Page 36598
1 Le jeudi 24 février 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En l'absence du Juge Bonomy, nous
7 appliquons les dispositions de l'Article 15 bis du règlement, et nous
8 siégeons afin que vous terminiez votre interrogatoire principal, Monsieur
9 Milosevic. Nous espérions en avoir terminé avant la fin du premier volet de
10 l'audience, essayez de vous concentrer sur le cœur même des choses.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère, Monsieur Robinson, que je suis
12 toujours centré sur la substance des choses, et je m'efforcerais d'en
13 terminer en première audience autant que faire se pourra.
14 LE TÉMOIN: VUKASIN ANDRIC [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Andric.
18 R. Bonjour, Monsieur le Président.
19 Q. Nous avons parcouru hier, vers la fin de la journée d'hier, des
20 événements de Bistrazin, Djakovica, au niveau de cette colonne bombardée,
21 et nous avons parlé de la question des victimes.
22 En sus de cette colonne dont vous avez parlé hier, en sus de ce qui s'est
23 passé sur la route entre Djakovica et Prizren puis dans l'hôpital
24 Djakovica, ce que nous avons vu d'ailleurs, en sus de cette colonne,
25 disais-je, les bombes ont frappé une autre colonne de réfugiés albanais qui
Page 36599
1 revenaient également vers leurs domiciles, vers leurs villages, et cette
2 colonne s'était arrêtée pour se reposer. Avez-vous connaissance de ce cas ?
3 R. En effet, cela s'est passé dans la nuit du 13 au 14 mai 1999, sur la
4 route Prizren, Suva Reka, à cinq kilomètres de Prizren, dans la localité de
5 Korisa. Il y avait quelques 600 Albanais qui étaient des personnes
6 déplacées et qui revenaient chez eux. Ils ont été frappés par des tombes
7 thermiques qui développent une température extrêmement élevée. Cinquante
8 personnes ont été mortes sur le coup, 30 bébés en faisaient partie, plutôt
9 30 enfants, et il y avait même des bébés, des nouveaux-nés parmi eux.
10 Q. Je voudrais que nous voyions maintenant l'enregistrement vidéo qui se
11 rapporte à ces réfugiés qui ont été touchés par des bombes dans ce village
12 de Korisa, je parle du 14 mai 1999.
13 [Diffusion de cassette vidéo]
14 Docteur Andric, nous venons de voir cette colonne qui s'était arrêtée, mais
15 juste un moment, là on voit les membres du QG, je crois que c'est le clip
16 suivant, ce n'est pas le même clip. Patientez un peu au niveau de la cabine
17 technique, on repassera plus tard.
18 Lorsqu'on voit ces corps disséminés, ces morceaux de tracteur et tout le
19 reste, il s'agit là d'une colonne de réfugiés albanais qui s'étaient arrêté
20 pour souffler comme vous nous avez dit tout à l'heure, mais il n'y a pas eu
21 d'autocars, il n'y a pas eu d'automobiles. On a pu voir qu'il s'agissait
22 seulement de tracteurs, qu'il s'agissait de véhicules utilisés par des
23 paysans.
24 R. Oui, il n'y avait que des tracteurs.
25 M. NICE : [Traduction précédente continue] Ou est-ce qu'on veut en aller,
Page 36600
1 Monsieur le Président ? Je m'interroge, tout d'abord, la Défense, l'accusé
2 présente de façon -- des documents. Deuxième chose, quant à savoir si c'est
3 pertinent, nous en avons déjà parlé, on ne le sait pas et est-ce que
4 l'accusé estime que les éléments de preuve sont déjà présentés par
5 l'Accusation sur ce sujet suffissent parce que ceci n'est pas contesté par
6 l'Accusation. Nous avons présenté des éléments à cet effet.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est peut-être tout à fait
8 pertinent parce que j'étais sur le point de demander au témoin ce qu'il
9 était en mesure de dire à propos des réfugiés. Est-ce qu'ils fuyaient et
10 d'où partaient-ils pour fuir ? Je pense que c'est très important. Regarde
11 l'acte d'accusation parce que vous avez présenté des allégations disant que
12 les réfugiés ont pris la fuite à cause des crimes commis par les Serbes.
13 L'accusé fait valoir qu'il y a eu une autre raison poussant les réfugiés à
14 s'enfuir. C'est dans cette mesure, la question est pertinente à mes yeux,
15 et je pense que ce sont des éléments que l'accusé doit présenter au témoin
16 pour autant, bien sûr, qu'il ait des éléments d'information.
17 Monsieur le Professeur, pourriez-vous nous en dire plus à propos de cette
18 colonne forte de 600 réfugiés ? Savez-vous d'où venaient ces réfugiés et
19 dans quelles circonstances ils ont quittés leur foyer ? Est-ce que ces gens
20 sont partis ? Qu'est-ce qui les a poussé à partir ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une colonne originaire de Suva
22 Reka, pour l'essentiel. Après le début de l'invasion de l'OTAN, ils ont fui
23 leurs domiciles pour se diriger vers l'Albanie; cependant, ils ont entre
24 temps décidé de revenir chez eux et ils se sont dirigés de Prizren, Suva
25 Reka. Ils se sont arrêtés à Korusa pour y passer la nuit et le lendemain
Page 36601
1 matin, ils étaient censés continuer la route vers chez eux.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez
3 dire lorsque vous dites qu'ils sont partis après le début de l'agression de
4 l'OTAN ? Il faut préciser parce que c'est une question qui se pose dans ce
5 procès.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de l'agression de l'OTAN, la
7 population du Kosovo et Metohija, indépendamment de l'appartenance
8 ethnique, a quitté en masse le territoire du Kosovo et Metohija. Les
9 Albanais, les Serbes et tous les autres qui vivaient dans la région s'en
10 allaient. C'est la raison pour laquelle les gens ont fui et se sont abrités
11 vers -- ont cherché abri dans des régions où ils pouvaient continuer à
12 vivre paisiblement.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Auriez-vous des renseignements
14 concrets s'agissant de cette colonne-ci que nous avons vue ? Pourquoi ces
15 gens sont-ils partis ? Le savez-vous ? Est-ce qu'ici c'est simplement de
16 votre part une généralisation ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mis à part ce que je viens de dire, je n'ai
18 aucune autre information à vous communiquer, du moins pour ce qui concerne
19 cette colonne précise.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Etant donné la question qui vient d'être posée par Monsieur
23 Robinson et étant donné ce que vous nous avez déjà dit, à savoir qu'il
24 s'est arrêté là pour souffler, pendant plusieurs heures, au moins, on
25 devait savoir qu'il s'agissait d'une colonne qui revenait vers son village.
Page 36602
1 On savait quelles étaient leurs objectifs, quelles étaient leurs
2 intentions. A votre avis, est-ce qu'il y a eu des commentaires --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la façon dont
4 vous posez la question est directrice. Vous dites : Il fallait
5 nécessairement que l'on sache que ces gens rentraient dans leur village.
6 C'est une question directrice et c'est ce dont se place sans arrêt M. Nice,
7 vous le savez.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas laissé entendre qu'ils allaient
9 revenir vers leur village, ces gens-là, puisque le témoin l'a déjà dit. Il
10 a dit qu'ils ont placé plusieurs heures là pour se reposer. Je suppose
11 qu'on devait forcément le savoir où ils allaient. Je lui ai demandé s'il y
12 a eu par hasard des commentaires au terme du bombardement fortuit ou non
13 fortuit d'une colonne d'Albanais revenant précisément chez eux. Nous avons
14 parlé hier de Bistrazin entre Djakovica et Prizren. Maintenant, il s'agit
15 de cette colonne --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commentaires de qui ?
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Je voulais dire : est-ce qu'il y a eu, à l'époque, ce dont vous vous
19 souvenez éventuellement ? Y a-t-il eu des commentaires pour ce qui est du
20 bombardement de cette colonne de villageois revenant vers leur village ?
21 R. Cela n'a pas été fortuit parce qu'on n'a pas bombardé une seule
22 colonne, on en a bombardé plusieurs. Il s'agissait de vider le territoire
23 du Kosovo et Metohija de ces Albanais, en totalité. Etant donné que bon
24 nombre d'entre eux revenaient, étant donné qu'ils étaient déplacés de façon
25 interne, à l'intérieur du territoire, cela ne coïncidait avec le plan qu'on
Page 36603
1 avait fait, plusieurs dizaines de milliers était déjà rentrés chez eux. Ce
2 qui fait que la politique des instances officielles de la Serbie étaient
3 tout à fait à l'opposé de ce qu'on avait fait comme propagande à l'occident
4 et en affirmant qu'on a tout fait pour chasser les gens de chez eux. Au
5 contraire, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour qu'ils rentent
6 chez eux.
7 Q. Merci, Monsieur Andric. Je vous demande maintenant de penser sur
8 l'intercalaire 11 et on y verra plusieurs photographies.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela est fourni sur une disquette, peut-
10 être. Pourra-t-on nous les montrer ? Je ne sais pas si la cabine technique
11 est à même de le faire. Si ce n'est pas le cas, je demanderais au témoin de
12 placer certaines de ces photos sur le rétroprojecteur.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de photographies que l'on a tirées
14 de ce clip vidéo de tout à l'heure mais on veut vous en montrer quelques
15 unes.
16 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement de l'intercalaire 5.10.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Nous sommes en train de regarder l'intercalaire 5.11 et je crois que
20 vous aviez dit que l'on s'était servi de bombes thermiques.
21 R. Ce sont des bombes à vision thermique et toutes les colonnes ont été
22 bombardées, moyennant, en utilisant ce type de projectiles.
23 Q. Je vous demande de replacer cela sur le rétroprojecteur et d'expliquer
24 de quoi il s'agit ? Je crois de façon suffisamment claire.
25 R. Oui, on voit des corps calcinés.
Page 36604
1 Q. Placez quelques photos sur le rétroprojecteur et pas à nous les montrer
2 toutes.
3 R. Ici, on voit sur la remorque du tracteur des corps calcinés.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, merci. Je voulais que cette intercalaire
5 5.11 soit également versée au dossier.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Tout à l'heure, Monsieur Andric, le Juge Robinson, en répondant à
9 une objection soulevée par M. Nice, a indiqué -- ou plutôt posé la question
10 de savoir si les gens fuyaient à cause des bombes ou parce qu'ils étaient
11 chassés de chez eux par nos soldats et nos policiers. Mais, avant que je
12 vous pose ma question, je me propose de vous donner lecture de quelques
13 unes seulement des citations de l'acte d'accusation au Kosovo. Vous n'avez
14 pas à l'étudier en grands détails.
15 Mais je veux d'abord vous demander auparavant. Vous avez bien vécu à
16 Pristina à l'époque ? Vous venez de mentionner Djakovica. Vous vous êtes
17 déplacé sur ce terrain entre Pristina, Prizren, Djakovica et probablement
18 êtes-vous allé vers d'autres localités, je n'ai pas le temps maintenant de
19 parcourir toutes les allégations qui sont faites, mais je me propose de
20 vous donner lecture du chef 63. Le chef 63 est assez long, mais 63(B) qui
21 dit ce qui suit, étant donné que cela se rapporte à Prizren, et je vous
22 demanderais si vous en savez quelque chose et si ce qu'on y dit est exact.
23 Prizren en langue serbe, je me réfère à la page 17, le chef 63(B) :
24 "Prizren, le 25 mars 1999, le village de Pirane a été encerclé par des
25 forces de la RFY et de la Serbie appuyé par des chars et des véhicules
Page 36605
1 militaires. Le village a été bombardé et les habitants ont été tués.
2 Ensuite, les forces de la RFY et de la Serbie sont entrés dans le village
3 et ont incendié les maisons des Albanais du Kosovo. Après l'offensive les
4 villageois restant ont quitté --"
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de
6 lire un peu plus lentement, Monsieur Milosevic.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je ralentirai. Mais je vais sauter
8 aussi certains passages. C'est assez long. Je ne vais donner lecture que de
9 passages caractéristiques.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. "-- certains des Albanais du Kosovo qui fuirent Srbica ont été
12 tués ou blessés par des tireurs embusqués. Les forces de la RFY et de la
13 Serbie ont lancé une offensive dans la région de Srbica et bombardé les
14 villages de Donji Retimlje, Retimlje et Randubrava. Les villageois albanais
15 du Kosovo ont été contraints à partir et envoyés à la frontière albanaise.
16 J'attire votre attention sur la date maintenant.
17 "A partir du 28 mars 1999, lit-on dans la ville de Prizren, les forces de
18 la RFY et de la Serbie sont allées de maison en maison en ordonnant aux
19 Albanais du Kosovo de partir. Ceux-ci ont été forcés de rejoindre les
20 convois de véhicules et de personnes à pied qui se dirigeaient vers la
21 frontière albanaise. Sur la route des membres des forces de la RFY et de la
22 Serbie ont battu et tué des hommes albanais du Kosovo, séparé les femmes
23 albanaises du Kosovo des convois, et leur ont infligé des violences
24 sexuelles. A la frontière, les forces de la RFY et de la Serbie ont
25 confisqué tous les papiers personnels."
Page 36606
1 Bon, je vous prie maintenant, puisque je viens de vous donner lecture de
2 tout ceci.
3 Qu'avez-vous à nous dire ? Vous avez été à Pristina, à Prizren, à
4 Djakovica. Je ne peux pas vous donner lecture de la totalité, mais j'espère
5 que vous avez prêté attention à tous les détails que je vous ai
6 communiqués.
7 R. En effet. À l'époque, à savoir, entre le 1er avril 1999 jusqu'au 15
8 avril, à peu près, j'ai souvent été sur ce terrain-là. J'ai suivi avec mes
9 équipes ces colonnes de personnes qui s'en allaient du Kosovo et Metohija
10 pour aller vers l'Albanie et Vrbnica. J'affirme en toute responsabilité
11 qu'à aucun moment jamais je n'ai vu quelques représentants ou membres du
12 MUP ou de l'armée de Yougoslavie qui aient fait quoi que ce soit
13 d'interdits, de prohiber. Au contraire, ils aidaient ces gens qui faisaient
14 partie des colonnes. Ils les aidaient avec nous.
15 Maintenant, pour ce qui est des violences sexuelles, je crois que c'est une
16 invention pure et simple. Il n'est point nécessaire de dépenser nos propos,
17 ou de gaspiller nos propos à ce sujet. Pour ce qui est maintenant de la
18 destruction des papiers d'identité, je vais vous dire que j'ai passé cinq
19 jours à la frontière là-bas; je ne l'ai pas vu. J'ai ouï-dire qu'il y a eu
20 des cas de ce genre, à savoir des individus qui contrôlaient les personnes
21 qui quittaient le territoire de Kosovo et Metohija auraient fait des choses
22 pareilles. Je pense, toutefois, personnellement qu'ils n'ont j'avais eu un
23 ordre de le faire et probablement ont-ils fait cela par précaution afin que
24 ces pièces d'identité ne soient pas utilisées à mauvais escient pour
25 l'infiltration de terroristes sur le territoire du Kosovo et Metohija.
Page 36607
1 En outre, ils auraient pu déchirer toutes les pièces d'identité. Il y a un
2 ordinateur central au niveau de l'Etat de Serbie, où sont recensés touts
3 les citoyens de la République de Serbie. Par conséquent, tous citoyens de
4 la République de Serbie, indépendamment du fait qu'ils soient restés sans
5 pièces d'identité ou pas, auraient pu s'en procurer d'autres à n'importe
6 quel moment. Déchirez des pièces d'identité même si cela s'est produit
7 individuellement ne signifie pas qu'on a biffé l'existence de cet homme au
8 niveau de ce territoire.
9 Q. Docteur Andric. On dit ici qu'on les a chassés et je vous ai donné
10 lecture de la chose, chassés de chez eux pour être envoyés vers la
11 frontière albanaise. Est-ce que quiconque a chassé des Albanais de chez eux
12 pour les envoyer vers la frontière ?
13 R. Je me suis entretenu avec ces jeunes -- avec ces gens. Il y avait des
14 femmes, des vieillards, des enfants. Je vous affirme en toute
15 responsabilité qu'aucun de ceux avec qui je me suis entretenu, et je me
16 suis entretenu avec beaucoup d'entre eux, personne ne m'a dit qu'ils ont
17 fui pour cette raison. Ils ont tous fui pour rejoindre des régions plus
18 tranquilles, plus paisibles où ils pouvaient continuer à vivre en paix.
19 Q. Je ne vais pas m'attarder davantage, il faut quand même que je parcoure
20 certaines citations et je voudrais parler de choses et d'endroits où vous
21 avez longuement séjourné.
22 Par exemple, au petit (g), au même paragraphe, si vous tournez la
23 page, Monsieur, on dit "Pristina". A partir du 24 mars 1999, ou vers cette
24 date et jusqu'à la fin du mois de mai 1999, êtes-vous resté entre le 24 et
25 la fin du mois de mai 1999 à Pristina ?
Page 36608
1 R. Oui.
2 Q. Il s'agit de la période où vous étiez là-bas tout le temps, mis à part
3 les quelques déplacements que vous avez faits au Kosovo. On dit : "La
4 police serbe s'est rendue chez les Albanais du Kosovo et leur a ordonné de
5 partir. Lors de ces expulsions forcées un certain nombre de personnes ont
6 été tuées. Beaucoup de ceux qui avaient été contraints à partir se sont
7 rendus directement à la gare, tandis que d'autres cherchaient refuge dans
8 des quartiers voisins. Des centaines d'Albanais du Kosovo, guidés à chaque
9 carrefour par la police serbe, se sont rassemblés à la gare après avoir
10 longtemps attendu sans que ni nourriture, ni boisson ne leur soit
11 distribué. Ils ont dû monter dans des trains et des autocars bondés. Ceux
12 qui se trouvaient dans les trains sont allés jusqu'à Djeneral Jankovic un
13 village situé à proximité de la frontière macédonienne. Pendant le trajet
14 en train, beaucoup de personnes se sont vus confisquer leur papier
15 d'identité.
16 "Les forces de la RFY et de la Serbie ont ordonné aux Albanais du Kosovo,
17 descendus du train, de marcher le long des rails jusqu'en Macédoine car
18 tout autour, le terrain avait été miné. Ceux qui avaient essayé de se
19 cacher à Pristina ont finalement été expulsés quelques jours plus tard dans
20 les mêmes conditions. Pendant ces expulsions forcées, un certain nombre de
21 personnes ont été tuées, et plusieurs femmes ont été victimes de violence
22 sexuelle."
23 Ensuite, on a une petite fille qui dit, dans le même temps : Les
24 forces de la RFY et de la Serbie investissaient les villages de la
25 municipalité de Pristina où elles ont battu et tué un grand nombre
Page 36609
1 d'Albanais du Kosovo, volé leur argent, et ainsi de suite, et ainsi de
2 suite.
3 Que savez-vous nous dire à ce sujet, Docteur Andric ?
4 R. A cette époque, j'étais occasionnellement à Pristina. J'étais
5 essentiellement sur le terrain, mais, dans le courant de la journée, je
6 passais plusieurs heures à Pristina quand même. Je n'ai entendu parler de
7 cela qu'à la télévision. J'affirme en toute responsabilité que cela n'a pas
8 été fait par la police serbe.
9 Je ne conteste pas qu'il y ait pu y avoir des cas où des individus auraient
10 fait ce type de choses.
11 Q. Qu'entendez-vous par ce type de choses ?
12 R. Des gens qui auraient peut-être contraint quelqu'un à quitter son
13 domicile. Mais ce n'était pas des policiers, c'étaient des criminels, des
14 criminels qui faisaient cela parce que c'était la guerre, et ils ont peut-
15 être pensé qu'ils allaient faire du bien pour le pays, à leur pays ou pour
16 leur peuple, mais ce n'est pas vrai. Ils ont tous été poursuivis en justice
17 et certain ont même été condamnés, mais, officiellement, la police n'a
18 jamais fait ce type de choses. La police était là pour protéger la
19 population. Elle a dirigé la population, là où celle-ci voulait se rendre.
20 Elle essayait de persuader les gens de rester, mais elle ne pouvait pas
21 interdire aux personnes de quitter le territoire de Kosovo et Metohija
22 parce que ces gens disaient qu'ils fuyaient l'agression de l'OTAN pour le
23 refuge, pour rechercher la sécurité à l'attention -- à l'égard de leurs
24 familles.
25 Q. Au petit (h), vous avez été à Djakovica : "Ceux qui ont quitté à pied
Page 36610
1 et ont fui pour échapper vers la frontière, et certains qui se déplaçaient
2 à bord d'automobiles ont été rédigés sur la ville de Prizren avant de
3 pouvoir gagner la frontière, rentrer dans le territoire de la République
4 d'Albanie."
5 On dit aussi, au petit (h) : "A partir du 24 mars 1999 ou vers ces
6 dates et jusqu'au 11 mai 1999, le corps de RFY et de la Serbie ont
7 entrepris de contraindre les habitants de la ville de Djakovica à partir."
8 Dites-nous : est-ce que vous avez des renseignements disant où les
9 forces de la RFY auraient contraint les Albanais à quitter leurs maisons ?
10 R. Aucun renseignement de ce type. J'ai été pendant plus journées de suite
11 sur le terrain. J'ai suivi cette colonne qui a quitté le territoire du
12 Kosovo et Metohija. C'étaient généralement des villageois de ces régions de
13 Kosovo et Metohija, et chemin faisant, ils ont été mis à l'abri. On a pris
14 soin d'eux. Je n'ai jamais reçu de plaintes de la part de quelques Albanais
15 que ce soit en ce sens. Je n'ai aucune raison de ne pas les croire.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci se passe à Djakovica, en mars
17 1999. A cette époque-là, au moment de ces événements allégués du 24 mars
18 jusqu'au 11 mai 1999, où étiez-vous, Monsieur le Témoin ? J'essaie de
19 déterminer votre capacité à parler d'autorité de ces questions comme vous
20 l'avez fait.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à partir du 24, j'étais
22 sur le terrain. Je n'étais pas là au moment où ces colonnes commençaient à
23 se former, parce qu'elles ont commencé à se former vers le 1er avril. Du 1er
24 au 6 avril, chaque jour, j'étais dans la zone du Djeneral Jankovic et de
25 Vrbnica. Ces gens de Djakovica n'auraient pas pu arriver au passage
Page 36611
1 frontalier de Vrbnica tout de suite. Je n'ai pas vu ces gens à Djakovica,
2 mais j'ai vu des gens qui venaient des quatre coins du Kosovo et Metohija
3 et qui étaient arrivés au passage frontalier avec la Macédoine. C'est celui
4 de Vrbnica. J'ai parlé à ces gens. Je leur ai fourni assistance médicale
5 avec mon équipe. Nous avons donné les vivres que nous avions. Nous avons
6 apporté des couches pour les bébés, pour les nouveaux-nés. Nous avons donné
7 tout ce que nous avions.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez parlé des actes allégués
9 au paragraphe (g), et vous avez dit qu'il n'était pas le fait de policiers
10 serbes mais de criminels. Vous avez dit avoir été à Pristina à cette
11 époque. Nous sommes là le 24 mars 1999.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le 24 mars 1999, j'étais à Pristina.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la distance de Pristina
14 de Djakovica ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] De Pristina à Djakovica en passant par
16 Prizren, cela fait 111 kilomètres. Il y a une autre route qui elle fait 80
17 kilomètres à peu près, et qui passe par Klina.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, pour ces endroits,
19 Pristina et Djakovica, ont pratiquement la même période. J'ai du mal à voir
20 comment vous pouviez avoir des éléments d'information sur ces questions.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, Honorable Monsieur
22 Robinson, j'étais sur le terrain et j'ai parlé à beaucoup de gens, et c'est
23 deux que je tiens ces informations. Je faisais également partie du conseil
24 provincial. Je sais que ce n'était pas la politique que nous prenions.
