Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 20 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pouvez

7 poursuivre le contre-interrogatoire.

8 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. NICE : [interprétation] Afin que nous puissions caresser l'espoir de me

11 voir au terme de mon contre-interrogatoire aujourd'hui, premièrement, il

12 sera nécessaire d'abandonner la cohérence d'une démarche totalement

13 chronologique. Mais je vais faire de mon mieux quoi qu'il en soit.

14 Deuxièmement, au cours de la première pause, j'inviterai la Chambre, si

15 elle estime qu'il convient d'adopter cette démarche, j'inviterai donc la

16 Chambre à examiner un ou deux documents. Le premier document est un

17 document qui comprend des observations en anglais et en B/C/S désormais.

18 Observations du Pr Kristan au sujet des questions à caractère

19 constitutionnel qui ont été soulevées. Vu que la Chambre de première

20 instance avait elle même dit qu'il était possible d'envisager de le citer à

21 la barre, je pense qu'il serait utile, et que cela nous permettrait de

22 gagner du temps, que de lire ce document de quatre ou cinq pages en

23 anglais.

24 J'inviterai également la Chambre, si je suis assez avancé dans les

25 questions que je souhaite poser, j'inviterai donc la Chambre à passer en

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1 revue, le document essentiel que j'ai fourni au témoin hier, en lui

2 demandant de le passer en revue lui aussi, car les critiques qui y figurent

3 et qui formeraient l'objet de mon contre-interrogatoire, pourraient faire

4 l'objet d'une lecture très utile.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous avez indéniablement donné

6 ce document au témoin qui l'a lu, n'est-ce pas.

7 M. NICE : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dois dire qu'à plusieurs reprises

9 la Chambre a été rappelée à l'ordre pour avoir empiété sur le temps de la

10 Chambre de première instance qui siège l'après-midi. Dès que nous dépassons

11 la limite de 13 heures 45, nous empiétons sur le temps qui est disponible

12 l'après-midi pour la Chambre qui siège ici, ceci il ne faut pas que nous le

13 fassions.

14 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

15 Q. [Interprétation] Professeur Markovic, je vais passer à deux questions

16 que nous avons évoquées hier.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous délivrer une ordonnance, afin que

19 ces documents me soient remis à moi aussi ? Ainsi, par exemple, je n'ai pas

20 reçu les documents que le Pr Markovic avait reçus hier, j'espère que je

21 pourrais les recevoir, ainsi que ceux qui ont été mentionnés par M. Nice.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez les recevoir.

23 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ces documents sont

25 disponibles ?

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1 M. NICE : [interprétation] Indéniablement. Dans quelques minutes, le

2 document de M. Kristan en B/C/S sera disponible, mais sinon les autres

3 documents sont tout de suite disponibles.

4 Q. Professeur Markovic, je souhaiterais parler de l'aide que vous avez

5 apportée à l'élaboration de la constitution. Puisqu'hier, vous avez, dans

6 vos réponses, rejeté l'idée que vous auriez contribué de quelle que manière

7 que ce soit à l'élaboration d'une constitution pour la Republika Srpska,

8 pour la République serbe de la Krajina, et vous avez dit que c'était la

9 constitution du Monténégro, qui était peut-être la constitution manquante,

10 mais pourtant c'est exactement ce que vous avez dit, quand vous avez

11 répondu aux questions de l'accusé. A une question qui ensuite a été posée

12 dans le même sens par M. le Juge Robinson. Vous avez dit, je cite : "Je ne

13 peux pas toutes les énumérer, je peux vous donner le nom de trois d'entre

14 elles, mais pas de la quatrième. La première était la constitution de la

15 République de Serbie, celle de 1991; la constitution de la République du

16 Monténégro, de 1992, en octobre; et la constitution de la République

17 fédérale de Yougoslavie de 1992. Mais je suis toujours tenu par la loi sur

18 les secrets d'Etat, si bien que je ne peux pas vous citer le quatrième

19 pays."

20 Veuillez, s'il vous plaît, nous donner le nom de ce quatrième pays.

21 R. Je dois encore vous corriger, parce que vous ne cessez de faire des

22 erreurs dans vos questions. En premier lieu, je n'ai pas dit que j'avais

23 élaboré les projets de texte de ces constitutions. Essayez de ne pas

24 manipuler ce type de propos, encore une fois. Je n'ai pas participé à la

25 rédaction, j'ai fait partie d'une équipe qui était chargée de la rédaction,

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1 il s'agissait d'un travail collectif.

2 En deuxième lieu, je n'ai jamais mentionné de loi sur les secrets d'Etat,

3 je n'ai pas connaissance d'ailleurs d'une telle loi. J'ai parlé du secret

4 professionnel.

5 Monsieur Nice, je n'ai à dire à personne ce que je fais dans le cadre de

6 mes activités professionnelles. Dans mon pays, c'est la liberté qui

7 s'applique pleinement à ce type d'activités. Je peux écrire ce que je

8 souhaite écrire, cela peut-être adopté ou pas par les instances

9 compétentes. Peut-être suis-je actuellement en train de travailler à la

10 rédaction d'une loi ou d'une constitution. Pourquoi est-ce que cela vous

11 intéresse. Là, vous êtes en train d'entrer dans le domaine de mes affaires

12 privées, vous n'avez pas le droit de le faire.

13 Q. Professeur Markovic, les termes de loi relatifs au secret d'Etat, ce

14 sont des termes que j'ai extraits du compte rendu d'audience --

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent que lorsque cela a été traduit

16 effectivement, c'est la manière dont cela a été traduit, qu'il aurait peut-

17 être mieux valu parler de "secret professionnel", mais vu la rapidité du

18 débit, c'est le premier terme qui est venu à l'esprit de l'interprète.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, voici un débat stérile,

20 tous les témoins invoquent le secret professionnel. Mais le témoin à mon

21 avis n'a pas refusé à répondre à cette question.

22 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

23 Q. Est-ce que je peux vous demander quelque chose d'autre, Monsieur

24 Markovic.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A moins que vous ne demandiez une

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1 réponse à cette question ?

2 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

3 Q. Professeur Markovic, avant que je ne passe au point suivant, vous venez

4 d'entendre la position du Juge au sujet du secret professionnel, je vous

5 demande donc de nous donner le nom du quatrième pays auquel vous avez

6 référence.

7 R. Le Pr Jovicic et moi-même avons travaillé sur les statuts de la Région

8 autonome serbe.

9 Q. Est-ce qu'il s'agit de la Région autonome serbe dont vous m'avez

10 déclaré hier qu'elle n'avait pas de constitution ?

11 R. Non, pas à l'époque.

12 Q. Vous souvenez-vous que vous avez fait une remarque, quelque peu -- vous

13 vous êtes mis un peu en avant, bien que ce ne soit pas à moi de le dire, au

14 sujet de ce document, est-ce que vous en souvenez ?

15 R. Oui.

16 Q. Mais vous saviez parfaitement que ce document existait, n'est-ce pas ?

17 Il s'agissait donc de qu'avait dit Lord Palmerston.

18 R. Lord Palmerston a parlé d'un député britannique qui avait invoqué la

19 constitution britannique. Il a dit qu'il était prêt à donner une forte

20 récompense à toute personne susceptible de lui fournir ce type

21 d'information. Moi ce que j'ai fait, ce n'est pas une constitution. Ce que

22 j'ai préparé, c'était un document constitutionnel. Nous en tant que

23 professionnels, c'est ce qu'on nous a demandé de faire. C'est que j'ai dit.

24 C'est pour cela que j'ai dit, si vous me montrez cette constitution,

25 c'était en fait le statut de la région autonome. C'est un document à

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1 caractère constitutionnel, bien sûr, mais il n'en reste pas moins que ce

2 n'est pas une constitution.

3 Q. Professeur Markovic, vous savez vu les questions que je vous ai posé

4 hier, vous saviez que ce qui m'intéressait, c'était de déterminer si vous

5 aviez participé à la rédaction de la constitution de la Republika Srpska et

6 de la République serbe de la Krajina, n'est-ce pas ?

7 R. Ce n'est absolument pas le cas. En fait, c'est un mensonge.

8 Q. Mais qu'est-ce que j'essayais d'obtenir comme informations de votre

9 part ? Essayez de le dire aux Juges, afin que nous comprenions votre

10 logique. Ne tournons pas autour du pot, ici. Pour que nous voyons que vous

11 êtes un homme honnête. Quel était l'objectif de ma question, Professeur

12 Markovic ?

13 R. Qu'est-ce que j'en sais ? C'est vous qui devez savoir cela. Moi,

14 comment est-ce que je peux savoir que vous cherchez en me posant vos

15 questions ? Pour moi, ces questions n'ont aucun intérêt. Mais enfin, vous

16 avez sans doute une petite idée sur la raison pour laquelle vous les posez.

17 Ces questions n'ont absolument rien à voir avec ma déposition. J'ai

18 déposé au sujet de choses complètement différentes, alors que vous, vous

19 travaillez ad hominem. C'est-à-dire que vous êtes en train de m'interroger

20 moi, personnellement, en tant qu'homme.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, ces questions ont trait

22 à votre crédibilité.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Une dernière question avant de poursuivre. Ce que vous avez fait hier,

25 c'était une tentative d'induire la Chambre en erreur délibérément au sujet

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1 de votre participation à la rédaction de la constitution de la RSK et de la

2 RS. Pouvez-vous nous expliquer le pourquoi de votre conduite ?

3 R. Monsieur Nice, je n'ai jamais écrit, je n'ai jamais participé à la

4 rédaction des deux constitutions que vous avez mentionnées. Jamais. J'ai

5 seulement participé au statut de la Région autonome serbe. En fait, la

6 Republika Srpska contre un tel nombre de professeurs et de professionnels

7 éminents en matière de droit constitutionnel que se sont eux-mêmes qui ont

8 rédigé cette constitution. Pourquoi feraient-ils appel à moi qui viens de

9 Belgrade, alors qu'ils ont beaucoup de personnes à qui ils peuvent faire

10 appel parmi eux.

11 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas passer beaucoup plus de temps

12 avec ce témoin et la Chambre sera ravie d'apprendre que j'ai la ferme

13 intention d'en terminer avec mon contre-interrogatoire aujourd'hui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, pouvez-vous préciser ce

15 que vous entendez exactement dans votre réponse par la référence à la

16 "Région autonome serbe."

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La région autonome serbe, au sens

18 d'Oblast. J'ai utilisé le terme d'Oblast, pas le terme de "pokrajina,"

19 c'est ce qui a été créé en Croatie. Etant donné qu'il n'y avait pas de

20 professionnels, à l'époque, à cet endroit, moi-même et le Pour Jovicic, on

21 nous a demandé d'intervenir afin de préciser les normes, de les mettre en

22 forme. Il s'agissait de faire appel à des gens qui savaient comment

23 présenter des normes, des règles. Bien entendu, les idées, c'est celles de

24 base.

25 Je peux tout à fait écrire une constitution pour Zanzibar si on

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1 m'explique quel est le type de constitution que l'on souhaite, vu

2 l'histoire de Zanzibar, parce que je vais cela en tant qu'artisan de la

3 chose. Je rédige ces normes et je ne crée pas la constitution au sens où je

4 produirais les idées qui la sous-tendent, les idéologies qui cela sous-

5 tend.

6 M. NICE : [interprétation] La Chambre sera intéressée de se souvenir que

7 dans la déposition de M. Babic qui, au départ, faisait l'objet de mesures

8 de protection, mais qui ensuite a été rendue publique, on lui a posé une

9 question au sujet du statut de la constitution. Lorsque l'on lui a demandé

10 si c'est lui qui avait rédigé, il a répondu que c'était Borivoj Rasua,

11 ainsi que le Pr Ratko Markovic qui avaient rédigé le document.

12 Je passe maintenant à un autre sujet. Je m'éloigne de la séquence

13 chronologique.

14 Q. Vous avez achevé votre travail relatif aux amendements à la

15 constitution de Vojvodine, la constitution du Kosovo et la constitution

16 Serbe au printemps 1989. Une chose encore avant de passer au thème suivant

17 qui ne nous prendra que peu de temps.

18 Après l'adoption par l'assemblée du Kosovo de ces amendements de la manière

19 dont on sait, des hommes et des femmes ont trouvé la mort dans la rue au

20 cours de manifestations. Est-ce que vous vous en souvenez ?

21 R. Je vous ai déjà dit que je n'ai pas connaissance de cela, absolument

22 pas. Je ne suis pas du Kosovo et je n'ai pas suivi les événements sur

23 place. Je crois qu'il ne m'appartient absolument pas de dire ce que j'ai lu

24 dans les journaux à l'époque. C'était il y a 24 ans. Cela n'a pas de

25 pertinence.

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1 Q. Si, c'est pertinent. Nous, nous avons eu des éléments de preuve au

2 sujet des personnes qui sont décédées dans la rue. Ma question qui y a

3 trait et qui a un rapport avec ce que vous nous dites aujourd'hui dans le

4 cadre de votre déposition est la suivante : quelqu'un qui participe à de

5 telles modifications, à des modifications si importantes aux dispositions

6 constitutionnelles de l'ex-Yougoslavie, en tant que tel, ressentez-vous une

7 responsabilité au sujet des événements qui ont eu lieu, à savoir ces morts,

8 ces morts dans les rues du Kosovo ?

9 R. On ne peut absolument pas faire le rapport entre ces deux choses.

10 J'éprouve une grande fierté professionnelle au sujet de ma participation à

11 tout cela. J'estime que c'est un des sommets de ma carrière professionnelle

12 d'avoir pu participer à cette entreprise particulière. Le fait que

13 quelqu'un essaie de transformer une province en Etat et implique sa propre

14 vie dans cette affaire n'a absolument rien à voir avec mes activités

15 professionnelles.

16 Q. Je n'accepte pas cette qualification ou cette description des

17 événements.

18 R. Cela, c'est à vous de le dire. C'est votre problème.

19 Q. Le SPS, le parti de l'Accusé, a été créé. Ce que vous ne nous n'avez

20 pas dit, c'est que vous étiez l'un des membres fondateurs de ce parti. Vous

21 étiez membre du comité exécutif.

22 R. Oui, effectivement, pendant quatre mois. Mais comme j'ai perdu les

23 élections au parlement, j'ai donné ma démission. Parce que je me suis dit

24 que le parti avait perdu avec moi, quand j'ai perdu ces élections et que le

25 parti ne bénéficiait pas de ma présence. Depuis ce jour, je n'ai été qu'un

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1 membre ordinaire du SPS. J'ai donné ma démission sur la base du principe

2 démocratique selon lequel, lorsque l'on perd une élection, on doit en tirer

3 les conséquences. C'est la raison pour laquelle j'ai démissionné du comité

4 exécutif. J'en ai été membre de juillet à décembre.

5 Suite à quoi, depuis 1990, je le répète, je ne suis rien d'autre et je n'ai

6 jamais été rien d'autre qu'un membre ordinaire du SPS.

7 Q. Un membre ordinaire du SPS ?

8 R. Oui.

9 Q. Un membre du groupe qui a débattu de la division de la Bosnie suite à

10 la réunion de Karadjordjevo entre Milosevic et Tudjman, n'est-ce pas ?

11 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela, de votre part.

12 Est-ce que vous pourriez être plus précis, me dire exactement à quoi vous

13 faites référence. Parce que ce que vous êtes en train de me dire, c'est de

14 la science fiction du plus bel effet. Je n'ai absolument aucune idée de ce

15 que vous êtes en train de me dire.

16 Q. Suite à la fameuse réunion entre Tudjman et l'Accusé à Karadjordjevo au

17 cours de laquelle ils ont discuté de la division de la Bosnie, des groupes

18 de travail ont été mis en place des deux côtés afin de mettre en œuvre

19 d'éventuels accords. Vous étiez membre du groupe qui était au service de

20 Milosevic, au sujet de l'Accusé.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice ne peut pas, dans ses questions,

24 affirmer que j'ai parlé à Tudjman de la division de la Bosnie. Cela est

25 quelque chose qu'il affirme, qu'il prétend et, bien entendu, c'est

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1 complètement faux. Ici, il est en train de faire une allégation. Il dit :

2 "Quand ils ont parlé de la division de la Bosnie," et cetera. Il peut très

3 bien demander au témoin ce qu'il a fait, mais ce n'est pas là un fait à

4 partir duquel il peut poser sa question.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais cela fait partie de la

6 thèse défendue par l'Accusation dans ce procès, et si je ne me trompe des

7 éléments de preuve ont déjà été produits dans ce sens.

8 M. NICE : [interprétation] C'est tout à fait le cas.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, cette réunion a eu lieu

11 exclusivement entre moi et Tudjman d'après les éléments de preuve dont vous

12 disposez. Si bien que se référez à ces éléments de preuve là n'a absolument

13 aucun intérêt, ni aucun sens.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment n'est

15 pas venu de débattre au sujet de cela. Les éléments de preuve relatifs à

16 cette réunion ont été produits, et c'est sur cette base que la question est

17 posée. Au bout du compte, il appartiendra à la Chambre d'évaluer les

18 éléments de preuve présentés.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Professeur Markovic, dans l'intervalle pendant que l'accusé faisait ces

21 observations, est-ce que vous êtes parvenu à vous souvenir de votre

22 participation au groupe qui a conseillé l'accusé ? La première réunion a eu

23 lieu le 10 avril dans un pavillon de chasse près d'Osijek, dont le 10 avril

24 1991. Vous souvenez-vous ?

25 R. Il s'agissait d'un groupe de travail. Ce n'était pas une équipe au

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1 service de Milosevic. Je vous en prie, il faut que je réagisse à de telles

2 formulations. Vous êtes un juriste tout comme moi. Vous ne pouvez pas

3 affirmer que j'ai servi Milosevic. Il s'agissait d'un groupe de travail

4 avec Kosta Mihailovic, le Pr Avramov, le Pr Kutlesic, et moi-même. Nous

5 étions membres de ce groupe de travail. De l'autre côté, il y avait Dusan

6 Bilandzic, qui dirigeait ce groupe, un professeur universitaire ainsi qu'un

7 juriste constitutionnel, Smiljko Sokol --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a plus de traduction en

9 anglais.

10 L'INTERPRÈTE ANGLAIS : Les interprètes signalent que le témoin parle

11 beaucoup trop vite pour que l'on puisse prendre note de ce qu'il dit.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'interprète vient de faire une

13 observation. Vous parlez beaucoup trop vite quand vous donnez ces noms.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse. C'est une des

15 formations professionnelles, parce que j'essaie d'en dire autant que

16 possible quand je donne mes cours.

17 Il s'agissait d'un groupe de travail où il y avait Kosta Mihailovic,

18 le Pr Smilja Avramov, le Pr Vladan Kutlesic, et moi-même. Nos partenaires

19 dans cette affaire étaient Dusan Bilandzic, un universitaire. Enfin, je

20 crois qu'il est -- et le Pr Smiljko Sokol, le Pr Zvonko Lerotic, et je ne

21 me souviens pas de l'autre.

22 Mon partenaire c'était le Pr Smiljko Sokol qui enseigne le droit

23 constitutionnel à Zagreb tout comme moi à Belgrade, mais ce que je vous dis

24 c'est que si vous pensez que des professeurs d'universités ont divisé la

25 Bosnie, vous surestimez les professeurs. Les professeurs ne divisent jamais

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1 des territoires. Ce sont uniquement ceux qui sont en haut de l'échelle

2 politique qui peuvent faire ce genre de chose partout dans le monde.

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. Bien entendu, vous étiez un membre ordinaire du SPS, et étant donné que

5 vous mentionnez un des membres -- un de vos interlocuteurs, voyons ce qu'il

6 a à dire à votre sujet. Pièce à conviction suivante.

7 Veuillez vous munir de la version en B/C/S du document qui vous est remis,

8 un extrait du journal Nacional, un article en date du 26 ou 25 octobre

9 1996.

10 M. NICE : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de bien vouloir

11 avoir l'amabilité de place la version en anglais sur le rétroprojecteur, ce

12 qui nous permettra de voir ce qui est écrit au sujet de cette réunion.

13 Q. Voici comment votre collègue de l'autre côté de la barrière a décrit

14 les choses, Professeur ?

15 R. Excusez-moi, qui est ce collègue ?

16 Q. Bilandzic. Il y a une photo de lui.

17 M. NICE : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur le Président,

18 Messieurs les Juges.

19 Q. Veuillez vous reporter à la deuxième page, colonne de gauche, tout en

20 bas, sous le sous-titre, "Najveca Razilazenja." Vous voyez écrit la chose

21 suivante, je cite : "Cependant, les désaccords les plus importants entre

22 Tudjman et moi ont surgi dans des discussions au sujet de la Bosnie-

23 Herzégovine. Au début 1991, après ces négociations avec Milosevic, il a été

24 convenu que deux commissions devraient se rencontrer et discuter de la

25 division de la Bosnie-Herzégovine. A ce moment-là, Tudjman nous a dit que

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1 lui-même et Milosevic en étaient arrivés à un accord de principe et qu'ils

2 nous appartenaient de déterminer les détails concrets sur des cartes.

3 L'académicien Kosta Mihailovic, du cabinet de Milosevic, Kupresic, Smilja

4 Avramov et le vice-président du gouvernement de la Serbie ont participé à

5 ces discussions du côté serbe. Trois séries de négociations de dix heures

6 ont eu lieu à Tikves et Belgrade. Cependant, ces pourparlers n'ont donné

7 aucun résultat."

8 Je reviens à ma question originale, Professeur : Etiez-vous membre d'un

9 groupe, d'une équipe, quelle que soit la dénomination qui vous agrée le

10 mieux, qui a participé à des discussions avec vos homologues pour envisager

11 la division de la Bosnie-Herzégovine ? Oui ou non ?

12 R. J'ai été membre de l'équipe, mais il n'a pas du tout été question d'un

13 partage de la Bosnie. Il a été question de problèmes de nature générale

14 dans lesquels le pays s'est trouvé et les modalités suivant lesquelles,

15 nous, en tant que professionnels, nous voyons une issue. Il n'était

16 question que de cela. Maintenant, pour ce qui est du partage de la Bosnie,

17 pour ce qui est de l'étude de cartes, non, Dieu nous en préserve, il n'en a

18 pas été question. Aucun des participants ne sauraient l'affirmer. Ils sont

19 encore vivants ces participants. Il n'a pas du tout été question d'un

20 partage de la Bosnie.

21 Q. Je vais vous convier à réétudier la dernière partie de votre réponse à

22 la lumière de ce qui suit. Vous dites "Dieu nous garde" de faire référence

23 à des cartes. Votre collègue, Smilja Avramov a témoigné devant cette

24 Chambre avant vous. Elle a parlé de façon concrète qu'il avait été question

25 de cartes. Donc, penchez-vous sur la question une fois de plus, Professeur,

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1 et dites-nous ce que ces cartes venaient à voir à vos réunions ?

