Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 23 août 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

7 continuer votre interrogatoire principal.

8 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Seselj.

12 R. Bonjour, Monsieur Milosevic.

13 Q. Vendredi passé, nous nous sommes arrêtés à votre visite au Kosovo

14 datant du mois de janvier 1999, date à laquelle vous et les autres vice-

15 présidents --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas d'interprétation en

17 anglais.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est pour cela que je l'entends sur mon

19 canal serbe.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez y aller maintenant.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vendredi passé, on s'est arrêté à votre visite au Kosovo en janvier

23 1999, date à laquelle vous et d'autres vice-premiers ministres du

24 gouvernement avaient visité plusieurs villes de la province à cette époque,

25 et je vous ai cité, entre autres, plusieurs phrases de ce que votre

Page 42971

1 collègue le professeur Ratko Markovic a dit, ce qui est contenu et comme je

2 l'ai dit, je l'ai cité à partir de l'intercalaire numéro 2 qui comporte une

3 édition spéciale qui a couvert la visite que vous avez effectuée au

4 Kosovo-Metohija à ce moment-là.

5 Mais, ce à quoi je veux en venir avec ma question, c'est la citation

6 suivante qui dit en page 606, c'est là qu'on s'était arrêté la fois passée.

7 Votre collègue, le professeur Ratko Markovic dit : "Le Kosovo-Metohija est

8 un territoire ethniquement hétérogène et cela doit rester ainsi. Tous ceux

9 qui essayeront de nettoyer ethniquement ces territoires-là ne réussiront

10 pas." Il a ajouté que : "L'histoire a fait de ce territoire un territoire

11 varié et que cela ne saurait être modifié. Les Albanais doivent prouver

12 qu'ils voulaient une coexistence avec les autres groupes ethniques."

13 Veuillez m'indiquer dans vos activités politiques et dans votre activité

14 publique quand est-ce que vous allez pour la première fois rencontrer

15 l'idée relative à un Kosovo ethniquement pur ?

16 R. C'est une idée qui est assez ancienne. Elle date du régime communiste à

17 Tito. Le régime communiste après la Deuxième guerre mondiale a interdit le

18 retour de tous ceux qui ont été chassés, tous ceux des Serbes qui ont été

19 chassés pendant la guerre. Il leur a été interdit de revenir au

20 Kosovo-Metohija et ils ont été plusieurs centaines de milliers. Les forces

21 d'occupation italiennes ainsi que les collaborateurs, à savoir, les

22 Quisling, les balistes, à savoir, les fascistes albanais ont chassé les

23 Serbes en leur confisquant leurs biens aux fins de modifier rapidement la

24 structure ethnique du Kosovo-Metohija aux fins de pouvoir avoir des

25 négociations après la Deuxième guerre mondiale. Ils n'avaient pas perdu de

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1 vue la possibilité d'un échec de cette alliance.

2 A l'époque la structure ethnique au Kosovo-Metohija était plutôt

3 harmonieuse, il y avait la moitié de la population qui était Serbe, Gorani,

4 Rom et autres et la moitié était des Albanais. Mais après la Deuxième

5 guerre mondiale, cette structure ethnique a été perturbée. Les communistes

6 y contribuent en interdisant de par la loi adoptée à ce moment-là le retour

7 des Serbes. Les biens des Serbes n'ont jamais été restitués ultérieurement.

8 Par la suite, les communistes ont encore inventé un territoire autonome

9 particulier en appelant cela la région autonome du Kosovo-Metohija. Cela

10 avait été un degré d'autonomie inférieure à celui de la Vojvodine jusqu'à

11 la constitution de 1963. La constitution de 1963 donne un statut

12 d'autonomie identique à celui de la Vojvodine et les deux provinces sont

13 sur un pied d'égalité à partir de cette constitution de 1963. Le régime de

14 Tito à l'époque accorde aux Albanais du Kosovo-Metohija les pouvoirs pleins

15 et entiers, et ils commencent à exercer des pressions contre le peuple

16 serbe et les autres groupes ethniques afin que ceux-ci déménagent du

17 Kosovo, s'en aillent, et bon nombre d'immigrants Albanais arrivent de

18 l'Albanie. Certains d'entre eux fuient le régime stalinien d'Enver Hoxha,

19 qui était certainement plus pénible et plus difficile à supporter que le

20 régime à Tito.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci. Question suivante.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. S'agissant de cet objectif d'un Kosovo ethniquement pur, il y a eu

24 intervention de personnalités publiques dans les années 1980 sous forme

25 d'écrits. Vous souvenez-vous qu'en 1980 il y ait eu une revue théorique de

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1 grande notoriété qui s'appelait le Socialisme ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous souvenez-vous du fait qu'il y ait eu là ainsi que dans l'opinion

4 publique en général un objectif notoirement connu qui a été déclaré, qui

5 était celui des Albanais pour ce qui est d'un territoire ethniquement pur ?

6 R. Jusqu'en 1981, on n'a pas osé en parler et encore moins en écrire dans

7 les revues, dans les journaux, dans les livres. Le régime a été très cruel

8 à l'égard de ceux qui avaient souhaité soulever la question en public. On

9 connaît le cas de Dobrica Cosic qui, en sa qualité de membre du comité

10 central du Parti communiste de Serbie, a soulevé la question en 1968. Il a

11 été révoqué de toutes ses fonctions et il a été mis de côté, et pendant

12 toutes les années qui ont suivi, il a été suivi, poursuivi et persécuté par

13 la police.

14 On voulait donner l'exemple pour ce qui est de ce qui arriverait à ceux qui

15 parleraient de la position défavorisée du peuple serbe au Kosovo-Metohija.

16 Nous avons un autre cas. A l'époque des débats au sujet des amendements

17 constitutionnels de 1971, à l'époque où le régime communiste à Tito a

18 montré ses intentions qui étaient celles d'attribuer au Kosovo-Metohija des

19 qualités d'un Etat, des intellectuels dirigés par Mihajlo Djuric, un

20 professeur de la faculté de droit et son assistant Kosta Cavoski qui est à

21 présent professeur, et bon nombre d'autres professeurs s'étaient opposés à

22 ce projet d'amendement constitutionnel. Le professeur Djuric a été condamné

23 à huit mois de prison, les autres ont été évincés de la faculté de droit et

24 jusqu'à votre arrivée au pouvoir, ils n'ont pas été à même de revenir

25 enseigner à la faculté de droit. Donc le régime a poursuivi tous ceux qui

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1 ont parlé en public de problèmes qui se manifestaient de façon réaliste et

2 réelle au Kosovo jusqu'en 1981 où il y a eu ces manifestations séparatistes

3 albanaises à Pristina et dans d'autres villes au Kosovo. Ce n'est qu'à

4 partir de 1981 que l'opinion publique yougoslave de l'époque commence à

5 parler de façon ouverte de ce problème. Les faits commencent à se

6 manifester, les événements tragiques survenus pour ce qui est de certains

7 Serbes persécutés, même de certains Albanais persécutés. Il y avait le Pr

8 Halit Trnavci, qui a enseigné à Belgrade qui a dû fuir le Kosovo-Metohija

9 parce qu'il s'était opposé aux séparatistes albanais, parce qu'il a estimé

10 que l'avenir des Albanais du Kosovo-Metohija consistait en une vie

11 pacifique avec les Serbes et les autres, et il a estimé qu'ils vivaient

12 beaucoup mieux que les Albanais dans l'Albanie d'Enver Hoxha.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

14 Merci.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation] Je crois que mon micro s'est remis à

16 marcher.

17 Q. Vous avez parlé de l'année 1981. Ici, nous avons entendu le témoignage

18 d'un de vos collègues, un professeur de droit constitutionnel de Slovénie,

19 M. Ivan Kristan. C'est en 1981 qu'il a dit et j'ai cette revue socialiste

20 datant de 1981, revue que je vous ai mentionnée tout à l'heure qui porte le

21 numéro 10 qui est datée de 1981. C'est lui-même qui, dès 1981, et je pense

22 que vous avez à très juste titre dit que sur un plan yougoslave il a

23 commencé à être question de cette intention de créer un Kosovo ethniquement

24 pur, et il a écrit lui-même dans son article de cette revue socialiste ce

25 que je me propose de vous lire.

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1 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, au cas où l'on viendrait à

2 citer les documents, je crois que ces documents devraient être mis à

3 disposition de l'Accusation.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, Monsieur Milosevic, vous

5 le savez parfaitement bien. Est-ce que vous avez des copies pour nous ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si cela vous intéresse, j'ai plusieurs copies.

7 Il s'agit de la revue intitulée "Le socialisme" datée de 1981, numéro 10.

8 On a extrait ici seulement l'article rédigé par votre témoin à vous, M.

9 Ivan Kristan, qui a écrit un article à ce sujet-là en 1981.

10 Monsieur l'Huissier, veuillez en prendre possession.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Je vais vous citer, Monsieur Seselj.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez, Monsieur Milosevic, qu'on

14 nous ait distribué ce document.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais ce document est en langue serbe, ce

16 qui fait que vous ne serez pas à même de le lire de toute façon. Mais la

17 citation, on peut la mettre sur le rétroprojecteur.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Seselj, je vous demande de retrouver la page

20 1 733.

21 R. Oui, je l'ai trouvée.

22 Q. Je vous demande de vous pencher sur le tout dernier paragraphe.

23 R. "L'idée nationaliste albanaise portant sur un Kosovo ethniquement pur

24 et l'unification de tous les Albanais nie tous les acquis de la révolution

25 et de la guerre de libération nationale."

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes

2 vous prient de parler plus lentement.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un peu ralenti, Monsieur Robinson. "Le

4 slogan portant sur le slogan ethniquement pur propose à la place d'une

5 unité des groupes ethniques un chauvinisme et un séparatisme."

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Seselj, était-il clair au début des années 1980 que, de façon

8 tout à fait publique, il a été débattu de cet objectif ouvertement proclamé

9 portant sur le Kosovo ethniquement pur qui était celui des séparatistes

10 albanais ?

11 R. Oui. En 1981, entre les hommes politiques slovènes, croates, serbes,

12 monténégrins, macédoniens et autres, il n'y avait aucune divergence pour ce

13 qui est de la situation qui prévalait au Kosovo-Metohija. Tous, du moins de

14 façon déclarative, ont été contre le séparatisme, contre l'épuration

15 ethnique au Kosovo-Metohija, contre la privation de certaines parties de la

16 population de leurs droits les plus élémentaires, et en 1981, il semblait

17 que toutes les unités fédérales se proposaient d'aider à éliminer ce

18 séparatiste albanais sous ses formes les plus extrémistes qui se

19 manifestaient sous des formes violentes.

20 Il y avait un autre élément intéressant : tous les séparatistes albanais à

21 compter de 1981 prennent une position qui est celle de révolutionnaires

22 marxistes-léninistes à tendance propre à Enver Hoxha, donc stalinienne,

23 purement stalinienne. Dans le cadre du régime communiste, cela était déjà

24 devenu insupportable puisque le régime communiste commençait déjà à

25 relâcher les rênes pour ce qui est de certaines libertés et droits de

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1 citoyens.

2 Cela constituait la catégorie politique la plus rétrograde de ce qui se

3 présentait sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et un consensus était

4 obtenu pour ce qui était de ne pas retourner en arrière, de ne pas revenir

5 vers le stalinisme et c'est de façon verbale du moins qu'on s'était employé

6 en faveur de la réalisation et de la démocratisation. Je pense

7 personnellement que la chose n'avait pas été possible sans un système

8 pluripartite, mais l'opinion publique a été ensevelie de positions

9 politiques de ce genre.

10 Q. Je vous prie, Monsieur Seselj, de vous pencher sur la page suivante. Au

11 tout début, il vous sera donné de retrouver deux paragraphes que j'aimerais

12 que vous examiniez. Je crois que vous verrez qu'Ivan Kristan, dans cet

13 article, nous fournit certains chiffres pour ce qui est de l'épuration

14 ethnique.

15 R. Kristan dit ici : Si les Albanais au Kosovo ne se trouvent pas sur un

16 pied d'égalité parce qu'ils n'ont pas de république, la question qui se

17 pose est celle de savoir, comment par la suite, dans une république

18 albanaise de la sorte, ce qui se passerait avec les autres peuples et

19 groupes ethniques ? Quand je parle de minorité, je parle de groupes

20 ethniques minoritaires. Alors, il s'agissait de faire en sorte que les

21 autres nations et minorités nationales obtiennent leur propre république

22 parce qu'ils seraient sur un pied d'inégalité avec les Albanais dans ce

23 cas-là. Donc, si le même critère était appliqué à la Vojvodine et non

24 seulement au Kosovo, nous aurions, rien qu'en Serbie, plusieurs autres

25 républiques de créées.

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1 Il dit que tout décompte nationaliste et regroupement nationaliste de

2 cette sorte pourrait être fatal pour ce qui est de territoires ethniquement

3 mixtes, tels que celui-ci. Il dit qu'il y a bon nombre de pressions

4 exercées à l'encontre des autres groupes ethniques, du chauvinisme qui va

5 jusqu'à des départs de certains groupes ethniques parce qu'ils se sentent

6 menacés. Cela arrive depuis un bon moment déjà au Kosovo, dont bon nombre

7 de Serbes et Monténégrins sont partis. Ce qui fait, qu'en vertu du

8 recensement de 1981, en comparaison avec 1971, il y a moins de

9 ressortissants de ces deux groupes ethniques. Cette diminution n'est pas

10 que relative, et on donne entre parenthèses, on dit : Qu'en 1971, ils

11 étaient 18,3 %, les Serbes, les Monténégrins, 2,5 %; et 1981, 13,2 et 1,7

12 %. Donc, en chiffre absolu, ils sont moins. Les Serbes ont eu une

13 diminution de 8 % et quelque pour cent, les Monténégrins de 4 et quelque

14 pour cent, alors que le nombre des Albanais a crû de 34 % entre-temps.

15 Dès ce moment-là, il y a un comportement qui indique que c'est un

16 homme de sciences qui est bien informé et qui présente des faits qui sont

17 tout à fait véridiques. Toutefois, lorsqu'il y a eu séparatisme slovène, le

18 même Kristan change de position pour 180 degrés pour ce qui est de ses

19 positions scientifiques et politiques. Il commence à apporter un soutien

20 aux séparatistes albanais, et il se retourne contre ce qu'il avait affirmé

21 lui-même auparavant.

22 Q. Revenons à cette notion "d'épuration ethnique", de "purification

23 ethnique". Est-ce que quiconque en Serbie et en Yougoslavie aurait été sans

24 condamner une approche aussi rétrograde de la solution des problèmes

25 sociaux que cela a été le cas à l'époque ?

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1 R. Je l'ai dit. Les hommes politiques croates, slovènes de Bosnie, de

2 Macédoine et autres, tous autres ont été unanimes pour condamner cette

3 politique d'épuration ethnique qui a été mise en œuvre au Kosovo-Metohija

4 contre les Serbes et contre les autres groupes ethniques qui ont fait

5 l'objet d'attaques de la part de ces séparatistes albanais.

6 Q. Avez-vous réfléchi à la question de savoir comment se peut-il que dix

7 ans plus tard, s'agissant des Serbes qui ont dû faire face à ce mal, qui

8 ont combattu ce mal où l'opinion publique a estimé que l'épuration est un

9 comportement criminel et des plus rétrograde, comment se peut-il alors que

10 l'on reproche aux Serbes qu'il y ait eu de leur part une purification

11 ethnique ?

12 R. Bien, ultérieurement, il y a eu ingérence des forces occidentales et du

13 Vatican dans les relations internes entre les groupes ethniques en

14 Yougoslavie pour briser cette Yougoslavie, et ce sont les différents

15 services occidentaux qui ont commencé à conduire une guerre psychologique

16 spéciale à son encontre; ce qui fait qu'on a eu recours à tous slogans qui

17 permettaient de sataniser le peuple serbe et les hommes politiques serbes

18 parce qu'on en avait estimé que c'est les Serbes qui tenaient le plus à la

19 Yougoslavie, et que c'était les seuls à être disposés à se battre de façon

20 énergique pour la sauvegarde de la Yougoslavie, et tout le reste pouvait

21 être mis en œuvre pour ce qui est de la réalisation de cette politique

22 occidentale visant à démanteler la Yougoslavie. Tout ce qui a eu de négatif

23 dans le passé en tant que phénomène pour ce qui est des différentes régions

24 de la Yougoslavie, vient d'être attribué aux Serbes pour que l'on dise que

25 c'était leur intention, leur volonté, leur plan et leur intention.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de dire qu'il y a

2 eu une atteinte délibérée de la part de l'Occident pour démoniser, pour

3 sataniser les Serbes, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce plan a existé tout d'abord au niveau

5 du Vatican et de l'Allemagne, ensuite, se sont jointes les autres

6 puissantes occidentales. Jusqu'en 1991, les Etats-Unis ont hésité pour ce

7 qui est de savoir s'il fallait démanteler la Yougoslavie. Il a semblé, qu'à

8 un moment donné, l'Amérique avait souhaité la sauvegarde de la Yougoslavie

9 avec, bien sûr, une suppression du régime communiste à l'intérieur. Mais

10 étant donné que l'Allemagne et le Vatican ont joué un rôle primordial pour

11 ce qui est du processus politique dans les Balkans à l'époque, et étant

12 donné qu'il y avait des services de mis en place pour ce qui est de la

13 réalisation de leur intention, l'Amérique a ultérieurement commencé à se

14 conformer à cette politique, et elle s'est mise à prendre les devants pour

15 ce qui est de l'application d'une politique de cette nature.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Une question de nature générale, Monsieur Seselj. Si nous nous penchons

19 sur toute cette décennie entre 1990 et l'an 2000, est-ce qu'il y a eu sur

20 le territoire de la République de Serbie, à quelque moment que ce soit

21 pendant la durée des guerres en Croatie et en Bosnie, pendant qu'a duré

22 toute cette crise, est-ce qu'à quelque moment que ce soit il y a eu une

23 manifestation de l'idée, et notamment, est-ce qu'il y a eu réalisation de

24 quelque idée que ce soit relative à l'épuration ethnique ?

