Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 22 juin 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vois que vous

7 avez satisfait à l'ordonnance de la Chambre pour ce qui est de la requête

8 aux fins d'ajout de documents à la liste visée par le 265 ter, des

9 documents nombreux d'ailleurs. Vous dites que s'agissant de la déposition

10 de M. Delic, vous les avez obtenus comme cela les documents.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis sur le bon canal, mais je ne reçois

12 aucune interprétation, je ne sais pas si le témoin peut entendre

13 l'interprétation.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une nouvelle

15 tentative. Est-ce que cela marche, maintenant ? Monsieur le Témoin, vous

16 m'entendez ? Oui, apparemment.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'entends toujours rien.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faisons une nouvelle tentative,

19 disais-je. Vous m'entendez maintenant ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, cela ne marche pas.

21 Je l'entends maintenant, j'ai dû me mettre sur le canal numéro 6.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je disais, Monsieur Milosevic,

23 que je voyais --

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai entendu ce que vous avez dit, Monsieur

25 Robinson, mais je voulais juste attirer votre attention sur le fait que je

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1 ne recevais pas d'interprétation.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je disais de façon plus précise que

3 dans votre requête écrite, vous dites que les documents concernés par la

4 déposition de M. Delic avaient été obtenus au plus tôt au cours du deuxième

5 semestre 2004. J'aurais voulu avoir un complément d'information à ce

6 propos. Au cours de quel mois de 2004 avez-vous obtenu ces documents ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes ces informations vous sont communiquées

8 par mes collaborateurs qui sont au courant des dates d'obtention des

9 documents. Comme vous le savez, je ne suis personnellement pas en mesure de

10 me procurer ces documents moi-même, et ils ont indiqué que ces documents

11 ont été obtenus dans la deuxième moitié de cette année. Mais je crois

12 savoir qu'il s'agit de l'automne 2004 et que c'est là que les documents ont

13 commencé à nous parvenir successivement, ils sont venus en plusieurs

14 tournées.

15 Ce que je voudrais vous dire au sujet du document que nous étudions à

16 présent, le service qui a fourni ces documents les a fournis pour ce qui

17 concerne un témoin déterminé. Ils ont fourni une partie des documents qui

18 concerne la zone de responsabilité du général Delic. C'est la raison pour

19 laquelle dans ces documents il n'y a pas tous les autres éléments de ce

20 rapport, mais seulement ceux qui se rapportent à la zone de responsabilité

21 du général Delic.

22 Lorsque nous aurons un autre témoin avec une autre zone de responsabilité,

23 je suppose que nous recevrons le reste de ces documents.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

25 assumer vos responsabilités s'agissant de la présentation de vos moyens, il

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1 ne suffit pas vraiment de dire que vos associés savent ceci ou cela. C'est

2 vous qui devez savoir.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, pourriez-vous m'aider,

4 j'ai l'impression, elle est peut-être erronée, impression, disais-je, qu'au

5 cours de la présentation des moyens à charge certains documents ont été

6 présentés qui n'étaient pas nécessairement repris dans la liste visée par

7 le 65 ter.

8 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'à ce moment-là vous avez

10 présenté une requête sous cette forme aux fins d'ajout à la liste ?

11 M. NICE : [interprétation] En général pas. Parfois, c'est arrivé

12 effectivement, mais voici ce qu'il en est, ce n'était pas une fourniture en

13 vrac de documents en dehors de cette liste du 65 ter. Nous avons fait du

14 mieux que nous pouvions pour fournir en vertu de cette liste de documents.

15 Quelquefois, ces documents sont arrivés suite à des demandes précises et

16 ils sont arrivés à la dernière minute, mais nous avons toujours accepté que

17 l'accusé nous fournisse tardivement des documents.

18 Nous avons toujours communiqué des documents qui ne faisaient pas

19 partie de cette liste 65 ter dès que nous les avions ou dès que nous avons

20 compris que nous allions vouloir les utiliser. Bien sûr, par ce Statut ou

21 dans ce cadre, ce mécanisme, l'accusé a reçu ces documents, les documents

22 visés par le 65 ter par la liste, mais il a été avisé bien à l'avance des

23 témoins que nous voulions appeler et des documents qu'ils allaient

24 produire.

25 Effectivement, nous avons produit des documents tardivement en dehors

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1 de cette liste, mais nous avons fait l'impossible pour essayer de

2 satisfaire aux critères imposés par le Règlement et nous n'avons pas fourni

3 autant de documents et sur une telle base.

4 S'agissant de ce que l'accusé a dit et de sa requête écrite,

5 j'aimerais attirer l'attention des Juges sur ce point. Si, effectivement,

6 il y a eu 10 400 documents et cassettes vidéo comme le dit le paragraphe

7 3(A) ou semble le dire ce paragraphe 3(A) de sa requête et si, comme

8 l'indique le paragraphe 3(B), cette documentation provient d'archives, mais

9 également des archives personnelles du présent témoin et comme semble le

10 dire plusieurs membres de la VJ, et je suppose que ceux-ci agissent sur

11 demande du témoin ou des associés, et si ces personnes ont fourni des

12 documents personnels venant de leurs propres archives, je veux indiquer la

13 grande probabilité suivante : celle que si vous avez 10 000 documents

14 venant d'autant de sources, nous avons fait des demandes d'assistance

15 mutuelle mais qui sont restées sans succès pour obtenir des documents, si

16 ces documents ont été produits suite à des demandes en vertu de

17 l'assistance mutuelle, c'est probable, mais si on demandait autant de

18 documents, source dans laquelle a pu puiser l'accusé, ce sont des documents

19 sans nul doute que nous aurions voulu voir. Il aurait eu toute latitude.

20 Rappelez-vous ce qu'il disait hier qu'il ne faisait pas de rétention du

21 tout. Il aurait fort bien pu nous dire qu'il avait 10 000 documents dans

22 lesquels il allait faire un tri à partir de plusieurs sources, et nous

23 aurions pu les examiner tous. Bien sûr, il n'est pas obligé de le faire. Il

24 rencontre des difficultés avec ses écritures ou ses dépôts en vertu du 65

25 ter parce qu'il sait qu'il a toute une bibliothèque, il ne veut pas faire

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1 une dernière sélection, il aurait pu le faire. En tout cas, nous avons reçu

2 ces documents la semaine dernière et nous ne les avons pas du tout reçus

3 auparavant, et malheureusement, je me dois de dire ceci : Mme Dicklich fait

4 des demandes régulières aux fins d'obtention des documents, car elle

5 connaît les problèmes que nous allons rencontrer. Elle les anticipe. On lui

6 a dit de façon précise qu'il n'est pas possible de recevoir ces documents

7 tant que le feu vert définitif n'est pas donné par l'accusé pour que ces

8 documents nous soient transmis. S'il y a un envoi en vrac au Greffe, je ne

9 sais plus quand c'était, c'était en avril ou en mai, il y a deux mois. Cela

10 aurait pu être fourni à l'Accusation, mais cela ne l'a pas été. Voilà la

11 situation telle qu'elle se présente, c'est tout ce que je peux faire pour

12 vous aider, Messieurs les Juges, vu les circonstances et la difficulté

13 qu'elles présentent.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème que j'éprouve, la

15 difficulté que je ressens, c'est le principe qui est l'intérêt supérieur de

16 la justice.

17 M. NICE : [interprétation] Bien entendu.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que si on rejetait en vrac ces

19 documents, ce ne serait pas de nature à nous permettre d'arriver au bon

20 verdict dans ce procès.

21 M. NICE : [interprétation] Je l'ai dit clairement hier lorsque j'ai appelé

22 votre attention sur les problèmes que nous rencontrions parce que dans le

23 recueil de documents déjà fourni, les documents que nous aimerions utiliser

24 et je garde à l'esprit vos préoccupations.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est très frustrant de voir que ce

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1 genre de demande qui a été faite est tout à fait inadéquat, car nous ne

2 recevons pas d'indices précis quant à la source de ces documents, la date à

3 laquelle ils sont arrivés, dans quelles circonstances ils sont arrivés,

4 mais la requête le dit fort justement, il y a un problème qui se pose,

5 celui de l'intérêt supérieur de la justice.

6 Il y a violation flagrante du Règlement, car nous avons un article du

7 Règlement qui dit qu'il faut communiquer, dire que la Défense va

8 communiquer les documents à l'Accusation. Cela ne doit passer par le Greffe

9 parce que c'est ce qu'a dit hier de façon très désinvolte l'accusé. Il les

10 a donnés au Greffe a-t-il dit. Il y a certains délais à respecter, cela

11 doit être fourni à l'Accusation.

12 Il faudra accepter la frustration qui accompagne cette façon

13 inadéquate de présenter une Défense dans l'intérêt supérieur des choses

14 afin d'éviter que ceci ne se répète.

15 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux revenir à ce point ?

16 Auparavant, j'aimerais dire ceci : il y a un effet en cascades si vous

17 voulez, un effet boule de neige lorsque l'accusé fait un choix délibéré

18 s'agissant de la présentation de sa défense. Lorsqu'il présente autant de

19 documents et dans ces conditions, il nous rend la tâche impossible. Il est

20 impossible pour nous de nous mettre d'accord avec lui à l'avance sur quoi

21 que ce soit. S'il avait adopté pour politique de recourir au 89(F),

22 d'utiliser des rapports quels qu'ils soient plutôt que de nous produire

23 autant de documents, la Chambre l'a souvent conseillé de ne pas le faire,

24 il s'agit des ressources que nous avons. Je pense qu'avec les faibles

25 ressources que nous avons, nous aurions pu travailler à l'avance et nous

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1 mettre d'accord là où c'était possible d'avoir un terrain d'entente. Ainsi

2 l'accusé aurait eu plus de temps pour présenter la totalité de ses moyens.

3 Mais lorsqu'il agit de la sorte, lorsqu'il présente ses moyens de cette

4 façon, rappelez-vous Stevanovic et ce sera sans doute le cas pour ce

5 témoin-ci, il prend énormément de temps. Je suis sûr qu'à un moment donné,

6 il va demander à avoir plus ses 150 jours. Il nous a dit qu'il avait

7 l'intention de le faire. A un moment donné, la Chambre devra prendre une

8 décision difficile. Elle devra dire, voilà l'accusé devra pâtir des

9 conséquences qu'il a lui-même produites parce qu'il a fourni trop

10 tardivement des documents.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a décidé de ne pas utiliser

12 les ressources qui sont manifestement nécessaires pour présenter ce genre

13 de défense. Il devra en endosser la responsabilité en temps utile quelle

14 que soit finalement cette responsabilité. Ce qui me préoccupe davantage,

15 c'est de savoir s'il est possible d'améliorer la situation à l'avenir,

16 parce qu'il faudra peut-être à un moment rejeter et exclure des documents

17 tout entier ou un ensemble de documents parce qu'on n'a pas pu bien

18 présenter les moyens et que l'intérêt supérieur de la justice est lésé vu

19 la façon dont les documents sont présentés.

20 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait, et j'avais voulu encore

21 répondre à une de vos observations. Vous parliez de l'intérêt supérieur de

22 la justice, voici ce que j'ai à dire : nous avons eu des témoins comme

23 Jasovic ou Stevanovic. Ils quittent La Haye avec une grande partie des

24 documents qu'ils ont produits et qui ne sont toujours pas traduits. J'ai

25 certaines ressources pour fournir des traductions sous forme de projets,

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1 mais ceci ne suffit pas pour aider la Chambre au moment du contre-

2 interrogatoire des documents pertinents.

3 Le problème immédiat va sans doute bientôt surgir au niveau de Momir

4 Bulatovic. Cela fait combien ? Mille documents, enfin, c'est énorme comme

5 quantité. Apparemment, d'après ce que j'ai entendu dire, il y a des procès-

6 verbaux de séances de travail que nous ne connaissons pas, ce sont sans

7 doute des documents tout à fait conséquents. Nous avons insisté pour les

8 obtenir suite à l'audience d'hier, on nous a, au moins, dit aujourd'hui,

9 parce que Mme Dicklich a parlé directement à l'accusé ou plus exactement

10 aux associés de l'accusé qui sont en dehors du prétoire, mais nous avons pu

11 les attraper l'espace d'un instant ce matin lorsqu'on amenait nos chariots,

12 et il a confirmé le fait que nous allions recevoir un CD cet après-midi.

13 Lorsqu'on a des CD de ce genre, les documents ne sont pas du tout

14 ordonnés et il est difficile de faire un lien. C'est plus difficile qu'avec

15 un classeur où on a des intercalaires, mais c'est mieux que rien. Nous

16 pourrons peut-être commencer à travailler sur la déposition de Bulatovic

17 aujourd'hui, mais c'est là vraiment quelque chose de tout à fait difficile

18 comme mécanisme.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais soulever un point. Si les

20 629 documents qui sont produits comprennent des documents à propos desquels

21 l'Accusation avait fait une requête de production de ces documents, et si

22 la Chambre elle-même avait rendu une ordonnance en application du 54 bis

23 concernant ces documents, je pense que c'est une question importante pour

24 l'accusé, mais aussi pour l'Etat de Serbie parce que cela implique la

25 responsabilité du gouvernement serbe à un moment donné.

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1 M. NICE : [interprétation] Ce serait une question grave si on fait un lien

2 entre les documents, les requêtes ou ordonnances, c'est un exercice

3 difficile et lourd qui n'est pas -- disons qui est plutôt secondaire par

4 rapport à la production de documents en prétoire.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez fait ce commentaire en

6 disant que d'après ce qu'a appris Mme Dicklich, les documents ne sont pas

7 fournis tant qu'il n'y a pas approbation de l'accusé.

8 M. NICE : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'était dans quel contexte ?

10 M. NICE : [interprétation] Jusqu'au dernier témoin Jasovic, non plutôt

11 jusqu'à ce témoin-ci que nous avons dans le prétoire. On nous disait que

12 nous ne pouvions pas avoir les documents tant qu'il n'y avait pas l'aval

13 définitif de l'accusé. L'accusé a dit : non, non, ce n'est pas vrai. Il n'y

14 a jamais eu de droit de censure ou définitif que j'imposerais, a-t-il dit,

15 pour ce qui de la production des documents. Mais nous avons souvent demandé

16 des documents et nous avons toujours reçu la même réponse.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que le gouvernement de

18 Serbie doit comprendre que là peut surgir une question concernant leur

19 responsabilité en tant qu'Etat. Si l'Etat de Serbie ne produit pas des

20 documents concernés par une ordonnance de la Chambre alors que ces

21 documents sont disponibles, c'est une question grave qui se pose.

22 Il ne revient pas à M. Milosevic de la régler.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous faisons droit à la requête,

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1 mais le Juge Bonomy voudrait évoquer un point et porter ceci à l'attention

2 de M. Milosevic.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, je tiens à

4 insister sur une chose. Vous devriez être conscient de cela. Je parle ici

5 du libellé du 65 ter, en son paragraphe (G)(ii). Il s'agit ici des listes

6 de pièces à conviction. On dit qu'en même temps que la liste des pièces à

7 conviction que vous avez produite - il y a près d'un an de cela déjà - la

8 Défense doit présenter directement à l'Accusation des copies des pièces

9 énumérées dans cette liste.

10 Ceci doit s'appliquer à tout document dont vous apprenez l'existence plus

11 tard, au fil de la présentation de vos moyens. Vous avez pour obligation de

12 veiller à ce que, dès qu'un document risque de devenir une pièce, ce

13 document soit fourni à l'Accusation. Si vous n'adoptez pas, si vous ne

14 faites pas vôtre cette démarche et procédure, je serais enclin à avoir une

15 oreille moins attentive à ce genre de requête aux fins d'ajout de documents

16 à la liste du 65 ter. Je voulais vous en avertir dès maintenant à ce stade

17 de la procédure.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je me dois de vous dire

20 quelque chose au sujet de ce que M. Nice a affirmé ou ce que M. Bonomy

21 vient d'expliquer. En effet, vous vous souviendrez - et quand je dis

22 "vous", je parle de vous en personne et de M. Kwon - vous vous souviendrez,

23 que très souvent, M. Nice me communiquait des documents aujourd'hui pour le

24 lendemain. Il s'agissait de classeurs entiers, plusieurs classeurs à la

25 fois. En demandant comment je pourrais en prendre connaissance, on

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1 m'affirmait, on me disait, de -M. feu le Juge May m'a dit -- me disait :

2 Vous avez le temps pendant la nuit de voir de quoi il s'agit, et de vous

3 préparer pour le contre-interrogatoire. Vous vous en souvenez fort bien de

4 cela.

5 Mis à part ce fait, la question de communication des pièces se trouve à

6 être en corrélation directe avec le fait que je n'ai jamais eu suffisamment

7 de temps pour mes préparatifs. Cela, vous le savez très bien. Lorsque j'ai

8 reçu 600 000 pages dans le courant de la procédure relative au Kosovo, puis

9 la Croatie et la Bosnie, M. May disait : "On se penchera sur la question."

10 Cela n'a jamais été étudié. Maintenant, M. Nice abuse de ce fait. Il sait

11 pertinemment bien que je n'ai pas eu suffisamment de temps. Il sait que je

12 n'ai pas eu d'intervalle de temps où j'aurais pu me pencher dessus, lire

13 tout cela et me préparer.

14 Mis à part cela, je n'ai pas disposé d'archives du tout. Vous avez constaté

15 vous-même que même ces documents ou plutôt mes collaborateurs, se sont vus

16 confiés ces documents-là fin 2004 seulement. Par conséquent, ce sont là des

17 raisons claires et objectives.

18 Tout à l'heure, M. Nice a parlé de M. Bulatovic qui se trouvait être

19 résident du Monténégro, puis, premier ministre fédéral pendant ces dix

20 années en question. Sur la liste des documents qui le concerne, il y a un

21 certain nombre de PV du conseil suprême de la Défense. Je vais vous dire

22 toute suite, tous ces PV du conseil suprême de la Défense m'ont été

23 communiqués par le bureau de M. Nice, on ne me les a pas communiqués du

24 tout.

25 M. Nice, l'année passée, a dit qu'il avait quelque 5 000 pages de procès-

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1 verbaux du conseil suprême de la Défense, et alors, en demandant au bureau

2 de M. Nice l'obtention de ces documents, nous avons fini par avoir

3 l'occasion de nous pencher dessus et d'en sortir certains documents, enfin

4 de certaines pièces qui pourraient être présentées avec le témoignage de M.

5 Bulatovic. Donc, ces constatations ne tiennent pas debout du tout.

6 Autre chose, M. Bonomy vient d'expliquer que cette façon de présenter les

7 choses ne convenait pas. Je ne comprends pas ce que cela signifie. J'ai cru

8 comprendre que la façon de présenter les documents était celle de faire

9 témoigner le témoin, de lui présenter des documents et de vous les

10 présenter à même temps, à savoir, les pièces à conviction concernant son

11 témoignage à lui, et que c'était la seule façon de procéder pour ce qui est

12 de la présentation des pièces qui se trouverait être possible. Je ne sais

13 pas de quelle autre façon de présenter les documents qu'on est en train de

14 parler. Donnez-moi une explication à ce sujet-là afin que je comprenne bien

15 ce que vous êtes en train de me demander en réalité.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut aborder trois points suite à

17 votre intervention. Premier point, si vous aviez bien écouté ce matin, vous

18 auriez compris que j'ai tenu compte du fait que l'Accusation a parfois

19 présenté des documents sans qu'il y ait requête, requête que nous avons

20 demandé de présenter. J'en ai tenu compte. A ce stade-ci de la procédure,

21 lorsque vous avez des documents, vous avez pour devoir de les communiquer.

22 Comme je l'ai déjà dit, une espèce de revanche par rapport à l'Accusation

23 n'est pas la bonne démarche à retenir.

24 Deuxième point, s'agissant du mode de présentation, là se pose deux

25 questions distinctes. Une question, c'est la présentation à la Défense dans

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1 le sens où vous avisez, donc, vous devez envoyer des exemplaires. Cela

2 revient au premier point que j'ai déjà évoqué - afin que l'Accusation sache

3 quels sont les documents que vous voulez utiliser. Pour ce qui est de la

4 présentation des éléments de preuve en prétoire, vous avez toute latitude.

5 Vous pouvez présenter des déclarations écrites de témoins qui vont évoquer

6 beaucoup de documents. Ces documents pourraient être repris dans les

7 déclarations écrites pour accélérer la présentation de l'interrogatoire

8 principal. Vous pourrez, pour ce qui est de la partie orale de la

9 déposition du témoin, vous pourrez vous concentrer sur les éléments les

10 plus cruciaux, les plus importants. Ceux qui vous conseillent, vos

11 associés, Me Kay, sont parfaitement à même de vous guider, de vous

12 prodiguer des conseils. Jusqu'à présent, vous n'avez montré aucune

13 propension à agir de la sorte. M. Nice n'a cessé de vous inviter à adopter

14 cette façon de procéder au cours du procès.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter ceci. Monsieur

16 Milosevic, je sais qu'il y a une espèce de distorsion lorsque vous dites

17 que la plupart des documents de l'Accusation vous ont été communiqués très

18 tardivement. Il y a effectivement des documents qui ont été communiqués

19 tardivement, mais je pense, quand même, que la plupart des documents vous

20 ont été remis au début du procès. Vous recevez des copies qu'on appelle de

21 courtoisie, si vous voulez un double, qui vous est remis la veille ou

22 l'avant-veille. Est-ce que j'ai bien compris la situation, M. Nice ?