2 R. Je ne sais pas du tout qu'il a été question de cartes et je ne sais pas

3 du tout qu'il a été montré des cartes quelles qu'elles soient à l'occasion

4 de ces réunions. Il n'y a pas eu de cartes. C'était des entretiens en tête

5 à tête, et chacun, à partir de son point de vue, avait formulé sa façon de

6 voir la crise en Yougoslavie et les voies de rechercher des issues. Il n'a

7 pas été question. D'ailleurs, j'ai prêté serment ici de dire la vérité. Il

8 n'y a pas eu un mot sur le partage de la Bosnie. Je ne suis pas compétent

9 d'ailleurs pour en parler. Je suis allé peut-être deux ou trois fois en

10 Bosnie dans toute ma vie. Je ne connais même pas la majorité des localités.

11 Je ne sais pas où il y a majorité de tels groupes ethniques ou de tels

12 autres. Comment voulez-vous que je sois, moi, compétent pour ce qui est de

13 parler du partage de la Bosnie ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, peut-être devriez-

16 vous chercher à constater si vous parlez bel et bien de la même réunion. Si

17 vous pouvez déterminer qui a pris part, le professeur peut nous dire si ce

18 sont ces personnes avec lesquelles il a travaillé. Il se peut qu'il y ait

19 eu une autre réunion.

20 M. NICE : [interprétation] Oui, je peux le faire. Mais je crois que

21 l'accusé avait voulu dire quelque chose.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux dire seulement que Mme Smilja Avramov,

24 le Pr Smilja Avramov, n'a pas témoigné du tout d'un partage de la Bosnie

25 entre la Croatie et la Serbie. C'est tout à fait inexact.

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1 M. NICE : [interprétation] Absolument exact. Je n'ai rien dit d'autre. Elle

2 a fourni un récit différent au sujet de cette réunion. Toutefois, elle a

3 été contrainte à admettre qu'elle avait travaillé sur des cartes. Le témoin

4 dénie le fait d'avoir travaillé sur des cartes.

5 Q. Laissons de côté ce sujet-là. Je ne veux pas dépenser davantage de

6 temps --

7 R. Je voudrais qu'on me montre où est-ce qu'on indique mon nom. Montrez-le

8 moi, puisque vous êtes en train de manipuler avec cette pièce à conviction.

9 Je voudrais que vous me montriez où figure mon nom ?

10 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu, je ne vais

11 pas répondre à des propos de ce genre de la part du témoin. Je crois que

12 c'est tout à fait inapproprié.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais mon commentaire de tout à

14 l'heure était celui de savoir si vous parliez de la même réunion.

15 M. NICE : [interprétation] Un autre document nous sera peut-être plus

16 utile. J'aimerais demander à Monsieur l'Huissier de nous aider. Il s'agit

17 d'un extrait du livre de Smilja Avramov. Là, elle maintient ce qu'elle a

18 relaté, à savoir qu'il n'a pas été question de partages de Bosnie. Mais

19 voyons ce que le témoin nous a dit. Il veut voir son nom.

20 Je demanderais à ce que la version anglaise soit placée sur le

21 rétroprojecteur.

22 On dit : "Les présidents des deux républiques, Tudjman et Milosevic, ont

23 pris des mesures et autres. Ils ont créé deux équipes pour étudier les

24 conséquences politiques, économiques et constitutionnelles de la

25 désintégration possible de la Yougoslavie, ceci afin d'essayer de trouver

Page 35385

1 des solutions au travers de cette éventualité --"

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai lu dans la version serbe -- dans mes

5 écouteurs qu'il a été créé deux équipes aux fins d'étudier de façon

6 uniforme. Mais il n'est pas question d'uniforme ou d'unanimité. Il a été

7 créé deux équipes dans l'objectif d'étudier de façon sous toutes leurs

8 facettes, les conséquences politiques, économiques et constitutionnelles

9 sur le plan international d'une désintégration éventuelle de la

10 Yougoslavie.

11 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine B/C/S s'excuse, mais dit qu'il n'a

12 pas le texte.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Je continue de lire : "Il y a une décision qui a été prise par les deux

15 leaders à Karadjordjevo en mars 1991, mais personne n'a informé le groupe

16 du développement et des résultats de cette réunion. Note de bas de page 14.

17 Le groupe de négociations du côté croate était constitué par le conseiller

18 de Tudjman, Josip Sentija et Dusan Bilandzic, et des professeurs de

19 l'université Zagreb, Zvonko Lerotic et Smiljko Sokol. Le groupe serbe était

20 constitué par des conseillers du président Milosevic. Il y avait là un

21 Kosta Mihajlovic et Vladan Kutlesic, et des professeurs de l'université de

22 Belgrade, Ratko Markovic et Smilja Avramov. La première réunion s'est tenue

23 dans une maison de chasse à Osijek en date du 10 avril, la deuxième réunion

24 s'est tenue à Dedinje le 13 avril, et une troisième réunion s'est tenue à

25 Zagreb une semaine plus tard."

Page 35386

1 Je vais revenir maintenant sur le sujet que j'avais l'intention

2 d'abandonner. Vous avez fait partie de ce groupe dont a parlé Smilja

3 Avramov ? Il en avait été de même pour ce qui est de Dusan Bilandzic, qui

4 l'a dit dans l'article du journal Nacional que nous avons cité tout à

5 l'heure ?

6 R. C'est le même groupe de travail en effet, mais je n'ai pas été présent

7 à cette troisième réunion à Zagreb. J'étais là-bas le 10 et le 13 avril,

8 mais une semaine plus tard à Zagreb, je n'y étais plus.

9 Q. Vous semblez avoir un très bon souvenir de ces réunions, ou tout à coup

10 avez-vous commencé à vous en souvenir maintenant qu'on a commencé à vous

11 montrer ces documents ?

12 R. Mais je vous ai déjà dit tout ceci. Tout ce que vous venez de lire, je

13 vous l'ai déjà dit auparavant.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, allez-y.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je crois que c'est tout à

17 fait incorrect. On essaie de semer la confusion dans l'esprit du témoin. On

18 a parlé de ce groupe de travail chargé d'étudier le partage de la Bosnie,

19 mais ce que l'on donne lecture du texte de Smilja Avramov ne parle pas de

20 partage de la Bosnie. Il est question d'étudier sous toutes leurs facettes,

21 les différentes questions afférentes à une désintégration éventuelle de la

22 Yougoslavie. Il n'est pas question du tout de ce qu'il lit -- et dans cette

23 citation, on dit que les tentatives n'ont pas porté leurs fruits, et la

24 seule chose où les deux parties ont été d'accord c'était le fait qu'il y

25 ait eu 70 ans de vie commune, de vie conjointe. Toutes les autres positions

Page 35387

1 sont restées opposées, éloignées l'une de l'autre. Il n'est pas du tout

2 question de ce qu'il est en train de dire. Cela prouve seulement qu'il y

3 avait des groupes d'intellectuels de part et d'autre qui ont échangé des

4 points de vue pour essayer de trouver des issues.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois avoir

6 compris ce que vous avez dit.

7 Monsieur Nice, le témoin a dit qu'il n'a pas pris part à des réunions où il

8 aurait fait usage de cartes et où il aurait été question de partage de la

9 Bosnie. Le document que vous citez n'a pas parlé de cela.

10 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de ce qui suit

11 : je n'ai pas accepté la version des détails au sujet de cette réunion lors

12 du témoignage de Smilja Avramov, et je ne le fais pas pour ce témoin-ci. Au

13 contraire, la cause défendue par l'Accusation porte sur la version donnée

14 par l'autre interlocuteur, à savoir, M. Bilandzic. S'agissant de ce témoin-

15 ci, il nie la participation à ces réunions, alors que le témoin Smilja

16 Avramov a clairement dit qu'il a été procédé à une étude des frontières et

17 que l'on a étudié des cartes. Il appartiendra à la Chambre de se pencher

18 sur la totalité des pièces à conviction et de déterminer où réside la

19 vérité.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Mais je ne crois pas qu'il

21 faille insister davantage. Veuillez aller de l'avant.

22 M. NICE : [interprétation] Je voudrais maintenant que ce texte, enfin, cet

23 article de journal et l'extrait du livre de Mme Smilja Avramov soient

24 versés au dossier ?

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 35388

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, le livre de Mme Avramov

2 ne fait-il pas déjà partie des pièces à conviction ?

3 M. NICE : [interprétation] [hors micro] Je m'excuse si j'ai fait une

4 omission quelconque, mais mes souvenirs me disent que cela n'a pas été

5 versé au dossier.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, quel est le statut de

8 ce texte de journal, étant donné que le témoin n'a pas confirmé du tout ?

9 Il s'agit là d'une source de deuxième main, d'ouï-dire.

10 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de témoignage par ouï-dire, et s'il y

11 a des doutes au sujet des propos de ce témoin, nous pouvons essayer de

12 vérifier plus loin. Savoir si c'est effectivement la position de l'auteur,

13 est-ce qu'il a effectivement dit ce qui a été repris dans cet article de

14 journal, et nous pourrons le citer à comparaître dans la phase de réplique.

15 Mais nous voudrions que ceci soit versé au dossier et nous pourrons ajouter

16 son nom sur la liste B, pour indiquer qu'il y a possibilité de le citer à

17 comparaître ultérieurement. En tout état de cause, il s'agit d'éléments de

18 preuve prima facie. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une forme tout à

19 fait acceptable, admissible, de témoignage par ouï-dire.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous en sommes arrivés une fois de

22 plus au même problème, à savoir le problème que j'ai, il se peut que je

23 sois seul à avoir ce problème, mais ce qui me préoccupe c'est le temps.

24 Vous dites qu'il s'agit d'une source par ouï-dire, je le conçois et on peut

25 accepter cela, mais on présente ici les éléments de preuve de la Défense,

Page 35389

1 et non pas ceux de l'Accusation, donc il faut qu'il y ait des modalités,

2 moyennant lesquelles le témoin l'accepterait avant que cette pièce à

3 conviction ne se voit attribuer quelque statut que ce soit. Je comprends ce

4 que vous dites au sujet d'une nécessité potentielle, pour ce qui est de

5 contester certains éléments de preuve, ou certains témoignages, on peut en

6 parler ultérieurement, mais il ne s'agit pas d'une question afférente à un

7 élément de preuve et au versement au dossier ?

8 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends votre

9 préoccupation. Le problème se pose de façon analogue lorsque l'Accusation

10 présente ses éléments de preuve, sans savoir dans quelle mesure et dans

11 quel degré cela sera contesté. Il y a eu des témoignages à ce sujet assez

12 étoffés de la part d'Ante Markovic, du président Mesic, ils ont longuement

13 parlé de la teneur des conversations, des entretiens à Karadjordjevo.

14 L'accusé a cité deux de ces témoins, Smilja Avramov et ce témoin-ci,

15 qui ont fait partie de cette équipe, de ce comité ou groupe qui a œuvré à

16 la mise en œuvre de la prise en considération de cet accord dès le départ.

17 La présentation de ces éléments de preuve n'est pas acceptée par

18 l'Accusation, étant donné qu'il s'agit d'éléments de preuve primaires et

19 secondaires, à savoir auxiliaires. Il est question d'un article de journal.

20 Il n'est pas raisonnable, ni nécessaire de citer que des textes de

21 journaux. Il serait inapproprié d'une part, si nous n'attirerions pas votre

22 attention sur ce fait, au sujet de ce que la Défense est en train de

23 présenter. Il se peut que nous soyons amenés à le faire à l'occasion de la

24 présentation de notre réplique. Nous arrivons à un problème pratique dans

25 la prise en considération d'une affaire de cette envergure, parce que si

Page 35390

1 nous présentons tout ceci dans le cadre de la réplique, ce sera encore plus

2 long que la Chambre ne le voudrait.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, mon impression est et

4 ce que je veux dire, c'est que lorsque la Défense a voulu présenter ce type

5 de document lors de la présentation des éléments de preuve de l'Accusation,

6 cela n'a pas été versé au dossier, en raison de l'origine et en raison de

7 la fiabilité de ces éléments de preuve. Vous venez de produire une

8 photocopie de journal au sujet de ce que quelqu'un aurait dit, et ce que je

9 voudrais dire, c'est que j'exprimerais des réserves, pour ce qui est de

10 voir quelqu'un prendre appui sur ce que j'aurais prétendument dit à un

11 journaliste à un moment donné, sans qu'il y ait quoi que ce soit au sujet

12 des circonstances et du contexte dans lequel cela a été recueilli comme

13 propos.

14 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a deux points qui se

15 soulèvent. Lorsque nous avons présenté nos éléments de preuve et dans notre

16 requête récente, nous avons parlé de critères pour ce qui est de

17 l'admissibilité de pièces à conviction. Nous pensons que, de temps à autre,

18 il a été versé au dossier des éléments de preuve de cette nature lorsque

19 l'accusé les a présentés. Il me faudra quelque temps pour me remémorer les

20 exemples concrets, mais à mon avis, il importe que la Chambre soit au

21 courant du fait qu'il y a des éléments de preuve en opposition, qui sont

22 contraires aux éléments de preuve présentés par l'accusé. Bien entendu,

23 nous pouvons placer ce témoin-ci sur la liste B, que nous allons peut-être

24 citer à comparaître ultérieurement, si nous sommes amenés à présenter des

25 éléments de preuve au sens strict de ce terme, ultérieurement. Nous allons

Page 35391

1 procéder à ce type de corroboration, sans pour autant apporter de nouveaux

2 documents en ce sens, entre ce moment-ci et la fin des éléments de preuve

3 de la Défense.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice. Nous allons

5 d'abord entendre M. Kay, et puis l'accusé.

6 M. KAY : [interprétation] Il est une bonne chose que M. Nice dispose de

7 tels documents. Ce qu'il devrait faire, c'est présenter des éléments de

8 preuve acceptés par le témoin, ou des éléments de preuve qu'il a déjà

9 présentés à l'occasion de sa présentation des éléments de preuve, plutôt

10 que de le faire maintenant lors de la présentation des éléments de preuve

11 de la Défense. Parce que l'on sort des documents variés, de sources

12 variées, et il est question ici de la mise à profit de la présentation des

13 éléments de preuve de la Défense, aux fins de faire verser au dossier des

14 documents qui abonderaient dans le sens de la cause défendue par

15 l'Accusation, sans pour autant que ces éléments de preuve n'aient eu

16 l'opportunité de devenir des éléments de preuve à l'occasion de la

17 présentation des éléments de preuve à charge. L'Accusation a disposé de

18 plus de 300 jours pour présenter ces éléments de preuve, et il a été

19 présenté des milliers de pièces à conviction qui sont pertinentes vis-à-vis

20 de l'acte d'accusation.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il dit qu'il s'agit

22 d'éléments de preuve par ouï-dire, ce qui est admissible en application de

23 notre Règlement.

24 M. KAY : [interprétation] Oui, les éléments de preuve par ouï-dire sont

25 admissibles, mais il se doit d'y avoir des éléments de preuve sous une

Page 35392

1 autre forme. Je me suis penché sur cet élément de preuve, il n'est

2 pratiquement pas fait mention de son nom.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais il est fait mention de

4 l'accusé, il est difficile, parce que je n'ai pas pu lire le texte entier

5 de la version anglaise.

6 M. KAY : [interprétation] Je me suis penché sur le texte en B/C/S

7 également, mais comme il s'agit d'une photocopie de petite taille, il n'est

8 pas possible de voir si on fait mention de ces noms. Le témoin désavoue la

9 véracité de ce qui est dit, à vous de vous pencher sur la question. Il

10 s'agit d'opinions contraires. Les éléments de preuve de l'Accusation ont

11 été présentés pendant 300 jours. Nous sommes en phase de présentation des

12 éléments de preuve de la Défense, et on ne saurait admettre des éléments de

13 preuve de la sorte.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il s'agit d'éléments de preuve

15 par ouï-dire, cela est admissible en application de notre Règlement.

16 Maintenant, ce qu'il s'agit de savoir c'est si l'on satisfait à tous les

17 critères d'amissibilité, notamment, celui de l'authenticité.

18 M. KAY : [interprétation] Il ne s'agit pas seulement d'éléments de preuve

19 par ouï-dire, il ne s'agit pas de savoir si quelqu'un d'autre a dit quelque

20 chose à l'occasion de l'affaire. Cet homme-là n'a pas été témoin dans cette

21 affaire, il a dit quelque chose à un journaliste, à une occasion

22 quelconque, cela ne fait pas partie des documents qui pourraient être

23 utilisés comme éléments de preuve. On expose une opinion opposée qui

24 pourrait être favorable à une partie.

25 Si ce type d'éléments de preuve est admissible, il aurait dû être procédé à

Page 35393

1 l'admission des éléments de preuve analogues de la part de la Défense. Or

2 le témoin de la Défense, ici présent, dit qu'il n'est pas d'accord et que

3 cela n'est pas exact. Nous ne savons pas du tout si l'intéressé

4 confirmerait cette interview. A mon avis, il s'agit-là d'un bout de papier

5 et rien que de cela. Il ne s'agit même pas d'éléments de preuves par ouï-

6 dire. C'est là mon avis. Je m'excuse, Monsieur le Juge Kwon, mais j'ai

7 encore quelque chose à dire. Lorsque l'on admet au dossier, lorsque l'on

8 verse au dossier une documentation, c'est autre chose. Mais vous avez la

9 possibilité d'exercer un plein contrôle sur la présentation des éléments de

10 preuve. Dans un cas autre, cela pourrait avoir quelque fondement que ce

11 soit. Mais dans cette phase-ci, cela n'est pas le cas.

12 Monsieur Know, je m'excuse, vous vouliez dire quelque chose.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. La deuxième question est également

14 conforme à la pratique que nous avons utilisée sur l'égalité des armes.

15 M. KAY : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, pendant la présentation des

17 éléments de preuve à charge, n'a-t-il pas été la pratique de la Défense de

18 présenter ce type d'éléments de preuve, étant donné qu'il a pu citer des

19 témoins pendant la présentation de ces éléments de preuve-là.

20 M. KAY : [interprétation] Oui, exactement. A quelques reprises, il a été

21 procédé à des versements au dossier de documents qui ont été d'une

22 importance cardinale. Je n'aurais plus à me souvenir des cas concrets. Mais

23 il a été pris une décision ferme à ce sujet et on a dit à M. Milosevic,

24 "qu'il aura, ultérieurement, la possibilité de présenter ces éléments de

25 preuve."

Page 35394

1 Comme je l'ai dit, ce serait une fort heureuse chose, une fort bonne

2 chose pour M. Nice d'avoir l'opportunité de faire admettre cela au dossier.

3 Mais il peut le faire à l'occasion de la réplique. S'il a l'intention de le

4 faire, il peut citer ce témoin à la barre pour que celui-ci confirme ce

5 qu'il a dit, mais cela n'a rien à voir avec le témoignage du témoin qui est

6 présent ici.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Kay, je crois que vous

8 venez de toucher à un point qui me préoccupe et qui est lié à la nature

9 même du procès que nous avons ici. Il s'agit d'un conflit potentiel entre

10 deux systèmes légaux, deux systèmes juridiques.

11 Vous avez dit que cela pourrait être admissible si nous en étions à

12 un type de procédure de droit romain où il aurait eu un Juge d'instruction,

13 et ainsi de suite. Je suis originaire d'un système de "common law". Il me

14 semble avoir réussi à accepter que dans un système inquisitoire les

15 éléments de preuve soient admis de façon quelque peu plus souple. Etant

16 donné que je garde cela à l'esprit et étant donné que cela influe sur mes

17 positions et sur mes opinions, j'estime que cela est effectivement

18 admissible. Il me semble qu'il faudrait nous réserver la décision à rendre

19 pour plus tard à ce sujet, compte tenu notamment de ce qu'a dit le Juge

20 Kwon.

21 M. KAY : [interprétation] Oui, mais il a des dangers. Le danger est de

22 réfléchir de cette façon. A savoir que tel ou tel élément pourrait tomber

23 sur la coupe d'un autre système. Or, dans un système inquisitoire, il peut

24 arriver d'avoir une espèce de court-circuit qui permettrait de verser cela,

25 par exemple, au dossier, avec une cote pour identification, chose qui

Page 35395

1 ménagerait l'opportunité à l'Accusation de citer ce témoin à la barre à

2 titre ultérieur.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais entendre ce que M.

5 Milosevic a à nous dire à ce sujet.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'estime que cela est

7 aberrant. Parce que, pas même l'homme qui a accordé cette interview n'est

8 venu témoigner de cela. Il a dit cela en passant. Il prend un exemple au

9 hasard pour dire qu'il était bon ami avec Tudjman. Voyez ce qu'il dit là-

10 haut. Bilandzic répond à des accusations qu'à l'occasion de sa dernière

11 interview aux médias que Tudjman a présenté. Il dit Tudjman s'est précipité

12 en le qualifiant de monstre, alors qu'ils ont été amis pendant 50 ans. Pour

13 impressionner l'opinion publique par cette amitié de 50 ans, il dit que :

14 "Il avait même, avec les Serbes, élaboré des cartes sur le partage de la

15 Bosnie." Ce qui n'est pas exact. On peut le voir dans le livre. Ce n'est

16 pas une interview de la presse des pages jaunes; mais c'est le livre de

17 Smilja Avramov qui dit qu'ils se sont penchés de façon générale sur la

18 situation en Yougoslavie. Ici, il ne s'agit pas de partage de la Bosnie.

19 C'est du témoignage par ouï-dire. Maintenant, si M. Nice veut prouver

20 cela au travers du témoignage de M. Bilandzic qui a été ambassadeur à

21 Belgrade à un moment donné, il n'a qu'à le citer. Mais pas le faire ici en

22 présentant cette interview. Il a eu l'occasion de le faire venir. Il a eu

23 beaucoup plus de temps et d'opportunité que je n'en ai eu moi-même.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce dernier élément n'est pas

25 vrai. Vous allez avoir le même temps que l'Accusation et on en a déjà

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1 parlé.

2 Voilà ce que nous allons faire. Nous allons mettre de côté cette pièce à

3 conviction et ce type de document --

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne m'interrompez pas, Monsieur

6 Milosevic. Permettez-moi de terminer. Donc je disais, nous allons mettre de

7 côté ces documents et nous nous réserverons une prise de position à leur

8 sujet, donc au sujet de leur admissibilité, à plus tard.

9 Le document de Mme Avramov sera versé au dossier.

10 M. NICE : [interprétation] Puis-je ajouter une remarque ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 M. NICE : [interprétation] Suite à l'observation de M. le Juge Kwon quant à

13 la pratique de l'Accusation dans cette affaire. M. le Juge Kwon a utilisé

14 certains mots, il a dit que : "Des témoins de la Défense," je me souviens

15 de plusieurs occasions qui justifient cette observation, donc que l'Accusé

16 avait toute possibilité de citer à la barre les témoins qu'il souhaite

17 citer.

