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1 Le mardi 18 janvier 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, juste deux
7 questions à soulever avant que de commencer. Nous allons parler de la
8 recevabilité de documents en leur qualité de pièces à conviction
9 individuelle, et un usage de ces documents doit être fait au travers des
10 témoignages des témoins, au cas où vous vous voudriez les faire verser au
11 dossier. Il faut que vous présentiez ces documents au témoin. Vous pouvez
12 continuer.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne comprends pas le --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous entends pas du tout.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous recevez maintenant la
16 traduction ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est du versement des documents au
19 dossier, j'ai parcouru avec ce témoin toute une série de décisions de la
20 Cour constitutionnelle de Yougoslavie, une par une. Pour autant que je m'en
21 souvienne, à l'occasion de la dernière des journées de travail, vous avez
22 dit que ce serait versé au dossier pour des fins d'identification. Est-ce
23 que je dois reparcourir, ou est-ce que l'on estime que j'ai déjà présenté
24 les documents pour versement ?
25 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez pas à les reparcourir,
2 puisqu'il y a un marquage à des fins d'identification, en attendant la
3 traduction.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Nous pouvons donc continuer.
5 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
8 Q. [interprétation] Professeur Markovic, à la fin de notre travail, là où
9 nous nous étions arrêtés, vous aviez constaté que la séparation d'une
10 partie de la Fédération pouvait être possible, ou être faite de façon
11 légale sur la base d'un accord ou d'une approbation de tout un chacun. Est-
12 ce que c'était en bref la constatation que vous aviez faite ?
13 R. Ce n'était pas mon opinion seulement, c'était la position exprimée par
14 la constitution valide en 1974. Depuis 1974, on pouvait modifier le
15 caractère de l'Etat en ne procédant qu'à la modification de la
16 constitution, et pour ce qui est de la modification de la constitution, la
17 constitution a prévu les modalités pour ce faire.
18 Q. Mais dites-moi, y a-t-il eu des tentatives pour ce qui de cette
19 séparation qui se ferait constitutionnellement, partant d'une concertation
20 générale pour régler la chose, et d'où est venue l'initiative ?
21 R. Oui, il y a eu des tentatives, vers la fin décembre 1991. Je précise
22 qu'il s'agit du 21 décembre 1991. La Chambre fédérale a condamné cette
23 sécession unilatérale de la part des républiques, et a décidé de faire en
24 sorte qu'un comité, donc un organe auxiliaire chargé du système
25 sociopolitique élabore un projet de loi portant sur la réalisation du droit
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1 des peuples à l'autodétermination. L'initiative est venue de la Chambre
2 basse du parlement fédéral. Etant donné que c'est ce parlement qui était
3 compétent pour l'adoption, la promulgation de telles lois. Après cela a été
4 confié comme tâche à un organe auxiliaire, à savoir à un comité.
5 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : avez-vous participé d'une quelconque façon
6 à ces activités ?
7 R. Je n'ai pas fait partie de cet organe de travail, ou plutôt de ce
8 groupe de travail qui était censé rédiger le projet de loi en question. Il
9 me semble que c'est le professeur Gavro Perazic, qui était président de ce
10 groupe de travail, et il m'a très souvent consulté en ma qualité de
11 consultant justement. Il m'a demandé mon opinion pour certains textes
12 rédigés, il me les a présentés pour lecture et commentaire. Ce qui fait que
13 je n'ai pas participé à la rédaction du projet de loi, mais pour ce qui est
14 de sa teneur et de ses idées, j'en ai parfaitement bien connaissance.
15 Q. On peut en conclure que vous avez été engagé indirectement à en votre
16 qualité de consultant dans l'activité de ce groupe de travail ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A l'époque, quelles étaient les
19 fonctions que vous occupiez, que vous exerciez ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1991, je n'avais aucune fonction. J'étais
21 professeur de la faculté de droit à Belgrade. Ce n'est qu'en 1992 que l'on
22 m'a confié une fonction politique, ou plutôt que j'ai été élu député au
23 parlement fédéral. Jusque-là j'étais professeur du droit constitutionnel à
24 la faculté de droit de Belgrade, et c'est en cette qualité là qu'un
25 collègue, le professeur Gavro Perazic qui est professeur de droit public
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1 international, et c'est en cette qualité là qu'il m'avait engagé comme
2 consultant.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Professeur Markovic, je vous demande à présent de vous pencher sur
6 l'intercalaire numéro 40, qui dispose d'une version anglaise. Je disais
7 qu'il s'agit là d'un projet de loi portant réalisation des droits des
8 peuples à l'autodétermination. On dit que la loi devrait être adoptée
9 suivant une procédure d'urgence. Là, nous avons le texte intégral.
10 Je vous prie de vous pencher sur plusieurs ces articles. Je m'efforcerai,
11 pour ma part, de les parcourir rapidement. J'attire votre attention sur les
12 articles que j'aimerais que nous examinions ensemble. Le 3, le 6, le 7, le
13 9, le 10, le 11, le 14, le 15 et le 17.
14 Expliquez-moi afin que nous comprenions clairement de quoi il s'agit, le
15 fait qu'il y ait des parties de texte qui sont biffées à la machine, puis
16 des parties qui ne sont pas biffées, qui doivent constituer le texte final
17 préparé à l'intention de la constitution. Que signifient ces passages
18 biffés ?
19 R. Les passages biffés à la machine n'ont pas été adoptés à ce comité
20 chargé du système sociopolitique ou des relations sociopolitiques si l'on
21 reprend l'appellation de cet organe. Dans le courant de ces activités, il y
22 a été procédé à des rajouts et à des retraits.
23 Q. Mais ce qui figurait dans le projet est resté biffé pour que l'on voie
24 ce qui a été proposé, et que l'on voie ce qui a été adopté.
25 R. Exact. Il s'agissait de voir, quel a été le processus, la procédure qui
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1 a permis d'aboutir à ce projet de texte de loi, tel que présenté ici.
2 Q. Bien, --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il n'y a pas
4 dans le texte anglais de parties biffées, ce qui fait qu'il y a
5 impossibilité pour ce qui nous concerne de constater ce qui a été barré.
6 M. KAY : [interprétation] Cela figure dans la version B/C/S.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Kay, je suppose alors que
8 dans la version anglaise, le texte que nous avons reste en majuscule et les
9 petites lettres constituent la partie du texte qui n'a pas été acceptée.
10 M. KAY : [interprétation] Pour ce qui est de l'Article 2, on n'y a pas
11 touché. Il n'a pas été biffé. Or, dans la version anglaise cela n'est pas
12 repris en lettres majuscules. Il se peut que ceux qui ont fait la
13 traduction n'aient pas rédigé la chose en sa version originale parce qu'ils
14 ignoraient la signification des parties biffées. Du moins, je le suppose.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Mais nous n'allons faire que des commentaires au sujet de ce qui n'est
18 pas biffé, de ce qui a fait partie du texte final. Ma question portait
19 notamment sur la nécessité d'éliminer certaines confusions éventuelles,
20 mais il n'y a pas de signification particulière pour ce qui est de cette
21 dissociation des parties du texte.
22 Professeur Markovic, je vous prie de citer l'Article 3 et de nous
23 l'expliquer.
24 R. Une fois de plus, je précise que la signification de ce projet visait à
25 faire en sorte que de façon pacifique, démocratique et légale, il soit
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1 procédé à la réalisation du droit des peuples à l'autodétermination au
2 sujet duquel il s'agit, de façon indubitable, d'un droit constitutionnel.
3 L'Article 3 fournit les modalités à savoir les options à la disposition des
4 peuples pour la réalisation de ce droit à l'autodétermination. Il y a
5 quatre modalités, le droit des peuples à l'autodétermination signifie
6 d'abord le droit des peuples de décider de la forme, de l'aménagement
7 social et de l'organisation de l'Etat pour réaliser de cette façon
8 librement son développement économique, social et culturel.
9 Ensuite, il y a le droit de continuer à vivre conjointement avec d'autres
10 peuples au sein de cet Etat yougoslave.
11 Le troisième droit est le droit à la réunification avec d'autres peuples et
12 à l'établissement d'autres formes d'intégration, de rattachement et de
13 coopération.
14 Quatrième droit, droit à la création d'un droit indépendant, souverain et
15 autonome, dans le texte à suivre, on appellera cela Etats indépendants.
16 C'est là les options à la disposition des peuples pour ce qui est de
17 l'autodétermination.
18 Q. Cette option visant à créer un Etat indépendant souverain et autonome a
19 été prévue dans ce projet de loi ?
20 R. En effet, c'était l'une des possibilités, l'une des options qui sera
21 réalisée comme toutes les autres mais suivant la procédure et les
22 conditions qui seront précisées par les autres articles de ce projet de
23 lois.
24 Q. Penchez-vous maintenant sur l'Article 6, Professeur. On dit ici : "Le
25 droit des peuples à la création d'un Etat indépendant se réalise partant du
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1 prononcé de la volonté de ce peuple au référendum."
2 R. Oui, en effet, mais on parle du droit des peuples à réaliser un
3 référendum. Ici, on dit peuple dans la signification de nation, et non pas
4 de peuple. C'est la nation qui réalise ce droit à l'autodétermination en se
5 prononçant au référendum ou au plébiscite.
6 Q. Puisque ces termes-là sont utilisés avec des différences en langue
7 serbe et anglaise, on parle ici des peuples ou des nations yougoslaves; des
8 Serbes, des Croates, des Monténégrins, des Musulmans, Bosniaques ?
9 R. Absolument.
10 Q. Bien. A l'Article 7, étant donné qu'à l'Article 6, on vient d'expliquer
11 que les nations, à savoir les Serbes, les Croates, les Macédoniens, les
12 Monténégrins, les Musulmans --
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que de continuer, Monsieur
14 Milosevic, à cet Article 6, il y a des mots qui ont été biffés. Pouvez-vous
15 me dire quel est l'énoncé de ces mots en anglais ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Souverain et autonome, je crois que cela a été
17 éliminé parce qu'inutile, parce qu'il suffisait de dire indépendant. Le
18 droit des peuples à la création d'un Etat indépendant a été maintenu. Les
19 autres attributs de souverain et autonome ont été éliminés parce que quand
20 on dit indépendant, cela sous-entend les deux autres qualificatifs.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cependant ce que le témoin vient de
22 nous dire, il l'a dit partant d'une supposition à savoir que les trois
23 devaient rester, je crois qu'il serait très important de préciser et de
24 dire exactement quelles étaient les conditions prévues par cet amendement.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vous ai pas très bien compris, Monsieur
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1 Bonomy. Est-ce que vous parlez encore de l'Article 6 ?
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Je fais référence à cet Article
3 6, parce que la question que vous avez posée s'énonçait comme suit : "Le
4 droit des peuples à la création d'un Etat indépendant, souverain et
5 autonome se réalise partant du prononcé de la volonté de ce peuple au
6 référendum." C'est l'énoncé de l'Article 6. On vient de constater qu'on a
7 biffé "souverain et autonome" de cet Article 6, cela revêt peut-être de
8 l'importance. Je voulais savoir quel était l'énoncé de ce texte en langue
9 serbe et je crois que nous avons tiré la chose au clair.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux me permettre de vous
11 apporter des explications ? Lorsque l'on présente ces options au paragraphe
12 3, on dit : "Dans le texte à venir, on parlera d'Etats indépendants; dans
13 le projet, il ne sera plus question d'Etats indépendants, souverains et
14 autonomes, mais on ne dira qu'Etats indépendants."
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, juste un
17 instant.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur
20 Milosevic.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que tout ceci est clair, étant donné
22 que l'Article 3 parle du droit des peuples ou des nations à
23 l'autodétermination. On dit à la fin de cet article : "Le droit à la
24 création d'un Etat indépendant, souverain et autonome (dans le texte à
25 venir, il sera question d'Etats indépendants)." Comme dans tous les textes
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1 juridiques, on facilitait les explications pour préciser quel terme qui
2 sera utilisé dans le texte à venir.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons parfaitement bien compris
4 la raison. Mais la question qui se pose était celle de savoir ce qui
5 figurait encore dans le texte anglais qui ne devrait pas se trouver dans le
6 texte anglais des autres articles à venir. Mais continuez.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Dans cette version anglaise, j'attire votre attention sur le fait que
9 nous allons passer à l'Article 7, maintenant. Les deux premiers alinéas de
10 ce paragraphe 7 ont été biffés et ce qui se trouve en majuscules est resté.
11 Dans la langue serbe, les deux premiers alinéas ont été biffés et le
12 traducteur a estimé peut-être qu'il ne fallait pas biffer afin de voir de
13 quoi il s'agissait au juste.
14 Professeur Markovic, étant donné que l'article précédent a dit que ce droit
15 était réalisé à partir d'un prononcé de la volonté des nations au
16 référendum --
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je m'excuse de
18 vous interrompre, mais je veux rectifier ce que j'ai dit. J'ai dit que la
19 question était celle de savoir ce qui figurait encore en anglais alors que
20 cela ne devrait pas s'y retrouver dans les articles à venir. Je viens de
21 procéder à une petite rectification du compte rendu d'audience. Mais
22 continuez.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je suppose que dans le texte
24 anglais, on retrouve chacun des mots qui figurent également en version
25 serbe mais, en anglais, on n'a pas biffé les parties de texte, mais on peut
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1 l'expliquer.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Professeur Markovic, à l'Article 6, on dit qu'il est question de la
4 réalisation de ce droit par référendum organisé à l'intention des nations.
5 Je voudrais que vous nous citiez et expliquiez cet Article 7 ?
6 R. A l'Article 7, comme on le voit, les deux premiers alinéas ne sont plus
7 valides, ce qui est demeuré c'est ce qui figure en majuscules. Les deux
8 autres alinéas réglementent la réalisation des nations à
9 l'autodétermination des républiques où ils se trouveraient deux ou
10 plusieurs peuples à disposer de qualificatifs de peuples constitutifs, ce
11 qui fait que dans une même république, un peuple constitutif peut se
12 prononcer en faveur d'un Etat indépendant et l'autre peut se prononcer en
13 faveur d'un Etat conjoint, commun avec les autres peuples de la Yougoslavie
14 si les autres peuples se prononcent de la sorte. Les résultats du
15 référendum sont communiqués à l'assemblée au parlement fédéral. Cela est
16 resté en capital même si, ici, cela a été imprimé en lettres minuscules.
17 Q. Je crois que là il s'agit de raisons techniques.
18 Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur l'Article 9. Il
19 nous parle d'objections éventuelles formulées à l'intention du parlement de
20 la RFSY. Auriez-vous l'amabilité de nous l'expliquer ?
21 R. Les résultats du référendum se communiquaient au parlement de la RFSY,
22 et si l'on adresse au parlement une objection portant la non-conformité de
23 la réalisation du référendum avec les dispositions de cette loi portant sur
24 le référendum, il est créé une Commission d'arbitrage partant de l'opinion
25 prise par ces commissions. C'est dans un délai de 30 jours que le parlement
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1 prendra position au sujet de l'objection formulée.
2 Q. Merci, Professeur Markovic. Penchons nous maintenant sur l'Article 10.
3 Est-ce que c'est bien ce qui est appliqué en cas de réalisation de ce
4 référendum et du reste des dispositions de la loi. Que la loi prévoie-t-
5 elle ensuite ?
6 R. Vous parlez de l'Article 10 ?
7 Q. Oui.
8 R. Si le parlement de la RFSY détermine que le référendum prévu aux
9 Articles 6 et 7 de la présente loi se trouve à être conforme aux
10 dispositions de ladite loi, il est entamé une procédure de dissociation
11 territoriale et matérielle avec la prise de mesure nécessaire pour le
12 fonctionnement continue de la communauté d'Etat avec les nations qui
13 continuent à vivre ensemble dans cet Etat yougoslave.
14 Q. Bien. Que nous dit l'Article 11 de cette loi ?
15 R. L'Article 11 parle de cette délimitation territoriale. Cela sous-entend
16 la détermination des frontières de l'Etat entre la Yougoslavie et ses
17 parties intégrantes qui se sont dissociées du territoire de la République
18 socialiste fédérative de Yougoslavie partant des critères ethniques,
19 historiques, géopolitiques et stratégiques, ainsi que des règles
20 généralement admise au niveau du droit international.
21 Q. Qu'est-ce qui fait l'objet de l'Article 12 ?
22 R. L'Article 12 parle de la délimitation matérielle et cela est réalisé
23 par la détermination d'un bilan de partage relatif aux biens pris en
24 commun, à savoir, la propriété de l'Etat yougoslave et des dettes de celui-
25 ci. Je ne vais pas vous résumer l'aliéna 2 qui parle dans le détail quelles
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1 sont les questions à soulever quand il s'agira de ce bilan de partage.
2 Q. Bien. Article 14. J'ai pris quelques articles importants pour nous
3 permettre de parcourir ce projet de loi.
4 R. A l'Article 14, on dit que pour réaliser cette délimitation
5 territoriale et matérielle, le parlement de la RFSY procédera à la création
6 d'une commission à part. En cas de litige, la question litigieuse peut-être
7 soumise à arbitrage, et les parties au litige peuvent décider si elles
8 procéderont à la création d'une Commission d'arbitrage ad hoc ou si elles
9 s'adresseront à un organe juridique international. Un organe judiciaire
10 international, c'est la teneur de cet Article 14 et 15. Thématiquement, ces
11 deux articles parlent de la même chose.
12 Q. Que nous dit l'Article 17 ?
13 R. L'Article 17 parle des conditions sous lesquelles la Yougoslavie
14 pouvaient reconnaître en tant qu'Etat indépendant une république où une
15 décision de cette nature aurait été prise par référendum. Il y a quatre
16 conditions, à savoir que l'on ait procédé à cette délimitation territoriale
17 et matérielle de ladite loi. Deuxièmement, que cette république fournisse
18 des garanties pour ce qui est du respect des droits et libertés
19 fondamentales de la RFSY en protégeant leur propriété et en faisant
20 respecter le droit des peuples des minorités nationales et des groupes
21 ethniques, conformément aux règles du droit international. Troisièmement,
22 que cette république fournisse des garanties pour ce qui est du respect des
23 obligations relatives au droit international qu'elle a contracté.
24 Quatrièmement, que cette république respecterait les obligations qu'elle a
25 prises pour ce qui est de l'interdiction de la construction de centrale
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1 nucléaire et autres installations nucléaires dangereuses pour la santé des
2 personnes et pour l'environnement, et interdire l'importation et le
3 stockage de matières dangereuses.
4 Q. Donc, il s'agit là de dispositions capitales pour ce qui est de ce
5 projet de loi élaboré suite à une initiative annoncée par la Chambre
6 fédérale du parlement yougoslave.
7 R. Oui. La Chambre fédérale qui est compétente pour se faire, étant donné
8 qu'il y avait deux Chambres; la Chambre fédérale, qui est la Chambre basse,
9 la Chambre des citoyens, chambre des citoyens, dans les conditions de
10 l'autogestion que nous avions, et la Chambre haute qui est la Chambre des
11 républiques et des provinces. Quoi qu'il y ait eu deux Chambres de
12 présentes, le principe de prise de décision se faisait à l'unanimité. Il y
13 avait une liste de lois qui relevait des compétences de la Chambre fédérale
14 et une autre liste de lois de la compétence de la Chambre des républiques
15 et provinces-là. Pour ce qui est des relations économiques, c'était la
16 Chambre des républiques et provinces. Pour ce qui est des relations
17 politiques, c'était la Chambre fédérale qui avait des compétences. Comme
18 cette loi relevait des compétences de la Chambre fédérale, c'est elle qui a
19 lancé cette initiative pour l'adoption d'une telle loi. Elle s'est adressée
20 donc à ce comité pour lui confier la rédaction du texte de cette loi.
21 Q. Quel a été le sort réservé à ce projet de lois ?
22 R. Cela n'a pas fait l'objet d'une proposition. Cela n'a pas été étudié
23 par le parlement. Ce projet de lois est arrivé post festum, à savoir, après
24 que la sécession des républiques soit devenue fait accompli. Les
25 républiques qui se sont dissociées de la Yougoslavie ne voulaient pas, à
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1 postérieurement, légaliser leurs sécessions partant des textes de
2 disposition de cette loi. Elles ont fondé leur indépendance et leur
3 souveraineté par la suite sur un acte illégal.
4 Q. S'agissant de la position adoptée par la Cour constitutionnelle de la
5 Yougoslavie, nous avons pu examiner un certain nombre de décisions rendues
6 par cette Cour. Si vous vous souvenez, Lord Carrington a posé une question
7 à la Cour constitutionnelle de Yougoslavie. Je vais être plus précis dans
8 la formulation de ma question.
9 Sans tenir compte des décisions et au-delà des décisions que nous
10 avons invoquées précédemment, est-ce que la Cour constitutionnelle de
11 Yougoslavie a adopté une position particulière pour déterminer sur ce qui
12 c'était passé en Yougoslavie. C'était une sécession ou une désintégration ?
13 R. Oui, effectivement. La Cour constitutionnelle de la Yougoslavie, en
14 tant qu'organe chargé de garantir la constitution, a répondu à une question
15 qui est une question, évidemment, constitutionnelle, à savoir, que c'est-il
16 passé en Yougoslavie. Y a-t-il eu sécession en Yougoslavie ou a-t-il eu
17 désintégration du pays ? Lord Carrington, en sa qualité de président de la
18 Conférence relative à l'ex-Yougoslavie, a posé cette question à la
19 Commission d'arbitrage, qui était un organe auxiliaire de ladite
20 conférence. La Commission d'arbitrage a demandé à certains organes dans
21 certaines républiques, leur a demandé donc de fournir leur point de vue au
22 sujet de cette question, de dire ce qu'ils estimaient être la bonne réponse
23 afin que la Commission d'arbitrage puisse elle-même adoptée une position
24 définitive.
25 Q. Je vais vous demander de vous pencher sur le document que nous trouvons
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1 à l'intercalaire numéro 2. Ici nous avons une réponse à la question de Lord
2 Carrington sur la question de savoir si ce qui s'est passé en Yougoslavie
3 est une désintégration, une sécession. L'on peut constater que ce document
4 a été envoyé à la Commission d'arbitrage par le ministère des Affaires
5 étrangères. Cela a été envoyé à la Commission d'arbitrage de la conférence
6 sur la Yougoslavie, organisée par la Communauté européenne, conférence sur
7 l'ex-Yougoslavie. Je dispose d'un certain nombre d'exemplaires de ce
8 document.
9 Je ne vais donner lecture que de deux paragraphes extraits de ce
10 document qui se trouvent à la fin. Le troisième paragraphe à partir de la
11 fin, je répète qu'il s'agit ici de la réponse à la question de Lord
12 Carrington.
13 Je cite : "la Yougoslavie n'est pas une communauté contractuelle
14 d'états. En conséquence, il n'est pas possible que de dire que la
15 Yougoslavie a été démantelée en raison de l'interruption du contrat sur
16 laquelle elle était formée. La Yougoslavie n'a pas été créée en tant que
17 Fédération d'Etat souverain et indépendant qui prenait la forme des
18 républiques de la communauté d'Etat de la Yougoslavie, mais en tant qu'Etat
19 fédéral constitué par les peuples de la Yougoslavie à leur république. Si
20 bien que tout document république dans lequel une république se déclare
21 souveraine et indépendante, constitue une modification
22 anticonstitutionnelle du système constitutionnel de la Yougoslavie et un
23 document qui porte ainsi sécession ne saurait avoir de conséquence légale
24 en vertu de la décision de la Cour constitutionnelle de la Yougoslavie."