25 C'était impossible. Il se peut que des individus particuliers se soient
Page 36612
1 livrés à ce genre d'actes, mais pas sur les ordres de leur commandement
2 supérieur parce que la politique était tout à fait différente. Dès le
3 premier jour, nous avons pour politique d'escorter ces gens, de les aider à
4 rentrer chez eux dans la mesure du possible, et s'ils ne voulaient pas
5 rentrer de les aider.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Monsieur Andric, apportons un éclaircissement puisque
8 M. Robinson ne sait pas trop bien où vous étiez. Si vous étiez à Pristina,
9 Djakovica, Djeneral Jankovic, ou à Prizren. On dit que vous étiez sur le
10 terrain. Cela veut dire que vous vous déplaciez. C'est cela, que cela veut
11 dire dans nos contrés. Lorsqu'il dit sur le terrain, cela veut dire qu'il
12 se déplaçait. Il a vécu à Pristina
13 --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Andric pourra nous l'expliquer.
15 Vous ne le croirez peut-être pas, mais les questions que j'ai posées et, en
16 fait, les réponses qui m'ont été fournies renforcent votre thèse. On essaie
17 de terminer avant la fin de la première partie de l'audience. Avancez vite,
18 s'il vous plaît, Monsieur Milosevic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement dire ceci. Quand
20 quelqu'un se déplace en mission officielle, en visite officielle, les gens
21 disent : "Je vais sur le terrain." Ce n'est peut-être pas le cas dans
22 d'autres langues.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous avez été dans ces endroits que j'ai cités,
25 Prizren, Djakovica, Pristina ?
Page 36613
1 R. Pratiquement tous les jours j'étais là.
2 Q. Pendant toute cette période ?
3 R. Oui, jusqu'à la fin de la guerre.
4 Q. Fort bien. Examinons le chef d'accusation suivant ou plutôt le
5 paragraphe suivant. Nous sommes au H(2) : "Dans les villages de Meja,
6 Korenica, un grand nombre de civils, qui n'avaient été pas encore établis
7 ou installés, ont été séparés et exécutés," est-il dit. Est-ce qu'on parle
8 du village de Meja, où les bombes de l'OTAN sont tombées ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous étiez au courant des événements qui se sont produits à
11 Meja ?
12 R. Non. C'est la première fois que j'en entends parler.
13 Q. Je vous demande ceci. Savez-vous ce qui s'est passé à l'époque ?
14 R. Oui. Le 14 avril, oui, j'étais sur place, sur les lieux.
15 Q. Serait-il possible d'une quelconque façon d'après les renseignements
16 que vous avez d'affirmer que ces gens ont été tués par des soldats ou des
17 policiers de la RFY ou de la Yougoslavie ?
18 R. Non.
19 Q. Comment ces gens ont-ils été tués ?
20 R. Dans une série d'attaques de l'aviation de l'OTAN qui étaient dirigées
21 sur un convoi qui se déplaçait. Cela a duré pratiquement deux heures. Ce
22 n'était pas une attaque isolée. Il y a eu plusieurs attaques déclanchées
23 sur un grand territoire de plus de 30 kilomètres pas simplement un
24 kilomètre ou deux.
25 Q. Fort bien. Accélérons. Tous ceux qui sont partis de chez eux, est-ce
Page 36614
1 qu'ils ont quitté le pays ou est-ce qu'il y a eu des personnes déplacées à
2 l'intérieur à titre temporaire ?
3 R. Oui. Tout le monde qui a quitté sa maison n'a pas nécessairement quitté
4 la province. Il y a eu beaucoup de déplacer à titre temporaire, provisoire
5 à l'intérieur du territoire Kosovo et Metohija.
6 Q. Vu vos attributions et nous avons vu les documents concernant ce QG ou
7 cette cellule de Crise, est-ce que pendant toute l'agression de l'OTAN,
8 vous vous êtes occupé de ces gens ?
9 R. A partir du 1er avril. C'est à ce moment-là qu'a commencé l'activité de
10 nos équipes médicales mobiles qui escortaient les colonnes qui se sont
11 formées et qui ont été les personnes déplacées, et ceci jusqu'à la fin de
12 la guerre. C'était la seule chose que nous faisions quotidiennement. Nous
13 nous sommes occupés de ces personnes déplacées temporairement. Nous nous
14 sommes occupés d'eux à tous égards, nourriture, sécurité, soins médicaux.
15 Q. En bref, vous les aidiez.
16 R. Oui.
17 Q. Vous le faisiez quotidiennement de façon sporadique.
18 R. Tous les jours. Nous avions toujours équipes disséminées sur tout le
19 territoire du Kosovo et Metohija.
20 Q. Je ne peux pas vous poser de questions concernant tout le territoire,
21 est-ce que vous pourriez me donner certains exemples ?
22 R. Je crois que les exemples les plus manifestes c'est notamment dans la
23 municipalité de Podujevo, les villages de Sajkovac, Fakai [phon], Svetlje
24 parce que, vers la mi-avril, j'ai appris qu'à Baklava Smrekovnica, donc
25 dans ce lac et dans le village de Baklava, il y a eu des milliers de
Page 36615
1 personnes déplacées qui avaient besoin d'aide.
2 Q. Vous y étiez ?
3 R. Oui, sur-le-champ, dès que j'ai appris, avec Selim Guxhufi et Faik
4 Jashari, des membres du conseil provincial provisoire. Je suis allé sur les
5 lieux et j'ai fait le point de la situation. Aussitôt, nous avons organisé
6 l'assistance nécessaire.
7 Q. Qui se composait de quoi ?
8 R. Tout d'abord, il a fallu nourrir ces personnes affamées, puis leur
9 trouver un toit, leur donner des soins de santé, assurer leur sécurité, et
10 nous l'avons fait très rapidement. Nous avons réussi à prendre soin de ces
11 gens jusqu'à la fin de la guerre.
12 Q. Très bien.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant diffuser
14 l'intercalaire 5.12.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Cela a déjà commencé, oui, vous avez vu. Nous voyons maintenant une
17 personne. Qui est-ce, au début de cet extrait ?
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Il s'agit ici d'un intercalaire -- voilà, voilà. Qui est cette
21 personne ?
22 R. Il s'agit de Selim Guxhufi, membre du conseil exécutif provincial
23 provisoire, c'est un Albanais.
24 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Afin que nous puissions stabiliser la
25 situation aussi bien à la campagne que dans la municipalité et partout, de
Page 36616
1 façon à ce que nous puissions continuer à vivre librement et que nous
2 puissions contribuer d'abord aux besoins de votre famille et aussi à ceux
3 de vos proches et des autres. En accord avec les organes de l'Etat, nous
4 pouvons vous garantir, à 100 %, que les villages dont je vais vous donner
5 le nom seront des lieux surs et que vous n'aurez aucun problème, que vous
6 ne serez jamais dérangés par qui que ce soit.
7 "Avec ce groupe, aujourd'hui et demain, quand tout sera revenu au calme,
8 nous allons pouvoir revenir et inscrire chacune des familles de façon à ce
9 que nous sachions exactement si tous les membres de toutes les familles
10 sont présents, et si ce n'est pas le cas, où se trouvent ces personnes,
11 dans des villages ou sur la route. Je vous demande de collaborer avec nous,
12 et nous, nous allons collaborer avec vous.
13 "S'il y a une quelconque discorde, un quelconque désaccord, dites-le-
14 nous. Il ne faut pas que les choses s'enveniment, ni pour vous, ni pour
15 nous. Nous sommes venus animés des meilleures intentions. Nous sommes venus
16 ici pour vous aider. Nous avons l'accord des organes les plus élevés au
17 niveau de la république et de la province, ainsi qu'au niveau municipal.
18 Vous devriez collaborer avec nous de toutes les façons possibles. Si vous
19 avez des griefs, des difficultés que vous avez, faites-nous-en part. De
20 cette façon, nous pourrons régler ces problèmes, et puisqu'il y a toute une
21 gamme de problèmes qu'il faut régler, il nous faut parler à beaucoup
22 d'autres personnes. Je dois vous dire que ces villages dont j'ai le nom
23 ici, sur cette liste, ce sont des villages dans lesquels vous pouvez
24 rentrer en toute liberté. Les autres, dont je vais donner lecture plus
25 tard, seront bientôt libérés. Pour le moment, il y a l'armée, la police.
Page 36617
1 Ces gens ne savent pas qui vous êtes, donc, cela peut avoir des
2 conséquences graves. Voici ces villages : Shtedim, Mirofc, Belofc, Sirfisi
3 [phon], Poljnica, Gladeko [phon], Sibofc, Sibofc-le-Bas, Dumoc [phon,
4 Radiovac [phon] -- qu'est-ce que cela veut dire ? Shajkofc, Latovci,
5 Balofc, Mirofc, Batllave, Dusija [phon], Trnova, Taljabak, Shakove [phon] -
6 - est-ce que Shakove est ici ? Oui, c'est ici. Luzani et Lug.
7 "A partir d'aujourd'hui, par conséquent, vous pouvez tous rentrer dans les
8 villages que je viens de citer. Cela veut dire que les forces ont été
9 retirées de ces villages. Latovci est ici, Shajkofc est ici, Radiojec
10 [phon] est ici, Tomovci est ici, Sipos-le-Bas est ici, Trnova est aussi
11 ici. Lug, Shakove et Belo Polje, par exemple, se trouvent ici sur cette
12 carte. Brzac [phon], Trnova et Taljabak sont ici aussi. Batllave aussi.
13 Ici, on parle des endroits où il y a de fortes concentrations de
14 personnes."
15 L'INTERPRÈTE : Entretien avec un homme portant une casquette noire :
16 "Réponse : Je suis de Dubnica et je vais à Glavnik.
17 Question : Cela veut dire que l'Etat garantit votre sécurité ?
18 Réponse : Oui, on va voir. C'est ce qu'ils disent, et on va vérifier.
19 On ne sait pas ce qui s'est passé."
20 Question : Le dispensaire du village de Sajkovac commence à
21 fonctionner. C'est très bien."
22 L'INTERPRÈTE : -- dit Selim Guxhufi.
23 "Réponse : Non, non. Autour d'ici, il y a deux villages, et il est le
24 seul responsable de la santé de la province, donc il nous a fourni deux
25 infirmeries, deux dispensaires qui vont fonctionner à Svetlje et Sajkovac.
Page 36618
1 Tous les villageois pourront avoir un contrôle médical, faire un bilan de
2 santé et recevoir les médicaments dont ils ont besoin."
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que --
4 L'INTERPRÈTE: [voix sur voix]
5 "Vukasin : Beaucoup de ces gens n'ont rien à manger. Ils ont épuisé tous
6 leurs vivres.
7 Selim : Est-ce que vous pourriez utiliser cette cellule de Crise pour
8 obtenir de l'aide humanitaire ?
9 Vukasin : Oui, mais, sans doute, pas aujourd'hui.
10 Selim : Oui, pas aujourd'hui. Demain.
11 Vukasin : Demain sans doute, c'est certain.
12 Selim : Pour demain.
13 Vukasin : Oui, c'est certain pour demain. Aujourd'hui, c'est trop
14 tard.
15 Selim : La police et l'armée assurent votre sécurité dans votre
16 village. Est-ce que vous allez rentrer chez vous, dans ce village de
17 Podujevo ?
18 Vukasin : Oui, on pense que oui, probablement.
19 Selim : Pour les autres villages, est-ce que vous avez quelqu'un chez qui
20 vous pouvez aller ?
21 Vukasin : Non, ils sont là sur la paille. Il n'y a plus de place ici, tout
22 est bondé. On est dehors. Tout le monde est dehors. Où aller ? Ce qui nous
23 inquiète surtout c'est les enfants, ce n'est pas tellement nous. C'est
24 surtout les enfants qui nous inquiètent.
25 Selim : Demain, le dispensaire humanitaire va marcher.
Page 36619
1 Vukasin : On verra ce que cela va donner. Ce serait bien, si Dieu le veut.
2 Selim : Demain, il y aura peut-être de quoi manger.
3 Vukasin : On verra. On a besoin de manger quelque chose. Il faut quelque
4 chose qu'on puisse manger. Il faut attendre.
5 Intervenant non identifié : Cela fait un mois tout entier qu'on
6 parcourt la montagne sans rien du tout, et on est vraiment au bout du
7 rouleau.
8 Selim : De quoi a-t-on besoin ? De Grasnica, on est allé de Pristina
9 à Podujevo. On aurait pu avoir utiliser un autocar, un autobus, mais on
10 nous a forcés à marcher tout le temps.
11 Intervenant non-identifié : On ne sait pas, tout simplement."
12 L'INTERPRÈTE : On revient à la personne portant une espèce de bonnet rouge.
13 "Intervenant non-identifié : J'ai connu deux guerres. En voilà une
14 autre. On ne sait pas quel genre de guerre c'est. De quoi est-ce qu'on
15 parle ? On n'ose pas rentrer. Qui est-ce qui va nous protéger, et de qui se
16 protéger, des bombes, des combats ? Nous, ce qui nous fait peur, ce sont
17 les enfants, les bébés, c'est pour cela qu'on est ici. Les personnes âgées
18 ont déjà connu ce genre de choses et ils ont survécu. Ce qui nous inquiète
19 surtout, ce sont les enfants. C'est tout ce que je peux dire."
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, elle dure encore
21 combien de temps cette cassette ?
22 L'INTERPRÈTE : M. Milosevic est inaudible à cause de la bande sonore de
23 l'enregistrement.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites 40 minutes ? Non, non, 40
25 minutes, c'est trop.
Page 36620
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] On a vraiment fait des coupes, c'est beaucoup
2 plus court. Regardez ici, vous voyez Nis, Podujevo. Ils vont vers le nord,
3 vers l'intérieur, ils ne vont pas vers la frontière.
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "Question : Est-ce que c'est la communauté de Podujevo ?
6 Pourquoi est-ce que vous avez quitté votre maison ?
7 Réponse : Parce que c'est la guerre et on a dû partir.
8 Question : Maintenant vous rentrez chez vous ?
9 Réponse : Oui.
10 Question : Est-ce que vous êtes contents de rentrer ?
11 Réponse : C'est certain.
12 Question : Est-ce que vous avez peur des bombardements ?
13 Réponse : Oui, c'étaient les bombardements, les enfants ont vraiment
14 trop peur.
15 Autre intervenant non-identifié : Nous sommes ici au nom des
16 autorités provinciales afin de vous donner de l'approvisionnement, de vous
17 distribuer de la farine, du riz, des produits de première nécessité
18 nécessaires à l'aide qu'il faut apporter à la population. Nous sommes ici
19 pour discuter de ces problèmes et nous pensons qu'on pourra très vite
20 trouver une solution. Sachez que la raison principale de tout ceci, c'est
21 le bombardement, les bombardements de l'OTAN sur tout le Kosovo et toute la
22 Serbie, indépendamment de savoir sur qui ces bombes tombent, sur les
23 femmes, les enfants, les personnes âgées. Je suppose que vous êtes d'accord
24 là-dessus, n'est-ce pas ?
25 Réponse : Oui, tout à fait."
Page 36621
1 L'INTERPRÈTE : Intervention en serbe.
2 "Question : Tout ce que les membres du gouvernement provincial
3 provisoire vient de dire, qu'est-ce que vous en pensez ?"
4 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, cela suffit.
6 M. NICE : Tôt ou tard, il faudra diffuser la totalité de cet enregistrement
7 parce que j'ai de bonnes raisons de le demander. Il faudra diffuser
8 l'intégralité de cet enregistrement.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi ?
10 M. NICE : Je l'expliquerai en contre-interrogatoire, et si c'est
11 nécessaire, je prendrai le temps qu'il faut dans mon contre-interrogatoire
12 pour diffuser la totalité ce cet extrait.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il nous faut cette
14 explication maintenant, parce que ce que je j'espère, c'est que ce que nous
15 avons vu est suffisamment représentatif de ce que veut dire l'accusé.
16 Il faudra encore combien de temps pour voir cette cassette jusqu'à la fin,
17 Monsieur Milosevic ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous pouvons arrêter. J'ai donné la totalité de
19 l'enregistrement, ce qui veut dire que tout le monde peut la voir. On peut
20 passer à autre chose pour gagner du temps. Comme vous l'avez dit vous-même,
21 ceci suffit afin d'illustrer les choses qui se faisaient.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, bien sûr, je
25 pense à votre contre-interrogatoire, et vous êtes en droit de contre-
Page 36622
1 interroger. Pensez-vous que, sur les autres parties de cette séquence
2 vidéo, il y a des éléments qui peuvent faire l'objet de votre contre-
3 interrogatoire ?
4 M. NICE : Je pense qu'il serait préférable de voir l'intégralité de
5 la séquence, mais la fin de la page me suffira. Pourrait-on aller jusqu'au
6 bas de la page 8, ou en tout cas, au milieu de la page 8.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuons la diffusion.
8 [Diffusion de cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Réponse : Le président du conseil exécutif, ils ont dit
11 tranquillement qu'il fallait que nous quittions nos maisons. Où est-ce que
12 nous allions ? Nous ne le savions pas. Ensuite, nous sommes arrivés
13 jusqu'à un certain point. Nous y sommes restés quatre jours. Nous sommes
14 restés là. Nous étions dans les bois, nous y avons passé deux semaines à
15 peu près.
16 Question : Est-ce que les bombardements vous effrayaient ?
17 Réponse : Bien sûr, tout le monde avait peur, pas seulement moi.
18 Qu'on soit albanais, serbe, macédonien ou américain, tout le monde a peur.
19 Même les Américains ont peur des bombardements.
20 Question : Mais de quoi avez-vous peur ?
21 Réponse : De bombardements qui peuvent frapper le bâtiment où je me
22 trouve. J'ai des voisins aussi. Ils ont des enfants, quatre enfants.
23 Question : Dites-moi, avez-vous eu des problèmes avec la police ?
24 Réponse : Jamais. Je suis juriste et je n'ai jamais eu le moindre
25 problème avec la police; jamais, au grand jamais. Regardez, c'est ma carte
Page 36623
1 professionnelle. Je suis né ici. Mon père et mon grand-père vivaient ici, à
2 Podujevo, et nous n'avons jamais eu de problèmes.
3 Question : Comment avez-vous décidé de rentrer chez vous ?
4 Réponse : Nous l'avons décidé hier. Là où nous étions, nous avions
5 toujours peur. Il y avait des pilonnages ici. Nous ne savions pas sur quoi
6 ils tiraient. Ils étaient tout près, mais nous sommes sortis et nous avons
7 pris la direction de Pristina, et aujourd'hui, dans la matinée, une colonne
8 importante a pris la route.
9 Question : Vous avez dit qu'il y avait des tirs ?
10 Réponse : Je ne sais pas si c'était la police qui tirait ou l'armée
11 ou quelqu'un d'autre. Voyez-vous, nous sommes une colonne importante de
12 150 000 personnes sans doute, ou peut-être 100 000 ou 50 000, je n'ai pas
13 compté, mais une colonne importante, et nous avons pris la route. Quand
14 nous sommes arrivés à Pristina, la police nous a arrêtés. Elle a demandé
15 qui venait de Podujevo, qui avait une résidence permanente à Podujevo ou
16 dans les villages avoisinants, et ils nous ont escortés pendant 200 mètres.
17 Nous sommes arrivés à Podujevo. Nous avons tourné à l'endroit où se trouve
18 le panneau indicateur, vers le centre de la ville. Quelqu'un qui portait
19 des vêtements civils a dit que ceux qui étaient de Podujevo devaient faire
20 l'objet d'une vérification et qu'ils allaient voir. Ensuite, il y a eu une
21 discussion. Je ne sais pas avec qui cette discussion a eu lieu.
22 Comme nous le voyons, les instances gouvernementales sont
23 représentées ici, et elles nous ont dit que nous pouvions retourner chez
24 nous.
25 Oui, nous sommes retournés parce que nous ne voulons pas vivre dans
Page 36624
1 la maison de quelqu'un d'autre.
2 Question : Peut-on dire que les criminels de l'OTAN qui sont ici ne
3 choisissent pas entre les groupes ethniques pour bombarder ?
4 Réponse : Non, ils ne choisissent pas entre les groupes ethniques,
5 entre les Albanais, les Serbes, les Monténégrins, les Rom, ou qui que ce
6 soit d'autre.
7 Nous pouvons les appeler criminels de l'OTAN ?
8 Nous pouvons dire qu'ils affirment être là pour régler la crise
9 albanaise, mais les Serbes ne sont pas les seuls qui payent. Pour moi, il
10 n'y a rien de réglé si mon voisin a peur de vivre à côté de moi, par
11 exemple.
12 Question : Est-ce qu'on peut dire que les criminels de l'OTAN veulent
13 que vous partiez d'ici ?
14 Réponse : Ce sont d'autres instances qui peuvent dire cela. Nous,
15 nous ne sommes que des gens ordinaires, et en tant que gens ordinaires,
16 j'aimerais que la solution soit trouvée de façon pacifique pour le bien de
17 tous. Je n'ai que du bien dans le cœur et je n'ai aucune idée négative par
18 rapport à qui que ce soit.
19 Mais non --
20 Non, je ne suis pas pour les bombardements, pas du tout. La plupart de mes
21 frères et des gens que je connais qui sont ici ne sont pas pour les
22 bombardements. Qui est-ce qui peut y gagner quoi que ce soit ?
23 Qui peut avoir avantage aux bombardements ?
24 Personne. Les gens meurent pour rien. Nous souhaitons rentrer
25 tranquillement chez nous.
Page 36625
1 Question : Comment vous appelez-vous ?
2 Réponse : Rexhep Fusa, de Podujevo.
3 Question : Est-ce que vous voulez renter chez vous ?
4 Réponse : Oui.
5 Question : L'Etat vous a donné la possibilité de rentrer chez vous ?
6 Réponse : Oui. Nous rentrerons chez nous pour y vivre et y
7 travailler. Que puis-je dire d'autre ?
8 Regardez, la Yougoslavie et l'OTAN sont en guerre, et les Albanais en
9 payent le prix. Vous voyez quelle catastrophe cela a provoqué parmi la
10 population. Les enfants et les vieillards souffrent. Je n'ai rien mangé
11 depuis deux jours, rien du tout. Nous sommes dans les bois depuis trois
12 semaines, donc cela ne nécessite aucun commentaire.
13 Question : C'est la faute à qui ?
14 Réponse : Je ne suis pas un expert. Je ne peux pas vous dire à qui
15 incombe la faute.
16 Question : Pensez-vous que de nombreuses personnes ont souffert, ont
17 été tuées, de nombreux enfants ?
18 Réponse : Nous sommes dans les bois depuis trois semaines.
19 Mais les Serbes et les Albanais souffrent ensemble, je vous le dis. Je suis
20 très sincère. Nous avons passé trois semaines dans les bois, sans la
21 moindre possibilité de savoir ce qui se passait, et par conséquent, je suis
22 désolé que des gens soient tués en d'autres endroits, des gens qui sont
23 innocents, mais je parle pour moi ici, je dis ce que j'ai vu. Tout ce que
24 nous voyons ici, ces maisons, ces enfants, toute cette masse de gens. Je
25 n'ai pas de commentaires. Que pourrais-je dire d'autre ?
Page 36626
1 Voyez-vous, une partie de l'aide humanitaire que vous voyez ici est en
2 train d'être déchargée. Nous avons obtenu cela pour les habitants de
3 Podujevo. Nous fournirons des quantités toujours plus importantes d'aide
4 pour cette région en coordination avec les instances de Serbie et le
5 gouvernement intérimaire du Kosovo et Metohija.
6 Il y a quelque temps, nous avons eu la possibilité de parler aux habitants
7 qui recevaient l'aide humanitaire, parce que cela ne date pas
8 d'aujourd'hui. Nous travaillons ainsi depuis le 19 de ce mois, et je peux
9 vous dire très franchement que les habitants sont très contents et
10 remercient les autorités. Ils nous disent qu'ils agiront pour faire tout ce
11 que les autorités leur demandent de faire. Ils sont prêts à coopérer au
12 maximum et ils sont très contents de tout ce qui a été fait, puisqu'ils ont
13 pu rentrer dans leurs villages et retrouver leurs maisons et les endroits
14 où ils habitaient.
