Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 25 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous vous présentons nos excuses

6 pour ce début tardif de l'audience, ce qui s'explique par les conditions

7 météorologiques défavorables.

8 Monsieur Nice, nous devons tout d'abord traiter de l'admission des éléments

9 de preuve.

10 M. NICE : [interprétation] Oui, et je me demande si je pourrais, à cette

11 occasion uniquement, utiliser quelques minutes pour vous présenter les

12 questions de nature structurelle et les difficultés que nous rencontrons,

13 parce que je pense qu'elles sont susceptibles de se reproduire même si

14 elles se sont manifestées particulièrement, clairement pour le témoin que

15 nous venons d'entendre, et ceci se manifeste peut-être de la façon la plus

16 lumineuse devant la question que la Chambre doit encore trancher, à savoir,

17 la manière dont il convient de traiter de l'article extrait de Nacional, et

18 de l'interview avec Dusan Bilandzic.

19 Une partie de la difficulté que nous rencontrons est la suivante :

20 l'Accusation présente ses éléments de preuve, la Défense élargit le champ.

21 Nous n'avons pas d'objection à ce fait. Par exemple, pour Bilandzic, nous

22 avons présenté des éléments de preuve directs sur ce qui s'est passé lors

23 de la réunion entre l'accusé et Tudjman. L'accusé élargit le champ en nous

24 montrant ce qui a été dit dans les réunions qui ont suivi cette réunion.

25 Avec d'abord Smilja Avramov, nous n'avons pas accepté sa relation des

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1 faits, nous ne l'acceptons, et d'autre part, parce que nous a dit le témoin

2 suivant, ce que nous n'acceptons pas non plus. Nous-même, face à cet

3 élargissement du champ des éléments de preuve présentés, nous estimons que

4 ceci va dans le sens de notre thèse.

5 Pour ce qui est de l'interview donné à ce journal, la question qui se pose

6 aux Juges est la suivante : est-ce que ces documents doivent être admis;

7 premièrement, étant donné qu'il n'y a pas d'autres éléments de preuve dans

8 ce sens; étant donné également que le Tribunal n'a pas de règle relative à

9 l'interdiction des éléments de preuve par ouï-dire, étant donné que ces

10 éléments vont à l'encontre de ce qui a été dit par deux autres témoins.

11 La deuxième possibilité : Si d'autres éléments de preuve apparaissent dans

12 le sens de ce qui a été dit par Bilandzic, c'est que la Chambre s'appuie

13 sur cet article en disant, "Nous rendons cette conclusion et examinons ce

14 qui découle d'autres éléments présentés par ailleurs.

15 Troisième possibilité c'est que l'Accusation, au moment de la réplique, et

16 nonobstant ce qui a été dit par M. le Juge Kwon au sujet d'une approche

17 plus flexible s'agissant de la réplique, ce que nous savons qu'ici dans le

18 cadre de la réplique les éléments de preuve présentés sont limités, c'est

19 ce que nous avons l'intention de faire, il est possible qu'à ce moment-là

20 l'Accusation demande à citer à la barre Bilandzic.

21 Et la quatrième possibilité qui s'offre à nous, c'est que cette pièce soit

22 versée au dossier en tant qu'élément de preuve, et la Chambre sera en

23 mesure, si elle le souhaite de citer les témoins qu'elle souhaite à la

24 barre, pour évaluer ces éléments de preuve.

25 Ce type de problème se pose quand l'accusé élargit le champ des éléments de

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1 preuve présentés. Nous n'avons aucune objection à ce sujet d'ailleurs, mais

2 si on peut utiliser une métaphore, on peut dire que cet élément de preuve

3 c'est comme une pièce à conviction qui se trouve sur une étagère. Ici,

4 permettez-moi de rappeler un petit peu l'historique de notre procédure :

5 L'Article 92 bis résulte d'une décision de la Chambre après examen de la

6 déclaration signée d'un témoin qui était décédé au moment où on souhaitait

7 présenter sa déclaration. Le Juge Robinson s'en souviendra, je pense. La

8 Chambre d'appel avait annulé la décision de la Chambre au sujet de

9 l'admission de cette déclaration, et j'ai toujours regretté de ne pas

10 pouvoir moi-même présenter mes arguments à ce sujet, puisque tout a été

11 débattu sur le papier, il me semblait que la Chambre qui était présidé par

12 M. le Juge May, aujourd'hui décédé, se basait sur l'élément suivant : on

13 avait besoin de cette déclaration parce qu'elle allait être confirmée par

14 d'autres déclarations qui viendraient plus tard. Donc, c'était l'idée des

15 éléments de preuve rangés sur une sorte d'étagère dont on pourrait se

16 servir en cas de besoin.

17 Il est possible que la Chambre souhaite adopter une attitude qui va plus

18 dans le sens de ce qui est courant dans le droit romano- germanique, c'est-

19 à-dire, de disposer des éléments qui sont importants pour elle à fin

20 d'établir la vérité, et non pas pour déterminer de la validité des éléments

21 de preuve. Il faut effectivement filer des preuves, mais le plus important

22 ce qui dépasse cela, c'est la recherche de la vérité plus largement.

23 Voici donc notre approche. Nous vous invitons à adopter une attitude plus

24 large s'agissant de l'admission des éléments de preuve en reconnaissant,

25 comme la métaphore que j'ai utilisée, que ces pièces peuvent se trouver sur

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1 une sorte d'étagère et qu'on se prononcera à leur sujet plus tard.

2 S'agissant des éléments de preuve dont nous avons à parler, il y a

3 l'élément de preuve 816. C'est une pièce à conviction, l'article du témoin.

4 Deuxièmement, l'extrait de l'ouvrage de Smilja Avramov, pièce 817. Enfin,

5 la pièce 818, qui a reçu une cote aux fins d'identification. Il s'agit de

6 l'ouvrage intitulé, ou plutôt, d'extrait de l'ouvrage intitulé : Kosovo --

7 Droits et politiques, le Kosovo et les actes normatifs avant et après 1974.

8 Je souhaiterais demander à la Chambre d'admettre cet élément de preuve.

9 Les Juges se souviendront, comme je l'ai expliqué au début, que les lois

10 que nous avons examinées dans ce document sont difficiles à trouver

11 ailleurs. Nous ne les avons pas trouvées ailleurs. Vu la façon dont

12 l'accusé élargit le champ de l'espèce, ces lois qui découlent des 89

13 amendements peuvent présenter un grand intérêt pour déterminer qu'elle a

14 été le sort ce qui s'est passé au Kosovo, alors que les témoins de l'accusé

15 affirment que les Albanais n'ont été victimes d'absolument rien et qu'ils

16 sont responsables de tout ce qui leur est arrivé. Comme je l'ai expliqué

17 dès le début, la pièce 818 comprend un certain nombre de commentaires que

18 j'ai essayé d'aborder dans le cadre du contre-interrogatoire.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout ce qui figure dans ce livre ce sont

20 des lois promulguées ou des décrets promulgués qui ont un rapport avec le

21 Kosovo.

22 M. NICE : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a rien d'autre.

24 M. NICE : [interprétation] Non. Mme Dicklich, mon assistante, me le

25 rappelle, vous disposez de la totalité de cet ouvrage. C'est un ouvrage qui

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1 n'est pas trop volumineux, qui a été publié par ce que nous considérons

2 comme une organisation indépendante. Il s'agit donc de lois, ou plutôt,

3 d'extraits de certaines lois.

4 Le document suivant c'est le document 819 dont j'ai déjà parlé, l'article

5 extrait de Nacional sur lequel la Chambre doit encore se prononcer. Je

6 n'exige pas à ce que la décision soit prise aujourd'hui.

7 La pièce 820, c'était l'article relatif aux qualifications de Seselj

8 s'agissant de sa demande pour accéder à un poste de professeur. Ceci a été

9 présenté sous la forme suivante : séquence vidéo 821 et 821.1.

10 Ensuite, l'Article 822, article de Kelmendi, qui a reçu une cote aux fins

11 d'identification. Vous vous en souviendrez que dans ce document on rappelle

12 l'historique d'une demande faite aux fins d'annuler les amendements de la

13 constitution adopté en 1989. J'ai expliqué qu'il était très difficile de

14 trouver les pièces auxquelles il est fait référence dans la pièce que j'aie

15 en main actuellement.

16 Forte heureusement, nous sommes parvenus à trouver, mais uniquement en

17 B/C/S. Pour l'instant, nous sommes parvenus à trouver la demande présentée

18 à la Cour constitutionnelle du Kosovo, ainsi que son arrêt. Vous vous

19 souviendrez que dans l'article, ces jugements sont numérotés 54/90, ou 54 à

20 90, du 27 juillet 1990, et les documents que nous avons trouvés portent les

21 mêmes numéros. Ce que je demanderais à la Chambre de faire pour ces pièces

22 s'est de permettre leur production. On m'a fait savoir que la traduction en

23 anglais sera disponible dès demain, et je demande à ce que la saisie de la

24 Cour constitutionnelle ainsi que l'arrêt de la Cour constitutionnelle

25 soient joints à cette pièce avec le suffixe point A ou point B, peut-être.

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1 La pièce suivante, c'est celle qui corrige et qui complète la pièce à

2 conviction de la Défense à l'intercalaire 47. La Chambre se souviendra que

3 le témoin a reconnu avoir intentionnellement éliminé à la fin du document

4 figurant à l'article 47, toutes références à la présence internationale et

5 aux droits de l'homme. Nous estimons que ceci est tout à fait inacceptable.

6 Nous disposons d'un document publié dans le cadre de ces événements et qui

7 est la version intégrale du document qui figure à l'intercalaire 47. Nous

8 serions reconnaissants à la Chambre de bien vouloir accepter que ce

9 document devienne une pièce à conviction de l'Accusation.

10 Ensuite, deux autres documents que je souhaiterais demander à la Chambre

11 d'admettre, si on revient au tout début de mon intervention. Je ne vais pas

12 me répéter. Vous souviendrais quand nous étions très pressé par le temps

13 avec le témoin, je lui ai dit qu'il avait été l'objet de très vive critique

14 de la part d'un juriste de sa propre université qui s'était exprimé dans un

15 article relative à la constitution intitulé, L'insupportable légèreté de

16 l'être constitutionnel, ou anti-constitutionnel, et d'autre part, je lui ai

17 rappelé qu'il avait été très critiqué en public à l'occasion de la

18 publication de son dernier ouvrage de droit constitutionnel. La question,

19 si vous me le permettez, qui se pose à vous, Monsieur le Juge, est la

20 suivante : Même si ce témoin est officiellement un témoin sur les faits,

21 c'est manifestement un témoin dont les connaissances particulières sous-

22 tend de tous les éléments de preuve qui nous a présenté. Quand un témoin de

23 cette sorte, comme il a été fait par l'accusé comme une source

24 d'information que l'on ne peut contester, il est important que la Chambre

25 dispose d'éléments qui vont dans le sens contraire.

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1 Je n'ai pas traité de tous les éléments de preuve qui vont dans ce sens, y

2 compris ceux de Slobodan Samardzic, qu'il me faudra peut-être utiliser,

3 mais je souhaiterais que les Juges de la Chambre, se rappelant que cela est

4 une approche qui est une approche qui n'est pas éloignée d'un système de

5 droit romain, je souhaiterais demander à la Chambre de se demander si elle

6 ne devrait pas disposer dans le dossier des critiques émises part d'autres

7 universitaires au sujet de la position d'un témoin en matière

8 constitutionnelle. Je pense que l'article intitulé, L'insupportable

9 légèreté de l'être anti-constitutionnel fait référence à la constitution et

10 au fait que cette constitution a été rédigée en seulement cinq jours,

11 quelque chose à quoi le témoin a répondu d'une certaine manière pendant sa

12 déposition.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, pourquoi dites-vous

14 que notre système est plus proche d'un système où qu'on vient d'établir la

15 vérité que de déterminer s'il y a ou quelles sont les preuves --

16 M. NICE : [interprétation] Parce qu'au terme du Règlement de preuve, il

17 apparaîtrait clairement que l'objectif c'est d'établir la vérité. Le mot de

18 "vérité" est opposé au terme de preuve dans le Règlement, ce qui est à la

19 base même du système contradictoire. Il apparaît clairement que les

20 éléments de preuve doivent être présentés pour établir la vérité.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [8interprétation] C'est le seul élément qui vous

22 permette d'en arriver à cette conclusion ?

23 M. NICE : [interprétation] Non. Mais je pense que c'est suffisant. Bien

24 entendu, la fonction qui consiste à chercher la vérité, comme cela est

25 d'ailleurs indiqué dans le Règlement, ne modifie pas la charge qui pèse sur

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1 l'Accusation et qui convient d'établir la preuve au-delà de tout doute

2 raisonnable. Etant donné que les arguments, les thèses de l'Accusation

3 reposent sur tous les éléments de preuve qui seront, en dernière analyse,

4 présentés à la Chambre de première instance, et étant donné que la Chambre

5 de première instance a le devoir aux termes du Règlement d'examiner les

6 éléments de preuve et d'en tirer des conclusions pour établir la vérité,

7 j'estime que ces éléments de preuve doivent être mis à la disposition de la

8 Chambre pour établir la vérité.

9 L'autre option, c'est que pour des éléments de preuve tels que celui-là, il

10 faudrait avoir une vue très formaliste de l'examen des éléments de preuve

11 au moment de la réplique, en examinant les éléments de preuve, point par

12 point, en y répliquant point par point. Mais je ne pense pas que ceci soit

13 souhaitable.

14 J'aimerais inviter les Juges de la Chambre à examiner les critiques émises

15 par Stefan Lilic qui appartient à la même université que le témoin, même

16 s'il n'appartient pas au même service, ou au même département, afin de

17 déterminer si ces éléments peuvent présenter un certain intérêt étant donné

18 que le contre-interrogatoire a été limité ou qu'on a été obligé de le

19 terminer de manière prématurée, enfin pas vraiment de manière prématurée,

20 mais il a fallu limiter le nombre de questions posées au témoin, étant

21 donné la façon dont le témoin a répondu aux questions.

22 Enfin il y a les autres articles que nous avons examinés hier. La pièce

23 823, l'article qui s'interroge sur la question de savoir si l'accusé était

24 en droit de postuler pour un troisième mandat. Cette pièce a déjà été

25 versée au dossier, l'Article 824, ou la pièce 824, qui a été également

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1 versée au dossier et présentée, ainsi que l'article extrêmement important

2 de Slobodan Samardzic que tout le monde a eu le temps de lire depuis un

3 certain temps. J'aimerais également que la Chambre puisse bénéficier de

4 l'examen de cet article et que ce soit considéré comme une pièce à

5 conviction, un élément de preuve.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

7 Maître Higgins.

8 Mme HIGGINS : [interprétation] Merci. Deux observations de nature générale

9 pour répondre à M. Nice. Ensuite, je vais passer en revue rapidement les

10 observations que j'ai à faire et les objections au sujet des documents du

11 MFI, qui ont été mentionnés.

12 Premièrement, au sujet des observations de nature générale faite par M.

13 Nice. Il dit que : l'espèce, la thèse, la nature du procès a été élargie

14 par l'accusé. Il vaudrait mieux dire qu'il s'agit là pour l'accusé

15 d'explorer cette affaire, tous les tenants et les aboutissants de cette

16 affaire, c'est ce qui est tout à fait acceptable de la part d'un accusé. A

17 mon avis, la façon la plus appropriée pour M. Nice d'explorer ou de traiter

18 les pièces à conviction et d'y réagir c'est ce qui est prévu par l'Article

19 85(A)(iii) du Règlement qui détermine la manière dont ce passe la réplique.

20 Bien entendu, c'est à l'Accusation de choisir la manière dont elle souhaite

21 mener sa réplique.

22 Maintenant, s'agissant des documents MFI. MFI 818, "Kosovo : Droits et

23 Politiques," deux observations. Comme l'a dit, M. le Juge Kwon tout à fait

24 justement, il s'agit là d'un ensemble de décisions et de lois

25 constitutionnelles sur lequel le témoin a fait un certain nombre de

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1 commentaires. Ce document n'a pas encore été versé au dossier, il s'agit

2 d'un document qui de manière générale qui n'a pas été officiellement

3 produit. On peut se demander pourquoi ? Parce que cela aurait pu déjà être

4 le cas pendant cette affaire.

5 Ce qui nous préoccupe également ce sont les commentaires politiques que

6 l'on trouve à la page 9 du document et auxquels a fait référence M. Nice,

7 lui-même. Voici mes observations. Si vous avez l'intention, Messieurs les

8 Juges, d'admettre ces documents, je pense qu'uniquement les documents

9 auxquels il a été fait référence doivent être versés au dossier. Je dispose

10 des pages précises des documents en question, si cela peut vous servir.

11 Maintenant, parlons de la pièce marquée aux fins d'identification, cotée

12 aux fins d'identification MFI, donc 819. L'article du Nacional, vous vous

13 souviendrez que pendant la déposition du témoin, Ratko Markovic, il a

14 refusé, il a repoussé la manière dont on avait présenté les réunions du

15 groupe de travail qui avaient eu lieu. Le Juge Robinson a évoqué

16 précédemment, la semaine dernière, la question de la manière dont il

17 fallait considérer cet article de journal. Ceci a été confirmé par le

18 témoin, confirmé par M. le Juge Bonomy qui s'interrogeait sur la raison

19 pour laquelle ces documents avaient été présentés à ce stade, rappelant que

20 le témoin avait refusé de reconnaître ce qui figure dans cet article.

21 S'agissant de l'article du Nacional, l'Accusation a reconnu la semaine

22 dernière qu'elle serait peut-être en mesure de répondre aux dires du témoin

23 d'une autre façon. Bien entendu, les questions de source des documents,

24 d'origine des documents sont essentielles aussi, ainsi que leur fiabilité.

25 M. Nice nous dit qu'il est absolument essentiel que la Chambre dispose de

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1 ces éléments. Or, moi, j'estime que la Chambre en dispose déjà, puisque les

2 observations lui ont été présentées et le témoin a fait ses commentaires à

3 leur sujet, et y a répondu, il est tout à fait inutile que cet article soit

4 versé au dossier en tant que pièce à conviction.

5 Deux autres questions que je vais traiter très rapidement. La pièce 822 qui

6 porte cette cote aux fins d'identification uniquement, l'article de

7 Kelmendi, un article qui vient du centre d'Information du Kosovo qui

8 s'intitule : Lois et actes judiciaires discriminatoires et

9 anticonstitutionnels au Kosovo.

10 M. Nice a posé plusieurs questions au sujet de ce document, il a demandé au

11 témoin de confirmer ce qui figurait dans le document. Le témoin s'est

12 inscrit en faux contre ce qui y figurait. Il a dit qu'il n'était pas

13 d'accord. Il n'a pas reconnu ce qui figurait dans ce document. Donc une

14 fois encore, c'est un article qui émane de quelqu'un qui n'est pas témoin

15 en l'espèce. C'est un article qui n'a pas été produit dans le cadre de la

16 présentation des moyens à charge. Je demanderais aux Juges de la Chambre,

17 si elle souhaite verser au dossier ce document, de prêter très attention à

18 ce qui figure dans le préambule dudit document.

19 Dernier document, article de Slobodan Samardzic. Une fois encore un

20 document qui a été rédigé par quelqu'un qui n'est pas un témoin en

21 l'espèce, que l'on n'a pas pu contre-interroger au sujet des prises de

22 position qui y sont prises au sujet de l'accusé et au sujet d'autres

23 personnes.

24 Deuxièmement, ce document n'a pas été produit pendant la présentation des

25 moyens à charge. C'est un document de nature générale sur le système

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1 constitutionnel de la RFY et on peut dire qu'il aurait pu être produit

2 précédemment.

3 M. Nice en a donné lecture de certains passages, mais j'estime que ceci

4 suffit, inutile de produire le document maintenant, inutile d'en faire une

5 pièce à conviction officielle de l'espèce.

6 Pour finir, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Nice nous dit

7 que la mission du Tribunal est d'établir la vérité. Ce qui nous fait poser

8 la question suivante : lorsque l'admission des éléments de preuve obéit aux

9 règles qui prévalent dans un système inquisitoire, la présentation des

10 éléments de preuve, et c'est peut-être le cas ici, il n'en reste pas moins

11 que la présentation des éléments de preuve ici obéit à un système

12 accusatoire où les parties ont l'obligation de contester les éléments de

13 preuve qu'elles n'acceptent pas, des éléments de preuve que l'accusé, lui-

14 même, a dû contester tous les éléments de preuve qui ont été présentés à

15 son encontre. Le principe général est que l'Accusation doit produire ses

16 propres éléments de preuve pendant la présentation des moyens à charge,

17 bien qu'il existe une disposition relative à la réplique qui lui permette

18 de présenter des éléments supplémentaires si elle l'estime nécessaire.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Higgins, est-ce que vous estimez

21 que l'admission de la version de la décision du Groupe de contact, et des

22 décisions de la cour constitutionnelle, au sujet de l'amendement récent

23 relatif au Kosovo sont acceptables ?

24 Mme HIGGINS : [interprétation] S'agissant du premier document, pas

25 d'observations. Peut-être faudrait-il demander à M. Milosevic ce qu'il en

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1 pense. Je n'ai pas d'observations à faire sur ce point.

2 Deuxième chose, s'agissant de l'article --

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Article portant cote 822.

4 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, c'est exact. L'article de Kelmendi.

5 Moi, je demande à ce que cet article ne soit pas versé au dossier. Parce

6 que ce qui m'inquiète ici, c'est que ces documents n'ont pas été produits

7 pendant la déposition du témoin. Ce témoin qui a une connaissance très

8 vaste en matière de droit constitutionnel n'a pas pu faire d'observations à

9 ce sujet. Je souhaiterais que la Chambre de première instance soit très

10 prudente dans ce sens, même si elle avait, à priori, l'intention de verser

11 au dossier l'article de Kelmendi.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Higgins.

13 Monsieur Milosevic.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que M. Nice a présenté tout un tas de

15 papiers absolument sans valeur. Vous allez certes décider comme bon vous

16 semblera conformément à la pratique qui est la vôtre, mais je veux formuler

17 certaines observations tout de même.

18 M. Nice est en train de parler d'une soi-disant décision de la cour

19 constitutionnelle du Kosovo. Cette décision de cette cour constitutionnelle

20 n'a jamais été adoptée, et le témoin l'a constaté. Ce que M. Nice a c'est

21 un projet de décision que certains membres de la cour constitutionnelle ont

22 élaboré. Tout comme il a existé un projet de décision de proclamation du

23 Kosovo pour en faire une république, et ainsi de suite. Mais cela n'a

24 aucune valeur. Alors si l'on insiste que vous teniez compte de tout ceci,

25 on peut parler d'un projet qui n'a jamais eu effet juridique. La chose est

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1 tout à fait claire partant de ce qui nous a été montré, partant de ce que

2 le témoin a dit.

3 Dans l'intérêt de la crédibilité du témoin, je crois qu'il nous mène à rien

4 de verser au dossier un article qui, comme l'a dit M. Nice, expose le

5 témoin à des critiques virulentes de la part d'un de ses collègues. On

6 mentionne M. Stefan Lilic, professeur à la faculté de droit. Vous

7 souviendrez je pense que le Pr Markovic, en raison des contraintes de

8 temps, n'a pas eu l'opportunité de dire quoi que ce soit en réponse à M.

