est-il contesté ou pas que tous les plans de paix proposés par la
8 communauté internationale, tant pour ce qui est du plan Vance-Owen, que
9 pour ce qui est des plans ultérieurs d'Owen et Stoltenberg du Groupe de
10 contact et au final, le plan adopté par les accords de Dayton; tous ces
11 plans proposés par la communauté internationale avaient-ils pour objectif
12 la détermination des entités serbes, croates, et musulmanes ? Etait-ce là
13 des propositions de la communauté internationale ?
14 R. Il s'agissait de ceci justement pendant toute cette période. Je ne sais
15 pas au juste ce qui est dit dans chacun des plans, mais pour ce qui est du
16 plan Cutileiro et Vance-Owen, j'en suis certain. Pour ce qui est des
17 accords de Dayton, je sais aussi qu'il était question d'assurer à
18 l'intention des Serbes de Bosnie, je dis bien des Serbes de Bosnie, une
19 entité qui les mettrait à l'abri de toutes manipulations, ou de toutes
20 mises en minorité systématique par la population musulmane, qui est
21 majoritaire.
22 Q. Les Serbes n'ont-ils rien demandé de plus qu'un traitement sur pied
23 d'égalité avec les autres peuples, puisqu'ils étaient un peuple constitutif
24 de cette Bosnie-Herzégovine ? Je crois que cela n'est pas contesté ?
25 R. Je crois que le terme le plus utilisé dans la terminologie politique
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1 serbe est "l'égalité en droit." Même maintenant, dans le courant du XIXe,
2 du XXe, et même maintenant dans le courant de XXIe, c'est le terme le plus
3 utilisé. Cela se rapporte également à la Bosnie.
4 Q. Fort bien, Professeur. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur
5 cette carte. Je demanderais à l'Huissier de la placer sous le
6 rétroprojecteur. Il s'agit de la carte en bleu foncé et en bleu clair.
7 C'est la carte que M. Nice a présentée, il y a quelques instants. Je l'ai
8 reçue en même temps que vous, cette carte.
9 J'attire votre attention sur les frontières de la République de
10 Bosnie-Herzégovine, et il s'agit des frontières de l'époque et des
11 frontières actuelles.
12 Peut-on remarquer le fait que cette carte pourrait porter un intitulé autre
13 et aussi bien, parce qu'on dit ici : "Régions sous contrôle serbe." Cette
14 carte, pourrait-elle porter l'intitulé "Régions sur lesquelles les Serbes
15 constituent la majorité de la population," si l'on adoptait cette approche-
16 là pour l'étude de la carte en question ?
17 R. Ce que je vois ici, c'est à peu près une carte ethnique du peuple serbe
18 en Bosnie-Herzégovine.
19 Q. Bien. Dites-moi, les Serbes sont-ils arrivés d'ailleurs pour occuper ce
20 territoire, ou ont-ils vécu pendant des siècles ?
21 R. C'est leurs territoires à eux, depuis l'arrivée des Slaves dans les
22 Balkans.
23 Q. Ne pensez-vous pas qu'il y a une analogie étonnante entre ces
24 territoires en bleu clair, qui délimitent les frontières de la Bosnie-
25 Herzégovine, et les territoires occupés par l'entité serbe, à savoir la
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1 Republika Srpska, tel qu'entérinée à Dayton et mis en œuvre à Dayton ? Ne
2 voyez-vous pas là une analogie frappante ?
3 R. Je ne sais pas si c'est frappant, mais c'est évident.
4 Q. Merci, Professeur. Nous allons parler à présent de quelques sujets
5 encore. M. Nice vous a posé des questions au sujet de cette initiative
6 belgradoise. Mon collaborateur, le Pr Rakic, m'a procuré un article, un
7 article croate de l'Herceg-Bosna, "Démantèlement de la Yougoslavie et
8 préparatifs de l'agression." C'est très anti-serbe. Je vais le citer parce
9 que pendant la pause, j'ai écouté tout ce qui a été dit, et je vais le
10 citer pour vous rafraîchir la mémoire. Juste un petit passage, un petit
11 paragraphe qui dit : "La tentative d'aboutir à un accord entre Belgrade et
12 les Musulmans de Bosnie-Herzégovine dans le courant de 1991 a également
13 échoué. Cette initiative dite de Belgrade appelée ainsi à partir des
14 négociations entre Milosevic et Adil Zulfikarpasic du Parti bosnien a
15 échouée. Le parti principal, le SDA, présidé par Alija Izetbegovic, n'a pas
16 accepté l'initiative de la Serbie aux termes de laquelle la
17 Bosnie-Herzégovine resterait en Yougoslavie."
18 Vous vous souviendrez, j'espère, qu'il y a eu des négociations. Ces
19 négociations ont été appelées "Initiative de Belgrade." Cela visait à faire
20 rester la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la Yougoslavie. Vous en
21 souvenez-vous ?
22 R. J'ai oublié.
23 M. NICE : [interprétation] Il est tout à fait clair que tout en ayant une
24 connaissance d'une initiative au début du siècle, il n'avait pas de
25 connaissance particulière à propos de cette initiative en question. Bien
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1 sûr, on pourrait lui rafraîchir la mémoire, sans pour autant lui poser une
2 question directrice. Il était très clair qu'il ne se souvenait pas du tout
3 de cette initiative. Peut-être que le témoin suivant sera plus en mesure de
4 le faire.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Professeur, au cours du
6 contre-interrogatoire, vous dites ne pas vous souvenir de ces négociations,
7 l'initiative de Belgrade, j'entends.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me suis pas souvenu du fait que cela a
9 été appelé "Initiative de Belgrade." Je me souviens qu'il y a eu des
10 négociations. Bien sûr que je m'en souvenais. Nous savions tous à quoi il
11 fallait s'attendre. Nous savions dans quel type de situation nous nous
12 trouvions. Maintenant, de là à savoir que ces négociations étaient
13 qualifiées d'"Initiative de Belgrade", cela c'est un élément dont je ne me
14 souvenais pas.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. C'est la substance qui importe.
17 R. Oui. La substance, je m'en souviens.
18 Q. Vous souvenez-vous du fait qu'on allait proposer à Izetbegovic la
19 présidence de la Yougoslavie ?
20 R. Je dois reconnaître que je ne m'en souviens pas. Il se peut qu'il en
21 ait été ainsi, mais je n'arrive pas à m'en souvenir.
22 Q. Pensez-vous que cette idée de Grande Serbie aurait pu se réaliser avec
23 Izetbegovic à sa tête, aux fonctions de président ?
24 R. Cela aurait constitué une initiative ridicule.
25 Q. Pouvait-il y avoir une Grande Serbie avec Izetbegovic à sa tête ?
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1 R. Ce n'est pas concevable du tout, comme idée.
2 Q. Fort bien, Professeur. Merci. Revenons-en maintenant à la revue Epoha.
3 Ici, négligeons l'éditeur. On dit ici que c'est une société par actions,
4 une société anonyme. Ce qui importe, c'est ce que l'auteur dit. Le reste a
5 moins d'importance. Puisque vous avez ce journal --
6 R. Je devrais l'avoir. Je croyais qu'on l'avait enlevé de l'ordre du jour.
7 Q. Moi aussi. Je le pensais, mais si vous ne l'avez pas égaré, j'aimerais
8 que vous y reveniez.
9 R. Je vais essayer de retrouver tout cela.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Montrez cela au témoin.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, je ne le retrouve pas.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Ce n'est pas ce journal Epoha.
14 R. Non, ce n'est pas celle-là. C'est celle de 1991.
15 Q. Professeur, vous en souvenez-vous -- je ne m'attendais pas à ce qu'on
16 ressorte cela, et qu'on le remette sur le tapis, mais je ne l'ai pas
17 apporté. Ne pensez-vous pas qu'au côté de la carte que M. Nice a montrée,
18 l'auteur du texte, Jovan Ilic, et nous avons hier donné lecture d'une
19 citation, nous dit qu'il s'agit là justement --
20 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plait, pour Monsieur Milosevic.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je me souviens qu'il a dit
22 1 500 000 Croates entreraient dans le cadre de cette Serbie et qu'ils ne
23 voulaient pas d'une Serbie de cette nature.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. On voit que ce qui est présenté sur la carte, n'est pas une bonne
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1 solution. Il ne s'agit pas de propager ou d'être favorable à l'idée d'une
2 telle carte. Ce sont des textes qui sont contraires à une situation
3 d'actualité au sujet de laquelle il a été question dans l'opinion publique.
4 R. Ce n'est pas contesté, mais il faut lire le texte. Parce que si l'on ne
5 voit que la carte, on ne comprend pas du tout de quoi il s'agit. Or, ici,
6 l'auteur fournit la présentation de plusieurs possibilités, de plusieurs
7 alternatives, et conteste cette frontière optimale ou qualifiée d'optimal.
8 Q. C'est là la substance. Il ne s'agit pas de savoir qui est l'éditeur et
9 qui est le rédacteur en chef, mais c'est l'attitude vis-à-vis de certaines
10 questions qui doit être prise en considération. L'auteur dit que ce n'est
11 pas une bonne solution. Ne vous souvenez-vous de ce passage où il est
12 question d'éduquer la jeunesse dans un esprit de tolérance, d'égalité -- du
13 respect de légalité en droit, du développement des relations
14 internationales et ainsi de suite, et ainsi de suite. En tout état de
15 cause, il s'agissait d'une approche et d'une attitude positive à l'égard de
16 toutes ces questions, et en aucune façon, une sorte de haine raciale ou
17 ethnique quelconque.
18 R. Oui. Justement, c'est ce qu'on a cité ici, et c'est ce qu'on a lu
19 également.
20 Q. On a présenté une carte critiquée dans un texte comme étant une carte
21 en faveur de laquelle s'employait le même texte, ce qui est véritablement
22 une manipulation. Maintenant j'aimerais que --
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, non --
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Que voulez-vous dire par non ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, c'est inacceptable que de le
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1 présenter sous la forme d'une manipulation. Le langage n'est pas du langage
2 qui relève d'un langage juridique sans fondement. Nous avons déjà précisé
3 que nous n'accepterons pas un langage de ce type dans ce prétoire.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une fois que vous avez lu le texte, une fois
5 qu'il aura été traduit ce texte, vous verrez que j'ai raison, Monsieur
6 Robinson, indépendamment de --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la Chambre qui doit décider
8 quel poids il faut y accorder.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Vous avez la carte que l'Huissier vous a apportée et une copie de ce
11 journal Epoha. On y voit un rapport émanant d'une grande assemblée, d'un
12 grand rassemblement. Il est question au bout d'une longue période -- il y a
13 une période, il y a foule à l'assemblée. On voit les représentants des
14 différents partis pour la troisième Yougoslavie. Il y a un sous-titre. Je
15 vous demanderais de vous pencher.
16 R. Oui, l'Huissier me l'a donné, puis l'a emporté.
17 Q. Il l'a emporté. Restituez-le lui cet exemplaire, Monsieur l'Huissier.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. "La Yougoslavie est la meilleure des solutions, mais pas la seule
20 solution serbe. Est-ce que les cieux peuvent s'éclaircir sans tourmente ou
21 avec une tourmente ?" C'est là un article émanant d'un journaliste qui est
22 devenu responsable au sein du Parti socialiste, mais à l'époque, c'était un
23 journaliste qui a rédigé l'article en question. Est-il clair, partant de
24 cet article, qu'il s'agit d'un rapport qui débute par une citation d'Ivo
25 Andric, notre seul prix Nobel littéraire. Ivo Andric a dit, "Que toute
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1 guerre et les guerres les plus longues ne faisaient que secouer les
2 questions au sujet desquelles on avait combattu -- pour lesquelles on avait
3 combattu, mais leur solution, -- oui, ici le texte est flou, -- les
4 solutions sont apportées par des négociations. Toute paix doit commencer
5 comme toute guerre doit être commencée par quelqu'un. Ces événements nous
6 ont conduit à des événements de rétablissement de la paix, les accords
7 Vance-Owen et les Casques bleus." Il est question ici des accords entre les
8 autorités serbes et croates pour ce qui est du déploiement des Casques
9 bleus, là où il y a eu des conflits, à savoir, sur les territoires où
10 vivaient exclusivement, ou en très grande majorité des Serbes; est-ce
11 exact ?