23 M. NICE : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez votre interrogatoire du

25 témoin.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je continuerai. Si vous estimez que

2 le fait de me donner 600 000 pages d'un coup est une chose tout à fait

3 normale sans donner le temps qu'il faille pour en prendre connaissance,

4 alors vous avez probablement raison.

5 LE TÉMOIN: BOZIDAR DELIC [Reprise]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

8 Q. [interprétation] Bonjour, Général.

9 L'INTERPRÈTE : Micro pour le témoin, s'il vous plaît.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Nous nous sommes arrêtés au document --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mettez les micros -- branchez les

13 micros pour le témoin, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier -- l'Huissier.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page 54.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel document êtes-vous en train

17 de parler ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le document que nous avons examiné hier.

19 Je me réfère notamment à l'intercalaire - attendez, laissez moi voir. C'est

20 le classeur numéro 4. Il s'agit ici d'un rapport annuel pour ce qui est de

21 la reconnaissance électronique et des écoutes radio pour 1998.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Avez-vous retrouvé cette page 54, Général ?

24 R. Oui, oui.

25 Q. Je vous demande de vous pencher sur la date du 7 décembre. Je parle du

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1 quatrième paragraphe à partir du haut, et de nous donner lecture de ce qui

2 est dit.

3 R. "Nous avons appris que les membres de l'UCK ont fusillé deux Siptar

4 pour lesquels ils ont affirmé ce n'est pas des sympathisants. L'un des

5 membres de l'UCK aurait donné à l'un des gars du village 1 000 francs, mais

6 ceux des villageois qui n'avaient pas de quoi faire une contribution ont

7 été battus par les membres de l'UCK. C'est surtout ceux qui n'ont pas de

8 membres de l'UCK dans leur famille qui sont malmenés."

9 Q. Etiez-vous au courant de cette pratique mis à part ce qui est dit dans

10 ce rapport ?

11 R. Oui. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec certains Siptar, et mes

12 instances chargées de la sécurité au sein de la brigade ont eu des

13 entretiens qui leur ont fourni ce type d'information.

14 Les Siptar qui étaient jugés comme étant aisés et comme étant susceptibles

15 de donner un certain montant d'argent, d'autant plus que si les membres de

16 leur famille n'étaient pas affiliés à l'UCK.

17 Q. Etiez-vous au courant d'exécutions de certains Albanais qui n'ont pas

18 voulu apporter leur soutien à l'UCK ? Avez-vous été au courant d'événements

19 de ce type ?

20 R. J'ai eu connaissance d'un nombre de cas énorme de ce genre. Je veux

21 dire d'abord, que les Siptar qui, après 1990 et 1991 sont restés à

22 travailler dans les services publics indépendamment du fait de savoir s'il

23 s'agissait de la police, de l'entreprise de distribution de l'électricité

24 ou des PTT, ont été dans le courant de 1998, 1999 sous le coup de l'UCK.

25 Bon nombre d'entre eux ont été tués. Certaines familles de ceux qui ont été

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1 jugés loyaux à l'égard de la République de Serbie ont également eu des

2 problèmes. Dans ma zone de responsabilité, il y a eu bon nombre de cas où

3 des membres de ces familles ont été tués. Si nécessaire, je peux même vous

4 donner les noms.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'entendez-vous par nombre énorme de

6 cas de cette nature ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je parle d'un nombre énorme, j'entends

8 par là plusieurs dizaines de cas de ce type.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page suivante qui se rapporte à

11 la date du 8 décembre. Juste le début, pas le paragraphe entier parce qu'on

12 n'a pas le temps.

13 R. "Les membres de l'UCK ont capturé et égorgé deux femmes Siptar qui, en

14 se servant de leur Motorolla, ont emmené les policiers dans le secteur de

15 Klecka et ont aidé la police à briser ces groupes de l'UCK."

16 Q. Je vous demande maintenant de vous référer au bas de la page à la date

17 du 15 décembre.

18 R. Le 15 décembre : Les Siptar ont déclaré qu'ils espéraient qu'ils ne

19 seraient pas malmenés par la police maintenant que les vérificateurs

20 étaient là. Il s'agissait pour eux de s'attaquer aux Serbes à tout moment

21 et partout. On leur disait constamment : 'Bonne chance dans cette guerre

22 qui a reprise.'"

23 Q. Est-ce que cela signifie que lorsque la Mission de vérification est

24 arrivée, ils se sont remis à tuer ?

25 R. A tuer. Après la fin de cette opération antiterroriste fin septembre,

Page 41306

1 il y a eu des meurtres tout le temps, mais l'ampleur a été réduite jusqu'en

2 décembre 1998. Avec l'arrivée de ces vérificateurs, la police et l'armée

3 ont dû quitter bon nombre de points stratégiques sur la voie de

4 communication et sur le territoire. Ces points-là ont été repris par les

5 forces terroristes, et une fois de plus, ils ont lancé de nouveau des

6 attaques contre la colonne, les membres de l'armée et même contre des

7 civils.

8 Q. Que dit la dernière de ces lignes ici, sous la même date ?

9 R. "Parmi les Siptar, on a fait courir des rumeurs disant qu'au printemps,

10 il y aurait une fois de plus la guerre. On disait que ce serait 'un

11 printemps sanglant et tout devait brûler. Si besoin était, la moitié de la

12 Serbie devait être mise à feu.'"

13 Q. Penchez-vous sur la page suivante, je vous prie. Je parle du 16

14 décembre, deuxième paragraphe de cette page suivante. Vous pouvez commencer

15 à partir de la deuxième phrase, peut-être pas au tout début. Le fait que

16 bon nombre d'entre eux soient arrivés de l'étranger importe peu. On dit

17 aussi --

18 R. "S'agissant des forces de sabotage, il y en a au village d'Osljane

19 entre Klina et Vucitrn, où ils se sont installés dans plusieurs maisons

20 siptar, où ils ont amené des lits pour dormir et se sont procurés de

21 nouvelles Golfs. Dans ce camp, deux Allemands sont là pour assurer la

22 formation de quelque 60 saboteurs."

23 Q. Bien. Que dite-t-on pour la date du 19 décembre dans cet aperçu ?

24 R. Le 19 décembre dit : "Ils disent qu'au printemps, il y a aura une fois

25 de plus la guerre, et qu'il est arrivé des instructeurs et des officiers à

Page 41307

1 la retraite de l'Amérique et de l'Allemagne pour les former au maniement

2 des armes modernes. Un avion plein vole tous les jours entre Zurich et

3 Tirana."

4 Q. Penchez-vous sur la date du 20 pour nous dire ce qu'il y a de

5 caractéristique. Il est question d'un Siptar originaire de l'Allemagne.

6 R. "Un Siptar de l'Allemagne a demandé de ses compatriotes au Kosovo des

7 renseignements pour ce qui est de savoir comment faire venir trois

8 Moudjahiddines qu'il avait chez lui. On lui a conseillé d'essayer de passer

9 par l'Alliance démocratique du Kosovo à Budapest."

10 Q. Le 22 décembre, il est question d'un certain nombre de personnes

11 formées en Albanie. Je vous demande de nous donner lecture de cette phrase-

12 là seulement, et de nous commenter ce que vous en avez appris.

13 R. "Il y a quelque 10 000 Siptar qui sont en train de s'entraîner. Parmi

14 eux, il y a également des officiers."

15 Pour nous, c'était un fait notoirement connu. Nous savions que par le

16 territoire de l'Albanie, il y avait toutes ces bases qui assuraient

17 l'entraînement des terroristes. La formation et l'entraînement ont commencé

18 en 1991 par petits groupes. Là, 10 000 hommes, 10 000 hommes, c'est des

19 préparatifs directs pour ce qui allait se produire en 1999. Si nécessaire,

20 je peux vous citer l'emplacement de ces centres.

21 Pour ce qui est de la formation et de l'entraînement, il y a eu

22 participation de certains officiers appartenant à l'armée albanaise.

23 Q. De quel centre aviez-vous connaissance ?

24 R. Il y avait les centres Kuksta Polje [phon], Vucja Dol, Sahan, Tirana.

25 Ce ne sont que quelques centres parmi bon nombre d'autres.

Page 41308

1 Q. Je vous demande maintenant de vous pencher sur la date du 26 décembre

2 1998. Que dit-on dans la deuxième phrase ? On va sauter les montants,

3 enfin, l'argent et les fusils à lunette.

4 R. "Dans certaines régions, les Siptar disent que la "policia" n'y

5 viennent pas, mais qu'ils n'ont des problèmes qu'avec les membres de

6 l'UCK."

7 Q. Le 27 décembre, maintenant ?

8 R. "A l'étranger, tout Siptar ayant un emploi, prélève 1 000 marks pour le

9 Kosovo s'il travaille au noir. S'il a une société à lui et des papiers de

10 travail, il doit contribuer 2 000 marks."

11 Q. Général, on trouve ici un aperçu par la suite des membres de ces

12 effectifs de sabotage dans l'année 1998.

13 R. Oui, je viens de le retrouver la page.

14 Q. A quoi se rapportait cet aperçu ? Qui est-ce qui l'a rédigé ?

15 R. Cet aperçu concerne les membres de ces forces de sabotage et de

16 diversion et on indique ici l'emplacement approximatif où on a, par radio

17 goniomètre, découvert leur lieu de résidence et la date à laquelle on a

18 trouvé ou découvert l'emplacement des différents membres de ces groupes.

19 Q. Il est question ici de certaines des fonctions politiques exercées par

20 ces particuliers ou fonctions de commandement. Sous la dernière rubrique,

21 on dit la source et le moment de l'obtention de ce renseignement. Est-ce

22 que j'ai raison de comprendre que "RI" ici, veut dire reconnaissance

23 radio ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Tous ces renseignements au sujet des dits noms se trouvent dans le même

Page 41309

1 aperçu de 1998 et qui se rapportent aux activités de reconnaissance radio,

2 d'écoute.

3 R. Oui.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si c'est le cas, pourquoi est-ce qu'on

5 ne voit pas partout cette mention "RI" ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est évident que tous ces renseignements

7 sont obtenus par reconnaissance radio. A compter du numéro 10 jusqu'au

8 numéro 16 ou alors du numéro 20 jusqu'au numéro 27, on n'a pas complètement

9 identifié les intéressés. On n'a pas le nom et le prénom de l'individu. Les

10 opérateurs qui étaient à l'écoute ont réussi à se procurer des prénoms, et

11 pour certains membres la goniométrie n'a pas permis de déterminer

12 l'emplacement exact de leurs points d'émission. C'était la seule façon dont

13 on pouvait se servir ou dont pouvait se servir cette unité. Il s'agit de

14 reconnaissance radio et radio goniométrie.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On pourrait voir la chose de façon

16 différente. Pourquoi est-ce qu'on trouve cette mention de 1 à 6 et pas au

17 7, 8, 9, par exemple ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la seule explication que je sais vous

19 apporter. On voit que pour un certain nombre de certains membres de cette

20 organisation, on n'a pas pu définir l'emplacement et on n'a pas pu les

21 identifier avec leurs noms et prénoms.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais si "RI" veut simplement dire

23 renseignement ou reconnaissance radio, pourquoi est-il nécessaire d'exclure

24 ceci si on n'a pas repéré de façon de précise l'emplacement ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous apporter d'explication

Page 41310

1 pour ce qui est des autres cas, pour ce qui est du fait de savoir

2 pourquoi ?

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a établi ce document ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai déjà dit hier que ceci faisait

5 partie intégrante du document précédent.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, oui, j'avais mal compris.

7 Ce n'est qu'une partie du rapport. Excusez-moi.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous voyez qu'on dit ici, annexe numéro

9 17. Le document comporte au moins 17 annexes, sinon plus.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous continuer ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il me semble justifier de

14 vous demander, comme cela a été d'ailleurs coutumier, de faire en sorte que

15 ces intercalaires soient versées au dossier suivant la cadence de leur

16 présentation. Je vous signale que nous avions hier les intercalaires 1, 2,

17 et 3 qui avaient des clips vidéo que vous avez déjà vus, et il y a

18 maintenant cette intercalaire 4 qui provient de ce rapport annuel sur la

19 reconnaissance radio, la surveillance électronique pour 1998.

20 Je demande à ce que ces documents soient versés au dossier au fur et

21 à mesure que se déroule le témoignage de ce général.

22 M. NICE : [interprétation] S'agissant de ce document, je demande qu'il ne

23 soit certainement pas produit maintenant. Il faudra ce que cela donne au

24 contre-interrogatoire et cela dépendra aussi de la capacité qu'a ce témoin

25 ou qu'ont d'autres témoins de produire ces documents dont nous avons parlés

Page 41311

1 hier. Je parle des documents dans leur intégralité.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. KAY : [interprétation] Me permettez-vous d'intervenir pour faire

4 une observation ? Je ne veux pas interrompre vos délibérations. Il semble

5 plus aisé de parler de la question de la recevabilité au fur et à mesure.

6 Le contre-interrogatoire de M. Nice n'est pas pertinent pour ce qui est de

7 la recevabilité de document si l'accusé en pose les bases, prouve que c'est

8 un document qui a une valeur probante et une pertinence certaine. Ce que M.

9 Nice fait aura peut-être une incidence sur le poids qu'on donne à ce

10 document, il n'a pas le droit de maîtriser la défense que présente

11 l'accusé, or, il essaie d'exercer cette maîtrise.

12 A mon avis, puisque l'accusé élabore sa thèse au fil de la

13 présentation des témoins, et il est utile de présenter les documents au fur

14 et à mesure et de rejeter les documents qui ne lui semblent pas pertinents,

15 s'il peut faire valoir un point, je crois que de cette façon la base sera

16 beaucoup plus satisfaisante, bien meilleure pour l'audition des témoins.

17 Nous nous trouvons enliser par des arguments portant sur les pièces,

18 et ceci ne permet pas une bonne progression fluide de la présentation de

19 moyens.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez peut-être raison de façon

21 générale parce que c'est plus facile de gérer ces pièces au fil de leur

22 présentation pour autant qu'on est informé et je parle d'une partie qui

23 aurait informé l'autre partie à temps de la nature de ce document, mais, si

24 se pose ici la question de l'authenticité par rapport -- apparemment, c'est

25 peut-être le cas pour ce premier document, ou je ne sais pas, mais les 13

Page 41312

1 premières pages sont manquantes. On ne sait pas quand fût la date de

2 publication. On ne sait même rien en dehors de ce qu'a dit le témoin quant

3 à sa provenance. Là, l'opération est un peu plus difficile parce que

4 l'Accusation n'a pas eu suffisamment de temps pour se prononcer sur

5 l'authenticité du document.

6 M. KAY : [interprétation] Si la question de l'authenticité se pose, il

7 faudrait peut-être reprendre la pratique qui était celle de l'Accusation

8 pendant la présentation de ses moyens, c'est-à-dire, l'octroi de code

9 provisoire pour identification, or, ce n'est pas devenu la règle pour tout,

10 mais en règle générale, il y a eu des questions que nous avons pu aborder

11 de façon plus adéquate de cette façon.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay, pensez-vous que mis à part

14 la déposition de ce témoin, nous pourrons entendre d'autres témoins qui

15 pourront parler de l'authenticité de ce document-ci ?

16 M. KAY : [interprétation] Je crois que l'accusé ou le témoin a posé les

17 bases quant à la provenance, ce sont des documents Delic, produits par la

18 VJ, et on sait pourquoi on leur a donné la forme qu'ils ont, et il y a

19 certains passages -- et il est aisé de comprendre pourquoi la VJ va

20 présenter les documents de cette forme-là. S'il y a des documents qui ne

21 sont pas pertinents pour ce général, pourquoi devrait-il les avoir ? Je

22 pense que c'est-là l'explication fournie, qui - il me semblait - manquait

23 du quoi du bon sens.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

Page 41313

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je ne vais pas vous donner

2 la parole, Monsieur Milosevic. La Chambre a pris une décision en la

3 matière. Par décision majoritaire, nous allons déclarer ces documents --

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous parlons ici de l'intercalaire 4 --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous déclarons recevable

6 l'intercalaire 4, par décision majoritaire de la majorité des Juges. Nous

7 pensons qu'il est sage de reprendre notre ancienne pratique, qui était de

8 trancher la question de la recevabilité au fur et à mesure. C'est ce que

9 nous avons fait au début. Nous avons changé de cap, et je pense que ceci

10 entravait l'évolution souhaitable du procès, en tout cas, la rapidité du

11 procès.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les cassettes vidéo seront déclarées

13 admises aussi, mais je voudrais demander une précision.

14 Monsieur Milosevic, hier le témoin a dit que la dernière séquence, que nous

15 avons vue, avait été tournée à un dîner de donateurs au nom de M. Kerry en

16 2004. Or, dans votre sommaire, on n'y a fait pas du tout référence. Au

17 contraire, le 2(A) dit Holbrooke, Clark, et lobby albanais, un groupe de

18 pression albanais en 1998. Je pense qu'en 2004, Clark était aussi candidat

19 à la présidence américaine. Alors, peut-être qu'il y a mépris cela. Est-ce

20 qu'on pourrait tirer ceci au clair ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sur la DVD, on voit Holbrooke à Junik. Dans le

22 premier extrait, vous l'avez vu, on voit des soldats qui prêtent serment,

23 qui disent se battre pour la réunification avec l'Albanie, juin 1998. Le

24 deuxième extrait, ce même dirigeant qui dirige la prestation de serment, se

25 trouve à Junik en compagnie de Holbrooke. C'est toujours la mi-1998.

Page 41314

1 Le troisième extrait montre le rôle de ces membres de l'administration

2 américaine de l'époque, ce qui est expliqué par les Albanais en désignant

3 Clark comme étant un vétéran de l'UCK, et Holbrooke est la "Kalachnikov

4 d'or". Alors mi-1998, on voit qu'il y a une coopération directe avec des

5 effectifs qui visent à réunifier une partie de la Serbie avec l'Albanie, et

6 la participation de ce segment de l'administration. C'est un élément de

7 preuve important, et il s'agit --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous, nous devons demander pourquoi le

9 témoin a dit que cela avait été tourné en 2004.

10 Général Delic ? Pouvez-vous répondre ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas en 1994.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez reçu une mauvaise interprétation.

13 L'interprète a dû dire 1994, mais le Juge Kwon a dû entendre 2004.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Vous avez dit qu'ils avaient

15 été filmés en 2004; est-ce exact ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. J'ai précisé que j'ai vu la version

17 complète de ce film, et à son sujet, je peux vous dire que cela dure plus

18 d'une heure. Il y a là bon nombre de détails concernant l'armement de l'UCK

19 dans le courant de 1998, puis différentes réunions avec la diaspora

20 albanaise en Amérique, et l'une de ces dernières réunions dont parle cet

21 extrait, c'est précisément une réunion à une soirée de collecte de fonds,

22 où des Albanais apportent leurs contributions à la campagne électorale.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La confusion continue de régner dans mon

24 esprit.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois, Monsieur Kwon, que vous pouvez

Page 41315

1 visionner le film sous entier. On nous vous a fourni trois extraits qui

2 sont, sans aucun doute, authentiques, mais, si cela vous intéresse, on

3 pourra vous montrer le film entier, et vous y verrez bon nombre d'autres

4 événements intéressants que je n'ai pas le temps ici de vous présenter.

5 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que je peux --

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais là, vous vous méprenez tout

7 à fait sur votre rôle. Vous avez pour rôle de présenter vos moyens à

8 décharge, et nous, nous essayons de tirer au clair pourquoi une séquence,

9 que vous nous avez montrée, en ce qui concerne 2004, est indiquée dans

10 votre sommaire comme étant une réunion de 1998. Cela ne tient pas. Si vous

11 voulez en rester-là, en ce qui me concerne, il faut refuser le versement au

12 dossier de cette séquence vidéo.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est certain que ce dîner, où on voit Clark

14 et Holbrooke en veston smoking, cela ne se rapporte pas à leur rencontre

15 avec les terroristes en 1998. Si, au niveau de l'indexe, il y a une erreur

16 de commise, je me pencherais dessus, et je vous apporterais une explication

17 complémentaire. Mais il est certain que ce dîner --

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, vous dites que c'était en

19 2004 ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne le dis pas. C'est le témoin qui l'a dit.

21 Je vous ai montré l'année 1998, où l'on voit qu'il a coopération directe

22 des représentants de l'administration américaine de l'époque avec les

23 terroristes, et vous avez vu, ensuite, en Amérique, à la fin de tout ceci,

24 et j'ai cru comprendre dans l'extrait que j'ai revu ici en même temps que

25 vous qu'il s'agissait de la fin de 1999, mais il est certain que dans le

Page 41316

1 clip, il y a des passages qui reprennent cette soirée de collecte de fonds.