9 Nice pour ce qui est de ces observations critiques. Il n'a pu dire quelque

10 chose qu'au sujet de cet article du Pr Samardzic, je suppose qu'il s'agit

11 du Pr Slobodan Samardzic, pour dire que celui-ci n'était pas un juriste.

12 Mais s'agissant de l'article où il aurait exposé à des critiques

13 virulentes, il n'a obtenu de la part de M. Nice aucune opportunité de dire

14 quoi que ce soit. Il n'a pas pu en dire quoi que ce soit, cela a, par

15 conséquent, une valeur nulle.

16 M. Nice affirme que quelqu'un a rédigé une constitution en cinq jours,

17 alors que c'est absurde. Parce que l'on oublie le fait qu'un groupe de

18 travail d'experts constitutionnels, a travaillé à la rédaction de ce projet

19 pendant cinq jours, à savoir une semaine de travail, ils se sont enfermés

20 en groupe pour travailler. Mais il a bien expliqué le témoin, il a quinze

21 années d'expérience, ou quinze années d'ancienneté pour pouvoir rédiger

22 cela aussi rapidement. Donc il faut avoir toute une toile de fond de

23 connaissances. Ce type de critiques est aberrant et il ne nous mène à rien

24 de débattre de ce type de chose.

25 J'estime que ces documents que M. Nice a accumulés n'ont qu'une seule

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1 fonction c'est d'amonceler la paperasserie, sans pour autant que cela ait

2 quelque valeur que ce soit. Aussi estimerais-je que les documents en

3 question ne devraient pas être versés au dossier.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Nice.

5 M. NICE : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'allez quand même pas nous

7 faire durer tout ceci.

8 M. NICE : [interprétation] Non, mais je tiens à dire que l'article du

9 Règlement auquel je me suis référé est le 90(F), où il est question des

10 modalités de l'interrogatoire du témoin et du contrôle à effectuer pour

11 l'établissement de la vérité; donc rendre l'interrogatoire et la

12 présentation d'éléments de preuve efficaces pour l'établissement de la

13 vérité, et éviter toute perte de temps inutile. Je crois que cela traduit

14 ce que j'ai avancé tout à l'heure.

15 Mis à part cela, je me réfère tout d'abord à cette disposition là,

16 pour ce qui de la présentation des éléments de preuve et de la collecte de

17 la documentation pour ce qui concerne le versement au dossier. Il importe

18 aussi de ne pas inutilement gaspiller notre temps.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je pense que le

20 90(F)(i) est tout à fait applicable pour ce qui est du droit germano-romain

21 et le système inquisitoire. Dans le système contradictoire, les éléments de

22 preuve sont présentés dans la recherche d'une vérité.

23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis me le

24 permettre, je tiens à dire que les conseils de la Défense, ne devraient pas

25 présenter des arguments techniques, parlant de ce système de présentation

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1 des éléments de preuve contradictoires, en demandant que certains documents

2 soient extraits des éléments de preuve.

3 Je tiens à dire qu'il vous appartient de vous pencher sur la question

4 de savoir si il conviendrait d'entendre un expert constitutionnel qui a

5 déjà été cité à la barre, à savoir le Dr Kristan.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais j'ai déjà décidé à

7 ce sujet.

8 M. NICE : [interprétation] Très bien.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous dire que vous pouvez

10 présenter, d'ici une semaine, une requête identifiant les domaines sur

11 lesquels vous souhaiteriez obtenir des éléments de preuve de la part du Dr

12 Kristan au cas où vous voudriez le reciter à comparaître et nous faire

13 savoir quand est-ce qu'il serait disponible pour témoigner.

14 M. NICE : [interprétation] Je vous suis reconnaissant, Monsieur le

15 Président. Je dois reconnaître que les conseils ou les avocats qui auraient

16 été à même de nous aider sont des avocats qui, pour des raisons variées,

17 n'ont pas voulu comparaître devant ce Tribunal. Nous ne savons pas si mis à

18 part le Dr Kristan d'autres témoins de cette nature auraient changé entre

19 temps d'avis, mais jusque là ils n'ont pas voulu comparaître et témoigner.

20 Mais nous allons faire notre possible pour que M. Kristan revienne

21 témoigner immédiatement.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, oui.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans la langue serbe on dit : "Les avocats qui

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1 n'ont pas voulu prendre part ou venir témoigner devant ce Tribunal," je

2 crois que dans la version anglaise, on dit les "juristes," il y a une

3 grande différence en langue serbe. Il est question ici : "Il y a

4 effectivement des juristes qui seraient à même de nous aider," et ainsi de

5 suite.

6 Il est question de "juristes," or un "avocat" c'est tout à fait autre

7 chose. Un avocat certes doit être juriste, mais en langue serbe, l'avocat

8 c'est quelqu'un qui représente autrui devant une Chambre, devant un

9 Tribunal, et non pas un juriste dans sa qualité d'expert. J'aimerais qu'en

10 langue serbe, on traduise les choses telles qu'elles sont, dites il est

11 question de juristes et non pas d'avocats ici.

12 Autre chose que j'ai omise. Tout à l'heure, M. Nice a mentionné dans ses

13 explications pour ce qui est de la pièce à conviction qui est une pièce à

14 conviction figurant à l'intercalaire 47, et que j'ai présenté moi-même, il

15 s'agit des principes énoncés par le Groupe de contact. Il le présente comme

16 si quelqu'un avait dissimulé une sorte de participation internationale à la

17 solution des problèmes au Kosovo. J'attire votre attention, sur le fait

18 qu'à l'intercalaire 47, vous avez en langue serbe et langue anglaise un

19 texte où sont énumérés, on dit : Eléments généraux, "General Elements,"

20 c'est l'intitulé. Dans le dernier de ces éléments, il y a dix alinéas

21 définis, on dit : "Implication internationale et pleine coopération des

22 parties à la mise en œuvre." C'est donc contenu dans les principes qui ont

23 été présentés au niveau de cet intercalaire 47. Il s'agissait d'une

24 délégation comme le témoin nous l'a d'ailleurs dit, lui-même, du

25 gouvernement de la République de Serbie qui a accepté les principes avancés

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1 par le Groupe de contact.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

3 Milosevic.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous rendrons une décision

6 concernant les pièces à conviction potentielles de l'Accusation et sera

7 rendue à titre ultérieur. S'agissant des pièces de la Défense, on attire

8 mon attention sur le fait que les intercalaires 9 et 12 de la pièce à

9 conviction de la Défense 271 ont été mentionnés mais qui n'ont pas encore

10 été versés au dossier. Par conséquent, nous allons verser au dossier les

11 intercalaires 9 et 12 de cette pièce 271.

12 Monsieur Milosevic, bien entendu le temps que nous avons consacré à ces

13 considérations ne sera pas compté dans le temps qui vous a été imparti.

14 Vous pouvez citer à comparaître votre témoin suivant à présent.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître le témoin Mitar Balevic.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais que le témoin nous donne

18 lecture de sa déclaration solennelle.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: MITAR BALEVIC [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

24 Monsieur Milosevic, veuillez commencer.

25 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Balevic.

2 R. Bonjour, Monsieur Milosevic. Bonjour, Monsieur le Président.

3 Q. Dites-nous d'où vous venez, où est-ce que vous êtes né, et où est-ce

4 que vous avez résidé pendant la plus grande partie de votre vie ?

5 R. Je suis né au Monténégro en 1929. Depuis l'âge de quatre ans, je suis

6 passé vivre dans la Metohija avec mes parents. Il s'agit d'un village de la

7 municipalité de Budisavci, municipalité de Pec. J'ai pratiquement passé

8 toute ma vie au Kosovo et Metohija jusqu'à notre expulsion en avril 1989.

9 Q. Quelle est votre profession ?

10 R. Je suis à la retraite mais j'ai travaillé dans les chemins de fer. Je

11 suis chemineau.

12 Je vais vous dire, que jusqu'à décembre -- de 1947 à 1973, j'ai

13 travaillé dans les chemins de fer. Ensuite, j'ai été exposé à des pressions

14 et je suis passé dans l'industrie Obud à Cetinje.

15 Q. Vous avez dit, je crois, 1987 ?

16 R. Oui. Je me suis trompé. 1977. J'ai fait un lapsus. Alors à la demande

17 des chemineaux en ma qualité d'expert je retourne au chemin de fer au mois

18 de mai. Entre-temps, j'ai été représentant des chemins de fer yougoslaves

19 en Bulgarie, à savoir, depuis la fin 1979 jusqu'à la fin 1984. A mon retour

20 de Bulgarie, je continue à travailler dans les chemins de fer en qualité de

21 conseiller du directeur des chemins de fer.

22 Q. Monsieur Balevic, vous n'avez pas à faire des pauses aussi longues.

23 R. Je n'entends rien du tout.

24 Q. Mais vous ne pouvez pas vous entendre vous-même et on n'a pas à vous

25 traduire quoi que ce soit, puisque vous allez, vous, entendre une

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1 traduction en serbe si quelqu'un parle une langue étrangère.

2 R. Merci. J'ai été ensuite secrétaire de la communauté d'intérêt des

3 chemins de fer à Pristina, et j'ai été mis à la retraite le 4 avril 1990 en

4 ma qualité de président de l'assemblée communale -- ou du comité municipal

5 à Kosovo Polje. Ensuite, j'ai continué en 1994 en qualité de volontaire

6 pour être secrétaire du comité municipal du SPS à Pristina.

7 Q. Je vois que vous avez été membre de la Ligue des Communistes de

8 Yougoslavie ?

9 R. J'ai été membre des jeunesses communistes depuis 1945, et en 1949, je

10 suis devenu membre de la Ligue des Communistes de Yougoslavie.

11 Q. Vous avez occupé des fonctions au sein du parti d'après ce que je crois

12 pouvoir voir dans cette petite biographie que vous avez fournie.

13 R. Oui, j'ai exercé pratiquement toutes les fonctions au sein du parti à

14 titre de non professionnel. J'ai été secrétaire membre du comité régional,

15 de la conférence régionale, et ainsi de suite.

16 Q. Monsieur Balevic, dans une phase de ce développement de la situation au

17 Kosovo dans le courant des années 1980, il a longuement été question de

18 l'auto-organisation des Serbes et des Monténégrins aux fins de s'opposer

19 aux pressions exercées à leur rencontre aux fins de les faire partir de là.

20 On sait bien que vous étiez engagé dans ce que l'on a qualifié d'auto-

21 organisation; est-ce exact ?

22 R. Oui, c'est exact. En raison de toute sorte de pression à l'encontre des

23 Serbes et des Monténégrins, et de cette terreur que nous avons subie, j'ai

24 participé à l'organisation de cette résistance au travers de différentes

25 formes, organisation de rassemblement, et participation à ces

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1 rassemblements pour résister à la terreur et pour faire en sorte que les

2 Serbes et les Monténégrins restent au Kosovo.

3 Q. Vous avez résidé de tout temps à Pristina et à Kosovo Polje, n'est-ce

4 pas ? Est-ce que j'ai bien compris ?

5 R. Oui, jusqu'en 1980. De 1961 à 1980, j'avais résidé à Kosovo Polje. A

6 partir de 1980, le 26 juin, j'ai dû quitter. Il y avait des pressions dans

7 cette localité pour aller vivre à Pristina.

8 Q. Compte tenu de vos expériences et compte tenu des fonctions que vous

9 avez exercées à Pristina et à Kosovo, compte tenu également de votre

10 engagement dont nous avons parlé tout à l'heure, peut-on dire que vous êtes

11 très bien informé de la totalité des événements de cette époque ?

12 R. Oui, absolument.

13 Q. Veuillez m'indiquer, à présent, à partir de quand, selon vous, je vous

14 parle de ce que vous en savez, vous, et non pas ce que dise les faits

15 historiques ou quelque chose d'autre. Donc vos connaissances disent quoi au

16 sujet du moment à partir duquel les souffrances des Serbes et Monténégrins

17 ont commencé au Kosovo ?

18 R. Les souffrances des Serbes et Monténégrins en Kosovo et Metohija,

19 d'après ce que j'en sais et d'après les informations que j'ai obtenues, et

20 quand j'ai pu le comprendre, et bien, cela date de 1941, pendant

21 l'occupation et pendant l'attaque lancée contre la Yougoslavie, à savoir,

22 le début de la Deuxième guerre mondiale. Bon nombre de Serbes et

23 Monténégrins ont dû quitter le Kosovo et Metohija à ce moment-là parce que

24 leurs maisons étaient incendiées. Ils ont été chassés. Il y a eu des gens

25 d'assassiner. Ce qui fait que cela a été une première forme de pression

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1 auquel j'ai assisté et dont j'ai eu vent. C'est ce que je puis vous

2 affirmer.

3 A ce moment-là, des dizaines de milliers de Serbes et Monténégrins

4 ont quitté le Kosovo et Metohija. Leurs maisons ont été incendiées. On a

5 mis le feu à tout ce qu'ils avaient de biens mobiliers et immobiliers. Les

6 biens mobiliers ont été pillés. Des dizaines de milliers ont quitté le

7 Kosovo et Metohija.

8 Par la suite, pendant la guerre, il a été emmené là un grand nombre

9 d'Albanais. Je crois que le chiffre dont j'ai entendu parler, on peut le

10 déterminer. Je crois que les données doivent exister. Il a été installé là

11 200 000 Albanais de l'Albanie sur le territoire de Kosovo et Metohija, et

12 ils sont emparés des terres qui ont été abandonnées par les Serbes.

13 A ce moment-là, au Kosovo et Metohija, il y avait des troupes

14 allemandes qui tenaient le nord du pays. Là, où je vivais dans le Metohija,

15 il y avait des Italiens qui, il est vrai à l'égard des Serbes, ont été

16 assez corrects, ont essayé de les protéger, alors que l'est et le sud du

17 territoire a été tenu par les Bulgares. C'était les autorités militaires.

18 Les autorités civiles c'étaient des Albanais.

19 Encouragés par leur nationalisme, cela s'est poursuivi après la guerre dès

20 1945. Je tiens à souligner que dans les renseignements officiels et dans

21 les documents officiels, il est bien dit que Dzafer Deva, le leader des

22 Albanais de Kosovska Mitrovica, a déclaré, à une assemblée quelconque : "La

23 liberté est là. La Yougoslavie n'existe plus. On crée une Grande Albanie.

24 Les Serbes doivent être expulsés des Balkans, voire liquidés."

25 Durant cette période de 1941 à 1944, il convient également de dire ce qui

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1 suit : c'est dans cette période qu'on a tué Boro et Ramiz en 1943. Cela se

2 trouvait être lié à la terreur exercée à l'encontre des Serbes. Ces deux là

3 se trouvaient dans un abri à Djakovica. Lorsque Tempo, Svetozar Vukmanovic,

4 Tempo les a appelés à aller à Prizren --

5 Q. Monsieur Balevic --

6 R. Je parle de cela en raison de la terreur exercée.

7 Q. Ecoutez, nous n'allons pas entrer dans tous ces détails. Ici peu de

8 personnes savent qui étaient Boro et Ramiz. L'un était Serbe et l'autre

9 était Albanais. Ils ont travaillé ensemble, et ils ont été tués ensemble

10 parce qu'ils s'entendaient très bien. Mais, allons de l'avant. Que s'est-il

11 passé par la suite, après la Deuxième guerre mondiale ? Avez-vous des

12 remarques à nous communiquer au sujet de ce qui s'est produit après la

13 Deuxième guerre mondiale ?

14 R. L'intensité de ce nationalisme albanais n'a fait que croître au fur et

15 à mesure. Dans les premières journées de l'après guerre, le moment le plus

16 pénible a été celui où la direction au sommet de la Yougoslavie, les

17 personnalités les plus éminentes ont pris la décision et adopté une loi

18 interdisant le retour des Serbes et des Monténégrins qui ont quitté le

19 Kosovo et Metohija pendant la guerre. Ils ont été aidés par la direction

20 yougoslave de façon consciente ou inconsciente, et cela a constitué une

21 décision catastrophique pour ce qui concerne les Serbes et les

22 Monténégrins. Ils sont allés vivre en pauvre diable en Serbie et au

23 Monténégro, et n'ont pas pu revenir chez eux. Cela a été l'un des éléments.

24 Ensuite, en 1966, pour ce qui nous concerne, nous, Serbes et Monténégrins,

25 nous communistes, il s'est tenu une fameuse réunion plénière, la quatrième

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1 réunion plénière où Rankovic a été expulsé du parti et révoqué de toutes

2 ses fonctions. Cela a constitué une rupture totale pour ce qui est du

3 système sécuritaire à l'égard des Serbes et Monténégrins au Kosovo et

4 Metohija.

5 Q. Merci, Monsieur Balevic.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation] Nous allons à présent accélérer un

7 peu les cadences pour ce qui est du temps dont nous disposons.

8 Q. Vous souvenez-vous, et je pense que vous devez certainement vous en

9 souvenir et si vous vous en souvenez, que savez-vous nous dire au sujet des

10 manifestations de 1968 ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas d'interprétation de ce

12 que vous venez de dire dans mes écouteurs. Est-ce que vous voulez

13 reprendre, Monsieur Milosevic ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Certainement.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Balevic, vous souvenez-vous des manifestations en 1968 ?

17 R. Oui, Monsieur le Président, je voulais seulement encore mentionner une

18 chose que je n'ai pas eu l'opportunité de mentionner. Pour les Serbes et

19 les Monténégrins, ce qui a été catastrophique, c'est la constitution qui a

20 été promulguée en 1974, au moment où la province du Kosovo est devenue plus

21 qu'autonome, et que la Serbie n'est devenue ni un état, ni une province.

22 Q. Mais je voudrais vous poser des questions au sujet des manifestations

23 de 1968. Soyez bref.

24 R. En 1968, il y a eu des premières manifestations qui avaient pour

25 objectif : une république au Kosovo en premier; et, ensuite, une sécession

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1 du Kosovo vis-à-vis de la Serbie.

2 Q. Mais qu'est-ce qui a conduit à ces manifestations de nationalisme et de

3 séparatisme des Albanais dont l'escalade s'est notamment faite en 1968 et

4 par la suite ?

5 R. L'objectif principal dans toutes ces manifestations a été celui de

6 faire en sorte que le Kosovo fasse sécession à l'égard de la Serbie. La

7 seule raison de ces manifestations était celle-là. Il n'y avait aucune

8 autre.

9 Q. Est-ce que ceci, à l'époque, a été dit de façon ouverte ou est-ce que

10 cela a été dissimulé ?

11 R. Notamment, en 1981, les manifestations ont été destructrices, et tout à

12 fait publiquement ils ont présenté leurs revendications, les Albanais.

13 Quand je dis Albanais, je ne parle pas nation albanaise, toute entière, je

14 ne parle pas de terroristes parmi la population toute entière. Il y a eu

15 des gens qui étaient des terroristes. Mais en 1988, il y a eu une brutalité

16 extraordinaire de ces manifestations, suite à quoi il y a eu intervention

17 de l'armée après demande de la direction de la province. Ils ont

18 ouvertement présenté des revendications aux fins de faire sécession vis-à-

19 vis de la Serbie et faire du Kosovo une république. Les Albanais jusque-là

20 avaient tous les droits.

21 Ils avaient une assemblée, un conseil exécutif, ils avaient une

22 présidence, ils avaient leur tribunal suprême, leur cour constitutionnel,

23 leur ministère de l'Intérieur, et une grande université, tout, sauf

24 l'armée, et l'armée, ils n'en avaient pas besoin.

25 Q. Mais, dites-moi : et ce que je vous demande de nous dire c'est

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1 uniquement le fruit de votre expérience personnelle, ainsi que ce que vous

2 savez personnellement. Quand avez-vous entendu pour la première fois

3 l'expression "un Kosovo ethniquement pur" ?

4 R. L'expression "un Kosovo ethniquement pur" survient un jour, mais il

5 faut rappeler que dans les années 50, il a beaucoup été question du Kosovo

6 ethniquement pur, et d'ailleurs le Kosovo est devenu ethniquement pur à

7 l'occasion du départ massif des Serbes, départ qui est devenu massif au

8 cours de la deuxième moitié des années 1960. C'est à ce départ massif, que

9 les démonstrations de 1968 avaient servi.

10 S'agissant du Kosovo ethniquement pur, j'en ai entendu parler au début des

11 années 1950 pour la première fois.

12 Q. Dites-moi, et je vous prie de ne pas perdre de vue, que je vous

13 interroge au sujet de votre expérience personnelle, donc de ce que vous

14 savez personnellement. Quelles sont les méthodes qui ont été utilisées pour

15 faire pression sur les Serbes, par les nationalistes albanais ? Quelles

16 étaient ces pressions ?

17 R. Malheureusement, les Albanais ont eu recours à toutes sortes de moyens

18 coercitifs et d'extorsion. Mais ces moyens se distinguaient quelque peu de

19 ceux qui avaient été utilisés pendant la Seconde guerre mondiale. Je suis

20 sûr qu'ils ont obtenu à ces fins un soutien de l'étranger, et ils ont

21 appliqué tous ces moyens, toutes ces méthodes contre les Serbes et les

22 Monténégrins. Ils ont tué, violé, mis le feu à des biens immobiliers,

23 confisqué des biens immobiliers, usurpé des propriétés, pillé, cambriolé et

24 commis toutes sortes d'exactions et de mauvais traitements.

25 Q. Fort bien. Donc ils ont utilisé tous les moyens à leur disposition.

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1 R. Oui, tous les moyens à leur disposition.

2 Q. Dites-moi, je vous prie, est-ce que vous avez des renseignements au

3 sujet de ce qui s'est passé dans les années 1980, 1990, je parle des

4 événements qui ont eu lieu dans cette période. Je vous demande si,

5 personnellement, vous avez été informé du fait que la patriarchie a été

6 incendiée le 16 mars 1981 ?

7 R. Oui, personnellement, je l'ai su. Je sais que des parties de ce

8 bâtiment de la patriarchie ont été incendiées. Je me suis rendu sur les

9 lieux à plusieurs reprises, et il en a beaucoup été question aux réunions

10 du parti, à savoir quel était le motif de tout cela, parce que les gens

11 recevaient toutes sortes de renseignements faux, selon lesquels ce sont les

12 Serbes du Kosovo et Metohija qui auraient commis cet acte. Ces

13 renseignements étaient mal intentionnés.

14 Q. Mais cela a été un signe pour eux qui les a poussés à partir, à quitter

15 leurs domiciles, et cetera. Beaucoup a été écrit au sujet de ces cas

16 individuels de meurtre et d'exaction. Je vous interroge maintenant au sujet

17 de ce qui a été écrit dans la presse, mais je vous demande si vous avez été

18 témoin oculaire, autrement dit si vous avez des connaissances personnelles

19 des événements qui ont eu lieu au Kosovo pendant cette période où plusieurs

20 personnes ont été tuées, ce qui a semé la consternation dans la

21 population ?

22 R. Monsieur le Président, il y a des affaires qui ont été mentionnées dans

23 la presse et qui ne pourront plus jamais se produire. Beaucoup de mal a été

24 fait à l'aide d'une bouteille cassée.

25 Q. Mais ne rentrons pas dans les détails.

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1 R. Fort bien. Mais je connais une affaire, un homme qui était à l'hôpital

2 pour une raison tout à fait autre, auquel certains sont venus rendre

3 visite. Il y avait le colonel Ivanovic qui lui a rendu visite. Pourquoi je

4 ne l'ai pas su au départ, je ne sais pas, mais plus tard j'ai appris qu'on

5 avait essayé de le convaincre qu'il n'avait subi qu'une blessure légère, or

6 ce n'était pas le cas, ce n'était pas un accident ou une blessure qu'il

7 s'était infligé lui-même, c'était un crime sans précédent. Je suis sûr que

8 des choses comme celle-ci n'auront plus lieu à l'avenir, c'était vraiment

9 terrible.