12 R. Oui. Nous avons sans cesse eu à l'ordre du jour, des initiatives de
13 paix, et nous avons accepté toute initiative de paix bien intentionnée ou
14 toute suggestion bien intentionnée dans ce sens.
15 Q. Bien. A cette page qui est marquée ici par un ERN 06099 --
16 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas pu saisir ce numéro à cette vitesse.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. -- le rapporteur nous dit que la page est intitulée, "Liste des partis,
19 des associations, des mouvements et des organisations ayant pris part à
20 cette convention pour la création d'une nouvelle Yougoslavie". Il s'agit
21 d'une initiative très vaste. On fournit la liste des partis, des
22 mouvements. La liste elle, à elle seule, prend une page entière. On voit la
23 photographie ici, Dzevad Galijasevic, un homme chassé de Mosevici. Dzevad,
24 c'est sûrement un Musulman.
25 R. Oui, je m'en doute.
Page 34645
1 Q. Par conséquent, ne voit-on pas ici, Professeur, à cette page qui porte
2 un numéro 66 en dernier, qu'il s'agit de trois colonnes, donc d'une page
3 entière de listes de tous les partis, associations et mouvements qui ont
4 participé à cette convention visant à la création d'une nouvelle
5 Yougoslavie. L'avez-vous vu ?
6 R. Oui. Le message est le suivant. Cette disposition visant à préserver la
7 Yougoslavie était très répandue. On disait que la Bosnie était une
8 forteresse de la Yougoslavie. Parce que par sa composition ethnique, elle
9 ressemblait énormément à la Yougoslavie entière, et que c'était elle qui
10 constituait ce facteur de cohésion. D'après ce que je vois ici, en vitesse,
11 bien sûr, on constate que les organisateurs en majorité sont originaires de
12 Bosnie. Cela ne m'étonne guerre, parce que le mouvement favorable à la
13 défense de la Yougoslavie, en 1992, était encore très fort, très puissant.
14 Q. On voit des parties de Tuzla, de Sarajevo, de Pristina --
15 R. De Sekovici.
16 Q. Oui, de Sekovici, et ainsi de suite. En conséquence, pour bien
17 comprendre cette convention, pensez-vous qu'il serait plutôt logique de
18 voir qui ont été les participants ? Ici, on voit la liste des représentants
19 de tous ces mouvements et partis qui ont pris part à cette convention.
20 Professeur, dites-nous si cette convention a, oui ou non, été consacrée à
21 l'aboutissement à la paix et à la sauvegarde de cette Yougoslavie ?
22 R. Sans aucun doute.
23 Q. On voit quelque part la photographie du président de la présidence de
24 l'époque, Branko Kostic, un Monténégrin, qui a salué les participants à
25 cette assemblée où il y avait des représentants de toutes les républiques.
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1 Quelques questions encore à ce sujet, Professeur. On parle ici tout le
2 temps d'une question, à savoir, de déterminer si la Serbie crée des
3 problèmes à chaque fois qu'elle ne domine pas en Yougoslavie. Je voudrais
4 si la Serbie a dominé à l'égard de la Yougoslavie depuis sa création entre
5 les deux guerres et après la Deuxième guerre ? On vous a demandé d'une
6 certaine façon qui avait constitué la majorité au gouvernement entre deux
7 guerres ? Moi, je vous demande par contre, est-ce que la Serbie a eu une
8 position prédominante entre les deux guerres ?
9 R. Pour ce qui est d'une prédominance, il faut qu'il y ait des fondements
10 économiques. Là, la Serbie était très en retard vis-à-vis des autres. Le
11 deuxième problème est un problème financier. Une fois de plus, la partie
12 occidentale du pays, notamment la Croatie et la Slovénie prédominait. S'il
13 y avait eu prédominance pour ce qui est de la population serbe, je ne parle
14 pas de la Serbie, je parle de la population serbe, notamment la population
15 de la Krajina, ils étaient prédominants dans la gendarmerie, parce que les
16 gens de la Krajina sont habitués aux armes, aux uniformes. Ils ont été
17 recrutés notamment dans la gendarmerie. Il y a eu un peu une majorité
18 quelconque de Serbes dans l'administration et dans les écoles, mis à part
19 les écoles maritimes et les écoles aériennes où il y avait prédominance des
20 Croates et des Slovènes. Il y avait prédominance de cadets serbes dans les
21 écoles militaires. C'est là qu'il y a eu prédominance serbe.
22 Q. Qui prédominait en Yougoslavie pendant tout ce temps entre la Deuxième
23 guerre mondiale jusqu'en 1992 ?
24 R. Il me semble que jusqu'en 1960, il y a été établi une fédération assez
25 bonne pour ce qui est des équilibres. Les équilibres ont été perturbés dans
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1 le milieu des années 1960, lorsque Edvard Kardelj a posé à Tito une
2 question. Cela a été repris par un historien croate, Bilandzic. Il a posé
3 la question de savoir qu'adviendra-t-il, vieux, comme on l'appelait,
4 lorsque nous ne serons plus là ? Les Serbes vont régner. C'est là que les
5 choses ont commencé. Dusan Bilandzic, un responsable croate, était présent
6 au niveau politique. Il a vu les documents. C'est là que les réflexions ont
7 été entamées pour ce qui est du démontage de cette Yougoslavie aux fins de
8 prévenir une prédominance des Serbes.
9 Q. En guise de danger potentiel ?
10 R. En guise de danger potentiel.
11 Q. Qui prédominait jusqu'en 1992 ?
12 R. Jusqu'en 1960, il n'y avait pas de prédominance, et après les années
13 60, les Slovènes et les Croates.
14 Q. De tout les temps par la suite ?
15 R. De tout les temps par la suite.
16 Q. Merci, Professeur. Je n'ai plus de questions pour vous. Je vous
17 souhaite bon voyage.
18 R. Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais maintenant traiter de la
20 question des pièces. Le rapport de l'expert comportant les notes en bas de
21 page sera versé au dossier et les intercalaires suivants : intercalaire
22 numéro 1, un ouvrage, un livre qui n'a pas été traduit, marqué aux fins
23 d'identification; intercalaire numéro 2, Nacertanije, qui n'a pas été
24 traduit, marqué aux fins d'identification; intercalaire numéro 3, la
25 déclaration de Nis, traduite et versée au dossier; intercalaire numéro 5.1,
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1 la lettre de Franjo Supilo envoyée à Edward Grey, marquée aux fins
2 d'identification; la lettre de Supilo à Pasic non traduite, marquée aux
3 fins d'identification.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous nous
5 indiquer le numéro de l'intercalaire de cette lettre, s'il vous plaît ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous le dire toute suite. Je l'ai mis
7 de côté, tout cela. Je crois que c'est également l'intercalaire 5.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le lettre de Supilo à Pasic,
9 intercalaire numéro 5 [comme interprété] également ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout se trouve à l'intercalaire 5 dans ce
11 recueil de documents. Je n'ai pas apporté tout ce classeur, parce que j'ai
12 pensé que je n'allais plus en avoir besoin.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La déclaration de Corfou, qui n'a
14 pas été traduite et marquée aux fins d'identification; intercalaire 5.7, la
15 déclaration de Nikola Pasic, qui n'a pas été traduite, marquée aux fins
16 d'identification; de même la lettre envoyée à Pasic, qui n'a pas été
17 traduite, marquée aux fins d'identification. De même, la lettre de Stjepan
18 Radic, envoyée au gouvernement britannique, non traduite, marquée aux fins
19 d'identification; les interviews de Radic, non traduites, marquées aux fins
20 d'identification; intercalaire numéro 6, une carte intitulée -- c'est de
21 Stevan Moljevic, carte de la Serbie homogène, intitulée Dr Stevan Moljevic,
22 versée au dossier; intercalaire numéro 13, une autre carte qui est versée
23 au dossier; intercalaire numéro 15, une autre carte qui est versée au
24 dossier; intercalaire numéro 16, une autre carte qui est versée au dossier.
25 Voici les pièces qui doivent être soit versées au dossier, soit marqués aux
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1 fins d'identification.
2 Monsieur le Professeur Popov, vous avez maintenant terminé votre
3 témoignage. Avant de vous demander de partir, je dois dire, Monsieur
4 Milosevic, qu'il y a trois autres points qui n'ont pas été évoqués sur la
5 liste que je viens de donner : la carte dans le cadre de l'accord de
6 Londres, la carte Cutileiro et la carte Vance-Owen.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faudrait les intégrer.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il faut l'inclure.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Celles-ci doivent être versées au
11 dossier. Nous avons donné un numéro de cote au rapport. Quelle est la
12 cote ?
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro de cote D263 et le classeur avec
14 les différents intercalaires, pièce 264.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Professeur Popov, vous
16 avez terminé votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu ici à la
17 barre devant de Tribunal international. Vous pouvez disposer.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Au revoir.
19 [Le témoin se retire]
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous souhaitez
23 dire quelque chose ? Vous avez la parole.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je voudrais profiter de
25 l'attente du témoin suivant pour vous présenter une requête. En effet, j'ai
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1 obtenu dans le courant du week-end, une ordonnance me demandant de fournir
2 une liste pour les 50 témoins à venir. Bien sûr, que je vais le faire. En
3 vertu du plan de comparution, pour moi, il importe beaucoup de faire venir
4 les témoins au sujet desquels je vous ai demandé une injonction à
5 comparaître. Il ne s'agit qu'une seule partie des témoins en question.
6 Il ne faut pas perdre de vue le fait que nous allons avoir des congés de
7 Noël et du Nouvel An. Vous n'allez pas travailler pendant trois semaines.
8 Je voudrais que ces ordonnances soient délivrées, parce que j'ai présenté
9 cette demande en février de cette année. J'ai demandé Clinton, Albright,
10 Clark, Blair, Schroeder et Scharping.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà évoqué ceci à
12 plusieurs -- avez-vous, Monsieur Milosevic, présenté une requête par
13 écrit ? Nous n'avons pas encore abordé cette question. Avez-vous demandé à
14 ce que des citations à comparaître soient envoyées ?
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai tout donné à l'officier de liaison, et je
16 vous ai présenté la requête oralement. Cela figure dans le compte rendu
17 d'audience, et cela a valeur de requête écrite. Vous le savez aussi bien
18 que moi. Etant donné que mes collaborateurs m'ont informé qu'ils ne
19 pouvaient pas du tout entrer en contact avec ces témoins, et étant donné
20 qu'il est tout à fait clair que ces témoins sont importants, comme j'ai
21 dans ce plan de comparution des témoins, j'ai envisagé la comparution
22 précisément de ces témoins-là, c'est la raison pour laquelle je vous ai
23 demandé la délivrance d'un subpoena, à savoir, d'une injonction à
24 comparaître. C'est ce qui a été indiqué au compte rendu d'audience. Si vous
25 le voulez par écrit, cela existe au compte rendu.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pas du tout. Il vous faut faire une
2 requête par écrit en citant vos raisons, les raisons pour lesquelles vous
3 souhaitez que ces personnes viennent témoigner, les éléments que vous
4 souhaitez qu'ils présentent ainsi que les efforts que vous faits pour
5 entrer en contact avec eux. Une citation à comparaître n'est pas délivrée
6 aisément. Si vous faites une demande ici, la Chambre la refusera sans pour
7 autant que cela ait une incidence sur votre droit de faire une autre
8 demande sous une forme correcte, Monsieur Milosevic. Autrement dit, la
9 demande que vous venez de faire est refusée, sans pour autant que vous soit
10 refusée la possibilité de déposer une requête par écrit, ce qui correspond
11 à la manière dont notre procédure doit être appliquée.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson. Est-ce que vous êtes en
13 train d'affirmer que vous ne comprenez pas la raison pour laquelle Clinton,
14 Albright, et Clark, qui a d'ailleurs témoigné ici, mais avec interdiction
15 d'être interrogé sur des questions pertinentes, est-ce que vous avez un
16 dilemme pour ce qui est de la nécessité de les faire venir témoigner, ou
17 est-ce que vous essayer d'empêcher, par des questions de procédure, leur
18 comparution ici ?