2 Mais nous pouvons y revenir si vous avez des questions à poser.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous pourriez peut-être répondre

4 à la question qui vous a été posée par le Juge Kwon. Pourquoi dans le

5 sommaire est-il dit : "Holbrooke, Clark et le lobby albanais en 1998,

6 source les services du Renseignement de l'armée de Serbie et de

7 Monténégro" ? Pourquoi est-ce que c'est dit dans le sommaire si ce n'est

8 pas exact, et voulez-vous changer cette mention ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que je vais poser la question au témoin.

10 Voilà. Il a visionné --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il a déjà parlé de la chose. Il a

12 répondu. Quelle est votre position à ce sujet ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le lobby albanais en Amérique, et la rencontre

14 entre Holbrooke et Clark avec eux, ne datent pas de 1998. Cela, c'est une

15 chose certaine, la rencontre de Holbrooke et les Albanais en 1998 et,

16 notamment, ceux qui s'emploient en faveur de --

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quelle est la modification que

18 vous voulez apporter au sommaire ?

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au sommaire, il faudrait que l'on indique la

20 date exacte pour le troisième extrait. Pour le premier et deuxième clip, on

21 voit les dates exactes. Pour le troisième clip, il s'agit de revoir le

22 film, et on apportera une explication au sommaire parce qu'il y a forcément

23 une erreur d'impression. En 1998, il n'y a pas eu cette réunion avec le

24 lobby albanais, et cette soirée ne se passe pas en 1998.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 41317

1 M. NICE : [interprétation] Puis-je apporter mon aide ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons rediffuser la vidéo, de

3 façon à pouvoir nous prononcer.

4 M. NICE : [interprétation] Je pourrais peut-être aider sur le point suivant

5 simplement. Je crois que ce que l'accusé a en sa possession est une espèce

6 de film documentaire qui regroupe toutes sortes d'éléments disparates. Nous

7 savons que la pratique de la Cour s'agissant d'extraits de films

8 documentaires consiste à n'autoriser le versement au dossier que de

9 fragments d'une durée limitée, donc d'un nombre d'extraits soigneusement

10 choisis lors de la préparation des pièces à conviction. Il semble que

11 l'accusé ait quelques difficultés à comprendre la pratique de la Chambre à

12 cet égard.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande la rediffusion de ces

14 images.

15 [Diffusion de cassette vidéo]

16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "Il est question d'armements de l'UCK et de regroupements de celle-ci et de

18 son organisation en unités capables d'affronter la police et l'armée

19 yougoslave."

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas le bon extrait.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pendant que l'on cherche le bon extrait, j'ai

23 sous les yeux un document qui dit : "Télévision néerlandaise VPRO

24 documentaire intitulé : "La connexion de Brooklyn." C'est en néerlandais.

25 C'est un extrait d'émission de la télévision néerlandaise. Ensuite, nous

Page 41318

1 lisons : "Ce documentaire suit un Kosovar, appelé Boris Krasniqi, qui

2 assiste à la soirée de collecte de fonds de John Kerry. Il y est question

3 des plans de guerre mis au point dans la région. Ensuite, est donné une

4 adresse Internet. Boris Krasniqi assiste à une soirée de collecte de fonds

5 de John Kerry en présence de Casques bleus des Nations Unies."

6 Ce troisième extrait de la vidéo dont j'ai demandé la diffusion

7 comportait des sous-titres en néerlandais comme vous avez pu le constater.

8 Le titre de ce film est; "La connexion de Brooklyn," et il a trait à

9 l'année 2004. Manifestement, le témoin a raison sur ce point, c'est lors de

10 cette soirée qu'on a appelé Clark vétéran de l'UCK et Holbrooke

11 "Kalachnikov en or".

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir les images ?

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, ce n'est pas la bonne

15 séquence.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela, c'est la première séquence; ensuite, on a

17 la deuxième séquence où on voit Holbrooke avec le même homme qu'on voit

18 ici; et ensuite, vient la troisième.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Ces hommes disent à Clark que les groupes en question sont les siens, que

22 l'UCK est son UCK. On lui présente un homme qui est qualifié de numéro un

23 sur place. On lui dit que chacun de ces hommes a perdu quelque chose

24 pendant la guerre, l'un a perdu un bras, l'autre la jambe, le troisième le

25 cerveau."

Page 41319

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous apporter votre

3 aide, Général ? De quand date cette vidéo ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce film a été diffusé par notre télévision en

5 2004. Je l'ai regardé dans le centre national de Coopération avec le

6 Tribunal de Haye où sont regroupés tous les éléments d'information relatifs

7 aux crimes de l'UCK et à d'autres actes.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une question simple se pose, à savoir

9 : quand ont eu lieu les événements dont nous avons vu les images ici avec

10 participation de Holbrooke et de Clark ? Quand a eu lieu cette réunion avec

11 les Kosovars ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous regardez tout le film, et je vous

13 rappelle que j'ai dit qu'il s'agissait d'une soirée de collecte de fonds en

14 faveur de John Kerry.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, cela devrait se situer en 2004.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord, c'est bien en 2004.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous constatez que dans ces images il est

19 question de Wesley Clark, commandant en chef de l'OTAN en 1999, et ensuite,

20 le représentant des Etats-unis au Kosovo en 1999 est présenté à cet homme.

21 Manifestement, les images datent de 2004 comme le témoin vient de

22 l'indiquer.

23 J'ai ici des photographies de cette même soirée. Si vous le souhaitez vous

24 pouvez les placer sur le rétroprojecteur, et vous verrez Holbrooke, Clark

25 et tous les autres participants à ce dîner organisé en 2004.

Page 41320

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est tout à fait clair que le

3 sommaire comportait une erreur. Nous en admettons le versement au dossier

4 et la teneur de ce sommaire sera modifiée.

5 M. NICE : [interprétation] Avant de passer à autre chose, j'aimerais

6 revenir sans faire la moindre observation sur votre décision s'agissant de

7 l'intercalaire 4 qui n'a pas encore fait l'objet d'un accord complet. Je

8 voudrais toutefois dire ce qui suit : la question pour moi n'est pas

9 d'avoir le moindre contrôle sur les documents, c'est à la Chambre et au

10 Tribunal dans le respect du Règlement de déterminer si une pièce est

11 recevable ou pas, et si les questions posées au sujet de son identification

12 ont reçu des réponses suffisamment claires signifiant que le document peut

13 être recevable ou pas. A mon avis, ce n'est pas le cas ici, aux termes de

14 l'Article 95. Je devrais pouvoir rouvrir la discussion sur cette décision

15 et demander un changement de décision.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de faire

17 exactement ce que vous aviez dit ce que vous n'alliez pas faire.

18 M. NICE : [interprétation] Non, non --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous cherchez à rouvrir le débat sur

20 une décision rendue par la Chambre, Monsieur Nice. Passons à autre chose.

21 Avançons.

22 M. NICE : [interprétation] J'annonce simplement ma position pour l'avenir.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce D300 pour tous les classeurs.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

25 poursuivre. Nous avons perdu pas mal de temps.

Page 41321

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait bien compris. La cote

2 qui vient d'être donnée concerne les quatre pièces à conviction, donc une

3 seule cote pour les quatre pièces ou est-ce que chacune des pièces aura une

4 cote distincte ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une seule cote pour les quatre

6 pièces.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Général à l'intercalaire 5, nous trouvons --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez parler dans le micro, je

11 vous prie.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Général, à l'intercalaire 5, nous trouvons un rapport dont vous êtes

14 l'auteur. Il est intitulé "Situation du point de vue de la sécurité et

15 situation politique dans la municipalité de Djakovica." En page 2, nous

16 voyons que vous avez signé ce rapport. Pourriez-vous examiner ce rapport,

17 Général ?

18 R. Oui. C'est un rapport que j'ai envoyé au commandant du Corps de

19 Pristina, le 23 février 1998. Ce rapport concerne la situation politique et

20 la situation du point de vue de la sécurité sur le territoire de la

21 municipalité de Djakovica qui, par rapport aux autres secteurs placés sous

22 ma responsabilité, était extrêmement critique à l'époque.

23 Q. Nous n'allons pas lire l'intégralité de ce rapport, je vous demanderais

24 de mettre l'accent sur des passages particulièrement significatifs à votre

25 avis. Au premier paragraphe, nous lisons que : "Au cours des derniers mois

Page 41322

1 de 1997, et notamment à partir du début janvier 1998, la situation

2 politique et la situation du point de vue de la sécurité s'est

3 considérablement aggravée…"

4 R. Oui. Dans ce rapport que j'ai envoyé au commandant du corps, j'ai

5 défini deux secteurs dont le premier est situé ici au nord-ouest de

6 Djakovica et, au centre de ce secteur, on trouve le village de Smonica. A

7 cet endroit, les opérations terroristes s'étaient intensifiées et tout ce

8 territoire était passé sous le contrôle des terroristes.

9 Le deuxième secteur concerné se trouve au nord-ouest de Djakovica, depuis

10 le lac de Radonjic avec le village de Kraljane, Jablanica et Glodjane,

11 Maznik aussi se trouve dans ce secteur. C'est dans ce secteur que sera créé

12 plus tard le QG opérationnel de Dukagjin.

13 Dans ce document, je dis que, selon les informations reçues, la situation

14 s'est considérablement compliquée au moment où le département policier

15 situé dans le village d'Uglane [phon] a dû se retirer à Djakovica en raison

16 du danger, donc il n'y avait plus que des patrouilles dans le secteur en

17 question.

18 Il est dit également que dès la fin de l'année 1997 dans ce territoire, le

19 recensement des hommes de la région a été effectué, des hommes âgés de 18 à

20 60 ans en vu d'une mobilisation ultérieure au sein de l'organisation connue

21 sous le nom d'UCK.

22 Un peu plus loin dans le texte il est dit que dans cette partie du

23 territoire, notamment, dans le village de Jablanica, pendant plus de dix

24 ans les instances officielles de la République de Serbie n'avaient pas

25 accès. La police n'y entrait pratiquement jamais.

Page 41323

1 Q. Je vous prie de m'excuser de vous interrompre. Veuillez terminer votre

2 réponse après quoi je vous poserai une autre question.

3 R. Dans cette partie du territoire, notamment, dans le village de

4 Jablanica, personne n'entrait de l'extérieur, je veux dire les officiels,

5 les fonctionnaires de l'Etat et les représentants des grandes institutions

6 n'y rentraient plus. Pas un seul membre du MUP n'est entré dans ce village

7 en raison du risque d'attaque.

8 Q. Pourriez-vous donner quelques détails supplémentaires au sujet de ce

9 qui est dit dans le troisième paragraphe où il est question d'un système

10 appelé fermier pendant la journée, membre de l'UCK et terroriste pendant la

11 nuit.

12 R. Il est question du fait que dans ce territoire se réfugiaient tous ceux

13 qui voulaient échapper à la loi. Ils étaient armés en permanence. Je veux

14 parler des membres de l'UCK. Je parle de la période janvier et février de

15 cette année-là.

16 Sur les routes menant de Pristina et de Djakovica ainsi que Decani vers

17 Djakovica, nous sommes dans ce secteur où des groupes armés ont commencé à

18 se constituer. Je vous ai déjà expliqué ce qu'il en était. Les gens étaient

19 engagés pendant la nuit, on leur délivrait des armes et ils étaient chargés

20 de partir sur les routes pour arrêter les véhicules. Ils se présentaient

21 comme membres de l'UCK. Ils disaient tout à fait publiquement qu'ils

22 étaient sur place pour contrôler la circulation sur les routes.

23 En janvier, ils ont arrêté un autobus à bord duquel se trouvaient deux

24 hommes à moi, deux soldats. Sur la route menant à Djakovica dans le secteur

25 du village de Crmljane. Ce qui est caractéristique pour cette époque, c'est

Page 41324

1 que les attaques visaient avant tout le MUP. En présence des autres

2 voyageurs à bord de cet autobus et du chauffeur, les soldats ont dû

3 rebrousser chemin, ils ont été expulsés de l'autobus. Cela s'est passé au

4 mois de janvier, mais par la suite les choses ont changé. Quand on trouvait

5 des soldats à bord d'un autobus, on ne les renvoyait pas chez eux, on les

6 kidnappait.

7 Ce que veut dire cette expression : c'est qu'il s'agit de personnes qui

8 dans la journée exerçaient leurs activités habituelles et dans la nuit

9 allaient au QG, recevaient des armes et accomplissaient les tâches qu'on

10 leur confiait, c'est-à-dire, soit monter la garde, soit accomplir d'autres

11 tâches pour le QG. Le lendemain matin, ils reprenaient leurs activités

12 quotidiennes.

13 Q. Ceci est en rapport avec la fin 1997 et le début 1998.

14 R. Oui, c'est exact. Ce rapport a été rédigé en février, et il concerne la

15 période qui commence fin 1997 et qui se poursuit jusqu'au 23 février 1998.

16 Q. Sur la base de ce rapport, peut-on constater qu'il existait déjà un

17 réseau relativement développé de l'organisation terroriste qui a fait son

18 apparition dans cette région ?

19 R. Le réseau existait dans tout le Kosovo, mais dans ce rapport, je parle

20 uniquement de ce qui caractérisait mon secteur, à savoir ces deux zones

21 restreintes autour de Jablanica et également --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'était une

23 question directrice.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 41325

1 Q. Général, ne répondez pas à cette question dans ces conditions. Je

2 suppose que les explications fournies vont suffire.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'exige, Monsieur Robinson, que l'intercalaire

4 5, à savoir le rapport du général Delic, commandant d'une brigade du corps

5 d'armée soit versé au dossier.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Le document est admis.

7 Une cote, s'il vous plaît.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D300, intercalaire 5.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Général, nous allons maintenant le plus rapidement possible, nous

12 intéresser à un rapport. Comment s'appelait le chef d'état-major à

13 l'époque ?

14 R. Il s'agissait du colonel Ljubisa Lojanica.

15 Q. Très bien. Ce colonel était chef d'état-major de votre brigade, et il

16 vous était immédiatement subordonné. C'était votre adjoint d'une certaine

17 façon.

18 R. C'est exact. Il était mon adjoint. C'était le numéro deux de notre

19 brigade.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, quel était votre grade lorsque

21 vous commandiez la 549e Brigade ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été colonel de 1996 à 1999.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Votre chef d'état-major était également colonel et il était néanmoins

Page 41326

1 votre subordonné.

2 R. Oui. Il était mon subordonné, mais il avait le grade de colonel,

3 effectivement.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux poursuivre ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, poursuivez.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour informer le Juge Kwon qui s'y intéresse,

7 je rappelle que tous les commandants de brigade dans l'armée yougoslave

8 avaient le grade de colonel. C'étaient des colonels qui commandaient toutes

9 les brigades. Le commandant du corps était le seul à avoir le grade de

10 général.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Le colonel Ljubisa Lojanica qui était votre subordonné immédiat, vous a

14 demandé, le 2 mars 1998, de rédiger un document que nous trouvons à

15 l'intercalaire 6, et qui a été adressé au commandant du corps de Pristina.

16 Vous l'avez retrouvé ce document, Général ?

17 R. Oui, Monsieur Milosevic. C'est un document qui a été produit par le

18 chef d'état-major sur mon ordre.

19 Q. C'est précisément ce que je voulais -- ce que je voulais dire, vous

20 venez de l'expliquer très clairement.

21 Dites-nous, Général, cette première portion du texte discute de la

22 situation politique et de la situation sur le plan de la sécurité en disant

23 que rien n'a changé; au paragraphe 2, qu'est-il dit ?

24 R. Il est question des événements dans la période qui suit celle qui était

25 évoquée dans le premier rapport. Il y est dit que des pilonnages dus aux

Page 41327

1 terroristes Siptar se sont produits à plusieurs reprises avec des lance-

2 roquettes et des armes automatiques. Pas de victimes de ces bombardements.

3 Q. Fort bien. Au quatrième paragraphe plus bas, le

4 2 mars 1998, que dit-on ?

5 R. On dit : "Que le 2 mars 1998, aux environs de 1 heure du matin, des

6 maisons serbes d'un village ont été incendiées. Les familles serbes

7 Djackovic, Milic et Lakic ont été attaquées. Les villageois ont rejoint des

8 membres de leurs familles. Plus tard, le MUP de Djakovica s'est occupé de

9 l'affaire.

10 Je dirais, que de nos jours, il n'y a plus de maisons serbes dans ce

11 village, et plus aucune famille dont le nom de famille est serbe.

12 Q. Est-ce que vous voulez dire que ces maisons n'étaient que les maisons

13 serbes du village et qu'elles ont été attaquées ?

14 R. Oui. Il y avait d'autres maisons serbes dans ce secteur mais elles

15 avaient été désertées. Les habitants ne viennent que de temps en temps

16 visiter le village.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au compte rendu d'audience, il est dit : "Que

18 de nos jours, il n'y a plus de maisons serbes dans ce village." Le général

19 n'a pas dit qu'il n'y avait plus de maisons serbes. Il a dit que les

20 maisons serbes ont été désertées, que les habitants de ces maisons ne sont

21 plus là, qu'il n'y a plus d'habitants serbes. Car à l'époque, ces maisons

22 ont été attaquées, et c'étaient les seules familles serbes résidant du

23 village qui ont été attaquées.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons tirer ceci au

25 clair ? Général, est-ce que vous parliez de la situation actuelle ou de

Page 41328

1 l'époque ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, il n'y a plus aucune famille

3 serbe présente dans le village. A l'époque, il y en avait uniquement deux

4 ou trois.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. J'espère que nous avons tiré cela au clair. Général, au quatrième

7 paragraphe, qu'est-il dit dans ce rapport de votre chef d'état-major ?

8 R. "Les événements survenus récemment et concernant les familles serbes,

9 suscitent une grande insécurité, une grande inquiétude parmi les Serbes et

10 les Monténégrins qui demeurent encore dans le village. Nombreux d'entre eux

11 envisagent de quitter le Kosovo-Metohija."

12 Q. Au paragraphe 3 ?

13 R. "Nous estimons que la situation va continuer à se compliquer, et que

14 les opérations terroristes et rassemblements de masse des Albanais

15 ethniques dans cette zone de responsabilité vont continuer à se multiplier

16 pour faire croire à l'opinion publique internationale que les Siptars du

17 Kosovo-Metohija sont menacés."

18 Q. Fort bien, Général. A l'époque, en mars 1998, le

19 2 mars 1998 pour être précis, date de la rédaction de ce rapport, il est

20 question d'événements qui se sont déroulés dans les jours précédents. Y a-

21 t-il eu des actions menées par la police ou l'armée à l'époque, qui

22 auraient pu être considérées comme dangereux ou négatif par la population

23 albanaise de la région ?

24 R. Je sais très bien que toutes mes unités se trouvaient dans leurs

25 casernes, et vaquaient à leurs occupations quotidiennes. Elles

Page 41329

1 participaient à des manœuvres dans la caserne, à des exercices de tir, et

2 assuraient la sécurité des installations militaires, c'est-à-dire, des

3 entrepôts entre autres; rien d'autre, et des arsenaux.

4 Quant à la police, elle menait ses activités quotidiennes. Elle assurait la

5 sécurité des voyageurs sur les routes. La police qui avait des tâches plus

6 générales, assuraient la sécurité et vaquaient à ses occupations dans les

7 villes et les villages. Il n'y avait aucune autre opération particulière à

8 l'époque.

9 Q. Nous constatons que les terroristes ont de très nombreuses activités à

10 l'époque, et que pratiquement, il n'y a aucune représailles, aucune action

11 en réaction de la part de la police et de l'armée.

12 R. Dans ce rapport adressé au commandant du corps, on trouve des

13 avertissements émanant de moi quant à la nécessité d'entreprendre quelque

14 chose, compte tenu que la situation est en train de se compliquer très

15 rapidement.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'exige le versement au

17 dossier de cette intercalaire 6.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Document admis.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Général, encore un rapport, toujours signé par vous, émanant de vous,

21 à l'intercalaire 7. Vous avez trouvé

22 l'intercalaire 7 ?

23 R. Oui, Monsieur Milosevic.

24 Q. Quelle est la date de ce rapport que vous avez signé ?

25 R. 5 mars 1998.

Page 41330

1 Q. Il concerne, comme cela est dit au début du texte, les rapports

2 précédents sont mentionnés, le développement -- l'évolution de la situation

3 dans la zone de responsabilité de la 549e Brigade motorisée au cours des

4 derniers jours est évoquée également. Quels sont les éléments

5 caractéristiques dans ce rapport ?

6 R. Les éléments caractéristiques sont les suivants : le groupe terroriste

7 du secteur de Jablanica qui était dirigé par un ancien criminel Lahi

8 Brahimi, terroriste bien connu par la suite, oncle de Haradinaj. Il est dit

9 que ce groupe s'étend dans le secteur de Jablanica; ce qui sera prouvé par

10 les documents suivants. Les attentats commis dans les villages ou voisinage

11 de Djakovica, dans les villages de Bec, de Ratis, de Crmljane, et d'autres

12 villages, Janos, Ljug Bunar et Vranic sont évoqués. Il est question de la

13 panique qui se crée, et du fait que pas mal d'habitants quittent leur

14 travail ou leurs domiciles.

15 Il est dit que ceci est le but des terroristes, et que dans une -- et nous

16 constaterons plus tard, qu'une grande partie de cet objectif a été

17 réalisée.