25 R. Non.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice s'est levé.

2 M. NICE : [interprétation] Si les Juges de la Chambre ont intérêt à

3 écouter, à prêter oreille, une oreille attentive à cette forme assez

4 généralisée de --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce que je voulais justement

6 dire à M. Milosevic. J'ai permis la présentation de cette thèse parce que

7 cela constitue la thèse de la Défense. Mais à mon avis, je crois que vous

8 devriez demander au témoin de parler des éléments de preuve qui se trouvent

9 en corrélation directe, immédiate avec l'acte d'accusation.

10 M. NICE : [interprétation] Je vous suis reconnaissant. Je voulais dire deux

11 choses. Tout d'abord, nous avons ici un élément qui est à la limite d'une

12 expertise. Or, nous n'avons pas reçu un rapport d'expert à l'avance, où

13 alternativement ceci constitue des observations d'une manière générale qui

14 n'auraient aucune valeur à moins que nous ne connaissions la source des

15 éléments qui viennent les appuyer.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, justement, Monsieur Milosevic.

17 Comme je vous l'ai dit, il convient de faire parler le témoin d'éléments de

18 preuve qui sont en corrélation directe avec l'acte d'accusation. Nous avons

19 reçu suffisamment d'informations de nature générale.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Seselj, examinez tout d'abord le premier intercalaire. Que

22 contient-il ?

23 R. Vous y trouvez la transcription d'une transmission, d'une émission de

24 radio; le Dr Ratko Markovic, le Dr Milovan Bojic et moi-même ainsi que

25 Zoran Andjelkovic. Andjelkovic, est à ce moment-là, président du conseil

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1 exécutif provisoire du Kosovo-Metohija. C'était un programme de la TV

2 Pristina du 15 février, moment où nous avons eu cette réunion du conseil à

3 Pristina. Après la réunion du conseil, étant donné que nous restions au

4 Kosovo-Metohija, les autres membres du gouvernement sont rentrés à

5 Belgrade. Nous avons passé un certain temps au QG de la police, puis nous

6 nous sommes promenés dans les rues de Pristina pendant assez longtemps, une

7 heure, une heure et demie, après quoi, nous sommes allés à la TV Pristina.

8 Là, il y avait une émission en direct à laquelle nous avons participé. Nous

9 avons répondu aux questions posées par les spectateurs.

10 Quoiqu'il y ait une erreur dans cet intercalaire, je ne pense pas que

11 ceci se trouve dans la traduction en anglais; celle-ci me semble complète.

12 Cependant, dans l'original, une page sur deux manque. Je ne sais pas si je

13 suis le seul à subir ce problème ou si vous avez rencontré cette même

14 difficulté.

15 Q. Oui, c'est la même chose pour moi dans le texte que j'ai. Sans doute

16 qu'ils ont pensé qu'ils pouvaient imprimer les deux faces. Donc, cette

17 version serbe ne sert à rien.

18 Quelle était la substance de votre intervention à vous et aux

19 autres ? Vous étiez actif, vous étiez vice-premier ministre. Tout comme les

20 autres membres du gouvernement vous étiez actif. Quel était le message

21 principal que vous essayiez de faire passer à ce moment-là ?

22 R. Nous avons parlé à l'unisson. Même si nous avions des convictions

23 politiques différentes, nous voulions tout d'abord que la situation se

24 calme au Kosovo-Metohija. Nous voulions le dialogue entre les représentants

25 serbes et albanais ainsi qu'avec les représentants des autres communautés

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1 ethniques au Kosovo-Metohija. Nous voulions que toutes les formes de

2 terrorisme disparaissent. Nous essayions de convaincre les Albanais que le

3 terrorisme ne répondait pas à leur intérêt pas plus que la gérance des

4 puissances occidentales. Nous disions que celles-ci essayaient d'abuser de

5 la situation, de tirer partie de cette situation pour elle-même, et pour en

6 fin de compte, ce serait eux qui se verraient lésés dans leurs intérêts

7 internationaux tout comme les Serbes. De toute façon, notre mission était

8 une mission visant à ramener la paix, le calme. Nous faisions des promesses

9 en tant que représentants du gouvernement que nous allions investir

10 davantage au Kosovo-Metohija.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons maintenant compris la

12 teneur du premier intercalaire. Passez aux intercalaires suivants, Monsieur

13 Milosevic.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Dites-moi ceci, Monsieur Seselj, les membres du gouvernement de la

16 Serbie, est-ce qu'ils ont tenu une conférence de presse le 17 janvier suite

17 à leur visite ?

18 R. Oui. Cela s'est fait au centre de presse et des médias de Pristina.

19 Nous avons présenté la façon dont nous voyions la chose, la situation

20 générale. Après notre visite au Kosovo-Metohija, nous avons expliqué aux

21 journalistes du pays et étrangers, quelle était l'utilité de cette visite.

22 Nous avons dit que nous allions revenir, que nous allions organiser des

23 réunions du gouvernement dans diverses villes du Kosovo-Metohija. Lors de

24 cette conférence de presse, il a été fait référence à ce qui s'était passé

25 à Racak tout récemment. Nous avons expliqué ce qui s'était passé puisque

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1 nous avions reçu des informations.

2 Q. Intercalaire 31, est-ce qu'on y trouve la transcription de cette

3 conférence de presse ? Celle-ci a été publiée dans le journal Velika Srbija

4 en Serbie, où on dit que : "La CIA opère en se servant de William Walker" ?

5 R. Oui, vous y avez toute la reproduction intégrale.

6 Q. Cela s'est fait deux jours, n'est-ce pas, deux jours après les

7 événements de Racak ?

8 R. Oui.

9 Q. Quelle a été votre conclusion d'alors ?

10 R. Nous avons conclu que notre police avait agi pour démanteler une bande

11 de terroristes qui avait déjà auparavant tué un ou deux policiers; je ne me

12 souviens plus exactement. Auparavant, notre police avait informé la MVK de

13 l'OSCE qu'elle allait entreprendre cette action. Les vérificateurs de

14 l'OSCE étaient présents au moment où cette action a été effectuée. Bien

15 sûr, ils n'étaient pas tout à fait sur les lieux, là où ils auraient pu

16 être tués, parce qu'ils ont toujours essayé de sauver leur peau, mais ils

17 étaient suffisamment près pour voir qu'il y a eu des combats âpres, et

18 qu'il y avait des tirs des deux côtés.

19 Au cours de cette action policière, notre police a subi quelques

20 pertes assez faibles, et notre police a réussi à avoir le dessus par

21 rapport à ces terroristes albanais qui ont subi plus de pertes. On a parlé

22 de 40, de 50. Il y a eu des fluctuations constantes pour ce qui est du

23 nombre de victimes. On a parlé de 90 semaines. Mais cela a été une défaite,

24 une véritable déroute pour les terroristes albanais. Il n'y a que des

25 terroristes qui ont été tués et pas un seul civil n'a été tué. Bien sûr,

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1 nous avons eu des terroristes qui ont combattu en civil.

2 Une fois que les combats se sont terminés au cours de la soirée,

3 notre police a pris les armes --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vois pas comment ce que nous

5 dit M. Seselj à propos de Racak, va vous aider, Monsieur Milosevic. Vous

6 avez des témoins qui sont venus déposer et qui ont pu parler de façon plus

7 directe des événements de Racak. Vous donnez maintenant des informations

8 tout à fait générales. Ceci ne serait vous aider pour ce qui est de la

9 défense de votre cause. Je ne trouve pas que l'avis que M. Seselj a de

10 Racak est très utile.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourtant, j'aimerais vous poser une

13 question précise, très précise à propos de Racak. Vous avez déclaré, qu'une

14 fois arrivé le moment où vous avez eu cette conférence de presse, vous

15 aviez certaines informations. A quel moment de la journée s'est tenue cette

16 conférence de presse ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était peut-être vers midi, je ne sais pas

18 exactement. Je ne peux plus m'en souvenir aujourd'hui. Peut-être midi, 13

19 heures, je ne me souviens pas de l'heure exacte. Mais nous sommes là le 17

20 janvier, alors que l'action de Racak s'est déroulée le 15.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous pose une question précise.

22 D'où teniez-vous ces informations ? Quelles étaient vos sources ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] De notre police. Le général Djordjevic, vous

24 aviez aussi le général Sreten Lukic. Au cours de ce que j'ai déjà dit --

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous aviez parlé à chacun de ces

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1 messieurs avant le 17 janvier à propos de Racak ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je peux vous donner les détails, et ceux-

3 ci vont vous convaincre parce que c'est très persuasif. Je vous l'ai déjà

4 dit, le 16 janvier, le lendemain de l'action à Racak, le général Vlastimir

5 Djordjevic, Zivkovic, Stjepanovic et moi-même, nous nous sommes déplacés

6 par hélicoptère de la police de Pristina à Prizren. Il y avait donc aussi

7 Djordjevic. Lorsque nous sommes revenus à Pristina, le général Djordjevic

8 m'a dit que le lendemain, après notre retour à Pristina de Prizren, lui, il

9 avait survolé Racak en hélicoptère, il avait vu beaucoup de vérificateurs,

10 de journalistes étrangers, cela c'est un autre détail.

11 Je vous ai déjà dit au cours du déjeuner au QG de la police à

12 Pristina, nous avons reçu un complément d'information à propos des combats

13 de Racak. Mais Monsieur Milosevic pose une question qui porte sur ce que

14 j'ai déclaré à la conférence de presse. Vous le verrez à la page 50 dans

15 l'original. Je ne sais pas où c'est dans la version anglaise, mais c'est

16 vers la fin.

17 Je parle de ce qui s'est passé à Racak, et je décris cela comme étant

18 quelque chose qu'on peut appeler un événement qui est déclencheur dans la

19 terminologie militaire actuelle américaine. Vous comprendrez sans doute

20 mieux que moi. En anglais, c'est "trigger" l'élément qui a déclenché

21 quelque chose. Vous le savez sans doute mieux que moi.

22 Vous savez que la CIA avait organisé les massacres sur la place du

23 marché de Markale à Sarajevo, dans la rue de Vasa Miskin du cimetière des

24 partisans. C'est ce que je dis ici.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rappelez-vous la question qui vous a

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1 été posée. Vous dites que cela se trouve vers la fin de ce que vous avez

2 dit à cette conférence de presse.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez du terme déclencheur,

5 "trigger" en anglais. Pouvez-vous me dire où cela se trouve ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Je n'ai pas utilisé ce terme à la

7 conférence de presse, mais je vous explique ce phénomène afin que vous

8 compreniez. J'essayais de vous expliquer la supercherie qu'on avait voulu

9 montrer avec la place du marché de Markale.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous pose une question très

11 précise, et je vous serai gré de vous concentrer sur ce que je vous ai

12 demandé. Quelle était la source de vos informations. Si vous me répondez,

13 nous pourrons avancer.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez fait objection à

16 ma question sur ce propos. Rappelez-vous que M. Seselj était vice-premier

17 ministre à l'époque, et que de ce fait, il a reçu toutes les informations

18 d'actualité dans la région. Ce qu'il savait, c'est ce que savait le

19 gouvernement. Ce qu'il savait et ce que le gouvernement de Serbie savait

20 était forcément juste.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Posez votre question, et

22 voyons ce que le témoin a à nous dire à propos de Racak en tant qu'élément

23 de preuve.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Donc, vous aviez toutes les informations à propos de Racak. Vu la

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1 pratique courante, votre poste, le comportement du gouvernement, la

2 situation générale, est-ce qu'il aurait été possible que vos informations

3 n'aient pas été justes mais erronées ?

4 R. Je pense que c'était tout à fait impossible. J'étais à ce point bien

5 informé que --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais qui répondra à ce genre de

7 questions. Est-ce que c'était possible que vous n'ayez pas de bonnes

8 informations ? Cette question est sans utilité, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Seselj, ces événements de Racak, on s'en est servi pour

12 essayer d'imputer un crime à notre Etat, un crime qui n'avait pas été

13 commis.

14 R. Oui. Même alors que nous étions encore au Kosovo-Metohija --

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est encore une question qui guide le

16 témoin, qu'il lui souffle la réponse.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Précisez que c'était une question

19 vraiment ridicule dans ce sens.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Ce qui s'est passé à Racak, est-ce que cela a été un exemple isolé,

23 unique montrant la façon dont on a interprété les événements qui sont

24 survenus sur ce territoire de l'ex-Yougoslavie ? Là, je ne fais pas du tout

25 de description.

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1 R. Mais pendant que nous les trois vice-premiers ministres étions là,

2 William Walker est intervenu, il a dit que c'était un massacre. D'après nos

3 informations, il y avait eu des combats. La MVK le savait et était au

4 courant de ces combats. En dépit de ces faits, aussitôt, on a commencé à

5 accuser les Serbes de ce massacre. C'est la raison pour laquelle à cette

6 conférence de presse, j'ai dit que ce n'était pas la première fois que cela

7 s'était passé, que de choses similaires s'étaient passées pour nous à

8 Markale, à la rue Vasa Miskin à Sarajevo, et qu'on avait mis ce genre

9 d'événements en scène organisés pour rendre responsable les Serbes de tout

10 ce qui s'était passé pendant la guerre.

11 J'ai dit que la situation était analogue à celle où il y avait des protégés

12 et des agents de la CIA en Iraq que les Nations Unies l'avaient montré à

13 l'époque. Puis, j'ai parlé du comportement de Walker au Kosovo-Metohija de

14 façon générale. Vous savez ce que Walker a fait en Amérique latine. Vous

15 savez toute la sale besogne qu'il a faite --

16 M. NICE : [interprétation] Manifestement en ce qui concerne l'accusé et le

17 témoin, il est dans leurs intérêts de présenter ce genre de généralités, si

18 la Chambre ne les arrête pas, c'est une décision qu'elle prend, mais ceci

19 ne saurait nous aider pour ce qui est de l'enquête qu'il faut mener à

20 propos de ces événements. Cela ne nous est pas très utile d'entendre ce

21 monsieur dire ce qu'il pense de la CIA.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à autre, Monsieur Milosevic.

23 Ce que nous avons entendu en guise d'information générale nous suffit.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pourrais vous donner des informations très

25 concrètes, Monsieur Robinson, si cela vous intéresse, et c'est en rapport

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1 avec ceci --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Uniquement en réponse à des

3 questions posées par M. Milosevic ou par les Juges.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Seselj, vous avez parlé de mise en scène d'événements lorsque

6 vous avez fourni divers exemples. En tant que vice-premier ministre du

7 gouvernement de Serbie, avez-vous appris quoi que ce soit à propos du

8 transport de cadavres depuis le Kosovo vers d'autres parties de la Serbie ?

9 R. Il n'y a pas eu de transport de cadavres qui aurait impliqué le

10 gouvernement ou une autre instance du gouvernement. Je vous le garantie.

11 Ces cadavres, ils ont été transportés par ceux qui voulaient qu'on les

12 trouve à un endroit où à un moment précis, qui voulaient qu'on les trouve à

13 l'endroit où ils les ont enterrés à leur propres fins politiques.

14 En tant que vice-premier ministre, j'ai reçu un document en date du 12 août

15 1998. Le comité républicain au congrès américain a fourni au congrès un

16 rapport qui disait qu'au Kosovo-Metohija cet événement qui avait été un

17 élément déclencheur était nécessaire, un peu comme ce que les Musulmans

18 avaient fait à Sarajevo, pour que l'opinion publique se retourne contre les

19 Serbes. Ceci est dit dans ce rapport qui a été fourni au congrès le 12

20 août.

21 M. NICE : [interprétation] Je suis désolé d'intervenir plus que de coutume,

22 mais il est intéressant de voir que la question était aussi directrice

23 puisqu'on parlait de mise en scène, mais je mets ceci de côté, si le témoin

24 veut soumettre la thèse selon laquelle le transport de cadavres s'est fait

25 par d'autres qui sont accusés, nous aimerions avoir des preuves concrètes

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1 qu'il apporterait pour soutenir cette hypothèse. On parle dans le 12 août,

2 d'élément déclencheur, cela ne va nous aider, ce que nous voulons ce sont

3 des preuves concrètes qui nous montreraient que des parties tierces

4 inconnues auraient fait ces choses. Ce serait très intéressant pour nous

5 d'apprendre ce genre de choses.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pourrez soulever la question au

7 contre-interrogatoire, mais je vais quand même en tant que Juge poser cette

8 question.