15 J'aimerais dire que l'aide que vous voyez est très diverse. On y trouve des
16 vivres, qui sont très nécessaires à l'heure actuelle. On y trouve aussi des
17 produits d'hygiène. La majeure partie de cette aide est composée de riz,
18 mais il y a aussi du sucre, de la farine, des pâtes et d'autres produits
19 alimentaires, et je pense que les habitants en seront très contents. Nous
20 travaillons aussi à l'ouverture des boulangeries de la ville. L'une d'entre
21 elles fonctionne déjà et produit 2 000 à 3 000 miches de pain chaque jour.
22 D'une certaine façon, dans une situation aussi complexe que celle-ci, nous
23 veillons à ce que les conditions minimums soient satisfaites pour répondre
24 aux besoins des habitants de la municipalité de Podujevo.
25 Ceci doit continuer. Les gens doivent recevoir des distributions d'aide
Page 36627
1 parce qu'ils sont très fatigués par tout ce qui se passe. Ils ont voyagé
2 loin. Ils sont très fatigués.
3 Mais maintenant vous êtes rentrés chez vous.
4 Les gens ont toujours peur. La majorité n'est pas encore rentrée, mais
5 lorsqu'ils verront que la situation s'est calmée, ils rentreront. J'ai reçu
6 un permis qui me permet de circuler librement en ville et, après, on verra.
7 Je ne sais pas ce qui se passera, mais pour l'instant tout va bien.
8 Question : Comment vous appelez-vous ?
9 Réponse : Sabri Berisha.
10 Question : Vous êtes de Podujevo ?
11 Réponse : De Podujevo, oui. Je suis réparateur. J'ai un atelier qui a
12 brûlé, mais voilà, si Dieu veut, nous en construirons un encore mieux, tout
13 neuf, et on verra. Tant qu'il n'y a pas de problèmes, nous pourrons
14 continuer. Nous verrons.
15 Question : Merci.
16 Réponse : Je vous en prie.
17 Le journaliste : Nous avons tourné ces images aujourd'hui dans le
18 village de Podujevo --"
19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est la séquence suivante ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas suivi toutes ces images dans le
22 détail. Je crois que la diffusion s'est arrêtée là où M. Nice souhaitait
23 qu'elle s'arrête, mais je n'ai pas regardé toute la séquence.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que c'est ici
25 que vous voulez que nous nous arrêtions ?
Page 36628
1 M. NICE : [interprétation] Oui, cela me convient.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 5.12.
3 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement au dossier des
4 intercalaires 5.11 et 5.12.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Très rapidement, Docteur Andric : vous communiquez avec ces citoyens,
8 en compagnie d'un certain nombre de vos collègues, et lorsque j'emploie le
9 mot "collègues," je pense au fait qu'ils faisaient également partie du
10 conseil exécutif temporaire de la province; est-ce exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Qui sont ces personnes qui s'expriment surtout en albanais et de temps
13 en temps pour quelques mots en serbe ? Qui sont ces gens qui s'adressent
14 avant tout aux citoyens albanais ?
15 R. Ce sont trois membres du conseil exécutif de la province, Jashari. Je
16 dirais simplement que l'un d'entre eux a été tué après la fin de la guerre,
17 lorsqu'il est entré dans le village, parce qu'il était membre du conseil
18 exécutif provisoire précisément.
19 Les deux autres sont aussi membres du conseil exécutif provisoire chargé
20 des questions humanitaires. Je présidais ce groupe. Ils allaient sur le
21 terrain en permanence pour aider toute personne qui en avait besoin et
22 mettre en œuvre les actions que nous avions décidées.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez d'abord
24 établir qui a filmé ces images et comment elles ont été rassemblées.
25 J'aimerais également savoir qui est le journaliste qui pose les questions.
Page 36629
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon --
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre à cette question.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- ceci n'est qu'une partie de la séquence qui
4 a été filmée, à l'époque, de ces événements au Kosovo, mais le témoin peut
5 peut-être nous en dire plus.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Docteur Andric, qui a filmé ces images ?
8 R. C'est un montage d'images qui ont été filmées sur plusieurs jours sans
9 doute. Deux chaînes de télévision ont filmé. En fait, il y avait avec eux
10 un caméraman qui m'accompagnait chaque fois que j'allais sur le terrain. Je
11 l'emmenais toujours avec moi pour filmer ce que nous voyons. Il s'agissait
12 de Boro Danilovic qui m'accompagnait sur le terrain pour filmer les images
13 de ce que nous voyons. Ces images ont été tournées dans la deuxième
14 quinzaine du mois d'avril 1999.
15 Q. Nous avons vu, à un certain moment, un panneau indicateur, qui indique
16 "la direction de Nis". C'est la direction qu'empruntait la colonne. Est-ce
17 que cela veut dire qu'on constate que cette colonne allait dans un sens
18 inverse à la frontière albanaise ?
19 R. Oui. Ces personnes de Podujevo et de sa région allaient vers la
20 frontière administrative avec la Serbie, autrement dit, en sens inverse de
21 la frontière albanaise.
22 Q. On vous voit sur ces images. Je lis dans la transcription que le centre
23 médical a commencé à fonctionner dans le village de Svetlje, et dans un
24 autre village, Sajkovac. On mentionne deux villages; est-ce qu'il y avait
25 un seul centre médical ou deux ?
Page 36630
1 R. Oui. Nous avons ouvert deux centres médicaux dans deux villages, deux
2 dispensaires. D'ailleurs, nous avons ouvert un supplémentaire, un
3 troisième, ce jour-là, à Glogovac, le 29 avril 1999, de façon à apporter
4 des soins médicaux nécessaires à toutes les personnes qui en avaient
5 besoin.
6 Q. Selim Guxhufi dit, effectivement, que : "Tous les habitants reçoivent
7 des médicaments et des soins médicaux quand ils en ont besoin pour se
8 soigner."
9 R. Oui, ils avaient tous les soins et les médicaments gratuitement.
10 Q. Les médicaments aussi étaient gratuits ?
11 R. Ils recevaient sur place tous les médicaments dont ils avaient besoin
12 gratuitement.
13 Q. Je vois que, sur ces images, vous prenez l'engagement de venir le
14 lendemain avec des camions chargés de vivres parce que
15 Guxhufi dit que la population a faim. Est-ce que vous avez réussi à obtenir
16 ces camions ?
17 R. Oui, et tous les jours jusqu'à la fin de la guerre, nous avons
18 approvisionné cette population en vivres de façon très complète.
19 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque l'un de ces hommes a dit :
20 "Comment est-ce que nous pouvons nous défendre. On bombarde ici, on
21 bombarde partout. J'ai de la peine pour les enfants. Nous en avons vu de
22 toutes sortes." Est-ce qu'il veut dire que les bombardements frappent toute
23 la région ?
24 R. Oui, oui. J'étais présent sur place, et c'est ce qu'il voulait dire.
25 Q. Dans la transcription, nous voyons qui parle, mais je pense qu'il doit
Page 36631
1 s'agir de Guxhufi, qui dit que l'aide est arrivée et qu'elle est en train
2 d'être distribuée. En tout cas, ceci n'est qu'une illustration des actions
3 que vous avez entreprises.
4 Je ne suis pas sûr de ce que je vais dire, mais, dans mes notes, je lis que
5 40 000 Albanais étaient concentrés, approximativement, à l'endroit où vous
6 effectuiez cette distribution d'aide.
7 R. Oui, à un certain moment, il y en avait environ 40 000. Ils se sont
8 repartis dans leurs villages. Nous les avons installés dans ces villages.
9 Il y avait 16 villages qui étaient concernés et, bien entendu, ils ont
10 continué à vivre dans leurs villages jusqu'à la fin de la guerre.
11 Q. Dites-moi, je vous prie : compte tenu de ces distributions d'aide et de
12 ces autres formes d'assistance qui étaient fournies aux habitants, est-ce
13 que vous pourriez nous en dire plus sur ces divers aspects de l'aide ?
14 R. Oui. Les distributions d'aide avaient lieu tous les jours. Je vais vous
15 en donner deux exemples. Le 3 mai 1999, dans la région de Vucitrn, il y
16 avait plusieurs milliers de personnes déplacées en interne d'appartenance
17 ethnique albanaise. Nous avons pris contact avec ces personnes et nous leur
18 avons distribué 15 000 kilos d'aide dans les villages de Kitica [phon],
19 Smrekovnica.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous allions un peu plus vite.
21 Intercalaire 12, vous y trouverez un tableau qui montre quels étaient les
22 articles qui étaient distribués dans le cadre des distributions d'aide par
23 le conseil exécutif provincial dont parlent les personnes qu'on voit sur
24 les images.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
Page 36632
1 Q. Je vous demanderais un bref commentaire.
2 R. Dans la période allant du 19 avril 1999 jusqu'au 31 mai de cette même
3 année, dans cette région, nous avons distribué plus de 30 000 kilos de
4 vivres et 60 000 kilogrammes de produits d'hygiène personnelle. Je souligne
5 que ce ne sont que les vivres et l'aide que nous avons distribués par le
6 biais de nos instances provinciales. N'est pas comprise dans ces chiffres
7 l'aide distribuée par le biais de la Croix Rouge yougoslave et plus tard
8 par le biais de la Croix Rouge Internationale.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ces vivres
10 étaient distribués aux personnes albanaises déplacées en interne. La
11 question qui se pose n'est pas tant de savoir si les Serbes ont fait un bon
12 travail à l'égard des Albanais en leur distribuant des vivres. La question
13 qui se pose est celle des personnes déplacées à l'intérieur de la région.
14 Quelle est la cause de ce déplacement ? C'est cela qui doit faire l'objet
15 de nos investigations. Le bon travail effectué pendant que ces personnes
16 étaient déplacées n'a pas grande importance en réalité. La question
17 importante, c'est qu'est-ce qui a amené au fait que ces personnes ont dû
18 être déplacées. De façon générale, l'acte d'accusation stipule que ce sont
19 les Serbes qui ont été responsables de ce déplacement à l'intérieur de la
20 région. C'est cela la question. Les éléments de preuve indiquant qu'un bon
21 travail a été effectué par les Serbes à l'égard de ces personnes déplacées
22 pendant qu'elles étaient déplacées ne nous amène pas très loin s'agissant
23 de répondre aux questions brûlantes qu'évoque l'acte d'accusation.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense qu'il ne faut
25 jamais généraliser, mais j'espère que ces images montrent clairement que
Page 36633
1 les gens déclarent fuir les bombardements. Il y avait des endroits au
2 Kosovo et Metohija qui ont subi des bombardements plus ou moins graves,
3 mais tout cela est relatif parce que tout le territoire du Kosovo et
4 Metohija a été bombardé 24 heures sur 24 pendant 78 jours. La population
5 fuyait, avant tout, les bombardements. Il y a également des zones où des
6 conflits faisaient rage. Je ne vais pas les énumérer en détail, mais il y
7 avait des affrontements entre nos forces et l'UCK, et les gens fuyaient
8 également ces opérations armées.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je vous disais simplement,
10 c'est de concentrer vos éléments de preuve sur les causes des déplacements
11 de population. Veuillez poursuivre.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur Andric, vous circuliez parmi ces personnes, accompagné d'un
14 certain nombre de membres du conseil exécutif; Guxhufi, Jashari et
15 Ibrahimi, comme vous l'avez dit.
16 L'INTERPRÈTE : Ce sont les trois noms à inclure un peu plus haut.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Je vous demande pourquoi ces personnes sont parties. Vous avez dit un
19 certain nombre de choses très justes, mais vous venez d'entendre les propos
20 de M. Robinson, pourquoi est-ce que ces personnes ont été déplacées ?
21 R. J'ai déjà dit, à plusieurs reprises, que l'exode a commencé le jour où
22 l'agression de l'OTAN et les bombardements ont commencé. Ces personnes ont
23 quitté leurs villes et leurs villages pour se rendre vers des lieux où ils
24 avaient le sentiment d'être davantage en sécurité.
25 Par ailleurs, il y avait également des endroits où des combats très
Page 36634
1 durs se déroulaient entre les membres de ce qu'il est convenu d'appeler
2 l'UCK et l'armée ou la police, et la population a aussi fui ces régions
3 pour aller dans des zones plus calmes.
4 Cependant, je dois ajouter que les personnes déplacées à l'intérieur de la
5 province n'ont pas été déplacées pendant toute cette période de 78 jours.
6 Elles ont été déplacées pendant peut-être 15 ou même dix jours, après quoi,
7 cette population est rentrée chez elle. A Sajkovac, nous avons distribué
8 des vivres aux personnes déplacées en interne avant de leur trouver un
9 hébergement. Je parle de ces 40 000 personnes qui, au départ, ont été
10 déplacées. Plus tard, nous avons pu les ramener dans leurs villages et les
11 aider sur place, dans leurs villages, donc ce n'est qu'un nombre limité
12 d'habitants qui n'a pas pu rentrer à son domicile et que nous avons
13 installé dans des hébergements.
14 Q. Fort bien.
15 J'aimerais maintenant que nous examinions l'intercalaire 13, puisque le
16 précédent était l'intercalaire 12.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "Les réfugiés sont sur les routes depuis des mois et comme cela a été
20 promis hier les membres du conseil exécutif de la province, Faik Jashari et
21 Selim Guxhufi, ainsi que les premières unités médicales ont été installées
22 ici et aideront les habitants de cette région en leur apportant des
23 médicaments et des soins médicaux pour tous ceux qui en ont besoin,
24 notamment, les enfants. Tout cela est fait pour survivre à l'agression de
25 l'OTAN qui correspond tout à fait au dicton populaire selon lequel on peut
Page 36635
1 juger si la journée sera belle en regardant le ciel le matin."
2 Suite de la séquence :
3 "Depuis la création du conseil chargé des questions humanitaires et des
4 personnes déplacées, ainsi que du retour à leur domicile de ces personnes,
5 depuis le 19 avril, plus de 200 tonnes de vivres, et plus de 200 tonnes de
6 produits d'hygiène personnel ont été distribués.
7 "La tâche de ce conseil consiste à régler les problèmes des personnes
8 déplacées et des personnes qui rentrent chez elles parce que c'est la
9 situation qui se pose sur le terrain. D'abord, il y a eu des problèmes à
10 Podujevo qui ont été résolus à la satisfaction de chacun pour plus de 50
11 000 personnes déplacées. Ensuite, il y a eu le problème de Distok [phon] et
12 de Sajkovac, puis les problèmes de Vucitrn et de Glogova, tous ces
13 problèmes des personnes déplacées et des personnes qui rentrent chez elles
14 ont été résolus pour la plupart de la meilleure manière qui soit.
15 "Pour que le conseil fonctionne de façon plus efficace, nous avons créé
16 après avoir créé le conseil provincial des conseils régionaux et de
17 districts, là où c'était nécessaire, ainsi qu'un conseil municipal à
18 Podujevo qui a joué un rôle important auprès des structures civiles de
19 Podujevo pour résoudre les problèmes dans la zone de Sajkovac, Batllave et
20 Svetlje. Je tiens à dire que le principe qui régit le fonctionnement du
21 conseil provincial consiste à apporter de l'aide humanitaire sans
22 distinction de religion, de race ou d'appartenance ethnique. Nous avons
23 distribué de l'aide humanitaire aux Albanais, aux Serbes, aux Rom, et aux
24 Gorani, et à tous ceux qui en avaient besoin. Mais nous n'avons pas oublié
25 les minorités ethniques, donc aujourd'hui nous avons envoyé un camion à
Page 36636
1 Mamusa, aux Turques qui y habitent. Il y a quelques jours nous avons
2 distribué tout un camion de vivres à des Egyptiens. Hier, un camion
3 contenant plus de 20 tonnes de vivres et de produits d'hygiène personnel a
4 été envoyé dans la municipalité de Gora. Nous prévoyons d'apporter une
5 certaine quantité de vivres à la communauté Rom. Tout simplement, pour ce
6 qui nous concerne, nous pensons que tous les groupes ethniques doivent être
7 satisfaits et c'est ce que nous avons fait jusqu'à présent.
8 "L'un des problèmes les plus graves est le problème de santé qui se
9 pose dans les zones où se trouvent les personnes déplacées et celles qui
10 rentrent chez elles. Nous estimons que nous avons fait tout ce qui était en
11 notre pouvoir pour les résoudre en coopération avec le centre médical du
12 district de Kosovo et l'Institut sanitaire de la province. Je pense que
13 nous avons fait de notre mieux partout où il y avait des personnes
14 déplacées. Nous avons empêché le développement des épidémies. La situation
15 sur le plan des épidémies est toujours maîtrisée. Nous distribuons des
16 médicaments partout où on en a besoin. Il y a des équipes médicales mobiles
17 qui viennent du centre de santé du district de Kosovo, qui se rendent
18 chaque jour sur le terrain. Aujourd'hui, ces personnes se trouvent dans la
19 municipalité de Glogovac où il y a des problèmes. Glogovac n'a pas de
20 distribution d'eau courante, donc la menace des épidémies persiste. Je
21 crois que les équipes mobiles de l'Institut médical provincial et du centre
22 médical du district de Kosovo résoudront ces problèmes.
23 "Si nous ne trouvons aucune autre solution pour apporter de l'eau à
24 Glogovac, nous devrons désinfecter les puits qui y existent. Le problème
25 doit être mis sous -- doit être maîtrisé afin d'éviter une grave épidémie."
Page 36637
1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Docteur Andric, en dehors des personnes déplacées en interne, est-ce
4 que vous aviez également obligation de travailler pour que la vie reprenne
5 son cours normal et, en particulier, pour éviter toutes épidémies en
6 distribuant de l'eau, des vivres, et en réparant les canalisations d'eau ?
7 Est-ce que tous ces problèmes vous vous en êtes occupés dans la période où
8 les bombes tombaient 24 heures sur 24 dans la région ?
9 R. Les équipes de Kosovo du centre médical se rendaient sur le terrain
10 tous les jours et nous essayons de rétablir la vie telle qu'elle était en
11 temps de paix par distribution de produits de première consommation, par
12 distribution d'eau, réparation des axes routiers entre les villes et les
13 villages parce que la situation était très difficile, mais en raison des
14 destructions importantes et les gens avaient besoin de soins médicaux de
15 façon permanente. Il fallait que l'électricité continue à fonctionner. En
16 bref, je dirais qu'il fallait que la vie normale reprenne son cours. Nous
17 avons essayé de faire tout ce qui était en notre pouvoir.
18 Nous avons fait de notre mieux pour rétablir des conditions normales
19 de vie dans cette période.
20 Q. Certaines des personnes déplacées en interne sont demeurés des
21 personnes déplacées, mais un grand nombre de ces personnes ont été
22 hébergées dans des hébergements provisoires, et un certain nombre d'entre
23 elles ont été persuadées de rentrer chez elles, n'est-ce
24 pas ?
25 R. Oui. Chaque fois que la sécurité était assurée. Nous avons fait en
Page 36638
1 sorte qu'un certain nombre de ces personnes rentrent chez elles. D'ailleurs
2 la majorité l'a fait. Mais un nombre limité de personnes n'a pas pu rentrer
3 à son domicile parce que dans cette période il y avait des combats dans ces
4 régions. Dans ces cas-là, nous avons fourni un hébergement temporaire --
5 Q. Attendez un instant. De quelles opérations de combat parlez-vous ?
6 R. Dans les zones où nous étions présents, il y avait dans certains cas
7 des combats entre la police régulière et l'armée d'une part, et ce qu'il
8 est convenu d'appeler l'UCK, c'est-à-dire, des Groupes terroristes d'autre
9 part.
10 Q. Je comprends. Vous parlez de groupes terroristes qui agissaient dans
11 ces régions. Est-ce bien ce que votre collègue,
12 M. Guxhufi, essayait d'expliquer à toute une foule d'Albanais sur les
13 images vidéos que nous venons de voir lorsqu'il avait en main une carte
14 géographique et qu'il disait qu'elles étaient les villages dans lesquels on
15 pouvait rentrer sans encombre en toute sécurité, et quels étaient les
16 villages à éviter en raison des combats ?
17 R. Précisément, 16 villages étaient en sécurité et ces personnes pouvaient
18 y rentrer.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devriez
20 conclure. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas encore suspendu
21 l'audience, mais l'heure de la suspension est passée.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore un certain nombre de questions,
23 Monsieur Robinson. J'ai fait de mon mieux pour en terminer avant la pause,
24 mais j'ai encore un certain nombre de questions, une dizaine à vrai --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre apprécie ces efforts, et
Page 36639
1 nous suspendons l'audience pour 20 minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 3.
3 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
5 Milosevic.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je précise qu'il y avait l'intercalaire
7 5.13, 5,14, ainsi que le 12 qui sont versés au dossier.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Kwon.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Docteur Andric, essayons de parcourir le plus efficacement possible
11 plus éléments de preuve. Je ne me propose de les citer extensivement mais
12 juste en présentant quelques remarques. Penchez-vous maintenant sur
13 l'intercalaire 13, je vous prie. Il s'agit de mesures prises en vue de la
14 normalisation des conditions de vie et d'assurer les médicaments et vaccins
15 BCG pour les bébés qui n'ont pas été vaccinés jusque-là et ainsi de suite.
16 D'après ce que je vois à cet intercalaire 13 et 14, il y a plusieurs points
17 qui sont mentionnés et on parle notamment d'un grand problème d'eau, et
18 l'analyse de l'eau pour la population.
19 Pourquoi y a-t-il eu tant de problème au niveau de l'approvisionnement en
20 eau potable ?
21 R. L'approvisionnement en eau potable a été mis en question parce qu'on
22 endommageait les installations de traitement des eaux, les bombardements de
23 l'OTAN ont gravement détérioré les installations de traitement des eaux à
24 Pristina et Gnjilane. A Gnjilane pendant plus d'un mois presque, il n'y a
25 pas eu d'eau potable, et Pristina pendant plusieurs jours début mai, il n'y
Page 36640
1 a pas eu d'eau potable en raison des endommagements occasionnés aux
2 installations de traitement des eaux.
3 Q. A l'intercalaire 14.1 à 14.2, et jusqu'à 14.5, on peut voir les
4 courriers de l'institut de la protection médicale où l'on consacre,
5 notamment, la plus grande des intentions à la mise en place des conditions
6 pour une vie normale. Qu'avez-vous fait ? Quels sont les efforts que vous
7 avez dues déployer pour établir des conditions de vie normale et avez-vous
8 réussi à rétablir des conditions d'approvisionnement normal s'agissant de
9 ces régions au Kosovo et Metohija qui ont été mises en péril ?
10 R. Il y a eu partout des problèmes, bien entendu, essentiellement avec
11 Pristina étant donné que c'est une grande ville, et Gnjilane. Je vais
12 particulièrement parler du problème de Glogovac où les aqueducs étaient
13 déjà endommagés. Avant la guerre, en raison de ces vieilles conduites, et
14 nous avons déjà commencé à travailler, mais là, nous nous sommes servis de
15 puits existant pour approvisionner la population, mais pour l'essentiel
16 nous amenions de l'eau potable par des citernes pour approvisionner la
17 population locale en eau potable.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne nous attardons pas davantage sur ces points.
19 Je demanderais à ce que ces intercalaires 13 et 14 soient versés au dossier
20 dans leur intégralité.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, est-ce que
22 ceci a déjà été versé au dossier ? A l'intercalaire 14.1, nous avons ce que
23 le professeur dit, et c'est signature qu'on voit, n'est-ce pas ? L'Institut
24 fédérale de médecine préventive, et on parle : "Des installations de
25 traitement des eaux les plus importantes à Sajkovac et à Badovac qui
Page 36641
1 auraient détruite par des frappes aériennes de l'ennemi." C'est peut-être
2 une facette des éléments de preuve qui risquent d'être pertinents, mais si
3 vous présentez simplement des éléments qui montrent ce qu'a fait le
4 professeur en tant que médecin, pour ce qui est des réfugiés, des blessés
5 afin de les aider, ce n'est pas aussi pertinent. Si les installations de
6 traitement des eaux ont été endommagées par des frappes aériennes, et si en
7 conséquence de cela, vous dites qu'il y a des gens des Albanais qui ont dû
8 prendre la fuite c'est autre chose. Il s'agit de traitement d'adduction. Je
9 ne sais pas si vous pouvez en tirer quelque chose, mais je veux simplement
10 attirer votre attention sur ce point.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Peut-être n'avez-vous
12 pas prêté attention à la chose lorsque vous vous êtes penchez sur un
13 document, mais j'ai posé la question au témoin, étant donné qu'il s'agit de
14 plusieurs documents dans ces intercalaires indiquant quelles sont les
15 mesures déployées par les instances ou les autorités aux fins de normaliser
16 la situation dans différentes régions au Kosovo et Metohija. Je lui ai
17 demandé pourquoi l'eau était-elle un problème ? Il a répondu que c'était
18 notamment un problème à Pristina et dans une autre ville parce que, suite
19 aux frappes de l'aviation de l'OTAN, il y a eu endommagement de ces
20 installations destinées à l'approvisionnement en eau potable. Ils ont dû
21 déployer des efforts surhumains pour assurer que la population sur un
22 territoire assez vaste soit approvisionnée en eau potable, procéder à des
23 mesures de protection épidémiologiques et autres, afin de vérifier la
24 qualité des eaux.