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous traitons
20 ici d'une question de fond et qui a certainement des antécédents. Il s'agit
21 d'une question de procédure qui est extrêmement importante. On ne délivre
22 pas une citation à comparaître aisément. Je souhaite voir le même document
23 que l'Accusation a présenté à plusieurs reprises lorsqu'ils ont fait des
24 demandes de ce type, autrement dit, des citations à comparaître. C'est la
25 règle qui nous appliquons et la règle qui est appliquée également à
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1 l'Accusation. Vous pouvez en tirer des leçons. M. Nice peut mettre à votre
2 disposition ce qu'il a fait déjà. Autrement dit, c'est un précédent.
3 M. Kay pourra vous aider.
4 M. KAY : [interprétation] Simplement sur ce point, Monsieur le
5 Président. J'ai eu une réunion au mois d'octobre avec le département des
6 Affaires étrangères de l'ambassade américaine, par rapport à cette
7 catégorie de témoins. Ils ont demandé à ce que, si une lettre leur était
8 présentée, lettre qui contiendrait les détails du sujet abordé lors de
9 l'interrogatoire du témoin, de façon à ce qu'ils sachent de quoi il s'agit
10 et quels sujets seraient abordés, alors ils seraient en mesure de présenter
11 ceci par l'intermédiaire de la voie diplomatique, en espérant, sur cette
12 base-là, que le témoin puisse venir, ou en tout cas, pouvoir présenter aux
13 témoins le fait qu'ils peuvent venir de leur plein gré témoigner dans ce
14 procès, ceci faisant partie de la présentation des moyens à décharge de la
15 Défense. Mais ils ont besoin des éléments d'information au préalable. Moi-
16 même, je n'en disposais pas, donc je ne pouvais pas aller plus avant.
17 C'est un M. Kay, je crois, qui travaille pour l'ambassade américaine,
18 qui m'a informé du fait, qu'à partir de la date de la déposition d'une
19 telle demande aux fins d'obtenir un témoin qui sera invité à venir par la
20 voie diplomatique, ceci pourrait prendre deux mois, ou voire, six semaines.
21 Cela pourrait prendre deux mois. C'est ce genre de délai qui est nécessaire
22 pour faire venir ce type de témoin. Ils souhaitaient traiter cette question
23 sur la base d'une coopération avec la Défense et ils ont précisé qu'ils
24 avaient coopéré avec l'Accusation et ils ne souhaitaient aucunement
25 discriminer à l'encontre de la Défense. Ils souhaitaient fournir exactement
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1 le même niveau de coopération qu'il y avait eu par la voie diplomatique et
2 coopérer de la même façon avec les deux parties de ce procès. Si M.
3 Milosevic a demandé à quelqu'un - M. Rakic est ici aujourd'hui - de rédiger
4 une lettre détaillée, ceci a déjà été fait, mais le détail des questions
5 qui seront posées n'a pas été précisé.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kay.
7 Monsieur Milosevic, vous avez entendu ce qui vient d'être dit, et vous
8 devez impérativement préparer ceci dans les règles.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le Pr Rakic a rédigé cela il
10 y a plus de deux mois, et c'est la raison pour laquelle je demande votre
11 ordonnance, parce que cela a été rédigé il y a plus de deux mois, et cela
12 porte une date.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre de première instance ne
14 fera rien et n'agira pas si elle n'a pas, entre ses mains, une demande
15 écrite semblable à celle que l'Accusation a présentée, dans de tels cas.
16 Une fois que nous aurons cette demande par écrit, nous allons l'examiner,
17 et à ce moment-là, nous pourrons délivrer cette injonction à comparaître,
18 quelque soit la personne qui est citée à comparaître.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est également important de savoir
20 ce que M. Kay vient de nous dire. Autrement dit, que les éléments
21 d'information demandés par l'ambassade américaine ne leur ont pas été
22 fournis. Quels que soient les éléments qui ont été précisés, ils n'ont pas
23 été communiqués.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cependant, il nous en a parlé à une
25 autre occasion.
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1 M. KAY : [interprétation] Oui, je me souviens d'avoir traité de cette
2 question au mois d'octobre. M. le Juge Kwon a tout à fait raison.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle
4 je vous ai dit, Monsieur Milosevic, ma réponse est celle-ci : la demande
5 que vous venez de faire oralement est rejetée sans pour autant que cela
6 n'ait une incidence sur votre droit à représenter une demande par écrit.
7 Si vous soulevez ce point à nouveau, je serai obligé de conclure que
8 vous pensez à mal.
9 Monsieur Kay.
10 M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a un point
11 qui porte sur la commission d'office d'un conseil. Un dépôt d'écriture a
12 été fait de façon confidentielle ex parte hier, et nous estimons qu'il est
13 impératif que la Chambre de première instance consacre quelque temps à
14 cette question ex parte aujourd'hui.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons en parler demain matin à
16 8 heures 15.
17 M. KAY : [interprétation] Très bien. Dans cette salle d'audience ?
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.
19 Monsieur Nice.
20 M. NICE : [interprétation] Il y a un point concernant les demandes faites
21 par l'accusé sur des injonctions à comparaître. Ces injonctions peuvent
22 être faites inter partes, entre parties, ou ex parte. Nous ne soulevons
23 aucune objection quant à la déposition de telles requêtes ex parte.
24 Néanmoins, si des témoins doivent être cités simplement aux fins d'être
25 contre-interrogés par l'accusé, à ce moment-là, nous demanderons à ce que
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1 cette partie de la demande fasse l'objet d'un avertissement, car la Chambre
2 a déjà pris une décision contre le contre-interrogatoire de témoins, qui
3 étaient cités pour appeler et faire une déposition au nom de l'Accusation
4 en partie, quoi qu'il en soit. S'il y a des demandes ex parte, nous
5 demanderions qu'y soit rattaché cet élément-là. Autrement dit, que l'on
6 puisse reconnaître le contenu de façon à ce que nous puissions suivre
7 l'argumentaire.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous garderons ceci à
9 l'esprit.
10 Monsieur Milosevic, votre témoin suivant.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'entrée dans le prétoire du membre
12 de l'académie, M. Kosta Mihailovic. J'indique que l'on vous a remis son
13 rapport en anglais, qui n'a pas eu besoin d'être traduit dans ses murs.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin prononce la
16 déclaration solennelle.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN: KOSTA MIHAILOVIC [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.
22 Vous pouvez commencer, Monsieur Milosevic.
23 Interrogatoire principal par M. Milosevic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur Mihailovic.
25 R. Bonjour, Monsieur Milosevic…
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1 Q. Veuillez décliner vos nom et prénom ?
2 R. Je m'appelle Kosta Mihailovic.
3 Q. Ayez l'amabilité puisqu'un résumé de votre biographie a été distribué
4 ici, et veuillez, je vous prie, avoir l'amabilité de parler des moments les
5 plus importants de votre vie.
6 R. J'ai terminé des études de droit, j'ai ensuite obtenu un diplôme à la
7 faculté d'économie. Jusqu'en 1949, j'ai travaillé au ministère du Commerce
8 de Serbie, jusqu'à une période immédiatement postérieure à la guerre. Plus
9 tard, j'ai travaillé au sein de l'Alliance de la Serbie et de la
10 Yougoslavie. A partir du 1949 jusqu'au moment où j'ai pris ma retraite en
11 1984, date à partir de laquelle je travaille à l'institut économique de la
12 ville de Belgrade. Pendant la moitié de cette période, j'en ai été le
13 directeur, pendant l'autre moitié, j'y suis resté en qualité de conseiller.
14 Je me suis vu confier les fonctions de professeur de la Faculté d'économie
15 en 1965. Je suis devenu membre de l'Académie serbe des sciences et des
16 arts, et membre correspondant de celle-ci, en fait, en 1983, et j'en suis
17 ensuite devenu membre à part entière en 1988.
18 Ce qui m'intéresse, ma spécialisation en économie, c'est le développement
19 général et le développement régional, notamment dans le domaine de
20 l'économie et du système économique en vigueur en Yougoslavie. Bien
21 entendu, puisque je m'intéressais au développement économique, je me suis,
22 en particulier, penché sur les aspects théoriques de la question ainsi que
23 de façon un peu plus large sur le développement régional au niveau européen
24 également. J'ai écrit un certain nombre d'ouvrages sur le sujet, et j'étais
25 considéré comme un pionnier s'agissant de traiter du développement régional
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1 en Europe de l'est. A ce titre, j'ai publié un ouvrage, ici, à La Haye, et
2 une demande m'a également été présentée pour rédiger un texte pour les
3 Nations Unies.
4 Bien entendu, j'ai assisté à un certain nombre de conférences, et j'ai
5 participé, je me suis exprimé devant un certain nombre de conférences
6 internationales, donc mes contacts sont assez larges.
7 Q. Merci, Monsieur le Professeur.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pouvez-vous dans
9 mon intérêt, poser une question d'éclaircissement au témoin. En effet, il a
10 un diplôme de droit, et un doctorat en économie. A-t-il des qualifications
11 élevées dans le domaine du droit également ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous devons poser la question à M. Mihailovic.
13 Je ne crois pas que sur le plan professionnel, il se soit particulièrement
14 occupé de droit, mais plutôt d'économie.
15 Je tiens à vous dire que M. Mihailovic compte au nombre des très rares
16 experts particulièrement éminent en matière de développement régional. Il y
17 a quelques instants, vous l'avez entendu évoquer le fait qu'il a été chargé
18 par les Nations Unies de développer une étude sur le développement
19 régional.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Professeur, veuillez, je
21 vous prie, répondre à ma question.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pendant quelques temps, j'ai travaillé en
23 tant qu'avocat dans un cabinet d'avocats où j'étais stagiaire. Cela s'est
24 passé à l'époque de mes études à Belgrade, à l'époque la faculté d'économie
25 n'existait pas. J'étais à la faculté de droit où on enseignait également
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1 l'économie et toutes les matières liées à l'économie. J'ai fait mes études
2 à la faculté de droit, et je me suis spécialisé dans le domaine de
3 l'économie appliquée. Plus précisément, dans le travail d'analyse. Dans ce
4 cadre, je me suis sans doute avéré assez doué pour les analyses
5 économiques, et on m'a envoyé à l'Institut d'économie où j'ai finalement
6 passé toute ma carrière professionnelle.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Mihailovic.
8 Oui, à vous, Monsieur Milosevic.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. D'après ce que vous avez dit, de 1949 jusqu'en 1965, Monsieur
11 Mihailovic, vous avez occupé les fonctions de directeur de l'institut
12 économique.
13 R. Oui.
14 Q. En 1965, on vous a demandé de prendre votre retraite car vous n'étiez
15 pas d'accord avec la politique économique officielle ?