10 Q. Mais que savez-vous du meurtre de Miodrag Saric et de Danilo Milincic,

11 s'il vous plaît ?

12 R. Miodrag Saric a été tué sur le seuil de sa maison à Djakovica parce

13 qu'il était Serbe et pour aucune autre raison, parce qu'il ne voulait pas

14 quitter son village, et abandonner sa maison.

15 Q. Qui a fait des pressions sur lui ?

16 R. Des terroristes albanais. Quant à l'affaire de Milincic, je suis encore

17 plus au courant, parce que sa femme Radmila travaillait à l'école. Je l'ai

18 aidé à obtenir un poste d'institutrice, et elle a participé à la

19 manifestation du 24 avril à Kosovo Polje, au rassemblement public qui a eu

20 lieu. Cet homme a été tué sous les yeux de sa mère et avant cela son père

21 avait déjà été tué. L'auteur de ces actes n'a jamais été découvert, et nous

22 avons entendu dire qu'il avait été tué par Radmila. Lorsque l'auteur des

23 actes a été condamné, Radmila n'a même pas pu suivre le procès en langue

24 serbe. Voilà ce qui s'est passé là-bas.

25 Q. Je vais sauter maintenant un certain nombre d'événements qui, bien sûr,

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1 ont semé beaucoup de confusion et de trouble dans la population à l'époque,

2 tentative de viol sur la mère supérieure du monastère en 1976 dans les

3 locaux du monastère.

4 R. Lorsque Tatjana Todorovic a été violée, il y a d'abord eu agression

5 sexuelle, puis viol malheureusement. C'était des Albanais qui ont agi en

6 application d'un plan. Un grand nombre de Serbes et de Monténégrins ont

7 protesté. Mais si nous parlons de l'attaque sur Devic, sur le monastère de

8 Devic, je suis également au courant. La mère supérieure défendait ce lieu,

9 je me suis rendu sur les lieux, j'ai vu que la statue du saint patron avait

10 été détruite, en tout cas il lui manquait un bras et le monastère a été

11 endommagé à plusieurs reprises. Il avait été reconstruit au XIVe siècle et

12 90 % de la population était composée de Serbes à cette époque là, or depuis

13 le monastère a été rasé, cela a eu lieu l'année dernière.

14 Q. Fort bien. Tous ces événements survenus à l'époque sont en général

15 connus du public. Mais en tant qu'habitant du Kosovo et Metohija à l'époque

16 et plus précisément de Kosovo Polje, en tant que personne qui résidait à

17 Kosovo Polje, qui était au courant de tout ces événements, dites-moi ce qui

18 suit : les Albanais ont-ils commencé à manifester en masse en 1968 ou en

19 1981 ? Est-ce qu'ils ont lancé ces manifestations parce qu'ils avaient subi

20 des torts de quelque nature que ce soit ?

21 R. Non, j'ai dit qu'ils jouissaient de toutes sortes de droits, que l'ex-

22 Yougoslavie de l'époque leur accordait tous ces droits. C'était simplement

23 le problème de faire partir les Serbes et les Monténégrins qui les

24 motivait, pour avoir un Kosovo ethniquement pur qui pourrait devenir une

25 République, et cette République pourrait alors se joindre à l'Albanie. Il

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1 n'y a eu aucune injustice et en tant qu'habitant de Kosovo et Metohija,

2 j'avais moins de droits sur le plan social ou sur d'autre plan que les

3 Albanais, par exemple.

4 Q. Monsieur Balevic, je vais vous donner lecture du paragraphe 65 de

5 l'acte d'accusation sur le Kosovo, une partie de ce paragraphe en tout cas.

6 Il se lit comme suit : "Dans les années 1980, les Serbes se sont émus de

7 discriminations dont ils étaient victimes de la part des autorités

8 provinciales dominées par les Albanais du Kosovo. Tandis que ces derniers

9 s'inquiétaient du sous-développement économique de la province, et

10 revendiquaient une plus grande liberté politique, ainsi que le statut de

11 république pour le Kosovo. A partir de 1981, les Albanais du Kosovo ont

12 organisé des manifestations qui ont été réprimées par les forces armées de

13 la RSFY et la police serbe."

14 J'ai terminé la lecture de ce paragraphe et j'en arrive à la question que

15 je souhaitais vous poser en accord avec ce qui figure dans ce paragraphe, à

16 savoir est-ce que les Serbes ont subi des actes de discrimination comme

17 ceci est écrit dans ce paragraphe, et la terreur a-t-elle été utilisée à

18 leur encontre ?

19 R. Les Serbes n'ont pas seulement des actes de discrimination qu'ils

20 auraient peut-être pu supporter d'une façon ou d'une autre, mais une

21 véritable vague de terreur a été lancée tous azimuts contre eux pour les

22 faire partir.

23 Q. Fort bien. Mais soyons plus précis, lorsque vous dites toutes sortes de

24 méthodes de terreur, je vous pose la question suivante, est-ce que leur

25 survie physique était menacée dans ce cadre ?

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1 R. Absolument, parce qu'il y a eu meurtres, viols, il y a eu confiscations

2 de maison, et cetera.

3 Q. Fort bien. Nous avons tiré ce point au clair. Maintenant je vous dis ce

4 qui suit : il est question dans ce paragraphe de "sous-développement du

5 Kosovo," ce qui est vrai, le Kosovo était effectivement la région la moins

6 développée du pays. Qu'on fait les autres régions yougoslaves pour

7 accélérer le développement du Kosovo ? Parce que vous étiez fonctionnaire

8 des chemins de fer à l'époque, vous étiez représentant du parti, donc vous

9 étiez très bien informé sur ces questions. Dites-moi, d'abord si vous aviez

10 effectivement des connaissances à ce sujet ?

11 R. Oui.

12 Q. Quelles sont les mesures qui ont été appliquées ?

13 R. J'aimerais m'expliquer un peu plus longuement sur ce point. Sur le plan

14 financier, donc sur un plan chiffré, des sommes ont été investies, je ne

15 saurais vous dire exactement le montant de ces sommes, mais je peux vous

16 dire ce qui suit : qu'après la guerre des constructions ont été érigées au

17 Kosovo qui n'existaient pas avant la guerre. Je ne citerai certainement pas

18 tout ce qui a été fait, mais j'aimerais donner quelques exemples importants

19 de construction qui montrent combien la Yougoslavie de Tito a donné de

20 droits aux Albanais du Kosovo et Metohija.

21 A Kosovska Mitrovica, il y avait une usine de métallurgie. Il y avait

22 également deux centrales électriques construites à Obilic. Et puis, une

23 usine de production générale; une grande usine de cuir; une sucrerie; une

24 brasserie; une usine textile; une grande usine à Urosevac, une usine de

25 câbles; une usine de munition en Serbie dans la municipalité de Drenica;

Page 35623

1 une usine de transformation de produits alimentaires à Kosovo Polje; une

2 usine d'huile à Urosevac. Voilà simplement quelques exemples de tout ce qui

3 a été construit dans la région et ce qui prouve que la Yougoslavie a

4 investi d'énormes moyens dans la province du Kosovo. Il n'est pas juste de

5 dire que les Albanais étaient maintenus dans une situation arriérée ou

6 désavantagée sur le plan économique.

7 Q. Qu'en est-il des Albanais du Kosovo et Metohija ? Etaient-ils plus

8 pauvres que les Serbes au Kosovo et Metohija ? Est-ce qu'ils avaient des

9 raisons de mécontentements particuliers ?

10 R. Non, tout à fait le contraire. Les capitaux du Kosovo et Metohija

11 étaient en grande partie dans les mains des Albanais. Les Serbes étaient

12 plus pauvres, ils ont abandonné le Kosovo au cours de la Seconde guerre

13 mondiale, certains ne sont même jamais revenus en raison des souffrances

14 qu'ils y avaient vécues. Ils n'étaient plus riches que les Albanais, ils

15 étaient plus pauvres, à part quelques exceptions, bien entendu.

16 Q. Merci, Monsieur Balevic. Autre chose maintenant, par rapport à ce que

17 j'ai dit, il y a un instant, lorsqu'il est question dans cette citation des

18 forces militaires et policières de Serbie. Et bien, ces forces ont-elles

19 participé à la répression des manifestations d'une façon ou d'une autre ou,

20 en tout cas, est-ce qu'elles auraient pu réprimer ces manifestations ?

21 R. L'armée a participé, mais je répète qu'elle l'a fait à la demande du

22 gouvernement provincial. Par ailleurs, les forces policières de Serbie à

23 l'époque n'avaient pas le droit d'intervenir au Kosovo et Metohija. Une

24 déclaration officielle existe qui a été faite par M. le Ministre Lalovic

25 indiquant que les forces de réserve avaient été mobilisées trois fois et

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1 qu'elles étaient en attente de départ trois fois non loin du Kosovo, mais

2 qu'elles n'ont pas été autorisées à pénétrer au Kosovo. Elles n'avaient pas

3 le droit d'y pénétrer en l'absence d'un ordre de la présidence. Lorsque les

4 forces de la RSFY ont été constituées, les forces de police serbes qui

5 existaient comme des forces de police existaient dans chacune des

6 républiques, ont été chargées de faire respecter le droit et l'ordre et de

7 ramener le droit et l'ordre au Kosovo.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Balevic, vous nous l'avez

9 sans doute déjà dit, mais au cours de ces événements, où vous trouviez-vous

10 et quelle était votre activité dans les années 1980 ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans les années 1980, comme je l'ai déjà dit,

12 ou plutôt à la fin 1979 et jusqu'à la fin de 1984, j'étais représentant en

13 Bulgarie de l'entreprise des chemins de fer. Mais tous les 15 jours, je

14 rentrais à Pristina. Ma famille vivait toujours à Pristina à cette époque,

15 si c'est bien l'époque qui vous intéresse. Tout ce qui s'est passé avant et

16 après, et bien, j'en ai été témoin puisque je vivais à ce moment-là à

17 Pristina au Kosovo. J'ai reçu des renseignements très dignes de confiance

18 même dans la période où je n'étais pas présent au Kosovo et Metohija sur

19 tout ce qui s'y passait.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Très bien. Résumons et soyons plus précis. Etiez-vous sur les lieux

23 lorsqu'une manifestation a eu lieu en 1981 ? Parce qu'en 1981, vous étiez

24 représentant des chemins de fer en Bulgarie.

25 R. Monsieur le Président, j'ai été invité par ma famille, à savoir par mon

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1 épouse et par mon fils Nebojsa, à rentrer d'urgence à Pristina parce que le

2 chaos régnait et ma famille se sentait menacer. On m'a demandé de rentrer

3 très rapidement parce que ma famille m'a dit ne pas savoir quoi faire. Je

4 suis rentré le même jour des manifestations. J'ai eu beaucoup de

5 difficultés d'ailleurs à regagner mon pays et l'endroit où je réside à

6 Merdare parce que la police avait envahi les rues et Podujevo, à l'époque,

7 fourmillait de policiers, donc j'ai eu beaucoup de mal à rentrer. Je suis

8 passé non loin du centre ville mais j'ai utilisé la voie ferrée pour

9 atteindre mon domicile, donc j'ai pu poursuivre mon chemin. Je n'étais pas

10 exactement à l'endroit où les manifestations se déroulaient, mais j'étais

11 tout près de ce secteur et j'ai pu voir ce qui s'est passé.

12 Des manifestations visant la destruction ont eu lieu et, d'ailleurs, pas

13 mal de dégâts ont été causés.

14 Q. Pouvez-vous nous parler de certaines provocations qui ont eu lieu, par

15 exemple, la grève des mineurs, ou la manifestation des casseroles pendant

16 laquelle les manifestants tapaient sur des casseroles et toutes sortes

17 d'ustensiles pour détériorer le climat au Kosovo et Metohija.

18 R. Les séparatistes albanais aidés par des dirigeants albanais ailleurs

19 ont utilisé toute sorte de provocations pour attirer l'attention de

20 l'opinion publique internationale sur les injustices alléguées qu'ils

21 subissaient et exercer des pressions sur les Serbes pour les faire partir

22 du Kosovo et Metohija. Je parlerais, par exemple, des étudiants qui ont

23 empoisonné des produits alimentaires pour empoisonner les enfants. Ceci

24 s'est passé à cette époque. Tout cela c'était tout à fait ridicule parce

25 qu'on ne peut pas empoisonner quelqu'un à partir de son appartenance

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1 ethnique. Je parlerais de cette histoire de l'école de Pristina où un

2 certain Miletic, assistant du professeur est censé avoir empoisonné toute

3 une classe d'enfants albanais. Les enfants ont quitté la classe,

4 l'institutrice se tenait devant eux, elle leur a dit de ne pas partir, et

5 elle a fait entrer des enfants serbes dans la classe dans laquelle les

6 enfants albanais étaient censés avoir été empoisonnés. Voilà ce qui se

7 racontait, c'était complètement ridicule.

8 Q. Qu'est-ce qui a été raconté ? Est-ce qu'il a été dit que des gaz

9 avaient été utilisés, des gaz avaient été diffusés dans la salle de

10 classe ?

11 R. Oui. Mais des experts internationaux sont venus au Kosovo pour établir

12 que rien de tel n'avait existé, il n'y avait pas eu de diffusion de gaz,

13 pas d'empoisonnement. Tout cela n'était qu'une série de mensonges créés de

14 toute pièce pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale

15 sur une prétendue terreur exercée sur les Albanais.

16 En deuxième lieu, allumer des bougies n'est pas une habitude albanaise,

17 mais le vœu qu'ils avaient c'était de flatter le catholicisme et d'attirer

18 encore une fois l'attention de tous les catholiques pour obtenir un

19 soutien.

20 Dans cette période, des masses, des gens en grand nombre manifestaient en

21 procession dans les rues, des processions de femmes et d'enfants. Fadil

22 Hoxha et d'autres dirigeants albanais étaient à leur côté, des hommes qui

23 occupaient des postes importants dans la Yougoslavie de l'époque et qui

24 défendaient des slogans comme OTAN --

25 Q. De quelle période parlez-vous ?

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1 R. Jusqu'à 1998, parce que c'est à ce moment-là que ces mensonges créés de

2 toute pièce ont été médiatisés largement. Puis, il y a eu la manifestation

3 des casseroles.

4 Q. Avançons. Nous en sommes à 1998, nous n'aurons pas le temps de revenir

5 sur ces événements que vous avez déjà expliqués.

6 R. J'aimerais ajouter simplement une chose suite à votre question. A la

7 fin des années 1980, les Albanais ont quitté en masse leurs emplois pour

8 apporter la preuve qu'ils subissaient des injustices et convaincre la

9 communauté internationale. Ils ont même exigé que des décisions de mise à

10 pied soient mises noir sur blanc de façon à leur permettre de produire un

11 document officiel devant le public international. J'ai déjà parlé de la

12 grève des mineurs à Kosovska Mitrovica, qui a été orchestrée du début à la

13 fin. C'est le secrétaire du Parti communiste, Stipe Suvar, qui est allé au

14 fond des puits pour rendre visite aux mineurs et leur a dit, Ecoutez, ne me

15 regardez pas comme ça. Vous n'êtes pas de pauvres mineurs. Si, il y avait

16 d'avantage de civiles que de mineurs au fond à ce moment là.

17 Q. Suite à toute cette manifestation de 1980, est-ce que l'exode des

18 Serbes et des Montenegrins du Kosovo s'est intensifié ?

19 R. Oui, tout à fait. Il a atteint un point culminant entre 1980 et 1989,

20 20 000 Serbes et Monténégrins ont quitté le Kosovo.

21 Q. Mais, vous aviez un poste important au chemin de fer, n'est-ce pas, qui

22 est une des entreprises de transport la plus importante du Kosovo. Le

23 chemin de fer partait de Pristina à l'époque, et existait depuis de

24 nombreuses années. Quelle est l'expérience que vous avez vécue s'agissant

25 de ces pressions, de ces harcèlements, et notamment, sur le plan

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1 professionnel au sein de la société de chemin de fer ?

2 R. J'avais l'un des postes les plus importants de la société. Nous avons

3 vécu les mêmes abus, les mêmes exactions, les mêmes pressions que celles

4 qui étaient exercées contre les matérielles, c'est-à-dire, contre les

5 lignes. Les gens me plaçaient toutes sortes d'objets sur les railles, et

6 ils jetaient des objets sur les conducteurs qui conduisaient les trains.

7 Ils empêchaient et sabotaient la construction des ponts. Ils coupaient les

8 lignes téléphoniques et les lignes de transmissions.

9 J'ai écrit un document tout à fait officiel qui contient d'avantage de

10 détail de ce que je peux dire ici rapidement. J'ai soumis ce document au

11 ministre de l'Intérieur à l'époque. Plus tard, il a été publié, parce qu'un

12 certain M. Kordic, auteur, écrivain très connu, m'a rendu visite, et je lui

13 ai dit qu'il faillait qu'il soit très prudent, d'ailleurs tant lui que moi

14 pouvions vivre des choses très désagréables s'il publiait des

15 renseignements trop détaillés. Il a écrit un livre, ce M. Barjaktarevic,

16 qui renferme tout ces renseignements. Je prends d'ailleurs que ce livre a

17 été versé au dossier en tant que pièce à conviction dans la présente

18 affaire.

19 La sécurité des chemins de fer a été mise en danger, pour dire les choses

20 en quelques mots.

21 Q. Que se passait-il dans la même période dans un domaine un peu différent

22 s'agissant des monuments culturels, notamment des cimetières Serbes ou

23 Chrétiens de façon plus générale ? Nous avons les exemples de Bresje, Cabas

24 [phon], Pod Vitija, Vucitrn qui ont déjà été cités ici ?

25 R. Bresje faisait partie de ma communauté locale. J'étais président d'un

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1 comité provincial au niveau de la région. Je suis allé sur place le

2 lendemain de l'incident. Les photographies qui étaient apposées sur les

3 stèles mortuaires avaient été grattées, éraflées, abîmées et profanées. Je

4 me suis aussi rendu sur la tombe de bébés qui avaient été enterrés peu de

5 temps avant et dont les corps avaient été exhumés et toutes sortes

6 d'inscriptions étaient présentes sur les tombes. Cela a fait couler

7 beaucoup d'encre dans les médias. Donc, je me suis rendu sur place

8 personnellement.

9 Quant aux autres incidents, ils ont également été confirmés lors du

10 rassemblement public de Kosovo Polje le 24 et 25 avril. Vous en trouverez

11 mention dans le livre.

12 Q. Que savez-vous des expulsions sous la contrainte et des confiscations

13 de biens immobiliers ?

14 R. J'ai un ami, M. Cubranovic, qui travaillait avec moi à l'entreprise de

15 chemin de fer. Il était originaire de Pec et vivait dans le village de Guca

16 Gora. Sa terre lui a été confisquée, autrement dit, usurpée sous la

17 contrainte, et d'autres personnes ont commencé à labourer sa terre sans

18 qu'il soit d'accord. Une fois que l'auteur de cet acte a été condamné à 10

19 jours de prison, il a refait ensuite la même chose et rien n'a été

20 entrepris contre lui.

21 Q. Vous avez dit 10 jours en prison ?

22 R. Oui, c'est la peine maximale lorsqu'on confisque ou squatte la terre de

23 quelqu'un d'autre.

24 Q. Que savez-vous des vergers et des moissons qui ont été incendiés ?

25 R. Toutes sortes de choses ont été dites au sujet des moissons incendiées,

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1 des champs de blés, et d'autres produits qui ont été incendiés. Je ne

2 saurais dire avec une absolue certitude que tout cela a réellement eu lieu.

3 Q. Avez-vous des renseignements au sujet de la politique de l'emploi au

4 Kosovo dans toutes ces décennies. Ce que l'on appelait le principe de

5 proportionnalité nationale ou ethnique était-il en vigueur à l'époque ?

6 R. La politique de l'emploi donnait un avantage écrasant aux Albanais du

7 Kosovo-Metohija qui représentait la majorité écrasante de la population à

8 l'époque. C'était un rapport de 6 à 1 ou même de 7 à 1 entre eux et les

9 autres groupes ethniques. Dans chaque unité de travail associé, on trouvait

10 6 ou 7 Albanais contre 1 Serbe. Les Serbes devaient attendre beaucoup plus

11 longtemps pour obtenir un emploi que les Albanais. C'est d'ailleurs une des

12 raisons qui les a poussés à partir.

13 Q. Fort bien, Monsieur Balevic. Si je vous ai bien compris, la

14 qualification, les compétences, le niveau de diplôme importait peu, la

15 formation qu'on avait reçu pour exercer tel ou tel poste importait peu, la

16 seule chose qui importait c'était l'appartenance ethnique de façon à ce que

17 ce principe de la représentation ethnique soit respecté, ou est-ce que je

18 vous ai mal compris ?

19 R. Non, non, vous ne m'avez pas mal compris. Dans de nombreux cas, les

20 Albanais étaient finalement engagés, alors que parfois ils étaient moins

21 formés, moins qualifiés que les candidats Serbes pour un même poste. Même

22 l'équipe de football, qui était qualifié de Serbes, devait engager un

23 joueur albanais pour que la situation soit viable.

24 Q. Fort bien. Est-ce que vous avez une connaissance personnelle de la

25 façon dont les immigrants d'Albanie étaient traités à l'époque ?

Page 35631

1 R. Ils étaient tout à fait les bienvenues. Ils étaient accueillis. Je ne

2 pense pas que l'on peut les appeler des réfugiés. C'était en fait un

3 mouvement organisé en provenance de l'Albanie, dirigé par Enver Hodza. Ils

4 arrivaient au bord de leurs tracteurs avec leurs bêtes et tout leurs

5 bagages, accompagnés des autres membres de leurs familles. On leur donnait

6 de la terre, mais lorsqu'il n'y avait pas de terre disponible, on utilisait

7 le budget de l'Etat pour leur donner des indemnités, tout cela au détriment

8 des Serbes et des Monténégrins.

9 Q. En Pristina, est-ce qu'il y avait une université, c'est la ville dans

10 laquelle vous habitiez, où les immigrants Albanais en provenance d'Albanie

11 ont obtenu des postes, pas en tant qu'étudiants mais en tant qu'assistants

12 ou professeurs.

13 R. Oui. De nombreux Albanais ont été traités en tant que réfugiés

14 privilégiés, alors qu'en fait ils n'avaient pas été recrutés par

15 l'université de Pristina. Des professeurs albanais comme Qosha et d'autres

16 disaient qu'ils avaient des qualifications bien inférieures aux diplômés de

17 l'université de Pristina. Ils ont été engagés néanmoins, mais c'était

18 simplement pour qu'ils aient un emploi. Ils ont été engagés pour que les

19 jeunes albanais soient endoctrinés et aient des opinions négatives par

20 rapport aux Serbes et aux Monténégrins du Kosovo.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser pour cette

22 interruption, mais l'heure est arrivée de la pause. Donc, 20 minutes de

23 suspension.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

Page 35632

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

2 poursuivre.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Balevic, vous souvenez-vous comment les recensements se

5 déroulaient au Kosovo et Metohija, comment les Rom, les Gorani, les

6 Musulmans étaient pris en compte et traités ?

7 R. Monsieur le Président Milosevic, le recensement de 1971 et celui de

8 1991 étaient des faux. Ainsi, par exemple, dans la municipalité de Glina,

9 où il y avait 300 maisons de Rom, le recensement n'en a fait apparaître

10 aucun, même chose pour le recensement des Gorani et des autres. Ces

11 exemples particuliers nous prouvent que les recensements se déroulaient de

12 manière à augmenter artificiellement le nombre d'habitants albanais par

13 rapport aux habitants serbes et autres.

