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1 Le mercredi 1er juin 2005
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.
7 M. NICE : [interprétation] J'espère que nous pourrons parler de la
8 production des pièces à la fin de la déposition. Seulement, il serait peut-
9 être mentionné maintenant ou signalé que nous aurions, sans doute des
10 pièces. Il y a, notamment, cet enregistrement vidéo de la manifestation de
11 1991 et la réaction de la police. L'enregistrement vidéo des obsèques de
12 Badza et la carte, celle qui a été annotée et qui vient de ce mur, à Kula.
13 Ce serait donc, trois pièces dont je demanderais éventuellement le
14 versement.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
16 LE TÉMOIN: OBRAD STEVANOVIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]
19 Q. [interprétation] Ce matin, afin de veiller à ce que j'ai bien couvert
20 tous les domaines essentiels dans le temps que je me réserve, je vais
21 passer maintenant à quelques questions concernant la Croatie. Nous
22 passerons par la Bosnie pour retourner au Kosovo.
23 M. NICE : [interprétation] [interprétation] Peut-on présenter au témoin --
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
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1 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas reçu
3 l'interprétation. Est-ce que les micros sont branchés ?
4 L'INTERPRÈTE : Oui, le micro est branché, la lumière est allumée.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Nice, dans le courant de la journée
7 d'hier, au début du contre-interrogatoire s'est référé à une réunion de ce
8 conseil de coordination des positions de l'Etat. Il a dit qu'il y avait le
9 président Cosic et ainsi de suite. Alors, j'avais demandé qu'on me
10 fournisse ce document. Vous avez dit qu'il fallait que je l'obtienne.
11 Contre moi, je ne l'ai toujours pas reçu.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je serais très déçu
13 si cela n'avait pas été fait, davantage que déçu.
14 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, j'espère que ce n'est pas le
15 cas. Nous sommes submergés de documents dans ce procès et si par omission,
16 j'ai oublié de me souvenir qu'il fallait vérifier que ce document, qui est
17 déjà une pièce versée au dossier, a bien été fournie à l'accusé, bien sûr,
18 j'en suis responsable. Je veillerai à ce que ce soit fait et de toute
19 façon, les questions supplémentaires ne commenceront pas avant demain. Je
20 n'aurai pas fini aujourd'hui.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veillez à ce que cette pièce soit
22 transmise à l'accusé le plus vite possible.
23 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Je tiens à rappeler ceci à
24 l'accusé. C'est le procès-verbal d'une des réunions du conseil chargé de
25 l'harmonisation. Nous n'avions pas reçu la transcription intégrale.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Dicklich est tout à fait
2 fiable. Elle va veiller à ce que ce soit fait.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Monsieur Stevanovic, je vais vous demander d'examiner ce document qu'on
5 va vous remettre dans un instant, pièce qui est déjà versée au dossier, la
6 pièce 607, intercalaire 13. Je vais demander qu'on place la version en
7 anglais sur le rétroprojecteur. Document du 1er octobre 1991, qui est décrit
8 comme étant classé secret et qui va du colonel Stefan Mitrevski, au
9 secrétariat fédéral à la Défense, service de l'Administration de la Défense
10 nationale.
11 Je vais vous demander de prendre le troisième paragraphe, à partir de la
12 fin du document. Je rappelle, c'est une pièce déjà versée au dossier. Il
13 est question d'actions menées en Croatie. Monsieur l'Huissier, veuillez
14 nous donner la deuxième page, le bas de la deuxième page, plus exactement.
15 Oui, c'est bien cela.
16 "Une rumeur circule parmi les membres de la JNA basés dans cette zone selon
17 laquelle Arkan ne passe à l'action qu'après qu'il n'y ait nettoyage de la
18 zone par les Unités de la JNA et que lui est dans cette zone. Il commet des
19 crimes. Il pense qu'Arkan agit de la sorte avec le soutien entier du SDB de
20 Serbie."
21 Apparemment, en 1991, Arkan commettait des crimes avec le soutien de la
22 Sûreté de l'Etat de Serbie. Est-ce qu'Arkan agissait en tout impunité à
23 partir de la Serbie ?
24 R. Aucune connaissance au sujet de ce qui figure dans ce passage pour ce
25 qui me concerne. Je tiens à vous rappeler qu'en 1989, 1990, 1991, j'ai
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1 séjourné au Kosovo et j'ai traité des problèmes du Kosovo. C'est la
2 première fois que je vois cette information et que j'entends parler des
3 informations qui découlent du passage dont vous venez de donner lecture.
4 Q. En 1991 et pendant toute cette période, vous, vous étiez au Kosovo,
5 c'est cela ?
6 R. Dans la majeure partie de 1990, 1991, j'étais au Kosovo. Je ne peux pas
7 vous dire avec certitude à quelle période au juste, mais j'y ai passé
8 certainement plus de six mois.
9 Q. Avant l'assassinat d'Arkan, il y avait beaucoup de rumeurs qui
10 circulaient pour dire que c'était un criminel, de toute façon et à bien des
11 égards.
12 R. Il y avait des informations de cette nature. Personnellement, je n'en
13 ai pas disposé et je n'en ai pas obtenu d'office.
14 Q. Ici, c'est un simple rappel à l'intention des Juges et pour ne pas
15 perdre de temps, c'est un plan fixe, tiré de l'enregistrement vidéo des
16 obsèques de Badza, en 1997. Nous voyons que derrière l'accusé, entre lui et
17 Lilic qui se trouve à notre droite à nous, il y a Arkan.
18 Jusqu'au moment de son assassinat, votre police n'a jamais essayé
19 d'enquêter sur les crimes qu'il avait commis, n'a jamais essayé de
20 l'arrêter, ni de le contrôler d'une quelconque façon. Est-ce que c'est
21 quelque chose d'exact à votre avis ?
22 R. Je ne sais pas de quels crimes vous êtes en train de parler ici. Ce que
23 je pense c'est que la police de Serbie n'a pas eu connaissance, sur le plan
24 concret, de quelque crime que ce soit, commis par cette unité. Pour autant
25 que je le sache, cela faisait partie de l'armée de la Krajina serbe et je
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1 n'en ai eu connaissance, personnellement, qu'en 1995, date à laquelle, j'ai
2 séjourné avec les Unités spéciales de la Police, à Vukovar et dans ces
3 environs.
4 Auparavant, je n'ai eu aucun contact avec Arkan et je n'ai eu aucune
5 information directe sur ce qu'il faisait et sur les modalités
6 d'intervention de sa part mises à part les quelques informations reprises
7 par les médias.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, voyons-nous Arkan
9 sur cette image ?
10 M. NICE : [interprétation] Il se trouve derrière l'accusé. A notre droite,
11 vous avez un homme moustachu. Il portait la moustache à l'époque, c'est
12 Lilic. Puis entre les deux, vous avez la tête d'Arkan.
13 Q. Monsieur Stevanovic, on ne vous voit pas ici, mais je suppose que vous
14 êtes une de ces têtes qui porte une casquette de police, n'est-ce pas ?
15 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le début.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez répéter, votre micro
17 n'était pas branché, Monsieur.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Comme vous l'avez vu hier, j'ai
19 effectivement tenu un discours à l'enterrement, à la commémoration. J'ai
20 pris part à ce cortège. Je me souviens d'y avoir vu Arkan.
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Nous voyons qu'Arkan était autorisé à être aussi près qu'on voit qu'il
23 est ici de l'accusé et de Lilic, n'est-ce pas ?
24 R. Pour autant que je m'en souvienne, ce n'était pas si près que cela. Il
25 se peut qu'il y ait là un aspect optique qui fausse.
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1 Q. Très bien.
2 R. Il est près, mais il n'est pas --
3 Q. Les champs pétrolifères de Djeletovci se trouvent au sud de Vukovar, à
4 l'est de la Croatie, n'est-ce pas, à la partie orientale ?
5 R. Je n'ai pas compris la notion que vous venez de mentionner.
6 Q. Djeletovci, vous connaissez ?
7 R. Je ne m'en souviens pas, je n'ai pas connaissance de ce nom.
8 Q. Franchement ? Mais pourtant, début des années 1990, est-ce qu'il n'y
9 avait pas de l'argent qui venait de cette exploitation pétrolière de
10 Djeletovci, qui était utilisé par ceux qui se livraient à la guerre et aux
11 crimes pour tirer des profits personnels et même pour financer les
12 combats ? Vous ne vous en souvenez pas ?
13 R. Je ne sais rien de tout cela.
14 Q. Franchement, tiens. Ou est-ce que vous comprenez déjà où je veux en
15 venir, Monsieur Stevanovic et vous ne voulez pas vous souvenir ?
16 R. Je ne sais absolument rien de cela. Le nom m'est complètement inconnu.
17 Q. Nous avons brièvement parlé des Skorpions, auparavant. Est-ce qu'une
18 des fonctions premières des Skorpions n'était pas de garder ces champs
19 pétrolifères de Djeletovci, permettant ainsi à ceux qui profitaient de
20 l'exploitation de continuer à en profiter ?
21 R. Pour ce qui est des Skorpions, je vous ai dit ce que j'en savais. Je
22 sais que c'était un groupe qui existait. Je ne sais pas de qui et de quoi
23 il faisait partie, mais pour ce qui est de la corrélation entre les
24 Skorpions et Djeletovci, cela je n'en sais absolument rien.
25 Q. Fort bien. Nous allons regarder une autre pièce qui est déjà versée au
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1 dossier, c'est la pièce 466, intercalaire 12. Il y a un exemplaire destiné
2 à l'accusé.
3 C'est un document qui porte la date du 8 janvier 1992, qui émane du secteur
4 serbe de Slavonie orientale de Baranja et de Srem occidental. Deux dates
5 différentes, il y a une date écrite à la main et l'autre qui est
6 dactylographiée et ce document vient de Badza, de Radovan Stojicic. Il
7 affirme qu'un certain Miljkovic était volontaire dans cette Unité du SBSO
8 depuis le mois de septembre [comme interprété] 1991.
9 En d'autres termes, votre chef à vous, Badza, il opérait en Croatie.
10 Comment cela est possible ?
11 R. J'ai dit hier que je savais que Stojicic, en sa qualité d'individu,
12 avait séjourné dans la Baranja, ou plutôt dans le Srem oriental, lorsque je
13 me trouvais au Kosovo. A cette époque-là, il n'était pas mon supérieur, mon
14 chef.
15 Je ne sais pas quel est le fondement de son séjour.
16 Q. Très bien --
17 R. Je ne sais pas s'il y est allé en guise de volontaire ordinaire,
18 ou s'il y est allé à la demande de quelque instance que ce soit de la
19 République de la Krajina serbe. J'étais au Kosovo, je n'ai jamais vu ce
20 document. Ce que je peux vous dire, c'est que ceci n'est pas sa signature.
21 Q. Il était ministre adjoint, n'est-ce pas, l'adjoint du ministre plus
22 exactement ?
23 R. Je n'en suis pas sûr. Je pense qu'à l'époque, il n'était pas ministre
24 adjoint. Il est devenu ministre adjoint lorsqu'il est revenu de là-bas, je
25 pense.
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1 Q. Que faisait-il précisément, quel était son poste avant de partir ?
2 R. Pour autant que je le sache, il travaillait à l'administration de la
3 police, en ce temps-là. Pour ce qui est de l'appellation exacte de son
4 poste, je ne m'en souviens pas. Je crois qu'il s'agissait de travail
5 autonome dans le cadre de la police.
6 Q. Pourquoi est-ce votre avis, pourquoi est-ce que vous ne pensez pas, si
7 ce n'est pour défendre une situation manifestée, à savoir qu'il travaillait
8 pour la DB, et qu'il opérait en Croatie pendant la guerre ? Pourquoi dites-
9 vous qu'il était volontaire, d'où est-ce que vous tenez cela ?
10 R. Je ne veux défendre rien et personne. Je ne dis que ce que je sais. Je
11 vais peut-être me répéter. En ces années-là, je faisais tout à fait autre
12 chose. Je n'étais pas à Belgrade, j'étais à Pristina.
13 Q. Très bien.
14 R. J'avais un travail et ce que je vous dis je l'ai su davantage à partir
15 des médias.
16 Q. Penchons-nous maintenant sur une nouvelle pièce, pour autant bien sûr
17 que ce document soit versé au dossier. N'est-il pas vrai de dire que Badza
18 était le chef de l'Unité spéciale antiterroriste du MUP serbe en 1991 ?
19 Essayez de vous rafraîchir la mémoire.
20 R. Il était commandant de l'Unité antiterroriste spéciale, mais je pense
21 que dans la Slavonie et la Baranja, il y a séjourné après avoir cessé
22 d'être commandant, lorsque Zivko Travkovic est devenu commandant à son
23 tour. Je ne l'affirme pas avec une certitude à 100 %, mais disons avec une
24 grande probabilité que ce soit vrai. Je crois qu'il en a effectivement été
25 ainsi.
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1 Q. Ce document-ci porte la date du 30 juin 1994, il s'agit de
2 renseignements, la structure nous en a été expliquée je pense par le
3 général Vasiljevic. Apparemment ce document viendrait de Djuro Celic, un
4 commandant et doit être envoyé à plusieurs destinataires. Prenez le contenu
5 du document, il y a seulement un passage qui m'intéresse pour le moment.
6 Dans la version en anglais, c'est la page 2 sur 4. En version originale,
7 cela se trouve à la deuxième page, au tiers de la page. Vous voyez ici :
8 "La VRSK, comme il est dit en anglais, et l'armée de la Yougoslavie, des
9 représentants de ces deux entités militaires ont eu trois réunions avec
10 Fikret Abdic à Velika Kladusa, en vue de préparer une offensive menée par
11 les forces AP ZB afin de récupérer un territoire qui avait été saisi et
12 pour libérer de nouveaux territoires se limitant à la zone de Cazin.
13 "Au cours de ces réunions, Abdic a accepté une proposition de décision
14 relative à l'offensive qui devait commencer à 3 heures du matin et il a dit
15 que, le 21 juin, il avait rencontré le président de la Serbie, réunion à
16 laquelle participait également Mikulic, Celeketic, Mladic, Peric et
17 Stanisic, Adbic dit que Milosevic a donné l'ordre suivant : il faut
18 qu'Abdic gagne."
19 Etiez-vous au courant des communications entre Adbic et l'accusé et du
20 soutien apporté à Abdic par l'accusé ?
21 R. Je n'en ai aucunement connaissance. Vous me posez des questions pour
22 l'essentiel au sujet desquelles, je ne sais pratiquement rien. Ce document,
23 c'est la première fois que je le vois. C'est la première fois que j'entends
24 parler de cette réunion et de tout ce que vous venez de mentionner ici.
25 Q. Fort bien. Est-ce que vous reconnaissez la structure que présente ce
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1 document ?
2 R. [aucune interprétation]
3 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Je retire ce document et nous allons
4 en examiner un autre. Je n'ai plus que quelques documents en ce qui
5 concerne la Croatie. Ici, effectivement, ce serait aussi une nouvelle
6 pièce. Cela a été saisi en juin 2004 aux archives de l'Etat de Zagreb.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce dernier point -- le document,
8 c'était une pièce déjà versée ?
9 M. NICE : [interprétation] Non. Ce n'était pas encore une pièce mais vu les
10 réponses fournies par le témoin, je n'insisterai pas.
11 Q. Voici ce document, il s'agit d'un document portant la date du 22
12 juillet 1994, République de la Krajina serbe. C'est un rapport
13 opérationnel, comme le dit la première page - merci, Monsieur Prendergast,
14 Monsieur l'Huissier, de nous le montrer - s'agissant de la situation qui
15 prévaut dans la province autonome de Bosnie occidentale. Ce sera la
16 deuxième page pour vous et pour nous la dernière.
17 Nous le voyons, ce genre de rapports était envoyé au président de la
18 République de Serbie entre autres, ainsi qu'au MUP de la République de
19 Serbie, Jovica Stanisic. C'est un rapport faisant état de l'évolution de la
20 situation dans la province autonome de Bosnie occidentale, il est vrai de
21 dire, n'est-ce pas, que ce genre de rapport était envoyé au MUP et à
22 l'accusé ?
23 R. C'est la première fois que j'en entends parler. Je n'ai jamais entendu
24 parler de cela, et je n'ai jamais vu ce document. Je vois ici à la fin
25 qu'on dit que cela a été communiqué à Jovica Stanisic, puis au MUP de
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1 Serbie, en d'autres termes, au secteur de la Sûreté de l'Etat. Bien
2 entendu, je n'en sais rien d'autre. Je vous rappelle que pour ce qui est de
3 la République de la Krajina serbe, j'y ai été en 1995 à compter d'août
4 jusqu'à janvier 1996. S'agissant de cette période, j'ai des informations et
5 des connaissances. Pour ce qui a précédé, je n'ai presque aucune
6 connaissance mise à part ce que j'ai pu apprendre de par une information de
7 nature générale.
8 Q. C'est vous qui aviez la responsabilité des Unités spéciales dès le
9 début des années 1990.
10 R. Non. Pas pour les Unités spéciales, les Unités particulières,
11 affectations particulières seulement.
12 Q. On avait une grande confiance en vous en tant que fonctionnaire de
13 police. Vous êtes devenu inspecteur en chef, n'est-ce pas ? Est-ce que
14 vous ne pouvez pas nous aider véritablement, nous dire pour ce qui est de
15 ce qui se passait en Bosnie occidentale et les rapports existants entre la
16 Bosnie occidentale et Belgrade ? C'étaient des choses sur lesquelles vous
17 ne pourriez pas nous aider, ou est-ce que vous ne voulez pas nous aider ?
18 R. Il ne s'agit absolument pas d'une possibilité qui serait celle de
19 refuser de vous aider. Je ne puis avoir que des connaissances
20 superficielles sur ces documents puisque je n'y ai pas pris part en aucune
21 façon. Jusqu'en 1990 j'ai été inspecteur principal, oui, mais j'avais des
22 cadres d'intervention qui étaient M. NICE : [interprétation] Le document
23 suivant -- donc, je retire ce document-ci, si c'est là votre réponse je ne
24 vais insister. Q. Prenons le suivant. Ce sera aussi un nouveau document.
25 Ce document porte la date du 31 juillet 1995. Cela se situe dans la période
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1 où vous vous trouvez, vous, en Slovanie orientale, en tout cas, en Croatie
2 orientale. Voici ce qui est dit : "Le 30 juillet 1995 à 14 heures 50, sur
3 la ligne de défense du 101e Détachement…" puis, il est dit ceci : 1, on
4 cite quelqu'un du SUP donc du Secrétariat à l'Intérieur; 2 et 3, pareil, on
5 donne les noms du SUP; 4, Vujica Petrovic, SUP de Belgrade, il est de la
6 vieille ville de Stari Grad; puis, il y a Vladimir Garic aussi du SUP, du
7 Secrétariat à l'Intérieur de la vieille ville de Belgrade.
8 Ces renseignements sont envoyés à l'administration de la police du
9 MUP de la République de Serbie qui est sise à Belgrade.
10 Est-ce que ce document ne montre pas que le SUP ou le MUP de Serbie et des
11 employés du MUP ou du SUP combattaient en Croatie ? C'est bien ce que cela
12 montre, n'est-ce pas ? Oui ou non ?
13 R. S'agissant de ce document, je suis à même de vous en dire quelque
14 chose. Il est vrai qu'il s'agit de membres du secteur de la Sécurité
15 publique du ministère de l'Intérieur de la République de Serbie et, à ce
16 sujet, il importerait de dire la chose suivante : il est vrai qu'il y avait
17 ce 101e Détachement. Il s'agit de policiers du MUP de la République de
18 Serbie qui, durant cette période ou à peu près, ont exprimé le désir de
19 s'en aller en tant que volontaires dans la République de la Krajina serbe
20 puisqu'ils étaient originaires de là-bas, tous. Ils venaient d'être
21 embauchés au ministère de l'Intérieur de la République de Serbie ou avaient
22 été embauchés, il n'y avait pas longtemps. Ceux qui se portaient
23 volontaires pour partir en République de la Krajina serbe, cela était
24 possible. Le ministère leur donnait l'autorisation et ils étaient censés se
25 resubordonner au MUP de la République de la Krajina serbe. Il s'agit
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1 probablement de membres de cette unité, à savoir, de membres du MUP qui
2 sont partis en tant que volontaires du MUP de la Serbie vers la République
3 de la Krajina serbe. C'est toute une autre histoire que celle que nous
4 relatait les autres documents.
5 Q. Est-ce que vous êtes en train de dire que vous vous souveniez du fait
6 que ces deux hommes auraient demandé à partir parce qu'ils étaient de la
7 région, ou est-ce que c'était une politique générale dans laquelle se
8 seraient inscrits ces deux individus ?
9 R. Je ne me souviens d'aucun des individus sur les quatre qu'on indique.
10 Je ne les connaissais pas, mais je connais les circonstances, les modalités
11 suivant lesquelles ce détachement avec un certain nombre d'hommes s'en est
12 allé à Knin.
13 Q. Où est-ce que nous allons trouvé des documents montrant qu'il y a
14 rattachement, subordination, resubordination à l'autre armée ?
15 R. Probablement au sein des archives du ministère de l'Intérieur de la
16 République de la Krajina serbe parce que ce document est un document du
17 ministère de l'Intérieur de la République de la Krajina serbe, on peut le
18 voir. Autrement, ce ministère n'informerait pas le ministère de la Serbie
19 sur le fait que ces gens-là ont été blessés.
