Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 1er mars 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

7 poursuivre votre interrogatoire principal.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

9 LE TÉMOIN: DOBRE ALEKSOVSKI [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

12 Q. [interprétation] Docteur Aleksovski, vous avez sous les yeux deux

13 classeur, deux intercalaires qui comportent des rapports différents.

14 J'espère que vous avez ces deux classeurs.

15 R. Oui.

16 Q. S'il vous plaît, veuillez nous expliquer ce que constituent

17 l'intercalaire numéro 1 et l'intercalaire numéro 2, quelles sont leur

18 teneur respectivement ?

19 R. Les intercalaires 1 et 2 constituent deux choses différentes. Dans

20 l'un, il y a des patients qui sont des ressortissants de la République de

21 Macédoine, et dans l'autre, il n'y a que des réfugiés que l'on a recensés

22 dans un registre à part. Dans le premier registre, il y a des Macédoniens

23 ainsi que des réfugiés.

24 Q. Docteur, veuillez nous préciser comment ces renseignements ont été

25 recueillis ? Ou plutôt, dites-nous, comment on les a inscrits dans le

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1 registre ? Est-ce qu'on l'a fait au fur et à mesure des appels adressés à

2 vos services d'aide médicale d'urgence ?

3 R. Monsieur le Président, Monsieur le Juge Robinson, je tiens à ce que les

4 choses soient tout à fait claires. Je vais vous expliquer comment les

5 appels sont enregistrés, et qui est-ce qui se charge de l'enregistrement de

6 ces appels ? Lorsqu'il y a un appel téléphonique auprès des urgences, il y

7 a deux médecins qui sont de permanence et qui reçoivent ces appels. Ils

8 prennent note du nom et du prénom des intéressés, puis ils inscrivent

9 l'endroit où se trouve le patient, le blessé, ou le malade, et ils marquent

10 l'heure de réception de l'appel. Ces enregistrements sont ensuite envoyés

11 au service de dispatching, et là, il s'agit d'infirmières ou de techniciens

12 en médecine. A ce niveau-là, les choses sont immédiatement transmises à

13 l'équipe qui doit se charger de l'appel. A ce moment-là, on enregistre

14 également l'heure de transmission de l'appel à l'équipe et le moment où

15 l'équipe s'en est allé. La première partie est enregistrée par des

16 médecins, alors que la transmission est effectuée par des infirmières.

17 Cela figure en première page où il y a deux volets, dans la deuxième partie

18 de la page 2, c'est la page qui est complétée par le médecin qui se charge

19 de l'examen. Il note dans quelle position il a trouvé le patient; dans la

20 rue, est-ce qu'il est tombé dans un couloir, est-ce qu'il était dans sa

21 chambre, il est tombé sur plancher peut-être; il indique quels sont les

22 troubles dont se plaint l'intéressé; s'il saigne et s'il est évanoui, s'il

23 est conscient; il note la pression artérielle, sa façon de respirer,

24 l'apparence de ces prunelles. Tout cela est noté par le médecin, il prend

25 note du diagnostic et il indique la thérapie à suivre, et cette thérapie et

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1 ensuite réalisée par une infirmière ou un technicien. Tout ceci, une fois

2 effectué, est ramené au service de dispatching et dans ce service, il est

3 procédé à un enregistrement dans le registre. Ceci ici constitue ce que

4 l'on a recopié à partir des appels effectués du lieu des événements ou de

5 l'incident.

6 Q. Il s'agit ici du protocole original d'arrivée des appels et on suit

7 l'ordre des appels ?

8 R. Oui.

9 Q. Docteur, vous affirmez bien que tous les renseignements sont inscrits

10 ici dans ce registre et qu'ils sont authentiques et qu'ils correspondent

11 bel et bien à la situation telle quelle sur le terrain ?

12 R. Il ne pouvait pas en être autrement parce que notre documentation est

13 une documentation à caractère durable. L'Etat a déclaré que ces documents

14 étaient des documents à caractère durable. Vous verrez qu'il y a, par

15 exemple, tous les renseignements concernant nos citoyens. Il y a l'heure de

16 l'appel, le numéro de téléphone. Il y parfois des procès en justice à ce

17 niveau, et jamais depuis que je suis dans ce service, il n'y a eu de

18 problèmes quels qu'ils soient au niveau de la documentation étant donné que

19 tout ceci est repris ici, en original, tel que noté sur le terrain. Ce que

20 l'on a constaté, ce que l'on a noté est enregistré.

21 Q. Docteur, avez-vous sur vous, l'original de ce journal tel qu'appelé ici

22 journal pour les réfugiés du Kosovo ?

23 R. Oui, je l'ai ici, bien sûr. Le voici. C'est ce registre original. On

24 voit dessus : "Réfugiés, journal pour ceux qui ont fui le Kosovo". On

25 commence par un numéro 1 et cela se termine par 1376.

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1 Si vous le permettez, je souhaite également expliquer ici pourquoi une

2 partie comporte des rubriques alors que l'autre n'en a pas. Pendant que

3 nous étions à la frontière, pendant que les réfugiés se trouvaient

4 rassemblés autour du passage frontière, nous procédions en même temps à des

5 services à l'intention de nos patients et, en parallèle, des services à

6 l'intention des réfugiés. Pour nous, il est une règle disant qu'un véhicule

7 avec une équipe ne saurait quitter l'enceinte du service sans qu'il y ait

8 l'appel enregistré tel que je l'ai décrit tout à l'heure, à savoir il y a

9 un ordre permettant au véhicule de sortir où il est indiqué la composition

10 de l'équipe. Nous avons, en parallèle, fonctionné pour les nôtres, pour nos

11 ressortissants et pour les réfugiés. C'est la raison pour laquelle, j'ai

12 réagi quelque peu, hier, parce que l'on ne m'a pas donné la parole pour

13 l'indiquer et pour expliquer pourquoi il y avait des ressortissants de chez

14 nous et les autres.

15 Dans l'original, cela est bien indiqué. Je voudrais demander au Tribunal de

16 protéger la confidentialité de ces noms. Il n'y aucune raison de procéder à

17 quelque abus administratif que ce soit et c'est la raison pour laquelle

18 j'ai repris les cas du Kosovo en reprenant le numéro d'ordre et les

19 diagnostics. J'ai tenu compte de la nécessité de protéger l'identité

20 également de ces personnes-là, la confidentialité de ces identités. Je peux

21 vous remettre une copie de ce registre. Ce sont des noms qui sont quand

22 même confidentiels, même si ce ne sont pas des ressortissants de chez nous.

23 Nous avons noté ici, le numéro d'ordre d'enregistrement et le diagnostic.

24 J'espère que cela vous suffira.

25 Pour ce qui est de l'autre, je ne pense pas devoir vous le laisser parce

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1 qu'il y a des noms de nous ressortissants à nous. Si vous voulez le garder,

2 il faudrait que vous m'assuriez que cela sera utilisé pour les besoins ce

3 Tribunal.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, au sujet de ce que le témoin

5 vient de dire et au sujet de l'objection formulée par M. Nice disant qu'il

6 s'agissait là de renseignements médicaux relatifs à des personnes,

7 plusieurs milliers de personnes. Il n'est pas question de publier leurs

8 renseignements médicaux. Je n'ai nullement l'intention de me servir de

9 quelque nom que ce soit en particulier, et d'en donner lecture ici. Je vais

10 demander au témoin de nous parler de la situation en tant que telle. À

11 votre intention, je voudrais adresser une proposition pour que ces journaux

12 soient versés au dossier sous pli scellé, étant donné qu'il y a là des noms

13 de personnes et leurs maladies respectives. Les noms ne sont pas du tout

14 pertinents pour l'affaire qui nous concerne. Ce qui est pertinent, c'est

15 que dans ce premier journal qui est un journal de caractère général qui

16 était tenu à jour alors que les gens ne s'étaient pas encore organisés, où

17 l'on avait enregistré des ressortissants de la Macédoine. Dans l'autre

18 journal qui ne saurait faire cas des réfugiés du Kosovo, il a été rédigé

19 quelques jours plus tard, et l'on y a noté les appels et la prestation de

20 service à l'intention des réfugiés du Kosovo. C'est là, le journal dont

21 l'original est à la disposition du médecin, du docteur, alors que la

22 photocopie qui vous est confiée, est une photocopie authentique.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous nous

24 expliquer pourquoi nous avons besoin de ce registre ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà, je vais vous l'expliquer. Les choses

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1 sont tout à fait simples. Je n'ai aucune raison de dissimuler mes

2 intentions pour ce qui est de ce que je me propose de faire au cours de

3 l'interrogatoire.

4 Ici, il y a tous les appels pour une aide médicale à l'intention des

5 réfugiés qui étaient au nombre de quelques centaines de milliers. On voit

6 ici combien d'entre eux se sont adressés pour obtenir véritablement une

7 aide médicale. A l'occasion de l'interrogatoire du Dr Aleksovski, nous

8 allons constater quels sont les types d'assistance qu'ils ont réclamée.

9 Si une population traverse la frontière et vous avez entendu le témoignage

10 du Dr Andric concernant la façon dont on s'est comporté à l'égard de cette

11 population. Ici, on a affirmé que ce passage massif de la frontière s'est

12 fait avec des violences, avec des coups de feu, avec une mise en péril de

13 plusieurs façons de l'avis des intéressés. Ici, on pourra voir les

14 renseignements médicaux très précis au sujet de l'état de santé de ces

15 personnes. Je crois que cela se trouve être fort pertinent pour que l'on

16 puisse tirer des conclusions concernant l'état de santé dans lequel ces

17 gens traversaient la frontière et concernant ce qu'il est advenu d'eux.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voyez, c'est une des

19 allégations contenues dans l'acte d'accusation, à savoir qu'on n'a pas bien

20 soigné les réfugiés. Vous avez ce témoin pour contrer cette allégation;

21 est-ce exact ? Je vous demande une confirmation simplement, Monsieur

22 Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien entendu, Monsieur Robinson, bien entendu,

24 parce que s'il y a des masses de gens qui se déplacent alors qu'on tire sur

25 ces gens-là, ils devaient forcément y avoir des blessés. Si des masses de

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1 gens s'en vont parce qu'ils ont été battus, et bien, on doit voir des

2 traces de passage à tabac, et cela doit être enregistré dans les documents

3 de ce service des interventions médicales urgentes de la Macédoine. On n'a

4 pas enregistré les choses sélectivement. Tous les appels, au fur et à

5 mesure de leur arrivée, ont été notés et enregistrés.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, après cette

7 introduction assez longue, je crains que je doive avouer ma confusion pour

8 ce qui est de ces inscriptions parce que le médecin donne, à l'intercalaire

9 1, les ressortissants de Macédoine et les réfugiés. Est-ce que vous

10 pourriez me donner une explication tout à fait générale pour ce qui est du

11 contenu de ces deux intercalaires et de la différence qui existe entre ces

12 teneurs respectives.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous expliquer très brièvement. Il y a

14 une petite confusion, je pense. L'intercalaire 2 est un journal général de

15 ce service. C'est un journal tenu à jour par les services médicaux

16 d'urgence. Dès le début, à compter du 24 mars et au-delà, les services

17 médicaux d'urgence n'ont pas établi un registre particulier pour les

18 réfugiés albanais. Les appels à l'aide d'urgence sur le plan médical ont

19 été enregistrés sur le registre général. Ils ont continué à enregistrer ces

20 appels-là dans le registre normal. Ce qui fait que dans un registre vous

21 retrouvez les appels lancés par les citoyens, les ressortissants de la

22 Macédoine, et on y retrouve certains noms de réfugiés.

23 Quelques jours plus tard, le service d'aide médicale d'urgence pour mieux

24 s'organiser a mis en place un registre à part pour ces registres albanais.

25 C'est l'intercalaire 1. C'est le registre, l'espèce de livre que le docteur

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1 vous a montré. Vous pouvez vous penchez dessus si vous le souhaitez et vous

2 pourrez vérifier que ces photocopies figurent à l'intercalaire 1.

3 Dans une première phase de cette vague de réfugiés, ils ne faisaient pas la

4 distinction entre les patients. Ils n'enregistraient pas ces gens-là de

5 façon distincte. Au bout de cinq ou six jours, on verra d'ailleurs la date

6 exacte dans le document lui-même, il est établi qu'il est mis sur pied un

7 registre à part pour les réfugiés albanais. Dans l'intercalaire 1, vous ne

8 retrouverez que des réfugiés albanais.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois avoir compris cela, mais il y

10 a une confusion qui vient des dates. En effet, dans l'intercalaire 2, nous

11 avons une période du 1er avril au 25 avril, alors que dans l'intercalaire 1,

12 nous avons la période du 7 avril au 24 avril.

13 Je suppose que ce que vous dites que l'intercalaire 2 concerne les réfugiés

14 entre le 1er et le 6 avril et qu'à partir du 6 avril, on trouve les réfugiés

15 dans l'intercalaire 1; est-ce exact ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, tous les réfugiés qui ont

17 demandé une aide médicale d'urgence sont enregistrés dans ces

18 intercalaires. Il n'y a qu'un certain nombre de ceux-ci qui ont été

19 enregistrés dans le journal général. Le reste a été enregistré dans un

20 registre particulier, mais ils sont tous enregistrés. Personne n'est venu

21 leur apporter une aide médicale si ce n'est ce centre d'intervention

22 médicale d'urgence à la tête duquel se trouve le Dr Aleksovski.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez désormais poser vos

24 questions au témoin en ce qui concerne ces documents.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Docteur Aleksovski, je m'excuse, mais peut-être devrions-nous faire de

2 l'intercalaire 2 l'intercalaire 1 et vice versa. On se débrouilla

3 facilement puisqu'il n'y a que deux intercalaires. L'intercalaire 2, c'est

4 le registre d'infirmerie comme on l'appelle. On appelle cela service

5 d'assistance médicale d'urgence. On y trouve un ordre de comparution ou de

6 présentation, et à l'intercalaire 2 vous retrouvez des citoyens macédoniens

7 également ainsi que des réfugiés ?

8 R. Oui. C'est cela.

9 Q. Le voyez-vous ?

10 R. Oui, oui.

11 Q. Bon. A l'intercalaire 2, il y a bon nombre de ressortissants

12 macédoniens, ce qui n'a rien à voir avec les réfugiés du Kosovo. Pouvez-

13 vous nous dire, vu que vous avez pu y repérer tous les réfugiés qui ont été

14 enregistrés, je me suis pour ma part efforcé d'en faire ainsi, j'aimerais

15 que vous nous le confirmiez ou le contestiez. Le 25 mars 1999, il y a eu

16 deux appels. Il y a l'appel 5563, 5564. Ce sont les premiers appels qu'on a

17 enregistrés en date du 25 mars 1999; est-ce exact ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on trouve ces données dans

20 les documents ? Dans lequel des deux classeurs ? Est-ce que c'est

21 l'intercalaire 2 ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, cela devrait se situer au niveau du

23 registre numéro 2. Je demanderais au médecin --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai l'impression que quelqu'un, à la

25 photocopieuse, a mélangé les pages.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] On a dû confondre l'ordre des pages lorsque

2 l'on a fait les photocopies.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quels sont les numéros que nous

4 recherchons ? Est-ce qu'il s'agit des numéros 5563 et 5564 ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il me semble que la première date,

7 c'est celle du 31 mars.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Quels sont, au fait, les numéros que vous avez

9 voulu consulter ?

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Les premiers qui sont lancés dans la date du 25 mars, à savoir le 5563

12 et le 5564, tel que repris dans le registre. Je crois que les gens à la

13 photocopieuse ont mal fait leur travail.

14 R. Il y avait deux registres et lorsqu'on les a fusionnés apparemment, on

15 y a mélangé les pages. Il faudrait que tout soit ici.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est loin

17 d'être satisfaisant comme procédure. On est en train de perdre du temps. Le

18 témoin ne retrouve pas ces indications, nous, non plus. Je ne sais pas si

19 l'Accusation l'a trouvé.

20 M. NICE : [interprétation] Non. Tout ce que je vois ce sont des numéros à

21 trois chiffres. Je ne sais pas si on en ajoute trois avant, cela fait six.

22 Confusion totale. Nous avons reçu ces documents, et tant que j'ai le micro,

23 je vous dirais que j'ai d'autres motifs pour soulever des objections. C'est

24 la confusion la plus absolue, la plus totale qui règne encore dans mon

25 esprit pour savoir à quoi servira ce document, mis à part ce que le témoin

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1 pourrait dire sans faire référence à ces documents.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir, Monsieur le

3 Président. Je vais retrouver ces numéros, mais je peux vous dire que ce

4 sont ici des documents authentiques. Ce sont des originaux. Je le dis en

5 mon âme et conscience. Je voudrais que les services de photocopies me

6 renvoient les photocopies parce qu'au moment où ce document a été compilé,

7 apparemment il y a eu un mélange dans les pages. Je peux vous donner des

8 garanties, parce que moi, je me souviens parfaitement des numéros, des

9 chiffres, et je peux vous garantir leur authenticité.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Monsieur le Témoin, écoutez ce que je dis au Président de la Chambre.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisqu'il y a beaucoup de patients de Macédoine

15 dans ce registre et un certain nombre de réfugiés du Kosovo, des réfugiés

16 albanais, le témoin a examiné avec soin ces registres et a mis de côté tous

17 les appels venant des Albanais à l'époque, et il les a repris dans un

18 document séparé. On voit "Intervention des services d'urgence pendant la

19 crise des réfugiés venant du Kosovo vers la République de Macédoine." C'est

20 l'intitulé qu'on trouve en langue macédonienne. Ce sont les services

21 d'assistance donnés aux réfugiés du Kosovo. Il a extrait tous les cas, les

22 a mis de côté, et les a simplement répertoriés pour ce qui est des réfugiés

23 venus en Macédoine. Si vous voulez vérifier pour voir si c'est exact, vous

24 pouvez le faire car il n'y a rien dans cette liste séparée qu'on ne

25 retrouverait pas dans le registre même. Vous avez les originaux, les pages

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1 telles qu'elles ont été consignées avec mention manuscrite, mais pour

2 faciliter la déposition, le Dr Aleksovski a extrait tous ces noms du

3 registre général dans lequel on trouve et des Macédoniens et des Albanais.

4 Maintenant, je demande au médecin, à M. Aleksovski d'examiner ces noms

5 extraits du registre général.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai ici les numéros, vous avez le 55653 du 25

7 mars et le 55654. Je me souviens parfaitement de ces cas-là. Les services

8 frontaliers nous ont informés du fait qu'un certain nombre de réfugiés

9 albanais étaient arrivés du Kosovo. Nous nous sommes rendus sur les lieux,

10 mais nous n'avions rien pour intervenir.

11 Le 23, nous avons reçu deux appels des services du poste frontière. Il n'a

12 pas été nécessaire d'intervenir et de fournir une assistance médicale pour

13 le premier appel, mais pour le second appel, là, c'était simplement un

14 accouchement spontané. C'est ce qu'on trouve au regard de cette date-là.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document que vous examinez

16 maintenant, que vous consultez, est-ce que c'est un document que vous, vous

17 avez préparé en extrayant des éléments de l'intercalaire 2; c'est bien

18 cela, Monsieur le Témoin ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Ce sont des extraits qui

20 proviennent des intercalaires. Dans l'original sans les noms. Je vous ai

21 dit que je voulais assuré la protection de l'identité des réfugiés albanais

22 en ne donnant pas leurs noms.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ces deux numéros, ces deux personnes

24 5563 et 5564, c'étaient des Albanais ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que voulez-vous savoir à propos de

2 ces noms ? Est-ce que vous voulez montrer que ces personnes ont été

3 soignées, ont reçu un traitement médical, ou est-ce qu'ils n'en avaient pas

4 besoin ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous pouvez tout d'abord

6 voir que les premiers appels qui sont arrivés pour demander de l'aide

7 médicale sont arrivés le 25 mars. C'est une première chose que je veux

8 montrer. C'est l'extrait retiré du registre général par le témoin.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le témoin vient de nous parler de

10 réfugiés qui sont arrivés le 23 mars. Il vient de le dire.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, le 25. Le 25 mars.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La traduction que nous avons reçue et

13 qui est répercutée au compte rendu d'audience est le 23.

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise précise avoir entendu

15 le 23.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 25 mars 1999, vous avez le numéro 555653 et

17 le 555654.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a eu deux appels le 25 mars, et dans les

19 deux cas, si je m'en tiens à ce qui est dans le registre et il n'a pas été

20 nécessaire d'avoir de l'aide médicale, parce que, en fait, ces appels sont

21 arrivés mais ce n'était pas nécessaire.

22 Puis le suivant, c'était le 29 mars.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous

25 nous indiquer quel est le paragraphe de l'acte d'accusation qu'il faut

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1 mettre en regard de la déposition ?

2 M. NICE : [interprétation] Vous pourrez peut-être dans l'intervalle

3 examiner le paragraphe 59 qui n'a aucun rapport avec la déposition de ce

4 témoin, mais c'est peut-être à cela que pense M. Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, tout l'acte d'accusation

6 consacré au Kosovo dit que les forces serbes, l'armée yougoslave, la police

7 auraient procédé à l'expulsion violente, au transfert forcé d'Albanais du

8 Kosovo qui disent qu'ils ont été battus. Il est supposé que cette partie de

9 la population qui aurait pu être mise en péril, qui aurait dû être blessée,

10 aurait demandé de l'aide médicale, et doit avoir laissé des traces quelque

11 part, ou présentait sur elle trace de poudre ou de passage à tabac. On dit

12 que des violences ont été commises à l'encontre des citoyens albanais, cela

13 devait être nécessaire pour qu'ils soient chassés du Kosovo.