25 Paragraphe suivant, je cite : "Le démantèlement ou désintégration de
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1 la Yougoslavie ne peut seulement être examiné comme une conséquence de
2 document anticonstitutionnel délivré par les républiques individuelles sur
3 la déclaration de leur souveraineté et de leur indépendance. Ces documents
4 anticonstitutionnels ne peuvent remettre en question la survie de la
5 Yougoslavie en tant qu'Etat fédéral et en tant que sujet du droit
6 international tant qu'au moins deux républiques restent dans cette
7 communauté."
8 Est-ce que c'est là l'essence même de la question de la réponse à la
9 question de Lord Carrington ?
10 R. Oui, c'est exactement l'essence de ce qui a été dit. Cela nous
11 renvoie aux décisions de la Cour constitutionnelle que nous avons examinées
12 jeudi dernier. D'abord, on se base sur la constitution la Cour
13 constitutionnelle estime que la Yougoslavie n'était pas une communauté à
14 nature contractuelle. Ce n'était pas la somme mécanique de parties
15 individuelles, mais c'était un tout. C'était un Etat fédéral souverain, si
16 bien que tout acte de sécession de la Yougoslavie pris de manière
17 anticonstitutionnelle constitue un changement anticonstitutionnel de l'Etat
18 fédéral. Du point de vue juridique, un tel acte, une telle promulgation est
19 nulle et non avenue. Donc, on ne peut parler de désintégration de la
20 Yougoslavie. Il s'agissait d'un acte qui était une désintégration
21 anticonstitutionnelle de l'Etat fédéral, mais la Yougoslavie, même après la
22 sécession, continuerait mathématiquement à exister tant qu'elle compterait
23 au moins deux unités fédérales, car ces deux unités fédérales ensemble
24 représentaient plus de la moitié du territoire des républiques qui avaient
25 fait sécession et plus de la moitié de la population du nombre d'habitants
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1 qui vivaient dans cette république qui avait fait sécession. Voilà la
2 position prise par la commission et par la Cour constitutionnelle. Ce point
3 de vue de la commission, il découle de décisions qui avaient déjà été
4 prises par la Cour constitutionnelle. Nous avons passé en revue toutes ces
5 décisions jeudi dernier.
6 Q. Pouvez-vous nous dire en tant que juge de la Cour
7 constitutionnelle, ou enfin, du fait de votre expérience en tant que juge
8 de la Cour constitutionnelle de Yougoslavie, sur la base des arguments vous
9 avez entendus à ce sujet dans ces discussions, pouvez-vous nous dire
10 pourquoi des frontières administratives ne seraient également être des
11 frontières d'Etat.
12 M. NICE : [interprétation] Je voudrais dire que ceci est totalement
13 contraire au principe qui a exclu le professeur Kristan et les éléments de
14 preuve qu'il avait à communiquer. Il participait à la cour, et pour la
15 préparation de son opinion, du fait qu'il avait participé à la préparation
16 de cette opinion, on ne lui a pas permis de fournir les éléments de preuve
17 qu'il souhaitait fournir.
18 Je pense qu'il serait mieux que ce témoin reconnaisse qu'il est un témoin
19 expert. Je vais essayer de mon mieux d'en tirer les conséquences, puisque
20 ceci ne nous a pas été -- nous n'avons pas été prévenus à l'avance qu'il y
21 aurait un témoin expert.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais ici il parle en tant que
23 participant, pas en tant qu'expert.
24 M. NICE : [interprétation] Oui, mais je relis la réponse : Sur la base de
25 votre expérience, pouvez-vous nous dire pourquoi ces frontières ne peuvent
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1 être des frontières d'Etat. Il me semble que là il donne vraiment une
2 réponse d'expert. Je ne me rappelle plus exactement la manière dont nous
3 avons évoqué la déposition de Kristan au sujet du Kosovo, mais je crois
4 qu'on avait décidé qu'il devait se limiter aux faits et, finalement, cela a
5 été exclu. Mais je ne veux pas revenir sur toute cette question. Je
6 souhaite très simplement dire que nous avons ici manifestement une
7 déposition d'expert, un témoignage d'expert, et j'essaierais, quant à moi,
8 d'en tirer les conséquences au mieux.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Apparemment dans le compte rendu
11 d'audience, nous avons -- on nous a transmuté puisqu'on vous désigne comme
12 étant le Juge Robinson.
13 M. NICE : [interprétation] Je suis vraiment désolé.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'espère que cela ne vous lèse pas.
15 M. NICE : [interprétation] [hors micro] En tout cas, je suis très honoré de
16 cette erreur.
17 M. KAY : [interprétation] Je pense que le témoin peut déposer au sujet de
18 la décision qui a été prise, puisque là il en a l'expérience. Il sait ce
19 qui s'est passé. C'est une question de fait, la question de savoir quelle
20 était la nature de cette décision, et il s'agit des éléments de preuve.
21 Qu'il est là pour nous communiquer.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'était également l'opinion que
23 j'ai. Je pense qu'il peut nous parler de cela en tant qu'en parlant des
24 faits, puisque M. Kristan nous a été présenté comme un témoin expert.
25 Poursuivez, Monsieur Milosevic.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Bien. Professeur Markovic, sur la base de votre expérience au sein de
3 la Cour constitutionnelle et de la pratique que vous avez eue au sein de
4 cette instance, pouvez-vous nous dire les arguments qui ont été utilisés,
5 dans quelle mesure ils reposaient sur la constitution ? Pourquoi des
6 frontières administratives ne sauraient être considérées comme des
7 frontières d'Etat ?
8 R. Bien, vous avez déjà mentionné les motifs pertinents jeudi lorsque vous
9 avez parlé de ces décisions. Tout ceci figure dans les décisions elles-
10 mêmes. On explique pourquoi les frontières internes ne sauraient être
11 considérées comme des frontières d'Etat. C'est dans les décisions. Le droit
12 international s'applique aux frontières des états, tandis que le droit
13 interne, lui, s'applique aux frontières internes, surtout si l'on se
14 rapporte au système qui existait en Yougoslavie, un pays fédéral. Les
15 frontières d'Etat étaient réglementées par l'Article 5, tout comme les
16 frontières internes. Si bien que les frontières internes font partie des
17 questions réservées à l'Etat concerné. C'était la décision de la Cour
18 constitutionnelle, alors que les frontières internationales sont soumises
19 au droit international.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il est possible que
21 nous vous autorisions à citer de nouveau à la barre
22 M. Kristan en tant que témoin sur les faits.
23 M. NICE : [interprétation] Je vous en très reconnaissant.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il convient que
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1 nous parlions du versement au dossier des documents qui figurent après ces
2 deux intercalaires, si vous rappelez la procédure que j'ai exposée tout au
3 début. Nous allons admettre ces deux documents.
4 Une cote, s'il vous plaît, Madame la Greffière.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Intercalaire 14 et intercalaire 2.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudrait inscrire intercalaire 40 au
7 compte rendu d'audience.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Revenons à la réponse qui a été faite à Lord Carrington. Après avoir
11 répondu à la question de Lord Carrington, la Commission d'arbitrage chargée
12 de la Yougoslavie a-t-elle pris une décision ou une position au sujet de
13 cette question ?
14 R. La Commission d'arbitration a cherché à obtenir les opinions des
15 différents organes pertinents dans les différentes républiques de la
16 Fédération yougoslave afin de pouvoir elle-même adopter une position. Ceci
17 a impliqué la présentation d'un certain nombre d'opinions. Ici, nous avons
18 l'opinion numéro 1 de la Commission d'arbitrage puisqu'elle a fini par
19 adopter sa propre position.
20 Q. Bien. La position de la Cour constitutionnelle qui transparaît dans la
21 réponse à la question de Lord Carrington et que nous avons citée, est-ce
22 que cela a été pris en compte dans la prise de position de la Commission
23 d'arbitrage ?
24 R. Non. Cette position n'a pas été prise en compte par la Commission
25 d'arbitrage. La Commission d'arbitrage est allée dans le sens inverse, elle
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1 a totalement ignoré la constitution de la Fédération, ainsi que le fait que
2 la sécession constituait un acte anticonstitutionnel.
3 Q. Professeur Markovic, quelle est la différence entre la position adoptée
4 par la Cour constitutionnelle et celle adoptée par la Commission
5 d'arbitrage ?
6 R. Il y a trois différences. Premièrement, au sujet du statut de la
7 Yougoslavie; deuxièmement au sujet du protagoniste, de celui qui a droit à
8 l'autodétermination; en troisième lieu, il y a une différence s'agissant de
9 la manière dont on traite les territoires de l'Etat.
10 Q. Bien. S'agissant de ces trois différences, de ces trois points, vous
11 nous dites qu'il y a d'abord une différence s'agissant du statut de la
12 Yougoslavie. Auriez-vous l'amabilité d'être un peu plus précis à ce sujet ?
13 R. S'agissant des décisions de la Cour constitutionnelle et de la lettre à
14 Lord Carrington, on voit que la position de la Cour constitutionnelle est
15 très claire. La Cour constitutionnelle estime que ce sont les peuples qui
16 ont le droit à l'autodétermination. Qu'il s'agit là d'un droit universel,
17 un droit de nature général. Il y a deux options, une alternative, c'est-à-
18 dire, quitter la République fédérale ou rester en Yougoslavie. L'une ne
19 saurait être considérée comme supérieure à l'autre, primer sur l'autre. Ces
20 deux options ont une valeur égale. Tant qu'il y a au moins deux éléments
21 constitutifs au sein de la Fédération yougoslave, deux unités fédérales, la
22 Yougoslavie en tant qu'Etat continue à exister, et surtout parce que la
23 sécession est un acte anticonstitutionnel.
24 Mais la commission, elle, estimait que la Yougoslavie était en état de
25 désintégration, qu'elle était en train de se désintégrer pour revenir à ses
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1 parties initiales, alors qu'en fait cela ne correspondait pas aux faits. Il
2 y a deux unités fédérales qui ont décidé de rester au sein de la
3 Yougoslavie. Ces unités ont reconstitué le système fédéral par le biais de
4 leur propre constitution adoptée en avril 1992. Si bien, que la
5 constitution estime que le droit à l'autodétermination à quitter la
6 Fédération ne saurait primer sur le droit à l'autodétermination qui
7 consiste à rester au sein de la Fédération.
8 Q. Bien. S'agissant de l'autre élément que vous avez mentionné, l'autre
9 différence, celui du protagoniste comme vous l'avez appelé à
10 l'autodétermination, quel est l'essentiel ici de ce point ?
11 R. La Cour constitutionnelle à partir de la constitution, à partir de la
12 partie numéro 1 de la constitution, principes fondamentaux, la Cour estime
13 que c'est la nation qui est l'acteur qui intervient, l'acteur qui a le
14 droit à l'autodétermination. "A partir du droit à l'autodétermination," je
15 ne vais pas citer la totalité du texte qui se perd un petit peu :
16 "République fédérale constituée de nations libres et égales." Des nations
17 libres et égales, ce sont ces nations qui créaient et qui ont constitué la
18 Yougoslavie. Ce sont donc ces seules nations qui peuvent intervenir pour
19 demander le droit à l'autodétermination.
20 Le droit fédéral, c'est une anomalie de la Yougoslavie fédérale, a précédé
21 la république puisqu'on a d'abord créé, lors de la deuxième session
22 d'AVNOJ, l'Etat fédéral, cela nous ramène un petit peu à la convention
23 fédérale aux Etats-Unis, ceci transposé dans la situation yougoslave. Les
24 participants dans cette session d'AVNOJ ont été les pères fondateurs, si
25 l'on veut bien, de la République fédérale yougoslave, donc on a déjà établi
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1 en premier lieu la République fédérale yougoslave avant d'établir les
2 territoires des républiques. Ils n'ont pas été établis au cours de la
3 deuxième séance ou de la deuxième session d'AVNOJ.
4 Q. Interrompons-nous un instant, Monsieur Markovic. Pouvez-vous nous dire
5 quels étaient les documents juridiques, ou le document juridique qui
6 régulait la question des frontières entre les républiques ?
7 R. Il n'existait pas, ou il n'a jamais existé de documents juridiques dans
8 ce sens et ces frontières n'ont jamais été légalisées.
9 En deuxième lieu, jamais ceci n'a été établi par voie démocratique, c'est-
10 à-dire par référendum. Il n'existe pas un seul document qui établisse les
11 frontières entre les unités fédérales. La seule trace que l'on voit si je
12 puis dire de ces frontières se trouve dans les notes sténographiques du
13 président d'AVNOJ, en date de janvier 1945. AVNOJ étant le conseil
14 antifasciste de Libération nationale. Au moment où le conseil antifasciste
15 de la Libération nationale de la Macédoine, c'était le parlement national
16 de la Macédoine, et le conseil antifasciste de Libération de la Croatie a
17 demandé à bénéficier d'un nombre plus important de représentants au sein du
18 conseil antifasciste de Libération nationale. On voit dans les notes
19 sténographiques que c'est le territoire de la république qui a été
20 considéré comme devant être pris en compte au moment de l'élection des
21 délégués envoyés au conseil antifasciste de Libération nationale, AVNOJ.
22 On considère que c'est au sein de la Dravska Banovina que doit être situé
23 la Slovénie. La Savska Banovina c'était la Croatie ainsi que 13 districts
24 de Primorska Banovina, plus le district de Dubrovnik et plus la Banovina de
25 Zetska. La Bosnie-Herzégovine, elle, se trouvait au sein des frontières
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1 établies au moment du congrès de Berlin; la République de Macédoine, elle,
2 se trouvait dans les frontières situées au sud de Kacanik et Risovac, au
3 niveau des frontières de l'ancien royaume de la Yougoslavie; tandis que le
4 Monténégro était considéré comme ayant les mêmes frontières qu'avant les
5 guerres des Balkans avec également le district de Kotor, ainsi que Plav et
6 Gusinje [phon]. Pour ce qui était de la Serbie, on considérait que les
7 frontières qui étaient valables, c'étaient les frontières d'avant la guerre
8 des Balkans, avec cependant deux districts supplémentaires Bosiligrad
9 [phon] et Dimitrovgrad. Ceci résultant du Traité de paix de Versailles.
10 Mais c'est la seule trace écrite que l'on trouve.
11 M. NICE : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une réponse puisqu'on a
12 simplement demandé au témoin s'il pouvait identifier, donner le nom d'un
13 document. Est-ce que tout ceci est bien pertinent ? Est-ce que ceci va nous
14 être d'une quelconque utilité ?
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, grâce à votre
16 intervention, je vais moi-même pouvoir poser une question au sujet de cette
17 déposition, de ces éléments de preuve.
18 Je m'adresse à M. Milosevic, à Me Kay et à M. Nice, pouvez-vous me dire si
19 vous êtes d'accord avec la chose suivante, avec le point suivant : la
20 Chambre n'est pas appelée à se prononcer sur l'exactitude ou le caractère
21 adéquat de toutes ces décisions, c'est-à-dire la décision de la Cour
22 constitutionnelle. Il n'appartient pas à la Chambre d'évaluer du caractère
23 légal de la sécession d'une république quelle qu'elle soit. Pour la Chambre
24 ce qui est important c'est que les faits soient établis et de déterminer
25 quelles ont été les conséquences de ces faits sur les événements qui
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1 constituent la partie sous-jacente de l'acte d'accusation en l'espèce.
2 Ce que j'essaie de déterminer, c'est dans quelle mesure les éléments de
3 preuve apportés par le témoin ont une quelconque pertinence en l'espèce. Je
4 ne pense pas qu'il appartienne à la Chambre de se demander si les décisions
5 rendues par la Cour constitutionnelle étaient les bonnes ou si la sécession
6 a suivi telle ou telle procédure. Ce qui est important ce sont les
7 événements, c'est ce qui s'est passé ainsi que l'impact de ces événements
8 sur des actes qui constituent le fondement, le socle de l'acte d'accusation
9 en l'espèce.
10 Monsieur Milosevic, j'aimerais entendre votre réponse à ce sujet et
11 votre position à ce sujet.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette partie de la déposition du professeur
13 Markovic qui a trait aux décisions de la Cour constitutionnelle de la
14 Yougoslavie, ainsi que de l'examen de la constitutionnalité et de la
15 légalité des documents adoptés par les républiques qui ont fait sécession,
16 cette partie donc de la déposition du professeur Markovic nous montre que
17 cette sécession a été illégale, a été marquée par la violence et qu'elle a
18 entraîné des conflits armées. En conséquence, j'estime qu'il s'agit-là de
19 points extrêmement importants qu'il convient d'établir, étant donné que
20 dans tout ceci, on me dit que moi-même ou la Serbie, j'avais un plan pour
21 faire quelque chose ou contre d'autres. On peut en déduire que la
22 conséquence de tout ceci ce sont les conflits qui ont eu lieu, les conflits
23 qui sont la conséquence de cette sécession illégale et violente.
24 S'il y avait un plan, comment peut-on planifier quoi que ce soit dans
25 ces conditions, surtout si ce qui s'est passé a été marqué par la
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1 violence ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous avez raison. Ce
3 qui est important pour la Chambre, c'est de savoir si cette sécession a
4 entraîné des actes de violence. Mais est-ce que la légalité de la sécession
5 est vraiment importante ?
6 M. KAY : [interprétation] Du point de vue du contexte c'est vraiment
7 important tout cela, parce que l'Accusé était chef d'Etat et on parle de
8 toutes ses responsabilités, si tout cela est pertinent et de tous les
9 éléments dont il a du tenir compte à l'époque des faits, de tous les
10 éléments dont il avait connaissance à l'époque sur ce qui était en train de
11 se dérouler au sein de la Yougoslavie. Peut-être le détail ou des détails
12 excessifs ne sont-ils pas fondamentalement utiles et sont un peu
13 superfétatoires. Mais les faits dont nous parle le témoin sont importants.
14 Pourquoi ? Pour nous montrer quelle était la position de l'accusé lui-même
15 et pour voir quel était son état d'esprit et vu ce qu'il a ensuite fait,
16 les propos qu'il a tenus en tant que Président de Serbie.
17 Si bien que, pour tout cela, ce que dit le témoin est important, même
18 si on devrait peut-être s'abstenir d'entrer trop dans les détails, au point
19 de faire se demander aux Juges de la Chambre s'ils doivent décider de la
20 légalité de ces éléments ? Mais ce n'est sans doute pas le cas. Cela
21 n'appartient pas au Tribunal de prendre une telle décision. Ce qui est
22 important, c'est la manière dont l'accusé s'est comporté.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, une des thèses de
24 l'Accusation, c'est que la sécession était légale.
25 M. NICE : [interprétation] Non, nullement, ni dans un sens ni dans l'autre.
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1 La question de la légalité de la sécession, ce n'est pas une question à
2 laquelle il appartient à cette Chambre de répondre. Vous vous souviendrez
3 que j'ai dit que ce n'était même pas des questions que nous devions nous
4 poser. Personnellement, je n'ai pas connaissance de statut, quel qu'il
5 soit, qui existait au sein de l'ex-Yougoslavie ou dans tout autre, je n'ai
6 pas connaissance d'autres instruments juridiques internationaux ou de
7 principes du droit selon lesquels l'illégalité d'une sécession qui a
8 précédé ou le sentiment que cette sécession était illégale justifie la
9 participation aux crimes de guerre qui ont eu lieu ensuite. Il me semble
10 qu'il n'y a absolument aucun lien entre ces deux éléments.
11 Le fait que des individus dans un Etat ou dans un autre aient pu être
12 amenés à penser ou penser que la sécession était illégale, ceci fait partie
13 des faits de l'affaire, que cela ait une conséquence ou non -- que cela ait
14 une conséquence sur la responsabilité juridique de l'accusé, nous paraît
15 extrêmement douteux. Mais nous ne nous opposons pas à ce que tout ceci soit
16 présenté dans le cadre du contexte de l'affaire. Cependant, je pense qu'il
17 ne convient pas que la Chambre cherche à se prononcer sur la légalité de
18 telle ou telle décision. Décider, par exemple, si la sécession de la
19 Slovénie ou de la Croatie est légale, cela n'appartient pas aux Juges de
20 cette Chambre de répondre à de telles questions.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
22 Monsieur Milosevic, j'espère que vous avez été en mesure de suivre
23 nos échanges. Bien entendu, cette question a une certaine pertinence, mais,
24 comme l'a bien dit Me Kay, si l'on nous submerge de détails, cela risque de
25 nous entraîner trop loin, là où nous ne voulons pas aller et de nous
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1 éloigner des questions qui sont au centre de l'espèce. Si bien, que nous
2 n'avons pas besoin d'autant de détails. Je me tourne vers vous, professeur.
3 Professeur Markovic, oui. Professeur Markovic, nous n'avons pas
4 besoin d'autant de détails que ceux que vous étiez en train de nous donner
5 quand vous avez répondu à la dernière question qui vous a été posé. Nous,
6 ce qui nous intéresse plus, se sont les faits. Nous en déduirons les
7 conclusions qui s'imposent.
8 M. NICE : [interprétation] On me rappelle, et j'en suis reconnaissant à
9 ceux qui me l'ont rappelé, j'aurais dû le dire précédemment que, bien
10 entendu, il y a une question juridique connexe qui, elle, est importante
11 pour la Chambre, sur laquelle la Chambre doit se prononcer, c'est la date
12 ou une date à laquelle la Croatie a accédé à l'indépendance, ceci afin de
13 déterminer s'il y a eu conflit international armé ou pas. Nous en avons
14 traité dans d'autres écritures. Je pense que cependant ceci a une
15 importance et que ceci est une question connexe.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, vous
17 pouvez continuer.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quelques éléments que j'aimerais lier à ce qui
19 vient d'être dit avec des explications complémentaires, Monsieur Robinson.
20 Regardez les points 89 et 90 de l'acte d'accusation sur le Kosovo. Par
21 exemple, je n'ai pas le texte en serbe, la dernière version, mais à
22 l'Article 89, il est écrit : "La Slovénie a déclaré son indépendance par
23 rapport à la RFSY, ce qui a conduit au début de la guerre."
24 A l'article suivant, c'est-à-dire, au point 90, nous lisons : "La
25 Croatie a déclaré son indépendance qui a conduit à des combats entre les
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1 forces militaires Croates d'un côté et les unités paramilitaires de la JNA
2 ainsi que de ce qu'il est convenu d'appeler la Republika Srpska de Krajina
3 de l'autre."
4 Puis : "Le 6 mars 1992, la Bosnie-Herzégovine a proclamé à son tour
5 son indépendance, ce qui a conduit à un conflit de grande ampleur après le
6 6 avril 1992."
7 Par conséquent, à cet ordre du texte, des observations tout à fait
8 exactes figurent.
9 Mais comparez ceci au point 6 de l'acte d'accusation sur la Croatie
10 où il est stipulé ce qui suit : "L'objet de cette entreprise criminelle
11 commune était le retrait possible de la majorité de la population croate et
12 des autres non-Serbes d'environ un tiers du territoire de la République de
13 Croatie."
14 J'aimerais bien souligner ce que je vais dire. En effet, il est écrit
15 que : "Il a planifié de faire partie de l'Etat dominé par les Serbes
16 moyennant la commission de crimes, et cetera, et cetera."