16 R. Oui. C'est exact.
17 Q. A ce moment-là, vous avez été nommé professeur à la faculté d'économie
18 et professeur régulier, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous êtes devenu également un membre à part entière de la faculté
21 d'économie, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Je vous remercie. Je ne vais pas entrer davantage dans le détail de
24 votre curriculum vitae qui a été distribué aux participants ici, et qui est
25 annexé à votre rapport, mais je vous pose la question suivante : Professeur
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1 Mihailovic, je tiens d'abord à indiquer que je m'efforce d'utiliser le
2 temps qui m'est imparti de la façon la plus rationnelle qui soit. J'ai
3 quelques questions de base à vous poser d'abord, quelques questions
4 élémentaires dont la première est la suivante : vous avez soumis votre
5 rapport, vous y exprimez vos positions. Au XIXe et XXe siècle, pourriez-vous
6 nous dire s'il existait une quelconque politique de Grande Serbie ? Parce
7 que vous commencez par discuter du projet Garasanin Nacertanije, qui est le
8 seul programme officiel que la Serbie ait eu, n'est-ce pas ? Pouvez-vous
9 nous dire, c'est l'objet de ma question, en fait, comment vous expliquez le
10 fait que la Serbie était en mesure de mettre en place un programme de ce
11 genre dans des conditions où le niveau d'information était insuffisant, et
12 où, en particulier, il existait un certain niveau d'autonomie, qui était
13 sous l'aile de l'Empire ottoman, sans aucune réelle indépendance. Il n'y
14 avait pas d'indépendance pour cet état à ce moment-là.
15 Comment est-ce que vous expliquez qu'elle ait pu organiser un programme de
16 ce genre, un programme tel que le Nacertanije en présence de tous ces
17 handicaps ?
18 R. Tout d'abord, c'était un programme assez simple, assez circonscrit qui
19 tenait à la politique étrangère de la Serbie, et pratiquement, uniquement à
20 cela. Cette politique étrangère menée par la Serbie s'était donnée un
21 certain nombre d'objectifs qui sont décrits dans ce programme. La Serbie
22 n'était pas un pays libre. Elle jouissait d'une assez grande autonomie au
23 sein de l'Empire ottoman. Son objectif fondamental était la libération
24 complète. Si nous ne perdons pas de vue le fait que les grandes puissances,
25 l'Autriche, la Russie menaient une politique tout à fait claire.
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1 L'inquiétude qui régnait, c'était si un jour sur le plan international la
2 Serbie pourrait être libre, et ce qui se passerait une fois qu'elle serait
3 libérée, parce qu'elle ne souhaitait pas retomber sous le joug d'une autre
4 grande puissance où se voir dépecer entre la Russie et l'Autriche. Même si
5 ce programme Nacertanije n'a jamais été mis noir sur blanc, de toute façon,
6 il ne faisait que reprendre un objectif qui était un objectif tout à fait
7 naturel.
8 Bien entendu, la Serbie n'avait pas la force intellectuelle ou la puissance
9 au niveau mondial, pour mettre en œuvre un tel programme. Je parle toujours
10 du programme Nacertanije. La chance a voulu que l'Europe occidentale,
11 dirigée par l'Angleterre et par la France, se soit intéressée
12 considérablement, non pas au fait que la Serbie se libère mais à ce que
13 cette partie du monde se libère et à ce qui allait se passer ensuite. Par
14 ailleurs, la Pologne s'intéressait à tout cela également parce qu'elle
15 avait une forte proportion d'émigrés résidant en France qui travaillaient à
16 Paris. L'un de ses représentants les plus connus est le Comte Chartoriski,
17 qui avait auparavant été ministre des Affaires étrangères de Russie.
18 Nous avons ici un concours d'intérêts par rapport à ce plan Nacertanije qui
19 suscite l'intérêt convergent de l'Angleterre, de la France. Nous, nous en
20 trouvons un exemple dans le fait que
21 M. Ekmecic, membre de l'académie a publié une étude scientifique en
22 Angleterre. Il parle de cette question très en détail.
23 L'Angleterre, dès 1831, a envoyé un représentant, un certain Urquhart,
24 David Urquhart, auprès de Milos Obrenovic, 13 ans avant la première mention
25 du plan Nacertanije. Il a été discuté d'une politique qui pouvait
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1 éventuellement rejoindre les intérêts de l'Angleterre et de la France. Une
2 deuxième visite a été faite par Urquhart au prince Milos Obrenovic en 1833.
3 Quant à Bois-le-cont, il est venu le voir en 1834 au nom de la France.
4 C'était l'envoyé, le représentant de la France.
5 Ce que je voudrais dire, c'est que le plan de Nacertanije a
6 finalement eu une aura internationale, en tout cas, européenne, plus
7 importante que l'on ne pouvait s'y attendre, compte tenu de l'influence
8 exercée à l'époque par la Serbie. Si ce texte avait été écrit noir sur
9 blanc, il aurait donné lieu à un certain nombre de possibilités
10 d'application pratique. Il y a eu, suite au plan de Nacertanije, un
11 document consultatif qui a été écrit par un émigré polonais. J'en ai ici le
12 texte original.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur Mihailovic,
14 excusez-moi de vous interrompre, nous sommes constamment pressés par le
15 temps. Vous avez fourni déjà une réponse déjà très longue. Je pense que M.
16 Milosevic pourrait maintenant vous poser une autre question. Nous
17 apprécierions beaucoup que vous puissiez répondre de façon plus concise si
18 la chose est possible.
19 Monsieur Milosevic, à vous.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Professeur Mihailovic, vous venez d'évoquer le texte de Frantisek
22 Zach.
23 R. Oui.
24 Q. Ce texte est-il assez similaire à celui de Nacertanije ?
25 R. Oui, pratiquement identique. Il comporte quatre chapitres. J'ai
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1 abordé les choses d'un point de vue mathématique. J'ai comparé le nombre de
2 chapitre notamment, pour faire une analyse comparative des deux textes.
3 Nous voyons qu'il y a trois chapitres qui manquent dans le Nacertanije par
4 rapport à ce texte. Garasanin a 90 lignes de moins et 64 lignes nouvelles.
5 Sur les 800 lignes du plan Nacertanije, nous voyons que 85% de ce plan se
6 retrouve dans le document de Frantisek Zach.
7 Q. Monsieur Milosevic, la sténotypiste n'a sans doute pas entendu le
8 nom que je vais répéter à son intention. Il s'agit de Frantisek Zach.
9 Q. Monsieur Mihailovic, ces textes ont été rédigés en même temps; le texte
10 de Zach et le texte de Nacertanije. Ils ont paru en même temps. Vous avez
11 ce texte de Zach sur vous, n'est-ce pas ? En fait, vous avez les deux
12 textes.
13 R. Oui, mais en serbe, sans traduction. J'ai surligné les passages qui
14 sont repris du texte de Zach, et qui se retrouvent dans le Nacertanije et
15 les passages qui n'ont pas été repris, de façon à ce que les Juges de la
16 Chambre puissent comparer utilement les deux textes et voir ce qui était
17 discuté avant la guerre, ce qui faisait l'objet d'un débat avant la guerre.
18 En effet, certains mettent en cause l'authenticité du texte de Garasanin.
19 Ce texte ne fait que reprendre en gros le texte de Zach.
20 Q. Merci, Professeur Mihailovic, avançons. Je pense que pour bien
21 comprendre le Nacertanije, il est très utile de disposer des deux textes et
22 de les comparer; le texte de Zach et le Nacertanije. C'est une réalité
23 historique importante. Dites-moi, je vous prie, compte tenu des
24 explications et de la façon dont vous comprenez les choses, comment vous
25 qualifieriez le Nacertanije de façon générale?
Page 34663
1 R. Je dirais que c'est un programme de libération de la Serbie sur le plan
2 politique et économique.
3 Q. Merci, Professeur Mihailovic. Maintenant, nous remarquons que le
4 Nacertanije insiste sur l'aspect économique des problèmes. Vous en parlez
5 en page 2. Page 2 de la version anglaise du texte, où il est question des
6 conditions difficiles de commerce avec l'Autriche-Hongrie, qui s'aggravent
7 encore avec la création d'un monopole du commerce extérieur de l'Autriche-
8 Hongrie avec la Serbie.
9 R. Oui, le Nacertanije n'était pas effectivement un programme. C'était un
10 plan de politique étrangère pour la Serbie. Bien entendu, les questions
11 économiques étaient abordées par le biais du problème du commerce, qui
12 était un sujet très sensible pour la Serbie. Quand je dis sensible, je veux
13 dire très douloureux, déjà du temps de l'Empire ottoman de l'occupation
14 ottomane. Le problème, à ce moment-là, c'était, est-ce que l'Autriche
15 allait créer un monopole commercial avec la Serbie ou pas. Bien entendu,
16 comme cela se produit en général entre pays industrialisés, développés
17 d'une part et un pays agricole moins développé, comme l'était la Serbie à
18 l'époque, les conditions de commerce étaient défavorables pour la Serbie.
19 La Serbie en était profondément marrie, et les conditions de commerce sont
20 devenues de plus en plus difficiles pour la Serbie, à partir de ce
21 déséquilibre de départ qui n'a fait que s'aggraver. Ce monopole signifiait
22 pour la Serbie des restrictions encore plus importantes. Elle a eu pour
23 objectif de s'en libérer, de trouver une solution permettant éventuellement
24 d'ouvrir à la Serbie la route vers l'Europe, par le biais de l'Adriatique
25 et de la Méditerranée, si vous préférez.
Page 34664
1 Q. Professeur Mihailovic --
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons
3 dépassé l'heure de la pause. 20 minutes de suspension.
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez
7 poursuivre.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous m'entendez maintenant ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous avez parlé des échanges commerciaux, et vous avez parlé d'échanges
12 commerciaux défavorables. A partir de cette époque-là, est-ce que ces
13 relations commerciales sont restées telles quelle pendant la première et la
14 seconde Yougoslavie ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez parlé de ces relations commerciales défavorables au plan
17 international et au plan interne, à l'intérieur même de la Yougoslavie.
18 Est-ce que ceci avait un sens plus large, et s'agit-il là de la preuve que
19 l'économie, sa structure économique était telle qu'ils ne pouvaient avoir
20 aucune visée hégémonique ?
21 R. Cela va sans dire. Car au plan politique, le pays n'avait pas été
22 libéré. Il était sous occupation, et était dominé économiquement. Par
23 conséquent, n'aurait pas pu mettre en œuvre ses visées expansionnistes, ou
24 en tout cas, sa politique de domination, ceci tout au cours du XIXe siècle
25 -- cela s'est poursuivi tout au long du XIXe siècle, et les conditions
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1 requises à l'industrialisation ont été mises en place.
2 Q. Qu'en est-il des définitions à Nacertanije ? Est-ce que cela est resté
3 inchangé au XIXe et XXe siècle ?
4 R. Les objectifs étaient les mêmes, autrement dit, celle de la libération
5 était en cause et l'idée de ce qui allait advenir après la libération.
6 C'était certainement un sujet de préoccupation de la politique qui était
7 menée à l'époque. Néanmoins, il y a eu un changement au niveau des atouts
8 de ce pays. Urquhart a suggéré que la Serbie s'accorde avec la Sublime
9 Porte, autrement dit, le gouvernement turc aux fins de pouvoir trouver une
10 solution de cette manière-là. Bien évidemment, la Turquie ne souhaitait
11 jamais être d'accord sur la libération totale de la Serbie. Ceci devait
12 être obtenu au moyen des armes.
13 En 1862, lorsque Garasanin était premier ministre sous le prince
14 Mihailo Obrenovic, le premier emprunt a été obtenu de la Grande-Bretagne,
15 assorti de garanties fournies par la Russie. D'une manière ou d'une autre,
16 les grandes puissances qui, par ailleurs, ne voyaient pas la Serbie d'un
17 très bon œil, attendaient de voir ce qui allait arriver. Ces trois guerres
18 qui ont été menées par la Serbie à partir de 1878, ces guerres étaient des
19 guerres de libération -- les trois guerres étaient des guerres de
20 libération.
21 Q. Ce crédit, cet emprunt était aux fins d'armer la Serbie, n'est-ce pas,
22 cet emprunt accordé par la Grande-Bretagne ?