14 Apparemment ce sont des centaines de milliers de personnes, or, peu de

15 personnes ont demandé l'aide médicale de ces services. Maintenant, nous

16 voyons quels étaient les troubles, ou les choses dont se plaignaient ces

17 personnes. C'est un témoignage important, car si sur ces 100 000 personnes,

18 on regarde ce qu'on trouve dans le registre et si on ne trouve personne

19 dans ce registre qui aurait été blessé par balle ou par d'autres moyens. Si

20 personne n'a été battu, cela montre que les allégations contenues dans

21 l'acte d'accusation sont incorrectes, à savoir que ces personnes auraient

22 été forcées par les armes à quitter le Kosovo.

23 C'est important.

24 Si vous prenez l'intercalaire ou le paragraphe 59, on dit qu'en outre des

25 milliers d'Albanais du Kosovo qui avaient fui leurs maisons, victimes par

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1 la même occasion d'un transfert forcé du fait du comportement des forces de

2 la FRY et du climat de terreur délibérément installé, et cetera. Voilà.

3 Puis, on dit toujours à l'alinéa 59, à la fin de ce paragraphe, on dit que

4 : "D'autres ont fini par traverser la frontière, passant du Kosovo en

5 Albanie, en Macédoine." On parle de la Macédoine ici où on franchit les

6 limites provinciales entre le Kosovo et la Serbie. Cela est une question

7 tout à fait différente, mais ici, il est question de la Macédoine

8 expressément.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voici ce que je pense nécessaire de

10 faire : étant donné que le témoin, ce médecin est allé régulièrement sur

11 les lieux, obtenez de lui des renseignements qui préciseraient l'état dans

12 lequel il a trouvé les réfugiés, que ce soit des Albanais ou des

13 Macédoniens. A quelle fréquence, il s'est rendu sur les lieux, dans quel

14 état étaient les personnes qu'il a trouvées là. Ces éléments de preuve,

15 dites-vous, seraient corroborés par les deux documents que vous avez

16 préparés. Il suffirait peut-être de faire l'une ou l'autre référence à ces

17 documents. Essayez d'obtenir tout d'abord de ce témoin des éléments

18 d'information généraux, s'agissant du type de travail qu'il a fait avec ces

19 réfugiés; la période concernée; et l'état dans lequel il a trouvé les

20 réfugiés afin d'étayer les arguments que vous présentez, après quoi, nous

21 pourrons examiner les deux intercalaires.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson. Moi, tout ordre

23 me convient.

24 J'aimerais simplement rappeler une chose au témoin. Je lui ai déjà demandé

25 à quelle fréquence il allait à la frontière, et il a déjà répondu. Il a dit

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1 qu'il y allait au moins trois fois par jour, au moins trois fois par jour.

2 Il s'est rendu à la frontière en tant que chef des services d'urgence.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Docteur Aleksovski, vous, en personne, combien de fois ou à quelle

5 fréquence alliez-vous sur les lieux à la frontière ?

6 R. Moi, personnellement, j'y suis allé au moins trois fois par jour,

7 quelquefois même plus souvent. Pourquoi ? Et bien, tout d'abord parce que

8 j'allais toujours à 8 heures le matin. Je vais vous dire pourquoi. Il y

9 avait l'administrateur, mais outre que cette autre personne, il y avait le

10 chef de l'équipe qui était responsable de ce qui se passe entre la

11 réception de l'appel et le traitement de l'appel. Lorsqu'il reçoit un

12 rapport, il vient me voir --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais dites-nous ce qui s'est passé

14 dans les camps de réfugiés ? Dans quel état avez-vous trouvé ces réfugiés ?

15 Que vous a-t-il fallu faire en tant que médecin pour autant qu'il vous ait

16 fallu faire quoi que ce soit ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je travaillais. Je suis allé sur le

18 terrain. J'allais à huit heures le matin, pour voir si notre tente était

19 installée, si elle était bien équipée, si notre équipe avait tout ce dont

20 elle avait besoin. J'allais dans cette tente et je procédais à des examens.

21 J'avais sur moi les rapports et j'ai examiné des patients. D'après ce que

22 j'ai pu constaté, le tableau général que présentaient ces patients ne

23 différait de ce que je pouvais constater régulièrement en ville.

24 Je peux vous dire le genre d'état dans lequel j'ai trouvé ces patients. Il

25 pleuvait, il faisait froid à cette époque-là. Dans la plupart des cas, les

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1 gens se plaignaient de trouble respiratoire; de mal de gorge, de bronchite,

2 de ce genre de problèmes. Il y avait des femmes qui étaient enceintes. Nous

3 nous sommes occupés d'elles en collaboration avec le service de maternité,

4 la maternité de Tetovo. C'est là qu'on les transportait. Toutes les femmes

5 enceintes y ont été transportées que ce soit des réfugiés ou pas, la

6 procédure s'appliquait également.

7 Toute personne nécessitant une hospitalisation, qui avait des blessures

8 plus graves, ou qui se trouvait dans un état de santé plus grave, toutes

9 ces personnes étaient transportées en ambulance. Ces déplacements en

10 ambulance étaient répertoriés dans le registre. Ce qui me permet de savoir

11 précisément combien de fois s'est déplacée l'ambulance ou se sont déplacées

12 les ambulances.

13 Il y avait d'autres interventions plus simples, le fait de faire des

14 piqûres, par exemple, cela pouvait se faire sur les lieux. Cela a été aussi

15 consigné dans le registre.

16 Ceux qui avaient besoin d'une thérapeutique nécessitant un traitement de

17 plusieurs jours, ils continuaient à recevoir ce traitement dans les camps

18 de réfugiés.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans votre déposition à l'instant,

20 vous avez parlé de certaines personnes qui étaient blessées. Quel était le

21 type de blessures que présentaient ces personnes ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends. Il y avait des blessés, pas

23 beaucoup. Neuf, me semble-t-il. Il y avait neuf cas de blessures. Oui,

24 c'est cela. Il y a eu des fractures, des plaies, en tout 14 cas dont des

25 cas de fractures, de blessures et de plaies. Nous nous sommes attachés,

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1 tout particulièrement, à soigner ces cas-là. Bien sûr, toute blessure était

2 soignée avec tout le sérieux nécessaire. Il y a eu des lacérations, des

3 coupures d'une personne, une personne était coupée au doigt. Une autre

4 personne avait été blessée par balle dans l'abdomen, mais cet homme est

5 arrivé dans cet état-là, et plus tard, il a subi une intervention

6 chirurgicale, puisqu'il avait une blessure grave. C'est pour cela que nous

7 l'avons transporté à l'hôpital.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez établi dans

9 quelles conditions il avait subi cette blessure par balle ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas été en mesure d'établir ces

11 conditions. Nous savions uniquement que c'était une blessure grave. C'est

12 dans cet état-là qu'il est arrivé du Kosovo. Il avait déjà été soigné, subi

13 une intervention chirurgicale au Kosovo. Il a subi une nouvelle

14 intervention chirurgicale en Macédoine.

15 A son arrivée, il était assez agressif. Il avait un revolver et il a été

16 difficile de s'occuper de lui.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Docteur, cette personne blessée par balle, si je vous ai bien compris,

19 avant d'arriver en Macédoine, il avait déjà subi une intervention

20 chirurgicale ?

21 R. Oui, oui. C'était une vieille plaie qui devait être pansée. C'est pour

22 cela qu'on a dû l'hospitaliser.

23 Q. Mettons-y ceci au clair afin de pouvoir avancer. Vous avez eu des

24 milliers de cas. Est-ce que dans ces milliers de cas, vous avez constaté un

25 autre cas de blessure par balle ?

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1 R. Non, mis à part ce cas-là dont je viens de parler, cela n'a pas été le

2 cas, car si cela avait été une plaie fraîche récemment infligée, elle

3 aurait toujours saigné cette plaie. Nous avions des produits médicaux avec

4 nous. En fait, si on avait eu beaucoup de blessures par balle, on aurait eu

5 besoin de beaucoup de pansements, de bandages. Or, c'est qu'on a le moins

6 utilisé.

7 Nous avions eu des centaines de personnes qui présentaient des problèmes

8 moins graves, plus ordinaires. Par exemple, si quelqu'un avait une

9 luxation, ce genre de problème.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que je vous comprends bien.

11 Sur les milliers de réfugiés, il n'y avait qu'un nombre infime de réfugiés

12 qui présentaient des blessures ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai donné le chiffre exact; 14.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, un instant, j'ai une

15 autre question à vous poser. Vous avez parlé d'un cas de blessures par

16 balle. Avez-vous pu établir comment les treize autres cas de blessures

17 s'étaient produits ? Dites-nous quelles étaient ces blessures et comment,

18 dans quelles conditions, elles avaient été infligées ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu des cas de fractures, mais ce

20 n'était pas des fractures ouvertes. L'anamnèse des patients nous permettait

21 d'établir que ces fractures étaient anciennes. Un patient nous avait dit

22 qu'il avait été, qu'il s'était cassé quelque chose et il ne présentait que

23 des ecchymoses. Nous, dans nos documents, nous disions, "fracture

24 supposée", On allait envoyer ce patient ou cette personne aux services de

25 radiographie qu'on ne pouvait pas faire sur place, bien sûr, donc, il était

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1 envoyé à l'hôpital pour avoir une radiographie.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez établi dans

3 quelles conditions cette personne avait subi une fracture. N'oubliez pas ce

4 qu'essaie de prouver M. Milosevic. M. Milosevic dit -- mais répondez à

5 cette question ? Est-ce que vous avez obtenu, de la personne en question,

6 des renseignements établissant dans quelles conditions cette fracture avait

7 été infligée ou subie ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mes collègues ont pris des notes, mais moi,

9 personnellement, j'ai aussi parlé à certaines personnes. Certaines m'ont

10 dit qu'elles couraient et que le terrain était glissant et qu'elles étaient

11 tombées et souffraient d'une luxation à la cheville, ou une entorse, ce

12 genre de chose. Nous avons dit que là il y avait peut-être fracture qui

13 nécessitait examen à l'hôpital.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Il y a un instant, Monsieur le Témoin, vous avez dit que sur ces 14 cas

17 de blessures il y avait eu coupure, une simple coupure au doigt.

18 R. Oui, cela c'est une blessure peu grave que toute ménagère, toute

19 personne travaillant chez elle peut subir. Si un réfugié ouvre une conserve

20 cela peut arriver. Cela peut arriver à tout le monde.

21 Je pense qu'il s'agit là d'un nombre négligeable et de blessures tout à

22 fait ordinaires qu'on voit tous les jours.

23 Q. Quoi qu'il en soit, vous n'avez constaté qu'un seul cas où vous avez eu

24 un patient avec blessures par balle, plaie ancienne qui avait déjà fait

25 l'objet d'une intervention chirurgicale, et ce patient-là, avez-vous dit,

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1 était armé.

2 R. Oui. L'équipe médicale m'avait appelé parce que cet homme était très

3 insolent à l'égard de l'équipe médicale.

4 M. NICE : [interprétation] Je ne me rappelle plus si le témoin avait dit

5 que ce patient était armé.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 Avancez, Monsieur Milosevic. Essayons d'avancer rapidement.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Aleksovski, au cours des premières journées lorsque vous êtes

11 allé sur les lieux près de la frontière vous avez répondu à quels appels ?

12 R. C'est la police frontalière qui nous a surtout appelés, mais des

13 personnes individuelles nous ont aussi appelés.

14 Q. Vous l'avez dit, vous avez passé quotidiennement du temps le long de la

15 frontière, n'est-ce pas ? Est-ce qu'au cours de cette première phase, après

16 le 24 mars et ceci jusqu'au début du mois d'avril, est-ce que ces Albanais

17 du Kosovo sont arrivés en petit groupe, en grand groupe ou un à un ? A quoi

18 est-ce que ceci ressemblait ?

19 R. A en juger par les registres et vu ce que j'ai appris de mes propres

20 équipes médicales, c'étaient des petits groupes. Il y a eu au cours de ces

21 premières journées peu d'interventions. Ceci est resté vrai jusqu'au 1er

22 avril 1999. Les groupes étaient de petite dimension, nous avons reçu peu

23 d'appels, nous y avons réagi. Il a été peu fréquent que des interventions

24 soient nécessitées.

25 Le 30, j'ai reçu un ordre du ministère de la Santé qui demandait qu'on

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1 renforce la sécurité médicale, les traitements médicaux à Gornje Blace et à

2 Donje Blace, le dernier point étant lui aussi un poste frontière mais de

3 moindre importance, et je me suis exécuté. Trois équipes médicales étaient

4 disponibles à ces passages frontaliers jour et nuit.

5 Q. C'est ce que je voulais établir. Vous avez eu des services qui

6 fonctionnaient 24 heures sur 24 heures à ces passages frontaliers à partir

7 du 1er avril ?

8 R. Oui, jour et nuit.

9 Q. Pour que tout soit clair, je vous demande ceci, du côté yougoslave, en

10 face de Donja Blace, vous avez la localité Djeneral Jankovic, n'est-ce pas

11 ?

12 R. Oui.

13 Q. A l'époque -- non, je vais vous demander à vous de préciser l'époque,

14 les Albanais -- les réfugiés albanais n'avaient pas encore été installés

15 dans les camps ?

16 R. C'est exact. Ils étaient assis au poste frontière, ils étaient entourés

17 par la police frontalière, ou, je pense même qu'il y avait une espèce de

18 clôture autour de ces réfugiés. Il leur était impossible de se rendre en

19 ville. C'est simplement le 5 ou 6 avril que j'ai reçu un appel du chef de

20 l'équipe qui m'a dit que la police frontalière refusait de surveiller notre

21 tente. Moi, je ne savais pas pourquoi, je le lui ai demandé. L'homme m'a

22 répondu qu'ils avaient installé un camp dans lequel ils voulaient installer

23 ces personnes et nous avons continué de fournir l'aide médicale.

24 Q. Vous dites que la police avait arrêté ou stoppé les réfugiés, qu'est-ce

25 que vous vouliez dire par là ?

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1 R. Je veux dire que la police a dû arrêter les réfugiés. On ne pouvait pas

2 simplement se précipiter, se ruer vers la Macédoine. Il fallait les garder

3 au poste frontière tant que les camps de réfugiés n'avaient pas été établis

4 et installés.

5 Q. C'est à ce moment-là que Stenkovac 1 et Stenkovac 2 ont été créés,

6 n'est-ce pas ? C'étaient des camps de réfugiés, n'est-ce pas ?

7 R. Exact. Stenkovac 2 se trouvait à six kilomètres et demi de Skopje,

8 Stenkovac 1 se trouvait plus près.

9 Q. Très bien. D'après les registres tenus par votre service, pouvez-vous

10 nous dire combien d'Albanais ont été examinés au poste frontière avant

11 d'être placés dans des camps ?

12 R. Je crois que je peux vous donner le chiffre exact; 40.

13 Q. Est-ce que tout le monde a été examiné, je veux dire tous ceux qui ont

14 demandé à vos services de s'occuper d'eux, est-ce que toutes les personnes

15 qui ont demandé ce service l'ont reçu ?

16 R. Tout à fait, y compris certains qu'on n'examinerait pas dans des

17 conditions normales parce qu'en fait ils ne présentaient pas de problèmes

18 urgents, et ne pouvaient pas demander l'aide de service d'urgence, mais

19 nous avons même accepté ces personnes-là et nous avons soigné tout le monde

20 sans faire de sélection.

21 Q. Vous avez même accepté de soigner des personnes qui n'avaient pas

22 véritablement besoin de service d'urgence, par exemple, un mal de gorge, un

23 froid, un refroidissement, ce genre de chose.

24 R. Tout le monde a reçu des médicaments. D'abord dans un premier temps,

25 nous avions pris pour habitude de donner des paquets entiers, et des boîtes

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1 entières de médicaments, et puis on a retrouvé des boîtes de médicaments

2 qu'on avait jetées sans avoir utilisé, sans avoir pris tous les médicaments

3 qui s'y trouvaient, ces à ce moment-là, que nous avons commencé à

4 distribuer des médicaments sans donner toute la boîte.

5 Q. Très bien. Je vais vous poser une autre question. Est-ce que vous,

6 personnellement, vous avez entendu parler de cela puisque vous avez dit,

7 vous être rendu trois fois par jour au moins à la frontière vous et vos

8 collègues ? Est-ce que vous vous avez appris quelles étaient les raisons

9 qui avaient poussé ces personnes à quitter le Kosovo pour aller en

10 Macédoine ? Je parle ici des Albanais que vous avez examinés et que vous

11 avez soignés dans ce premier temps.

12 R. S'agissant de ces aspects-là, j'en ai davantage entendu parler de la

13 bouche de mes collègues. Pour un cas je sais, il s'agissait probablement du

14 2 avril, quelqu'un est entré dans notre tente, il y en avait plusieurs dans

15 la tente, parmi eux, une femme, l'infirmière a demandé s'ils avaient des

16 papiers. Elle leur a

17 Demandé : "Pourquoi êtes-vous venu avec un si petit enfant ?" Alors l'autre

18 lui disait : "Il tombait." Je ne sais pas s'il parlait le macédonien ou

19 pas. Il parlait de bombes. Cela s'est passé devant moi. Entre collègues on

20 se disait, ils nous disaient qu'on leur avait

21 dit : "Comment voulez-vous qu'on ne fuit alors qu'il tombe des bombes. Moi,

22 j'ai vu un cas avec une femme et un enfant.

23 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas qu'il faille --

24 -- seulement entendre ce qu'ont rapporté les collègues. Ce type de ouï-dire

25 n'est peut-être pas le meilleur.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez reprendre, Monsieur Nice ?

2 M. NICE : [interprétation] Il faudrait exclure ce qui est rapporté par les

3 collègues. Ce n'est sans doute pas recevable vu la décision rendue hier. Ce

4 qu'ont dit les collègues, ne sera, sans doute pas utile aux Juges de la

5 Chambre.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quelles décisions faites-vous

7 allusion ?

8 M. NICE : [interprétation] Vous savez, hier, lorsque nous avons étudié les

9 documents concernant le témoin précédent, je me souviens de ce qu'a dit Me

10 Kay, qui a dit que ce type d'élément de preuve devrait venir des témoins

11 eux-mêmes, et la Chambre a rendu une décision, acceptant cet argument. Je

12 ne vais pas m'opposer à ce que dirait le témoin, s'agissant de ce qu'il a

13 entendu personnellement.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas le ouï-dire,

15 nous l'acceptons le ouï-dire ?

16 M. NICE : [interprétation] Oui, mais vu ce qu'a dit Me Kay, hier, il

17 faudrait que ce soit présenté sous la forme habituelle ou après

18 interrogatoire dans ce prétoire.

19 Ces questions, la question de savoir pourquoi les gens sont partis du

20 Kosovo, c'est un élément, un des piliers de la thèse défendue par

21 l'Accusation et nous avons présenté des témoins sur ce sujet.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sont des raisons qui auraient été

23 données à ce témoin-ci. Cela, c'est un ouï-dire de première main, direct.

24 M. NICE : [interprétation] Moi, je ne peux pas contre- interroger ces

25 personnes. Elles ne sont pas à ma disposition. Même problème que celui

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1 rencontré, hier.

2 Je ne vais pas faire objection à une référence, mais si on commence à

3 dépasser cette mesure, si on commence à parler de ce qu'ont raconté

4 d'autres personnes, de tierces personnes, puisque j'en ne peux pas contre-

5 interroger ces tierces personnes, je ne le ferai pas.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, est-ce que je peux prendre la

7 parole, Monsieur le Président ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, un instant, un instant, s'il

9 vous plaît.

10 M. KAY : [interprétation] Est-ce que vous vouliez que j'intervienne sur

11 cette question, Monsieur le Président ?

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Répondez à la question,

14 Monsieur.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] En ma qualité de directeur, je n'ai pas eu des

16 entretiens fortuits. Ce sont des rapports officiels qui me parvenaient de

17 la part des collègues qui travaillaient au quotidien. Ils me communiquaient

18 les éléments d'actualité et j'étais leur directeur officiel et ils me

19 transmettaient à ce titre. Ce n'était pas à titre individuel, le médecin ou

20 le chef d'équipe s'adressait en cette qualité-là.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Ces informations portant sur les raisons de la fuite des Albanais du

23 Kosovo, vous les obteniez en votre qualité de directeur de ces services

24 médicaux d'urgence, de la part des médecins et du personnel médical qui

25 intervenaient dans les services médicaux d'urgence au quotidien, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. C'est bien ce que j'ai dit parce que justement --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avançons, d'accord, avançons,

4 Monsieur Milosevic, le témoin l'a déjà dit cela.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. D'après ce que vous en savez pour sûr, avaient-ils de l'argent sur

7 eux ? Avaient-ils leurs pièces d'identité sur eux ? Quand je parle, "ils,"

8 quand je dis "ils," j'entends par là, les réfugiés.

9 R. Cela avait constitué pour nos services. Nous avions, au début, demandé,

10 pour bien enregistrer tous les renseignements et eux, nous disaient qu'ils

11 n'en avaient pas. Les patients, que nous avons dû transporter vers

12 l'hôpital, par exemple, des femmes qui accouchaient ou des gens qui étaient

13 blessés, nous avions insisté sur la présence de papiers d'identité pour ce

14 qui est de l'accession à l'Etat macédonien où il fallait avoir des papiers.