9 Monsieur Seselj, quelles sont vos sources ? Sur quoi vous appuyez-vous pour

10 dire qu'une tierce partie serait responsable du transport de cadavres et

11 que cette tierce partie poursuivait un objectif bien précis ? Quelles sont

12 vos preuves vous permettant d'affirmer une telle chose ? Parce c'est là une

13 partie importante de l'acte d'accusation, si vous avez des preuves, donnez-

14 les nous.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai les preuves. En tant que vice-

16 premier ministre de Serbie, j'ai reçu des informations disant que la CIA

17 avait formé un groupe spécial d'opérations qui avait pour objectif de

18 renverser Slobodan Milosevic et son parti. Il avait à sa tête John

19 Deutsche, il avait sa base, ce groupe à Vienne. En tant que vice-premier

20 ministre de Serbie, j'ai appris que les chefs de partis politiques

21 d'opposition occidentaux y allaient pour recevoir des instructions. En tant

22 que vice-premier ministre, j'ai appris de nos propres services du

23 Renseignement que la CIA avait recruté Jovica Stanisic et Momcilo Perisic

24 qui étaient les chefs du Renseignement et le chef du Grand état-major

25 respectivement, et qu'ils ont participé à ces activités destinées à

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1 renverser Milosevic.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons toujours pas entendu de

3 votre part des informations concrètes pour ce qui est du transport de

4 cadavres, car c'est là-dessus que portait ma question.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous donne ces informations maintenant. Je

6 vous le dis maintenant, et je vais y arriver sans nul doute, Monsieur

7 Robinson. Je vais vous dire tout ce que je sais fort volontiers. Si je

8 parle de façon trop générale, je m'en excuse. C'est peut-être là une petite

9 déformation professionnelle --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous parlez de façon trop

11 générale. Contentez-vous de nous donner des informations portant sur le

12 transport par une tierce partie de cadavres. Oubliez l'introduction. On

13 n'en a pas besoin, donnez-nous simplement les preuves concrètes pour autant

14 que vous en ayez.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez que M. Seselj réponde.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, ma réponse ne sera correcte que si

18 elle est complète. Alors faites preuve de patience, et je vais vous donner

19 une réponse complète à une question qui est importante.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous appelez le contexte.

21 Vous parlez d'un complot tramé par les USA pour renverser M. Milosevic.

22 Vous avez également parlé de certains individus de Yougoslavie qui auraient

23 reçu des instructions de la part de la CIA. Nous avons compris ce contexte,

24 amenez-nous maintenant les preuves concernant le transport par une tierce

25 partie de cadavres.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 5 octobre, lorsqu'il y a eu ce putsch

2 mafieux pro-occidental, plusieurs généraux de la police se sont révélés

3 être du côté de ceux qui étaient l'auteur de ce putsch et ce sont ces

4 hommes qui ont reçu des postes de pouvoir dans le nouveau régime pro-

5 occidental. Personne ne les a tenus responsables mais s'il avait eu

6 transport de cadavres, c'est eux qui en étaient les principaux

7 responsables.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois, je vois. C'est

9 l'interprétation fort personnelle que vous livrez de ces événements.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'ai encore une preuve.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ce ne sont pas des preuves.

12 C'est une opinion, rien d'autre.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Autre preuve, personne en Serbie n'a été jugé

14 pour avoir transporté des cadavres. J'ai des preuves, j'ai des preuves, des

15 preuves précises.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, donnez-les nous.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Dibran Dani, son cadavre a été inhumé par nos

18 autorités le 5 juin 1999. Nous avons une documentation complète qui montre

19 comment il a été tué, comment on a pris sa photographie et comment toutes

20 ces données ont été relevées, des échantillons ont été prélevés. Tout a été

21 fait conformément à la loi. Il a été enterré près d'Izbica au

22 Kosovo-Metohija. Plus tard, on l'a retrouvé à Petrovo Selo, près de

23 Batajnica en Serbie. Pourquoi notre gouvernement voudrait-il qu'un corps

24 qui a été enterré déjà une fois avec les tous les documents, les

25 photographies, il y a des photographies, vous pourrez les avoir de la

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1 police à Belgrade, pourquoi un tel corps serait-il déterré pour être emmené

2 près du Danube à Petrovo Selo ? Ce n'est pas logique. Pas du tout. Ici,

3 vous avez un nom, Dibran Dani. Il a été déterré à Izbica et le cimetière où

4 il a été trouvé a été photographié. On a fait une inspection visuelle des

5 corps. Il y a eu une autopsie, puis il a été enterré dans le cimetière

6 musulman de Nevoljane. On a une photographie de sa sépulture. Il y a des

7 archives, des photographies, ce corps a été enterré le 5 juin 1999, juste

8 avant l'arrivée de la KFOR, des occupants.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, vous vous contentez

10 simplement en guise de réponse de poser la question de savoir pourquoi ces

11 corps ont été transportés. C'est une question que vous avez posée et c'est

12 une question qui fait l'objet de notre enquête. J'avais pensé que vous

13 aviez des preuves, mais apparemment, ce n'est pas le cas.

14 Monsieur Milosevic, passez à une autre question, un autre sujet.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Seselj, je voudrais vous poser quelques questions afférant à

17 ce que vous venez de dire. Que savez-vous à propos de ces camions

18 frigorifiques, à propos de ces corps retrouvés à Batajnica et dans d'autres

19 lieux de Serbie ?

20 R. Ce qu'on a raconté à propos de ces cadavres, cela a d'abord été lancé

21 par un certain Oskar Kliper de Zajecar. Il travaillait dans les services de

22 la Sûreté de l'Etat, lui et son fils. Ils ont travaillé au Kosovo-Metohija,

23 ils ont volé un peu d'or. C'est la raison pour laquelle, ils ont été

24 chassés du service. Cet Oskar Kliper a changé de nom. Il a pris un nom

25 serbe officiellement et il a commencé à publier un magazine qui parlait de

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1 crimes, c'est lui qui a lancé cette histoire de cadavres, quelque chose que

2 l'opinion publique serbe a trouvé fort intéressant.

3 Si quelqu'un veut cacher des corps. Si c'est l'Etat qui veut faire ce genre

4 de choses, cet Etat dispose de beaucoup de moyens pour le faire, nous avons

5 des crématoriums dans beaucoup de cimetières et vous savez qu'on fait

6 beaucoup de crémations en Serbie. On aurait pu faire ceci dans beaucoup de

7 cimetières.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas entendu, je ne me

9 souviens pas du nom de famille de ce monsieur, cet Oskar, pourquoi est-ce

10 qu'il aurait lancé cette histoire à propos de cadavres, pourquoi faire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il l'a fait, c'est pour que l'opinion

12 publique serbe soit abasourdie, étonnée. C'est pour justifier l'enlèvement

13 de Slobodan Milosevic et son internement à La Haye. Une fois que cela a été

14 fait, ce récit a disparu, il n'y a pas eu de résultat à l'enquête essayant

15 de savoir pourquoi ces cadavres ont été transportés. Ces corps, ils ont été

16 identifiés, ramenés au Kosovo-Metohija, et ainsi de suite. Mais ceux qui

17 ont organisé le transport de ces cadavres par la suite sont restés aux

18 postes les plus importants du régime.

19 Il est important de voir qu'il n'y a pas eu de preuves. Qui a

20 transporté ces corps dans des camions frigorifiques ? Si cela avait été

21 fait, si quelqu'un l'avait fait, cela pourrait s'expliquer, mais pourquoi

22 est-ce qu'on jetterait tout camion dans le Danube où le niveau de l'eau

23 varie beaucoup. Ce n'est pas du tout logique.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci ne vous aide pas du tout,

25 Monsieur Milosevic. Ce ne sont que des hypothèses qui poussent à des

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1 spéculations. N'importe qui pourrait vous dire pourquoi ces corps ont été

2 transportés. Si M. Seselj n'a pas de preuves à ce propos, passez à un autre

3 sujet. Vous pourrez présenter ces arguments dans vos arguments de clôture,

4 dans vos conclusions. Ce n'est pas lieu de le faire maintenant.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas m'embêter avec toutes ces

6 histoires insensées. Ce que M. Nice essaie ici de mettre en scène. M.

7 Seselj a parlé de Dibran Dani --

8 M. NICE : [interprétation] Je voudrais que ceci fasse l'objet d'une

9 sanction parce que l'accusé n'a pas le droit de dire ici que je mets en

10 scène quoi que ce soit. C'est lui qui doit présenter des preuves.

11 Est-ce que je peux dire autre chose ? J'allais le faire plus tard au

12 moment de procéder à mon contre-interrogatoire mais vu le temps qui est

13 prévu pour ce témoin, je pense que nous devrons l'entendre en

14 interrogatoire principal pendant encore au moins trois jours avant que je

15 n'ai la parole. Il parle très fort. Ce n'est pas nécessaire. En fait, il

16 est ainsi beaucoup plus difficile de l'écouter et je demande à la Chambre

17 de demander au témoin à ce qu'il parle moins fort. Il est tout à fait à

18 même de le faire.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Deux choses, tout d'abord,

20 Monsieur Milosevic. Vous avez dit que l'Accusation mettait des choses en

21 scène. C'était tout à fait hors de propos.

22 Deuxième observation, c'est vrai, votre niveau de décibels est assez

23 élevé. Lorsque M. Nice a soulevé cette question le premier jour, j'ai

24 relevé qu'à mon avis, c'était votre niveau naturel, mais c'est difficile de

25 suivre ce que vous dites parce que vous parlez très, très fort. Je vais

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1 vous demander de diminuer le volume afin que nous puissions entendre les

2 interprètes parce que vous parlez à un niveau de décibels qui est vraiment

3 en collision avec la voix des interprètes que nous recevons par les

4 écouteurs. Parlez moins fort, s'il vous plaît.

5 Monsieur Milosevic, passez à autre chose pour voir si vous avez à

6 nous présenter des éléments de preuve qui seront en rapport plus direct

7 avec l'acte d'accusation.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, tout d'abord, pour ce qui

9 est de la remarque que vient de faire M. Nice, M. Seselj parle fort,

10 certes, mais c'est une habitude qui est la sienne. Je ne l'ai jamais

11 entendu parlé à voix basse, lui demander de chuchoter, je pense que c'est

12 tout à fait mal approprié. Comme vous le savez, "consuetudo quasi altera

13 natura". Donc, si c'est son habitude, c'est pratiquement devenu sa deuxième

14 nature. Il ne parle pas particulièrement fort à votre intention.

15 Au sujet du transport des cadavres, je lui demande s'il a des

16 informations montrant que nos organes d'Etat n'ont pas cherché à cacher des

17 cadavres. Tout au contraire, on a établi tous les constats, tous les

18 documents. Ceci montre que cela va tout à fait à l'opposé de l'affirmation

19 de M. Nice. C'est ce que vous allez voir ici. M. Seselj a mentionné le cas

20 de ce monsieur Dibran Dani.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Posez-lui la question.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. A l'intercalaire 24, Monsieur Seselj, auriez-vous l'amabilité

24 d'examiner cela. On trouve un constat sur un examen qui a été effectué par

25 les services de criminologie sur les lieux. Vous verrez là le cas de Dibran

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1 Dani à l'intercalaire 24. Vous avez le rapport sur l'examen technique et --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous n'avons pas

3 de traduction. Mais si vous avez un paragraphe qui n'est pas trop long,

4 nous pouvons le placer sur le rétroprojecteur comme nous faisons

5 d'habitude.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Dans cet ensemble, c'est une preuve montrant que l'Etat laissait des

8 traces sur des personnes tuées. Nous avons ici un procès-verbal, un constat

9 fait sur les lieux. Il y a eu un examen du site. S'il vous plaît, Monsieur

10 Seselj, vous avez tout d'abord un rapport, puis vous avez le formulaire, le

11 croquis, la disposition des tombes.

12 J'imagine qu'il ne serait pas utile de voir maintenant le dessin et

13 les photographies.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, on me montre le

15 sommaire, le tableau récapitulatif qui nous montre que ce document a déjà

16 été versé au dossier.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'était la déposition à M.

19 Stevanovic.

20 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait. Hier, Mme Dicklich s'est

21 adressée aux associés de l'accusé pour que le document vous soit

22 communiqué, et nous avons été informés que ce document était déjà mis à

23 votre disposition en anglais. Nous n'en avons pas fait une copie

24 supplémentaire, par conséquent. J'en ai une, mais je n'ai pas suffisamment

25 d'exemplaires pour tous les Juges de la Chambre pour le moment.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 M. NICE : [interprétation] Nous pouvons l'avoir plus tard.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En tout temps, Monsieur Milosevic,

4 s'il y a un paragraphe en particulier qui vous intéresse, est-ce que vous

5 pouvez attirer l'attention du témoin là-dessus pour que l'on puisse le

6 faire interpréter.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il n'y a pas lieu ici de

8 s'intéresser à un passage en particulier. A l'intercalaire 24, on voit

9 l'ensemble des documents établis au sujet de cet individu, ce qui a été

10 établi au Kosovo-Metohija. On voit à quel moment il a été inhumé, on voit

11 les photographies, et cetera. La question qui se pose est la suivante :

12 comment peut-il servir l'intérêt d'un organe d'état de déterrer un homme

13 qui a été enterré le 5 juin 1999 pour le transporter et pour l'enterrer

14 quelque part au nord de la Serbie ? Cela n'a absolument aucun sens. M.

15 Seselj vient de dire il y a un instant --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est une question que

17 vous me posez ? Puisque ce serait une inversion des rôles ici dans ce

18 procès. Si vous avez une question à poser au témoin sur ce point, faites-

19 le, mais ne faites pas de discours.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Monsieur Robinson, je vais poser ma

21 question au témoin.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Par exemple, ce jeu de documents que nous avons ici, est-ce que cela

24 montre que l'Etat a précisément, et ce, de manière officielle et

25 conformément à la loi, laissé des traces portant sur la mort d'un individu

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1 lorsque ceci se produisait, et que c'était tout à fait conforme à la loi ?

2 R. Dans les documents du gouvernement de Serbie et du ministère de

3 l'Intérieur de Serbie, on doit trouver un grand nombre de documents qui

4 montrent que nous, en tant que gouvernement, et ce, à plusieurs reprises,

5 avons insisté auprès de tous les organes de police pour apporter la plus

6 grande attention à tous les cadavres, qu'il s'agisse de victimes des

7 terroristes ou qu'il s'agisse de terroristes tués, qu'il s'agisse de civils

8 victimes de bombardements, et cetera. Autrement dit, que tous les cadavres

9 soient traités conformément à la loi, soient enterrés conformément à la

10 loi, qu'on marque les tombes, que chaque cadavre soit identifié par une

11 étiquette faite en matériaux indestructibles. Tout ceci existe dans les

12 documents du gouvernement de Serbie.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Seselj, nous avons

14 entendu votre réponse.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Seselj, quelques questions pour préciser ceci. A

17 l'intercalaire 24, nous avons les documents qui ont déjà été versés au

18 dossier. C'est un exemple précis, et j'espère qu'il est clair. Vous êtes

19 originaire de Batajnica.

20 R. Oui.

21 Q. A quelle fréquence cette banlieue a-t-elle été bombardée par l'OTAN ?

22 Est-ce que pendant toute la guerre vous avez vécu à Batajnica ?

23 R. Les deux tiers des nuits, je les ai passés à Batajnica. A peu près une

24 nuit sur trois, j'étais de garde en tant que vice-premier ministre du

25 gouvernement serbe, et j'étais au bâtiment, au siège du gouvernement ou au

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1 centre d'information et d'alerte; le centre de la république pour suivre

2 les attaques des bombardiers de l'OTAN. Pratiquement les deux tiers de ces

3 nuits je les ai passés dans ma maison à Batajnica. Pratiquement toutes les

4 nuits, il y a eu un bombardement de Batajnica, puisque c'est là que se

5 situe l'un de nos aéroports militaires les plus importants. En plus de

6 l'aéroport, on a bombardé des bâtiments civils. Batajnica a connu des

7 victimes civiles. Entre autres, une fillette âgée de trois ans, Milica

8 Rakic, a été tuée par un missile lancé par un avion.

9 Q. Très bien. Ces cadavres ont été révélés -- en fait, c'est quelque chose

10 que j'ai lu dans les journaux alors que j'étais déjà à la prison. Ce centre

11 de combat antiterroriste, est-ce qu'il n'a jamais été bombardé ?

12 R. C'est un centre qui se situe à l'entrée de Batajnica; centre de l'unité

13 spéciale antiterroriste. Pendant toute la durée de la guerre, pas une seule

14 bombe, pas un seul missile aérien n'a touché ce centre. L'unité elle-même,

15 quant à elle, elle a été redéployée ailleurs dès le début des

16 bombardements. Elle a été versée dans les activités de combats

17 antiterroristes au Kosovo-Metohija, mais personne n'est resté dans

18 l'enceinte du centre lui-même. On aurait pu le bombarder sans qu'il y ait

19 eu une seule victime, mais le centre n'a pas été bombardé. Jamais n'a-t-il

20 été bombardé. Dans la cour du centre, après la guerre et après le

21 changement du gouvernement, on a trouvé les cadavres, énormément de

22 cadavres.

23 Q. Monsieur Seselj, je vais vous poser maintenant une question au sujet de

24 Batajnica, la tension qui s'est portée tous les jours sur Batajnica, sur le

25 fait que ce centre de l'unité antiterroriste n'a jamais été bombardé.

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1 R. Ils ont bombardé nos hôpitaux, nos écoles, disant qu'on cachait peut-

2 être des soldats là-dedans, comme l'affirmait la propagande de l'OTAN.

3 C'est incroyable. C'est invraisemblable que le centre de l'unité spéciale

4 antiterroriste n'ait jamais été bombardé. On a bombardé le bâtiment vide du

5 Grand état-major, du ministère de la Défense, de nombreux autres bâtiments,

6 mais le siège de l'une de nos unités de police les plus importantes, lui,

7 n'a jamais été bombardé.

8 Q. Très bien. Maintenant, voyons cette zone. Batajnica, ce centre, ils ont

9 fait l'objet de l'attention des actions de reconnaissance. Est-ce qu'on

10 aurait pu enterrer un grand nombre de cadavres sur ce polygone et que

11 l'OTAN ne s'en aperçoive pas ?