18 Q. Dans ce rapport, est-ce que vous parlez des différentes voies

19 permettant d'acquérir des armes ? Pouvez-vous nous donner plusieurs détails

20 à ce sujet ?

21 R. Dans ce rapport, je détermine trois grandes directions au Kosovo-

22 Metohija par lesquelles les armes entrent dans la région. La première,

23 depuis Bajram Curi jusqu'à Junik; le secteur que je suis en train de vous

24 montrer ici. Ensuite, plus loin vers la région de Jablanica. Deuxième voie,

25 Cafa Likan, ou Cafa Dobruna que vous voyez ici à partir de Djakovica. C'est

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1 dans cette direction. Cela mène vers Rogovo, et plus loin vers Orahovac. La

2 troisième voie parle de Karaula Stejanovic qui se trouve ici sur le mont

3 Koritnik, à partir de là dans la direction de la vallée du Plav vers Opolj.

4 Q. Vous indiquez que ces trois directions sont celles par lesquelles

5 entrent les armes. Est-ce que vous aviez d'autres détails ? Car je vois en

6 première page de votre rapport, au premier paragraphe, que vous dites de

7 quelle façon les armes arrivent. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?

8 R. Dans ce rapport, puisque nous avons été confrontés à des situations de

9 ce genre à de nombreuse reprises, j'indique -- puisque la pratique en

10 vigueur jusqu'à ce moment-là, c'est que des groupes comportant un nombre

11 restreint de personnes transportaient des armes en petite quantité ou ils

12 prétendaient mener le bétail d'un endroit à un autre, et en même temps

13 transportait chacun une dizaine d'armes.

14 Compte tenu de ces préparatifs et compte tenu du fait qu'un véritable pont

15 avait été créé entre Smonica et Junik et le territoire de l'Albanie,

16 j'indique qu'il est possible qu'une action bien préparée soit en cours

17 d'élaboration, destinée à faire rentrer des milliers d'armes, de fusils ou

18 d'autres armements au cours d'une seule nuit.

19 J'indique également la possibilité - et d'ailleurs, ceci s'est avéré exact

20 par la suite - que certaines personnes sans armes, venues du territoire du

21 Kosovo-Metohija, franchissent la frontière, escortées par des terroristes.

22 Si ces personnes étaient appréhendées par la police ou par les responsables

23 de la frontière, elles n'auraient été accusées que de délit mineur. Donc,

24 les sanctions auraient été minimales.

25 Il s'agissait de personnes qui allaient en Albanie sans armes, qu'ils

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1 s'entraînaient pendant deux à sept jours en Albanie, qui obtenaient des

2 armes, et qui retournaient sur le territoire du Kosovo-Metohija avec ces

3 armes, même au prix de combat contre nos forces. Un cas de ce genre s'était

4 produit au cours duquel 800 hommes armés membres de l'UCK avaient franchi

5 la frontière après un entraînement de quelques jours en Albanie. Ils

6 l'avaient franchie en arme.

7 Q. Merci, Général.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, même question, Monsieur

9 Robinson, je demande que ce document soit versé au dossier.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le document est admis. Nous

11 suspendons 20 minutes pour la pause.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

13 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Avant tout, je

16 voudrais vous dire que j'ai tiré au clair une question pendant la pause

17 s'agissant du sommaire qu'il fallait corriger comme vous l'avez dit.

18 Vous avez sous les yeux à l'intercalaire 2 une feuille de

19 remplacement. On y parle à cet endroit que la réunion avec le lobby

20 albanais s'est fait en 1998. On dit : "Holbrooke, Junik, 1998," -puis, il y

21 a une virgule, puis - "réunion entre Holbrooke, Clark et le lobby

22 albanais." Mais il n'est pas dit que cette réunion-là, la seconde, se soit

23 tenue en 1998. Ce n'est pas dit non plus dans le texte serbe. Quelqu'un a

24 dû l'ajouter. Cela doit être une coquille. Je ne dis pas que c'était

25 quelque chose d'intentionné.

Page 41333

1 Une deuxième chose par rapport à ce qu'a dit M. Nice. Il a dit que

2 ses collaborateurs avaient reçu les informations de M. Tomanovic. Il faut

3 dire qu'il avait besoin de mon approbation. Je suppose que

4 M. Nice n'a pas compris ce que sa collaboratrice a dit.

5 La question était posée par celle-ci à M. Tomanovic hier. Il a dit que tout

6 avec déjà été fourni au Greffe. La question était de savoir s'il était

7 possible de recevoir les documents concernant M. Bulatovic. Il a dit :

8 "Bien entendu." M. Tomanovic a demandé s'il voulait ces documents sous

9 forme électronique ou sur papier. La réponse a été que peu importait, et

10 que cela pouvait se faire sous forme électronique également.

11 C'est ce que M. Tomanovic m'a dit pendant la pause. Je voudrais

12 corriger la chose.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez tiré bon parti de

14 votre pause. Poursuivons.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Général, dans votre rapport qui se trouve à

17 l'intercalaire 8 --

18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que l'intervenant utilise le micro

19 et parle directement dans le micro.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de

21 parler directement dans le micro car ils ne vous entendent pas.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Général, dans votre rapport qui se trouve à

24 l'intercalaire 8, vous avez écrit au commandement du Corps de Pristina.

25 Nous voyons votre signature. Est-ce que vous avez trouvé ce rapport ?

Page 41334

1 J'espère que oui.

2 R. Oui, je l'ai trouvé.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a une traduction ?

4 Nous, nous n'avons pas de traduction de ce rapport. C'est un rapport assez

5 court. Je pense qu'on peut demander qu'il soit placé sur le

6 rétroprojecteur.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Le plus brièvement possible, Général, je vous demanderais de nous dire

9 à quoi se rapporte ce rapport.

10 R. Monsieur Milosevic, il s'agit ici d'un rapport que j'ai rédigé moi-même

11 et il a été signé par mes soins. Cela concerne la période allant du 3 au 9

12 mars.

13 On dit ici, parmi les remarques particulières, je tiens à souligner qu'en

14 date du 2, 3 et 4 mars, ainsi que jusqu'au 8 mars, il y a eu dans ma zone

15 plusieurs protestations de la part des Albanais. Il est question du nombre

16 d'intervenants par localité.

17 Q. Bien, Général. Ne nous attardons pas trop là-dessus. J'attire votre

18 attention sur la page 2, une phrase qui commence à la première ligne de la

19 deuxième page, où on dit : "Nous nous préparons pour la guerre, pour

20 nettoyer Suva Reka, et nous sommes prêts pour Prizren aussi."

21 R. En effet. Il s'agit ici de ce que l'on a obtenu par le biais des

22 écoutes de canal 336 à 21 heures 50.

23 Q. Bien. Général, nous n'allons plus nous attarder sur ce rapport.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même, Monsieur Robinson, je

25 demande à ce que cette pièce soit versée au dossier.

Page 41335

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons donner une cote

2 provisoire à ce que document en attente de sa traduction.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Le 15 mars, vous avez informé le commandement du Corps de Pristina, le

5 commandant, parce que c'est dit au commandant du Corps de Pristina en

6 personne, document qui se trouve à l'intercalaire 9.

7 Vous dites que dans la nuit du 12 au 13 --

8 R. Oui.

9 Q. -- un groupe de 20 à 25 terroristes a été introduit de l'Albanie.

10 R. Plus loin, on dit que le 13, il dit qu'effectivement on a constaté la

11 présence de ce groupe à un endroit précis, le 13. C'est la zone aux

12 alentours de Djakovica. Il s'agit ici d'un groupe de 20 à 25 personnes dont

13 on a constaté le déplacement en direction du village de Petrovac. Ces

14 hommes portaient un mélange de vêtements, il y avait des vêtements civils

15 et aussi des parties d'uniforme.

16 Ce qui est caractéristique ici, c'est qu'au cours de la nuit un groupe de

17 sept terroristes s'est précipité dans la cour de Tom Maljici dans le

18 village de Doblibare près de la rivière Dream ou plutôt dans le village de

19 Crmljan, pas dans celui de Bec. Ce groupe de personnes était composé de

20 personnes ayant des sacs à dos et une grosse caisse. Ici, cet Albanais est

21 de confession catholique, il a fait une déclaration ce monsieur qui

22 s'appelle Tom Maljici. Il a pensé qu'ils étaient Albanais vu la façon dont

23 ils parlaient. Il a emmené ce groupe à Bec.

24 Q. Il les a conduit en tracteur.

25 R. Oui. A ce moment-là, il est tombé à court de carburant, et ils l'ont

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1 giflé, et ils l'ont laissé rentrer chez lui.

2 Ce même groupe pendant la nuit, vers une heure du matin, un autre groupe de

3 ces terroristes, pendant la nuit du 14 et au 15, est arrivé à une heure du

4 matin au village de Petrovac, ou plutôt à Ljug Bunar, ils ont trouvé à se

5 loger au bâtiment administratif de la coopérative agricole, de ce qui était

6 avant une coopérative agricole, et ils se sont reposés un bref moment à cet

7 endroit.

8 Après s'être reposés, ils ont poursuivi leur route en direction du village

9 de Bec, et là, dans le village de Bec trois ou quatre groupes se sont

10 rassemblés et on a constaté la présence d'une colonne de personnes portant

11 de gros sacs à dos qui allaient vers le village de Crmljan.

12 Q. Cela s'est passé dans votre zone de responsabilité et vous en avez

13 informé le commandant du Corps de Pristina, mais vous n'êtes pas intervenu.

14 R. Nous n'avions pas d'ordres dans ce sens. Ce n'étaient pas les ordres

15 que nous avions reçus, l'armée était toujours en place, et, après tout,

16 c'est là une question dont devait se charger le MUP. Je me contentais

17 d'informer le commandant afin qu'il obtienne au quotidien des informations

18 de ce genre.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande la même chose; je

20 demande que ce document se trouvant à l'intercalaire 9 soit versé au

21 dossier.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, le document est reçu au

23 dossier.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Ce rapport que vous avez envoyé, que contenait-il en ce qui concerne le

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1 16 mars ?

2 R. Oui. Le 16 mars, une fois de plus --

3 Q. Général, soyons le plus économe possible en matière de temps, regardez

4 l'alinéa A, où il est dit qu'on a ouvert le feu sur des maisons de Serbes

5 et de Monténégrins à Bec et à Crmljan.

6 R. Il est dit qu'au cours de la nuit du 12 au 13, il y a eu, à plusieurs

7 reprises, des tirs sur des maisons de Serbes et de Monténégrins à Bec et à

8 Crmljan, alors qu'à Petrovac d'autres maisons ont été prises pour cible. Ce

9 sont les seuls villages où vivaient encore des Serbes, il n'y a pas eu de

10 blessures ou de pertes parmi les habitants de ces villages.

11 Q. Vers la fin de la première page, on fait référence au 15 mars, on parle

12 de manifestations.

13 R. Oui, ce jour-là de 11 heures à midi, il y a eu des manifestations

14 pacifiques organisées par des Siptar à Prizren et à Orahovac.

15 Q. Il y avait certains mots d'ordre écrits dans une langue étrangère, et

16 si on les traduit de façon approximative, cela veut dire : "Mettez fin à la

17 terreur serbe."

18 R. Oui, "Mettez fin à la terreur serbe."

19 Q. De quel genre de terreur pouvait-il être question ? Puisque vous, vous

20 habitiez là, qu'est-ce qui pouvait y avoir comme terreur ? Y avait-il quoi

21 que ce soit qui se passait qu'on aurait pu qualifier de mauvais traitements

22 ou de terreur à l'encontre des Albanais ? Nous sommes là le 16 mars 1998.

23 R. Manifestement, ces mots d'ordre s'adressaient à quelqu'un d'autre parce

24 qu'ils étaient écrits en anglais. "Arrêtez la terreur serbe", c'est comme

25 cela qu'on pourrait traduire.

Page 41338

1 Il est caractéristique de voir que personne ne s'est adressé aux

2 manifestants et qu'on s'est contenté de les filmer. Les manifestants

3 étaient des Siptar de confession musulmane, alors que les catholiques parmi

4 les Siptar étaient beaucoup moins présents; il n'y avait peut-être que cinq

5 ou 10 % des manifestants qui étaient catholiques.

6 Q. Ici, à la dernière ligne avant de passer à l'alinéa B, qui montre vos

7 observations pour la zone frontalière, on dit ceci : "Montre que les Siptar

8 vont démontrer au monde entier en passant par les médias qu'ils sont

9 menacés par les Serbes au Kosovo-Metohija."

10 Dites-moi ceci, de façon générale, n'est-ce pas la conclusion que vous-même

11 vous avez tirée ? Est-ce que ces gens étaient menacés par les Serbes au

12 Kosovo-Metohija ?

13 R. Vu ce que j'ai déjà dit, il est manifeste de savoir qui était menacé au

14 Kosovo-Metohija. Tout ceci s'inscrit dans leur propagande, propagande qui

15 essayait de trouver un terrain fertile pour s'implanter ailleurs au-delà

16 des confins de ce pays dès lors.

17 Q. C'est ce que vous avez écrit vers le milieu du mois de mars 1998 dans

18 votre rapport.

19 R. Oui.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, peut-on aussi verser ce

21 document au dossier ? Il s'agit de ce rapport écrit par le général Delic.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Intercalaire 11, vous y trouvez une de vos notes, très courte, c'est

25 dit : "Très urgent." C'est envoyé au commandant du Corps de Pristina ou en

Page 41339

1 personne au chef d'état-major.

2 R. Oui, c'est un télégramme envoyé en urgence vu la nature des

3 renseignements qu'il contenait, il fallait que le commandant soit avisé

4 sur-le-champ.

5 Un informateur a été contacté le 14 mars 1998 et on a appris qu'un

6 groupe de 50 à 60 Albanais du Kosovo, surtout des jeunes hommes, avaient

7 franchi la frontière vers l'Albanie en passant par Has. Cela se trouve,

8 Has, entre Prizren et Djakovica. Là, il y a un passage frontière. Ils ont

9 franchi la frontière pour aller en Albanie et se trouvaient basés dans la

10 zone de la ville de Kruna dans la partie albanaise de Has.

11 J'informe par ce document le commandement du corps parce qu'on

12 s'attendait au retour de ce groupe quelques jours plus tard ou dans les

13 quelques jours qui allaient suivre notre retour dans notre territoire, mais

14 c'est gens auraient des armes avec eux.

15 Q. Est-ce que c'est ce mode de comportement dont vous avez déjà parlé, que

16 vous avez expliqué, des gens partaient sans armes, ils étaient formés sur

17 place, ils revenaient sur le territoire du Kosovo-Metohija équipés

18 d'armes ?

19 R. Oui. Nous le savions bien plus tôt et cela se poursuivait pratiquement

20 tous les jours.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si un groupe de ce genre revenait

22 équipé d'armes et si vous étiez en mesure de repérer leur emplacement, quel

23 traitement leur réserviez-vous à ces hommes ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Les services frontaliers avaient des règles

25 bien connues. Lorsqu'il y a franchissement de la frontière, cela doit se

Page 41340

1 faire à des passages frontières établis, désignés et quiconque franchit la

2 frontière ailleurs se rend responsable d'un acte répréhensible via la loi.

3 Le règlement des services frontaliers prévoit que ces gens soient

4 interpellés; s'ils sont armés, ils doivent être désarmés; si de telles

5 personnes refusent de répondre aux ordres donnés par les autorités

6 frontalières et si ces personnes ouvrent le feu, le service frontalier a le

7 droit de répondre à l'avenant, c'est-à-dire d'ouvrir le feu. C'est défini,

8 comme c'est le cas dans toute armée, par le règlement régissant les

9 activités de services frontaliers.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il ne vous est jamais

11 arrivé de voir vos forces forcées d'ouvrir le feu ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons dû le faire plusieurs fois,

13 effectivement. Nous avons dû le faire parce que les autorités frontalières,

14 vous le voyez ici sur cette carte, vous avez des points rouges, ce sont des

15 passages frontaliers, en général, il y a 30 hommes à chaque endroit.

16 Lorsque la situation se complique, nous renforçons les effectifs, il y

17 avait pratiquement 60 hommes pour chacun de ces passages. Mais vous devez

18 comprendre que cette région frontalière est une région montagneuse. Vous

19 avez le mont Koritnik qui fait 2 333 mètres. Il y a le col Pastrik qui se

20 trouve à quelque chose comme près de 2 000 mètres. C'est difficile

21 d'assurer la sécurité. Si vous savez que les effectifs chargés de la

22 protection frontalière venaient de partout en Yougoslavie, ils ne

23 connaissaient pas nécessairement le terrain. Si par ailleurs vous avez des

24 Albanais du Kosovo-Metohija ou des Albanais d'Albanie même qui viennent au

25 Kosovo-Metohija, ils connaissent très bien cette région frontalière. Ce qui

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1 se passe, c'est que le nombre de personnes qui franchit la frontière est

2 bien plus important que le nombre de patrouilles qui assurent la sécurité

3 de la frontière parce que ces patrouilles font trois ou quatre hommes. Si

4 c'est un poste d'observation, il n'y a que trois hommes qui le tienne, ou

5 si vous avez un poste occupant, cela fait six ou sept. Or à ce moment-là,

6 vous aviez beaucoup de personnes, quelquefois des centaines de personnes

7 qui franchissaient ces postes à ces endroits tenus par simplement cinq ou

8 six hommes.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je voulais savoir, c'était la

10 façon habituelle que vous aviez ou qu'avaient vos forces de réagir ou de

11 s'occuper de l'UCK.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] La façon habituelle de procéder était la

13 suivante : on procédait comme pour ce qui était prévu par le règlement de

14 service s'agissant des zones frontalières. Les personnes franchissant la

15 frontière de façon illégale sont interpellées. On leur dit stop, il y a un

16 ordre de donner. S'ils s'arrêtent lorsqu'ils entendent l'ordre, s'ils ont

17 des armes, le commandement suivant est celui de déposer les armes. Ensuite,

18 on leur donne l'ordre de lever les mains en l'air et on leur donne l'ordre,

19 on leur intime de s'éloigner de l'armement afin que les hommes chargés de

20 garder la frontière se rapprochent de ces armes et afin que ces armes ne

21 puissent pas être utilisées contre eux.

22 Si l'intéressé, l'interpellé obéi, on l'emmène, on l'appréhende

23 jusqu'à la petite caserne frontalière, on prend ses renseignements

24 individuels et on le confie au ministère de l'Intérieur. Par la suite, le

25 ministère de l'Intérieur, lui, s'adresse à une commission locale, une

Page 41342

1 commission mixte pour signaler l'incident frontalier. D'habitude --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mis à part ces incidents qui

3 surviennent à la frontière, quelle était la façon la plus habituelle ou la

4 plus courante qu'avait la VJ ou le MUP de réagir face à l'UCK ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des effectifs du MUP, leurs

6 compétences sont tout à fait autres, sont tout à fait différentes de celles

7 de l'armée. Ils ont pour mission de prévenir ces personnes interpellées, de

8 les désarmer. Le plus souvent, cela se faisait par recours à la force

9 physique. Par contre, si ces personnes se trouvent être armées et si elles

10 utilisent les armes qu'elles ont, après un avertissement au cas où ils ne

11 se conformeraient pas à l'ordre qu'il leur est donné, il est prévu de

12 pouvoir utiliser ou recourir aux armes à feu pour se défendre.

13 Il en va de même pour ce qui est de l'armée. Je précise que l'armée, elle,

14 en temps de paix, n'a pas de compétence s'agissant de civils. Mais au cas

15 où une unité se trouverait être attaquée, et cela arrivait très souvent

16 dans des embuscades, il n'y a pas le temps de lancer des avertissements. Si

17 l'unité est attaquée par des tirs, ils doivent riposter à ces tirs et

18 neutraliser l'adversaire, si possible l'emprisonner, le désarmer et,

19 suivant une procédure bien déterminée par la procédure au sein des unités

20 de polices militaires, les confier ensuite au MUP.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez,

22 Monsieur Milosevic.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Général, vous avez noté à la fin de ce document à l'intercalaire 11,

25 puisque vous vous l'êtes procuré, de façon évidente, ces informations de la

Page 41343

1 bouche de ressortissants de groupes ethniques albanais et vous dites que :

2 "Indépendamment de la source de ces renseignements qui ne pourrait pas être

3 considérée comme étant fiable (puisque c'est un ressortissant albanais)

4 nous vous envoyons ces renseignements et les renseignements obtenus de

5 sources autres."

6 Est-il habituel de signaler que la source n'est peut-être pas fiable, mais

7 l'information est quand même véhiculée avec les informations émanant de

8 sources autres ?

9 R. On sait comment il doit être procédé avec le renseignement d'une

10 manière générale. Le renseignement est classé par sa fiabilité et les

11 sources sont classées par leur fiabilité. Les renseignements venant

12 d'ailleurs sont considérés comme étant peu fiables. Cela ne veut pas dire

13 qu'un renseignement obtenu par une source peu fiable se trouverait

14 forcément être erroné. Il y a chaque fois analyse et comparaison avec

15 d'autres renseignements par recoupement pour essayer de déterminer son

16 exactitude.

17 Q. Vous procédez à la détermination, à la revérification de son exactitude

18 ?