15 Au bout d'un certain nombre de conciliabules, ils trouvaient chez des

16 membres de la famille, des parents, des gens qui avaient, soit un

17 passeport, soit une carte d'identité, soit un livret médical, et cela s'est

18 fait, notamment, suite à des insistances persistantes de notre part. Au

19 bout d'un certain temps, nous avons cessé de demander cela. Nous n'étions

20 pas un organe demandant, par la force à quelqu'un, de présenter ses papiers

21 d'identité.

22 Q. Lorsque vous leur demandez des pièces d'identité, ils disaient d'abord

23 qu'ils n'en avaient pas, puis après avoir insisté, ils vous les montraient

24 quand même ?

25 R. Oui. C'est ceux qui étaient entrés en Macédoine, et nous avions

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1 insisté, par exemple, pour pouvoir dispenser des soins médicaux, au suivi,

2 en continu et après ils se débrouillaient au bout d'un certain temps.

3 Q. Je vous ai demandé aussi, s'ils avaient de l'argent ?

4 R. Au début, nous n'avions pas besoin du tout de leur demander de

5 l'argent. Mais, quand ils sont passés dans des camps, j'ai vu

6 personnellement que par-dessus la clôture, ils donnaient de l'argent à

7 d'autres personnes pour qu'on leur ramène des affaires de la ville,

8 notamment, des cigarettes et d'autres produits. Par la suite, il a été

9 ouvert des kiosques et ils pouvaient acheter toutes sortes de choses. Nous

10 avons donc conclu de ce fait, qu'ils avaient de l'argent.

11 Q. Dites-nous, essayez donc de nous décrire cela pour que les choses

12 soient tout à fait claires. Comment ces gens-là étaient-ils vêtus ?

13 Étaient-ils vêtus de façon appropriée pour cette période-là de l'année ?

14 Quel était leur aspect général ?

15 R. A vrai dire, ce sont des choses que j'ai vues. J'y suis allé comme je

16 vous le dis plusieurs fois et pendant ce temps-là, je n'ai vu personne en

17 chemise. Ils étaient tous mieux vêtus. Le temps était pluvieux et il

18 faisait encore frais. Ils avaient passé eux-mêmes des tentes improvisées.

19 Ils portaient des toiles en nylon. Certains avaient même des tentes. A ce

20 passage frontière, ils ont construit eux-mêmes, un camp improvisé, avec les

21 affaires qu'ils avaient apportées avec eux. Ce qui fait qu'ils étaient bien

22 vêtus, vêtus d'une façon appropriée pour cette période de l'année.

23 Q. Mettons de côté les tentes et les camps. Comment étaient-ils vêtus ?

24 R. Ils s'étaient bien vêtus, c'est comme s'ils étaient sortis de chez eux.

25 Ils avaient pris avec eux ce dont ils avaient besoin pour ce type de temps

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1 et c'était l'impression que j'avais.

2 Q. D'après leurs vêtements, pouvaient-ils être distingués en quoi que ce

3 soit des citoyens macédoniens que vous rencontriez ces jours-là ?

4 R. On pouvait faire une certaine différence parce que, ils portent des

5 vêtements qui sont plus caractéristiques pour eux. Pour leurs us et

6 coutumes et pour ce temps, le type de temps qu'il faisait, ils étaient

7 vêtus, d'une façon tout à fait, appropriée.

8 Q. Bien. Vous avez mentionné cet homme qui avait été blessé et qui avait

9 un pistolet. Je ne vous pose pas la question au sujet de cet homme-là.

10 Celui-là, on le mettra de côté. Je vous pose la question de façon précise.

11 Est-ce que parmi eux, il y avait des personnes armées ou pas ? Oui ou non.

12 R. Oui.

13 Q. Ils avaient des armes à feu.

14 R. Oui.

15 Q. Quand j'ai dit qu'ils étaient "armés," je pensais notamment aux armes à

16 feu.

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous étoffer votre propos à ce sujet; qu'avaient-ils comme

19 armes, qu'est-il advenu de ces armes à feu ?

20 R. Je peux être concret. J'ai du mal à en parler mais notre équipe a

21 quitté la tente pour ce camp improvisé à la frontière et notre équipe a été

22 attaquée, assaillie par un groupe de réfugiés. L'un de ces réfugiés s'est

23 disputé, puis s'est battu avec le médecin, je connais le nom du médecin, de

24 l'infirmière et du chauffeur. Ils ont été assaillis physiquement. Ils ont

25 été bousculés rudement, insultés, et ce même homme avait sur lui, un

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1 pistolet. Cela, d'ailleurs, a été montré à la télévision macédonienne. Tous

2 les Macédoniens ont pu le voir.

3 A l'époque, cet incident m'a été pénible parce que l'équipe est revenue à

4 moi en pleurant. Il y a eu des moments où ils ne voulaient plus retourner.

5 Au fur et à mesure que le temps passait, ils sont devenus agressifs à notre

6 égard. Ils se sont comportés de façon tout à fait autre.

7 Q. Vous venez de mentionner le fait que la télévision macédonienne en ait

8 informé le public. A l'époque, au niveau des passages frontière, avez-vous

9 remarqué la présence d'équipes de télévision étrangère, ou y avait-il que

10 les équipes de la télévision macédonienne ?

11 R. La télévision macédonienne, il n'y avait qu'une; celle de l'Etat. Les

12 étrangères, il y avait beaucoup, et ils se garaient d'habitude devant notre

13 tente et devant nos véhicules à nous.

14 Q. Si ces équipes de télévision étrangères étaient garées, comme vous le

15 dites, devant votre tente, devant vos véhicules, avez-vous pu remarquer

16 qu'ils étaient informés du moment de l'arrivée des différents groupes, ou

17 ne réagissaient-ils que lorsque les groupes survenaient ? Avez-vous noté

18 quelque chose de caractéristique au niveau de leur comportement ?

19 R. Presque toutes les chaînes de télévision étaient installées à l'hôtel à

20 côté. Enfin, je ne sais pas si je dois le nommer cet endroit par où on

21 passait pour aller au passage frontière.

22 En passant à côté de cet hôtel, nous avons, bien avant cela, remarqué une

23 activité certaine. On a remarqué cela encore plus à la frontière. Tout à

24 coup, il y avait ces trépieds d'installés et on s'était préparé à filmer.

25 Quinze minutes passées à peine, et on voyait un groupe important de

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1 réfugiés arrivés. Ils savaient d'ores et déjà que le groupe allait venir,

2 et ils étaient là pour filmer.

3 Q. Bien. Soyons encore plus précis. Vous avez remarqué que ces équipes de

4 télévision s'apprêtaient à filmer alors qu'il n'y avait pas encore de

5 groupes d'arrivés et au bout de 15 minutes un groupe ou des groupes

6 venaient qu'eux filmaient.

7 R. Oui, exactement. Nous avons tous pu le voir puisqu'ils étaient juste

8 devant nous, et je l'ai vu plusieurs fois cela. Ils commençaient à

9 s'installer, à prendre position, et 10 ou 15 minutes après, on voyait des

10 groupes de réfugiés arriver, donc ils étaient prévenus d'avance.

11 Q. D'après ce que vous avez pu en voir, ils ont été prévenus d'avance de

12 l'arrivée de groupes de réfugiés pour pouvoir se placer et les filmer.

13 R. Oui. Ils le savaient très certainement.

14 Q. Plus tard, et vous avez dit qu'au début qu'ils vous ont rapporté qu'ils

15 fuyaient des bombes. Est-ce que par la suite ils commençaient à dire qu'ils

16 fuyaient parce qu'ils étaient expulsés, parce qu'ils étaient chassés, parce

17 qu'on s'attaquait à eux, parce que la police et l'armée serbe s'attaquaient

18 à eux ? Quand est-ce qu'ils ont commencé à vous dire cela ?

19 R. Après le 1er avril 1999 --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Là, vous guidez le témoin.

21 M. NICE : [interprétation] Oui, cela est inadmissible. Je le répète, il y a

22 une différence radicale entre la situation dans laquelle je me trouve face

23 à ce témoin et même face au témoin précédent, car tout ce que nous savons

24 c'est qu'il y a certaines personnes dont je peux retrouver le nom, mais ce

25 n'est pas ce qui va se passer ici.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

2 reformuler la question que vous aviez l'intention de poser.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Docteur Aleksovski, vous nous avez déjà expliqué, en répondant à l'une

6 de mes questions, ce que disaient ces jours-là les réfugiés albanais pour

7 parler des raisons de leur fuite du Kosovo. Vous avez répondu qu'ils vous

8 ont expliqué qu'il y avait des bombes qui leur tombaient dessus. Par la

9 suite, vous ont-ils avancé des raisons autres, mis à part les bombes, pour

10 ce qui est de leur départ du Kosovo ?

11 R. Oui, ce que j'ai dit d'abord est tout à fait exact.

12 Par la suite, après le 1er, lorsque l'on a organisé ces camps à Stenkovac 1

13 et Stenkovac 2, tous jusqu'au dernier disaient qu'ils ont par la force été

14 chassés du Kosovo par la police et par l'armée, qui leur tiraient dessus,

15 qui les battaient, qui les passaient à tabac. Moi, je n'étais pas là-bas,

16 certes, mais d'après ce que nous avons pu voir, nous --

17 Je l'ai dit et je n'ai rien à ajouter.

18 Q. Après le 1er avril, ils disaient qu'ils s'enfuyaient parce qu'on leur

19 tirait dessus et parce qu'on les passait à tabac.

20 Etant donné que c'est précisément votre métier : est-ce que vous avez

21 remarqué sur ces personnes des traces qui confirmeraient de quelque façon

22 que ce soit les récits relatifs à ces mauvais traitements physiques ?

23 R. Non. Je n'ai pas eu cette impression. Il n'y avait pas eu de blessures

24 récentes, il n'y avait pas de bleus, et nous n'avons pas jamais reçu ou

25 admis pour soin un tel patient, et d'après ce que j'ai déjà expliqué ce

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1 n'est pas du tout l'impression que j'ai eue.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, entre le moment

3 où les premiers ont donné comme raison de partir le fait qu'ils fuyaient

4 les bombes et la date du 1er avril où là, d'autres raisons ont été avancées,

5 cela concerne quelle période de temps ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense avoir déjà répondu. Jusqu'au 1er avril

7 tant qu'ils étaient à la frontière. Les tous premiers groupes qui étaient

8 arrivés, ces gens-là nous disaient, moi, il y en a un qui m'a parlé, mais

9 on m'a rapporté dans les rapports officiels qui m'ont été adressés, les

10 gens ont relaté qu'ils avaient fui en raison des bombes qui tombaient là-

11 bas. Une fois qui se sont installés dans les camps Stenkovac 1 et Stenkovac

12 2, ils disaient tous qu'ils étaient chassés par la police et l'armée et

13 parce qu'on les battait, on leur tirait dessus. Moi, je n'ai pas été de

14 l'autre côté de la frontière. Je ne sais pas ce qui se passait là-bas.

15 D'après ce que nous avons vu, nous, ce n'est pas l'impression qui s'est

16 dégagée.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a une chose qui n'est toujours

18 pas claire dans mon esprit, est-ce que nous parlons de ces mêmes réfugiés

19 qui auparavant auraient dit avoir fui en raison des bombes ou est-ce que

20 maintenant on parle d'un nouvel arrivage de réfugiés, de nouveaux

21 réfugiés ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cette masse de gens, nous n'avions pas

23 remarqué s'il s'agissait de la même personne ou pas. C'était peut-être la

24 même, mais nous ne pouvions nous en rendre compte dans cette grande masse

25 de personne. Nous nous sommes entretenus avec ceux qui sont entrés dans

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1 notre tente pour demander de l'aide. Nous ne sommes pas allés dans la masse

2 pour interviewer les gens. Nous nous sommes entretenus avec les personnes

3 en leur qualité de patient, en leur qualité de gens qui étaient venus dans

4 notre tente pour demander de l'aide.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Fort bien. Docteur, je vais être plus précis encore : sur quelque

7 Albanais que ce soit, avez-vous remarqué des traces de mauvais traitements

8 physiques ? Par exemple, des vêtements déchirés, des bleus suite à des

9 passages à tabac, des ecchymoses, des blessures qui pourraient découler de

10 tout cela ? Pour ce qui est des blessures, vous nous l'avez déjà dit qu'il

11 n'y avait pas eu de blessures d'armes à feu, avez-vous remarqué quelques

12 traces de mauvais traitements tels que vêtements déchirés, ecchymoses ou

13 autres traces de passage à tabac qui seraient visibles à l'œil nu ?

14 R. Je vous l'ai bien dit, personnellement je n'ai pas vu d'ecchymoses ou

15 de coups de matraques ou de quoi que ce soit d'autre. Je n'en ai pas vu. Je

16 n'ai pas entendu mes collègues en parler, mis à part les cas que j'ai

17 décrits ici. Je n'ai pas vu de gens avec des vêtements déchirés. Ce qui

18 fait que ce n'est pas l'impression que je me suis faite.

19 Q. Je vais vous poser une question de nature générale. Vous avez visité

20 ces camps de Stenkovac 1 et 2, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que ces gens, de par leur apparence et de par leur comportement,

23 de par la façon dont ils étaient vêtus, donnaient l'impression d'être des

24 gens qui étaient dans le malheur ? Plutôt, je vais être plus clair encore.

25 Par exemple, vous avez été présent lorsqu'il y a eu le tremblement de terre

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1 à Skopje, à l'époque où il y avait une masse de gens qui étaient dans un

2 grand malheur, et si vous comparez cela, est-ce que vous avez l'impression

3 que ces gens avaient l'air d'être en détresse ou comment ?

4 R. Malheureusement, j'ai un âge assez avancé, et j'ai, bon nombre de fois,

5 été impliqué dans des grands malheurs. En 1972, il y a les inondations de

6 Skopje. En 1963, il y a eu ce grand tremblement de terre à Skopje. J'ai été

7 très actif dans le premier et le premier et le deuxième de ces cas, étant

8 donné que j'étais encore dans l'école secondaire de médecine, et nous

9 avions un groupe de réfugiés venus de Bosnie. Hélas, nous en avons de nos

10 jours encore parce que les Rom du Kosovo sont encore en Macédoine, et nous

11 avons des Macédoniens, réfugiés qui ont fui ces régions vers notre pays,

12 leur pays d'origine. Nous sommes en train d'assurer un abri et un refuge

13 pour tous ces gens. Je peux faire la différence entre ces différentes

14 tragédies.

15 Quelqu'un qui est dans la détresse, sans vêtements, déchiré, blessé,

16 apathique, il sait ce que c'est que venir l'aider. Je sais, par exemple,

17 que les gens de Bosnie se sont grandement réjouis en recevant une conserve,

18 ou un yaourt et un bout de pain. J'ai vu de mes yeux, et cela c'est une

19 chose notoirement connue, il y a eu des réactions de la part de ces

20 réfugiés, qui choisissaient le pain qu'on allait leur donner. Ils ne

21 voulaient pas le pain des boulangeries de Skopje, mais ils voulaient celui

22 de Tetovo. Quand on est en détresse, on ne choisit pas. On prend ce qu'on

23 lui propose.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Gardez à l'esprit

25 que vous aviez prévu, pour l'interrogatoire principal de ce témoin, une

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1 heure et demie, temps que nous avons déjà dépassé.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, en effet. Je me propose d'en terminer

3 très rapidement. Je voudrais toutefois revenir un peu à ces intercalaires,

4 très brièvement.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Docteur Aleksovski, avez-vous mis en doute les récits de ces Albanais,

7 aux termes desquels la police et l'armée les auraient chassés du Kosovo par

8 la force ?

9 R. J'ai douté de la chose, en effet. Je vous l'ai dit hier. J'ai fait

10 partie de l'armée, aussi. L'armée avait pour finalité d'éduquer les jeunes,

11 et c'étaient les officiers qui s'en chargeaient. Il s'agissait --

12 M. NICE : [interprétation] Je dois objecter pour que ceci soit acter au

13 dossier de l'audience. Tout d'abord, la question guide le témoin. Deuxième

14 chose --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne pense pas que cela soit

16 une question directrice, parce que le témoin a déjà dit ceci dans le cadre

17 de sa déposition.

18 M. NICE : [interprétation] Peu importe. Deuxième chose, maintenant, en quoi

19 serait-il correct de parler de ce que croit ce témoin, vu ce qu'a dit un

20 témoin ou un réfugié par l'intermédiaire des collègues du témoin ? Comment

21 puis-je mettre à l'épreuve ce qu'il croit quand je ne peux pas même

22 découvrir l'identité du réfugié ? Je n'ai aucune chance de contre-

23 interroger cette personne.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord. Question suivante,

25 Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Très bien. Docteur Aleksovski, je vous ai demandé s'ils avaient l'air

3 d'être des personnes en détresse, ces gens qui se trouvaient dans les

4 camps.

5 R. Je vous l'ai dit déjà. Je sais que chacun d'entre eux a souffert de son

6 départ. Il y avait des hommes de famille. Dans ce camp de Stenkovac, ils

7 faisaient preuve d'agressivité à notre égard. Ils ont commencé à manifester

8 leur haine. Ils nous jetaient des pierres. Il y a eu des conflits entre eux

9 et les réfugiés Rom, et l'Etat a dû veiller à ce qu'ils soient séparés.

10 Quand vous venez sur le territoire d'autrui pour demander de l'aide, et que

11 vous faites preuve d'agressivité, je ne pense pas que ce soit là alors des

12 gens véritablement en détresse.

13 Q. Bien. Je vous ai posé des questions au sujet des armes à feu, et vous

14 avez répondu. Avez-vous eu des cas où vous auriez eu à faire face à des cas

15 de viols ou des conséquences de viols ?

16 R. J'ai entendu parlé de viols. Il est rare de voir des viols. C'est

17 plutôt rare. Devant notre camp à Stenkovac, il y avait un hôpital israélien

18 d'installé, avec une équipe de chirurgiens et de gynécologues, bien équipé.

19 Je suis entré personnellement pour le m'en rendre compte. C'était très bien

20 aménagé, et ils on dû estimer que cette équipe chirurgicale était

21 certainement nécessaire. Ils s'attendaient à des blessures, à des lésions

22 en grand nombre. Au bout de trois jours, il y a eu un remue-ménage, et on a

23 entendu une rumeur où on a dit qu'un viol aurait été intenté à l'encontre

24 d'une femme- médecin israélienne. Cette équipe s'est retirée, parce qu'il

25 n'y avait pas de travail pour ces équipes de chirurgiens.

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1 Q. Avez-vous entendu parlé du viol d'une Albanaise ?

2 R. Une rumeur a couru, je ne sais pas si cela est certain, mais je ne l'ai

3 pas vu, et bien entendu, on voit rarement --

4 Q. Qu'avez-vous entendu à ce sujet ?

5 R. J'ai ouï dire qu'une Albanaise, et cela se passait sous les tentes,

6 elle s'était plainte d'avoir été violée. Elle s'est plainte auprès de nos

7 équipes, et elle voulait demander si elle pouvait passer dans l'autre

8 tente, parce que des proches à elle l'agressaient.

9 Q. Avez-vous ouï dire que des Serbes auraient violé une Albanaise parmi ce

10 groupe de personnes réfugiées ?

11 R. Non, non.

12 Q. Bien. Y a-t-il eu des cas où les Albanais dans votre camp proposaient à

13 votre personnel de l'argent ? Et si oui, que demandaient-ils en échange ?

14 R. Cela aussi avait été un problème. Nous avons déduit, par la suite,

15 qu'ils avaient forcément de l'argent, parce qu'ils ont commencé à donner de

16 l'argent pour qu'on leur achète quelque chose. Puis ils donnaient des

17 grosses sommes afin que nos chauffeurs -- puisque nous pouvions entrer et

18 sortir en toute liberté, ils voulaient que nos chauffeurs les fassent

19 sortir des camps. Ils devaient certainement avoir des pièces d'identité sur

20 eux pour pouvoir continuer leurs voyages à l'étranger. Ces offres, ces

21 propositions ont été assez fréquentes, parce qu'un chauffeur m'avait dit

22 qu'on lui avait proposé 500 marks allemands. D'autres disaient qu'on leur

23 proposait 5 000 marks, et je les ai prévenus, en ma qualité de chef du

24 service, que personne ne devait prendre de l'argent de la part de ces gens

25 pour des services quelconque. Il s'agissait de faire son travail, d'exercer

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1 sa profession en toute conscience. On leur aura alors proposé cela dans des

2 situations réitérés.

3 Q. Donc, souvent ?

4 R. Oui. Et même j'ai dit à un de nos chauffeurs que je l'allais le chasser

5 de son poste de travail si je remarquais qu'il se comportait ainsi.

6 Q. Vous nous avez dit que les Rom étaient restés. Avez-vous eu des cas où

7 les Albanais, dans camps de réfugiés, ont malmené des Rom ?

8 R. Cela, c'était public. Cela était montré à la télévision, je pense. Les

9 Rom à l'époque avaient, et ont de nos jours encore, leurs représentants au

10 parlement. Il a protesté publiquement. Il a dit que si personne n'était en

11 mesure de les protéger, ces Rom, il a dit qu'il allait prendre ses armes et

12 qu'il allait les protéger lui-même. C'était une chose notoirement connue.

13 Ils ont été d'ailleurs déplacés de ce camp, et plusieurs d'entre eux sont

14 transférés de ce camp vers Skopje.

15 Q. Pourquoi ne sont-ils pas retournés au Kosovo ?

16 R. Cela, je ne le sais pas. Pourquoi ils ne sont pas revenus, c'est aux

17 autres qu'il faut poser la question.