12 R. C'était impossible. Des awacs étaient sans arrêt dans le ciel de la

13 Serbie. Ils auraient pu enregistrer tout mouvement, tout véhicule. Nous, en

14 tant que membres du gouvernement serbe, nous devions déconnecter nos

15 mobiles parce qu'ils pouvaient identifier l'endroit où on se trouvait

16 d'après nos mobiles. On a été constamment surveillé, constamment suivi pas

17 l'OTAN. Il est impossible qu'on ait pu transporter ces cadavres et qu'on

18 n'ait pas enregistrer le mouvement de ces camions à bord desquels ils ont

19 été transportés.

20 Q. A quel moment avez-vous appris pour la première fois qu'il y a eu des

21 transports de cadavres de Kosovo-Metohija ailleurs en Serbie ?

22 R. C'est au début de l'année 2002 pour la première fois. Je n'ai pas

23 pu y croire. Je me suis dis, c'était peut-être des cadavres de la Première

24 guerre mondiale ou du roi, du tsar, à la suite de quelque chose qui date du

25 Moyen Age. Comment on aurait pu transporter ces cadavres au centre où est

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1 basée une unité de police d'élite ? Personne ne peut nous expliquer quel

2 aurait été le mobile et comment est-ce que ceci aurait été possible.

3 Q. M. Nice dit que c'est ainsi qu'on a cherché à cacher des crimes commis

4 par les forces de la République fédérale de Yougoslavie au Kosovo-

5 Metohija ?

6 R. Sur le site, on a établi tous les documents sur les victimes, les

7 victimes civiles, les victimes parmi les terroristes, les victimes des

8 bombardements, donc tous les documents complets. Comment voulez-vous, qu'en

9 même temps, on cherche à cacher des cadavres ? On devrait être un imbécile

10 total pour agir de la sorte, pour aller cacher des cadavres.

11 Q. Très bien.

12 R. Attention, le régime n'a présenté aucune preuve, pas la moindre preuve

13 disant qu'il s'agit de victimes civiles, que ce sont des cadavres de

14 civils. Tout simplement, on est allé ramasser des cadavres à différents

15 endroits. On les a apportés là, pour qu'au moment opportun, on puisse les

16 trouver à Batajnica.

17 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj. Nous allons changer de sujet à

18 présent.

19 Au paragraphe 16, il est dit que cette soi-disant entreprise criminelle

20 commune à laquelle j'aurais pris part moi-même ainsi que d'autres

21 fonctionnaires d'Etat, et comme il est dit, "d'autres personnes connues ou

22 inconnues", que cette entreprise criminelle commune avait pour objectif, et

23 je vous cite au paragraphe 16 : "L'objectif de cette entreprise criminelle

24 commune était entre autres l'expulsion d'une partie considérable de la

25 population du Kosovo hors du territoire de cette province afin de la

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1 maintenir sous contrôle serbe." J'en ai terminé avec ma citation.

2 A l'époque, vous étiez vice-premier ministre du gouvernement de

3 Serbie. Saviez-vous quoi que ce soit à ce sujet, que moi-même, d'autres

4 fonctionnaires d'Etat ou qui que ce soit d'autres haut placés dans les

5 autorités serbes ou yougoslaves aient eu cela pour objectif ? Cela c'est un

6 premier point. Un deuxième point. Est-ce que vous comprenez cette

7 explication que l'on voit ici, à savoir qu'on cherchait à s'assurer le

8 contrôle serbe dans cette province ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, avant que vous ne

10 répondiez, je précise qu'il s'agit là d'un type de questions auquel vous

11 aviez l'habitude de répondre très longuement. Je voudrais que vous nous

12 apportiez une réponse spécifique, brève. Si vous apportez une réponse

13 brève, M. Milosevic pourra vous reposer d'autres questions par la suite. La

14 première question était de savoir si vous aviez une information quelle quel

15 soit au sujet de son implication ou de sa participation à cette entreprise

16 criminelle commune.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur Robinson, vous n'avez pas bien

18 compris ma question. Je n'ai pas parlé de ma participation; je lui ai

19 demandé tout d'abord s'il était au courant de l'existence d'une entreprise

20 criminelle commune quelle quel soit. Comment peut-on prendre part à une

21 entreprise criminelle commune si elle n'a pas existé ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Oui.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, il n'y a eu aucune entreprise

24 criminelle commune. Il n'y a aucun projet, aucune intention d'expulser une

25 partie considérable de la population albanaise du Kosovo-Metohija. Même

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1 s'il y en avait une, s'il y avait eu cette intention, qu'est-ce que cela

2 signifie ? Aujourd'hui, vous les expulsez, demain vous serez obligé de les

3 ramener. Ce serait totalement illogique de concevoir un plan de ce genre.

4 Un troisième point. J'ai appris par la première fois quelque chose de ce

5 genre en lisant un article de Washington Post sur Internet. J'étais vice-

6 président du gouvernement à l'époque. C'est là qu'on a mentionné la soi-

7 disant opération Fer à cheval. Là, il est dit, que fin octobre 1998,

8 lorsque le général Clark s'est rendu à Belgrade, Momcilo Perisic lui aurait

9 parlé de cela, lui disait que c'était en préparation. Nous savions que

10 Perisic était un espion de la CIA. Il a été renvoyé quelques jours plus

11 tard. C'est la CIA qui a monté l'opération Fer à cheval.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre là. Vous

13 avez apporté votre réponse. Vous n'étiez pas au courant de l'existence

14 d'une quelconque entreprise criminelle commune comme ceci est allégué à

15 l'acte d'accusation.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à préciser, à ajouter, que si ceci

17 avait existé, il aurait été tout à fait impossible que je ne sois pas au

18 courant.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous vous avons entendu.

20 Votre question suivante, Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Au paragraphe 53, je cite : "Après le début de cette entreprise

23 criminelle commune, à partir du 1er janvier 1999 ou à peu près à cette date-

24 là jusqu'au 20 juin 1999, Slobodan Milosevic - je ne vais pas citer les

25 autres noms - ainsi que d'autres connus ou inconnus ont planifié à citer à

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1 commettre, ordonner, commis ou de toute autre manière aider et encourager

2 une campagne de terreur et de violence délibérée et généralisée ou

3 systématique, dirigée contre les civils albanais du Kosovo vivant dans

4 cette province de la RFY."

5 Puisque ce genre de campagne de terreur et de violence délibérée

6 généralisée ou systématique n'aurait pas pu avoir été mise en place sans

7 que vous, en tant que vice-président du gouvernement, n'y participiez pas

8 et ne soyez pas au courant, dites-moi, est-ce que ce genre de campagne a

9 existé ? De manière générale, je vous invite à commenter ce que je viens de

10 lire, ce qui figure au

11 point 53.

12 R. Cette campagne n'a pas existé. Nous avions des informations fiables

13 disant que les terroristes albanais, ce, par des moyens divers, par la

14 propagande et par l'intimidation, ont cherché à pousser le plus grand

15 nombre de membres de leur peuple à quitter le territoire du Kosovo-Metohija

16 en se rendant vers l'Albanie ou la Macédoine.

17 Puisqu'au moment des bombardements, nos forces de police et nos forces

18 militaires ont lancé des activités antiterroristes, de nombreux terroristes

19 sont déguisés en civil, et ils incitaient leur peuple à s'exiler. Ils ont

20 profité de l'occasion pour quitter notre territoire, mêlés à la population.

21 Nous avions des informations en nous montrant qu'ils se regroupaient en

22 Albanie, ils se réarmaient, et qu'ils se lançaient dans des escarmouches

23 frontalières avec nos unités. Nous avons donné des ordres stricts à nos

24 forces; tout d'abord, à convaincre la population albanaise de ne pas

25 partir.

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1 Si ceci n'était pas possible, d'assurer la sécurité de leur

2 déplacement, de faire en sorte qu'ils ne tombent pas sur les champs de

3 mine, de leur fournir une assistance sous forme de nourriture - le plus

4 souvent, c'était du pain, mais d'apporter de la nourriture, de leur donner

5 de l'eau potable, fournir des soins médicaux. Il est arrivé souvent que des

6 colonnes d'Albanais qui s'acheminaient vers la frontière soient prises pour

7 cibles par l'aviation de l'OTAN, et qu'il y ait des victimes; des victimes

8 nombreuses.

9 Q. Au paragraphe 55, il est dit : "Les forces de la RFY de la Serbie ont

10 délibérément, et sur une grande échelle ou systématiquement, expulsé par la

11 force de la province et déplacé à l'intérieur de celle-ci des centaines de

12 milliers d'Albanais du Kosovo. Afin de faciliter ces expulsions et ces

13 déplacements, les forces de la RFY et de la Serbie ont délibérément créé un

14 climat de peur et d'oppression en faisant usage de la force ou en menaçant

15 de le faire ou encore en se livrant à des violences."

16 D'après ce que vous saviez en tant que vice-président du gouvernement, qui

17 je suppose, doit être au courant lorsqu'il s'agit de ce genre de choses,

18 est-ce qu'il y a eu des expulsions ? Est-ce qu'on a cherché à déplacer de

19 force les Albanais kosovars comme ceci est allégué dans ce que je viens de

20 citer ?

21 R. Non, il n'y a absolument aucune expulsion, aucun déplacement forcé. Il

22 y a eu des incidents mais des incidents isolés, lorsque des soldats ou des

23 policiers ont tenté de profiter de l'occasion, la situation de guerre pour

24 piller, pour s'approprier quoi que ce soit pour aliéner ces Albanais des

25 biens. Dans ce genre de situation, nos organes d'Etat sont intervenus de

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1 toute urgence et ont toujours poursuivi ces individus. Pour autant que le

2 sache, il y a plusieurs centaines de cas de ce genre. Je ne connais pas le

3 chiffre exact mais des instructions strictes sont venues de Belgrade, du

4 gouvernement de la République, du gouvernement fédéral, du ministère de

5 l'Intérieur de la République de Serbie pour qu'on soit très énergique pour

6 poursuivre dans tous ces cas. Il y a eu plusieurs procès, toute une série

7 de procès contre des Serbes, des policiers ou des soldats qui ont enfreint

8 à la loi.

9 Q. Très bien, mais est-ce que de manière délibérée, on a cherché à imposer

10 une situation de terreur et est-ce qu'on a recours à la force ? Est-ce

11 qu'on a cherché à délibérément créer un climat de peur et d'oppression ?

12 R. Il y a eu des menaces et des violences, mais ce de la part de

13 l'organisation terroriste albanaise qui là où elle n'a pu convaincre ces

14 concitoyens à quitter le Kosovo, se livrait même à des liquidations, des

15 meurtres et à un recours à la force, des menaces et des choses de ce genre.

16 Q. Monsieur Seselj, au paragraphe 56 du volet kosovar de l'acte

17 d'accusation, il est dit : "Partout au Kosovo, les forces de la RFY et de

18 la Serbie ont entrepris une campagne délibérée et généralisée ou

19 systématique de destruction de biens appartenant aux civils albanais du

20 Kosovo. Elles ont pour cela largement bombardé des villes et des villages,

21 incendié des bâtiments, dont des habitations, des fermes, des commerces,

22 des monuments culturels et des sites religieux et détruit des biens

23 personnels. Ces actions orchestrées ont eu pour effet de rendre

24 inhabitables par les Albanais du Kosovo des villages, des villes et des

25 régions entières."

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1 J'en ai terminé avec ma citation, je dois vous poser ma question

2 maintenant. Est-ce que cette soi-disant campagne de destruction de biens a

3 eu lieu d'une manière qu'elle quelle soit. Vous, en tant que vice-président

4 du gouvernement serbe, vous deviez être au courant de cela.

5 R. Il n'y a pas eu de campagne de destruction de biens appartenant aux

6 civils albanais du Kosovo, et ce, de la part du gouvernement serbe ou de la

7 part des autorités de la République fédérale de Yougoslavie. S'il y a eu

8 destruction partielle des biens, ceci n'a pu se produire que dans le cadre

9 des conflits qui ont opposé les organes légaux aux terroristes albanais.

10 Mais, il y a un moyen très simple de savoir s'il y a eu ou non cette

11 campagne. Essayons de voir qu'elle est la partie des biens appartenant aux

12 Albanais qui ont été détruits dans les bombardements et combien en a été

13 détruit grâce à l'activité de nos unités de police et notre armée. Je vous

14 garantie que ce sont les bombardiers de l'OTAN qui en ont détruit bien

15 davantage.

16 D'ailleurs s'il y a eu des villes, des villages, des zones entières

17 qui sont devenus inhabitables pour les Albanais kosovars, c'était à cause

18 des bombardements de l'OTAN parce qu'on les a bombardé à l'uranium

19 appauvri. C'est à cause de cela que ces localités sont inhabitables. C'est

20 à cause de cela qu'il y a ce nombre accru de décès par le cancer dans la

21 population kosovare. La presse italienne en parle.

22 Les bombes à fragmentation ont été utilisées elle aussi par l'OTAN,

23 alors qu'elles sont interdites dans le droit international. Vous avez des

24 restes, des fragments des bombes à fragmentation partout au Kosovo-Metohija

25 et à l'intérieur de la Serbie. Il est très difficile de nettoyer tout cela.

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1 Même après la guerre, on a eu des cas de décès des enfants albanais par ces

2 bombes à fragmentation sur lesquelles ils tombaient au hasard de leurs jeux

3 d'enfants. C'est avant tout ces zones qui ont été touchées par l'uranium

4 appauvri qui sont devenues inhabitables.

5 Q. Les villes, les villages, des zones entières du Kosovo-Metohija sont-

6 ils devenus inhabitables pour les Serbes et pour d'autres individus non-

7 Albanais ?

8 R. Oui, puisque pour les Serbes, il a été impossible de rester à vivre là

9 où les Albanais sont devenus majoritaires après l'entrée des forces

10 d'occupation. Un exemple pour vous montrer que les localités ne sont pas

11 devenues inhabitables pour les Albanais, c'est le fait qu'après l'entrée

12 des forces d'occupation des centaines de milliers d'Albanais venus

13 d'Albanie se sont installés au Kosovo-Metohija. Ils se sont précités pour

14 s'installer ici puisque le niveau de vie est meilleur, la vie économique

15 plus seine. Donc, c'est bien plus intéressant. Pourquoi aurait-il quitté

16 l'Albanie qui, elle, n'a pas été détruite pendant la guerre pour

17 s'installer au Kosovo-Metohija si le Kosovo-Metohija avait été détruit dans

18 la guerre ? Après la guerre, on s'est acharné sur les biens des Albanais

19 qui étaient partis et des biens appartenant à tous les autres groupes

20 nationaux.

21 Q. Monsieur Seselj, pour ce qui est des bâtiments civils, est-ce que le

22 gros des bâtiments civils ont été détruits au Kosovo-Metohija dans la

23 guerre ?

24 R. Oui, mais c'est du fait de l'OTAN. Lorsque vous voyez ce qui a été

25 bombardé par l'OTAN. Même le cimetière de Pristina a été bombardé, les

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1 squelettes s'envolaient partout pendant ces bombardements. Quel genre de

2 cible peut constituer un cimetière ?

3 Q. Vous avez vu le bombardement du centre ville de Pristina ?

4 R. Je ne l'ai vu qu'à l'image à la télévision, mais c'est une preuve très

5 éloquente pour nous montrer quels ont été les moyens auxquels a eu recours

6 l'OTAN. J'ai vu le bombardement de Belgrade. Je l'ai vécu toutes les nuits.

7 Belgrade s'est trouvé bombardé par les bombes et les missiles de l'OTAN.

8 Q. Le début de la teneur du paragraphe 57 dit : Non contents de détruire

9 délibérément des biens, les forces de la RFY et de la Serbie ont

10 continuellement soumis les Albanais du Kosovo à des injures, des insultes à

11 connotation raciale, des actes dégradants et autres mauvais traitements

12 physiques et psychologiques en raison de leur appartenance, et cetera. Les

13 forces serbes et les forces de la RFY sont allées de villages en villages,

14 dans les villes, de quartiers en quartiers, menaçant la population

15 albanaise du Kosovo d'expulsion. Souvent des Albanais du Kosovo étaient

16 menacés, agressés ou même tués en public afin d'inciter leurs familles et

17 leurs voisins à partir."

18 Si je vous cite ainsi, c'est uniquement parce que cela figure dans le

19 texte. Ne pensez pas que c'est la langue serbe telle que je la parle parce

20 que cela c'est vraiment le résultat du travail d'un illettré. "De nombreux

21 Albanais du Kosovo qui n'avaient pas été directement expulsés par la force

22 de leur communauté en fuyant en raison du climat de terreur créé dans toute

23 la province par la campagne généralisée et systématique d'agressions

24 physiques, de harcèlements, de violences sexuelles, d'arrestations

25 illégales, de meurtres, de bombardements et de pillages. Les forces de la

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1 RFY et de la Serbie ont continuellement soumis les Albanais du Kosovo à des

2 injures, des insultes à connotation raciale, des actes dégradants et autres

3 mauvais traitements physiques et psychologiques en raison de leur

4 appartenance raciale, religieuse et politique. Toutes les couches de la

5 population albanaise du Kosovo ont été déplacées y compris les femmes, les

6 enfants, les personnes âgées et les infirmes."

7 Alors, la police et l'armée de notre pays, est-il vrai qu'elles se

8 sont livrées à ces actes de brutalité et de violence contre les civils

9 albanais du Kosovo sur une grande échelle ou systématiquement afin

10 d'entretenir le climat de terreur et de chaos, et d'instiller en eux la

11 peur de mourir ?