20 Q. A dire que des gens étaient volontaires, il y a la possibilité que
21 Badza était un volontaire, alors qu'il n'y a pas de
22 -- c'est nécessaire pour qu'il n'y ait pas association entre la Serbie et
23 ses combats, n'est-ce pas, Monsieur Stevanovic, c'est pour cela que vous le
24 dites ?
25 R. Non, ce n'est pas la raison. Je vous ai longuement expliqué quand est-
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1 ce que sur le territoire de la République serbe et de la République de la
2 Krajina serbe, il y a eu des départs d'Unités du ministère de l'Intérieur.
3 Je n'ai pas exprimé de réserve vis-à-vis de quoi que ce soit. J'ai
4 clairement dit que des unités s'en allaient là-bas suite à des décisions
5 des instances compétentes du ministère de l'Intérieur de la République de
6 Serbie. Mais dans ce cas-ci, la situation est tout à fait autre. Il s'agit
7 de personnes qui étaient originaires de ces régions et qui ont exprimé le
8 souhait de s'en aller là-bas pendant cette période-là. Ils ont demandé au
9 ministère de l'Intérieur de leur donner l'autorisation de les aider à y
10 aller pour rejoindre les rangs du ministère de l'Intérieur de la République
11 de la Krajina serbe. C'est là que réside la différence.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, il y en a eu combien de
13 policiers qui seraient partis en tant que volontaires en République de
14 Krajina serbe ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas m'en souvenir avec précision,
16 mais je crois qu'ils étaient entre 200 et 400, donc quelques centaines pour
17 ce qui est de la composition de cette unité dont on parle ici. Au ministère
18 de la Serbie, ils ont été organisés, ils ont reçu des autorisations et ils
19 ont pris leurs équipements et leurs propres armes et on a répondu à leurs
20 souhaits pour ce qui est d'aller aider le ministère de l'Intérieur de la
21 République de la Krajina serbe dont ils étaient originaires tous jusqu'au
22 dernier. Aucun des membres de cette unité ne se trouvait être originaire
23 d'ailleurs, d'une autre région, si ce n'est de la Krajina serbe.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsqu'ils étaient sur place, qui a
25 payé leurs soldes ? Qui étaient responsables de leurs conditions d'emploi ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont restés embauchés par le ministère de
2 l'Intérieur de la République de Serbie. On peut dire qu'ils ont été en
3 congés payés pour ce qui est de leur statut au sein du ministère de
4 l'Intérieur de la République de Serbie.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que ce que vous venez tout
7 juste de dire s'applique aussi à Badza ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que oui. Pour ce qui est de Badza,
9 je ne suis pas au courant des faits. Je pense que la situation devait être
10 analogue, mais lui n'était pas originaire de cette région-là.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites qu'il n'y avait pas de
13 politique qui avait pour intention de les envoyer en mission là-bas ? Je
14 parle ici d'une mission qui aurait été confiée par le ministère de
15 l'Intérieur.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet envoi, Monsieur le Président de la
17 Chambre, a été fait suite à une initiative de la part de ces gens parce
18 qu'ils ont jugé qu'ils se devaient d'aider les leurs. Le ministère de
19 l'Intérieur a accepté cette demande, cette requête et leur a rendu possible
20 un départ dans les circonstances qui sont celles dont je viens de parler.
21 Mais, personnellement, je n'y suis pas allé.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. S'ils étaient en congés payés, pourquoi écrire pour informer le MUP de
25 Serbie que ces gens ont été blessés ? Pourquoi s'embarrasser d'une telle
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1 formalité ?
2 R. Mais c'est tout à fait normal d'informer le MUP de Serbie de blessures
3 subies par des personnes qui sont encore embauchées par le ministère de la
4 République de Serbie. Il ne s'agit pas de rapports sur les combats ou de
5 résultats d'opérations de combat s'ils y ont pris part. On ne dit pas au
6 ministère de l'Intérieur de la République de Serbie ce qu'ils ont fait. On
7 informe le ministère de l'Intérieur du fait qu'il y en a eu quatre de
8 blessés alors qu'ils sont encore embauchés par le ministère de l'Intérieur
9 de la République de Serbie. Nous avons eu la preuve par l'intermédiaire de
10 la pièce 549, intercalaire 26, et par un témoin que, suite à l'accord
11 d'Erdut, 300 policiers du MUP de Serbie étaient censés être laissés le plus
12 longtemps possible en Srem et Baranja, donc en territoire de Croatie et que
13 c'est vous qui étiez à la tête de cette unité. Est-ce que c'est exact ?
14 R. Cela oui, c'est exact. C'est exact vous n'avez pas à m'aider à me
15 rappeler. Bien entendu, cette nécessité de rester plus longtemps avait fait
16 l'objet d'une demande des instances de police de la République de la
17 Krajina serbe. Cela n'a pas été fait suite à une initiative en provenance
18 de la République de Serbie.
19 M. NICE : [interprétation] Un document supplémentaire qui va être remis au
20 témoin.
21 Q. Qui était Branislav Vakic ?
22 R. Je connais Branislav Vakic. C'était un député à l'assemblée de la
23 République de Serbie, originaire de Nis et pour autant que je le sache,
24 c'était un membre du Parti radical serbe.
25 Q. C'était le chef ou un chef d'un groupe militaire, du groupe
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1 paramilitaire de ce parti, ou en faisait partie tout du moins ?
2 R. J'ai rencontré cet homme-là à Bajina Basta et il m'a dit qu'il faisait
3 partie d'une Unité de l'armée de la Republika Srpska dans le secteur de
4 Skelani.
5 Q. Vous avez combattu côte à côte, lui et vous ?
6 R. Non, je ne me suis pas battu côte à côte avec lui. Par un concours de
7 circonstances mes unités se trouvaient sur le même territoire que son
8 unité, mais je n'ai pas de renseignements sur la taille de son unité. Je ne
9 sais pas qui étaient ses hommes à lui.
10 Q. Pour être juste envers votre commentaire, prenez le bas de la page de
11 la première page en anglais et dans cette coupure de presse que vous avez,
12 c'est un peu difficile de lire cet article. Je vais essayer de voir si je
13 peux trouver la référence.
14 Deuxième page pour vous en version originale, Monsieur Stevanovic. Vous
15 allez le voir ce n'est pas très lisible, c'est en bas de page. Je vais vous
16 lire simplement ce que Vakic aurait dit lorsqu'on lui a posé une question à
17 propos de la collaboration avec le MUP de Serbie, puisqu'il avait
18 longuement parlé de l'armée. Voici ce qu'il dit : "Il y a beaucoup de
19 coopération dans des batailles allant de Skelani à Srebrenica, nous avons
20 combattu côte à côte avec les forces spéciales du MUP sous le commandement
21 d'Obrad Stevanovic, le numéro trois dans le MUP de Serbie. J'ai entretenu
22 une excellente collaboration avec lui sur le champ de bataille de Skelani.
23 Il avait son QG à Bajina Basta et j'allais de Skelani à Bajina Basta pour
24 lui parler. J'allais le voir chaque fois que j'avais besoin de quelque
25 chose. Il avait coutume de me donner des ordres sur ce qu'il fallait faire
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1 et où il fallait aller. A partir du début avril jusqu'au 25 mai de l'année
2 dernière, nous avons combattu côte à côte avec les forces spéciales du
3 MUP."
4 Veuillez tourner la page, Monsieur l'Huissier. "Un peu plus tard, le MUP de
5 Serbie, nous a invité à nous préparer et, en cas de besoin, à combattre
6 avec le MUP. Nous avons accepté l'invitation. J'ai rassemblé mes hommes et
7 nous sommes allés dans un camp d'entraînement au mont Tarakcija… en
8 juillet. A ce moment-là, j'avais des contacts avec 'Frenki' des forces
9 spéciales du MUP. Lorsque j'avais suffisamment de volontaires, il envoyait
10 un bus officiel du MUP de Belgrade à Nis, et de Nis, mes volontaires
11 partaient se former au mont Tara. A ce moment-là, j'avais environ 400
12 personnes de Nis, de Zajecar, de Pirot et de Kragujevac. De là, les
13 Chetniks et les volontaires, avec les forces spéciales du MUP, étaient
14 censés partir vers Srebrenica ou Gorazde si les convertis turcs lançaient
15 une grande offensive."
16 Vakic dit que quand il était déjà député, j'essaie de trouver son poste,
17 bon voici ce qu'il dit alors qu'il était déjà député de l'assemblée. Oui,
18 c'est cela qu'il était. Est-ce que ce qu'il dit est exact ?
19 R. Je vous dirais brièvement qu'il s'agit de demi-vérités. Il y a des
20 éléments qui sont vrais et il y a des éléments qui sont complètement faux.
21 Bien entendu, tout ce que vous venez de citer nécessiterait une explication
22 plus détaillée si, toutefois, vous êtes disposé à me le permettre.
23 Deuxièmement, ce que je veux dire c'est que je ne puis que me rappeler du
24 contexte. J'ai lu ce texte il y a très longtemps, cela je puis vous le dire
25 également. Cela a été rédigé après un conflit politique entre le Parti
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1 radical serbe de l'époque et le Parti socialiste de Serbie. Ce texte abonde
2 d'émotions au terme de quoi il y a opposition des positions prises par le
3 Parti radical serbe et celles du Parti socialiste de Serbie. Suite à cela,
4 il y a toute une série d'éléments faux.
5 Si vous me le permettez, je puis vous expliquer. Il est vrai que j'ai
6 rencontré cet homme-là deux ou trois fois dans mon QG à Bajina Basta. Je ne
7 l'ai jamais convié à venir. Je l'ai reçu parce qu'il a demandé à être reçu.
8 Il m'a dit qu'à certains endroits entre Srebrenica et Skelani, il disposait
9 d'une unité qui faisait partie de l'armée de la Republika Srpska. Il ne m'a
10 pas demandé de coopération. Il ne m'a pas demandé de prendre part à des
11 opérations conjointes. Du reste, il n'y a pas eu d'opération de combat pour
12 ce qui concerne la police. Dans les Unités de la Police, à l'occasion d'une
13 inspection du terrain, il n'a été tué qu'un seul policier et toute
14 l'opération a duré dix jours. Au bout de dix jours, le dernier des
15 policiers de Serbie s'est retiré de l'autre côté de la Drina vers la
16 République de Serbie parce qu'il n'avait plus besoin de rester là-bas.
17 Cette unité à lui, au sujet de laquelle je ne sais ni les effectifs, ni les
18 positions, ni l'emplacement, est restée faire partie de l'armée de la
19 Republika Srpska. Si cette unité avait été placée sous notre commandement,
20 elle aurait éventuellement été envoyée là-bas puis elle serait ramenée en
21 Serbie. Mais lorsque nous sommes retournés en Serbie, eux, ils sont restés
22 là-bas. Tout le reste, pour ce qui est de la formation, pour ce qui est des
23 ordres donnés, se trouvent être complètement inexacts. Aucun de ces hommes
24 n'a jamais fait partie de mon unité, jamais.
25 Q. Je vois, je vois, arrêtez-vous un instant. Vous avez lu cet article.
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1 Est-ce que vous avez jamais engagé des poursuites contre l'auteur, vous
2 étiez un homme important, une personnalité publique, est-ce que vous avez
3 essayé d'obtenir réparation en justice ?
4 R. Bien sûr que je ne l'ai pas poursuivi en justice. J'ai eu des raisons,
5 des tas de raisons de poursuivre bien des personnes en justice. J'avais des
6 raisons de poursuivre en justice la personne dont on a parlé à huis clos
7 partiel. J'étais un policier professionnel et il eut été stupide de
8 poursuivre en justice toute personne qui aurait dit quoi que ce soit
9 d'erroné à mon sujet.
10 Q. Oui, effectivement, comme le dit cet homme dans l'article, vous étiez
11 le numéro trois du MUP. C'est quand même un poste important.
12 R. Cela ce n'était absolument pas exact. Je n'étais pas à l'époque l'homme
13 numéro trois. Il devait y avoir au moins une dizaine de personnes au sein
14 du MUP devant moi. Je me trouvais être juste un commandant.
15 Q. Dernière question en ce qui concerne la Croatie, en tout cas pour le
16 moment : hier, nous avons examiné cette carte-ci, cela vient d'un mur dans
17 le centre de Kula. Nous avons des noms associés à divers endroits et il y a
18 des endroits signalés dans ce sens sur la carte. Vous avez eu le temps d'y
19 réfléchir depuis. Avez-vous la moindre raison de douter du fait qu'il y
20 aurait eu des engagements du MUP de Serbie dans tous ces endroits indiqués
21 sur cette carte de la Croatie; et si vous estimez que ce n'est pas vrai,
22 dites-nous où ce serait faux ?
23 R. Je vais vous dire exactement où est-ce que le MUP est intervenu. Ici,
24 il n'y a même pas existence de toutes les localités. Il manque des
25 localités où les membres des Unités spéciales de la Police ont séjourné.
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1 Q. Auriez-vous l'obligeance de nous le dire. Je n'ai pas beaucoup de temps
2 à ma disposition. Je vous ai parlé de ceci : il y a les endroits signalés
3 par Frenki; est-ce qu'ils sont justes à votre avis ?
4 R. Je ne le sais pas.
5 Q. Lequel --
6 R. Mes connaissances ne suffisent pas pour vous dire où Frenki a séjourné,
7 ou certains des membres de ses unités ont séjourné, cela je ne le sais pas.
8 Q. Fort bien. Je retire cette question, si vous n'êtes pas en mesure de
9 nous aider.
10 Je demande à récupérer cette carte. Forcément il nous faudra venir à la
11 Bosnie, mais auparavant dans le cadre général, je reviens sur une chose. En
12 1996, il y a eu des élections au niveau local et on a laissé entendre que
13 l'accusé avait faussé les élections et finalement, il a cédé, mais pas
14 avant beaucoup de manifestations.
15 M. NICE : [interprétation] Pouvons-nous présenter cette vidéo, s'il vous
16 plaît.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "Je ne peux plus travailler avec vous parce que vous avez bidouillé les
20 élections. Qui voudrait vivre cela ? Cette nuit-là -- est-ce quelque chose
21 contre moi, quelque chose de définitif. Un an plus tard, les journalistes -
22 - nous avons trouvé Milosevic où on lui proposait un rapprochement avec
23 l'Europe. Il devait y faire des changements -- des extrémistes et peu de
24 temps après, on a --"
25 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je reçois une interprétation dans
2 une langue étrangère.
3 M. NICE : [interprétation] Ce n'est pas un passage important.
4 Le problème, c'est qu'avec ce logiciel ce n'est pas aussi facile que dans
5 d'autres cas d'arrêter la diffusion.
6 Q. Oui. C'est tout ce que je voulais vous montrer. Là vous avez vos
7 effectifs de police qui s'occupent des manifestants qui se plaignent du
8 fait que les élections étaient truquées. Vous vous en souvenez ?
9 R. Bien sûr que je m'en souviens. J'en ai parlé hier.
10 Q. Ceci nous donne une idée de la force et de la violence à laquelle votre
11 police était prête à se livrer. Vous, vous avez été un homme en qui on
12 avait confiance et je vais vous en donner des raisons. On vous a chargé de
13 la prise de contrôle du bâtiment du MUP à Belgrade, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. On ne me l'a pas confié, on m'a donné ce devoir, quand vous dites
15 "confié," je veux bien.
16 Q. On vous a confié la mission d'avoir…la responsabilité à la tête de la
17 police à un moment qui était important pour l'accusé lorsqu'il essayait de
18 conserver le pouvoir en 1996 et 1997.
19 R. On m'a confié cette mission au moment où l'on a estimé que je pouvais
20 l'accomplir pour le mieux. Je voudrais vous demander la chose suivante :
21 avant de me poser une question vous formulez trois ou quatre constatations,
22 qui à mon avis, sont erronées. Je n'ai plus l'occasion par la suite de
23 réagir à ces constatations. Quand vous avez des constatations à formuler,
24 permettez-moi de vous donner mon opinion également parce que, jusqu'à
25 preuve du contraire, cela risque de rester sans réponse.
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1 Q. [interprétation] Après le --
2 M. KAY : [interprétation] Cela me semble juste de la part du témoin parce
3 que nous avons entendu énormément de commentaires et peu de questions ce
4 matin. Le témoin a le droit de se défendre sur ce point afin que la Chambre
5 soit saisie d'élément idoine.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. La Chambre interviendra quand
7 il le faut.
8 Monsieur Nice, abandonnez ces remarques liminaires, ces commentaires
9 que vous faites avant de poser vos questions.
10 M. NICE : [interprétation] Si c'est ce que j'ai fait, je vais arrêter.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette interview de Vakic, c'est une des
12 pièces pour laquelle vous avez demandé le versement ?
13 M. NICE : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On n'a pas reçu cette demande.
15 M. NICE : [interprétation] Non, vous avez raison de me le rappeler.
16 Q. Cette question que je vous pose et qui a suscité l'intervention de Me
17 Kay, c'était celle de savoir : "Si on vous avait chargé de la
18 responsabilité de la police à un moment où l'accusé essayait de conserver
19 le pouvoir, moment important pour lui."
20 R. J'ai compris votre question mais ce n'est pas la façon dont je
21 réfléchis. J'ai accepté cette mission quand on me l'a confiée. Ceux qui
22 m'ont confié cette mission ont tenu compte des raisons pour lesquelles cela
23 a été fait et des raisons pour lesquelles j'ai été désigné moi-même. Je
24 n'ai pas placé cela en corrélation quelconque avec le président de la
25 Serbie ou le premier ministre, ou le président du parlement. Avec aucune de
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1 ces personnes je n'ai été en relation personnelle ou amicale. Je suis un
2 professionnel. Je porte l'uniforme de la police depuis l'âge de 15 ans. Je
3 vous l'ai déjà dit.
4 Q. Fort bien. Fort bien. C'est ce que vous dites mais revenons à 1995.
5 Nous étions auparavant en 1996. Je pense que vous m'avez dit, hier ou
6 avant-hier, en réponse à des questions, que vous aviez escorté le DutchBat,
7 le Bataillon néerlandais lorsqu'il est parti de Srebrenica. Pourriez-vous
8 nous rappeler où vous êtes allé exactement ?
9 R. Il n'est pas exact de dire que j'ai raccompagné le Bataillon
10 néerlandais de Srebrenica à ailleurs. J'en ai pris la charge au pont de
11 Bratunac. J'ai rencontré le commandant du bataillon à l'hôtel de Bratunac.
12 Je n'ai fait qu'arriver jusqu'à Bratunac et cela se trouve peut-être à un
13 kilomètre à peine de l'autre côté de la Drina par rapport à la localité qui
14 se trouve en face en Serbie et qui s'appelle Ljubovija.
15 Q. Qui vous a chargé de jouer le rôle que vous avez joué pour ce qui était
16 d'aider le Bataillon néerlandais à sortir de l'ex-Yougoslavie ?
17 R. L'ordre de prendre des mesures de sécurité s'agissant de ce bataillon
18 et de sa traversée par la Serbie est un ordre qui m'a été donné par le
19 ministre adjoint, le chef du secteur de l'époque,
20 M. Stojicic.
21 Q. Quand avez-vous escorté le Bataillon néerlandais. Pourriez-vous nous
22 donner la date ?
23 R. Je n'arrive à m'en souvenir. Je crois que c'était en juillet ou en
24 août. Il faisait très chaud.
25 Q. La dernière fois que je vous ai posé la question, est-ce que vous nous
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1 aviez donné une date ?
2 R. Je pense que non.
3 Q. Je pense que je vais revenir sur ce point un peu plus tard.
4 En répondant à des questions posées par l'accusé, vous nous avez déjà dit
5 que vous aviez comme mission de surveiller une partie de la frontière
6 séparant la Bosnie-Herzégovine ou la RS, la Republika Srpska, comme vous
7 l'appelez, et la Serbie; c'est bien cela ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous aviez cette mission de surveillance depuis combien de temps ?
10 R. Cette mission de surveillance et de sécurisation en profondeur de la
11 frontière fait partie du quotidien des tâches de la police frontalière.
12 Cela dure en permanence. Des mesures renforcées à la frontière ont été
13 prises à compter de 1991 et très certainement dans le courant de 1992. Cela
14 englobe une présence accrue de la police dans le secteur frontalier et des
15 activités renforcées dans ce même secteur frontalier.
16 Q. Je vous demande combien de temps vous avez passé là ? Quelle période
17 est concernée ?
18 R. Comme je vous l'ai déjà indiqué, j'étais chef du QG à Bajina Basta, et
19 cela a duré quelques mois, disons trois mois, à peu près. Par la suite, le
20 QG a déménagé son siège à Prijepolje et c'est alors d'autres personnes qui
21 se sont trouvées à la tête de ce QG. Je parle de 1993 maintenant, et ceci à
22 compter peut-être du mois de février, mars, avril.
23 Q. En 1995 ?
24 R. La présence des Unités de Police de Serbie, comme je l'ai déjà
25 expliqué, dans le secteur entre Visegrad et Bajina Basta, entre Rudo et
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1 Priboj, a duré jusqu'en 1996, jusqu'à l'accueil de quelques 800 combattants
2 de l'ABiH après ou suite à l'opération de Srebrenica.
3 Q. Est-ce que vous, personnellement, vous étiez présent sur les lieux en
4 1994 [comme interprété]? Est-ce que vous occupiez de la frontière ?