18 S'agissant des témoins en réfutation, la situation est un peu

19 différente. Car, dans la réalité, on sait bien que des limites et des

20 contraintes importantes existent en la matière. Lorsqu'un nouveau sujet est

21 évoqué, lorsque c'est un sujet notamment relatif à la réunion de

22 Karadjordjevo, il est tout à fait justifié de déterminer quels sont les

23 documents contraires aux arguments de la Défense, et c'est même peut-être

24 le devoir de l'Accusation de les présenter. Je demanderais de le faire si

25 des circonstances particulières surgissent, qui justifient l'admissibilité

Page 35397

1 de tels documents. C'est tout ce que je voulais ajouter.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je parle en mon nom personnel. Il est

3 possible que nous appliquions une règle un peu plus souple en matière de

4 réfutation, puisque nous sommes originaires de pays de "civil law".

5 M. NICE : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire des conditions plus

6 souples ou des conditions plus laxistes s'agissant des témoins que l'on

7 peut citer à la barre.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera peut-être le cas.

9 M. NICE : [interprétation] Je remercie, bien sûr, Monsieur le Juge pour

10 cette remarque, mais je reconnais que ces problèmes devront être mis à

11 l'ordre du jour à un moment ou à un autre.

12 Puis-je passer à un autre sujet ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie.

14 M. NICE : [interprétation] Nous revenons au document Avramov qui est donc

15 admis.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 817.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] 817.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Est-ce que vous souhaiteriez qu'un

20 numéro d'enregistrement soit donné au document qui a été proposé hier dans

21 le prétoire ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous devrions le faire.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 818.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup, Madame la Greffière.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je vous remercie.

Page 35398

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous souhaitez

2 dire quelque chose, mais pas sur la répartition du temps.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez cité mes propos de

4 façon erronée. Je ne pense pas qu'il est inexact de dire que M. Nice a

5 disposé de 300 jours et que je ne me vois allouer que 150 jours. Ceci est

6 un fait qui est connu de tous. Par conséquent, 300 jours --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas ce genre de

8 commentaires.

9 M. NICE : [interprétation] S'agissant des cotes données au document, est-ce

10 qu'il ne faudrait pas suivre la séquence chronologique plutôt que --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être faudrait-il une autre

12 forme d'enregistrement.

13 M. NICE : [interprétation] Tous ces documents sont enregistrés aux fins

14 d'identification et devront encore faire l'objet d'une décision de la

15 Chambre en temps utile quant à leur admission ou à leur rejet.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 819.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. Professeur Markovic, je poursuis. Nous étions en train de parler en

20 termes généraux du rôle que vous avez joué dans les événements en question.

21 Je vais devoir revenir sur des événements passés et reparler de la

22 rédaction des constitutions, mais nous savons que vous êtes devenu vice-

23 premier ministre, et que vous l'avez été pendant cinq ou six ans, n'est-ce

24 pas ?

25 R. J'ai été vice-premier ministre, membre du cabinet, pendant six ans et

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1 demi, pendant deux mandats au sein du gouvernement. Je n'ai pas accompli la

2 totalité de mon second mandat.

3 Q. Si l'on considère que vous étiez l'un des trois vice-premiers

4 ministres, ceci vous place au cœur des événements, n'est-ce pas, au cœur de

5 l'administration ?

6 R. Monsieur Nice, j'ai déjà dit à plusieurs reprises qu'il y avait cinq

7 vice-présidents et pas trois. Il y en avait cinq.

8 Q. Si vous étiez l'un des cinq vice-premiers ministres, ceci vous place au

9 cœur même de l'administration à l'époque, n'est-ce

10 pas ?

11 R. Les fonctions de vice-président du gouvernement sont des fonctions qui

12 ne sont pas définies dans la loi sur le gouvernement. Le vice-premier

13 ministre remplace le chef de gouvernement lorsque ce dernier n'est pas en

14 mesure de remplir ses fonctions. C'est la première chose. Deuxièmement, il

15 remplit les fonctions qui lui sont confiées par le chef du gouvernement.

16 Or, le chef du gouvernement m'a chargé de m'occuper du système judiciaire

17 et du système législatif de la République de Serbie.

18 Q. Vous avez conservé vos fonctions en tant que professeur d'université à

19 la faculté de Belgrade ?

20 R. Oui. Je suis resté professeur d'université, mais compte tenu du fait

21 que j'ai passé six ans et demi en tant que vice-premier ministre du

22 gouvernement, de façon bénévole, car je n'avais aucune rémunération pour ce

23 rôle. Puis je n'étais payé qu'en qualité de professeur d'université.

24 Q. Oui, vous avez obtenu votre fonction de vice-premier ministre en raison

25 du fait que vous étiez membre du parti SPS, n'est-ce pas ?

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1 R. Il y avait des vice-premiers ministres qui n'étaient membres du SPS. Je

2 vous citerais, par exemple, Slobodan Radulovic, qui était vice-premier

3 ministre responsable du commerce, et qui était membre de la nouvelle

4 démocratie. Svetozar Krstic était vice-premier ministre chargé de

5 l'économie. Il faisait partie du nouveau Parti démocratique. Cela c'était

6 au cours du premier mandat. Au cours du deuxième mandat, il y en avait

7 encore davantage qui n'était pas membre du SPS.

8 Q. En effet. L'un de ces hommes était Vojislav Seselj, n'est-ce pas ?

9 R. Au cours du deuxième mandat en 1998, il était l'un des cinq vice-

10 premiers ministres en charge de l'économie, si je ne m'abuse.

11 Q. Il a eu la bonne fortune d'être nommé professeur à part entière dans

12 votre université, n'est-ce pas ?

13 R. Il a été choisi en tant que professeur à part entière suite à un

14 rapport rédigé par une commission de trois membres, et ce, en conformité

15 avec une décision rendue selon la loi au sujet de sa nomination.

16 Q. J'aimerais que nous lisions maintenant un article de presse qui parle

17 de vous, qui est paru sur l'Internet. Il est question de la façon dont vous

18 avez traité le problème de la nomination au titre de professeur de Vojislav

19 Seselj.

20 M. NICE : [interprétation] Ce document qui est en ce moment distribué dans

21 le prétoire est une photocopie d'un article de l'hebdomadaire Vreme en date

22 du 15 avril 2000. Je demanderais à Monsieur l'Huissier de placer la version

23 anglaise de ce document sur le rétroprojecteur.

24 Q. Professeur, sur la première page en B/C/S, sous le titre bibliographie

25 spécifique, dix lignes plus bas nous voyons le début d'une phrase.

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1 Cet article parut dans ce journal pose la question de savoir si le vice-

2 premier ministre qui siège au comité, et là il s'agit de vous, ce comité

3 étant chargé d'écrire un rapport au sujet des candidats, donc s'il a aidé

4 au choix de Vojislav Seselj en tant que professeur, à son élection. Ce sont

5 les mots venant de vous, qui sont cités ici. Je cite : "…ses travaux sont

6 d'une profondeur variables, mais ses connaissances dans le domaine de la

7 théorie politique, de la philosophie et de l'histoire ne peuvent être

8 disputés, pas plus que le fait qu'il possède des renseignements, qu'il a un

9 style polémique et une expression littéraire très aiguisée, qu'il a des

10 connaissances générales, et qu'il est féru des sujets dont il traite dans

11 ses écrits … Le Dr Vojislav Seselj maîtrise pleinement les événements

12 publics, ce qui a été démontré au cours d'innombrables allocutions lors de

13 réunions publiques ou de débats publics à la télévision, à la radio, lors

14 de conférences publiques, lors de réunions dans le cadre de campagnes

15 électorales … La clarté extrême des mots qu'il prononce en public, la

16 logique dont il fait preuve dans les conclusions tirées par lui, son très

17 riche vocabulaire et son intonation presque parfaite lors de ses

18 allocutions garantissent que le Dr Vojislav Seselj sera toujours un

19 conférencier du plus haut intérêt pour les étudiants qui l'écouteront avec

20 beaucoup de plaisir … Le nombre de ses publications et leur contenu

21 passionnant sur le plan des connaissances d'expert et sur le plan

22 technique, ses talents rhétoriques et sa façon convaincante de s'adresser à

23 autrui, sont des raison plus que suffisantes (dans le cadre des lois qui

24 régissent les décisions universitaires) pour proposer le Dr Vojislav Seselj

25 à ce poste qui fait partie des fonctions les plus hautes au sein du système

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1 d'enseignement et du système scientifique, à savoir, le poste de professeur

2 à part entière."

3 Alors ces mots ont été prononcés par la commission dont vous faisiez

4 parties, n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Nous pouvons supposer, par conséquent, que vous êtes toujours d'accord

7 avec ces propos ?

8 R. Absolument. Avec chaque mot qui figure ici. Je pourrais les prononcer à

9 nouveau aujourd'hui.

10 Q. En tant que vice-premier ministre, en tant que l'un des cinq vice-

11 premiers ministres du gouvernement de l'époque, vous-même et Vojislav

12 Seselj, partagez-vous une responsabilité commune dans votre travail ?

13 R. Vous voulez dire au sein du gouvernement ? Au sein du gouvernement, M.

14 Vojislav Seselj était responsable de l'économie, et je vous prie de

15 m'excuser pour avoir à répéter ce que je vais dire aussi souvent, mais

16 j'étais responsable du système judiciaire, législatif. Donc il n'y avait

17 pas de collaboration entre nous.

18 J'aimerais ajouter la chose suivante : lorsque M. Seselj a été nommé au

19 poste de professeur, étant donné qu'il s'exprimait dans une salle trop

20 petite, la porte restait ouverte afin que des étudiants passionnés puissent

21 l'écouter dans le couloir. Je répète encore une fois, que c'était un

22 conférencier du plus haut niveau d'excellence, et un excellent professeur

23 d'université.

24 Q. Au sein du gouvernement, il n'eut pas été convenable pour l'un

25 quelconque des cinq vice-premiers ministres de s'exprimer en public en

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1 affirmant quelque chose qui aurait été contraire à la politique

2 gouvernementale, n'est-ce pas ?

3 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire, vous venez d'un pays qui a

4 système où existe un cabinet opposé à la politique du gouvernement. Si on

5 n'est pas d'accord avec le gouvernement, et qu'on fait partie du

6 gouvernement, on propose sa démission. Comment on est-ce qu'on peut faire

7 partie d'un gouvernement et défendre des positions contraires ? Dans ce

8 cas-là on fait preuve de duplicité. Si on n'est pas d'accord, on

9 démissionne, c'est la base même du système avec existence de cabinet, et

10 c'est ce système qui était en vigueur en Serbie.

11 Q. En 1998, vous vous étiez occupé du Kosovo dans le cadre d'un intérêt

12 personnel depuis plusieurs années, n'est-ce pas ?

13 R. Non, malheureusement jamais. Je dois avouer et je considère ceci comme

14 une honte sur le plan du groupe ethnique auquel j'appartiens, que je suis

15 allé au Kosovo pour la première fois, lorsque je suis devenu membre du

16 gouvernement. C'est le 10 mars 1998 que j'ai reçu ma première mission

17 gouvernementale en rapport avec le Kosovo, au moment où je suis devenu chef

18 d'un groupe de travail dont j'ai déjà parlé, je vous en ai donné la

19 composition, commission -- groupe de travail chargé de discuter avec les

20 Albanais du Kosovo et Metohija. C'était la première fois que j'ai été

21 chargé d'une mission quelconque en rapport avec le Kosovo et Metohija.

22 Q. Il ne fait aucun doute que vous étiez au courant de la politique

23 gouvernementale s'agissant du Kosovo, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne sais pas de quelle politique vous parlez, quelle politique

25 gouvernementale relative au Kosovo, je ne sais pas de quelle politique vous

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1 parlez.

2 Q. De façon très générale, je dis que si vous étiez chargé des

3 négociations au Kosovo, et qu'en 1999 vous avez dirigé la délégation qui

4 s'est rendue à Rambouillet pour discuter du Kosovo, il est permis de penser

5 que vous connaissiez tous les aspects de la politique gouvernementale

6 relative au Kosovo ? Il aurait été difficile que vous ne les connaissiez

7 pas, n'est-ce pas ?

8 R. Vous avez pu constater, si vous avez suivi avec attention mon propos,

9 que j'ai toujours reçu des missions à accomplir lorsqu'il y avait un aspect

10 constitutionnel ou juridique dans la tâche à accomplir. Dans les deux cas

11 que vous venez de citer, j'étais chargé de l'aspect constitutionnel du

12 travail, aussi bien dans les négociations au Kosovo qu'à Rambouillet, mais

13 malheureusement au cours de Rambouillet, il n'y a pas eu place pour la

14 réalité d'un tel travail.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, si j'ai bien compris ce

16 que vous avez dit hier, vous avez admis une proposition émanant d'un

17 document qui vous était attribué, à savoir que dès lors que l'on discutait

18 de question constitutionnelle en dernière analyse, c'était la volonté

19 populaire qui l'emportait. Ce qui suppose au départ que lorsqu'il est

20 question de rédiger ou d'amender une constitution, il faut connaître la

21 politique en vigueur.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument. Je l'ai dit tout à l'heure,

23 j'aurais très bien pu rédiger la constitution de Zanzibar, dès lors que

24 quelqu'un m'aurait donné les paramètres élémentaires à intégrer à cette

25 constitution, car toutes les constitutions se ressemblent finalement.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ne s'en suit-il pas

2 automatiquement que vous auriez dû être au courant de la politique

3 gouvernementale relative au Kosovo ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais oui, c'est ce que je dis d'ailleurs, mais

5 je ne sais de quelle politique parle M. Nice. Comment pourrais-je être

6 vice-premier ministre et siéger au conseil des ministres sans être au

7 courant de la politique du gouvernement. D'ailleurs, il y avait toujours un

8 vice-premier ministre chargé du Kosovo au sein du gouvernement.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice en arrivera là,

10 lorsqu'il aura une question à poser sur ce point particulier, pour

11 l'instant sa question était générale, et à mon avis elle n'exigeait qu'une

12 réponse par oui, ou par non.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Ma dernière question sur ce sujet, Professeur, est la suivante : y a-t-

15 il eu un moment où vous avez appris qu'un membre du gouvernement, qu'il

16 s'agisse d'un vice-premier ministre, du premier ministre, ou de l'accusé

17 qui est ici, M. Milosevic, donc est-il arrivé un moment où vous avez appris

18 qu'un membre quelconque du gouvernement vous aurait caché un aspect de la

19 politique relative au Kosovo ?

20 R. Voyez-vous, je ne saurais apporter une réponse affirmative à votre

21 question. Je pense que la sincérité prévalait dans les rapports entre les

22 membres du gouvernement, car un gouvernement finalement c'est une équipe.

23 Nous avions tous des rapports très collégiaux au sein du gouvernement, et

24 je crois que personne n'a rien caché aux autres.

25 Il n'y a eu aucune réunion secrète, il n'y a eu aucune constitution

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1 de groupes restreints au sein du gouvernement. Toutes les questions

2 importantes étaient discutées en séance plénière en présence de tous les

3 membres du gouvernement, et il y avait coordination particulière entre

4 certains membres du gouvernement, notamment en matière d'économie. Mais il

5 n'y avait pas de secrets, c'est cela que je veux dire, il n'y avait pas de

6 secrets entre les membres du gouvernement.

7 Q. J'aimerais que vous examiniez une vidéo, une séquence vidéo très courte

8 qui va maintenant être diffusée.

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 M. NICE : [interprétation] Il y a un problème de son pour l'instant.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "NARRATEUR : Que va faire Milosevic à présent ?

14 Vojislav SESELJ : Si l'OTAN en arrive à bombarder, si l'Amérique en

15 arrive à nous attaquer, nous les Serbes nous souffrirons beaucoup, mais il

16 n'y aura pas d'Albanais au Kosovo."

17 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : Il s'agissait de propos prononcé par Vojislav Seselj

19 lors d'une réunion publique.

20 M. NICE : [interprétation] La transcription est disponible ici.

21 Q. Vous souvenez-vous de ce discours ?

22 R. Je n'ai pas participé à cette réunion publique. Manifestement, c'est

23 une réunion qui s'est tenue à l'air libre, je n'étais pas présent. Il

24 s'agit sans doute d'une réunion tenue dans le cadre de la campagne

25 électorale, par le Parti radical serbe, et je n'y ai pas participé.

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1 Q. Ici, le vice-premier ministre s'exprime et il dit : "Si l'OTAN nous

2 bombarde, il ne restera pas un seul Albanais au Kosovo."

3 Compte tenu de ce que vous venez de nous dire, au sujet de la

4 responsabilité collective du gouvernement, compte tenu de ce que vous avez

5 révélé des positions de la commission dont vous faisiez partie, quant aux

6 qualités de M. Seselj sur le plan universitaire, et sur d'autre plan,

7 pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelle est la signification à

8 accorder au fait, qu'un membre de votre gouvernement déclare que : "Si

9 l'OTAN procède à des bombardements, il ne restera pas un Albanais au

10 Kosovo" ?

11 R. Ce gouvernement était un gouvernement de coalition. Ce n'était pas un

12 gouvernement homogène sur le plan des partis qui y étaient représentés.

13 Plusieurs partis y étaient représentés. Je n'appartiens pas au parti de M.

14 Seselj. M. Seselj est le chef du Parti radical serbe. Quant à je suis

15 membre du Parti socialiste de Serbie.

16 M. Seselj a prononcé ces mots en sa qualité de chef de parti, de

17 dirigeant de parti. C'était son parti qui avait cette façon de voir les

18 choses. Il ne s'exprimait pas à ce moment-là en sa qualité de vice-premier

19 ministre, mais en sa qualité de chef d'un parti politique. Son travail

20 politique n'a absolument aucun rapport avec ses qualités universitaires.

21 Voyez-vous nous devons nous libérer de toutes références à des critères qui

22 ne sont pas universitaires lorsque nous écrivons ce genre de rapport. Nous

23 examinons les qualités d'un candidat en nous fondant uniquement sur ses

24 publications et la qualité de ces publications.

25 Q. Je me permettrai de vous interrompre ici car je ne crois pas que vous

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1 soyez vraiment en train de répondre à la question que je vous ai posée.

2 J'aimerais vous rappeler quelle était cette question

3 --

4 R. Je suis en train d'y répondre, mais ma réponse ne vous convient pas. Je

5 suis en train de répondre absolument à la question que vous m'avez posée.

6 Cela dit, ma réponse ne vous convient pas.

7 Q. Ma question était la suivante : que voulait-il dire en déclarant : "Si

8 l'OTAN bombarde, il ne restera pas un Albanais au Kosovo" ?

9 R. Je ne suis pas l'alter ego de M. Seselj. Il est probable que ce soit à

10 lui qu'il conviendrait de poser cette question. Je ne sais pas ce qu'il

11 avait en tête lorsqu'il a prononcé ces mots.

12 Q. Fort bien. Vous rappelez-vous ce que vous nous avez dit au sujet du

13 devoir de démissionner, vous rappelez-vous ce que vous nous avez dit au

14 sujet de la sincérité et de la franchise qui caractérisaient les rapports

15 entre les membre du gouvernement. Je crois d'ailleurs que "franchise" est

16 un mot venant de moi.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour être juste, le témoin a

18 également déclaré que le gouvernement était un gouvernement de coalition,

19 qu'il n'était pas homogène et que M. Seselj ne s'exprimait pas en tant que

20 vice-premier ministre, mais en tant que dirigeant de son Parti radical.

21 M. NICE : [interprétation] Oui, mais la question que je veux poser au

22 témoin est la question suivante :

23 Q. Professeur, à votre connaissance, Seselj a-t-il été jamais critiqué,

24 sanctionné, ou prié de démissionner en raison du fait qu'il avait proféré

25 très manifestement une menace à l'égard des Albanais du Kosovo en cas de

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1 bombardement de l'OTAN ?

2 R. C'est une question qu'il conviendrait de poser aux députés du

3 gouvernement, car ils sont les seuls à pouvoir soulever la question de la

4 responsabilité du gouvernement. Je réponds en disant que le parlement qui

5 est habilité à le faire selon la constitution n'a pas proposé une motion de

6 censure contre le gouvernement. Seul le parlement et les députés ont cette

7 capacité et la chose n'a pas été faite.

8 Q. Avant d'en arriver à des détails techniques qui font partie de vos

9 préférences, souvenez-vous des réponses que vous avez fournies aux

10 questions que je vous posais au sujet du fait que vous étiez au cœur même

11 du gouvernement. Souvenez-vous également des réponses que vous avez faites

12 quand je vous ai interrogé sur la sincérité du gouvernement. Ce que

13 j'aimerais savoir et si vous pouvez aider les Juges de la Chambre sur ce

14 point c'est la chose suivante : cet accusé présent ici, ou tout autre

15 membre important du gouvernement a-t-il exprimé un désaccord avec les

16 propos prononcés par Seselj ?

17 R. Monsieur Nice, comment est-ce que je pourrais le savoir ? C'est une

18 question tout à fait personnelle. Vous devriez poser la question à chaque

19 personne directement. Comment est-ce que je pourrais savoir ce qu'une

20 tierce personne pense au sujet de quelque chose de particulier. Vous

21 m'attribuez des qualités surnaturelles que je ne possède pas.

22 Q. Je crois comprendre, dites-moi si je me trompe, que vous n'êtes au

23 courant d'aucune action qui aurait été entreprise contre Seselj en raison

24 des propos qu'il a prononcés.

25 R. Une telle action n'aurait pu consister qu'en un vote de motion de

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1 censure contre le gouvernement, et cette action n'a pas eu lieu. Le chef du

2 gouvernement n'est pas un instituteur qui peut mettre au coin un membre du

3 gouvernement. La seule chose qu'il peut faire c'est de demander un

4 éclaircissement à ce membre du gouvernement, mais c'est le parlement qui

5 élit les membres du gouvernement et qui les démet de leurs fonctions. Donc

6 une telle action n'aurait pu venir que du parlement.

7 M. NICE : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de

8 l'article de Vreme qui a été reconnu par le témoin ainsi que la

9 transcription de la séquence vidéo ?

10 M. KAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président ? A cette

11 séquence vidéo est associé un commentaire selon lequel il s'agit d'une

12 déclaration relative à ce que l'accusé faisait. Ce commentaire émane d'un

13 journaliste dont nous ne connaissons pas le nom. Ensuite, nous entendons

14 une déclaration de M. Seselj qui n'a pas été agréé par le témoin, qui a dit

15 ne rien savoir de cette allocution, donc nous nous trouvons ici dans une

16 zone particulièrement dangereuse s'agissant de l'adoption des pièces à

17 conviction.

18 Ces éléments que l'Accusation essaie de verser au dossier font l'objet

19 d'une controverse dans ce prétoire. Il y a également la déclaration au

20 sujet de Rambouillet qui est tout aussi controversée et que l'Accusation

21 souhaitait verser au dossier également quant au fait que c'est le

22 "nationalisme qui a amené M. Milosevic au pouvoir, et que c'est ce même

23 nationalisme qui le menace d'être renversé."