17 Toute cette façon d'aborder l'entreprise criminelle qui aurait été
18 planifiée afin d'expulser certaines personnes de certains territoires est
19 tout à fait absurde si nous perdons pas de vue le fait que personne
20 n'aurait pu planifier les actes d'autres personnes et que tout le conflit
21 est centré sur la sécession et les attaques armées contre des organes
22 fédéraux qui ne sont pas même la Serbie ou je ne sais trop quoi, mais il
23 s'agissait d'attaques sur des organes fédéraux dans les territoires
24 mentionnés. Par conséquent, nous voyons à quels points tout ceci est dit au
25 mépris de la logique la plus élémentaire, commentaire dans ces documents et
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1 dans ces paragraphes, c'est absolument illogique. C'est sans fondement.
2 Ceci est tout à fait clair.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'aimerais vous
4 comprendre. Etes-vous en train de dire que c'est la sécession qui a conduit
5 à la commission des actes qui sont évoqués dans l'acte d'accusation, et
6 qu'il ne s'agit pas d'une autre entreprise criminelle conjointe dont vous
7 auriez fait partie. C'est bien cela ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y pas d'entreprise criminelle commune.
9 Comment est-ce que quelqu'un pourrait prévoir à l'avance ce que quelqu'un
10 d'autre va faire à l'avenir ?
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête. J'essaie de
12 comprendre ce que vous dites, et je pense que je commence à le comprendre.
13 Il est question ici de la pertinence de la sécession. Vous dites que c'est
14 la sécession et ses actes que vous qualifiez d'illégaux de la part des
15 républiques, qui expliquent les actes dont vous êtes accusé à tort selon
16 vous. L'explication de ces actes ne réside pas dans l'existence d'une
17 entreprise criminelle dont vous auriez fait partie. C'est bien ce que vous
18 dites ?
19 C'est une part importante des fonctions de la Chambre, Monsieur Milosevic,
20 que d'essayer de comprendre la thèse de l'accusé, et ce que je viens de
21 dire semble expliquer la thèse que vous avancez apparemment. C'est la
22 raison pour laquelle vous insistez tant sur la sécession et l'illégalité de
23 la sécession qui a conduit à la violence.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Par ailleurs, j'ajouterais une nuance. Il n'est
25 pas question ici d'un acte qui aurait été commis par moi ou auquel j'aurais
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1 participé. Le conflit s'est déroulé entre des formations paramilitaires de
2 républiques qui ont fait sécession de façon illégale, et ces formations
3 paramilitaires ont agi contre des organes yougoslaves, à savoir, contre la
4 JNA et pas contre la République de Serbie que je présidais. Donc les choses
5 sont placées sans dessus dessous ici. Tout est sans dessus dessous. Toute
6 l'idée sur laquelle repose, toutes ces allégations, est totalement erronée.
7 Il n'est pas question d'actes commis par moi ou par la République de
8 Serbie. Il s'agit des actes de violence qui ont entraîné des conflits et,
9 bien sûr, il y a eu des crimes et des victimes de tous les côtés, et
10 cetera. Nous savons tout ce qui s'en est suivi. Mais il ne s'agit en aucun
11 cas d'actes imputables à la République de Serbie ou à moi-même.
12 Comment pouvez-vous dire que la République de Serbie serait responsable de
13 certains actes, alors que des troupes paramilitaires de Croatie ont bloqué
14 les casernes de la JNA qui existaient depuis 70 ans, ce qui a donné lieu à
15 des conflits ? Qu'est-ce que la République de Serbie a à voir avec tout
16 cela ? Ou, par exemple, l'expert militaire du côté de la partie adverse, a-
17 t-il produit un seul document émanant de la République de Serbie ou qui
18 aurait pu être lié à moi ? Tout cela est présenté à l'envers, c'est-à-dire,
19 sans dessus dessous.
20 Je ne dis pas que des crimes n'ont pas été commis. Le fait qui est
21 intéressant, c'est de savoir qui a commis ces crimes et quel est le lien de
22 cause à effet relatif à ces crimes.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question de la
24 responsabilité vis-à-vis des actes paramilitaires est à la fois une
25 question intéressante sur le plan légal et sur le plan des faits. Il
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1 faudrait l'aborder en détail sans aucun doute au moment des plaidoiries
2 réquisitoires.
3 Veuillez poursuivre.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson, je
5 vais le faire.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Monsieur le Témoin, vous avez expliqué des différences, vous avez parlé
8 des frontières, mais je pense que nous n'avons plus besoin, par conséquent,
9 de traiter de ce point. J'aimerais que nous passions à autre chose.
10 R. Mais j'aimerais dire quelques mots supplémentaires au sujet des
11 frontières, à savoir, ce qui suit : Lorsque la question du Burkina Faso et
12 de ses frontières a été abordée dans une décision de la Cour internationale
13 de Justice, cette partie du jugement montre bien que le droit et les
14 réglementations --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est le genre
16 de détails dont nous n'avons pas besoin. Veuillez passer à autre chose.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne suis pas d'accord avec
18 vous, car il ne s'agit de détails ici. A l'intercalaire 54, vous avez des
19 citations de la décision de la Commission d'arbitrage dirigée par Badinter,
20 et cet arbitrage est une véritable alchimie, une complète fabrication de
21 faux. Au paragraphe 54, nous lisons, "en effet," à l'intercalaire 54, qui
22 est en anglais, nous lisons, "en effet ce principe n'est pas une règle
23 particulière qui relève d'un système de droit international particulier. Il
24 s'agit d'un principe général qui est lié logiquement au phénomène de
25 l'obtention de l'indépendance où que celui se manifeste. Son seul objet est
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1 d'empêcher l'indépendance et la stabilité de nouveaux états qui sont mis en
2 danger par des luttes intestines."
3 Puis il vient d'être question du Burkina Faso et du Mali. On peut se
4 demander si la référence est justifiée ou pas. Ceci est une question de
5 fait, et pas simplement une question de finesse juridique. La question est
6 beaucoup plus conséquente que cela.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Professeur, pourriez-vous nous expliquer ceci, je vous prie. Est-ce que
9 vous estimez que la Cour constitutionnelle --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai rendu une
11 décision. Si je veux revenir sur ma décision suite aux commentaires que
12 vous venez de formuler, c'est à moi qu'il appartient d'en décider. Il est
13 tout à fait injustifié pour vous de continuer à poser la même question au
14 témoin.
15 Cela étant, je vous autorise à le faire très rapidement.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson. J'aimerais
17 appeler l'attention du témoin sur l'intercalaire 54.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Professeur, je vous demande une explication rapide ?
20 R. Excusez-moi. Qu'est-ce c'est l'intercalaire 54 ?
21 Q. Il s'agit de cette décision de la Commission d'arbitrage Badinter sur
22 le Burkina Faso, à savoir, en rapport avec la question dont vous parliez.
23 R. Oui, il s'agit d'un point de droit, et de cette décision il importe de
24 citer plus particulièrement le point suivant : "Provoqué par la mise en
25 cause des frontières suite au retrait de l'administration au pouvoir."
Page 35163
1 Dans cet article on traite de pays où existait un pouvoir colonial qui se
2 retire. Or, l'Etat fédéral dont nous parlons n'est pas un Etat colonial. Il
3 s'agit d'un Etat composé d'un certain nombre d'unités fédérales qui n'ont
4 rien à voir avec des unités coloniales. L'Etat fédéral a sa propre
5 constitution. Il n'est donc pas nécessaire de traiter du problème des
6 frontières comme il est abordé dans cette décision. Il suffit de se pencher
7 sur l'Article 5 de la constitution en vigueur à l'époque. La décision
8 s'agissant de l'Article 5 s'appuie plus précisément sur les dispositions 2
9 et 4. J'ai volontairement laissé de côté les Articles 1 et 3 qui traitent
10 de question différente s'agissant de la comparaison avec la décision de la
11 Commission d'arbitrage.
12 Je ne souhaiterais pas lire tout ceci en détails parce que je ne voudrais
13 pas que nous perdions du temps.
14 Q. Merci, Professeur Markovic. Je crois que tout ceci est clair comme de
15 l'eau de roche à présent.
16 Dites-moi, je vous prie : parmi les documents qui ont été évalués par la
17 Cour constitutionnelle de la Yougoslavie, et pris en compte en détail, y a-
18 t-il des documents où il est question de la nature violente de la sécession
19 qui s'est produite ? Je relis ce que je suis en train de dire à
20 l'observation faite il y a un instant par M. Robinson s'agissant des
21 formations paramilitaires, et cetera, au vu du fait que certaines
22 explications sont ici nécessaires ? Mais pour gagner du temps, je vous
23 demande de vous appuyer sur les points 3, 4, et 5, pour répondre à ma
24 question.
25 R. L'appréciation de la constitutionalité se fait dans le cadre de la
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1 décision rendue ici, décision aux fins d'évaluer la loi sur les amendements
2 des affaires intérieures, de déterminer la constitutionalité au sens du
3 terme du point du gouvernement fédéral, du conseil exécutif fédéral, et
4 cetera. Dans la décision de la Cour constitutionnelle de la Yougoslavie, il
5 est dit que les ZNG, créés selon la loi, sont une formation militaire armée
6 professionnelle destinée à assurer des tâches de défense. C'est ce qui est
7 écrit dans ce texte de lois.
8 Qu'est-ce que la Cour constitutionnelle a estimé ? Elle a estimé que cette
9 décision était illégale parce que selon la constitution de la Fédération,
10 le commandement des forces armées yougoslaves constitue une seule et même
11 entité, et se compose de la défense nationale yougoslave et de la Défense
12 territoriale. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle de Yougoslavie a
13 établi qu'en dehors du système des forces armées, il ne pouvait y avoir
14 d'autres formations militaires créées où que ce soit ou par qui que ce
15 soit. Par conséquent, la Cour constitutionnelle a estimé que le corps de la
16 Garde nationale croate, à savoir, la ZNG, créée selon la loi sur les
17 amendements à la loi sur les affaires intérieures de la République de
18 Croatie, est l'un des exemples de création de formations paramilitaires
19 réalisée en dehors du système des forces armées de l'Etat fédéral.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'aimerais que cette
21 décision de la Cour constitutionnelle, intercalaire 3, soit versée au
22 dossier de l'audience. C'est le texte où la Cour constitutionnelle donne
23 sont point de vue de la façon la plus claire qui soit au sujet de
24 l'illégalité et du caractère illégitime des formations armées, appelées
25 Corps de la Garde nationale croate, à savoir, la ZNG en Croatie.
Page 35165
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous souhaitez la même chose pour
2 l'intercalaire 54 ?
3 M. NICE : [interprétation] Sur l'intercalaire 54, j'aimerais dire ce qui
4 suit : Les Juges n'ont sous les yeux qu'une seule page volante qui, sans
5 doute, est extraite du document signé par Badinter. L'historique de ce
6 document signé par Badinter est le suivant : A un certain moment, la
7 Chambre a demandé à obtenir ce document et l'a obtenu d'ailleurs autrement
8 que par le biais d'un témoin, si je me souviens bien. Ensuite, il y a eu
9 plusieurs documents produits par le témoin Sarinic que l'on trouve à la
10 pièce à conviction 641, intercalaire 32, mais je ne crois pas qu'il
11 s'agisse du texte intégral du document Badinter. Il serait utile qu'à un
12 moment ou à un autre, si l'accusé ou Me Kay peut-être peuvent le faire, cet
13 extrait que nous avons sous les yeux se voit attribuer une autorité plus
14 importante par connexion ou rattachement à l'ensemble du texte.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le rapport de la commission Badinter
16 a été largement utilisé par la Chambre, Article 98 de la procédure.
17 Que faisons-nous de ce document dans ces conditions ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic [comme
20 interprété], dites-vous que nous avons déjà ce rapport ?
21 M. NICE : [interprétation] Je ne suis pas sûr de l'origine de cet
22 intercalaire 54. Il serait plus utile et plus sage, je pense, de relier cet
23 intercalaire 54 à l'ensemble du rapport Badinter.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons l'intercalaire 54,
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1 extrait du rapport Badinter en tant que pièce à conviction de la Défense,
2 et si plus tard nous parvenons à établir un lien entre ce document et une
3 pièce à conviction de l'Accusation, nous le ferons. Nous admettons
4 également l'intercalaire 3.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Pour le compte rendu
6 d'audience, je tiens à dire ce qui suit : L'importance de l'admission de
7 cet intercalaire réside dans le fait que Badinter cite de façon erronée le
8 statut de la République du Burkina Faso. La citation s'achève sur le mot
9 "struggles", en anglais, des luttes, mais dans la suite de cette citation,
10 après le mot struggles : "On trouve les luttes provoquées par la mise en
11 cause des frontières suite au retrait de l'administration au pouvoir,"
12 autrement dit, après le retrait du pouvoir colonial qui était inapplicable
13 et inacceptable. Sur le plan de la législation en vigueur, et sur le plan
14 de la réalité des faits, il est tout à fait incorrect de citer les choses
15 de cette façon, pour parler de l'existence préalable d'une mauvaise
16 intention, ou d'une intention de nuire.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, oui.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Veuillez soumettre cette citation au témoin.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que quelqu'un pourrait m'aider ? Je
20 voudrais placer ce document sur le rétroprojecteur de façon à ce que chacun
21 dans le prétoire puisse le voir.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci a-t-il un rapport avec le
23 rapport Badinter --
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela est lié à l'avis de la Commission
25 d'arbitrage.
Page 35167
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà réglé la question,
2 grâce à M. Milosevic. Nous n'avons pas besoin de voir ce texte.
3 M. NICE : [interprétation] Je crois que je n'avais pas bien compris. Ce
4 qu'ils essaient d'expliquer c'est que Badinter aurait fait une citation
5 erronée, et l'objectif poursuivi est de corriger cette erreur. Maintenant
6 je comprends mieux. J'aurais dû traiter de la question différemment, mais
7 je n'élève aucune objection.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'est pas nécessaire de nous
10 montrer ce texte. Monsieur Milosevic, nous avons compris quel était votre
11 objectif.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaitais simplement montrer une partie de
13 la constitution, les dispositions qui n'ont pas encore été citées et
14 l'Article 5 en particulier de la constitution yougoslave.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur Markovic, j'ai déjà rendu
16 ma décision. Veuillez passer à autre chose.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Professeur Markovic, j'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur
20 l'intercalaire 4. Nous n'avons encore examiné que trois. Il s'agit de la
21 décision de la Cour constitutionnelle qui porte sur l'appréciation de la
22 constitutionnalité de la décision de non application des dispositions de la
23 loi fédérale sur la conscription sur le territoire de la République de
24 Croatie. A la fin de ce texte, à la fin du paragraphe 3, nous voyons que la
25 Cour constitutionnelle yougoslave estime que la loi républicaine ne permet
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1 pas d'interrompre, de faire cesser l'application d'une loi fédérale sur le
2 territoire de l'une ou l'autre des républiques qui font partie de la
3 Fédération. Cette disposition adoptée par la République de Croatie est de
4 ce fait annulée.
5 Cette décision démontre-t-elle également la nature violente de la
6 sécession ?
7 R. Par cette décision et par la décision de rejet de la légalité des
8 dispositions relatives à la défense nationale, la Cour constitutionnelle a
9 estimé que ces dispositions croates étaient anticonstitutionnelles et les a
10 suspendues. Pourquoi l'a-t-elle fait ? Parce que dans ces dispositions, les
11 forces armées constitutionnelles connues par la constitution, à savoir, la
12 JNA et la Défense territoriale sont diminuées par la République de Croatie
13 dans ces dispositions. La République de Croatie qui souhaitait remplacer
14 ces formations armées constitutionnelles par une nouvelle formation armée,
15 à savoir, la ZNG, formation de soldats et de métiers destinées à assurer
16 les fonctions de défense et de police. Par conséquent, la Croatie
17 souhaitait limiter, réduire l'application du droit fédéral sur la
18 conscription et sur la défense nationale, sur le territoire de la
19 République de Croatie parce que la République de Croatie avait créé ses
20 propres forces armées, qu'elle souhaitait utiliser, et donc souhaitait que
21 les forces armées de la Fédération cessent d'agir sur son territoire.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, la question était très
23 précise, à savoir, dans quelle mesure cette décision démontre-t-elle la
24 nature violente de la sécession ? Pouvez-vous répondre à cette question ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ceci démontre la nature violente de la
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1 sécession, car il est refusé d'appliquer ou d'avoir recours aux forces
2 armées constitutionnelles, légales du pays et ont créé des forces armées
3 autre, des forces armées propres qui sont anticonstitutionnelles et qui
4 sont destinées à mener la sécession. Par ailleurs, les forces armées
5 constitutionnelles, donc les forces armées légales se seraient opposées à
6 la sécession, auraient essayé de défendre l'ordre constitutionnel en
7 vigueur, alors que la ZNG était censée recourir à la violence pour mener à
8 bien la sécession.
9 L'armée population yougoslave, la JNA est une formation fédérale et
10 constitutionnelle, et l'une de ses fonctions consiste à défendre l'ordre
11 constitutionnel en place. L'aspect constitutionnel est remis en cause dès
12 lors que l'une ou l'autre des unités de la Fédération exprime le vśu de
13 quitter la Fédération. C'est l'une des raisons pour laquelle les lois
14 fédérales ont été suspendues sur le territoire de la Croatie, et de l'avis
15 de la Cour constitutionnelle, ceci est anticonstitutionnel.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais est-ce que ceci conduit
17 nécessairement à la violence ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci conduit nécessairement à la violence et
19 je vais vous dire pourquoi. Parce que la nation serbe de Croatie a décidé,
20 à l'issue d'un référendum, qu'elle ne souhaitait pas quitter la
21 Yougoslavie. Elle ne souhaitait pas partir, vivre dans un autre Etat, parce
22 qu'elle avait son propre Etat, la Yougoslavie et dans cet Etat yougoslave,
23 aux côtés des autres nations, elle vivait de façon tout à fait
24 satisfaisante. Par conséquent, la nation serbe, le peuple serbe ne
25 souhaitait pas la sécession, ne souhaitait pas vivre dans une Croatie
Page 35170
1 indépendante. C'est la cause du conflit qui a éclaté. L'une des parties à
2 ce conflit étant la ZNG, le corps de la Garde nationale.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous être
4 plus clair au sujet des intercalaires 4 ou 5 que nous examinons en ce
5 moment, me dire quel est l'intercalaire que nous sommes censés examiner.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, il y a deux décisions qui ont
7 été suspendues ou annulées qui sont mentionnées à l'intercalaire 4. L'une
8 porte sur la non application de la loi fédérale sur la conscription, et
9 l'autre sur la non application de la loi sur la défense nationale. Les deux
10 intercalaires 4 et 5 sont à prendre en compte ensemble. Je pense que le
11 texte dont nous parlons actuellement est l'intercalaire 5. Je vais demander
12 en tout cas que les deux intercalaires soient versés au dossier en tant que
13 pièces à conviction.
14 Intercalaire 5, vers la fin du paragraphe 3 de cette décision visant à
15 apprécier la constitutionnalité de la décision sur la non application des
16 dispositions de la loi sur la défense civile, il est dit que toute la
17 législation fédérale est applicable dans son intégralité sur tout le
18 territoire de la RFSY, à moins que des lois ou des documents précis
19 prévoient l'application d'une loi sur une partie de ce territoire
20 uniquement.
21 Puis, à la fin du texte, nous lisons que la décision de ne pas appliquer
22 les dispositions de la loi sur la défense civile sur le territoire de la
23 République de la Croatie est suspendue.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez nous donner des numéros, je
25 vous prie, à moins que ces documents n'aient déjà été admis.
Page 35171
1 M. KAY : [interprétation] Je vais essayer de régler les questions qui
2 restent en suspens au sujet de l'intercalaire 54. Je remercie Mme Anoya
3 pour son aide. Il s'agissait de la pièce à conviction de l'Accusation 641,
4 intercalaire 32.2, à savoir, l'avis de la Commission Badinter.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Kay.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Professeur Markovic, puisque vous êtes membre de la Cour
8 constitutionnelle qui est l'auteur de toutes ces dispositions que vous avez
9 qualifiées de contraire à la loi, je vais maintenant vous donner lecture en
10 parallèle de deux paragraphes tirés de l'acte d'accusation sur la Croatie,
11 à savoir, les paragraphes 85 et 110.
12 Pour le paragraphe 85, nous lisons ce qui suit, je cite : "Entre le 1er août
13 1991 au moins et juin 1992 au moins, la Croatie était le théâtre d'un
14 conflit armé. Jusqu'au 7 octobre 1991, ce conflit armé était de nature
15 interne. A partir du 8 octobre 1991, la République de Croatie était le
16 théâtre d'un conflit armé international et était partiellement occupé."
17 Voilà ce qui est constaté au paragraphe 85.
18 Prenons maintenant le paragraphe 110 qui se lit comme suit, je cite : "La
19 RFSY, République socialiste fédérative de Yougoslavie, a existé en tant
20 qu'Etat souverain jusqu'au 27 avril 1992, date à laquelle a été adoptée la
21 constitution de la République fédérale de Yougoslavie en remplacement de la
22 constitution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie de
23 1974."
24 Si nous partons de ce que vous venez d'évoquer comme ayant été votre
25 travail d'appréciation d'un certain nombre de documents officiels relatifs
Page 35172
1 à la sécession pendant la crise en Yougoslavie, quelle est votre conclusion
2 lorsque vous faites la comparaison entre les paragraphes 85 et 110 ?
3 M. NICE : [interprétation] Il me semble que ceci consiste à demander au
4 témoin un avis d'expert et que cela empiète sur le travail des Juges.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une question qu'il appartient
7 aux Juges de la Chambre de trancher, c'est à nous qu'il appartient, en
8 dernière analyse, de nous prononcer sur ce point, Monsieur Milosevic.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demandais au Pr Markovic
10 de répondre sur la base de son statut et de la pratique qui a été les
11 siennes au sein de la Cour constitutionnelle, parce que, je vous en prie,
12 il est stipulé ici qu'à la date du 8 octobre 1991, il existait un conflit
13 armé international, alors qu'au paragraphe 110, il est dit que la RFSY a
14 existé en tant qu'Etat souverain jusqu'au 27 avril 1992, au moment où la
15 constitution de la RFSY a été adoptée. Comment est-ce qu'il peut y avoir
16 conflit armé international dans un Etat qui existe jusqu'en avril 1992 ?
17 Comment peut-il y avoir conflit international en octobre 1991, dans ces
18 conditions ? C'est un problème qui a été débattu par ces hommes au sein de
19 la Cour constitutionnelle. Je vous prie.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez au témoin de se
21 prononcer sur une question juridique qui, en dernier ressort, relève des
22 compétences de la Chambre. Il serait admissible que vous l'interrogiez sur
23 la situation de faits qui pourraient avoir donné lieu à cette situation de
24 droit. Mais la conclusion, du point de vue du droit, appartient en dernier
25 ressort à la Chambre.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'interroge pas le témoin sur une question
2 de droit, mais au sein de la Cour constitutionnelle, sur des points de ce
3 genre, de cette nature, Monsieur Robinson, ces hommes rendaient leurs
4 décisions.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Professeur, est-il contesté que la République socialiste fédérative de
7 Yougoslavie en tant que telle et comme stipulé à l'Article 110 de l'acte
8 d'accusation sur la Croatie a continué à exister jusqu'au 27 avril 1992, au
9 moment où la constitution de la République fédérale de Yougoslavie a été
10 adoptée ?