23 R. C'est exact.
24 Q. Celui dont vous parlez qui était assorti de garanties russes. Et qu'en
25 est-il des guerres menées par la Serbie au cours de la deuxième moitié du
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1 XIXe siècle et au début du XXe ?
2 R. Et bien, voyez-vous --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
4 M. NICE : [interprétation] J'hésite à interrompre, mais la déposition de ce
5 témoin a été autorisée, souvenez-vous, alors que nous nous y opposions, car
6 il parlait de la Grande Serbie. La position eu égard la Grande Serbie a été
7 clairement définie par rapport au témoin précédent. Avec tout le respect
8 que je vous dois, je me demande si cela a une quelconque pertinence que de
9 parler en détail du XIXe siècle. Je crois que nous répétons maintenant ce
10 qu'a dit le témoin précédent.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, s'il s'agit ici
12 de présenter des éléments cumulatifs, des éléments de preuve cumulatifs, il
13 s'agit de répéter un témoignage déjà fait sur la question de la Grande
14 Serbie, la Chambre de première instance va devoir examiner ce point et
15 savoir si elle est disposée à entendre des éléments sur ce sujet. Moi, je
16 croyais que ce témoin, qui était un économiste, allait se concentrer sur
17 des questions purement économiques. Personnellement, je ne souhaite plus
18 rien entendre au sujet de l'histoire de tout ceci. Nous en avons entendu
19 suffisamment, je crois.
20 Donc, je souhaite entendre et savoir de vous ce sur quoi ce témoin va
21 témoigner.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il va témoigner précisément sur le contenu de
23 son rapport. Et dans la deuxième partie, étant donné que ce témoin est un
24 des auteurs du mémorandum, je veux lui poser un certain nombre de questions
25 portant sur le mémorandum, car ces questions ont été soulevées par M. Nice,
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1 à propos d'un des auteurs du mémorandum, autrement dit, l'académicien
2 Markovic, ceci au cours de l'interrogatoire de l'académicien Markovic.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, nous
5 pouvons entendre son témoignage à propos du mémorandum, étant donné qu'il y
6 a eu un contre-interrogatoire sur ce sujet. Mais, nous ne voulons plus rien
7 entendre à propos de l'histoire. Nous avons eu suffisamment d'éléments
8 présentés à cet égard, à moins que cela ne soit quelque chose qui porte sur
9 un élément dont il aurait une connaissance particulière eu égard à sa
10 formation. Mais de façon générale, je crois que nous avons entendu
11 suffisamment d'éléments historiques dans ce cas.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de poser des questions
13 à l'académicien Mihailovic sur des questions historiques. L'académicien
14 Popov en a parlé suffisamment.
15 Mais au cours du contre-interrogatoire de M. Markovic, un livre a été
16 présenté, rédigé précisément par les professeurs Mihailovic et Krestic,
17 portant sur le mémorandum présenté par l'Académie des sciences et des arts
18 serbe en réponse à des critiques qui avaient été faites. D250.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous y avez fait référence.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le professeur, en même temps que l'académicien
21 Krestic, est l'auteur de cet ouvrage, et c'est ce que M. Nice a utilisé.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Monsieur le Professeur, avant de vous poser une question, je vais tout
24 d'abord citer, très brièvement, un extrait de votre rapport, à la page 19.
25 Et pour vous, il s'agit de la page 15 du texte traduit.
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1 Vous dites que : "Les hommes politiques serbes n'avaient pas réfléchi
2 aux conséquences économiques d'une unification pour ce qui est du
3 développement de la Serbie. Il est possible qu'ils n'aient pas une telle
4 connaissance."
5 La citation se termine par ces termes : "Il n'est donc pas surprenant de
6 constater que les hommes politiques serbes n'avaient pas conscience de cela
7 en 1919, et par conséquent, n'ont pas déduit les conséquences adéquates.
8 Les statistiques régionales éparses n'ont pas pu montrer de quelle manière
9 chaque région de Yougoslavie s'était développée."
10 Ma question porte sur ceci : quel est votre argument pour dire que la
11 Serbie ne connaissait pas les relations économiques avec - quelles seraient
12 ses relations économiques lors de la création de la Yougoslavie ?
13 R. La théorie macroéconomique -- sont des données récentes. Il s'agit là
14 de l'émergence de cette discipline. Même les pays développés n'avaient pas
15 de réponses à cette question.
16 Je vais attirer votre attention sur les notes en bas de page. Lors d'une
17 réunion d'Association économique internationale, deux économistes très
18 célèbres à l'époque, spécialistes du développement régional, ont exposé
19 leurs thèses. Ils ont parlé de l'unification de l'Italie qui a été fatale,
20 sur un plan économique, pour le sud de l'Italie. Il s'agissait là de
21 connotations politiques assez embarrassantes, néanmoins, ils ont fourni une
22 explication économique fort rationnelle. Je ne pense pas que les hommes
23 politiques serbes avaient connaissance de ces éléments-là, ceux qui
24 prenaient les décisions. Quand bien même, ils avaient ce type de
25 connaissance à leur disposition, je crois que la priorité pour eux était de
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1 faire en sorte que la Serbie soit réunie avec les autres peuples, à savoir,
2 il s'agissait véritablement d'une priorité politique. Cela ne faisait pas
3 l'ombre d'un doute.
4 Quand bien même, elle avait quelques doutes quant au type d'entité qui
5 allait émerger, elle aurait, de toute façon, opté en faveur de la
6 Yougoslavie.
7 Q. Nous allons maintenant parler de la période entre les deux guerres. Le
8 niveau de développement économique de la Serbie porte sur les conditions
9 économiques entre les deux guerres donc quelque chose que vous connaissez.
10 Donc, le niveau du développement économique de la Serbie et les structures
11 économiques du pays, à cette époque-là, y avait-il un quelconque fondement
12 pour la domination économique de la Yougoslavie, ou domination de la
13 Yougoslavie en général ?
14 R. Cela n'aurait jamais pu être le cas. Dans les instituts économiques,
15 nous étudions cette période de l'entre-deux-guerres, car il y avait
16 énormément de spéculations au plan économique. Nous avons analysé toutes
17 ces thèses et nous avons expliqué qu'il fallait rétablir notre taux de
18 croissance entre les deux guerres et les investissements par tête
19 d'habitants entre les deux guerres et dans les différentes républiques.
20 Les statistiques régionales ont établi que la Serbie était à un niveau de
21 sous développement et qu'il fallait, par conséquent, s'adapter à de
22 nouvelles divisions administratives. Le pays avait été divisé en
23 "banovinas". La seule source d'information fiable sur les investissements
24 était les statistiques fournies par le secteur industriel en 1938, et ces
25 statistiques étaient conformes au nouveau découpage administratif. Après la
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1 Deuxième guerre mondiale, cela est devenu possible de faire augmenter
2 l'investissement par tête d'habitants dans les différentes républiques.
3 Ensuite, il est apparu clairement que la Slovénie et la Croatie avaient des
4 investissements qui étaient bien au-delà de la moyenne, en particulier la
5 Slovénie, et la Serbie n'était même pas encore arrivée à cette moyenne.
6 Cela est un des volets de la question.
7 Deuxièmement, la Serbie avait des relations commerciales défavorables à
8 l'intérieur même du pays, car la Serbie fournissait des produits bruts aux
9 autres régions ainsi que des produits agricoles. Leurs prix avaient chuté
10 et ils subissaient l'influence des prix à l'étranger, alors que les
11 secteurs qui étaient industrialisés, par exemple, le traitement, la
12 fabrication, la Slovénie et la Croatie encore une fois, ceux-ci
13 bénéficiaient des avantages de la protection tarifaire. Par conséquent, ils
14 avaient ces différents avantages.
15 J'aimerais également préciser que nos recherches ont démontré que le taux
16 de croissance entre 1923 et 1938 en Yougoslavie était au niveau zéro. Quoi
17 qu'il en soit, cela n'était pas très positif, car les conditions sociales
18 se sont détériorées à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvions
19 pas analyser les républiques individuellement dans leur développement, mais
20 cela semblait tout à fait évident lorsqu'on regardait ces chiffres qui
21 étaient liés à l'investissement. Il n'y avait que ces deux républiques qui
22 ont réussi à se développer au plan économique entre les deux guerres, ce
23 qui est tout à fait normal étant donné que c'est ainsi que fonctionnent les
24 systèmes de marché. Gojko Grdjic et d'autres personnes en ont parlé.
25 Il y avait des différences entre les régions développées et des régions
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1 sous-développées, et ce fossé ne faisait que s'accroître.
2 Q. Monsieur le Professeur, le système économique avait existé entre les
3 deux guerres en Yougoslavie. Ce système, avait-il une incidence directe sur
4 le développement de régions, au plan individuel, ou était-il possible
5 d'avoir une politique de développement qui aurait favorisé la Serbie et
6 assurer sa domination au plan économique ?
7 R. Ceci était tout à fait impossible, car le système économique ne le
8 permettait pas. L'Etat n'avait aucun moyen entre les mains qui lui aurait
9 permis de modifier la structure existante de son marché. Le marché
10 fonctionnait comme il fonctionnait à l'époque, et ne faisait que creuser le
11 fossé davantage. Il y avait ceux qui étaient des régions développées et qui
12 avaient un avantage certain sur les autres et ne faisaient qu'accroître cet
13 avantage.
14 La Yougoslavie, de par son histoire, avait subi deux occupations. Il y
15 avait une différence notable entre les régions du nord sous l'Empire
16 austro-hongrois et la partie sud qui avait été sous domination turque.
17 Q. Monsieur le Professeur, dans votre rapport écrit, vous avez consacré un
18 nombre de pages à Rudolf Bicanic, qui représente le fondement économique de
19 la question croate, et la réaction des économistes serbes à cet ouvrage.
20 Pourquoi avez-vous consacré tant de pages à cette polémique ? Était-ce la
21 seule polémique qui faisait rage à l'époque ?
22 R. Non, pas seulement au cours de ces années-là. Ceci est lié à votre
23 question précédente. Quelle connaissance les gens avaient-ils lorsque la
24 Yougoslavie était sur le point d'être créée ? Quel type de relations
25 commerciales y aurait-il à l'avenir ?
Page 34672
1 Donc, il n'y avait aucun débat au niveau macroéconomique. En 1938, le livre
2 de Bicanic a été publié. Bien évidemment, il s'agit là d'un ouvrage écrit
3 par un idéologue politique, donc sous-tend une thèse. Le dirigeant du Parti
4 des agriculteurs croates a clairement démontré, dans sa préface, et c'était
5 l'élément essentiel de sa thèse, que la Croatie était exploitée par la
6 Yougoslavie. Il demandait à Bicanic de confirmer cela. C'est la raison pour
7 laquelle il a fait cela, mais la réalité était tout autre. D'après ce que
8 disait Macek, il devait proposer un certain nombre de choses nouvelles et
9 il fallait procéder à des réajustements importants pour pouvoir justifier
10 sa thèse.
11 Q. J'aimerais vous dire que ceci est à partir de la page 22 de votre
12 rapport, et dans le texte anglais, à partir de la page 18. A partir du
13 début, ou plutôt du milieu du premier paragraphe, il est expliqué que, deux
14 décennies après la réunification -- l'unification, c'était la tâche
15 politique qui lui avait été donnée, aux fins de réaliser ceci.
16 R. Monsieur le Président, puis-je ajouter quelque chose ? La réaction
17 serbe était une réaction de la part de personnes qui étaient très informées
18 et qui avaient les différents éléments. C'étaient des gens qui
19 connaissaient fort bien le sujet, puisqu'il s'agissait des professeurs
20 d'université et des personnes qui travaillaient au sein du gouvernement et
21 qui connaissaient les faits. Par conséquent, il y a ici le raisonnement
22 politique d'une part, et une réponse purement universitaire et scientifique
23 qui se rejoignent.