18 Q. Docteur, juste une petite question encore. Vous avez, pour autant que

19 je le sache, établi des données statistiques partant des intercalaires où

20 vous avez relevé tous les cas où vous avez dû intervenir. Est-ce qu'en

21 l'espace d'une minute de temps, vous pouvez nous donner ces renseignements-

22 là ?

23 R. Est-ce que vous voulez la période où nous étions à la frontière ou dans

24 les camps ?

25 Q. La statistique concernant les maladies que vous avez traitées, à

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1 l'examen de cette documentation.

2 R. Oui. Je vais vous donner rapidement lecture de la chose. Maladies

3 cardiaques et vaisseaux sanguins, 14 cas. Maladies liées à la tension

4 artérielle, 13 cas. Maladies respiratoires, 42. Maladies du tract digestif,

5 17. Étapes psychonévropathiques, 10. Maladies urinaires - il y avait bon

6 nombre de malades avec des maladies rénales - ils étaient 17. Il y avait 22

7 cas de femmes enceintes ou d'accouchements. Dix-huit cas de perte de

8 conscience. Allergie et maladie de la peau, 14 cas. Hémorragie différente,

9 14. Attaques cardiaques, 16 cas. Problèmes de vue, 1 cas. Et puis des

10 maladies malignes, 4. Allergies 4. Empoisonnement 4. Température élevée et

11 déshydratation, 2. Diabètes, 2. Et un mort.

12 Q. La personne qui est décédée, elle est décédée de quoi, dans quelle

13 condition ?

14 R. C'est une personne âgée. Je pense que cette personne était née --

15 c'était un homme qui était né en 1924. Il souffrait de la maladie de

16 Parkinson, mais outre cela, il avait aussi un adénome à la prostate.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous avez pu

18 découvrir, quelle est la période couverte par ces statistiques ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ces statistiques, ces chiffres que je

20 viens de vous donner, nous avons en tout 229 cas, me semble-t-il, ce sont

21 autant de cas de personnes soignées par nos services d'urgence aux passages

22 frontières et dans les camps. En effet, nos équipes installées dans le camp

23 --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je parle de la date de la période

25 concernée.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, vous parlez de la date. Je

2 comprends. A partir du 25 c'était le premier cas, cette femme enceinte qui

3 a accouché, et jusqu'au 27 c'est à ce moment-là qu'ils se sont retirés du

4 camp Stenkovac 1.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y avait à peu près combien de

6 réfugiés dans ce camp d'après vos estimations ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez une estimation. Je n'aime pas

8 faire d'estimation. C'est toujours difficile d'estimer combien il y a de

9 personnes dans les tentes, combien il y a de tentes, combien de personnes à

10 l'extérieur. J'entendais les médias qui donnaient des chiffres. Certains

11 parlaient de 300 000, d'autres de 350 000. Moi, je ne peux pas vous donner

12 de chiffres franchement. Si on se trouvait dans un stade de football, je

13 pourrais vous donner une estimation plus ou moins grossière, mais pour ce

14 qui est des personnes à l'extérieur ou à l'intérieur des tentes, je ne sais

15 pas.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous en avez dit suffisamment. Vous

17 avez d'autres questions, Monsieur Milosevic ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, j'ai terminé l'interrogatoire principal de

19 ce témoin. Je voudrais demander le versement de ces deux intercalaires.

20 Vous pouvez consulter l'original que le Dr Aleksovski a apporté --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez quelque

22 chose à dire.

23 M. NICE : [interprétation] Objection à ce que ces documents soient versés

24 pour les raisons que j'ai déjà avancées. J'ai ici un tableau assez long, je

25 ne sais pas si ceci peut vous être remis, parce que je pense qu'il est

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1 grand temps de voir quelles sont les formalités, les procédures qu'il faut

2 respecter pour ce qui est de la production de documents. Je ne sais pas si

3 ce document a déjà été présenté. C'est un tableau pour gagner du temps. J'y

4 présente plusieurs points de façon sommaire, peut-être pourrez-vous

5 l'examiner pendant la pause.

6 C'est un document qui n'avait pas été répertorié dans la liste originale 65

7 ter et qui n'avait pas été fournie. Nous avons examiné l'ajout de ces

8 témoins à la liste des témoins avec les décisions de la Chambre, et les

9 pièces concernées. La première fois que nous avons appris qu'un document de

10 ce genre existait peut-être, c'était la semaine dernière, pendant la

11 semaine ou en fin de semaine. Nous avons demandé expressément aux associés

12 de l'accusé et au conseil juridique pour avoir ce document. Nous avons reçu

13 l'intercalaire 1, vendredi dernier, l'intercalaire 2, hier. Aucune

14 traduction. On constate s'agissant d'un de ces intercalaires qu'il est tout

15 à fait chaotique et impossible de s'y retrouver dans ce document.

16 En l'absence d'un document traduit, il m'est impossible de contre-

17 interroger ce témoin et je ne veux pas le contre-interroger s'agissant des

18 détails qu'il a donnés. C'est impossible à faire. Je ne sais pas si on peut

19 demander à ce témoin de revenir, quand je serai en mesure de le faire, bien

20 sûr, avec l'autorisation des Juges, mais le moment est venu de dire que

21 lorsque des documents ne sont pas produits conformément aux règles

22 précisées par la Chambre pour ce qui est de la production de documents, par

23 exemple, que ce soit répertorié dans cette liste 65 ter, il faudrait les

24 rejeter, ne serait-ce que pour ce motif.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pourrez contre-interroger à

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1 partir de ce qu'a dit le témoin dans sa déposition.

2 M. NICE : [interprétation] Je vais lui poser quelques questions. Je ne peux

3 pas le contre-interroger s'agissant de ce document. Il faudrait que ce

4 document soit rejeté pour les motifs que j'ai bien établis. Je ne vais pas

5 parler du droit ici. Nous avons ici des dossiers médicaux, et le témoin

6 sait qu'il n'est pas correct de publier des dossiers médicaux en public. Il

7 y a l'Article 8 de la Convention européenne, il y a tout un acte

8 d'équilibrage sur lequel je ne peux pas consacrer de temps maintenant.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire parce qu'il

10 y a des numéros. On peut donner des numéros plutôt que des noms.

11 Nous allons faire une pause, une pause de 20 minutes, et à notre retour

12 dans ce prétoire -- Monsieur Milosevic, vous voulez dire quelque chose ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais vous rappeler que j'ai proposé que

14 ce journal soit versé au dossier sous pli scellé justement pour protéger la

15 confidentialité des renseignements au sujet des patients.

16 Pour ce qui est maintenant de l'observation présentée par

17 M. Nice disant que le document n'a pas été traduit, je crois qu'il serait

18 fort peu correct de ma part, j'aurais probablement pu le faire, mais

19 j'estime que cela n'aurait pas été correct de donner tout ce document au

20 service de traduction pour qu'il soit traduit. Parce qu'il n'y a aune

21 finalité à ce faire, l'essentiel ici c'est l'appellation des rubriques, ce

22 n'est pas les noms qui importent. Dans ces intercalaires, il y a des noms

23 de patients, de réfugiés albanais. L'essentiel, c'est de voir de quoi ils

24 ont souffert. Traduire tout ceci signifierait une perte de temps de service

25 de traduction. Bien sûr que j'aurais pu le demander, mais cela aurait été

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1 dénué de sens.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, s'il vous plaît.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Nous ne voulons pas

4 vous entendre, Monsieur. Nous vous avons déjà entendu, Monsieur le Témoin.

5 Maître Kay, rapidement.

6 M. KAY : [interprétation] J'essaie de retrouver, peut-être que vous vous

7 souvenez mieux que moi de la déposition du capitaine Dragan et des 10 000

8 pages faisant état de blessures et d'autres questions, des blessures subies

9 au cours du conflit. Cela avait produit par l'Accusation. J'essaie de me

10 souvenir, je ne sais pas si ceci était devenu une pièce à conviction. Je ne

11 la retrouve pas dans la liste des pièces, mais je sais qu'en tout cas

12 l'Accusation avait l'intention de le faire. Rappelez-vous, il avait un

13 journal de guerre de différentes personnes servant dans les unités et

14 l'Accusation n'avait ressenti aucune difficulté à essayer de verser ceci au

15 dossier parce que, d'après l'Accusation, ceci établissait le mouvement ou

16 l'origine de ces personnes, ces personnes qui étaient censées être

17 extérieures à la Bosnie ou extérieures à la Croatie.

18 Ce sont sans aucun doute des éléments qu'avait l'Accusation et qu'elle

19 voulait utiliser tôt ou tard. Je pense que s'agissant de ce témoin, sa

20 déposition c'est tout à fait pertinent comme document, et ceci ne nous lèse

21 aucunement l'Accusation, car l'Accusation peut poser des questions. Elle ne

22 va pas parcourir chacun des noms qui se trouvent dans ces registres. Elle

23 n'a pas l'intention de le faire. Elle essaie simplement ici d'exclure des

24 éléments.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais ceci n'avait pas été repris

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1 dans la liste des éléments en application du 65 ter, et cela n'avait pas

2 non plus été mentionné dans la requête concernant la demande d'ajout de

3 témoin.

4 M. KAY : [interprétation] Oui. Mais en fin de compte, je ne sais pas si

5 c'est tellement important ou si cela pose un problème à l'Accusation.

6 S'agissant du problème qui se pose, c'est vrai, ce document ne se trouvait

7 pas là, les formalités n'ont pas été respectées, mais il est tout à fait

8 possible de contre-interroger ce témoin vu ce qu'il a dit à la Chambre. M.

9 Nice est sans doute à la hauteur de la tâche.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien, nous allons maintenant

11 faire une pause de 20 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.

13 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, je suis encore plus

16 confus que d'habitude. Pourriez-vous m'aider s'agissant d'une ou deux

17 remarques que vous avez formulées ?

18 J'avais cru comprendre que votre position de fond à l'encontre des

19 documents, c'était qu'ils étaient sans intérêt par rapport à ce procès.

20 M. NICE : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais votre position semble s'être un

22 peu renforcée depuis. Vous avez fait part de difficultés que vous alliez

23 rencontrer au moment du contre-interrogatoire. Pourriez-vous m'éclairer sur

24 ce point ? Quel est la différence entre ce que dit ce témoin à propos de la

25 condition, de l'état, de l'attitude, des explications des réfugiés à la

Page 36871

1 frontière, différence entre cela et les éléments de preuve à charge établis

2 par ceux qui ont interrogé les personnes qui ont relaté de façon tout à

3 fait générale les explications fournies par ces gens, la condition dans

4 laquelle ils disaient être.

5 M. NICE : [interprétation] Vous avez deux livres, l'un s'appelant "Sous les

6 ordres" et l'autre, "As Seen, As Told." "Dit comme vu", la différence est

7 considérable. C'est important tout d'abord pour la Chambre, les deux autres

8 documents que je viens d'évoquer ont été établis par des parties tout à

9 fait neutres. La méthode de travail étant bien établie avec des archives

10 montrant ce qui avait été consigné, que cela ait été produit pour la

11 Chambre ou pas, ces rapports et ces archives existaient. Même si les

12 personnes ayant donné ces informations étaient anonymes, comme c'était

13 indiqué dans les notes en bas de page de ces deux volumes, ces éléments

14 existent. Ils permettraient d'identifier les personnes dans certains cas,

15 si c'était nécessaire pour vérifier.

16 Il y a une autre chose qui est assez bizarre sur le plan historique.

17 Je ne sais pas si vous vous en souvenez, Monsieur le Juge, je ne sais pas

18 si vous êtes au courant même. Ces documents ont d'abord été présentés comme

19 pièce à conviction, parce que l'accusé s'en servait lui-même.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais soyons réaliste. Pour un

21 contre-interrogatoire, jamais il ne sera possible de contre-interroger un

22 grand nombre de personnes qui relèvent de cette catégorie. Je suis sûr que

23 c'est une question de poids à accorder. Quant à savoir si l'enquête est

24 menée par une instance indépendante, ou si elle est menée à bien par une

25 instance officielle, une personne qui le fait dans le cadre de ses

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1 fonctions.

2 M. NICE : [interprétation] Je suis assez d'accord sur ce dernier point,

3 même s'il est bon de garder à l'esprit le fait qu'à plus d'une reprise, la

4 Chambre a exclu la possibilité qu'un représentant du Procureur se livre à

5 ce genre d'exercice, par exemple pour faire le résumé d'éléments de preuve.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais cela, c'est autre chose. Ne

7 perdons pas trop de temps. Je vais aborder un autre point.

8 Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce que vous dites, à savoir que

9 vous n'avez pas le temps d'établir le contexte de ce document, parce qu'il

10 ne se trouvait pas dans la liste 65 ter initiale. Là effectivement, il y a

11 une différence. Vous n'avez pas toujours eu ce document, et il vous êtes

12 difficile de consacrer des ressources pour mener des recherches. On

13 pourrait s'attendre à ce qu'un document officiel de ce genre, s'il devenait

14 officiel, et s'il risque d'avoir un incidence sur le procès, on pourrait

15 s'attendre donc à ce que le Procureur veille à ce que ce document soit

16 disponible pour que tout le monde l'examine, même si c'est pour

17 l'abandonner au bout du compte. Là, je suis plutôt favorable au report de

18 votre contre-interrogatoire s'agissant du détail de ce document, si vous

19 voulez mener un contre-interrogatoire là-dessus, pour que vous ayez

20 l'occasion de l'examiner ce document, car vous finirez peut-être par vous

21 dire que ce document a bien été compilé, alors qu'aujourd'hui, vous

22 pourriez contre-interroger sur d'autres points.

23 M. NICE : [interprétation] Oui, il se pourrait que je conclue que ce

24 document est tout à fait bien compilé. Je pensais jusqu'à la fin de

25 l'interrogatoire principal qu'il n'y aurait pas de difficultés et je

Page 36873

1 voulais rappeler à la Chambre et à l'accusé qu'il était possible de

2 soumettre ce genre d'éléments de preuve plus rapidement par écrit.

3 Si je comprends bien la situation, et je dois poser au témoin quelques

4 questions à ce propos pour établir cela, on donne le nom des personnes,

5 mais on leur donne aussi des numéros, c'est assez clair. Je ne pense pas

6 que le témoin nous dise, ou soit en mesure de me dire ce qu'il en est de

7 telle ou telle personne qui lui aurait dit ceci ou cela, en particulier.

8 Donc, je ne me trouve pas dans la même situation que celle où, avec le

9 témoin précédent, je pouvais aller vérifier pour, en fait, montrer que ce

10 que le témoin disait n'était pas exact. Nous avons ces documents-ci, en

11 quoi sont-ils importants, peut-être, uniquement, pour les données

12 statistiques que vient de nous donner le témoin. Plus avant dans sa

13 déposition, il a donné des statistiques sur un nombre limité de personnes

14 qui avaient fait état de blessures. J'ai eu du mal à suivre la chronologie

15 des événements donnée par le témoin. Mais ce sont là les seuls points pour

16 lesquels il s'est appuyé sur ces documents-ci. Est-ce qu'on va autoriser

17 que ces documents deviennent des pièces, ne serait-ce que pour cette

18 raison, il est important de pouvoir y revenir plus tard.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons déclarer recevable le

20 classeur 1 ainsi que l'original. Le témoin dit qu'il pouvait nous les

21 laisser et ces pièces seront versées sous pli scellé.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D281.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que l'original, Monsieur le

24 Témoin, concerne l'intercalaire 1 et l'intercalaire 2 ou un seul de ces

25 deux intercalaires ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] L'intercalaire 1 se rapporte aux réfugiés du

2 Kosovo ainsi que ce que l'on a en photocopies.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, je parle ici de

4 l'original, du document original que vous avez ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cet original se rapporte

7 aux deux intercalaires que nous avons nous ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, rien que le premier.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Seulement le premier, d'accord.

10 Quelle est la cote.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le Juge Kwon a précisé, effectivement,

12 qu'une cote a déjà été donnée, la côte D281.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.

14 Monsieur Nice, vous avez la parole.

15 M. NICE : [interprétation] Vous trouverez ce poste frontalier de Blace et

16 de Djeneral Jankovic, une page déjà de l'atlas.

17 Contre-interrogatoire par M. Nice :

18 Q. [interprétation] Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser,

19 Monsieur le Témoin. Mais, voyons si j'ai compris ce que vous avez dit

20 jusqu'à présent. Vous avez déclaré qu'il y avait une personne qui vous

21 avait parlé des raisons qui l'avait poussé à quitter le Kosovo. Pourriez-

22 vous nous donner un numéro ou même le nom de cette personne dans la pièce

23 que vous avez produite ?

24 R. Non, parce que cette personne avait fait la queue pour être examinée et

25 on ne l'avait pas identifiée dès ce moment-là. Je ne pense pas être à même

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1 de reconnaître cette personne de nos jours.

2 Q. De même s'agissant des personnes dont vous avez dit que votre personnel

3 les avait entendues, et que ce personnel avait reçu des explications de

4 leur part. Pouvez-vous nous donner des noms ou des numéros pour qu'on les

5 retrouve. Répondez simplement par un oui ou par un non ?

6 R. Oui.

7 Q. Qui sont ces personnes qui ont raconté cela et dont vous pourriez me

8 donner le nom ? Qui est-ce qui a fourni cette explication s'agissant de la

9 raison de leur départ du Kosovo ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous devriez préciser

11 de quelle explication il s'agit, car il y en a deux.

12 M. NICE : [interprétation] Oui.

13 Q. L'explication selon laquelle ils sont partis à cause des bombardements

14 de l'OTAN. Est-ce que vous pourriez à huis clos partiel, nous donner le nom

15 de ces personnes ou donner le numéro concerné dans la pièce pour que nous

16 sachions de qui il s'agit ?

17 R. Je vous l'ai dit, j'ai entendu une personne en parler, mais je n'ai pas

18 l'identité de cette personne puisque c'est une personne qui faisait la

19 queue dont ce n'était pas encore le tour. Si nous avions su que les choses

20 allaient en venir là où nous en sommes, nous aurions peut-être fait

21 autrement avec des radios et tout le reste.

22 Q. Très bien, je ne vais plus vous poser ce genre de question. J'y

23 renonce. Passons à autre chose.

24 Vous étiez le chef et ce n'est pas vous qui est allé parler aux réfugiés.

25 C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

Page 36876

1 R. Je vous ai parlé de certains individus.

2 Q. Vous n'êtes pas, de façon routinière, régulière, allé parler aux

3 réfugiés ?

4 R. Oui, parce que ma tâche ce n'était pas de m'entretenir en premier lieu

5 avec les réfugiés, mais je vous ai dit que j'ai, en passant, été en contact

6 avec plusieurs d'entre eux.

7 Q. Vos équipes, elles ne sont parties pour réagir qu'à des appels. Vos

8 équipes n'ont pas examiné chacun des réfugiés qui arrivaient de façon

9 routinière ?

10 R. Non, n'étaient examinés que ceux qui ont demandé à être examinés. Bon

11 nombre de gens venaient jusqu'à l'entrée de la tente, puis se retiraient.

12 Nous n'avons pas pu les examiner tous. On n'avait pas besoin de le faire.

13 Ils ne nous l'ont d'ailleurs pas demandé.

14 Q. Votre registre ne concerne que la période du 24 au 25 mars jusqu'à la

15 fin d'avril, n'est-ce pas ?

16 R. Cela va jusqu'au 27 mai, en réalité.

17 Q. Les dernières réponses que vous avez fournies avant la pause, Monsieur

18 Aleksovski, ce sont des réponses dans lesquelles vous avez donné beaucoup

19 de statistiques. Vous avez parlé de la période allant du 25 au 27, mais de

20 quel mois ?

21 R. Nos activités ont commencé le 24 sans intervention. Le 25 mars, on a eu

22 quelque chose à faire et cela va jusqu'au 27 mai 1999.

23 Q. Très bien. Cela concerne toute la période. Merci d'être aussi clair.

24 Manifestement -- mais vous aviez combien d'effectifs dans vos équipes

25 médicales, en tout ?

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1 R. S'agissant du personnel médical pour ce qui est des urgences médicales,

2 notamment, jusqu'au 6 mai, il y a eu quatre équipes médicales comme je vous

3 l'ai dit, trois à Donje Blace et un équipe à Gornje Blace. A compter du 6,

4 lorsqu'ils ont déménagé vers le camp Stenkovac 1, ils y avaient trois

5 équipes d'assistance médicale d'urgence et une équipe a été constituée,

6 moyennant le personnel médical de ce centre hospitalier de Skopje. C'est

7 l'équipe de Skopje.

8 Q. Ce qui veut dire que vous n'étiez pas à même de répondre aux besoins

9 médicaux de 300, 350 000 personnes se manifestent, n'est-ce pas ?

10 R. Nous avons couvert cela. Tout ce qu'ils ont demandé, on le leur a

11 fourni. Puis, il est arrivé d'autres organisations humanitaires et il y a

12 eu des cas moins graves qui ont été dirigés là-bas. Ceux qui étaient d'une

13 gravité quelconque, ceux-là ont obligatoirement passé par les secours

14 médicaux d'urgence.

15 Q. Les problèmes de santé, les problèmes humanitaires dans ces camps de

16 Macédoine ont fait l'objet de beaucoup de commentaires et parfois de

17 critiques de la part de la communauté internationale ?