19 R. Oui, on procède à une analyse.

20 Q. Fort bien.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même.

22 Intercalaire 11, rapport du général Delic à verser au dossier, je vous

23 prie.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce sera fait.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 41344

1 Q. Que comporte ce bref rapport émanant de vous à l'intercalaire 12 ? Je

2 vois que cela est donné comme étant "strictement confidentiel".

3 R. Ici, il s'agit d'un télégramme qui a été envoyé de façon très urgente

4 au commandement du corps au chef de l'état-major. Il s'agit ici des

5 environs de Djakovica, le village de Brodosan, non loin de la rivière de

6 Beli Drim [phon], et dans les forêts non loin du ruisseau de Siza. On a

7 remarqué 15 terroristes armés, et on a estimé que ces gens-là se

8 déplaceraient comme les groupes précédents, suivant l'axe Ljug Bunar,

9 village de Bec, village de Netic, et au-delà vers Jablanica, où ces

10 groupes-là finissaient par se rejoindre.

11 Q. Vous dites ici, que très probablement dans le courant de la nuit, il y

12 aura un déplacement de ces effectifs suivant l'axe indiqué.

13 R. Oui.

14 Q. Merci, Général.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même, Monsieur Robinson, pour

16 ce qui est du versement au dossier de cette intercalaire 12, qui constitue

17 un rapport du général Delic.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai demandé à ce que cet

20 intercalaire 12 soit également versé au dossier, car il constitue également

21 un rapport du général Delic.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] : Oui, ce document est versé au

23 dossier.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Intercalaire 13, maintenant. Il y a un autre rapport émanant de vous.

Page 41345

1 C'est votre signature qu'on voit ici, Général ?

2 R. Oui, oui.

3 Q. De quoi s'agit-il ici ? Soyez bref, je vous prie.

4 R. Je serai très bref. J'informe ici, par télégramme, le commandement du

5 Corps de Pristina, à savoir, son commandant, suite à des informations

6 obtenues de source de l'autre côté de la frontière albanaise, donc, du côté

7 de la localité de Has en Albanie. Il y a eu regroupement d'armes et de

8 personnes pour infiltration sur notre territoire à compter du 17 mars. Je

9 prévois également que sur l'axe de Gora-Zupa en direction de Pastrik, il y

10 aura tentative d'infiltration, parce que c'est l'axe le plus avantageux. Je

11 demande au commandant du corps de prendre des mesures afin que cet axe-là

12 soit fermé d'urgence, parce que les effectifs du bataillon frontalier, le

13 55e qui avait pour zone de responsabilité ce secteur-là, ne disposaient pas

14 d'effectifs suffisants pour le faire. Je fournis des propositions

15 afférentes.

16 Q. Vous demandez à ce que ces renseignements soient comparés avec le

17 renseignement dont il disposait, et d'autoriser les unités du 53e et 55e

18 Bataillon frontalier pour procéder à la fermeture de la frontière à compter

19 du 18 mars.

20 R. C'est exact. Je fournis également d'autres propositions et d'autres

21 demandes pour ce qui est du matériel nécessaire.

22 Q. Il s'agit de renseignements tout à fait fiables, Général ?

23 R. Oui, tout à fait.

24 Q. Merci.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même, à

Page 41346

1 savoir, de procéder au versement au dossier de cet intercalaire numéro 13.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est versé.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Général, il y a un rapport quelque peu plus long à l'intercalaire 14.

5 Nous n'allons pas l'examiner pour gagner du temps. Je voudrais que vous

6 prêtiez attention aux paragraphes 5 et 6 de la page 1. A quoi cela se

7 rapporte-t-il ?

8 R. Il s'agit d'une remarque caractéristique, à savoir que dans les

9 villages de Ljumbarde, Dasinovac, Donji et Gornji Ratis - et il s'agit-là

10 du territoire de la municipalité de Decani, mais cela se trouve non loin du

11 lac Radonjic. Très souvent, la nuit, on met le feu au foin et aux étables;

12 ce qui fait que les Albanais n'osent pas sortir de la maison même si leurs

13 étables étaient en train de brûler. Ils pouvaient voir les silhouettes des

14 personnes qui couraient autour. Je constate ensuite que ces actions sont

15 probablement réalisées par des membres de l'UCK. Les Albanais de la

16 localité dans ces -- enfin, de ces villages faisait courir le bruit que

17 c'étaient des Chetniks et les membres de l'armée d'Arkan qui mettaient le

18 feu aux étables. Cela visait notamment à mettre en place ou à créer la

19 panique et une sorte de revanchisme pour les encourager à entreprendre des

20 actions terroristes et pour alimenter la haine interethnique. Il est

21 demandé aux paysans du groupe ethnique serbe et monténégrin de monter la

22 garde la nuit dans le secteur de Djakovica pour se protéger des

23 terroristes.

24 Q. Quelle était la fréquence de ce type d'activités, à savoir, d'étables

25 incendiées et de foin incendié ?

Page 41347

1 R. Cela se trouvera confirmé par la suite. D'une part, ceci est fait pour

2 assurer une homogénéisation des Albanais parce qu'ils étaient assez

3 nombreux à ne pas accepter l'utilisation de ces méthodes terroristes. Il

4 s'agissait de procéder à une homogénéisation de la population dans ces

5 villages. D'autre part, comme on mentionne ici, les Chetniks, l'armée à

6 Arkan, chose qui pour le moins est ridicule, mais chez les Albanais, cela

7 provoquait une espèce d'appréhension, et cela encourageait cet esprit

8 revanchard.

9 Q. Merci.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, tous ces

11 documents, d'après vous, que prouvent-ils ? Que tendent-ils à établir ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces documents démontrent que c'est de façon

13 très organisée qu'il a été procédé à cette escalade des activités

14 terroristes qui visait d'une part à mobiliser par la force. Vous l'avez vu,

15 ils fusillaient, ils égorgeaient leurs propres compatriotes, enfin, ces

16 gens de l'UCK. Ils voulaient, d'autre part, produire un effet auprès de

17 l'opinion publique internationale, effet contraire à ce que disent les

18 rapports et les faits. Or, ces rapports et faits, dont il est question ici,

19 contredisent ce que nous dit

20 M. Nice concernant le comportement de l'armée et de la police à l'époque, à

21 savoir, lorsqu'il s'agit du comportement de la partie serbe à l'époque. Il

22 s'agit, par conséquent, de renseignements très importants qui indiquent

23 quelle a été la situation véritable parce que le commandant de la brigade

24 informe son commandement supérieur de faits réels, et ne lui communique pas

25 des hypothèses.

Page 41348

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je pense que vous aussi

2 vous avez dit que ces incidents de contexte contribuent à montrer

3 l'intention de l'accusé au moment des incidents, comme l'a dit l'acte

4 d'accusation.

5 M. KAY : [interprétation] Les accusations portées contre l'accusé

6 commencent en grand partie à partir d'octobre 1998, mais reflètent ce qui

7 s'est passé avant cette date. Pour ce qui est des éléments de contexte

8 produits par le truchement du présent témoin, c'est clair, cela montre que

9 les forces de la République fédérale de Yougoslavie se trouvaient face à

10 une force résolue et hostile qui se trouvait sur le territoire de la RFY.

11 Des témoins à charge ont été cités, qui montrent qu'au moment du

12 retrait des forces de la RFY, après l'accord Holbrooke-Milosevic, l'UCK

13 s'est déplacée pour prendre ses positions-là, et a entrepris de commettre

14 des violations de ce cessez-le-feu. Maisonneuve l'a dit, le général Naumann

15 l'a dit. Tous ces témoins de la KVM l'ont dit, on dit que c'est bien cela

16 qui s'est passé.

17 Si l'accusé peut apporter la preuve du niveau d'hostilité auquel les forces

18 faisaient face avant l'accord, et comment cette hostilité s'est intensifiée

19 après le retrait des forces de la RFY après la signature de l'accord

20 Holbrooke-Milosevic, s'il peut prouver le niveau d'intensité et la force

21 qu'avait l'UCK ainsi que les actions qu'elle menait, tout ceci est bien sûr

22 pertinent pour comprendre ce qui s'est passé après janvier 1999 lorsqu'on a

23 la thèse portée contre l'accusé et les chefs d'accusation qui l'explique

24 pour ce qui est des questions qui se posent dans ce procès.

25 Il y a là toute une logique. Il y a un raisonnement qui pousse à

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1 présenter des éléments de preuve dans ce sens, des éléments de preuve qui

2 parleront aussi de ce qui s'est passé après janvier 1999.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

4 Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même. Pour ce qui est de ce

6 document à l'intercalaire 14, je voudrais qu'il soit versé au dossier.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Général, vous avez un rapport émanant ou provenant également du mois de

11 mars, adressé une fois de plus au commandement du Corps de Pristina.

12 J'aimerais que vous nous en parliez brièvement. Je n'aimerais pas que l'on

13 parcoure; je voudrais gagner du temps. Je parle maintenant de

14 l'intercalaire 15.

15 R. Il s'agit d'un télégramme adressé au commandant du Corps de Pristina, à

16 savoir, son chef d'état-major. Il est fait état de deux événements datés du

17 25 et du 26 mars 1998. Ces événements se sont produits ici sur la route

18 entre Orahovac, Malisevo et Pristina à l'occasion de quoi on a arrêté des

19 autocars ou des personnes en uniforme de l'UCK qui ont procédé à des

20 contrôles des passagers.

21 En sus de ces deux passages, je fais part de mes évaluations et de

22 mes informations pour indiquer que la situation se compliquait davantage

23 encore, parce qu'en sus du territoire bien connu, la situation sur d'autres

24 parties du territoire au-delà de Suva Reka, Orahovac, Malisevo et Stimlje,

25 cela se compliquait davantage.

Page 41350

1 Q. Vous avertissez qui de droit de l'escalade de la situation.

2 R. Oui, je dis que le mont Plemilanovac [phon], le mont Gariak [phon] et

3 le mont Sanvejva [phon] habités par une population albanaise fournit des

4 possibilités de création de base et d'installation de bandes terroristes.

5 Je signale également que les routes allant du Kosovo vers la Metohija sont

6 devenues peu sûres pour la circulation routière.

7 Q. Oui. Peu sûres.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même;

9 versement au dossier de cette intercalaire 15, je vous prie.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est versé au dossier.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Dans votre document signé par vos soins, là aussi, il est question

13 maintenant des activités terroristes. Il est question aussi d'une personne

14 qui est morte. De quoi s'agit-il ici ? Est-ce que d'un jour à l'autre il

15 est donné de constater que la situation n'arrête pas de se détériorer ?

16 R. Oui. Le document suivant nous montre l'évolution par jour, et il y a

17 complication de la situation au fur et à mesure.

18 On commence par le 24 mars, et on parle du secteur du village Dubrava. Le

19 village Dubrava se trouve par ici, et il y a une attaque sur une patrouille

20 du MUP, et le policier Otovic [phon] a été tué. Un autre policier a été

21 grièvement blessé. Par la suite, il y a eu intervention du MUP de Decani en

22 direction de Djakovica et Prizren. Il y a eu blocage de ce secteur, puis

23 combat avec un groupe terroriste qui comptait quelque 40 à 50 terroristes.

24 Il s'agissait du groupe terroriste de Ramush Haradinaj.

25 Ici, j'informe plus ou moins le commandement de l'évolution du cours

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1 de l'opération. Je précise qu'il y a deux terroristes tués, un terroriste

2 emprisonné.

3 Q. Dans toute cette opération, il y en a eu deux de tués et un de

4 capturé, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. Il y a un policier de tué et un policier grièvement blessé. Au

6 village de Dubrava, il n'existait plus qu'une seule maison serbe; la maison

7 de la famille Stojanovic.

8 Le MUP de Mrzici [phon] avait pour mission de protéger cette famille afin

9 que celle-ci ne quitte pas son logis. Cette patrouille allait là-bas et

10 elle est tombée dans une embuscade.

11 Q. La patrouille effectuait sa mission habituelle. Ils circulaient par la

12 route, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans ce document, vous indiquez que : "Ce qui est caractéristique,

15 c'est que les journalistes étrangers se trouvaient dans le secteur de

16 réalisation de l'opération, probablement dans la maison de terroristes, en

17 ne filmant que les tirs ouverts par les membres du MUP et en ne filmant que

18 la population qui quittait les villages environnants en s'enfuyant vers les

19 forêts. Mais ils n'ont pas filmé les activités des terroristes."

20 R. Oui, c'est exactement ce que j'ai noté.

21 Q. Vous avez dit que dans ce blocus, il y a eu intervention et

22 participation de 400 personnes après ce meurtre.

23 R. Oui. Au tout début, il y avait un petit groupe de quatre membres du MUP

24 dont l'un a été tué tout de suite dès qu'on a ouvert le feu dessus. Il y a

25 en un qui a été grièvement blessé. Ils ont demandé de l'aide. L'aide est

Page 41352

1 venue du poste le plus proche, du poste de Decani, puis de Djakovica.

2 Quelques heures plus tard, il est arrivé une unité du secteur de Prizren.

3 Q. Très bien. Vu l'issue de cette opération, peut-on dire qu'un usage

4 disproportionné de la force a été fait contre les terroristes, parce qu'on

5 voit que deux ont été tués, un a été capturé, les autres ont pris la fuite.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez-lui la question différemment.

7 Demandez-lui quels sont les effectifs qui ont été engagés.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Vu la situation, Général, et vu les compétences que vous aviez pour

11 juger de la situation, dites-nous quels sont les effectifs engagés et

12 quelles sont les mesures qui ont été prises.

13 R. Cette fois-là, la police a agi comme elle le faisait autrement ou comme

14 le ferait tout effectif de police. La police devait fournir assistance à la

15 patrouille qui avait été attaquée. La police a dû prendre des mesures pour

16 désarmer les terroristes qui se sont divisés en plusieurs petits groupes et

17 ont réussi à s'enfuir vers certaines percées vers Jablanica. L'intervention

18 de la police a été tout à fait légale et régulière.

19 Q. Vous parlez de la fuite de civils. Qu'est-ce qui a provoqué la fuite de

20 ces civils ?

21 R. Le plus probable, c'est que c'était la peur qui régnait parmi les

22 habitants. En effet, dans ces villages, les terroristes avaient une bonne

23 base. Ils se sentaient chez eux. Ils sentaient qu'ils pouvaient chercher

24 refuge dans ces villages.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous avez vu ce que vous

Page 41353

1 considérez être une manipulation de journalistes aux tranchées, qu'est-ce

2 que vous avez fait ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais commandant d'une brigade de l'armée.

4 Je n'avais pas de compétence, d'autorité sur les journalistes, sur les

5 civils. Tout ce que je pouvais faire, c'est précisément ce que j'ai fait,

6 c'est-à-dire que j'en ai informé mes supérieurs. Toute action que j'aurais

7 prise à l'égard de ces personnes aurait été illégale, tout contact avec les

8 civils, tout contact quel qu'il soit avec des civils, c'est quelque chose

9 qui n'est pas du ressort de l'armée, c'est quelque chose que la police a le

10 droit de gérer. Elle peut vérifier l'identité de particuliers, elle peut

11 faire des avertissements, mais ce n'est pas ce que fait l'armée.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pensais pas à ce genre de

13 conduite, c'est intéressant de voir que c'est cela ce que serait votre

14 réaction.

15 Est-ce que vous comprenez ce qu'a fait le gouvernement pour essayer

16 de remédier à cette image, pour parer à cette image qu'allait donner les

17 journalistes de la situation ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est là une question qu'il faudrait poser au

19 gouvernement --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sans doute qu'il faudrait poser la

21 question, mais vous, vous n'avez pas la moindre idée des mesures qui ont

22 été prises pour essayer de corriger ce que vous, vous qualifiez de

23 manipulation de personnes, de journalistes qu'on dit être des journalistes

24 étrangers ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour essayer de corriger une telle impression,

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1 je sais qu'à plusieurs reprises, il y a eu des reportages, on a filmé ce

2 qui se passait à la frontière ou sur le territoire du Kosovo-Metohija, mais

3 qu'on ne pouvait pas envoyer aux médias internationaux parce que c'était

4 contraire à l'impression générale qu'on essayait de répandre en Europe pour

5 dire ce qui se passait au Kosovo-Metohija. Cela allait à l'encontre des

6 intérêts de certains, et nous le savions pertinemment.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est votre attitude ou plutôt

8 votre avis ? Pensez-vous qu'il est facile en général de manipuler des

9 journalistes ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le répète, je ne suis pas la personne bien

11 placée pour vous faire un commentaire sur les médias ou les journalistes.

12 Vous savez, il y a toutes sortes de journalistes et tous les journalistes

13 travaillent pour de l'argent, ils sont payés pour le travail qu'ils font.

14 Il y a parmi les journalistes certains qui chassent l'exclusivité pour

15 trouver l'élément unique de par le monde, il y en a d'autres qui

16 travaillent sous les ordres de certaines directions politiques.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Dans la deuxième partie de ce rapport, après la description qu'on fait

21 des événements, après les remarques concernant le comportement de

22 journalistes étrangers, au point 3, vous parlez de la situation qui prévaut

23 à ce moment-là dans la zone de responsabilité de la brigade et vous

24 expliquez ensuite l'incidence négative que ceci a sur le moral de la

25 population serbe et monténégrine, ce qui se manifeste de la façon suivante,

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1 dites-vous. Alors quel a été cet effet, cette incidence ?

2 R. Cette situation générale, ce climat général, ces attaques ont eu pour

3 effet que certains habitants serbes, qui avaient déjà veillé à avoir un

4 logement en Serbie, ont déplacé leurs familles, d'abord les enfants en

5 Serbie, et certains ont cherché du travail en Serbie. S'agissant des

6 familles qui n'avaient pas trouvé où se loger en Serbie, ils pensaient à

7 vendre leur maison pour partir. Cela se voit tout particulièrement dans des

8 villages où il y avait peu de maisons serbes et qui ont souvent fait

9 l'objet d'attaques terroristes.

10 On dit que : "Ceci peut entraîner un exode massif et une augmentation

11 des tensions pour ce qui est des Serbes et des Monténégrins qui restent en

12 très faible nombre dans la région."

13 Q. Je vous remercie, Général.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais la même demande en ce qui concerne ce

15 document; je demande le versement de ce document qui se trouve à

16 l'intercalaire 16, versement au dossier.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Maintenant vous avez une dépêche à l'intercalaire 17. Ce document nous

20 montre que le commandement de la 549e Brigade motorisée est concerné. C'est

21 un rapport quotidien, un extrait seulement de ce rapport quotidien

22 concernant la journée du 14 avril 1998.

23 Qu'est-ce que ceci concerne ?

24 R. C'est une dépêche du service de Sécurité, rapport quotidien concernant

25 le 14 avril 1998. Seule la partie qui parle du terrorisme est reprise ici.

Page 41356

1 On y évoque les activités d'extrémistes siptar sur le territoire de

2 Djakovica. On dit ensuite que : "L'armement des Siptar se poursuit. C'est à

3 savoir que tous les hommes en âge de combattre sont dotés de fusils

4 automatiques et semi-automatiques et d'approvisionnement considérable. Il y

5 a une répartition, une distribution des armes qui se fait aux Siptar, aux

6 enseignants siptar par les mosquées." On dit que : "Il y a une opération

7 visant à armer par la force les catholiques siptar qui est en cours. Ils

8 sont unis. Ils sont maintenant devenus un groupe homogène. Le climat qui

9 règne est de se servir de tous les moyens, y compris du conflit armé pour

10 réaliser les objectifs que poursuivent les Siptar."

11 Puis on dit, le 26 avril : "Tous les Siptar travaillant dans des

12 institutions publiques doivent quitter leur emploi afin de créer, de semer

13 le chaos, surtout dans les hôpitaux où ils représentent plus de 90 % du

14 personnel."

15 Plus loin, il est dit : "Au village de Morina, municipalité de

16 Djakovica, Sadik Haziri est le responsable de l'organisation et il est le

17 directeur de la coopérative agricole."

18 Q. Vous dites qu'à ce moment-là, en avril 1998, 90 % du personnel

19 hospitalier était albanais. Vous parlez du directeur de la coopérative

20 agricole, qui lui aussi était albanais et qui était chargé de

21 l'organisation. Ce document parle ensuite de la formation des terroristes,

22 d'une personne venue d'Allemagne. C'est entre parenthèses, on dit qu'il

23 avait été "chassé" ou plutôt "extradé".

24 R. Oui. Ces personnes qui sont mentionnées qui étaient les organisateurs,

25 c'étaient ceux qui formaient les gens dans les villages.

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1 Q. Puis, il est dit que dans le village de Dubrava, l'organisateur

2 principal de cette formation, c'est la personne qui a passé dix mois en

3 Albanie à y suivre une formation lui-même.

4 R. Oui.

5 Q. Fort bien, Général. Puisque c'est ici la première fois que nous

6 arrivons à un moment où il nous faut vérifier l'authenticité de ce

7 document, qu'est-ce qui est dit au bas du document ? Lorsqu'on dit, on

8 parle de l'exactitude de l'extrait du télégramme, est-ce que c'est quelque

9 chose qui atteste de l'authenticité du télégramme ?