14 Q. Nous dites-vous que les Rom, les Gorani et autres étaient décomptés

15 comme des Albanais pendant ces recensements ?

16 R. Oui, tout à fait, afin de remettre en cause la structure ethnique du

17 Kosovo et Metohija au bénéfice des Albanais et au détriment des Serbes, des

18 Monténégrins, et des autres.

19 Q. Que savez-vous des pressions que l'on a exercées sur les non-Albanais

20 dans les entreprises et les sociétés diverses ?

21 R. Toutes sortes de pressions, de toute manière, de toute sorte, se sont

22 manifestées dans le cadre de l'administration et de la bureaucratie

23 bilingue. Par exemple, des décisions ou des documents étaient délivrés,

24 remis à des Serbes en albanais, langue qu'ils ne pouvaient pas lire. Lors

25 de réunions, on utilisait souvent uniquement la langue albanaise. Parfois

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1 l'interprétation était assurée, parfois non. Ce que l'on disait par là aux

2 Serbes, mais "qu'est-ce que vous avez à faire ici ? Il faut que vous

3 partiez."

4 Q. Est-ce que les Serbes, les Monténégrins, et les autres habitants qui

5 étaient non-albanais bénéficiaient de traitement semblable dans les

6 institutions médicales ? Est-ce qu'ils pouvaient se sentir en toute

7 sécurité ?

8 R. Malheureusement, non, et je peux vous donner un exemple sur ce point.

9 Dans la maternité de Pristina, qui était dirigée par

10 Mme Mekuli, l'épouse de M. Mekuli, un auteur albanais très connu, dans

11 cette maternité des nouveaux nés des Serbes et Monténégrins sont morts en

12 très grand nombre après avoir été mis au monde, parce que les mères

13 monténégrines et serbes étaient contraintes de partir en plein travail vers

14 des villes environnantes, telles que Skopje, Prokuplje, Nis, et autres. La

15 directrice de la maternité se comportait de telle manière que, un exemple

16 va vous le montrer, les Serbes et les Monténégrines avaient toute raison de

17 douter de son respect de la déontologie.

18 Au cours des manifestations de 1980, lorsqu'il y a eu des personnes

19 qui ont été blessées, elle leur a dit en les rencontrant, "Félicitations

20 pour vos blessures. Vous êtes des héros." Etant donné que l'on s'est rendu

21 compte qu'il était dangereux d'envoyer des femmes pour accoucher dans cette

22 maternité, on a décidé de construire une autre maternité à Kosovo Polje en

23 1987. Cependant, une fois que cette maternité a été construite, et qu'elle

24 a été inaugurée en grande pompe par le ministre Todorovic, on lui a

25 finalement affecté une toute autre fonction. Cela n'a jamais été utilisé

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1 comme maternité.

2 Q. Kosovo Polje, c'est une des rares localités qui soit complètement

3 serbe, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. A Kosovo Polje, quel était le pourcentage des Serbes ?

6 R. A l'époque, il y avait plus de 60 % de Serbes à Kosovo Polje, et à

7 Dobri Dug, Nakarade, et cetera, il y avait des Albanais. Mais plus de 60 %

8 des résidents de Kosovo Polje étaient serbes.

9 Q. Quelle était la politique en matière de personnel à Kosovo Polje,

10 maintenant que nous parlions de votre municipalité ?

11 R. Monsieur le Président, malheureusement, la politique en matière

12 d'emploi, en matière de personnel était contraire à la composition ethnique

13 de Kosovo Polje. Un exemple, le directeur de l'abattoir était Avdi Musa, un

14 Albanais de Podujevo, à quelque 40 kilomètres de Kosovo Polje. Quand il a

15 été nommé à ce poste, il a fait venir avec lui quelque 40 employés albanais

16 qui sont venus travailler dans l'usine afin de modifier la composition

17 ethnique du personnel. Le directeur de la ferme bétaillère, de l'élevage de

18 bétail, lui aussi, était albanais.

19 Il y avait un autre directeur d'usine qui était de Pec. Je ne me souviens

20 plus de son nom. Le directeur de Zitopromet était Esmeti Fablia [phon],

21 c'était aussi un Albanais, et puis Feta Gravci [phon], c'est celui dont je

22 ne parvenais pas à me souvenir du nom il y a quelques instants. Le

23 directeur de ZTP a d'abord été Zenum Beqaj, un Albanais, avant d'être

24 remplacé par Xheladin Sahiti, lui aussi Albanais. Si bien que la plupart

25 des entreprises à caractère industriel à l'exception de l'élevage de porcs

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1 qui était dirigé par un Serbe, parce que les Albanais se refusaient à

2 occuper ce poste, la plupart des entreprises étaient dirigées par des

3 Albanais.

4 Q. Mais qu'en est-il des toponymes, de l'utilisation de l'alphabet

5 cyrillique dans les toponymes ?

6 R. Plusieurs demandes ont été faites à cet égard, plusieurs revendications

7 par les nationalistes albanais. Afin de faire en sorte que les églises

8 soient désignées de la même façon que les mosquées, on a modifié sur tout

9 le territoire de Kosovo Polje certains noms. Urosevac s'appelait Ferizaj;

10 Dobra Voda s'appelait Ujmiri; Kosovo Polje, Fushe Kosova; et ce qui est

11 intéressant de constater c'est qu'il y a eu un débat sur le nom qui devait

12 être placé en premier, le nom albanais ou le nom serbe. Ils ont demandé à

13 ce que ce soit le nom albanais qui figure en premier puisque les Albanais

14 étaient en majorité au Kosovo et Metohija. Mais les Serbes s'y sont refusés

15 et ils ont adopté le principe de l'horizontalité, ce qui n'était pas très

16 facile d'ailleurs à mettre en œuvre. Donc une situation très mixte.

17 Q. Est-ce que les autorités du Kosovo et Metohija ont montré une certaine

18 détermination à empêcher les actes de terreur contre les Serbes, les

19 Monténégrins et les autres non-Albanais ? Je vous demande cela en tant que

20 responsable à l'époque. Est-ce qu'ils ont essayé de mettre un terme aux

21 pressions qui s'exerçaient sur tout ces gens pour qu'ils s'en aillent ?

22 R. Monsieur le Président, si les dirigeants de l'Etat et les dirigeants du

23 parti du Kosovo et Metohija avaient souhaité prévenir tout ce qui se

24 passait, il n'aurait pas eu d'exode des Serbes, des Monténégrins et des

25 autres résidents.

Page 35636

1 Q. Est-ce que les organes de l'Etat et du parti ont condamné les actes de

2 terreur qui visaient les Serbes, les Monténégrins et les autres habitants

3 non-albanais du Kosovo ?

4 R. Certains dirigeants ont condamné verbalement ces actes. Mais pour vous

5 montrer la vigueur de ces condamnations, il faut savoir que ces gens,

6 d'autre part, ont soutenu l'adoption de la loi interdisant le retour des

7 Serbes et des Monténégrins. Ils ont autorisé le changement du nom de Kosovo

8 et Metohija en Kosovo. Ils ont soutenu la constitution de 1974,

9 l'introduction du drapeau albanais, et cetera. De toutes ces façons, ils

10 ont manifesté leur soutien à ce qui se passait.

11 Q. Bien. Vous, en tant que Serbe du Kosovo et Metohija, est-ce que vous

12 gardiez à l'esprit le fait que la République de Serbie avait des

13 obligations aux termes de la constitution --

14 L'INTERPRÈTE : Le micro s'est éteint.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, on vous demande

16 de répéter votre question puisque votre micro s'est éteint.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je vois que mon micro s'est rallumé.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Bien. Monsieur, vous étiez un Monténégrin qui habitait au Kosovo et

20 Metohija. Saviez-vous que la République de Serbie avait, aux termes de la

21 constitution, l'obligation de garantir vos droits et vos libertés parce que

22 vous étiez un citoyen serbe ?

23 R. Comme cela était prévu par la constitution, la Serbie était censée

24 intervenir. Cependant son pouvoir était limité. Malgré tout, la Serbie

25 aurait pu intervenir aux moyens des organes provinciaux et fédéraux.

Page 35637

1 Cependant, son pouvoir constitutionnel était limité.

2 Q. Ce que je vous demande c'est si vous en avez conscience ? Saviez-vous

3 que la Serbie n'avait aucune autorité judiciaire ni exécutive au Kosovo ?

4 R. Oui, nous le savions. Nous savions que la Serbie ne disposait pas de

5 ces pouvoirs dans la province, mais les Serbes et les Monténégrins

6 s'attendaient et espéraient que la Serbie allait faire quelque chose pour

7 sauver ce qui pouvait être encore sauver au Kosovo et Metohija.

8 Q. Veuillez nous expliquer comment il se fait que les Serbes et les

9 Monténégrins se soient organisés eux-mêmes au Kosovo et Metohija ?

10 R. Cela a commencé avec des réunions à Kosovo Polje, Vucitrn, Pec,

11 Gnjilane, Gracanica en 1981 et en 1983. Dans tout le Kosovo, il y a eu des

12 réunions.

13 Avec des nombreuses délégations qui ont pris contact avec les organes

14 fédéraux, qui ont accepté de les rencontrer. On peut parler d'un mouvement

15 de masse de la part des Serbes et des Monténégrins du Kosovo qui

16 cherchaient à trouver une solution à leurs difficultés et qui voulaient que

17 les Serbes et les Monténégrins au Kosovo vivent en sécurité.

18 Q. Vous dites que vous êtes allé vous entretenir avec des responsables de

19 haut niveau. Pouvez-vous nous dire au niveau fédéral, au niveau de la

20 république et au niveau de la province, quels hommes politiques ont

21 rencontré ces délégations de Serbes et de Monténégrins

22 du Kosovo et Metohija ?

23 R. Je crois que la première délégation est allée voir Nikola Ljubicic qui,

24 à l'époque, était président de la présidence. Je crois qu'on pourrait

25 trouver la date si cela est nécessaire. Une délégation de Serbes et de

Page 35638

1 Monténégrins est allée le voir. Il les a accueillis de manière un peu

2 fraîche. Ils auraient mieux valu qu'ils n'aillent pas le voir parce qu'il a

3 montré une absence totale de compréhension pour les problèmes des Serbes et

4 des Monténégrins.

5 La deuxième délégation qui n'était pas vraiment une délégation mais plutôt

6 un rassemblement très important a été voir Bozo Markovic à l'assemblée.

7 Là, ils ont rencontré Ilijaz Kurteshi, qui était président de l'assemblée

8 fédérale. Ils ne voulaient pas lui parler, ceci avec de bonnes raisons,

9 parce que c'était justement les dirigeants albanais qui les avaient

10 expulsés du Kosovo.

11 Je crois qu'ils ont rencontré Bogdan Trifunovic, ainsi qu'une autre

12 personne, ainsi qu'un dénommé Lazar Mojsov. Bozo Markovic leur a dit :

13 "Vous ne pouvez pas diriger ou régir ces personnes. C'est moi qui doit le

14 faire." C'est à ce moment-là qu'on a prononcé la fameuse phrase, "Vos

15 enfants dorment en paix. Je veux que mes enfants puissent aussi dormir en

16 paix la nuit."

17 Lazar Mojsov leur a assuré que l'on ne toucherait à un cheveu de leurs

18 enfants. Quand les Serbes et les Monténégrins sont retournés au Kosovo les

19 actes de terreur ont continué en dépit des assurances données par Lazar

20 Mojsov.

21 Q. Avez-vous des exemples de ce que vous venez de dire ?

22 R. Oui, ils sont allés voir le patriarche German, qui a manifesté beaucoup

23 de compréhension pour leur cause. Ils lui ont demandé sa bénédiction. Ils

24 sont allés voir Dusan Ckrebic également, et il leur a garanti qu'il allait

25 faire tout ce qui était en son pouvoir pour faire en sorte que les Serbes

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1 et les Monténégrins restent au Kosovo et Metohija et ne soient pas victimes

2 d'actes de terreur.

3 Odalovic, Moravcic, et cetera, voici un certain nombre des quelque 60

4 personnes qui sont allées voir Milanko Renovica, qui était président du

5 comité central de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Ils lui ont

6 demandé de protéger les Serbes pour faire en sorte que les Serbes puissent

7 rester au Kosovo et Metohija et ne soient pas victimes d'actes de terreur.

8 Mais lui, il n'a pas beaucoup montré de compréhension. Ckrebic c'est le

9 seul qui se soit montré compréhensif.

10 Quand ils sont rentrés au Kosovo et Metohija, ils ont beaucoup de problèmes

11 avec les représentants des organes de sécurité comme Jago Zelenovic.

12 Q. Qui étaient les membres de ces Serbes et Monténégrins qui venaient du

13 Kosovo et Metohija ?

14 R. En dehors de ce groupe intellectuel, tous ceux qui étaient en mesure de

15 se joindre à cette délégation sont partis dans certaines délégations. Il y

16 avait même plusieurs Albanais. Il y avait des Albanais dans certaines

17 délégations, mais ils ne voulaient pas que leur participation soit rendue

18 publique.

19 Q. Est-ce que vous-même vous avez été membre d'une de ces délégations ?

20 R. Oui. Nous étions une quinzaine dans la délégation et nous allions voir

21 Dizdarevic qui était président de la présidence. L'arrivée de notre

22 délégation avait été annoncée. La réunion a été très difficile à organiser.

23 Nous sommes arrivés à environ

24 22 heures, son chef de cabinet nous a rencontré, il a dit qu'on pourrait le

25 voir. Nous avons dit que nous voulions voir Dizdarevic en personne.

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1 Plus tard, effectivement, il est venu nous voir. Nous étions une quinzaine

2 dans cette délégation, une quinzaine de Serbes. Il connaissait déjà bien la

3 situation, mais nous l'avons informé des souffrances, des épreuves des

4 Serbes et des Monténégrins. Nous lui avons dit qu'il y avait 15 000

5 personnes qui nous attendaient devant la maison de la Culture à Kosovo

6 Polje, qui attendaient les résultats de cette réunion. Il a promis qu'il

7 nous aiderait et qu'il prendrait des mesures.

8 Je dois dire que Ljubo Vujovic un des membres de la délégation lui a posé

9 la question suivante, je cite : "Et bien, camarade Président, que faut-il

10 qu'il se passe pour que l'armée de la Yougoslavie intervienne au Kosovo et

11 Metohija afin d'empêcher que ce qui arrive aux Serbes ne se poursuive ?" Il

12 a dit que si l'armée ne pouvait pas arriver dans la demi-heure, c'était

13 trop tard.

14 Nous sommes revenus à Kosovo Polje tôt le matin. Nous avons rapporté ce qui

15 nous avait été dit par Dizdarevic lors de cette réunion.

16 Q. Autant que je m'en souvienne, mais je passe sous votre contrôle,

17 l'impression que j'avais de la situation, c'est que pour vous, vous avez eu

18 une vision très positive de la manière dont Dizdarevic vous a traité lors

19 de cette réunion.

20 R. Oui, tout à fait, impression très positive. On a eu l'impression qu'il

21 nous avait compris et il a dit qu'il allait prendre des mesures, qu'il

22 obéissait à une orientation yougoslave.

23 Q. Ces délégations étaient très nombreuses et certaines comptaient

24 beaucoup de délégués. Ces délégations ont rencontré un grand d'hommes

25 politiques, et il y a aussi beaucoup d'hommes politiques qui sont venus sur

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1 place pour vous rencontrer, pour parler aux habitants; est-ce que c'est

2 vrai ?

3 Je me souviens, par exemple, que Drnovsek, le président de la présidence de

4 la Yougoslavie, est allé vous voir.

5 R. Je serais sans doute dans l'incapacité de donner la liste de ces

6 visites dans l'ordre chronologique, mais je vais essayer de me souvenir des

7 noms de ceux qui sont venus à Pristina et Kosovo Polje. Le président de la

8 présidence, Ivan Stambolic --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons

10 besoin de tous ces détails. Nous n'avons pas besoin de tous ces détails

11 pour des questions qui ont trait au contexte. Je pense que vous pourriez

12 aller beaucoup plus vite pour toutes ces questions de contexte qui sont

13 évoquées dans l'acte d'accusation.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Balevic, les Serbes et les Monténégrins ont organisé des

17 manifestations, des meetings. Pouvez-vous nous en parler ?

18 R. Le Juge vient de me dire de ne pas parler de ces visites.

19 Q. Oui. C'est vrai. Nous n'avons pas besoin de connaître tous les détails.

20 Ce n'est pas là ce qui nous intéresse au premier chef.

21 R. Pouvez-vous répéter votre question ?

22 Q. Les Serbes et les Monténégrins organisaient des meetings, des réunions.

23 Pouvez-vous nous dire si ces manifestations, ces meetings se sont déroulés

24 dans une atmosphère de violence ou une atmosphère pacifique ?

25 R. Cela dépendait. Cela dépendait du type d'exactions, du type de crimes

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1 qui avaient été commis. Au départ, ce type de réunions avait lieu dans des

2 maisons, à l'intérieur de bâtiments. Cependant s'il s'agissait de protester

3 vigoureusement contre certains événements comme, par exemple, ceux qui ont

4 eu lieu à Divaca et ailleurs. Et bien, ces manifestations, ces meetings se

5 déroulaient à l'air libre devant des écoles, devant des bâtiments

6 importants, et cetera.

7 Je peux vous dire que pour toutes les manifestations et les meetings qui

8 ont eu lieu dans la zone où je me trouvais, elles n'ont jamais été

9 accompagnées d'incidents ces manifestations. Tout le monde s'est comporté

10 avec beaucoup de dignité. Ces manifestations étaient une solution de

11 dernier recours pour les Serbes et les Monténégrins qui étaient en train de

12 se battre pour leur survie.

13 Q. On peut dire que vous avez joué un rôle très important parce que vous

14 étiez un de ceux qui ont organisé cela et vous avez même accueilli --

15 R. Pouvez-vous répéter votre question ? Je n'ai pas bien entendu.

16 Q. Moi, j'ai dit que nous allions passer à des questions très précises,

17 très importantes étant donné que vous étiez vous-même un des organisateurs

18 et que vous êtes intervenu lors des réunions qui ont eu lieu à Kosovo Polje

19 du 20 au 24 avril 1987, tout d'abord. Avant de vous poser ma question au

20 sujet de ces meetings, au sujet de ces réunions, je souhaiterais vous

21 donner lecture d'un texte, paragraphe 76 de l'acte d'accusation du Kosovo

22 où l'on peut lire la chose suivante :

23 "En avril 1987, Slobodan Milosevic qui avait été élu président du

24 présidium du comité central de la Ligue des Communistes de Serbie en 1986

25 s'est rendu au Kosovo. Lorsqu'il a rencontré les dirigeants serbes locaux

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1 et qu'il s'est adressé à la foule serbe, il s'est prononcé en faveur d'un

2 programme nationaliste serbe. Il rompait ainsi avec la politique du parti

3 et du gouvernement qui avait été d'étouffer toute expression du

4 nationalisme dans la RSFY depuis sa fondation par Josip Broz Tito après la

5 Deuxième guerre mondiale. A compter de ce moment, Slobodan Milosevic a

6 exploité la montée du nationalisme serbe afin de renforcer un pouvoir

7 centralisé dans la RSFY."

8 Revenons sur ce point quelques instants. Il est dit ici que Slobodan

9 Milosevic s'est prononcé en faveur d'un programme nationaliste serbe.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

11 d'une pièce qui s'intitule, "Nuits blanches." Il s'agit de la transcription

12 des propos tenus lors de ces réunions, de ces meetings, d'abord le 20, puis

13 ensuite, le 24 et le 25 avril.

14 Monsieur Robinson, nous avons là un livre dont quelque 37 pages ont été

15 mises en évidence et le professeur Rakic a demandé leur traduction. La

16 traduction en anglais de ces passages n'est pas encore disponible. Je vais

17 me contenter de citer brièvement certains passages qui n'ont pas encore été

18 traduits pour certains. Bien que d'autres ont été traduits, puis ils

19 accompagnent un enregistrement que je souhaite que nous passions.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand avez-vous demandé cette

21 traduction, Monsieur Milosevic ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette traduction a été demandée -- je ne me

23 souviens pas exactement de la date, vers la fin décembre, en tout cas,

24 suffisamment tôt pour que le document ait pu être traduit pour aujourd'hui.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fin décembre. Non, je ne pense pas

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1 que cela constitue un délai suffisant pour permettre la traduction, si l'on

2 se réfère à la procédure administrative qui est suivie. Qu'avez-vous

3 l'intention de faire concrètement ? Avez-vous l'intention de donner lecture

4 de certains passages brefs de ce texte ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai l'intention de donner lecture de plusieurs

6 passages, quelque passage seulement de ce qui n'a pas été traduit, mais

7 pour ce qui concerne les passages relatifs au meeting, aux réunions, dont

8 on dit ici dans le paragraphe de l'acte d'accusation, que je l'ai soutenu,

9 puisque je me suis soi-disant prononcé en faveur d'un programme

10 nationaliste serbe. Pour cela, tout ceci figure dans un enregistrement. La

11 traduction, il existe une traduction qui permettra de suivre cet

12 enregistrement. Je pense que tout se passera sans problème.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez donner lecture de

14 certains passages brefs. Ce sera des passages qui seront traduits, mais je

15 ne veux pas que vous lisiez des passages trop longs. Donnez lecture d'un

16 passage et ensuite demander au témoin de faire ses observations.

17 Vous ne nous a pas dit qui était l'auteur de cet ouvrage, Nuits blanches.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un recueil de transcription.

19 L'auteur est Radojica Barjaktarevic. Cet ouvrage a été publié en 1995. Il

20 reprend tout ce qui s'est déroulé lors des meetings du 24 et du 25 avril et

21 lors d'une réunion précédente. Procédons par ordre.

22 Avant de donner lecture d'un passage, je vais poser une question au témoin.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur le Témoin, je suis venu à Kosovo Polje le 20 avril, n'est-ce

25 pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Qui m'a invité à me rendre à Kosovo Polje ?

3 R. Vous avez été invité à venir à Kosovo Polje par les Serbes et les

4 Monténégrins du Kosovo et Metohija.

5 Q. Bien. Etant donné que vous m'avez invité, est-ce qu'il avait été prévu

6 qu'une réunion ait lieu avec les représentants des Serbes et des

7 Monténégrins de Kosovo Polje ?

8 R. Pour que les choses soient claires s'agissant de cette réunion,

9 Monsieur le Président, est-ce que je peux dire la chose suivante : la

10 première réunion qui a eu lieu avant l'autre, c'est celle qui a eu lieu le

11 16 avril 1987, une réunion qui s'est tenue devant la maison du Dr Zoran

12 Grujic. Il a écrit une lettre à tous les organes fédéraux, à toutes les

13 instances fédérales et municipales, disant qu'il quittait le Kosovo avec sa

14 famille et ses proches à cause des actes de terreur dont il était victime,

15 tout comme sa famille, à cause des actes de persécution dont il était

16 victime. Du fait de cette lettre qu'il avait envoyée, un grand nombre de

17 Serbes et de Monténégrins se sont réunis devant sa maison.

18 Je m'y suis rendu en tant que président de la conférence régionale, parce

19 qu'il y avait une course de relais traditionnelle qui devait se courir à

20 cet endroit.