12 R. Cela, c'est une fabrication pure. C'est inventé de toutes pièces.

13 Voyons quel est le nombre de victimes au Kosovo-Metohija pendant les

14 bombardements. Voyons quel est le nombre d'Albanais tués. Vous verrez que

15 ceci est inventé de toutes pièces.

16 Je n'exclus pas qu'il y ait eu quelques incidents isolés parce qu'on

17 se rappelait que quelqu'un était un terroriste ou proche des terroristes,

18 et cetera, et qu'il y ait eu une manifestation, un excès, un abus, mais de

19 la part d'un individu mais on ne peut pas généraliser. Lorsque vous voyez

20 la liste totale des victimes, vous verrez que ceci ne correspond à ce qui

21 est allégué à l'acte d'accusation. On ne peut pas affirmer qu'il y a un

22 tout nombre de victimes dû aux bombardements et qu'il y en a eu davantage

23 dans les activités anti-terroristes, mais c'est tout à fait à l'inverse.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il est temps de

25 faire une pause de 20 minutes. Nous allons la faire à présent.

Page 43013

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

2 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, continuez

4 je vous prie.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Seselj, comme ce paragraphe 57 le cite, les Albanais du Kosovo

7 se sont-ils enfuis pour cause d'ambiance de terreur mise en place par ces

8 agressions, mauvais traitements systématiques, emprisonnements contraires

9 aux droits, et ainsi de suite ?

10 R. Absolument pas. La raison fondamentale du départ massif des Albanais,

11 c'était les bombardements. Ils n'ont pas été les seuls à s'en aller. Bon

12 nombre de Serbes, Musulmans, Goranis, Turcs et autres sont partis à la

13 recherche d'endroits plus sûrs.

14 Deuxièmement, un grand nombre d'Albanais ne se sont pas dirigés vers

15 l'Albanie et la Macédoine mais sont partis en direction de la Serbie et du

16 Monténégro. Ce sont des gens qui ont fui pour sauver leur vie, pour sauver

17 la vie de leurs familles sous ces fardeaux de bombes américaines et pour

18 fuir les missiles américains.

19 Deuxièmement encore, ou autre chose, cette émigration albanaise a

20 diligenté une campagne systématique pour les inciter à quitter le

21 territoire. Un grand nombre de tracts ont été jetés à l'intention de la

22 population pour l'inciter à quitter les villages, les villes de leur

23 région. Nous avons pu nous saisir d'un certain nombre de tracts distribués

24 ainsi.

25 Nous n'avons donc pas, nous, conduit une politique de persécution et

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1 de départ forcé; nous avons, au contraire, essayé de convaincre la

2 population albanaise de ne pas quitter, de ne pas s'en aller. Du reste,

3 comme le reste de la population, nous n'avons pas réussi parce que la peur

4 des bombardements était très grande. Je n'exclus pas une possibilité comme

5 je l'ai dit, à savoir qu'il y ait eu des incidents, des intentions

6 criminelles déshonorables de la part de certains soldats ou de la part de

7 certains policiers, mais je ne suis au courant, moi-même, d'aucun cas de

8 viol. Il y en a peut-être eu; je ne suis pas au courant. Nous, en qualité

9 du gouvernement de Serbie, nous n'avons pas disposé d'éléments de cette

10 sorte, mais nous avons donné des ordres aux instances de l'état pour ce qui

11 est de poursuivre tous les cas de violations flagrantes de la loi.

12 Q. Vous nous avez dit que les Albanais ont fui mais que les Serbes ont fui

13 également. Alors, pouvez-vous nous dire d'une manière générale s'il y a eu

14 une différence pour ce qui est des motifs de fuite des Albanais et des

15 Serbes et autres non-Albanais ?

16 R. La raison fondamentale était la même. Vous savez, Monsieur Milosevic,

17 que je réside à Batajnica. Après les premiers bombardements, j'ai envoyé ma

18 femme et mes enfants vers ses parents à elle, mes beaux-parents. Je m'étais

19 dit, que si j'étais tué, ce ne serait pas un grand dommage, mais je ne

20 voulais pas que mes enfants soient exposés aux risques de ces

21 bombardements. J'ai pensé que ma maison pouvait être ciblée du reste comme

22 la vôtre. Cette ambiance de peur a été créée par les bombardements; cette

23 peur n'a pas existé auparavant. S'il y avait eu une ambiance de terreur que

24 nous aurions créée, cela aurait été présent avant les bombardements.

25 Mais avant les bombardements, dans toutes les villes au Kosovo-Metohija,

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1 tout était paisible. Je dirais même idyllique d'une certaine façon. Il n'y

2 a pas eu de situation d'incident dans les villes. Les incidents survenaient

3 dans les régions rurales où intervenaient les terroristes albanais.

4 A la veille des bombardements, toutes les voies de communication ont

5 été praticables. Il n'y a pas eu une seule voie de communication qui n'ait

6 été obstruée pas les actions des terroristes, à tel point que nos forces

7 ont été à même de faire face à leurs activités.

8 Lorsque j'allais à Kosovo, on ne pouvait pas aller de Pec à Drenica

9 pour aller à Pristina. J'ai dit à la radio que j'allais emprunter cette

10 route-là. L'accusé Limaj, en prison, m'a raconté qu'ils m'ont entendu dire

11 cela à la radio, et ils ont organisé une embuscade sur cette route. Je ne

12 suis pas si naïf que cela, j'ai emprunté une autre route pour ma part. Mais

13 à la veille de la guerre, je dirais que toutes les voies de communication

14 étaient tout à fait praticables.

15 Q. Est-ce que qui compte a créé une ambiance de terreur parmi la

16 population ?

17 R. Il n'y a que l'organisation terroriste albanaise, ce qu'il est convenu

18 d'appeler l'UCK qui l'a fait. Il y a eu bien des cas où ils ont tué des

19 compatriotes à eux en les accusant d'être loyaux vis-à-vis des autorités

20 serbes ou alors parce qu'ils ont désobéi à des instructions de leur part,

21 entre autres instructions leur enjoignant de quitter leurs maisons, leurs

22 foyers pour se diriger vers des contrées inconnues.

23 Q. Comme on le dit dans ce 57, est-ce que les Albanais ont toujours été

24 offensés, systématiquement insultés, harcelés et poursuivis de façon

25 systématique ?

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1 R. Non. En tout état de cause, il n'y a pas eu d'activités de cette sorte

2 soutenues par les autorités. Il y a eu des incidents sur des fondements ou

3 des bases ethniques dans la population. Un peu avant la guerre, quelque peu

4 avant la guerre, des terroristes albanais ont jeté une bombe dans un café à

5 Pristina où se réunissaient des lycéens serbes. Je crois qu'il y a en eu

6 cinq ou six de tués. Ces activités terroristes ont forcément creusé la

7 défiance interethnique. Il y avait une grande dose de défiance

8 interethnique, mais il n'y a pas eu d'activités systématiques déployées à

9 cette fin, et il y a encore moins eu d'activités systématiques encouragées

10 par les autorités.

11 Q. Je vous prie maintenant de vous pencher sur le paragraphe 58. Le 57 on

12 vient de la parcourir.

13 R. Dites-moi, quel est l'intercalaire ?

14 Q. Non, non. Ce n'est pas un intercalaire; c'est le

15 paragraphe 58 de l'acte d'accusation.

16 R. Je n'ai pas l'acte d'accusation ici. Je l'ai, mais je ne l'ai pas

17 apporté avec moi. Mais je peux vous suivre très attentivement, Monsieur

18 Milosevic, je n'en ai pas de besoin, du reste.

19 Q. J'espère qu'on pourra vous confier un exemplaire pour que vous l'ayez

20 sous les yeux. Je vais vous citer ce que dit ce paragraphe 58. On y dit ce

21 qui suit : "Des milliers d'Albanais du Kosovo qui avaient fui leurs maisons

22 en raison du comportement des forces de la RFY et de la Serbie et du climat

23 de terreur délibérément instauré sur tout le territoire de la province, on

24 rejoint des convois de personnes qui se dirigeaient vers les frontières du

25 Kosovo avec la République d'Albanie et l'ex-République yougoslave de

Page 43017

1 Macédoine. Le long des routes menant aux postes-frontières, les forces de

2 la RFY et de la Serbie ont installé des postes de contrôle, où les Albanais

3 du Kosovo déplacés étaient là encore victimes de sévices, d'extorsion, de

4 vol, de harcèlement, d'agressions, d'arrestations illégales et de meurtres.

5 En d'autres occasions, les forces de la RFY et de la Serbie ont escorté

6 jusqu'à la frontière des groupes d'Albanais expulsés du Kosovo. Les forces

7 de la RFY et de la Serbie contrôlaient ainsi le déplacement des Albanais du

8 Kosovo en direction des frontières. Les Albanais du Kosovo déplacés

9 arrivaient souvent aux frontières de la province à pied, en convois de

10 plusieurs milliers de personnes ou en tracteurs, remorques et camions ainsi

11 qu'à bord de trains, d'autocars ou de camions; tout moyen de transport

12 organisé fourni par les forces de la RFY et de la Serbie."

13 Est-ce que les Albanais qui allaient vers la Macédoine et l'Albanie

14 s'en allaient en raison de la terreur exercée par les autorités ? Vous

15 venez d'entendre cette longue citation du

16 paragraphe 58.

17 R. Il n'y a pas eu de terreur déployée par les autorités. Si nous n'avons

18 pas été capables de convaincre les Albanais de ne pas quitter leurs

19 maisons, nous nous sommes efforcés du moins à les aider. Si c'était nous

20 qui avions déployé ou mis en place une ambiance de terreur, pourquoi nous

21 leur aurions-nous porté du pain en quantité énorme pour ces malheureux

22 Albanais qui ont été chassés soit par l'OTAN, soit par leurs compatriotes

23 de cette organisation terroriste de l'UCK à quitter le territoire ?

24 Pourquoi aurions-nous organisé ces approvisionnements en eau ?

25 Ces longues colonnes d'Albanais qui quittaient leurs logis, leurs

Page 43018

1 maisons pour se diriger vers les passages frontières nous créaient, aux

2 autorités, de gros problèmes. Nous nous sommes efforcés, pour notre part, à

3 les aider. Nous leur avons fourni des moyens de transport. Il n'y a pas eu

4 un seul cas où il leur ait été confisqué un tracteur ou une remorque de

5 tracteur.

6 Il y a eu certes des incidents où des individus auraient mis à

7 profit la tragédie de ces malheureux pour les piller. Dans ces cas-là,

8 notre police intervenait pour les arrêter. Je n'exclus pas le fait qu'il

9 ait eu des cas isolés de mauvais traitements ou de harcèlement. Voyez les

10 chiffres. Combien de gens y avait-il à se déplacer vers les frontières ?

11 Combien d'entre eux ont été tués par les bombardements de l'OTAN, et

12 combien d'entre eux auraient été tués à l'occasion de ces situations

13 d'incidents survenus éventuellement ? Là, la disproportion entre les

14 chiffres est énorme. Donc, cette thèse de l'acte d'accusation n'a aucun

15 fondement réel, parce qu'un fondement de cette nature devrait se baser sur

16 les chiffres. Où sont ces chiffres ?

17 Q. Dites-moi, qu'est-il advenu de ce que j'ai cité, à savoir qu'à des

18 postes de contrôle les policiers ou les soldats auraient soumis les

19 Albanais à des mauvais traitements, à des vols, à des extorsions, des

20 harcèlements et des meurtres ?

21 R. Voyez-vous, les rationalités de cette affirmation. Il y avait des

22 centaines de milliers d'Albanais dans ces colonnes. Il aurait, semble-t-il,

23 des postes de contrôle qui arrêteraient la colonne entière pour arrêter,

24 pour tabasser ou pour piller. Est-ce que vous savez ce que signifie que

25 d'arrêter une telle colonne de personnes ? Lorsque nous avons des

Page 43019

1 manifestations ou des meetings à Belgrade et lorsque vous avez 50 ou 100

2 000 personnes, nous avons tout le temps des appréhensions afin de voir un

3 incident survenir qui bougerait, qui déplacerait cette masse. Alors, vous

4 avez une centaine de milliers ou des centaines de milliers d'Albanais, et

5 vous auriez quelques policiers qui s'aventureraient à les malmener ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'espère

7 sincèrement que le témoignage de M. Seselj sur d'autres points différera du

8 témoignage que nous avons entendu jusqu'à présent, parce que jusqu'à

9 présent, dans son témoignage, à mon avis, il n'y a rien de susceptible

10 d'aider votre cause. Parce que ce que l'on a entendu, ce sont des

11 commentaires généraux sur des passages de l'acte d'accusation. S'agissant

12 des autres témoins, disposaient d'informations relatives aux incidents

13 cités à l'acte d'accusation. Mais ce que M. Seselj est en train de nous

14 dire, c'est à quel point il est incroyable de voir, ou plutôt à quel point

15 sont incroyables ces allégations faites à l'acte d'accusation. Ce sont des

16 commentaires de nature générale. Je me demande même si un témoignage de

17 cette nature convient à l'exploitation du temps des Juges de la Chambre. Je

18 vais consulter mes collègues à ce sujet pendant la pause qui viendra.

19 Je pensais que M. Seselj aurait des informations spécifiques qui

20 concerneraient l'acte d'accusation. Regardez le dernier élément qu'il a

21 avancé. Il n'a rien dit du tout. Il n'a fait que soulever des points

22 relatifs aux allégations qui figurent à l'acte d'accusation, et tel que

23 cela est indiqué par l'acte d'accusation. Il dit que cela est incroyable.

24 Mais cela nous vous aide pas -- ne nous aide pas. Il ne semble pas abonder

25 dans le sens de votre cause.

Page 43020

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il est exact d'affirmer que

2 ceci sont des points de nature générale. Ici, les allégations de l'acte

3 d'accusation sont des allégations de nature générale. Elles disent qu'il y

4 a entreprise criminelle commune, qu'il y a un planning. J'ai cité ce que M.

5 Nice a rédigé, ou plutôt ce qu'a rédigé le bureau de Mme Del Ponte. On y

6 affirme qu'il y a là un plan, une entreprise criminelle commune. Nous avons

7 ici le vice-premier ministre et le président du Parti radical serbe qui

8 devait forcément être au courant d'une entreprise de cette nature. Parce

9 qu'il devrait être au courant d'un plan de cette nature si tel plan avait

10 existé. Or, il est venu témoigné ici pour dire que cela n'est pas vrai et

11 que cela est tout à fait invraisemblable, et que ce qui est cité ici est

12 une contrevérité absolue. Les choses sont mises sens dessus dessous. M.

13 Nice n'a prouvé aucune existence de plan. Il a parlé d'un plan appelé Fer à

14 cheval; ce qui est tout à fait invraisemblable.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne dis pas que cela n'est pas

16 pertinent puisque cela se rapporte à certaines allégations de l'acte

17 d'accusation. La question que je me pose, c'est celle de savoir si c'est la

18 meilleure façon d'utiliser le temps qui est mis à votre disposition.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si M. Nice renonce à ses parties de l'acte

20 d'accusation qui portent sur l'entreprise criminelle commune, je n'ai pas

21 de questions à poser à ce sujet. Mais on a parlé d'une entreprise

22 criminelle fantôme qui aurait, et d'une intention inexistante, qui serait

23 celle des autorités serbes pour ce qui est de l'expulsion d'Albanais et

24 d'exécution d'Albanais. Je suis en train de citer ce qui est dit.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43021

1 Q. Monsieur Seselj, est-ce que l'armée, la police et les autorités civiles

2 se sont servies de moyens pour influer sur les Albanais à ne pas quitter le

3 pays ?

4 R. Oui.

5 Q. Que voulez-vous dire ? Que veut dire --

6 R. Bien, nous nous sommes servis que de tentative de les convaincre en

7 leur fournissant des garanties de sécurité pour ce qui est d'être gardés et

8 protégés par notre police et l'armée.

9 Q. Est-ce que les autorités serbes --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, arrêtez-vous là.

11 C'est une question des plus pertinentes, et c'est une question qui est

12 contestée. Essayons à présent d'entendre de la bouche de M. Seselj sur quel

13 fondement se base ces informations.

14 Monsieur Seselj, sur quoi se fonde la réponse que vous venez de donner à M.

15 Milosevic ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons tenu au quotidien des séances du

17 gouvernement. Au moins trois fois par semaine, j'ai eu des réunions avec M.

18 Milosevic pendant les bombardements. J'ai été directement mis au courant de

19 tout ce qui se passait au Kosovo-Metohija. J'ai participé à la création de

20 ce qui s'est passé, à savoir, la création de la politique suivie par le

21 gouvernement. Sans le gouvernement de la Serbie, personne ne saurait faire

22 quoi que ce soit là-bas. Sans que le gouvernement ne le sache rien ne se

23 passait. La politique de l'autorité serbe visait à ne pas faire partir les

24 Albanais. Le gouvernement voulait aider les Albanais du Kosovo pour les

25 protéger à l'égard des terroristes et à l'égard des bombardements du pacte

Page 43022

1 de l'OTAN.