25 C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à ce que ces intercalaires
Page 36642
1 13 et 14 soient versés au dossier.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur Milosevic.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de procéder au versement au
4 dossier de ces intercalaires. Il y a plusieurs documents
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Docteur Andric, s'agissant de ces personnes provisoirement déplacées,
8 vous avez indiqué que vous avez installé certaines personnes dans des
9 bâtiments, que d'autres sont rentrées chez elles, et que certaines
10 personnes sont parties en Albanie. En dépit des soins déployés et
11 dispensés, un certain nombre de gens sont allés en Albanie.
12 R. Oui. C'est le problème de Glogovac dont on a parlé tout au long de la
13 guerre. Il y a eu là des activités terroristes de cette soi-disant l'UCK,
14 et la population locale a été déplacée vers Globovac où ils ont été plus en
15 paix et plus en sécurité.
16 Vers la mi-mai, il y a eu quelque 8 000 Albanais déplacés à l'intérieur de
17 la région sur le secteur de Celinac. Nous sommes allés immédiatement là-
18 bas. Nous les avons installés et nous avons entamé la procédure habituelle
19 d'installation de fournitures, de logements.
20 Un certain nombre de ces gens-là sont restés chez eux, sont
21 retournées à leurs villages, et d'autres sont partis vers la République
22 d'Alabanie.
23 Q. Dites-nous, est-ce qu'il y a eu de l'aide arrivée depuis
24 l'étranger sur le territoire de Kosovo et Metohija pendant l'agression de
25 l'OTAN ? Y a-t-il eu de l'aide humanitaire, et comment a-t-on distribué
Page 36643
1 celle-ci ?
2 R. Oui, il y a eu de l'aide humanitaire. Une première livraison est
3 arrivée de Grèce. Cela est venu de la Perspective européenne. Le
4 gouvernement grec a envoyé plusieurs 200 tonnes de vivres, et cela est
5 arrivé le 27 avril.
6 En mi-mai, le bureau du CICR pour la Yougoslavie a acheminé un grand
7 convoi de vivres. Il y a eu 14 camions remorques dans le convoi, et tous
8 ces vivres ont été distribués en fonction des besoins. La seule règle mise
9 en œuvre pour distribuer l'aide humanitaire serait de viser à prendre en
10 considération les besoins de la population pour l'aide humanitaire
11 indépendamment de l'appartenance ethnique des uns ou des autres.
12 Q. A l'intercalaire 15, on voit l'arrivée de cette aide humanitaire
13 et on y voit que vous fournissez des explications concernant la
14 distribution non sélective, à savoir la distribution à toute personne qui
15 en aurait besoin.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je voudrais que cet
17 intercalaire soit versé au dossier. Je viens de donner la description de ce
18 qui y figure, et peut-être pourrions-nous sauter la lecture de sa teneur.
19 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'il faudrait voir cet
20 enregistrement, cet extrait.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Très bien. Le 5.15 maintenant,
22 je vous prie. Je voudrais qu'on nous passe cet enregistrement.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il faudrait que ce soit
24 diffusé maintenant.
25 [Diffusion de cassette vidéo]
Page 36644
1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. C'est vous qu'on voit, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Je suis en train de sortir de la clinique, département chirurgie.
4 Q. Est-ce que c'est cela l'aide en provenance de Grèce ?
5 R. Oui.
6 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
7 "Le journaliste : "Ceci n'est pas la première fois que la Grèce
8 envoie de l'aide humanitaire. Est-ce que vous pourriez, à cette occasion,
9 nous en dire un peu plus ?
10 Vukasin : Au cours de la semaine écoulée, c'est la troisième fois que
11 le pays frère et ami de Grèce nous envoie de l'aide humanitaire. Ceci est
12 le troisième convoi. Ce dernier convoi comporte 11 camions avec quelque 220
13 tonnes de produits divers, essentiellement de denrées alimentaires. Cette
14 aide humanitaire sera distribuée partout où cette aide s'avéra être
15 nécessaire."
16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. C'est l'intercalaire 5.15 où j'ai donné un descriptif de ce qui y
19 figurait.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un moment. Maintenant, on voit ici le clip
21 suivant. Arrêtez-vous, s'il vous plaît. C'est l'intercalaire suivant, et on
22 le passera tout à l'heure.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Docteur Andric, est-ce qu'en sus des Serbes et Monténégrins, et d'une
25 manière générale en sus des Albanais qui fuyaient le Kosovo pour se diriger
Page 36645
1 vers la Serbie centrale, il y avait également des Albanais en nombre assez
2 grand qui essayaient de fuir vers la Serbie centrale et vers le
3 Monténégro ?
4 R. Oui. Une partie des Albanais fuyaient effectivement vers la Serbie et
5 le Monténégro.
6 Q. Que cela nous dit-il ? Qu'avez-vous, partant de là, constaté ? Je ne
7 veux pas poser de question subjective. Je me reprends. S'ils fuyaient vers
8 la Serbie centrale, je suppose qu'ils ne fuyaient pas les autorités
9 centrales de l'Etat.
10 R. Bien entendu qu'ils ne fuyaient pas les autorités. Qui fuiraient
11 certaines autorités pour se jeter dans ses bras ?
12 Q. Dites-nous, en sus de ces installations, de ces bâtiments d'habitation
13 en civil, est-ce que l'OTAN a ciblé d'autres installations civiles ?
14 R. Oui.
15 Q. Que savez-vous nous en dire ?
16 R. En sus des colonnes, on a ciblé autres choses. On a ciblé des moyens de
17 transports. On a ciblé des installations que j'ai déjà mentionnées, à
18 savoir des traitements d'eaux, installations de télécommunications, des
19 postes transformateurs.
20 Q. Avez-vous personnellement eu --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
22 M. NICE : [interprétation] Il y a tellement de questions directrices qu'on
23 a tendance à ne pas intervenir trop souvent. Enfin, lorsqu'on parle des
24 questions "des cibles prises par l'OTAN, des cibles civiles," mais je
25 suppose que je peux en parler en contre-interrogatoire.
Page 36646
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
2 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement de l'intercalaire 5.15.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Docteur Andric, vous avez dit qu'ils avaient ciblé d'autres
6 installations. Je vous demande concrètement si vous avez su comment on
7 avait ciblé un autocar plein de passagers qui roulait sur la route entre
8 Nis et Pristina, à proximité de Lusani, municipalité de Podujevo ? Prenons
9 cela en exemple.
10 R. Oui. C'est arrivé le 1er mai à 13 heures. L'aviation de l'OTAN a touché,
11 sur le pont de la rivière Lab, en direction de Luzani, un autocar plein de
12 passagers. En cette occasion il y a eu 39 passagers de tués dont 29
13 Albanais et 10 Serbes. 12 autres passagers ont été grièvement blessés.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez
15 demandé comment ce bus rempli de passagers avait été pris pour cible, et
16 vous avez reçu une réponse.
17 Professeur, est-ce que vous êtes en train de dire que ce véhicule rempli de
18 passagers a été pris délibérément pour cible par l'OTAN ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, avec tout le
20 respect que je vous dois, l'autocar a été touché par des bombes de l'OTAN,
21 cela ne fait aucun doute. Je peux supposer qu'ils l'ont fait délibérément.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question à laquelle vous avez
23 répondue de façon affirmative, cette question vous demandait si le véhicule
24 avait été pris pour cible. Est-ce que vous avez des preuves attestant du
25 fait que le fait que ce bus ait été touché par l'OTAN était le résultat
Page 36647
1 d'une action délibérée de la part de l'OTAN ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas quel type de preuve je pourrais
3 avoir. Ce que je sais pour sûr, c'est que l'aviation de l'OTAN a ouvert le
4 feu et qu'un autocar plein de passagers, un autocar civil, c'est un autocar
5 de l'entreprise Nis Express qui circulait sur une ligne régulière entre Nis
6 et Pristina, et à bord du véhicule, il y avait une majorité d'Albanais qui
7 se dirigeaient, je suppose, depuis Podujevo en direction de Pristina.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur
9 Milosevic.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Docteur Andric, à l'intercalaire 15, on voit les photos de cet autocar.
12 Mais je voudrais auparavant vous poser une question. Il s'agissait d'un
13 autocar civil qui effectuait sa navette habituelle ?
14 R. Oui.
15 Q. Une navette habituelle dont vous avez parlé. Vous dites que vous
16 supposiez qu'ils voyageaient d'une localité à une autre. Bien entendu,
17 lorsqu'on circule sur un itinéraire habituel --
18 M. NICE : [interprétation] S'il veut, l'accusé peut déposer lui-même. Nous
19 avons des questions directrices, et maintenant des suppositions. Ce n'est
20 pas à l'accusé de déposer --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il faudrait que vous reformuliez
22 cette question, Monsieur Milosevic.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais la reformuler, ma question.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Docteur Andric, je vous prie de placer, sur le rétroprojecteur, les
Page 36648
1 photographies qui figurent à l'intercalaire 15.
2 Docteur Andric, s'agissait-il là d'un autocar sur un itinéraire régulier
3 circulant comme d'habitude ?
4 R. Oui.
5 Q. A-t-il été touché sur le pont, et y a-t-il eu plusieurs dizaines de
6 morts ? A-t-il été touché par un avion de l'alliance du pacte de l'OTAN ?
7 R. Sans aucun doute.
8 Q. A-t-on pu supposer que l'autocar a été touché parce qu'on ne l'a pas
9 ciblé ou parce qu'on l'a ciblé ?
10 R. On l'a probablement ciblé.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il lui est impossible de répondre à
12 cette question.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Est-ce que, dans les environs de cet autocar ou sur le pont, il y avait
16 une autre cible qui aurait pu faire l'objet de ces tirs ?
17 R. Non. Je connais très bien cette région, et une demi-heure à peine après
18 l'événement, j'étais sur les lieux.
19 Q. Est-ce qu'à proximité, il y a quelque installation que ce soit, une
20 caserne militaire, un centre, n'importe quoi, à proximité du pont où le car
21 a été touché ?
22 R. Non. Il y a le village de Luzani, avec quelques petites maisonnettes
23 avec un rez-de-chaussée seulement.
24 Q. Rien d'autre à proximité ?
25 R. Absolument rien.
Page 36649
1 Q. Merci, Docteur Andric. Dites-moi brièvement maintenant si des
2 représentants étrangers, pendant l'agression de l'OTAN, se sont déplacés
3 vers le Kosovo et Metohija ?
4 R. Oui. Je me souviens que, vers la mi-mai, la deuxième moitié du mois de
5 mai, il y avait, au Kosovo, le chef du CICR pour la Yougoslavie, M. Dominik
6 Diffours.
7 Q. Fort bien. Je vous demande maintenant de vous penchez sur
8 l'intercalaire 16. Ensuite, je vous demanderai quelles sont les localités
9 qu'ils ont voulu visiter au Kosovo et Metohija, et je vous demanderai aussi
10 de nous dire ce qu'ils ont vu sur le terrain même.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de nous faire passer le 5.16.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Le Pr Vukasin Andric et le président de la commission chargée des
15 Questions humanitaires, Veljko Odalovic, se sont entretenus aujourd'hui
16 avec le chef du CICR pour la RFY, Dominique Diffours. Dans ces
17 conversations, il a été souligné que, dans ces moments difficiles pour la
18 République fédérale de Yougoslavie, moment où le pays et le peuple entier
19 sont exposés à des bombardements jour et nuit, l'aide des aides
20 humanitaires est indispensable. A cet effet, il s'agissait de se pencher
21 sur la possibilité de réactiver le fonctionnement du sous comité de la
22 Croix Rouge à Pristina, qui est censée couvrir le secteur de Kosovo et
23 Metohija. On a souligné que l'aide des organisations humanitaires, depuis
24 le premier jour de l'agression de l'OTAN, est apportée à toutes les
25 personnes, indépendamment de l'appartenance ethnique, religieuse, ou
Page 36650
1 raciale. Le conseil exécutif temporaire a précisé que la Croix Rouge a
2 réagi en temps utile pour apporter l'aide indispensable à la population
3 civile menacée par l'agression de l'OTAN. On a dit que les organisations
4 internationales humanitaires ont quitté cette région, mais ce qui est
5 encourageant, c'est que le CICR est revenu au Kosovo et Metohija. Pendant
6 deux mois de bombardements incessants, il est resté des séquelles graves à
7 l'égard de la population civile, parce que bon nombre d'installations se
8 sont trouvées détruites et bon nombre de personnes ont été déplacées. On a
9 dit que la coopération avec le CICR, et la Croix Rouge du Kosovo et
10 Metohija, et des instances de l'Etat, viseront à aider la population en
11 péril."
12 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Continuez avec le clip suivant.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Svend Robinson, membre de la Nouvelle démocratie au parlement
17 canadien, disposant de 21 députés au sein de ce parlement, a visité
18 aujourd'hui le Kosovo et Metohija. A l'occasion de cette visite, Svend
19 Robinson a dit qu'il est venu en République fédérale de Yougoslavie pour
20 prendre connaissance de la situation, des séquelles des bombardements de
21 l'OTAN et des positions du gouvernement yougoslave pour une solution
22 pacifique et politique à la crise sur le territoire du Kosovo et Metohija.
23 Le député du parlement canadien a visité le pont de Luzani, endroit où
24 l'agresseur de l'OTAN a tué quelque 50 civils innocents qui se déplaçaient
25 par l'autocar de Nis Express en direction de Pristina. Il a visité la
Page 36651
1 maison de la famille Jankovic où l'agresseur de l'OTAN a tué deux membres
2 de la famille, et la maison de la famille Dinic où la petite Dragana Dinic,
3 âgée de quatre ans, a été tuée. Svend Robinson a vu qu'il s'agissait d'un
4 recours à des bombes par fragmentation et il a vu qu'il s'agissait
5 d'installations civiles uniquement, sans présence aucune d'installations
6 militaires ni de forces de la police.
7 "Au centre hospitalier de Pristina, le doyen de l'hôpital, le
8 Dr Rade Grbic, directeur du centre, a présenté à M. Robinson les mesures
9 déployées pour aider toutes les personnes qui ont pâti des attaques de
10 l'OTAN. Svend Robinson a indiqué qu'il est arrivé dans notre pays pour se
11 rendre compte personnellement des séquelles du bombardement de l'OTAN."
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les
13 bombardements de l'OTAN sont pertinents, mais sous un angle particulier et
14 précis. Les bombardements de l'OTAN, en tant que tel, ne font pas partie de
15 ce procès à mon avis. La pertinence se situe à deux niveaux : ces
16 bombardements sont pertinents si vous affirmez qu'à la suite de ces
17 bombardements de l'OTAN les chefs d'accusation retenus contre vous, et qui
18 ont entraîné la fuite des Albanais de chez eux, fuite qui est attribuée
19 dans l'acte d'accusation à des activités menées par des Serbes, seraient en
20 fait le résultat des bombardements. Là c'est un aspect pertinent.
21 L'autre aspect s'agissant de la pertinence, c'est celui-ci : si vous dites
22 que certains des chefs d'accusation, retenus dans l'acte d'accusation
23 concernent des actes attribués aux Serbes, alors qu'il s'agissait d'une
24 réponse aux bombardements. Je crois comprendre que c'est là une partie de
25 la thèse que vous défendez. Vous dites que l'OTAN était en collusion avec
Page 36652
1 l'UCK. Si vous dites que certaines des activités, qu'on veut attribuer aux
2 Serbes étaient en fait des actes de défense, une réponse aux bombardements
3 de l'OTAN, à ce moment-là, c'est manifeste, c'est une question pertinente.
4 Mais en tant que tel, les bombardements de l'OTAN ne font pas partie du
5 procès. On n'accuse pas. On n'a pas mis l'OTAN en accusation ici. Il y a
6 deux voies principales est la question de la légitime défense, et l'autre
7 concerne les chefs d'accusation portés contre vous en ce qui concerne les
8 réfugiés.
9 Je vous ai autorisé à présenter ces éléments de preuve concernant les
10 bombardements de l'OTAN, même si ce n'est pas l'OTAN, même si ce n'est pas
11 un rapport direct avec les questions qui se posent dans ce procès, parce
12 que tout se tient, tout est lié. C'est clair. Mais je vous mets en garde.
13 Vous ne serez pas autorisé à poursuivre, à continuer de présenter des
14 éléments de preuve concernant les bombardements de l'OTAN à moins que ce ne
15 soit précis et concret. Je vous ai montré deux façons d'assurer leur
16 pertinence car nous n'avons pas de temps à perdre dans ce procès.
17 Mais poursuivez.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez. Continuez. Je ne veux pas
20 ici de longues interventions de votre part.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux bien. Je ne vais pas vous faire de
22 commentaires prolongés, mais ce qu'on montrera -- ce qui a été montré
23 indique quelle est la relation de cause à effet entre les bombardements et
24 la fuite de ces gens du Kosovo. On vous a présenté là un fait, à savoir que
25 100 000 Serbes avaient également fui le Kosovo. Si les Serbes ont chassé
Page 36653
1 les Albanais, pourquoi chasseraient-ils les Serbes ?
2 En pourcentage, il y a eu plus de Serbes à avoir fui le Kosovo que
3 d'autres. Tous ont fui les Turques, les Serbes, les Rom, et les autres.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci. Poursuivez.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur Andric, nous avons vu qu'un député du Canada a photographié
7 une bombe à fragmentation qui avait été jeté là. Vous avez sur place des
8 bombes à fragmentation qui ont été jetées sur le Kosovo et Metohija, et pas
9 seulement là-bas. On sait très bien combien on n'en a jeté au centre de la
10 ville de Nis, devant le centre hospitalier de Nis, et ainsi de suite. Par
11 conséquent, y a-t-il eu, ou peut-on constater, avez-vous pu commenter,
12 vous-même, auprès de ces représentants étrangers s'il y avait des doutes ou
13 pas au niveau du fait que ces représentants étrangers avaient connaissance
14 de l'utilisation de ces bombes à fragmentation ?
15 R. Ils ne le savaient pas, ils n'arrivaient pas à y croire.
16 M. Robinson a demandé à aller dans ce village de Slaro Gatko [phon] où ce
17 couple et cette petite fille de quatre ans ont été tués. Il s'est rendu
18 compte du fait que dans la nuit, entre le 11 et le 12 mai 1999, le village
19 en question a été ciblé moyennant usage de bombes à fragmentation. Il a
20 pris en photo une bombe à fragmentation.
21 Q. Qu'ont-ils visité ? Que voulaient-ils voir ?
22 R. Ils voulaient visiter les villages. Ils voulaient voir ce qui se
23 passait dans les villages, comment les gens vivaient là-bas. Ils ont visité
24 plusieurs villages dans la région de Podujevo et ils se sont rendus compte
25 du fait que les gens vivaient normalement chez eux, et qu'ils vaquaient à
Page 36654
1 leurs occupations quotidiennes.
2 Ils ont voulu visiter le centre clinique et hospitalier, mais devant ce
3 centre, M. Robinson a demandé à voir, je cite : "Les victimes civiles de la
4 police et de l'armée serbe." Quand je lui ai expliqué qu'il pouvait entrer
5 dans quelque département que ce soit de ce centre hospitalier et qu'il
6 pouvait visiter n'importe quelle clinique et qu'il ne trouverait pas de
7 victimes de ce genre, il a refusé d'effectuer la visite.
8 En sus, il a visité, on le voit à la fin, il a visité le cimetière
9 orthodoxe serbe de Pristina qui a également été touché par deux projectiles
10 de l'OTAN, et où on a saccagé quelques 50 tombes.
11 Q. Vous avez reçu, vers la mi-mai et peut-être allez-vous nous dire la
12 date exacte, un représentant, un émissaire du secrétaire général des
13 Nations Unies, M. Sergio De Mello ?
14 R. Oui.
15 Q. Il se trouvait être le chef de cette Mission inter-agence des Nations
16 Unies chargé des Questions humanitaires. Vous souvenez-vous de ce qu'il
17 voulait voir ? Où les avez-vous emmenés ? Qui a-t-il de caractéristiques au
18 sujet de cette visite de représentants des Nations Unies, M. Sergio De
19 Mello ?
20 R. M. De Mello avec son équipe a visité littéralement le territoire entier
21 du Kosovo et Metohija. Je l'ai accueilli là-bas avec mes collaborateurs et
22 il a tout de suite demandé à visiter les installations détruites de
23 Gnjilane, il s'agissait d'installations civiles industrielles, ensuite il y
24 avait le bâtiment de la fédération automobile et motocycliste, puis les
25 bâtiments administratifs de Kosmet Prevoz, une entreprise de transport
Page 36655
1 ainsi que leurs ateliers d'entretien, puis on est allé à Pristina.
2 Le lendemain, il a visité le secteur des municipalités de Kacanik et
3 Urosevac. Cela s'est passé le 21 mai 1999. Je l'ai reçu le 12 mai.
4 Le 22 mai, je suis allé personnellement avec M. De Mello qui a visité
5 toute la région de Podujevo. Il s'est rendu compte du fait que la
6 population était tout à fait à l'abri, que les gens vivaient chez eux. On
7 est allé ensuite à Prizren et de Prizren à Djakovica, Decani, Pec. C'était
8 un dimanche, je m'en souviens très bien. L'après-midi, M. De Mello a quitté
9 le territoire du Kosovo et Metohija pour se rendre au Monténégro.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] A l'intercalaire 5.18, nous avons une séquence
11 vidéo qui montre les images de la visite de M. De Mello, le témoin vient de
12 décrire ce qui s'est passé à ce moment-là, je crois que cela suffit. Mais
13 si M. Nice insiste pour que cette séquence soit diffusée, cela ne me pose
14 aucun problème. Intercalaire 5.18.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Non. Si vous n'insistez pas
16 pour que la séquence soit diffusée, nous n'avons pas besoin de regarder ces
17 images. Veuillez poursuivre.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. En fait je demandais s'il fallait que les
19 images soient diffusées pour que cette séquence soit versée au dossier. Si
20 c'est nécessaire, alors que les images soient diffusées.
21 M. KAY : [interprétation] Je me souviens qu'un problème s'est posé pendant
22 la présentation des moyens de preuve de l'Accusation au sujet du deuxième
23 témoin, je crois, M. Spargo, qui avait un certain nombre de séquences
24 vidéos à montrer qui au total faisaient 3 heures 40, si je me souviens
25 bien, et je pense que la Chambre à cette occasion a décidé qu'il pouvait
Page 36656
1 être bon de diffuser ces vidéos en dehors des heures d'audience afin de
2 gagner du temps. Peut-être serait-ce une solution acceptable dans le cas
3 présent où nous n'avons passé pas de temps à regarder des images vidéo.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il existe un précédent.
5 M. NICE : [interprétation] C'est probablement la première fois ou peut-
6 être, sans doute, la première fois que nous voyons Andjelkovic, peut-être
7 pourrait-on regarder ces images si c'est possible ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que nous devons regarder
9 l'intégralité de la séquence ?
10 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas s'il est possible de n'en voir
11 qu'un extrait.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne peut pas arrêter la diffusion.