5 R. Y compris le déplacement vers Visegrad et y compris le départ vers les
6 positions dont j'ai parlé en répondant à vos questions précédentes, j'y
7 séjournais de temps en temps, pendant peu de temps, jusqu'au retrait des
8 unités de ces régions-là, à savoir, en 1996.
9 Q. Maintenant, si nous examinons le moment de l'attaque de Srebrenica,
10 vous comprenez bien que c'est cela qui m'intéresse; est-ce que c'est vous
11 qui étiez l'officier investi d'une certaine responsabilité s'agissant de
12 cette frontière ?
13 R. Le ministère de l'Intérieur dispose d'une administration de la police
14 frontalière. C'est cette administration qui veille au contrôle des passages
15 de la frontière et qui effectue toutes les tâches frontalières. Mon unité
16 et les Unités à affectations particulières dans la Police, dans cette
17 période, n'ont fait que contrôler à titre renforcé la frontière et la
18 ceinture frontalière, y compris cette intervention de l'autre côté de la
19 frontière dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises.
20 Q. Au cours des mois que vous avez passé là à faire ce genre de choses, il
21 y a le mois du massacre de Srebrenica.
22 R. Cela couvre toute l'année 1995, y compris celle des événements de
23 Srebrenica mais les événements en tant que tels ne m'ont pas été connus de
24 quelque façon que ce soit à l'époque.
25 Q. Le Bataillon néerlandais, le DutchBat, est-ce qu'il est sorti avant,
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1 pendant ou après le massacre ? Dites-le nous ?
2 R. Je ne sais pas si ce massacre a eu lieu, ni quand il aurait eu lieu. La
3 seule chose que je suis en mesure de faire c'est de croire ou de ne pas
4 croire à cela. Je n'ai aucun renseignement à ce sujet. Je ne sais pas si
5 cela s'est passé, ni si cela se serait passé avant ou après le retrait du
6 Bataillon néerlandais. Je suis simplement dans l'ignorance. Quant à ce
7 bataillon, j'avais une tâche tout à fait précise à son égard.
8 Q. La frontière que vous surveillez, vous, ou les autres formations qui se
9 sont rendues à Priboj, c'est bien de celle-là que vous parlez, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Oui. Jusqu'à Priboj ou pour être plus précis, jusqu'à la frontière du
12 Montenegro.
13 Q. Priboj se trouve à l'est de Goradze, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, je pense en tout cas.
15 Q. Juste au nord de Priboj, il y a un lieu dénommé Raca ?
16 R. Oui, Raca se trouve là, mais je ne suis pas sûr que ce soit un passage
17 frontière, officiellement en tout cas. Il existe Uvac et Kotroman, qui sont
18 des passages frontières officiels, et il est possible qu'entre ces deux
19 endroits, il y ait un troisième lieu qui ait un rôle à peu près similaire,
20 mais je suis pratiquement certain que ce n'est pas un passage frontière
21 officiel.
22 Q. Lorsqu'une personne ou une unité doit passer de Serbie en Republika
23 Srpska, c'est-à-dire en Bosnie-Herzégovine, le mot qu'on utilise dépend de
24 celui qui parle. En tout cas, de qui doit-on obtenir une autorisation ?
25 R. Est-ce que vous parlez d'unités étrangères ou quoi ? Je ne comprends
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1 pas très bien de quoi vous parlez.
2 Q. C'est vous qui nous le direz. C'est vous qui étiez responsable de la
3 surveillance de la frontière. Est-ce que pour l'essentiel, c'était une
4 frontière fermée, et est-ce que les gens qui voulaient traverser devaient
5 demander la permission à quelqu'un ? Est-ce que c'était un passage
6 dangereux ? Est-ce qu'il fallait être escorté pour franchir la frontière,
7 dites-le nous ?
8 R. Dans l'une de mes réponses précédentes, j'ai répondu à cela très
9 clairement. Le contrôle, la surveillance des passages frontières, au niveau
10 des passages frontières officiels, étaient la tâche d'un secteur qui
11 relevait du ministère de l'Intérieur, à savoir le secteur chargé de la
12 Surveillance des frontières au sein de la police, et les mesures
13 intensifiées dont j'ai parlé ne concernaient pas les passages frontières
14 officiels. D'ailleurs maintenant, je me souviens, parce que j'avais en tête
15 une région un peu différente. Mais, la frontière de Raca, le passage de
16 Raca existe en tant que passage frontière officiel, mais il est beaucoup
17 plus au nord. Il est au nord de Sabac, en fait, et il n'a rien à voir avec
18 la région dont nous sommes en train de parler. Nous parlions des limites
19 sud de la frontière avec la Republika Srpska. Raca se trouve à l'extrême
20 nord de la frontière avec la Republika Srpska, sur la Drina.
21 Q. Il est possible qu'il y ait deux Raca, mais il y a certainement un
22 endroit qui fait l'objet de mes questions, et dont vous vous souvenez, qui
23 se situe à l'est de Goradze. Nous venons de regarder les lieux.
24 R. Je ne me souviens vraiment pas d'un endroit correspondant à cette
25 description. Il est possible qu'il existe, mais je ne m'en souviens pas. En
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1 tout cas, pas avec cette dénomination.
2 Q. Excusez-moi, je vous ai posé une question à ce sujet. Je vous ai
3 demandé si cela se trouvait à l'est de Goradze, vous avez répondu oui.
4 Alors, est-ce que vous voulez changer votre réponse en fonction de vous
5 souvenirs ?
6 R. Non. Je maintiens que Priboj était à l'est de Goradze, mais peut-être
7 que nous ne nous sommes pas bien compris.
8 Q. J'ai compris moi. Peut-être pourrions-nous jeter un coup d'śil à la
9 carte, de façon à ce que les Juges voient bien de quoi nous parlions.
10 Certains points doivent être éclaircis.
11 Alors, à l'intention des Juges et de chacun ici, Srebrenica se trouve
12 au nord. Bratunac, tout près, mais nous n'avons pas marqué Bratunac. Bajina
13 Basta, à droite. Ensuite, il y a Goradze, et à l'endroit où vous avez
14 inscrit une annotation, à l'est, on trouve la frontière de Raca. Vous voyez
15 cela ? Non, ce n'est pas à l'endroit où vous venez de placer le pointeur.
16 Oui, c'est ici.
17 R. Je l'ai trouvé.
18 Q. Puisque cela se trouve au nord de Priboj, que l'on voit juste en-
19 dessous. C'était bien dans la zone que vous supervisiez, que vous
20 contrôliez. Dites-moi, je vous prie, si des soldats souhaitent passer de
21 Serbie en Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'ils avaient besoin de
22 l'autorisation de quelqu'un ? Je parle de la mi-1995.
23 R. Le passage frontière entre la République de Serbie et la Republika
24 Srpska, à l'époque dont nous parlons -- si nous parlons de citoyens de
25 Bosnie-Herzégovine, par exemple, ou de citoyens de Serbie, ils avaient tous
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1 une carte d'identité. Donc, ils leur fallaient être munis de leur carte
2 d'identité et d'autres papiers d'identité officielle.
3 Maintenant, nous parlons de cet endroit qui s'appelle Raca. Il est
4 tout à fait logique que ce soit un passage frontière parce qu'il y en a un
5 en tout cas à Uvac, et vous voyez que tout près d'Uvac se trouve Raca,
6 donc, Uvac est un passage frontière officiel, entre la République de Serbie
7 et la Republika Srpska de Krajina. Donc, il est tout à fait impossible que
8 Raca ait été un passage frontière officiel. C'est un endroit tout petit, et
9 j'entends ce nom pour la première fois. C'est un tout petit point sur la
10 carte. C'est la première fois que je me rends compte qu'il y a un endroit
11 répondant à ce nom. Or, il se trouve tout près d'Uvac, qui est un passage
12 frontière officiel. Je le dis de la façon la plus claire qui soit. Il se
13 trouve au sud-ouest.
14 Q. Merci. Quelques questions maintenant.
15 On peut retirer la carte. Vous savez n'est-ce pas que la Republika
16 Srpska a admis, depuis à peu près un an, qu'un massacre avait eu lieu à
17 Srebrenica, et que 7 000 personnes à peu près en avaient été victimes. Vous
18 devez être au courant ?
19 R. J'ai suivi les médias à ce sujet.
20 Q. Vous avez répondu ne pas savoir si un massacre avait eu lieu. Est-ce
21 sérieusement votre position ? Affirmez-vous que vous ne savez pas si un
22 massacre a eu lieu, malgré la concession faite par la Republika Srpska
23 dernièrement ?
24 R. J'ai dit que je ne le savais pas, à l'époque. A l'époque où j'assurais
25 la sécurité pour le Bataillon néerlandais au niveau de la Serbie. A ce
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1 moment-là, je n'avais aucune information, aucune idée de l'existence de cet
2 événement. Plus tard, j'ai obtenu des informations à ce sujet par les
3 médias, mais rien sur le plan officiel. Bien sûr, j'ai cru ce que j'ai lu.
4 Je n'ai aucune raison de mettre en doute le fait que quelque chose se soit
5 produit là-bas. Bien sûr, je ne peux pas vous donner de détails. J'ai lu
6 des articles à ce sujet dans la presse, comme tout autre habitant de Serbie
7 qui lit les journaux.
8 Q. Après le massacre, ou en tout cas après la plus grande partie du
9 massacre, le 21 juillet, on vous a demandé d'escorter le Bataillon
10 néerlandais à partir de Bratunac, ou de l'accompagner comme vous dites. Je
11 vais vous poser la question suivante : est-ce vous qui avez demandé à
12 escorter le bataillon parce qu'on pouvait vous faire confiance dans des
13 circonstances marquées par l'existence de ce massacre ? Est-ce pour cela
14 que vous avez été choisi ?
15 R. Je ne sais pas, absolument pas. Cette affectation était une affectation
16 sérieuse, car tout un bataillon devait traverser la République de Serbie,
17 et ce bataillon avait envoyé une demande d'escorte. Je ne sais pas par qui
18 tout cela est passé, mais ce n'était pas le ministère de l'Intérieur de
19 Serbie qui a pris l'initiative de nous demander d'escorter ce bataillon.
20 Nous avons satisfait à la demande du Bataillon néerlandais, qui avait
21 demandé que sa sécurité soit assurée pendant qu'il traversait la République
22 de Serbie. La seule chose un peu inhabituelle, c'est qu'ils ont beaucoup
23 insisté pour qu'une escorte entière leur soit fournie pendant qu'il
24 traversaient la République de Serbie pour se rendre à la frontière de la
25 Croatie, c'est tout.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Combien de temps fallait-il pour
2 traverser la Serbie, pour couvrir cette distance ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] La traversée de la Serbie prend le temps qu'il
4 faut pour couvrir ces kilomètres, peut-être deux heures. De Bajina Basta à
5 Sid, il y à peu près 100 à 150 kilomètres.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Ce que je vous dis, c'est qu'entre autres, vous avez pu être informé de
8 la chose suivante, à savoir qu'un peu plus tôt au mois de juillet, un
9 Détachement de Skorpions était passé en Bosnie-Herzégovine, au niveau d'un
10 passage frontière répondant au nom de Raca. Réfléchissez bien, est-ce que
11 cela a eu lieu ou pas ?
12 R. Je me suis exprimé à ce sujet très clairement. Il n'est pas question
13 qu'une autre formation, une autre unité se soit trouvée là, au moment où
14 les Unités spéciales étaient engagées. Je dis cela avec une certitude
15 absolue. Je l'ai dit à plusieurs reprises, puisque c'est moi qui contrôlais
16 personnellement le travail de ces Unités dans le secteur de la Drina, dans
17 la région de Visegrad, Rudo, Prijboj et Bajina Basta. Pas une seule unité,
18 pas un seul groupe ne faisait partie de ces formations. C'est la première
19 fois que j'entends dire que les Skorpions se soient trouvés en Serbie,
20 d'ailleurs. S'ils se déplaçaient vers Srebrenica, comme vous le dites,
21 alors il est fort improbable qu'ils aient passé la frontière à Priboj,
22 parce que dans ce cas-là, ils seraient passés par Bajina Basta, puisque
23 Srebrenica se trouve juste de l'autre côté de la Drina, en face de Bajina
24 Basta. Le passage aurait été trois ou quatre fois plus long à Priboj. Donc,
25 si ces hommes étaient sous le contrôle d'une quelconque unité de Serbie,
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1 ils n'auraient pas choisi Raca; vous pouvez le vérifier vous-même sur la
2 carte.
3 Q. Avant de voir ce qu'a fait telle ou telle unité, j'aimerais que nous
4 examinions quelques documents.
5 Ceci est un document qui vient de la Republika Srpska. Il est daté du 23
6 juin 1995. Le président de la Republika Srpska est le destinataire de ce
7 document à Pale, c'est-à-dire, le QG qui se trouve aux abords de Sarajevo.
8 Je cite : "Suite à votre courrier, nous désirons vous faire savoir qu'aux
9 environs de 10 heures, le 23 juin 1995, nos centres d'accueil de Janja et
10 de Zvornik ont remis à la VRS, donc à l'armée de la Republika Srpska, 1 586
11 conscrits au total, issus du MUP de Serbie, et que 149 de ces conscrits ont
12 été confiés au QG du MUP de Jahorina." Signé par l'adjoint du ministre,
13 Tomislav Kovac.
14 Vous souvenez-vous des questions qui vous ont été posées au sujet des
15 conscrits qui ont été rassemblés en Serbie, et remis aux forces de la
16 Republika Srpska ?
17 R. D'abord, je dirais qu'au sujet de ce document --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Nice pose la question de façon
20 erronée, à moins que ce soit une erreur d'interprétation. Il a dit des
21 conscrits issus de Serbie. Nous ne parlons pas de conscrits venant de
22 Serbie, mais de conscrits de la Republika Srpska. C'est tout à fait clair.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
24 M. NICE : [interprétation]
25 Q. Des conscrits de la Republika Srpska, donc originaires de la Republika
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1 Srpska, rassemblés en Serbie et envoyés quelque part. Est-ce que vous
2 souvenez de cela ?
3 R. Oui, je dirais d'abord que c'est la première fois que j'ai ce document
4 sous les yeux. Bien entendu, je sais de quoi il est question dans ce
5 document. Il y est question du regroupement de conscrits de la Republika
6 Srpska, qui se trouvaient sur le territoire de la République de Serbie, et
7 ce rassemblement est organisé suite à une demande des autorités militaires
8 de la Republika Srpska, en application de la loi sur le service militaire,
9 ou de la loi sur la défense à l'époque. Je ne sais plus très bien sur la
10 base de quelle loi ceci a été fait.
11 Q. Donc, peu avant les événements de Srebrenica, plus d'un millier de
12 conscrits sont envoyés en Republika Srpska par la Serbie.
13 M. NICE : [interprétation] Tous ces documents, j'en demanderais le
14 versement au dossier en temps utile. Je l'indique dès à présent.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, mais est-ce que je
16 peux continuer, compléter ma réponse ? Ce n'est pas la Serbie qui a envoyé
17 ces hommes. Cela s'est fait à la demande des autorités militaires de la
18 Republika Srpska. Ces hommes ont été regroupés en application de la loi sur
19 le service militaire, et envoyés à la Republika Srpska en tant que
20 conscrits de la Republika Srpska, non pas en tant que conscrits de la
21 République de Serbie.
22 M. NICE : [interprétation] J'aimerais que nous passions au document
23 suivant.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais au témoin de lire le
25 premier paragraphe afin de vérifier l'exactitude de la traduction.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite : "Suite à votre courrier, numéro
2 confidentiel 01-1118-3/93, du 22 juin 1995, nous tenons à vous faire savoir
3 qu'aux environs de 10 heures 00 le 23 juin 1995, nos centres de
4 rassemblement de Janja et de Zvornik ont remis à la VRS, à savoir aux
5 forces armées de la Republika Srpska, un total de 1 586 conscrits envoyés
6 par le MUP de Serbie. Sur ce nombre, 149 conscrits ont été envoyés au QG du
7 MUP de Jahorina." Bien sûr, à lecture de ce passage, on ne sait pas qui
8 était ces hommes. Puis les termes "envoyés" ou "remis" sont utilisés à
9 tort.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Document suivant, je vous prie. Il porte la date du 26 juin 1995. Ce
13 document vient de Pale et se lit comme suit, je cite : "Pendant la journée,
14 il n'y a eu aucune opération sur la ligne de défense tenue par les forces
15 de police." Un peu plus loin, dans le texte sous l'intitulé : "Autres
16 événements," on lit ce qui suit, je cite : "Le MUP de Serbie et le MUP de
17 la Republika Srpska ont envoyé 350 membres des Unités spéciales. Le 27 juin
18 1995, ces hommes seront engagés sur le front de Trnovo."
19 Je vous demanderais de lire également pour vous le reste du document. Je
20 vous demanderais si vous pouvez expliquer, de quelle manière la Republika
21 Srpska peut envoyer 350 membres des Unités spéciales sur le front de
22 Trnovo, en collaboration avec le MUP de la Republika Srpska.
23 R. Je ne vois pas du tout ce que tout cela signifie. A l'époque, il n'y
24 avait aucun représentant du MUP de la Republika Srpska dans le secteur,
25 encore moins des représentants du MUP de Serbie. Ils ne disposaient pas
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1 d'ailleurs d'effectifs suffisants pour envoyer des renforts aussi nombreux.
2 Cela doit être une erreur, ce n'est vraiment pas clair pour moi.
3 Q. Ce document a été saisi au poste de police de Banja Luka en 2004.
4 R. J'affirme que dans cette période, il n'y avait à cet endroit que les
5 unités dont j'ai déjà parlé, s'agissant des Unités du MUP de la République
6 de Serbie qui se trouvaient sur le territoire de la Republika Srpska, à
7 savoir, ces unités dont j'ai parlé qui se trouvaient à l'est de la
8 Republika Srpska, dans le secteur Visegrad-Priboj.
9 Q. Document suivant, je vous prie.
10 R. Est-ce que ce document comporte une signature ou une date, ou quelque
11 chose comme cela ? Excusez-moi, mais est-ce que vous pourriez me dire
12 cela ?
13 Q. Vous avez tout à fait le droit de poser cette question. J'ai déjà
14 expliqué que ce document avait été saisi au poste de police en 2004,
15 d'après ce qu'on lit sur le document.
16 R. J'affirme que durant cette période, il n'y avait aucune unité sur le
17 territoire Republika Srpska venant de Serbie, sauf comme je l'ai expliqué
18 dans le secteur Visegrad-Rudo. Puis, un deuxième fait important, c'est que
19 l'Unité spéciale du MUP de Serbie qui existe s'appelle SAJ, et qu'elle
20 compte un effectif maximum de 150 hommes. La Serbie ne disposait pas de
21 plus de 150 hommes au sein des Unités spéciales. Dans le secteur Visegrad-
22 Rudo, étaient présentes les Unités spéciales, les SPJ, comme on les
23 appelle.
24 Bien sûr, en 1995, à la fin de l'automne, or nous parlons ici du
25 printemps, il y avait les Unités PJP qui se trouvaient dans le secteur
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1 Priboj-Doboj, mais la période dont nous parlons ici se situe manifestement
2 entre ces deux dates.
3 M. NICE : [interprétation] Je demande un instant aux Juges de la
4 Chambre.
5 Q. Nouveau document. Ce document a été trouvé au QG du MUP à Pale, au
6 cours de l'été 2003, si je me souviens bien. Vous voyez de quoi il s'agit.
7 Il s'agit d'un document de la Brigade de Police spéciale, daté du 30 juin
8 et qui vient du commandement avancé de Trnovo, il se lit comme suit, je
9 cite : "Le 29 juin 1995, un Groupe de combat de la Police, composé du 4e
10 SOP, Détachement de la Police spéciale, du 7e SOP et du Détachement de
11 Police Kajman appartenant au MUP de Serbie, ainsi que des forces d'assaut
12 de la VRS, armée de la Republika Srpska ont lancé une attaque sur
13 l'installation de Lucevik contrôlée par l'ennemi et qui a une extrême
14 importance pour la circulation sur la route en Trnovo-Sarajevo."
15 Un peu plus bas sur la page, nous lisons ce qui suit, je cite : "Pendant
16 les combats du 29 juin, deux membres du SBP, (l'un appartenant au 4e et
17 l'autre au 7e SOP, et deux hommes du MUP de Serbie ont été blessés."
18 Vous nous avez dit il y a pas mal de temps, que vous saviez tout ce que le
19 MUP de Serbie avait fait en Bosnie et en Croatie, j'aimerais que vous nous
20 expliquiez la signification de ces passages.
21 R. Je n'ai vraiment aucune information à ce sujet. Je n'ai même jamais
22 entendu le nom de Kajman, c'est la première fois que j'entends ce nom, je
23 maintiens les réponses que j'ai faites jusqu'à présent. Je suis vraiment
24 surpris de voir des documents dans lesquels le MUP de Serbie est mentionné.
25 Q. Je vous dirais pour ma part que le MUP de Serbie a participé
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1 effectivement. Monsieur Stevanovic, je vous affirme encore une fois que
2 vous étiez au courant.
3 R. Je vous en prie, Monsieur le Procureur, vous ne pouvez pas mieux
4 savoir que moi-même ce que je sais et ne sais pas. Je ne savais pas et
5 j'affirme ceci en toute responsabilité. Si vous prouvez que je savais, vous
6 pouvez m'arrêter tout de suite.