18 R. Je ne sais pas comment les médias étrangers ont rapporté cela. Je sais

19 que les services médicaux d'urgence, en fin de compte lorsqu'on a fait la

20 somme des impressions, ce service d'assistance médicale d'urgence, cela je

21 peux vous le dire parce qu'au niveau du syndicat des services de santé, ils

22 ont été loué, nos services, pour la prestation de qualité qu'ils ont fourni

23 dans l'accomplissement de leurs tâches.

24 Q. Est-ce qu'il y avait une rivière qui longeait l'un des camps ?

25 R. Oui, c'est une rivière qui se trouvait à proximité du camp provisoire

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1 d'accueil, et c'est juste à côté de la frontière et cela s'appelle Lepenac.

2 Q. Est-ce que la Croix Rouge croate, d'après vos souvenirs a fait état de

3 corps qui étaient déposés dans cette rivière ? Est-ce que vous vous

4 souvenez de ce rapport qui a été rendu publique ?

5 R. Non, je n'ai pas entendu parler de corps. J'ai ouïe dire qu'on avait

6 jeté des pistolets dans cette rivière, mais personne ne l'a confirmé à

7 titre officiel. Je ne l'ai pas vu non plus, mais il en a été beaucoup

8 question à l'époque.

9 Q. Est-ce que nous pourrions examiner trois photographies publiées par les

10 médias à l'époque et je vous demanderais de les commenter ? Est-ce que vous

11 parlez anglais, vous lisez l'anglais ou pas, Monsieur Aleksovski ?

12 R. Non.

13 Q. La première photographie donne la date de 1999 et on voit "Une mère en

14 détresse avec sa fille qui sont empêchées de quitter le camp de Blace par

15 des soldats macédoniens." Est-ce que cette photo cadre avec les souvenirs

16 que vous avez des conditions qui prévalaient à Blace ?

17 R. Cette photographie dit seulement qu'elle est datée de 1999. On ne dit

18 pas où cela a été pris, on ne dit pas la localité alors, si vous le voulez

19 bien, vous pourriez me le dire parce que je n'ai pas vu de scène de ce

20 genre, moi.

21 Q. Oui, je vous relie la légende : "Une mère en détresse et sa fille que

22 les soldats macédoniens empêchent de quitter le camp de Blace." Je vous

23 demande si ceci concorde avec le souvenir que vous avez des conditions qui

24 prévalaient à l'époque ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous êtes allé notamment

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1 dans ce camp de Blace ?

2 Est-ce que vous avez entendu la question, Docteur ? Est-ce que vous

3 êtes allé au camp de Blace ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Bien sûr, oui.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, vous y êtes allé, répondez dès

6 lors à la question posée par M. Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Vous trouverez Blace à la page 16.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Les foules telles que celles-ci

9 qu'on voit sur la photo, il y en a eues. La police ne voulait pas les

10 laisser entrer en ville. Je vous l'ai dit déjà ce qui se serait passé si

11 tant de gens, de façon incontrôlée affluaient en ville.

12 Je ne sais pas maintenant s'il y a eu des scènes de ce genre, je n'ai

13 pas pu les voir moi-même. Il est vrai de dire qu'on ne les a pas laissés

14 entrer parce qu'on mettait en place les camps de Stenkovac 1 et de

15 Stenkovac 2.

16 M. NICE : [interprétation]

17 Q. Examinons la photo suivante : "Une femme albanaise de Kosovo en

18 détresse se trouvant dans le chaos que produisent 50 000 réfugiés qui

19 vivent dans le camp de Blace, qui devient de plus en plus bondé. On ne

20 donne pas le mois, on parle simplement de l'année 1999. Est-ce que cette

21 photo cadre de façon générale avec le souvenir que vous avez des conditions

22 qui prévalaient dans le camp de Blace ?

23 R. Je vais le répéter : je me souviens très très bien de cette photo, je

24 l'ai vu à plusieurs reprises. Je sais qu'il y a eu toutes sortes de

25 scènes, ce que je puis toutefois dire aussi, c'est qu'il y a eu des scènes

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1 qui ont été mises en scène justement. Peut-être ne devrais-je pas le dire

2 en ma qualité de médecin, mais véritablement, il y a eu bon nombre de mes

3 collègues et peut-être certains d'entre eux vont le confirmer.

4 Il y a eu des photos montées de toute pièce. Je regarde cette photo,

5 peut-être que cela est vrai, peut-être cela est-il monté aussi. Parce que

6 nous avons pu voir comment ils étaient en train d'installer un soi-disant

7 blessé pour le prendre en photo et le même jour, ils ont diffusé la photo,

8 on a pu la voir.

9 Il se peut que cette photo corresponde effectivement à la vérité,

10 mais il se peut aussi que ce soit là un montage.

11 Q. Dans ce cas-là, examinons la photo suivante. On y voit des policiers ou

12 plutôt des soldats macédoniens. Est-ce que vous pensez qu'ils auraient

13 accepté d'être mis en scène pour les besoins du photographe, ou est-ce

14 qu'ils vaquaient à leurs occupations habituelles ?

15 R. Je ne pense pas qu'il y ait eu de l'armée à ce passage frontière.

16 C'étaient des policiers et, j'observe et je sais quand les gens voient des

17 caméras, ils sont assez curieux de ce qui se passe et ils regardent vers le

18 photographe. Il se peut qu'il y ait eu cette affluence. Certains faisaient

19 la queue pour se diriger au plus vite vers la ville, or cela n'a pas été

20 rendu possible.

21 Q. Très bien.

22 R. Je ne sais pas ce que cette photographie veut nous dire. Ce que je vois

23 c'est juste une masse de gens.

24 Q. Très bien, je vais maintenant vous demander d'examiner une partie de

25 cinq rapports faisant état de ce qui s'est passé à la frontière avec la

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1 Macédoine. Auparavant, est-ce que je vous ai bien compris ? Vous dites

2 qu'au cours des premiers jours, fin du mois de mars, il y avait peu de

3 réfugiés qui venaient ? Ils étaient faibles en nombre ?

4 R. Oui, ils étaient faibles en nombre.

5 Q. C'est dans cette première phase que d'après vous, les réfugiés

6 expliquaient leurs raisons d'être là en invoquant les bombardements de

7 l'OTAN, c'est bien cela ?

8 R. En face de moi, je vous l'ai déjà dit, une femme, d'autres collègues

9 m'ont raconté --

10 Q. Ecoutez, je vous en prie, Monsieur, s'il vous plaît. Ne répétez pas

11 tout ce que vous avez déjà dit. Nous n'avons tout simplement pas le temps

12 de le faire.

13 Est-il vrai de dire que cette explication donnée par cette femme, par

14 vos collègues à propos des bombardements de l'OTAN, c'était au début, à

15 savoir fin du mois de mars ?

16 R. Oui, vers le début.

17 Q. Plus tard --

18 R. 25, 26.

19 Q. Plus tard, lorsque cet afflux de réfugiés a grossi, finalement ils sont

20 devenus des centaines de milliers, peut-être

21 400 000. A ce moment-là, l'explication fournie, c'était l'épuration

22 ethnique; c'est bien cela ?

23 R. C'est exact. Après, à Stenkovac 2, tous disaient qu'ils fuyaient la

24 police et l'armée.

25 Q. Examinons, si vous le voulez bien, d'abord ce document sera placé sur

Page 36882

1 le rétroprojecteur parce qu'il est en anglais, un document qui a pour

2 intitulé : "Groupe médical."

3 Est-ce que vous connaissez l'existence de l'organisation qui s'appelle

4 Médecins pour les droits de l'homme ? C'est une organisation qui a obtenu

5 le prix Nobel de la paix. Ces personnes se sont rendues dans vos camps pour

6 aller voir les réfugiés albanais du Kosovo.

7 R. Oui. Si c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous les avions appelé

8 Médecins sans frontières. Si c'est bien cela, c'est cela.

9 Q. Il s'agit ici d'une autre organisation. Ils s'appellent les Médecins

10 pour les droits de l'homme.

11 M. NICE : [interprétation] Je vais demander que ce rapport soit placé sous

12 le rétroprojecteur. Je vais vous donner lecture de quelques extraits

13 seulement.

14 Q. Ce rapport a été publié le 4 avril 1999, dans une phase assez précoce

15 dans les événements. On parle du fait qu'il y avait une croissance

16 exponentielle chaque jour du nombre de morts et de malades, des personnes

17 qui s'effondraient, qui perdaient connaissance, grelottant de froid à cause

18 de l'épuisement, ou à cause de la maladie, devant ces tentes.

19 Est-ce que c'est là quelque chose qui cadre avec vos souvenirs, ce rapport

20 produit par cette organisation Médecins pour les droits de l'homme ?

21 R. Non, non. J'ai une opinion tout à fait autre. Si vous me le permettez,

22 je peux vous la présenter.

23 Q. Je voudrais tout d'abord vous faire parcourir quelques brefs extraits

24 de ce rapport. Ce serait peut-être là gagner plus de temps.

25 M. NICE : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de montrer la

Page 36883

1 deuxième page, "Situation générale."

2 Q. "Les réfugiés," dit le rapport, "ne peuvent pas quitter la zone

3 frontalière, ni y recevoir d'assistance. Un représentant de l'OSCE a dit à

4 l'organisation Médecins pour les droits de l'homme que le gouvernement

5 macédonien était réticent à l'accueil des réfugiés, tant que d'autres pays

6 n'étaient pas d'accord pour accepter ces réfugiés. Est-ce que c'est vrai

7 qu'à ce moment-là, début avril, votre gouvernement ne voulait pas

8 accueillir les réfugiés ?

9 R. Je peux vous apporter une réponse. Voyez-vous, cette foule devant la

10 tente qui accompagne le premier texte, quand vous avez un tel nombre de

11 personnes installées dans un espace limité, dans une tente, il est certain

12 que partout il y a foule. Cela ne veut pas dire qu'on faisait la queue pour

13 entrer dans la tente, afin d'obtenir une assistance médicale. Cela ne veut

14 pas dire non plus qu'on ne leur a pas fourni une aide médicale.

15 Croyez-moi bien que nous ayons fourni une aide médicale à tous les

16 citoyens, et nous avons de nos jours encore des réfugiés, des Rom, des

17 Macédoniens. Il n'est pas exact de dire que la Macédoine n'a pas fourni de

18 l'aide. Vous allez peut-être vous en rappeler. Il y avait à l'époque,

19 l'adjoint de l'époque du ministre des Affaires étrangères, qui par la

20 suite, est devenu président. Il a dit autre chose, si vous pensez que cela

21 n'était pas suffisant, peut-être --

22 M. NICE : [interprétation] Je dois vous interrompre. Allons un peu plus

23 loin dans ce texte. Fin du paragraphe suivant.

24 Q. Voici ce qui est dit : " -- Après avoir franchi la frontière pour

25 se retrouver en Macédoine, les organisations humanitaires étrangères

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1 n'étaient pas autorisées à leur donner de l'aide. Ils en étaient interdits

2 par la police. Certains représentants de la Croix Rouge ont dû travailler

3 24 heures sur 24. Ils étaient débordés par les besoins qui se

4 manifestaient."

5 Voilà le récit que fait cette organisation Médecins pour les droits

6 de l'homme. Etes-vous d'accord avec ce que dit cette organisation ?

7 R. Je n'arrive pas à comprendre ce type de texte. Je peux encore moins

8 être d'accord parce que véritablement, on a fourni l'assistance à toutes

9 personnes en ayant demandée. Vous savez quel est le type d'équipe de la

10 Croix Rouge, et quel est le type d'équipe de l'assistance médicale

11 d'urgence. Ce sont des professionnels qui travaillent, qui interviennent de

12 nos jours encore. Ils sont nombreux sur le terrain de nos jours encore.

13 Q. Page suivante --

14 R. Cela, j'ai presque honte à devoir l'écouter.

15 M. NICE : [interprétation] Page suivante.

16 Q. "Etat de santé. En dépit du nombre énorme de personnes en détresse,

17 souffrant de maladies graves, l'aide médicale a toujours été pratiquement

18 inexistante. Pouvoir parvenir jusqu'à la tente réservée aux soins de santé,

19 c'est quelque chose qui était techniquement difficile pour la population.

20 Les malades ont dû sortir de la vallée remplie de boue et d'herbe, et

21 franchir une haie de police en uniforme pour essayer de parvenir à cette

22 tente. Parfois, la police a laissé passer certaines malades. Quand c'était

23 le cas, ceci n'était en général autorisé que pour la personne malade, la

24 séparant ainsi des autres membres de la famille. Une autre tente médicale

25 avait été placée parmi les réfugiés, loin de ces terrains boueux."

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1 Est-ce ceci cadre avec vos souvenirs, Monsieur Aleksovski ?

2 R. Est-ce que ceci se rapporte aux camps de Stenkovac 1 et 2, ou aux camps

3 qui se trouvaient à la frontière ? Alors, si cela concerne --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice --

5 M. NICE : [interprétation] A la frontière --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'allais précisément vous demander

7 d'apporter une précision. Est-ce qu'on parle du même endroit et du même

8 moment ?

9 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'ici, on parle du camp qui se

10 trouvait à la frontière.

11 Q. Qu'est-ce que vous en dites, Monsieur Aleksovski ?

12 R. Il y a beaucoup à dire parce que ceci m'offense et offense mon état. Ce

13 n'est le propre des gens de chez nous de refuser de l'aide à quelqu'un.

14 Pour nous, à nos yeux, en tant qu'êtres humains, et en tant que

15 professionnels, cela n'était pas possible. La police se trouvait

16 effectivement là, mais elle a été un plus loin de notre tente et des autres

17 tentes qui ont été installés par le personnel de l'aide humanitaire. Ils

18 pouvaient librement arriver jusqu'à nous, sans problème aucun.

19 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, vous pourrez situer

20 géographiquement l'emplacement à la première page vers le bas. On dit que :

21 "ces personnes ont passé la journée avec des professionnels de la santé, en

22 présence de milliers de réfugiés dans ce 'no-man's-land' qui se trouvait

23 entre le Kosovo et Blace."

24 La carte indique que Blace se trouve à l'est de la frontière à proprement

25 parler.

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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle page, quel numéro ?

2 M. NICE : [interprétation] Page 16. Les coordonnées sont 26-W, vous voyez

3 le passage frontalier le Djeneral Jankovic, puis vous voyez, Blace à l'est

4 de cet endroit.

5 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez placer l'avant dernière page

6 de ce document.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous voulez

8 intervenir.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je n'arrive pas à retrouver cela, M. Nice

10 nous dit page 16. Le document ne comporte que cinq pages. Je ne sais pas de

11 quoi il parle. Ah, il parle de la carte, du recueil de cartes.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La carte.

13 M. NICE : [interprétation] Revenons au rapport se trouvant sur le

14 rétroprojecteur.

15 Q. La possibilité d'avoir accès aux réfugiés. Cette organisation-ci

16 l'écrit comme suit :

17 "L'accès aux réfugiés est très rarement restreint et c'est en partie dû à

18 la police de la Macédoine qui a établi des postes de contrôle en route vers

19 la frontière et a empêché aux journalistes et parfois aux humanitaires d'y

20 arriver. L'enquêteur de l'organisation a été arrêté à la frontière il y a

21 deux jours par la police et après avoir présenté ses papiers d'identité, il

22 s'est entendu dire ceci, 'il y a suffisamment de docteurs là-bas' et il n'a

23 été autorisé à entrer qu'après avoir été invité à le faire par un médecin à

24 l'intérieur. Des représentants de l'agence chargée des Réfugiés albanais au

25 plan local a également dit à l'organisation qu'elle avait eu des

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1 difficultés à obtenir l'autorisation d'aider les réfugiés."

2 Est-ce qu'il y a eu des difficultés placées sur le chemin de ceux qui

3 essayaient d'aider les réfugiés ?

4 R. Je ne suis pas d'accord pour affirmer une chose pareille. Je le répète,

5 ceci est véritablement offensant pour mon état et personnellement offensant

6 pour moi en ma qualité de médecin. Je ne pense pas pouvoir affirmer que nos

7 policiers, notre armée étaient éduqués dans une orientation qui les

8 empêcherait à faire accorder de l'aide à quelqu'un qui en aurait besoin.

9 Ceci s'applique également aux médecins.

10 Q. Dernière question en ce qui concerne ce rapport. Vous ne vous souveniez

11 pas de cette organisation Médecins pour les droits de l'homme, mais vous

12 vous souveniez de Médecins sans frontières par contre. Pourriez-vous nous

13 dire pourquoi une organisation comme Médecins pour les droits de l'homme

14 pourrait se fourvoyer autant en faisant rapport de la situation ?

15 R. Bien, il faudrait que vous leur posiez la question à eux. Je ne sais

16 pas comment ils ont pu publier une chose pareille. Je ne suis pas d'accord

17 et je serais très disposé à en rencontrer quelques-uns de ces gens, moi et

18 mes collègues, nous étions présents, nous allions d'une tente à l'autre. Il

19 y a eu des photos de montées, beaucoup de caméramans et de photographes,

20 mais pour la teneur de ce qui est dit ici dans ce texte, je ne suis

21 absolument pas d'accord.

22 Q. Rapport suivant. Je pourrais être très bref pour l'examiner. De nouveau

23 le 9 avril, donc assez tôt, c'est publié par le Département d'Etat

24 américain le 7 avril. Il émane de l'ambassadeur, David Scheffer, chargé des

25 crimes de guerre. Il s'est rendu à Blace en Macédoine, il a interrogé

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1 beaucoup de réfugiés du Kosovo.

2 Premier paragraphe de ce rapport, Monsieur le Témoin, ce paragraphe laisse

3 entendre que l'ambassadeur est allé trois fois à Blace. Notamment, dans la

4 nuit du 1er au 2 avril et qu'il a pu interroger pendant 15 heures des

5 réfugiés sans dévoiler son identité et en se déplaçant librement dans le

6 camp, il aurait interrogé 200 réfugiés.

7 Première chose, est-ce que vous étiez au courant de ces visites effectuées

8 par l'ambassadeur Scheffer, à l'époque ?

9 R. Je ne m'en souviens pas.

10 M. NICE : [interprétation] Prenons le bas de la première page. Vu ce qu'a

11 déjà dit le témoin dans sa déposition, je pourrais être bref.

12 Q. Il dit qu'au moment de sa visite, le 1er avril, donc : "Les récits

13 donnés par les réfugiés étaient tout à fait concordants, c'était

14 remarquable. Bien sûr, étant donné les actions entreprises par les forces

15 serbes au Kosovo, il n'était pas possible de vérifier chacun de ces

16 récits," dit-il, "mais le nombre important est croissant de récits tout à

17 fait cohérents faits par les réfugiés est trop important pour les ignorer

18 ou les sous-estimer. Les Kosovars quittent le Kosovo non pas à cause de la

19 campagne de bombardements de l'OTAN, mais à cause des agressions des Serbes

20 sur la population civile."

21 Etes-vous d'accord pour dire que le 1er avril ou le 2 avril, on ne se

22 plaignait pas des bombardements de l'OTAN, mais de l'agression des forces

23 serbes sur la population civile ?

24 R. Non. J'ai dit que depuis le début qu'ils s'étaient plaints des bombes

25 qui leur tombaient dessus. Ils entendaient par là le bombardement de

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1 l'OTAN. Ensuite, comme si cela avait été mis en scène par quelqu'un, ils

2 disaient systématiquement qu'ils étaient pourchassés, poursuivis, tués,

3 battus par la police et l'armée. Je n'étais pas de l'autre côté, mais --

4 Q. Je crois qu'au fond, vous êtes d'accord avec moi, mais ce que je vous

5 demandais, je m'intéresse pas à la mise en scène. Moi, ce qui m'intéresse

6 ce sont les dates ici, ou cette modification dans les récits que vous avez

7 entendus. Est-ce que cette modification, elle est intervenue vers le 1er ou

8 vers le 2 avril ?

9 R. Je vous l'ai dit aussi. Lorsqu'ils sont passés à Stenkovac 1 et

10 Stenkovac 2, cela se situe aux dates du 5 et 6. En réalité, ils ont

11 commencé par la suite à raconter tous qu'ils ont été chassés par la force.

12 Q. Je ne sais pas si vous m'avez compris, si ce n'est pas le cas, j'en

13 suis sans doute responsable. Mais, vous avez ici un rapport de

14 l'ambassadeur Scheffer établi suite à la visite qu'il effectue le 1er et le

15 2 avril. Nous avons vu comment il débute ce rapport. Je ne peux pas y

16 revenir.

17 M. KAY : [interprétation] Une seule chose. Je ne pense pas que ce soit un

18 rapport que ce monsieur a établi. C'est établi par quelqu'un qui s'appelle

19 Dr S. D. Stein.

20 M. NICE : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord.

21 M. KAY : [interprétation] Je voulais simplement que toute la lumière soit

22 faite sur ce point.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cet éclaircissement.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Je ne vais pas donner lecture de tout le rapport. Mais prenons cette

Page 36890

1 page que nous avons toujours sur le rétroprojecteur. L'ambassadeur Scheffer

2 fait cette visite les 1er et 2 avril. Les réfugiés parlent tous du fait,

3 quand on dit : "Allez à l'OTAN. Que l'OTAN vous accueille," on dit que ces

4 gens sont dépossédés de leurs pièces d'identité, de leur argent comptant,

5 qu'on les chasse de chez eux, qu'on les force à marcher, à partir ou

6 mourir, qu'on les met dans des trains.

7 Moi ce que je veux savoir, Monsieur Aleksovski, est-ce que le 1er et le 2

8 avril, vous avez entendu ce genre de récits ?