13 M. NICE : [interprétation] La séquence dure trois minutes.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle dure trois minutes.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Que les images soient
16 diffusées.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas trop longue.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord. Trois minutes.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Même moins de trois de minutes.
20 [Diffusion de cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Le sous-secrétaire à l'agence des Nations Unies chargé des Missions
23 humanitaires, M. Sergio De Mello, et ses associés, qui se trouvent au
24 Kosovo et Metohija, ont rencontré des membres du conseil exécutif
25 intérimaire, le professeur Vukasin Andric et Guljbehar Sabovic ainsi que le
Page 36657
1 chef du district de Kosovo-Morava, Predrag Kovacevic. A cet endroit et à ce
2 moment-là, le chef de district a informé les personnes présentes des
3 conséquences du bombardement d'hier par l'OTAN de Gnjilane. Il les a
4 informés que des garages, des ateliers le restaurant de l'usine ont été
5 détruits au cours du bombardement d'hier dans le complexe agricole Mladost.
6 Les trois femmes qui y travaillaient ont été tuées. L'entreprise Binacka
7 Morava qui se trouve dans le même complexe a aussi été frappée et deux
8 travailleurs y ont été tués. L'entreprise Kosmet Prevoz a été pilonnée par
9 quatre projectiles hier. Le club automobile qui a commencé à travailler
10 l'année dernière a été totalement détruit. Le réseau d'adduction d'eau a
11 été endommagé au cours de bombardements de l'OTAN et les habitants de
12 Gnjilane sont restés sans eau pendant 15 jours au total. Les dégâts
13 produits à Gnjilane sont énormes et ne concernent que des bâtiments civils.
14 Depuis le début du bombardement de l'OTAN outre les victimes déjà
15 mentionnées plus de 60 civils ont été blessés, 15 personnes ont été
16 blessées au cours de la seule attaque d'hier."
17 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais besoin de vérifier un point, Monsieur
20 Robinson. C'est probablement une omission de ma part, mais je ne suis pas
21 sûr si vous avez admis au dossier l'intercalaire 5.12 qui décrivait l'aide
22 distribuer par le biais du conseil exécutif.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons --
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Merci.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
Page 36658
1 Q. Encore quelques petites questions, Docteur Andric. Est-ce que vous êtes
2 resté au Kosovo et Metohija après la guerre ?
3 R. Oui.
4 Q. Jusqu'à quelle date ?
5 R. Jusqu'au 25 juin 1999.
6 Q. Dites-nous brièvement, quelle était la situation du point de vue de la
7 sécurité pour les Serbes à Pristina après l'arrivée de KFOR ? Vous étiez à
8 ce moment-là Pristina, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. La KFOR vous a-t-elle protégé, et si oui, de quelle façon ?
11 R. Après l'arrivée des forces de la KFOR sur le territoire du Kosovo et
12 Metohija et avant son arrivée, nous espérions que celle-ci pourrait
13 protéger pas seulement les Serbes mais également tous ceux qui n'étaient
14 pas d'appartenance ethnique albanaise. Des persécutions sans précédent de
15 la population non albanaise, et notamment des Serbes, ont commencé. Des
16 intrusions dans les appartements, des pillages, des tabassages, des
17 meurtres, des enlèvements, une terrible chasse à l'homme pour tout dire a
18 commencé.
19 Q. Combien de temps avez-vous continué au centre médical de Pristina et
20 pourquoi avez-vous cessé un certain jour d'y travailler ?
21 R. J'ai cessé d'y travailler le 25 juin 1999, parce que les conditions
22 étaient véritablement devenues impossibles. Le 20 juin 1999, déjà un
23 bataillon de la KFOR est arrivé dans la cour du centre médical, et nous en
24 sommes réjouis parce que nous pensions que le bâtiment serait protégé, et
25 que nous qui travaillions dans ce bâtiment serions protégés également.
Page 36659
1 Mais dès le 21 juin 1999, des professeurs et médecins albanais qui en 1991
2 avaient quitté leur travail sont revenus et ont cherché à entrer dans la
3 faculté et dans le centre médical. Le 22, ils sont entrés de force aussi
4 bien dans la faculté que dans le centre médical, mais ils n'étaient pas
5 seuls. Ils étaient accompagnés de certaines personnes que je voyais pour la
6 première fois de ma vie, qui avaient un visage masqué, et par la suite,
7 j'ai appris qu'il s'agissait de membres de ce qu'il était convenu d'appeler
8 l'UCK qui étaient vêtus en civil pour se faire passer pour des civils.
9 Compte tenu des conditions qui régnaient à l'université et au centre
10 médical, nous avons néanmoins continué à y travailler.
11 Mais le 23 juin, le professeur Lekovic de la faculté d'Economie ainsi que
12 deux de ses collaborateurs ont été tués, nous ne pouvions même plus les
13 reconnaître tellement leur corps était démantelé. Un professeur célèbre de
14 l'université, Andrija Tomanovic, a été tué quelques jours plus tard. Il
15 était directeur du Département de Chirurgie et il avait opéré un grand
16 nombre de personnes avec le plus grand succès, parmi ces personnes des
17 Albanais.Nous ne savons rien de lui depuis ce jour.
18 Nous avons essayé néanmoins de continuer à travailler dans ces conditions.
19 Tout le monde était menacé. Tout le monde recevait des menaces de mort, et
20 nous étions sûrs qu'ils allaient mettre en application leurs menaces et
21 qu'ils iraient jusqu'à nous tuer.
22 Nous avons réussi à survivre jusqu'au vendredi de cette fin du mois de
23 juin, et ce vendredi-là nous avons quitté l'institut.
24 Q. Vous avez dit que votre belle-mère avait été tuée au cours des
25 bombardements de l'OTAN. Est-ce qu'il y avait d'autres membres de votre
Page 36660
1 famille qui ont été tué au cours de l'agression de l'OTAN ?
2 R. Oui. Le 22 juin, le frère de mon épouse a été tué. Il était en route
3 pour se rendre dans l'appartement de son frère cadet qui avait été saisi
4 par les membres de ce qu'il est convenu d'appeler l'UCK. Il est arrivé à
5 cet endroit avec son épouse et son enfant. C'était dans la soirée, et nous
6 avons trouvé, plus tard, sur place un message écrit, qui interprété en
7 anglais et en français, signifie : "Ceci est un appartement de l'UCK.
8 Interdit d'entrer. Miné."
9 Il a voulu remettre ce message aux forces de la KFOR, mais à une vingtaine
10 de mètres de l'appartement, il a été tué.
11 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de certains de vos collègues,
12 professeurs ou médecins qui auraient été tués, ou enlevés après l'arrivée
13 des forces internationales sur le territoire du Kosovo et Metohija ?
14 R. J'ai déjà évoqué le professeur Andrija Tomanovic ainsi que le Pr
15 Lekovic de la faculté d'Economie.
16 Mais le Pr Dragoslav Basic, professeur à l'université d'urbanisme de
17 Pristina, a été tué également le 28 novembre 1999 et, le 4 août, un
18 pédiatre très connu, Dr Slate Grigurjevic [phon], a été tué également. Le
19 Dr Jusip Vasic, pour sa part a été tué le 26 février 2000 dans le centre de
20 Gnjilane, si je ne m'abuse. C'était un gynécologue très connu.
21 Q. Pouvez-vous nous dire quand et comment vous avez quitté Pristina et où
22 vous êtes allé ?
23 R. J'ai quitté Pristina le 25 juin 1999 dans l'après-midi, pour me rendre
24 sous escorte de la Croix Rouge internationale en Serbie centrale. C'était
25 la seule solution car en restant à Pristina j'étais menacé de mort.
Page 36661
1 Q. Où résidez-vous depuis et quelle est votre profession ?
2 R. J'habite à Kosovska Mitrovica, et je suis professeur à l'université
3 détachée de Pristina à l'université de Kosovska Mitrovica pour une période
4 temporaire. Malheureusement, c'est la seule solution et c'est la seule
5 université dans cette Europe que l'on appelle l'Europe libre quand on est
6 immigré. Outre cela, je travaille également à l'hôpital de Kosovska
7 Mitrovica en chirurgie, c'est le seul hôpital où les Serbes du Kosovo et
8 Metohija peuvent être soignés.
9 Q. Docteur Andric, j'ai encore une question à vous poser. Vous avez vécu à
10 Pristina pendant longtemps. Est-ce que vous connaissez, ne serait-ce qu'une
11 personne, voisin, collègue, ou autre qui comme vous n'a pas subi le
12 nettoyage ethnique, alors qu'il était habitant de Pristina, et ce sous
13 l'égide des forces internationales ? Est-ce que vous connaissez un seul cas
14 de ce genre ?
15 R. Jusqu'au mois de mars de l'année dernière je connaissais quelques cas
16 de ce genre des personnes qui ont continué à vivre à Pristina dans ces
17 conditions extrêmement difficiles, des conditions indignes comparables à
18 celles d'un camp de concentration. C'est dans ces conditions que ces
19 personnes vivaient à Pristina.
20 Après le programme de l'année dernière, le nombre de ces personnes a
21 considérablement diminué. Avant cela, c'étaient des gens qui vivaient dans
22 un bâtiment et ils étaient tous ensemble dans un seul bâtiment que l'on
23 appelait : "Le bâtiment du programme des Nations Unies," et, aujourd'hui,
24 c'est la seule ville ouverte aux Serbes de Pristina et Kosovska Mitrovica,
25 qui se trouvent au nord du Kosovo et Metohija.
Page 36662
1 Q. Je n'ai pas d'autres questions, je vous remercie.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai terminé, des questions supplémentaires.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic, pour
4 l'effort que vous avez fait pour utiliser votre temps de la façon la plus
5 économique possible. Nous attendons la même chose du Procureur.
6 M. NICE : [interprétation] Je n'en aurai pas terminé aujourd'hui. Je ne
7 pourrais pas terminer aujourd'hui. Le témoin devra revenir lundi. Peut-être
8 c'est le point de faire la pause, je ne sais pas, mais j'aimerais tout de
9 même présenter quelques observations liminaires. Bien sûr, je n'ai
10 l'intention d'en utiliser que deux tiers du temps de l'interrogatoire
11 principal. Je souhaite disposer d'un temps plus important compte tenu --
12 mais la réalité de l'administration du temps échappe à mon contrôle.
13 Avec un témoin tel que celui-ci et compte du fait qu'on l'a autorisé,
14 je m'en plains pas, on l'a autorisé à présenter une déposition très
15 générale sur un certain nombre de paragraphes de l'acte d'accusation. Il ne
16 m'est pas possible de lui contre-interroger de façon complète et je ne
17 tenterai même pas de le faire. Je choisirai un certain de sujets dont je
18 pense qu'ils seront particulièrement utiles pour la Chambre.
19 Toujours dans le cadre des observations liminaires susceptibles
20 d'expliquer un certain raccourcissement de ce que nous considèrerions comme
21 un contre-interrogatoire complet de ce témoin en d'autres circonstances, je
22 reviens sur la question de l'empoisonnement et j'aimerais poser une
23 question à ce sujet. Cette question n'a jamais été posée par le Procureur.
24 Elle a été posée au cours du contre-interrogatoire d'un témoin entendu, il
25 y a déjà quelques temps par l'accusé et, ensuite, j'ai position, je pense,
Page 36663
1 une seule question dans ce domaine à un témoin. Mais il me semble que, sur
2 le plan matériel, c'est une question qui n'aurait pas du être évoquée.
3 S'agissant de la situation des médecins, paragraphe 67, ou peut-être
4 87, de l'acte d'Accusation, cela peut entrer dans le cadre des éléments de
5 contexte. Mais, pour autant que je le sache, aucun élément de preuve n'a
6 été directement lié aux actes de discrimination à l'encontre des médecins,
7 simplement, faute de temps. L'accusé a choisi de ne pas analyser ce point
8 qui a été évoqué à la fin des éléments de preuve de l'Accusation. Il a
9 ouvert la voie à des questions plus détaillée sur ce point. Je vais dans
10 ces conditions revenir sur ce sujet de façon plus approfondie.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord avec ce que
12 vous avez dit au sujet des médecins. Aucune allégation n'a été retenue
13 contre les médecins pour acte de discrimination. Je ne pas sûr que je sois
14 d'accord avec vous quant à la façon dont vous appréciez les éléments de
15 preuve liés à leur cloisonnement. Il est possible que l'accusé considère ce
16 comportement comme représentatif du comportement des Albanais.
17 M. NICE : [interprétation] Ceci est certain. Il l'a dit. Ce n'est pas
18 une allégation venant de nous.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet.
20 M. KAY : [interprétation] Avant de passer à autres choses, pouvons-nous
21 demander le versement au dossier de l'intercalaire 5.18 ainsi que des
22 intercalaire 5.16 et 5.17 ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci.
24 Veuillez procéder, Monsieur Nice.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pause est à midi et quart.
Page 36664
1 M. NICE : [interprétation] Midi et quart. J'avais totalement perdu la
2 notion du temps.
3 Contre-interrogatoire par M. Nice:
4 Q. [interprétation] Docteur Andric, quelques détails complémentaires à
5 votre sujet, je vous prie. Vous travaillez aujourd'hui au centre
6 hospitalier de Belgrade, dans son annexe de Mitrovica, n'est-ce pas ?
7 R. Non, Monsieur Nice, c'est inexact. Je travaille au centre hospitalier
8 de Pristina qui a été réinstallé temporairement dans le nord du Kosovo et
9 Metohija à Kosovska Mitrovica. Ce n'est pas un centre hospitalier de
10 Belgrade. C'est un hôpital de Pristina.
11 Q. Est-ce que vous connaissez les médecins de l'hôpital de Pristina qui
12 travaillent aujourd'hui ?
13 R. Très probablement. La plupart d'entre eux me connaissent. Je
14 connaîtrais que ceux avec qui j'ai travaillé. Vous parlez des médecins
15 albanais ?
16 Q. Oui.
17 R. Je suppose qu'il me connaisse. Je ne peux pas imaginer qu'il m'ait
18 oublié si vite.
19 Q. Voyez-vous Docteur Andric, nous avions avant votre déposition un
20 certain nombre de renseignements. Je vais m'expliquer sur ce point : Que
21 vous aviez déposé au sujet de la persécution subie par les Albanais et des
22 expulsions qu'ils ont subi ainsi que des efforts déployés par la
23 Yougoslavie à la Serbie pour empêcher toute propagande les incitant à
24 partir au sujet des conditions en vigueur avant le conflit. Au sujet de la
25 connaissance personnelle que vous aviez d'un certain nombre de faits et
Page 36665
1 d'actions entreprises par les parties en présence, notamment, par les
2 militaires, la police et d'autres intervenants dans les opérations armées,
3 on nous a dit que vous étiez membre du conseil exécutif provisoire, mais,
4 c'est tout ce que nous avons; vous me comprenez ?
5 R. Oui, je comprends. J'étais membre du conseil exécutif provisoire.
6 Q. Oui. Quand nous avons reçu ce petit dossier de pièce à conviction, il y
7 a juste une semaine si je ne m'abuse. Oui, c'est cela. Nous avons du
8 déterminer ce que vous alliez nous dire dans les éléments de preuve émanant
9 de vous. J'aimerais explorer cette question du conseil exécutif provisoire
10 un peu plus en détails si le temps le permet. Même beaucoup plus en
11 détails.
12 M. NICE : [interprétation] L'accusé semble avoir posé une question en lui
13 demandant de répondre à une question particulière.
14 L'INTERPRÈTE : L'accusé semble être en train de parler au témoin ou est-ce
15 qu'il lui demande de répondre à une question ou de fournir volontairement
16 une réponse ? Peut-être, pourrait-on l'empêcher de le faire ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, Monsieur Robinson, je m'adressais à
19 l'officier de liaison parce que je n'ai pas la date sur les yeux. Je
20 m'apprêtais à contester l'affirmation selon laquelle le dossier de pièces à
21 conviction a été remis à M. Nice, il y a juste une semaine. Ce dossier
22 comportant un certain nombre d'intercalaire a été communiqué il y a plus
23 d'une semaine.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous vérifierons. Veuillez procéder.
25 M. NICE : [interprétation] Nous l'avons reçu le 17 février. Quelle est la
Page 36666
1 date aujourd'hui. Cela fait juste une semaine. Il y a une semaine; c'est
2 exact.
3 Q. Docteur Andric, l'historique du conseil exécutif temporaire est le
4 suivant : "Suite à la modification de la situation constitutionnelle du
5 Kosovo à la fin des années 80. Nous reviendrons sur ce que vous avez dit à
6 ce sujet, le cas échéant. Il n'y a pas eu d'élections pendant de nombreuses
7 années, n'est-ce pas ?
8 R. En effet, il n'y a pas eu d'élections.
9 Q. Le Kosovo a été administré directement par Belgrade ?
10 R. Monsieur Nice, il y a eu des élections, mais à ces élections, il y a
11 une partie qui n'a pas voté, or, elle avait la possibilité de voter.
12 C'était son droit démocratique. Cette partie n'a tout simplement pas voulu
13 de ces élections.
14 Q. Des élections ont eu lieu et un certain de personnes ont été élues à
15 certains postes du gouvernement ou n'y a-t-il pas eu d'élections ?
16 R. Il y a eu des élections à partir du début du système pluripartite en
17 Serbie mais, les Albanais avant cette date et, après cette date, ont ignoré
18 l'existence de ces élections et ont refusé d'aller voter lorsqu'il y avait
19 élections, tout le monde, sauf les Albanais.
20 Q. En 1998, il a été décidé et en dernière analyse c'était la décision de
21 l'accusé qui se trouve ici, n'est-ce pas, il a été décidé de créer ce
22 conseil exécutif temporaire, qui a été créé officiellement par l'assemblée
23 de Serbie.
24 R. Vous n'avez pas raison, Monsieur Nice. Le conseil exécutif temporaire
25 ou provisoire a été créé le 28 septembre 1998, lors de la tenue de la
Page 36667
1 deuxième séance extraordinaire de l'assemblée de la République, sur
2 proposition du gouvernement de Serbie, et non de l'accusé.
3 Q. Une fois qu'elle a été créée sous la présidence de
4 M. Andjelkovic, vous étiez membre de ce conseil exécutif, il avait à
5 remplir toute une série de fonctions, un certain nombre de fonctions vous
6 incombaient. Dans le cadre des fonctions humanitaires, vous avez participé
7 à la protection civile de la province, vous faisiez partie du comté chargé
8 de la protection civile de la province, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Oui, je faisais partie de trois comités provinciaux, et je présidais
11 l'un d'entre eux, à savoir celui qui était chargé des questions
12 humanitaires.
13 Q. Mais parlons du comité chargé de la protection civile au niveau de la
14 province, c'était un comité qui entre autres avait compétence et pouvoir
15 sur la défense civile, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, mais au sein de ce comité je crois pouvoir dire que nous ne sommes
17 jamais occupés de ce problème, en théorie c'était bien le cas, mais dans la
18 réalité cela ne l'a pas été, car nous ne sommes jamais occupés de ce
19 problème.
20 Q. Parce que cela vous aurait donné un certain pouvoir sur les personnes
21 qui exerçaient des fonctions militaires, ou qui exerçaient dans la pratique
22 des fonctions militaires ?
23 R. Monsieur Nice, je faisais partie du comité civil chargé de la
24 protection civile où il n'a jamais été question de quelque problème
25 militaire, et d'ailleurs le comité n'avait pas à se mêler de ce genre de
Page 36668
1 question, qui relevait des compétences du secteur militaire, du département
2 militaire.
3 Q. Le département militaire du conseil exécutif provisoire ?
4 R. Non, il ne dépendait du conseil exécutif provisoire, il n'y avait pas
5 d'instance telle que celle-là au sein du conseil exécutif provisoire.
6 Q. Mais vous avez employé le terme de département militaire, de quel
7 département militaire parlez-vous exactement ?
8 R. Le département militaire qui relevait des compétences de l'armée, et
9 qui se chargeait du recrutement des hommes qui voulaient servir dans les
10 rangs de l'armée.
11 Q. Mais armée, département militaire, ce sont des expressions assez
12 différentes, n'est-ce pas, en apparence en tout cas. Qui représentait
13 l'armée au Kosovo, pendant votre mandat en tant que membre du conseil
14 exécutif provisoire ?
15 R. Vous demandez qui représentait au sein du conseil exécutif provisoire ?
16 Il n'y en avait pas. Je n'ai pas connaissance qu'il y ait eu une personne
17 chargée de ces fonctions au sein du conseil exécutif provisoire. Monsieur
18 Nice, le conseil exécutif provisoire s'occupait exclusivement de problème
19 civil, lié à la vie de tous les jours.
20 Q. Je vais m'exprimer différemment. Qui s'occupait des problèmes
21 militaires au Kosovo sous votre mandat au sein du conseil exécutif ? Qui
22 était le militaire responsable ?
23 R. Pour autant que, et à moins que je me trompe, il y avait à l'époque le
24 Corps d'armée de Pristina, et le commandant de ce corps si je ne m'abuse
25 était le général Pavkovic, mais je n'en suis pas sûr.
Page 36669
1 Q. Le général Pavkovic, n'est-il membre d'une autre instance, du
2 commandement conjoint ?
3 R. Je ne sais pas de quel commandement conjoint vous êtes en train de
4 parler, Monsieur Nice.
5 Q. Même si vous avez été au Kosovo pendant la toute durée de la campagne
6 de bombardement, auquel l'armée a dû réagir, est-ce que vous êtes en train
7 de nous dire que vous ne connaissiez pas l'instance qui commandait l'armée,
8 peut-être que je me trompe pour ce qui est de l'appellation.
9 R. Partant de mes connaissances générales, ce que je sais dire, c'est
10 probablement que l'état-major de l'armée yougoslave, se trouvait à la tête
11 de cette armée. Je le suppose mais je ne suis pas expert en matière
12 militaire, moi.
13 Q. Arrêtons-nous un instant si vous le voulez bien. Vous étiez un
14 dirigeant politique, en fonction dans une instance qui était le visage
15 public du gouvernement, de l'administration au Kosovo. Le Kosovo fait face
16 à l'OTAN, l'armée a beaucoup de choses à faire, et vous n'êtes pas en
17 mesure de nous dire, quelle était l'instance, quel était le QG qui
18 dirigeait les activités de l'armée ? Vous n'êtes vraiment pas en mesure, de
19 nous aider sur ce point ?
20 R. Monsieur Nice, merci d'avoir une si haute opinion de
21 moi-même en ma qualité d'homme politique, je n'en saurais pas de votre
22 avis, mais peu importe. Ce que je vous affirme en toute responsabilité,
23 c'est que je ne savais pas, je ne sais pas, qui est-ce qui pouvait
24 commander l'armée, mis à part l'état-major de l'armée de Yougoslavie.
25 S'agissant maintenant de ce comité, de ce Conseil provincial provisoire, je
Page 36670
1 vous affirme que nous n'avons jamais débattu de quelque question militaire
2 que ce soit, mis à part ce que nous avons eu comme QG de coordination des
3 activités des autorités civiles, et des autorités militaires. C'est le seul
4 contact que j'ai pu avoir pendant cette guerre avec les autorités
5 militaires. Si vous parlez de cette coordination là, cette coordination a
6 effectivement existé, et elle se déroulait au quotidien.
7 Q. Quels étaient les représentants militaires dans cette instance ?
8 R. Dans cette instance il y a avait deux colonels. Il y avait Milomir
9 Stefanovic me semble t-il colonel et le colonel Petkovic, si je ne me
10 trompe pas.
11 Q. Où se trouvaient les bureaux de votre conseil, dans quel bâtiment ?
12 R. Le conseil se trouvait dans le bâtiment des instances provinciales, à
13 savoir, l'assemblée, le conseil exécutif de la province, c'est dans la rue
14 principale de Pristina.
15 Q. Dans la rue principale dites-vous. Est-ce que dans ce même bâtiment il
16 y avait les bureaux d'autres instances ou organes ?