7 Il n'y a pas le moindre élément susceptible de démontrer que j'étais
8 au courant de l'existence de ce document, la moindre indication. J'affirme
9 en étant très précis, que personne ne se trouvait sur le territoire de la
10 Republika Srpska pendant cette période venant de Serbie, compte tenu de la
11 composition des forces de Sécurité publique, hormis les unités dont je vous
12 ai parlé dans les réponses à vos questions. Ceci est la seule vérité. Je ne
13 sais vraiment pas comment il est possible que quelqu'un écrive ce que je
14 lis ici. Qui a pu faire une erreur, je n'en sais rien.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Stevanovic, il est possible
16 que le MUP ait participé à cela et que vous n'ayez pas été au courant ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Théoriquement, Monsieur le Président, tout est
18 possible, mais dans la période en question, je suis fermement convaincu que
19 j'étais au courant de toutes les actions de la sécurité publique. Bien sûr,
20 la sécurité publique, je n'étais pas en contact avec elle au quotidien, je
21 ne peux que supposer quelles étaient ses actions, mais ici on parle du MUP
22 de Serbie et, en principe, lorsque l'on parle du MUP de Serbie, cela
23 signifie la sécurité publique. Donc, je dis avec certitude que les unités
24 mentionnées n'étaient pas sur les lieux, hormis peut-être, tel ou tel
25 individu qui serait allé en permission là-bas, dans ce cas, j'aurais pu ne
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1 pas le savoir.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En page 2, on trouve la signature du
3 commandant adjoint, est-ce que vous le connaissez ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai rencontré cet homme à Belgrade, c'est
5 tout, à la faculté. Je ne le connais personnellement, je ne l'ai pas
6 rencontré pendant cette période ou d'ailleurs pendant la guerre.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Pour faire suite à la question de Monsieur le Juge Robinson, même si
10 vous faisiez partie d'un autre secteur de la Police que la Sécurité
11 publique, comme vous le dites, compte tenu de votre ancienneté et du rôle
12 que vous jouiez dans le contrôle de la frontière entre la Republika Srpska
13 et la Serbie, vous auriez dû être au courant de déplacements de troupes de
14 Serbie vers la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
15 R. Dans les secteurs couverts par ces unités, les PJP, il aurait été
16 logique que nous soyons au courant; cependant, les passages frontières
17 officiels étaient contrôlés par un autre service; par la police des
18 frontières. Les communications normales entre les deux républiques se
19 passaient au niveau des passages frontières officiels. Donc, je ne saurais
20 répondre de façon détaillée à votre question, car c'était le travail d'un
21 autre service, à savoir, le service de la Police chargée des frontières.
22 Q. Apportez-moi votre aide sur le point suivant : si vos dirigeants
23 politiques ou qui que ce soit d'autre avaient l'intention de déplacer des
24 troupes de Serbie d'une façon illicite depuis la Serbie jusqu'en Republika
25 Srpska, est-ce que votre coopération aurait été indispensable ?
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1 R. Vous voulez dire si une unité avait dû franchir la frontière ?
2 Q. Oui.
3 R. J'ai déjà dit que les passages frontières se passaient au niveau des
4 passages frontières officiels qui mettaient en śuvre une procédure très
5 claire applicable à tous les citoyens quels qu'ils soient, et quelle que
6 soit la destination où allaient ces citoyens. La mise en śuvre de cette
7 procédure était la tâche d'une partie spéciale de la police, à savoir, la
8 police des frontières. Je ne suis pas vraiment au courant des détails
9 s'agissant de ces passages frontières. Mes unités couvraient un secteur
10 dans lequel, en principe, il était impossible de franchir la frontière,
11 puisque nous étions chargés de veiller à empêcher les passages frontières
12 illégaux.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans ce que vous avez dit jusqu'à
14 présent, vous étiez chargé de renforcer les unités chargées de surveiller
15 la frontière. Vous l'avez fait pendant la période des événements de
16 Srebrenica, mais également avant cela. Pourquoi ces renforts étaient-ils
17 nécessaires ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis déjà expliqué sur ce point
19 également, mais je vais me répéter. Je pense qu'il est important que tout
20 soit clair sur ce point. Les Unités chargées de surveiller les frontières
21 surveillaient les passages frontières officiels et appliquaient la
22 procédure mise en place par le ministère s'agissant de traverser la
23 frontière. Les Unités policières, de façon générale, c'est-à-dire, les
24 Unités municipales, par exemple, si vous voulez, contrôlaient les zones
25 frontières en profondeur, à savoir, les zones dans lesquelles il était
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1 interdit de franchir la frontière, celles où il n'y avait pas de passages
2 frontières officiels.
3 Les Unités spéciales, à savoir, les PJP ont été envoyées en renfort
4 d'abord dans les zones séparant les passages frontières officiels et les
5 endroits où il n'y avait pas de passages frontières officiels, parce que
6 c'est là que leurs missions spéciales avaient une raison d'être qui était
7 très logique. Il y avait des affrontements armés en Republika Srpska, et
8 ces affrontements avaient une incidence sur le territoire de Serbie dans la
9 mesure où il y avait des passages frontières illégaux, des trafics
10 transfrontaliers, des passages de groupes criminels, et cetera.
11 La raison fondamentale de ces renforts consistait à empêcher les
12 affrontements armés qui avaient lieu sur le territoire de la Republika
13 Srpska d'atteindre le territoire de la République de Serbie. C'était
14 particulièrement intéressant après l'enlèvement de personnes à bord de
15 trains et d'autobus dont j'ai parlé plus tôt. Il fallait empêcher les
16 groupes paramilitaires d'agir, empêcher le blocage des voies de
17 communication le long de la Drina au niveau de la frontière, protéger les
18 villes qui se trouvaient au niveau de la frontière telles que Bajina Basta,
19 et cetera, et cetera, et défendre les ponts aussi.
20 Donc, il y avait pas mal de raisons à cela. J'essaie de me les
21 rappeler toutes.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Merci. Vingt
23 minutes de pause.
24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.
25 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, continuez.
2 M. NICE : [interprétation] Le document suivant se trouve déjà être versé au
3 dossier. Il s'agit de la pièce 432, intercalaire 15. Nous attendons
4 l'arrivée de ce document. Je voudrais une confirmation pendant qu'on
5 distribue le document.
6 Q. Vous dites que c'était un adjoint du ministre qui vous a instruit
7 d'aller chercher le DutchBat, le Bataillon néerlandais. Ce serait Badza qui
8 vous aurait donné ces instructions ?
9 R. Je pense avoir parlé du ministre adjoint. Il s'agit de Radovan
10 Stojicic.
11 Q. Vous le voyez, ce document-ci a pour en-tête Republika Srpska,
12 ministère de l'Intérieur, Pale, 30 juin 1995. En ce qui concerne ce qui est
13 appelé le facteur musulman, l'élément musulman, on parle du front de
14 Trnovo.
15 M. NICE : [interprétation] Vous avez le bon document, Monsieur l'Huissier ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai l'impression que je n'ai pas le bon
17 document, justement. Je ne vois pas de passage concernant le facteur
18 musulman.
19 M. NICE : [interprétation] C'est peut-être moi qui me suis trompé. Attendez
20 que je regarde. Peu importe, je ne trouve pas le document. Je vais passer
21 au document que vous avez pour le moment.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un document du 30 juin 1995.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. Nous avons déjà examiné ce document-ci, me semble-t-il ?
25 R. Je n'en suis pas sûr du tout. Il s'agit du 113/95, daté du 30 juin
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1 1995.
2 Q. Effectivement.
3 R. La signature est la même.
4 Q. Nous l'avons déjà examiné. Il s'agissait du Groupe Kajman, du MUP
5 serbe. Nous n'avons plus besoin de ce document. Nous allons le récupérer,
6 et en attendant de trouver le document que j'espère vous soumettre, je vais
7 passer au document suivant, celui-ci.
8 Ici, nous avons la date du 1er juillet, en-tête : Brigade spéciale de la
9 Police du MUP, poste de commandement avancé Trnovo. C'est envoyé au
10 ministre adjoint, à la police de Vogosca, et on dit: "Les activités ont
11 commencé la veille et se sont poursuivies sur le champ de bataille de
12 Trnovo le 30 juin 1995. Il y avait le
13 5e Détachement de la Police spéciale dans le groupe de combat, deux
14 pelotons du Détachement Kajman, les bleus Plavi et les Skorpions."
15 Puis, vous allez voir vers le bas de la page : "Au cours des affrontements
16 d'hier, quatre membres du SBP et du MUP serbe ont subi des blessures
17 légères." La signature est celle de Ljubisa Borovcanin. Pourriez-vous nous
18 expliquer ceci ?
19 R. Ma réponse est effectivement la même que tout à l'heure, aux questions
20 précédentes. Il serait bon que vienne se prononcer ici l'homme qui a signé
21 ceci. Je n'ai aucune explication à ce sujet. Bien sûr qu'on pourrait
22 éventuellement parler s'il y avait là un nom.
23 Mais, j'affirme une fois de plus que les Unités du MUP de Serbie, à ce
24 moment-là, ne se sont pas trouvés dans cette région. La possibilité n'est
25 que théorique. Je dirais que ce serait une variante quasi impossible. Le
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1 seul qui pourrait apporter des éclaircissements, c'est la personne qui a
2 signé.
3 Je suis assez surpris. Je n'arrive pas à croire qu'un document de cette
4 nature puisse exister. Qu'est-ce qu'on a entendu par "MUP de Serbie ?"
5 C'est une question qui est liée à la façon dont il a perçu les choses, qui
6 dépend de ces informations, c'est tout.
7 Q. Si vous le voulez, nous allons examiner un autre document. Vous dites
8 que c'est le fruit de sa propre imagination. Je vois, très bien.
9 Ce document porte la date du 8 juillet. Cela vient de Rade Radovic, centre
10 de service de Sécurité publique de Srbinje, qui était le nom qu'on avait
11 donné à Foca, je pense. On dit : "Les policiers du MUP serbe suivants,
12 blessés, ont été amenés du front à l'hôpital de Srbinje : Milija Vujovic,
13 MUP serbe, Srdjan Stolic, MUP de Serbie.
14 Il n'y a pas de modifications aujourd'hui par rapport à la situation qui
15 s'est présentée hier."
16 Comment expliquez-vous l'existence de ce document ?
17 R. Mais, je l'explique de la même façon.
18 Q. Fantaisie ?
19 R. Là, il est plus simple de vérifier de quoi faisaient partie ces gens-
20 là ? Ce n'est pas fantaisiste, je crois. Je suppose que vous avez déterminé
21 de quoi faisaient partie ces gens-là ? J'affirme qu'il ne serait pas
22 possible que ces gens-là fassent partie des Unités de la Police de Serbie.
23 Mais la chose est simple à vérifier.
24 Q. Je vous l'ai dit, j'allais vous demander votre aide pour savoir s'il y
25 avait effectivement des gens du MUP de Serbie, mais je le ferai un peu plus
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1 tard.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment pourrait-on vérifier,
3 Monsieur Stevanovic ? Vous avez dit que ce serait simple à vérifier ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'on peut demander au MUP de
5 Serbie des renseignements, pour savoir si ces gens-là ont été embauchés par
6 le MUP à quelques moments que ce soit, et de quoi ils faisaient partie.
7 Nous avons un système informatique qui pourrait nous permettre de vérifier
8 leur date de naissance, l'endroit de l'emploi, et ce n'est aucunement
9 secret. Si vous me le permettez, je peux téléphoner aujourd'hui, et vous
10 dire demain qui sont au juste ces gens-là, s'il s'agit de gens originaires
11 de la Serbie, s'ils ont été employés par le MUP de Serbie ou pas. Je
12 suppose qu'on répondra par l'affirmative à une demande de ma part en ce
13 sens.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce serait utile. Est-ce que vous
15 pourriez le faire ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois comprendre que vous m'en donnez
17 l'autorisation. Je vais essayer par téléphone de vérifier de qui il s'agit.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Faites-le. Merci.
19 M. NICE : [interprétation] Vous comprendrez, bien sûr, Messieurs les Juges,
20 que le bureau du Procureur recherchait et recherche toujours les documents
21 à l'appui de telles affirmations sous la forme de documents, et n'a pas
22 toujours la collaboration des autorités compétentes.
23 Ce document porte la date du 19 juillet, République de Serbie,
24 ministère de l'Intérieur, opérations d'Unités chargées d'Opérations
25 antiterroristes. Monsieur Stevanovic, que savez-vous à propos d'Unités
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1 chargées d'Opérations antiterroristes ?
2 R. Je crois avoir compris qu'il fallait que je lise le texte. Je n'ai
3 pas connaissance de l'existence de cette Unité d'Opérations
4 antiterroristes. Je sais qu'il y a une Unité spéciale antiterroriste.
5 Q. Vous avez un nom, celui de Vasilije Mijovic ?
6 R. Vasilije Mijovic, cela me dit quelque chose. Pendant un certain
7 temps, il a travaillé au campement de formation des Unités spéciales de la
8 Police situé à Tara. Il a été découvert par Franko Simatovic, suite à une
9 demande de ma part. Auparavant, Monsieur Stojicic, par le biais du secteur
10 de la Sûreté de l'Etat, avait demandé à ce que je sois aidé, pour ce qui
11 est de trouver un instructeur. M. Stojicic, je le connais comme étant l'un
12 des instructeurs pour la formation des Unités particulières de la Police.
13 Q. Vous connaissez cet homme. Il existe.
14 R. Je le connais.
15 Q. Voici ce qu'il dit : "Nous vous informons par la présente que
16 l'Unité du MUP de la République de Serbie a eu d'ATD, a reçu l'ordre de se
17 replier de la zone d'opérations de combat sur le secteur de Trnovo, avant
18 midi, le 20 juillet 1995, afin de se voir confier d'autres missions."
19 Que savez-vous à ce propos ?
20 R. Ce que je puis conclure, c'est que ceci est en corrélation avec les
21 documents précédents. Mais Vasilije Mijovic, lui n'a jamais fait partie du
22 secteur de la Sûreté de l'Etat, et je ne sais pas à quel moment il aurait
23 fait partie de ce secteur de Sûreté de l'Etat, mais il est certain qu'il ne
24 pouvait pas rédiger un tel document, et encore moins le signer d'après les
25 connaissances que j'en ai.
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1 Q. Fort bien. Document suivant --
2 R. Du reste, je vois que ce document ne se trouve pas être signé, il se
3 peut que ceci soit la version envoyée par imprimante, par télex.
4 Q. Document suivant, il porte la date du 21 juillet. Il y a une signature,
5 un en-tête, où c'est signé au nom du ministre adjoint, Tomislav Kovac. Je
6 parle ici de la Republika Srpska. Ceci concerne le camp d'entraînement de
7 Jahorina, de la Brigade spéciale de la Police, qui a informé l'auteur de ce
8 document de ceci le 18 et 19 juillet : "Au cours de l'exécution d'une
9 mission de combat dans la zone de Bratunac-Srebrenica-Konjevic Polje,
10 quatre membres de l'Unité se composant de conscrits, amenés de la RFY, ont
11 déserté. Leurs coordonnées ne sont pas connues. Ils ont laissé des armes,
12 du matériel dans la pièce où ils étaient logés." Puis les noms sont donnés
13 : Dragan Okiljevic, Zelimir Glogovac, Slavko Djukaric et Savo Filipovic.
14 Deux choses à ce propos : ceci se situe au cours de la période au cours de
15 laquelle il y a eu le massacre de Srebrenica. Il a fallu des journées
16 entières pour réaliser ce massacre. Etes-vous au courant de missions de
17 combat dans la zone de Bratunac-Srebrenica-Konjevic Polje, qui auraient
18 poussé des hommes de Serbie à déserter ?
19 R. Je ne peux vraiment pas me prononcer. Je ne sais tout simplement pas.
20 C'est la première fois que je vois ce document-ci, mais ce dont je viens de
21 me souvenir, c'est quelque chose au sujet du document précédent.
22 En effet, ce document peut avoir été rédigé comme une espèce de
23 présentation erronée. Vasilije Mijovic signe au nom du ministère de
24 l'Intérieur de la République de Serbie. C'est quelque chose qui me semble
25 tout à fait incroyable.
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1 Pour ce qui concerne cette question-ci, je ne connais pas ce document, je
2 ne vois pas quelles sont les raisons qui pourraient être celles d'une
3 désertion, parce que la désertion peut-être motivée par bien des choses,
4 indépendamment du moment où cela se passe. Il s'agit de façon évidente de
5 membres du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Partant des questions qui ont été posées par M.
9 Nice, je dirais que celles-ci se trouvent être posées de façon erronée.
10 Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas ici de conscrits originaires de la
11 République fédérale de Yougoslavie. On dit bien ici qu'il s'agit d'unité
12 créée de conscrits militaires amenés de la République fédérale de
13 Yougoslavie. Ce sont ceux que
14 M. Nice a mentionnés, ce sont des conscrits de la Republika Srpska, qui ont
15 été amenés depuis la République fédérale de Yougoslavie, mais on voit
16 qu'ils sont originaires de la Bosnie-Herzégovine, d'après tous les
17 renseignements fournis au sujet des quatre. Ce sont des conscrits
18 militaires de l'armée de la Republika Srpska, originaires de Bosnie-
19 Herzégovine. L'un est né à Bijeljina, l'autre à Sarajevo, l'autre à Knezevo
20 et l'autre à proximité de Bugojno, dans un village que l'on ne cite pas,
21 mais à proximité de Bugojno. Ce sont des conscrits militaires de cette
22 République de Bosnie-Herzégovine, et non pas des conscrits militaires de la
23 République fédérale de Yougoslavie.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est que M. Nice a mal présenté les
25 faits, les a déformés ?
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1 M. NICE : [interprétation] Si je l'ai fait, ce n'était pas intentionnel. Je
2 ne sais pas si c'était le cas, je voulais simplement demander au témoin
3 s'il était au courant d'un incident qui s'est produit au cours d'une
4 mission de combat, et qui aurait poussé les hommes à déserter. Il a répondu
5 par la négative, donc il m'a répondu.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais faire une
7 petite observation. Pour moi, c'est assez problématique lorsqu'il s'agit
8 d'un document que je vois pour la première fois, de fournir une réponse
9 pertinente au bout de deux secondes de consultation du document. Cela,
10 c'est d'un.
11 De deux, étant donné que M. le Procureur a fait plusieurs constations et
12 que je n'ai pas eu le temps de répondre, je voudrais que l'on ne considère
13 pas que j'ai répondu par l'affirmative ou par la négative, je n'ai tout
14 simplement pas eu le temps de répondre à certaines des constations qu'il a
15 avancées.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Stevanovic, vous allez
17 avoir le temps de lire un document, et vous devez vous assurer que vous
18 avez bien compris ce qui est contenu dans un document avant de répondre à
19 une question.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Peut-on examiner un autre document ? Ce document porte la date du 21
23 juillet, il vient du centre des services de Sécurité publique de Srbinje.
24 La signature est celle de Rade Radovic, chef par intérim. Il est envoyé au
25 ministre de l'Intérieur à Pale, et il relate les événements qui viennent de
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1 se produire sur le front Trnovo-Kalinovik, et voici ce qui est dit : "Au
2 cours de ces opérations, Andrija Mitrovic, fils de Cedomir, membre du SJB
3 de Rudo, et deux membres du 11e HP ont été tués. Puis vous voyez Ratko
4 Mitrovic, Simo Gajic, Srdjan Marinkovic, Milovan Neskovic et le 9e, Nogo
5 Jankovic, sont tous décrits comme étant du MUP de Serbie."
6 Qu'en dites-vous ?
7 R. Je ne connais aucune de ces quatre ou cinq personnes. Je ne pense pas
8 qu'ils aient été des membres du MUP de Serbie. Mais comme je l'ai dit tout
9 à l'heure, il me semble que nous pouvons aisément le vérifier.
10 Q. Encore l'un ou l'autre document que nous verrons plus tard, mais je
11 vais consulter le dernier pour le moment, il porte la date du 24 juillet,
12 trois jours après que vous ayez escorté le Bataillon néerlandais jusqu'en
13 Serbie.
14 R. J'ai l'impression que lorsque vous dites que j'ai escorté le Bataillon
15 hollandais par la Serbie, que c'est comme si c'était de mon plein gré que
16 je l'avais fait, et que c'était contraire à la volonté du Bataillon
17 néerlandais lui-même. J'ai l'impression que l'on cherche à placer cela dans
18 un contexte négatif.
19 Q. Voici ce que dit ce document. Il est adressé au ministère de
20 l'Intérieur de la RS et à la police de Trnovo. Voici ce qu'il
21 dit : "La nuit s'est bien passée en paix sur le champ de bataille de
22 Trnovo. L'Unité spéciale de Banja Luka, PJP, a relevé l'Unité du MUP de
23 Serbie appelée les Skorpions. Il n'y a pas eu, au cours de cette relève, de
24 problèmes." C'est signé. Nous avons ici une signature qui est
25 dactylographiée; c'est celle de Savo Cvjetinovic.
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1 Est-ce que cela pourrait être plus clair que cela ? Monsieur
2 Stevanovic, vous avez une Unité du MUP de Serbie; celle des Skorpions. Elle
3 s'est trouvée sur le territoire du champ de bataille de Trnovo pendant
4 toute la période qui est celle du massacre de Srebrenica. Ce document le
5 dit de façon limpide.