24 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Professeur. Quelle était la plateforme
25 idéologique à propos des relations interethniques du Parti communiste après
Page 34673
1 la Deuxième guerre mondiale ? Je souhaite attirer votre attention sur le
2 fait que vous en parlez à la page 40; dans la version anglaise, pages 42 et
3 43.
4 R. Le Parti communiste avait déjà fait part de ses idées -- présenté ses
5 positions entre les deux guerres. Ce point de vue avait été formulé suite à
6 l'influence du Comintern et des relations entre la Yougoslavie et l'Union
7 soviétique. Tout le monde savait que les Yougoslaves acceptaient les
8 émigrés russes à très grande échelle, provoquant ainsi une désaffection en
9 l'Union soviétique, et ceci a eu une très grande incidence sur les
10 attitudes du Parti communiste vis-à-vis de la Yougoslavie. Cette attitude
11 vis-à-vis de la Russie, de l'Union soviétique, était liée à la cour de
12 Karadjordjevic, qui avait des liens avec le tsar russe. C'est ce qui a
13 donné lieu à la désaffection des Serbes et des cadres serbes.
14 D'autre part, la classe ouvrière entre les deux guerres en Yougoslavie
15 était assez petite. C'est pour cette raison qu'elle n'était pas en mesure
16 de servir de plateforme au Parti communiste. Le Parti communiste, par
17 conséquent, a utilisé les tensions interethniques en grande partie, en se
18 reposant sur la thèse d'une Grande Serbie, ce qui a conduit le Parti
19 communiste à considérer que la Yougoslavie était, en fait, une construction
20 artificielle, ce qui a été corroboré par les partis de droite en Croatie.
21 Néanmoins, le Parti communiste n'a pu exercer aucune influence entre les
22 deux guerres en Yougoslavie. Néanmoins, le Parti communiste a établi sa
23 présence en Yougoslavie avec le même support idéologique et les mêmes
24 préjudices. Par conséquent, le mythe de la Grande Serbie, l'hégémonie,
25 prévalait toujours et constituait la plateforme idéologique qui définissait
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1 les relations interethniques.
2 Q. Monsieur le Professeur, à la page 40, qui correspond aux pages 32 et 33
3 en anglais, vous dites qu'Andrija Hebrang, alors à la tête de la commission
4 de planification de la fédération, qui était le centre de prises de
5 décisions à l'époque, a dit que : "Ce plan de cinq ans correspond à la
6 concrétisation du gouvernement fédéral de la politique économique et au
7 plan national. La fraternité et l'unité serait une coquille vide si le plan
8 ne tenait pas compte des différences culturelles et les niveaux de
9 développement différents des républiques respectives."
10 Il poursuit en disant que : "L'ancienne Yougoslavie était
11 différente. C'est la cadence de développement au niveau de la productivité
12 industrielle dans les différents pays en accord avec la politique de
13 pression nationale qui a mené à cette idée de la bourgeoisie, qui a donné
14 naissance à la grande bourgeoisie serbe.
15 Ceci est-il fondé sur des faits ou sur des estimations des thèses
16 économiques ?
17 R. Non, je n'ai jamais abordé cette question. Entre les deux guerres, nous
18 avions un niveau de développement au-dessus de la moyenne. C'était la
19 Croatie et la Slovénie. Ceci était lié au niveau d'investissement. Les
20 thèses avancées par le Parti communisme étaient des thèses qui ont été
21 reprises par la suite, car c'est cela -- ils avaient parti de l'opposition,
22 et avaient une coalition avec le Parti des agriculteurs croates. Par
23 conséquent, ils ont repris la thèse de Bicanic. C'est avec ces mêmes
24 préjudices qu'ils sont venus sur la scène politique. Il ne s'agit pas ici
25 d'un cas isolé ou d'un fait isolé.
Page 34675
1 Il ne s'agit pas ici d'une -- c'est vrai qu'il n'y a aucun fondement
2 à cette politique revancharde.
3 Q. Monsieur le Professeur, à l'intercalaire numéro 6 de ces pièces, on
4 constate qu'il y a une réunion entre les délégués croates et Tito, le 1er
5 décembre 1943, pendant la guerre. Que nous montre ce document ?
6 R. Ce document nous montre qu'il y a eu une coalition qui avait été formée
7 entre la Slovénie et la Croatie.
8 Q. Je vais maintenant attirer votre attention à la page 254 de ce même
9 document, au deuxième paragraphe, en laissant de côté le paragraphe. On
10 précise qu'il y a coopération entre les Slovènes et les Croates. Et plus
11 tard, le commandant Sasa -- le camarade Sasa suggère que les Slovènes ont
12 une délégation permanente auprès des Croates et vice versa. Le camarade
13 Tito a accueilli cette proposition, et cetera, et cetera.
14 R. Oui, c'était Marijan Breze [phon], qui était un membre du Front de
15 libération slovène, qui a dressé le procès-verbal de cette réunion, les a
16 remis à l'historien Mestrovic, et il a incorporé ceci dans son ouvrage
17 lorsqu'il l'a reçu. Tito parlait de la nécessité qu'il y avait de resserrer
18 les liens entre les Slovènes et les Croates -- entre la Slovénie et la
19 Croatie. Un homme de lettres très célèbre à l'époque, Vidun, a dit que
20 cette proposition devrait être -- on devrait la concrétiser en nommant un
21 représentant de chaque nation. Tito a répondu en disant que ceci devait
22 être mis en œuvre le plus rapidement possible.
23 Je pense qu'il s'agissait là du début d'une coalition qui devait durer mais
24 qui devait devenir le maillon essentiel de quelque chose qui allait
25 s'étendre plus tard en Yougoslavie.
Page 34676
1 Q. Monsieur le Professeur, l'idée de la domination politique de la
2 Slovénie et de la Croatie, est-ce qu'il y avait des adeptes de cette
3 question à l'étranger ?
4 R. C'est une question intéressante. Car je viens de parler de
5 l'implication du Comintern. Dans la politique du personnel, on considérait
6 lorsque Simo Markovic a été remplacé. C'était un mathématicien, un
7 professeur de l'université, un Serbe. Josip Broz a été nommé pour le
8 remplacer secrétaire général au parti. C'était un Croate. Nous savons ce
9 que cela signifie, lorsque la domination du secrétaire général a une
10 incidence sur l'orientation que poursuit une organisation. Il était en
11 mesure de mettre en place sa propre politique et de l'orienter à la manière
12 dont il le souhaitait.
13 Néanmoins, il était intéressant de constater que pendant la Première guerre
14 mondiale, en Angleterre, Seton-Watson, qui était un journaliste, qui était
15 considéré comme étant un homme qui connaissait très bien la situation dans
16 les Balkans et qui a été utilisé par le gouvernement britannique comme
17 expert sur toutes ces questions-là, lors de cette réunion d'hommes érudits
18 que nous avons eue il y a quelques années, a dans son -- dans le document
19 rédigé par
20 M. Stenton, il a été dit qu'il avait envoyé -- rédigé un mémorandum à
21 l'intention du gouvernement britannique en 1915, en prenant la création de
22 la Yougoslavie, et ce, sous la direction de la Slovénie et de la Croatie.
23 Si on suit un petit peu la situation, si on voit ce qui s'est passé entre
24 les deux guerres, on peut voir que cela était assez intéressant. Si l'on
25 lit Bicanic, on peut constater que le concept était en train d'émerger.
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1 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Professeur. Messieurs, il s'agit de
2 l'intercalaire 19. Le professeur a réussi à apporter la version anglaise de
3 cette étude faite par l'Académie serbe des sciences et des arts, et ce
4 n'est qu'aujourd'hui que nous avons pu faire des copies. Cela a été publié,
5 disais-je, par l'Académie serbe des sciences et des arts, pour ce qui
6 concerne cette réunion,
7 octobre 1992. L'article de Michael Stenton, qui parle de la Grande Serbie
8 aux yeux des Britanniques, cela se retrouve en page 107. Etant donné
9 qu'ici, il s'agit de la totalité de ce qui s'est dit à cette réunion
10 scientifique, et que cela a été traduit et imprimé, je vous demanderais de
11 verser cela dans son intégralité au dossier, car il y a là les exposés d'un
12 très grand nombre d'experts d'hommes de sciences au niveau international.
13 M. NICE : [interprétation] Je crois que ceci nous conduit à certains
14 problèmes et soulève bon nombre d'autres questions, parce que si nous
15 réunissions tous les documents de travail de symposium ou d'une conférence
16 internationale, cela nous prendrait trop de temps pour ce qui est du
17 contre-interrogatoire. Je vois ici l'index des noms des intervenants. Il y
18 a des noms familiers. M. Popov, page 250; M. Terzic en page 181; M.
19 Ekmecic, en page 11.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il nous a demandé le versement du
21 document tout entier.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai demandé de verser au dossier le
23 document tout entier. C'est la première occasion, grâce au Pr Mihailovic du
24 reste, que nous avons cette première occasion d'avoir en main des versions
25 anglaises d'une réunion scientifique. Je crois que cela importe beaucoup
Page 34678
1 pour mieux comprendre les choses. Cela s'est tenu en l'an 2002.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons d'abord voir quel est
3 l'usage que vous allez en faire avant que de nous pencher sur cette
4 question.
5 M. NICE : [interprétation] Je vais maintenir ma position. Je m'oppose au
6 versement, mais je me conformerai à la décision de la Chambre.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est du Pr Mihailovic, je précise
8 qu'il est économiste. Il n'a fait que citer l'article de Michael Stenton.
9 Je ne vais pas maintenant lui demander ou me servir de lui comme témoin
10 pour qu'il nous reprenne les exposés des historiens et autres experts des
11 autres domaines, j'entends. Mais c'est utile pour mieux comprendre les
12 choses. Etant donné qu'il s'agit là d'une rencontre internationale très
13 importante, j'estime qu'il revêt de l'intérêt de prendre ces exposés dans
14 leur totalité pour en faire une pièce à conviction.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, utiliser ce
16 document, et nous allons en décider ultérieurement. Je crois que c'est le
17 meilleur des enseignements que nous pourrions en tirer.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
19 Q. Vous avez parlé de l'article de Michael Stenton où il est question de
20 ces efforts déployés par Seton-Watson et des préoccupations exprimées pour
21 ce qui est d'une prédominance de l'ouest à l'égard de l'est, Professeur,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Maintenant, ne pensez-vous pas nécessaire de mentionner certains
25 éléments qu'il conviendrait de souligner du point de vue économique pour ce
Page 34679
1 qui est de l'utilisation de ce document ?
2 R. Voyez-vous, il a été question en long et en large d'une étude de la
3 matière. Je ne vais pas me référer de façon critique à ce qu'ont dit les
4 historiens, ce n'est pas là mon domaine d'intervention. Mais j'estime que
5 ce sont là des gens qui sont très grands connaisseurs de leurs domaines
6 respectifs. Ce sont des personnes compétentes. Leurs positions et leurs
7 études méritent toute l'attention possible.
8 Q. Cette opinion que nous avons commentée tout à l'heure concernant la
9 politique Grand Serbe, était en corrélation avec la politique du Parti
10 communiste de Yougoslavie. Le tout n'a-t-il pas eu une influence, petite,
11 grande, moyenne ? Enfin, dites-nous quel type d'influence cela a eu à
12 l'égard des options à faire pour ce qui est du développement accéléré ou
13 ralenti de la Serbie.
14 R. Je crois que cela a été déterminant pour ce qui est de la mise en œuvre
15 d'une idéologie qui a permis la domination à l'égard de la Serbie,
16 domination autant politique qu'économique, qui était évidente. Je crois que
17 le développement tout entier, l'essor de la Yougoslavie après la Deuxième
18 guerre mondiale, s'est fait sous le signe de la domination politique et
19 économique de la Croatie et de la Slovénie, grâce notamment à leurs
20 positions, les positions qu'ils occupaient au centre de pouvoir politique.