24 M. NICE : [interprétation] Ce ne sont pas ces extraits qui m'intéressent,

25 mais simplement l'extrait qui figure au milieu de la transcription.

Page 35411

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons au dossier la

2 citation attribuée à M. Seselj.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] L'article de Vreme sera pièce 820 et la

4 séquence vidéo sera la pièce 821. Quant à la transcription, il s'agira de

5 la pièce 821.1.

6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure qui

7 tourne.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

9 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, j'ai dû avancer beaucoup plus

10 lentement que prévu. La Chambre a encore la possibilité de revenir sur les

11 observations du Pr Kristan il y a quelque temps. On y trouve ce qui n'est

12 pas une critique mais l'expression de regret quant au fait qu'il a subi un

13 traitement différent d'autres témoins. Mais je suis sûr que la Chambre ne

14 sera pas offensée par mon propos.

15 Cet autre document dont nous avons parlé, j'aimerais également que les

16 Juges de la Chambre en tiennent compte. Il s'agit de l'article qui a été

17 remis à l'accusé et au témoin et qui émane de Slobodan Samardzic de

18 l'Institut d'études politique de Belgrade.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, je m'inquiète un peu de

21 ce que vous proposez au sujet de Kristan, pas seulement parce que je tiens

22 beaucoup aux 20 minutes de pause, mais parce que nous n'avons encore rendu

23 aucune décision quant aux possibilités de le rappeler à la barre. Nous

24 étions en train de nous demander si vous pourriez être autorisé à déposer

25 des écritures dans ce sens, mais nous n'avons rendu aucune décision. Nous

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1 en sommes à l'examen des diverses possibilités.

2 Je ne vois aucun problème, je parle en mon nom personnel, bien sûr.

3 Je ne vois aucune difficulté à ce que vous soumettiez à ce témoin des

4 éléments obtenus de la bouche du Pr Kristan, mais je pense que le dire à

5 l'avance, en l'absence d'une décision préalable de la Chambre, peut nous

6 mettre un peu mal à l'aise. Il est possible que dans d'autres circonstances

7 il soit tout à fait admissible de lire un certain nombre de choses à

8 l'avance, mais dans ce cas particulier, je suis un peu mal à l'aise. Il

9 peut s'avérer que votre proposition était exacte, mais je ne voudrais pas

10 tomber dans un piège par excès de hâte.

11 On ne peut vous reprocher d'avoir consacré le temps que vous avez consacré

12 ce matin à ce que vous avez fait. Je pense personnellement qu'il est

13 important de tirer au clair tous les éléments de cette déposition, mais ce

14 qui m'inquiète c'est d'exprimer comme étant une certitude quelque chose qui

15 était dit au sujet de la constitution, qui en fait n'est pas une certitude,

16 mais demeure uniquement au stade de la probabilité ou de la possibilité. Je

17 n'aimerais pas vous entendre protester aujourd'hui en disant que vous avez

18 raté des éléments importants de la déposition parce que vous n'avez pas eu

19 suffisamment de temps à votre disposition.

20 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, je tiendrais compte de cela.

21 Si j'ai bien compris votre inquiétude, je dirais que pour ma part je pense

22 que ce serait un avantage de lire les deux articles --

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je n'ai aucun problème avec l'article,

24 mais j'ai quelque problème au sujet du commentaire de Kristan.

25 M. NICE : [interprétation] Ceci me permettrait de présenter des

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1 propositions plus détaillées, de façon plus efficaces, et d'aller un peu

2 plus vite si ce commentaire était lu à l'avance dans le cadre du contre-

3 interrogatoire. Mais on peut, par exemple, supprimer le nom de Kristan dans

4 ce document et se limiter à une vingtaine de questions adressées au témoin

5 qui pourraient être examinées à l'avance, et si elles sont considérées

6 acceptables, obtenir une réponse. Mais je n'insiste pas. Je vous montre

7 simplement les avantages pratiques de la chose.

8 M. KAY : [interprétation] Le commentaire Kristan, si vous me le permettez,

9 est un commentaire au sujet de la déposition de ce témoin. Il est tout à

10 fait inhabituel de procéder de cette façon. On pourrait imaginer une lettre

11 envoyée aux Juges disant, "Voilà ce que je pense de la déposition de ce

12 témoin." Dans ce cas, le processus n'aurait pas de fin. C'est une façon

13 tout à fait nouvelle et tout à fait dangereuse de procéder.

14 Quant à Samardzic --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Tout à fait, Maître Kay, parce qu'il

16 pourrait être rappelé à la barre pour témoigner au sujet des faits et non

17 plus en qualité d'expert, mais nous n'avons pas encore rendu de décision à

18 ce sujet.

19 M. KAY : [interprétation] L'article Samardzic est un texte très détaillé.

20 Il n'est pas encore une pièce à conviction dans la présente affaire on vous

21 demande de le lire, parce qu'il pourrait être soumis au témoin dans le

22 cadre du contre-interrogatoire. C'est un texte dont l'auteur est une tierce

23 personne. Ce n'est pas la personne à laquelle vous le soumettez --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

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1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous n'admettons pas

3 l'invitation qui nous est faite à lire des documents à l'avance dans ces

4 conditions. Les commentaires du Pr Kristan au sujet de la déposition du Pr

5 Markovic ne seront pas entendus par nous. Ceci est sûr. Je suis tout à fait

6 d'accord avec les remarques de Me Kay, quant au danger que représente une

7 telle façon de procéder. Vous pouvez en revanche traiter du document

8 Samardzic à la reprise des débats.

9 Suspension de 20 minutes.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à recevoir le texte Samardzic en

13 serbe ? Je l'ai déjà demandé, car le Pr Markovic a reçu ce document en

14 serbe et en anglais, n'est-ce pas ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai reçu en anglais, pas en serbe.

16 M. NICE : [interprétation] C'est un document qui est paru en anglais.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le règlement s'applique, Monsieur

18 Nice, bien entendu. Il vous faudra placer le document sur le

19 rétroprojecteur et n'en citer que des extraits très brefs.

20 Suspension de 20 minutes.

21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

22 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Professeur Markovic, afin que la Chambre puisse se souvenir de vos

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1 diverses fonctions au fil du temps, en plus d'être membre ordinaire, comme

2 vous le dites, du SPS après votre démission du comité central, vous étiez

3 en fait également membre de l'assemblée de la RFY ? Vous avez été membre de

4 cette assemblée pendant un certain temps, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est exactement ce que j'ai dit. J'étais membre du parlement

6 fédéral de la chambre basse.

7 Q. A partir du début des années 1990, quand vous étiez membre fondateur du

8 SPS, et pendant un certain temps membre du comité central, vous étiez

9 membre du SPS et vous avez été soit membre du SPS, soit membre de

10 l'assemblée de la RFY, soit vice-premier ministre, ceci jusqu'à l'an 2000 ?

11 R. Ce n'est pas exact. S'agissant de mes fonctions politiques au sein du

12 parti, je les ai perdues, ou je ne les ai plus eues à partir de la fin

13 1990. En 1992, j'ai été élu député fédéral sur la liste du SPS, mais je

14 n'occupais aucune fonction au sein du parti. C'est en 1994 que je suis

15 devenu vice-premier ministre, et j'ai cessé d'être député fédéral en 1996.

16 Q. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre quelque chose au sujet du

17 Kosovo : Professeur Markovic, cette Chambre a entendu des témoins lui

18 expliquer que quelques 1,45 millions de personnes ont été déplacées, 860

19 000 ont été contraintes de quitter le Kosovo, et quelques 10 000 Albanais

20 du Kosovo ont été tués. Ces éléments de preuve, qu'il appartiendra à la

21 Chambre d'apprécier, montrent qu'il existait un système selon lequel

22 fonctionnaient les forces spéciales et la VJ avec confiscation systématique

23 des papiers d'identité des personnes expulsées.

24 Pouvez-vous nous dire, vu votre position au sein du gouvernement, quelle

25 est la politique qui entraînait ces événements ?

Page 35416

1 R. Monsieur Nice, je dois vous corriger une fois encore, parce que je ne

2 peux répondre à des questions qui sont des questions fausses ou erronées.

3 D'abord, d'après vos calculs, le Kosovo avait une population de 2,3

4 millions d'habitants. Très forte exagération, puisque la population

5 véritable était à peu près la moitié de ce chiffre. Première chose.

6 Deuxième, s'agissant de la politique du gouvernement, le gouvernement

7 a toujours essayé de trouver une solution politique à la situation au

8 Kosovo et Metohija. L'idée c'était de ne pas déboucher sur une guerre mais

9 de trouver une solution politique. C'est la raison pour laquelle justement

10 le 10 mars 1998, une délégation s'est rendue sur place afin de trouver un

11 accord politique et d'éviter que le sang ne soit versé.

12 Q. Il est peut-être possible que je ne me sois pas exprimé clairement, et

13 je vous prie de m'excuse si c'est le cas. Ce qui m'intéresse ce sont les

14 souffrances endurées en 1999, après l'échec de Rambouillet. Vous êtes resté

15 au poste de vice-premier ministre dans un gouvernement où la transparence

16 régnait, comme vous nous l'avez dit, si bien que vous deviez savoir ce qui

17 se passait.

18 Parlons de ces 10 000 Albanais tués. Quelle est la politique de votre

19 gouvernement qui a entraîné cet événement ?

20 R. Cette question n'a rien à voir avec la politique du gouvernement. Bien

21 entendu que le gouvernement n'a pas poursuivi une stratégie ou une

22 politique qui consistait à tuer les gens.

23 Q. Abordons les choses sous un autre angle. Les forces qui en dernière

24 analyse étaient sous le contrôle de cet accusé, l'armée, d'autres forces,

25 ont systématiquement confisqué leurs papiers d'identité à des Albanais du

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1 Kosovo, dont le HCR des Nations Unies nous dit qu'ils étaient quelques 860

2 000 contraints de quitter leur pays. Quelle est la politique, la stratégie

3 du gouvernement qui a été à l'origine de cet événement ? Est-ce que c'était

4 une stratégie qui consistait à expulser tous les Albanais, ou à entraîner

5 un bouleversement dans la composition ethnique du Kosovo ? Veuillez nous

6 répondre.

7 R. Je dois vous dire une fois encore qu'au sein du gouvernement j'étais en

8 charge du système judiciaire et de la législation. Lors de ces réunions, le

9 gouvernement, et cela c'est ce que vous attribuez à ce gouvernement, mais

10 le gouvernement n'a jamais poursuivi ce type de stratégie. Sa politique

11 était complètement inverse. Je vous ai expliqué que dans le cadre de cette

12 politique, je me suis rendu 15 fois au Kosovo, mais il était manifeste que

13 l'on ne souhaitait pas là-bas trouver cette solution politique que nous

14 nous proposions.

15 Q. Vous souvenez-vous que je vous ai demandé précédemment si, à votre

16 avis, on vous avait caché quoi que ce soit au sujet de la politique

17 relative au Kosovo, ou de manière plus générale, et vous avez dit que vous

18 n'aviez, à votre connaissance, rien ne vous avait été caché. Est-ce que

19 vous vous souvenez de cela ?

20 R. Ecoutez, si quelque chose avait été dissimulé, j'aurais forcément fini

21 par le savoir, mais je n'ai pas connaissance que ce soit le cas.

22 Q. Vous aviez des contacts avec Sainovic, n'est-ce pas ? Avec l'accusé.

23 Dans les premiers temps on vous a chargé de traiter de tout ce qui avait

24 trait à Rambouillet. Tout de suite après l'échec des pourparlers de Paris

25 et le début des bombardements de l'OTAN, les Albanais du Kosovo ont

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1 commencé à mourir et on a commencé à l'expulser en très grand nombre.

2 Pouvez-vous nous expliquer tout cela ? Avez-vous la moindre explication ?

3 R. D'abord, je n'aurais pas pu coopérer avec le premier ministre Nikola

4 Sainovic parce que nous étions en charge de services complètements

5 différents. Lui, c'est un ingénieur. Il était chargé de l'économie. Je suis

6 juriste, et dans le gouvernement de la République, j'étais en charge de la

7 législation. Nous étions tout deux présents à Rambouillet dans la

8 délégation, mais, comme vous l'avez vu, cette délégation comptait en tout

9 12 personnes, ainsi que le chef de la délégation. Lui, il était membre de

10 la délégation. Voilà tout.

11 Q. Mes deux dernières questions à ce sujet, l'autre vice-président a dit

12 très clairement que s'il y avait bombardement, les Albanais souffriraient.

13 C'était la politique de votre gouvernement et elle a été mise en œuvre,

14 n'est-ce pas ?

15 R. C'est ce que vous dites vous, Monsieur Nice. Moi, il y a encore

16 quelques instants, je vous ai dit que ce n'était pas le cas. M. Seselj,

17 c'est vrai, l'a déclaré en tant que dirigeant du Parti radical serbe. Vous

18 l'avez vu s'exprimer lors d'un meeting et non pas d'une réunion

19 gouvernementale.

20 Vous auriez raison si vous nous l'aviez montré en train de prononcer

21 ces paroles lors d'une réunion du gouvernement.

22 Quand les dirigeants politiques s'expriment dans la rue, ils disent

23 beaucoup de choses pour convaincre les électeurs, parce qu'ils pensent

24 toujours aux élections.

25 Q. Mais vous savez parfaitement, Professeur Markovic, que les hommes

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1 politiques qui sont au pouvoir ne peuvent pas faire la différence entre les

2 différents propos qu'ils tiennent suivant les forums où ils les tiennent.

3 Ce que vous dites est complètement aberrant. Une fois qu'on est en

4 politique, on est responsable de tous les propos que l'on tient.

5 R. Ce que vous dites, cela s'applique à un parti de gouvernement, à un

6 parti homogène qui serait au gouvernement. Un gouvernement cependant ne

7 peut pas sanctionner, ne peut pas faire la discipline parmi tous les partis

8 politiques. Chaque parti a sa propre autonomie, parce que ce qui

9 l'inquiète, ce qui le préoccupe ce parti, ce sont les élections.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Professeur Markovic, dans

11 une question précédente de M. Nice, il a dit, je

12 cite : "Tout de suite après l'échec des pourparlers de Paris et le début

13 des bombardements par l'OTAN, les Albanais du Kosovo ont commencé à mourir

14 et à être expulsé en très grand nombre. Pouvez-vous nous donner une

15 explication, quelle qu'elle soit ?" Il me semble que vous n'avez pas

16 répondu à cette question, Monsieur le Témoin. Pourriez-vous répondre ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, je ne peux pas répondre, parce que je

18 ne sais pas. Je ne sais pas. J'ai fait un rapport présenté au parlement, au

19 sujet des négociations de Rambouillet et de Paris et, le lendemain soir,

20 les bombardements ont commencé. Ce qui s'est passé, ensuite, pendant le

21 bombardement, le gouvernement ne s'est pas réuni. Il s'est déplacé, il

22 s'est installé ailleurs, parce que le bâtiment du gouvernement était une

23 cible. Il avait d'ailleurs été touché. La moitié du bâtiment a été

24 complètement détruite.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

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1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. Je rebondis sur la réponse que vous venez de faire à Monsieur le Juge

3 Kwon. Vous êtes donc là un membre du gouvernement, en plein cœur de ce

4 gouvernement, au milieu d'une des crises les plus graves qu'ait eu à

5 connaître la Serbie. Moment où, si on doit en croire les protestations des

6 hommes politiques serbes, une région des plus précieuses, qui tient le plus

7 à cœur aux Serbes subie un exode de la majorité de, vous diriez, de sa

8 population, de la population de la République serbe parce que les Albanais

9 du Kosovo appartiennent à la République serbe. Vous ne pouvez pas, nous

10 dites-vous, fournir d'explications, aujourd'hui, en 2005, sur ce qui s'est

11 passé ? C'est ce que vous êtes en train de nous dire, Professeur Markovic ?

12 R. Bien sûr que j'ai une explication. Les gens s'en vont quand les bombes

13 commencent à tomber. C'est naturel. Les gens essayaient de se mettre à

14 l'abri. Combien de fois le Kosovo a été bombardé ? Combien de personnes ont

15 quitté Belgrade pour aller à l'étranger ? Combien de personnes ont fait en

16 sorte d'envoyer leurs enfants ailleurs, dans des endroits où ils seraient

17 en sécurité, parce qu'on ignorait où pourrait tomber une bombe. Si vous

18 prenez seulement le bâtiment où j'habitais, il y a trois bombes qui sont

19 tombées à proximité. Les vitres éclataient sous les impacts et tombaient

20 des bâtiments du ministère de l'Intérieur dans les environs. Les gens ont

21 pris la fuite parce qu'ils voulaient rester en vie.

22 Q. Professeur, la vérité, vous l'avez révélée dans votre dernière réponse

23 à l'Accusé. Pendant qu'il vous interrogeait, vous avez dit que vous étiez

24 de ces Serbes qui estiment que la dignité des Serbes est plus importe que

25 la vie d'autres personnes. Vous savez pertinemment que c'est la politique

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1 de votre gouvernement qui a entraîné et causé des souffrances extrêmes

2 parmi les Albanais du Kosovo, mais vous le niez, tout simplement.

3 R. D'après ce que vous dites, on dirait que c'est le gouvernement serbe

4 qui a bombardé les Albanais et la population générale, que c'est le

5 gouvernement serbe qui a fait cela. C'est la seule chose que l'on puisse

6 déduire de votre question. Mais qui a procédé au bombardement du pays,

7 voilà. Ce sont eux qui ont entraîné tous ces morts, qui ont entraîné cet

8 exode. Ce sont ceux qui ont bombardé le pays. Le gouvernement, lui, a

9 refusé d'accepter cela, a refusé une occupation honteuse du pays et de

10 céder à un ultimatum.

11 Q. Revenons un peu plus dans le passé, à la fin des questions que je vous

12 posais hier.

13 M. NICE : [interprétation] Je vais essayer de parler de toutes les

14 constitutions, toutes les questions qui ont trait aux constitutions afin

15 que tout soit aussi clair que possible.

16 Je voudrais cependant dire dès le départ qu'en traitant de toutes ces

17 constitutions, de leur évolution, nous ne reconnaissons nullement le fait

18 que la modification de ces constitutions, la façon dont les amendements ont

19 été mis en œuvre affecte la position en droit. Mais c'est quelque chose qui

20 ait été allégué par l'Accusé, par l'intermédiaire de ce témoin, donc nous

21 devons y répondre quant à nous.

22 Q. Est-il exact, Professeur Markovic, que les amendements sur lesquels

23 vous avez travaillé en 1989 avaient un objectif principal qui était de

24 priver les provinces de leur droit de veto ?

25 R. Ce n'était absolument pas l'objectif des amendements. Je vous ai déjà

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1 expliqué que, pour leur vaste majorité, ces amendements traitaient de

2 l'économie et d'une conception complètement différente de la constitution

3 et des systèmes de délégués. Si vous regardez les 41 amendements, il n'y en

4 a qu'un seul, l'amendement 47, qui a trait au pouvoir constitutionnel de la

5 République de Serbie et prive les provinces du droit de veto quand il

6 s'agit de modifier la constitution.

7 Q. Je dispose ici d'une citation que vous avez faite, que l'on a trouvé

8 sur un site Web. Des propos tenus en mars de l'an 2000, quand vous avez

9 expliqué que les provinces ne se sont pas vues privées de leur autorité en

10 tant que partie constituante, mais on les a simplement privées de leur

11 droit de veto. Je vais donner lecture de la citation afin que ce soit bien

12 consigné au compte rendu d'audience. Je cite :

13 "Les provinces ne se sont pas vues empêchées d'exercer leur autorité

14 aux termes de la constitution, on les a seulement privées de leur droit de

15 veto."

16 Est-ce votre explication, au moins partielle de ce qui s'est passé en

17 1989 ?

18 R. Je viens de vous donner l'essence de l'amendement numéro 47. J'ai fait

19 cela de manière extrêmement concise parce que M. Robinson m'a demandé de

20 parler de l'amendement numéro 47 aussi rapidement que possible. Donc j'ai

21 expliqué les choses en une phrase. Mais si vous insistez, je peux vous

22 expliciter l'amendement numéro 47.

23 Les provinces autonomes peuvent toujours intervenir dans le cadre de

24 la modification de la constitution de la Serbie. Cependant, si leur opinion

25 au sujet de la modification de la constitution est différente, à ce moment-

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1 là, il y a référendum. Au niveau de la république, les provinces peuvent

2 uniquement demander un référendum. Demander aux citoyens de s'exprimer dans

3 le cadre d'un référendum, si l'opinion des provinces n'est pas prise en

4 compte dans le cadre des changements constitutionnels.

5 Je me suis exprimé d'une manière extrêmement concise pour me

6 conformer à la demande qui avait été faite par le Juge Robinson.

7 Q. Passons à autre chose. Comme vous le savez au début de 1989, les

8 mineurs se sont mis en grève. Vllasi, un homme politique kosovar a été

9 arrêté, et le 27 février l'état d'urgence a été déclaré par la présidence,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Monsieur Nice, je vous ai dit et j'ai dit aux Juges de la Chambre que

12 je n'avais commencé à faire de la politique qu'en 1992. Donc tout cela, je

13 ne le sais que parce que j'ai lu les journaux, mais je n'ai pas

14 d'informations directes à ce sujet. Puis, il ne faut pas oublier que

15 beaucoup de temps s'est écoulé depuis.

16 Q. Vous étiez membre de la commission chargée de ces amendements. Est-ce

17 que vous voulez nous dire que vraiment vous n'étiez pas au courant de la

18 situation, des circonstances qui entouraient l'approbation par le parlement

19 du Kosovo, de ces amendements, au moment où cette assemblée s'est penchée

20 sur ces amendements ?

21 R. Monsieur Nice, la commission constitutionnelle est un organe de travail

22 auxiliaire de l'assemblée. C'est le gouvernement, la présidence alors de la

23 République de Serbie et le parlement qui déterminent la politique et la

24 stratégie du gouvernement. La commission chargée de la constitution est

25 l'un des organes auxiliaires. Dans ce système, vous lui donnez actuellement

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1 une importance qu'elle n'a jamais eue.

2 Q. Je vous ai interrogé au sujet de l'état d'urgence, je note que dans les

3 pièces qui ont été présentées au début de votre déposition, sans pour

4 autant avoir été produites, on trouve la confirmation par l'assemblée de la

5 RFSY de l'état d'urgence. Ceci se trouve à intercalaire numéro 38. Je ne

6 suis pas sûr, je ne sais pas si cela avait été vraiment versé au dossier,

7 on est en train de procéder à une distribution.