6 R. Les documents montrent de façon limpide que l'on a raccompagné une
7 Unité du MUP de Serbie, appelée les Skorpions, de ce champ de bataille. Je
8 vous assure, une fois de plus, que cette unité n'a rien à voir avec les
9 Unités de la Police du ministère de l'Intérieur de Serbie. Pourquoi cela
10 est indiqué ainsi ? Il faudrait que ceux qui l'ont rédigé le disent, que
11 ceux qui ont commandé ces unités le disent. Il se peut que ces unités se
12 soient présentées de façon fausse. Je ne peux pas maintenant vous trouver
13 la bonne réponse, mais ce que je vous affirme, c'est que les Unités
14 Skorpions n'ont rien à voir avec les Unités spéciales de la Police ou
15 quelque autre unité que ce soit du ministère de l'Intérieur de Serbie.
16 J'ai contrôlé, à l'époque, les Unités de la Police, qui se trouvaient de
17 l'autre côté de la frontière -- qui étaient engagées de l'autre côté de la
18 frontière. Je vous affirme qu'aucune unité ou aucun peloton n'est allé
19 effectuer une mission au-delà de ce qui leur a été indiqué.
20 Je ne sais pas comment ceci est venu à paraître dans ces documents,
21 mais le problème n'est pas celui de le vérifier. Vous essayez de vérifier
22 par mon biais, mais ne suis pas la personne qui est à même de le faire.
23 Q. Nous allons voir un autre document. Je ne sais pas si ceci peut être
24 vérifié. Monsieur Stevanovic, on vous a présenté comme étant l'homme qui
25 savait tout ce que faisait le MUP en Bosnie et en Croatie, l'homme qui
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1 pouvait aborder toutes les facettes de ce procès. C'est pour cela que je
2 vous soumets ces documents.
3 En voici un autre. J'avais réussi à l'enterrer sous une pile de documents.
4 Je m'en excuse. Maintenant, nous avons réussi à l'extirper.
5 R. Laissez-moi vous répondre d'abord. Je n'ai pas cru comprendre que
6 j'étais ici pour répondre à toutes les questions -- à des questions portant
7 sur tous les aspects. J'ai cru comprendre que je suis venu ici pour
8 répondre aux questions dont j'ai connaissance, et non pas à la totalité de
9 ce que vous, vous avez posé comme question et dont je n'ai absolument pas
10 connaissance. Vous m'avez critiqué d'avoir parlé de 1998. Vous avez passé
11 la journée d'hier à parler de 1991, 1992, et cetera. Les problèmes ne sont
12 pas aisément délimitables.
13 Q. J'aimerais que l'on passe à une question.
14 R. Excusez-moi d'avoir été aussi ample dans ma réponse.
15 Q. Nous voyons ici ce document qui concerne ce facteur musulman. Il s'agit
16 du 30 juin 1995. Il dit : "Le 30 juin 1995, les activités qui avaient
17 débuté sur le front de Trnovo se sont poursuivis. Le groupe de combat se
18 composant du 5e Détachement de la police spéciale et de deux pelotons
19 venant des Détachements de Kajman, Plavi et Skorpija, ont attaqué le relief
20 de Lucevik. Une explication à ce document, s'il vous plaît ?
21 R. Mon explication est celle des -- est la même que pour les cinq ou six
22 documents précédents. Il s'agit d'un jeu de documents, de façon évidente,
23 qui portent sur la même région, et qui ont été élaborés dans un même
24 commandement. Comme vous le voyez, on place toujours le MUP de Serbie entre
25 parenthèses parce que, si le MUP de Serbie s'était trouvé effectivement là-
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1 bas, le commandant de l'unité concernée aurait eu des échanges de
2 correspondance ou de courrier avec son propre MUP. Il devrait y avoir des
3 échanges de courrier entre cette unité-là et le MUP de Serbie. Or, tous ces
4 documents-ci sont rédigés par des commandements concernés du MUP de la
5 Republika Srpska. Dans ces documents, il est fait mention d'unités de la
6 République de Serbie. Tout ce que j'avais à vous dire à ce sujet, je vous
7 l'ai déjà dit.
8 Q. Vous connaissez Slobodan Medic, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne sais pas du tout qui est Slobodan Medic.
10 Q. Vous n'avez pas la moindre idée de qui c'est ? C'est que vous nous
11 dites vraiment ? Réfléchissez.
12 R. Slobodan Medic, dites-vous. Je connais un Medic au sein du MUP de
13 Serbie, mais Slobodan Medic, je ne sais pas du tout qui c'est.
14 Q. L'homme qui m'intéresse, c'est celui qui dirigeait les Skorpions. Vous
15 le connaissez ?
16 R. Il se peut que j'aie rencontré dans la Baranja quelques hommes
17 appartenant à cette unité alors que j'y étais en 1995, mais je ne sais pas
18 du tout qui est Slobodan Medic. Je vais encore plus précis; je parle
19 d'Erdut. Je ne sais toujours pas qui est Slobodan Medic. Je ne connaissais
20 pas les noms de ces gens-là. C'est ce que je veux vous dire.
21 Q. Je vais vous expliquer quelque chose. Ce que je vous laisse entendre,
22 c'est une partie importante de la vérité. L'Unité des Skorpions est entrée
23 dans la zone de Srebrenica avant le massacre, et elle a participé à
24 l'assassinat des gens de Srebrenica.
25 R. Je comprends ce que vous dites.
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1 Q. Vous, vous étiez un maillon essentiel nécessaire de cette chaîne
2 permettant le passage en Republika Srpska parce qu'il fallait franchir une
3 frontière.
4 R. Ce n'est absolument pas vrai.
5 Q. Vous aurez peut-être dès lors l'obligeance de m'aider sur ce point.
6 Lorsque je vous ai demandé -- attendez, je pense que la carte nous sera
7 utile. Lorsque je vous ai demandé partant de renseignements --
8 R. Je ne sais pas si --
9 Q. Lorsque je vous ai demandé, partant de renseignements à la disposition
10 du bureau du Procureur, ce qu'il en était du passage frontière qui aurait
11 été utilisé par cette unité. Là, je vais relire une partie du compte rendu
12 d'audience. Je vous ai dit : "La frontière que vous et d'autres effectifs
13 surveillaient, allait jusqu'à Priboj. Vous avez répondu : "Oui, jusqu'à
14 Priboj, ou plutôt jusqu'à la frontière avec le Monténégro." Ma question
15 était celle-ci --
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a une erreur ici. Il ne s'agit pas de
17 Prijedor, mais de Priboj.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, Priboj.
19 M. NICE : [interprétation] Oui, oui, Priboj.
20 Q. Vous avez dit -- j'ai dit : "Priboj est plutôt à l'est par rapport à
21 Gorazde, n'est-ce pas ?" Vous avez répondu : "Oui, je pense, au moins." Ma
22 question a été : "Juste au nord de Priboj, il y a un petit passage
23 frontière qui s'appelle Raca." Vous avez répondu
24 -- là je vous demande de regarder la carte, vous avez dit : "Il y a bien un
25 Raca, mais je ne sais pas si c'est un passage frontière, un poste
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1 frontière. Je ne me souviens pas si c'était un poste frontière officiel. Il
2 y en a un qui est officiel à Uvac et à Kotorman."
3 Si nous regardons la carte, nous voyons qu'Uvac se trouve à l'endroit
4 précis où se trouve Raca. Vous saviez parfaitement de quoi je parlais,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Non, je ne savais absolument pas de quoi vous parliez. Uvac, c'est le
7 passage frontière officiel. Dans mon subconscient, j'ai cette notion de
8 Raca, mais je n'arrive pas à le situer. J'ai voulu vous faire confiance. Je
9 me suis souvenu qu'il y avait là un passage frontière officiel qui
10 s'appelait Raca, et qui se trouve au nord de la frontière entre la
11 Republika Srpska et la République de Serbie. Ici, on ne peut pas placer
12 cela en corrélation avec Raca. Si on regarde la carte on peut le faire,
13 mais je n'ai pas consulté la carte. Je n'avais aucune idée du fait que Raca
14 se trouvait également à proximité d'Uvac.
15 Il me semble tout à fait illogique de traverser la frontière ici pour aller
16 à Srebrenica. C'est, notamment, illogique si c'est fait par une unité
17 faisant partie du MUP de Serbie.
18 Je vous demanderais de vous pencher sur la carte pour voir où se
19 trouve exactement Srebrenica.
20 Q. S'il vous plaît, Monsieur Stevanovic, j'ai d'autres questions à vous
21 poser.
22 R. Excusez-moi.
23 M. KAY : [interprétation] Je pense qu'il a le droit de répondre parce que
24 c'est une question du contre-interrogatoire qui met en doute la crédibilité
25 du témoin, et le témoin veut fournir une réponse complète. On a lu une
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1 partie du compte rendu d'audience. Le témoin a indiqué ce qu'il
2 connaissait, et il veut continuer à préciser. Il va avoir le droit de le
3 faire.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, continuez votre explication.
5 Terminez-là, Monsieur le Témoin.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je voulais vous faire partie d'une --
7 enfin, de vous faire part d'une réflexion. Si vos suppositions étaient
8 justes, à savoir, d'affirmer que le Groupe des Skorpions était passé sous
9 le contrôle du MUP de Serbie et étalé à
10 Srebrenica pour y faire quelque chose, alors l'utilisation de ce passage
11 frontière d'Uvac, ou voire, ce passage frontière Raca pour aller à
12 Srebrenica, nous semble tout à fait illogique parce qu'il y a un passage
13 frontière officiel à Bajina Basta. Je vous le montre sur la carte. Vous
14 voyez où est Srebrenica. Il y a un passage frontière à Ljubovija non loin
15 de Bratunac.
16 Si l'on suppose que ce que vous dites est vrai, il n'est pas logique
17 du tout de diriger cette unité là-bas par le biais de ce passage frontière-
18 ci.
19 M. NICE : [interprétation] Oui. Maintenant, le micro est branché, n'est-ce
20 pas ? Fort bien.
21 Q. Si j'ai dit que l'unité allait directement à Srebrenica, je me suis
22 trompé, mais je ne suis pas sûr de l'avoir dit. C'est peut-être ce que vous
23 en avez déduit. Mais, si cette unité allait effectivement, comme elle est
24 allée à Jahorina et à Trnovo, elle venait de Djeletovci en Croatie, il
25 serait tout à fait logique. Là, je vous donne un repère parce que nous
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1 n'avons pas tous les noms indiqués sur la seule carte, celle que nous avons
2 sous les yeux, en ce moment. Cette unité on le voit, elle allait - prenons
3 le haut - de Djeletovci en Croatie, et si elle allait descendre pour aller
4 au sud de Srebrenica jusqu'à Jahorina et Trnovo sur le front de Treskavica,
5 il était tout à fait logique qu'elle aille vers le sud en passant par la
6 Serbie, puis de virer vers l'ouest pour passer par la Republika Srpska en
7 passant par Raca. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi ?
8 R. Non. Même dans le cas d'une telle explication, le passage frontière,
9 tel que vous le dénommez Raca, n'est pas logique. Même si cette unité,
10 disais-je, s'était dirigée de Srem en passant par la Serbie, il serait
11 logique de passer par Ogica [phon], Kotorman et Visegrad, parce que cela
12 fait deux -- c'est deux fois plus court comme route, et de passer par
13 Visegrad pour arriver jusqu'à Gorazde et à Jahorina, et ainsi de suite. Il
14 n'y a aucune raison pour cette unité de prolonger sa route en passant par
15 Prijepolje et d'autres localités pour y arriver, par Prijepolje et Priboj
16 pour faire contourner et arriver à destination. Vous êtes en train de
17 parler d'hypothèse.
18 Q. Suite à votre réponse, je voulais vous faire valoir autre chose.
19 Lorsque je vous ai posé une question à propos de Raca, avant d'avoir fourni
20 cet atlas, le compte rendu d'audience le montre, vous avez montré que vous
21 saviez aussitôt de quoi je parlais parce que vous avez parlé d'Uvac. Après,
22 vous avez essayé de changer de position; est-ce que ce n'est pas là la
23 vérité ?
24 R. Non, ce n'est pas la vérité. Je vous en prie, Monsieur le Procureur, ce
25 n'est absolument pas vrai. Je connais les lieux. J'ai été 100 fois au
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1 passage frontière d'Uvac, alors que Raca, c'est une notion géographique qui
2 me dit quelque chose, mais je n'avais aucune idée du fait que cela se
3 trouvait juste à côté. Soyez-en assuré.
4 Je vais répondre à une constatation que vous avez avancée, à savoir,
5 je réfute catégoriquement toute suggestion laissant entendre que j'avais
6 connaissance du passage de groupes paramilitaires de Serbie vers la Bosnie-
7 Herzégovine pour y commettre des crimes. C'est indissociable avec -- cela
8 ne peut être associé à ma personnalité et à ma personne. Je ne pouvais pas
9 passer sous silence telle chose. Jamais. Tous ceux qui me connaissent
10 savent pertinemment que je vous dis la vérité.
11 Je vais maintenant vous montrer quelques séquences vidéo. L'enregistrement
12 fait deux heures, mais je vais vous montrer quelques minutes. Nous allons
13 essayer de montrer le contexte. Il y a plusieurs extraits.
14 M. NICE : [interprétation] On va les diffuser. Les Juges voudront peut-être
15 avoir une copie de la carte. Je ne demande pas nécessairement quelle soit
16 versée au dossier, mais c'est simplement une façon de vous orienter sur le
17 territoire.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Nous voyons ici qu'il se déroule une cérémonie. Les Skorpions sont
21 bénis par un prêtre, reçoivent leur bénédiction d'un prêtre. Cela se passe
22 à Djeletovci. Vous allez vouloir comprendre l'utilité que revêt cet
23 extrait. A un moment donné chaque soldat vient recevoir la bénédiction du
24 prêtre dont vous aurez un aperçu complet de chacun de ces visages.
25 R. Je vois très mal les visages. Je ne sais pas si c'est la qualité de la
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1 vidéo ou quoi.
2 Q. Nous allons peut-être faire des arrêts sur image et vous présenter des
3 plans fixes pour vous faciliter cet examen.
4 Voyons l'extrait suivant.
5 [Diffusion de cassette vidéo]
6 M. NICE : [interprétation] La date qui est ici indiquée, celle du 25 juin
7 1995. C'est la même unité qui est en route.
8 [Diffusion de cassette vidéo]
9 M. NICE : [interprétation] Vous avez, bien sûr, vu le panneau indicateur de
10 Pale. Là, ils ont déjà pénétré en Republika Srpska comme je laisse entendre
11 par Raca. Maintenant, ils sont à l'ouest de Sarajevo à Pale.
12 Extrait suivant.
13 [Diffusion de cassette vidéo]
14 M. NICE : [interprétation]
15 Q. Nous sommes maintenant à Jahorina. Tout le monde pourra voir la date.
16 Vous voyez que certains portent le béret rouge.
17 Extrait suivant.
18 R. C'est assez flou. Je vois une image très floue. J'espère qu'on pourra
19 améliorer la qualité de l'image.
20 Q. Est-ce que M. l'Huissier pourrait vérifier la position de l'écran pour
21 veiller à ce qui n'est pas de reflet.
22 [Diffusion de cassette vidéo]
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vois beaucoup mieux. Oui, l'angle du
24 moniteur est très mauvais. Est-ce qu'on peut encore un peu le redresser, je
25 vous prie ?
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Désolé --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut améliorer la
4 position de l'écran du moniteur ?
5 M. NICE : [interprétation] Ici, nous sommes au poste de commandement des
6 Skorpions à Trnovo.
7 [Diffusion de cassette vidéo]
8 M. NICE : [interprétation] Là, nous sommes au front, à Treskavica, c'était
9 l'extrait précédent.
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Arrêtons-nous un instant. Dans cet extrait. Cela pourrait montrer des
13 images, tout à fait, éprouvantes. Je ne vais en montrer que quelques-unes.
14 Ceci va vous révéler, Monsieur Stevanovic, si ce document finira par être
15 versé au dossier, il va vous révéler que des hommes ont été amenés de
16 Srebrenica par l'eau vers ce Groupe de Skorpions pour être exécutés. Ces
17 hommes, ils ont été exécutés. Vous voyez ici, un camion avec à bord six
18 jeunes hommes.
19 Ici, nous avons le même camion. Il y a des hommes en arrière. Vous
20 voyez les Bérets rouges.
21 R. Je le vois, mais je ne vois pas d'insigne de Skorpions.
22 Q. Vous reconnaîtriez cet insigne des Skorpions, si vous le voyiez ?
23 R. Je pense que c'est évident. Je ne sais pas quel est l'aspect exact,
24 mais je suppose qu'on devrait y voir un Skorpion.
25 Q. Vous devinez. Ce sont de suppositions. C'est cela ?
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1 R. Je vous ai dit qu'à Erdut, j'ai eu la possibilité de voir plusieurs
2 membres de cette unité et je crois qu'ils portaient un uniforme avec des
3 insignes.
4 M. NICE : [interprétation] Arrêtons-nous un instant.
5 Me permettez-vous de passer rapidement un coup de fil ? C'est
6 vraiment quelque chose d'exceptionnel.
7 [Diffusion de cassette vidéo]
8 M. NICE : [interprétation] Le camion part. Les hommes vont être finalement
9 emmenés dans les collines. C'est peut-être un peu difficile à voir et
10 pénible, mais je ne vais pas m'attarder. Voici, on les emmène dans la
11 campagne avoisinante.
12 Il y en encore deux qui n'ont pas été encore abattus. On leur enlève
13 les liens. Inutile de voir les détails. Voilà, on leur enlève les liens.
14 Les quatre corps sont déplacés et ces deux derniers hommes sont abattus.
15 J'en resterai là.
16 Q. Afin de vous aider et de nous aider, vous aviez fait une remarque, vous
17 disiez que vous recherchiez des insignes des Skorpions.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, pourrez-vous
19 nous donner des détails à propos de l'enregistrement que nous venons de
20 voir ?
21 M. NICE : [interprétation] Oui, dans une certaine mesure, je suis à
22 même de le faire.
23 M. KAY : [interprétation] Mais, aucune base n'a été établie. A mon avis,
24 ici, c'est de la sensation qu'on recherche. Aucune question n'est posée au
25 témoin s'agissant du contenu de cet enregistrement. En tout cas, pas d'une
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1 façon à laquelle il peut répondre. L'Accusation se contente de présenter
2 des documents dont elle dispose, qui n'ont pas été communiqués à la Défense
3 et maintenant on la montre à l'intention de l'opinion publique, sans poser
4 la moindre question. C'est vraiment de la sensation. Ce n'est pas un
5 contre-interrogatoire.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est assez vrai. Qu'est-ce vous
7 allez nous dire à propos de ce film ? Qui l'a réalisé ? Dans quelles
8 conditions ? Quelles sont les questions que vous avez l'intention de poser
9 au témoin ?
10 M. NICE : [interprétation] J'y arrive.
11 Parlons de la réalisation de ce film. Je laisse entendre qu'il s'agit
12 ici d'un film qui montre l'exécution par les Skorpions de prisonniers de
13 Srebrenica. Je veux lui poser des questions au témoin, les voici.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donnez-lui le temps de répondre à
15 cette première question.
16 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
17 Q. Je laisse entendre que ce film montre l'exécution par les Skorpions de
18 prisonniers de Srebrenica. Qu'en pensez-vous ?
19 R. Je suis très troublé et je dois vous dire que c'est l'une des vidéos
20 les plus monstrueuses que j'ai vues à la télévision. Je n'ai jamais rien vu
21 de quoi que ce soit d'analogue, aucun meurtre. Je crois que vous avez passé
22 cette vidéo en corrélation avec mon témoignage, parce que vous devez
23 forcément savoir que cela n'a rien à voir avec moi-même, ni avec les unités
24 à la tête desquelles je me trouvais. J'ai essayé de l'expliquer hier et
25 aujourd'hui à mi-témoignage. Je ne doute pas du fait que vous ayez le droit
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1 de le faire, mais je dois vous dire que je suis tout à fait troublé de voir
2 et bouleversé de voir --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, êtes-vous d'accord avec
4 l'hypothèse que vous a soumise le Procureur, à savoir que ce film montre
5 l'exécution par les Skorpions de prisonniers de Srebrenica ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, je peux douter de ce que
7 Monsieur le Procureur a dit, je ne veux pas en douter toutefois, mais je
8 n'ai vu aucune des personnes que je connaîtrais et je n'ai vu aucun élément
9 de preuve qui me montrerait qu'il s'agit effectivement de membres de cette
10 unité-là.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Je vais répondre au deuxième point --
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
16 M. NICE : [interprétation] Je reviendrai à quelques questions de détail, un
17 peu plus tard.
18 Q. Je demande votre aide sur les plans suivants. Nous avons retiré près
19 des plans fixes de certaines images de cet enregistrement. Je voudrais que
20 vous m'aidiez maintenant ou plus tard, face à cette hypothèse que je vous
21 soumets. Ce film est maintenant disponible, manifestement ce sont des
22 membres de l'unité qui ont filmé ces images à partir du mois de juin
23 jusqu'à l'après Srebrenica. Aidez-moi, maintenant ou plus tard à identifier
24 des personnes et à nous dire quelles étaient leurs fonctions.
25 La première personne, --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela se trouve sur le
2 rétroprojecteur ?
3 M. NICE : [interprétation] Oui, sur le rétroprojecteur.
4 Q. La première personne c'est Slobodan Medic, nous avons deux photos de
5 lui. Est-ce que vous reconnaissez cet homme ?