17 R. Dans le bâtiment du conseil exécutif de la province à l'époque, dans
18 une aile du bâtiment si mes souvenirs sont bons, il y avait deux ou trois
19 départements détachés des ministères du gouvernement de la République de
20 Serbie. Cela était tel pendant les dix dernières années au moment où les
21 Albanais ont renoncé à la participation, à la vie politique légale de
22 Kosovo-Metohija, c'est ainsi que, c'est depuis lorsqu'il n'en était ainsi.
23 Q. Je reviendrais sans doute à ce conseil plus tard. Mais je vous invite à
24 examiner avec moi certaines des pièces que vous avez présenté. Prenons, si
25 vous voulez bien, l'intercalaire 1.
Page 36671
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans la traduction serbe de
4 ce que M. Nice a dit, on se sert du terme "conseil". Quand on dit
5 "conseil", le témoin ne sait pas du tout de quoi il s'agit. "Conseil", chez
6 nous, cela veut dire beaucoup de choses. Maintenant, si on parle du conseil
7 provincial provisoire, il faut qu'il dise l'appellation en entière parce
8 que "conseil" c'est aussi un débat, une réunion consultative, et beaucoup
9 de choses dans notre langue. Il faut qu'il dise "conseil provincial
10 provisoire," ou "conseil provisoire de [imperceptible]."
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cette précision, Monsieur
12 Milosevic.
13 M. NICE : [interprétation]
14 Q. Intercalaire numéro 1. Nous y trouvons un exemple des documents qui
15 nous sont arrivés il y a une semaine, et que nous avons dû examiner, plutôt
16 d'où nous n'avons pas vraiment pu prendre connaissance. Vous êtes un homme
17 de science. Ce document que nous dit-il ? Première question, qui l'a
18 préparé, ce document, ce tableau ?
19 R. Ce document a été réalisé par les services compétents du secrétariat de
20 la province chargée de la santé.
21 Q. On ne précise pas par leurs noms les auteurs de ce document, mais
22 celui-ci nous dit-il quels sont les documents de base qui ont servi à la
23 rédaction de ce tableau, à la préparation de cette analyse.
24 R. Non.
25 Q. Mais il n'y a pas d'annexe indiquant les documents originaux, si nous
Page 36672
1 voulions vérifier la teneur de ce tableau. Vous, personnellement, vous
2 n'avez pas vérifié ces chiffres-ci, en les comparant avec les documents
3 originaux, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur Nice, je n'ai aucune raison de ne pas faire confiance à mes
5 services. Si l'on allait ainsi, s'agissant de tous documents, il faudrait
6 que j'ai vérifié moi-même pour rédiger un document au final, mais cela est
7 tout simplement impossible.
8 Q. La méthode de travail, c'est important que ce soit en science ou en
9 technique. Et notamment, technique judiciaire. Vous comprendrez que si je
10 reçois une seule feuille de papier sans document à l'appui, sans
11 présentation de la nature de ce document, je ne peux que le rejeter.
12 Prenons l'intercalaire 2. Là aussi, c'est un feuillet, préparé je
13 suppose par votre personnel.
14 R. Exact.
15 Q. Vous, personnellement, vous n'avez pas vérifié les chiffres. Je ne
16 dispose pas d'annexe. Je ne sais pas sur quel document vous vous êtes
17 appuyé. C'est bien cela, n'est-ce pas ?
18 R. Je fais confiance à mes collaborateurs, et ce sur quoi vous insistez
19 est une chose tout à fait impossible parce que, si on fonctionnait ainsi,
20 je n'aurais aucun document en ma possession.
21 Il s'agit-là des documents de données qui sont recueillies partant des
22 documents ou de la documentation présente dans les établissements de santé
23 sur le territoire du Kosovo et Metohija. Je n'ai aucune raison d'en douter,
24 et cela est certainement et entièrement exact.
25 Q. Intercalaire 3. Peut-être pourrait-on placer un exemplaire de ce
Page 36673
1 document sur le rétroprojecteur pour ceux qui suivent les débats.
2 Le titre au départ était celui-ci : "Liste par services des enseignants et
3 des assistants de la faculté de Médecine de Pristina d'origine albanaise
4 qui sont restés en fonction à l'hôpital de la ville de Pristina après --"
5 Oui, au départ, c'était 1999, mais vous avez dit qu'apparemment c'était une
6 erreur, et que c'était 1991.
7 R. Oui, c'était une erreur à l'occasion de la traduction.
8 Q. Qui a préparé cette liste ?
9 R. Cette liste a été préparée par les chefs, des chairs, de la faculté de
10 Médecine. Des professeurs, mes collègues à moi, bien sûr, en coopération
11 avec moi-même.
12 Q. Impossible de voir qui sont ces professeurs ou ces titulaires de
13 "chairs", mais on voit beaucoup de noms dans cette liste. Est-ce qu'on voit
14 dans ces noms les noms de ceux qui ont préparé cette liste, ou est-ce
15 qu'ils n'apparaissent pas ici dans ce document ?
16 R. Non.
17 Q. -- quelqu'un d'autre, ce sont d'autres personnes qui ont préparé la
18 liste ?
19 R. Non.
20 Q. On parle des personnes qui sont restées à Pristina, plus exactement à
21 l'hôpital de la ville. Et nous savons désormais --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On parle de la faculté de Médecine.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont les personnes qui sont restées
24 travaillées au clinique, et aux instituts du centre hospitalier, et de la
25 faculté de Médecine à Pristina.
Page 36674
1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. J'aimerais comprendre l'importance qu'il faut accorder à ce document,
3 car je souhaite comprendre la nature de votre déposition.
4 R. L'importance de ce document, Monsieur Nice, est la suivante. Il s'agit
5 de démontrer que ceux qui ont souhaité, et ceux qui ont répondu à leurs
6 obligations de travail, on peut continuer à travailler au clinique, et aux
7 hôpitaux de la faculté de Médecine. Personne ne les a obligé à quitter leur
8 travail, leur poste de travail. Ils ont été obligés par leurs propres
9 compatriotes, qui voulaient procéder à une épuration ethnique de la faculté
10 de Médecine, afin qu'il n'y ait plus d'Albanais, et faire une faculté de
11 Médecine, constituée rien que d'Albanais.
12 Q. Bien entendu, ici nous avons des vrais noms, des professeurs, même si
13 quelquefois on indique que ceux sont des assistants, même si ce sont des
14 assistants des médecins diplômés. Répondez d'abord à cette question-ci.
15 R. Oui. Il s'agit de médecins. Ils sont tous médecins, mais ils ont des
16 titres académiques qui varient de l'un à l'autre.
17 Q. Lorsque vous avez préparé votre déposition destinée à aider l'accusé,
18 vous saviez que vous alliez citer ces noms des personnes. Est-ce que vous
19 avez au préalable contacté ces personnes ?
20 R. Bien sûr que je ne les ai pas contacté. Je n'ai pas eu la possibilité
21 de les contacter.
22 Q. Pourquoi pas ?
23 R. Parce que, Monsieur Nice, sur le territoire de Kosovo et Metohija, je
24 ne peux arriver que jusqu'à la Mitrovica du nord. Au-delà de cela, je n'ose
25 pas placer le bout de mon pied.
Page 36675
1 Q. Avez-vous leur écrit ?
2 R. Tout simplement, je ne sais plus où ces gens-là se trouvent. J'ai perdu
3 toute contacte depuis cinq ans, déjà.
4 Q. Il se peut qu'aucune de ces personnes ne se souvienne de vous. Mais
5 j'en arrive à ce que je veux dire. Etant donné que nous avons reçu ces noms
6 il y a une semaine, vous ne pouvez pas vous plaindre si nous avons essayé
7 d'en contacter le plus grand nombre possible pour vérifier ce que vous
8 affirmez. Vous ne pourriez pas vous plaindre si c'était le cas, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Bien sûr.
11 Q. Jusqu'à hier matin, nous avions cru comprendre parce que nous avions un
12 résumé vraiment très ténu de votre déposition future, c'est que la liste
13 était importante parce que c'était des médecins qui avaient conservé leurs
14 postes après 1999, ce qui est, bien sûr, une date importante. Si vous
15 prenez le service d'ophtalmologie, et si vous vous arrêtez au deuxième nom,
16 c'est le nom d'une femme, n'est-ce pas, qu'on y trouve ?
17 R. Oui.
18 Q. Nous l'avons vu il y a deux jours, et l'Accusation était en droit de
19 penser qu'on s'intéressait à ce qu'il lui fût arrivé vers la fin de cette
20 période. De toute façon, nous allons, si les Juges le permettent, diffuser
21 le début d'un extrait.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une petite intervention de ma part, Monsieur
23 Robinson.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le témoin a dit très
Page 36676
1 clairement que ce qui est indiqué comme année 1999, est une erreur de
2 frappe et qu'on devait voir là 1991, on devait y lire 1991. Il a rectifié
3 dès qu'il a vu le document. Il est tout à fait dénué de sens, prouvé qu'on
4 dit 1999. Il a dit dès le départ que c'est une erreur de frappe et qu'il
5 fallait y lire 1991. Mais il parle de gens qui sont restés --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Mais je ne
7 sais pas si c'est cela que veut faire M. Nice.
8 Poursuivez, Monsieur Nice.
9 M. NICE : [interprétation] Vous comprendrez, Messieurs les Juges, la
10 période de 1999 fait partie de toute la période consécutive à l'année 1991.
11 Nous nous croyions que c'était celle-là qui comptait.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais je crois que l'heure est venue
13 de faire la pause. Faisons la pause maintenant.
14 M. NICE : [interprétation] Oui, d'accord.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pause de 20 minutes.
16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.
17 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
19 M. NICE : [interprétation] Je vais demander que soit distribuée une
20 transcription d'un entretien qui s'est mené en anglais et en albanais. Il
21 faut un certain temps pour en diffuser la totalité. Mais vu j'ai peu de
22 temps, depuis que nous l'avons reçue, nous avons retenu certains extraits
23 dont nous allons diffuser l'intégralité. On les a indiqués dans le texte.
24 Si vous me le permettez, je vais poser des questions directes, avec votre
25 autorisation, et nous verrons ce que nous allons diffuser.
Page 36677
1 M. KAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons aborder ceci sous l'angle
2 du droit car c'est là une proposition nouvelle qui nous est faite et qu'on
3 essaie d'introduire dans le procès. Si j'ai bien compris les intentions du
4 Procureur, il s'agit ici d'un entretien. C'est Mme Meshqyre Capuni-
5 Brestovci qui est interrogée. Ses propos ont été recueillis il y a quelques
6 jours, le 22 février, et on en demande la diffusion comme étant un moyen
7 dont le Procureur veut se servir dans son contre-interrogatoire. C'est là
8 une façon de présenter des éléments de preuve par le truchement de ce
9 témoin sous forme d'enregistrement vidéo. Je suppose, ou j'espère qu'on va
10 demander au présent témoin d'apporter son commentaire. En général, le
11 contre-interrogatoire se fait sous la forme de questions qui sont posées
12 par l'avocat qui présente une thèse et il peut y avoir réfutation.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un enregistrement vidéo dont
14 nous avons ici la transcription ?
15 M. KAY : [interprétation] Oui. Je pense qu'on va demander la diffusion de
16 ce témoin -- enfin, ce n'est pas un témoin, de cette dame qui a été
17 interrogée et qui n'a fait partie de la présentation des moyens de preuve
18 sous aucune façon quelle qu'elle soit. Le présent témoin va être prié de
19 commenter ce qu'il va voir. C'est comme si on avait une déclaration du
20 témoin qui serait présentée à ce témoin-ci, auquel on demandera un
21 commentaire.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous essayez de
23 réaliser ce faisant ?
24 M. NICE : [interprétation] Je suis abasourdi de voir que Me Kay s'en tient
25 à une façon conventionnelle de présenter des éléments de preuve. Il ne
Page 36678
1 faudrait pas qu'il reste dans son système national. Je réponds à votre
2 question, Monsieur le Président. N'oublions pas que ce dernier témoin a été
3 autorisé à présenter des déclarations innombrables de tierces personnes, ou
4 ouï-dire sur diverses façons : "Je sais que personne n'a été chassé par
5 personne d'autre que l'UCK." C'est une synthèse que je fais là. Des
6 déclarations sous forme d'enregistrement vidéo, de journalistes à la
7 télévision, des récits individuels. Ce que je me propose de faire,
8 s'agissant d'un sujet qui a été soulevé par l'accusé, pas par nous, ce qui
9 m'a été communiqué avec très peu de temps, c'est de présenter, en fait, à
10 ce témoin, un élément sur lequel il s'appuie directement.
11 Oui, je pourrais être ici, occupé à vous lire la totalité de ces
12 déclarations et lui demander si c'est bien la vérité. Mais qu'est-ce qui va
13 être plus utile pour ce Tribunal, que je fasse de la sorte ou que le
14 Tribunal voit le témoin en train de parler ?
15 Je vais vous dire directement, après cela, j'ai une autre
16 déclaration, écrite pour le moment, pour des raisons que je ne peux
17 maîtriser du fait de la façon dont la Défense s'est présentée, et que je
18 vais vous soumettre. Je vous en parlerai en temps utile. Mais, franchement,
19 de là à dire que ces déclarations n'ont aucune valeur et ne sauraient être
20 admises, ce serait appliquer des critères tout à fait différents à
21 l'Accusation qu'à la Défense.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne pouvez pas maintenant
23 élargir la portée des éléments que vous avez déjà présentés ? Je me demande
24 si c'est cela que vous voulez faire, ajouter d'autres éléments de preuve.
25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président --
Page 36679
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous voulez maintenant tester la
2 crédibilité du témoin ou le contredire.
3 M. NICE : [interprétation] En réponse à votre premier point, je n'en suis
4 pas tout à fait sûr. Si l'accusé décide de soulever une autre question, je
5 ne sais pas si ce sera le cas, mais qui relève du contexte pour le moment,
6 mais s'il soulève une question qui risque de devenir un des éléments
7 importants du procès et qu'il choisit de le faire, les éléments qu'il
8 présente peuvent toujours s'inscrire dans le cadre des éléments à charge.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez, bien sûr, contredire
10 tout ce qu'il dit, tout ce qu'il veut dire, pour tester et mettre à
11 l'épreuve la crédibilité du témoin sur tout point soulevé. Mais ceci mis à
12 part, vous ne pouvez pas maintenant ajouter des éléments de preuve à vous.
13 Je suis d'avis que vous avez le droit de soumettre au témoin quelque chose
14 qui aurait pour but de contredire l'élément de preuve apporté par le témoin
15 de l'accusé.
16 Que voulez-vous faire ?
17 M. NICE : [interprétation] J'ai demandé au témoin quelle était l'importance
18 qu'il fallait accorder à ces personnes dont il donne le nom dans la liste
19 de 1991 et qui va jusqu'en 1999, et il a répondu. Maintenant, il faudrait
20 savoir quelle serait la situation de ces personnes. Il n'a fait aucun
21 effort pour les contacter. Ici, nous enquêtons pour déterminer la vérité,
22 avec des preuves. Mais si la Chambre était invitée à tirer des conclusions
23 tout à fait générales à partir de ce témoin qui est tout à fait partial et
24 dont la crédibilité est en cause, ce serait quelque chose de tout à fait
25 erroné.
Page 36680
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que je veux assurer c'est la
2 cohérence de la pratique que nous avons en matière de procédure. Nous
3 n'avons pas permis à l'accusé de formuler des commentaires sur des tierces
4 personnes par rapport à ce qu'a dit le témoin hier.
5 M. NICE : [interprétation] Je ne me souviens pas comme cela, de but en
6 blanc, de ce que vous voulez dire. Maintenant, je m'en souviens, si, si.
7 Vous avez eu un témoin qui a fait des commentaires au moment de la
8 présentation des moyens à charge. Le président, le Juge May, a dit, Appelez
9 le témoin à la barre. Mais cela revient à ce que je disais auparavant.
10 Lorsque vous avez la présentation des moyens à charge, lorsque la Défense
11 est connue, c'est une chose. Mais ici, ce n'est pas le cas. Ici, c'est tout
12 à fait différent, car les éléments en réfutation, on ne sait pas ce qu'ils
13 seront, car l'accusé présente des éléments tout à fait neufs. Je m'en suis
14 plaint, et je répète mes griefs. Parce que ceci est tout à fait en dehors
15 de la procédure qu'il faudrait suivre. Je suis censé me servir du 65 ter.
16 Ces résumés sont insuffisants, et il devient de plus en plus difficile pour
17 l'Accusation de faire ce qu'elle doit lorsqu'elle reçoit une avalanche de
18 documents sans préavis, documents qu'il faut aborder, et en très peu de
19 temps.
20 Ici, nous avons un exemple patent, le plus clair possible. Voici ce que ce
21 témoin dit ici dans sa déclaration enregistrée, pour que ce soit clair pour
22 le compte rendu d'audience.
23 Elle dit que, le 24 mars 1999, la situation était tendue. Les gens
24 avaient peur. Lorsqu'elle a essayé de se rendre au travail - elle habite un
25 peu à l'extérieur - elle a entendu le bruit d'une balle. Elle ne savait pas
Page 36681
1 ce qui se passait. On lui a dit de rentrer chez elle, ce qu'elle a fait.
2 Elle a avisé le directeur de l'hôpital de la nature du problème, qui a dit
3 : "Je vais vous donner un document qui va vous aider." Cette dame a utilisé
4 ce document, et le 31 mars, lorsqu'elle est revenue au travail, son
5 quartier était tout à fait encerclé de forces de police, et les policiers
6 ont dit aux habitants qu'ils devaient quitter leurs foyers.
7 Voilà les circonstances concernant le 24 mars. Prenez le deuxième
8 extrait. Cette dame est allée chez sa sœur. Elle ne voulait pas aggraver la
9 situation et a décidé de se rendre vers la frontière avec la Macédoine.
10 Elle a été dirigée vers Tetovo et vers Globotica, et ils ont passé sept
11 jours à la frontière. Cette frontière a été ouverte pendant très peu de
12 temps, et elle a été refermée, dans des conditions vraiment très
13 difficiles.
14 Troisième extrait, elle est rentrée chez elle. Elle y est restée dix
15 jours. Elle n'osait pas sortir parce qu'il y avait beaucoup d'effectifs de
16 police dans la zone. Elle a regardé par la fenêtre, et finalement elle a
17 décidé de sortir, croyant que le document dont elle disposait allait
18 assurer sa sécurité, ce document que lui avait donné le directeur de
19 l'hôpital. Elle est allée chez sa sœur, puis à l'hôpital, pour obtenir son
20 salaire, et on ne l'a pas autorisée à travailler à l'hôpital, ce qui veut
21 dire que, pour des circonstances qui lui échappaient totalement, et même si
22 elle avait l'avantage d'avoir un laissez-passer délivré par le directeur de
23 l'hôpital, on ne lui a pas donné la possibilité de travailler, pour des
24 raisons soi-disant techniques parce qu'elle avait été absente une semaine,
25 ou pour une autre raison.
Page 36682
1 Quatrième extrait : une question lui est posée. On lui demande si elle a
2 appris, par la suite, qu'il y avait des collègues albanais qui
3 travaillaient à l'hôpital de Pristina, avaient vécu quelque chose. Elle a
4 dit, Je ne sais pas. J'ai travaillé seulement une semaine à la fois. Je ne
5 savais pas. Mais après, j'ai appris à la frontière que des gens étaient
6 partis à Skopje et en Macédoine. En fait, deux de mes collègues, dit-elle,
7 qui étaient avec moi à la frontière. Oui, nous n'avons pas été là ensemble,
8 nous nous sommes rencontrés à la frontière.
9 Enfin, extrait 5 - il y a beaucoup d'autres choses entre les deux
10 extraits - on lui demande ceci : est-ce que vous êtes rentrée au travail ?
11 Réponse : Oui, aussitôt après l'entrée des forces de l'OTAN. Je ne me
12 souviens pas de la date.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] [hors micro] Qu'est-ce que ceci est
14 censé montrer ?
15 M. NICE : [interprétation] L'histoire --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mon micro n'était pas allumé.
17 Je vous demande ce que vous voulez ainsi prouver ?
18 M. NICE : [interprétation] Le postulat, c'est d'abord que ce document
19 n'était pas correct et qu'il n'avait pas été corrigé jusqu'à il y a deux
20 jours, et que l'accusé voulait présenter une situation où des médecins
21 albanais seraient restés jusqu'en mars 1999. Or, quelle est la réalité que
22 nous dépeint ce médecin, et c'était la seule personne qu'on a pu trouver
23 dans cette liste sur lequel le témoin s'est appuyé, et on voit que ce qu'il
24 lui est arrivé l'a empêchée de rentrer au travail. On lui a interdit de
25 travailler. C'est le directeur de l'hôpital qui lui a interdit de le faire.
Page 36683
1 C'est important.
2 Mais nous pourrons peut-être distribuer la déclaration Pallaska. Que s'est-
3 il passé ? Au moment où la correction a été apportée à l'intercalaire 3,
4 lorsqu'on a transformé la date de 1999 en 1991, j'ai donné les
5 instructions, et nous avons essayé de retrouver cette femme pour lui poser
6 une question concernant la période de 1991. Vu le peu de temps que nous
7 avions, nous n'avons pas réussi à la trouver. Nous avions espéré terminer
8 cette déposition aujourd'hui, mais nous avons trouvé un autre médecin. Il
9 ne se trouve pas dans la liste, mais peu importe. C'est un médecin qui
10 était présent depuis 1991 et avait continué de travailler. Nous avons,
11 grâce à ces deux médecins, des éléments d'insurgés, soulevés par l'accusé.
12 C'est lui qui a décider d'en parler, s'agissant de ce que ce médecin-ci a
13 vécu à partir de 1991.
14 Messieurs les Juges, je le répète, nous n'avions aucun détail. Je m'arrête
15 un instant parce qu'il est grand temps que j'en parle et je tiens à le dire
16 pour le dossier de l'audience et pour que vous compreniez bien notre
17 situation : lorsque l'accusé a interrogé ces témoins, il avait reçu, des
18 mois à l'avance, des éléments détaillés, il avait été avisé de la venue,
19 des semaines en avance, de la venue des témoins, mais il avait aussi un
20 résumé précis de la déposition des témoins à charge. Il avait reçu, comme,
21 nous, nous avons reçu, il y a une semaine, les pièces --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux plus vous entendre sur
23 cette question.
24 M. NICE : [interprétation] Fort bien.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons rendu notre décision. A
Page 36684
1 mon avis, les rapports entre l'Accusation et la Défense ne sont pas des
2 rapports symétriques, mais bien asymétriques. L'Accusation a la charge de
3 la preuve, ce qui n'est pas le cas pour l'accusé. Il a des droits, des
4 droits que n'a pas l'Accusation.
5 M. NICE : [interprétation] Comme vous voulez, mais je dois faire
6 l'impossible pour répondre à ce que je reçois avec un effet de surprise.
7 Voyez la page 2 du document concernant ce témoin. Il dit qu'il exerçait
8 dans cet hôpital en 1989, un des médecins qui n'a pas été démis de ses
9 fonctions, mais il ne savait pas qu'il y a eu des médecins albanais qui ont
10 quitté l'hôpital de Pristina, à partir de 1989, pour s'établir dans des
11 cabinets privés. Il parle de son père qui, lui, est parti. Il dit ceci :
12 "Je ne connais pas de médecins qui auraient quitté leurs services à
13 l'hôpital de Pristina de 1989 à 1998 s'ils n'avaient pas été démis de leurs
14 fonctions par la direction de l'hôpital."
15 Au paragraphe suivant, il dit ceci, et ceci est tout à fait en
16 contradiction avec ce qu'a dit le témoin, j'y reviendrai. Il explique les
17 raisons du limogeage de certains médecins, peut-être parce qu'ils avaient
18 rempli certains formulaires en albanais plutôt qu'en serbe. Puis, d'autres
19 raisons sont avancées.
20 Par le suivant, il parle des sanctions imposées aux médecins albanais
21 qui parlaient à des patients albanais sans parler serbe. Il parle de ce
22 qu'ont vécu des médecins qui ont été révoqués fin 1989 [comme interprété].