21 Je me suis rendu à cet endroit, et j'ai demandé aux personnes de se

22 disperser dans le calme. Ils n'ont accepté de le faire qu'après que j'ai eu

23 promis que nous inviterions le président du comité central de Ligue des

24 Communistes de Yougoslavie, Slobodan Milosevic, à l'époque, à venir à

25 Kosovo Polje en personne. Nous avons écrit au président du comité central

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1 de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Cela aurait pu être quelqu'un

2 d'autre. Cela aurait pu être un autre Milosevic, mais, vous, vous étiez là,

3 donc nous vous avons invité à venir. Vous avez accepté notre invitation, et

4 j'ai promis qu'il y aurait une réunion avec des Serbes. Il y avait trop de

5 monde pour que l'on se réunisse dans une salle, donc cette réunion a eu

6 lieu ailleurs.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez suffisamment

8 répondu à la question qui vous a été posée. Poursuivons et passons à autre

9 chose.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Quand je suis arrivé, vous aviez prévu qu'il y aurait une réunion, un

13 meeting, afin de parler des problèmes qui étaient les vôtres et qui

14 perturbaient les habitants, les citoyens du Kosovo. Vous aviez initialement

15 pensé que cette réunion aurait lieu dans la grande salle de la compagnie

16 des chemins de fer.

17 R. Oui.

18 Q. Pourquoi cela ne s'est pas déroulé à cet endroit?

19 R. C'était impossible, parce que les citoyens, les Serbes et les

20 Monténégrins, ont appris que vous veniez a l'heure, même que nous avons

21 gardez cela secret jusqu'en fin d'après-midi, mais les gens en ont eu vent.

22 Ils ont eu vent de votre venue, et il était impossible d'accueillir des

23 milliers de citoyens dans cette grande salle.

24 Q. Vous nous dites que cette grande salle était trop petite parce qu'il y

25 avait plusieurs milliers de personnes qui souhaitaient être présentes,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Où sont-ils allés à ce moment-là, puisque les gens s'étaient rassemblés

4 devant le bâtiment des chemins de fer. Où êtes-vous allés à ce moment-là ?

5 R. Nous sommes allés devant un autre bâtiment, devant une école primaire

6 où vous avez prononcé un discours, l'école Aca Marovic.

7 Q. Bien. Nous allons maintenant voir un passage de ce discours que j'ai

8 tenu en date du 20 --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Il s'agit de la page 66 de ce livre qui constitue un recueil de tous

12 ces discours et qui est intitulé, Les nuits blanches, publié par Radojica

13 Barjaktarevic. Je me réfère au dernier passage de ce discours. Je dis :

14 "Chers camarades, --

15 M. NICE : [interprétation] Je vais faire objection. Je m'excuse d'être

16 insisté sur les points techniques, parce qu'il faudrait que l'on puisse

17 suivre également --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mettez cela sur le

19 rétroprojecteur.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une bonne idée.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Balevic, vous avez la page 66 sur vous. Je vous demanderais de

23 la placer sur le rétroprojecteur. Je peux vous communiquer une copie de

24 cette page à partir du classeur que j'ai ici, mais je crois qu'il est plus

25 facile de le placer sur le rétroprojecteur. Essayez de le placer.

Page 35648

1 R. Oui, j'ai trouvé.

2 Q. Allez-y, dernier intitulé, le peuple élit ces délégués.

3 R. Je ne sais pas où le mettre.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est M. l'Huissier qui s'en occupera. Nous

5 pouvons voir de quoi il s'agit. Je parle du passage en haut de page, et

6 c'est le passage que je veux citer.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation] "Chers camarades, les problèmes au Kosovo

8 ne peuvent être résolus que s'il y a renforcement du front des Serbes,

9 Monténégrins et Albanais, ainsi que de tous les ressortissants d'autres

10 nations et minorités nationales au Kosovo, à mêmes de réaliser ces

11 changements. Il doit être renforcé non pas parce que nous souhaiterions

12 réaliser un slogan de principe portant sur la fraternité et l'unité. Le

13 slogan voilà qui fera la fraternité et l'unité au Kosovo se fonde sur le

14 fait que tout habitant du Kosovo tient à ce que le Kosovo se développe

15 rapidement, à ce que le Kosovo se développe de façon fructueuse,

16 indépendamment de voir là un Monténégrin, un Serbe ou un Albanais, voire le

17 ressortissant d'un autre groupe ethnique, d'une ressortissant d'une autre

18 nation, ou d'une autre minorité nationale. Il s'agit là, camarades, de la

19 base matérielle sur laquelle se doit d'être réalisé le programme de la

20 Ligue des Communistes relatif au Kosovo. C'est pour cela, camarades, que

21 nous allons gagner sur ces fondements. Tout autre fondement qui prendrait

22 appui sur l'intolérance ethnique, sur la propagation de la haine nationale,

23 ne saurait servir de fondement progressiste aux communistes et à la Ligue

24 des Communistes. La Yougoslavie socialiste ne pourra résoudre les problèmes

25 du Kosovo que sur une plate-forme de fraternité, d'unité, et d'égalité en

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1 droit national. C'est ainsi que cela sera résolu."

2 Etait-ce là la substance de ce que j'ai dit, lorsque je me suis adressé à

3 cette masse de citoyens en date du 20 avril, dans la cour de l'école Aca

4 Marovic à Kosovo Polje.

5 R. C'est à moi que vous posez la question.

6 Q. Oui.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est à vous qu'il pose la

8 question.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est en effet la substance de ce que

10 vous avez dit à Kosovo Polje. Je crois que tout commentaire est superflu.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Bien. Point n'est besoin d'élaborer. Je vous demande est-ce que si

13 c'est authentique ?

14 R. C'est authentique.

15 Q. Après, nous avons convenu que dans les journées à venir il faudrait que

16 se tienne une réunion où les délégués élus par vos soins pourront prendre

17 la parole pour exposer leurs problèmes. Est-ce que c'est bien ce qui a été

18 convenu à cette réunion du Kosovo Polje ?

19 R. C'est tout à fait exact.

20 Q. Fort bien. Nous en venons maintenant à cette réunion qui a été convenue

21 à l'occasion de la rencontre dont on vient de parler. Cela s'est tenu en

22 fin d'après-midi, le 24, et cela s'est terminé le 25 avril, au petit matin.

23 Est-ce vrai, Monsieur Balevic, ou pas ?

24 R. Oui. Cela a duré quelques 13 heures.

25 Q. Bien. Qui est-ce qui a présidé à cette assemblée ?

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1 R. Moi, en ma qualité de président de la conférence régionale de la Ligue

2 des Communistes du Kosovo Polje, le dénommé Mitar Balevic.

3 Q. Très bien. Etant donné que je n'ai pas de traduction ici non plus, je

4 vais donner lecture de quelques phrases de ce qui figure en notes

5 d'introduction que vous avez prononcées vous-même en votre qualité de

6 président de cette assemblée --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle page ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la page 91 et de la page 93.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez l'intention de

10 nous donner lecture de ces pages 91 et 93.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je vais juste donner lecture de quatre

12 lignes de la page 91, et quelques lignes de plus en page 93. C'est

13 souligné. Je ne perds pas de vue le fait qu'à l'Article 76 de l'acte

14 d'accusation, au chef d'accusation 76, on dit que j'ai apporté mon soutien

15 au programme nationaliste serbe, et je suppose que le président de cette

16 réunion qui témoigne ici a présenté un programme que je serais venu

17 appuyer, moi-même. Je vais vous donner lecture de ce que M. Balevic a dit

18 en page 91.

19 Il dit : "La situation politique et celle liée à la sécurité dans la région

20 sont encore grevés d'activités déployées à partir de positions ennemies,

21 notamment de la part du nationalisme et de l'irrédentisme albanais. Il y a

22 poursuite de l'exode des Serbes et des Monténégrins, et des activités

23 déployées par la droite et une exaspération du nationalisme serbe."

24 Je vais sauter les autres passages et je vais passer maintenant à la page

25 93, ou plutôt il y a juste un début de phrase en page 92, on dit que : "Les

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1 travailleurs et les citoyens, ressortissants de tous les peuples et toute

2 minorité nationale, sont parfaitement conscients des dangers qui pèsent du

3 fait du nationalisme."

4 Le paragraphe d'après parle de la lutte nécessaire contre tous les

5 nationalismes et on dit ensuite : "L'option de nos peuples et minorités

6 nationales des citoyens de la classe ouvrière de cette région est celle de

7 continuer à vivre ensemble sous ces mêmes cieux. Et cela a été confirmé par

8 l'accueil réservé à cette course de relais de la jeunesse, 1987, qui

9 symbolise la fraternité et l'unité. C'est là la force qui est la nôtre. Je

10 suis convaincu qu'au travers des pourparlers que nous allons avoir, nous

11 poursuivrons par la même voix, nous poursuivrons dans le même chemin, parce

12 que nous n'avons pas d'autres chemins que celui tracé par Tito."

13 Voilà ce qui a été exposé par M. Mitar Balevic, qui a présenté un discours

14 d'introduction et cela était censé contenir ce nationalisme serbe que je

15 serais venu appuyer, d'après l'acte d'accusation. Ce que je viens de vous

16 lire démentit clairement toute idée et toute éventualité de présentation

17 d'un programme nationaliste.

18 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection pour ce qui est de

19 donner lecture de certains passages, mais je crois que les commentaires

20 devraient être laissés pour une autre occasion.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce n'est pas

22 vous qui témoignez. Vous êtes censé poser des questions au témoin et nous

23 permettent d'entendre son témoignage à lui. Vous avez donné lecture d'un

24 passage et vous avez fait un commentaire. Or, ce commentaire doit être

25 réservé pour vos propos de clôture.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur Robinson.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Balevic, je viens de donner lecture de certains passages de

4 cet exposé. Ce que vous avez exposé a-t-il constitué un programme

5 nationaliste serbe ou pas ?

6 R. Il est plutôt ridicule de constater que ce que j'ai dit devant cette

7 assemblée aurait été un nationalisme serbe quelconque. Je crois qu'on a

8 placé tout cela dessus dessous. Il n'est point question de nationalisme

9 serbe. J'ai convié les personnes présentes à l'esprit communautaire, à la

10 fraternité et l'unité. J'ai cité Tito. Il n'est point nécessaire de

11 commenter tout cela parce qu'il n'est guère question de nationalisme.

12 Sinon, on pourrait dire que tous les Serbes là-bas étaient des

13 nationalistes.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En réalité, Monsieur Milosevic, je

15 crois avoir dit qu'il est un passage où le témoin a prévenu l'assemblée des

16 dangers du nationalisme, n'est-ce pas, Monsieur Balevic ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Cela prouve ce que je dis.

18 J'ai prévenu des dangers du nationalisme serbe là où il apparaîtrait. Mais

19 je n'ai pas constaté que c'était là une manifestation d'un nationalisme

20 serbe.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce qui vous a incité à

22 énoncer cet avertissement ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, justement, pour ne pas qu'il y ait

24 des nationalistes serbes qui viendraient pour abuser de la situation,

25 d'abuser de ce qui constituaient la fraternité, l'unité prévalent au Kosovo

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1 et Metohija -- au Kosovo Polje, pour être concret, parce que nous avons

2 tout fait pour prévenir les tentatives, pour pallier aux tentatives de

3 nationalisme serbe. Il n'est pas question ici de nationalisme serbe et d'un

4 soutien quelconque apporté par M. Milosevic à l'égard de ce nationalisme

5 dans son discours.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux continuer.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, continuez.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Nous allons voir un enregistrement passé à la télévision. On va nous

10 montrer ce que la télévision a diffusé à l'époque. Nous ne pourrons pas

11 diffuser tout ce que la télévision nous a communiqué.

12 Mais on peut voir à l'enregistrement qu'à l'occasion du démarrage de cette

13 réunion, il y a eu, et là je vous demanderais si vous vous souvenez d'un

14 incident, d'un événement, du boucan que l'on entendait de l'extérieur ?

15 Qu'est-ce qui est arrivé ?

16 R. Lorsque cette réunion a commencé, j'ai été informé de l'utilisation de

17 bâtons ou de matraques de la part de la police à l'encontre de cette foule

18 qui se pressait et bousculait.

19 Quand j'ai appris cela, je vous ai demandé, puisque vous étiez président du

20 parti, de sortir du bâtiment. J'ai demandé à M. Azem Vllasi de sortir

21 également, parce qu'il était présent.

22 Q. Azem Vllasi était président du comité provincial de la Ligue des

23 Communistes ?

24 R. Oui. Asim Vllasi était président de cette Ligue des Communistes de la

25 province. Vous êtes sorti avec lui et je vous ai suivi. Il y avait des gens

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1 qui chantaient, qui criaient qu'ils voulaient la liberté. Ils chantaient

2 l'hymne national. L'une des personnes présentes a dit, "On nous bâtiment,

3 Président." Et vous avez dit, "Personne n'oserait, n'a le droit de vous

4 frapper." Mais on avait du mal à parler. Il y avait beaucoup de boucan,

5 beaucoup de vacarme. J'ai demandé à Sabit Kuhezi [phon], qui est un

6 Albanais, de sortir les haut-parleurs pour que vous puissiez vous adresser

7 aux citoyens par la fenêtre.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est debout.

9 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas combien de passages de cette

10 vidéo l'accusé compte nous faire voir. Je crois que la vidéo dure 40

11 minutes. Je ne sais pas s'il y a une transcription en B/C/S qui est

12 disponible en parallèle avec la vidéo. Je ne pense pas que cela nous a été

13 fourni. Nous ne savons pas si la transcription existe ou si la

14 transcription a été envoyée pour traduction.

15 Pendant que je suis encore debout, je voudrais savoir quand est-ce

16 que nous allons recevoir une traduction anglaise des discours tenus par

17 l'accusé qui figure à l'intercalaire 1. Parce qu'aux fins de pouvoir

18 traiter de façon cohérente de ces passages, il faudrait que je dispose de

19 traduction en dépit du fait que j'ai ici des collègues parlant la langue.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ici, on dit dans l'index que les

21 traductions seront terminées en date du 31 janvier.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons la traduction de tout ce qui figure

23 sur l'enregistrement. Nous allons vous faire voir l'enregistrement.Il

24 s'agit là d'une réunion très importante.

25 Comme vous pouvez le constater, il montre que tout un chef de l'acte

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1 d'accusation qui se réfère à cette réunion, qui, quant à elle, était

2 considérée comme étant l'un des éléments politiques cruciaux, et on voit ce

3 que la télévision a diffusé à ce moment-là, pas ce jour-là, le lendemain.

4 Puisque la réunion, elle, a duré --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous envisagez de nous

6 passer les 45 minutes en totalité ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je veux faire voir les 45 minutes tout

8 entières. Il n'y a pas que mes discours. On voit aussi ce que disent les

9 autres participants à cette assemblée. Il n'y a pas que moi à avoir pris la

10 parole pendant 45 minutes. Il y a cet événement devant l'immeuble qui

11 souvent a été déformé et il y a aussi ce que les autres intervenants ont

12 dit.

13 On verra ce que la télévision a diffusé à l'époque. Je ne pouvais pas, moi,

14 faire un choix. C'est ce dont on dispose; c'est ce qui nous a été donné.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez fournir des

16 rafraîchissements, Monsieur Milosevic, ce faisant.

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si nous

18 avons retrouvé la transcription de tout ceci. Mais il n'y a aucune

19 objection pour ce qui est de voir l'enregistrement. Ce sera peut-être

20 intéressant et utile. S'il y a une transcription même en B/C/S cela nous

21 aiderait à en parler et à en traiter avant que de voir la vidéo.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Higgins.

23 Mme HIGGINS : [interprétation] Il se peut que je me trompe, mais il me

24 semble qu'il s'agit de la transcription 5.1 qui comporte les discours des

25 autres participants. Il se peut que je me trompe, et si je me trompe M.

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1 Milosevic pourra me rectifier.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voulez-vous bien vérifier tout ceci,

3 Monsieur Milosevic ? Intercalaire 5.1.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. On dit, enregistrement vidéo de cette

5 réunion de Kosovo Polje qui s'est tenue à Kosovo Polje le 25 avril 1987.

6 C'est que vous avez en intercalaire 5. Tout ce qui figure sur

7 l'enregistrement a été traduit en langue anglaise.

8 Pour ce qui est de la transcription en langue serbe, elle figure ici dans

9 le livre de Bajraktarevic, parce qu'on y a enregistré toutes les

10 interventions qui se sont produites à l'occasion de cette réunion, y

11 compris ce que j'ai dit moi-même.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Quarante minutes, cela nous

13 conduira au-delà de la pause. Nous allons prendre notre pause à midi et

14 quart.

15 M. NICE : [interprétation] Si ceci fait partie de l'intercalaire 1, nous

16 souhaiterions savoir, et la chose sera utile notamment aux interprètes, je

17 vois qu'ils sont en train de chercher les documents en question, j'aimerais

18 qu'on nous dise où est-ce que cela commence ? Si nous faisons une pause, et

19 il est très probable que nous en fassions une au niveau de ce texte à

20 l'intercalaire 1 pour le film, il serait peut-être utile d'indiquer où est-

21 ce que le texte se poursuit. Ce n'est pas seulement dans mon intérêt, c'est

22 dans l'intérêt des interprètes parce que cela les aidera à suivre le texte.

23 Je vois que les interprètes de la cabine nous hochent de la tête.

24 Mme HIGGINS : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de la pièce

25 5.1 et non pas de l'intercalaire 1.

Page 35657

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est-ce que commence cet

2 enregistrement ? Est-ce que cela commence à la page 1 --

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous le dire. Dans le livre de Radojica

4 Bajraktarevic, qui constitue la pièce à conviction 1, à savoir le livre

5 intitulé : Nuits blanches, il est question de ce début de la réunion et on

6 reprend le discours de M. Balevic qui a présidé à cette réunion, je n'ai

7 cité que quelques passages de son intervention, cela commence à la page 89

8 du livre. Toutes les autres pages reproduisent les exposés des différents

9 intervenants à cette réunion, mais mon intervention commence à la page 309

10 et se termine à la page 316. Comme vous pouvez le constater, cela fait

11 moins de sept pages me concernant à l'occasion de cette réunion. Tout le

12 reste ce sont des interventions d'autres, mais la télévision n'a pas tout

13 filmé, elle n'a donné que quelques passages parce que ceux-là ne se

14 prêtaient pas à rediffusion dans son ensemble à l'époque. Je n'ai de

15 documentation de l'époque. Mais ceux qui sont intéressés peuvent retrouver

16 cela dans le livre parce que le livre donne tous les exposés dans leur

17 intégralité.

18 Le mien a été passé à la télévision dans son intégralité. Cet exposé donc

19 que j'ai tenu où j'aurais apporté mon soutien à un programme nationaliste a

20 été reproduit et diffusé dans son intégralité.

21 Je crois que nous pourrions le visionner dans son ensemble, on pourrait

22 peut-être décaler la pause à un peu plus tard, voir l'enregistrement et

23 faire une troisième session plus courte. Je crois que ce sera plus

24 rationnel pour ce qui est de l'exploitation du temps, si cela vous

25 convient, mais il vous appartient à vous d'en décider, pas à moi.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci d'avoir repris le contrôle sur

2 la totalité de la procédure à suivre, mais nous pouvons prendre la chose en

3 considération. En effet, il serait peut-être bon de voir l'enregistrement

4 dans son intégralité.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Madame Higgins, pouvez-vous m'apporter

6 un éclaircissement, je vous prie ? Je crois comprendre que M. Milosevic

7 nous dit que cela figure dans son intégralité dans le livre à

8 l'intercalaire 1. Or, dans le 5.1, il y a une transcription qui dit qu'il

9 s'agit du texte de l'enregistrement vidéo que nous allons voir. Maintenant,

10 ce que je voudrais savoir si le 5.1 comporte une version anglaise et une

11 version en B/C/S de ce que nous allons voir dans l'enregistrement ?

12 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Si vous vous penchez

13 sur la transcription à 5.1, vous allez voir qu'il y a une version anglaise

14 puis une version française, et il me semble qu'il y a une version B/C/S de

15 la version anglaise. Si j'ai bien compris.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est ce que les interprètes sont

17 censés suivre.

18 Mme HIGGINS : [interprétation] Si j'ai bien compris, oui.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

20 M. NICE : [interprétation] Si j'ai bien compris l'accusé, il s'agit au 5.1

21 de son discours seul.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non.

23 Mme HIGGINS : [interprétation] Non.

24 M. NICE : [interprétation] Dans ce cas-là, j'ai peut-être mal compris, mais

25 on verra.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commençons.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attire votre attention sur le fait que

3 l'enregistrement est en langue serbe. Il ne commence pas à partir de cet

4 endroit là. Cela commence bien avant. On nous voit sortir de la salle. Il

5 faut que nous voyons l'enregistrement depuis son début, et non pas à

6 commencer à partir de mon discours. Il faut que nous entendions ce que les

7 autres ont dit également, et on viendra à mon discours plus tard.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois comprendre que l'équipe

9 technique est en train de rembobiner la casette.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'entend rien. Cela commence mais on entend

12 rien. On dit ici : "Emission reprise de Kosovo Polje, télévision de

13 Belgrade." Le journaliste a dit qu'ils attendaient que les télévisions de

14 Zagreb, Sarajevo, Titograd et autres centres de télévisions se connectent

15 parce que les problèmes du Kosovo à l'époque en Yougoslavie se trouvaient

16 au centre de l'attention --

17 [Diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

19 "Pour cette réunion, il a été élu pour lundi quelque 300

20 représentants, notamment des représentants de Kosovo Polje.

21 "Cependant, vers 18 heures lorsqu'à Kosovo Polje, le président du

22 comité central de la Ligue des Communistes de Serbie, Slobodan Milosevic,

23 ainsi que le président du comité de la province Azem Vllasi, accompagné de

24 Kolj Siroka et autres dirigeants de la province et de Pristina, il s'est

25 rassemblé devant la maison de la Culture quelque 15 000 citoyens. Dès que

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1 la réunion a commencé, il y a eu un incident parce que la police a essayé

2 de chasser, d'écarter la masse de la maison de la Culture. Les citoyens ont

3 commencé à lancer des pierres et des objets lourds. Slobodan Milosevic a

4 été sollicité pour sortir devant les citoyens et s'adresser à eux par la

5 personne qui a présidé à la réunion. Il n'était pas possible de s'adresser

6 aux personnes présentes, ce qui fait que M. Milosevic s'est adressé à la

7 masse et il a dit :"

8 "M. Milosevic : Camarades, nous devons travailler, nous devons

9 entendre tous vos délégués. Par conséquent, nous allons discuter de tout ce

10 que vous les avez chargés de dire, mais laissez-nous tenir cette réunion,

11 nous ne faisons pas de meeting parce que nous n'allons pas avoir d'utilité

12 avec ce meeting, mais nous pouvons nous mettre d'accord sur la réunion.

13 "Le Journaliste : Après une interruption d'une demi-heure, il est

14 entré quelque 100 délégués dans la salle, des autres localités du Kosovo.