21 On a longtemps parlé de centralisme, mais ce centralisme a toujours été
22 placé en corrélation avec la Serbie. En réalité, ce centralisme en
23 Yougoslavie avait un nom et prénom. Voyez-vous, dans un état où régnait --
24 dans un état de parti d'abord, où il y avait une organisation hiérarchique
25 des plus stricte avec un centre politique très puissant, au milieu de ce
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1 centre, il y avait une hiérarchie déterminée. En termes concrets, cela
2 avait pris les traits du visage de Tito et de Kardelj, qui étaient des
3 révolutionnaires venus de Russie et qui, en quelque sorte, ont occupé une
4 position privilégiée vis-à-vis des cadres du terroir, à savoir, du pays.
5 C'est eux qui ont été les initiateurs de la politique menée en Yougoslavie,
6 et ils étaient les arbitres absolus sur toutes questions.
7 Q. Professeur, nous avons vu votre biographie, et nous savons que vous
8 avez été directeur de l'institut d'économie. En quelque sorte, vous êtes
9 participant à tous ces événements, à ces événements de l'époque. Vous avez
10 notamment traité, sur un plan professionnel, de ces questions économiques.
11 Dites-nous, comment se peut-il, en votre qualité de directeur de cet
12 institut d'économie, comment se fait-il que les hommes politiques de Serbie
13 aient accepté une option dans laquelle la Serbie aurait un développement
14 ralenti par rapport à celui des autres, alors que son niveau de
15 développement était en dessous de la moyenne, chose que vous avez constatée
16 tout à l'heure ? Là, c'est un fait matériel. L'économie de la Serbie se
17 trouvait en dessous de la moyenne yougoslave, et officiellement, l'on mène
18 une politique de développement ralenti de la Serbie au sein de la
19 Yougoslavie. Cela n'est pas dissimulé; c'est contenu dans des documents.
20 Comment se peut-il que les hommes politiques de Serbie aient accepté une
21 approche de cette nature ?
22 R. Voyez-vous, il y avait cette ligne dite du parti, et il n'était pas du
23 tout aisé de s'opposer à la ligne du parti. Ceux qui le faisaient tout de
24 même, devaient assumer toutes les conséquences à leur égard. Tout d'abord,
25 il y a eu des tentatives du côté serbe au tout début. J'ai fourni ici un
Page 34681
1 document.
2 Q. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit de l'intercalaire 4,
3 Blagoje Neskovic, qui était chef du parti en Serbie à l'époque. Il s'est vu
4 critiqué de façon virulente, puis révoqué. Cela figure ici à l'intercalaire
5 4, recueil thématique de documents, et il y a là des procès.
6 R. Milovan Djilas avait été chargé de rédiger le procès-verbal. On voit
7 clairement ici, que c'est à l'occasion de l'adoption du plan quinquennal,
8 lorsqu'il s'agissait d'opter en faveur de telle ou telle option, avant
9 cette réunion, il y a eu un conflit entre Blagoje Neskovic et Boris Kidric.
10 Blagoje Neskovic, comme l'a dit Kardelj à l'occasion de la réunion, aurait
11 dit que cela n'était pas leur plan, ce n'était pas le nôtre, afin
12 d'indiquer que la Serbie n'a pas du tout participé à l'adoption de ce plan
13 quinquennal du tout.
14 Q. Soyons plus brefs.
15 R. Cela a fait l'objet de critiques.
16 Un autre élément est survenu, à savoir, d'accuser la Serbie pour ce
17 qui est du rachat des biens agricoles. On a dit que cela n'était pas fait
18 dans une mesure suffisante, alors que la Serbie a été exposée aux pressions
19 les plus grandes pour répondre à la demande. Blagoje Neskovic a été révoqué
20 au bout d'un certain temps, et les autres cadres en ont tiré la leçon qu'il
21 fallait. Cela s'est reproduit par la suite.
22 L'explication est la suivante : Tito et Kardelj avaient absolument la
23 possibilité de placer dans chaque république, une équipe au pouvoir qui
24 leur convenait pour qu'ils appliquent les lignes politiques qui étaient les
25 leurs.
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1 Q. Professeur, en page 49 de votre rapport, et je me réfère notamment aux
2 pages 40 et 41 de la version anglaise, vous nous dites, je cite maintenant,
3 en haut de la page 49, on dit que : "La Serbie était dans une position
4 politique et économique subordonnée. Cela a été indiqué par Lazar
5 Kolisevski, le leader du Parti communiste de Macédoine, qui a publiquement
6 communiqué et exposé un slogan 'Une Serbie faible égale une Yougoslavie
7 forte,' qui a été l'idée directrice de la politique anti-serbe et de la
8 coalition anti-serbe conduite par la Slovénie et la Croatie."
9 Stane Kavcic a indiqué dans son journal entre autres, en 1986, le
10 fait que la politique d'une Serbie faible et d'une Yougoslavie forte avait
11 été brisée, parce que "Les temps où les hommes politiques slovènes avec
12 Kardelj à leur tête et avec l'aide de Tito, éliminaient certains hommes
13 politiques opposés à eux-mêmes comme bon leur semblait, étaient révolus."
14 Comment expliquez-vous cette syntagme ou ce slogan ? Pour qu'il n'y ait pas
15 de malentendu, Lazar Kolisevski a critiqué ce slogan. Mais c'est lui qui,
16 comment dirais-je, l'a rendu public pour indiquer la politique qui était
17 mise en œuvre.
18 R. Oui.
19 Q. Comment expliquez-vous ce slogan : "Serbie faible, Yougoslavie forte,"
20 et combien cela exprime-t-il les relations -- dans quelle mesure cela
21 exprime-t-il les relations politique et économique au sein de la
22 Yougoslavie ?
23 R. Je dirais qu'il s'agissait là d'une idée maîtresse cynique de la
24 politique à l'égard de la Serbie dans cette Yougoslavie d'après-guerre.
25 Cela ne pouvait avoir qu'une seule signification, à savoir, maintenir la
Page 34683
1 Serbie sous contrôle politique et économique, la rendre faible afin qu'elle
2 ne puisse pas réagir afin de faire en sorte que les autres puissent
3 réaliser leur domination. Il n'y a pas d'autres significations. Il ne peut
4 pas y avoir d'autres significations.
5 Q. Merci, Professeur. Vous êtes un expert en matière de développement
6 régional. C'est là votre spécialité au sens restreint du terme. Quels
7 étaient les objectifs de la politique du développement régional ? Soyez
8 bref.
9 R. Les objectifs étaient très nobles. Il y avait des idées de réalisation
10 de l'égalité, des chances égales pour tout un chacun et diminution des
11 différences entre les républiques. Je dirais même que les hommes politiques
12 slovènes -- et l'un des leaders slovènes, Kidric, a défini cela même avant
13 l'adoption du plan quinquennal de 1946, lorsqu'il a dit que toutes les
14 républiques allaient s'industrialiser et accéder à un niveau de
15 développement industriel accru, mais que les moins développées allaient
16 connaître un taux de croissance plus rapide et qu'elles allaient rattraper,
17 puis dépasser les républiques développées.
18 Cependant, ce qui s'est passé, c'est tout à fait le contraire, à savoir --
19 et je dirais que cette politique se trouvait être définie non seulement au
20 sein du premier plan quinquennal, mais cela était repris comme un refrain
21 dans tous les plans quinquennaux qui ont suivi, indépendamment du fait
22 d'avoir assisté à des tendances évidentes qui témoignaient de
23 l'approfondissement de l'écart de développement. Ce qui fait que nous avons
24 assisté à une pratique qui était tout à fait opposée aux objectifs, les
25 objectifs consistant à diminuer les différences et les écarts -- les
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1 fossés. Il y a eu création d'un fossé de plus en plus grand entre la
2 Slovénie et la Croatie d'un côté, et les autres républiques de l'autre
3 côté. La Slovénie, sous la Yougoslavie, a connu un niveau de développement
4 de plus de 9 000 $ de revenus par tête d'habitant. Cela n'a pas été réalisé
5 depuis sa sécession. Cela a été réalisé, par contre, au sein de la
6 Yougoslavie.
7 Q. Professeur, y a-t-il eu des tentatives de détermination de la position
8 de toutes les nations -- de tous les groupes ethniques en Yougoslavie,
9 indépendamment de l'emplacement de ces groupes ethniques au sein de la
10 Yougoslavie ? J'attire votre attention, en passant, sur le fait que
11 l'intercalaire 2 comporte un tableau, pour ce qui est de la participation
12 des investissements bruts des différentes républiques au sein de la RSFY,
13 et quoique n'étant pas traduit, ce tableau en dit long par lui-même.
14 Puisqu'il s'agit de chiffres, je crois que les choses seront
15 comprises. Il n'y a rien à traduire au niveau des chiffres. Il y a peut-
16 être le texte à traduire au-dessus. Je vous ai donné la traduction de ce
17 qui se trouve en intitulé. Professeur, veuillez vous pencher sur ce tableau
18 qui figure à l'intercalaire 2. On y voit, qu'en 1959 seulement, et en 1968,
19 dans cette colonne, parce qu'on compare deux colonnes, il y a les
20 investissements sociaux, et dans l'autre colonne, il y a la population.
21 Pendant ces deux années-là, comme je l'ai dit, les investissements en
22 Serbie -- les investissements sociaux en Serbie se trouvent être quelque
23 peu plus grands que sa participation ou son pourcentage dans la population.
24 Toutes les autres années, les investissements sont inférieurs par rapport à
25 sa participation ou son pourcentage dans la population. C'est toujours 41 %
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1 et quelques, pour ce qui est de la Serbie, de sa population, alors que les
2 investissements sociaux se trouvent très, très en dessous de ceci. Chez les
3 autres républiques, notamment pour ce qui est des deux dont vous avez parlé
4 tout à l'heure, les résultats sont tout à fait autre.
5 En d'autres termes, y a-t-il eu des tentatives de détermination de la
6 position occupée par les uns et par les autres, indépendamment de la
7 république où les groupes ethniques vivaient ?
8 R. Je vais vous répondre à cette question. Mais si Monsieur le Président
9 de la Chambre veut bien le permettre, j'aimerais faire un petit commentaire
10 au sujet de ce que M. Milosevic vient de nous dire.
11 Dans le premier plan quinquennal, on avait prévu un développement des plus
12 ralentis de la Slovénie, parce que c'était là la république la plus
13 développée, et il fallait que son taux de croissance soit le plus petit.
14 Or, si vous vous penchez sur la première année, 1947, la date de
15 l'application de ce plan, il s'agit de 9 % de la population yougoslave, et
16 la participation, pour ce qui est des investissements sociaux, est de 12 %,
17 ce qui fait qu'elle avait de 50, 60 ou 70 % de participation plus grande
18 aux investissements que les autres.
19 Ce que j'essaie de dire, en d'autres termes, c'est qu'il y avait un écart
20 total entre le plan, qui constituait un document dénué de responsabilité
21 aucune, et les mesures et les moyens entrepris pour créer et réaliser des
22 objectifs complètement autre. Ce ne sont pas les objectifs qui ont créé les
23 moyens, c'est les moyens qui ont créé des objectifs -- qui ont été mis en
24 œuvre pour atteindre certains objectifs.
25 Ici, il s'agit, de façon évidente, d'une tentative qui visait à
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1 déterminer comment les groupes ethniques, indépendamment des frontières,
2 comment, à première vue, chose tout à fait dénuée de sens, comment, au
3 début de cette décennie-là, il a été procédé à la rédaction des
4 statistiques. L'on a procédé à des calculs de revenus sociaux réalisés par
5 municipalité. J'ai soumis la totalité des résultats à des contrôles
6 économiques logiques, et ces contrôles ont conduit à des résultats des plus
7 satisfaisants. Voilà à quoi cela se traduit. Au niveau des municipalités,
8 on ne pouvait pas voir de grosses différences entre les groupes ethniques,
9 alors j'ai pris en considération les différents groupes ethniques au niveau
10 des municipalités. J'ai accumulé les données pour en arriver à
11 l'établissement d'un tableau qui figure en page 79. C'est le tableau où il
12 peut être constaté comment les groupes ethniques ont vécu dans certaines
13 républiques, quelle était leur qualité de vie. C'est ce qui peut être
14 retrouvé en page 69 de la version anglaise, ce tableau-là.