8 Ce qu'on voit ici, c'est que l'assemblée soutient ou appuie les

9 mesures prises par la présidence. Vous pouvez voir le texte à l'écran, sous

10 le titre de "Conclusions". Je cite : "L'assemblée soutient les mesures

11 spéciales mises en œuvre par la présidence, ces mesures ont été mises en

12 œuvre afin de préserver et de protéger l'intégrité territoriale ainsi que

13 l'ordre constitutionnel de la RFSY, afin de garantir l'ordre public, la

14 paix, la liberté de travail et l'intégrité de tous les citoyens, ainsi que

15 pour normaliser la situation générale au Kosovo."

16 On voit que des pouvoirs exceptionnels ont été acceptés, et au moment

17 où l'on se penchait sur les amendements dont nous avons parlé, le 10

18 janvier, ou plutôt non pardon le 10 mars, donc on a traité de ces

19 amendements en Vojvodine le 10 mars et au Kosovo le 23 mars.

20 En tant que membre de cette commission, ceci devait vous intéresser

21 naturellement et vous avez forcément dû suivre l'évolution de la situation,

22 voir si les amendements allaient être adoptés ou non au Kosovo, non ?

23 R. Les amendements, ils ont été adoptés par le parlement du Kosovo avec la

24 majorité requise, une majorité des deux tiers.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Milosevic.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit ici d'un document, le document que

2 l'on trouve à l'intercalaire numéro 38, ce sont les conclusions de

3 l'assemblée de Yougoslavie. Si je ne me trompe, ce document a été versé au

4 dossier au cours de l'interrogatoire principal du témoin, et le Pr Markovic

5 a même répondu à certaines questions au sujet des conclusions rendues ainsi

6 par l'assemblée de la Yougoslavie. L'évaluation des modifications en Serbie

7 a été une évaluation extrêmement favorable.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

9 Milosevic, d'être aussi attentif et au fait de la situation.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Avant de passer aux amendements eux-mêmes, Professeur Markovic, étiez-

12 vous au courant de la présence de force menaçante au Kosovo, sous la forme

13 de chars, d'hélicoptères qui se trouvaient là aux termes des pouvoirs

14 spéciaux qui avaient été conférés avec la déclaration de l'état d'urgence ?

15 Répondez par oui ou par non.

16 R. Non, je l'ignorais complètement.

17 Q. Bien. L'accord du Kosovo s'est reflété dans une phase finale le 28 mars

18 à Belgrade. J'aimerais maintenant que l'on place sur le rétroprojecteur les

19 autres pages du document qui est marqué à des fins d'identification, qui

20 est la pièce 818, et j'aimerais qu'on y place la page 55. Nous allons nous

21 pencher là sur trois amendements, l'un des trois a été mentionné déjà par

22 vos soins.

23 M. NICE : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on place cette page

24 55 en anglais sur le rétroprojecteur, et que la page 54, si le témoin le

25 souhaite, lui sera remise en langue serbe.

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1 Q. Si l'on se penche sur cet amendement numéro 27, on verra qu'il y est

2 dit ce qui suit : "Dans la République socialiste de Serbie, la langue

3 officielle utilisée est la langue serbo-croate ainsi que ses deux alphabets

4 : l'alphabet cyrillique et l'alphabet latin.

5 "Au sein de la République de Serbie, s'agissant des régions où il y a

6 des minorités nationales, il est utilisé sur pied d'égalité la langue

7 serbo-croate et ses alphabets, ainsi que la langue où les langues de ces

8 minorités nationales, ainsi que leurs alphabets."

9 Le paragraphe d'après dit :

10 "Qu'il y a usage des alphabets cyrilliques et latins, et que la

11 constitution de la province, conformément à la présente constitution,

12 précise les langues des minorités nationales qui seront utilisées sur pied

13 d'égalité et à titre officiel sur le territoire de la province autonome."

14 Cet l'un des amendements qui a modifié l'article précédent, concernant la

15 langue utilisée, est-ce bien exact ?

16 R. C'est bien ce que j'ai dit. La Cour constitutionnelle de Yougoslavie a

17 constaté que dans le paragraphe 3 du présent amendement, à savoir que son

18 alinéa 3 était contraire à l'énoncé de la constitution fédérale. Il y a

19 trois éléments contraires, la langue, les ventes des biens et immobiliers,

20 et les élections des délégués pour ce qui est du conseil des municipalités.

21 Q. Oui, mais on voit ce qui a été proposé, on voit ce que l'on avait

22 l'intention d'assurer au Kosovo ?

23 C'est là encore un amendement que nous n'avons pas en anglais --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous n'alliez de l'avant,

25 Monsieur Nice, il y a une partie sur laquelle vous n'avez pas attiré notre

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1 attention, j'entends par là le troisième paragraphe de l'amendement où il

2 est dit : "La loi de la République socialiste de Yougoslavie prescrit

3 l'utilisation de l'alphabet cyrillique dans l'exercice des agences et

4 organisations exerçant des autorités publiques, prévoit l'utilisation de

5 l'alphabet cyrillique à moins que cela ne soit précisé autrement par le

6 statut de la République."

7 Quelle est la signification de ceci, expliquez cela ?

8 M. NICE : [interprétation] Je vais y aller.

9 Q. Pouvez-vous nous expliquer, Professeur, pourquoi y a-t-il eu nécessité

10 de préciser l'usage de l'alphabet cyrillique pour ce qui est de la province

11 de Kosovo ?

12 R. Non, ce n'est pas seulement le Kosovo. Il est dit ici que la loi de la

13 république détermine quand est-ce que l'alphabet cyrillique sera en usage

14 public. C'est une loi qui doit le préciser et non pas l'amendement.

15 Q. Mais est-ce que cela --

16 R. La Cour constitutionnelle a constaté que cette disposition était non

17 conforme à la constitution fédérale, et j'ai là ici la position prise par

18 la Cour constitutionnelle.

19 Q. Oui, nous le savons cela. Ce dont nous sommes en train de parler c'est

20 ce que vous-même et les autres qui ont rédigé ces amendements aviez pour

21 objectif. J'aimerais que vous nous aidiez à ce sujet-là ? La question

22 s'énonce comme suit : pourquoi a-t-on jugé approprié de prévoir

23 l'utilisation obligatoire de l'alphabet cyrillique sur le territoire, y

24 compris celui du Kosovo ?

25 Professeur Markovic, s'il vous plaît, je sais que vous devez consulter le

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1 texte, mais dites-le aux Juges. Comment l'obligation de se servir de

2 l'alphabet cyrillique peut aider dans les circonstances le Kosovo où il y

3 avait plus de 95 % d'Albanais ? Quelle était la finalité ?

4 R. Je m'excuse de devoir lire parce que je ne fais pas confiance à

5 l'énonciation que vous faites de certains passages comme vous avez déjà, de

6 façon erronée, cité des passages de la constitution. Je me dois de vérifier

7 ce qui est dit ici.

8 Je vais vous dire pourquoi l'alphabet cyrillique ? L'alphabet

9 cyrillique est plus répandu, quoi que l'alphabet latin était enseigné sur

10 pied d'égalité avec l'alphabet cyrillique. Je ne sais pas comment moyennant

11 un alphabet il est possible d'exprimer un nationalisme ou alors une

12 discrimination ethnique quelconque. La langue albanaise ne saurait être

13 écrite en caractère alphabet. Elle est écrite dans son alphabet à elle. Ici

14 il est question de la langue serbe et de son alphabet à elle.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si je puis me le permettre

16 --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur --

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous nous expliquer ceci.

19 Professeur, pour que les choses soient claires, avant cet amendement-ci,

20 s'agissant de la langue officielle dans les établissements au Kosovo, il

21 n'y avait que l'albanais ? Aussi la finalité de cet amendement a-t-elle été

22 de faire en sorte que les deux langues soient utilisées à titre officiel ?

23 La deuxième phrase du quatrième paragraphe dit : "La province autonome

24 veille à l'égalité en droit des langues et des alphabets des minorités

25 nationales et de la langue serbo-croate et de ses alphabets." Pouvez-vous

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1 nous aider à ce sujet.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Elles étaient utilisées les deux langues sur

3 un pied d'égalité total. Maintenant pour ce qui est des alphabets

4 cyrilliques et de l'alphabet latin, cela se rapporte seulement à la langue

5 serbe. Il n'y a que la langue serbe à avoir deux alphabets; l'alphabet

6 cyrillique et l'alphabet latin. Cela n'a rien à voir avec le fait de

7 réprimer ou de reléguer dans un deuxième plan la langue et l'alphabet de

8 l'albanais. Donc c'est une décision de la Cour constitutionnelle. C'est

9 justement une chose que l'on critique, pour ce qui est de l'usage de

10 l'alphabet latin.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous interromps, et je m'en excuse.

12 Je vous pose une question au sujet d'une situation de faits. Est-ce que la

13 langue serbo-croate a-t-elle été utilisée à titre officiel au Kosovo avant

14 cet amendement ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le serbo-croate et l'albanais ont été

16 utilisés sur un pied d'égalité. Mais ici il ne s'agit pas de la langue, il

17 s'agit de l'alphabet.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi avait-on besoin de ce type

19 d'amendement à l'époque, si tant est que le serbo-croate était en

20 utilisation officielle ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je vous dis bien cela n'avait quelque

22 chose à voir qu'avec l'alphabet et non pas avec la langue, parce que la

23 majorité de la population a plus de facilité avec les caractères

24 cyrilliques, l'alphabet cyrillique, qu'avec l'alphabet latin. Moi-même,

25 quand j'écris, j'écris en cyrillique et nous y sommes habitués. Les jeunes

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1 générations, plus contemporaines, se servent davantage de l'alphabet latin

2 puisque les langues étrangères sont véhiculées par cet alphabet latin, mais

3 c'est une question de faits. Après l'intervention de la Cour

4 constitutionnelle, il est apparu clairement que cette disposition était non

5 conforme aux dispositions de la constitution fédérale.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, la phrase que j'ai

7 mentionnée, et il me semble que la question de M. Nice se rapportait à

8 cette phrase-là et celle qui figure dans le troisième paragraphe. On y dit

9 : dans le fonctionnement des organes et des organisations de l'Etat, il n'y

10 a usage que de l'alphabet cyrillique, à moins que la loi de la république

11 n'en décide autrement dans certains cas. Je crois avoir raison, si j'ai

12 bien compris, mais je voudrais être sûr à 100 %. Je voudrais savoir que si

13 cet élément-là, cette partie-là a été proclamée non conforme à la

14 constitution et si ce passage-là n'avait pas été déclaré non conforme à la

15 constitution, cela aurait permis aux autorités de la république de Serbie

16 d'insister sur l'usage de l'alphabet cyrillique seul dans les activités des

17 organes et organisations de l'Etat sur le territoire de la république et

18 Kosovo compris. M. Nice vous demande pourquoi a-t-on jugé devoir faire cela

19 alors que la majorité de la population au Kosovo était une majorité

20 d'Albanais.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demande de bien me comprendre. Cette

22 disposition ne concernait que les Serbes, cela ne concernait pas les

23 Albanais. Les Albanais utilisaient leur langue et leur alphabet. Pour ce

24 qui est de la langue officielle des Albanais, c'était la langue albanaise.

25 Ceci ne concernait que les Serbes, à savoir, ceux qui se servaient de la

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1 langue serbe en tant que langue officielle pour ce qui est de l'exercice

2 des activités des organes de l'Etat et non pas les Albanais, parce que les

3 Albanais étaient sur un pied d'égalité avec la langue serbe pour ce qui est

4 de l'usage de leur langue.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ce n'est pas ce qui est dit,

6 Professeur. Il est dit clairement ici, dans le fonctionnement des organes

7 et organisations de l'Etat exerçant des compétences publiques en République

8 socialiste de Serbie, il y a usage de l'alphabet cyrillique, or la

9 République socialiste de Serbie inclut le Kosovo.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais dans le paragraphe où l'alinéa suivant,

11 il y a un énoncé qui est particulier, qui fait une distinction, et on dit,

12 la constitution de la province, conformément à la présente constitution,

13 définit que les langues des minorités nationales sont sur un pied d'égalité

14 pour ce qui est de l'usage officiel et public sur les territoires de la

15 province autonome. Donc si vous prenez le texte de la constitution du

16 Kosovo, vous y verrez que l'Albanais est sur un pied d'égalité avec les

17 autres langues. Je vous répète une fois de plus que cet alinéa-ci ne

18 concernait que ceux qui se servaient de la langue serbe, et non pas ceux

19 qui se servaient de la langue albanaise.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais je pense que le Juge Bonomy

21 vous demande où se trouve ce que vous nous dites dans ce texte ? Est-ce que

22 c'est là une question d'interprétation ? Pouvez-vous nous l'expliquer parce

23 que ce que vous nous dites que cela signifie n'est pas explicitement dit

24 dans le texte.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne peut pas figurer dans ce texte. Cela

Page 35432

1 va figurer dans le texte de la constitution du Kosovo. C'est ce qui est dit

2 dans le texte de la constitution du Kosovo, et ceci constitue des

3 amendements à la constitution de la République de Serbie. On dit ici, la

4 constitution de la province détermine les langues des minorités nationales

5 en usage officiel et public sur pied d'égalité. Donc les dispositions sont

6 interprétées de façon systématique. Il faut qu'il y ait une corrélation. On

7 ne peut pas partir d'un fragment et tirer une conclusion sur l'ensemble. Il

8 faut prendre en considération la totalité. Pour ce qui est de la matière de

9 l'usage des langues officielles, la référence à consulter c'est la

10 constitution de la province et non pas cette constitution-ci. C'est donc la

11 conséquence inéluctable de l'organisation de l'Etat qu'est la République de

12 Serbie.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est intéressant de noter également,

14 Professeur, que le paragraphe d'après mentionne les constitutions de la

15 province. Il est question de langues et non pas d'alphabets. Il s'agit ici

16 d'assurer l'usage sur pied d'égalité des langues et non pas des langues et

17 des alphabets. On dit ensuite que la province autonome veille à l'égalité

18 en droit des langues et des alphabets des minorités nationales avec la

19 langue serbo-croate et ses alphabets. Mais il n'est pas question dans ce

20 passage d'institutions officielles et publiques.

21 Je vous ai pris trop de temps, Monsieur Nice.

22 M. NICE : [interprétation] Je vous suis reconnaissant.

23 Q. Nous allons parler de deux autres amendements que j'aimerais que nous

24 étudiions. Je n'ai pas une traduction anglaise. Il s'agit de l'intercalaire

25 17 de la Défense, et je ne pense pas que cela a été traduit. Je voudrais

Page 35433

1 que l'on présente cela sur le rétroprojecteur. Je me réfère notamment à la

2 page 600 de ce texte en caractères cyrilliques. Je précise que cela figure

3 à l'intercalaire 17, et je voudrais que nous nous penchions sur

4 l'amendement 43. Je demanderais à Monsieur l'Huissier de nous faire voir

5 sur le rétroprojecteur la partie droite de la page, amendement 43, sous-

6 paragraphe 3.

7 Pouvez-vous nous confirmer, Professeur, si oui ou non cet amendement fourni

8 au président de la Serbie d'attribuer aux instances de la république la

9 prise en charge de certaines compétences des organes de la province en

10 certaines circonstances ?

11 R. Un petit rectificatif. Il n'y avait pas de président de la république.

12 Cela n'a été introduit que dans le texte de la constitution de 1999. Il est

13 question ici de présidence de la République de Serbie en sa qualité

14 d'instance collégiale.

15 Q. Très bien. Présidence de la Serbie. La présidence de la Serbie pouvait

16 donner aux instances de la république les compétences qui étaient celles

17 des provinces, n'est-ce pas ?

18 R. Absolument, s'agissant de ces fonctions-ci, parce que l'on a été

19 d'avis, et je crois l'avoir expliqué en répondant à vos questions, j'ai

20 expliqué qu'il s'agissait là de fonctions qui étaient des fonctions

21 éminemment propres à un Etat, qui sont donc des fonctions d'intérêt

22 relatifs à la république en sa qualité d'entité. On ne pourrait pas confier

23 ces fonctions-là à des provinces. Il s'agit de fonctions d'Etats.

24 J'aimerais beaucoup entendre quelle est l'unité autonome ailleurs dans le

25 monde qui aura des compétences en cette matière. Ce sont des compétences

Page 35434

1 qui sont liées à l'Etat, et les qualités d'Etat sont des qualités qui sont

2 celles de la République de Serbie.

3 Q. Donc, cet amendement donne davantage de potentiel pour procéder à une

4 centralisation de l'Etat de la Serbie, n'est-ce pas ?

5 R. Je ne suis pas d'accord. Pourquoi centralisation de la Serbie ? On

6 ramène les choses vers une normale. L'Etat doit exercer les fonctions qui

7 sont les siennes. La municipalité ou la province ne saurait exercer des

8 fonctions qui n'appartiennent qu'à l'Etat. Pourquoi cela est-il considéré

9 comme étant une centralisation. Chacun doit faire son travail. On sait quel

10 est le travail d'un Etat, quelle est l'unité directoriale qui est celle de

11 l'Etat, et quelle est celle d'un autogouvernement local.

12 Q. Puis vient un troisième amendement, le 47, dont vous nous avez déjà

13 parlé. Paragraphe 3, qui dit qui élimine le droit de veto de la province du

14 Kosovo pour ce qui est des amendements à la constitution.

15 Lorsque ces amendements ont été promulgués, il n'a pas été clairement

16 déterminé, Professeur, dans quel degré cela sera effectué. Il n'a pas été

17 clairement dit que la Cour constitutionnelle serait révoquée, qu'il n'y

18 aurait dissolution de l'assemblée. Tout ceci n'a pas été dit aux personnes

19 qui ont suivi le débat public à ce sujet.

20 R. Je ne sais pas du tout ce que vous me demandez là.

21 Q. Je vous demande si, à votre connaissance, à l'occasion du débat public

22 au sujet des amendements constitutionnels, il a été, oui ou non, clairement

23 indiqué que ces amendements allaient être mis à profit pour supprimer la

24 Cour constitutionnelle au Kosovo, son assemblée, son Académie des sciences

25 et des arts, l'Institut chargé de l'étude de l'histoire du Kosovo. Donc,

Page 35435

1 avez-vous clairement dit tout ceci ?

2 R. Tout ce que vous venez de dire est absolument inexact. Rien de tout

3 ceci n'a été supprimé moyennant la promulgation de ces amendements. Tout

4 ceci est demeuré; la présidence, le conseil exécutif de la province,

5 l'assemblée, le parlement, la Cour constitutionnelle, et leurs lois

6 propres. D'où tirez-vous l'idée qu'ils ont perdu tout cela ? Ils ont gardé

7 tout cela. Ils n'ont perdu que le droit de veto aux modifications à

8 apporter à la constitution de la république.

9 Q. Ce que j'ai affirmé tout à l'heure, à savoir que vous aviez indiqué que

10 la suppression du veto avait justifié ces amendements, c'était votre

11 position, à savoir que l'élimination du droit de veto justifiait l'adoption

12 de ces amendements ?

13 R. Je ne comprends pas votre question. En quels termes justifier ? Il a eu

14 41 amendements. Cet amendement n'a été que l'un des amendements promulgués.

15 Je ne sais pas ce que vous voulez me faire dire.

16 Q. Nous allons aller de l'avant, et peut-être allons-nous y revenir. Vous

17 souvenez-vous du fait que 28 juin 1989, à l'occasion du 500e anniversaire

18 de la bataille de Kosovo Polje, l'accusé a tenu son célèbre discours ?

19 Etiez-vous présent ? Peut-être ne l'avez-vous pas été puisque vous n'aviez

20 pas été au Kosovo jusque-là. Etiez-vous présent ?

21 R. Non, je n'ai pas été présent à ce rassemblement. Je l'ai dit,

22 malheureusement. Avant que de devenir le vice-président du gouvernement, je

23 ne suis jamais allé au Kosovo.

24 Q. Voyons, à présent, comment ces amendements sont entrés en vigueur.

25 M. NICE : [interprétation] Je vous demande que nous nous penchions sur la

Page 35436

1 pièce 818, marquée pour identification, et j'aimerais qu'on place la page

2 57 sur le rétroprojecteur.

3 Q. Nous y voyons que dès le mois de juillet 1989, quelques mois à peine

4 après l'adoption de ces amendements, il a été fait ce qui suit. Pour vous,

5 je précise, Professeur, que la partie du document dont je parle se trouve

6 en page 56.

7 "Loi sur la restriction au niveau de la vente et achat des biens

8 immobiliers entre personnes physiques, tout comme entre personnes physiques

9 et personnes morales, sur un territoire qui englobe une partie du

10 territoire de la province de Serbie, sans compter le territoire de la

11 province autonome de Vojvodine, et ceci, sur une période de dix ans …"

12 Puis on dit, Article 3 : "La commission créée par le parlement de la RS de

13 Serbie accordera la vente et achat de biens immobiliers cités à l'Article 1

14 de la présente loi, lorsqu'elle jugera que cette vente ou cet achat

15 n'influe pas sur la modification de la structure ethnique de la population,

16 voire sur l'exode de ressortissants d'un certain peuple, voire d'une

17 certaine minorité nationale."

18 Cette loi n'a-t-elle pu être adoptée qu'après l'entrée en vigueur des

19 amendements ? On mentionne ici la Vojvodine, mais nous avions une situation

20 analogue au Kosovo.

21 R. Je n'ai malheureusement pas le texte en langue serbe, et je suis en

22 train de me pencher sur la langue anglaise.

23 Q. Penchez-vous sur la page 56.

24 R. Mais la page 56 de quoi ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, la page en question

Page 35437

1 aurait dû être placée sur le rétroprojecteur.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Je m'excuse si vous n'aviez pas cela sous les yeux. Alors pour le

4 témoin, page 56, pour le rétroprojecteur la page 57.

5 R. Oui, je viens de recevoir le texte dans ma langue. Quelle est la

6 question ?

7 Q. Cette loi qui est promulguée pour la Vojvodine, et qui procède à la

8 restriction des ventes et achats de biens immobiliers, alors je voulais

9 savoir si l'adoption de cette loi aurait pu être possible sans l'adoption

10 des amendements de 1989, ou si cela pouvait être adopté même avant.

11 R. Les présents amendements ont été promulgués en mars 1989. Je ne vois

12 pas du tout quand est-ce qu'on a adopté cette loi, mais en tout état de

13 cause, et dès la première journée de mon témoignage, j'ai dit que la Cour

14 constitutionnelle de la Yougoslavie a constaté que les dispositions de

15 l'amendement à la constitution de la Serbie, limitant ou restreignant la

16 vente et l'achat des biens immobiliers était contraire à la constitution

17 fédérale. La Cour constitutionnelle a donc déjà communiqué au parlement son

18 opinion, en disant que ces dispositions étaient contraires à l'énoncé de la

19 constitution de l'Etat fédéral.