11 R. A mon avis, ceci est une question qui porte sur les faits. Ce fait
12 étant la disparition de la RFSY de l'Etat fédéral. Au paragraphe 85, cette
13 disparition est liée à un autre fait à savoir la proclamation de
14 l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, à savoir à la date du 8
15 octobre. Alors qu'au paragraphe 110, ce fait est relié à un autre fait qui
16 est l'adoption de la constitution de la République fédérale de Yougoslavie
17 qui s'est faite le 27 avril 1992. Je n'exprime rien sur le plan du droit
18 dans ma réponse, mais c'est un fait que la disparition de la Yougoslavie
19 dans ces deux paragraphes est reliée à deux dates différentes.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le micro est toujours éteint.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le temps est passé pour ce qui est
22 de la pause.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais laissez-moi finir avec cette question pour
24 ne pas couper les choses à des moments inappropriés.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
Page 35174
1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Le 8 octobre est, de façon évidente, liée à la déclaration de Brioni, à
3 savoir à l'écoulement du délai de trois mois prévu par la déclaration de
4 Brioni, ma question est la suivante : étant donné que vous étiez au courant
5 de toutes ces choses là, est-ce que cette déclaration de Brioni pouvait oui
6 ou non avoir des effets légaux pour ce qui est de cette décision afférente
7 à la sécession ?
8 R. La déclaration de Brioni ne pouvait pas donner une valeur
9 constitutionnelle à quelque chose de contraire à la constitution. La Cour
10 constitutionnelle a déjà décidé de l'anticonstitutionnel. Cela ne pourrait
11 devenir juridiquement valable au bout de trois mois. La déclaration de
12 Brioni n'avait aucune compétence constitutionnelle. Si elle en avait eue,
13 elle ne pouvait pas agir contrairement à la constitution valide, à ce
14 moment-là, à savoir la constitution de 1974. Donc après écoulement d'une
15 certaine période de temps, quelque chose d'anticonstitutionnel ne saurait
16 devenir constitutionnel à posteriori.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons procéder maintenant à
19 une pause de 20 minutes.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur
23 Milosevic.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur le Professeur Markovic, nous allons passer à présent sur un
Page 35175
1 sujet autre quant à votre témoignage. Comme indiqué par mes soins dès le
2 début, cela se rapporte aux modifications constitutionnelles, à savoir à
3 l'adoption des amendements à la constitution en 1989, constitution de
4 Serbie, donc activités en 1990 et amendements constitutionnels en 1992,
5 pour ce qui est de la constitution yougoslave.
6 Vous avez été membre de cette commission constitutionnelle pour ce qui est
7 de la rédaction des amendements constitutionnels à la constitution de
8 Serbie en 1974. Veuillez m'indiquer quelle a été la composition de cette
9 commission et en quelle qualité vous vous êtes vu devenir membre de ladite
10 commission.
11 R. La commission constitutionnelle était composée de députés au parlement,
12 la majorité des membres étaient des députés. Il y avait trois chambres dans
13 ce parlement, et les trois chambres étaient représentées. On y représentait
14 également la profession. Il n'y avait donc pas que des députés dans ces
15 organes de travail, et autres commissions de travail du parlement, mais il
16 y avait aussi des représentants de la profession et de la science. A
17 l'époque, j'étais membre de la commission constitutionnelle du rang des
18 personnes venues de la profession et des sciences.
19 Q. Mais dites-moi : pourquoi ces amendements ont-ils été promulgués ?
20 R. Ces amendements ont été adoptés en conséquence du statut
21 constitutionnel de la République de Serbie vu que c'était là une unité
22 fédérale de cet Etat fédéral. Au mois de novembre, l'assemblée -- le
23 parlement fédéral a adopté 40 amendements à la constitution de la
24 République socialiste fédérative de la Yougoslavie. Toutes les républiques,
25 partant de la subordination des constitutions des républiques à la
Page 35176
1 constitution fédérale, étaient tenues d'adopter des amendements appropriés
2 s'agissant de leurs constitutions respectives. Il s'agissait donc d'une
3 modification de la constitution fédérale, des constitutions des six
4 républiques, et des deux provinces. Il s'agit là de la deuxième
5 modification de la constitution fédérale. La première modification est
6 intervenue en 1981.
7 Q. D'où est venue cette initiative pour ce qui est de la promulgation
8 d'amendements ?
9 R. L'initiative est venue du titulaire de la possibilité de formuler une
10 proposition en ce sens, à savoir, à mon avis, la présidence de la
11 République de Serbie. Le titulaire ou la personne habilitée ou l'organe
12 habilité pouvait être toute chambre, et comme il y en avait trois au total,
13 cela faisait au moins 30 députés. Cela pouvait être fait par le conseil
14 exécutif de la république et la présidence de la Serbie.
15 Q. Dites-nous : comment s'est déroulée cette procédure d'adoption des
16 amendements, et est-ce que cela s'est fait conformément aux dispositions
17 afférentes de la constitution de la Serbie ?
18 R. La procédure d'adoption de ces amendements a été, bien entendu,
19 constitutionnelle, conforme à la constitution. En vertu des dispositions de
20 la constitution de Serbie, chapitre 17, Articles 427 à 431 de celle-ci. Ces
21 articles-là, et ils sont cinq au total, prévoient la procédure relative à
22 la modification de la constitution de Serbie. C'est ce qu'on appelle la
23 procédure de révision, à savoir, de modification de constitution.
24 Q. Combien d'amendements a-t-on adoptés en 1989 ?
25 R. Il a été promulgué 41 amendements à cette constitution de la République
Page 35177
1 de Serbie.
2 Q. Nous avons ici l'intercalaire numéro 17 où il est précisé, au sein de
3 la Gazette officielle de la République de Serbie, les textes desdits
4 amendements, 9 à 49, s'agissant de cette constitution de la République de
5 Serbie.
6 R. [hors micro]
7 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Je vous prie de nous dire brièvement le sens et la teneur de ces
10 amendements.
11 R. La signification de ces amendements était la suivante : il s'agissait,
12 au niveau de la République, de se conformer aux modifications
13 constitutionnelles à l'occasion de l'adoption des 40 amendements à la
14 constitution fédérale. Il s'agissait donc de la rendre conforme à la
15 constitution de la République de Serbie, aux amendements adoptés au niveau
16 de la constitution fédérale. Comme on le sait, dans un Etat fédéral, la
17 Fédération se trouve en position de supériorité hiérarchique vis-à-vis de
18 la constitution des républiques, et les constitutions des républiques
19 devaient être conformes à la constitution fédérale.
20 Maintenant pour ce qui est de la teneur, la teneur allait dans trois
21 directions. Le premier domaine était le domaine du système économique où
22 l'on a mis en place des lois du marché et où l'on laisse entendre qu'il y
23 aura d'autres réformes au niveau du système économique. Le deuxième secteur
24 est celui de la rationalisation du système de délégation. Le troisième
25 domaine concerne les organes de la république. Il est donc déterminé des
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1 solutions différentes pour ce qui est de l'organisation et du
2 fonctionnement des organes de la république, pour ce qui est de certains de
3 ces organes, pas tous.
4 Je précise que ces modifications étaient dues à la modification de la
5 constitution fédérale.
6 Q. Je vous prie maintenant de nous dire combien d'amendements, sur ceux
7 qui ont été adoptés à l'époque, se rapportaient au statut des provinces, et
8 de quel amendement parle-t-on ici ?
9 R. Pour ce qui est du total de 41, il y a cinq amendements d'afférents au
10 statut des provinces. Il s'agit de l'amendement numéro 29, du 31, de
11 l'amendement 33, de l'amendement 43, et du 47.
12 Q. Qu'a-t-on modifié là ? Procédons dans l'ordre. Le numéro 29, par
13 rapport à la matière qu'il réglementait auparavant, qu'a-t-on changé ?
14 R. L'amendement numéro 29 aménageait la relation qui existe entre la
15 constitution de la république et celle de la province. Comme on le sait, la
16 province fait partie intégrante de la République de Serbie, et la
17 constitution de la province ne saurait être contraire à la constitution de
18 la République de Serbie. On dit là que la Cour constitutionnelle de Serbie
19 fournisse son opinion au parlement de la Serbie pour ce qui est de savoir
20 si la constitution de la province se trouve en conformité ou pas avec la
21 constitution de la République socialiste de Serbie.
22 Lorsque le parlement de Serbie, partant de l'opinion de la Cour
23 constitutionnelle de Serbie, vient à déterminer que certaines dispositions
24 de la constitution de la province autonome se trouvent être contraires à la
25 constitution de Serbie, elle est tenue d'en informer le parlement de la
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1 province autonome. Si, dans un délai d'un an, le parlement de la province
2 autonome n'élimine pas ces éléments contraires, lesdites dispositions de la
3 constitution de la province autonome ne pourraient être mises en
4 application.
5 Ceci vient donc confirmer, entériner une règle naturelle en matière
6 juridique, à savoir de faire persister quelque chose dans le système
7 juridique, alors que cela serait anticonstitutionnel. Il est prévu ici une
8 année entière d'existence d'une constitution contraire à -- d'une
9 constitution de la province contraire à la constitution de la république.
10 La province dispose donc d'un délai d'un an pour éliminer cet élément ou
11 ces éléments contraires. Au cas où cela ne serait pas fait, la règle du
12 droit juridiquement plus fort l'emporte sur la règle du droit juridiquement
13 inférieur. Donc, les dispositions contraires à la constitution de la
14 république ne sauraient être mises en application au-delà de ce délai.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, quelle était la
16 disposition en vigueur auparavant ? Quelle était la règle qui était
17 prescrite avant qu'il n'y ait eu adoption de cet amendement ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant que de procéder à ces
19 modifications, cela faisait l'objet de l'Article 402 de la constitution de
20 la République de Serbie. Il appartenait au parlement de la province de
21 décider donc de l'élimination de ces éléments anticonstitutionnels ou pas.
22 Avant, on disait que la Cour constitutionnelle de la Serbie fournissait une
23 opinion au parlement de la Serbie pour déterminer si cette constitution de
24 la province était contraire à la constitution de Serbie. Donc, cela est une
25 imperfection au niveau de la formulation, et on ne dit pas qu'advient-il en
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1 cas d'éléments contraires. Donc, cela est abandonné et laissé à un
2 arbitrage politique. Parce que le parlement de la république s'adresse au
3 parlement de la province en ayant recours à des moyens politiques pour
4 essayer de la convaincre de la nécessité d'éliminer ces éléments contraires
5 à la constitution de la république. Donc, il n'y a pas de norme, et ce sont
6 là des carences pour ce qui est de cette constitution de la république et
7 constitution de la Fédération de 1974, que de ne pas avoir spécifié ces
8 éléments -- de n'avoir pas précisé ces éléments.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quel est l'amendement à la
10 constitution fédérale à partir duquel la Serbie a dû adopter cet
11 amendement-ci ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu du tout d'amendement de
13 cette nature à la constitution fédérale puisque la constitution fédérale
14 aménage les relations au niveau de la Fédération.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Mais si j'ai bien compris, vous
16 avez dit que tous ces amendements étaient nécessaires, parce que d'autres
17 amendements avaient été adoptés s'agissant de la constitution fédérale.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. On a mis à profit les
19 modifications en cours pour procéder à des modifications autres qui
20 relevaient du domaine des compétences de la -- qui relevaient des
21 compétences constitutionnelles de la République de Serbie et non pas de la
22 constitution fédérale.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Je vais parcourir maintenant les amendements 31 et autres, qui se
25 rapportent aux provinces, pas les autres. Au 31, on dit : "Pour réaliser
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1 les lois de la république et autres dispositions juridiques de la
2 république mises en śuvre sur le territoire de la république, il y a
3 responsabilité des organes de la république, et sur le territoire de la
4 province autonome, il y a responsabilité de la part des organes de la
5 province, conformément à la présente constitution." Qu'a-t-on modifié ici ?
6 R. Ceci est un article très long et très touffu pour ce -- de sa teneur,
7 mais je vais résumer les 12 points qui y figurent. Il s'agissait pour la
8 république de se voir conférer des responsabilités accrues pour ce qui est
9 de la réalisation de l'application des lois de la république devant être
10 appliquées de façon unifiées sur le territoire total de la république sans
11 tenir compte des territoires des provinces.
12 Il y avait eu des sabotages pour ce qui est de l'application de ces
13 lois sur le territoire des provinces. Pour que la république puisse
14 disposer des instruments afin que les lois promulguées conformément et de
15 façon unifiée à la constitution de Serbie, pour faire en sorte qu'elles
16 soient applicables au territoire des provinces, la république s'est munie
17 de certaines compétences et seulement, s'agissant des lois, qui n'étaient
18 pas très nombreuses, devant être appliquées de façon uniforme sur le
19 territoire entier de la république.
20 Pour ce qui est des lois promulguées par la province, il y avait des
21 compétences à part entière pour ce qui est de la réalisation de
22 l'application des lois promulguées par la province.
23 Q. Mais, partant de la constitution préalable, y avait-il des lois
24 applicables sur le territoire entier de la république ?
25 R. Oui, c'était bien le cas, à l'Article 300 de la constitution de la
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1 République de Serbie.
2 Q. Vous parlez de 1974 ?
3 R. Je parle de 1974. C'est là que se sont manifestées toutes les carences
4 dudit article dans la pratique. En effet, les compétences de la république
5 pour ce qui est de la promulgation des lois de la république sur le
6 territoire entier étaient définies par des notions que l'on a désigné par
7 le qualificatif de caoutchouc, à savoir trop généralisées, trop vagues. A
8 savoir, la république définissait les fondements, le système, les droits
9 fondamentaux, les relations fondamentales. Donc tout cela, c'était des
10 notions dont la signification n'était pas strictement délimitée. Ce qui
11 fait que dans la pratique, il y a eu beaucoup de contestations, entre la
12 république et les provinces.
13 Qu'est-ce que l'on entendait par les fondements ? Jusqu'où pouvait-on
14 aller dans la réglementation à fixer en vertu des lois pour ce qui est des
15 fondements et du système. Donc il s'agissait de notions caoutchoucs que
16 l'on pouvait étirer ou comprimer et qui faisait l'objet de contestations
17 dans l'application.
18 J'ai lu ici un document qui disait qu'en deux années d'application de
19 cet article, il a été adopté en tout et pour tout 13 lois à appliquer de
20 façon unifiée et uniforme sur le territoire entier de la République de
21 Serbie.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Milosevic,
23 de vous interrompre. Je me demande si les parties en présence, M. Nice, M.
24 Milosevic ou M. Kay pourraient nous dire si nous avons la version préalable
25 de la constitution de la République de Serbie, la version qui a précédé
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1 l'adoption de ces amendements.
2 M. NICE : [interprétation] Dans le courant de ces quelques journées
3 écoulées, j'ai travaillé sur des extraits de la constitution de 1974, mais
4 je n'ai toujours pas vérifier si nous avions le texte intégral de la
5 constitution serbe de 1974. Je vais me renseigner. En tout état de cause,
6 vous en serez informé.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A l'intercalaire, nous avons une
8 constitution qui est celle de la République fédérale de la Yougoslavie et
9 non pas de la Serbie.
10 M. NICE : [interprétation] C'est exact.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr --
12 M. KAY : [interprétation] Intercalaire 526, non pas intercalaire 526, je
13 m'excuse, pièce à conviction 526, intercalaire 1. Je crois que j'avais cela
14 sur ma liste. Il me semble que c'était le Dr Kristan qui avait présenté
15 pour versement cette pièce.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
17 M. NICE : [interprétation] Mme Dicklich est allée plus vite que nous, elle
18 a tout de suite compris ce que vous demandiez. Si je crois avoir bien
19 compris, il s'agit de la pièce 526, intercalaire 1 qui comporte la
20 constitution de la République de Serbie, mais seuls certains articles ont
21 été traduits en langue anglaise, les articles dont le témoin a donné
22 lecture n'ont pas été traduits en anglais.
23 Je vais vérifier pour ma part dans mes extraits, dans mes résumés
24 pour voir si nous avions ces parties-là en anglais.
25 M. KAY : [interprétation] Peut-être pourrions-nous nous pencher sur le 132.
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1 C'est la référence dont je dispose et il s'agit de la constitution de 1990.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous n'avons pas un exemplaire de
3 la constitution précédente de cette constitution de la Serbie.
4 M. KAY : [interprétation] Cela n'a pas été traduit intégralement. Les
5 parties qui ont été versées au dossier au travers du témoignage du Dr.
6 Kristan sont celles que nous avons.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez continuer, Monsieur
8 Milosevic.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Professeur Markovic, je vous demande de vous pencher sur l'amendement
11 numéro 33. Est-ce que cet amendement explique bien ce qui a été aménagé de
12 façon uniforme pour le territoire entier de la République de Serbie en
13 passant par les organes de la république ? Vous avez plusieurs aliénas,
14 mais peut-être faudrait-il se pencher sur leur totalité pour ce qui est
15 d'aménager, d'assurer l'utilisation et les protections des symboles du
16 drapeau et de l'hymne de la RS de Serbie; la teneur des pièces d'identité;
17 l'utilisation officielle de la langue serbo-croate et des alphabets
18 cyrillique et latin; et utilisation sur pied d'égalité de la langue serbo-
19 croate et des langues ainsi que des alphabets des minorités nationales sur
20 les territoires où résident ces minorités nationales; la protection de
21 l'environnement qui relève de l'intérêt de la république toute entière et
22 contrôle de l'application de cette réglementation.
23 Cela est tout à fait civilisé et logique, si je puis tirer cette
24 conclusion partant de ce que nous venons de lire. Ensuite, on dit, aménage
25 les relations conjugales, la cessation du mariage, les droits et devoirs
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1 des conjoints; ensuite, les principes d'héritage; les droits et devoirs des
2 parents et des enfants entre les adoptants et les adoptés; ensuite, la
3 teneur des biens; les limites du droit de propriété; les autres instituts
4 afférents à la réalisation de ces droits; les conditions de prescriptions
5 d'emprunts publics; les conditions afférentes aux biens immobiliers; et
6 cetera. Il y a beaucoup de choses qui sont ici citées.
7 Pouvez-vous nous préciser vous-même s'il y a là des éléments qui
8 mettraient en péril des droits de quiconque, parce qu'il s'agit ici d'une
9 législation qui serait applicable sur le territoire entier de la République
10 de Serbie ?
11 L'INTERPRÈTE : Le témoin, hors micro.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces amendements ont pour objectifs de
13 préciser ces notions caoutchoucs, ces notions très élastiques, tel que
14 prévu à l'Article 300 de la constitution de 1974. On voit, dans la dernière
15 phrase de cet amendement, ce qui est dit : "Le présent amendement remplace
16 les parties appropriées et complète les dispositions de l'Article 300 et
17 remplace l'Article 423 de la constitution de la République de Serbie."
18 Ici, les notions telles que les fondements, à savoir fondements
19 unifiés, à savoir principes uniformes, principes généraux, systèmes, ces
20 notions-là se sont vues détaillées. On a détaillé leur signification. On
21 s'est efforcé de faire en sorte que les compétences de la république dans
22 ces matières-là de la législation soient définies de la façon la plus
23 précise possible, tout en éliminant les notions générales dites élastiques
24 ou caoutchoucs.
25 Il y avait trois types de lois de la république. Un type était
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1 appliqué et c'était le plus grand nombre des lois qui s'appliquaient sur le
2 territoire à l'extérieur des territoires des provinces. Un autre groupe
3 était applicable de façon uniforme sur le territoire entier de la
4 République de Serbie, et il y avait des lois concertées qui étaient prévues
5 par l'Article 301 où il est stipulé que : "Partant des concertations entre
6 la république et les provinces, la législation pouvait aménager, de façon
7 unie comme pour le territoire entier de la république". Certaines relations
8 sous réserve que les provinces soient d'accord, et que leur parlement les
9 adopte par majorité de votes. Il y avait, suivant cette législation, trois
10 types de lois.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Merci, Professeur Markovic. Nous avons deux autres amendements qui se
13 rapportent aux provinces. L'un de ces amendements est l'amendement 43 qui
14 parle des attributions de la présidence de la Serbie, et l'autre, c'est le
15 47 qui parle des changements à la constitution de la RS de Serbie.
16 Je vous prie, très brièvement, de nous dire si de quelque façon que ce
17 soit, cela se fait au détriment des droits de quiconque ou s'il y a quelque
18 chose de particulier de survenu pour ce qui est des critères généraux qui
19 pourraient paraître comme étant étranges, comme étant inhabituels en
20 matière juridique, en matière de droit ?
21 R. Pour ce qui est de l'amendement 43, l'on précise les attributions de la
22 présidence de la RS de Serbie. J'attire votre attention sur l'alinéa 3 où
23 l'on adopte des nouveautés. A l'alinéa 3, il est dit quelles sont les
24 attributions de la présidence concernant la protection de l'ordre
25 constitutionnel, à savoir, concernant la sécurité de l'Etat. La sécurité
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1 d'Etat est une fonction d'Etat, par excellence. D'après la constitution de
2 la République de Serbie, les provinces n'étaient pas des Etats, ils ne
3 pouvaient pas accomplir des fonctions de l'Etat. Ces attributions ont été
4 confiées à la présidence de la République de Serbie.
5 Au paragraphe 3, il est attribué des compétences relatives à cette
6 présidence de Serbie en la matière.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Monsieur
8 Milosevic, l'amendement 43, nous ne l'avons pas en version anglaise. En
9 fait, nous avons une version anglaise du 47 mais non pas une version
10 anglaise de l'amendement numéro 43.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je le regrette beaucoup. Je ne sais pas du tout
12 comment cela a pu se faire que vous ne l'ayez pas parce que cela a été
13 fourni il y a longtemps et l'on a notamment marqué les amendements qui, de
14 quelque façon que ce soit, feraient état des provinces. C'est la raison
15 pour laquelle, d'ailleurs, je cite ces amendements précis.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer, je vous prie, et
17 nous allons décider ultérieurement de ce qu'il adviendra de ce document
18 pour ce qui est de son versement au dossier.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je suppose que vous avez la traduction des
20 autres amendements ?
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous les avons.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] On ajoutera facilement cette traduction si
23 besoin est.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Professeur Markovic, quelle est la caractéristique fondamentale de cet
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1 amendement 47 ? A l'alinéa 1, on dit --
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, M. Milosevic en vous
3 posant la dernière des questions qu'il a posées, vous a demandé une brève
4 explication. Là, je vous rappelle ce terme de "bref." Soyez bref.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai bref. Les provinces ont été privées
6 de leur droit de veto s'agissant des modifications à apporter à la
7 constitution de la République de Serbie. Voilà en guise de réponse.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Article 2, on dit : "Les modifications de la constitution de Serbie ne
10 sauraient modifier la position, les droits et les obligations des provinces
11 autonomes établies par la constitution de la RFSY."
12 R. Oui, justement. C'est là qu'il y a subordination de la constitution de
13 la république à la constitution fédérale. Tout ce qui a été prévu par la
14 constitution de la RFSY pour ce qui est des provinces et leur caractère
15 d'élément constitutif de la Fédération, cela ne pourrait pas être modifié
16 parce que c'était réglé par la constitution fédérale. Mais s'agissant de
17 tout ce qui était et relevait du domaine des droits, obligations et autres
18 attributions de la province, ne saurait être modifié par la constitution de
19 la République de Serbie et ses modifications si cela était aménagé déjà par
20 la constitution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie parce
21 qu'il y a subordination de la constitution de la république vis-à-vis de la
22 constitution fédérale.