15 Cela montre que les Serbes avaient un revenu national à 95 % donc à 5
16 % de moins que ne l'était la moyenne yougoslave. Et que la Vojvodine, par
17 exemple, certaines minorités nationales, comme les Hongrois, avaient un
18 revenu par tête d'habitant supérieur à celui des Serbes, et ainsi de suite,
19 et ainsi de suite.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Professeur. Monsieur
21 Milosevic.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Professeur, vous nous avez cité Fred Singleton. Vous avez cela à
24 l'intercalaire numéro 7. Il me semble que -- enfin, laissez-moi vérifier.
25 Je crois que c'est bien à l'intercalaire 7. Il s'agit seulement d'une page
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1 de garde en allemand seulement, mais l'intérieur est en anglais. Donc,
2 tournez la page de garde et vous allez voir, "Le Fondement économique des
3 tensions existant entre les groupes ethniques en Yougoslavie," Fred B.
4 Singleton. Vous avez donné citation de cet ouvrage -- de cet article. A ce
5 sujet, j'aimerais vous demander ce qui suit : quelle est l'influence des
6 écarts économiques entre les groupes ethniques sur le démantèlement de la
7 Yougoslavie ? En page 52 de votre rapport, page 43 en version anglaise,
8 vous citez le texte qui figure à l'intercalaire 7 ici, à savoir son texte
9 qui dit : "Les chiffres nous montrent que la Slovénie et la Croatie, au
10 cours des 25 années écoulées, ont toujours augmenté leur revenu national
11 par tête d'habitant ainsi que leur position vis-à-vis des républiques moins
12 développées." Cette appréciation doit être assortie d'un fait, à savoir que
13 cette tendance ait continué jusqu'au démantèlement de cet Etat commun.
14 C'est ce qu'il a conclu au bout de sa phase d'observation qui s'étire sur
15 25 ans.
16 Donc, quelle est l'influence de ces écarts économiques sur le
17 démantèlement de la Yougoslavie ?
18 R. Et bien, j'estime que cette influence est très grande. Bien entendu,
19 bon nombre d'autres facteurs ont influé sur le démantèlement de la
20 Yougoslavie, mais il est certain que ces grandes différences économiques
21 ont beaucoup influé. Notamment, parce que certaines républiques se sont
22 dissociées. Celles qui étaient les plus développées étaient celles qui
23 étaient titulaires des idées de séparatisme. Cela n'avait rien de
24 spécifique à la Yougoslavie cela. Vous avez, de nos jours, un phénomène qui
25 est présent ailleurs, à savoir que les régions développées cherchent à se
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1 rattacher à d'autres économies développées en délaissant le développement
2 du réseau des relations économiques au sein de chacune des républiques.
3 Cela était le cas non seulement dans la Yougoslavie.
4 Vous avez le cas de l'Italie, en Lombardie. Vous avez --
5 Q. Merci, merci, Professeur.
6 R. -- ce qui fait qu'il s'est créé des mouvements politiques de ce fait.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous arrêter un moment,
8 Professeur.
9 Monsieur Milosevic, quelle est la pertinence de ceci pour ce qui est des
10 questions traitées par la Chambre, à savoir l'effet des écarts économiques
11 sur le démantèlement de la Yougoslavie ? Ce n'est pas ici un sujet
12 universitaire que nous débattons. Ce n'est pas du tout la question que nous
13 étudions.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, pas du tout. La question cruciale,
15 qui peut être déterminée de façon factuelle, très factuelle, c'est la
16 question de savoir si la Serbie avait prédominé entre les deux guerres,
17 après la Deuxième guerre mondiale et jusqu'à la fin de l'existence de cette
18 Yougoslavie. Il s'avère, de façon claire et nette, avec faits matériels à
19 l'appui, que cela n'a pas été le cas. Non seulement la Serbie n'a pas eu
20 une position prédominante, mais elle a été dominée par d'autres. C'est une
21 analyse qui se trouve appuyée et confortée par des chiffres. Personne ne
22 saurait inventer autre chose et faire l'inverse -- démontrer l'inverse de
23 ce que nous montrent les chiffres.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Professeur, puisque vous avez parlé de Singleton, que pouvez-vous nous
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1 dire au sujet de l'auteur ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pas encore. Il vous faut attendre la
3 Chambre parce que celle-ci va se pencher sur la question de pertinence de
4 cette question, et je vais, à cet effet, consulter mes collègues.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons vous
7 autoriser à poser ces questions, mais nous demeurerons vigilants pour ce
8 qui est d'être sûrs du fait que les questions posées sont pertinentes vis-
9 à-vis des questions qui nous intéressent. C'est une question assez
10 éloignée, assez périphérique, et je crois -- j'espère que vous allez en
11 arriver à ce qu'il convient de souligner.
12 M. NICE : [interprétation] Je garde l'œil sur la montre, mais je tiens à
13 vous faire -- je veux attirer votre attention -- j'ai une question de
14 procédure à soulever, et j'aimerais qu'on la fasse avant la fin des heures
15 de travail.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, vous êtes
17 conscient, bien entendu, du fait que la Chambre se propose de terminer son
18 travail demain à midi.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai été informé qu'hier de cela. J'ignorais
20 ce fait jusqu'à hier.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [hors micro] J'aimerais que le juriste de la Chambre
22 nous rejoigne.
23 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, on vient de me
25 dire que cette notification -- enfin, que ce changement figure à l'emploi
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1 du temps depuis une semaine. Les autres parties ont déjà été informées. Je
2 ne sais pas pourquoi il n'y a que vous à avoir été informé hier.
3 Mais en tout état de cause --
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'en sais rien.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous avez indiqué que le
6 professeur devait -- qu'il s'en allait demain. Il faut aussi procéder au
7 contre-interrogatoire. Je vous demande donc de garder cela à l'esprit.
8 Monsieur Nice, nous n'avons, jusqu'à présent, pas limité votre contre-
9 interrogatoire pour ce qui est des limites de temps, comme nous l'avons
10 fait avec M. Milosevic lorsqu'il contre interrogeait à l'occasion de la
11 présentation des éléments de preuve de l'Accusation, mais il se peut que,
12 demain, nous ayons à le faire.
13 M. NICE : [interprétation] Bien. Je voudrais en finir avec le contre-
14 interrogatoire de ce témoin demain, mais nous aimerions entendre de combien
15 de temps M. Milosevic a besoin pour terminer son interrogatoire principal.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, combien de temps
17 vous faut-il ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me faut encore une audience au moins.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et bien, le Juge Kwon vient de
20 déterminer un planning. Non -- si vous avez besoin d'une heure, cela vous
21 fera, au total, 138 minutes. Le Procureur aura les deux tiers de ce temps,
22 à savoir 92 minutes, ce qui nous amènera à midi, avec une seule pause de 20
23 minutes. Donc, je vous demande d'essayer d'adapter votre interrogatoire
24 principal de façon à en terminer dans une heure.
25 Comme vous le savez, je n'aime pas beaucoup impartir des limites de
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1 temps de cette nature. J'y ai recours seulement lorsque nous avons des
2 difficultés particulières pour ce qui est du témoin ou de l'emploi du temps
3 de la Chambre.
4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais soulever une
5 question au sujet des autres témoins qui auraient pu venir demain si nous
6 avions eu plus de temps. Mais il s'agit d'une chose à savoir, qu'à compter
7 de demain, nous n'allons plus siéger, et la nouvelle série de témoins ne
8 viendra qu'en janvier. Nous savons qu'Eve Crepin et Patrick Barriot, les
9 deux témoins suivants, en vertu du 65 ter avec des résumés --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur, je crois que nous ne
11 sommes pas très courtois à l'égard du témoin.
12 M. NICE : [interprétation] Absolument. Cela n'a rien à faire avec le
13 témoin. Je m'excuse.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être, Monsieur Milosevic,
15 faudrait-il demander au témoin de quitter le prétoire maintenant et de
16 revenir demain.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autre choix. Je ne sais pas si je
18 pourrai en terminer dans une heure. Je vais m'efforcer, pour ma part,
19 d'utiliser le temps disponible de la façon la plus rationnelle possible. En
20 tout état de cause, le professeur va voyager au lendemain, et pour autant
21 que je sache, vous ne travaillez pas le jour d'après.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais nous ne pouvons pas siéger
23 après midi étant donné que la Chambre d'appel va utiliser ce prétoire pour
24 communiquer -- pour rendre une décision très importante. Pour ce qui est
25 des autres prétoires, ils ne sont pas disponibles puisqu'il n'y a pas de
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1 cabine d'interprétation vers l'albanais, me semble-t-il.
2 En tout état de cause, nous allons nous renseigner auprès du Greffier
3 pour voir s'il serait possible de continuer dans une autre salle d'audience
4 après midi. Toujours est-il que nous ne pouvons pas siéger dans ce
5 prétoire-ci en raison de la présence de la Chambre d'appel dans la même
6 salle.
7 Excusez-moi, Professeur Popov -- non, je m'excuse, Professeur Mihailovic.
8 Je vous laisse vous en aller à présent et je vous demande de revenir demain
9 matin à 9 heures dans ce même prétoire.
10 [Le témoin se retire]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pouvez aller.
12 M. NICE : [interprétation] Les témoins qui figurent ensuite sur la liste
13 des témoins, Eve Crepin et Patrick Barriot, nous avons leurs résumés
14 Article 65 qui portent sur le même sujet que celui qui est évoqué ici. Ils
15 étaient ensemble et ils ont écrit un ouvrage, un livre, abordant des
16 questions de cette nature. Bien entendu, l'accusé passe un temps déterminé
17 qu'il a à sa disposition pour discuter de tel ou tel sujet et aborder des
18 questions pertinentes, parce qu'il fait l'usage qu'il souhaite du temps qui
19 lui est imparti, c'est son choix. Mais si des témoins témoignent de façon
20 redondante ou répétitive, la Chambre peut souhaiter de limiter la
21 déposition de l'un ou l'autre des témoins. On peut se poser la question
22 demain de savoir s'il est vraiment utile que l'on entende deux témoins qui
23 couvrent exactement les mêmes questions. La question pourrait être posée
24 d'ailleurs à l'accusé.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. Nous allons
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1 réfléchir à cette question demain.
2 Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, Monsieur Milosevic ?
3 M. MILOSEVIC : [interprétation] Vous supposez sans doute qu'il est clair
4 que mon intention n'était pas d'entendre des témoins parlant exactement sur
5 les mêmes sujets, c'est-à-dire que si le thème est similaire, les faits
6 sont abordés sous des angles différents. Bien entendu, je ne vais pas poser
7 des questions identiques aux deux témoins. Je pensais que leurs dépositions
8 d'ailleurs pouvaient être plus courtes. La déposition de ces deux témoins
9 est que nous n'aurions pas besoin de dépasser le temps imparti pour
10 l'audition de l'un ou de l'autre, mais que les entendre était utile.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Ce sera un bon début.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. À partir de 10 heures et
14 jusqu'à 13 heures demain un prétoire est disponible, mais compte tenu
15 d'autres conditions très concrètes, il ne semble pas possible de l'utiliser
16 dans notre affaire, notamment en ce qui concerne les techniciens et autres
17 collaborateurs d'audience. Je pense que nous devons continuer à nous dire
18 que demain nous lèverons notre séance à midi.
19 Je suspends pour le moment jusqu'à demain matin 9 heures.
20 --- L'audience est levée à 13 heures 58 et reprendra le vendredi 17
21 décembre 2004, à 9 heures.
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