2 D'autre part, nous avons eu aussi des appréhensions. Si

3 l'organisation terroriste venait à faire partir tous les Albanais du

4 Kosovo-Metohija, les bombardements de l'OTAN ne feraient que s'intensifier.

5 Pourquoi voulez-vous que nous voulions rester sans la population civile au

6 Kosovo-Metohija ? La population civile était nécessaire; il fallait que le

7 territoire demeure habité.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Passez à la question suivante.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il me semble que nous aurions besoin

10 d'exemples concrets. S'il y a eu des tentatives de convaincre ces gens-là,

11 s'il y a eu aide matériel d'apporter, s'il y a eu des garanties de

12 sécurité, s'il y a eu des promesses de protection de la part de la police

13 et de l'armée, nous aurions à cet effet besoin d'exemples concrets pour

14 nous aider.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous parle d'exemples concrets. Le Conseil

16 exécutif provisoire du Kosovo-Metohija était constamment sur le terrain. Au

17 gouvernement, j'étais chargé de l'économie et des finances, et je sais

18 pertinemment que nous avons fourni des moyens énormes pour assister la

19 population sur le terrain indépendamment de l'appartenance ethnique de

20 cette population. Ce sont des moyens matériels énormes. Ce sont des moyens

21 qui ont été distribués sur le terrain; une aide qui a été distribuée.

22 Toutes les capacités de l'économie ont été placées au service de cela. Là

23 où nous n'avons pas réussi à les convaincre, qu'avons-nous pu faire, nous

24 les avons aidés à arriver en toute sécurité jusqu'à la frontière voulue.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il n'y a aucun élément factuel

Page 43023

1 dans votre réponse.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse se fonde entièrement sur des faits.

3 Or, la documentation, elle vous est mise à disposition dans les archives du

4 Conseil exécutif provisoire du Kosovo-Metohija. Cette documentation, vous

5 pouvez vous la procurer aisément. Je n'en dispose pas actuellement. Je suis

6 ici en prison. J'ai les mains liées, mais je vous parle de faits. Ces faits

7 sont documentés par les archives du gouvernement de Serbie et par les

8 archives du Conseil exécutif provisoire du Kosovo.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, nous ne sommes pas

10 en train de nous charger de la défense de l'accusé. Ce n'est pas la Chambre

11 qui gère la défense de l'accusé. Si, tant est qu'il y a des informations,

12 il appartient à l'accusé de se les procurer. Il n'appartient pas aux Juges

13 de la Chambre de le faire.

14 Je voudrais demander à Monsieur Milosevic de poser sa question

15 suivante.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je suis venu témoigner de

17 faits et de circonstances à la demande de l'accusé. Je suis venu ici pour

18 dire la vérité et j'ai le souhait, l'intention de dire la vérité. Si ma

19 vérité ne coïncide pas avec la défense de l'accusé ou ne coïncide avec

20 l'acte d'accusation, ou ne coïncide pas avec le concept que vous avez, je

21 suis tout à fait dans l'incapacité de faire quoi que ce soit pour y

22 remédier.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai coupé le micro. Ce qui

24 serait utile pour nous, c'est la chose suivante : lorsque vous répondez aux

25 questions de l'accusé, j'aimerais que vous nous disiez quel est le

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1 fondement, quelle est la source de l'information. Si vous avez obtenu cette

2 information de la bouche de quelqu'un qui a travaillé pour vous, précisez-

3 le, parce que ce témoignage-là n'en est que plus crédible.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, n'en dites pas davantage.

6 Là-dessus, passons à une question autre.

7 Monsieur Milosevic, votre question suivante, je vous prie.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, au sujet de ce que vous

9 venez de soulever, je dirais que vous ne souvenez probablement pas du fait

10 que s'agissant de toute une série de témoins, nous avons présenté les

11 éléments de preuve dont parle M. Seselj. Lui est en train de parler de son

12 expérience et de ses activités à lui en sa qualité de vice-premier ministre

13 du gouvernement et des activités du gouvernement au sujet de ces événements

14 et du comportement de tout un chacun. Vukasin Andric est venu témoigné ici.

15 Il était ministre chargé de la Santé. Il a parlé de ce qui s'est fait. Il a

16 parlé de l'aide apportée aux Albanais déplacés, aux tentatives de les

17 convaincre de rentrer chez eux. Il a parlé de l'aide humanitaire distribuée

18 sur des bases de non discrimination, et ainsi de suite.

19 Vous avez vu bon nombre d'ordres au travers du témoignage du général

20 Stevanovic. Vous avez entendu le témoignage du général Delic s'agissant de

21 l'aide apportée par l'armée à la population. M. Seselj, lui, est en train

22 de parler de la pratique qui était celle du gouvernement et vous avez

23 entendu des témoins qui l'ont confirmé au travers d'éléments de preuve

24 concrets, à savoir, de faits, de comportements cités et de constats

25 effectués.

Page 43025

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous comprends dire Monsieur

2 Milosevic, à savoir que son témoignage ne fait que confirmer les

3 témoignages qui ont déjà été fournis par d'autres témoins qui ont témoigné,

4 mais la façon dont cela est fait n'ajoute pas grand-chose à ces

5 témoignages. Ces témoignages n'ont pas été mis en question et les

6 déclarations, le témoignage qu'il apporte se résume à des déclarations

7 générales sans qu'il y ait fourniture de bases des informations qui lui

8 parvenaient. Je suis certain que M. Nice ne manquera de lui poser des

9 questions à ce sujet de son côté également. Je vous prie de passer à votre

10 question suivante.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Les autorités, avez-vous dit, se sont efforcées de convaincre les gens

14 d'apporter une aide humanitaire, à encourager les gens à rentrer chez eux

15 et en garantissant la sécurité, et cetera. Mais les autorités de la Serbie

16 et de la Yougoslavie se sont-elles efforcées d'empêcher par la force les

17 Albanais à quitter le Kosovo-Metohija, Albanais compris ?

18 R. Partant de notre loi et de notre constitution, les autorités n'avaient

19 pas le droit de le faire. La liberté de déplacements de tout un chacun est

20 garantie par ces textes et personne n'a le droit, ni de fondements

21 juridiques pour ce qui est d'arrêter quelqu'un ou d'empêcher quelqu'un à

22 s'en aller. Quand ces grandes colonnes se sont créées, il y a eu

23 impossibilité de les empêcher de passer parce que je crois que le problème

24 n'en serait que plus grand. Arrêtez les gens sur la route et les voir

25 groupés en concentration très grande, que faire ensuite de ces gens.

Page 43026

1 C'étaient des masses trop importantes pour qu'on puisse les contrôler.

2 Q. Bien. Les autorités n'ont pas empêché ces gens à s'en aller. Cela est

3 tout à fait logique mais ont-elles assuré des trains, des autocars, des

4 moyens de transport ?

5 R. A chaque fois que cela était nécessaire et quand les autorités

6 pouvaient le faire, elles l'ont fait, notamment lorsqu'il s'agissait de

7 femmes, d'enfants, de personnes âgées, de personnes malades, et ainsi de

8 suite.

9 Q. S'agissait-il seulement d'Albanais ou d'autres ?

10 R. A tous ceux qui en avaient besoin. Nous avons eu des cas d'autocars que

11 nos autorités ont assuré à l'intention de civils serbes et de civils

12 d'autres groupes ethniques qui ont quitté Pristina et qui ont été touchés

13 par un missile de l'OTAN et qui ont tous été tués d'ailleurs. Il n'y avait

14 pas que des Serbes et nous avons eu des cas où l'OTAN a bombardé un train

15 de passagers.

16 Q. Ce train de passagers n'était pas destiné aux Albanais ou aux Serbes

17 mais il était destiné à la totalité des citoyens ?

18 R. C'était destiné à la totalité des citoyens. Nous n'avons jamais fait de

19 partage entre les moyens de transports utilisés par les Albanais et par les

20 autres.

21 Q. S'agissant maintenant de ces expulsions ou soi-disant expulsions et

22 persécutions d'Albanais, à l'occasion du contre-interrogatoire du Pr Ratko

23 Markovic, M. Nice a fait passer une vidéo de votre discours à la tribune

24 centrale du Parti radical serbe le 27 février 1999 à Zemun. Un bref extrait

25 où vous avez dit : "S'il y a bombardement de l'OTAN et s'il y a agression

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1 de la part des Américains, nous Serbes allons périr mais au Kosovo, il n'y

2 aura plus d'Albanais." Je vous prie d'expliquer le sens, la signification

3 de ces propos et notamment, je vous demanderais d'expliquer le contexte

4 dans lequel vous l'avez dit ?

5 R. Monsieur Milosevic, je vous ai remis le texte de la totalité de mon

6 intervention. Tout d'abord, cela n'a pas de sens de retirer quelques

7 phrases de leur contexte. C'était un long discours et vous verrez à

8 l'examiner que tout ce que j'y ai dit avait pour intention d'empêcher une

9 agression, avait un effet ou une volonté dissuasive. Je sais que les

10 Américains ont aidé les Musulmans, les Croates, d'autres, c'était la

11 population qui a péri. Lorsque les Américains ont largué leurs bombes, il y

12 a toujours eu beaucoup de civils qui ont été tués. J'avais à l'esprit ce

13 qui s'était passé à Hadzici, là où les Américains avaient bombardé la

14 Republika Srpska, ils s'étaient servis de bombes à l'uranium appauvri. La

15 population, après l'accord de Dayton, était passée à Bratunac et les gens

16 ont commencé tout de suite à mourir. Il y a une véritable épidémie de

17 cancer provoquée par cet uranium appauvri. Vous le voyez aujourd'hui, vous

18 voyez comment les Américains ont une influence sur les Albanais, surtout là

19 où des bombes à l'uranium appauvri sont tombées.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] J'ai peine à voir comment cette réponse est une

22 réponse à la question posée. Puisque j'ai la parole, je ne sais pas si nous

23 avons la totalité de cette intervention mais si ce discours était fourni à

24 l'accusé, peut-être que nous aussi, nous pourrions l'avoir.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si j'ai bien compris le témoin, il

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1 dit que vous avez retiré ce passage de son contexte. Je crois aussi

2 comprendre qu'il nous dit vu de son expérience là où les Américains ont

3 aidé les Musulmans et les Croates, c'est surtout la population concernée

4 qui a péri. Il dit au fond -- dans son discours ce qu'il voulait dire c'est

5 que -- attendez, ne demander pas à avoir le discours, laissez-moi terminer.

6 Ce qu'il voulait dire, c'était que les Albanais du Kosovo allaient souffrir

7 de l'agression et que s'ils souffraient, ce n'était pas à la suite

8 d'actions entreprises par les autorités serbes.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais le problème, c'est les termes

10 utilisés et on lui a demandé de retrouver ses paroles, il avait dit que :

11 "Il n'y aurait plus d'Albanais au Kosovo" et jusqu'à présent les

12 explications fournies ne m'ont pas aidé.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais reposer la question.

14 Monsieur le Témoin, vu la controverse -- attendez avant d'intervenir que

15 j'aie terminé. Dites-nous exactement ce que vous vouliez dire lorsque vous

16 avez dit que : "Il n'y aurait plus d'Albanais au Kosovo."

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que M. Seselj réponde à votre question,

18 puisque ceci intervient au moment où je pose des questions à propos de ce

19 que M. Nice a dit, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'à

20 l'intercalaire 30, vous avez la totalité du discours de M. Seselj dont M.

21 Nice a retiré quelques phrases de leur contexte. Puis, toujours à cet

22 intercalaire 30, vous avez toute la traduction en anglais de ce discours,

23 c'est ce que demandait M. Nice. Cette traduction vous l'avez dans les

24 documents à l'intercalaire 30. Dans cet intercalaire, vous avez une

25 photocopie du numéro spécial de Velika Srbija, camp de Serbie, magazine

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1 dans lequel ce discours a été publié. Puis aussi, vous avez une traduction

2 en anglais effectuée par vos services.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cette explication. Répondez

4 à ma question, Monsieur Seselj, lorsque vous avez dit que : "Il n'y aurait

5 plus d'Albanais au Kosovo," qu'est-ce que vous vouliez dire ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire tout d'abord c'est ceci

7 : vu les conséquences du bombardement, ils allaient subir de grandes

8 souffrances.

9 Puis, je gardais à l'esprit qu'il y aurait un exode massif qui se préparait

10 sous le contrôle de l'organisation terroriste albanaise.

11 La seule menace que je profère dans tout ce discours, elle s'adresse aux

12 Albanais qui ont manqué de fidélité et qui ont collaboré avec

13 l'organisation terroriste albanaise.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant. Je vais vous demander de

15 nous montrer ce passage qui vient à l'appui de cette conclusion que vous

16 venez donner quant à la signification qu'il faut donner à votre

17 déclaration. Vous dites que c'est le bombardement qui allait entraîner le

18 fait qu'il n'y aurait plus d'Albanais au Kosovo.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais regardez tout le discours.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, tout le discours, cela ne

21 nous aide pas du tout. Vous affirmez que cette phrase a été retirée de son

22 contexte, alors indiquez-nous une phrase ou un passage du discours qui

23 replace cette phrase dans son contexte, qui accorderait plus de crédibilité

24 à votre déclaration selon laquelle c'était le bombardement qui était la

25 cause.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais lire ce passage.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent une référence.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes demandent une

4 référence.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas la trouver en anglais, je ne

6 peux pas vous la trouver. C'est à la page 11 en serbe.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes ont

8 besoin d'une copie.

9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont trouvé le discours et

10 le passage et remercient le Président de la Chambre.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez. Quel est ce passage qui

12 mérite notre attention d'après-vous ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le premier passage dans la troisième

14 colonne dans l'original.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites-nous comment cela commence, de

16 cette façon nous essayerons de trouver le passage correspondant en anglais.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] "Nous Serbes, nous sommes un peuple qui a une

18 longue tradition démocratique --"

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne le trouve pas.

20 L'INTERPRÈTE : C'est le bas de la page 4.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] "Nous avons des différences idéologiques,

23 politiques, nous avons toutes sortes de différences mais lorsque c'est la

24 patrie qui est en jeu, il n'y a plus de différences. Il n'y a pas un Serbe

25 qui serait prêt à autoriser les forces étrangères à entrer sur notre

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1 territoire. Il n'y a toujours pas de Serbes qui seraient prêts à signer la

2 séparation du Kosovo-Metohija du système juridique de la Serbie. Nous

3 Serbes sans cesse en tant que peuple démocratique, nous n'avons eu de cesse

4 d'offrir aux Albanais le plus haut niveau d'autonomie culturelle notamment

5 pour qu'ils puissent vivre en tant que citoyens loyaux, avoir leur propre

6 école, leur système de santé, mais ils n'en veulent pas. Ce qu'ils veulent

7 uniquement, c'est la sécession et ils ne peuvent pas y parvenir sans aide.

8 Ils le savent, donc ils comptent sur les Américains qui vont mener une

9 guerre victorieuse pour eux aux Balkans. Mais je le dis, c'est un message

10 qui ne vient pas simplement du Parti radical serbe, j'en suis convaincu,

11 mais de toute la nation serbe. Les Albanais n'auront une chance que s'ils

12 sont en faveur d'un dialogue pacifique, démocratique et politique."

13 Je suis contre l'agression, j'essaie de l'éviter et je veux une résolution

14 démocratique à ce conflit.

15 Phrase suivante : "S'il y a bombardement de l'OTAN, s'il y a agression

16 américaine, nous Serbes, nous allons périr en grand nombre mais il n'y aura

17 pas d'Albanais au Kosovo." Je m'attends simplement à ce que le Kosovo soit

18 le principal théâtre de la bataille. Nous sommes prêts à défendre le Kosovo

19 sans beaucoup de matériel militaire. Sans bombardements. Mais qui va subir

20 les plus grandes pertes ? Ceux qui constituent la majorité de la

21 population.

22 Puis, je dis : "Il est certain que les Américains ne croient pas que s'ils

23 nous attaquent, nous allons permettre à des bandes armées, à des citoyens

24 infidèles de nous poignarder dans le dos. Qui est-ce qui est infidèle ou

25 manque de loyauté ? C'est tous ceux qui supportent ceci, qui soutiennent

Page 43032

1 ceci et ceux qui nourrissent le terrorisme commettent, d'après notre loi,

2 un crime." J'avertis à ce moment-là les pays voisins.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

4 Monsieur Milosevic, poursuivez.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Fort bien, Monsieur Seselj. Je pense que vous avez bien cité ce

7 passage. Je vais quand même vous demander de citer une autre partie qui se

8 trouve à la dernière page de la traduction ou plus exactement de la

9 photocopie de l'article de journal dans lequel c'est apparu. C'est tout à

10 la fin, au dernier paragraphe.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la page 6, Messieurs, en anglais

12 troisième ou quatrième paragraphe à partir du haut. Cela commence par ceci

13 : "Nous les Serbes ne voulons pas la guerre."

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. C'est ainsi que vous terminez votre discours, lisez-le vous-même

16 puisque c'est le vôtre.

17 R. Je dis ceci : "Nous les Serbes, nous ne voulons pas la guerre. Nous les

18 Serbes, nous n'avons jamais voulu la guerre. Nous les Serbes, nous n'avons

19 pas entrepris la conquête de territoires appartenant à d'autres depuis un

20 millier d'années. Nous défendons uniquement ce qui est à nous et nous avons

21 réussi à défendre la plupart des terres serbes avec les plus grands efforts

22 et avec les plus grandes difficultés. Nous n'allons jamais renoncer à

23 rétablir ce qui a été occupé de façon temporaire. C'est une promesse que va

24 garder et que va respecter le Parti radical serbe."

25 Q. "Maintenant que nous sommes affaiblis par la crise économique, par la

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1 pauvreté sociale, nous devons aussi nous intéresser aux problèmes internes.

2 De nouveau sonne le tambour de la guerre. --

3 R. "…De nouvelles attaques sont en train de se préparer, il y a

4 augmentation des effectifs, on se demande comment la Serbie n'a pas peur,

5 bien sûr qu'elle doit se préparer à se défendre parce que la Serbie mérite

6 d'être défendue --"

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous en avons entendu suffisamment.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Au moment où le micro a été débranché, on disait quelque chose

10 d'important à savoir que : "Nous allons faire tout ce qui est dans notre

11 pouvoir pour empêcher la guerre, mais si la guerre nous R. Oui.