20 Je ne vois pas ici à quelle date cette loi a été promulguée. Je vois

21 qu'il s'agit du journal officiel numéro 30/89. Croyez-moi bien, je ne suis

22 pas un expert en droit réel, je ne connais pas la réglementation afférente

23 au droit réel, il faudrait que je prenne lecture de cette loi pour savoir

24 si la loi précédente, la loi préalable avait réglementé la matière de façon

25 différente à celle-ci.

Page 35438

1 Q. Ce que je veux laisser entendre est tout à fait simple : parmi les

2 objectifs des amendements promulgués en 1989, il y avait une intention

3 d'exercer le contrôle démographique sur le déplacement de la population,

4 cela a été exprimé de façon claire, car l'on a expressément mis en place

5 une restriction extraordinaire sur les ventes de biens immobiliers. Cela

6 n'a rien à voir avec le droit de veto, ni avec la structure

7 constitutionnelle. Il s'agissait d'un contrôle démographique, n'est-ce pas,

8 Professeur ?

9 R. La Cour constitutionnelle a statué en disant que c'était contraire aux

10 dispositions de la constitution fédérale. Ce que vous dites a été dit en

11 termes juridiques clairs par la Cour constitutionnelle et a communiqué au

12 parlement l'obligation de rendre ce document conforme à la législation

13 fédérale. Ce que vous interprétez, vous êtes un être pensant, vous avez le

14 droit de tirer des conclusions qui sont les vôtres, mais ce ne sont que les

15 vôtres.

16 Q. La chose suivante sur un plan chronologique et au sujet de quoi vous

17 pouvez nous être utile est ce qui suit : --

18 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à dire que je

19 n'ai pas de copie. Cela ne ferait que davantage de papier, cela n'est

20 mentionné que dans un commentaire dans une section de la page 51.

21 Q. En mars 1990, après l'adoption de ces amendements, il y a été annoncé

22 un programme appelé programme de réalisation de la paix, de la liberté, de

23 l'égalité, de la démocratie et de la prospérité. Dans le cadre de ce

24 programme-là, il a été procédé à l'adoption de compléments et de

25 modifications à bien d'autres lois; est-ce exact ?

Page 35439

1 R. Croyez-moi bien que je ne le sais. A l'époque, je n'étais que

2 professeur à l'université. Je ne le sais pas. Je n'étais pas député non

3 plus, donc je ne le sais pas.

4 M. NICE : [interprétation] Dans ce même document qui a été enregistré aux

5 d'identifications en tant que document 188, j'aimerais que l'on passe à la

6 page 71 de la version anglaise. Quant au texte qui est sous les yeux du

7 témoin, je prierais le témoin de se rendre à la page 70.

8 Q. Ce que nous voyons ici, c'est un autre texte de loi votée en 1990. Je

9 ne peux pas vous donner plus de précision sur la date. En tout cas, c'est

10 une loi qui traite de l'université. Nous en avons ici un extrait.

11 Paragraphe 2, je cite : "Dans les provinces autonomes socialistes, les

12 manuels seront également suivis dans la langue d'un autre groupe ethnique

13 ou d'une autre nation dès lors que pas moins de 30 étudiants de la même

14 promotion en décident ainsi."

15 J'ai fait une erreur en parlant de 95 % des Albanais du Kosovo, je pense

16 que les chiffres sont en fait de 85 % à 80 % des Albanais du Kosovo à

17 l'époque.

18 Si nous avons ces chiffres à l'esprit cette loi, quelle est la

19 possibilité de suivre des cours en langue albanaise dans les universités du

20 Kosovo, si pas moins de 30 étudiants de la même année, c'est-à-dire de la

21 même promotion, en décidaient ainsi, si j'ai bien compris ?

22 Que dites-vous de cela, Professeur Markovic ? Quel bien cela fait-il

23 aux Albanais du Kosovo ?

24 R. Je pense que cette disposition a été édictée pour les raisons suivantes

25 : voyez-vous, il faut passer beaucoup de temps et consacrer beaucoup

Page 35440

1 d'efforts et avoir pas mal de talent pour devenir professeur d'université.

2 Donc c'est tout simple, il n'existait pas de cadres en nombre suffisant

3 pour enseigner en langue albanaise. Je sais que pour certaines matières, il

4 n'y avait absolument pas d'enseignants albanais. Car pour être professeur

5 d'université, il faut d'abord avoir obtenu une maîtrise, un doctorat et

6 avoir publié un certain nombre d'articles dans le domaine de

7 spécialisation. Voyez-vous, il n'est pas facile, parce que le Kosovo et

8 Metohija n'est pas un territoire important, sa population n'est pas

9 importante, c'est un espace très restreint. Il est difficile de trouver un

10 nombre suffisant d'enseignants --

11 Q. Je me permets de vous interrompre. Depuis combien de temps existait

12 l'université de Pristina ?

13 R. Là, vous me surprenez dans un domaine où je dois déclarer mon absence

14 de connaissances. Je pense qu'au départ, c'était un département de

15 l'université de Belgrade, mais quand est-ce que cette université est

16 devenue une université à part entière, j'ai honte de devoir l'avouer, mais

17 je ne le sais pas.

18 Q. Je pense que c'était dans les années 1960. Si je puis me permettre de

19 vous le suggérer. Mais veuillez aider les Juges, je vous prie, quelle

20 langue servait à enseigner aux étudiants jusqu'à la promulgation des

21 amendements de 1989 ?

22 R. Je ne sais vraiment pas. Je n'ai jamais enseigné à l'université de

23 Pristina. Je ne me suis jamais rendu dans cette université au titre de

24 professeur en visite. Au jour d'aujourd'hui, je peux vous dire que je n'ai

25 jamais fait un seul cours à l'université de Pristina. Je n'ai assisté

Page 35441

1 qu'une seule fois à la présentation d'une thèse de doctorat et celle-ci,

2 c'était en date du 16 janvier 1999. Je me souviens de la date. C'est la

3 seule fois où j'ai eu quelque chose à voir avec l'université de Pristina.

4 Certains de mes collègues s'y sont rendus, s'agissant du sujet de

5 spécialité qui est le mien, à savoir le droit constitutionnel, il y en a

6 qui ont enseigné aussi bien en serbe qu'en albanais.

7 Q. Comment est-ce que vous pouvez répondre dans ce cas que le nombre

8 d'enseignants albanais était insuffisant. Comment pouvez-vous faire cette

9 réponse si vous avez la grande ignorance que vous prétendez avoir à

10 l'instant au sujet de ce qui se passait dans cette université. D'ailleurs,

11 dès que je pourrai tomber sur un ouvrage traitant de l'histoire de

12 l'utilisation de la langue dans l'université de Pristina, je me ferai un

13 devoir de vous le remettre, mais veuillez répondre à cette question,

14 Professeur. Comment pouvez-vous fournir la réponse que vous venez de

15 fournir ?

16 R. J'ai dit que je supposais. J'ai exprimé une supposition. Si vous

17 souhaitez que je vous réponde en ne disant que ce que je sais avec

18 certitude, je serai contraint de me taire après avoir entendu la plupart de

19 vos questions. Je vous ai répondu en disant que ce que je pensais être le

20 motif, mais, si vous souhaitez que je ne vous parle de ce que je sais avec

21 certitude, je vous dirai que je ne le sais pas.

22 Q. Voyons un peu la disposition suivante, page 70 pour vous, page 71 pour

23 nous. Je cite : "La loi qui s'applique à la cessation de travail de

24 l'assemblée de la Province autonome socialiste du Kosovo et du conseil

25 exécutif de l'assemblée de la Province autonome socialiste du Kosovo."

Page 35442

1 C'est le titre. Je cite les dispositions :

2 "Partant du fait que l'assemblée du Kosovo ne fonctionne pas depuis

3 longtemps, qu'elle ne s'est pas conformée à la constitution, et que le

4 travail d'un grand nombre de délégués à l'assemblée de la Province autonome

5 socialiste du Kosovo, ainsi que de la majorité des membres du conseil

6 exécutif de l'assemblée de la province du Kosovo met en danger la

7 souveraineté, l'intégrité territoriale et l'ordre constitutionnel de la

8 Serbie. L'assemblée du Kosovo, le conseil exécutif de cette assemblée cesse

9 de travailler."

10 Puis, à l'Article 2, nous lisons ce qui suit, je cite : "Les droits et

11 devoirs de l'assemblée seront repris par l'assemblée de Serbie et les

12 droits et devoirs du conseil exécutif de l'assemblée seront repris par le

13 conseil exécutif de l'assemblée de Serbie, en application de la

14 constitution de la nouvelle assemblée du Kosovo et du nouveau conseil

15 exécutif de l'assemblée du Kosovo."

16 A l'Article qui figure quelques lignes plus bas, nous lisons que : "Les

17 députés sont relevés de leurs fonctions."

18 Ceci était une façon de recourir au nouveau pouvoir prévu par les

19 amendements afin de promulguer des lois permettant de reprendre en main le

20 Kosovo. C'est tout simple, n'est-ce pas ?

21 R. Non. Ceci est absolument inexact, absolument inexact. Les amendements

22 n'ont pas été destinés à cette fin. Ceci s'est passé au moment où la

23 déclaration constitutionnelle a été adoptée. Déclaration constitutionnelle

24 qui proclamait le Kosovo unité fédérale, ainsi qu'au moment de l'adoption

25 de la constitution de Kacanik. C'est tout à fait similaire à ce qui s'est

Page 35443

1 passé en Grande-Bretagne en 1973, suite aux émeutes qui ont frappé le pays.

2 C'est absolument la même chose. La Grande-Bretagne a suspendu l'autonomie

3 de l'Irlande du Nord à ce moment-là.

4 Q. S'agissant de suspendre ou de remettre en fonction telle ou telle

5 instance, il faut un vote à l'assemblée. Pouvez-vous nous aider sur ce

6 point, je vous prie ? A quel moment ont eu lieu des élections à cette fin,

7 je vous prie ?

8 R. Ceci n'a jamais eu lieu pour une raison toute simple. A savoir qu'un

9 certain nombre d'Albanais du Kosovo ont estimé que, par la constitution de

10 Kacanik, il était désormais décidé que toutes les instances du Kosovo

11 devaient être élues, non plus conformément à la loi de la République de

12 Serbie, mais conformément à la loi du Kosovo. Pour autant que je le sache,

13 toutes les instances prévues dans la constitution de Kacanik ont été mises

14 en place en vertu de cette constitution. Si je me remémore cette période,

15 les Albanais du Kosovo ont estimé qu'ils n'avaient plus rien à faire avec

16 la République de Serbie et que les lois de la Serbie n'étaient plus

17 valables sur leur territoire. Mais ce n'était pas l'avis de tous les

18 Albanais du Kosovo, comme je l'ai dit, c'était l'avis uniquement d'un

19 certain nombre d'entre eux.

20 Par ce biais, M. Rugova est également devenu président du Kosovo. Il ne

21 l'est pas devenu en application de la constitution de la province autonome

22 du Kosovo, mais en application de la constitution de Kacanik.

23 Q. Professeur Markovic, votre gouvernement n'a jamais proposé d'organiser

24 des élections destinées à remettre en place l'assemblée du Kosovo, n'est-ce

25 pas ? Ou à lui redonner ses fonctions ?

Page 35444

1 R. Toutes les élections étaient boycottées par les Albanais du Kosovo qui

2 étaient majoritaires au Kosovo. Par conséquent, les élections n'avaient

3 jamais la moindre chance de succès, s'agissant de mettre en place les

4 instances officielles du Kosovo parce que les Albanais du Kosovo refusaient

5 d'aller voter. Ils étaient majoritaires en nombre.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur Markovic, ce texte de loi,

7 cette loi portant cessation du travail de l'assemblée, était-elle

8 applicable même en l'absence des amendements à la constitution de 1989 ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Elle était applicable, y compris en

10 l'absence des amendements à la constitution de 1989. Mais, en tout état de

11 cause, cette loi a fait l'objet d'un examen par la Cour constitutionnelle

12 de Serbie aux fins d'en apprécier la constitutionnalité. Je vous ai déjà

13 expliqué ce qu'il est advenu de la Cour constitutionnelle yougoslave. Elle

14 a cessé d'exister au moment où a été adopté la constitution de la

15 République fédérale yougoslave, le 27 février, non, excusez-moi, le 27

16 avril 1992. Avant cela --

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que votre réponse me suffit.

18 Monsieur Nice.

19 M. NICE : [interprétation] Merci. Accordez-moi une minute, je vous prie,

20 pour la vérification d'une référence.

21 Q. J'aimerais que nous nous penchions sur un nouveau texte de loi

22 promulguée à peu près au même moment. On le trouve à la page 63 de cette

23 pièce à conviction enregistrée aux fins d'identification. Je veux parler de

24 la pièce 818, page 63 de la version anglaise et 62 de la version serbe.

25 J'aimerais que l'on place ce texte sur le rétroprojecteur. Le haut de

Page 35445

1 la page. Je cite :

2 "Afin de garantir la constitutionnalité et la légalité, les libertés et

3 droits démocratiques, les devoirs et responsabilités des citoyens et leur

4 égalité sur tout le territoire de la République socialiste de Serbie, les

5 institutions de la république, à savoir la Cour suprême de Serbie, le

6 bureau du Procureur général de Serbie, le Procureur public de la

7 république, le Procureur social de la république en matière d'autogestion,

8 la Cour du travail associé de Serbie et la Cour chargée des Affaires

9 suprêmes (institutions de la république) ont le droit et le devoir d'agir

10 conformément aux dispositions de la présente loi lorsque ceci est rendu

11 nécessaire par des raisons liées à la sécurité (circonstances

12 particulières) dans une partie du territoire de la République socialiste de

13 Serbie."

14 Ceci octroie des pouvoirs immenses à toutes ces institutions

15 s'agissant d'agir au Kosovo, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne vois pas comment vous trouvez cela dans la lecture de ce texte.

17 Où est-il question d'action au Kosovo ?

18 Q. Ce texte évoque la possibilité pour institutions ou individus

19 d'intervenir sur tout le territoire de la Serbie, et ceci est rendu

20 possible par les amendements, entre autres, et sans le moindre ambiguïté,

21 le Kosovo fait désormais partie de la Serbie. Des pouvoirs énormes sont

22 conférés par ce texte, n'est-ce pas ?

23 R. Monsieur Nice, le Kosovo a toujours fait partie de la Serbie. Il a

24 toujours été une partie intégrante de la Serbie. Comment pouvez-vous dire

25 que désormais le Kosovo fait partie de la Serbie à partir de 1989 ? Le

Page 35446

1 Kosovo a toujours fait partie de la Serbie, même du temps du royaume

2 yougoslave. C'est seulement en 1945 qu'il a obtenu un statut administratif

3 distinct.

4 Q. Contentez-vous de répondre à mes questions.

5 R. Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne peux pas. Je suis

6 professeur d'universitaire après tout; je ne peux pas me disqualifier en

7 répondant à cette question.

8 Q. Je tiens compte de votre réponse, et peut-être auriez-vous la

9 courtoisie, Professeur Markovic, puisque vous pouvez lire la langue

10 anglaise, peut-être pourriez-vous relire la question qui figure en anglais

11 sur l'écran devant vous. Professeur Markovic, ceci est-il possible ? Parce

12 que je ne fais que relire ce que j'ai déjà lu tout à l'heure.

13 "Il est question dans ce texte de la possibilité pour ces institutions ou

14 ces individus d'intervenir sur tout le territoire de la Serbie, en raison

15 des amendements, entre autres, et sans le moindre ambiguïté, le Kosovo fait

16 désormais partie de la Serbie."

17 Je n'excluais pas le Kosovo de toute l'histoire de la Serbie. Je disais

18 simplement que les amendements récents rendaient la chose absolument

19 dépourvue de toute ambiguïté.

20 Peut-être pourriez-vous répondre à ma question. Est-ce que cette loi

21 conférait des pouvoirs énormes à ces institutions et individus serbes ?

22 R. Ceci est une loi que l'on trouve dans tous les pays et qui réglemente

23 ce que l'on a coutume d'appeler l'état d'urgence, un état extraordinaire.

24 Il ne faut pas lier ces attributions conférées à certaines institutions et

25 à certains individus uniquement au Kosovo. Cette loi pouvait s'appliquer à

Page 35447

1 Leskovac, à Kikinda, à Vranje, dans n'importe quelle partie de la Serbie.

2 Pourquoi est-ce que vous avez cette tendance à tout concentrer sur le

3 Kosovo ? Ceci est un texte de loi qui s'applique dans toutes les localités

4 de la République de Serbie.

5 Q. A-t-elle jamais été appliquée à Leskovac ?

6 R. Pour autant que je le sache, non. Mais l'état d'urgence avait été voté

7 très peu de temps avant dans la République de Serbie, et cette loi ne

8 s'appliquait, à ce moment-là, qu'au Kosovo. Elle ne s'appliquait qu'à des

9 endroits où existaient des circonstances exceptionnelles extraordinaires.

10 Tous les pays du monde disposent d'une loi de ce genre. Ces lois qui sont

11 censées être appliquées uniquement dans des conditions extraordinaires

12 existent partout.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous pourrions faire

14 la pause maintenant, si cela vous convient.

15 M. NICE : [interprétation] Oui. J'aimerais simplement dire à présent que

16 nous allons nous pencher désormais sur des lois assez comparables qui ont

17 été appliquées par la suite. Mon devoir principal consiste à soumettre aux

18 Juges les parties les plus pertinentes, ainsi que les critiques et

19 commentaires dont ont fait l'objet les constitutions de 1990 et 1992. Je

20 dois également me pencher sur les rapports de Rambouillet, mais je ne

21 pourrais pas en terminer ce matin.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais être sûr d'avoir bien

23 compris. Vous ne pouvez pas en terminer ?

24 M. NICE : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Suspension de 20 minutes.

Page 35448

1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

2 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je intervenir ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite informer la Chambre du fait que je

9 suis ici depuis maintenant 15 jours. Il semble probable qu'il va falloir

10 que je reste ici. Or j'ai une opération de prévue à Belgrade. Je n'ai

11 jamais imaginé qu'il serait nécessaire pour moi de rester aussi longtemps

12 dans un pays étranger pour déposer. Enfin, il est impossible pour moi

13 d'être absent de mon pays et des fonctions pour lesquelles je suis payé

14 aussi longtemps. Il y a exactement 15 jours que je suis parti.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une opération

16 médicale qui est prévue dont vous nous parlez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est prévu pour quand ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à cause de La Haye que j'ai repoussé

20 cette opération qui était prévue juste pour mon départ, parce que j'ai des

21 problèmes de santé. Cette opération normalement devait avoir lieu avant mon

22 départ pour La Haye. Or, il semble maintenant que ma déposition ne puisse

23 prendre fin. Elle ne semble pas devoir prendre fin à quelque moment que ce

24 soit.

25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit précédemment que

Page 35449

1 j'espérais en terminer de l'audition du témoin aujourd'hui, mais c'est

2 impossible. Toutes les questions sont importantes, sont détaillées.

3 L'accusé met en évidence ces statuts et il estime que c'est une partie

4 importante de sa thèse. J'estime qu'il est important que la Chambre passe

5 en revue les quatre constitutions, et je ne peux pas raisonnablement en

6 terminer de mon contre-interrogatoire aujourd'hui.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous êtes tout à fait en droit

8 de choisir cette option, mais nous devons, bien entendu, être sensible aux

9 obligations du professeur, en particulier s'agissant de son état de santé.

10 Les Juges vont se consulter.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, il est probable que vous

13 ne soyez contraint de rester ici que jusqu'à lundi matin, à la fin de la

14 première séance de travail, c'est-à-dire, 10 heures 30. C'est l'option qui

15 s'offre à vous, l'autre étant pour vous de revenir à une date ultérieure.

16 Vous ne nous avez pas dit à quelle date était prévue cette opération.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon opération aura lieu dès mon retour de La

18 Haye. J'étais censé passer sur le billard avant de venir ici. Les

19 représentants de la Chambre sont informés de mes problèmes médicaux. Ils en

20 ont été témoin.

21 Si je dois rester ici jusqu'à lundi, est-ce qu'à ce moment-là on

22 pourrait prévoir mon vol pour lundi après-midi ? Pourrais-je prendre le

23 premier vol qui s'en va ensuite ? J'ai tout à fait conscience des frais

24 encourus par la Chambre en raison de mon séjour ici. Je crois que je suis

25 le témoin qui a dû rester le plus longtemps ici à La Haye.

Page 35450

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'en suis pas sûr, mais de toute

2 manière, ceci est dans l'intérêt public international.

3 Je crois que la section des Victimes et des Témoins sera en mesure de faire

4 en sorte que vous puissiez partir avec le premier vol suivant la première

5 séance de travail.

6 M. NICE : [interprétation] Il faut que je sois tout à fait franc. Vu le

7 volume de détails que je souhaite passer en revue avec le témoin, je pense

8 que c'est peut-être un peu optimiste. Je sais qu'il est également possible

9 de prendre des vols pour Belgrade en début ou en fin de l'après-midi parce

10 que je l'ai déjà fait personnellement.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, est-ce qu'un vol en fin

12 d'après-midi vous conviendrait ? Ce serait encore lundi, mais un peu plus

13 tard.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas à quelle heure part le vol pour

15 Belgrade lundi.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous pouvons obtenir cette

17 information avant la fin de l'audience de ce jour. Je vais demander à la

18 Greffière de se procurer ces informations.

19 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, avant de continuer mes

20 questions, on m'a demandé de faire une correction. Cela n'a rien à voir

21 avec ce témoin, mais c'est quelque chose qui apparaît dans nos écritures

22 publiques du 6 janvier, où il est déclaré que le procès est diffusé en

23 direct sur la chaîne RTS Belgrade. En fait, ce n'est pas vrai. C'est le

24 canal B92 qui diffuse le procès. RTS m'a demandé d'apporter une correction

25 à ce qui avait été dit précédemment, et je m'empresse de le faire.

Page 35451

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Professeur Markovic, en juin 1990, on voit la création du SPS. L'accusé

4 prononce une allocution devant l'assemblée serbe le 25 juin, au cours de

5 laquelle il parle des questions de frontières. Etiez-vous présent lors de

6 cette séance de l'assemblée ?

7 R. Non, parce que je n'étais pas député, à l'époque. Il faut encore que

8 j'apporte une correction. Le SPS n'a pas été fondé en juin, mais en

9 juillet; le 16 juillet, pas en juin.

10 Q. Il y a indéniablement eu des réunions préparatoires. Etiez-vous présent

11 lors de ces réunions puisque vous étiez membre du comité central ?

12 R. Je n'ai pu être membre du comité central qu'après la création du SPS,

13 qui a été fondé en juillet, et pas en juin. Votre question a trait à juin.

14 Q. Vous avez connaissance du programme rédigé par Mihailo Markovic qui

15 avait trait à l'existence de régions autonomes pour les Serbes à

16 l'extérieur de la Serbie. Aviez-vous connaissance de ces programmes ? En

17 avez-vous entendu parler ? Vous en a-t-il parlé ?