10 R. Oui. On dit que ceci a été vérifié et authentifié par Markovic, c'est

11 en fait un colonel qui est responsable de la sécurité de l'armée

12 yougoslave. A ce moment-là, il était en poste dans ce bureau. C'est lui qui

13 a produit tous ces extraits. Je parle de celui-ci et de ceux qui vont

14 suivre. Il est ainsi certifié que tous ces documents sont des documents

15 authentiques et que le bureau chargé de la sécurité en atteste de cette

16 authenticité.

17 Q. C'est quelque chose qui est venu du terrain ?

18 R. Non. C'est venu du corps d'armée.

19 Q. Mais cela concerne la zone de responsabilité de votre brigade, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Merci.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je fais la même demande; je demande le

24 versement de ce document qui se trouve à l'intercalaire 17.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

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1 M. NICE : [interprétation] On n'a pas expliqué pourquoi nous devons nous

2 satisfaire de copies et non pas d'originaux. La Chambre se rappellera,

3 excusez-moi, mais j'essaie de retrouver la référence, dans sa requête

4 écrite déposée hier, l'accusé a donné l'explication suivante : il disait

5 que les documents venaient du témoin lui-même et venaient de membres de la

6 VJ qui donnaient suite à sa demande.

7 L'INTERPRÈTE : Le micro de M. Nice est débranché.

8 M. NICE : [interprétation] En l'absence de motifs valables, il est

9 difficile de savoir pourquoi nous devrions accepter ces copies.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est là votre objection ?

11 M. NICE : [interprétation] On ne nous a pas expliqué pourquoi nous devrions

12 avoir des documents de seconde main, alors qu'on pourrait avoir des

13 documents de première main.

14 Plus tard, je serais mieux à même, soit dit en passant, de vous expliquer

15 dans quelle mesure les documents produits ont pu faire l'objet d'une

16 requête ou d'une requête en application du 54 bis, mais il me faudrait un

17 certain temps pour cela. Manifestement, ici il y a un choix minutieux qui a

18 été opéré au niveau de ces documents, et maintenant, on nous demande de

19 nous contenter de copies sans nous donner de raison. Je ne fais pas

20 d'objection, disons que je veux vous avertir de ma position --

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites que nous devons avoir des

22 originaux ici ?

23 M. NICE : [interprétation] Ce n'est pas toujours nécessaire, mais

24 normalement, on doit nous donner une explication si on se sert de copies,

25 même de copies certifiées authentiques, surtout si les originaux sont

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1 disponibles. Or, ici nous n'avons pas reçu d'explication de ce genre. Là,

2 je ne vous donne pas encore ma position, mais je vous indique déjà que j'ai

3 des réserves.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous déclarons recevables des

5 copies ici. Ce document est reçu au dossier.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Général --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je ne comprends toujours

10 pas, si tout ceci est vrai, s'il est vrai que l'UCK était active un an

11 auparavant déjà, et que son activité nécessitait des actions du MUP et de

12 la VJ, quelle incidence ceci a-t-il sur l'acte d'accusation ? Sans doute la

13 meilleure réponse est l'état d'esprit, l'intention qu'avait l'accusé.

14 M. KAY : [interprétation] Oui, l'ampleur, la taille du problème. Si le

15 problème n'est pas de taille importante, s'il est mineur, comment dire,

16 cela ne va pas solliciter beaucoup de ressources pour y répondre, mais s'il

17 est de taille plus conséquente ce problème, et s'il est de nature

18 généralisée, à ce moment-là, on peut considérer que c'est ici une

19 explication du niveau d'effectifs qui sera peut-être nécessaire dans une

20 région. L'état d'esprit de l'accusé, il est proportionnel aux problèmes

21 auxquels il doit faire face. Lorsqu'on dit, il faut faire ceci, il ne faut

22 pas faire cela, sans comprendre -- à la lecture de l'acte d'accusation, on

23 voit qu'on ne reconnaît pas l'ampleur du problème auquel il fallait faire

24 face sur le territoire de la RFY à ce moment-là. Cela donne une version

25 tout à fait unilatérale d'événements historiques, et on fait l'impasse sur

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1 des aspects tout à fait importants de ce procès. On dit à l'accusé,

2 concentrez-vous sur l'acte d'accusation. Bien entendu, c'est un des

3 versants de l'histoire parce que cela ne contient que la moitié des

4 éléments de l'histoire. Pour des raisons de nécessité, l'accusé maintenant

5 a pour tâche d'inclure des éléments de preuve.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La cause de l'Accusation, sa thèse

7 n'est pas de dire que l'UCK n'était pas organisée et n'était pas active, si

8 j'ai bien compris, tout du moins.

9 Monsieur Nice, est-ce que vous niez la survenue de tous ces incidents avant

10 1999 de façon générale ?

11 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas répondre de façon détaillée à

12 tous ces incidents, j'aurais pu le faire si j'avais reçu à l'avance ces

13 documents ou si je les avais reçus, ces informations, sous forme de

14 rapport. Bien sûr, le bureau du Procureur poursuit des membres de l'UCK

15 pour ce qui s'est passé en 1998. C'est bien connu. Il n'est pas contesté

16 qu'il y a eu des activités sous une forme ou une autre qu'on pourrait

17 qualifier d'inégales ou éventuellement qui étaient celles reprises dans ces

18 documents. Je suis tout à fait ébahi par le temps qui est consacré à

19 quelque chose qui me semble au fond être des éléments de contexte. Cela

20 n'aura peut-être qu'une valeur limitée, à l'accusé de décider du temps

21 qu'il y consacre, mais dans quelle mesure ceci a-t-il une incidence sur la

22 légalité de l'intervention devant venir plus tard, c'est une question tout

23 à fait différente.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'accusé a posé une question qui, à

25 mon avis, était tout à fait pertinente s'agissant d'un des documents

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1 précédents. C'était en rapport avec la question de proportionnalité ou de

2 la disproportionnalité des effectifs engagés, des forces utilisées. En

3 effet, ce qu'il dit, sa thèse par rapport à Racak, il dit qu'il y avait un

4 conflit opposant l'UCK et les forces serbes. Des militants, des membres

5 actifs de l'UCK ont trouvé la mort et les forces serbes, dit-il, n'ont pas

6 eu recours de façon disproportionnée à la force. Si l'accusé est en mesure

7 de montrer et de prouver que les forces serbes ont de bons antécédents, ont

8 des antécédents de bon comportement et d'usage tout à fait proportionné ou

9 proportionnel -- bon, non disproportionné de la force, à ce moment-là, cela

10 rend sa version des incidents de Racak beaucoup plus crédible, pour autant

11 que son idée soit acceptée.

12 M. NICE : [interprétation] Vous savez lorsque vous avez un appareil

13 militaire qui est bien rodée, il peut agir parfois de façon appropriée et

14 parfois s'il n'est pas pris en flagrant délit, cela peut avoir une certaine

15 pertinence, c'est peut-être intéressant pour la participation de l'armée à

16 Racak, mais pour moi cette valeur, pour autant qu'il y ait une certaine

17 valeur à cet élément, elle n'est que tout à fait périphérique.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis tout aussi préoccupé par autre

19 chose, ceci ne semble pas avoir une pertinence directe sur l'acte

20 d'accusation. Peut-être que si on se rapproche de la fin de l'année, ce

21 serait tout à fait différent. La donne était peut-être carrément

22 différente. Mais j'ai une préoccupation, c'est que tout ceci aurait pu être

23 présenté de façon tout à fait différente. Manifestement, ce sont là des

24 documents que le témoin aurait pu utiliser pour faire une déclaration, pour

25 établir un rapport, reprenant certains passages, je suis vraiment horrifié

Page 41362

1 de voir qu'on doit aller jusqu'à l'intercalaire 275 pour commencer à parler

2 de la période couverte par l'acte d'accusation. A cette cadence-ci, je

3 crois qu'on aura vraiment utilisé tout le temps nécessaire ou tout le temps

4 prévu pour des questions marginales, on aurait pu le faire différemment.

5 M. KAY : [interprétation] Je ne voulais pas intervenir.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rappelez-vous, nous allons recommencer

7 les audiences mercredi, est-ce qu'on pourra remédier à la question d'ici

8 mercredi, sinon ce témoin, il est ici pour une éternité.

9 M. KAY : [interprétation] Oui. Discuter de la durée du temps qui est

10 consacré à cette audition est une question tout à fait différente, bien

11 sûr.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais simplement dire quelques mots, moi

13 aussi. D'abord, s'agissant des témoignages lorsqu'il y a un rapport public,

14 les gens qui suivent le procès sont exclus. Je sais que la réponse peut

15 consister à dire que les rapports peuvent être lus, ils peuvent être lus

16 sur Internet, mais ce n'est pas la définition d'un procès public.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez du public. Nous sommes ici

18 pour juger des événements dans une institution de justice. Manifestement,

19 vous avez une attitude tout à fait différente de celle des responsables

20 judiciaires qui mettent au premier plan l'administration de la justice en

21 présence d'accusations de crimes.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ces conditions, Monsieur Bonomy, je ne

23 comprends pas pourquoi vous avez autorisé M. Nice à faire un spectacle

24 public, destiné au public, s'agissant des événements de Srebrenica où la

25 Serbie n'a rien à voir, simplement parce que c'est le dixième anniversaire

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1 des événements de Srebrenica cette année. Vous m'avez empêché de poser des

2 questions supplémentaires au général Stevanovic sur ce sujet. Laissons cela

3 de côté.

4 Je pense que ce que le général Delic dit dans son témoignage n'a rien à

5 voir en revanche avec un spectacle.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous n'avez pas

7 été empêché de poser des questions supplémentaires. J'ai mis fin aux

8 questions supplémentaires sans préjuger pour vous de la possibilité de

9 déposer une requête dans laquelle vous présenteriez les questions que vous

10 n'avez pas pu poser. Je n'ai encore reçu aucune requête de cette nature. Il

11 vous reste toujours la possibilité de la soumettre. Par rapport à cela, vos

12 collaborateurs peuvent vous aider ainsi que Me Kay et Me Higgins.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous m'avez même empêché de

14 diffuser un film au cours des questions supplémentaires, que j'avais reçu à

15 peine quelques jours avant du bureau de M. Nice, et qui porte sur

16 Srebrenica. J'avais l'intention également d'invoquer le rapport du

17 secrétaire général des Nations Unies --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous ai

19 interrompu. Je n'ai aucune intention de reprendre le débat sur ce sujet.

20 S'agissant des questions supplémentaires que vous aviez l'intention de

21 poser à M. Stevanovic, j'ai été très clair. Je vous ai dis que vous pouviez

22 les mettre par écrit dans une requête où vous présenteriez vos arguments

23 quant à l'injustice que vous avez subie. Si vous déposez une requête, elle

24 sera examinée très attentivement, je peux vous en assurer.

25 M. NICE : [interprétation] J'aimerais insister pour que la Chambre rappelle

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1 une fois de plus à l'accusé la nécessité de présenter ses arguments par

2 écrit. Le Juge Bonomy a donné son avis à ce sujet, et nous insistons sur

3 cette nécessité depuis le début de la présentation des moyens de preuve de

4 l'accusé. Je demanderais à la Chambre d'accorder la plus grande priorité à

5 cette insistance de notre part qui repose sur le mépris total qu'a l'accusé

6 du Règlement du Tribunal dans ses demandes d'extension de la durée de ses

7 auditions. Je ne saurais être davantage d'accord avec l'observation de M.

8 le Juge Bonomy, et j'aurai certainement mon mot également à dire à un

9 certain moment, au moment opportun, lorsque j'aurai procédé aux

10 vérifications préalables nécessaires sur ce sujet. J'aurai certainement à

11 contester certains des documents qui, à mon avis, n'avaient pas nécessité

12 d'être admis.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, veuillez

14 poursuivre.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je n'ai aucune

16 intention de considérer M. Nice comme un modèle de bon comportement. Quant

17 au reste, je vous ai dit dès le début en répondant aux questions relatives

18 à la teneur de la déposition à venir du témoin, que dans le document

19 présenté par M. Nice, on trouve constamment référence à un modèle, à un

20 schéma de comportement. Chacun sait désormais, qu'à chaque paragraphe de ce

21 document, il est affirmé que les forces de la RFY et de la Serbie ont

22 encerclé tel ou tel endroit, l'ont pilonné avant d'y pénétrer, de séparer

23 les hommes des femmes, d'exécuter les hommes, et cetera, et cetera.

24 Puisque vous n'avez pas entendu un grand nombre de généraux de l'armée,

25 vous avez ici en face de vous aujourd'hui un général qui commandait une

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1 unité importante responsable d'un territoire vaste. Il avait 14 000 hommes

2 sous ses ordres. Vous pouvez constater que l'armée a réagi avec des délais

3 très longs. C'est ce que j'essaie de traiter le plus rapidement possible.

4 J'essaie de traiter d'événements qui ont un lien direct avec les

5 allégations contenues dans le document de M. Nice, mais les allégations de

6 M. Nice ne peuvent pas constituer un cadre de départ pour la présentation

7 des éléments que je tiens, à présenter, notamment en raison du fait qu'il

8 présente les choses totalement à l'envers. I y a une déformation manifeste

9 des faits dans sa façon de les présenter.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai entendu. Veuillez

11 poursuivre.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de

13 l'intercalaire 17. C'est le document auquel M. Nice a réagi.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Général, à l'intercalaire 18, on trouve la carte de travail du

17 commandant de la 549e Brigade. C'est une carte qui est le résultat de votre

18 travail.

19 Je vous demanderais de bien vouloir expliquer ce que présente cette carte

20 dont chacun ici dispose. Je voudrais savoir si la carte de travail est

21 actuellement sur le chevalet.

22 R. Oui, elle est là. Elle concerne la période qui s'étend entre le 22

23 avril 1998, 14 heures, au 10 septembre 1998, 14 heures.

24 Q. J'aimerais vérifier encore une fois les dates. Donc,

25 22 avril 1998 au 10 septembre 1998.

Page 41366

1 R. Oui, c'est une carte qui reprend les divers incidents survenus dans ma

2 zone de responsabilité. Cette carte se trouvait dans mon bureau, et mon

3 officier chargé du renseignement a annoté cette carte. Chaque fois, chaque

4 jour où un incident particulier survenait, il le notait sur la carte.

5 On voit que des incidents ont pris pour cible des civils d'une part, des

6 membres du MUP d'autre part et des membres de l'armée également. La date

7 des incidents en particulier est répertoriée sur cette carte ainsi que les

8 répercussions de ces incidents.

9 Q. Général, on voit qu'il y a des couleurs sur cette carte. Je vous

10 demande à quoi correspondent ces couleurs, puisque vous venez de mentionner

11 des incidents visant les civils, le MUP et les militaires.

12 R. Le symbole que je vous montre ici concerne le MUP. La couleur utilisée

13 pour le MUP est le bleu. On voit que ceci figure d'ailleurs dans la

14 légende.

15 Les incidents visant des civils figurent en jaune, et ceux qui visent des

16 militaires figurent en noir. Ce que nous voyons ici, ce sont les incidents

17 les plus significatifs, car il y a eu de très nombreux incidents mais

18 certains n'ont pas eu des conséquences particulièrement graves. Lorsque mon

19 officier chargé du renseignement considérait que l'importance, la gravité

20 de l'incident ne méritait que celui-ci figure sur la carte, il se

21 contentait de m'en informer oralement, et l'incident ne faisait pas l'objet

22 d'une annotation sur la carte. Mais tous les incidents majeurs survenus

23 dans ma zone de responsabilité figurent bel et bien sur cette carte.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette carte nous dit

25 également quelles ont été les réactions de l'armée ?

Page 41367

1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cette carte répertoriait les

2 incidents survenus dans ma zone de responsabilité dans cette période.

3 S'agissant de l'armée, on peut tout de même y voir où se trouvaient les

4 positions de l'armée. Ici, vous voyez la garnison de Prizren. Il est annoté

5 ici qu'il s'agissait de mon commandement. Vous trouvez également les postes

6 frontières, celui de Karaula, en tout cas. Vous trouvez également sur cette

7 carte la position de mon deuxième bataillon motorisé.

8 Ce qui figure ici en rouge, ces petits drapeaux rouges dans le secteur du

9 lac Radonjici - nous y viendrons plus tard - illustre le fait qu'au mois

10 d'avril, le commandant du corps d'armée a donné l'ordre qu'une partie de

11 l'unité, c'est-à-dire, ce que nous appelons les forces prêtes à intervenir,

12 des garnisons de Prizren et de Djakovica se rendent dans ce secteur

13 particulier. Le deuxième bataillon est intervenu dans le secteur de Babaj

14 Boks. Ici, vous en avez un autre qui est intervenu dans la région de

15 Landovica. Nous parlerons de cela plus tard, des affectations données à ces

16 unités.

17 Sur cette carte, on constate simplement que ces unités ont été

18 déployées. Ce qui a une importance tout à fait fondamentale, c'est que

19 cette carte recense les incidents survenus dans ma zone de responsabilité

20 dans la période en question, qui ont visé des civils, des membres du

21 ministère de l'Intérieur et des militaires.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Général, sur cette carte, en temps réel, les incidents étaient annotés

24 chaque fois qu'ils se produisaient.

25 R. Oui. Jour après jour, dès qu'un incident était survenu, il était

Page 41368

1 immédiatement consigné par écrit sur cette carte.

2 Q. Merci, Général.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, Monsieur Robinson, que cette carte

4 de travail soit versée au dossier. C'est la carte dont l'auteur est le

5 commandant que vous avez devant vous.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cette carte est admise.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Est-ce que vous pouvez dire quelques mots de l'incident survenu à

9 Morina et Karaula; l'incident de frontière ? Il est repris à l'intercalaire

10 19, et ce document est signé par le commandant.

11 R. Il s'agit d'un incident frontalier survenu à Morina. Un groupe de

12 personnes a franchi illégalement la frontière albanaise pour pénétrer sur

13 le territoire de la République fédérale yougoslave. Au moment où nous

14 instances officielles l'ont remarqué, elles ont arrêté ces groupes dans le

15 respect du règlement. Cependant, les ordres reçus n'ont pas été obéis. Les

16 groupes en question ont tiré sur nos représentants officiels, et ont battu

17 en retraite vers le territoire albanais laissant derrière eux leurs armes

18 et leurs équipements.

19 Ceci est une note officielle qui a été établie par le responsable de la

20 police scientifique de mon unité le sergent Mirko Miletic d'une compagnie

21 de la police militaire de mon unité.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez allumer

23 votre micro.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Je disais, qu'il y a quelque temps, M. Robinson a posé la question de

Page 41369

1 savoir comment réagissait l'armée lorsqu'elle se rendait compte qu'il y

2 avait passage illégal de la frontière par certains individus. Vous avez

3 répondu à cette question. Je vous demande si ce document constitue un

4 exemple typique susceptible d'illustrer votre réponse.

5 R. Oui. Ceci est un document qui montre la façon dont réagissaient

6 régulièrement les instances officielles. Dans le cas précis, il n'y a pas

7 eu de blessés, car les gardes-frontières ont fait leur sommation. Suite à

8 cela, les groupes en question ont franchi une nouvelle fois la frontière en

9 sens inverse pour retourner en Albanie en laissant leurs armes derrière

10 elles ainsi que leurs équipements. Vous avez d'ailleurs ici la liste de

11 tout ce qui a été trouvé sur place.

12 Q. Ils ont tiré sur l'armée, ils ont abandonné leurs équipements et leurs

13 armes, et il n'y a eu aucune conséquence, aucune perte humaine ni d'un

14 côté, ni de l'autre.

15 R. C'est cela.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause

17 maintenant. La Chambre va réfléchir aux décisions qu'il serait

18 éventuellement possible de prendre, pour raccourcir ces auditions, Monsieur

19 Milosevic. Nous y réfléchissons toujours.

20 Par ailleurs, le problème de la pertinence me préoccupe toujours. Je ne

21 suis pas en train de dire que tout ceci n'a aucune pertinence, mais je ne

22 suis pas sûr que Me Kay ait défini très précisément en quoi tout ceci est

23 pertinent, car évoquer un schéma de comportement ne me paraît pas tout à

24 fait suffisant.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Général, est-ce qu'à un certain

Page 41370

1 moment, au cours de l'examen de tous ces documents, nous aurons sous les

2 yeux un document décrivant les actions entreprises par l'armée, qui ont

3 fait des victimes parmi les terroristes de l'UCK avant janvier 1999 ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Des incidents de cette nature seront évoqués

5 selon ce qui a été prévu. De nombreux incidents vont être évoqués encore.

6 J'ai pu constater en parcourrant la documentation que des événements de ce

7 genre seront mentionnés.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois me rappeler que nous en

9 avons déjà vu un d'ailleurs relatif à un incident où deux Albanais ont été

10 tués.

11 Suspension de 20 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Étant donné que j'ai été interrompu pour des

17 raisons de pause, je voulais ajouter quelques arguments. L'essentiel n'est

18 pas dans ce que M. Kay a dit, il ne s'agit de l'état d'esprit, il ne s'agit

19 pas seulement de voir le mode de comportement généralisé, mais il convient

20 de tenir compte d'une chose, à savoir que chacun de ces rapports - et on

21 voit qu'ils sont faits en continuité, qu'ils sont faits au quotidien -

22 comporte toujours le qualificatif de terrorisme.