6 R. Je me souviens seulement du surnom. Le surnom Boca me dit quelque
7 chose, mais je n'arrive pas à me souvenir du visage. Je pense avoir vu un
8 nom répondant à ce surnom à Erdut deux ou trois fois en 1995, mais il n'est
9 pas venu me voir, moi. Je crois qu'il était allé voir, si mes souvenirs
10 sont bons, un dénommé Milanovic.
11 Q. C'était lui qui était à la tête des Skorpions, à partir du moment où
12 ils ont surveillé les champs pétrolifères de Djeletovci jusqu'au moment de
13 l'engagement des Skorpions au Kosovo, parce que le plus vite possible, nous
14 allons arriver au Kosovo. Est-ce bien lui ?
15 R. Cela je ne le sais pas. Pour ce qui est de Djeletovci, je vous ai déjà
16 dit que je ne savais pas. Je ne sais pas quel type de tâches lui ont été
17 confiées, je l'ai vu deux ou trois fois, mais je n'avais rien à voir du
18 tout avec lui.
19 Q. Photo suivante --
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a une chose que je ne comprends
21 pas dans votre réponse. Admettez-vous Général, que c'est bien Boca ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne confirme pas. Je n'arrive pas à me
23 resituer les traits de son visage. Ce dont je me souviens, c'est ce surnom
24 de Boca, dans un groupe de cinq ou six hommes que j'avais vus, au plus,
25 trois fois.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cet homme, vous l'avez vu, il était
2 membre des Skorpions ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. NICE : [interprétation]
6 Q. Photo suivante, pour vous aider à nous aider, voici ce que nous avons
7 fait. Nous avons pris des photos en continu. Vous avez ici Branislav Medic,
8 surnommé Cipa, on le voit en train de tuer la quatrième personne qui a été
9 tuée. Après on voit son visage, on le voit de face. Est-ce que vous êtes à
10 même de reconnaître cet homme grâce à ces photos ou connaissez-vous son
11 nom ?
12 R. Non, je ne me souviens d'aucun autre nom ou prénom ou surnom. C'est
13 juste un concours de circonstances qui fait que je me souviens d'un surnom,
14 celui de Boca. Je ne me souviens d'aucun autre nom, prénom ou surnom. Je ne
15 pense pas que l'on m'ait dit un nom ou un prénom, peut-être à l'occasion
16 des présentations, mais je n'en ai absolument pas gardé le souvenir.
17 Q. Nous allons rapidement parcourir les photos suivantes, car elles
18 doivent servir à identifier l'unité afin de voir à qui était subordonnée
19 cette unité.
20 Cette photo qui n'est pas prise sur le site de l'exécution, c'est celle de
21 Nikola, surnommé aussi Nikica Kovacevic. S'agissant de toutes ces photos,
22 je vais demander votre assistance, était-ce des membres d'éléments
23 subordonnés au MUP. Je suppose que vous n'allez admettre reconnaître
24 personne, donc on va les parcourir rapidement, mais dites-moi au cas où
25 vous reconnaîtriez quelqu'un ?
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1 R. J'ai dit à plusieurs reprises que ce n'était pas des membres du MUP. Ce
2 groupe, cette formation, n'a pas fait partie du MUP.
3 Q. Nous avons maintenant une autre photo qui nous montre Zoran Topic.
4 La suivante est celle de Djuro Meleusic.
5 Ensuite, vous avez Dragisa Zuber.
6 Puis, vous avez quatre photos qui vous montrent Pero Opacic, surnommé Coke,
7 c'est l'homme qui porte la moustache, en bas à droite, mais on l'a vu sur
8 d'autres photos. Vous reconnaissez cet homme-ci ?
9 R. Absolument pas.
10 Q. Photo suivante. --
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez montré trois photos sans
12 poser de questions.
13 M. NICE : [interprétation] Je vous ai dit que ces personnes étaient
14 identifiées comme étant membres de l'unité, j'allais demander s'ils étaient
15 membres de l'unité, maintenant ou plus tard.
16 Q. Vous avez maintenant Slobodan Davidovic qu'on a vu, c'est ce qu'on va
17 affirmer, sur les sites d'exécution. Un homme plus âgé, vous le
18 reconnaissez ?
19 R. Non, j'ai dit que je n'avais reconnu aucun des visages qu'on m'a
20 montrés jusqu'à présent, par ailleurs je ne connais personne membres de
21 cette unité, personnellement. D'ailleurs, je n'aurais pas pu les connaître.
22 Je n'ai rien eu de commun avec eux, comme je l'ai déjà dit.
23 Q. Regardons la photo suivante. Petar Dimitrovic. On le voit sur la photo
24 du haut, sur la photo du bas également. Sur celle du bas, c'est celui qui
25 se trouve à gauche. Il porte un béret rouge. Reconnaissez-vous l'uniforme ?
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1 R. Je ne vois pas l'uniforme.
2 Q. Les écussons, vous avez fait une remarque au sujet des écussons. Je me
3 permettrais de vous poser la question suivante à ce sujet : saviez-vous que
4 des unités allaient de Serbie en Republika Srpska pour s'y battre et que
5 les membres de ces unités, au moment de passer d'un pays à l'autre,
6 changeaient d'écussons ? Est-ce que vous le saviez ?
7 R. Qu'ils changeaient leurs écussons ? Je ne savais pas qu'ils changeaient
8 d'écussons ou d'emblèmes au passage de la frontière. Il est possible que ce
9 soit exact, mais je n'ai pas été informé de cela.
10 Les passages frontières n'étaient pas placés sous mon contrôle d'une
11 quelconque façon.
12 Q. Photo suivante, je vous prie. Slobodan Stojkovic ?
13 R. Je ne connais pas cet homme.
14 Q. La photo suivante nous montre un homme dont il est affirmé qu'il a
15 participé aux assassinats, il s'agit de Pero Petrasevic. Je crois qu'à
16 gauche, en haut, on le voit en train de se raser. On le voit également sur
17 la photo, en haut à droite, sur la droite.
18 R. Il est inconnu pour moi.
19 Q. Encore quelques photographies sur lesquelles je vous demanderais votre
20 aide. Milorad Momic, on le voit également sur le lieu d'exécution.
21 Un homme qui n'est identifié que par son surnom, à présent. Il est
22 surnommé Siptar. On voit que sur la gauche de la photo du haut, à gauche,
23 il est en train de recevoir la bénédiction du pope. Il a participé à
24 l'exécution. Est-ce que le surnom Siptar ou les traits de cet homme vous
25 disent quelque chose ?
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1 R. Non.
2 Q. Pour le suivant. On ne connaît pas son prénom et son nom de famille est
3 Grubor.
4 Si vous ne le connaissez pas, je suppose que vous direz ne pas le
5 connaître. Le suivant est un certain Branislav que l'on voit les bras
6 croisés. Sur cette photo, on voit deux hommes qui ont les bras croisés.
7 C'est celui de gauche pour nous et il porte la moustache.
8 R. Je ne connais ni le précédent, ni celui-ci. Je ne les ai jamais vu.
9 Q. Très bien. Nous arrivons maintenant à un certain Milko dont on ignore
10 le nom de famille et il y en a plus que huit à venir.
11 Photographie suivante, je vous prie. Le suivant est un homme dont on ignore
12 le prénom et dont le nom de famille est Hovan.
13 Le suivant est un homme dont on ignore le prénom et dont le nom de famille
14 est Djurik.
15 Le suivant est un homme qui était conducteur de l'autobus qui est venu de
16 Srebrenica, il s'appelle Braco. Vous le connaissez ?
17 R. Non.
18 Q. La photographie suivante est celle d'Aleksandar Medic, c'est l'un des
19 hommes qui a participé à l'exécution. On le voit en train de recevoir la
20 bénédiction du pope et on le voit également sur d'autres photos.
21 Ensuite, photographie suivante, c'est celle d'un homme dont le prénom est
22 Sasa, surnommé Vuk [phon]. Ensuite, une photographie de Branislav Medic.
23 Ici, il ne se dirige pas vers le lieu d'exécution. Il est photographié à un
24 autre lieu dans la prairie.
25 Photographie suivante, celle de Srdjan Manojlovic dont on dit qu'il est ou
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1 qu'il était capitaine au sein de l'armée yougoslave.
2 Photographie suivante, celle d'un certain Srecko, non de famille inconnu.
3 L'avant dernière photographie est celle d'un certain Miljkovic, prénom
4 inconnu.
5 L'avant dernière est celle d'un certain Olujic, prénom inconnu, suivie
6 d'une photographie d'un certain Branislav, nom de famille inconnu.
7 Vous étiez un haut représentant de la police de l'époque et vous êtes
8 encore membre du MUP, donc, je vous propose les allégations que nous sommes
9 en mesure d'avancer au sujet de cette rencontre pour laquelle vous avez
10 parlé du bon comportement des forces serbes en Republika Srpska.
11 Deux choses que j'ai à vous dire. Comment pourriez-vous nous aider, je vous
12 prie, puisque vous aviez dit que vous pouviez le faire, à vérifier le
13 comportement de ces hommes en juillet 1995 ?
14 R. Je vous en prie. Permettez-moi de répondre d'abord à la première
15 question. Je n'ai rien dit du comportement des forces serbes en Republika
16 Srpska. Vous affirmez une chose comme celle-ci et ensuite vous passez à
17 votre question. Je ne vois pas accorder la possibilité de répondre à la
18 première partie -- à ce qui précède la question. Donc, il semble en
19 découler que je suis d'accord avec vous.
20 Je ne me souviens vraiment pas avoir dit quoi que ce soit au sujet du
21 bon comportement des forces serbes en Republika Srpska. Tout ce que je dis
22 c'est que les forces de la police que je dirigeais, ou en tout cas dont
23 j'étais responsable dans le secteur de Bajina Basta, Priboj, Rudo et
24 Visegrad. S'agissant du rapport que la police avait avec les Unités de la
25 PJP, à Banja Luka, Prijedor, Doboj, j'ai dit que s'agissant de ces unités,
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1 et je répète que je parle de ces unités, elles étaient extrêmement
2 professionnelles et ont accompli leur devoir de policiers de la façon la
3 plus professionnelle qui soit et qu'il est impossible de les lier en quoi
4 que ce soit à quelque crime que ce soit. Tout ce que vous m'avez montré
5 d'autre n'a absolument aucun rapport avec moi. Bien sûr, je suis témoin et
6 je réponds par rapport à ce que vous me montrez. Je réponds à vos
7 questions. Toutes celles que vous me posez, mais en fait, aucune de ces
8 questions ne me concerne car je n'ai rien à voir avec ce groupe et les
9 unités dépendantes de moi n'avaient pas non plus quoi que ce soit à voir
10 avec ce groupe.
11 Q. Permettez-moi, si vous voulez bien, d'avancer l'éventualité
12 qu'une unité subordonnée au MUP de Serbie et dénommée les Skorpions se
13 trouvaient sur le territoire de la Republika Srpska dans le secteur de
14 Jahorina et a participé à l'exécution d'habitants de Srebrenica; est-ce que
15 vous acceptez cette éventualité ?
16 R. S'agissant du secteur de la Sécurité publique, j'exclus
17 absolument cette possibilité, mais s'agissant du secteur de la Sécurité
18 d'Etat, je n'ai aucune information. Je ne pense pas en tout cas. Je suppose
19 que si quelque chose de ce genre avait eu lieu sous la responsabilité du
20 secteur de la Sécurité d'Etat, j'aurais dû en principe en être informé.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez été distrait par le
22 commentaire qui a précédé la question et vous n'avez pas tout à fait
23 répondu à la question. La question était la suivante : pouvez-vous apporter
24 une aide quelconque dans l'établissement --
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] -- dans la démonstration
2 éventuelle qu'ils y avaient des hommes impliqués dans une Unité appelée les
3 Skorpions en juin 1995.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne puis vraiment pas aider davantage
5 que ce que j'ai déjà fait dans mes réponses précédentes. Si vous avez une
6 question plus précise qui vous semble utile, j'aurais grand plaisir à
7 essayer d'y répondre.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que la question a été
9 posée en rapport avec des documents qui vous ont été soumis précédemment.
10 Lorsque ces documents vous ont été montrés, vous avez dit que vous pouviez
11 vérifier. Quelque chose peut-il être fait par rapport au document vidéo qui
12 vient de vous être montré ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cet ordre d'idées, je pense je
14 pourrais apporter une certaine aide. Je ne sais pas quelle sera la réponse
15 des organes officiels concernés, mais si vous me donnez une liste de nom à
16 l'issue de ma déposition, je pourrais vérifier et voir s'ils faisaient
17 partie du MUP ou pas.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Voyez-vous, c'est la raison pour laquelle je vous ai décrit le
21 contexte dans lequel ce film a été tourné. En quelques mots, êtes-vous prêt
22 à utiliser le pouvoir qui est le vôtre pour tenter de confirmer ou
23 d'infirmer que ces hommes faisaient effectivement partie des Skorpions, en
24 juillet 1995 ?
25 R. Je ne peux pas évidemment vérifier, si quelqu'un était membre d'un
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1 groupe dont je ne connaissais pas l'existence, dont je ne savais pas où il
2 se trouvait ou sous le commandement de qui il était placé ? J'ai
3 connaissance de l'existence de ce groupe, à partir de 1995, parce que tout
4 simplement à un endroit déterminé j'ai vu trois ou quatre hommes qui se
5 sont présentés comme faisant partie de ce groupe, et les noms semblent me
6 rappeler quelque chose. Je ne sais vraiment pas à quoi s'occupait ce
7 groupe, sous quel commandement il se trouvait, ni où il se trouvait. Je ne
8 m'occupais tout simplement pas des groupes. Je ne sais pas où se trouvait,
9 par exemple, la garde des volontaires serbes ou d'autres groupes du même
10 genre. Je ne sais rien de tout cela.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien, Monsieur Stevanovic, la raison
12 pour laquelle je vous ai posé la question que je vous ai posée qui a été
13 reprise dans la question que vous a posée M. Nice, c'est parce que vous
14 niiez tout rapport entre les actes que l'on voit commis sur les images
15 vidéo, et la participation du secteur de la Sécurité publique du MUP à ces
16 actes.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez poursuivi en disant que vous
19 ne pensiez pas que de tels actes puissent avoir été commis par des hommes
20 appartenant à la Sécurité d'Etat du MUP non plus. Vous avez dit, dans une
21 de vos réponses, que vous auriez dû en être informé si cela avait eu lieu,
22 si cela avait existé. C'est la raison pour laquelle, en qualité de question
23 de suivi, je vous demande si les vérifications que vous pourriez faire
24 permettraient éventuellement d'établir si ces personnes ont été engagées
25 d'une façon ou d'une autre par le MUP en 1995.
Page 40290
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai dit que je pouvais essayer
2 d'établir la réalité de certains faits, je partais de la supposition que le
3 ministère et ce secteur du ministère me fourniraient des informations si
4 j'en faisais la demande. Au ministère, ils devraient disposer de tous les
5 renseignements au sujet des personnes qui travaillaient pour le ministère
6 jusqu'au jour d'aujourd'hui et donc à l'époque. Le seul problème, c'est que
7 le système d'information a éventuellement été détruit par les bombardements
8 du bâtiment dans lequel se trouve le ministère. C'est le seul problème qui
9 pourrait se poser. Le ministère a des archives et il dispose d'une liste de
10 tous ses employés. Il ne devrait pas y avoir de grands problèmes à
11 vérifier. La Sécurité d'Etat garde des archives de tous ces documents.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, l'heure de la pause
13 est arrivée.
14 M. NICE : [interprétation] Si l'heure vous paraît appropriée, j'aimerais
15 simplement poser deux ou trois questions supplémentaires.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur ce même point.
17 M. NICE : [interprétation] Sur ce même point de façon à ce que ma position
18 soit tout à fait claire aux yeux du témoin; puis, je passerai à un autre
19 sujet.
20 Q. Monsieur Stevanovic, je ne me fais pas trop d'illusions, mais je vous
21 demande votre assistance si vous pouvez la fournir. Ce que je vous déclare
22 c'est que : ce groupe n'aurait pas pu entrer en Republika Srpska par Raca
23 sans la complicité des hommes qui surveillaient les passages frontières,
24 sans que ceux-ci soient au courant. Voyez-vous ? C'est ce que je vous
25 affirme.
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1 R. Ceci n'est pas vrai. Cette proposition n'est pas exacte. Je n'avais
2 aucune raison de savoir, je n'étais pas responsable des passages frontières
3 d'une façon ou d'une autre. C'est une tâche qui incombait à la police des
4 frontières, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises.
5 Par ailleurs, les mesures intensifiées, ou partiellement intensifiées qui
6 se sont appliquées à partir de Bajina Basta vers le sud jusqu'à la
7 frontière du Monténégro s'appliquaient vers le sud et pas vers le nord.
8 Bien entendu, des mesures de ce genre sont des mesures intensifiées dont
9 nous avons parlé dans ce prétoire, et elles étaient en rapport avec la
10 situation de Bajina Basta vers le sud jusqu'à la frontière du Monténégro.
11 Ceci a été très clairement décrit dans les réponses que j'ai fournies
12 jusqu'à présent.
13 Maintenant, savoir si à un certain passage frontière quelqu'un traverse
14 illégalement la frontière, chacun sait que cela arrive. Par ailleurs, des
15 membres de l'armée de la Republika Srpska et de l'armée de la République
16 serbe de Krajina avaient leurs domiciles en Serbie et traversaient
17 régulièrement la frontière.
18 Le passage de la frontière se faisait à condition d'être en possession
19 d'une carte d'identité. On avait simplement besoin d'une carte d'identité
20 et d'aucun autre document de voyage officiel. Donc n'importe qui pouvait
21 passer la frontière s'il le souhaitait et pour autant qu'il ait été
22 détenteur d'une simple carte d'identité. C'était la procédure régulière.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, dans la mesure où
24 vous posez vos questions en partant du principe que le témoin était censé
25 contrôler les passages frontières, je vous dirais que mon interprétation de
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1 la déposition du témoin consiste à penser qu'il a affirmé que les passages
2 frontières étaient sous la responsabilité d'une Unité spéciale relevant du
3 ministère de l'Intérieur. Il s'est rendu sur les lieux accompagné des
4 hommes dont il était responsable pour apporter son aide en qualité de
5 renfort. Il n'a pas dit dans sa déposition qu'il était responsable du
6 contrôle des frontières.
7 M. NICE : [interprétation] Vous avez entièrement raison dans votre analyse,
8 Monsieur le Président, s'agissant des mots qui ont été prononcés par le
9 témoin dans sa déposition. J'affirme pour ma part, que pour affirmer ce que
10 j'avance, je n'ai pas besoin d'une réponse spécifique du témoin, et ce que
11 j'affirmais c'était que si une personne aussi expérimentée que ce témoin
12 apportait l'assistance qu'il nous a dit avoir apportée, il aurait été
13 impossible que quelque chose de ce genre se passe sans que la personne
14 habilitée, à savoir, lui, en soit informée puisque cela aurait risqué de
15 mécontenter fortement cette personne.
16 J'aimerais poser une autre question avant la pause.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
18 M. NICE : [interprétation]
19 Q. La deuxième proposition que je souhaitais vous soumettre repose sur les
20 questions qui vous ont été posées au sujet d'un individu qui jouit de la
21 confiance. C'est la raison pour laquelle je vous ai interrogé sur ce point.
22 Ce que je vous affirme, c'est la chose suivante : le 21 juillet, une bonne
23 semaine après les premières communications entre vous et votre
24 gouvernement, vous jouissiez d'une confiance suffisante pour être envoyé
25 aux abords de Srebrenica et être chargé d'escorter le Bataillon
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1 néerlandais, donc vous bénéficiiez d'une confiance suffisante pour être
2 informé du massacre. Voilà ce que je vous affirme.
3 La question que je vous pose dans ce contexte est la suivante :
4 lorsque vous avez été envoyé par votre ministre adjoint, est-ce qu'on vous
5 a dit qu'un massacre grave -- un événement très grave avait eu lieu à
6 Srebrenica ?
7 R. D'abord, permettez-moi de dire que votre observation à l'instant
8 est totalement inexacte. Deuxièmement, permettez-moi de dire que rien de
9 tout cela ne m'a été dit, absolument rien. Je n'ai pu tirer aucune
10 conclusion à ce sujet. Au sujet de ce que j'ai vu à Bratunac ou du contact
11 très bref que j'ai eu avec les dirigeants du Bataillon néerlandais. Soyez
12 assuré que je ne vous dis que la vérité --
13 Q. Je vais fournir au témoin --
14 R. -- et rien que la vérité.
15 Q. Je vais fournir au témoin si la Chambre le souhaite les photographies
16 et les noms des hommes que nous avons vus de façon à ce qu'il vérifie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vingt minutes de pause.
18 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
19 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, à vous.
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Je vais maintenant parler d'un événement beaucoup plus tardif, Monsieur
23 Stevanovic, Dubrava est l'une des raisons pour lesquelles je m'apprête à
24 traiter de cet événement. C'est parce que vous avez quelques informations à
25 ce sujet personnellement, n'est-ce pas ?
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1 R. J'ai expliqué déjà que j'avais un certain rapport avec les événements
2 de Dubrava dans la mesure où j'ai été chargé de discuter avec le
3 représentant du ministère de la Justice. Or, le ministère de la Justice a
4 été saisi d'une demande de participation du MUP à l'évacuation des
5 prisonniers détenus dans la prison de Dubrava, après le bombardement de
6 celle-ci.