15 Les autres citoyens se sont éparpillés et la réunion a pu se tenir.

16 "Darinka Popovic : Je veux vivre ici où ma mère est née. Je veux que

17 mes enfants restent ici, qu'ils puissent visiter les tombes de leur

18 [inaudible]. Je ne veux pas aller en Serbie. Si je dois y aller, je vais

19 mourir, mais je ne veux pas m'en aller.

20 "Zivojin Ristic : Je vis dans un village où il y a quatre maisons

21 Serbes, nous sommes au total 13. J'ai commencé à construire cette maison

22 en 1977 avec mes quatre enfants et ma femme, parce que c'est une terre

23 héritée de mes grands-parents, de mon père et de mon oncle. En 1962 et

24 1963, lorsque nous avons commencé à construire notre petite maison avec mon

25 père, toutes les nuits, une nuit sur deux, on a reçu des pierres, on nous a

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1 jeté des pierres sur la maison. Nous avons déclaré cela à la police, mais

2 cela s'est répété. Là, il est tombé à coté de ma tête par la fenêtre cinq à

3 six pierres.

4 "Kata Komatina : Nous avons nos problèmes aussi. On nous a dit :

5 faites quelque chose. Il n'y a pas de constatations, faisons-le

6 aujourd'hui, faisons-le demain. Maintenant, faisons-le maintenant pour que

7 notre peuple ici, indépendamment du fait d'être Serbes, Albanais ou Turcs,

8 sache à quoi s'en tenir. Nous sommes ici un peuple Yougoslave, on ne sait

9 pas où on en est. Nous ne voulons plus errer. Nous voulons avoir des

10 structures politiques, nous voulons avoir des personnes qui pourraient nous

11 conduire. Pourquoi avons-nous toujours des incapables ? Pourquoi les forces

12 progressistes sont repoussées en arrière-plan ? Pourquoi nous fait-on

13 tourner en rond ? Nous ne voulons pas laisser cela faire.

14 "Milanko Buljugic : J'ai été expulsé deux fois du Kosovo, je suis

15 revenu deux fois. On voulait me chasser, et maintenant ils vont en arriver

16 à ce que je parte de moi-même. Camarades, camarade Slobodan Milosevic, si

17 de meilleures possibilités d'emploi existaient en Serbie, vous verriez

18 quelle est la situation réelle ici, mais évidemment, ils ne bougent pas, où

19 est ce qu'ils trouveront du travail ? C'est ce qui explique pourquoi les

20 choses avancent si lentement.

21 "L'une des idées, des questions théoriques les plus importantes qui

22 pour nous ici est une question vitale, c'est le problème de l'égalité et de

23 la sécurité par rapport aux droits, c'est-à-dire du droit à l'égalité et à

24 la sécurité. Alors qu'en fait, on doit parler d'inégalité et d'insécurité

25 en droits. La direction de la république et la direction fédérale de la

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1 Yougoslavie fourmillent d'informations. Tout se sait. Trois livres énormes

2 existent où on trouve les conclusions des groupes de travail quant à des

3 actions illégales. Mais camarades, ils peuvent toujours dire que tout va

4 bien, à d'autres endroits, la loi n'est pas non plus respectée. C'est vrai

5 camarades, mais c'est comme un bikini. Un bikini vous montre beaucoup mais

6 il cache le plus important. De quoi est-ce que nous parlons ici ? Il est

7 vrai que le droit n'est pas respecté en d'autres lieux, mais regardons ce

8 qui ce passe chez ceux qui subissent les enfreintes à la loi.

9 "Mirko Cupic : Ceux qui ont allumé l'étincelle ne peuvent plus

10 éteindre le feu. Que ce soit par une attitude opportuniste, par leur

11 incapacité ou en instiguant directement des diversions idéologiques. Un

12 certain nombre de jeunes cadres albanais même s'ils se sont proclamés

13 Yougoslaves ne peuvent plus lever la tête à cause de responsables

14 politiques anciens même s'ils refusent de l'admettre. Les Serbes et les

15 Monténégrins d'ici ne sont pas opposés aux Albanais et au peuple albanais.

16 "Voix parvenant de la foule : C'est exact.

17 "Mirko Cupic : Il ne l'a jamais été mais. Le peuple serbe est opposé

18 au mouvement séparatiste qui veut créer un Kosovo ethniquement pur et, en

19 créant un Kosovo ethniquement pur, détruire ce pays. Ils réussiront si des

20 actions comme celles-ci continuent à se produire.

21 "Stevan Marinkovic : Les dirigeants de la Province autonome fédérale

22 du Kosovo appliquent des parties de la constitution de la République

23 socialiste de Serbie selon l'interprétation qu'ils en font. Alors que les

24 dirigeants de la République socialiste de Serbie ne l'appliquent pas sur

25 l'ensemble du territoire de cette république. Je veux parler de ces

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1 parties de la constitution de la République socialiste de Serbie, telles

2 qu'interprétées par eux. Ce que je dis dans ces conditions c'est : à qui

3 est-ce que j'appartiens ? A qui est-ce que j'appartiens ? Si l'un

4 quelconque d'entre-vous participent à la discussion, je devrais exprimer

5 mon souhait, je vous en prie, d'entendre des explications devant ce public,

6 devant cette auditoire. Les citoyens qui appartiennent aux peuples Serbe

7 et Monténégrin sont particulièrement affectés par les interprétations

8 diverses de ces parties de la constitution de la République socialiste de

9 Serbie qui portent sur la sécurité, la défense, le système juridique, et

10 cetera. Mais les séparatistes albanais voient cette situation comme un

11 renforcement du caractère d'Etat de la Province autonome fédérale du Kosovo

12 et un affaiblissement de la République socialiste de la Serbie. Ce qui

13 concorde tout à fait avec leur stratégie qui vise à créer un Etat au

14 Kosovo, et ils savent que ceci n'est qu'une question de temps. Nous avons

15 déjà eu une occasion en 1981 de nous convaincre de cela, et même depuis les

16 choses n'ont pas changer. Mais qu'est-ce qui viendra après ce statut

17 d'Etat ? Où est-ce que nous sommes ?

18 "Boro Dzelektovic : Rester ici aux côtés des Albanais, c'est ce que

19 nous voulons réaliser, rester ici, pour faire cela il faut nous rendre ce

20 que nous avons perdu. Qu'est ce que c'est ? C'est camarades, camarade

21 Président, la justice, la liberté, la culture et la langue. Ceci devrait

22 nous être rendu, et ensuite nous resterons. Mais camarade Président, je ne

23 suis pas venu ici, et ce peuple honnête qui est ici ne l'a pas fait non

24 plus, pour demander des droits plus importants que ceux des autres citoyens

25 de notre pays qui vivent dans les frontières de notre patrie. Je suis ici

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1 avec eux pour être leurs égaux, et nous voulons vivre ensemble dans la

2 fraternité et l'unité avec tous les peuples et toutes les nationalités qui

3 résident sur le territoire du Kosovo. Voilà ce que c'est.

4 "Daut Bogujevci : Ce soir, j'entends des insultes vis-à-vis du peuple

5 albanais. On dit que les paysans albanais ne sont pas dangereux, que nous

6 avons des dirigeants, que nous avons des personnes éduquées. Je vous en

7 prie, est-ce que c'est vrai ? Est ce que c'est leur faute ? Lorsque le

8 nationalisme albanais a éclaté, les communistes albanais honnêtes ont été

9 les premiers -- en première ligne pour repousser ces nationalistes

10 albanais. Excusez-moi, je vous en prie, je sais cela, je suis militant ici,

11 je suis ici aussi, je suis militant.

12 "Une voix du public : Votre temps est terminé.

13 "Daut Bogujevci : Non, mon temps n'est pas terminé. Je suis le seul

14 Albanais qui m'exprime. J'ai le droit de m'exprimer encore.

15 "Une voix du public : Je vous en prie, camarade, écoutons-nous, les uns et

16 les autres. Ayons un peu de patience.

17 "Daut Bogujevci : Je vois ce soir certaines discussions qui, en réalité,

18 n'ont pas leur place ici et n'ont pas de logique. Pour vous dire la vérité,

19 camarade président, de nombreux monuments ont été détruits dans mon

20 village. Vous avez entendu cela dans la presse, dans le village de Bresje.

21 Je vous en prie, j'ai assisté en tant qu'Albanais à plusieurs reprises pour

22 que ce fait soit rendu public et que soit révélé qui a détruit ces

23 monuments. Je souhaite dire une chose. Je souhaite que les ennemis se

24 connaissent. Seuls ces monuments appartiennent aux pauvres et ils ont été

25 détruits, alors que les monuments colossaux n'ont pas été touchés. Ici les

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1 choses sont rendues publiques. Tout dans ce pays a un nom de famille et un

2 prénom. Je souhaite qu'il soit dit que, dans le [imperceptible], c'est

3 telle et telle personne qu'il est engagée vis-à-vis de cela et de cela. Je

4 ne veux pas que l'on parle des gens de façon aussi générale qu'on l'a faite

5 jusqu'à présent. Aujourd'hui, tous les mots ont du poids. Aujourd'hui,

6 chacun sait quel est son objectif. Aujourd'hui, plus personne n'est idiot,

7 n'est stupide. Je vous en prie, nous étions pauvres et nous étions tous

8 pauvres. Je tiens à dire que, dans mon village de Bresje ici, nous de la

9 famille Bogujevci, nous avons 16 membres au chômage, alors que, dans tout

10 le village, il n'y a que trois ou quatre chômeurs, et ils n'ont jamais été

11 riches.

12 "Radomir Kapetanovic : Pour vous dire la vérité, lorsque j'ai décidé

13 de venir ici, j'avais l'intention de garder le silence 15 minutes, de façon

14 à ce que mon silence soit un discours, parce que le silence parle davantage

15 que les mots parfois. J'ai pris la parole dans mon organisation de travail,

16 associé élémentaire, j'ai pris la parole devant la Ligue des Communistes

17 depuis dix ans, et les résultats ont été les mêmes que si j'avais parlé à

18 des murs. Je voulais et j'ai demandé des responsabilités pour que les faits

19 inexacts soient rétablis. Sans vérifier ce que je disais, on m'a mis au

20 travail selon les mots que j'utilise. Au jour d'aujourd'hui, je suis membre

21 encore de la Ligue des Communistes, et j'espère que je le demeurerais en

22 dépit du fait que certains responsables haut placés, présents ici, me

23 forcent depuis des années à ne pas suivre la ligne principale et ont tout

24 fait pour me discréditer en exigeant que je quitte la Ligue des

25 Communistes, non pas parce que j'ai tort, non pas parce que je suis

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1 nationaliste, camarade, seulement parce que je suis une épine dans l'œil du

2 département de Chimie, et de la faculté des Séparatistes albanais, qui

3 malheureusement sont très nombreux. Cette réunion doit être perçue, comme

4 une réunion de protestation -- je répète -- comme une réunion de

5 protestation pour défendre les droits élémentaires à la vie et au travail.

6 Ceux à qui ces protestations sont dirigées ne doivent pas restés sourds.

7 Nous sommes tous venus ici, je le garantis, en personne pour le bien de la

8 Yougoslavie. Il n'est venu à l'idée de personne de demander des postes

9 élevés, en privant qui que ce soit de ses droits. Je ne veux aucun droit,

10 si cela doit m'être donné aux filles de -- au prix d'une injustice faite à

11 d'autres. J'aurais honte si quiconque souhaitait obtenir un droit

12 quelconque, en privant de leur droit d'autres personnes. La Ligue des

13 Communistes doit - et le mot 'doit' est important - doit donner sa vraie

14 valeur au fait que le peuple lance un appel. Ce qui prouve que le peuple

15 croit au parti. C'est la preuve que le peuple croit au parti. Nous nous

16 tournons vers vous camarade président, vers vous avant tout en tant que

17 membre de la Ligue des Communistes, en tant que président du comité central

18 de la Serbie.

19 "Miroslav Solevic : Nous allons arrêter cette rivière, soit elle va couler

20 en aval soit des gens vont rentrer chez eux ou bien nous partirons tous

21 ensemble. Il n'y a pas d'hésitation, et nous vous demandons camarade

22 président, de dire aux dirigeants de la Serbie, et aux dirigeants de la

23 Yougoslavie, de leur donner une réponse claire de notre part, c'est ce que

24 nous vous demandons en tant que peuple.

25 Nous souhaitons vivre ici. C'est notre premier désir, mais pas dans les

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1 conditions actuelles, non. Nous souhaitons vivre ici, nous souhaitons

2 respecter l'ordre et travailler dans ce pays et dans cette province. Tous

3 les habitants de cette province, indépendamment de leur nationalité doivent

4 vivre de leur travail et non pas recevoir des fonds de la Fédération. Nous

5 ne sommes pas aveugles, la province n'est pas pauvre, ce n'est pas vrai.

6 "Mileka Aleksic : Au parlement municipal de Podujevo, des discussions ont

7 eu lieu au sujet de l'expulsion de Serbes et de Monténégrins. Dans les

8 documents qui ont été soumis aux délégués, le vice-président du parlement

9 municipal, responsable de la préparation des documents, écrit qu'une

10 immigration perfide de Serbes et de Monténégrins a été réalisée dans la

11 municipalité de Podujevo. J'ai ouvert l'encyclopédie pour voir ce que

12 signifiait le mot "perfide." Il est y dit, que cela signifie rusé,

13 malveillant. J'ai rencontré le vice-président de la municipalité et je lui

14 ai demandé, s'il te plaît camarade shérif, pourquoi 32 familles serbes ont-

15 elles quitté ton village ? Est-ce que c'était dans le but de faire du mal à

16 des Albanais honnêtes, pour dire et bien voilà ce sont eux qui ont chassé

17 des Serbes et des Monténégrins ?

18 "Jovanka Vukovic : Camarade Milosevic, je vais simplement te demander si

19 quelqu'un va assumer la responsabilité des enfants serbes de cette

20 province, s'agissant des actes sales qui ont été commis. Est-ce que

21 quelqu'un sera responsable de cela ? Est-ce que quelqu'un sera responsable

22 et les camarades qui ont parlé de moi comme ayant une dague à la main, et

23 bien non, je suis une femme qui a sa propre souffrance. J'ai survécu à des

24 événements tragiques. Que peu de mères auraient pu supporter. C'est la

25 raison pour laquelle j'ai essayé d'enlever mes enfants d'ici. Il y a eu des

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1 moments difficiles, parce que j'ai dit ce que je pensais vraiment, j'ai dit

2 cela avec mes mots à moi, j'ai dit la vérité et je maintiens ce que j'ai

3 dit. On m'a appelé épée dans les mains de quelqu'un, mais dans les mains de

4 qui ? Si j'avais su à l'époque croyez-moi, indépendamment des mains de qui

5 que ce soit, je serai restée seule là où j'ai des droits. Je n'ai obtenu

6 aucun droit dans cette province. Je n'ai pas besoin de continuer à parler,

7 je dirais simplement donnez-nous la liberté ici, ou envoyez-nous en Serbie

8 pour nous donner la liberté.

9 "Dusica Zoric : Camarades, je vous supplie, vous qui êtes au premier rang,

10 je vous supplie de vous donner les moyens -- de vous mettre à la place de

11 ceux qui viennent ici exposer leur problème. Prenez la parole parlez de vos

12 problèmes et laissez les gens qui viennent de vous présenter leurs

13 problèmes prendre votre siège. Est-ce que dans ces conditions vous auriez

14 demandé que des responsabilités soient assumées concrètement ? Je pense que

15 vous l'auriez fait. Dans ces conditions, je vous demande de nous

16 comprendre. Les gens sont en difficulté. Durant le mandat précédent,

17 j'étais représentante au parlement fédéral, et au conseil fédéral. En tant

18 que représentante, j'ai fait de mon mieux pour exposer les problèmes, et

19 pour parler de ce peuple. Je comprends que tous les problèmes, que ce soit

20 les problèmes des Serbes, des Monténégrins, des Albanais, des Turcs, des

21 Gorani ou des membres d'un autre groupe ethnique, ou d'une nationalité, ont

22 leur spécificité du point de vue des difficultés qu'ils sous-tendent, et

23 qu'ils ont tous besoin d'être considérés avec la plus grande attention.

24 Mais, camarade, si nous demandons que chaque problème soit pris en compte

25 séparément, alors la tâche serait homérique, même pour des tribunaux.

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1 Devant des assemblées comme celles-ci, nous devrions discuter de ces

2 problèmes concrètement. Ces problèmes ont eu pour résultat des violations

3 massives de la constitution, et du droit. Ces problèmes vont déboucher

4 d'ailleurs ont déjà débouché sur de nombreuses difficultés pour la

5 Yougoslavie. Nous avons le Kosovo, nous avons une situation économique

6 déterminée, nous avons une inflation galopante, nous avons une masse de

7 problèmes et il est grand temps que nous ayons davantage d'unité.

8 "Le Journaliste : Après 13 heures de débat interrompu, ce matin vers 7

9 heures du matin, Slobodan Milosevic président du comité central de la Ligue

10 des Communistes a pris la parole.

11 "Slobodan Milosevic : Camarades, avant de prononcer quelques mots qui

12 porteront sur le fond des débats d'aujourd'hui, je tiens à dire qu'il n'est

13 nul besoin que nous échangions nos places comme l'a dit la camarade tout à

14 l'heure pour rechercher les responsabilités. C'est notre devoir.

15 "Pour ce qui est de l'événement regrettable qui s'est produit ici

16 aujourd'hui, et de l'intervention de la police, les responsabilités,

17 s'agissant de cette intervention sans motif, seront établies. Cela ne fait

18 pas l'ombre d'un doute.

19 "Lorsque le camarade Mitar nous a averti de ce qui se passait devant le

20 bâtiment, vous savez très bien qu'il nous a fallu moins d'une minute pour

21 décider que ce n'était pas à la police de rétablir l'ordre mais que c'était

22 vous qui deviez vous en chargez, dans l'intérêt de la sécurité des citoyens

23 et des enfants qui se trouvaient là. C'est la preuve que la décision prise

24 a été la bonne. L'ordre a été rétabli et les gens qui l'ont rétabli se sont

25 comportés avec la plus grande dignité.

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1 "A la fin de cet entretien, je tiens à dire quelques mots sur le fonds de

2 ces débats. A dire avant tout que dans une assemblée, comme celle-ci, il

3 importe de regarder comment sont qualifiées des réunions comme celles-ci.

4 Des réunions comme celles-ci ne sont pas des réunions de nationalistes, ce

5 ne sont pas des réunions d'ennemis, mais ceci est précisément la raison

6 camarade. Je sais que je n'ai même pas besoin de le dire car c'est ce que

7 pense l'énorme majorité du peuple et des personnes présentes dans cette

8 salle. C'est précisément pour cela que nous ne devons pas permettre

9 justement parce que nous ne sommes pas ici dans une réunion d'ennemis, mais

10 dans une réunion de citoyens. Nous ne devons pas permettre que le malheur

11 des gens soit exploité par des nationalistes, que toute personne honnête se

12 doit de combattre. Nous devons maintenir la fraternité et l'unité, la

13 protéger comme la prunelle de nos yeux car c'est à l'heure où la fraternité

14 et l'unité sont menacées, ce qui est le cas aujourd'hui que nous pouvons et

15 devons l'emporter.

16 "Nous ne voulons et ne pouvons diviser les gens en Serbe d'une part,

17 Albanais d'autre part, mais la séparation que nous devons faire doit être

18 faite entre d'une part les gens honnêtes et évoluées qui luttent pour la

19 fraternité et l'unité, et l'égalité ethnique, et d'autre part, ceux qui

20 veulent la contre-révolution et le nationalisme. Si nous ne créons et

21 n'affermissons pas ce front là, cette distinction là, Camarade, il n'y aura

22 plus de Kosovo, plus de Serbie, et plus de Yougoslavie à l'avenir.

23 "Ensuite, je tiens à vous dire autre chose : soyez assurés que pas un

24 des problèmes que vous avez évoqués, littéralement pas un seul mot que vous

25 avez prononcé en parlant de ces problèmes ne sera ignoré par les membres du

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1 comité central de la Ligue des Communistes de Serbie. Et ceci pas

2 simplement en tant qu'éléments d'information, mais parce que notre but est

3 de régler ces problèmes dans le cadre des institutions existant dans notre

4 système. J'ai éprouvé la nécessité de dire cela au début de mon allocution

5 car il ne serait même pas matériellement possible de traiter une par une

6 toutes les questions qui ont été évoquées ici.

7 "Il apparaît clairement à tout le monde aujourd'hui en Yougoslavie

8 que le Kosovo est un problème très important pour notre société, un

9 problème qui se résout très lentement. Mais je dois dire toutefois que si

10 le Kosovo était le seul problème, ou même le seul problème important pour

11 la société yougoslave, les choses s'arrangeraient certainement beaucoup

12 plus vite et beaucoup mieux que cela n'est effectivement le cas. Mais le

13 Kosovo c'est imposé comme le problème suprême au moment même où nous

14 frappait une grave crise économique, au moment où le niveau de vie

15 connaissait un effondrement catastrophique, où les prix ont commencé à

16 monter et le nombre des chômeurs a augmenté. Il y a eu la crise politique

17 de la Yougoslavie, comme vous le savez, était ébranlé en tant qu'Etat par

18 le séparatisme, le nationalisme, qui sévit dans plusieurs de ces régions,

19 même si cela ne se fait pas aussi violemment qu'au Kosovo loin de là.

20 "Les forces anti-yougoslaves et anti-communistes sont toujours plus

21 présentes et plus agressives. Comme vous le voyez, de nombreux problèmes

22 graves ont éclaté simultanément et c'est la raison pour laquelle notre

23 société et la Ligue des Communistes éprouvent de grandes difficultés et

24 avance assez lentement vers la solution de ces problèmes.

25 "Or pour résoudre tous ces problèmes, la Ligue des Communistes n'a pas

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1 toujours été unanime. Elle n'a pas pu se montrer suffisamment efficace. Je

2 ne dis pas cela pour vous présenter une excuse car je n'en aurais pas le

3 droit mais je constate simplement. Pour résoudre les problèmes du Kosovo,

4 comme tous les autres problèmes que nous vivons, il nous faut une Ligue des

5 Communistes unie. Et cette union est le devoir le plus important auquel le

6 parti est aujourd'hui confrontée. Cette nécessité de cohésion a été évoquée

7 par pratiquement tous les orateurs qui ont pris la parole lors de la

8 dernière session du comité central de la Ligue des Communistes de Serbie.

9 Je suis convaincu que nous avons fait un grand pas vers l'union au sein de

10 la Ligue des Communistes de Serbie et au sein de la Ligue des Communistes

11 de Yougoslavie. C'est véritablement grâce à l'unité que nous pourrons

12 résoudre de très nombreux problèmes, même pratiquement tous les problèmes,

13 mais sans unités, nous ne pourrons le faire.

14 "En dépit des nombreuses mesures dont vous avez évoquées certaines qui ont

15 été prises jusqu'ici et, notamment, cette dernière année, la situation au

16 Kosovo, aussi bien sur le plan économique que politique, est toujours

17 insatisfaisante. Le Kosovo est toujours sous développé. Le chômage y est

18 important. Les crédits étrangers entrés au Kosovo sont considérables.

19 L'exportation et insuffisante. De nombreuses constructions restent

20 inachevées, et en outre, et c'est le plus grave, il existe toujours un

21 grand nombre d'abus au niveau professionnel et au niveau de

22 l'administration ainsi que dans d'autres services et même sur le plan

23 politique.