23 Q. S'agissant de cette constitution fédérale, est-ce qu'il y a eu maintien
24 des droits des provinces pour ce qui est des amendements apportés à la
25 République de Serbie ?
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1 R. Oui, les amendements sont absolument conformes à la constitution de la
2 République socialiste fédérative de Yougoslavie. Si vous avez sous les yeux
3 l'Article 4 de la constitution de la République socialiste fédérative de
4 Yougoslavie, vous y trouverez la définition de la province autonome. On y
5 dit que la province socialiste autonome est une communauté sociopolitique,
6 autogestionnaire qui se fonde sur les droits du peuple travailleur et des
7 citoyens où les citoyens, les nations et les minorités nationales exercent
8 leurs droits souverains.
9 Lorsque cela relève de l'intérêt de la République de Serbie, c'est
10 celle-ci qui détermine les droits et devoirs qui reviendront à la province
11 en vertu de la constitution de la République socialiste de Serbie. Cet
12 Article 4 de la constitution de la République socialiste fédérative de
13 Yougoslavie aménage et réglemente la matière.
14 Il appartient à la constitution de la république de déterminer la
15 quantité d'attributions qui sera conférée aux provinces autonomes.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] S'agissant de cet amendement,
17 j'aimerais vous poser la même question ou les mêmes questions que celles
18 que je vous ai posées au sujet du numéro 29, de l'amendement numéro 29.
19 Quelle était la situation avant l'adoption de cet amendement ? Cela, c'est
20 ma première question.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant l'adoption de cet amendement, une
22 province pouvait tout simplement donner son veto. C'est-à-dire empêcher que
23 toute modification, quelle qu'elle soit, soit apportée à la constitution de
24 la République de Serbie, les empêcher.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma deuxième question est : quelle est
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1 la modification qui a été apportée ou l'amendement apporté à la
2 constitution fédérale qui nécessitait que cette modification soit apportée
3 à la constitution serbe ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu d'amendement apporté à la
5 constitution fédérale parce que nous parlons ici de questions qui relèvent
6 de l'organisation, la manière dont les républiques s'organisent elles-
7 mêmes. La constitution des républiques pouvait être modifiée par les
8 républiques. L'organisation de l'Etat fédéral est déterminée par l'Etat
9 fédéral et la constitution fédérale. Donc, il n'y a pas eu à cet égard de
10 changements au niveau fédéral. J'ai déjà dit que la majorité de ces
11 dispositions, nous en avons examiné un total de 36, ont été le résultat de
12 modifications au niveau de la constitution fédérale, alors que les cinq
13 articles qui traitent des pouvoirs des républiques étaient différents, et
14 les choses étaient organisées différentes que qu'est-ce qui figurait dans
15 le texte de la constitution serbe de 1974.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Professeur Markovic, vu ce que vous nous avez expliqué à l'instant,
18 est-ce que les républiques sont sorties du cadre qui était celui qui était
19 prévu par la constitution ?
20 R. Non. La république a agi conformément à la constitution, à la lettre de
21 la constitution. Il appartient à la république de déterminer l'autorité
22 d'une province autonome. La différence entre une république et une province
23 autonome, on la trouve aux Articles 3 et 4 de la constitution de la RFSY. A
24 l'Article 3, il est dit qu'une république est un Etat. Si bien, qu'il en
25 découle que la Serbie est un Etat. Quant à une province autonome, c'est une
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1 communauté sociopolitique autonome. Ce n'est pas un Etat, je le répète, ce
2 n'est pas un Etat, donc, elle ne peut pas remplir les mêmes fonctions qu'un
3 Etat; sinon, il y aurait une situation où on aurait un Etat à l'intérieur
4 d'un Etat. Voilà quelle serait la situation dans ces conditions.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, merci. Je souhaiterais demander, Monsieur
6 Robinson, le versement au dossier de l'intercalaire 17, avec tous ses
7 amendements. Vous nous avez dit qu'il y avait un des amendements qui
8 n'avait pas été traduit, mais tous les autres l'ont été. Je souhaiterais
9 donc que ce document soit versé au dossier, et si l'autre document n'a pas
10 été versé au dossier, je pense qu'il conviendrait qu'on en fasse de même.
11 Je n'ai pas ici la liste des documents admis. Je souhaiterais demander le
12 versement au dossier de l'intercalaire 15, si cela n'a pas déjà été le cas.
13 Le Pr Markovic a cité un extrait de la constitution de la Yougoslavie, et
14 c'est ce document que l'on trouve à l'intercalaire 15. Je crois que vous
15 disposez même de ce document dans son intégralité en anglais.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce document va être versé au
17 dossier, 17. Quant au document qui figure à l'intercalaire numéro 15, il a
18 déjà été versé au dossier précédemment.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Vous nous avez répondu que tout ceci était conforme et a été fait
21 conformément à la constitution de la Yougoslavie. Maintenant, j'aimerais
22 savoir si la Cour constitutionnelle de Yougoslavie a délivré une décision
23 quant à la constitutionnalité des amendements apportés à la constitution ?
24 Pour ce faire, j'aimerais vous demander de vous reporter à l'intercalaire
25 numéro 18, intercalaire où nous trouvons un document concernant la décision
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1 et l'opinion rendue par la Cour constitutionnelle de Yougoslavie. Ma
2 question est la suivante : est-ce que la Cour constitutionnelle a eu le
3 sentiment que ces amendements étaient conformes à la constitution de la
4 RFSY ? Est-ce qu'elle a rendu une décision à ce sujet ?
5 R. La Cour constitutionnelle de Yougoslavie, sur proposition de la chambre
6 fédérale du parlement yougoslave, a rendu une décision au sujet de la
7 constitutionnalité de tous les amendements apportés à la constitution de la
8 république qui comprend -- et qui a trait également à la constitutionnalité
9 des amendements apportés à la constitution de la République de Serbie. On y
10 retrouve les opinions manifestées par le parlement yougoslave, et il y est
11 dit que ces amendements -- si ces amendements sont ou non conformes à la
12 constitution fédérale. La Cour constitutionnelle a conclu qu'il n'y avait
13 que trois amendements sur 41 qui étaient anticonstitutionnels par rapport à
14 la constitution fédérale.
15 Q. De quelles dispositions s'agissait-il ?
16 R. En premier lieu, il s'agit de ce qui a trait à l'immobilier -- aux
17 propriétés immobilières, sur la limitation des transactions dans
18 l'immobilier. Ils ont dit que ceci était contraire à la constitution
19 fédérale.
20 Le deuxième point pour lequel la Cour constitutionnelle a dit qu'il y avait
21 anticonstitutionalité, c'était en ce qui concernait l'utilisation de
22 l'alphabet. On avait mis en avant l'alphabet cyrillique et la Cour
23 constitutionnelle a dit que les deux alphabets, l'alphabet latin et
24 l'alphabet cyrillique, étaient légaux.
25 La troisième question -- le troisième point avait trait au système
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1 électoral en vigueur pour élire les conseils des municipalités de
2 l'assemblée et de la république. Il y avait trois assemblées : la première
3 qui comptait 160 députés; l'assemblée des municipalités avec 90 députés; et
4 une chambre sociopolitique qui comptait également 90 députés.
5 Si bien qu'aucun des amendements dont nous avons parlé, 29, 31, 33,
6 43 et 45, donc aucun de ces amendements n'a été considéré comme
7 anticonstitutionnels par la Cour constitutionnelle de Yougoslavie,
8 contraires donc à la constitution de la République fédérative socialiste de
9 la Yougoslavie.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etiez-vous membre de la cour qui a
11 pris cette décision ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne pouvez pas le voir ici. Mais non, je
13 n'étais pas membre de la Cour constitutionnelle. Mais elle m'a demandé à
14 participer aux réunions et aux débats publics en tant que représentant du
15 monde universitaire. Les défenseurs de ces propositions étaient là, ainsi
16 que tous ceux qui étaient là pour présenter toute la question dans son
17 aspect constitutionnel, et on s'est décidé sur la base d'un rapport produit
18 par le juge.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Vous n'étiez pas juge de la Cour constitutionnelle, mais vous avez
21 participé à ses séances de travail ainsi qu'au débat public qui a eu lieu à
22 cet endroit ?
23 R. Oui. J'ai demandé à prendre la parole et j'ai présenté mon point de
24 vue. Le Juge Kristan, quant à lui, était bel et bien juge de la Cour
25 constitutionnelle à l'époque concernée.
Page 35194
1 Q. Vu cette décision rendue par la Cour constitutionnelle, j'aimerais vous
2 demander vos observations au sujet d'éléments dont je vais maintenant
3 donner lecture et qui sont les suivants. Je donne ici lecture d'une partie
4 de l'acte d'accusation concernant le Kosovo, points -- paragraphes 79 et
5 81. Au paragraphe 79, on lit la chose suivante, je cite : "A la même
6 époque, en Serbie, des voix de plus en plus nombreuses se faisaient
7 entendre pour demander une reprise en main du Kosovo par la Serbie. De
8 nombreuses manifestations ont été organisées à cet effet. Le 17 novembre
9 1988, des hautes personnalités politiques albanaises du Kosovo ont été
10 démises des fonctions qu'elles exerçaient au sein de l'administration
11 provinciale et remplacées par des responsables loyaux envers Slobodan
12 Milosevic. Au début de 1989, l'assemblée serbe a proposé des amendements à
13 la constitution de la Serbie qui devaient priver le Kosovo d'une grande
14 partie de son autonomie, et notamment du contrôle de la police, de
15 l'éducation, de la politique économique, du choix d'une langue officielle
16 ou de son droit de veto sur les modifications ultérieures de la
17 constitution de la Serbie. Les Albanais du Kosovo ont manifesté en masse
18 contre les amendements proposés. La grève entamée en février 1989, par les
19 mineurs albanais du Kosovo, n'a fait qu'accentuer les tensions."
20 Ensuite, on passe au paragraphe 81. On peut lire la chose suivante : "Le 23
21 mars 1989, l'assemblée du Kosovo s'est réunie à Pristina et a approuvé les
22 amendements constitutionnels proposés, alors que la majorité des délégués
23 albanais du Kosovo s'abstenaient. Bien que la majorité des deux tiers
24 requise en pareil cas n'ait pas été réunie, le président de l'assemblée a
25 néanmoins déclaré que les amendements étaient adoptés. Le 28 mars 1989,
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1 l'assemblée de la Serbie a adopté à son tour les amendements
2 constitutionnels, mettant ainsi un terme au statut d'autonomie accordé à la
3 province par la constitution de 1974."
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, j'aimerais que vous
5 répondiez à ces deux questions une par une. Premièrement, s'agissant du
6 paragraphe 79, il est dit que des voix de plus en plus nombreuses se
7 faisaient entendre pour demander une reprise en main du Kosovo par la
8 Serbie --
9 L'INTERPRÈTE : Interruption par l'interprète de la cabine anglaise qui
10 signale qu'il s'agissait de révocation de l'autonomie.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas bien. J'ai
12 entendu l'interprète. Je ne vois pas ceci au paragraphe 79.
13 Est-ce que vous êtes d'accord, Monsieur le Témoin, avec cette allégation ?
14 En quelques mots.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis pas d'accord, parce que le
16 Kosovo n'a pas été -- n'était pas placé sous l'autorité serbe. La province
17 autonome a été incorporée à la structure constitutionnelle de la République
18 de la Serbie, étant donné que l'Article 2 de la constitution de la
19 République fédérative de Yougoslavie stipule que les provinces
20 s'inscrivaient dans le cadre -- faisaient partie de la République de la
21 Serbie. Donc, ce terme "d'autorité serbe" est beaucoup trop fort et ne
22 devrait -- il n'a pas lieu d'être ici.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Je continue. "Le 17 novembre
24 1988, des hautes personnalités politiques albanaises du Kosovo ont été
25 démises des fonctions qu'elles exerçaient au sein de l'administration
Page 35196
1 provinciale et remplacées par des responsables loyaux envers Slobodan
2 Milosevic." Pouvez-vous nous faire des observations au sujet de cette
3 phrase ? Est-ce que vous êtes en mesure de nous apporter des observations à
4 ce sujet, du point de vue des faits ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne peux pas le faire, parce qu'à
6 l'époque, je ne faisais pas de politique, et ici, on ne donne aucun nom --
7 aucun nom qui me permettrait de répondre.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'allégation suivante, c'est :
9 "Qu'au début de 1989, l'assemblée serbe a proposé des amendements à la
10 constitution de la Serbie qui devaient priver le Kosovo d'une grande partie
11 de son autonomie, et notamment du contrôle de la police, de l'éducation, de
12 la politique économique, du choix d'une langue officielle, ou de son droit
13 de veto sur les modifications ultérieures de la constitution de la Serbie."
14 Est-ce que vous pouvez faire des observations à ce sujet ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose qui soit vraie ici, c'est que
16 les provinces ont été privées de leur droit de veto. Mais tout le reste ne
17 correspond pas à la réalité, à la vérité.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ma question suivante a trait --
19 c'est une question de fait, puisqu'il est dit que, je cite : "La grève
20 entamée début février 1989 par les mineurs albanais du Kosovo n'a fait
21 qu'accentuer les tensions." Est-ce que vous êtes en mesure de faire des
22 observations au sujet de ce point, du point de vue des faits ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, et pour la même raison que précédemment.
24 A l'époque, je ne faisais pas de politique. J'étais simple professeur
25 d'université à l'époque.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au paragraphe 81, la première
2 allégation est la suivante : "Le 23 mars 1989, l'assemblée du Kosovo s'est
3 réunie à Pristina et a approuvé les amendements constitutionnels proposés,
4 alors que la majorité des délégués albanais du Kosovo s'abstenaient." Etes-
5 vous en mesure de faire des observations au sujet de la phrase que je viens
6 de lire ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Une fois encore, je vais vous dire que ceci ne
8 correspond pas à la vérité, parce que dans la décision par laquelle ont été
9 proclamés ces amendements, si vous avez le texte de ces amendements, vous
10 pourrez voir, qu'avant chaque amendement, il y a une décision dans laquelle
11 -- par laquelle sont proclamés les amendements 9 à 49 à la constitution de
12 la Serbie. C'est ce qu'on appelle la promulgation des amendements. Dans ce
13 texte, il est dit que les amendements sont promulgués, et que le 10 mars
14 1989, les assemblées des provinces -- plutôt que l'assemblée du Kosovo,
15 dans une réunion conjointe de toutes les chambres, qui a eu lieu le 23 mars
16 1989, ont confirmé tous ces amendements. Donc, je ne peux pas concevoir que
17 le journal officiel contienne un tel mensonge.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais vous rappeler que nous avons eu
19 ici un témoin, Monsieur Robinson, M. Vukasin Jokanovic, qui était ici. Nous
20 avons passé l'enregistrement de cette sécession. On nous a indiqué très
21 clairement combien de délégués avaient voté, et cetera. Donc, ici, nous
22 avons affaire à un mensonge éhonté et manifeste.
23 M. NICE : [interprétation] Ceci figure dans l'acte d'accusation, si je --
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce genre d'observation, Monsieur
25 Milosevic, est tout à fait déplacé, que ce soit aujourd'hui ou à n'importe
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1 quel autre moment de ce procès.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Professeur Markovic, est-ce que la majorité des délégués albanais s'est
5 véritablement abstenue ? Vous vous en souvenez sans doute, puisque vous
6 avez suivi l'évolution de la situation.
7 R. Si la majorité d'entre eux s'était abstenue, ces amendements n'auraient
8 pu être adoptés, puisqu'une majorité des deux tiers était requise. Si bien
9 qu'il n'est pas possible que la majorité se soit abstenue. Il fallait que
10 la majorité, au contraire, vote en faveur de ces amendements, car c'était
11 le seul mécanisme disponible permettant à un projet d'amendement de se
12 transformer en véritable amendement.
13 Q. Merci, Professeur Markovic. Poursuivons. Veuillez, s'il vous plaît, de
14 manière générale, la plus générale possible - et peut-être d'ailleurs
15 aurais-je dû vous poser cette question bien avant, puisqu'il s'agit d'une
16 question extrêmement importante. Pouvez-vous donc me dire quels arguments
17 ont été mis en avant par la commission constitutionnelle avec qui vous avez
18 travaillé, vous avez participé à ses travaux, quels arguments donc ont été
19 mis en avant par cette commission à l'appui des amendements dont nous
20 venons de parler, au sujet des provinces et cetera ? Quels sont les
21 arguments qui ont guidé le travail de la commission et qui l'ont incitée à
22 faire ces propositions ?
23 R. S'agissant de l'application de la constitution entre 1974 et 1989, du
24 fait de cette application, on a engrangé beaucoup d'expérience, une
25 expérience qui était traduite dans différents documents élaborés par
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1 différents organes. Il y a eu des réactions de la part des professionnels
2 du droit, ainsi que du grand public. Si bien que ces modifications, elles
3 ont été apportées sur la base de ces trois sources. En 1987, la présidence
4 de la République de Serbie avait publié un document ayant trait à la
5 position légale -- juridique de la République de la Serbie et des provinces
6 autonomes se trouvant à l'intérieur de la Serbie. C'est ce qu'on appelait
7 le livre bleu. Ce livre bleu n'a jamais été publié.
8 Moi-même, je l'ai reçu juste avant ce procès. J'ai reçu le texte de ce
9 livre bleu grâce à un universitaire, Kosta Mihailovic.
10 Sans oublier qu'il y a eu un grand nombre de réunions d'universitaires et
11 d'érudits, avec notamment une réunion où on trouvait -- qui avait une
12 orientation yougoslave avec des représentants albanais, croates,
13 macédoniens. Il y avait donc des Croates et des Macédoniens. Seuls les
14 Slovènes n'étaient pas là. A l'exception des Slovènes donc, toutes les
15 communautés ethniques de la Yougoslavie étaient représentées.
16 J'ai fourni ce livre. Inutile de le traduire. Mais il est manifeste
17 que ce document, dans son intégralité, a trait à cette question, et ceci
18 nous montre que les érudits, les universitaires, avaient une position qui
19 était unanime, à savoir que la position à l'époque de la Serbie était une
20 position qui était intenable parce que cela n'avait aucun sens du point de
21 vue constitutionnel. La Serbie avait, dans sa propre structure, un rival.
22 Il y avait des rivalités donc entre la république et les provinces. En
23 plus, il ne faut pas oublier qu'il y avait l'opinion publique -- la
24 population, qui subissait directement ces changements, en particulier,
25 l'amendement 47, qui était une conséquence de l'insatisfaction spontanée
Page 35200
1 face à une situation absurde dans laquelle la république n'était pas en
2 mesure de modifier sa constitution sans obtenir précédemment l'approbation
3 des provinces. C'est donc ceci qui a inspiré la commission
4 constitutionnelle lorsqu'elle a mis -- élaboré ces amendements.
5 Q. Ce consentement -- cet aval apporté par les provinces, est-ce
6 qu'il était régi par la constitution fédérale ?
7 R. Pas du tout. Aux termes de la constitution fédérale, la Serbie
8 n'a jamais été tenue d'obtenir précédemment le consentement des provinces,
9 je parle de la constitution de 1974. Il n'y a d'ailleurs, si vous regardez
10 la situation dans tous les autres pays du monde, aucune constitution où on
11 a de telles dispositions.
12 Q. Vous nous avez parlé de ce livre bleu, Monsieur le Témoin.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela se trouve à l'intercalaire numéro 6. Je
14 le signale à l'intention des autres participants. Je ne vais pas donner
15 lecture d'extraits de ce document, mais il s'agit d'un document qui a été
16 établi par les dirigeants de la Serbie.
17 Je vais donner lecture d'un extrait qui se trouve à la page 172 qui stipule
18 que : "Vu --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci n'a pas été traduit.
20 M. NICE : [interprétation] D'autre part, ceci fait double emploi. C'est un
21 doublon. Si on regarde la pièce D266, intercalaire 3, ce document-là a été
22 depuis traduit en anglais, je crois. Est-ce que vous avez trouvé ce
23 document ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons effectivement ce
25 document ici sous les yeux. Le document D266, intercalaire 3, ce livre bleu
Page 35201
1 a été effectivement été traduit.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. J'aimerais citer un passage très bref que l'on trouve à la page 172, si
4 vous l'avez sous les yeux.
5 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à M. Milosevic de préciser s'il
6 s'agit du livre bleu ou d'un intercalaire numéro 6.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez
8 monter votre défense de la manière la plus efficace possible afin que le
9 procès se déroule la plus rationnelle possible. Ce que vous nous citez,
10 est-ce que c'est un extrait de l'intercalaire -- du livre bleu que l'on
11 trouve à l'intercalaire 266 ?
12 M. NICE : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre, Monsieur le
13 Président, mais je pense que l'accusé veut nous donner une citation de la
14 page 172, qui doit normalement se trouver à la page 41, parce que c'est à
15 la fin du document et nous n'avons pas tout à fait la même pagination dans
16 notre version.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Menez votre défense de cette
18 manière, c'est non seulement faire preuve d'un manque de courtoisie envers
19 tout le monde, mais c'est aussi faire preuve d'un manque d'inefficacité.
20 Ceci est totalement hors de propos. Vous n'êtes pas en train d'avoir une
21 conversation personnelle avec le témoin. Afin de poursuivre, vous devez
22 vous assurer que la Chambre dispose des éléments auxquels vous faites
23 référence. C'est la manière dont on précède dans un tribunal, en tout cas,
24 dans les tribunaux où j'ai comparu. J'ai travaillé en Jamaïque. Sinon, on
25 ne peut pas travailler correctement.
Page 35202
1 Vous devez vous assurer que tout le monde dispose du document que vous
2 citez. Ce n'est pas à l'Accusation de faire le travail que vous devez faire
3 vous-même.
4 Alors, dites-moi à quoi vous faites référence, s'il vous plaît.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je dois vous dire que je
6 n'ai pas de traduction en anglais. Je m'attendais à ce qu'on vous remette
7 cette traduction mais je ne l'ai pas reçue parce que les vacances
8 judiciaires ont duré beaucoup trop longtemps, les vacances judiciaires pour
9 les employés du tribunal qui sont sensés faire les traductions. Je suis
10 parti du principe qu'il n'y avait pas de traduction en anglais, et j'avais
11 l'intention de donner lecture d'un extrait extrêmement bref en serbe afin
12 que les interprètes puissent le traduire. Je n'ai pas l'intention de donner
13 lecture de la totalité du livre. Il s'agit uniquement d'un passage
14 extrêmement limité, et d'après ce que j'ai vu, c'est une pratique que vous
15 avez par le passé tolérée, pratique par laquelle on voit un passage d'un
16 document non traduit, lu. Ceci a toujours été accepté du moment que le
17 texte est placé sur le rétroprojecteur.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plaçons-le sur le rétroprojecteur.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Professeur, voulez-vous placer la page 172 sur le rétroprojecteur ?
21 R. Le texte en anglais ?
22 Q. Non, la version en serbe, page 172. Il est dit ici la chose suivante :
23 "-- l'un de ces tendances manifestes d'affaiblissement de l'unité de la
24 république dans sa qualité d'entité et de la différenciation de plus en
25 plus manifeste en trois régions distinctes, de façon reliées faiblement ou
Page 35203
1 formellement, on se pose la question si la nation serbe est sur pied
2 d'égalité avec les autres nations yougoslaves et est à même de réaliser son
3 droit historique à un Etat national dans le cadre de cette Fédération
4 yougoslave qui se fonde sur des principes d'autodétermination nationale. En
5 outre, il se pose de plus en plus la question du manque de définition de
6 cette région dite restreinte pour ce qui est de sa signification
7 sociopolitique, chose qui, dans des conditions de solutions
8 institutionnelles en place, conduit à des inégalités politiques entre les
9 travailleurs et les citoyens du secteur restreint de la république,
10 exception faite des territoires des républiques socialistes autonomes."