18 R. Je suis un petit peu sceptique face à l'affirmation selon laquelle une

19 seule et unique personne aurait écrit la totalité du document. C'est de la

20 même manière que vous m'avez attribué la rédaction d'une constitution dans

21 son intégralité. Il s'agissait là d'un travail collectif et qui n'est pas

22 le fruit du travail du seul académicien Markovic.

23 Q. Nous n'avons que ces dires à ce sujet. Vous pouvez répondre aussi

24 longuement que vous le voulez. Je vais poser des questions rapides et

25 brèves. La question est la suivante : avez-vous connaissance des programmes

Page 35452

1 ayant trait à l'existence de régions autonomes pour les Serbes à

2 l'extérieur de la Serbie ?

3 R. Ayez l'amabilité de me dire ce que stipulaient ces programmes, et à ce

4 moment-là je pourrais répondre. Dans le cas contraire, je ne peux pas

5 répondre. On ne peut pas exiger de moi que je connaisse la teneur de ces

6 programmes par cœur.

7 Q. Je n'ai pas beaucoup de temps, vu la situation. Si nécessaire, je

8 reviendrai sur ce point. Il y a une chose dont vous avez forcément

9 connaissance : à l'été 1990, il y a eu la révolution des troncs d'arbres,

10 en Knin particulièrement, ce qui a entraîné le barrage de la route Zadar-

11 Zagreb. Nous avons entendu des éléments de preuve à ce sujet. Les Serbes

12 ont reçu des armes.

13 Deux questions : si ces choses se sont passées - et nous allons voir

14 ce que vous avez écrit à ce sujet plus tard - acceptez-vous que l'emploi de

15 ces troncs d'arbres pour perturber la vie dans un Etat et la circulation

16 dans cet Etat, est-ce que vous acceptez que, cela, c'est une utilisation de

17 la force ?

18 R. D'après ce que j'ai compris, de cette manière, les Serbes, en Croatie

19 ont exprimé leur volonté, à savoir qu'ils ne souhaitaient pas quitter le

20 giron de la Yougoslavie, ils voulaient rester là où ils étaient, dans

21 l'Etat où ils se trouvaient. Ils refusaient que l'on les extraie de cet

22 Etat suite à l'acte sécessionniste de la Croatie.

23 Q. Veuillez répondre à la question : est-ce qu'il s'agissait d'un acte --

24 d'un emploi de la force ?

25 R. Je ne suis pas un expert en la matière. Comment peut-on s'attendre à ce

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1 que je réponde à cette question à savoir si placer ces troncs d'arbres sur

2 la route était une démonstration de force ?

3 Il y a eu toutes sortes de manifestions à Belgrade, de toutes sortes, qui

4 ont perturbé la circulation. Or, je ne pense pas qu'on pourrait parler là

5 de démonstrations de force. C'étaient des manifestations, des protestations

6 dues à certains événements, et les citoyens sont en droit de protester.

7 Q. Bien. C'est ce que vous nous dites. Mais si, comme cela a été montré par

8 les éléments de preuve produits, les Serbes en Croatie, c'est-à-dire - je

9 ne parle pas de l'armée ni de la police, mais des Serbes de la rue - si on

10 leur a fourni des armes à feu, est-ce que ce n'est pas là une action

11 préparatoire à des actions subséquentes et violentes ?

12 R. Comment est-ce que je pourrais le savoir, Monsieur Nice ? A l'époque,

13 comme je ne cesse de vous le répéter, je ne savais rien de cela. J'en sais

14 rien. Si vous continuez à me poser ce type de questions, cela va durer

15 quinze jours. Je n'ai absolument eu aucune participation dans ces

16 événements.

17 Q. Si vous faites ce type d'observation, cela fait perdre du temps.

18 Passons maintenant, dans la chronologie, à juin 1990. J'aimerais que vous

19 regardiez un document que j'ai dans sa version brève et dans sa version

20 longue, un document en anglais qui va être fourni aux Juges et placé sur le

21 rétroprojecteur, et qui s'intitule "Lois discriminatoires et

22 anticonstitutionnelles et autres actes judiciaires sur le Kosovo adoptés

23 par l'assemblée de Serbie." J'aimerais que vous examiniez ce document - si

24 ce n'est pas possible aujourd'hui, peut-être que ce sera possible pendant

25 le week-end - donc, que vous nous fassiez vos observations au sujet de

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1 certains faits qui sont présentés dans ce document.

2 M. NICE : [interprétation] C'est un document qui est en anglais. Il va

3 falloir donc le placer sur le rétroprojecteur. Dernière page du document,

4 Monsieur l'Huissier.

5 Rétroprojecteur, s'il vous plaît. Merci.

6 Q. A gauche, vers le bas de la page. On est le 27 juin 1990, c'est-à-dire

7 juste avant votre arrivée sur la scène politique en tant que membre du SPS.

8 On dit la chose suivante, en dessous des mots en gras, "Journal officiel de

9 la SPK : "Au moment de cet accord anticonstitutionnel, à l'initiative de

10 l'académicien, Gazmend Zajmi, et du juriste, Bajram Kelmendi, le Tribunal

11 constitutionnel du Kosovo, par son verdict du 27 juin 1990, a décidé

12 d'entamer une procédure destinée à évaluer la constitutionalité de

13 l'assemblée de la province socialiste autonome du Kosovo lorsqu'elle a

14 donné son aval aux amendements 9 à 49 de la constitution de la République

15 socialiste de Serbie du 23 mars 1989. Le collège des Juges de la cour était

16 constitué…" des juges suivants qui sont énumérés. "Par un projet de

17 décision du tribunal, dont on donne le numéro, le 27 juillet 1990, la

18 décision d'approuver les amendements de la constitution de la Serbie a été

19 annulée, et le conseil de la Cour constitutionnelle, constituée des juges,"

20 qui sont ensuite énumérés, a statué. "Le verdict est resté sans signatures

21 -- il n'a pas été signé, car dans l'intervalle, l'assemblée de Serbie,

22 après avoir mis en place l'état d'urgence au Kosovo, ce qui est également

23 une pratique anticonstitutionnelle, a adopté une autre loi

24 anticonstitutionnelle relative à la cessation des travaux de l'assemblée du

25 Kosovo, de son conseil exécutif et de ses représentants."

Page 35455

1 Vous êtes juriste constitutionnel. Vous avez participé à la présentation de

2 ces amendements. Ce document semble indiquer qu'une protestation a été

3 émise, en bonne et due forme, au sujet de la constitution, devant le

4 Tribunal constitutionnel du Kosovo, que ceci a été couronné de succès et

5 que les amendements ont été annulés, mais que ceci n'a finalement rien

6 donné parce que la Serbie a dissout le tribunal -- la Cour

7 constitutionnelle et a mis un terme à ses activités. Est-ce que c'est

8 vrai ? Est-ce que ces faits sont exacts ? Parce que vous ne nous en avez

9 pas parlé au cours de votre déposition.

10 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Pour ce qui vient d'être cité, la question

13 n'est pas très précise. Je vois maintenant ce que M. Nice nous dit. Il

14 s'agit ici d'un projet de décision. Ce n'est donc pas une décision qui a

15 été prise. C'est une décision non définitive.

16 M. NICE : [interprétation] Essayez -- je vous en prie, n'essayez pas de

17 dicter ses réponses -- de souffler ses réponses au témoin.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais le témoin, peut de toute

19 manière, commenter, quelque soit la nature de la décision.

20 M. NICE : [interprétation] Ce n'est pas la première fois que l'accusé

21 intervient pour souffler les réponses au témoin. J'ai lu le texte avec

22 beaucoup de soin. J'ai lu la mention "projet de décision" et je souhaite

23 que le témoin puisse nous aider à comprendre, et répondre.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] La constitutionalité de la modification de la

25 constitution de la République de Serbie ne saurait être examinée par le

Page 35456

1 Tribunal constitutionnel du Kosovo et Metohija, qui a seulement pour

2 pouvoir d'examiner la constitutionalité et la légalité des lois du Kosovo

3 et Metohija.

4 S'agissant des lois de la constitution de la République de Serbie, il

5 appartient à la Cour constitutionnelle de la République de Serbie de se

6 prononcer.

7 Si bien, qu'ils n'ont pas agi dans le cadre de leurs compétences. C'est

8 comme si une unité fédérale se penchait sur la constitutionalité de la

9 constitution fédérale. Ce n'est pas possible.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ici, vous interprétez mal ce qui

11 figure dans le texte, puisque la question qui se posait c'était celle de la

12 constitutionalité de l'acte de l'assemblée du Kosovo. Il ne s'agissait pas

13 ici d'attaquer ou de contester une action de la République de Serbie ou une

14 loi de la République de Serbie.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, voyez-vous, l'assemblée du Kosovo a

16 donné son aval à la modification de la constitution de la république. La

17 Cour constitutionnelle n'est pas en droit de se prononcer sur des actions.

18 Elle peut se prononcer uniquement sur des documents juridiques, c'est-à-

19 dire la constitutionalité de l'adoption des amendements, la

20 constitutionalité formelle. Ce n'est pas à la Cour constitutionnelle du

21 Kosovo de le faire, mais à celle de Serbie. J'ai déjà expliqué, dès le

22 départ, que la Cour constitutionnelle examine uniquement la

23 constitutionalité, la légalité d'actes légaux généraux, et de documents

24 juridiques.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 35457

1 Q. Veuillez avoir l'amabilité de répondre à mes questions et pas à celles

2 que vous inventez. Ma question est la suivante : est-il exacte que la Cour

3 constitutionnelle du Kosovo a été saisie d'une protestation qu'un projet de

4 décision ensuite était -- qu'un projet de décision a été publié, qui a

5 annulé ce qui avait été fait précédemment, mais que les choses n'ont pas pu

6 aller plus loin parce que la Cour constitutionnelle a ensuite été

7 dissoute ? Est-ce que ceci ne correspond pas aux faits ?

8 R. A la première question, je vous répondrais que je ne sais pas; et à la

9 deuxième, je dirais que ce n'est pas vrai.

10 Q. Bien. Nous allons passer à autre chose.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, si ce n'est pas exact

12 et si cela ne correspond pas aux faits, moi, ce qui m'intéresse, c'est de

13 savoir quelle est la réalité des faits ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'étais pas Juge au

15 Tribunal constitutionnel du Kosovo. J'ignore totalement s'il y a eu des --

16 si on a demandé à la Cour constitutionnelle de Yougoslavie d'évaluer la

17 constitutionalité et la légalité. J'étais Juge de la Cour constitutionnelle

18 de Yougoslavie en 1991, en 1991 seulement. Je ne connais pas toutes les

19 affaires portées devant toutes les cours constitutionnelles de Yougoslavie.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous répondez -- donc, votre réponse

21 à la deuxième question aurait dû être, "Je ne sais pas."

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ma réponse à la première question était,

23 je ne sais pas. J'ignore s'il y a eu une procédure engagée devant la Cour

24 constitutionnelle du Kosovo. Cela, je ne sais pas. S'agissant de la

25 deuxième question, j'ai dit que ce n'était pas vrai, que ce n'était pas

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1 exact, à savoir que la Cour constitutionnelle du Kosovo était toujours là.

2 Je ne sais pas les faits, mais je connais le droit et la Cour

3 constitutionnelle du Kosovo a continué à exister.

4 M. NICE : [interprétation]

5 Q. Savez-vous -- je n'ai pas trouvé le document donc nous n'allons pas

6 l'examiner --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour faire la lumière sur ce point,

8 dans le même passage, il est dit, je cite : "Il s'en est suivi un moratoire

9 dans les travaux de la Cour constitutionnelle du Kosovo…"

10 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] "…Tout de suite après, cette

12 institution a également continué -- a cessé d'exister."

13 Vous êtes donc en train de nous dire, Professeur, qu'à ce moment-là, la

14 Cour constitutionnelle existait toujours parce qu'elle faisait l'objet de

15 ce qu'on appelle ici un moratoire, c'est-à-dire qu'elle n'avait pas encore

16 cessé d'exister formellement ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] La Cour constitutionnelle du Kosovo existait

18 jusqu'à la promulgation de la constitution de la République de Serbie le 20

19 septembre 1990. C'est à ce moment-là qu'on a vu et qu'on a envisagé une

20 organisation complètement différente pour la province, avec trois types

21 d'organes - une assemblée provinciale -- une assemblée de la province, un

22 conseil exécutif de la province, et des institutions provinciales. A partir

23 de 1990, elle n'a plus de Cour constitutionnelle parce qu'elle n'avait plus

24 de constitution, elle avait un statut.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En dernière analyse, tout ceci nous

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1 apparaîtra très clair, j'en suis sûr.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Je signale, au passage, que j'ai repris ici -- j'ai donné lecture

4 d'éléments qui nous avaient déjà été fournis par d'autres témoins. Donc,

5 une seule question, Professeur, en tant que juriste spécialiste en matière

6 de constitution : une des protestations émise par l'assemblée du Kosovo à

7 la Cour constitutionnelle du Kosovo, c'est qu'on n'a pas compté les voix au

8 moment du vote, on n'a pas identifié ceux qui avaient voté. En tant que

9 juriste constitutionnel, est-ce que vous estimez que ce n'est pas là la

10 moindre des choses, qu'il convient absolument de faire un décompte des

11 votes -- de dépouiller les voix -- les bulletins de manière appropriée,

12 pour une question qui est d'une importance extrême ?

13 R. Monsieur Nice, vous partez ici d'un principe qui n'a absolument pas

14 lieu d'être. Vous parlez d'abandon d'une autonomie. Or, ce n'est pas le

15 cas. Comment vous dire ?

16 En 1989, ce n'est pas l'autonomie de la Vojvodina ou du Kosovo qui a

17 été suspendue. Je viens de vous l'expliquer. Il n'y avait que cinq

18 amendements qui avaient trait aux provinces autonomes.

19 Q. Ces cinq amendements, ces cinq petits amendements qui ont eu toutes les

20 conséquences que nous allons examiner, pour ces cinq amendements, est-ce

21 que vous pensez que cela n'aurait pas été une bonne idée de compter les

22 voix et de donner la liste de ceux qui étaient présents ?

23 M. KAY : [interprétation] Il vaudrait mieux lui demander s'il le sait,

24 parce que le Procureur est en train de faire une observation déguisée en

25 question.

Page 35460

1 M. NICE : [interprétation] Non. Non, parce que tout cela est très clair.

2 Les éléments de preuve ont montré que l'on n'a pas fait le décompte des

3 voix au moment du vote.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je peux -- je pense qu'il peut

5 répondre.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous répondre parce que je

7 n'étais pas présent en personne. Je suis tenu, aux termes de la déclaration

8 solennelle de dire la vérité. Alors, comment vous parlez de cela alors que

9 je n'étais même pas présent ?

10 M. Jokanovic est venu déposé ici, et lui, il était présent en chair

11 et en os. Pas moi. J'étais à Belgrade. Comment pourrais-je savoir comment

12 s'est déroulée cette réunion de l'assemblée du Kosovo ? Je n'ai même pas

13 regardé à la télé ce qui s'est passé.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la question, je crois,

15 Professeur. On vous a demandé, je cite : "Si on n'a pas fait le décompte

16 des voix, et il y a des éléments de preuve qui vont dans ce sens, est-ce

17 que ce n'est pas quelque chose d'inapproprié vu l'importance de cette

18 modification de la constitution ?" On vous demande de la situation -- on

19 vous a demandé de répondre à cette question en tant que professeur de droit

20 constitutionnel.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Inutile d'être professeur en droit

22 constitutionnel pour répondre à cette question. Bien entendu, que dans

23 cette situation, ce n'aurait pas été approprié de procéder de la sorte.

24 Mais je parle ici de manière complètement abstraite. J'ignore quelle a été

25 la situation à l'assemblée du Kosovo. Je ne sais pas si on a fait le

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1 décompte des voix ou pas. Bien entendu, si on n'a pas fait le décompte des

2 voix, il n'y a pas pu avoir de décision.

3 M. NICE : [interprétation] Nous allons passer maintenant directement à la

4 constitution serbe de septembre 1990. Je crois que ceci se trouve à

5 l'intercalaire numéro 16. Nous avons le document dans son intégralité. Mais

6 nous avons, quant à nous, le document dans son intégralité, qui a déjà été

7 versé au dossier. Pièce 319, intercalaire 1, ou pièce 132. Je vais

8 présenter les passages concernés sur le rétroprojecteur et je vais demander

9 au témoin de faire ses observations au sujet desdits passages.

10 Je souhaiterais que l'on présente ces passages au témoin. Je n'ai

11 pas encore tout à fait la correspondance avec la version dans la langue du

12 témoin. Peut-être que mon collègue pourra-t-il m'aider.

13 Q. Il s'agit d'un document qui a été publié avec un préambule qui a

14 été rédigé par vos soins, n'est-ce pas ?

15 R. Non, ce n'est pas vrai.

16 Q. Qui a rédigé le préambule ?

17 R. La commission constitutionnelle.

18 Q. Fort bien. Examinons le document dont nous disposons en anglais.

19 M. NICE : [interprétation] Les numéros de pages sont en bas de page,

20 Monsieur l'Huissier. La première page, c'est la page 9, la fin du

21 préambule. Nous n'avons pas le document en B/C/S malheureusement. Q. Mais

22 c'est une introduction, et il semble que ce document soit signé par vous-

23 même en personne Dr Ratko Markovic, professeur de l'université de Belgrade.

24 Nous pouvons le voir, et si nous passons à la première page de ce document,

25 avec un 3 en bas de la page. Merci d'avance à l'Huissier.

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1 C'est le début du document, qui apparemment a été signé par vous-même

2 et qui, on peut lire, je cite : "Grâce à la constitution de la République

3 de Serbie de 1990, après bien des années, la constitution retrouve sa

4 dignité en tant qu'acte juridique."

5 Avant de passer à autre chose, est-ce que vous vous souvenez avoir

6 écrit cela ?

7 R. Monsieur Nice, ce que j'ai sous les yeux, c'est la constitution

8 de la République de Serbie, ainsi que son préambule. D'où sortez-vous

9 l'idée selon laquelle le préambule a été rédigé par une personne

10 individuelle ? Le préambule fait partie intégrante de la constitution, il

11 la précède. Il ne serait pas juste que j'affirme avoir moi-même rédigé ce

12 préambule. J'ignore ce que je suis censé avoir signé. Essayez de me dire,

13 s'il vous plaît, le document que j'ai signé.

14 Q. Je vais vous montrer votre signature à la fin d'un document qui a

15 six pages, qui commence à la page 3. Alors, c'était quoi ? C'était une

16 préface, un préambule, une introduction ? Quel est le document que vous

17 avez signé ?

18 R. Mais il faudrait que je sache ce que j'ai signé.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] De quel document parle-t-on ? Je n'arrive pas

20 du tout à le retrouver dans cette liasse de documents. De quel document il

21 s'agit ?

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 16. Vous

23 pouvez le retrouver au numéro 16.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En version anglaise, on a traduit cela

Page 35463

1 par "Préface".

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, je comprends maintenant. Monsieur Nice,

3 vous ne comprenez pas -- vous ne faisiez pas la différence entre le

4 préambule à la constitution, qui fait partie intégrante de la constitution,

5 de l'avant-propos, qui est rédigé par les auteurs. Vous dites que c'est un

6 préambule. Non.

7 Le préambule fait partie constituante de la constitution, et l'avant-propos

8 est la rédaction d'un groupe d'auteurs. Alors vous ne faites pas la

9 différence entre deux choses, le préambule et l'avant-propos.

10 L'avant-propos est rédigé par l'auteur, alors que le préambule, cela

11 fait partie d'un acte officiel.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Je vais vous interrompre et vous poser la question suivante. A chaque

14 fois que vous essayer de démontrer que je fais des erreurs, est-ce que cela

15 signifie que vous visez à nous faire perdre du vue ce qui revêt une

16 importance substantielle ? Je crois qu'il y a là une finalité dissimulée.

17 Vous essayez de faire obstruction.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je ne peux pas

19 accepter cela. Il y a une différence entre préface et préambule.

20 M. NICE : [interprétation] Mais je lui ai donné plusieurs opportunités de

21 nous dire s'il s'agissait d'un avant-propos, d'un préambule, ou de quoi que

22 ce soit d'autre.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous savons de quoi il s'agit

24 maintenant. Allons de l'avant.

25 M. NICE : [interprétation] Nous allons passer à la page 4 en anglais. Nous

Page 35464

1 allons avoir une version en alphabet cyrillique dans quelques minutes, je

2 crois.

3 Q. Donc, en bas de la page 4, dernier paragraphe, quatrième ligne, il est

4 dit ce qui suit : "Contrairement aux définitions constitutionnelles de

5 l'Etat pluriethnique - indépendants ou en leur qualité d'unités fédérales -

6 dans le monde et dans notre pays, la constitution de Serbie ne définit pas

7 l'Etat par recours à des critères ethniques (Etat du peuple serbe), mais en

8 ayant recours à des critères démocratiques de souveraineté nationale, à

9 savoir du souveraineté des citoyens (de l'Etat de tous les citoyens qui y

10 résident)."

11 C'est là la conception que vous avez de cette constitution ?

12 R. C'est la définition de l'Etat de Serbie, et c'est l'Article 1 de la

13 constitution de Serbie. C'est là que l'on définit l'Etat de Serbie en

14 parlant de souveraineté des citoyens et non pas de souveraineté de la

15 nation. L'attribut de souveraineté est exercé par les citoyens.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être suis-je le seul à ne pas

17 comprendre ceci. Je pensais qu'une grande partie de votre témoignage a

18 consisté à dire, qu'à l'époque, l'Etat n'était pas un Etat, mais que la

19 Yougoslavie en était un.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] La Yougoslavie était l'Etat fédéral. L'Article

21 3 de la constitution de la RFSY de 1974, cet article définit la république

22 en tant qu'Etat. Donc, la République de Serbie est également définie comme

23 étant un Etat dans cette constitution de 1974. Mais je vais vous donner

24 l'énoncé de cette disposition,

25 M. NICE : [interprétation] Merci, merci beaucoup. Page 7, bas de la page

Page 35465

1 maintenant, Monsieur l'Huissier, vers le bas de cette page.

2 Q. "En vertu de cette nouvelle constitution de la Serbie, il n'y a qu'un

3 seul Etat, comme partout ailleurs au monde, sur le territoire de cet Etat

4 unifié -- unique de Serbie. Chose tout à fait certaine, cela ne devrait pas

5 être souligné de façon particulière. Mais étant donné l'aménagement

6 symétrique de la Serbie, il est un fait qu'il existait trois Etats sur son

7 territoire, à savoir, deux provinces, et entre ces deux, un troisième Etat

8 qui était moins Etat que les deux premiers. Dans l'ordre constitutionnel,

9 il existait encore des provinces autonomes, mais à présent, il s'agit

10 d'unités d'autonomie territoriale, comme il en va de même pour ce qui est

11 des provinces en Italie, ou des communautés autonomes en Espagne. Donc,

12 sans attributs d'Etat."