24 "Nous en avons parlé hier, à la réunion de la présidence du comité régional

25 du Kosovo, et nous avons également parlé lors de cette réunion d'hier, des

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1 processus de formation et d'éducation ainsi que de la politique menée au

2 niveau des cadres et de l'existence encore actuelle d'un esprit de

3 séparatisme et fréquemment d'initiatives contre révolutionnaires. Le

4 processus de l'immigration des Serbes et des Monténégrins soumis à des

5 pressions

6 économiques, politiques, voire tout simplement physiques, représentent

7 probablement le dernier exode tragique d'une population en Europe. De

8 telles processions de désespérés sont du non vue depuis le Moyen Age.

9 "Je sais que vous ne devez plus entendre quiconque vous racontez ce qui

10 s'est produit par le passé. Et que l'analyse de la situation actuelle ne

11 suffit plus à vous intéresser, c'est logique. La seule chose qui peut et

12 doit nous intéresser, nous comme vous, c'est la série d'accords

13 susceptibles d'apporter des améliorations, susceptibles de résoudre une

14 situation dont personne à commencer par vous, mais également nous, n'est

15 satisfait et ce à juste titre. Mais je voudrais tout de même vous

16 convaincre d'abord qu'un nombre très important de mesures portant sur la

17 vie matérielle, les rapports politiques, la politique de cadres, sont

18 modifiés au quotidien et que ces modifications se feront à un rythme

19 accéléré dans les mois à venir.

20 "One ne cesse d'investir dans le développement matériel du Kosovo. Le

21 séparatisme et le nationalisme ont été traités comme des tendances contre-

22 révolutionnaires, et il y a des mutations de plus en plus nombreuses parmi

23 les cadres. Des mesures légales administratives et politiques ne cessent

24 d'être prises. Mais personne n'est satisfait du rythme auquel avance le

25 processus pas plus au sein du comité régional qu'au sein du comité central

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1 de la Ligue des Communistes de Serbie et de Yougoslavie. Nous l'avons

2 constaté hier lors de la réunion du présidium du comité régional, mais le

3 processus s'accélère et je suis convaincu qu'il va s'accélérer encore à

4 l'avenir, et je tiens à ce que vous le sachiez également.

5 "Mais il va de soi que je n'entends pas pour autant laisser entendre que

6 des raisons de satisfaction existent. Bien au contraire. Le Kosovo est

7 encore très pauvre, c'est la région la plus pauvre de notre pays quant aux

8 séparatistes et aux nationalistes albanais, ils ne se sont calmés qu'un

9 peu. Ils comptent sur le temps et les circonstances jouent en leur faveur,

10 c'est tout à fait clair. Il faut qu'ils sachent que ce sol ne connaîtra

11 plus jamais la tyrannie. Les populations éclairées du Kosovo, de Serbie, et

12 de Yougoslavie ne leur permettront pas.

13 "Quant aux plans politiques, l'idée que l'exigence d'un Kosovo

14 ethniquement pur puisse se justifier, et que cette exigence est réalisable,

15 et est encore très présente, c'est là que réside le problème, car

16 l'affirmation lancée par les contre-révolutionnaires selon laquelle la

17 province socialiste autonome du Kosovo est une communauté sociopolitique de

18 l'ethnie albanaise locale donne suite à sa conséquence logique, à savoir

19 que la province doit être transformée de facto et de jure en république. Ce

20 qui serait un premier pas, mais certes pas le moins important, vers la

21 désagrégation de l'intégrité territoriale de la République socialiste de

22 Serbie et de Yougoslavie. C'est à ces attitudes-là, camarades, que nous

23 nous sommes attaqués nous et tous les progressifs du Kosovo, de Serbie, et

24 de Yougoslavie.

25 "Quand on pense à ce qui a déjà été obtenu et à ce qui reste encore à

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1 faire, or, il reste à faire incomparablement plus que ce qui a déjà été

2 obtenu, on voit que ce qui nous attend ce n'est pas une série de devoirs et

3 d'obligations, mais ce qui nous attend c'est une grande offensive du parti,

4 qui visera à obtenir un développement matériel et culturel du Kosovo ainsi

5 qu'une existence libre et digne pour ces habitants. Mais là, il faut que

6 certains malentendus soient réglés car lorsqu'on parle d'habitants, on

7 sous-entend des êtres humains vivant dans la province et qui ne sont pas

8 harcelés au quotidien en raison de leur appartenance ethnique. En général,

9 on ne subit pas le harcèlement en raison de son sexe, de son âge, de sa

10 condition sociale, de son instruction ou de sa profession. Dans ce sens, on

11 ne saurait parler de peuple minoritaire ou majoritaire au Kosovo. Les

12 Serbes et les Monténégrins du Kosovo ne sont pas une minorité par rapport

13 aux Albanais, de même que les Albanais ne sont pas une minorité au sein de

14 la Yougoslavie, mais un groupe ethnique qui vit dans une communauté avec

15 égalité de droit à côté d'autres peuples et de groupes ethniques dans trois

16 de nos républiques socialistes. L'attitude consistante à revendiquer un

17 Kosovo ethniquement pur et économiquement et politiquement autonome et

18 isolé et non seulement impossible irréalisable sur le plan idéologique,

19 politique, et ethnique, mais enfin de compte, c'est également contraire aux

20 intérêts du peuple albanais.

21 "Un nationaliste exclurait le peuple albanais de son

22 environnement et ferait plus que freiner ce peuple, il interromprait

23 totalement son développement aussi bien que sur le plan spirituel au sens

24 large.

25 "Quant à Ever Hoxha, par sa politique, on a vu comment il a exclu de

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1 l'Europe le peuple albanais déjà très peu nombreux en créant cette société

2 extrêmement sous-développée et qu'il a privé de la possibilité de

3 participer au dynamisme du monde moderne, or, cette partie du peuple

4 albanais regarde vers l'Europe, elle regarde vers une société moderne, et

5 il ne faut pas la freiner sur cette voie. Le nationalisme est toujours

6 synonyme d'isolement vis-à-vis d'autrui, d'enfermement au sein d'un cadre

7 restreint. Il entraîne un retard de développement car sans coopération,

8 sans communication sur le terrain de la Yougoslavie d'abord et dans un

9 espace plus vaste ensuite, il ne peut y avoir de progrès. Tout peuple, tout

10 groupe ethnique dès lors qu'il s'enferme se comporte de façon irresponsable

11 envers son propre devenir -- développement. C'est la raison pour laquelle,

12 nous autres communistes avant tout, nous devons entreprendre tout ce qui

13 pourra l'être pour supprimer les conséquences du comportement nationaliste

14 et séparatiste des forces contre-révolutionnaires tant au Kosovo que dans

15 les autres régions du pays.

16 "Notre but c'est de surmonter cet état de haine, d'intolérance et de

17 méfiance, de faire en sorte que tous au Kosovo vivent bien, et c'est

18 pourquoi la première chose que je tiens à dire à ce sujet, camarades, c'est

19 que vous devez rester ici. C'est ici que se trouve votre pays. C'est ici

20 que se trouvent vos maisons, vos champs, vos jardins, et vos souvenirs.

21 "Vous n'allez tout de même pas quitter votre terre parce qu'on y vit

22 difficilement ou parce que vous y êtes écrasés par l'injustice et

23 l'humiliation. Cela n'a jamais été propre à l'esprit serbe ou monténégrin

24 que de reculer face à l'obstacle de se démobiliser lorsqu'il faut se

25 battre, de se démoraliser quand les choses sont trop dures.

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1 "Donc il ne lui est pas propre de se démoraliser quand c'est dur.

2 Vous devez rester ici aussi bien à cause de vos ancêtres que de vos

3 descendants. Vous feriez honte à vos ancêtres et vous décevriez vos

4 descendants.

5 "Je ne vous propose pas de rester en souffrant, en endurant une

6 situation dont vous êtes mécontents. Au contraire, vous devez la changer de

7 concert avec tous les esprits progressistes en Serbie ici et en

8 Yougoslavie. Ne me dites pas que vous ne pouvez pas vous en sortir tout

9 seul. Bien sûr, que vous ne pouviez rien faire tout seul, nous changerons

10 cela ensemble. Nous autres, hommes de Serbie et de Yougoslavie, nous ne

11 pourrons pas dans un délai convenable faire revenir la composition ethnique

12 de la population du Kosovo à son état jadis, mais nous pouvons au moins

13 enrayer l'immigration à assurer les conditions indispensables à ce que tous

14 les hommes qui vivent au Kosovo y soient chez eux, qu'ils vivent égaux et

15 qu'ils y partagent équitablement le destin économique d'abord puis tous les

16 autres destins de cette région.

17 "Pour l'entendement d'un Européen quelconque, cette exigence

18 paraîtrait absurde, ridicule pour l'époque où nous vivons, il se

19 demanderait l'existence et le travail des citoyens, leur sécurité, leur

20 égalité ne sont-elles pas réglées par la constitution et la loi ? C'est le

21 cas lorsque celles-ci sont appliquées, mais lorsqu'elles ne sont pas

22 appliquées elles ne règlent rien. A ce moment-là, il faut que toutes les

23 tribunes l'on rappelle aux instances gouvernementales et dirigeantes de

24 faire leur travail. Ce travail une application conséquente de la

25 constitution et de la loi au Kosovo et dans l'intérêt de tous ces

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1 habitants, des Serbes, des Monténégrins mais aussi des Albanais, camarades,

2 car si nous l'égalisons l'illégalité alors tous ceux qui sont victimes de

3 cette illégalité seront menacés.

4 "Aujourd'hui, ce sont les Serbes et les Monténégrins qui souffrent le

5 plus de l'inapplication de la loi, mais de demain, cela pourrait être les

6 Albanais, c'est pourquoi l'instauration du respect de la loi et de l'ordre,

7 et de l'égalité est vraiment d'un point de vue social et historique le plus

8 profond dans l'intérêt de tous les habitants du Kosovo. C'est la première

9 chose la plus urgente que nous devions accomplir au Kosovo.

10 "La seconde c'est celle-ci : il s'agit du retour au Kosovo, du retour

11 de gens capables avant tout. Je crois fermement que les processus

12 d'immigration ne pourront être enrayés tant que le processus du retour au

13 Kosovo n'aura pas pris de l'ampleur. Le retour des Serbes et des

14 Monténégrins au Kosovo est un processus. Nous ne pouvons promulguer un

15 décret et forcer les gens à vivre là où ils ne le veulent pas, mais nous

16 pouvons mettre en route une campagne politique visant à créer les

17 conditions matérielles, économiques, professionnelles, et culturelles qui

18 permettraient à ceux qui sont partis pousser par le mécontentement ou par

19 l'injustice de revenir. J'inclus là même des places de travail et les

20 appartements qui rendraient cela, effectivement, réalisable à la création

21 de telle condition, peuvent et doivent participer, toutes les forces

22 progressistes, les communistes et la jeunesse, tout ce qu'il y a d'honnête

23 et d'éclairé dans toute la Serbie, et aucun prix ne doit être trop élevé

24 pour l'obtenir.

25 "Certes, nous disons habituellement dans notre langage politique, que

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1 nous ne sommes pas pour une campagne, mais pour un processus durable. Mais

2 dans le cas présent, la situation est si alarmante, que nous devons lancer

3 un une campagne, une vraie campagne pour faire revenir 50, 100, voire 200

4 professeurs, médecins, et autres spécialistes, des ouvriers qualifiés, puis

5 tous les autres. C'est cette campagne qui doit devenir un processus, ce

6 n'est qu'alors qu'on aura des chances d'en rayer le départ des Serbes et

7 des Monténégrins du Kosovo. Le titulaire de cet esprit de progrès, de

8 fraternité et d'unité, ce ne sera la classe ouvrière, parce que ses

9 intérêts sont les mêmes. Elle n'a aucune raison de procéder à des partages,

10 à des divisions nationales, elle a su se battre contre des injustices plus

11 grandes, et ce n'est qu'elle qui est à même de battre celle-ci. Donc il n'y

12 a pas autre chose qu'avoir foi en nous-mêmes, camarades.

13 "C'est ce que je voulais vous dire, camarades au sujet de nos

14 entretiens d'aujourd'hui, je tiens à vous assurer également que tout membre

15 de la direction de la République socialiste de Serbie, et de la République

16 socialiste de la Yougoslavie, sera toujours prêt à avoir des entretiens de

17 ce type et à être présent en permanence pour l'accomplissement conjoint des

18 tâches dont nous avons parlé. Soyez assurés que c'est là un sentiment qui

19 est présent tout au large de la Yougoslavie. La Yougoslavie est toute

20 entière avec vous. Ce n'est pas seulement un problème qui concerne la

21 Yougoslavie, et ou la Yougoslavie ou le Kosovo. La Yougoslavie n'existe pas

22 sans le Kosovo, la Yougoslavie se désintégrerait sans le Kosovo. La

23 Yougoslavie et la Serbie, ne lâcheront pas le Kosovo."

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avant que de

25 poser des questions à ce sujet, je crois qu'il nous faudrait prendre une

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1 pause de 20 minutes.

2 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, avant la pause, et il se

3 peut que le Juge Kwon et le Juge Bonomy se soient posés la question, de

4 savoir pourquoi je n'ai pas trouvé la transcription, mais cela est

5 effectivement figuré au 5.1, mais le 5.1 ne nous a pas été communiqué. Il

6 arrive que les Juges de la Chambre reçoivent des traductions tardives et il

7 nous arrive que nous fassions communiquer des pièces, mais avant que la

8 traduction ne soit faite, nous restons parfois sans traduction.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

10 Nous allons lever l'audience pour 20 minutes.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 37.

12 --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous allez

14 formuler des questions à l'attention de ce témoin. Je vous demanderais de

15 le faire sous forme de questions et non pas de commentaires de nature

16 générale concernant la vidéo que nous venons de visionner tout à l'heure.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforcerai de le faire, Monsieur Robinson,

18 mais avant de poursuivre avec les questions et réponses, je crains que vous

19 allez nous couper les travaux à moins le quart, à deux heures moins quart,

20 et que je n'aurai peut-être pas le temps de le dire, c'est tout à fait

21 technique. Le témoin suivant, pour des raisons de santé, et en raison d'une

22 opération à laquelle il doit se soumettre prochainement, se propose de

23 venir témoigner demain matin. M. Balevic pourrait interrompre son

24 témoignage et continuerait après le témoin d'après. Ce sont des raisons de

25 santé, qui sont des raisons tout à fait justifiées, et j'aimerais qu'il en

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1 soit tenu compte. Ce qui fait que demain, nous aurions un témoin qui

2 commencerait et qui terminerait, et nous poursuivrions, par la suite, le

3 témoignage de M. Balevic. J'espère qu'on vous l'a communiqué, qu'on vous en

4 a informé.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, on nous l'a fait savoir, et

6 nous sommes tout à fait d'accord.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Balevic, je me propose maintenant de vous donner lecture de

10 l'Article 76 de l'acte d'accusation au Kosovo qui a trait à ces événements

11 du mois d'avril afin de conserver cette continuité dans les questions.

12 L'Article 76 s'énonce comme suit -- je ne vais pas vous donner lecture de

13 la totalité, on l'a déjà cité, mais on dit que : "Lorsqu'il a rencontré les

14 dirigeants serbes locaux et lorsqu'il s'est adressé à la foule serbe -",

15 c'est le discours qu'on a vu - il s'est prononcé en faveur d'un programme

16 nationaliste serbe."

17 En votre qualité de président à cette réunion où l'un quelconque de vos

18 concitoyens, vu tout ce qui se passait, avez-vous pu avoir l'impression que

19 dans ce discours il y ait eu quoi que ce soit à l'encontre des Albanais ?

20 R. Je demanderais qu'on ne m'interrompe pas, et Monsieur Robinson,

21 j'aimerais qu'il me soit fourni l'opportunité de terminer ma réponse de

22 tout à l'heure.

23 Lorsque nous avions demandé à Milosevic de venir, cela aurait pu être

24 quelqu'un d'autre et pas Milosevic, nous nous sommes adressés à la fonction

25 qu'il exerçait, le rassemblement de Kosovo Polje avait été interdit par le

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1 comité provincial et municipal de la Ligue des Communistes. La décision

2 était celle de tenir une réunion des communistes de Kosovo Polje avec une

3 combinaison de trois Albanais, de trois représentants albanais pour un

4 représentant serbe, ce que nous n'avons pas accepté. Ils avaient préparé 20

5 laissez-passer à l'attention de ceux qu'ils avaient prévu et de ceux qui

6 étaient censés y prendre part. Nous ne l'avons pas accepté. Donc elle s'est

7 tenue cette réunion, et il y a eu plusieurs Albanais à cette assemblée et

8 je ne sais pas combien au juste, mais il y en a eu beaucoup.

9 S'agissant maintenant du rassemblement, on peut dire ce qu'on veut

10 dans l'acte d'accusation - je ne sais pas qui l'a rédigé et je ne sais pas

11 ce qui a animé celui qui l'a rédigé - mais votre discours à vous et mon

12 discours à moi, qui sont mentionnés par l'acte d'accusation, et au sujet de

13 quoi il a été dit qu'ils étaient nationalistes, cela n'a rien de commun

14 avec la réalité des choses. Ce que nous avions laissé entendre dans tous

15 nos discours, c'est que nous voulions vivre avec les Albanais, nous

16 n'avions rien contre les Albanais. Nous étions contre les extrémistes,

17 contre les nationalistes. Parce qu'on ne dit pas ici qu'on ne pouvait pas

18 venir au Kosovo sans l'approbation. On ne peut pas dire, non plus, que vous

19 êtes venu apporter votre soutien au nationalisme serbe parce qu'il n'y en a

20 pas eu.

21 Q. Monsieur Balevic, à l'occasion de ce rassemblement, vous avez suivi

22 tous les exposés, toutes les allocutions. N'a-t-il pas été surtout question

23 d'une position, d'une situation tragique des Serbes et Monténégrins au

24 Kosovo et Metohija ? Quel a été le leitmotiv ? Quelle a été la substance ?

25 M. NICE : [interprétation] Ce sont là des choses qui me laissent entendre

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1 qu'il sera posé des questions suggestives. Je n'ai rien contre le fait de

2 poser des questions au sujet du film, mais une question commençant de la

3 sorte est forcément une question suggestive.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est une question suggestive,

5 Monsieur Milosevic. Je crois que vous devriez poser des questions portant

6 sur la substance même de cette situation des Serbes et Monténégrins en

7 Kosovo, mais vous ne pouvez pas poser une question où littéralement parlant

8 vous fournissez, vous mettez la réponse dans la bouche du témoin. Nous

9 avons déjà parlé de tout cela.

10 L'ACCUSÉ : Très bien.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] L'essentiel de cette réunion portait sur le

12 drame vécu par la population serbe et monténégrine au Kosovo et Metohija

13 dont la survie était devenue impossible. Nous vous avions demandé de venir

14 pour parler, pour nous entretenir parce que les Serbes et les Monténégrins

15 du Kosovo et Metohija ont été frappés à toutes les portes de la fédération,

16 mais ils n'ont pas trouvé la compréhension pour ce qui est de leur garantir

17 leur sécurité, et c'est la raison pour laquelle il s'est tenu la réunion à

18 laquelle nous vous avions convié.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Dans mon discours, je mentionne une campagne, à vrai dire, c'est une

21 campagne assez modeste. Il est question de faire venir 100 ou 200

22 professeurs, médecins, et autres. Mais à l'époque, aux yeux des Serbes et

23 Monténégrins, cela signifiait-il un encouragement que de voir revenir ne

24 serait-ce qu'un seul professeur ou médecin ? Et 100 professeurs ou

25 médecins, vu d'ici, peut paraître modeste, mais à l'époque, quelle avait

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1 été, à l'époque j'entends, la taille de cet objectif pour ce qui est d'un

2 soutien ou d'une expression de solidarité à l'égard de ce peuple se

3 trouvant au Kosovo ?

4 R. S'agissant des Serbes au Kosovo et Metohija, il importait beaucoup de

5 voir revenir, ne serait-ce qu'un Serbe, ne serait-ce qu'une famille, et

6 sans parler de plusieurs familles ou plusieurs experts. Donc, tout retour,

7 de trois ou plus revenant constituait un encouragement très grand parce que

8 les gens voulaient surtout fuir, ne pas rester au Kosovo. Cela signifierait

9 autre chose que de fuir.

10 Q. Mais est-ce que l'un quelconque des intervenants aurait omis de parler

11 des départs ?

12 R. Il est dommage que l'on n'ait pas vu ici les interventions des 76

13 intervenants sur la vidéo de Goran Milic. Goran Milic, de nos jours, se

14 trouve être le rédacteur en chef de la télévision croate. Mis à part

15 éventuellement une ou deux interventions dissonantes, tous les autres

16 intervenants visaient et parlaient de la sécurité, de la terreur à l'égard

17 des Serbes, des départs, de la nécessité de voir les gens revenir, du

18 désespoir et de la misère, parce qu'on avait dit que dans les villages

19 serbes, il n'y avait ni chansons, ni pleurs, il n'y avait plus de Serbes

20 tout simplement. Quelque 600 agglomérations sont restées ethniquement

21 pures.

22 Si l'on avait pu voir ces autres interventions, on aurait compris, mais là

23 avec ces deux ou trois interventions dissonantes, il n'a pas été tenu des

24 propos à l'encontre des Albanais, mais à l'encontre de la terreur et du

25 séparatisme de la part des Albanais.

Page 35685

1 Q. Étant donné que vous avez présidé à ces travaux, et que vous avez dû

2 tenir compte des personnes présentes dans la salle, pouvez-vous nous dire

3 qui étaient les responsables invités à cette réunion ? Je ne veux pas dire

4 que vous allez vous souvenir de toutes les personnes présentes, mais je

5 voudrais que vous mentionniez au moins ceux dont vous pouvez vous souvenir.

6 R. Il y avait le président du comité provincial, Azem Vllasi, le

7 président du comité de la municipalité Radic Halili, il y avait Kolj

8 Siroka, qui était membre d'une direction quelconque, je ne sais plus

9 quelles étaient ses fonctions au juste. Il y avait le président de

10 l'assemblée municipale qui était le représentant au sommet de ce groupe

11 ethnique albanais. Les numéros un du parti étaient tous représentés.

12 Q. Nous avons vu au début la situation telle qu'elle se présentait à

13 l'extérieur lorsqu'il y a eu intervention de la police. Est-ce que l'ordre

14 a été rapidement rétabli ?

15 R. Absolument. A partir du moment où vous vous êtes adressé depuis la

16 fenêtre aux gens rassemblés, il n'y a plus eu d'incidents du tout.

17 L'incident a été créé par la police.

18 Q. Bien. Dites-moi maintenant, si ultérieurement il s'est avéré que cette

19 intervention de la police était inutile ?