11 C'est ce qui figure dans ce document dont je n'ai cité qu'une partie.
12 J'ai cité, Professeur, pour essayer de comparer cette situation figurant à
13 l'intercalaire 6, avec la citation qui figure à l'intercalaire numéro 35.
14 Messieurs, celle-ci existe en version anglaise. Vous l'avez sous
15 l'intercalaire 35. Je cite la situation relative à la réforme du système
16 politique. Belgrade, 22 juillet 1989. L'auteur de ce document, c'est la
17 Commission de la République socialiste de Serbie chargée de la Réforme
18 politique.
19 Je vais donner maintenant un extrait du texte anglais, point 6, qui
20 correspond au passage dont je viens de donner lecture, celui qui date des
21 années 70. J'espère que vous pouvez trouver ce passage, Professeur.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, un instant. C'est le
23 point 6 ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 14.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons trouvé le passage
Page 35204
1 concerné.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 14, point 6. Je cite : "La position et les
3 fonctions des provinces autonomes, en tant que communautés spécifiques
4 sociopolitiques, forment une entité ayant une autonomie politico-
5 territoriale, doivent être basées sur leurs caractéristiques spécifiques
6 définies par leurs structures, leurs caractéristiques socioéconomiques,
7 historiques et culturelles nationales. Elles ne peuvent avoir les
8 caractéristiques qui sont les caractéristiques des républiques en tant que
9 communautés d'Etat. Leurs droits, en matière d'incorporation et de
10 représentation au sein des organes de la Fédération doivent être déterminés
11 par la constitution de la RFSY".
12 C'est-à-dire, ceci donc, c'est la constitution de la RFSY.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Professeur, vous avez le passage que j'ai cité qui date des années 70,
15 et nous avons d'autre part le point 6, un document qui date de 1989. Est-ce
16 que nous avons à faire avec des conclusions qui sont analogues, ou est-ce
17 que le document qui a été publié ultérieur est rédigé en termes plus
18 modérés ou plus énergiques ? Est-ce que vous pouvez comparer ces textes ?
19 Est-ce que vous les connaissez ?
20 R. Oui, je connais ces deux textes, mais même si je ne les connaissais
21 pas, je viens d'entendre les situations dont vous avez donné lecture. Donc,
22 je peux les comparer.
23 La qualification que l'on trouve dans le livre bleu est beaucoup plus
24 forte, et elle date de 1977, puisque le projet de ce texte a été achevé en
25 1977.
Page 35205
1 Le livre bleu précise que le début de l'unité en Serbie et la
2 différenciation de la Serbie en trois territoires distincts est à l'origine
3 de l'exercice du droit du peuple serbe à l'autodétermination au sein de la
4 Fédération yougoslave, qui était envisagée en tant que droit à
5 l'autodétermination d'un peuple, à savoir, le fait que ce peuple est sur un
6 pied d'égalité avec les autres, alors que ce document affirme que les
7 provinces ne peuvent pas être sur pied d'égalité avec les Etats. Ils n'ont
8 pas les attributs d'un Etat. Par conséquent, ils sont privés des attributs
9 des Etats.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur Markovic, je me demandais si
11 vous étiez en mesure de nous dire de quoi traite ce document qui a paru
12 ultérieurement; intercalaire 35. Il est rédigé en anglais. Est-ce le
13 document original rédigé en anglais et de quoi traite-t-il ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais qu'est-ce que cet
15 intercalaire 35 ?
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. L'intercalaire 35, c'est l'autre document dont j'ai cité la page 14.
18 R. Merci. Merci. Je l'ai maintenant. C'est le document officiel qui a été
19 établi par la Commission chargée de la Réforme du système politique, créée
20 par la présidence de la République socialiste de Serbie encore une fois. Le
21 président de cette commission, M. Slobodan Vucetic, était l'homme qui
22 préside aujourd'hui la Cour constitutionnelle de Serbie. Quant à moi,
23 j'étais membre de cette commission et j'étais simplement l'un de ces
24 membres.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ma question consiste à vous demander si
Page 35206
1 l'original de ce texte était en anglais, ou si ce que nous avons ici sous
2 les yeux en anglais est une traduction du rapport de la commission.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Il s'agit ici d'une traduction du
4 serbe vers l'anglais. Donc ce que nous avons ici est une traduction.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Professeur, quelle était la signification exacte de toutes ces
8 motivations que vous venez d'évoquer en parlant des amendements à la
9 constitution ? Quel était l'objectif que poursuivaient ces amendements ?
10 Qu'est-ce qui a guidé la commission lorsqu'elle a rédigé ces amendements
11 relatifs à la situation des provinces autonomes ?
12 R. La commission a été guidée par la pratique constitutionnelle en vigueur
13 avant tout. Dans la pratique constitutionnelle, on a constaté un certain
14 nombre de déformations dues notamment au fait que la République de Serbie,
15 en tant qu'Etat, a été réduite à la seule Serbie, c'est-à-dire, à une zone
16 plus restreinte que celle qui englobait par le passé les provinces
17 autonomes du Kosovo et de la Vojvodine. Ces provinces, peu a peu, de leur
18 côté, ont grandi pour atteindre la situation d'un Etat.
19 Dans la constitution de la Serbie et, de façon plus générale, dans toutes
20 les constitutions du monde, l'autonomie est censée s'exprimer par des
21 éléments tout à fait précis, tout à fait caractéristiques. La population
22 d'un certain territoire se diffère de la majorité du pays. Dans ce cas, il
23 peut y avoir expression d'une différence sous cette forme. Donc le sujet de
24 l'autonomie n'a rien à voir avec la création d'un Etat.
25 Dans la pratique, tant les provinces autonomes, pas seulement le
Page 35207
1 Kosovo, mais également la Vojvodine, en fait, la Vojvodine était même plus
2 importante s'agissant de ce genre de pratique. En effet, la Vojvodine
3 jouissait d'un statut de quasi-Etat, et était en train de construire son
4 Etat. Des lois y étaient votées qui étaient tout à fait identiques à celles
5 qui étaient votées par la République de Serbie. Donc afin que ce statut
6 d'Etat soit obtenu, la province s'est contentée de recopier les lois de la
7 république pour atteindre un statut d'Etat.
8 La République de Serbie s'est trouvée réduite au second rôle en tant
9 qu'Etat, mais les provinces sur leur territoire devenaient peu à peu de
10 véritables Etats, et cela créait une rivalité pour la République de Serbie.
11 A partir de cette constatation et à partir de la pratique qui, si je
12 ne m'abuse, a été analysée dans le détail dans le livre bleu, qui est tout
13 à fait documenté, on constate qu'il est dommage que cette analyse se soit
14 arrêtée à 1977. Si elle s'était poursuivie jusqu'en 1989, je pense qu'il
15 serait apparu de façon encore plus claire, de façon encore plus évidente,
16 que les amendements à la constitution de Serbie de 1989 étaient
17 inévitables, que pas un seul organe fédéral n'aurait pu accepter que de
18 tels actes soient accomplis en infraction à la constitution yougoslave.
19 J'ai cité la constitution et les arrêts de la Cour constitutionnelle, mais
20 il y a un arrêt explicite qui a été adoptée par la RFSY, lors d'une réunion
21 conjointe de la Chambre fédérale et de la Chambre des républiques des
22 provinces le 1er mars 1989, et que l'on trouve au nombre des pièces à
23 conviction, mais je ne connais pas la cote exacte.
24 Q. Oui, oui. Ceci n'est pas contesté. Intercalaire 38. Un instant, je vous
25 prie. Malheureusement, je n'ai pas de traduction. J'espère que vous en avez
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1 une. Ce texte a été remis à la traduction il y a plus d'un mois.
2 R. Est-ce que ce texte existe en anglais ?
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En anglais, oui.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il existe en anglais. Au point 10, au
5 paragraphe 10, nous lisons ce qui suit, je cite : "L'assemblée souligne que
6 les amendements à la constitution de la RFSY ont été adoptés dans le but de
7 permettre la réforme du système économique et politique, et les principes
8 fondamentaux de la constitution de la RFSY de 1974 n'ont pas été modifiés."
9 Mais un peu plus loin, nous lisons ce qui suit, je cite : "L'assemblée de
10 la RFSY estime que les amendements adoptés à la constitution de la
11 République socialiste de Serbie par l'assemblée serbe assure l'unité
12 nécessaire de toutes les forces autogérées sociales de la République
13 socialiste de Serbie, et sont conformes à la position du 13e Congrès de la
14 Ligue des Communistes yougoslaves."
15 Ces amendements ont une importance non seulement pour la République
16 socialiste de Serbie et les provinces autonomes socialistes, mais également
17 s'agissant de réaliser l'idée constitutionnelle d'une Fédération
18 yougoslave. Ils ont également leur importance s'agissant de la stabilité de
19 l'ensemble du pays et ne change rien à l'ordre constitutionnel établi par
20 la constitution de la RFSY de 1974.
21 Voilà l'avis du parlement fédéral lors de la réunion conjointe de ces deux
22 Chambres, à savoir, la Chambre fédérale et la Chambre des républiques et
23 des provinces.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Mais, Professeur Markovic, vous n'avez pas cité la dernière phrase.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un instant, je vous prie. Nous sommes
2 en train, j'espère, de lire le même document qui commence par les mots,
3 "Afin de préserver l'ordre constitutionnel et l'ordre public, ainsi que la
4 sécurité des personnes et des biens, et de veiller à la normalisation le
5 plus rapide possible de l'état de choses qui s'aggravent dans la province
6 autonome du Kosovo…" c'est bien cela ? Nous avons bien le même document
7 sous les yeux ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. C'est le document que l'on est en
9 train de discuter. Oui, oui, tout à fait.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Un peu plus loin, nous lisons, "L'assemblée de la RFSY," et cetera, et
12 cetera "à la date du 1er mars 1989, a adopté les conclusions suivantes…". Ce
13 sont les conclusions de la RFSY que l'on trouve au paragraphe 10 que vous
14 avez cité il y a un instant. Mais il y a une autre phrase qui traite du
15 fait qu'afin de maintenir l'unité au sein de la République de la Serbie,
16 cette procédure devrait être achevée le plus rapidement possible dans la
17 République de Serbie, à savoir, à la date du 3 mars 1989.
18 Donc, le 23, l'assemblée du Kosovo siégeait, et elle a donné son accord aux
19 amendements adoptés par la République de Serbie. Le 28, l'assemblée de la
20 République de Serbie a siégé.
21 C'est bien la chronologie des événements telle qu'elle s'est
22 déroulée, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. C'est bien cette chronologie qui a eu lieu.
24 Q. Vous avez parlé du livre bleu. Vous nous avez dit comment toute cette
25 question a été réglementée. Nous l'avons constaté. Un peu plus tard, vous
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1 êtes devenu professeur. Mais vous souvenez-vous si vous avez eu entre les
2 mains les annales de la faculté de droit de l'université de Belgrade qui
3 portaient sur ces problèmes constitutionnels de la Serbie et de la
4 Yougoslavie ?
5 R. Oui. A cette époque, je n'enseignais pas à la faculté de droit. Nous
6 parlons de 1971. A cette époque-là, je travaillais à l'institut de droit
7 comparé.
8 Toute cette question des annales de la faculté de Droit de Belgrade,
9 portant sur ces documents de la faculté de Droit de Belgrade, qui
10 évoquaient les amendements à la constitution de 1971 par rapport à la
11 constitution de la RFSY de 1963.
12 Tout cela a suscité des critiques très vives pour les provinces
13 autonomes à l'époque. Il y avait aussi Josip Broz Tito qui a été durement
14 critiqué. C'est la raison pour laquelle les amendements en question ont été
15 interdits.
16 Q. Pas les amendements, les annales, je suppose.
17 R. Oui, excusez-moi, c'était un lapsus. Les annales en question ont été
18 interdites.
19 Le professeur Mihailo Djuric, un des participants à tout cela, a été
20 condamné à de la prison, et il a d'ailleurs servi sa peine. Cinq
21 professeurs dont les noms figurent sur cette liste et qui avaient participé
22 --
23 Q. Cela suffira. Cela suffira.
24 R. -- ont été exclus de leur université et n'ont plus été autorisés à
25 enseigner.
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1 Q. Professeur Markovic, si nous revenons à ces amendements
2 constitutionnels dans les provinces, est-ce que ces amendements
3 abolissaient l'autonomie de la province du Kosovo ?
4 R. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de poser la question, parce que sur
5 la base de tout ce que j'ai dit jusqu'à présent, la province n'a fait que
6 revenir à son statut normal du point de vue de la constitution, et ce
7 statut est défini à l'Article 4 de la constitution de la RFSY. Elle est
8 autorisée à se prononcer sur les questions qui relèvent de ses
9 attributions, mais n'est pas autorisée à se prononcer sur des questions qui
10 relèvent des compétences, des attributions de la République de Serbie. Car
11 dans ce cas, il ne pourrait être question d'autonomie, et serait plutôt
12 question d'hégémonie. Une province autonome doit être une unité autonome,
13 mais n'est pas censée exercer le pouvoir sur l'Etat dont elle fait partie.
14 Q. Merci. Ces amendements ont-ils réduit les droits des Albanais de
15 quelque façon quoi que ce soit ?
16 R. Je ne dirais pas les choses de cette façon. Je me contenterais de
17 remarquer que nous parlons ici du Kosovo-Metohija et pas simplement du
18 Kosovo comme on l'appelait à l'époque car le Kosovo est mis en parallèle
19 avec la question albanaise. Le Kosovo-Metohija n'est pas une province
20 autonome, car la majorité de la population dans cette région est albanaise
21 mais parce que, sur le plan historique, économique et géographique ainsi
22 que compte tenu des spécificités ethniques, il en a été décidé ainsi. Il
23 n'est pas juste de renvoyer dos à dos la position des Albanais et ce statut
24 d'autonomie de la province du Kosovo.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, l'heure de la
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1 pause est arrivée. Pouvez-vous nous dire pour combien de temps vous en avez
2 encore avec le professeur ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais à pouvoir avancer plus
4 rapidement, mais j'aurais besoin d'un temps supplémentaire. J'ai de
5 nombreuses questions à lui poser encore. J'en suis arrivé à la troisième
6 série de questions. Je vais essayer d'accélérer, mais en tout état de
7 cause, je ne serai pas en mesure de terminer l'interrogatoire principal
8 aujourd'hui. C'est tout à fait impossible.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous suspendons 20 minutes.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.
11 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
13 Milosevic, je vous prie.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Professeur Markovic, ce que vous nous avez dit au sujet de l'autonomie
16 correspond-il à ce que nous avons lu dans un extrait de l'intercalaire 35,
17 paragraphe 6, je cite : "Les provinces autonomes sont des communautés
18 sociopolitiques et les formes de l'autonomie politique ou territoriale
19 devraient s'appuyer sur leur caractéristique spécifique s'agissant de leurs
20 structures nationales et des autres caractéristiques socioéconomiques,
21 historiques et culturelles" ?
22 N'est-il pas clair que ce n'est pas l'autonomie des Albanais qui était en
23 cause mais bien qu'il est question ici des caractéristiques tout à fait
24 spécifiques du patrimoine culturel et historique de la province ?
25 M. NICE : [interprétation] Question directrice sur un problème qui est en
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1 débat. De telles questions ne sont pas autorisées dans ce cas.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Je l'ai
3 déjà dit à plusieurs reprises, lorsque vous commencez par vos questions,
4 n'est-il pas clair qu'il est fort probable que votre question sera
5 directrice ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais reformuler.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Professeur Markovic, quel était le sentiment parmi les Albanais au
9 sujet de l'autonomie du Kosovo-Metohija à l'époque ?
10 R. Tous les Albanais n'ont pas réagi de la même façon, mais une partie
11 d'entre eux a estimé que les amendements à la constitution les privaient de
12 quelque chose, si je puis m'exprimer de cette façon, les privaient d'une
13 partie de leur droit à l'autonomie. Plus tard, il est devenu tout à fait
14 clair que les ambitions de ces Albanais n'étaient pas que la province soit
15 sur un pied d'égalité afin de pouvoir réaliser son droit à l'autonomie,
16 mais qu'elle puisse réaliser son droit à la sécession. Si les amendements
17 de 1989 n'avaient pas été votés, il est tout à fait certain qu'aujourd'hui
18 la Vojvodine et le Kosovo auraient fait sécession par rapport à la Serbie,
19 qui verrait son territoire réduit à ce qu'il est, en l'absence de ces deux
20 provinces.
21 Voilà quel était l'objet de ces amendements. Ils avaient pour but
22 d'empêcher la sécession de ces deux provinces autonomes, parce qu'il est
23 certain que la Vojvodine, région la plus développée de la Yougoslavie,
24 après la Slovénie, se serait séparée de la Yougoslavie, tout comme l'a fait
25 la Slovénie si elle avait eu un statut égal à celui d'une république.
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1 L'ambition de cette partie de la population albanaise - je souligne le mot
2 "partie" car il ne s'agit pas de tous les Albanais -consistait à posséder
3 une république qui leur serait propre et non une province.
4 Q. Dites-moi, la commission constitutionnelle à laquelle vous siégez,
5 s'est-elle également appuyée sur des modèles de droit comparés ?
6 R. Oui. Cette Commission constitutionnelle a été guidée d'abord et avant
7 tout, par le principe théorique de l'autonomie territoriale. On sait ce
8 qu'est cette théorie, mais elle s'est également appuyée sur l'expérience
9 réalisée en Italie dans ce qu'il est convenu d'appeler, dans certaines
10 régions italiennes, ainsi que sur l'expérience espagnole, dans ce qu'il est
11 convenu d'appeler les communautés autonomes qui existent en Espagne. Elle
12 s'est également appuyée sur l'expérience de certains pays qui ont des
13 systèmes assez semblables, tel que l'Irlande du nord par exemple, où sur la
14 situation dans certaines îles, le Groenland et d'autres, mais cette
15 dernière expérience a été prise en compte de façon marginale. Les plus
16 importantes ont été celles de l'Italie, et de l'Espagne.
17 Q. Mais la Commission constitutionnelle a-t-elle tenu compte des
18 motivations qui ont conduit à accorder l'autonomie à ces provinces, au
19 cours de la Seconde guerre mondiale ?
20 R. Oui, la Commission constitutionnelle a tenu compte de ces motivations.
21 Les provinces autonomes ont été créées dans des conditions particulières.
22 Il n'a pas été question de l'AVNOJ de ce parlement du temps de guerre, mais
23 il a été tenu compte du fait que cette autorité suprême a été exercée en
24 1945, c'est-à-dire pendant la guerre, et que ces provinces autonomes ont
25 par la suite été intégrées au système d'Etat de la République de Serbie,
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1 précisément en raison de ces faits historiques, géographiques, économiques
2 et autres très complexes; également du fait que la population du Kosmet
3 était multiethnique, donc au Kosovo-Metohija, ainsi qu'en Vojvodine, la
4 population était multiethnique, sauf que pour la Vojvodine. Il est assez
5 caractéristique de se rappeler qu'elle abritait toute une multitude de
6 groupes ethniques différents, ce qui n'était pas le cas du Kosovo. En
7 Vojvodine je crois qu'il existe environ 26 communautés ethniques
8 différentes, alors qu'au Kosovo, ce nombre est inférieur à 10.
9 Q. Pour autant que vous le sachiez, quelle a été la réaction du Kosovo et
10 de la Vojvodine à ces amendements de la constitution ? Ont-elles été
11 différentes dans les deux provinces et comment interprétez-vous ce fait ?
12 R. Il y a eu des réactions différentes. En Vojvodine, ces amendements ont
13 été bien reçus, parce qu'il y avait déjà eu règlement de compte sur le plan
14 politique avec un courant politique, qui de façon très vociférante, se
15 déclarait du côté des Albanais du Kosovo-Metohija. Ces arguments étaient
16 proférés de façon tout à fait vociférante, je le répète, et la situation
17 dure encore aujourd'hui. En fait, ils ne cessent d'être plus vociférants
18 que par le passé. La création de la Vojvodine, sur le plan politique, a été
19 faite sur des bases beaucoup plus difficiles que celles du Kosovo.
20 En Vojvodine, ces amendements ont été bien reçus, mais, bien entendu,
21 s'agissant des séparatistes du Kosovo-Metohija, ceux qui voulaient plus
22 d'autonomie pour les provinces, n'ont pas été satisfaits des amendements.
23 Je ne cesse de le répéter, mais il est devenu de plus en plus clair, que
24 les Albanais du Kosovo-Metohija souhaitaient que le Kosovo-Metohija
25 devienne un Etat.
Page 35216
1 Q. Etes-vous au courant de la déclaration constitutionnelle que des
2 délégués albanais, en tout cas une partie de leur délégation, a fait au
3 parlement du Kosovo ?
4 R. Oui, c'est un document qui a également été discuté par la Cour
5 constitutionnelle yougoslave. C'est donc une déclaration constitutionnelle,
6 je dis bien une déclaration constitutionnelle, qui a pour but de réaliser
7 les inspirations de ces Albanais qui souhaitaient que le Kosovo devienne
8 une république. D'ailleurs, le titre de ce document, déclaration
9 constitutionnelle sur le Kosovo, en tant que partie autonome indépendante
10 de la Fédération, et sujet égal aux autres unités d'une Fédération ou d'une
11 Confédération.
12 Donc, nous voyons là le vieux rêve de certains Albanais du Kosovo-Metohija,
13 qui souhaitaient que le Kosovo-Metohija ait le même statut au sein de la
14 Fédération que n'importe quelle autre unité fédérale, et que ce statut ne
15 soit pas inférieur à celui d'une république.
16 Q. Quelle a été la réaction de la Cour constitutionnelle à cette
17 déclaration qui promulguait le Kosovo en tant que République ? Intercalaire
18 32. C'est une décision sur la constitutionalité de la déclaration
19 constitutionnelle sur le Kosovo en tant qu'élément indépendant et égal au
20 sein de la Fédération ou la Confédération yougoslave, et cetera, avec
21 pleine et entière égalité par rapport aux autres éléments de la Fédération
22 et Confédération.
23 Le texte montre que c'est la Cour constitutionnelle qui a entamé la
24 procédure.
25 R. Oui, ex officio. C'est l'une des possibilités dont dispose la Cour
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1 constitutionnelle qui est habilité à lancer des procédures devant ces
2 instances. La Cour constitutionnelle a estimé que l'intégralité de cette
3 déclaration était contraire à la constitution. La Cour constitutionnelle a
4 utilisé les arguments suivants : premier argument, sur la base de cette
5 déclaration, l'autodétermination existe, mais est demandée par une entité
6 qui n'a pas le droit d'en jouir.
7 M. NICE : [interprétation] Pas de traduction anglaise pour ce document,
8 j'ai vérifié. La Chambre a autorisé un certain nombre de pièces à
9 conviction à être discuté sans production officielle. Je n'ai pas
10 d'objection par rapport à la production de ce document, mais il serait
11 prudent d'enregistrer les documents dont l'accusé a discuté depuis quelques
12 minutes dans l'audition de ce témoin. Je pense qu'il y en a trois ou
13 quatre. Celui-ci en tout cas pourrait être enregistré.
14 Avant de me rasseoir, je dirais qu'il serait utile pour chacun que la
15 pièce à conviction de l'Accusation, numéro 526, intercalaire 22 soit
16 comparé à ce document pour vérifier s'il ne s'agit pas du même. Nous sommes
17 en train de le rechercher.
18 M. KAY : [interprétation] C'est cette décision, pièce à conviction de
19 l'Accusation 526, intercalaire 22.