7 Q. Que voulez-vous dire par là ? Nous savons que vous nous avez dit que
8 vous étiez présent au moment où ils ont quitté la prison, ces détenus ?
9 R. Non. Je ne me suis jamais trouvé à l'intérieur de la prison. J'étais à
10 Pristina au moment du bombardement, si ce n'est le lendemain, et ce dont je
11 me souviens bien, c'est du moment où le représentant du ministère de la
12 Justice est arrivé. Il a le même nom de famille que moi. Donc, peu de temps
13 avant son arrivée, le ministre m'a convoqué, et m'a demandé d'accueillir ce
14 collègue, ce représentant du ministère de la Justice, et de l'aider à
15 l'organisation de l'évacuation des détenus du centre pénitentiaire de
16 Dubrava. Ces détenus devant être transférés dans le centre pénitentiaire de
17 Lipjan.
18 Q. Vous nous avez dit la dernière fois que vous avez discuté avec le chef
19 de ce centre pénitentiaire, et que vous pensiez que le 23 mai, vous avez
20 envoyé un ordre ordonnant au SUP de Pec de fournir une aide aux
21 responsables de la prison, n'est-ce pas ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Vous ne souhaitez modifier en rien ce que vous avez dit à ce sujet,
24 n'est-ce pas ?
25 R. Non. Je ne sais pas si j'ai été bien compris, mais je maintiens ce que
Page 40295
1 j'ai dit.
2 Q. L'historique de Dubrava a été étudiée en détails par l'Accusation, mais
3 j'aimerais que vous nous fournissiez votre aide sur des détails. La prison
4 a été construite dans les années 80, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne sais pas. J'ai lu quelque part la date de la construction de
6 cette prison, mais je ne m'en souviens pas.
7 Q. Elle devait être l'une des prisons les plus grandes d'Europe. Si je ne
8 m'abuse, elle était censée devenir la première ou la deuxième prison
9 européenne, du point de vue de sa taille ?
10 R. Je ne sais pas, mais ce que je sais, c'était une grande prison. Elle
11 occupait un espace très important. Le nombre de bâtiments était important
12 également. Je l'ai survolé une fois en hélicoptère, mais je ne sais pas si
13 j'y ai jamais pénétré.
14 Q. Pour ceux qui ne sont jamais allés dans cette prison, et vous vous
15 l'avez survolée, donc, d'abord nous voyons ici Istok, c'est un coin reculé
16 de territoire qui se situe dans une campagne assez vaste tout autour,
17 n'est-ce pas ? Vous vous en souvenez ?
18 On voit ici Istok, mais je ne crois pas que la prison en tant que telle
19 soit indiquée. C'est un lieu assez isolé, n'est-ce pas ?
20 R. Je crois qu'effectivement c'est un lieu assez désert, mais à mon avis,
21 c'est tout de même une région plus densément peuplée que cela n'est indiqué
22 ici.
23 Q. Lorsque la prison a été construite, comme le révèle les documents déjà
24 en possession des Juges, même si nous ne les avons pas encore examinés en
25 détails, certains pensaient que cette prison était construite à des fins
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1 qui incluaient d'autres objectifs que de simples objectifs tels que de
2 détenir des prisonniers. Est-il exact que certains pensaient que cette
3 prison devait servir à autre chose qu'à simplement maintenir des
4 prisonniers en détention ?
5 R. Je ne suis pas au courant de cela.
6 Q. Merci.
7 R. Vous me demandez quels étaient les objectifs supplémentaires, ou à
8 quelles autres fins la prison aurait été construite. C'est à cela que j'ai
9 répondu.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice et Monsieur le Témoin,
11 nous vous prions de nous excuser. Nous avons besoin de nous arrêter
12 quelques instants pour des raisons techniques, relatives au fonctionnement
13 de la cabine d'interprétation albanaise.
14 M. NICE : [interprétation] Je vais rester debout parce que ma chaise est
15 occupée par des classeurs.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, vous pouvez poursuivre,
17 Monsieur Nice. Le problème est réglé.
18 M. NICE : [interprétation]
19 Q. En 1999, vous occupiez déjà un poste ministériel, n'est-ce pas ?
20 R. Je n'ai pas entendu l'interprétation, excusez-moi.
21 Q. Je n'entends pas d'interprétation non plus.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains fort qu'au moment où le problème
23 technique qui s'est posé a été réglé, tous les canaux ont été débranchés;
24 il faudrait que quelqu'un remette le témoin sur le bon canal.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que cela est en train de se
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1 faire.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. En 1999, vous occupiez un poste ministériel, n'est-ce pas ?
4 R. Oui. J'étais l'adjoint du ministre, mais je n'étais pas le ministre.
5 Q. Cela vous a permis d'avoir une connaissance générale de tous les
6 aspects du travail du MUP ?
7 R. Pas tout à fait de tous les aspects, pas tout à fait à tous les
8 niveaux. J'étais assistant du ministre, j'assistais aux réunions du
9 ministère dans sa globalité. J'étais censé connaître toutes les questions
10 discutées dans le cadre de ces réunions. Bien entendu, lorsque j'étais
11 présent à ces réunions.
12 Q. Nous avons vu à la lecture des documents examinés hier, qui portaient
13 sur une période antérieure, à savoir, l'année 1998, que vous assistiez
14 régulièrement aux réunions du commandement conjoint sur le territoire du
15 Kosovo; n'est-ce pas ?
16 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire exactement par l'expression
17 "assister régulièrement." A ces réunions, les participants tels que moi y
18 assistaient une dizaine de fois, peut-être même aussi peu que cinq fois.
19 Donc, je n'y ai pas assisté régulièrement. Excusez-moi d'ajouter cela.
20 Q. Mais il y a une chose dont je pense que vous auriez dû être informé,
21 Même si vous n'en avez pas encore parlé, à savoir ce qui s'est passé dans
22 cette prison, à peu près au mois de juin 1998. Réfléchissez bien je vous
23 prie, réfléchissez à ce qui est arrivé à cette prison, à ce qu'il est
24 advenu de cette prison, à peu près au mois de juin 1998 ?
25 R. Ce qui s'est passé à l'intérieur de la prison ?
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1 Q. Oui.
2 R. Je ne m'en souviens pas. Rappelez-le moi et je vous répondrais très
3 certainement si je suis au courant. Mais vraiment, je ne me souviens pas.
4 Q. Elle a été vidée de ces prisonniers et reprise en main par le JSO,
5 dirigé par Simatovic, surnommé Legija. Réfléchissez bien.
6 R. Je n'ai pas besoin de réfléchir. Je suis au courant de cela, mais
7 j'avais cru comprendre que vous me demandiez ce qui s'était passé dans la
8 prison. Donc, je pensais qu'il s'agissait d'un événement qui aurait eu des
9 conséquences négatives du point de vue de la sécurité. Donc, effectivement,
10 au cours de l'année 1998, dans certaines parties de la prison, a été logé
11 le quartier général du SJO, à savoir, l'Unité chargée des Opérations
12 spéciales. Je suis au courant de cela, mais je ne suis pas au courant que
13 la prison ait été vidée de ses prisonniers à cause de cela. Peut-être que
14 cela a bien été le cas, mais je ne suis vraiment pas au courant.
15 Q. C'est peut-être le contexte dans lequel s'est inscrit le bombardement
16 de l'OTAN. Mais nous y viendrons plus tard. En 1998, c'est depuis cet
17 endroit que les Unités de Simatovic, surnommées Legija, sous la supervision
18 de Stanisic, ont opéré dans toute la région du Kosovo, en tout cas dans la
19 région située non loin d'Istok, n'est-ce pas ?
20 R. Effectivement, une partie de la prison de Dubrava a été utilisée en
21 tant que quartier général de cette Unité chargée d'Enquêtes, je veux parler
22 du JSO, bien entendu, tant que le JSO a été logé dans cette prison, c'est à
23 partir de ce quartier général que les membres de cette unité étaient
24 envoyés, pour mener à bien les affectations qui étaient les leurs,
25 conformément au plan mis en place, notamment, par cette unité.
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1 Q. Qui dirigeait cette unité et les opérations qu'elle a menées contre
2 l'UCK à partir de Dubrava ?
3 R. Cette unité, comme chacun le sait, se trouvait sous la responsabilité
4 du secteur de la Sécurité d'Etat. Donc, dans le cadre des grandes
5 opérations dont nous avons parlé lors des audiences précédentes, cette
6 unité a participé à la réalisation d'un plan qui était un plan général, qui
7 portait sur toute la région du Kosovo-Metohija, et qui constituait
8 l'application d'ordres précis dont nous avons déjà parlé. Bien entendu,
9 cette unité n'a pas participé à toutes les actions, à toutes les
10 opérations, mais simplement à certaines d'entre elles, conformément aux
11 ordres reçus par elle.
12 Q. Quand l'Unité du JSO a-t-elle quitté la prison en 1998 ?
13 R. Je ne suis pas au courant de cela.
14 Q. Savez-vous dans quelle mesure le nombre des prisonniers détenus dans la
15 prison en question a augmenté, à un certain moment. Est-ce que vous êtes
16 informé de cela ?
17 R. Non, cela je ne sais absolument pas.
18 Q. En 1999, certaines forces ont été logées non plus à l'intérieur de la
19 prison, mais tout près de la prison. Il s'agissait de membres de formations
20 du JSO, et également d'autres forces. Est-ce que vous vous souvenez de
21 cela ?
22 R. Je n'avais pas connaissance des positions exactes des diverses
23 formations durant l'année 1999. Il est possible que cela ait été le cas,
24 mais je ne suis pas en mesure de confirmer avec une totale exactitude la
25 réalité de ce fait. Les unités étaient déployées sur tout le territoire.
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1 J'ai expliqué qu'aucune unité n'utilisait les locaux qui étaient les leurs,
2 en raison des risques de bombardement. Donc elles se sont réparties dans
3 diverses installations, pour pouvoir mener à bien, comme c'était leur
4 devoir, les tâches qui leur étaient confiées. Il est possible que certaines
5 de ces unités se soient trouvées non loin de Dubrava, mais je ne saurais
6 l'affirmer avec certitude, je ne suis pas au courant.
7 Q. Une Unité de réservistes de Krusevac, par exemple, stationnée non loin
8 de la prison. Vous vous en souvenez ?
9 R. Je ne m'en souviens pas, donc je ne saurais le dire avec exactitude.
10 Mais aidez-moi sur un point, je vous prie. Était-ce une Unité de la Police
11 ou de l'Armée ?
12 Q. Pour autant que je le sache, c'était une unité de l'armée.
13 R. Cela évidemment, je ne suis pas au courant.
14 Q. Ceci nous amène à l'analyse que vous avez faite du bombardement de la
15 prison de Dubrava. Quelles sont vos sources d'information, est-ce que ce
16 sont des documents ?
17 R. Des documents et, bien entendu, des informations téléphoniques et
18 verbales qui m'ont été communiquées pendant que j'étais à Pristina.
19 Q. Ces informations orales, qui vous les a transmises ?
20 R. Cela venait du secrétariat de Pec, je ne sais pas de qui en personne,
21 et au QG même, partant des informations qui parvenaient jusqu'au QG, en
22 provenance du SUP de Pec.
23 Q. Pourriez-vous nous donner le nom d'une personne qui vous a fourni ces
24 informations à ce stade-ci ?
25 R. Je pourrais me tromper, peut-être pourrais-je nommer des gens qui
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1 logiquement étaient censés me fournir ce type d'information. Le chef du
2 SUP, à l'époque, était M. Boro Vlajovic. Le chef du Département de la
3 Police, enfin je connais l'homme, mais je n'arrive pas maintenant à me
4 remémorer son nom. L'adjoint du chef du SUP, si je ne m'abuse était M.
5 Vulevic, et éventuellement, cela venait du chef d'équipe de l'équipe de
6 permanence. Il fallait se procurer l'information, peu importait de savoir
7 qui allait la communiquer.
8 Q. L'accusé vous a posé des questions. Il vous a demandé de consulter la
9 pièce 204. Vous avez lu le paragraphe concerné et vous avez dit ceci : "Il
10 y a eu des bombardements répétés, d'abord, de 17 heures à 18 heures 05, et
11 cela a recommencé à 23 heures et, le 22 mai 1999, les bombardements ont
12 repris à 6 heures 10 du matin."
13 A partir de vos connaissances personnelles, pourriez-vous nous dire
14 quoi que ce soit à propos de l'heure présumée à laquelle se sont effectués
15 ces bombardements ?
16 R. Malheureusement, je ne peux rien vous dire au sujet des heures. A la
17 relecture des documents, j'ai identifié le 19, le 20, 21, 24, et ainsi de
18 suite. Ce qui figure au compte rendu d'audience c'est quelque chose que
19 j'ai pu lire et, s'agissant des dates et des heures, je ne m'en souviens
20 pas du tout. Je me souviens à peu près du fait qu'il y ait eu répétition
21 des bombardements pendant trois jours et que le constat a été repris trois
22 fois. Je me souviens également que c'est vers le 24 qu'on a évacué les
23 détenus, peut-être même le 25. C'est à peu près les dates qui me sont
24 restées en mémoire.
25 Q. Revenons un instant à la prise normale de la prison que vous disiez
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1 d'une partie de la prison par la JSO. Il fallait pour ce faire l'aval,
2 l'autorisation de qui, à quel niveau ?
3 R. Bien, au niveau des deux ministères. La prison n'aurait pas été
4 utilisée s'il n'y avait pas eu une approbation émanant de la part du
5 ministère de la Justice à ce sujet.
6 Q. Revenons au moment des bombardements. Si je vous laisse entendre que 6
7 heures 10 du matin, c'est une date montée de toute pièce par ceux qui ont
8 inscrit, à ce moment-là, sur l'enregistrement; qu'en dites-vous ?
9 R. Je pense que dire que c'est monté de toute pièce n'est pas exact. Je ne
10 me souviens pas du tout du document dont il s'agirait, mais je n'accepterai
11 pas de parler de montage de toute pièce à quelque endroit que ce soit dans
12 ces dossiers.
13 Q. Vous êtes un policier. Par conséquent, vous serez d'accord avec moi
14 pour dire qu'il est toujours utile de voir ce que quelqu'un que ce soit un
15 accusé, ou une organisation accusée de malversations, qu'il est toujours
16 utile de voir ce que cette personne ou cette organisation dit sur une
17 certaine période, ou ce qu'elle enregistre, ou consigne ?
18 R. Je n'ai peut-être pas très bien saisi votre question.
19 Q. C'est sans doute de ma faute. Je passerai à autre chose. Prenons le
20 document suivant, intercalaire 202, tout d'abord. C'est une pièce présentée
21 par l'accusé et nous examinons l'intercalaire 202. Que constatons-nous à
22 examiner ce document ?
23 Tout simplement que, sous la rubrique de Dubrava, vous allez avoir besoin
24 de consulter la première page 21, mais il est simplement dit qu'entre 8
25 heures 30 et 23 heures 45, le 21 mai, il y a eu une attaque, ou il y a eu
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1 quatre attaques. Il y a eu 47 missiles hautement explosifs et on dit que 93
2 prisonniers ou détenus, plus exactement, ont été tués. Ce document n'est
3 pas signé, qui l'a rédigé, le savez-vous ?
4 R. Je pense vous l'avoir déjà expliqué. Il s'agit ici d'un résumé du
5 dossier relatif à Dubrava, résumé qui a été rédigé au ministère de
6 l'Intérieur puisque ce sont des informations qui ont été communiquées aux
7 différents conseillers -- différents conseils, mais cela devrait être
8 appuyé avec des pièces à l'appui.
9 Q. One ne trouve pas la moindre chose dans ce document, si vous examinez
10 l'original qui donne ces informations pour ce qui est des dates du 20 et
11 du 21, donc on ne parle pas du tout du 22, par exemple. Pourtant ce
12 document laisse entendre que 93 détenus ont été tués, ont trouvé la mort ?
13 R. C'est ce que ce dit ce document. Deuxième alinéa, nous lisons, 21 mai
14 1999.
15 Q. Je vais vous expliquer nous avons entendu ici trois survivants de
16 Dubrava, mais, en ce qui concerne cette journée-là, la nuit du 21 au 22,
17 ces survivants nous ont donné trois chiffres différents. L'un a dit 18 à
18 19, l'autre 19, et le troisième, 23 prisonniers, mais personne n'a parlé de
19 93 détenus. Donc, vous ne pouvez pas nous garantir l'authenticité de ce
20 document, document qui est anonyme et à propos duquel vous n'êtes en mesure
21 de ne rien dire ?
22 R. Je crois vous l'avoir expliqué mais je vais répéter. Je suis certain
23 que ce document doit provenir de la documentation officielle du ministère
24 de l'Intérieur. A première vue, on ne voit pas d'éléments permettant de
25 l'identifier. Mais c'est un résumé d'autres documents qui sont censés
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1 l'accompagner. Tout ce qui est dit ici devrait être étayé et confirmé par
2 des documents l'accompagnant et qui eux, seraient susceptibles de
3 l'identifier.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'arrive pas à m'en souvenir exactement,
7 mais il me semble qu'il s'agit là d'un extrait d'un document qui a déjà été
8 versé au dossier ici lors du témoignage de
9 M. Paponjak, secrétaire ou chef du secrétariat de l'Intérieur à Pec. Il a
10 parlé des événements qui ont entraîné morts d'hommes pour ce qui est du
11 secrétariat de Pec. Ceci ne se rapporte qu'à Dubrava, mais je n'ai pas ici
12 les documents utilisés par M. Paponjak lorsqu'il a présenté ces éléments de
13 preuve, mais je crois qu'on pourra vérifier, et c'est ce document-là qui a
14 été rédigé au ministère de l'Intérieur. Je crois que ce n'est pas
15 secrétariat que s'est rangé en l'occurrence, cela ferait partie du
16 secrétariat de Pec.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites, par conséquent, qu'il
18 faut examiner ce document dans leur totalité, dans leur ensemble. C'est
19 vous qui avez présenté cet élément, n'est-ce
20 pas ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui.
22 M. NICE : [interprétation] Je voudrais préciser ma position.
23 Q. Je laisse entendre à l'accusé par le truchement du témoin ou au témoin
24 même. Je ne le sais pas, mais je laisse entendre que ce chiffre de 93
25 détenus a été délibérément déformé pour des raisons qui vont apparaître.
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1 Vous me comprenez, Monsieur Stevanovic, je dis qu'on a gonflé ces chiffres
2 et qu'on l'a fait à dessein.
3 R. Je comprends ce que vous êtes en train de dire, mais je ne peux pas
4 être d'accord avec les allégations que vous faites.
5 Q. Fort bien. Si c'est comme cela, prenons d'abord dans vos classeurs,
6 l'intercalaire 208, je ne pense pas que ce document avait déjà été traduit,
7 mais, maintenant, nous avons la traduction. C'est nous qui avons veillé à
8 la traduction du document parce que c'est un document important que celui-
9 ci. Les services n'étaient pas en mesure de nous fournir la traduction à
10 temps. Je me demandais pendant qu'on distribue le document que le témoin
11 examine les deux dernières pages de ce document et il y a une modification
12 pour ce qui est de la taille de la police utilisée. Il n'y a pas de
13 numérotations. Il n'y a pas de numéros en haut de page et nous verrons si
14 besoin en est, la traduction. Mais suivez d'abord l'original.
15 Q. Monsieur Stevanovic, ce document porte la date du 2 juin. Il est
16 adressé à votre ministre, Stojiljkovic. Il y a d'autres destinataires dont
17 Milutinovic. Prenons la page correspondante de la traduction. En bas, nous
18 voyons ceci : "L'agresseur, l'OTAN, a répété ces attaques entre 8 heures 20
19 et 10 heures 30, le 21 mai. Au cours de cette attaque, plus de 25
20 projectiles à très grande puissance ont été largués, provoquant la
21 destruction quasi complète des bâtiments."
22 Puis trois lignes plus loin, on voit de plus : "Beaucoup de détenus ont été
23 tués par ces frappes. Jusqu'à présent, nous avons réussi à sortir des
24 décombres, 97 détenus et on précise les blessures."
25 Paragraphe suivant : "L'une de nos enceintes ont été endommagées. C'était
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1 là sans doute un des objectifs poursuivis par l'agresseur compte tenu du
2 fait que parmi les détenus, ils y avaient des terroristes et des criminels
3 notoires qui avaient tué beaucoup de policiers et de soldats. Le CICR et
4 d'autres soi-disant organisations internationales s'étaient intéressées à
5 ces personnes." On dit que : "Après le mur d'enceinte, après qu'il ait été
6 endommagé, il y a eu tentatives d'évasions d'un groupe de détenus, mais il
7 y a eu une intervention rapide et efficace des membres des services de
8 Sécurité qui se trouvaient en cercle autour du mur d'enceinte et qui
9 assuraient la sécurité à un niveau qui était déterminé par l'état
10 d'attaques permanentes et par les frappes aériennes."
11 Cette dernière phrase, que veut-elle dire ?
12 R. La phrase est assez longue. Dès que le mur de l'enceinte a été détruit.
13 C'est bien de cette phrase dont vous parlez ?
14 Q. C'est la dernière phrase que je vous ai lue dans ce paragraphe qui dit
15 que : "Ces gens étaient autour et maintenaient la sécurité à un niveau qui
16 était déterminé par l'état d'attaques permanentes.