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Maître Kay, au
24 moment du contre-interrogatoire par l'Accusation, pourquoi l'Accusation
25 n'aura t-elle pas le droit de soumettre à un témoin à décharge un document
Page 36685
1 qui, en fonction de réponses qu'il est susceptible de recevoir de ce
2 témoin, pourrait contribuer à contredire les éléments de preuve présentés
3 par le truchement dudit témoin ou jeter le doute, dans une certaine mesure,
4 sur sa crédibilité ?
5 M. KAY : [interprétation] Le contre-interrogatoire, ce sont des documents
6 qu'utilisent l'Accusation dans son contre-interrogatoire. Ce ne sont pas
7 des éléments de preuve.
8 Commençons par les enregistrements vidéo. On a diffusé
9 l'enregistrement vidéo de cette dame. L'accusé n'a pas l'occasion de
10 contre-interroger le témoin qui parle dans cet enregistrement. On pose des
11 questions au témoin. On lui dit : "Qu'en pensez-vous ? Vous l'avez entendu
12 dire ceci ou cela."
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci intervient
14 pour déterminer la valeur probante ?
15 M. KAY : [interprétation] Non. Ce qui compte ici, c'est la déposition du
16 présent témoin dans ce prétoire. L'enregistrement vidéo, il est utilisé
17 comme moyen de poser des questions à un témoin à décharge. C'est une des
18 tactiques tout à fait familières que nous avons eues tout au long de la
19 présentation des moyens à décharge. Or, l'accusé n'a pas été autorisé à le
20 faire. On lui a dit : "Au moment de la présentation des moyens à charge,
21 vous aurez le temps de dire ceci, lorsque, vous, vous présenterez vos
22 moyens."
23 Maintenant, M. Nice aura aussi des moyens qu'il peut présenter en
24 réfutation. Il dit : "Je ne sais pas si je pourrai le faire."
25 Manifestement, ce n'est pas réaliste. Je pense, qu'il y a quelques jours,
Page 36686
1 vous lui avez dit que ce n'était pas juste, qu'il n'aurait pas l'occasion
2 de présenter des moyens en réfutation." Si ceci sert parce qu'il ne va pas
3 avoir de moyens en réfutation, c'est quelque chose que nous rejetons
4 carrément.
5 Si on utilise cet enregistrement vidéo, c'est pour présenter des
6 éléments de preuve que l'accusé ne peut contredire, ne peut contre-
7 interroger. Ce n'est pas facile d'être avocat. Effectivement - je reprends
8 ce qu'a dit M. Nice un jour - ce n'est pas facile d'être avocat. Parfois,
9 il faut poser des questions. Il faut s'accommoder de ce qu'on a, et on
10 essaie de s'en tirer en respectant la procédure, ce qui permet aussi de
11 mettre à l'épreuve les éléments de preuve présentés; sinon, Messieurs les
12 Juges, vous êtes saisis de documents sous forme électronique utilisés pour
13 faire avancer la cause de l'Accusation et qui transforment les éléments à
14 décharge en éléments à charge. Ils devraient poser des questions. Ils
15 devraient contester, de cette façon, ce que dit ce témoin, et s'il y a
16 désaccord de la part de l'Accusation avec ce que dit le témoin,
17 l'Accusation doit appeler des témoins pour réfuter ce que dit ce témoin-ci.
18 C'est la procédure consacrée dans le règlement.
19 Les déclarations de témoins, comme il l'a déjà fait dans le contre-
20 interrogatoire d'autres témoins, il a des documents, il peut les soumettre
21 à ce témoin-ci, à partir des documents qu'il a. Les questions qu'il a à
22 poser cherchent à contester ce que dit ce témoin. Maintenant, s'il a
23 d'autres éléments de preuve, il pourra les présenter en réfutation, en
24 utilisant le 92 bis, ou en citant le témoin à la barre.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le fait qu'il pourrait
Page 36687
1 présenter ces éléments en réfutation ne veut pas dire qu'il ne peut pas les
2 présenter dans son contre-interrogatoire.
3 M. KAY : [interprétation] Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est
4 qu'il devrait poser des questions. M. Milosevic a été prié de poser des
5 questions et de ne pas faire de déclarations. Mais, c'est la même chose
6 ici. M. Nice a fait une déclaration pour conforter sa thèse. Il n'y a pas
7 de différence, Monsieur le Président. C'est précisément ce qui se passe,
8 mais de façon beaucoup plus subtile, et avec un enregistrement vidéo, en se
9 servant de la technologie pour faire une déclaration à charge au cours du
10 contre-interrogatoire d'un témoin à décharge.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ici, ce n'est pas une
12 déclaration à charge. Il l'utilise pour contredire la thèse qu'avance M.
13 Milosevic, à savoir que tous les médecins albanais ont pu continuer à
14 travailler sans subir de problèmes. Pourquoi est-ce que M. Nice ne pourrait
15 pas le faire dans son contre-interrogatoire ?
16 M. KAY : [interprétation] Il peut le faire en posant des questions. C'est à
17 cela que cela sert une question, s'agissant des documents qu'il est
18 autorisé à produire au cours de la réfutation.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Uniquement au moment de la
20 réfutation
21 M. KAY : [interprétation] Il s'en sert ici pour présenter des éléments à
22 charge plutôt que pour contredire le témoin. Il vous l'a dit expressément.
23 Il vous a motivé son intervention. Il vous a dit qu'il avait des éléments
24 de preuve ayant trait à une situation différente en 1999. Dans l'intérêt
25 qu'il voit, qui est de vous montrer la vérité, il cherche à veiller à ce
Page 36688
1 que vous disposiez maintenant de ces éléments. Ce n'est pas un processus de
2 contradiction par contestation --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'accepte pas la façon dont
4 présente les choses, M. Nice. En fait, ce sont des éléments qui, au fond,
5 contredisent ou qui peuvent mettre à l'épreuve la crédibilité du témoin. Si
6 ceci a pour effet connexe d'intervenir en tant qu'élément de preuve à
7 charge, c'est un accessoire, si vous voulez. Mais, est-ce qu'on ne prive
8 pas le contre-interrogatoire de son but essentiel si on ne permet pas de
9 présenter à un témoin un document qui pourrait contredire ses dires ? C'est
10 à cela que cela sert, un contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?
11 M. KAY : [interprétation] On pourra aller plus loin. Dans cette procédure,
12 il pourrait soumettre un document. Quel sort va être réservé à ce
13 document ? S'il montre l'enregistrement vidéo, il va présenter la teneur de
14 cette vidéo au témoin, cette déclaration. Mais, ce n'est pas lui en
15 personne qui conteste ce témoin-ci à ce moment-là. Il le fait par le
16 truchement d'une déclaration qui est faite par une personne dans un
17 enregistrement vidéo.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais le témoin peut apporter des
19 commentaires.
20 M. KAY : [interprétation] Oui, mais ce sont des éléments de preuve qui sont
21 introduits par l'Accusation qui concerne la véracité de la déclaration
22 plutôt que la contestation du témoin. L'accusé n'est pas à même, lui-même,
23 de contre-interroger la personne qui est utilisée dans cet enregistrement
24 vidéo.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'êtes pas opposé à ce que la vidéo
Page 36689
1 soit soumise au témoin, mais vous êtes opposé à ce qu'on diffuse les images
2 de la vidéo.
3 M. KAY : [interprétation] Cela, c'est le serpent qui se mord la
4 queue, il me semble. Parce que j'ai l'expérience dans un procès d'une
5 décision rendue par les Juges qui a permis à l'Accusation d'avancer
6 grandement en soumettant à la Chambre un grand nombre de documents. Je
7 crois que c'est exactement ce qui est tenté ici, car une fois que la chose
8 est faite, elle devient d'usage courant.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous devons délibérer.
10 M. NICE : [interprétation] J'aimerais répondre en deux ou trois
11 points, car il est tout à fait capital que le caractère erroné et limité de
12 cette discussion soit montré très clairement.
13 Mon collègue de la Défense, pendant toute la déposition du témoin qui
14 se trouve ici, n'a cessé de rappeler à la Chambre la nécessité de verser au
15 dossier les intercalaires 5.2, 5.3, 5.4. En tant qu'ami du Tribunal, il
16 aurait dû, lors de sa dernière intervention, dire que vous ne pouvez pas
17 verser au dossier des documents en raison de la véracité que l'on trouve
18 dans leur contenu. Il aurait dû dire que M. Nice ne pouvait pas contre-
19 interroger cet homme qui est évoqué dans ces documents. Nous trouvons dans
20 l'ensemble, des intercalaires qui ont été utilisés que, véritablement, un
21 moment arrive où ces témoins sont nommés par leur nom et on ne peut pas
22 être sûr d'avoir fait tous les efforts nécessaires pour parler à tous les
23 témoins potentiels parce que cela aurait été l'attitude convenable. Or, ce
24 témoin nous apporte des arguments qui sont totalement en contradiction avec
25 cela, et je dois rappeler, avec le respect que je dois à la Chambre, que la
Page 36690
1 Défense a présenté un très grand nombre de documents, des articles de
2 presse et toutes sortes de choses qui ont été admises sur des bases
3 diverses mais qui, finalement, seront examinées en fonction de la véracité
4 de leur contenu.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que dites-vous des remarques
6 de la Défense quant au fait que durant la présentation des moyens de
7 l'Accusation, on lui a dit à plusieurs reprises qu'il ne pouvait pas
8 présenter ses moyens de la façon dont il s'efforçait de le faire et qu'il
9 aurait le temps de le faire au moment où la présentation de ses moyens à
10 lui arriverait.
11 M. NICE : [interprétation] J'ai déjà traité de ce point à plusieurs
12 reprises par le passé et, bien sûr, la Chambre décidera de la position
13 qu'elle adoptera s'il convient éventuellement de la modifier légèrement en
14 raison du stade que nous avons atteint dans le procès, mais --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est préférable d'être dans
16 le droit chemin plutôt que de rétablir les faits.
17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, oui, on peut le
18 dire ainsi. Mais ce qui est dit également, c'est que d'une certaine façon,
19 nous devons nous livrer à l'exercice assez extraordinairement artificiel de
20 transformer un certain nombre de choses en paroles pour vous les soumettre.
21 Je crois que ceci est dépourvu de sens. Nous n'allons pas, par exemple,
22 s'agissant d'une ou deux personnes dont a parlé ce témoin, répondre à tout
23 ce qui a été dit. Ces personnes ont fait des remarques très contradictoires
24 en public, dans des journaux, dans des articles de presse ou sous d'autres
25 formes. Ce qu'il faut, c'est de savoir comment ces déclarations seront
Page 36691
1 traitées. Me Kay ne dit ce qu'il nous dit, il nous dit que cette façon de
2 procéder n'est pas acceptable par rapport à la personnalité internationale
3 de M. X dont les positions sont ceci et cela. Non. Vous savez qui est M. X,
4 et ce qu'il a dit. Quel est votre commentaire à ce sujet ? C'est de cette
5 façon que l'on a procédé depuis le début.
6 Même si l'accusé peut être limité d'une certaine façon dans la
7 présentation des déclarations de ces témoins, lorsqu'elles n'ont aucun
8 rapport avec les éléments de preuve soumis à la Chambre, le problème est
9 différent. Vous pouvez réfléchir à la nature de ces éléments de preuve dont
10 nous parlons et évaluer la déclaration d'une même personne dans un sens ou
11 dans un autre.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous
13 souhaitiez dire quelque chose ? Je vous en donne la possibilité.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. J'attendais
15 simplement la fin de l'interprétation pour qu'il n'y ait pas empiètement.
16 Je souhaite simplement appeler l'attention de chacun sur un motif
17 tout simple pour lequel la transcription et la séance vidéo que Me Nice
18 vient d'évoquer ne peut se comparer à l'intercalaire 5 des séquences vidéo
19 qui ont été soumises en accompagnement de l'interrogatoire du témoin qui se
20 trouve ici. Il y a une grande différence entre les deux. Vous avez pu voir
21 le témoin sur ces images. Le témoin était présent pendant les événements
22 dont il a parlé. Ces déclarations étaient faites en présence d'autres
23 membres du conseil exécutif provisoire, à savoir, Messers Ibrahimi, Jashari
24 et un troisième. Ils étaient sur place et nous sommes dans une situation
25 complètement différente de la situation caractérisée par une séquence vidéo
Page 36692
1 où l'on voit un médecin, le 24 mars 1999, qui prétend parler du document
2 fourni par le témoin que vous avez devant vous; cependant, il est très
3 clair que le document fourni par le témoin que vous avez devant vous porte
4 sur 1991 et non 1999. Ce sont deux situations complètement différentes.
5 L'intercalaire 5 ne contient aucun moyen de preuve par ouï-dire.
6 C'est un élément de preuve où, composé d'images, montrant une situation que
7 le témoin a vue de ses yeux. Il était présent.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, venant du
9 système judiciaire d'où vous venez, je pense que vous apprécierez ce
10 dernier point. La présence du témoin à l'interview crée une grande
11 différence.
12 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas suivi cet argument de
13 l'accusé.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a dit que la grande différence
15 entre ces vidéos et celles que vous cherchez à l'heure actuelle à
16 introduire réside dans la présence du témoin.
17 M. NICE : [interprétation] Bien, oui et non. Les vidéos -- et ceci est
18 également un problème important que nous avons à affronter, comme vous
19 pouvez le voir à la lecture du troisième document que je vais vous
20 soumettre un peu plus tard, à moins que quelque chose ne se passe qui
21 transforme ce troisième document en deuxième document. Mais les personnes
22 concernées ne sont pas présentes étant donné qu'elles ont été expulsées de
23 leurs maisons. Elles ne sont pas présentes lorsque les bombes sont jetées.
24 Elles sont présentes au moment de l'interview, après les événements par les
25 journalistes. La seule différence ici, c'est que ces personnes sont
Page 36693
1 interviewées après les événements par un enquêteur, dans notre cas. Mais,
2 il n'y a pas de différences fondamentales.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il dit que le témoin en personne
4 était présent.
5 M. NICE : [interprétation] Je vois.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin en personne, donc, cela
7 justifie que des questions lui soient posées.
8 M. NICE : [interprétation] Il n'était présent qu'à très peu d'occasions.
9 Nous n'avons pas d'éléments de preuve démontrant qu'il était
10 l'interlocuteur ou, en tout cas, la personne qui posait des questions à
11 toutes ces personnes qu'on voit sur les images. Il ne fait qu'un récit
12 général. Si nous passons en revue les séquences vidéo et regardons les
13 diverses personnes qui sont interviewées par les journalistes, il ne s'agit
14 pas de lui. Rien ne démontre qu'il était présent sauf dans un nombre très
15 limité de cas.
16 Puis-je expliquer pourquoi j'ai dit qu'il pourrait s'agir d'un troisième
17 document ou qu'il pourrait devenir un deuxième document ? J'aimerais vous
18 en parler de façon générale, j'ai dit qu'à moins que quelque chose ne se
19 passe. Ce qui peut se passer, c'est la chose suivante : si la question de
20 la suppression d'un document se pose, ma prochaine requête portera sur le
21 retrait de tous les éléments de preuve par ouï-dire de la déposition du
22 témoin que vous avez devant vous, ce qui annulerait ou éliminerait tous les
23 intercalaires, il me semble.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si les Juges de la Chambre sont
25 d'accord.
Page 36694
1 M. NICE : [interprétation] Oui je sais. Mais telle serait ma requête car
2 des normes différentes sont appliquées de part et d'autre.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que la plus grande
4 difficulté à laquelle nous sommes confrontés, est une difficulté liée à la
5 jurisprudence, à savoir, ce mélange de la flexibilité du droit civil avec
6 possibilité d'un certain nombre de variations, et de "common law", et à
7 moins de résoudre cette difficulté, nous retomberons toujours sur le
8 problème. Le 89(C) nous renvoie à la flexibilité du droit civil, mais Me
9 Kay indique un certain nombre de points qui relèvent davantage de la
10 "common law" dans son objection à l'admissibilité. Mais je vais délibérer
11 avec mon collègue sur la question.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La décision consiste à dire que vous
14 pouvez introduire les déclarations, mais pas les vidéos. L'admission des
15 déclarations dépendra par ailleurs des réponses fournies par le témoin.
16 M. NICE : [interprétation] Pouvons-nous soumettre au témoin et placer sur
17 le rétroprojecteur la déclaration de Meshqyre Capuni-Brestovci, dont je
18 vais donner lecture.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a la déclaration sous les yeux.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De qui est cette déclaration, Monsieur
21 Nice ?
22 M. NICE : [interprétation] La déclaration émane de Meshqyre
23 Capuni-Brestovci. Elle est en anglais, et compte tenu du peu de temps dont
24 je dispose, je vais en lire un certain nombre d'extraits au témoin pour lui
25 demander s'il admet la véracité de ce qui est écrit dans ce document.
Page 36695
1 Q. Docteur Andric, cette femme, et vous avez cité son nom, dit entre
2 autres, ce qui suit, elle dit : "Le 24 mars 1999, tous ses collègues
3 étaient au travail, donc à l'hôpital, la situation était tendue, et tout le
4 monde avait peur. Après la fin de l'horaire de travail, nous sommes rentrés
5 chez nous, afin de retourner au travail le lendemain."
6 Y a-t-il des raisons quelconque de douter de cela ?
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, un instant je vous
8 prie.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
12 Le témoin a fourni à l'intercalaire 3 une liste de médecins qui sont
13 restés après 1991. Je vois que sur cette liste, au numéro 2, il y a le nom
14 de cette personne. On dit que c'est un doyen. Le témoin a affirmé que
15 c'étaient des chefs de chaire qui avaient élaboré ces listes. Il parait que
16 c'est une personne qui est restée travailler après 1991. Qu'est-ce que cela
17 a à voir avec son témoignage, ce que cette personne aurait pu dire après le
18 début de la guerre en 1999, qu'est-ce que cela peut bien avoir à voir avec
19 le témoignage de ce témoin ? Il a fourni une liste des médecins qui ont
20 continué à travailler après 1991 là-bas.
21 Est-ce que ce que M. Nice est en train de nous présenter contredit en quoi
22 que ce soit les dires du témoin ici présent ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, regardez la page 2,
24 sous "JS". "Est-ce que je peux vous demander d'expliquer en vos propres
25 termes ce que vous avez vécu à partir du 24 mars 1999." M. Milosevic
Page 36696
1 demande en quoi ceci va nous aider pour ce qui est de ce qu'elle aurait
2 vécu dans son travail en 1991.
3 M. NICE : [interprétation] C'est utile, parce que ce témoin nous a fait un
4 récit général disant que les médecins albanais étaient libres de travailler
5 dès 1991 et après.
6 Avant d'arriver à cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais
7 m'interrompre dans mes questions parce que, vu la décision rendue par la
8 Chambre, je comprends que je dois maintenant demander que tous les éléments
9 de preuve sous forme d'enregistrements vidéo, repris à l'intercalaire 5 et
10 après, à l'exception de certains passages très circonscrits où on voit
11 effectivement ce témoin, je demande que maintenant, on déclare irrecevable
12 ces extraits, irrecevable pour les raisons avancées par Me Kay puisque la
13 Chambre ne me permet pas de voir ces enregistrements.
14 Si nous voulons être cohérents, autant commencer maintenant. S'il faut une
15 règle générale qui dirait que l'enregistrement sonore ou vidéo de ce
16 quelqu'un dit en réponse à une question est irrecevable même si le sujet
17 est pertinent, j'ai pour devoir de veiller à maintenir cette cohérence.
18 Bien sûr, je n'ai pas malheureusement parcouru tous les intercalaires pour
19 vérifier quels seraient les intercalaires qui resteraient recevables même
20 si vous faisiez droit à ma requête --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas m'occuper de ceci
22 maintenant. Je prends bonne note de votre requête, mais poursuivez votre
23 contre-interrogatoire.
24 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Manifestement sous réserve, bien sûr,
25 de votre décision.
Page 36697
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas bien compris, mais je ne
4 vois pas où est la différence entre le visionnement d'un vidéoclip et la
5 lecture d'une transcription d'un vidéoclip, je vois que c'est la même
6 chose. En quoi s'opposerait-on au visionnement d'un vidéoclip, sans pour
7 autant, ou alors, et non pas à la lecture d'une transcription ? Passez-nous
8 la vidéo pour qu'on voit de quoi il s'agit alors.
9 M. NICE : [interprétation] Mais je suis désolé, je le répète : c'est lui
10 qui présente ces éléments. S'il veut la diffusion, qu'on la diffuse cette
11 cassette.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, ce n'est pas la présentation de mes
13 éléments de preuve. M. Nice est en train d'insister sur la présentation
14 d'un vidéoclip, et il se réfère sur le non passage de ce vidéoclip pour ce
15 qui est d'affirmer qu'on conteste la présentation des éléments de preuve.
16 Je ne m'oppose pas à ce qu'il présente quelque vidéoclip qu'il veuille.
17 Mais, c'est sa demande à lui, pas la mienne.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement il sera possible
19 de diffuser cet enregistrement puisqu'il n'y a pas d'objection de la part
20 de l'accusé.
21 M. NICE : [interprétation] Fort bien.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je précise, et pour les besoins du compte
23 rendu d'audience, je le fais ainsi, je précise que c'est un entretien qui a
24 eu lieu le 22 février 2005, comme on le dit sur la transcription qu'on a
25 ici. Je ne sais pas si on le voit sur le vidéoclip, mais c'est le 22
Page 36698
1 février 2005.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 M. NICE : [interprétation] Diffusons la première partie.
4 [Diffusion de cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
6 "La situation était tendue. Tout le monde avait peur. Après avoir fini
7 notre travail, on rentrait chez soi pour pouvoir retourner au travail le
8 lendemain. Le lendemain, lorsque j'ai essayé de retourner au travail,
9 j'habitais dans un quartier un peu à l'écart à Velania, et j'allais à pied,
10 j'étais sur la route, j'étais parti de chez moi pour me rendre sur mon lieu
11 de travail, j'ai entendu une balle passée au-dessus de ma tête. Je n'étais
12 même pas conscient de ce qui se passait, mais un voisin m'a dit de
13 m'écarter de cet endroit. Je suis rentré chez moi, un certain temps s'est
14 écoulé, vers midi, j'ai essayé de repartir au travail. C'était un vendredi.
15 "J'ai informé le directeur de l'hôpital de la nature du problème. Il
16 a répondu : 'Je vais vous donner.' Il a dit : 'Qu'il allait me donner un
17 document m'autorisant à me déplacer dans la ville et aller au travail parce
18 qu'un collègue à moi avait déjà demandé un document de ce genre. Samedi ou
19 dimanche, un ami m'a appelé, et elle m'a dit que le directeur nous avait
20 autorisés de ne pas nous rendre au travail la semaine qui allait suivre, on
21 ne s'est pas présenté au travail.' Le 31 mars, notre quartier était tout à
22 fait entouré, encerclé de nombreux effectifs de police et la police nous a
23 dit que nous devions quitter nos foyers en l'espace de cinq minutes."
24 M. NICE : [interprétation] Je m'interromps.
25 Q. Page 80, du compte rendu d'aujourd'hui. Vous étiez secrétaire à la
Page 36699
1 santé. Est-ce que vous avez la moindre raison de mettre en doute ce que
2 vous venez d'entendre ?
3 R. Avant que de répondre à votre question, Monsieur Nice, je me dois de
4 dire que dans vos propos à l'intention de M. Robinson tout à l'heure, vous
5 avez indiqué au sujet de ce document qu'il s'agissait de moi, que c'était
6 moi qui avais dit qu'il s'agissait d'un document portant sur les
7 professeurs et médecins albanais qui sont restés travaillés de 1991 à 1999
8 aux différentes cliniques. Je n'ai jamais dit cela. Ce n'est pas exact. Ce
9 document, c'est un document qui nous parle des médecins, des professeurs et
10 des différents collaborateurs à la faculté de Médecine, qui en 1991 sont
11 restés travaillés à ces différentes cliniques et à ces différents
12 instituts. De là, à savoir s'ils ont travaillé jusqu'en 1992 ou 1999, cela
13 je ne l'ai jamais dit. Cela n'a rien à voir de pertinent avec ce document.