20 M. NICE : [interprétation] Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est précisément ce que je tenais à vous dire,
22 intercalaire 22, pièce 526, qui vient d'être évoqué par M. Nice, vous avez
23 la traduction de ce document.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous auriez dû
25 porter ce fait à notre attention, avant de commencer à interroger le témoin
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1 sur ce document.
2 Veuillez poursuivre.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
4 M. NICE : [interprétation] Voici la traduction anglaise que j'ai retrouvée
5 et que l'on placer sur le rétroprojecteur.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, peut-être
7 devriez-vous vous occuper de ces trois pièces à conviction, dont il vient
8 d'être question. L'intercalaire 6 et le 35, et l'intercalaire 38.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] 34.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas l'intercalaire 35 ?
11 M. KAY : [interprétation] 35.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] 35, 35. Donc, nous avons
13 l'intercalaire 6 --
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] 6, 35, oui, vous avez tout entendu en
15 traduction. J'ai cité ces trois intercalaires et je demande qu'ils soient
16 versés au dossier.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'intercalaire 6 est une pièce de la
18 Défense déjà, c'est la pièce 266 de la Défense déjà versée au dossier.
19 Donc, ces documents sont admis. Nous avons la traduction, sur le
20 rétroprojecteur, du dernier document que vous avez soumis au témoin.
21 Veuillez poursuivre.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la pièce de l'Accusation 526,
23 intercalaire 22, décision évaluant la constitutionnalité de la déclaration
24 constitutionnelle par laquelle le Kosovo se déclare Unité de la Fédération
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
Page 35219
1 Q. Quatrième paragraphe, point 3. J'appelle votre attention sur cette
2 partie du texte : "La Cour constitutionnelle yougoslave, à partir de ce qui
3 précède…" émet un certain nombre de formules -- un certain nombre de
4 dispositions. Elle déclare que : "La déclaration n'est pas conforme à la
5 constitution de la RFSY. De l'avis de la Cour constitutionnelle, elle
6 s'appuie sur le fait que, selon les dispositions mentionnées, les
7 républiques socialistes sont des Etats jouissant de la souveraineté des
8 nations, alors que les provinces autonomes de la Vojvodina et du Kosovo se
9 trouvent au sein de la République socialiste de Serbie. Ce qui signifie,
10 qu'en vertu de la constitution de la RFSY, la province autonome de la
11 Vojvodina et du Kosovo ne sont pas des unités de la Fédération telles que
12 les républiques, mais sont des unités sociopolitiques autonomes, et que le
13 statut de ces provinces autonomes est déterminé par la constitution de la
14 RFSY, et que cette constitution de la RFSY ne peut amendée sans que soit
15 amendée la constitution de la Serbie. Un changement de caractère des
16 provinces autonomes, ou plutôt la proclamation de la province du Kosovo
17 comme unité autonome et indépendante sur un pied d'égalité avec les autres
18 républiques dans le cadre de la RFSY signifierait la nécessité d'amender la
19 structure de la RFSY en tant que Fédération des républiques socialistes et
20 d'unités fédérales équivalentes à des Etats, et les provinces autonomes de
21 la Vojvodina et du Kosovo au sein de la Serbie sont des provinces
22 sociopolitiques autonomes. Donc, l'assemblée -- la Cour constitutionnelle
23 yougoslave a dit que l'assemblée --
24 M. NICE : [interprétation] Cela va sans doute trop vite pour les
25 interprètes, et très certainement trop vite pour moi. J'ai retrouvé le
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1 document que l'accusé a commencé à lire extrêmement rapidement, mais je ne
2 suis pas sûr que ce passage figure à l'écran. En tout cas, je n'ai pas
3 réussi à le retrouver.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
5 M. NICE : [interprétation] Donc, nous essayons d'aider l'accusé au mieux
6 de nos possibilités, mais tout cet exercice perd sa valeur, même si
7 certains sont capables de digérer des informations à la vitesse de cette
8 lecture sans avoir le texte sous les yeux.
9 En fait, cela serait un simple signe de politesse. Je crois que
10 l'accusé devrait vraiment acquérir cette politesse de mettre les documents
11 à la disposition de ceux qui écoutent la traduction et qui sont intéressés
12 à la lecture qui est fait, avant de commencer cette lecture.
13 A la page suivante, je pense que l'accusé pourrait, à nouveau,
14 définir le passage dont il a donné lecture.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice. Que la
16 page suivante soit placée sur le rétroprojecteur, je vous prie. Essayons de
17 voir s'il y a correspondance entre ce que lit M. Milosevic et ce qui figure
18 au rétroprojecteur.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai déjà dit qu'il
20 s'agissait du paragraphe 4, point 3.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Donc, point 3.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le point 3 se compose de quatre
23 paragraphes, et au quatrième paragraphe, nous trouvons les premiers mots :
24 "La Cour constitutionnelle de Yougoslavie, à partir de…" et cetera, et
25 cetera, "a été d'avis que la déclaration constitutionnelle n'est pas
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1 conforme à la constitution de la RFSY."
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons le texte sous les
3 yeux à présent. Maintenant, parlons de cela plus lentement de façon à ce
4 que chacun puisse suivre.
5 M. MILOSEVIC: [interprétation]
6 Cette décision de la Cour constitutionnelle s'appuie sur le fait que, selon
7 certaines décisions, les républiques de la RFSY qui sont des Etats
8 s'appuient sur l'autonomie et l'autorité du peuple. Les régions autonomes
9 de Vojvodina et du Kosovo sont des unités autonomes qui font partie de la
10 République de Serbie. Donc, selon la constitution de la RFSY, la Vojvodina
11 et le Kosovo ne sont pas des unités fédérales au même titre que les
12 républiques, mais des assemblées politico-sociologiques autonomes qui
13 jouissent donc de cette autonomie qui est la leur. Selon la constitution,
14 c'est la République de Serbie qui les englobe, et donc la situation de ces
15 régions autonomes ne peut pas être modifiée sans modification préalable de
16 la constitution de la République de Serbie et de la constitution de la
17 RFSY. Tout changement, à savoir toute proclamation du Kosovo en tant que
18 région autonome, sur un pied d'autonomie avec les autres républiques de la
19 RFSY, implique la modification de la constitution même de la RFSY en tant
20 que Fédération, dans laquelle les unités…"
21 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. "-- les républiques sont des unités de la Fédération au même titre que
24 des Etats et dans laquelle la Vojvodina et le Kosovo sont des associations
25 sociopolitiques autonomes, membres d'une république. C'est la raison pour
Page 35222
1 laquelle il était impossible pour cette déclaration constitutionnelle sur
2 le Kosovo de modifier le statut du Kosovo."
3 Maintenant, je sauté un paragraphe et je poursuis la lecture : "La
4 Cour constitutionnelle estime qu'il n'est pas conforme --"
5 M. NICE : [interprétation] Page précédente, au bas de la page précédente,
6 si je ne m'abuse. Je me vois contraint de faire observer que la vitesse de
7 lecture est vraiment rapide, pour moi en tout cas, et qu'il est impossible
8 d'intégrer le sens de tout cela. C'est sans doute trop rapide pour les
9 interprètes.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, êtes-vous en
11 mesure de résumer la teneur de cette décision plutôt que de la lire ? Nous
12 disposons de l'essentiel de cette décision maintenant. Nous avons
13 pratiquement tout entendu. Alors, quelle est la question que vous souhaitez
14 poser au témoin au sujet du passage concerné ?
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. C'est la chose suivante : comment et par quel motif -- pour quelle
17 raison la Cour constitutionnelle a-t-elle réagi à cette déclaration
18 relative à l'indépendance du Kosovo ?
19 R. La Cour constitutionnelle a considéré que sa déclaration était
20 anticonstitutionnelle pour quatre raisons. Premièrement, il y avait eu
21 autodétermination de la part d'une instance -- d'un organe qui n'avait pas
22 ce droit aux termes de la constitution de 1974. C'est quelque chose qui est
23 mentionné aux points 1 et 2 de la constitution.
24 La deuxième raison, c'est que les Albanais, au point 3 de cette
25 déclaration, se sont attribués une propriété -- une caractéristique
Page 35223
1 ethnique qui n'est pas la leur. Ils se -- qu'ils n'étaient qu'une minorité
2 nationale, se promeuvent au rang de nation, alors que ceci ne figurait pas
3 dans la constitution de 1974. L'Article 269 de cette constitution, numéro
4 2, dit que : "Les Albanais sont une minorité nationale." Il est dit
5 également : "Les lois fédérales et autres prescriptions et actes généraux
6 seront publiés au journal officiel de la République socialiste fédérative
7 de Yougoslavie comme test authentique dans les langues des nationalités
8 albanaise et hongroise."
9 On voit donc que les Albanais étaient une nationalité, c'est-à-dire,
10 une minorité aux termes de cette constitution.
11 La troisième raison est la suivante : au point 4 de cette déclaration, on
12 exprime l'absence de reconnaissance de la République de Serbie, et il est
13 dit ici qu'on ne reconnaît pas la minorité albanaise.
14 Le point 5 c'est que l'on a modifié le statut de la province autonome;
15 c'est devenu une unité fédérale. On a également modifié le nom de la
16 "province autonome", qui n'est plus la province autonome socialiste du
17 Kosovo, mais qui est maintenant désignée sous le terme de Kosovo, c'est-à-
18 dire sa désignation géographique. On modifie ainsi le nom constitutionnel
19 de cette unité autonome.
20 Voici les quatre raisons qui ont amené la Cour constitutionnelle à estimer
21 que cette déclaration était anticonstitutionnelle. Elle a été déclarée
22 nulle et non avenue. La Cour constitutionnelle a annulé cette déclaration.
23 Q. Avez-vous connaissance de ce qu'on a appelé la constitution de
24 Kacanik ? Savez-vous comment elle a été mise en place, qui en est à
25 l'origine ? Le texte se trouve à l'intercalaire 33.
Page 35224
1 R. La constitution de Kacanik est une constitution promulguée par une
2 assemblée illégale, enfin, si on peut même parler d'assemblée. Il
3 s'agissait d'une constitution qui annonçait la constitution de la
4 République de Serbie. Elle l'a précédée. Elle a été simplement adoptée par
5 les députés albanais. On peut le voir dans la déclaration
6 constitutionnelle, car en bas de la déclaration constitutionnelle, si vous
7 l'avez sous les yeux, il y a 111 signataires qui sont tous des Albanais. On
8 ne trouve aucun représentant d'aucune autre communauté nationale. Ce sont
9 donc des Albanais, uniquement, qui ont signé cette déclaration
10 constitutionnelle, personne d'autre ne l'a signée, comme si le Kosovo ne
11 comptait que des Albanais et pas des membres d'autres appartenances
12 ethniques.
13 Il en va de même pour la constitution de Kacanik, qui a été promulguée
14 uniquement par des Albanais. On peut le voir dans le préambule à la
15 constitution de Kacanik. Dans ce préambule, si vous l'avez sous les yeux,
16 vous constaterez la chose suivante : paragraphe 8 du préambule de la
17 constitution de Kacanik.
18 Au milieu du paragraphe, on voit : "Le peuple albanais de la
19 République du Kosovo."
20 R. Oui. Le peuple albanais de la République du Kosovo, ce sont eux qui ont
21 promulgué la constitution de Kacanik. Il s'agissait donc d'un peuple et non
22 pas d'une instance représentative de toutes les communautés nationales qui
23 résidaient au Kosovo. Cette constitution donc a précédé la constitution de
24 Serbie du 28 septembre 1990.
25 Q. Merci bien.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au paragraphe 32, Monsieur Robinson, nous avons
2 la décision de la Cour constitutionnelle. Nous l'avons citée il y a
3 quelques instants. J'aimerais que ce soit versé au dossier.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document a déjà été versé au dossier.
5 Il est inutile de recommencer cette opération.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Fort bien.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Professeur Markovic, ces provinces autonomes, est-ce qu'elles ont
9 jamais eu le statut d'unité fédérale, y compris dans la constitution de
10 1974, à quelque moment que ce soit ? Je voudrais vous demander de vous
11 rapporter à la constitution de 1974 qui figure à l'intercalaire 15. Je
12 voudrais savoir si les provinces autonomes ont jamais eu, même aux termes
13 de la constitution de 1974, le statut d'unité fédérale. Vous vous reportez
14 aux Articles 2, 3 et 4.
15 R. Aux termes de la constitution de la République socialiste fédérative de
16 Yougoslavie, et au fil des constitutions, jamais ces provinces n'ont eu le
17 statut d'unité fédérale, à commencer par 1945 jusqu'à ce jour. Elles ont
18 toujours eu le statut d'unité autonome au sein d'une unité fédérale, qui
19 était la Serbie. Les provinces autonomes n'avaient pas le statut d'unité
20 fédérale, et ceci, on peut le déduire de la lecture du document que nous
21 avons examiné il y a quelques instants, la décision de la Cour
22 constitutionnelle de Yougoslavie, qui précise que, conformément à la
23 constitution de la RFSY, les provinces autonomes socialistes de Vojvodina
24 et Kosovo n'étaient pas des unités fédérales comme c'est le cas des
25 républiques, mais des communautés sociopolitiques autonomes dans le cadre
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1 de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Ceci est indiqué
2 noir sur blanc. La Cour constitutionnelle a donc ainsi explicité la
3 constitution.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur ce point, au sujet du statut
5 d'unité fédérale, est-ce que ceci figure dans l'acte d'accusation ? Est-ce
6 que l'acte d'accusation avance que ces provinces ont ce statut ?
7 M. Nice peut-il répondre ?
8 M. NICE : [interprétation] Peut-être que oui, mais peut-être que non. Je ne
9 pense pas que ce soit une question essentielle en réalité. Je vérifierai.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je me demandais si cette question
11 était pertinente.
12 M. NICE : [interprétation] Il faut simplement se demander si cette question
13 a une pertinence quelconque. Mais vu ce que nous dit le témoin au sujet du
14 retrait de l'autonomie, peut-être est-il important d'examiner la
15 constitution de 1974 au sujet du statut des provinces autonomes. Je
16 remarque, dans la dernière réponse du témoin, qu'il n'a peut-être pas
17 entièrement répondu à la question qui lui avait été posée. Il va falloir
18 vérifier.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, puisque vous êtes
20 debout, je souhaite simplement vous dire que c'est une question que je
21 soulève, mais que je n'ai pas l'intention d'entamer -- de lancer un débat
22 de procédure à ce sujet. Je vous ai déjà dit, Monsieur Nice, précédemment,
23 que nous envisagions de vous permettre de citer le Dr Kristan en tant que
24 témoin sur les faits. Nous pensons qu'il serait utile que les éléments
25 qu'il peut apporter soient présentés maintenant, puisque tout ceci est très
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1 présent à l'esprit des Juges.
2 Ceci suscite un certain nombre de questions. Est-ce que vous
3 souhaitez le faire ? Est-ce que vous souhaitez le citer à la barre ? Est-ce
4 que l'accusé serait d'accord à ce qu'on interpose ce témoin au milieu des
5 siens ?
6 M. NICE : [interprétation] Je peux vous dire que, moi-même, je serais
7 favorable à ce que l'on fasse venir le Dr Kristan immédiatement, s'il est
8 disponible. J'étais en contact avec lui, par écrit, ces derniers jours. Il
9 est possible qu'il soit disponible. Je ne pense pas que l'accusé émettra
10 quelque grief que ce soit puisque, si je m'en souviens bien, pendant qu'il
11 interrogeait le Dr Kristan, quand les Juges ont pris une décision au sujet
12 de l'étendue de sa déposition, l'accusé a dit qu'il souhaitait ardemment
13 pouvoir lui poser toutes les questions qu'il souhaitait lui poser. Il me
14 semble que c'est, en l'essence, ce qu'il a dit.
15 Je vais vérifier ce qu'il en est pour les actes d'accusation, je vous
16 le signale au passage.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons M. Milosevic à ce
18 sujet, puis Me Kay, s'il le souhaite. Monsieur Milosevic, est-ce que vous
19 souhaitez que nous entendions le Dr Kristan, même si cela interrompt vos
20 propres témoins ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris. A quel
22 titre, parce qu'il a déjà déposé. Est-ce que maintenant il va venir déposer
23 au sujet de questions qu'il n'a pas évoquées lors de sa précédente venue
24 ici ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En temps que témoin sur les faits,
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1 de la même manière que le professeur dépose sur les faits alors qu'il était
2 membre de la cour. La Chambre estime qu'il serait bon d'entendre son
3 témoignage afin d'avoir une image globale de la question. La question que
4 je vous pose c'est de savoir si vous seriez disposé à ce qu'il intervienne
5 à ce stade, au milieu de la présentation de vos moyens.
6 Je dois dire que, si l'on regarde l'Article 85 du règlement, qui indique
7 l'ordre dans lequel doive être présenté les éléments de preuve, il est
8 prévu que la Chambre a la possibilité de modifier cet ordre. Mais c'est
9 quelque chose que nous ne sommes pas prêts à faire, bien entendu, si M.
10 Milosevic, l'accusé, n'est pas d'accord.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous pouvez faire ce que vous voulez, ce qui
12 vous plaît. Mais je souhaite attirer votre attention sur le fait que le Pr
13 Markovic a déposé, que nous avons versé au dossier également les décisions
14 de la Cour constitutionnelle. Je ne vois pas très bien ce que pourrait
15 venir nous dire Mr Kristan. Que les décisions n'ont jamais été adoptées ?
16 Quel serait l'intérêt de sa déposition ? Les décisions de la Cour
17 constitutionnelle sont des documents officiels.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous vous souviendrez que sur toute
19 une série de questions, la Chambre n'a pas autorisé à ce que l'on interroge
20 le Dr Kristan parce qu'il a travaillé avec la cour. Je pense que
21 l'Accusation souhaiterait l'entendre en tant que témoin sur les faits, non
22 pas en tant que témoin expert.
23 Je souhaiterais entendre rapidement ce qu'a à nous dire Me Kay.
24 M. KAY : [interprétation] Les amicus curiae se sont opposés à ce qu'il
25 dépose en tant qu'expert, puisqu'il avait lui-même participé à la prise des
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1 décisions de la cour; cependant, la Chambre de première instance a toujours
2 laissé la porte ouverte. Elle a toujours laissé la possibilité pour
3 l'Accusation de le citer à la barre en tant que témoin des faits, puisqu'il
4 était présent au moment où ces décisions ont été prises. On pourrait le
5 citer en tant que témoin sur les faits. Mais c'est l'Accusation qui voulait
6 le citer en tant qu'expert, plutôt qu'en tant que témoin sur les faits,
7 puisque l'Accusation n'a pas été en mesure de trouver d'autres experts à
8 citer que lui, vu les éléments de preuve qu'ils souhaitaient présenter. Si
9 bien qu'il a toujours été dit que l'on pourrait éventuellement le citer en
10 tant que témoin sur les faits.
11 Si la Chambre souhaite entendre ce témoin à ce stade des débats ou un stade
12 ultérieur, mais relativement proche de l'audition du présent témoin, la
13 Chambre est tout à fait en droit de l'ordonner. Mais nous demanderions à ce
14 que l'on respecte les dispositions qui ont été prises pour les témoins à
15 décharge qui vont être entendus, notamment un témoin qui avait des
16 engagements très précis qu'il convient de respecter.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, j'en suis bien conscient. Mais
18 ne perdons pas plus de temps sur ce point. Nous pourrions y revenir plus
19 tard. Monsieur Nice ?
20 M. NICE : [interprétation] Sur l'autre question, je pense que la seule
21 référence qui soit faite au statut du Kosovo suite à la question que vous
22 avez posée, c'est quelque chose que l'on trouve à partir du paragraphe 73
23 dans l'acte d'accusation concernant le Kosovo, où on indique l'impact de la
24 nouvelle constitution, où il est dit que le Kosovo et la Vojvodine
25 bénéficiaient, je cite : "Au sein de la Serbie d'une autonomie
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1 considérable, qui allait jusqu'au contrôle de l'enseignement, du pouvoir
2 judiciaire, et de la police." On parle ensuite des assemblées provinciales,
3 d'autres types de représentation.
4 C'est une question qui revient un peu plus tard dans l'acte d'accusation,
5 mais j'ai perdu le passage, au sujet du retrait de cette autonomie;
6 cependant, il est nullement dit, d'après ce que je vois et d'après ce dont
7 je me souviens, dans l'acte d'accusation il n'est pas dit que le Kosovo
8 avait un statut qui allait au-delà de celui de région autonome, telle que
9 c'est décrit dans la constitution de 1974.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
11 M. KAY : [interprétation] La révocation qui est citée au paragraphe 87 de
12 l'acte d'accusation, c'est sans doute cela qui est remis en question ici,
13 qui est évoqué.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je souhaite vous rappeler
15 qu'au point 89 -- ou plutôt 79 dont nous avons donné lecture, il est dit :
16 "Au début de 1989, l'assemblée serbe a proposé des amendements à la
17 constitution de la Serbie qui devait priver le Kosovo d'une grande partie
18 de son autonomie."
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui, je ne pense pas que ceci
20 fasse l'objet de quelque contestation que ce soit.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai donné lecture de ce passage, parce qu'il
22 n'est pas conforme à la réalité, et nul ne peut contester que ce soit ce
23 qui figure dans l'acte d'accusation.
24 Puis-je continuer, Monsieur Robinson ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Professeur Markovic, je crois que nous avons suffisamment parlé des
3 amendements. En quelques mots, quel a été votre rôle dans l'élaboration de
4 la constitution de la Serbie de 1990 ?
5 R. A l'époque, j'étais membre de la Commission constitutionnelle qui
6 comptait un grand nombre d'autres membres, et au sein d'un groupe de
7 coordination qui travaillait dans le cadre de la Commission
8 constitutionnelle sous la direction de M. Vucetic, actuel président de la
9 Cour constitutionnelle de Serbie. J'étais donc un des membres d'une
10 instance plus restreinte qui a participé à l'élaboration du texte de la
11 constitution.
12 Q. Cette instance plus restreinte a élaboré le texte de la constitution ?
13 R. Oui.
14 Q. Les caractéristiques principales de la constitution de 1990 ?
15 R. Les principales caractéristiques, c'est que cela marquait une rupture
16 avec le système socialiste. On y introduisait tous les aboutissements, tous
17 les gains d'une constitution démocratique, à commencer par les droits
18 civils. Dans la précédente constitution de 1974, ce qui était mis en avant,
19 c'était les nations, alors que, dans la nouvelle constitution, c'était les
20 citoyens qui étaient mis au premier plan, les citoyens qui exerçaient leurs
21 droits à la fois directement et par l'intermédiaire de représentants.
22 Le deuxième caractéristique, c'était l'introduction d'un système civique,
23 ainsi que l'introduction du système de l'Etat de droit. Le quatrième
24 caractéristique était que l'on voyait la mise en place de la séparation des
25 pouvoirs, puisque jusqu'à ce jour-là, tout le pouvoir était concentré entre
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1 les mains de l'assemblée et du parlement, alors qu'avec cette nouvelle
2 constitution, il y avait trois branches; l'exécutif, le législatif et le
3 pouvoir judiciaire.
4 De plus, on définissait différents types de propriété dans la nouvelle
5 constitution. La propriété d'Etat n'était pas protégée particulièrement,
6 comme c'était encore le cas dans la constitution de 1974.