12 Q. C'est le discours dont s'est servi M. Nice pour montrer que ceci,

13 c'était contre les Albanais.

14 Faut-il un autre commentaire après ce qui vient d'être cité ?

15 R. A l'évidence, le discours tout entier avait pour objet d'empêcher

16 l'agression. J'irais même jusqu'à dire que c'était une tentative désespérée

17 qui visait à empêcher l'intervention de l'agresseur qui était déjà prêt à

18 intervenir à tout moment.

19 Q. Fort bien. Passons à autre chose. Vous avez maintenant le paragraphe 59

20 de l'acte d'accusation. Voici ce qu'il dit, je vais le citer : "En outre,

21 des milliers d'Albanais du Kosovo qui avaient fui leurs maisons --"

22 j'espère que vous avez maintenant reçu un exemplaire de ce livre bleu.

23 R. Ils insistent pour ne pas me le donner, mais je vous écoute avec

24 beaucoup d'attention et je peux me souvenir. Dites-moi, quel est le

25 paragraphe ?

Page 43034

1 Q. Paragraphe 59.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, vous voulez bien vous rasseoir. Est-

3 ce que vous pouvez ne pas être à côté de moi debout ? Cela a mauvais effet

4 psychologique sur moi. Je ne suis pas un homme dangereux. Inutile pour vous

5 de rester debout à côté de moi.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'Huissier est là, il a une mission

7 à remplir, et votre commentaire est tout à fait inadéquat; n'a pas lieu

8 d'être.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je retire ce commentaire à ce moment-là.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Est-ce que vous pourriez lire vous-même le paragraphe 59 ?

13 R. "En outre, des milliers d'Albanais du Kosovo qui avaient fui leurs

14 maisons et victimes par la même occasion d'un transfert forcé du fait du

15 comportement des forces de la RFY et du climat de terreur délibérément

16 instauré sur tout le territoire de la province, ont dû chercher refuge

17 pendant des journées, des semaines ou des mois dans d'autres villes ou

18 villages, et/ou dans les forêts et les montagnes de la province. Certaines

19 de ces personnes déplacées à l'intérieur de la province du Kosovo y sont

20 restées pendant toute la période couverte par le présent acte d'accusation.

21 Nombre d'entre elles sont mortes, en raison des rigoureuses conditions

22 climatiques, du manque de nourriture et de soins médicaux ainsi que

23 d'épuisement. D'autres ont finalement traversé la frontière passant du

24 Kosovo en Albanie, en Macédoine ou au Monténégro, ou ont franchi les

25 limites provinciales entre le Kosovo et la Serbie. Les forces de RFY et de

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1 la Serbie contrôlaient et coordonnaient les mouvements des nombreux

2 Albanais déplacés à l'intérieur du Kosovo jusqu'à leur expulsion finale

3 hors de la province."

4 Dans l'acte d'accusation, on admet que bon nombre de ces Albanais sont

5 allés en Serbie. Le Monténégro se trouve au sein du même état. Leur seul

6 objectif, c'était de fuir le lieu où il y avait le plus de frappes

7 aériennes de l'OTAN, où là ils étaient en danger à cause des terroristes.

8 C'est dans ces circonstances qu'ils sont allés là où il y avait moins

9 d'activités de guerre, et cela, ça pourrait se passer n'importe où, où que

10 ce soit dans le monde qui est le nôtre. Il est tout à fait injuste de

11 parler d'un climat de terreur ou de torture ou d'expulsions forcées ou que

12 sais-je.

13 M. NICE : [interprétation] On demande maintenant au témoin de lire des

14 parties d'acte d'accusation et de les commenter. Ceci ne correspond pas à

15 ce que vous attendez, Messieurs les Juges, à savoir qu'il faut poser des

16 questions et donner des réponses concises. Je suppose que ce genre de

17 procédure n'est pas le genre de procédure que veut voir la Chambre, que ce

18 soit avec ce témoin ou avec d'autres.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit clairement,

20 Monsieur Milosevic. Nous avons une préférence marquée pour des réponses

21 concises et brèves en réponse à des questions précises et courtes elles

22 aussi; questions qui sont en rapport avec les questions soulevées dans

23 l'acte d'accusation. Essayons de suivre cette procédure.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, si vous voulez que je pose

25 une question courte, il faut que je fasse une citation courte.

Page 43036

1 Malheureusement, vous voyez ce que M. Nice ose appeler un acte

2 d'accusation --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous demande d'appliquer les

4 instructions données. Je ne vous permets pas de faire des discours.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Vous avez lu une demi-page; c'est le paragraphe 59 que vous avez ainsi

7 lu. Est-ce que des personnes déplacées à l'intérieur de la province ont

8 quitté leurs foyers à cause de la terreur, parce que nos forces ou nos

9 autorités les auraient chassés ?

10 R. Je réponds catégoriquement par la négative. C'était à cause des frappes

11 de l'OTAN ou sous la pression de l'organisation terroriste albanaise.

12 Q. Vous avez parlé du comportement qui fut le nôtre à l'égard des civils;

13 que ce soit des Albanais, des Serbes ou des personnes appartenant à une

14 autre communauté ethnique. Vous avez parlé de la nécessité de les aider, de

15 la façon dont ces gens ont été aidés. Vous avez dit quelle a été la

16 politique du gouvernement, ce que ce gouvernement a fait dans ce contexte.

17 Puisqu'une objection a été soulevée, on a dit qu'il vous fallait apporter

18 d'autres preuves. Essayez de répondre à ceci : puisque vous étiez vice-

19 premier ministre, vous savez comment les choses fonctionnaient. Un

20 gouvernement prend-t-il des décisions générales ou est-ce qu'il répond à

21 une situation concrète qui se présente dans un village, dans un hameau

22 donné, dans un territoire donné ?

23 R. En principe, un gouvernement prend des décisions générales. Cependant,

24 pour prendre ce genre de décisions générales, il faut que le gouvernement

25 connaisse très bien la situation et les détails les plus importants qu'il

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1 la caractérise.

2 Q. Fort bien. Comment est-ce que ceci s'est manifesté de façon concrète ?

3 Comment ces déclarations générales se sont-elles manifestées ? Est-ce que

4 vous avez des rapports précis ?

5 R. Oui. Quotidiennement à propos de ce qui se passait au Kosovo-Metohija,

6 et nous avons appris ce que les autorités locales rencontraient comme

7 problèmes; que ce soit les gouvernements locaux ou que ce soit des

8 représentants des antennes représentants le gouvernement central.

9 Q. Paragraphe 60, j'espère que vous pouvez le lire, et j'espère qu'il suit

10 le paragraphe 59 : "Partout au Kosovo, dans un effort délibéré, généralisé

11 ou systématique pour dissuader les Albanais du Kosovo expulsés de retourner

12 chez eux -" le Serbe est tout à fait bizarre. - "Les forces de la RFY et de

13 la Serbie ont saccagé et pillé leurs biens personnels et commerciaux. Les

14 forces de la FRY et de la Serbie se sont livrées à des fouilles

15 systématiques ou à des violences ou encore ont menacé de recourir à la

16 force pour dépouiller les Albanais du Kosovo de leur argent et de leurs

17 objets de valeur. Au poste-frontière de la RFY, les autorités ont volé de

18 manière généralisée ou systématique les véhicules privés et des autres

19 biens des Albanais du Kosovo expulsés de la province."

20 Excusez-moi. On aura l'impression que je repose sans cesse la même

21 question. Si vous regardez ceci de plus près, vous allez voir que ce sont

22 des paragraphes différents dans un seul et même document. Je répète la

23 lecture des paragraphes de ce qu'on appelle ici un acte d'accusation. Est-

24 ce que le vice-premier ministre devrait être au courant de ce genre de

25 choses ? Est-ce que vous, vous étiez au courant de pillages généralisés et

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1 systématiques ou de ce genre de choses qui sont mentionnées au paragraphe

2 60 ?

3 R. Non. Les forces de la RFY et de la Serbie n'ont pas procédé à des

4 pillages et à des vols. S'il y a eu des cas de pillage et de vols, ce sont

5 des cas individuels, isolés. Chaque fois, les autorités d'Etat ont réagi,

6 ont empêché ce genre d'actions ou ont traduit en justice les auteurs de ces

7 méfaits. Il n'y a pratiquement pas un cas qui serait resté impuni; je l'ai

8 déjà dit. Plusieurs centaines de personnes ont été poursuivies pour ce

9 genre de crimes, pillages, vols, meurtres.

10 Ce qui veut dire, que nos forces ne l'ont pas fait de façon organisée, ne

11 l'ont pas fait du tout. Mais il y a eu des cas individuels. Même les

12 membres de ces forces l'ont fait, mais l'Etat a réagi chaque fois. Ceci,

13 vous en trouverez la preuve dans les documents qui se trouvent dans les

14 archives de l'Etat. Il y a eu poursuite pour tous les crimes commis pendant

15 les bombardements.

16 Q. Beaucoup d'éléments de preuve ont d'ailleurs été produits à cet effet.

17 Si je vous demande s'il y a eu des cas où des policiers, des soldats ou

18 d'autres ont pillé, volé aux Albanais du Kosovo, est-ce que vous diriez

19 oui, vu ce que vous avez dit ?

20 R. Oui. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Personne ne pourra nier que

21 ce sont uniquement des cas individuels isolés, mais pratiquement tous ces

22 cas ont fait l'objet de poursuites judiciaires. Il y a peut-être eu

23 quelques omissions mais ils sont rares; la plupart ont été poursuivis.

24 Q. Est-ce qu'on peut, à ce moment-là, qualifier ces choses de

25 systématiques et de généralisés ?

Page 43039

1 R. Non, cela ne fait pas de sens. Je dis cela de façon catégorique, il n'y

2 a pas eu de vols ou de pièges organisés.

3 Q. Savez-vous comment les autorités, toutes les autorités du plus bas

4 échelon au plus haut, comment elles ont réagi ?

5 R. Il y a toujours eu arrestations, enquêtes et plaintes déposées contre

6 ces personnes; que ce soient des policiers, des civils ou des soldats.

7 Plusieurs centaines de ces cas ont fait l'objet de poursuites.

8 Q. Fort bien. Au 61 on dit ceci, ou plutôt lisez-le vous-même, s'il vous

9 plaît.

10 R. "En outre, sur tout le territoire du Kosovo, les forces de la RFY et de

11 la Serbie ont systématiquement confisqué et détruit les pièces d'identité

12 ainsi que les papiers d'immatriculation des véhicules appartenant aux

13 civils albanais du Kosovo. On a obligé les Albanais du Kosovo contraints de

14 quitter leur foyer et de gagner les frontières du Kosovo, à remettre leurs

15 papiers d'identité à des points choisis sur la route qui conduisait aux

16 postes-frontières ainsi qu'aux postes-frontières même de l'Albanie et de la

17 Macédoine. Il s'agissait de supprimer toute trace de la présence au Kosovo

18 des Albanais expulsés et de leur dénier le droit de retourner chez eux."

19 Il n'y a eu qu'un cas --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suppose que vous allez dire que

21 rien de ce genre ne s'est passé.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, vous vous trompez dans votre supposition;

23 je voulais confirmer autre chose.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, écoutons --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a eu qu'un seul cas de ce genre au

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1 poste-frontière à proximité de Prizren. La police, les policiers

2 individuels au poste-frontière ont exigé des Albanais qu'ils remettent

3 leurs pièces d'identité au moment de franchir la frontière. Lorsque le chef

4 de la police de Prizren l'a appris, aussitôt il a réagi et a empêché que

5 ceci ne se reproduise.

6 Pour ce qui est des conséquence découlant de la confiscation de ces

7 documents, ce n'est sûrement pas comme c'est écrit ici dans l'acte

8 d'accusation, car en Serbie, il y a des archives informatisées et

9 centralisées pour toute la république. Il y a des registres. Si Albanais ou

10 un autre citoyen perd son passeport ou sa carte d'identité, il peut obtenir

11 un nouvel exemplaire grâce au fichier central informatisé. Il n'y a pas une

12 seule preuve qui dirait que nous aurions essayé d'intervenir à partir du

13 fichier centralisé.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je sais que vous parlez souvent

15 fort, mais parfois, je suis convaincu, vous criez, vous hurlez. Ne vous

16 énervez pas.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne suis pas du tout énervé.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayez de parler un peu moins fort,

19 parce que vous parlez si fort qu'il n'est pas possible d'entendre les

20 interprètes.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, vous pourriez peut-être

22 baisser le volume dans votre casque ou me faire examiner par un médecin,

23 vous verrez que ma tension artérielle est tout à fait normale; je parle

24 normalement --

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est votre volume qu'il faut baisser,

Page 43041

1 pas le nôtre. Ceci nous aiderait beaucoup, et votre présentation serait

2 beaucoup plus efficace si vous pourriez baisser un peu le ton.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Question suivante, Monsieur

4 Milosevic.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Seselj, vous parlez d'un seul cas. Vous ne voulez pas parler

7 d'un cas où une seule personne aurait vu ces papiers confisqués, vous

8 parlez d'un seul cas qui serait survenu à un seul passage frontière, poste-

9 frontière.

10 R. Oui, je ne connais pas le nombre exact.

11 Q. Lorsque vous dites que le chef de la police de Prizren en a entendu

12 parlé --

13 R. Il est intervenu et a mis fin à ce qui s'est passé.

14 Q. Vous avez expliqué que cela n'avait pas beaucoup d'importance, parce

15 que le système d'information et d'identification des citoyens est

16 centralisé et informatisé. Le général Stevanovic en avait un peu parlé;

17 inutile d'en revenir. Il y a de nombreux paragraphes dans l'acte

18 d'accusation, et l'un d'entre eux va nous ramener à une période antérieure.

19 Je vais vous demander de donner lecture du paragraphe 75.

20 R. Je cite : "Dans les années 1980, les Serbes se sont émus des

21 discriminations dont ils étaient victimes de la part des autorités

22 provinciales dominées par les Albanais du Kosovo, tandis que ces dernières

23 s'inquiétaient du sous-développement économique de la province et

24 revendiquaient une plus grande liberté politique ainsi que le statut de

25 république pour le Kosovo. A partir de 1981, les Albanais du Kosovo ont

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1 organisé des manifestations qui ont été réprimées par les forces armées de

2 la RSFY et par la police serbe."

3 Q. Merci, Monsieur Seselj. Dites-nous ceci : pendant les années 1980, est-

4 ce que les Albanais du Kosovo se sont émus et inquiétés des discriminations

5 dont ils étaient victimes de la part des dirigeants du Kosovo --

6 L'INTERPRÈTE : Est-il vrai que des Serbes se sont inquiétés des

7 discriminations dont ils étaient victimes par les dirigeants albanais du

8 Kosovo ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes ont été en butte à des

10 discriminations, mais et en plus de cela, à des persécutions, des

11 expulsions systématiques de la part du gouvernement provincial. La preuve a

12 été apportée par des dirigeants d'autres républiques qui sont venus en

13 visite de Croatie, de la Slovénie, de la Macédoine, et cetera.

14 Par ailleurs, le Kosovo a connu le développement, l'essor économique

15 le plus marqué. A partir de 1945 jusqu'en 1990, toute l'ex-Yougoslavie a

16 réservé un fonds spécial qui devait servir au développement du Kosovo-

17 Metohija. Il vous faut comparer le développement économique du Kosovo avec

18 celui de l'Albanie si vous prenez la période antérieure à la Deuxième

19 guerre mondiale comme moyen de référence. On peut dire que pendant

20 plusieurs décennies, le Kosovo a connu l'essor économique le plus rapide en

21 Europe.

22 Autre chose, il n'y a pas un seul parti albanais qui a demandé la

23 libéralisation économique. De 1981 à 1990, les Albanais du Kosovo avaient

24 des partis uniquement staliniens, marxistes-léninistes. On ne peut pas

25 s'attendre que ce genre de partis fasse des revendications en vue d'une

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1 libéralisation économique. Notre armée, notre police n'a fait que réprimer

2 que des manifestations violentes alors que s'il y avait des manifestations

3 pacifiques elles n'ont jamais été réprimées, alors que souvent nous avions

4 des lois à ce propos. Les seules manifestations qui étaient réprimées

5 étaient violentes.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. En ce qui concerne ce paragraphe 75, vous avez répondu en présentant

8 plusieurs points. Vous avez parlé des inquiétudes qui étaient manifestées.

9 Vous avez dit notamment s'il était vrai ou pas que les Albanais du Kosovo

10 s'étaient plaints du développement économique, demandaient davantage de

11 libéralisation. J'aimerais revenir à ce propos, à ce que disait M. Kristan

12 dans son article. J'espère que vous l'avez toujours.

13 R. Oui, je l'ai.

14 Q. Je vous invite à voir ce qu'il a écrit en 1981, puisque ce chef 75

15 évoque la situation telle qu'elle s'est présentée au cours des années 1980.

16 R. Pourriez-vous me citer la page, s'il vous plaît ?

17 Q. 1 731. C'est la page. Je vous en prie, citez-nous la

18 page 1 731, le quatrième paragraphe, s'il vous plaît.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que la page peut être placée

20 sur le rétroprojecteur.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. C'est le quatrième paragraphe où il dit : "S'agissant de l'affirmation

23 comme quoi les Albanais ne seraient pas passés sur un pied d'égalité en

24 Yougoslavie…"

25 R. Oui, je le vois.

Page 43044

1 Q. Est-ce que vous pouvez nous en donner lecture ? Ce sera placé sur un

2 rétroprojecteur.