14 Ce document voulait montrer que ceux qui ont voulu rester ont pu rester de
15 façon tout à fait normale --
16 Q. Ecoutez ma question. Nous avons bien suivi l'erreur qui s'était glissée
17 dans le document et ceci a donné lieu à l'interrogatoire de deux médecins
18 que nous allons voir. Ma question est simple, et elle s'avère pertinente
19 parce que vous étiez secrétaire à la santé. Vous nous l'avez dit à la page
20 80 du compte rendu d'audience, et vous avez dit clairement, je vous cite,
21 vous avez donné un ordre adressé à tous les chefs des services de Santé du
22 Kosovo et Metohija pour veiller à ce que les professionnels de santé
23 puissent poursuivre leur travail, et nous allons voir le sort qui a été
24 réservé à ce professionnel-ci de la santé. Ventilons les questions. Avez-
25 vous la moindre raison de douter la véracité des propos que tient cette
Page 36700
1 personne ?
2 R. Autant que j'ai de raisons de le croire que de ne pas y croire parce
3 que je connais les positions officielles qui sont celles d'aujourd'hui.
4 Q. Excusez-moi, mais cette dame est médecin, donc, évidemment, elle
5 n'appartient pas pour autant à une autre catégorie, mais elle est prête à
6 faire une déclaration. Je vous demande si vous avez la moindre preuve, le
7 moindre document, la moindre raison de douter de ce qu'elle dit.
8 Aujourd'hui, vous avez fait des déclarations tout à fait générales. Est-ce
9 que vous avez la moindre raison de douter de ce qu'elle dit ?
10 R. Je viens de vous dire pour quelles raisons, Monsieur Nice, il pourrait
11 y avoir des raisons de douter.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le micro du professeur n'était pas branché. On
13 n'a pas entendu la totalité de sa réponse. Je n'ai entendu que "raison de
14 douter." Son micro n'était pas branché.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que le micro est branché.
16 M. NICE : [interprétation] Je demande à la Chambre d'examiner le texte qui
17 se trouve juste avant le deuxième extrait. Le témoin explique de quelle
18 façon à l'adresse de sa sœur, on lui a dit -- ma sœur lui a dit que c'était
19 turque, et ici, on lui a dit que s'il y avait des Albanais, elle ne devrait
20 pas commettre l'erreur de rester à cet endroit.
21 Apparemment, il y a un problème.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y a-t-il un problème ?
23 M. NICE : [interprétation] Avec toute la bonne volonté du monde et, en
24 dépit, de tous nos préparatifs le système ne marche pas tout de suite. Ce
25 n'est la faute de personne.
Page 36701
1 Q. Voici ce que je vais faire. Je vais vous donner lecture de l'extrait
2 suivant. Est-ce que l'on retrouve ? Non. Extrait suivant de cet
3 enregistrement. Le voici, Monsieur Andric. Voici ce que dit la dame.
4 "Etant donné que nous ne voulions pas rendre encore plus difficile la
5 situation dans laquelle se trouvait ma sœur, nous avons décidé de nous
6 rendre vers la frontière avec la Macédoine. La police nous a dirigé vers
7 Tetovo, vers Globocica, et nous sommes partis dans cette direction-là. Nous
8 avons passé sept journées à la frontière. La frontière a été ouverte à un
9 moment donné puis elle était refermée. Les conditions étaient très
10 brutales. Très peu de personnes ont réussi à franchir à la frontière et
11 ceux qui ont réussi à le faire ont surtout donné de l'argent aux soldats et
12 aux policiers. Le huitième jour, certains soldats ont dépassé notre convoi,
13 et ils ont dit : vous pouvez maintenant rentrer parce que Milosevic a dit
14 que vous pouviez partir."
15 Avez-vous la moindre raison de douter de ce que dit un médecin, une
16 personne instruite de qui la pousserait à quitter la ville dans les
17 circonstances qu'elle décrit ici ?
18 R. J'ai également parlé des départs de ces gens vers la Macédoine et vers
19 l'Albanie. La chose n'est pas contestée du tout. Les raisons pour
20 lesquelles ils sont partis c'est là qu'on diffère entre ce que j'ai dit et
21 entre ce qu'ils sont en train de dire, et ce, bien entendu, j'entends par
22 là les raisons véritables.
23 Q. Mais, vous voyez, cette dame-ci dit qu'elle a reçu la visite de la
24 police ou plutôt de soldats qui ont prétendu être des Turques et qu'on leur
25 avait dit que si c'étaient des Albanais, ils devraient ne pas se trouver
Page 36702
1 sur place parce qu'arriveraient les soldats de Belgrade. Vous, vous étiez
2 membre du conseil provisoire et nous allons le voir. Vous aviez des
3 contacts avec les militaires. Dites-nous; est-ce que c'est vrai ce qui est
4 raconté ici ?
5 R. Monsieur, peut-être cela a-t-il pu être conforme à la vérité. Je l'ai
6 déjà dit dans mon témoignage. J'ai dit qu'il y avait peut-être des cas
7 individuels, mais ce n'était pas une règle. Ce que cette collègue affirme,
8 à savoir que des policiers l'ont dirigé vers Globocica, dit clairement
9 pourquoi cela s'est fait ainsi. Il y avait une cohue véritable au passage
10 Djeneral Jankovic en direction de la Macédoine, et lui voulait aller vers
11 la Macédoine. Le seul passage frontière de réserve c'était Globocica. C'est
12 la raison pour laquelle la police les a dirigés là-bas. La police ne les a
13 pas obligés à quitter le territoire du Kosovo et Metohija, au contraire
14 leur conseillait de revenir comme je l'ai fait moi-même avec mon équipe.
15 Bien entendu, leur droit était celui de s'en aller. Pour ce qui est de la
16 première partie, vous dites que certains individus se sont livrés à ces
17 actes, mais que pensez-vous lorsqu'il est dit ici qu'on avait averti
18 certaines personnes qu'elles devaient partir, parce qu'elles risquaient, si
19 c'était des Albanais, certaines choses. Aussi, les effectifs de Belgrade
20 arrivaient. Quelle est cette possibilité ?
21 M. KAY : [interprétation] Comment veut-on que le témoin réponde ?
22 M. NICE : [interprétation] je m'excuse. Il a donné l'explication la plus
23 générale --
24 M. KAY : [interprétation] Le témoin ne saurais répondre. Comment peut-il
25 savoir ce qui se trouvait dans la tête ?
Page 36703
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Reformulez votre question, Monsieur
2 Nice.
3 M. KAY : [interprétation] Merci.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas l'objection que soulève M.
7 Kay. Je ne comprends pas pourquoi le témoin ne devrait pas répondre à cette
8 question parce qu'ici, on caricature, on dit : "L'armée de Belgrade
9 arrive." Je ne vois pas pourquoi le témoin ne pourrait pas répondre. Il
10 était une personnalité publique là-bas. J'imagine qu'il sait répondre à
11 cette question. Il sait ce qu'on dit dans cette transcription de
12 déclaration d'avant-hier ou d'hier.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai demandé à M. Nice de reformuler
14 sa question.
15 M. NICE : [interprétation] Je le ferais. Je vais me contenter de faire
16 adopter le serbe utilisé par l'accusé.
17 Q. Avez-vous la moindre raison de douter de ce que dit ce témoin, à propos
18 du fait que l'armée va venir de Belgrade ? Des raisons qui vous seraient
19 connues ?
20 R. Je vais d'abord vous dire au sujet des cas individuels que j'ai
21 mentionnés tout à l'heure. Je vais tout de suite vous dire que pas même ces
22 cas individuels, je ne les ai vu, je n'ai pas assisté à des cas
23 individuels. J'ai ouï-dire qu'il y a eu des cas particuliers.
24 Maintenant, s'agissant d'une armée arrivant de Belgrade, je ne sais
25 pas de quelle armée on est en train de parler. L'armée de Yougoslavie,
Page 36704
1 j'imagine, a le droit de se trouver sur tous les territoires. Maintenant,
2 une armée de Yougoslavie, ou une armée de Belgrade arrivant, ce n'est que
3 pure propagande. C'est une déclaration qui n'a pour fin que de la
4 propagande.
5 Q. Je reviendrais à ce que je veuille vous demander à propos de cette
6 déclaration de témoin. Lorsque vous y posez des questions à propos du
7 conseil exécutif provisoire, vous aviez dit que vous n'aviez rien avoir
8 avec les militaires. C'est bien cela, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Je n'ai pas dit que je n'avais rien avoir avec les militaires. J'étais
11 membre de ce QG provincial, chargé de la Coordination des activités et des
12 autorités civils, et de l'armée, et du ministère de l'Intérieur.
13 Q. Nous aurons la semaine prochaine le libellé exact, mais veuillez dire
14 aux Juges, je suppose que vous vous en souvenez, que faisiez vous à 14
15 heures le 24 mars 1999 ? Qui était présent à la réunion à laquelle vous
16 vous trouviez.
17 R. En date du 24 à 2 heures de la nuit, dites-vous ?
18 Q. 14 heures.
19 R. A 2 heures de l'après-midi. Oui, je me souviens de cette réunion.
20 Q. Si c'est le cas, pourriez-vous nous dire qui assistait à cette
21 réunion ?
22 R. Je pense qu'il y avait de présents plusieurs officiers de l'armée, et
23 il y avait --
24 Q. Quand on parle d'officiers, on ne parle pas d'officiers
25 subalternes. On parle de vous, de votre conseil exécutif se trouvant en
Page 36705
1 réunion avec Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic, qui commandait le Corps
2 de Pristina; Sretan Lukic du MUP, générale du division, lui aussi; et le
3 général Obrad Stevanovic, n'est-ce pas, qui était le chef du district de
4 Kosovo-Metohija ? Intercalaire 33.
5 Serait-il possible que cette dame, deux jours après cette réunion,
6 aurait été averti de l'arrivée des troupes venant de Belgrade. Est-ce que
7 ce qu'elle dit peut être vrai ?
8 R. Non.
9 Q. Bien, regardons le reste --
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas être tendancieux, et je ne veux
13 pas être non plus -- mais on voit -- mais je ne comprends pas cette
14 question parce que, partant de la transcription, il est clair que cette
15 femme décrit la date du 24 mars 1999.
16 Mais là, on entend encore un enregistrement de votre voix dans mon
17 micro. Je ne comprends pas. Mais je continue.
18 On a interrogé ce témoin au sujet d'une réunion tenue -- qui aurait eu lieu
19 le 24 mars 1999. Le témoin, la femme en question, a parlé du 24 mars. Je ne
20 comprends pas la question, qui s'énonce comme suit : pouvait-elle avoir
21 raison à terme de journée avant ? C'est la même journée ? On parle de la
22 même journée ? M. Nice a cité un élément de preuve. J'aimerais le voir cet
23 élément de preuve. J'aimerais qu'on le montre au témoin. Je ne veux pas me
24 prononcer en sa faveur ou défaveur, mais je dois d'abord voir de quoi il
25 s'agit. Je ne peux pas savoir de quoi il s'agit à partir du numéro d'un
Page 36706
1 élément de preuve seulement.
2 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas répondre à ce qu'a dit l'accusé,
3 mais je vais charger à l'aider en posant une question au témoin.
4 Q. Monsieur Andric, le 24 mars, vous vous trouviez en réunion avec les
5 hauts gradés dans l'armée. Vous saviez pertinemment qu'elles étaient les
6 plans militaires ce jour-là, et par la suite aussi. C'est l'hypothèse que
7 je vous soumets. Comment y répondez-vous ? Est-ce vrai ou faux ?
8 R. Non, je ne me souviens pas des détails de cette réunion.
9 Q. Voyons le troisième extrait. Est-ce que le système marche maintenant ?
10 Oui, c'est peut-être dans l'extrait trois. Nous avons eu quelques
11 difficultés, malheureusement, pour ce qui est du fonctionnement du système.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, mais vous étiez à cette
13 réunion, en présence des officiers généraux.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens que c'était le 24, mais - ou
15 plus ou moins vers le 24 - je ne sais pas si c'est juste avant ou juste
16 après l'agression de l'OTAN. Je sais qu'il y a eu une brève réunion, mais
17 je ne me souviens pas du tout des détails dont il a été question. La
18 réunion elle-même n'a duré que très peu de temps.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- je ne suis pas certain si l'on a omis une
22 partie des propos. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une brève réunion
23 du conseil exécutif provisoire de la province de Kosovo et Metohija se
24 tenant en date du 24 mars, et la chose devrait être tout à fait clairement
25 indiquée au compte rendu d'audience, mais j'aimerais qu'on me donne la
Page 36707
1 pièce à conviction pour que je voie de quoi il s'agit.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, tirons au clair une
3 fois pour toute. Dites-nous, s'agissant de la présence du témoin, de quelle
4 réunion vous parlez ?
5 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Il s'ait de la 15e séance du
6 conseil exécutif provisoire de la province autonome de Kosovo-Metohija, qui
7 s'est tenu à 14 heures le 24 mars, présidé par Zoran Andjelkovic. Il y
8 avait ce témoin et d'autres membres du conseil. Les absents sont recensés,
9 parmi les participants on a une série de noms --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de
11 répondre,
12 Etiez-vous présent à cette réunion, Professeur ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'étais pas certain si cette
14 réunion avait eu lieu avant ou après le 24. J'étais présent à la réunion,
15 mais je ne me souviens pas des détails de cette réunion.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
17 M. NICE : [interprétation] Je demande la diffusion de ce dernier extrait,
18 le numéro 3.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Nous avons passé une dizaine de jours à la maison. Nous n'osions pas
22 sortir du tout, parce qu'il y avait des fortes concentrations d'effectifs
23 dans notre quartier et je pensais que l'hôtel Dea qui est à côte de ma
24 maison, c'était un espèce de QG pour les effectifs, mais nous n'osions pas
25 sortir, donc j'ai seulement regardé par la fenêtre.
Page 36708
1 "Finalement, j'ai décidé de sortir, seule, car je croyais que le
2 document que j'avais sur moi assurerait ma sûreté, ma sécurité. J'ai
3 d'abord décidé d'aller chez ma sœur pour lui faire savoir que nous étions
4 en vie, et que tout allait bien, et d'aller à mon lieu de travail pour voir
5 comment les choses allaient, et peut-être pour obtenir mon salaire.
6 "Lorsque je suis arrivée sur mon lieu de travail, j'ai vu le directeur, qui
7 avait vraiment l'air très triste, et il a dit qu'il était désolé que nous
8 avions perdu notre emploi parce que nous n'avions pas averti la direction
9 que nous n'allions pas travailler, et que nous ne pouvions pas être payés,
10 avoir le salaire du mois précédent."
11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
12 M. NICE : [interprétation] Je vais voir si je peux me passer des deux
13 derniers extraits.
14 Q. Vous étiez secrétaire à la santé. Cette femme nous dit, qu'elle a été
15 empêchée, en raison de circonstances qui prévalaient à l'époque, empêchée
16 d'aller au travail, et que l'on a chassée de son travail. Est-ce que ce
17 qu'elle dit est vrai ?
18 R. Monsieur Nice, je ne peux vraiment pas commenter un cas particulier,
19 cinq ans plus tard, cinq ans après la date des événements en question. Je
20 ne peux pas affirmer que cela soit vrai ou pas. Ce que je dois vous dire,
21 c'est autre chose. Lorsque vous vous êtes adressé aux Juges de la Chambre,
22 vous avez, entre autres, dit --
23 Q. Vous dites ne pas pouvoir faire de commentaires sur des cas isolés. En
24 réponse aux questions par l'accusé, lorsqu'il vous a demandé si l'ordre,
25 que vous aviez donné, puisse servir à la continuité des services médicaux.
Page 36709
1 Vous avez dit : "Cet ordre a tout à fait été respecté s'agissant du
2 fonctionnement et de la gestion des établissements de santé." Comment
3 pouviez-vous le savoir de cette façon-là si vous ne pouvez pas répondre à
4 des cas isolés ?
5 R. Vous ne m'avez pas compris quand j'ai dit que cette ordonnance ou
6 instruction a été réalisés à part entière. Mon ordre avait porté sur la
7 protection de la totalité du personnel médical afin que ce personnel reste
8 à son poste de travail, et afin qu'éventuellement il fasse venir les
9 membres de leurs familles pour les installer dans les locaux des hôpitaux
10 ou des cliniques. J'ai dit, par la suite, quand on m'a demandé si cela a
11 été réalisé, j'ai dit oui. Par l'administration des centres hospitaliers et
12 cela n'a pas été respecté et réalisé par la totalité des intervenants
13 médicaux. J'ai dit qu'à Prizren, ils n'y avaient pas -- ils ne s'étaient
14 pas conformés, ils ont quitté leur poste de travail. Le personnel médical
15 de Djakovica et la plupart de ceux de Gnjilane, et seuls ceux de Djakovica
16 sont restés à leurs postes de travail.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes prêt à arrêter, mais nous
18 pourrions peut-être poursuivre cinq minutes encore, puisqu'il n'y a pas
19 d'autres audiences dans ce prétoire aujourd'hui.
20 M. NICE : [interprétation] Je vais tirer le meilleur parti possible du
21 temps que vous me donnez.
22 Q. Ce n'est pas de votre faute, Monsieur, je le comprends puisque vous
23 n'avez pas lu -- ou nous n'avions pas lu l'original de cet intercalaire 3,
24 nous croyions que c'était 1999 et, quand cela a été corrigé en 1991,
25 comprenez-le bien, on a essayé de contacter un médecin qui corresponde aux
Page 36710
1 critères établis par l'intitulé de l'intercalaire 3, donc un médecin,
2 membre de la faculté de Médecine de Pristina, d'origine albanaise, qui a
3 conservé son poste, ses fonctions après 1999. On a trouvé un certain M.
4 Pallaska. Nous lui avons parlé hier. Est-ce que vous comprenez l'anglais ?
5 A la lecture du moins ?
6 R. Non, mais je dois vous dire que vous avez déjà mentionné le Dr
7 Pallaska, vous avez dit que celui-ci a déclaré que les personnels médicaux
8 avaient subi des sanctions s'ils s'entretenaient avec des Albanais en
9 langue albanaise. Cela c'est un mensonge notoire. Ce n'est pas la peine de
10 commenter des mensonges de cette taille, et tout le reste de ce que M.
11 Pallaska aurait pu déclaré peut se situer sous le même éclairage.
12 Monsieur Nice, j'ai passé toute ma vie professionnelle sur le territoire du
13 Kosovo et Metohija 90 % de mes patients, c'étaient des Albanais, et je me
14 suis entretenu avec eux toujours en langue albanaise, sans problème, aucun,
15 et tous les médecins, le personnel serbe et autres s'entretenaient avec les
16 Albanais en langue albanaise.
17 Q. Sur tous --
18 R. Mais j'affirme que cela c'est un pur mensonge et une invention de toute
19 pièce.
20 Q. Nous allons voir ce que ce monsieur déclare dans sa [imperceptible],
21 mais, à page 36 du compte rendu d'audience d'hier, vous avez déclaré ceci :
22 "Les seuls licenciements ont été provoqués par des violations graves de la
23 législation en vigueur, et je pense plus particulièrement à la
24 réglementation concernant les conditions de travail. Vous avez poursuivi en
25 disant que la majorité des personnes avaient délibérément violé la loi, la
Page 36711
1 législation pour être limogées."
2 Qu'est-ce qui est à vos yeux une violation grave, une enfreinte grave à la
3 législation en vigueur ? Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple ?
4 R. Le fait de ne pas venir au travail pendant plus d'une période
5 prolongée, plus longue que la durée légale sans apporter de justificatifs
6 prévus par la loi. Vous avez --
7 Q. C'est une raison. L'autre raison ?
8 R. -- dit, tout à l'heure, Monsieur Nice, ils sont partis de leur -- j'ai
9 dit qu'ils sont partis de leur plein gré. Vous, vous dites qu'ils ont été
10 licenciés.
11 Q. Cela c'est une raison, mais pourriez-vous m'en donner une autre ?
12 R. Refusé d'exécuter, de réaliser une mission, d'une tâche de travail, par
13 exemple, à plusieurs reprises consécutives.
14 Q. Il se peut qu'il y ait une erreur dans le compte rendu d'audience
15 d'hier. Mais, hier, vous avez dit que les licenciements se faisaient en cas
16 de violations graves, de la législation et surtout du droit et des
17 obligations de travail.
18 Il y a le fait de s'absenter du travail, là on risque toujours un
19 licenciement dans ce cas, mais quelles étaient les autres violations que
20 vous pourriez nous citer qui ont entraîné le licenciement des médecins
21 albanais.
22 R. Mais, Monsieur Nice, j'essaie de vous expliquer, vous ne me laissez pas
23 parler. Refusez d'exercer, d'exécuter, de réaliser des tâches au travail,
24 et ce de façon consécutive. Vous avez essayé de dire quelque chose que les
25 Juges de la Chambre n'ont pas l'air d'avoir compris. En commentant
Page 36712
1 Pallaska, et cette collègue Meshqyre, vous avez dit que : j'aurais indiqué
2 qu'un grand nombre avait quitté de leur plein gré. Vous, vous dites qu'ils
3 sont licenciés. Ils ont quitté leur poste de travail de leur plein gré. Ils
4 sont partis et ils ne se sont pas présentés au poste de travail pendant une
5 semaine, voire un mois. Je ne sais pas quelles sont les dispositions au
6 juste de la loi, et c'est partant de là qu'on leur a rédigé des lettres de
7 licenciement.
8 D'autres venaient sciemment, délibérément pour nous provoquer pour se faire
9 licencier, afin d'afficher par la suite qu'ils auraient été victimes de
10 persécution de la part d'un régime.
11 Q. La déclaration du Dr Pallaska, que nous avons, parle de la possibilité
12 ou du risque de licenciement si on utilisait l'Albanais pour remplir un
13 formulaire, ou si on avait une conversation avec un patient albanais, mais
14 le témoin, M. Pallaska, ajoute qu'on risquait d'être licencié si, par
15 exemple, on soutenait les mineurs de Trepca, ou si on avait signé la
16 pétition 215 qui était en faveur de cette grève. Est-ce que ceci pouvait
17 entraîner le licenciement d'un médecin ?
18 R. Cela n'est absolument pas vrai. Ce sont des inventions pures et simples
19 qu'il ne vaut même pas la peine de commenter.
20 Q. Je vois. Fort bien. C'est simplement si on ne se présente pas au
21 travail, ou si on refuse d'exécuter une tâche donnée.
22 R. Monsieur Nice, ne prenez pas au mot, je n'ai pas rédigé moi-même
23 quelques décisions que ce soit, mais dans toutes les décisions rédigées, on
24 a dû forcément énoncer les argumentations, les exposés des motifs, et je
25 n'ai pas, pour ma part, retenu ce type de documents en main. Mais je sais
Page 36713
1 qu'on a licencié des personnes qui ont violé la loi portant sur le travail,
2 ou la réglementation régissant le travail et l'exposé des motifs figurent à
3 chaque fois dans l'acte de licenciement.
4 Q. Le Dr Pallaska poursuit et dit d'après ses souvenirs, il n'y a pas eu
5 d'audience, ou de réunion d'un conseil de Discipline qui aurait entraîné un
6 licenciement entre 1989 et 1998 à l'hôpital de Pristina. Que dites-vous à
7 ce propos ?
8 R. Je n'en ai pas connaissance. Je crois que dans tous les cas
9 particuliers, il y a une procédure de mise en œuvre conformément à ce qui
10 est prévu comme réglementation avant la décision de licenciement. Je dois
11 également dire qu'il y a eu des erreurs de commises par les instances qui
12 étaient chargées de le faire, et je sais que, par exemple, les tribunaux
13 ont fait revenir des individus à leur poste de travail mais ce sont là des
14 cas particuliers.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il va falloir lever
16 l'audience.
17 Professeur, nous allons maintenant lever l'audience, elle reprendra lundi.
18 Veuillez à être de retour ici dans ce prétoire lundi matin 9 heures.
19 L'audience est levée.
20 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le lundi 28 février
21 2005, à 9 heures 00.
22
23
24
25