9 R. Vous m'obligez à répéter, je vous l'ai déjà dit. A compter du 1er, on

10 commence de plus en plus souvent à entendre ces récits relatifs aux

11 actions, aux agissements de l'armée et de la police. Plus tard encore tout

12 le monde disait la même chose, mais ce que nous avons vu dès le départ, à

13 savoir les blessures et le reste ne confirmait pas ce type de récit.

14 Q. Troisième document s'il vous plaît. Il s'agit d'une déclaration émanant

15 du haut-commissaire chargé des Droits de l'homme, Mme Mary Robinson, en

16 date du 5 mai 1999. Donc nous avançons dans le temps, Monsieur Aleksovski.

17 Très rapidement : Mary Robinson effectue une visite dans la région, et nous

18 le voyons à la première page, deuxième paragraphe, elle est allée à Blace.

19 Est-ce que vous vous souvenez de sa visite ?

20 R. Non, je ne m'en souviens pas. Je sais qu'elle est venue à Skopje, mais

21 je ne me souviens pas de son passage à Blace.

22 Q. Blace, oui j'avais mal prononcé, excusez-moi. Est-ce qu'à ce moment-là

23 vous travailliez dans les camps en mai 1999 ?

24 R. En mai 1999, oui, j'y ai travaillé.

25 Q. Prenons quelques passages à peine --

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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, pourriez-vous nous aider

2 sur un point. Une fois de plus ceci a été compilé par M. Stein.

3 M. NICE : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est article paru dans la

5 presse ou est-ce que c'est un rapport fait par Mme Robinson ?

6 M. NICE : [interprétation] Ceci émane du haut-commissariat chargé des

7 Droits de l'homme et du site Web de cette organisation.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais vous l'avez obtenu du site de

9 M. Stein, pas du site des Nations Unies ?

10 M. NICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

11 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

12 M. NICE : [interprétation] Cela vient effectivement du site de M. Stein.

13 C'est présenté comme étant un site ou un document du haut-commissariat.

14 Mais on n'a pas pu trouver ce document sur ce haut-commissariat.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui est ce Monsieur Stein ?

16 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas, mais je peux essayer de savoir.

17 Ce document nous l'avons trouvé vu le rapport qu'il a avec la déposition

18 qu'on attendait de la part de ce témoin, mais nous allons tirer ceci au

19 clair en ce qui concerne M. Stein.

20 Q. Quoi qu'il en soit M. Aleksovski, Mme Robinson -- Mary Robinson

21 effectue une visite en Macédoine à Blace notamment au mois de mai. D'après

22 ce document, nous allons essayer d'en savoir plus long de ce document, elle

23 aurait dit ceci, c'est le bas de la première page : "L'ampleur du problème

24 et ses conséquences tragiques ne peuvent se comprendre que quand on se

25 trouve sur les lieux soi-même. Même si j'ai reçu des rapports de mon

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1 personnel se trouvant sur le terrain quant à l'ampleur des souffrances

2 subies et provoquées par cette violation délibérée des droits de l'homme,

3 je suis ébranlée et effrayée d'être le témoin de cette détresse de milliers

4 d'Albanais du Kosovo qui sont chassés de chez eux et de ceux qui ne sont

5 même pas arrivés dans les camps."

6 Lorsqu'arrive le mois de mai 1999, est-ce que la condition ou l'état dans

7 lequel se trouvaient ces réfugiés dans les camps était si effroyable qu'il

8 était de nature à ébranler, à choquer un visiteur ?

9 R. Monsieur Nice, vous décrivez fort bien la visite de Mme Robinson au

10 camp de Blace. Vous prêtez foi à ce qu'elle a pu voir en l'espace d'une

11 heure ou deux mais pas plus. Moi, je persiste à dire que nous étions

12 constamment là-bas. Vous contestez ce que nous avons pu voir au quotidien,

13 ce que nous avons pu débattre et discuter avec ces gens.

14 Bien sûr que quand vous voyez en un espace si petit autant de gens, la

15 photo ne peut pas être parfaite, mais nous nous parlons des souffrances,

16 des blessures. Il est certain qu'il y a eu des images que je ne

17 souhaiterais à personne de connaître en un espace si restreint. Il est

18 certain que quand on vient pour une ou deux heures, ces images que l'on

19 voit sont désagréables.

20 Q. Très bien. Je n'ai pas d'autres questions en ce qui concerne ce

21 document.

22 Voyons le dernier. Apparemment là il vient directement de M. Stein, mais il

23 est attribué au haut-commissariat aux Réfugiés, j'espère que je pourrais en

24 savoir davantage quant à l'origine de ce rapport. C'est un rapport du haut-

25 commissaire des Droits de l'homme en date du 31 mai. Apparemment, c'est une

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1 version non abrégée et j'aimerais savoir ce que vous pensez de certaines

2 des remarques que je vais vous faire.

3 Est-ce que vous vous souvenez que le haut-commissaire chargé des

4 Droits de l'homme, fin mai, a fait rapport de la situation générale dans

5 laquelle se trouvaient les réfugiés du Kosovo, et a parlé dans une certaine

6 mesure de la situation en Macédoine ?

7 R. A l'époque, il y a eu des rapports, des communiqués de toutes sortes,

8 de la part de toutes sortes d'individus. Je ne peux pas vous en parler en

9 catégories ou en termes de nom et prénom. Il y en a eu véritablement

10 beaucoup. S'agissant de ce dernier rapport, je puis dire que je me souviens

11 de certaines critiques et de certaines louanges. Mais croyez-moi bien et je

12 le répète, ne venez pas offenser mon pays, parce que nous avons fait le

13 maximum de ce que nous pouvions, et nous avons même, à un certains moments,

14 négligé nos propres citoyens pour venir en aide aux citoyens réfugiés, tant

15 pour ce qui est de la protection médicale, que pour ce qui est des formes

16 d'assistance autres. C'est pourquoi je ne veux pas commenter ce type de

17 rapport. Je sais pertinemment ce que nous avons fait de notre côté et --

18 Q. Vous dites sans arrêt, n'insultez pas mon pays. Je ne le fais pas, je

19 vous donne l'occasion d'apporter un commentaire face à des rapports établis

20 au moment des faits et qui sont peut-être différents de ce que vous avez

21 dit dans votre déposition, afin que les Juges gardent ceci à l'esprit. Moi

22 personnellement, je n'exprime pas d'avis personnel, je me contente de poser

23 des questions.

24 M. NICE : [interprétation] Je vais vous demander, Monsieur l'Huissier, de

25 prendre la deuxième page de ce rapport.

Page 36894

1 Q. Il nous est dit, en tout cas c'est ce document qui nous le dit,

2 qu'entre le 2 et le 13 mai le haut-commissaire s'est rendu en Macédoine, en

3 Albanie, en Bosnie et à divers endroits. Des éléments ont été recueillis,

4 glanés, au cours de cette première quinzaine du mois de mai.

5 Page 4 sur 16 et un peu plus loin.

6 "Le haut-commissaire est allé au poste frontière de Blace le

7 2 mai, il s'est entretenu avec quelques-uns parmi les milliers d'Albanais

8 du Kosovo qui attendaient d'être inscrits pour pouvoir entrer en Macédoine.

9 Plusieurs personnes ont relaté le fait qu'elles avaient été chassées de

10 leur maison, étant obligées de laisser tous leurs biens derrière elles à

11 cause des menaces ou d'un climat de menace qui prévalait. Les gens étaient

12 séparés de leurs familles. Des hommes en ont parlé, un montrait une

13 blessure par balle au genou, alors qu'un autre a montré des traces de

14 blessure fraîche infligée par les policiers serbes. Certains auraient passé

15 plusieurs semaines dans les forêts avant de quitter le Kosovo."

16 Nous sommes là le 2 mai. A-t-on des raisons de croire, de douter, tout

17 d'abord, les récits qui sont ainsi donnés au haut- commissaire ?

18 R. Ce rapport décrit certaines choses dont nous avons parlé nous-mêmes.

19 Mais là quand il dit, blessure fraîche, cela sous-entend que c'est une

20 blessure qui saigne où il y a hémorragie. Je ne vois pas de quelle date il

21 s'agit, et de quel camp non plus.

22 Nous avons tout enregistré et puisque vous revenez sur ce point-là, vous

23 verrez dans les documents que ce n'est qu'après qu'il y a des blessures qui

24 font leur apparition. Il y a des blessures qu'ils ont cachées. C'étaient

25 des blessures anciennes qu'ils ont cachées, puis ils se sont manifestés

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1 avec par la suite. Je vous ai dit qu'à certains endroits, il y en avait qui

2 avait eu le doigt blessé et d'autres types de blessures légères, mais ce

3 qui figure dans notre registre est conforme à la vérité. Maintenant, pour

4 ce qui est des autres, ce qu'ils ont pu noter, voir et enregistrer, si une

5 femme se serait présentée auprès d'un visiteur sans pour autant lui

6 demander de l'aide, je ne vois vraiment pas pourquoi elle se comporterait

7 ainsi.

8 M. NICE : [interprétation] A part quelques références à ce rapport, je

9 crois que j'en aurai terminé.

10 Prenez la page 6 sur 16, Monsieur l'Huissier, s'agissant de tortures et

11 sévices ou mauvais traitements.

12 Q. Le haut-commissaire aurait discuté avec des réfugiés qui ont fait état

13 de : "diverses formes de mauvais traitements aux mains des paramilitaires

14 et de la police serbe, ainsi que de soldats de l'armée yougoslave. Il y

15 avait notamment des coups de poing, des coups assénés par des crosses,

16 viols, autres formes de sévices sexuels, mutilations et menaces de

17 violence, ainsi que tirs."

18 "En Macédoine, le haut-commissaire a parlé avec un réfugié dont l'oreille

19 avait été mutilée par un paramilitaire…"

20 One ne précise pas à quel endroit se trouve ce réfugié, mais le rapport se

21 poursuit en disant que d'autres ont fait état d'autres sévices physiques,

22 notamment, de bâtonnades aux mains de forces serbes juste avant d'arriver

23 au poste frontière de Blace. Peut-être que cela s'est passé à Blace.

24 Est-ce que dans vos registres, vous avez un homme dont l'oreille aurait été

25 mutilée ?

Page 36896

1 R. Non. C'est la première fois que j'entends parler d'un cas de ce genre

2 et je ne pense pas qu'il y ait eu un cas de ce genre sans se présenter chez

3 nous, parce qu'à Blace, il n'y avait pas d'équipe capable d'en prendre

4 soin. Il eut fallu certainement mener l'intéressé à l'hôpital, et ceux qui

5 étaient tabassés, comme vous le dites, et les autres, n'est pas ce que nous

6 avons vu.

7 Ce que nous avons vu et ce que nous avons fait ne confirme en rien

8 tout ceci. Tout ceci est inventé.

9 Q. Page 10 sur 16. Bas de page sous la rubrique "Macédoine."

10 "D'après des sources officielles du gouvernement, la Macédoine a accueilli

11 plus de 200 000 réfugiés du Kosovo.

12 "Hygiène médiocre, absence de suivi médical adéquat, des camps contenant

13 trop de réfugiés, tout ceci compromet la santé des réfugiés. Comme il n'y a

14 pas assez d'espace, ceci a une incidence négative sur les programmes

15 scolaires. Apparemment, il n'y a peu d'incidents qui se sont produits en

16 matière de sécurité dans les camps; dans certains cas, des réfugiés ont été

17 arrêtés et emmenés dans des postes de polices locaux parce qu'ils avaient

18 essayé de quitter le camp sans autorisation pour ce faire."

19 Voilà trois ou quatre facettes de la vie dans les camps au début ou dans la

20 première quinzaine du mois de mai. Le premier aspect c'était "suivi médical

21 inadéquat, le fait qu'il y a trop de réfugiés dans les camps, ce qui

22 compromet la santé des réfugiés." Etes-vous d'accord avec ce qui est dit

23 ici ?

24 R. Pour ce qui est de l'aide médicale et la prestation de cette aide

25 médicale, tout s'est passé comme je l'ai dit. Bien entendu, dans ces

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1 circonstances, je sais ce que c'est qu'une visite médicale en cabinet

2 médical où on a tous les équipements nécessaires. Je sais aussi ce qu'est

3 une aide médicale apportée ou fournie dans une tente. Dans ces

4 circonstances données, c'était suffisant pour apporter toute l'aide

5 nécessaire aux personnes qui en avaient besoin. Nous avons eu besoin

6 maintenant -- par exemple, si on allait maintenant dans une infirmerie à La

7 Haye, on trouverait des cas qui auraient besoin d'être référés ou transmis

8 vers des hôpitaux, des dispensaires. Ce n'est pas les mêmes conditions que

9 dans une tente.

10 Maintenant, pour ce qui est des confits avec la police, je me

11 souviens d'un conflit qui est survenu entre les Rom et les Albanais, et là,

12 véritablement la police est intervenue, et les autorités au final ont été

13 contraintes de séparer les Rom des Albanais. Je n'ai pas eu vent d'un autre

14 conflit quelconque. Pour autant que je le sache, il n'y en a pas eu.

15 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

16 témoin. Vous le comprendrez, Messieurs les Juges, je me suis contenté de

17 lui soumettre des rapports établis à l'époque. Pour ce qui est de M. Stein,

18 il enseigne en Angleterre. Il a un site Web qui s'appelle Centre de

19 documents concernant le génocide. Il en est le directeur et c'est de là que

20 viennent ces documents. Je ne sais pas quel est le statut qu'on va accorder

21 à ces documents, voulez-vous que nous les vérifions pour voir s'ils

22 viennent d'un site qui est mieux connu, et si c'est le cas, je ferai

23 l'impossible pour essayer de répondre à votre question.

24 Pour ce qui est des documents eux-mêmes, manifestement je demanderais leur

25 versement au dossier. A vous de juger, bien entendu. Mais si la pratique de

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1 la Chambre est bien ce que j'ai compris, si un témoin ne fait pas sien un

2 document, ce ne sera pas déclaré recevable. Ces documents pourraient vous

3 être utiles, Messieurs les Juges, mais je n'ai pas d'avis particulier. Je

4 vous ai soumis une hypothèse s'agissant du statut à réserver à ces

5 documents.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez des

7 questions supplémentaires.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Au sujet de ce que M. Nice vient de

9 demander. Je tiens attirer votre attention sur le fait que le témoin a

10 clairement indiqué qu'il n'est pas exact ce qui est dit dans ces documents.

11 Je crois que ce type de documents ne saurait être versés par le biais du

12 témoignage de ce témoin-ci. Or le témoin était présent, lui-même, en sa

13 qualité de fonction officielle de directeur des services d'assistance

14 médicale d'urgence.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons entendu ce que le témoin

16 a dit, Monsieur Milosevic. Si vous avez encore une ou deux questions, on

17 pourrait peut-être continuer, mais sinon, et on pourrait continuer pendant

18 cinq minutes. Par la suite, le témoin pourrait s'en aller.

19 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

20 Q. [interprétation] Docteur Aleksovski, vous avez évoqué en passant dans

21 ce que vous parlez de différents évènements qui ont été mis en scène. Vous

22 avez dit avoir vu des personnes mettre en avant quelqu'un qui avait été

23 blessé pour pouvoir le filmer. Ensuite, c'est quelque chose que vous avez

24 vu à la télévision. Pourriez-vous décrire cette mise en scène, à savoir

25 quelqu'un qui avait été prétendument blessé et qui a été mis devant la

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1 caméra alors qu'il n'avait pas été véritablement blessé.

2 R. Je me trouvais dans le camp à l'époque, le camp de Blace, et j'ai

3 décrit ce qui s'est passé. Ces caméras ont été placées devant nous. Ils ont

4 appelé un certain nombre de personnes, et cet homme en particulier,

5 quelqu'un qui marchait tout à fait normalement, est parti avec le caméraman

6 et est littéralement passé devant notre tente. Il a été emmené par le

7 caméraman, et plus tard notre équipe nous a dit, "Nous l'avons vu mettre en

8 place quelqu'un qui était parfaitement en bonne santé, et ils l'ont filmé

9 portant des béquilles." Ce soir-là, j'ai vu quelque chose à la télévision

10 sur cet événement en Macédoine. C'était la même personne, alors qu'il

11 n'était jamais venu nous demander de l'aide. Nous n'avons jamais constaté

12 qu'il ne pouvait pas marcher, ni qu'il souffrait d'une quelconque manière,

13 et j'en ai conclu que tout ceci avait été mis en scène. C'est la raison

14 pour laquelle je l'ai évoquée.

15 Q. Vous avez d'abord vu cet homme passé devant votre tente, et ensuite,

16 vous l'avez vu filmé en train de souffrir et en s'appuyant sur des

17 béquilles.

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Il était sur un brancard, et ceci a été présenté par la télévision.

20 R. Oui.

21 Q. Docteur Aleksovski, on voit ici une barrière. D'un côté de la barrière

22 on voit des policiers et de l'autre on voit un groupe de réfugiés. Est-ce

23 bien l'événement que vous nous avez décrit ? Vous nous avez dit que pendant

24 un certain temps la police ne permettait pas aux personnes de quitter le

25 camp avant que les camps, Stenkovac permanents 1 et 2, ne puissent les

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1 héberger ?

2 R. Oui, c'est exact. Ils ne les autorisaient pas à passer car la situation

3 aurait été complètement chaotique en ville si tout le monde s'était

4 précipité. Il fallait attendre que les camps soient prêts pour les

5 héberger. C'est quelque chose que tout le monde savait. Dans cette région,

6 il y avait un nombre très important de personnes qui était retenu dans un

7 espace très restreint.

8 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : aviez-vous vos propres médecins ou y

9 avait-il des médecins à disposition de l'autre côté de la barrière ? De ce

10 côté ici ou de l'autre côté ? Autrement dit, sur l'espace que vous avez

11 indiqué, est-ce que les médecins étaient au-delà de la barrière que vous

12 avez décrite ?

13 R. Ils étaient à l'intérieur, en direction du poste de frontière, et la

14 police était de l'autre côté, près de Skopje, de l'autre côté, donc notre

15 équipe était d'un côté, la police était de l'autre.

16 Q. Est-ce que cela signifie qu'il n'y avait aucun obstacle entre les

17 réfugiés et les équipes de médecins, ceux qui fournissaient les soins

18 médicaux ? Autrement dit, ils se mélangeaient à la foule et se trouvaient à

19 ce même endroit qui avait été alloué à cet effet ?

20 R. C'est exact. Il n'y avait aucun obstacle. Toutes les fois que la police

21 le souhaitait, elle pouvait venir lorsque quelqu'un avait mal à la tête, ou

22 souhaitait une Aspirine, ou avait des maux de ventre. Nous étions là parmi

23 ces personnes et la police venait nous demander des comprimés.

24 Q. Certains de ces rapports semblent indiquer que vous n'avez pas réussi à

25 aider tout le monde et à apporter des soins à tout le monde. Est-ce qu'il y

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1 avait une foule importante devant votre tente où toutes personnes qui

2 avaient besoin de soins médicaux parvenaient-elles jusqu'à votre tente ou

3 non ?

4 R. Ceci a été consigné par écrit et je le dis moi-même -- il y avait 1 900

5 personnes qui avaient été enregistrées. Plusieurs personnes sont venues

6 nous voir à plusieurs reprises, car certains souhaitaient un bandage

7 d'autre un comprimé. Mais personne n'a été renvoyé par nous. J'ai demandé à

8 ce que toute personne puisse être vue. Décision prise par le ministère de

9 la Santé, il fallait aider tout le monde. J'ai déjà dit, étant donné les

10 conditions qui prévalaient à l'époque, nous avons fait tout ce que nous

11 pouvions. Nous avons fourni des soins médicaux de base, et cela suffisait.

12 J'ai lu tous ces rapports et je peux dire qu'il y a 22 femmes qui ont été

13 hospitalisées et qui ont donné naissance à leur enfant à l'hôpital. Je ne

14 peux pas vraiment dire autre chose. Ces rapports ne sont tout simplement

15 pas exacts.

16 Q. Vous avez déjà dit que ces rapports étaient inexacts, et contredisent

17 ce que vous avez vu vous-même en tant que témoin oculaire.

18 Regardez le rapport rédigé par le haut-commissaire des droits de l'homme,

19 daté du 21 mai 1999. M. Nice a attiré votre attention à la page 6 de ce

20 rapport. C'est un rapport qui comporte 16 pages au total, et sous la

21 rubrique, torture et mauvais traitement, chapitre D, ou paragraphe D,

22 torture et mauvais traitement. C'est ce qu'on peut y lire au milieu de ce

23 premier paragraphe. On parle ici de la personne qui avait une oreille

24 mutilée par les paramilitaires "et ceux qui ont subi des exactions, y

25 compris des passages à tabac avec des bâtons infligés par les autorités

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1 serbes juste avant que les réfugiés soient parvenus au poste de frontière

2 de Blace."

3 Cela signifie qu'ils ont été battus avec des bâtons ou des crosses avant

4 qu'ils ne pénètrent le territoire ou vous pouviez le prodiguer des soins.

5 Avez-vous vu un seul Albanais qui portait des traces de passage à tabac,

6 par exemple, s'ils avaient été frappés avec un bâton ou des objets non

7 acérés des personnes -- avez-vous vu des traces de passage à tabac ? Avez-

8 vous jamais vu un seul réfugié portant les traces de tels passages à

9 tabac ?

10 R. J'ai travaillé pendant 22 ans dans les services d'urgence et j'ai vu un

11 certain nombre de personnes qui ont été passé à tabac par des objets non

12 acérés ou par des bâtons. Ces personnes viennent nous voir tous les jours.