23 Ce qualificatif de terrorisme ne vient pas d'en haut pour descendre

24 vers le bas, mais cela vient du terrain, des lieux qui constituent

25 l'expression des faits. Cela fait tomber la thèse principale de

Page 41371

1 l'Accusation qui dit qu'il s'agit d'une entreprise criminelle commune qui

2 est planifiée. Il fallait riposter parce qu'on tuait des gens partout au

3 Kosovo-Metohija.

4 Deuxièmement, si l'on observe les choses attentivement pour ce qui

5 est de ce que faisait l'armée, cela, c'est ce qu'on peut voir partant des

6 renseignements ici, c'est une chose qu'on voit d'un jour à l'autre et cela

7 nous apporte la réponse à la question de savoir ce qui s'est passé,

8 pourquoi l'armée se trouvait à tel ou tel autre endroit, est-ce qu'elle

9 était là-bas pour faire peur aux citoyens, pour les persécuter ou pour

10 faire face au terrorisme. C'est ce qu'on voit dans ces rapports-là. Toutes

11 les accusations avancées par M. Nice, s'agissant de ces accusations, je ne

12 peux pas prouver en disant ce que l'armée n'a pas fait, mais je peux

13 montrer ce que l'armée a réellement fait. Chacune de ces activités se

14 trouvent être notées, documentées. On peut le voir et le constater et on

15 constatera qu'elle n'a pas du tout fait ce que M. Nice affirme qu'elle a

16 fait.

17 Les éléments de preuve avancés par M. le général Delic nous montrent

18 qu'il y a eu des fois des exceptions au règlement de service et les

19 réactions montrent qu'il y a eu nécessité de se conformer au règlement et

20 cela a été en public, ce n'est pas un show, un show programme, mais il

21 s'agit de montrer au public que l'on est en train d'aboutir à la justice.

22 Il faudrait que nous parcourions des documents qui sont accessibles à tout

23 un chacun.

24 Il y a une série d'arguments pour lesquels j'estime que tout ceci se

25 doit d'être présenté précisément de la sorte.

Page 41372

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il convient de répondre à

3 ceci, notamment pour ce qui est des derniers éléments dont vous avez parlé.

4 Comme vous le savez à partir du système légal national où la majorité de la

5 documentation est fournie sous forme écrite aux fins de démontrer qu'il y a

6 administration de justice ou administration de la justice visible est une

7 chose qui n'a rien à voir avec la garantie qu'il y a de faire en sorte que

8 tout propos tenu se doit d'être tenu oralement.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur

10 Milosevic.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je ne me souviens pas

12 si j'ai demandé le versement au dossier de l'intercalaire numéro 19, mais

13 si ce n'est pas fait, je le fais à présent.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Alors brièvement --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Celui-là n'a pas été traduit. Il

17 aura une cote provisoire en attendant la traduction.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Nous passons maintenant à l'intercalaire numéro 20, Général. Est-ce que

21 cela se rapporte aux mêmes événements avec descriptif complet des

22 événements et des mesures prises ?

23 R. Oui. Tout à fait, le premier document était un rapport de service et

24 ici c'est un rapport extraordinaire adressé au commandement du corps, mais

25 cela se rapporte au même événement.

Page 41373

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que ce document-ci a été traduit et

2 qu'il pourra être versé au dossier, Monsieur Robinson.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela n'est pas traduit, il aura une

4 cote pour identification en attente.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général, vous avez apporté ici des enregistrements vidéo où on a filmé

8 les incidents à ce poste-frontière de Morina le 16 et le 19 avril 1998 et

9 le 24 -- le 23 avril 1998 à ce poste-frontière à Kosare. J'aimerais qu'on

10 nous montre cet enregistrement.

11 C'est l'intercalaire 21.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cela commence à partir du

14 troisième film, pas à partir du premier des clips.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela, on l'a vu.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas cet intercalaire-là, cela c'est

17 l'intercalaire numéro 2 qu'on est en train de voir. Je demande à la cabine

18 technique de nous montrer ce qui figure à l'intercalaire 21 où il y a trois

19 clips.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du numéro 5. Oui, poste-

21 frontière Morina.

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Jusqu'à la création de formations militaires plus fortes qui seraient à

25 même de s'opposer non seulement aux instances du MUP de la République de

Page 41374

1 Serbie, mais également aux unités de l'armée de la Yougoslavie. Les

2 opérations individuelles des terroristes Siptar ont revêtu le caractère

3 d'une insurrection armée."

4 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas d'interprétation,

6 Monsieur Milosevic et nous ne comprenons pas ce qui est dit.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais à ce que l'on filme les

8 incidents qui sont produits au poste-frontière Morina et Kosare.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela arrive dans deux ou trois secondes.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Revenons maintenant au clip vidéo

11 alors.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Création de corridors et de zones libres. La formation militaire, les

15 exercices de tirs, et tout le reste. Le 16 avril 1998 à zéro une heure et

16 quart au secteur C7 dans le secteur du poste-frontière Morina en provenance

17 d'Albanie, il y a eu l'arrivée d'un groupe de terroristes avec 12 chevaux

18 chargés d'équipements militaires et d'armes. Les terroristes ont ouvert le

19 feu en direction de nos autorités. Il a été également ouvert des tirs à

20 partir du territoire de l'Albanie. Nos instances ont riposté et ce groupe

21 terroriste a été démantelé."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a encore deux clips qui parlent de ces

24 incidents frontaliers et qui illustrent ce que le général nous a dit à ce

25 sujet. Ils ont jeté leurs armes et équipements et ils se sont retournés en

Page 41375

1 fuyant vers l'Albanie et il y a un film qui est tourné. Deuxième clip.

2 [Diffusion de cassette vidéo]

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais là, on reprend le même clip vidéo de tout

4 à l'heure. Allez de l'avant. Cabine technique, allez de l'avant.

5 M. NICE : [interprétation] Il est très difficile de tirer quelque valeur

6 que ce soit de ce clip vidéo à moins de disposer de transcriptions, je ne

7 pense pas que les interprètes puissent nous aider.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande aux interprètes de nous

9 traduire autant que faire se pourra.

10 Est-ce qu'on peut revoir le premier clip, celui de tout à l'heure ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, c'est le clip suivant.

12 C'est le suivant qui s'enchaîne.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été filmé par la patrouille de la

14 police militaire. Le 19 avril 1998, nos patrouilles frontalières ont ouvert

15 le feu vers un groupe de personnes qui voulaient clandestinement traverser

16 la frontière. Ceux qui ont essayé de traverser la frontière sont retournés

17 sur le territoire de l'Albanie en laissant les armements qu'ils ont essayé

18 de transporter clandestinement, et nos autorités ont trouvé deux fusils

19 automatiques, trois fusils semi-automatiques, 16 bombes, 300 et quelque

20 balles, 7 chargeurs de fusils automatiques, trois sacs de combat de

21 fabrication suédoise, et des vêtements --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est tout, Monsieur

23 Milosevic ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a trois incidents de filmés. Celui-ci en

25 est un. Maintenant, on devrait voir le deuxième et le troisième. Pour

Page 41376

1 gagner du temps, nous allons demander au général de nous commenter ces

2 clips vidéo les trois ensemble puisque cela se produit à des intervalles de

3 temps très rapproché.

4 [Diffusion de cassette vidéo]

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 23 avril --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le général ne peut pas

7 commenter en même temps que les interprètes sont en train d'essayer de

8 traduire ce qui est dit à l'enregistrement vidéo. C'est soit l'un, soit

9 l'autre ou c'est l'autre.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai souhaité voir les trois

11 enregistrements vidéo, et ensuite entendre les commentaires du général à la

12 fois pour gagner du temps.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuons ainsi, et les

14 interprètes vont essayer de traduire.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela, c'est le précédent.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

18 "On entend une personne parler. Ils sont tombés sur une embuscade à

19 nous. Nous leur avons dit de stopper. Ils ne sont pas arrêtés, mais ils

20 nous ont tiré dessus. On a riposté. Ils ont jeté les affaires qu'ils

21 transportaient et ils ont commencé à fuir dans la panique.

22 Il y en a un qui est resté mort."

23 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que la cabine

25 technique interrompe cette projection. Je ne pense pas que ce soit là la

Page 41377

1 vidéo que l'accusé voulait nous montrer. Je crois que ce serait plutôt le

2 numéro 7 qui est daté du 23 avril.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur

4 Kwon. On entend le texte de la troisième vidéo.

5 [Diffusion de cassette vidéo]

6 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

7 "Le 23 avril, dans le secteur du poste-frontière Kosare, non loin de la

8 frontière de l'Etat, il y a un groupe de 150 à 200 personnes armées qui ont

9 traversé la frontière de façon illégale en venant de l'Albanie. Nos

10 autorités ont ouvert le feu, ont tué 19 personnes et emprisonné deux

11 hommes. Les personnes emprisonnées

12 sont : Tarira Mustafa Gazmin, professeur de langue anglaise né en 1980 à

13 Eric, municipalité de Djakovica; et Metaj Iber [phon], technicien en

14 agronomie né le 13 décembre 1961 au village d'Eric, municipalité de

15 Djakovica."

16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a encore un clip vidéo.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Il y en a encore un qui suit, c'est un troisième.

21 R. Non, c'est un quatrième plutôt.

22 Q. Enfin, il s'enchaîne.

23 R. Oui, c'est le poste-frontière Likan.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui est-ce qui conduit la présentation

25 des éléments de preuve ? Parce que vous avez annoncé trois clips vidéo et

Page 41378

1 le sommaire fait état de trois clips.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici à l'intercalaire 21, on parle de trois DVD

3 qui se rapportent aux incidents de Morina et de Kosare, ce sont des postes-

4 frontières; 16, 19 et 23 avril 1998. Ce sont ces trois enregistrements

5 vidéo qu'on aurait dû nous montrer. On en a vu deux.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, on en a vu trois.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Général, je vous demande de nous commenter brièvement ce qu'on a vu ?

10 C'est votre zone de responsabilité, votre unité.

11 R. Il s'agit du 53e Bataillon frontalier qui a pour siège Djakovica et qui

12 se trouve directement lié au Corps de Pristina. Il n'est responsable à mon

13 égard que pour ce qui est des aspects disciplinaires vu qu'ils ont pour

14 siège ma caserne à moi.

15 Le constat a été effectué par la compagnie de la police militaire de ma

16 brigade, parce que ma brigade avait responsabilité territoriale pour tout

17 le secteur de la Metohija.

18 Que voit-on sur ces clips vidéo ou plutôt dans ces notes ? On voit, dirais-

19 je, une façon typique suivant laquelle les armes ont été apportées au

20 Kosovo-Metohija. Le premier clip nous montre un petit groupe de personnes

21 avec 12 chevaux essayant de s'infiltrer avec des armes. Ils sont tombés sur

22 une embuscade de la patrouille. Ils ne sont pas arrêtés lorsqu'on leur a

23 sommé de s'arrêter, ils ont ouvert le feu, vous avez vu qu'il y avait même

24 des chevaux qui ont été tués, et le groupe a réussi à fuir pour regagner le

25 territoire de l'Albanie. On voit plusieurs dizaines de fusils automatiques,

Page 41379

1 semi-automatiques qui, à ce moment-là, ont été jetés et abandonnés à cet

2 endroit.

3 Dans le deuxième enregistrement, la situation est analogue, la différence

4 c'est que la quantité d'armes est plus petite. Il n'y a que trois fusils

5 automatiques et deux fusils semi-automatiques. Dans le troisième cas, c'est

6 un grand groupe de quelque 150 personnes armées qui est arrivé, et sur les

7 150, il y en a 19 qui ont été tués dans le conflit qui est survenu avec les

8 services frontaliers.

9 Q. Général --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-il advenu des autres membres

11 du groupe ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des autres membres du groupe,

13 puisque ce groupe était très nombreux, certains ont réussi à contourner

14 l'encerclement pour pénétrer sur le territoire de la République de la

15 Yougoslavie, et d'autres parmi les membres de ce groupe sont retournés en

16 Albanie.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous fait des prisonniers ?

18 Deux prisonniers; c'est cela ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours de l'un de ces incidents, deux hommes

20 ont été faits prisonniers. L'un était professeur d'anglais, originaire du

21 village d'Eric. Le village d'Eric se trouve ici, sur la route menant de

22 Djakovica à Decani.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-il advenu de lui finalement,

24 par la suite ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Après son arrestation, et le travail

Page 41380

1 d'identification qu'il a fallu mener à bien, des hommes dans cette

2 situation sont remis aux instances du MUP, et sans doute, mis en examen. En

3 tout cas, c'est le plus probable. Je ne suis pas absolument au courant,

4 mais il est fort probable que ces hommes étaient condamnés pour avoir

5 franchi illégalement la frontière, et ouvert le feu sur les gardes de

6 frontière.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

8 poursuivre.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Général, combien d'unités de l'armée yougoslave sont venues à

11 l'encontre de ce groupe nombreux dont il est dit dans la séquence vidéo

12 qu'elle comptait 150 à 200 hommes ?

13 R. Il y a eu une embuscade qui a été dressée dans les conditions

14 habituelles d'une embuscade, par six soldats et un sous-officier.

15 Q. Mais quel était le rapport numérique au cours de cet affrontement ?

16 R. Les terroristes étaient considérablement plus nombreux que les gardes

17 de frontière dans ce cas précis, alors que, dans les deux autres cas,

18 l'équilibre était mieux respecté.

19 Q. Général, est-ce que les membres de l'armée yougoslave ont respecté les

20 Règlements de service de leur fonction ou est-ce qu'il s'est passé autre

21 chose ?

22 R. Comme toujours, en tout cas, ici, vous voyez qu'au moment où les

23 constations étaient faites, des représentants albanais ont été convoqués

24 pour y participer également. La commission local numéro 4 est une

25 commission de composition mixte qui se compose de représentants à nous,

Page 41381

1 mais également de représentants de la République d'Albanie.

2 A plusieurs reprises, cette commission est allée sur les lieux des

3 incidents pour vérifier les conditions dans lesquelles ils s'étaient

4 déroulés. Je sais simplement qu'une fois, des tirs sont venus en provenance

5 d'Albanie, et la commission en question n'a pas pu procéder aux constations

6 habituelles car elle a, elle-même, été prise pour cible, et a dû fuir en

7 raison du danger.

8 Q. Merci, Général.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous disposons des rapports

10 établis par la commission d'enquête dans les trois cas qui ont fait l'objet

11 des images vidéo que nous venons de voir ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, nous en disposons pour l'un de ces

13 incidents. J'ai lu ce rapport. Tous les rapports établis par ma police

14 militaire, je les ai chez moi. Il y en a au total plusieurs centaines.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le numéro d'intercalaire du

16 rapport dont nous disposons ici, selon vous ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'intercalaire -- il y en a deux. Ce

18 sont les intercalaires 19 et 20. 19 et 20.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Les intercalaires 19 et 20 sont des notes officielles; pour

21 l'intercalaire 19, c'est rapport officiel; au sujet de l'incident Karaula-

22 Morina, pour l'intercalaire 20.

23 R. Pour tous ces incidents, vous avez vu les annotations sur la carte. Il

24 y a également les rapports d'enquête de la police judiciaire, qui sont

25 établis comme c'est toujours le cas lors d'incidents de ce genre.

Page 41382

1 Q. Vous avez parlé de la commission chargée de travailler à la frontière,

2 commission mixte, composée de Yougoslaves et d'Albanais. Est-ce que cette

3 commission était toujours informée et invitée à venir sur place dans ces

4 cas de ce genre ?

5 R. Oui, dans tous les cas. En 1997 et dans la période antérieure, la

6 procédure type voulait que deux commissions différentes viennent sur les

7 lieux, mais, en 1998, ces commissions n'ont pu se rendre sur les lieux que

8 quelques rare fois, en raison du danger important.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la commission s'est rendue

10 sur place dans les trois cas que nous venons de discuter ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le rapport, vous constaterez que -- et

12 cela figure à l'intercalaire 19. Je vous demande quelques instants pour

13 vérifier rapidement --

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pourrais le voir moi-même quand le

15 texte sera traduit, mais, pour l'instant, j'ai besoin de votre aide car il

16 n'est pas traduit.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie yougoslave de la commission locale

18 numéro 4 a informé le Bataillon de Djakovica qu'elle n'avait pas pu faire

19 les constatations d'usage sur place en raison du danger, et en raison du

20 fait qu'elle n'a pas pu établir le contact avec les membres albanais de la

21 commission mixte. C'est le commandant, Goran Sorak [phon], qui a été le

22 seul membre de cette commission mixte à se rendre sur place.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'avais cru comprendre dans une

24 de vos réponses antérieures que ces réunions de la commission avaient lieu,

25 je cite : "La commission était informée et invitée à se rendre sur place

Page 41383

1 dans tous les cas." Or, ici nous avons un exemple où certains membres de la

2 commission n'ont pas pu être contactés. Est-ce que vous savez quelle était

3 la position de la commission au sujet de l'incident au cours duquel 19

4 hommes ont été tués ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je puisse le constater, nous

6 ne disposons pas ici -- un instant, s'il vous plaît. Nous n'avons pas ce

7 rapport. Donc, je ne puis affirmer avec une totale certitude, que les

8 commissions mixtes locales se sont réunies. Mais l'enquête a eu lieu.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. La séquence vidéo que nous venons de voir, a-t-elle été filmée pendant

11 cette enquête sur place ?

12 R. Oui. Chaque fois qu'il y a enquête sur les lieux, des caméras vidéo

13 filment l'événement.

14 Q. Quelle est l'instance qui est chargée de l'enquête sur les lieux en cas

15 d'incident frontalier de ce genre, c'est-à-dire, lorsque des groupes armés

16 franchissent la frontière ?

17 R. C'est le Juge d'instruction de Nis qui vient sur place chaque fois que

18 des événements de ce genre ont lieux avec conséquences graves. Il bénéficie

19 de l'aide de membres de la police judiciaire, qui, dans le cas précis,

20 venaient de la police militaire placée sous mes ordres.

21 Q. Fort bien.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre il y quelques

23 instants que vous aviez dit que c'est votre brigade qui avait la

24 responsabilité de mener l'enquête sur place. Etes-vous en train de dire que

25 dans chacun de ces incidents, le Juge d'instruction est venu enquêter sur

Page 41384

1 place ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il est écrit ici, dans chacune de ces

3 notes officielles, que le Juge d'instruction était informé, et c'est en

4 fonction des conséquences. Si, au nombre des conséquences, il y a mort

5 d'hommes, et s'il n'y a pas d'opérations armées à la frontière, c'est-à-

6 dire, si l'on peut s'y rendre en toute sécurité, le Juge d'instruction s'y

7 rend. Mais si cela n'est pas possible, il informe la police scientifique de

8 la police militaire de se placer sous les ordres de ma brigade, et ce sont

9 ces membres de la police scientifique qui se rendent sur place pour prendre

10 les constatations.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, s'agissant de l'incident où 19

12 hommes ont été tués, est-ce que c'est simplement la police scientifique qui

13 s'est rendue sur place pour enquêter ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, mes

15 techniciens ont aidé le Juge d'instruction ce jour-là, en prenant des

16 photos et en faisant ce que le Juge d'instruction leur commandait de faire.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui était ce juge ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de juge d'instruction du tribunal

19 militaire de Nis. Le colonel Miladinovic de Nis présidait le tribunal

20 militaire et c'est lui qui choisissait les hommes qui se rendaient sur

21 place. Mais ces Juges ont été nombreux. Je ne me rappelle pas le nom de

22 chacun d'entre eux, je l'ai rencontré simplement lorsqu'ils venaient me

23 voir pour demander une escorte de la police militaire afin de se rendre sur

24 place.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, Général, s'il existait une

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1 autre version de ces incidents, si, par exemple, l'un des survivants

2 affirmait que les membres de son groupe étaient désarmés sans armes et que

3 vos hommes ont ouvert le feu sur eux, où est-ce que nous pourrions trouver

4 une déclaration de ce genre provenant d'un survivant ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous ceux qui franchissaient illégalement la

6 frontière et qui étaient appréhendés ont été interrogés; cela c'est

7 certain. Je pense que l'Accusation, elle-même, est en possession d'un

8 nombre assez important de dépositions provenant d'Albanais, qui

9 franchissaient illégalement la frontière. Je crois savoir que le bureau du

10 Procureur est en possession de telles dépositions depuis 2002 déjà. Il y a

11 aussi des cassettes vidéo enregistrées durant les interrogatoires de ces

12 personnes responsables d'affranchissement illégal de la frontière.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si l'un des survivants avait été

14 jugé traduit en justice, il y aurait également les documents présentés par

15 ces conseils.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est certain que tous ces incidents ont

17 fait l'objet de poursuites judiciaires.

18 Je me souviens d'un incident qui est survenu plus tard, il y avait

19 déjà l'OSCE sur place, donc peut-être au mois de décembre c'était aussi

20 Saban Zimeci [phon], qui est le nom de l'Albanais qui a été appréhendé lors

21 de cet incident. Je me souviens que les membres de la Mission de

22 vérification m'ont demandé d'aller sur place à l'endroit où cet homme avait

23 été arrêté alors qu'il portait des armes. Ils s'y sont allés pour discuter

24 avec lui car l'autorisation leur a été fournie. On peut vérifier également

25 dans ces documents.