17 R. Mais que voulez-vous que je vous dise de plus que ce que vous avez déjà
18 lu. Les services de Sécurité ont sécurisé la prison de façon appropriée en
19 se disposant comme on le décrit ici.
20 Q. Mais, vous voyez rien dans ces documents. Il n'y a rien dans les
21 informations que vous auriez reçues oralement qui diraient que les
22 prisonniers qui ont tenté de s'enfuir auraient été abattus, tués parce que,
23 si cela avait été le cas, cela aurait été consigné en bonne et due forme
24 quelques parts, n'est-ce pas ?
25 R. J'ai déjà dit que je ne me souviens pas d'avoir disposé de cette
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1 information qui dirait qu'il y a eu tentatives d'évasions. On parle ici
2 d'une tentative d'évasions ou plutôt de ce qui a été fait pour contrecarrer
3 une tentative d'évasion, mais je ne l'ai pas gardé en souvenir une
4 information de cette nature. Bien entendu, je puis interpréter ce document,
5 tout comme vous ou autrement, mais plus ou moins, je pense que cette
6 dernière phrase est suffisamment claire en soi, donc, il y a eu une
7 tentative d'évasion. C'est ce qui est dit ici, mais je n'étais pas
8 forcément censé le savoir.
9 Q. Arrêtons-nous un instant si vous le voulez bien ? Nous allons laisser
10 de côté le document pour nous attacher aux événements proprement dits.
11 Qu'est-ce qui s'est passé ? Ce qui s'est passé c'est qu'après le
12 bombardement du 21, aux premières heures du 22, des forces spéciales se
13 sont emparées de la police, et ont pris le contrôle. Les gardiens de prison
14 ont été sortis et les forces qui étaient arrivées ont fait ce que bon leur
15 semblaient, des prisonniers. Voilà, en fait, ce qui s'est passé, n'est-ce
16 pas ?
17 R. Cela est une allégation que vous faites. Je ne suis pas du tout
18 d'accord parce que je n'ai aucune information le corroborant.
19 Q. Je vais même vous demander ceci puisque vous étiez un haut
20 fonctionnaire, que vous aviez la possibilité de parler au ministre, qu'il
21 vous faisait confiance. Est-ce qu'il y avait un plan visant peut-être à
22 répondre à ces bombardements, de façon générale ou de façon plus précise ?
23 Un plan qui consistait à vouloir tuer tous les Albanais se trouvant dans
24 cette région; est-ce qu'il y avait un plan qui avait concocté à cette seule
25 fin ?
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1 R. Ce n'est absolument pas vrai. Il n'y a pas eu de plan du tout, de tuer
2 qui que ce soit, mis à part, les cas prévus par la loi, il n'y en a pas
3 d'autres. La loi ne prévoit pas la possibilité de tuer quelqu'un
4 délibérément. Je crois avoir dit à plusieurs reprises qu'il pouvait y avoir
5 morts d'hommes, en tant que conséquence regrettable d'un usage d'armes à
6 feu, tout à fait licite.
7 Q. Très bien. Mais, ce que nous savons c'est que, s'ils y avaient d'autres
8 forces que les services de la Prison, qui allaient prendre le contrôle de
9 la prison ? Pour le faire, il fallait une décision prise en haut lieu, tout
10 comme cela avait été le cas, en 1998.
11 R. Cette logique non plus ne se trouve être justifiée. S'il y a des cas de
12 morts d'hommes, ils ne font pas de décisions de la part de la police locale
13 pour ce qui est de prise de mesures appropriées, conformément à la loi.
14 C'est une autre question que de parler d'une session des locaux de la
15 prison pour utilisation ou autre. Cela n'a rien à voir comme éléments et
16 rien de comparable avec ce que vous avez dit dans votre dernière phrase.
17 Q. Mais si on parle d'Unités spéciales du ministère de l'Intérieur,
18 qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que cela recouvre pour vous ?
19 R. Cette notion a été utilisée très souvent, à tort et à travers. Au
20 ministère de l'Intérieur, il n'existe qu'une Unité spéciale qui s'appelle
21 "Unité antiterroriste spéciale." Je vous ai dit que ce sont les Unités
22 d'affectations particulières au sein de la Police.
23 Q. Vous devriez savoir ce que faisaient ces unités au Kosovo, en mai 1999,
24 forcément, n'est-ce pas ?
25 R. Est-ce que vous êtes en train de parler des Unités d'affectations
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1 spéciales et de cette Unité spéciale ?
2 Q. Oui, je parle des unités que vous avez décrites. Vous saviez ce
3 qu'elles faisaient.
4 R. Je savais, bien sûr, et en principe, dans le cadre de quelle mission
5 ils se trouvaient, dans quelle mission ils étaient engagés.
6 Q. Revenons à l'examen des documents dudit document. Quelques paragraphes
7 plus loin, il est dit que : "Les forces de l'OTAN," pages 4 sur 5, haut de
8 la page, où il est dit que : "Les forces de l'OTAN doivent bombarder ce
9 quartier ou ce complexe pénitentiaire d'Istok, quotidiennement." Vous avez
10 trouvé ce paragraphe ?
11 R. Oui, bien sûr. Nous avons un document, qui porte du 2 juin, qui est
12 tout à fait faux parce que ce n'est pas vrai, n'est-ce pas, qu'il y a eu
13 bombardements quotidiens par l'OTAN du complexe pénitentiaire de la maison
14 correctionnelle d'Istok, n'est-ce pas ?
15 R. Une telle formulation en soi ne pourrait être considérée comme étant
16 exacte. Je ne pense pas que l'intention ait été de dire que cela se
17 trouvait être inexact.
18 Q. Paragraphe suivant qui commence de cette façon-ci : "Il faut insister
19 sur le fait que c'est une institution moderne qu'il a fallu dix ans pour
20 construire." Puis, on dit : "D'après certaines informations, elle avait été
21 construite cette installation à d'autres fins." C'étaient des objectifs de
22 sécurité qu'on voit bien lorsque Frenki, Legija et leurs unités arrivent
23 sur les lieux. Ils s'installent.
24 R. Tout d'abord, je ne sais pas quelle était l'affectation qui est
25 indiquée sous les termes : "Pour les besoins des pays voisins." S'agissant
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1 des unités, je vous dirais que toutes les unités cherchaient à installer au
2 Kosovo parce qu'un grand nombre d'unités ne pouvaient pas s'installer dans
3 des bâtiments de la police utilisés en temps de paix. Il n'y avait pas que
4 celles-là. Toutes les unités ont dû s'installer quelque part dans des
5 bâtiments qui se trouvaient être le plus appropriés possible à ce moment-
6 là.
7 Q. Ayez l'obligeance de suivre ce paragraphe que je vais lire
8 complètement, deux paragraphes plus loin : "Le ministère de l'Intérieur ou,
9 plus exactement, les Unités spéciales du ministère de l'Intérieur sont
10 arrivées dans cet établissement à 5 heures du matin, le 22 mai 1999, elles
11 sont entrées dans la partie close alors que les gardes de cet établissement
12 pénitentiaire se sont retirés suite à l'ordre donné par le représentant du
13 ministère de l'Intérieur, ils se sont retirés de la partie centrale des
14 installations pénitentiaires, et se sont déployés en cercle élargi autour
15 du mur d'enceinte en vue d'empêcher toutes tentatives éventuelles d'évasion
16 de la part des détenus."
17 Je poursuis ma lecture. Nous avions cette référence à 5 heures du
18 matin. Voici la suivante : "Les Unités spéciales sont arrivées ce jour-là à
19 17 heures et aussi à 5 heures du matin le 23 mai 1999."
20 Une première chose : est-ce que vous constatez, Monsieur Stevanovic, qu'on
21 ne fait pas la moindre référence à un bombardement qui aurait eu lieu à 6
22 heures du matin ?
23 R. Dans cet alinéa-ci, il n'est pas fait mention de bombardement, c'est
24 évident.
25 Q. Cependant, ce que nous constatons c'est que si ce paragraphe dit la
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1 vérité, il n'y a plus de gardiens de prison. L'établissement pénitentiaire
2 est maintenant occupé par des unités spéciales du ministère de l'Intérieur.
3 R. Je crois que cette formulation "Unités spéciales" est erronée. A
4 l'époque, la plupart des policiers portaient des uniformes de camouflage,
5 voire vert olive, voire bleu foncé. Pour des personnes qui n'étaient pas au
6 courant, tout policier pourrait être considéré comme étant membre d'une
7 unité spéciale.
8 Maintenant, de là, à savoir si les gardiens ont effectivement quitté
9 la prison, on le dit ici, mais je ne pense pas qu'ils ont abandonné le
10 contrôle vis-à-vis de la prison. Il doit y avoir eu un partage des tâches.
11 Q. Ils étaient à l'extérieur des murs d'enceinte,
12 n'est-ce pas ? Est-ce que vous essayez d'inventer l'histoire au fur et à
13 mesure parce que vous vous rendez compte qu'on n'aurait jamais dû inclure
14 ce document dans les classeurs, n'est-ce pas ?
15 R. Pas du tout.
16 Q. Vraiment, c'est un document présenté par l'accusé, et ici, il vous
17 trahit.
18 Je poursuis. Nous avons entendu ces trois témoins à charge qui sont
19 venus déposer ici, je ne sais plus quand, il y a combien d'années, mais
20 bien avant que l'on voit apparaître ce document-ci. Voici ce que ces
21 témoins ont dit; le 21, 23 prisonniers ont été tués. Le 22 mai, on les a
22 gardés dans la prison pendant la nuit et à 5 heures 30 du matin, on les a
23 faits s'aligner sur le terrain de sport. On a tiré sur ces détenus,
24 beaucoup d'entre eux ont été tués, 97 à partir du mirador. C'est ce que
25 relate un des prisonniers, 5 heures 30 du matin.
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1 L'autre prisonnier, ou l'autre témoin qui avait aussi été détenu
2 relate qu'il a reçu l'ordre d'un gardien ou de gardiens de se mettre en
3 rangée le 22. Le troisième témoin fait le même récit, un récit similaire.
4 Le premier précise l'heure, il dit à peu près 5 heures 30.
5 Maintenant, regardez votre document, enfin, celui de l'accusé. On dit : "A
6 partir de 5 heures du matin, suite à un ordre donné par le MUP, les détenus
7 du Dubrava étaient à la merci des membres des unités spéciales du MUP."
8 Dites-moi ce qu'ils faisaient ?
9 R. Bien sûr, je ne puis que lire ce qui est dit ici. Ce que je peux dire
10 également, c'est qu'il est normal qu'après de tels événements la police
11 aille sur les lieux pour les sécuriser et pour permettre aux équipes
12 d'instruction de procéder au constat sur les lieux. Je ne vois pas ce
13 qu'ils ont fait. Je ne puis que supposer qu'ils ont effectué ce que j'ai
14 déjà dit.
15 Bien sûr, il convient maintenant de comparer avec les termes
16 utilisés, le constat sur les lieux et autres. Il m'est difficile de
17 parcourir cette documentation pour essayer de faire une analyse tant soit
18 peu sérieuse. Ce que je puis voir, c'est que les unités du ministère de
19 l'Intérieur sont entrées à l'intérieur de l'enceinte de la prison. Elles y
20 sont entrées le 22 à 5 heures, je ne sais plus à quelle heure déjà, mais je
21 ne peux pas dire ce que ces unités ont fait. Je sais ce qu'on doit faire
22 après de tels événements et je suis certain que cela devrait être la teneur
23 de l'intervention de ces unités.
24 On ne voit pas quand est-ce que le constat et le reste a été fait.
25 C'est assez incomplet.
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1 Q. Je vais vous donner l'occasion de parcourir ces documents. Je vous
2 laisse entendre ceci. C'est tout à fait clair, sans ambiguïté. Une décision
3 prise au niveau du ministre. Est-ce que c'est une décision que
4 nécessairement le présent accusé doit approuver pour régler des problèmes
5 du Kosovo ?
6 R. De quelle décision êtes-vous maintenant en train de parler ?
7 Q. Je parle de la décision de placer, à 5 heures du matin le 22, ces
8 Unités spéciales du MUP. D'après vous, au niveau ministériel où on se
9 trouve faut-il que ce soit aussi l'accusé qui approuve une telle action ?
10 R. Une telle décision n'a absolument pas besoin d'être prise au niveau du
11 ministre ou du ministère. Si quelques bâtiments ou quelques installations
12 que ce soit se trouvent bombarder, et s'il y a ne serait-ce qu'un blessé,
13 même s'il n'y a pas de blessé, le ministère de l'Intérieur compétent est
14 tenu de se rendre sur les lieux, de sécuriser ces lieux, d'en prendre le
15 contrôle, d'informer les instances de justice compétentes et de sécuriser
16 les lieux pour qu'il y est un constat sur les lieux. Il faut la décision de
17 personne pour ce faire.
18 Q. Deux pages plus loin, en bas de page. Vous allez voir ces phrases. "Le
19 25 mai 1999 à Pristina, des employés officiels du ministère de la Justice
20 ont tenu une réunion," puis cela s'interrompt, puis on a une police de
21 taille différente pour ce qui est de la typographie, apparemment, cela ne
22 se suit pas, c'est un non sequitur, on dit : "Qu'il y avait 1 079
23 prisonniers dans le complexe pénitentiaire de Dubrava, 96 prisonniers ont
24 été tués, trois ont succombé à leurs blessures plus tard."
25 Je vous demande d'essayer de trouver la page correspondante, qui
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1 suit, à la fin de ce qui est -- après, donc, ce qui est votre page 5 afin
2 que nous ayons un jeu complet du document ? Ce n'est pas la bonne page.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois qu'ici il manque au moins la
4 page suivante et l'autre texte en grosse lettre, je ne pense pas qu'il
5 fasse partie de ce texte-ci. Il se peut que ce soit une pièce jointe, ou
6 une espèce de résumé, mais dans mon intercalaire, je n'ai vraiment pas de
7 dernière page, il est évident qu'il devrait y avoir ne serait-ce qu'une
8 page encore suite à celle-ci.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Auparavant, j'aimerais poser cette
10 question à M. Stevanovic. On fait référence à des unités qui d'après ce
11 document sont arrivées au complexe à 5 heures du matin, le 22 mai. Est-ce
12 que ce sont des unités qui sont sous votre contrôle ? Qui relèvent de votre
13 secteur d'activité dans le MUP ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, je n'avais pas exercé de
15 contrôle opérationnel vis-à-vis de quelque unité que ce soit au sein du
16 ministère de l'Intérieur. Je vous ai expliqué que j'étais ministre adjoint
17 et que je me suis rendu au Kosovo suite à instructions de sa part pour
18 accomplir des missions concrètes en corrélation avec ses instructions, pour
19 l'en informer ensuite. Je vous ai expliqué également quelle a été la façon
20 dont le contrôle a été exercé et de quelle façon les ordres étaient donnés.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas posé ma question
22 suffisamment clairement. Vous avez veillé à faire une distinction entre le
23 service de Sécurité publique et le service de la Sûreté de l'Etat, les deux
24 piliers du MUP, est-ce que ces unités relevaient du service de Sécurité
25 publique ? Vous pouvez parler avec une certaine autorité de ce secteur-là;
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1 est-ce exact ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela en fait partie
3 effectivement. Mais on se sert d'une appellation erronée en disant "unité
4 spéciale" du MUP, je ne pense pas qu'il y ait eu une unité spéciale là-bas.
5 Il devait s'agir d'une unité locale qui se trouvait être compétente dans la
6 région.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous comprenez que pendant toute
8 la durée de votre déposition s'agissant des documents émanant du ministère,
9 vous avez dit que c'était des documents tout à fait authentiques. C'est la
10 première fois ici que vous voulez mettre en doute ou jeter un doute sur
11 l'exactitude de ce document. Est-ce là bien refléter votre déposition
12 jusqu'à présent ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je pense que ce n'est pas le cas.
14 J'estime que ceux-ci sont des documents officiels du ministère de
15 l'Intérieur. J'affirme que ce sont là des documents officiels. Ce que
16 j'essaie, c'est d'apporter des éclaircissements. Parce que ce document est
17 un document du ministère de la Justice. Il se peut que la personne qui
18 l'ait rédigé n'ait pas formulé de façon appropriée les appellations des
19 différentes unités. Je ne conteste toutefois pas qu'il s'agisse là d'un
20 document du ministère de la Justice qui fait partie de la documentation du
21 ministère de l'Intérieur.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi aussi j'ai posé cette question lorsque nous
24 nous sommes penchés sur cette pièce à conviction, pour demander au
25 professeur Rakic, où était encore cette page, ou au moins la page qui
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1 manquait. Mais on dit, dossier A/III. Il s'agit d'un document du ministère
2 de la Justice qui est mis à la disposition du ministère de l'Intérieur. Mes
3 collaborateurs ont obtenu cela de la part du ministère de l'Intérieur. Je
4 n'ai pas eu le temps pour ma part et mes collaborateurs non plus n'ont pas
5 eu le temps de demander au ministère de la Justice l'original, mais je
6 crois qu'on doit pouvoir les retrouver et qu'on pourra retrouver la page
7 qui manque. Le jeu tout entier provient du ministère de la Justice, c'est
8 la raison pour laquelle il y a cette désignation.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux terminer ce que
11 j'avais commencé à faire.
12 On fait une référence, il y a une mention A/III, et cetera, diriez-vous que
13 cette référence renvoie au ministère de la Justice ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris. Vous parlez
15 maintenant du A/III ?
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Prenez la première page du document
17 dans le coin supérieur gauche. Voyez la mention A/III.
18 LE TÉMOIN : [hors micro]
19 Je vais répéter.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que vous aviez dit que
21 c'était l'une des références qui était celle du ministère de l'Intérieur.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela c'est exact.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que c'est un document du
24 ministère de l'Intérieur ou est-ce que c'est un document du ministère de la
25 Justice ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'évidence d'un document du
2 ministère de la Justice qui fait partie des dossiers du ministère de
3 l'Intérieur. Cette référence que vous mentionnez a été apposée
4 ultérieurement à la page de garde, ainsi qu'aux autres pages d'ailleurs
5 comme on peut le voir.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Je ne sais pas si j'aurais encore le temps d'examiner le document, mais
9 voyez ici la page de garde. On dit, voilà : "Lisez ceci," c'est signé par
10 le ministre, c'est envoyé à Milutinovic, Marjanovic, Markovic,
11 Stojiljkovic. Donc, c'est un document assez sérieux, assez important ?
12 R. Mais à l'évidence, c'est un document sérieux, comme son titre le dit,
13 il constitue une information relative à l'attaque de l'OTAN, de la version
14 de l'OTAN sur le KP DOM à Istok. Il englobe tous les autres éléments tels
15 qu'énumérés.
16 Q. Non seulement y a-t-il une différence au niveau de la police, du
17 caractère utilisé pour ce qui est de la dernière page, mais il n'y a pas de
18 numéro à la page. Vous ne pensez pas que cela a été retapé à la machine ?
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment, il y a une annexe
20 différente, ou le numéro de l'annexe est différent.
21 M. NICE : [interprétation] Oui. Ai-je encore le droit de poser une
22 question ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, une dernière question.
24 M. NICE : [interprétation]
25 Q. Vous voyez --
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1 R. Mais permettez-moi de vous expliquer cela.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est évident que cette dernière page ne fait
4 pas partie intégrante du document précédent. Cela doit constituer un
5 élément à part, cela se voit ici sur pièce jointe 10. Donc le dossier est
6 le même, mais l'avenant est le numéro 10. Alors ici c'est posé ou rangé de
7 façon à donner l'impression qu'il s'agit d'un seul et même document.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est peut-être ce qui éveille les
9 soupçons, puisqu'on n'a pas auparavant fait référence aux victimes et au
10 bombardement. C'est ce qui est dit depuis longtemps dans le contre-
11 interrogatoire.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Examinez le document suivant et gardez à l'esprit ce que j'ai laissé
14 entendre, à savoir qu'on a eu un plan visant au massacre que devait
15 effectuer les forces spéciales de la police, donc de votre ministère, sous
16 votre tutelle, et qui devait être mis en śuvre le 22 et après.
17 Ce document que vous avez vient d'Aleksandar Rakocevic, le directeur
18 de la prison.
19 L'ACCUSÉ : [hors micro]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous voulez
21 intervenir.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy a omis tout à l'heure de
23 remarquer quelque chose, il dit que dans ce document du ministère de la
24 Justice, il n'est pas question de victimes de bombardement, si je l'ai bien
25 compris. J'attire son attention sur la page 2 de la version serbe, où il
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1 est clairement dit que : "Egalement à l'occasion de cette attaque, il y a
2 eu plusieurs détenus de tués et que, jusqu'à présent, il y en avait 97 de
3 sortis des décombres." C'est ce qui est dit dans ce document du ministère
4 de la Justice en page 2. C'est dans le même paragraphe que celui où on dit
5 que l'adjoint du directeur de la prison a été tué. M. Nice n'a pas cité ce
6 passage-là.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il nous faut nous
8 arrêter. C'est au beau milieu d'une question. Malheureusement, il nous faut
9 nous arrêter parce que, sinon, nous allons empiéter sur le temps réservé au
10 procès, et on va nous taper sur les doigts. Cela s'est déjà passé.
11 Nous allons lever l'audience. Elle reprendra demain.
12 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le jeudi
13 2 juin 2005, à 9 heures 00.
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