13 Quelquefois ces personnes ont été frappées avec des crosses de fusil. Ce

14 sont des choses que l'on peut voir immédiatement. On sait exactement ce que

15 sont des matraques, des crosses de fusil, des bâtons. On sait exactement

16 quel type de blessures peut être provoquées par ce genre d'objets. Nous

17 n'avons aucune raison de nier ceci, et nous n'avons vu ou constaté aucun

18 cas de cette nature, car nous n'avons pas rencontré.

19 Q. Autrement dit, pas un seul cas de ce type ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Ici, il est précisé qu'ils ont été passés à tabac avant d'entrer dans

22 votre région de Blace, Blace qui est le poste frontière. Auriez-vous

23 constaté des blessures de ce type si vous les aviez vus ?

24 R. Si de telles personnes avaient subi ce genre de choses, elles seraient

25 venues vers nous. Nous étions les seules personnes à pouvoir leur prodiguer

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1 des soins, et nous aurions certainement reconnu des traces de telles

2 blessures.

3 Q. A la page 4 de ce document --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelque instant, s'il vous plaît,

5 Monsieur Milosevic.

6 Vous dites, ils ne pouvaient aller vers personne d'autre pour avoir obtenir

7 des soins. Y avait-il d'autres organisations humanitaires dans la région,

8 la Croix Rouge ou d'autres agences d'aide qui prodiguaient de l'aide hormis

9 votre propre centre médical ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début, non, il n'y avait personne d'autre.

11 Ils sont arrivés plus tard. Comme je vous l'ai déjà dit, le Croix Rouge

12 internationale ne pouvait pas traiter de tels cas, car il y avait parmi des

13 jeunes médecins qui n'étaient pas capable de gérer cette situation. Les cas

14 graves devaient être envoyés vers les hôpitaux.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque les autres agences d'aide

16 sont arrivées, vers qui se tournaient les réfugiés pour obtenir de l'aide ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était autour du 1er. Certains sont arrivés le

18 30, mais le 1er avril certains sont arrivés près de ce poste frontière, et

19 ils ont monté leurs tentes. Ils n'avaient rien et ils n'avaient pas de

20 véhicules ni d'équipement particulier. Même ces personnes qui sont allées

21 vers eux sont finalement allées vers cette agence, et ensuite elles sont

22 venues vers nous.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez terminé avec

24 vos questions supplémentaires, Monsieur Milosevic ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'en termine avec mes questions

Page 36904

1 supplémentaires.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une

3 pause.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela m'est égale. On peut faire la pause

5 maintenant, mais j'ai encore deux questions à poser, à ce moment-là, après

6 la pause.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause

8 maintenant. Pause de 20 minutes.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

12 terminer rapidement, car nous allons entendre votre prochain témoin.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Docteur Aleksovski, dans ce document qui vous a été présenté par M.

15 Nice, qui est daté du 4 avril 1999, "centre médical, ayant été le témoin

16 d'une crise au niveau de la santé publique, a condamné le refus de la

17 Macédoine à accepter les réfugiés du Kosovo." Je suppose que vous avez la

18 traduction sous les yeux, ou en tout cas, vous devez certainement recevoir

19 la traduction simultanée.

20 R. Non, je n'entends pas de traduction. Est-ce que cela signifie que je

21 dois --

22 Q. Encore une fois, ce document qui vous a été présenté par

23 M. Nice, ce groupe de médecins qui a témoigné à propos de la crise de santé

24 publique et a condamné la Macédoine pour son refus d'accepter les réfugiés

25 du Kosovo, ou en tout cas, de porter aide et assistance aux réfugiés du

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1 Kosovo, en demandant instamment à ce que des actions soient menées par

2 l'OTAN immédiatement. Ensuite, au paragraphe 2, "Situation générale. Les

3 réfugiés ne peuvent pas quitter la zone frontalière…" Vous en avez parlé,

4 et nous avons vu les photographies. Ensuite, il est précisé : "ou recevoir

5 une quelconque aide à ces endroits-là."

6 Est-il exact de dire, qu'a ce moment-là, à l'endroit où se trouvaient les

7 réfugiés, à l'intérieur de ces barrières, ils n'ont pas pu recevoir d'aide

8 ou d'assistance ?

9 R. Cela est tout à fait inexact. On leur a prodigué des soins médicaux, on

10 leur a fourni du pain et toutes sortes d'autres choses au niveau de la

11 frontière. Ils ne mourraient pas de faim.

12 Q. Très bien. Donc, vous dites que ce qui est écrit ici est inexact.

13 R. Oui.

14 Q. Au paragraphe 3, il est précisé que : "…une fois qu'ils sont passés de

15 l'autre côté, du côté de la Macédoine, les agences d'aide humanitaire n'ont

16 pas pu pénétrer dans la zone de 'no man's land' pour leur fournir de

17 l'aide. L'assistance leur a été fournie par des travailleurs de la Croix

18 Rouge de la région, et ils travaillaient 24 heures sur 24, mais ils ont été

19 dépassés par l'ampleur de leur besoin."

20 Tout d'abord, est-il exact de dire que la police macédonienne a refusé

21 l'entrée des personnes travaillant pour les agences d'aide pour leur

22 fournir aide et assistance alors qu'ils tentaient de rentrer ?

23 R. Cela n'est absolument pas exact. Je sais comment travaillent les

24 personnes pour les agences d'aide. Je sais comment fonctionne la Croix

25 Rouge. Ceci n'est pas exact.

Page 36906

1 Q. Est-il vrai de dire que vous tentiez de fournir aide et assistance à

2 toutes les personnes, mais que vous n'avez pas réussi à prodiguer vos soins

3 à tout le monde ?

4 R. Vous avez pu constater le nombre de personnes que nous avions. Nous

5 avons quatre équipes de médecins et nous étions tout à fait en mesure de

6 prodiguer des soins à toutes les personnes qui en avaient besoin.

7 Q. Y avait-il des personnes qui attendaient tout simplement et que vous

8 n'avez pas pu traiter parce que vous n'avez pas suffisamment de temps et de

9 ressources ?

10 R. Ceci est inexact.

11 Q. A la page suivante, en sous-titre, on parle de "Conditions de santé."

12 Il est précisé : "Eu égard à la souffrance des personnes qui étaient dans

13 un état de santé difficile, les soins médicaux étaient quasiment

14 inexistants, personnes souffrant de stress également."

15 Ceci est-il exact ? Malgré un nombre très important de personnes dans une

16 situation de détresse, on ne pouvait leur prodiguer des soins médicaux ?

17 R. Non, non.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Monsieur

19 Milosevic, je me tourne vers vous. Vous ne devez pas utiliser le temps qui

20 vous est imparti pour les questions supplémentaires pour poser ce type de

21 question, car le témoin visiblement n'est pas d'accord, ou n'est d'accord

22 avec aucune des propositions qui lui ont été soumises par le Procureur eu

23 égard à ce sujet-là. Par conséquent, vous n'avez pas besoin de réhabiliter

24 quoi que ce soit. Il n'est visiblement pas d'accord, et c'est quelque chose

25 que nous avons clairement noté.

Page 36907

1 Vous en avez maintenant terminé ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je n'en ai pas terminé, Monsieur Robinson.

3 Je garde à l'esprit le fait qu'il y avait un certain nombre d'agences

4 internationales qui étaient présentes sur place, et M. Nice a précisé que

5 l'auteur d'un de ces rapports a obtenu le prix Nobel. Ils ont décrit le

6 statut des réfugiés albanais de façon tout à fait inexacte et inappropriée.

7 Ceci doit être évoqué ici.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous présentez ceci devant le

9 témoignage de ce témoin, ces rapports, en somme, constituent un affront à

10 son propre pays, ou l'insulte à cet égard. Nous avons consacré beaucoup de

11 temps à ce témoin. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y consacrer

12 autant de temps.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite poser cette question au témoin.

14 Est-il exact, ce qui est précisé à la page 4 ?

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. "Les représentants des agences pour les réfugiés albanais de la région

17 ont également dit au PHR qu'ils avaient rencontré des difficultés,

18 n'avaient pas obtenu l'autorisation de venir en aide aux réfugiés."

19 Est-il exact de dire que certains médecins albanais ont tenté de venir en

20 aide aux réfugiés et que vous ne leur avez pas permis ?

21 R. Je n'ai jamais vu de telles organisations humanitaires, mais je dois

22 dire, encore une fois, qu'il n'y avait pas une seule agence d'aide

23 humanitaire qui était présente sur place et qui était disposée à les aider,

24 et que nous les avons empêchés.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --

Page 36908

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Aleksovski.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'étais sur le point de dire que la

3 Chambre de première instance a envisagé la possibilité d'admettre ces

4 documents, mais nous n'acceptons pas le versement au dossier de ces

5 documents, à l'exception des trois photographies qui sont suffisamment

6 évocatrices.

7 Les trois photographies sont versées au dossier, mais les commentaires en

8 bas de page ne sont pas versés au dossier.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit donc des documents qui

10 porteront le numéro 829.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Docteur Aleksovski, vous venez donc

12 de terminer votre témoignage devant ce Tribunal. Nous vous remercions

13 d'être venu déposer votre témoignage, et vous pouvez maintenant disposer.

14 M. NICE : [interprétation] Deux documents pris sur le site du Dr Stein sont

15 des photographies des premiers sites. Ce sont des photographies originales.

16 Il s'agit du rapport --

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Nice. Savoir si

18 le témoin a laissé ou a gardé l'intercalaire numéro 1 d'origine, c'est à

19 lui de nous le dire avant qu'il ne quitte le Tribunal.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous avons vérifié ce document,

21 c'est un original. Nos documents sont archivés, et toute personne des

22 archives peut utiliser un quelconque document. Toute personne peut en faire

23 des photocopies, mais je ne pense pas pouvoir vous laisser le document

24 original.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, vous pouvez emporter votre

Page 36909

1 original.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il y a un malentendu ici. Je

3 souhaite demander au Dr Aleksovski si nous pouvons garder l'original

4 pendant quelques instants, de façon à ce que nous puissions le comparer

5 avec la photocopie, et nous pourrions, évidemment, le lui renvoyer. Peut-

6 être pas aujourd'hui, mais le temps nécessaire pour comparer les deux

7 documents.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si les Juges ont un quelconque doute ou si

9 l'on remette en question l'original, à savoir si c'est une photocopie ou un

10 original, je peux vous laisser l'original pendant quelque temps, et

11 ensuite, vous me le renverrez. Cela, de toute façon, appartient aux

12 archives nationales.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. L'original, comme cela a été

14 précisé plutôt, aura une cote en même temps que les intercalaires 1 et 2.

15 Ils seront versés sous pli scellé, et nous vous renverrons l'original dès

16 que possible, Monsieur le Témoin.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la mesure du possible, je préférais

18 l'amener avec moi. Comparer les documents ne prend pas beaucoup de temps.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, décidez-vous, s'il vous

20 plaît. Vous changez d'avis sans cesse. Soit vous nous le laissez, soit non.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous laisser ce document. Simplement,

22 je n'ai pas saisi pendant combien de temps je dois vous laisser ce

23 document, car j'ai besoin de repartir.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, le greffe est en mesure de

25 faire une photocopie très rapidement. Cela ne pose aucun problème. Vous

Page 36910

1 pouvez repartir avec le document. Cela vous convient-il ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. D'accord.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Donc, nous nous sommes

4 compris cette fois-ci. Vous pouvez disposer, et le document original vous

5 sera remis une fois qu'une photocopie en aura été faite. Nous allons

6 organiser ceci avec le représentant du greffe.M. NICE : [interprétation] En

7 réponse à l'œil d'aigle et aux inquiétudes de M. le Juge Kwon, je

8 préciserais que des documents du Dr Stein ont maintenant trouvé leur source

9 --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voulais simplement faire

11 comprendre au témoin que, maintenant, il est autorisé à quitter le

12 prétoire.

13 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux poursuivre ? Il y a le

14 document du 5 mai de Mme Robinson. Nous avons trouvé la source, la source

15 étant le site du Département d'Etat américain. L'autre document, un rapport

16 non abrégé du 1er juin, nous n'avons pas encore trouvé la source. Est-ce que

17 c'est le Haut-commissariat aux Réfugiés ou est-ce que c'est le OHCHR ? Il y

18 a un problème là.

19 Nous n'avons pas encore trouvé la source, mais je peux quand même

20 vous dire que la BBC en a donné écho pour ce qui est de la situation qui

21 prévalait ce jour-là. Il y a un autre site du gouvernement qui utilise ce

22 document. Nous allons essayer de trouver la source originale, mais

23 apparemment c'est le reflet fidèle du rapport qui était présenté, et il est

24 possible de le constater même s'il n'est pas possible de trouver ceci sur

25 le site UN.

Page 36911

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il est tout à fait dénué de sens de

5 voir M. Nice proposer ici un rapport présenté par l'ambassadeur américain,

6 alors qu'à l'époque, son pays agresse le mien. Alors, voyez-vous ce qu'on

7 dit ici, on dit --

8 [Le temoin se retire]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous arrête,

10 car ce commentaire est hors de propos. Nous avons déjà réglé la question.

11 Votre témoin suivant.

12 M. KAY : [interprétation] Puisque nous attendons la venue du prochain

13 témoin, j'aimerais évoquer une question d'intendance.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez que

15 M. Milosevic cite le témoin à la barre.

16 Oui, avant que vous ne citiez votre témoin suivant, le Juge Bonomy

17 voudrait faire part de la décision rendue par la Chambre s'agissant des

18 documents dont le Procureur demandait le versement par le truchement du

19 témoin Balevic.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a six points dont les Juges

21 étaient saisis. Nous rejetons le versement au dossier de trois de ces

22 documents. Il s'agit des documents concernant l'appartenance à Sloboda,

23 l'interrogatoire de Solevic cité dans le journal Borba, et l'extrait du

24 journal Indépendant dans le numéro de septembre 1998, qui parlait du

25 rassemblement à Nis. Nous déclarons recevable comme pièce à conviction

Page 36912

1 l'extrait vidéo qui montre la réunion du 27 avril 1987, réunion avec des

2 Serbes du Kosovo. Nous acceptons l'extrait de l'ouvrage de Raif Dizdarevic,

3 et l'extrait vidéo qui montre la foule à Gazimestan et qui chante l'hymne

4 serbe.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Bonomy.

6 Maître Kay, vous voulez intervenir.

7 M. KAY : [interprétation] Rapidement. Le greffe m'a demandé de prévoir une

8 audience ex parte à 8 heures demain matin. Est-ce que les dispositions

9 peuvent être prises avec l'aide de votre juriste de la Chambre ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il aurait été heureux que nous

11 sachions pourquoi nous devons nous réunir.

12 M. KAY : [interprétation] Cela concerne la question --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, maintenant je suis au courant

14 de la question.

15 M. KAY : [interprétation] Il s'agit d'une résolution.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 M. KAY : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demain matin à 8 heures, d'accord.

19 Ce sera une audience ex parte.

20 M. KAY : [interprétation] Oui.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avions une procédure suivant

23 laquelle nous avions déterminé les conditions ex parte, et si l'accusé

24 voulait être présent, vous n'y faisiez pas objection.

25 M. KAY : [interprétation] L'accusé n'a manifesté aucun intérêt à la chose

Page 36913

1 donc cela ne le concerne pas.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. KAY : [interprétation] Cela ne concerne pas non plus l'Accusation, à

4 notre avis.

5 M. NICE : [interprétation] Nous étions présents la dernière fois, invités

6 ou autorisés à se faire par la partie adverse ou par la Chambre. Je voulais

7 simplement vous le rappeler.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. KAY : [interprétation] Vous allez, sous peu, au cours de la journée,

10 recevoir des écritures. Vous serez donc pleinement informés.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Demain matin, 8 heures.

12 Une cote pour les documents Balevic.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce seront les pièces 830 à 832.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre a relevé le fait qu'il n'y a

15 pas suffisamment de traduction pour les séquences vidéo, mais cela a été

16 corrigé pendant la déposition ici dans le prétoire, c'est pour cela qu'il

17 n'y a pas eu de réserve à l'admission de ce document.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre témoin suivant, Monsieur

19 Milosevic.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin suivant est Mirko Babik.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'après la liste, ce devrait être Goran

22 Stojcik.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Hors micro.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je disais que cette erreur dans l'ordre de

25 comparution ne pose pas de problème parce qu'il s'agit de trois témoins

Page 36914

1 qui, tous les trois, comme je l'entends, Dr Aleksovski, Stojcik, et Babik,

2 travaillent tous les trois au niveau des services médicaux d'urgence et

3 leurs témoignages sont complémentaires.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Allez-y.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître maintenant Goran Stojcik.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande au témoin de prononcer la

8 déclaration solennelle.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 LE TÉMOIN: GORAN STOJCIK [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir. Vous pouvez

14 commencer, Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

16 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Stojcik.

18 R. Bonjour.

19 Q. Pour gagner du temps, je vais parcourir quelques informations. Je ne

20 perds pas de vue l'heure qu'il est.

21 Est-il exact de dire que vous avez terminé vos études primaires et

22 secondaires à Skopje ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Où travaillez-vous et en quelle qualité y travaillez-vous ?

25 R. Je suis employé par les services médicaux d'urgence à Skopje. Mon poste

Page 36915

1 de travail est celui de chauffeur.

2 Q. Vous avez été chauffeur d'ambulance pour une équipe ?

3 R. Oui, chauffeur d'ambulance, en effet.

4 Q. Chauffeur d'ambulance. En cette qualité, au niveau de ces services

5 médicaux d'urgence, vous avez travaillé là-bas pendant l'agression de

6 l'OTAN sur la Yougoslavie ?

7 R. Oui.

8 Q. Tout le temps ?

9 R. Tout le temps, pendant l'agression j'entends, l'agression de l'OTAN sur

10 la Yougoslavie.

11 Q. Est-ce que, pendant cette période, vous avez été de permanence à un

12 passage frontière quelconque, et si oui, lequel ?

13 Avez-vous été de permanence dans les camps d'accueil, et où ?

14 R. J'ai été présent au passage frontière officiel Donje Blace, puis au

15 camp Stenkovac 1 et Stenkovac 2.

16 Q. Monsieur Stojcik, nous avons ici une carte qui nous montre

17 l'emplacement de cette partie-là de la Macédoine. J'aimerais que la chose

18 soit placée sur le rétroprojecteur afin que le témoin puisse nous montrer

19 où cela se trouve. Celle-ci est une copie quelque peu meilleure parce que

20 j'ai un exemplaire plus grand, enfin, c'est égal.

21 Veuillez montrer à l'aide du pointeur, je vous prie, et nous indiquer où se

22 trouve le passage Donje Blace, passage auquel vous vous êtes rendu, à

23 combien de kilomètres cela se trouve de Skopje. Indiquez-nous l'emplacement

24 de Stenkovac 1, Stenkovac 2, et dites-nous à quelle distance de Skopje cela

25 se trouvait-il.

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1 C'est tout à fait au nord. Vous voyez où se trouve Skopje, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, ici --

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Utilisez la carte, pas l'écran.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien. Voilà, ici nous avons le passage

5 frontière officiel, Donje Blace. Cela se trouve à quelques 23, 24

6 kilomètres de la capitale, de Skopje.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Et Stenkovac 1 et 2 ?

9 R. Stenkovac 1 et 2 se trouvaient à six kilomètres et demi. Entre

10 Stenkovac 1 et 2 en direction de Blace, l'un et l'autre se trouvaient à

11 500, 600 mètres, l'un de l'autre.

12 Q. Montrez-nous Tetovo ?

13 R. Tetrovo se trouve à quelques 45 kilomètres de la capitale de Skopje.

14 Q. Pour arriver jusqu'à Tetovo, il faut passer par Skopje ?

15 R. De Tetovo, on passe par Skopje pour aller vers la frontière.

16 Q. Merci. Vous pouvez enlever cette carte du rétroprojecteur parce que

17 nous y avons vu tout ce qu'il y avait à voir.

18 Alors, vous avez circulé le long de cette route sans cesse et vous avez été

19 de permanence à ce passage frontière ainsi qu'au sein des camps Stenkovac 1

20 et 2, ainsi qu'au passage frontière de Donje Blace, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. En votre qualité de personne qui était sur place, vous avez dû

23 rencontrer bon nombre d'Albanais qui ont traversé la frontière pour entrer

24 en Macédoine ?

25 R. Oui, c'est exact.

Page 36917

1 Q. Pendant ce temps-là, pendant tout ce temps-là que vous avez passé là-

2 bas, avez-vous remarqué quelque Albanais que ce soit, arrivant du Kosovo,

3 blessé ?

4 R. Non.

5 Q. Avez-vous remarqué qui que ce soit avoir été passé à tabac ?

6 R. Non plus.

7 Q. Avez-vous remarqué un Albanais blessé par balle ou par arme

8 quelconque ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous avez vu des équipes de télévision, des caméramans, des

11 reporters ?

12 R. Des correspondants étrangers, des reporters, des caméramans, ils en

13 avaient en grand nombre.

14 Q. Vous souvenez-vous des équipes présentes étant donné que vous étiez

15 constamment là-bas ? Ils se trouvaient à proximité de là où vous vous

16 trouviez ?

17 R. Ils se trouvaient juste à côté de nos tentes à nous. Je veux dire dès

18 le début de l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie, nous avions placé

19 deux tentes de l'autre côté, au passage frontière de Blace et les

20 caméramans se sont disposés immédiatement. Après, il y avait la télévision

21 de Turquie, d'Italie, la BBC, la CNN et beaucoup d'autres équipes que je ne

22 peux vous citer toutes.