20 R. Inutile et il a été mise mal à profit.

21 Q. Dans ce livre, Nuits blanches, à la page 334, bien qu'un certain nombre

22 de pages soient consacrées au rapport du secrétariat fédéral de

23 l'Intérieur, je signale qu'il ne s'agit pas du secrétariat de la Serbie, du

24 secrétariat de la République, mais du secrétariat fédéral de l'Intérieur, à

25 la page 320, il y a même d'ailleurs une photocopie du document qui stipule

Page 35686

1 qu'il s'agit d'un groupe de travail commun du secrétariat fédéral chargé

2 des Affaires intérieures adressé à la Serbie. A la page 334, je ne vais

3 donner lecture que d'un seul passage extrait de ce rapport qui dit, je cite

4 : "L'emploi de matraques en caoutchouc contre les citoyens du fait de la

5 police n'est pas conforme aux dispositions des Articles 100 et 101 de la

6 procédure du maintien de l'ordre. D'après les déclarations des citoyens qui

7 ont été interrogés par le comité, d'après les déclarations faites par les

8 policiers, il a été établi que des mesures de coercition avaient été

9 employées à l'encontre de 25 citoyens. Cependant sur la base de ces

10 déclarations et des rapports, et sur la base d'autres sources

11 d'information, il est possible d'affirmer avec beaucoup de certitude que

12 des mesures de contrainte et de coercition ont été utilisées contre

13 d'autres citoyens dont le nombre cependant n'a pas pu être établi. Il est

14 incontestable que des mesures de ce type ont été employées par 14 membres

15 des forces de police. On peut également partir du principe que ces mesures

16 ont été employées par d'autres membres de la police, cependant leurs noms

17 n'ont pas pu être déterminé."

18 Je cite un autre passage : "Globalement, le comportement des citoyens lors

19 de ce rassemblement devant le bâtiment culturel à Kosovo Polje ne saurait

20 être considéré comme un comportement extrémiste, ou contestable. On n'a pas

21 constaté d'infractions ou de violations de l'ordre ou de la loi

22 significatives."

23 Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet des raisons pour lesquelles

24 la police est intervenue et pourquoi le groupe de travail conjoint du

25 secrétariat fédéral de l'Intérieur a estimé que cette intervention était

Page 35687

1 non justifiée ?

2 R. Lorsque ce rapport a été publié, c'était un rapport qui était tabou. Il

3 était très confidentiel, mais j'en avais connaissance, j'ai été invité par

4 le secrétariat provincial à Pristina à m'exprimer à ce sujet. Lorsque je

5 suis allé là-bas, j'ai demandé si on m'interrogeait en tant que témoin ou

6 en tant que suspect. Cependant, j'ai appris auprès de ceux qui étaient

7 également présents que l'intervention de la police était une intervention

8 qui ne s'imposait pas. On n'est pas arrivé à des conclusions définitives

9 sur l'identité de celui qui avait donné l'ordre d'intervenir. On a dit que

10 c'était Daci, le chef de l'administration de la police qui l'avait fait,

11 mais on ne pouvait pas déterminer avec clarté s'il avait reçu des ordres de

12 personnes supérieures. Dans cette commission, il y avait des représentants

13 des instances républicaines fédérales et provinciales. Mais avant, je

14 savais déjà que l'emploi de ces matraques en caoutchouc était superflu.

15 Q. Monsieur Balevic, vous étiez à côté de moi, lorsque nous avons quitté

16 cette salle, la salle de la maison de la Culture et au moment de cette

17 bousculade. On voit très bien qu'à la télévision, j'ai dit qu'il ne fallait

18 frapper sur personne. A quoi est-ce que je faisais référence ? Vous étiez à

19 côté de moi.

20 R. J'étais à côté de vous. C'était en réponse à ceux qui se trouvaient

21 tout à côté de vous, mais personne n'a pu vous entendre, parce qu'il y

22 avait trop de monde.

23 Q. Mais qu'est-ce qu'ils étaient en train de me dire ?

24 R. Ils disaient : "On est en train de nous taper dessus, Président. Les

25 policiers nous frappent."

Page 35688

1 Q. Oui, c'est ce qui est apparu, c'est ce dont on s'est rendu compte, ils

2 m'ont dit qu'on est train de les frapper, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Vous avez dit qu'il ne fallait pas qu'on les frappe, mais personne

4 n'a pu vous entendre en dehors de ceux qui se trouvaient tout à côté de

5 vous.

6 Q. Ce n'est pas grave.

7 R. Oui, mais la vérité, c'est que vous avez dit : "Il ne faut pas que l'on

8 vous frappe," en réponse aux griefs qu'ils vous présentaient.

9 Q. Merci. Passons à autre chose. Est-ce que vous pouvez nous en dire un

10 peu plus sur la chose suivante : est-ce qu'on a entamé des poursuites

11 contre des policiers ou des enquêtes pour déterminer s'il y avait eu abus

12 de pouvoir ?

13 R. Non. Rien en dehors de ce qui figure dans le rapport. Je ne sais pas si

14 d'autres mesures ont été prises.

15 Q. Quand M. Jokanovic a déposé ici, M. Nice semblait vouloir dire que tout

16 ceci était une mise en scène, que les manifestants avaient provoqué la

17 police pour qu'elle intervienne. Qu'en pensez-vous ? Je le rappelle Vukasin

18 Jokanovic.

19 R. C'est complètement faux. Les citoyens n'avaient aucune raison de

20 provoquer les policiers, ils n'ont rien fait de la sorte, je peux

21 l'affirmer avec la plus grande certitude. Ce que l'on demandait aux

22 policiers, c'était tout simplement de rétablir l'ordre et de maintenir

23 l'ordre après cet incident.

24 Q. Merci. Combien de temps a duré cette réunion dans la maison de la

25 Culture ? Combien de personnes sont intervenues à la tribune ?

Page 35689

1 R. Cela a duré quelque 13 heures, on a compté au total 76 orateurs, 76

2 témoins qui ont déposé et témoigné en direct du drame que vivaient les

3 Serbes et les Monténégrins au Kosovo et Metohija à cette époque.

4 Q. Monsieur Balevic, savez-vous que ce jour-là, le 25 avril puisque cette

5 réunion a pris fin aux petites heures du 25 avril après avoir duré toute la

6 nuit, savez-vous qu'après mon départ de Kosovo Polje ce jour-là, Kosovo

7 Polje, je le rappelle une localité dont la majorité des habitants sont

8 Serbes, je suis allé dans une autre localité, à l'usine de tuyères

9 d'Urosevac. Dans cette localité qui est peuplé essentiellement par des

10 Albanais.

11 R. Je sais que vous avez fait cette déclaration dans cette usine de

12 tuyères. J'ai écouté votre allocution à la radio et à la télévision.

13 C'était un message de paix que vous avez prononcé.

14 Q. Effectivement, j'ai tenu un discours bref.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez la traduction en anglais, et je vais

16 citer l'essentiel de ce discours. Cela fait moins d'une page. Je vais

17 sauter le premier paragraphe.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Là, je m'adresse à des Albanais. Monsieur Balevic, est-ce que ceci est

20 contesté, le fait que je m'adressais à des Albanais ?

21 R. C'était le cas puisque 90 % du personnel dans cette fabrique de tuyères

22 était constitué d'Albanais.

23 Q. Ceci a été publié dans mon livre en 1989. "Il se produit ici ces

24 dernières années des choses qui ne se sont pas produites dans les pays

25 civilisés pendant des siècles. On viole des femmes et des enfants."

Page 35690

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je signale pour le compte rendu

2 d'audience que le document se trouve à l'intercalaire 5.2. Continuez,

3 Monsieur Milosevic.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. "Ces faits honteux les Serbes et les Monténégrins ne peuvent les

6 combattre seuls, quel que soit le soutien que ces derniers reçoivent des

7 gouvernements de la République et de la Nation, ce sont dans une grande

8 mesure les Albanais du Kosovo eux-mêmes qui doivent modifier dans un sens

9 positif la position des peuples Serbes et Monténégrins.

10 "Les gens honnêtes et progressifs, la jeunesse et surtout les

11 communistes Albanais doivent être les premiers, les plus tenaces et les

12 plus efficaces dans la lutte contre leur propre nationalisme.

13 "Ce que je dis, camarades ne concerne pas uniquement l'ethnie

14 albanaise; cela vaut aussi pour le peuple serbe, monténégrin et pour tous

15 les peuples du monde.

16 "Il est juste et moral que chaque peuple et ses esprits les plus

17 avancés en premier lieu combattent leur propre nationalisme et tout les

18 procédés détestables inhumains qui offensent et humilient un autre peuple.

19 Mais de tels procédés offensent et humilient aussi en fin de compte le

20 peuple dont certain des membres les perpétuent.

21 "Contre les actes honteux perpétrés par ces nationalistes, les

22 Albanais doivent non seulement protéger les Serbes et les Monténégrins, ils

23 doivent encore s'en protéger eux même.

24 "Chaque fois qu'un enfant Serbe est violé la honte en retombe sur

25 tous les Albanais s'ils ne font pas cesser de telles atrocités.

Page 35691

1 "La sécurité des enfants Serbes et Monténégrins, ce sont les mères

2 albanaises et les pères albanais qui doivent s'en occuper et s'en

3 préoccuper plutôt que la police. Là où la police et l'armée commencent à

4 prendre les choses en main, c'en est fini de la liberté et pour les

5 coupables et pour les innocents, pour tous.

6 "Attachez-vous à faire respecter la justice, préservez la voix de

7 ceux qui peuvent le faire."

8 Connaissez-vous la réaction des dirigeants albanais et des Albanais en

9 général aux propos que j'ai tenus à ce moment là ?

10 R. Monsieur le Président, je n'ai pas vraiment suivi tout cela, les

11 observations qui ont été faites parce que j'ai été très occupé moi-même,

12 donc je n'ai pas vraiment suivi les réactions que cela a entraînées. Mais,

13 je n'ai lu nulle part qu'il y a eu des réactions adverses à ces propos.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous signale

15 qu'aujourd'hui nous interromprons nos travaux à

16 13 heures 44. Hier, à cause de notre retard de cinq minutes, le procès qui

17 siège ici cet après-midi a eu quinze minutes de retard. Je ne souhaite pas

18 que ceci se reproduise. Je ne souhaite pas non plus qu'on me fasse cette

19 réputation.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur Robinson, je comprends tout à

21 fait. Je vais essayer de m'en tenir au temps qui m'est imparti et dont nous

22 disposons tous.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Balevic, pendant toutes ces semaines, pendant tous ces mois,

25 vous avez eu des contacts avec gens qui habitaient dans toutes les régions

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1 de la Yougoslavie. Est-ce que vous savez si le drame que vivaient les

2 Serbes et les Monténégrins au Kosovo était quelque chose qui était très

3 présent à l'esprit de tout le monde dans la société yougoslave ?

4 R. Oui, mais personne n'a réagi pour autant.

5 Q. Etant donné que pour reprendre le vocabulaire de l'époque et ce qui

6 transparaît dans les discours et les discussions, le terme utilisé

7 fréquemment était le terme de "contre-révolution". Est-ce que c'était là le

8 terme qui avait été utilisé par la présidence de la RSFY qui comptait

9 simplement un membre Serbe ?

10 R. Je ne peux pas me prononcer avec certitude à ce sujet, ce dont je me

11 souviens par contre, c'est qu'on a dit effectivement qu'il y avait une

12 contre-révolution en cours au Kosovo et Metohija à l'époque.

13 Q. Pour reprendre les termes utilisés à l'époque, et pour le vocabulaire

14 qui existait à l'époque, est-ce que ce n'était pas là la qualification la

15 plus grave qui puisse être choisie pour désigner ces événements par les

16 dirigeants Yougoslave ?

17 R. Tout à fait.

18 Q. Donc il est manifeste que les dirigeants politiques de la Yougoslavie

19 étaient conscients de la position tragique des Serbes et des Monténégrins

20 au Kosovo et Metohija ?

21 R. C'est tout à fait exact. Les dirigeants politiques de la Yougoslavie

22 étaient parfaitement conscients de la situation. Ils recevaient des

23 informations de toutes les sources possibles et inimaginables. De plus, ils

24 avaient entendu les délégations et les différents représentants du peuple

25 qui les avaient informés à ce sujet, donc ils savaient parfaitement ce qui

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1 ce passait au Kosovo et Metohija.

2 Q. Monsieur Balevic, pouvez-vous me dire si, après ma visite à Kosovo

3 Polje le 24 et le 25 avril, les Serbes ont eux une position favorisée par

4 rapport aux Albanais ?

5 R. Non, pas du tout. Ils étaient sur un pied d'égalité, ils ne disposaient

6 pas de droits supérieurs à ceux des Albanais. Après votre visite, on a mis

7 en place une municipalité dont le président était un Albanais. Le président

8 du syndicat était Albanais. Le secrétaire du parti était Albanais. Tout

9 ceci nous montre que s'agissant de la politique du personnel et de

10 l'emploi, il n'y avait pas de discrimination contre les Albanais. Tout le

11 monde avait les mêmes droits. Les Serbes ne demandaient rien d'autre, ils

12 voulaient tout simplement jouir des mêmes droits que les Albanais afin de

13 garantir la survie des Serbes et des Monténégrins au Kosovo et Metohija.

14 Q. Vous souvenez vous si au moment où ce drame se déroulait, et au moment

15 où les dirigeants Yougoslaves ont utilisé des termes extrêmement forts pour

16 décrire ce qui ce passait ? Vous souvenez vous qui étaient les membres des

17 dirigeants de la direction de la Yougoslavie ?

18 R. A l'époque, Sinan Hasani était président de la présidence et, en tant

19 que président de la présidence, il s'est rendu dans une village, qui

20 s'appelait Prelluzhe, pour parler aux résidants, il était président de la

21 présidence. Il y avait Fadil Hoxha qui était aussi un des principaux

22 dirigeants. Kadijevic, si je me souviens bien, en faisait également partie,

23 mais Sinan Hasani était président de la présidence, c'est-à-dire, l'organe

24 suprême du pays.

25 Q. Expliquez-nous qui est Sinan Hasani ?

Page 35694

1 R. Sinan Hasani est albanais. Il vient d'un village situé à proximité de

2 Gnjilane.

3 Q. On trouvait un Albanais occupant un des postes les plus importants du

4 pays de la présidence. Est-ce que Sinan Hasani était en poste au moment la

5 constitution a été modifiée en 1989 ?

6 R. Oui. Je crois.

7 Q. Est-ce que vous le croyez simplement ? Parce que si vous n'en êtes pas

8 sûr il ne faut pas vous l'affirmiez. C'est un point qui serait de toute

9 manière facile de vérifier.

10 Maintenant, je souhaiterais vous poser quelques questions qui vous

11 concernent personnellement. Nous avons entendu ici déposer un membre de la

12 JNA et qui était membre des services de Renseignements. Il a affirmé que

13 vous aviez transmis à votre belle-fille Ljiljana Balevic mes propos dont

14 la teneur était qu'on ferait venir des Roumains au Kosovo et Metohija. Est-

15 ce que vous vous en souvenez ?

16 R. Je suis ce procès, Monsieur Milosevic, je ne me souviens pas de cet

17 officer musulman. Cela ne m'intéresse pas de savoir son nom, mais tout ce

18 que je sais c'est qu'il s'agit là d'un mensonge éhonté, un mensonge pour

19 lequel je ne trouve pas de mot dans la langue serbe pour le qualifier comme

20 il convient. Je n'ai jamais rien dit de tel à ma belle-fille. Elle n'a pas

21 eu de contact avec cette personne, aucun contact quel qu'il soit.

22 C'est un petit peu comme, si on disait que l'on va installer des

23 Albanais en Bulgarie ou sais-je encore ? Parce qu'on n'arrivait même pas à

24 faire revenir les Serbes qui avaient quitté le Kosovo pour aller

25 s'installer à Nis. Donc ce qu'a dit ce monsieur c'est vraiment complètement

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1 absurde et scandaleux.

2 Q. Monsieur Balevic, je ne sais pas si vous étiez à la tête ou si vous

3 étiez simplement un membre de l'instance chargé des Réfugiés en provenance

4 de Croatie et de Bosnie.

5 R. Oui. C'est exact. J'étais président de l'état-major de la cellule qui

6 avait été mise en place dans la ville pour accueillir les réfugiés en

7 provenance de Croatie et de Bosnie.

8 Q. Vous avez sans doute attendu puisque cela a été déclaré ici, entendu

9 dire donc que les autorités de Serbie sous ma conduite souhaitaient

10 modifier la composition nationale du Kosovo et Metohija en peuplant le

11 Kosovo et Metohija par des réfugiés en provenance de Croatie et de Bosnie.

12 Qu'avez-vous à dire à cela ?

13 R. En tant que président de cette instance dont j'ai parlé, j'allais

14 régulièrement accueillir les réfugiés à la gare de Kosovo Polje. Je connais

15 donc parfaitement le chiffre de ces réfugiés qui se monte à 2 000 ou 3 000

16 -- entre 2 000 et 3 000, mais, plus tard, beaucoup d'entre eux sont partis

17 à l'étranger.

18 C'est donc un mensonge que cela -- un mensonge éhonté sans précédent

19 qu'il est impossible de justifier. Personne ne le sait mieux que Bane

20 Ivkovic qui était président de l'instance qui était chargée des Réfugiés au

21 niveau de la république. Nous, on accueillait les réfugiés et, d'après ce

22 que m'a dit Bane, c'est également votre prise de position. Mais c'étaient

23 uniquement les réfugiés qui voulaient venir chez nous. Ces gens venaient de

24 la République de Serbie et on leur disait -- les représentants de

25 l'autorité leur disaient qu'ils n'iraient au Kosovo que s'ils voulaient

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1 vraiment y aller, parce qu'il y avait des actes de terrorismes là.

2 Donc la déclaration que vous mentionnez est tout à fait

3 fantaisiste.

4 Q. Parlons des faits maintenant. Tenons-en aux faits. Vous nous avez dit

5 que vous étiez le président de l'institution qui accueillait les réfugiés à

6 Pristina. Donc vous connaissez les faits mieux que quiconque. Veuillez

7 m'écouter avec attention.

8 Au Kosovo et Metohija, en pourcentage, est-ce qu'il y avait plus de

9 réfugiés de Bosnie et de Croatie que d'autres parties de la Serbie ?

10 R. Absolument pas. Je ne sais pas combien il y avait de réfugiés venant de

11 Serbie, mais je pense qu'il y en avait

12 3 000 à 4 000 pas plus. Il y avait environ 100 000 réfugiés en Serbie.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, j'aimerais bien que

14 nous précisions cette question. Vous parlez de la belle-fille qui a été

15 mentionnée par le témoin. Mais, si je me souviens bien de ce qu'a dit ce

16 témoin, il a parlé de votre belle-sœur, Ljilja Balevic, qui avait dit

17 quelque chose -- qui lui avait dit quelque chose.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, le mot de "snaha" dans la langue

19 serbe peut aussi bien désigner la belle-fille que la belle-sœur.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce témoin peut parler de cette personne comme

21 ma femme ou ma sœur, mais, en fait, c'est ce que j'ai dit un mot qui en

22 serbe signifiait à la fois belle-fille et belle-sœur.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, continuez.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, je ne sais pas si on vous l'a

25 expliqué mais ce terme est utilisé à la fois pour désigner la belle-sœur et

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1 la belle-fille dans la langue serbe.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, j'entends bien. Continuez.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Dites-moi : vu l'expérience qui est la vôtre, vu votre participation

5 active à la vie politique et sociale du Kosovo et Metohija pendant

6 plusieurs dizaines d'années, pouvez-vous me dire dans ces conditions si

7 pendant toute cette période les Albanais avaient quelques motifs que ce

8 soit de se plaindre de la politique en matière d'emplois au Kosovo et

9 Metohija ou d'injustice qui aurait été commis à leur rencontre ?

10 R. Non, absolument pas. J'ai déjà dit à plusieurs reprises que toutes

11 plaintes émises au sujet de la politique en matière d'emplois ou toutes

12 autres politiques étaient sans fondement.

13 Q. Je ne vais pas citer de documents qui ont été présentés ici. Mais je

14 voudrais savoir ce que vous avez à dire au sujet de l'affirmation selon

15 laquelle des Albanais ont été mis à pied, licenciés de leurs emplois, on

16 les a ensuite empêchés de retrouver du travail après 1989.

17 R. A la fin des années 1980, on a vu l'apparition d'un autre phénomène. De

18 nombreux Albanais ont quitté leurs emplois c'était un exode massif -- un

19 départ massif pourquoi pour faire croire que l'on les privait de leurs

20 droits, qu'ils étaient persécutés par les responsables serbes. On a même vu

21 des Albanais exigés de recevoir un document -- une décision par laquelle on

22 les licenciait de leur travail afin qu'ils puissent agiter ce papier devant

23 d'autres personnes -- devant des responsables. Je peux l'affirmer avec

24 certitude. Il y a peut-être eu des exceptions.

25 Je peux affirmer avec certitude que la politique officielle était

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1 telle que je l'ai décrite précédemment.

2 Q. Alors dans ces conditions, qu'est-ce qui a motivé les Albanais ?

3 Pourquoi ont-ils commencé à protester ? Pour quels motifs ?

4 R. Pour rien. Je vous ai déjà dit les institutions qui étaient entre leurs

5 mains. Je vous ai déjà dit quelle était la politique nationale et ethnique

6 qui était mise en place. Les droits dont ils disposaient. Tout ce qu'ils

7 voulaient c'est que le Kosovo devienne une république. Ils voulaient faire

8 sécession d'avec la Serbie et être annexés à l'Albanie. Voici l'essence de

9 leur revendication.

10 Q. Parmi les responsables albanais du Kosovo et Metohija, il y avait

11 quelqu'un qui occupait une place particulièrement importante. C'est Rrahman

12 Morina, et vous le connaissiez. Pouvez-vous nous dire sa position par

13 rapport à la crise que traversaient le Kosovo et Metohija ? Parlez-nous de

14 lui et de ses prises de position ?

15 R. Il s'agit de quelqu'un qui est originaire d'un village à cinq ou six

16 kilomètres de Pec. Il est marié avec une femme serbe. C'est un des Albanais

17 qui a été pro yougoslave. Cependant il a fait l'objet de nombreuses

18 pressions de la part de ses compatriotes et il était déterminé à mettre un

19 terme aux actes de terrorisme et de terreur contre les Serbes pour garantir

20 -- pour mettre en place les conditions qui permettraient à tout le monde de

21 revenir et à tout le monde de bénéficier des mêmes droits. Donc il était

22 dans une situation extrêmement inconfortable puisqu'on faisait pression sur

23 lui de toute part, du côté serbe ainsi que du côté de ses compatriotes.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, comme je l'ai

25 déjà dit, nous devons suspendre.

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1 Monsieur Balevic, nous n'en avons pas parlé de votre déposition. Vous allez

2 revenir dans ce prétoire demain parce qu'il est possible qu'on puisse

3 achever votre déposition demain.

4 L'audience est suspendue jusqu'à demain 9 heures.

5 M. NICE : [interprétation] Je souhaite simplement préciser pour le témoin,

6 s'il a besoin de prendre des dispositions qu'il est possible que l'on en

7 termine de l'interrogatoire principal du témoin demain. Mais il va falloir

8 de toute manière qu'il revienne la semaine prochaine parce que ce sera

9 inévitable si l'autre témoin nous prend trois -- ou une heure et demie ou

10 trois heures [comme interprété].

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il faut comprendre que vous

12 devrez revenir la semaine prochaine, Monsieur le Témoin, pour être contre-

13 interrogé. J'imagine que M. Milosevic et ses collaborateurs vous l'ont

14 expliqué.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, personne ne m'a expliqué quoi que ce

16 soit. C'est la première fois que j'en entends parler. Mais peu importe, je

17 resterai aussi longtemps qu'il faudra.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement. Il va falloir

19 que vous restiez à La Haye.

20 L'audience est suspendue jusqu'à demain matin 9 heures.

21 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 26 janvier

22 2005, à 9 heures 00.

23

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