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1 Je sais qu'une plainte en justice a été déposée à l'encontre de cet

2 homme qu'il a été interrogé à Nis, et qu'ensuite en 2001, il a été relâché.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

4 poursuivre.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Général, y a-t-il quelque chose qui n'est pas clair ici quant au fait

7 qu'un groupe de 150 à 200 hommes, en tout cas, au minimum un groupe de 250

8 hommes a franchi illégalement la frontière et a participé à un affrontement

9 armé avec nos gardes de frontière ?

10 R. Ce qui était typique, à l'époque, c'était que tous les groupes de ce

11 genre étaient armés.

12 Q. Donc, portant des armes, ils franchissent illégalement la frontière et

13 attaque les gardes de frontière ? C'est cela qui est caractéristique dans

14 ce document, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, c'est cela qui est caractéristique dans les années antérieures en

16 1995, 1996. La frontière était surtout affectée par la contrebande de

17 cigarettes. Il n'y avait pas d'affrontements armés, ni d'un côté, ni de

18 l'autre. En général, les contrebandiers rebroussaient chemin ensuite pour

19 repartir en Albanie dès qu'il y avait un problème. Mais, par la suite,

20 après ces années-là, il y a toujours eu des tirs lors de tels incidents.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande le versement au

22 dossier des intercalaires de l'intercalaire 21 et des séquences vidéo qui

23 l'accompagnent.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Admis.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Général, pourriez-vous nous donner quelques détails complémentaires en

2 étant le plus bref possible au sujet des ordres donnés pour engager les

3 forces prêtes à intervenir ces ordre que l'on trouve à l'intercalaire 22 et

4 que vous avez donné le 22 avril ?

5 R. Oui, ceci est un document strictement confidentiel qui a été rédigé sur

6 l'ordre du commandement du corps d'armée car il y a aussi un ordre émanant

7 du commandant du corps d'armée. Cet ordre porte sur l'engagement de forces

8 prêtes à intervenir de la 549e Brigade motorisée.

9 Il est dit dans ce document quelle est la situation sur le terrain à

10 savoir qu'il y a eu escalade des actions terroristes et que, sur le

11 territoire de Djakovica et de Decani, des patrouilles villageoises ont été

12 mises en place qu'on a observé la présence de groupes terroristes

13 importants et que des travaux de construction et de renforcement ont été

14 observés dans les villages de Skvijane, Stubla, Popovac, qui se trouvent à

15 l'ouest de Djakovica, c'est-à-dire, sur la route qui mène de Djakovica à

16 Ponosevac. L'autre secteur, Glodjane, se trouve au nord-est du lac de

17 Djakovica dans le secteur du lac de Radonjic.

18 Ensuite, on évoque Orahovac, Suva Reka, la municipalité de Prizren

19 également, Djakovica, Decani et Pec, où des groupes terroristes comptant

20 jusqu'à 500 terroristes ont sans doute été créés. Il est dit que l'armement

21 de la population vivant dans le secteur compris entre Drim et la frontière

22 albanaise est en cours.

23 Que le but c'est grâce à des opérations terroristes de contrôler la

24 plus grande superficie possible du territoire du Kosovo-Metohija; de

25 procéder à une mobilisation et d'armer le plus grand nombre possible de

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1 citoyens Siptar; et, avec l'aide de quelques pays occidentaux et de la

2 République d'Albanie, de lancer un soulèvement armé pour s'emparer du

3 pouvoir et mettre en place la République du Kosovo.

4 Alors, le commandant du corps d'armée m'a donné une tâche à accomplir

5 ceci figure au paragraphe 2, à savoir, assurer la sécurité de mes

6 installations militaires et qu'une partie du groupe 1 et du groupe 2 soit

7 en engagée selon les axes visés qui vont vers la frontière, empêcher toute

8 opération de la part des groupes terroristes, empêcher l'introduction sur

9 le territoire en provenance d'Albanie et de Macédoine des armes et autres

10 équipements militaires; et utiliser les hommes restants pour assurer la

11 sécurité des installations militaires à savoir notamment des casernes et de

12 la zone située dans ce secteur.

13 Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? On voit au troisième

14 paragraphe quels sont les hommes qui m'accompagnent dans mon travail et au

15 paragraphe 4 on trouve la décision du commandant de la brigade.

16 Q. J'aimerais, Général, que nous établissions un lien entre le

17 paragraphe 4 et la tâche qui est évoquée au paragraphe 2. Il est écrit ici

18 : "Engager pour intervention suivant les axes visés empêcher toute

19 opération des groupes terroristes et empêcher l'introduction à partir de

20 l'Albanie et de la Macédoine sur le territoire du Kosovo-Metohija d'armes

21 et de matériels militaires." Donc, voilà quelles étaient les tâches qui

22 vous étaient confiées. Les tâches qui vous étaient confiées, interdire aux

23 groupes terroristes de franchir la frontière ?

24 R. Ce sont les ordres que j'ai reçu du commandant du corps d'armée. En

25 tant que commandant de brigade, je n'ai aucun droit de modifier en quoi que

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1 ce soit ces ordres. Je dois accomplir les tâches qui m'ont été confiées. On

2 voit au paragraphe 4 que c'est ma décision également de mener à bien ces

3 tâches, puisque je distribue des tâches aux unités sous mes ordres.

4 Q. Au paragraphe 4, vous faites référence encore une fois à des actes de

5 sabotage et de terrorisme et aux tâches qui sont les vôtres pour contrer ce

6 terrorisme.

7 R. Oui. Les forces sont prêtes à intervenir, c'est le terme que l'on

8 utilise, sont prêtes au combat depuis six heures au moins. Lorsque le

9 signal est donné, par exemple, un signal d'alerte ou un signal de combat,

10 elles doivent être prêtes à intervenir immédiatement. Finalement, dans les

11 derniers moments, elles sont absolument prêtes à intervenir. Le groupe de

12 combat 1 qui était stationné dans la garnison de Prizren, il est dit ici

13 quelle est sa composition; il se compose d'une compagnie motorisée, d'une

14 compagnie de mortiers, de neuf pelotons K11, et d'un peloton de logistique,

15 ainsi que d'un peloton de pionniers. Cela, c'est le groupe qui doit

16 intervenir selon l'axe menant à Landovica. Vous voyez qui commande ce

17 bataillon.

18 Sur l'axe de Djakovica, donc à partir de mon bataillon, le groupe de combat

19 numéro 2 est chargé de cet autre secteur, et vous trouvez la composition de

20 ce groupe également. Il y a des flèches qui montrent les axes suivants

21 lesquels ces groupes doivent intervenir.

22 Dans le secteur ici où se trouve le groupe de combat numéro 1, ce groupe a

23 investi mon poste de combat en temps de guerre qui se trouve au voisinage

24 immédiat de Landovica et des vignobles, ainsi que de la coopérative

25 agricole de Prizren. Quant à l'autre groupe, au nord-ouest vers la

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1 direction de l'Albanie, vous avez l'autre axe d'intervention. Vous avez des

2 flèches qui indiquent selon quels axes ce groupe de combat est censé

3 intervenir en cas de nécessité. Puis, les heures sont mentionnées

4 également. Donc, si le groupe doit assurer la sécurité de sa caserne, s'il

5 est appelé à apporter son aide aux gardes frontières de Karaula, au cas où

6 des groupes nombreux de terroristes arrivent, et aux cas où des incidents

7 surviennent, comme, par exemple, un transport armes.

8 Q. Vous voyez la frontière de Karaula sur la carte, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Les flèches indiquent la direction des postes frontières et vous

10 voyez également les effectifs de ces gardes frontières.

11 Ensuite, il y a le secteur de Suva Reka, qui relevait du groupe de combat

12 numéro 1. Pourquoi Suva Reka ? Parce qu'il y avait là deux entrepôts dont

13 j'étais responsable, aux villages de Djinovce et de Ljubizda. Ce groupe

14 numéro un a été chargé en cas de mise en danger des entrepôts dont je suis

15 responsable d'intervenir selon ces axes.

16 Q. Merci, général.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai toujours la même

18 demande, à savoir que ce document ainsi que la carte qui l'accompagne

19 soient versés au dossier. Il s'agit de l'intercalaire 22, à savoir de

20 l'ordre d'engagement des forces que vient de discuter le général Delic et

21 qui accompagne la carte au sujet de laquelle le général a également fait

22 des commentaires un instant.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ces documents sont admis.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Général, est-ce que vous connaissez la note de service que l'on trouve

2 à l'intercalaire 23 ? Document confidentiel, numéro 25/03 et la date est

3 celle du 24 avril 1998. De quoi est-il question dans cette note

4 officielle ?

5 R. Il est question de ce que vient d'évoquer le Juge Bonomy. On revient

6 sur l'incident ayant causé la mort de 19 hommes.

7 Il est dit que des techniciens de la police scientifique se sont rendus sur

8 place, que 19 cadavres ont été trouvés sur place, ainsi qu'un grand nombre

9 d'armes et de munitions, que le juge d'instruction du tribunal militaire de

10 Nis s'est rendu sur place, que deux personnes avaient essayé de franchir la

11 frontière illégalement, et que ces hommes ont été appréhendés et

12 immédiatement transférés à Nis par hélicoptère le même jour.

13 Il est dit également que la documentation officielle ne peut pas être

14 complètement établie en raison du grand nombre d'éléments que le juge

15 d'instruction a emporté avec lui.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Ensuite, intercalaire 24, autre notre officielle relative au même jour.

18 Est-ce que c'est la même chose ?

19 R. Non.

20 Q. Non, non. C'est un autre incident. Nous n'allons pas en parler en temps

21 que du document précédent. Revenons sur l'intercalaire 23. C'est bien

22 l'intercalaire qui a rapport avec l'incident survenu à Kosare qui a donné

23 lieu à 19 --

24 R. Aux images que nous avons vu.

25 Q. Oui, au film que nous avons diffusé.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande également le

2 versement au dossier de l'intercalaire 23.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, admis. Enfin, il est enregistré

4 aux fins d'identification dans l'attente de la traduction.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. A l'intercalaire 24, vous avez une note officielle qui porte sur le

8 secteur frontalier Karaula Gorozup qui dépend de la garnison de Prizren.

9 R. Oui. C'est Karaula Gorozup, tout près du lac de Vrbici sur le mont

10 Pastrik. C'est le 55e Bataillon qui est responsable.

11 Q. Pourriez-vous simplement m'aider sur un point général ? A

12 l'intercalaire suivant, à l'intercalaire 25, une fois de plus on fait

13 référence à ce qu'on appelle le poste de frontière de Gorozup. Est-ce qu'il

14 s'agit du même incident ou est-ce qu'il s'agit de deux incidents

15 distincts ?

16 R. C'est le même incident. Cependant, c'est le plus grand nombre d'armes

17 et de munitions qui a été saisi en seul jour à la frontière. Mais la zone

18 de Gorozup se trouve dans la zone du mont Pastrik, 1 588 mètres d'altitude.

19 Je me souviens fort bien que ce jour-là, il y avait du brouillard.

20 Lorsqu'on m'a dit qu'il y avait un incident à la frontière, et qu'il y

21 avait eu échange de tirs, il m'a été dit qu'il y avait eu saisie ou plus --

22 non, non, que ces personnes avaient franchi illégalement la frontière, et

23 après avoir ouvert le feu, ces hommes se sont retirés, repliés sur le

24 territoire d'Albanie. On m'a informé d'une faible quantité dont on a parlé

25 ici; on parle d'une grenade à main, ou plutôt exactement de 80 ou 90.

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1 Q. A cet intercalaire 24, on dit que le 22 avril 1998, vers 19 heures 50,

2 et cetera, et il est fait référence au 26 dans la note de service suivante.

3 Il est fait référence au 26 avril, mais l'endroit est le même. C'est bien

4 ce que dit cette note ?

5 R. Je me souviens que la quantité de munitions était énorme, et qu'il

6 s'agissait de plusieurs armes différentes. Personnellement, suite à des

7 ordres donnés par le commandant du corps, je me suis trouvé sur place, au

8 sommet du mont Pastrik. Deux hélicoptères ont dû venir trois fois. Je crois

9 qu'il y avait à peu près six tonnes de matériel, toute sorte de matériel

10 militaire.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, avez-vous dit que les

12 intercalaire 24 et 25 font référence au même événement ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'intercalaire 24 concerne le 22 avril, alors

14 que l'intercalaire 25 parle du 26 avril.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Mais l'endroit est le même.

17 R. Oui, je m'étais dit la veille, parce qu'ici on parle du 26, et je

18 m'étais dit qu'au fond dans le brouillard les responsables des organes

19 chargés de la frontière de Gorozup avaient trouvé ces personnes qui

20 franchissaient clandestinement la frontière, ils avaient ouvert le feu, et

21 ces personnes s'étaient repliées sur le territoire de l'Albanie. Comme il

22 n'y avait que cinq hommes dans cette patrouille frontalière, étant donné

23 les intempéries, ces cinq hommes n'ont pas poursuivi ce groupe clandestin,

24 ils se sont contentés d'en faire rapport.

25 Le lendemain, une patrouille composée d'un plus grand nombre de gardes

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1 frontaliers s'est rendu sur la zone et a trouvé une grande quantité

2 d'armes. Après cela, lorsque le commandant du corps a reçu ce rapport, j'ai

3 reçu l'ordre de me rendre sur les lieux moi-même.

4 Vous verrez à l'intercalaire 25, il est fait référence à ce matériel qu'on

5 a trouvé.

6 Q. Il est dit également ici, je cite : "Nous n'avons pas pu faire le

7 décompte de toutes les armes qui ont été trouvées sur les lieux étant donné

8 quelles étaient très nombreuses. Nous avons dû les transporter par

9 hélicoptère à Nis, il est impossible de donner des renseignements précis,

10 et après recherches et fouilles du terrain, on a trouvé davantage de

11 matériel, et ceci va être prouvé sous forme de documents."

12 Est-ce qu'il y a eu des blessés et des morts ? Je ne vois rien de ce genre.

13 R. Non, ni tués ni blessés. C'est tout à fait classique. D'après nos

14 estimations, il y avait tellement d'armes qui étaient éparpillées sur une

15 surface assez grande plus d'un kilomètre et demi, et il a fallu environ 100

16 chevaux pour amener tout ce matériel à cet endroit, parce que nous l'avons

17 vu, cela avait amené à dos de cheval. Nous avons vu la trace de pas de

18 cheval, de fers à cheval.

19 Q. Cette une énorme quantité d'armes ont été trouvées mais il n'y a pas eu

20 de perte d'hommes ni d'un côté ni de l'autre.

21 R. Non, personne n'a été tué.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, Monsieur Robinson, la même chose;

23 je demande que ce soit versé au dossier les intercalaires 24 et 25 en ce

24 qui concerne l'incident frontalier à Gorozup où il y a eu saisie de

25 beaucoup d'armes.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera une cote provisoire aux fins

2 d'identification tant que nous n'aurons pas la traduction de ces

3 intercalaires.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai bien compris, vous avez une traduction ou

5 pas ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui, nous avons une traduction

7 du 25.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, je vois, je vois. Merci. Merci. Je ne

9 l'avais pas vu.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Général, le général Pavkovic est mentionné à l'intercalaire 26,

12 commandant du Corps de Pristina, général Pavkovic, pour autant que je

13 puisse le voir ici, il est question du 9 mai 1998.

14 R. Oui. Il s'agit ici d'un ordre donné aux membres du corps d'armée. Tous

15 les véhicules motorisés militaires et les véhicules civils transportant les

16 membres du corps sur l'axe routier allant à Pristina-Klina-Djakovica, en

17 passant par Pec ne sont plus autorisés à utiliser cette voie vu que des

18 bandes terroristes opèrent sur cette route. Il faut prendre des mesures de

19 sécurité pour sauvegarder la vie des membres du corps.

20 Puis, il est dit dans la deuxième partie puisqu'il y a cinq routes entre le

21 Kosovo-Metohija, deux de ces axes routiers n'étant pas sûrs, on précise

22 quels sont les axes routiers qu'il est possible d'utiliser sans

23 compromettre la sécurité à cette époque-là. C'est le gendre d'ordres qu'on

24 recevait du corps d'armée tous les jours.

25 Bien entendu, en cours de transport, nous sommes tenus de respecter toutes

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1 les mesures sécuritaires qui étaient comprises dans des ordres précédents.

2 Je m'explique : si un véhicule quittait Prizren pour aller à Pristina,

3 l'officier de service devait informer l'officier des services à Pristina

4 pour lui dire qu'à telle ou telle heure un véhicule partait de Pristina, et

5 lorsqu'il allait arriver ce véhicule au col de Dulje, c'est là le dernier

6 endroit où il y peut y avoir une transmission radio avec Prizren, à ce

7 moment-là, cette personne est censée appeler l'officier de service à

8 Pristina pour dire qu'il avait passer le col de Dulje, et lorsqu'il arrive

9 à Stimlje, il doit faire rapport au centre opérationnel de Pristina, au

10 centre opérationnel du Corps Pristina pour dire qu'il a franchi la gorge de

11 Semuljeva [phon] et le centre opérationnel de Pristina doit nous avertir du

12 fait que notre véhicule est passé sans encombre sur cette route et est

13 arrivé à Pristina. Il fallait respecter cette procédure pour tout véhicule.

14 Q. Pourquoi autant de précaution ? Autant de sécurité ? Pourquoi on parle

15 d'autant de mesures ?

16 R. C'était nécessaire car on pouvait avoir des attaques ciblant ce

17 véhicule. Si le véhicule n'apparaissait pas, nous savions combien de temps

18 il fallait pour franchir cette route dangereuse, pour intervenir. Si ce

19 véhicule n'arrivait pas, à ce moment-là, on pouvait partir à sa recherche.

20 Q. Très bien. Je vous remercie, Général.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que ceci a été traduit; j'en demande

22 le versement, je parle de l'intercalaire 26.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il est versé.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais avancer et je voudrais demander le

25 versement de l'intercalaire 27, car cela concerne le même genre

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1 d'incidents.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais en passant par un itinéraire différent.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je demande le versement de l'intercalaire

4 27.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Très bien. Nous avons un renseignement venant du colonel Lazarevic qui

8 est le chef d'état-major du corps. Ceci se trouve à l'intercalaire 28. Sur

9 quoi ce document porte-t-il ?

10 R. Il est dit ici qu'il y avait une route qui avait été fermée, la route

11 allant de Djakovica à Ponosevac, Junik et Decani, c'est la deuxième route,

12 parce qu'il y a une voie plus directe de Djakovica à Decani, mais celle-ci

13 c'est une voie goudronnée qui va à Decani. C'est important pour l'armée

14 parce que c'est sur cet itinéraire que les patrouilles frontalières

15 recevaient leurs approvisionnements, elle avait été fermée les jours

16 précédents cette voie. Ici, le chef d'état-major du corps nous informe nous

17 commandants du fait que le 23 mai la route Djakovica, Ponosevac et Morina a

18 été dégagée. On précise quelles sont les unités qui ont participé à la

19 levée de ce blocus.

20 Q. Très bien. Cela a été traduit.

21 R. Il est dit aussi que cinq terroristes ont été capturés.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a audience cet après-midi, ce

23 qui veut dire que nous ne pouvons pas dépasser le temps qui nous est

24 habituellement imparti. Nous allons devoir lever l'audience. Monsieur Nice,

25 vous voulez intervenir. Réponse très rapidement.

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1 M. NICE : [interprétation] La déposition dure déjà une heure et demie. On

2 avait prévu 12 heures, trois journées d'audience. Nous avons maintenant

3 consulté un vingtième des pièces prévues par l'accusé. Est-ce que l'accusé

4 pourrait nous dire maintenant combien de temps il lui faudra pour son

5 interrogatoire principal ? D'après nos estimations cela va faire 20

6 journées à l'interrogatoire principal, mais si on continue à cette cadence

7 il faudrait que nous en soyons informés.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question est raisonnable,

9 Monsieur Milosevic. Alors, quelles sont vos estimations actuelles ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour faire

11 l'utilisation la plus rationnelle possible du temps qui m'est donné, mais

12 lorsque nous allons passer à l'examen des pièces concernant les rapports

13 existant entre l'armée et la KVM, et il y a beaucoup de documents qui

14 parlent de ces rapports, à ce moment-là, je vais demander au témoin de

15 parcourir ces documents de façon globale pour en retirer simplement

16 quelques éléments saillants qui sont caractéristiques sans qu'il s'attarde

17 à l'examen de chacun de ces documents. Mais tous ces documents attestent de

18 la continuité qui existe dans ces rapports.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est très clair que même si la

20 Chambre n'a pas limité l'Accusation lorsqu'elle procédait à ses

21 interrogatoires principaux, la Chambre a toujours le pouvoir

22 discrétionnaire de maîtriser la tenue du procès, et si elle estime que vous

23 ne faites pas bon parti du temps qui vous est imparti, nous allons limiter

24 le temps que vous avez pour l'interrogatoire principal.

25 L'audience reprendra mercredi prochain.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 29 juin

2 2005, à 9 heures 00.

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