7 Le principe suivant qui a été introduit, c'était le principe de
8 l'autogestion locale ainsi que, d'ailleurs, de droits fondamentaux
9 civiques. Il n'y avait pas de liste exhaustive de ces droits, car nous
10 savons que les droits de l'homme et les libertés n'entrent pas dans le
11 cadre du droit constitutionnel, mais dans le cadre des accords
12 internationaux. Donc, tout ce qui figure dans les instruments juridiques
13 internationaux était considéré comme étant les droits de l'homme et les
14 libertés contenus dans la constitution.
15 On peut dire que c'était là les caractéristiques de cette
16 constitution de 1990 qui mettait en place un système tout à fait classique
17 de démocratie libérale. On a supprimé le terme de "socialiste" dans la
18 dénomination de l'Etat parce que cela traduisait une orientation
19 idéologique. L'Etat était maintenant appelé la République de Serbie. Les
20 provinces étaient appelées provinces autonomes, pas provinces socialistes
21 autonomes. Si bien que du point de vue idéologique, cette constitution
22 était totalement dénuée de toutes caractéristiques idéologiques.
23 Ceci se traduit par le fait que, par rapport à la constitution
24 précédente de Serbie qui comptait 400 articles, même 431, dans cette
25 nouvelle constitution il n'y avait plus que 136 articles. Une constitution
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1 beaucoup plus courte que la précédente. Alors que les articles de la
2 constitution précédente étaient extrêmement touffus, extrêmement complexes,
3 extrêmement longs, les articles et les dispositions de cette nouvelle
4 constitution étaient extrêmement concis et précis du point de vue
5 juridique.
6 Q. Quel était le statut des provinces aux termes de cette constitution ?
7 Pour être plus précis, est-ce que la constitution abolissait l'autonomie
8 des provinces ?
9 R. Non, la nouvelle constitution n'abolissait pas l'autonomie des
10 provinces; cependant, aux termes de cette constitution, les provinces
11 autonomes étaient des unités classiques disposant d'une certaine autonomie
12 territoriale. Il ne s'agissait pas d'unités bénéficiant du statut d'un
13 quasi-Etat, comme c'était le cas dans la constitution de 1974 qui leur
14 accordait un statut supérieur au statut d'une province autonome, et qui
15 réduisait par-là même le statut de la Serbie. Dans cette nouvelle
16 constitution, elles devenaient des unités classiques disposant d'une
17 certaine autonomie territoriale semblable au statut accordé par les
18 provinces en Espagne ou en Italie.
19 Q. Comment était définie la République de Serbie dans cette constitution ?
20 R. La République de Serbie était définie comme un Etat civique. Je vais
21 donner lecture de la république qui figure à l'Article 1, je cite : "Etat
22 fondé sur les libertés et les droits de l'homme et du citoyen, l'Etat de
23 droit et la justice sociale."
24 Si bien que tous les éléments constituant la lutte des classes sont
25 enlevés --
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1 Q. Oui. Je voulais simplement que nous voyions comment la Serbie était
2 définie dans cette constitution.
3 Vous étiez l'un des auteurs de la constitution fédérale de la
4 République fédérale de Yougoslavie de 1992 ?
5 R. Oui. Oui, j'en étais membre.
6 Q. Quelle était l'idée dans l'adoption de cette constitution de 1992 ?
7 R. En quelques mots, il s'agissait de fournir un cadre juridique et
8 constitutionnel à ce qui restait encore de la RSFY. On avait deux
9 républiques, la Serbie et le Monténégro, qui restaient; d'autre part,
10 l'idée c'était également de continuer à assurer d'être un sujet de droit
11 successeur à l'ex-RFSY. Ceci figure dans le préambule à la constitution,
12 j'ai le texte ici qui stipule clairement que la République fédérale de
13 Yougoslavie poursuit dans la continuité de la Yougoslavie. C'est sur cette
14 base que l'assemblée a adopté la constitution. "A partir de cette
15 continuité ininterrompue de la Yougoslavie et de l'association volontaire
16 entre la Serbie et le Monténégro."
17 Q. Bien. Je vais mentionner un certain nombre de chefs dans ce soi-disant
18 acte d'accusation. Je n'ai pas le temps de tous les mentionner, 22, 23 --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une fois encore, je dois vous
20 interrompre. Cela ne va pas.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quel est le problème ?
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez fait référence à l'acte
23 d'accusation en parlant du : "Soi-disant acte d'accusation". Nous avons
24 déjà parlé de cette question, cela devient un disque, un refrain qui est un
25 peu fatiguant.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense qu'il est de mon
2 droit d'estimer que cet acte d'accusation est un faux acte d'accusation.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez le droit de contester
4 l'acte d'accusation. La contestation que vous avez faite n'a pas été
5 couronnée de succès, n'a pas abouti. Maintenant, vous êtes là pour
6 présenter votre Défense. Il vous appartient de présenter des faits qui
7 remettent en question l'acte d'accusation. Cela ne signifie pas pour autant
8 que l'acte d'accusation n'existe pas. Cela ne justifie pas de désigner
9 l'acte d'accusation en parlant de "soi-disant acte d'accusation". Veuillez
10 poursuivre.
11 M. NICE : [interprétation] S'agissant des pièces à conviction, on nous fait
12 passer très rapidement à une étude de la constitution de 1990. L'accusé me
13 corrigera sans doute si je me trompe, mais il me semble que c'est à
14 l'intercalaire numéro 19 que l'on en trouve une partie. Je crois que le
15 texte intégral de la constitution de 1990 se trouve à la pièce 319,
16 intercalaire 1 ou 132.
17 S'agissant de la constitution de 1992, pour la RFY, je ne sais pas si
18 cela figure dans les documents de l'Accusé, même si apparemment le témoin
19 vient de donner lecture du préambule, nous n'avons pas réussi à trouver ce
20 document. Mais si ce débat, si cette discussion est utile pour la Chambre,
21 celle-ci devra savoir de quel document il s'agit exactement.
22 Monsieur le Juge Kwon opine du chef, ce qui me semble indiquer que le
23 document n'a pas encore été produit.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.
25 M. NICE : [interprétation] Si cela n'a pas été le cas jusqu'à présent,
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1 peut-être faudrait-il remédier à cette situation, parce que c'est un
2 document qui est assez important comme on va pouvoir le constater.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La constitution de 1990 se trouve à
4 l'intercalaire numéro 39. C'est un texte qui est identique à la pièce à
5 conviction 132.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Bien. La constitution de la Yougoslavie se trouve à l'intercalaire 39.
9 Je crois même qu'elle existe en version anglaise. Mais ma question portait
10 suite à toutes les explications que vous avez fournies par rapport à la
11 constitution. Je vous ai évoqué les points 23, 24, 25. On trouve mention de
12 la même chose à d'autres endroits, mais je vais simplement citer le
13 paragraphe 23. Vous reconnaîtrez ce monsieur.
14 Voici ce qui est cité au point 23 : "Outre les pouvoirs dont il était
15 investi de jure, Slobodan Milosevic a exercé durant toute la période
16 couverte par le présent acte d'accusation, un important contrôle de facto
17 sur de nombreuses institutions qui ont joué un rôle essentiel dans les
18 crimes répertoriés dans l'acte d'accusation, ou y ont participé."
19 Dites-moi, quel est ce contrôle de facto et quel rapport a-t-il avec ces
20 constitutions dont vous parlez ?
21 R. Avant tout, les attributions sont une catégorie légale. Soit qu'elles
22 existent, soit qu'elles n'existent pas. Adjoindre l'expression de facto
23 signifie une contradiction dans les termes. Il est impossible d'avoir des
24 attributions de facto. Ces attributions ne peuvent être décernées ou
25 données que sur le plan du droit. Il faut qu'il y ait un fondement
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1 juridique à tout cela. On peut avoir une influence, on peut exercer une
2 influence ou une réputation, mais rien d'autre.
3 Par exemple, à la faculté de droit où je travaille, outre le doyen,
4 il peut y avoir des professeurs qui jouissent d'une très bonne réputation
5 au sein de l'université.
6 M. NICE : [interprétation] Je pense que nous sommes ici dans un débat qui
7 prend l'allure d'un "débat philosophique," mais quelle que soit sa nature,
8 il n'a aucune valeur pour la Chambre et, bien entendu, il résulte d'une
9 malheureuse question posée par l'accusé où il est question de contrôle de
10 facto. Peut-être l'Accusé pourrait-il préciser un peu sa question de façon
11 à obtenir une réponse valable.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je pense que
13 vous devriez demander au témoin si, sur la base de ses connaissances et sur
14 la base de son expérience, il est possible d'exercer un contrôle sur
15 plusieurs institutions. Professeur, c'est moi qui vais vous poser cette
16 question.
17 Je vous la pose.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment il est possible de
19 démontrer que quelqu'un exerce un contrôle de facto. On exerce un contrôle
20 que si les attributions destinées à permettre l'exercice de ce "contrôle"
21 sont définies par le droit car il ne peut pas y avoir d'attributions
22 définies de facto. Ceci est en relation directe avec le problème de la
23 responsabilité ou des fonctions que quelqu'un exerce. Quelqu'un ne peut pas
24 exercer des fonctions qui ne lui ont pas été attribuées en droit; sinon, il
25 s'agit d'usurpation.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur. Je comprends ce que vous
2 dites, mais si vous voulez aider M. Milosevic, je pense qu'il faudrait que
3 vous vous écartiez du débat philosophique pour vous concentrer sur la
4 réalité de l'acte d'accusation.
5 L'expression "pouvoirs de jure" est utilisée s'agissant des pouvoirs
6 qui ont été octroyés à l'accusé en droit et le terme "contrôle de facto"
7 est utilisé s'agissant du contrôle et du pouvoir qu'un individu exerce, non
8 pas sur une base juridique mais dans les faits. Je pense que si vous
9 souhaitez aider M. Milosevic c'est le deuxième volet de ce que je viens de
10 dire que vous devriez aborder. L'acte d'accusation affirme qu'il a exercé
11 un contrôle de facto. Cela n'est pas une réponse si vous nous dites que,
12 selon vous, il n'existe pas de contrôle de facto puisque l'acte
13 d'accusation formule cette allégation.
14 Si vous ne pouvez pas nous aider en répondant à cette question, nous
15 pourrions peut-être passer à autre chose. Car le professeur a une démarche
16 assez doctrinaire sur cette question --
17 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, deux points. Je crois
18 que cela fait suite à l'observation du Juge Kwon au sujet de l'intercalaire
19 39. Je crois que là nous étions en présence d'un malentendu que l'accusé a
20 corrigé. L'intercalaire 39, c'est la constitution de la République fédérale
21 yougoslave de 1990. Ce n'est pas la constitution de la Serbie.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la date est celle de 1992, n'est-
23 ce pas ?
24 M. NICE : [interprétation] Non, celle-ci c'est la version de 1990
25 apparemment. En tout cas, c'est ce qui a été dit. Ah, non, c'est 1992.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Où figure cette définition ?
2 M. NICE : [interprétation] En effet, en effet, Monsieur le Juge, il s'agit
3 de 1992. C'est tout à fait exact. Par conséquent, il est possible que ce
4 document soit identique à notre pièce à conviction déjà évoquée
5 précédemment à savoir la pièce 319, intercalaire 2, si je ne m'abuse.
6 Nous essayons d'établir un lien entre ces différents textes sur la
7 base d'un certain nombre d'indices, mais la tâche n'est pas facile, et cela
8 ne nous aide pas d'avoir une date erronée. Monsieur le Juge, vous avez tout
9 à fait raison. Il s'agit de 1992. La RFY et ce document correspond à la
10 pièce à conviction 132 qui dans ma liste antérieur figurait à la cote 319,
11 intercalaire 1.
12 Excusez-moi de vous avoir interrompu.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'espère que
14 vous vous adapterez avec le temps à la discipline particulière du Tribunal
15 et à la façon de présenter les pièces à conviction.
16 Revenons à la question que vous avez posée. Souhaitez-vous insister sur
17 cette question compte tenu de la réponse fournie par le professeur ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ce n'est pas nécessaire. Il a
19 suffisamment répondu s'agissant de ce qui m'intéressait.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Professeur Markovic, nous allons maintenant passer à la troisième série
22 de questions que j'ai annoncée au début de mon audition. Ces questions
23 portent sur votre participation aux négociations avec les représentants de
24 la communauté ethnique albanaise, avec toutes les communautés ethniques
25 d'ailleurs, et avec Rambouillet.
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1 Vous étiez chef de la délégation serbe qui s'était forcée d'établir
2 un contact avec les représentants politiques présents, représentants des
3 Albanais du Kosovo, mais également des autres communautés ethniques
4 présentes au Kosovo-Metohija. Vous avez commencé votre travail avec les
5 représentants de la partie ethnique albanaise, après quoi, vous avez traité
6 avec les représentants de tous les autres groupes ethniques. Comment cet
7 élargissement de votre action a-t-il eu lieu ?
8 R. Le gouvernement de la République de Serbie dont je faisait partie à
9 l'époque en étant l'un des cinq vice-présidents de ce gouvernement de
10 Serbie, ce gouvernement a décidé que les affrontements qui s'aggravaient au
11 Kosovo-Metohija devaient être résolus par des moyens politiques, par la
12 voie politique. A cette fin, il a mis en place une délégation.
13 Celle-ci constituée par le ministre Andrea Milosanjevic, le ministre
14 Ratomir Vico, le ministre Ivan Sedlak et moi-même, qui dirigeait cette
15 délégation, nous avons été chargés par le biais de pourparlers avec les
16 Albanais du Kosovo de trouver une issue à la situation dans laquelle se
17 trouvaient plongés à l'époque la République de Serbie ainsi que le Kosovo-
18 Metohija. Mais les autres groupes ethniques du Kosovo-Metohija ont eu le
19 sentiment de subir une forme de discrimination. Pourquoi des pourparlers
20 uniquement avec les Albanais du Kosovo et pas, par exemple, avec les Roms,
21 avec les Turcs, avec les Egyptiens, ou avec les Gores [phon]. Ces
22 différents groupes ethniques se sont adressés au gouvernement de la Serbie
23 en disant qu'ils voulaient également participer à ces pourparlers
24 puisqu'ils étaient également habitants du Kosovo, et puisque les
25 conclusions qui pouvaient être tirées à l'issue de ces pourparlers les
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1 concerneraient également. Dans un premier stade, il y a eu discussions
2 entre des représentants du gouvernement de la Serbie et des représentants
3 du groupe ethnique albanais du Kosovo. Plus tard, ces pourparlers se sont
4 élargis pour concerner, d'une part, les représentants du gouvernement de la
5 République de Serbie et, d'autre part, les représentants de tous les
6 groupes ethniques présents sur territoire du Kosovo-Metohija.
7 Q. Avez-vous tenu compte de la résolution du conseil de Sécurité ? Je dis
8 à chacun que ceci se trouve à l'intercalaire 39, résolutions 1160, 1199 et
9 1203. Je m'apprête à citer les points 3 et 4, les paragraphes 3 et 4 de la
10 résolution 1160. Vous trouverez ce document qui existe en anglais. Le
11 paragraphe 3 souligne, je cite : "Que le moyen pour supprimer la violence
12 et le terrorisme au Kosovo consiste pour les autorités de Belgrade à
13 proposer à la communauté albanaise du Kosovo un véritable et authentique
14 processus politique."
15 Le paragraphe 4, se lit comme suit, je cite : "En appelle aux autorités de
16 Belgrade et à la direction de la communauté albanaise du Kosovo à entamer
17 d'urgence et sans conditions préalables un dialogue significatif sur des
18 questions politiques et note que le groupe de contact est prêt à favoriser
19 un tel dialogue."
20 Il est question ici des Albanais du Kosovo.
21 Dans la résolution 1199, troisième paragraphe, nous lisons, je cite :
22 "En appelle aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie et à la
23 direction des Albanais du Kosovo pour qu'elles entament immédiatement un
24 dialogue significatif sans conditions préalables et avec participation
25 internationale, et pour qu'elles mettent en place un ordre du jour visant à
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1 la fin de la crise, et à la recherche d'une solution politique négociée à
2 la question du Kosovo, et saluent les efforts actuels visant à favoriser un
3 tel dialogue."
4 Puis, à la résolution 1203, au paragraphe 5, nous lisons ce qui suit, je
5 cite : "En appelle aux autorités de la République fédérale de Yougoslavie
6 et à la direction des Albanais du Kosovo pour qu'elles entament
7 immédiatement un dialogue significatif…" et cetera, et cetera.
8 Vous avez expliqué que vous aviez été nommé par le gouvernement de Serbie à
9 la tête d'une délégation et que vous vous êtes rendu sur place. Quel devait
10 être le thème de ces pourparlers ?
11 R. Pour autant que je le puisse le voir, ceci date du 31 mars --cette
12 résolution qui a été citée et le gouvernement a pris sa décision bien
13 avant. La première mission consistant à entamer des pourparlers à Pristina
14 le 12 mars 1998.
15 S'agissant du thème des pourparlers, j'ai déjà dit ce qu'il était, à savoir
16 rechercher une solution politique aux problèmes du Kosovo-Metohija, c'est-
17 à-dire, mettre un terme au combat et trouver une solution politique
18 pacifique. Ceci correspond à ce qui est évoqué dans les documents du
19 conseil de Sécurité; cependant, le gouvernement de Serbie a décidé d'agir
20 dans ce sens et ceci s'est fait le 10 mars, je le répète.
21 Q. D'une part, le conseil de Sécurité insiste sur quelque chose qui en
22 fait relève du gouvernement de Serbie et qui a déjà été commencé par le
23 gouvernement de Serbie ?
24 R. C'est exact.
25 Q. En même temps, le gouvernement de Serbie traite sur un pied d'égalité
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1 toutes les communautés ethniques du Kosovo ?
2 R. Ceci sur la base des exigences de ces communautés ethniques qui avaient
3 envoyé une lettre au gouvernement.
4 Q. Fort bien. Mais ceci n'était-il pas la conséquence de la position
5 adoptée par le gouvernement de Serbie, à savoir que toutes les communautés
6 ethniques présentes au Kosovo devaient être traitées sur un pied
7 d'égalité ?
8 R. Tout à fait. Telle était la position du gouvernement de Serbie et plus
9 tard elle a été développée dans divers documents adoptés par ce
10 gouvernement dans le cadre de la recherche d'une solution politique au
11 Kosovo-Metohija grâce à un équilibre maintenu et à une égalité assurée
12 entre toutes les communautés ethniques, de façon à ce que l'une d'entre
13 elles ne puissent pas exercer un pouvoir supérieur aux autres. Chacune de
14 ces communautés devait être sur un pied d'égalité avec les autres, et c'est
15 dans ce sens qu'une solution était recherchée.
16 Q. Fort bien. La délégation a été créée sur cette base, suite à une
17 décision du gouvernement datant du 10 mars 1998 ?
18 R. Oui.
19 Q. Dans quelles conditions cette décision de créer une délégation a-t-elle
20 été prise ?
21 R. La situation au Kosovo-Metohija a rendu urgente une décision de ce
22 genre. Pour être simple, le conflit avait dépassé certaines limites et une
23 solution politique devait être recherchée. Tel était le motif principal du
24 gouvernement lorsqu'il a créé un groupe de travail auquel il a accordé un
25 mandat.
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1 Q. Comment est-ce que les pourparlers se sont déroulés ?
2 R. Des pourparlers ont eu lieu entre les représentants des communautés
3 ethniques non-albanaises et des représentants des partis politiques
4 minoritaires de la communauté albanaise. Par exemple, Faik Jashari a
5 participé à ces pourparlers. C'était un Albanais et il présidait
6 l'Initiative démocratique du Kosovo, parti qui ne disposait pas de la
7 majorité. Il y avait également Qusha, comme on l'appelait, un Albanais
8 également, membre du Parti réformiste démocratique. Le Parti des réformes
9 démocratiques était également un Albanais. Quant aux autres communautés
10 ethniques, elles étaient représentées chacune par deux ou trois
11 représentants.
12 Nous nous sommes rencontrés, ou avons essayé de nous rencontrer, une
13 quinzaine de fois, quinze fois, en tout cas, d'après mon agenda. Je dispose
14 d'une date tout à fait précise. Puisque la situation à l'époque était très
15 difficile et très chaotique, des gens au Kosovo-Metohija ont affirmé que
16 des tentatives de réunions plus nombreuses encore ont eu lieu, à savoir,
17 17. Je suis certain qu'il y a eu 15 tentatives, et je connais les dates
18 exactes de toutes ces réunions lorsque nous sommes allés à Pristina pour
19 participer à ces pourparlers.
20 Q. Fort bien. Ces résolutions que j'ai citées, comme vous l'avez entendu,
21 en appel à la direction des Albanais du Kosovo également pour entamer ces
22 pourparlers. Donc vous, vous étiez à la tête d'une délégation
23 gouvernementale qui s'est rendue sur place 15 fois. Combien de fois avez-
24 vous rencontré les représentants des partis majoritaires de la communauté
25 albanaise, car vous étiez là également pour les rencontrer ?
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1 R. Les représentants des partis majoritaires des Albanais ont boycotté ces
2 pourparlers, et ils ont dit pourquoi très clairement. D'abord, s'ils
3 devaient participer à ces pourparlers, cela signifiait qu'ils
4 reconnaissaient faire partie de la Serbie, alors que leur thèse était
5 qu'ils constituaient un organe distinct de la Serbie, en dehors de la
6 Serbie.
7 En deuxième lieu, cela aurait signifié qu'ils reconnaissaient l'Etat de
8 Serbie, ce qu'ils ne faisaient en aucun cas.
9 Troisièmement, leur exigence principale, l'exigence de créer le Kosovo-
10 Metohija en tant qu'Etat c'est quelque chose que personne ne pouvait
11 soumettre à une délégation du gouvernement de la Serbie.
12 Ils ont insisté pour que ces pourparlers deviennent internationaux. Ils
13 n'étaient pas d'accord pour que ces pourparlers se tiennent en interne,
14 mais qu'il y ait également présence de représentants de la communauté
15 internationale. Une seule réunion de cette nature a eu lieu. Je l'ai noté
16 par écrit. Elle a eu lieu le
17 22 mai 1998, au siège de l'association des Auteurs du Kosovo, qui étaient
18 en même temps le siège de l'alliance démocratique du Kosovo. A ce moment-
19 là, la partie albanaise était dirigée par M. Ibrahim Rugova.
20 Une seule réunion de cette nature a eu lieu au cours de laquelle il a été
21 dit, en termes très généraux, qu'il fallait rechercher une solution
22 pacifique à la situation du Kosovo-Metohija.
23 Par la suite, en dépit des efforts et du fait que la délégation du
24 gouvernement de Serbie s'est rendue au Kosovo, aucune autre réunion de
25 cette nature ne s'est tenue.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons déjà dépassé l'heure de
2 la suspension. Nous allons suspendre. Monsieur Nice ?
3 M. NICE : [interprétation] Les trois dernières pièces, 49A, B et C, aucune
4 objection, bien sûr, à ce qu'elles soient produites. Elles ont déjà été
5 produites. Il s'agit de la pièce 49B est 790; 49C, 795, intercalaire 19.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Elles font déjà partie des pièces à
7 convictions soumises à la Chambre, pièce 25.
8 M. NICE : [interprétation] Très bien.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dis pour que tout soit clair que
10 nous avons déjà admis les intercalaires 35 et 38. Il n'était pas nécessaire
11 d'admettre l'intercalaire 6 qui faisait déjà partie d'une pièce de la
12 Défense.
13 Nous suspendons jusqu'à 9 heures demain matin.
14 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le mercredi 19 janvier
15 2005, à 9 heures 00.
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