23 Q. Veuillez m'indiquer maintenant, est-ce que vous avez suivi ce qui se

24 passait là-bas ?

25 R. J'ai suivi ce qui se passait pendant que j'étais à mon poste de

Page 36918

1 travail.

2 Q. Est-ce qu'ils ont filmé avec leur caméra les Albanais, indépendamment

3 de leur rage ou procédaient-ils à une sélection quelconque ?

4 R. Il y a eu des films de tourné de façon sélective.

5 Q. Que voulez-vous dire par sélective ?

6 R. Quand je dis sélective, j'entends par là que l'on mettait de côté, les

7 enfants, les personnes âgées et on faisait des choses qui ne sont pas des

8 choses que devraient faire des maisons de télévision.

9 Q. Mais quand vous dites, faire certaines choses qui sont inappropriées,

10 qui sont inadéquates pour des chaînes de télévision, est-ce que vous pouvez

11 dire ce que vous avez vu de concret ?

12 R. Pour être concret, j'étais présent lorsqu'à l'occasion du passage

13 frontière, de ce passage frontière officiel de Blace, un homme âgé de

14 quelque 65 ans, avait pris deux petits enfants par leurs mains et un

15 caméraman est descendu, il se trouvait non loin de nous avec un reporter,

16 ils se sont entretenus avec le vieillard et puis, tout à coup, le vieillard

17 et les enfants sont revenus de 50 mètres en arrière, et ils ont réitéré

18 cette arrivée mais sous une lumière autre. Les enfants étaient en train de

19 pleurer cette fois-ci à vous arracher le cœur de peine. J'avais du mal à y

20 croire, à en croire mes yeux.

21 Q. Mais ces équipes de télévision expliquaient-ils aux réfugiés ce qu'ils

22 fallaient qu'ils fassent devant les caméras ?

23 R. Avant que de tourner ces scènes, ils s'entretenaient avec eux et très

24 probablement, ils organisaient la scène toute entière.

25 Q. Bien.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où venaient ces équipes de

2 télévision, est-ce que vous le savez ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait d'une chaîne de télévision

4 occidentale de grande renommée.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Laquelle ?

7 R. Je préfère ne pas répondre à cette question.

8 Q. Pourquoi ne pas répondre, expliquez ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, vous devez répondre. Vous

10 n'avez pas de raison en droit qui vous empêcherait de répondre.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bon, je vais vous le dire. Il s'agit en

12 premier lieu de la CNN.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. En quoi la CNN prenait-elle les devants ?

15 R. Elle prenait les devants pour ce qui de ces scènes mises en scène, ce

16 tournage d'événements qui n'étaient pas des événements réels.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais savoir quelles sont les

18 organisations qui ont mis en scène cet incident-là ? L'incident que vous

19 venez de décrire avec ce monsieur âgé et les deux enfants ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris votre question.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Quelle équipe de télévision avait organisé cette scène avec ce

23 vieillard ? Laquelle de ces chaînes de télévision a fait revenir ce

24 vieillard avec ces enfants pour que les enfants reviennent en pleurant ?

25 R. J'ai dit assez clairement qu'il s'agissait de la maison de télévision

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1 CNN.

2 Q. Avez-vous vu d'autres exemples où il apparaissait avec évidence que

3 l'on préparait les gens pour un tournage en leur suggérant ce qu'il fallait

4 faire ? Est-ce que vous pouvez nous donner des descriptions ?

5 R. Oui, je peux le faire. Il y a un autre événement qui m'a révolté

6 personnellement. Cela se passait au niveau du centre d'accueil, au passage

7 Blace. Il y avait un centre d'accueil, à gauche. Les gens étaient

8 rassemblés là entre l'autoroute et la rivière Lepenac. Cela se passait

9 pendant les tous premiers jours. Je me souviens qu'ils ont pris un enfant

10 en le jetant dans la boue et les autres équipes de télévision sont

11 accourues pour filmer.

12 Q. L'enfant, quand on l'a jeté dans la boue, a pleuré ?

13 R. Oui, l'enfant a pleuré autant qu'il le pouvait.

14 Q. Avez-vous vu d'autres cas où l'on a réitéré des scènes, où les réfugiés

15 étaient conviés à revenir pour reprendre les scènes ?

16 R. J'ai été témoin de la scène de tout à l'heure seulement et je ne peux

17 parler que de celle-là. Pour ce qui est d'autres dont j'ai eu vent de la

18 part de mes collègues, je pourrais vous les raconter, mais je préfèrerais

19 ne pas le faire, à moins que la Chambre ne veuille que je le raconte.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous estimez que le témoin devrait

21 nous dire ce que ces témoins lui ont rapporté, parce que les deux cas qu'il

22 nous a décrits, ce sont des cas qu'il a vu personnellement et les autres

23 sont ceux de ses collègues ?

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A vous de décider, Monsieur

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1 Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Avez-vous un cas caractéristique autre à nous raconter au sujet de ces

4 mises en scène concernant la souffrance des réfugiés à la frontière ?

5 R. Il y a eu des cas où un groupe, et là je suis en train de parler des

6 camps de Stenkovac 1 et 2, lorsqu'ils ont été créés. Donc, un groupe de

7 jeunes gens assez nombreux ont pris sans autorisation nos civières de notre

8 ambulance et sont passés à côté de la tente. Il y avait un jeune homme qui

9 était plié de douleur, en faisant semblant d'être blessé. Toutes les

10 équipes sont accourues et elles sont toutes venues pour tourner. Lorsqu'ils

11 ont fini de tourner, le jeune homme s'est levé de la civière, ils se sont

12 salués cordialement les uns les autres et ils nous ont rendu la civière. Ce

13 sont mes collègues qui ont été de permanence là-bas qui me l'ont raconté.

14 Q. Veuillez nous dire bon, il suffit. Quel a été le comportement de ces

15 réfugiés albanais, quel a été leur comportement à Skopje.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je voudrais

17 poser une question au témoin à ce propos. Vous dites que c'est une scène

18 dont vous avez été vous-même le témoin oculaire, ou est-ce que c'est

19 quelqu'un qui vous l'a relatée ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je viens de vous raconter, c'est ce qui

21 m'a été rapporté par mes collègues, les deux autres cas que je vous ai

22 relaté sont des cas que j'ai vu de mes yeux.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque vous avez été le témoin de

24 ces mises en scène, est-ce que vous avez fait quelque chose, est-ce que

25 vous avez dit quoi que ce soit à ces réfugiés qui se mettaient en scène,

Page 36922

1 qui jouaient des rôles ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'adresse maintenant aux Juges de la

3 Chambre, pour dire que j'étais là-bas pour des raisons humanitaires, pour

4 des raisons de prestation d'assistance à des réfugiés. Je n'avais pas, moi,

5 les attributions qu'il fallait pour faire des commentaires ou pour

6 m'aventurer à faire des commentaires.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, vous n'avez rien dit à ce

8 moment là ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] En présence de tant d'effectifs de sécurité de

10 chez nous, de la douane, je ne pense pas que j'aie été convié à aller me

11 rendre là-bas pour leur faire mes commentaires.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.

13 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Comment se comportaient les réfugiés albanais du Kosovo à Skopje ?

16 R. Etant donné que les réfugiés étaient nombreux, ils venaient de milieux

17 urbains et ruraux, et ceux qui avaient de l'argent au début ont été

18 transférés vers la ville. Ils avaient de la famille à Skopje. Certains ont

19 loué des chambres, certains se sont logés à l'hôtel, tout dépendait de la

20 quantité d'argent que chacun avait et, ils ont eu du bon temps.

21 Q. Donc, si certains avaient suffisamment d'argent pour louer des chambres

22 à l'hôtel, pour se déplacer en ville et se comporter comme tous les autres

23 citoyens de la Macédoine, les citoyens aisés de celle-ci ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Avez-vous remarqué, avez-vous remarqué disais-je, et avez-vous été à

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1 même de vous rendre compte s'ils avaient des pièces d'identité, de

2 l'argent, des téléphones portables, des armes, d'autres objets

3 caractéristiques que vous estimeriez dignes d'être mentionné ?

4 R. D'après moi quand j'ai été là-bas, quand je me suis trouvé là-

5 bas, j'ai pu constater que les gens qui étaient logés dans les camps

6 avaient de l'argent. Je l'ai vu parce qu'ils achetaient tous les jours des

7 cigarettes et des chauffeurs de taxi de Skopje amenaient tous les jours des

8 cigarettes. Peu de temps après, on a ouvert un magasin juste devant le

9 camp, où ils ont pu acheté eux-mêmes.

10 Maintenant pour ce qui est de téléphones portables, ce que je peux

11 vous dire c'est que certains en avaient non pas un, mais deux ou trois, en

12 même temps. Il y avait des gens qui étaient très bien habillés. Je pourrais

13 même qualifier cette façon de s'habiller comme extravagante. Il y avait des

14 gens qui avaient des walkmans qui avaient des animaux domestiques et

15 certains se sont présentés pour être examinés par nos équipes.

16 Nous avions un technicien et un médecin qui se sont chargés de cela,

17 donc c'est à eux de leur demander s'ils ont des documents sur eux, des

18 pièces d'identité ou pas.

19 Q. Mais, avez-vous vu, vous, des cas où certaines personnes auraient eu

20 des armes ?

21 R. Personnellement, non.

22 Q. Quel a été le traitement réservé parmi ces réfugiés du Kosovo aux

23 autres, à savoir aux Rom, parce qu'il y a eu bon nombre de Rom, avez-vous

24 eu l'occasion d'en voir ?

25 R. Des Rom, il y en a eu en grand nombre. Mais, dès leur arrivée, dès le

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1 passage de ce passage frontière officiel, les Rom ont été installés à part.

2 Il y a eu une espèce de rejet dès le début de l'accueil des réfugiés du

3 Kosovo. Ils arrivaient que les denrées alimentaires distribuées par les

4 organisations humanitaires fussent données aux albanais pour que ceux-ci

5 les répartissent. Ensuite, un Rom est arrivé, je ne sais pas comment il a

6 pu sortir, il est sorti, il s'est débrouillé pour sortir et il est venu se

7 plaindre pour dire qu'on ne leur donnait rien.

8 Cette intolérance vis-à-vis d'eux, au bout d'une semaine ou deux,

9 cela a eu une escalade telle qu'à Stenkovac, il y a eu un lynchage

10 organisé. Si les membres des services de sécurité n'étaient pas intervenus,

11 je crois que même la Croix Rouge allemande est intervenue. A un moment

12 donné, les Rom auraient été lynchés pour de bon.

13 Q. Mais, est-ce qu'on les a mis de côté pour les protéger ?

14 R. Les Rom ont été mis de côté et ont été installés non loin de Skopje

15 dans des centres d'installation collective. Je crois qu'ils ont été

16 essentiellement logés à proximité de Saraj [phon]. Saraj étant un lieu

17 d'excursion appelé aussi Cicino Selo. Une partie a été logée dans des

18 centres d'accueil à Vodno [phon], je crois que cela s'appelle Dare Bombol.

19 Je pense qu'ils ont été logés dans un centre de repos de jeune au village

20 de Ljubote.

21 Je vais vous dire également que ces réfugiés, de nos jours encore, se

22 trouvent dans notre pays et que de nos jours encore nous sommes en train de

23 déployer des efforts humanitaires à leur égard.

24 Q. Donc, ils ne sont pas rentrés au Kosovo ?

25 R. Non, ils disaient que pour retourner, on devait les appeler soit des

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1 Egyptiens, faute de quoi il n'y aura pas de retour possible pour eux.

2 Q. Ici, les gens sont venus dire que les albanais ont refusé d'accepter le

3 pain de Skopje, voulaient du pain de Tetovo, apparemment cela a été vrai

4 pour d'autres denrées alimentaires. Vous étiez chauffeur, est-ce qu'il est

5 vrai, qu'ils préféraient aller à Tetovo à l'hôpital, plutôt qu'à un hôpital

6 à Skopje ? Est-ce que vous avez des informations à ce propos ?

7 R. Au début, ils ont été bien reçus sans problème, dans les centres

8 d'accueil. Une fois que les camps ont été établis, Stenkovac 1 et Stenkovac

9 2, leur comportement a changé. Par exemple, le pain que nous leur avons

10 apporté venant de l'entreprise Zutolux à Skopje, ils ne l'ont pas accepté,

11 ils voulaient que leur soit apporté du pain de la boulangerie de Tetovo,

12 par exemple.

13 Q. Tetovo, c'est une ville où il y a une majorité d'albanais dans la

14 population ?

15 R. Oui, 90% des habitants de Tetovo sont des albanais.

16 Q. Dites-moi ceci, est-ce que vous avez eu l'occasion de parler à des

17 albanais, à des réfugiés albanais pour savoir, pour apprendre la raison de

18 leur départ du Kosovo et de leur fuite en Macédoine ? Est-ce que vous avez

19 pu aussi peut-être parler aux réfugiés Rom pour la même question, pour

20 savoir pourquoi ces gens étaient partis du Kosovo pour partir en

21 Macédoine ?

22 R. Oui, effectivement, j'ai eu l'occasion de le faire. Le tout premier

23 jour du bombardement de l'OTAN, les premiers réfugiés qui sont arrivés en

24 Macédoine. Nous étions curieux, on voulait savoir pourquoi ces gens

25 prenaient la fuite, quels étaient les problèmes qu'ils avaient rencontrés

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1 au cours de ces premiers jours. Vous aussi vous essayeriez de partir si

2 vous aviez des bombes qui vous tombaient sur la tête. Mais lorsque ces gens

3 ont été installés dans les camps de Stenkovac 1 et 2, la situation a

4 changé.

5 Q. Qu'est ce que vous voulez dire ?

6 R. Cela a changé parce que ces gens ont dit qu'ils avaient subi des

7 sévices, qu'ils avaient été chassés, ce genre de chose.

8 Q. Est-ce que cela a été à ce moment-là, le récit communément accepté.

9 R. Oui. Il y a eu changement d'avis radical après deux ou trois semaines.

10 Q. Je vous remercie. Pas d'autres questions.

11 R. Merci.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice. Oui, la carte est

14 versée au dossier. Quelle est la cote, Madame la Greffière ?

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D282.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

17 Monsieur Nice.

18 M. NICE : [interprétation] Quelques questions. Je ne suis pas ici pour

19 défendre la CNN et je n'avais pas été avisé que ce genre d'élément allait

20 être présenté.

21 Contre-interrogatoire par M. Nice :

22 Q. [interprétation] Mais peut-être pourriez-vous nous aider sur ce point :

23 l'équipe de la CNN, est-ce qu'elle comptait notamment des journalistes

24 réputés que nous pourrions interroger pour juger de la véracité de ce qui a

25 été dit ?

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1 R. Monsieur Nice, je ne voulais pas donner de noms. Je vous dirais quand

2 même ceci : c'était Mme ou Mlle je ne sais pas, Mme Christiane Amanpour qui

3 était là tout le temps.

4 Q. Oui, je voulais simplement sonder le terrain pour savoir si la CNN

5 voulait réagir. Vous dites qu'elle a mis en scène une de ces deux scènes.

6 Laquelle ? Simplement pour vérifier --

7 R. Monsieur Nice, je n'ai pas dit que c'était elle, que c'était Mme

8 Christiane Amanpour qui l'aurait mis en scène. J'ai dit qu'elle a été

9 présente pendant toute la durée de la crise. Vous, vous m'avez demandé s'il

10 m'était possible de vous donner un nom. C'est comme cela que j'ai compris

11 la question.

12 Q. Moi, je voulais simplement savoir qui avait assuré la mise en scène où

13 cet enfant jeté dans la boue ou ce vieillard est avec ses deux enfants.

14 Comme cela nous pourrions peut-être réagir. Moi, je n'ai pas d'avis

15 catégorique ni dans un sens ni dans un autre. Qui est-ce qui a assuré cette

16 mise en scène ?

17 R. Vous voyez, j'ai dit que c'était l'équipe de la CNN. Quant à savoir qui

18 en particulier l'a fait, je ne sais pas. Moi, je ne connais pas ces gens.

19 Je n'ai jamais eu l'occasion d'être présenté en personne de cette équipe

20 mise à part cette femme. Cette dame, je la connais. D'autres ont dit c'est

21 comme cela qu'elle s'appelait, nom et prénom. Maintenant, si vous voulez

22 mener une enquête, faites-le. Ce serait facile. Vous pourrez aller voir la

23 télévision d'état et les chaînes privées. C'était vraiment apparu au moment

24 des nouvelles, au moment de grande écoute. Vous pourrez confronter tout

25 cela.

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1 Q. Vous ne vous êtes pas plaint manifestement personnellement auprès de la

2 CNN après avoir vu ce que vous avez vu ?

3 R. Monsieur Nice, écoutez, je n'étais pas payé pour me plaindre si des

4 gens ont filmé. Moi, j'étais payé pour m'occuper des patients s'ils

5 venaient nous voir, s'ils avaient des problèmes de santé, et s'il fallait

6 conduire quelqu'un à l'hôpital. C'est ce que je devais faire.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

8 vraiment interrompre ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, j'interromps. C'est parce que le témoin

10 utilise quelque terme en macédonien. Le terme notamment "pracen," et cela a

11 été interprété comme étant "placen". "Pracen", cela veut dit qu'il a été

12 envoyé. Il n'était pas envoyé pour s'occuper de ce genre de chose. Il

13 n'était pas payé, ce qui serait la traduction de "placen".

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sont d'accord. Effectivement, ils ont

15 entendu "placen" avec un L et non pas le terme "pracen".

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin dit simplement qu'il a été dépêché

17 sur les lieux en raison de sa fonction.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cette correction. Les

19 interprètes sont d'accord avec vous.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Vous avez parlé de la présence de la Croix Rouge allemande. Est-ce

22 qu'il y avait d'autre Croix Rouge d'autres pays qui étaient sur place aussi

23 mis à part la Croix Rouge allemande ?

24 R. Ce que je peux dire c'est qu'il y avait un dispensaire français, un

25 dispensaire israélien qui avaient été établis dans le camp de Stenkovac 1,

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1 alors que la Croix Rouge allemande, elle, elle se trouvait dans Stenkovac

2 2.

3 Puisque vous me posez la question à propos de ces hôpitaux de campagne ou

4 de dispensaires, je peux vous dire que les Israéliens sont venus, et que

5 deux ou trois jours plus tard, ils sont partis. Ils ont apporté tout leur

6 matériel et ils sont partis.

7 Q. Une dernière chose : vous avez parlé de récit radicalement modifié

8 s'agissant de ce que les réfugiés disaient des raisons qu'ils les avaient

9 poussé à partir. Avant c'étaient à cause des bombardements, après c'était à

10 cause de l'armée. Est-ce que cette modification est intervenue vers la fin

11 mars, avant le 1er avril ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que cela a dû être un lapsus de la

15 part de l'interprète, parce qu'on a entendu fin mai, alors que

16 manifestement d'après le compte rendu c'était fin mars. Oui, il doit y

17 avoir confusion entre mars et mai. J'ai entendu l'interprète qui disait

18 mai, avant la fin du mois de mai, ce qui est l'interprétation dont a reçu

19 le témoin.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

21 Monsieur Nice, s'il vous plaît, poursuivez.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Est-ce que c'est exact, est-ce que d'après ce que vous dites dans votre

24 déposition, cette modification dans le récit donné par les réfugiés est

25 intervenu avant le 1er avril ?

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1 R. Ce que j'ai dit c'est qu'au début des bombardements, les gens avaient

2 un avis, là je parle du 24 mars, avis qu'ils ont modifié après avoir été

3 installés dans les camps Stenkovac 1 et 2.

4 Q. Est-ce que vous dites avoir parlé aux mêmes personnes ou est-ce qu'il

5 s'agissait de personnes différentes ? Je vais revenir à cette question,

6 parce que nous avons des éléments de preuve apportés notamment par le haut-

7 commissariat ou le commissaire des Nations Unies chargé des réfugiés, qui

8 parlait du début de cet influx intervenant le 1er avril, il y a eu beaucoup

9 de déplacements vers la Macédoine. Cela n'a commencé qu'au mois d'avril,

10 n'est-ce pas, des trains qui déposaient des milliers de personnes à la

11 frontière.

12 R. Monsieur Nice, vous parlez de train, moi, je ne les ai pas vus. Je ne

13 savais pas si les gens étaient arrivés à pied, en train, ou de façon

14 organisée. Je vous ai dit que la plus grosse vague est intervenue entre le

15 27 mars et le 4 avril. Une vague de personnes qui sont arrivées dans la

16 nuit du 5 au 6, ces gens ont été transférés dans les camps.

17 M. NICE : [interprétation] Pas d'autres questions. Il se peut que j'aie un

18 extrait de la CNN, suite à ce que le témoin a dit ou quelque chose que nous

19 avons déjà dans nos archives mais je ne peux pas en parler vu ce que le

20 témoin dit.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, puis-je vous

22 demander votre âge ? Quel âge avez-vous aujourd'hui ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né en 1969.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il fait plus jeune, n'est-ce pas ?

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1 Monsieur Stojcik, ceci met fin à votre déposition. Merci d'être venu en

2 tant que témoin. Vous pouvez désormais disposer.

3 Nous allons, de toute façon, lever l'audience. Elle reprendra demain à 9

4 heures.

5 [Le témoin se retire]

6 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 2

7 mars 2005, à 9 heures 00.

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