13 La finalité de votre nouveau statut a été celle de supprimer l'autonomie

14 fonctionnelle des deux provinces et de faire de la Serbie un Etat

15 centralisé tout simplement; exact ?

16 R. Inexact.

17 Q. Qu'est-ce que cela signifie ?

18 R. Vous me demandez de répondre brièvement. Maintenant, vous me demandez

19 de répondre en long et en large. Mais cela ne signifie pas ce que vous me

20 demandez. Les provinces autonomes étaient des unités à autonomie

21 territoriale. Elles ont donc une autonomie qui relève de leurs compétences

22 territoriales. Ce ne sont pas des Etats. Ils n'ont pas le pouvoir de faire

23 leur constitution, de promouvoir leurs lois, et cetera. Donc, ils ont une

24 autonomie territoriale, comme il en va de même pour ce qui est des

25 provinces en Italie ou des communautés territoriales telles que le cas en

Page 35466

1 Espagne.

2 Q. Cela a été la situation après la promulgation des amendements. Nous

3 allons passer maintenant à la page 8 --

4 R. Non. Une nouvelle erreur, Monsieur Nice. Je m'excuse de vous rectifiez.

5 Parce qu'il va -- si je ne vous rectifie pas, je vais donc passer outre des

6 erreurs. Cela s'est passé après la constitution de 1990. Alors, si vous

7 voulez m'interroger, il va falloir que vous en sachiez davantage -- vous en

8 connaissiez davantage en matière de droit constitutionnel.

9 Q. [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire le droit

11 constitutionnel de votre pays.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. En bas de la page 8. Est-ce que vous --

14 R. Je pense au droit constitutionnel, d'une manière générale, ainsi que le

15 droit constitutionnel de mon pays. Alors, là, je peux avoir la

16 compréhension pour ce qui est d'une méconnaissance des choses.

17 Q. "En raison du statut constitutionnel actuel de la Serbie, la question

18 qui peut se poser est celle de savoir si la Serbie, avec sa nouvelle

19 constitution, a tourné le dos à cette Yougoslavie fédérale. En adoptant sa

20 nouvelle constitution, la Serbie a davantage précisé -- affiné le caractère

21 de ses liens avec la Yougoslavie. La Serbie reconnaît pleinement la

22 primauté de la constitution fédérale, tant que la Yougoslavie continue à

23 être un Etat fédéral. Une autre Yougoslavie non-fédérale se trouve à

24 l'extérieur de ce qui constitue les intérêts politiques et les intérêts de

25 l'Etat de la Serbie, précisément pour cette raison et en raison de la

Page 35467

1 tendance de faire en sorte que la Yougoslavie fédérale se décompose, se

2 désagrège et cela est tout à fait visible à présent. La Serbie a dû

3 inclure, dans sa constitution, une clause défensive en disant que : "La

4 violation d'une constitution fédérale au détriment de la Serbie, donne le

5 droit à la Serbie de se défendre elle-même. Dans des cas de cette nature,

6 les autorités de la République vont promulguer des actes en vue de protéger

7 les intérêts de la République de Serbie.

8 "La constitution de la République de Serbie en 1990 a établi des normes

9 constitutionnelles pour une nouvelle société et un Etat nouveau. De telles

10 modifications qualitatives de la société et de l'Etat se font dans le monde

11 par le biais de révolutions où il est de règle qu'il y ait effusions de

12 sang. La nouvelle constitution de la Serbie a transformé entièrement

13 l'anatomie et la physionomie de l'ordre constitutionnel de la Serbie sans

14 qu'il soit versé une seule goutte de sang. Cela constitue un écart vis-à-

15 vis de la constitutionnalité utopique de type Kardelj et vise à construire

16 des fondations démocratiques pour une société, Etat tout à fait nouveau, en

17 étant une société basée sur des principes notoirement connus, qui sont des

18 principes démocratiques. Cette constitution, par voie de conséquence, donne

19 accès, ouvre accès à une ère nouvelle de constitutionnalité démocratique…"

20 Donc, c'est la préface que vous avez rédigé à la dite constitution en

21 reconnaissant que la Serbie allait exercer la primauté par rapport à l'Etat

22 fédéral si elle choisit d'en faire ainsi?

23 R. Autre erreur, et pour dire et prouver quelle est l'importance de votre

24 erreur, je vais vous donner la lecture de l'Article 35, alinéa -- qui dit

25 tout à fait le contraire de ce que vous dites vous-même. On dit dans cet

Page 35468

1 Article : "Les droits et obligations accordés par la présente constitution

2 à la République de Serbie qui fait partie de la République fédérale de

3 Yougoslavie--"

4 M. NICE : [interprétation] C'est la page 57.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] "--qui fait partie de la République socialiste

6 fédérale de Yougoslavie, ce qui en terme de constitution fédérale, se

7 réalise au sein de la fédération seront réalisés conformément à la

8 constitution fédérale."

9 Par conséquent, Monsieur Nice--

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Lecture du paragraphe suivant.

12 R. -- de mon avant-propos --

13 Q. Oui.

14 R. "Lorsque les actes de la fédération ou les actes émanant des autres

15 républiques vont à l'encontre des droits et devoirs qui sont les leurs en

16 vertu de la constitution de la République socialiste fédérale de

17 Yougoslavie qui vient violer l'égalité en droit de la République en Serbie

18 ou met en péril d'une façon autre ces intérêts, sans qu'il y ait pour, en

19 contrepartie, une compensation quelconque, les organes de la République

20 sont en droit de protéger les intérêts de la République de Serbie en

21 adoptant des actes appropriés."

22 Q. Donc cela fournit à la Serbie le droit de contrecarrer le gouvernement

23 fédéral?

24 R. Mais c'est parce qu'il y a violation de cette même constitution

25 fédérale, c'est parce que la sécession vis-à-vis de l'ex-Yougoslavie a déjà

Page 35469

1 été entamée est déjà en cours.

2 Q. Nous allons nous pencher sur quelques autres dispositions pour

3 souligner tout ce que nous visons à souligner.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans la réponse de M. Markovic, c'est parce

7 qu'il y a -- parce qu'elle contrecarre la constitution, il n'a pas dit donc

8 contrecarrer la constitution, la sienne, mais la constitution fédérale et,

9 dans le compte rendu d'audience, on ne voit pas apparaître le terme de

10 fédéral. C'est en relation avec la constitution. Donc ce n'est qu'en cas de

11 violation de la constitution fédérale, qu'il est pris des mesures et cetera

12 et cetera. Le professeur a dit constitution fédérale.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cette correction, Monsieur

14 Milosevic.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Nous allons passer maintenant à la page 32, pour ce qui est de

17 l'original, je voudrais faire à l'Article 72. Je voudrais que nous

18 parcourions quelques 6 Articles.

19 Article 72 : "La République de Serbie aménage --

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, juste un moment. Afin que

21 les Juges de la Chambre puissent retrouver ces passages également.

22 M. NICE : [interprétation] Oui, je m'excuse.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la page 21, de cet

24 intercalaire 16.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 35470

1 Q. Oui, je vais reprendre ma lecture, Article 72 :

2 "La République de Serbie aménage et réglemente tout d'abord la

3 souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de la République

4 de Serbie ainsi que sa position internationale et les relations qu'elle

5 entretient avec les autres Etats et organisations internationales."

6 Sous paragraphe 2 : "Réalisation et protection des droits et libertés

7 -- des libertés et des droits de l'homme et du citoyen; constitutionnalisme

8 et légalité."

9 Or au troisième paragraphe, on dit : "La défense et la sécurité de la

10 République de Serbie sont assurées par ses citoyens pour faire face aux

11 urgences."

12 Donc, tous ces six sont des fonctions qui relèvent du gouvernement

13 fédéral, n'est-ce pas? Ici, nous les voyons reprises par le gouvernement de

14 la Serbie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

15 R. Ce n'est pas exact. Ce que vous dites n'est pas exact. Autre erreur, je

16 vous donne la lecture de cet Article 35 :

17 "Les droits et devoirs confiés à la République socialiste de -- à la

18 République de Serbie, qui est partie intégrante de la République socialiste

19 fédéral de Yougoslavie et qui, en vertu de la constitution fédérale, sont

20 exercés au sein de la Fédération, seront réalisés conformément à la

21 constitution fédérale."

22 Donc il faut garder cela à l'esprit, Monsieur Nice.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel Article, parlez-vous ?

24 R. Article 135, paragraphe 1 de la constitution de la République de

25 Serbie, qui dit tout à fait autre chose de ce que Monsieur Nice vient de

Page 35471

1 nous lire.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Aidez-moi en ce cas. La Serbie a alors créé un ministère des Affaires

4 étrangères et un ministère de la Défense. Comment justifiez-vous cela? Si

5 tant est que vous vous trouvez encore en fédération véritable avec le

6 Monténégro ou avec qui que ce soit d'autre? C'est ce que vous avez fait,

7 enfin -- pas vous en personne, mais c'est ce qui s'est passé.

8 R. Cela s'est produit, mais cela a duré très peu de temps. Pour ce qui est

9 de la loi portant sur ces ministères, il a tout de suite été supprimé ces

10 ministères des Affaires étrangères et de la Défense, alors que le

11 Monténégro a encore son ministère des Affaires étrangères. Maintenant, la

12 Serbie et Monténégro constituent une communauté d'Etat, mais alors que

13 c'était la Yougoslavie fédérale, la République fédérale de Yougoslavie, la

14 République du Monténégro a gardé son ministère des Affaires étrangères

15 indépendamment du fait d'être -- de faire partie de cette Fédération. Mais

16 dès qu'il y a eu une première modification portant sur les lois -- des lois

17 portant sur les ministères, la Serbie a supprimé son ministère de la

18 Défense et son ministère des Relations -- des Affaires étrangères.

19 Q. Oui, mais, à l'époque de la rédaction de ce document, la RFSY existait

20 encore, n'est-ce pas?

21 R. Juridiquement parlant, la RFSY a existé jusqu'au 27 avril 1992.

22 Q. Merci. Page 33, maintenant. Pour vous, Professeur, je me réfère à la

23 fin de l'Article 72, alinéa 12, au sous-paragraphe 12 :

24 "Autres relations qui remettent de l'intérêt pour la République de Serbie

25 conformément à la constitution."

Page 35472

1 Mais avant cet alinéa, il y a un intitulé qui dit : "La Serbie assure et

2 veille aux autres relations remettant de l'intérêt pour la République de

3 Serbie conformément à la constitution. La République de Serbie entretient

4 des relations avec les serbes vivant à l'extérieur de la République de

5 Serbie aux fins de sauvegarder leur caractéristique nationale, culturelle

6 et historique.

7 Dites-nous pourquoi la Serbie au sujet de laquelle l'on dit qu'elle a

8 affirmé qu'elle n'avait rien à voir avec la guerre et qu'elle n'a jamais

9 été en guerre. Pourquoi cette Serbie présente ici l'intention de préserver

10 l'identité nationale et culturelle des Serbes, notamment en Croatie et en

11 Bosnie ?

12 R. Où avez-vous lu qu'on dit ici Serbie et Bosnie ?

13 Q. Non. Je ne l'ai pas lu, mais je vous le dis à vous, Professeur, de nous

14 répondre avec quel autre Serbe vouliez-vous entretenir des relations à

15 l'extérieur de la République de Serbie ? Si vous vous en souvenez bien, il

16 a été créé un ministère tout particulier pour collaborer avec les Serbes à

17 l'extérieur de la Serbie. Où est-ce que cela avait -- ce ministère avait-il

18 ses bureaux, son siège ? A Belgrade, n'est-ce pas ?

19 R. Bien sûr. Chaque Etat veille aux membres ou aux ressortissants de son

20 propre groupe ethnique, de sa nation. Vous avez des Serbes à Vancouver,

21 vous avez des Serbes à Chicago, vous avez des Serbes à Sydney. Pourquoi

22 liez-vous cela à l'existence de la présence des Serbes en Bosnie ou

23 ailleurs ou en Croatie ? Partout où il y a des Serbes, l'Etat doit veiller

24 au maintien et à la préservation de leur identité ethnique, culturelle, aux

25 coutumes, à la culture, et cetera.

Page 35473

1 Q. S'il nous est possible de retrouver ces documents, si nous avons

2 notamment le temps de nous pencher sur les documents de ce bureau chargé

3 des relations extérieures, nous verrons que cela n'a trait qu'aux Serbes de

4 Bosnie et de Croatie. La chose est tout à fait simple, n'est-ce pas ?

5 R. Cela, je ne le sais pas.

6 Q. Très bien. Page 36 maintenant, paragraphe 84, pour vous, Professeur

7 Markovic. On y dit : "Le président de la république propose un candidat aux

8 fonctions de premier ministre après avoir entendu les opinions des

9 représentants de la majorité à l'assemblée et au parlement national." Au

10 deuxièmement et au troisièmement, on dit : "qu'il est chargé de la conduite

11 des affaires pour ce qui est des relations entre la République de Serbie et

12 les autres organisations internationales conformément à la loi."

13 Je vais m'arrêter là afin que nous puissions tirer une analogie à

14 moins que je n'aie une fois de plus mal compris quelque chose. Est-ce que

15 cela signifie comme l'Etat de Maryland aux Etats-Unis d'Amérique qui aurait

16 un ministère des Affaires étrangères ? Si c'est le cas, dites-nous

17 pourquoi ?

18 R. Non. Ici, il est question du président de la république. Le président

19 de la république n'est pas le ministre des Affaires étrangères. Le

20 président de la république est le chef de l'Etat. Par définition, le chef

21 de l'Etat représente l'Etat au sein de cet Etat ainsi qu'à l'étranger. Ici,

22 il s'agit de dissocier ce qui fait partie de la définition théorique d'un

23 chef de l'Etat. On sait pertinemment bien ce qu'est un chef d'Etat.

24 Q. Vous avez répondu à une question du Juge Bonomy en disant que la Serbie

25 n'était pas un Etat; c'était une république. Penchons-nous --

Page 35474

1 R. Non, ne mettez pas dans ma bouche, ce que je n'ai pas dit, Monsieur

2 Nice. Il convient d'être courtois. J'ai répondu à M. Bonomy qu'en

3 application de l'Article 3 de la constitution de la RFSY, la république

4 était un Etat. Penchez-vous sur l'Article 3 de la constitution de la RFSY

5 de 1974. Pourquoi mettez-vous dans ma bouche une chose que je n'ai pas

6 dite ?

7 Q. Penchons-nous sur l'article qui figure au

8 sous-paragraphe 5. Le président "commande les forces armées en temps de

9 paix et en temps de guerre, dirige la résistance nationale en cas

10 d'occupation, veille à la mobilisation et organise les préparatifs

11 nécessaires en accord avec les dispositions de la loi."

12 Dites-nous, quelles sont les forces armées de la Serbie que ce président

13 était censé commander ?

14 R. Il n'y a pas -- il n'y avait pas de forces armée en Serbie. La Serbie

15 n'a jamais eu ses propres forces armées. Cette constitution a été faite à

16 l'époque où la sécession avait -- battait son plein, et où il y avait un

17 péril, à savoir, celui de voir la République socialiste fédérative de

18 Yougoslavie se décomposer en autant de républiques qu'il n'y avait d'unités

19 fédérales. Dès que la constitution de 1992 a été adoptée, les dispositions

20 relatives aux forces armées ont cessé d'exister, et on a remis en vigueur

21 les forces armées qui étaient prévues dans l'énoncé de l'Article 92.

22 N'oubliez pas qu'à l'époque de l'adoption de cette constitution, il y avait

23 une grande crise en Yougoslavie. Nous avions à faire face à la sécession,

24 et la Serbie devait s'assurer pour ce cas de sécession des autres

25 républiques. Cela n'a été valide que jusqu'à l'adoption d'une nouvelle

Page 35475

1 constitution fédérale. Mais il n'y avait pas de forces armées en Serbie.

2 Cela a été une clause défensive qui, compte tenu des circonstances, s'était

3 avérée indispensable en République de Serbie.

4 Q. Professeur Markovic, vous avez tout à fait raison de m'avoir corrigé au

5 sujet du paragraphe 4, où j'ai fait référence au ministère des Affaires

6 étrangères. J'aurais mieux fait de tracer une analogie avec le gouverneur

7 du Maryland, je suppose.

8 Toujours dans l'esprit de cette analogie, ce serait un grand pas pour le

9 gouvernement de cet Etat du Maryland que d'avoir son propre ministère des

10 Affaires étrangères, mais aussi ses propres forces armées afin de les

11 commander en vue de se préparer pour le cas de la dissolution d'un système

12 fédéral en place. Vous nous avez dit à plusieurs reprises que vous avez

13 tout simplement accompli une tâche technique de rédaction d'un projet.

14 Dites-nous, qui est-ce qui vous a donné des instructions s'agissant des

15 dispositions qui concerneraient la Serbie, à savoir, la disposition aux

16 termes de laquelle le président de la Serbie devait diriger -- était censé

17 diriger les forces armées ? Qui vous a donné instruction pour ce qui est de

18 la rédaction de ce projet extraordinaire ?

19 Pendant que vous y pensez, je veux dire que vous ne pouvez pas le faire de

20 votre propre initiative, mais vous devez avoir reçu des instructions ? Qui,

21 de qui ?

22 R. Monsieur Nice, vous êtes encore une fois de plus en train d'établir la

23 corrélation à la constitution et moi-même en tant qu'auteur unique, alors

24 qu'il y avait une commission constitutionnelle. Si l'on ne faisait que vous

25 entendre et vous écoutez, j'aurais été une sorte de Tolstoy pour ce qui est

Page 35476

1 de l'œuvre totale que j'aurais réalisée et que j'aurais rédigée. Je vous ai

2 déjà expliqué comment les choses se sont passées.

3 Q. Je suis désolé, Professeur. Je voudrais ne pas perdre de vue le fait

4 que vous avez fait des déclarations différentes dans le courant de votre

5 témoignage, et vous avez dit que cette constitution était très valable,

6 excellente. Vous n'avez pas affirmé que vous ne saviez rien de tout cela,

7 que vous n'aviez aucune responsabilité à ce sujet et que c'était une

8 commission. Dites-nous, qui est-ce qui avait donné des instructions à la

9 commission de faire de l'accusé l'homme responsable des relations

10 internationales et de lui conférer les compétences de commandement des

11 forces armées ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces questions sont tout à fait incorrectes,

15 parce qu'elles négligent complètement ce que le Professeur Markovic a

16 répondu. Il a dit que tout ce qui relevait des compétences yougoslaves ou

17 fédérales ne serait être mis en vigueur, mais qu'on allait appliquer la

18 constitution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Il a

19 donné citation de cet Article 135. Tout ceci, au niveau des Affaires

20 étrangères et des forces armées, --

21 M. NICE : [interprétation] Je suis désolé.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Je vous ai

23 interrompu parce que vous êtes en train de nous faire des commentaires.

24 Nous arrivons à l'heure de l'interruption de nos travaux, et je ne

25 saurais autoriser les autres à me taper sur les doigts. Je commence à avoir

Page 35477

1 mal à force de recevoir des coups.

2 M. NICE : [interprétation] J'aimerais obtenir une réponse à la question que

3 j'ai posée.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. La question était, Professeur,

5 celle de savoir qui est-ce qui vous a donné des instructions pour ce qui

6 est de la rédaction de vos projets ?

7 R. Je vous répondrai en un mot : Personne.

8 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, le document que j'ai

9 proposé pour versement au dossier et qui se rapporte à l'historique relatif

10 à la Cour constitutionnelle du Kosovo, j'aimerais que ce soit versé au

11 dossier ou que cela se voit attribuer une cote aux fins d'identification ?

12 J'ai retrouvé la version complète dudit document, où il est énuméré

13 toute une série d'actes discriminatoires et de lois discriminatoires. Ce

14 témoin-ci est un expert, du moins c'est ce qu'il nous a dit. Ce qui fait

15 qu'au cas où nous ne retrouverions pas les sources des différentes

16 décisions, il se peut qu'il puisse le retrouver pendant le week-end, y

17 compris pour ce qui est des projets de décision que nous avons vues tout à

18 l'heure. Nous demandons à ce que ce soit versé au dossier, et nous n'avons

19 pas de raison pour ne pas le faire. Si le témoin veut y revenir, nous

20 pourrons le faire lundi.

21 M. KAY : [interprétation] Peut-on --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Kay.

23 M. KAY : [interprétation] Je m'excuse, mais je voulais dire quelque chose

24 du document qui a été présenté et qui émane du centre d'Information du

25 Kosovo. A l'occasion de la première phase de ce procès, lors de la

Page 35478

1 présentation des éléments de preuve de l'Accusation, M. Milosevic a essayé

2 de faire quelque chose d'analogue. On lui a rendu tout cela en disant qu'il

3 viendra le moment pour lui de présenter ses éléments de preuve. Il n'y a

4 pas eu de pratique pour ce qui est d'accorder des cotes à des fins

5 d'identification. Si maintenant, s'il y a cohérence dans l'approche à la

6 documentation, dans l'approche adoptée à la documentation, il s'agit de

7 façon évidente d'un document controversé qui n'a pas été un témoin de

8 l'Accusation, et cela n'a pas été agréé par le conseil de la Défense, je

9 dirais en outre, que l'on y retrouve des affirmations complètement

10 contraires au témoignage de ce témoin.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire comme de par

12 avant, à savoir, nous allons lui accorder une cote à des fins

13 d'identification, et nous allons statuer par la suite. Nous ne perdons pas

14 la nécessité d'être cohérents. Il convient aussi d'être dans le droit et

15 non pas seulement dans la limite de la cohérence. Mais nous ne pourrons pas

16 ignorer ce qui s'est passé dans le cas de la présentation des éléments à

17 charge.

18 Professeur, nous avons été informés que lundi après-midi, il y a un vol

19 pour Belgrade à 18 heures.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de vol un peu plus tôt ?

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, pas plus tôt, d'après ce que le

22 Greffier nous a fait savoir. Peut-être quelque chose pourrait être fait au

23 sujet des correspondances que vous pourriez avoir entre Amsterdam et

24 Belgrade. Mais ce n'est pas en notre pouvoir.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demanderais de faire en sorte qu'un

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1 billet me soit procuré afin que je puisse me rendre à l'aéroport

2 directement en sortant du Tribunal.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certainement. Nous vous remercions

4 de votre coopération. Nous allons continuer -- reprendre lundi matin à 9

5 heures 00.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Une cote ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, la cote, je vous prie.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, ce serait

9 le 822 pour identification.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, pour identification.

11 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le lundi 24 janvier

12 2005, à 9 heures 00.

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