3 R. Donc, lorsqu'on dit que : "Les Albanais ne seront pas placés sur un

4 pied d'égalité en Yougoslavie, on pourrait difficilement -- autres choses

5 si ce n'est que c'est un cas de propagande ennemie.

6 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que la lecture se fait très vite.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Donc, ce qu'il affirme au point 75, cela c'est qualifié par Kristan

9 pour ce qui est des années 1980, Kristan cite cela comme un exemple de

10 propagande ennemie et nationaliste.

11 R. Oui, mais pour que la Chambre le comprenne, il convient de dire que

12 Kristan par la suite a été l'un des plus idéologues du séparatiste slovène.

13 Il a été d'une orientation anti-serbe caractérisée.

14 Q. Oui, très bien. Mais ceci ne nous intéresse pas maintenant mais ce qui

15 figure au paragraphe 75, c'est quelque chose qui est qualifié par Kristan

16 de la même manière, à savoir que dire que les Albanais sont placés sur un

17 pied d'inégalité, c'est un exemple de propagande nationaliste ennemie.

18 Je vous invite à lire les paragraphes 2 et 3 maintenant lorsque vous

19 tournez la page.

20 R. "Dire que les Albanais auraient droit à une république qui remplacerait

21 la province. Il est dit que c'est une propagande contre-révolutionnaire et

22 ennemie parce que son objectif est de modifier l'ordre constitutionnel de

23 la Yougoslavie, modifier ses frontières intérieures pour aboutir enfin à

24 une annexion du Kosovo à l'Albanie."

25 Q. Et le paragraphe suivant ?

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1 R. "La question qui se pose est de savoir pourquoi la propagande albanaise

2 insiste tellement sur le fait que le Kosovo doit devenir une république. Il

3 est naturel que tout peuple souhaite avoir un seul Etat et non deux. Ce

4 serait le cas pour ce qui est de l'Albanie et de la République du Kosovo.

5 L'intérêt que l'Albanie porte à ces deux Etats peut se révéler du point

6 d'une sécession potentielle du Kosovo et de la Yougoslavie et de son

7 annexion à l'Albanie. C'est pourquoi l'exigence de transformer le Kosovo en

8 république n'est qu'un premier pas qui mènera à l'annexion du Kosovo à

9 l'Albanie. On peut en déduire grâce aux contestations publiées par le

10 quotidien de Tirana, Zere [phon] et Popullit dont on n'a pas discuté à

11 Belgrade."

12 Q. De quoi ?

13 R. De la sécession de la Yougoslavie et de son annexion à l'Albanie car

14 d'un point de vue constitutionnel de la théorie communiste de l'ex-

15 Yougoslavie, les républiques se présentent comme des Etats, même si ce

16 n'était que des unités fédérées. Donc ce n'était pas vraiment des Etats qui

17 se fédéraient pour qu'il y ait une fédération. Précédemment, il y avait eu

18 un Etat unitaire qui, petit à petit, a évolué pour devenir un Etat

19 fédératif. Si le Kosovo allait pouvoir accéder à un statut de république,

20 l'étape suivante serait qu'ils se prononcent suivant le principe de

21 l'autodétermination pour opérer une sécession de la Yougoslavie et pour

22 rejoindre l'Albanie, pour être annexé à l'Albanie.

23 Q. Mais vous voyez en page 1 736, Kristan laisse entendre dans le dernier

24 paragraphe que : "La ligne directrice lorsqu'on recherche à clarifier ces

25 situations," et cetera --

Page 43046

1 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas le texte, l'accusé lit très vite.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. "-- ceci nuit à l'image dont la Yougoslavie bénéficie à l'étranger."

4 De toute évidence, ce que tout le monde comprenait à savoir que la

5 voie qui menait vers une solution, la voie qui pouvait nous permettre

6 d'éviter ce qui a fini par se produire, c'était ceux qui ont mis en scène

7 la guerre dans les espaces ex-yougoslaves, c'est quelque chose que, eux,

8 ils ont cherché à détruire ?

9 R. Oui. Et pour briser la Yougoslavie et la Serbie --

10 M. NICE : [interprétation] Encore une fois, l'accusé présente ses thèses.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre objection, Monsieur

12 Nice ?

13 M. NICE : [interprétation] La question de l'accusé dit que : "Il était

14 évident pour tout le monde, à l'époque que ceux qui ont orchestré les

15 événements par la suite, ont cherché --" enfin, il est très difficile de

16 suivre cela. La question ne devrait pas être formulée de cette manière-là.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, reformulez.

18 C'est une question directrice.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice commence par faire un discours --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez commencé par dire que :

21 "C'est quelque chose d'évident pour tout le monde." C'était une question

22 directrice.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, très bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Donc je reformule.

Page 43047

1 "La ligne directrice qui devait permettre de trouver une solution

2 passait par le renforcement de la Yougoslavie sur le plan interne et

3 l'amélioration de son image à l'étranger." Etait-ce une position

4 généralement partagée à l'époque ?

5 R. Oui, dans toutes les unités fédérées, c'était la position partagée

6 jusqu'à peu près l'année 1989. Pendant neuf années pleines et entières, à

7 partir du moment où il y a eu ces manifestations violentes anti-état à

8 Pristina. A ce moment-là, il y a eu engagement de la police et de l'armée,

9 de toutes les unités fédérées et non pas seulement de la Serbie.

10 Q. Tout ce qui s'est passé au Kosovo et en Serbie aurait pu être quelque

11 chose qui les aurait incités à changer de position à la fin des années

12 1980 ?

13 R. Non, la position n'a changé qu'à cause des instructions venues de

14 l'Ouest, de l'Occident. C'est à ce moment-là que l'Occident a lancé cette

15 action visant à démanteler la Yougoslavie.

16 Q. En sa qualité de témoin, nous avons entendu ici, Ibrahim Rugova qui a

17 déclaré que je ne souhaitais une solution politique au Kosovo mais que je

18 souhaitais que, pendant une décennie, la crise s'aggrave pour qu'on expulse

19 la population kosovare de l'époque.

20 R. Tout d'abord, pendant cette décennie-là, il n'y a eu aucune expulsion

21 de la population kosovare de souche. Leur nombre n'a cessé de croître, tout

22 au contraire.

23 D'autre part, vous n'avez pas eu cesse de lancer des initiatives pour

24 qu'on trouve par la voie des négociations la solution à ces problèmes. Même

25 vous avez passé un accord sur l'éducation avec Rugova grâce à la médiation

Page 43048

1 d'une organisation humanitaire, paraît-il, du Vatican. Cet accord a été

2 traduit dans les faits. L'Etat a fourni plusieurs bâtiments pour que les

3 Albanais puissent créer leur faculté privée puisque, pour leur majorité,

4 ils ne souhaitaient pas faire leurs études aux facultés d'Etat. On leur a

5 donné toute la marge de manœuvre là-dedans. On ne s'est jamais ingéré dans

6 leurs programmes d'études, dans le système d'inscriptions. Ils ont pu agir,

7 tout à fait, librement. Jamais personne n'a contesté leur droit, leur

8 souhait de bénéficier de moyens d'exercer leur individualité, leur

9 particularité mais à condition de ne pas faire peser une menace sur

10 l'intégrité de la Serbie. Cela c'était le seul point qui n'était pas

11 négociable. Tout le reste pouvait faire l'objet de pourparlers et nous

12 avons cherché à en parler.

13 Q. Je comprends tout à fait la réponse que vous avez fournie et je vous

14 remercie de l'avoir fait.

15 Au sujet de ces affirmations, lorsqu'il dit que les violences se sont

16 aggravées visant à expulser les Albanais du Kosovo.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs, je cite la page 4 982, la

18 transcription de l'audience du 3 mai dernier.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. C'est là qu'il est venu déposer et il a dit qu'à Rambouillet, la partie

21 serbe n'était pas prête à négocier ou plutôt la question a été de savoir si

22 la partie albanaise était vraiment disposée à négocier.

23 Je suis en train de vous donner lecture de la transcription.

24 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que la transcription ne lui est

25 pas disponible.

Page 43049

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Donc la réponse donnée à présent Rugova était la suivante : "Oui,

3 nous étions prêts à négocier et nous étions convaincus qu'il fallait

4 aboutir à un accord. C'était cela la position de la communauté

5 internationale après le massacre de Racak. La situation se détériorait au

6 Kosovo et encore une fois j'étais membre d'une délégation albanaise qui

7 comptait essentiellement les membres du LDK. Nous étions à peu près 15

8 membres de cette délégation et nous estimions qu'il fallait aboutir à un

9 accord et cet avis était partagé par les autres membres de la délégation --

10 "

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes

12 vous demandent de donner lecture plus lentement.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Vous avez entendu dire quels ont été les propos de Rugova; est-ce

16 exact ?

17 R. Non, ce n'est pas exact, car ce qui s'est passé à Rambouillet c'est

18 qu'il n'y a eu absolument pas une seule réunion entre la délégation

19 albanaise et la délégation du gouvernement de la Serbie, pas une seule

20 réunion car les Albanais l'ont évitée. Ils ont refusé catégoriquement qu'il

21 y ait une réunion. Alors de quel genre de négociations peut-on parler s'il

22 n'y a absolument pas une rencontre entre les parties concernés. Le dialogue

23 n'a même pas été amorcé. Nous, nous voulions qu'il y ait négociations,

24 qu'il y ait contact, mais eux, ils se sont obstinés à refuser tout contact,

25 toute réunion. Aucune n'a eu lieu.

Page 43050

1 Q. Voyez-vous ce qu'il dit en évoquant la position de la partie serbe ? Il

2 dit la plupart d'entre eux n'avaient pas d'intentions sérieuses. "Il m'a

3 semblé qu'ils ne sont pas venus pour aboutir à un accord. C'est

4 l'impression que nous avons eue, même compte tenu de la manière dont les

5 négociations ont eu lieu, enfin, nous n'avons pas vraiment eu de contact.

6 Cela a duré trois semaines, et pendant trois semaines, nous n'avons vu

7 aucune détermination de leur part à aboutir à un accord."

8 Est-ce qu'il y a eu des contacts ?

9 R. Il n'y a eu aucun contact. C'est pour cela qu'ils n'ont pu voir aucune

10 détermination. Ils ont même évité des contacts fortuits pendant qu'on se

11 promenait dans le parc autour du château de Rambouillet. Comment peuvent-

12 ils dire que nous n'étions pas déterminés puisque eux, ils évitaient tout

13 contact ? Je suppose que c'est à travers un dialogue qu'on peut voir quelle

14 est la position d'autrui. Cela aurait pu se voir dans le cadre des réunions

15 qu'ils évitaient tout en se permettant d'imaginer quelle a été notre

16 opinion. Or, notre opinion a été qu'il fallait pratiquement à tout prix

17 qu'on arrive à un accord sauf en compromettant l'intégrité de notre

18 territoire. Toute forme d'autonomie était envisageable. Toute forme

19 d'autonomie pratiquée de par le monde. Non seulement étions-nous prêts à

20 respecter les normes les plus élevées du droit international, mais même de

21 leur accorder des droits plus importants qui sont garantis en minorité

22 nationale. Nous étions tout à fait ouverts au dialogue pour résoudre la

23 crise.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, j'aimerais savoir,

25 pourriez-vous me rappeler si vous étiez présent vous-même pendant toute la

Page 43051

1 durée des négociations de Rambouillet ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Nous, les radicaux serbes, notre position

3 était la suivante : ces négociations n'étaient que le résultat des

4 manipulations exercées par les forces occidentales et nous avons estimé que

5 ceci n'allait apporter aucun fruit. C'est que nous avons dit d'ailleurs à

6 nos partenaires de la coalition, mais en tant que membres du gouvernement,

7 nous nous sommes jamais opposés à ce que cette délégation soit constituée,

8 mais aucun membre du Parti radical serbe n'a été membre de cette

9 délégation. On ne faisait pas confiance que ce soit aux Américains ou

10 autres forces occidentales. Nous savions qu'ils allaient nous mentir,

11 qu'ils nous allaient manipuler, mais nous ne sommes pas opposés à ce qu'on

12 tente même ceci en tant que dernier recours pour éviter la guerre.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Le temps est venu

14 de faire une pause de 20 minutes. Nous allons faire une suspension

15 d'audience.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, j'ai remarqué que

19 vous ne vous levez pas au moment de l'entrée des Juges de la Chambre ni à

20 leur départ. J'aimerais savoir ce que vous avez à dire au sujet de quelque

21 chose qui semble être un manque de respect non seulement à l'égard de la

22 Chambre mais également à l'égard du Tribunal international dans son

23 ensemble. Un témoin qui vient déposer ici doit respecter les Règles, les

24 conventions, les protocoles de ce Tribunal. Une possibilité s'offre à ce

25 Tribunal, si vous continuez de vous comporter ainsi, c'est de ne plus

Page 43052

1 recevoir d'éléments de preuve de votre part, de ne plus entendre votre

2 déposition.

3 Qu'avez-vous à dire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je sais que la pratique de

5 ce Tribunal international est que le témoin s'adresse à la Chambre en

6 restant assis.

7 Un deuxième point, j'ai lu toutes les Règles et les Règlements de ce

8 Tribunal et je n'ai vu nulle part qu'on précise ce point à savoir que le

9 témoin soit obligé de se lever au moment de l'entrée des Juges.

10 Puis, j'ai une troisième raison de nature religieuse. Les ecclésiastiques

11 de l'église orthodoxe serbe m'ont averti du fait que les robes que vous

12 portez correspondent aux vêtements qui étaient ceux de l'Inquisition

13 catholique de jadis, je ne sais pas pourquoi serait-on obligé de se lever

14 ni de s'incliner au moment de votre entrée. Ceci me rappelle un rituel

15 satanique. J'ai cherché une explication parapsychologique. J'ai peur que

16 mon esprit si je me conforme à ce rituel, ne soit placé sous l'influence de

17 facteurs auxquels je ne saurais échapper.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais à présent répondre aux trois

19 explications que vous avez fournies. Vous venez de dire que c'est une

20 pratique du Tribunal ici d'entendre le témoin qui reste assis. Nous ne

21 parlons pas de ceci, vous pouvez rester assis pendant que vous vous

22 adressez à la Chambre. La question qui nous intéresse ici, c'est l'aspect

23 protocolaire qui veut que tout à chacun se lève au moment de l'entrée des

24 Juges dans le prétoire.

25 Vous dites que vous n'avez nulle part vu une règle précisant ceci,

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1 mais c'est un protocole, c'est une convention et vous entendez notre

2 employé dire "Levez-vous".

3 La troisième raison que vous venez de citer, une raison que je

4 rejette entièrement. Ceci n'a pas de sens.

5 Réfléchissez-y et décidez de l'attitude que vous allez adopter, mais

6 ceci agit sur les intérêts de M. Milosevic.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque vous avez dit que vous allez me

8 sanctionner si je ne me levais pas, suite à cela, je vais essayer de me

9 lever, désormais, effectivement, si vous me menacer de mettre une fin à ma

10 déposition si je ne changeais pas d'attitude. Dans ce cas là, je me

11 lèverai, mais uniquement devant cette Chambre.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

13 poursuivre avec votre interrogatoire principal.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon microphone était débranché.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Seselj, Knut Vollebaek est venu déposer ici, le ministre

17 norvégien des affaires étrangères à l'époque de la création de la Mission

18 de vérification, et au moment de la crise kosovare, il a présidé l'OSCE. Il

19 a infirmé que lors de l'une des réunions que nous avions eues, je lui avais

20 parlé de ma détermination pour sauvegarder un Kosovo multiethnique, mais

21 tout en disant que les Albanais devaient se conformer aux exigences serbes,

22 il a dit que je ne souhaitais pas envisager une autonomie élargie ou plus

23 importante.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense qu'il n'y a pas

25 lieu de citer à présent le compte rendu d'audience qui correspond à la

Page 43054

1 déposition de Knut Vollebaek, ceci nous prendrait trop de temps, mais ce

2 que je viens dire correspond à peu près à la teneur de ses propos.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Tout d'abord, n'a-t-on jamais contesté le fait que le Kosovo fasse

5 partie de la Serbie ?

6 R. Non, ceci n'a jamais été contesté. Aucun représentant politique serbe,

7 d'après la constitution, d'après les lois serbes, n'avait le droit de

8 mettre en question le statut du Kosovo en tant que partie intégrante de la

9 Serbie. Si vous aviez à accepter d'engager des négociations portant sur le

10 Kosovo comme ne faisant pas partie de la Serbie, vous seriez ainsi en

11 contravention à notre code pénal.

12 Q. Non, ce n'est pas cela qui pose problème. Le Kosovo est donc partie

13 intégrante de la Serbie. Mais lorsque je lui ai dit que ce sont les lois

14 serbes qui devaient s'appliquer au Kosovo, est-ce qu'il est exact que c'est

15 sur la totalité du territoire serbe que ces lois doivent s'appliquer ?

16 R. Mais absolument. Cela s'applique dans le monde entier. Ceci fait partie

17 d'une règle juridique universelle. On ne peut pas dire que les lois d'un

18 Etat ne s'appliquent pas sur une partie de son territoire, sauf si cette

19 partie du territoire n'est occupée par quelqu'un d'autre. Tant que l'Etat

20 existe, son ordre juridique doit être unique.

21 Q. Est-ce qu'il s'agit là de lois serbes ou de lois qui s'appliquent à

22 tous les citoyens qui sont sur le territoire serbe, albanais, ruthènes,

23 roumains, de toutes appartenances ethniques; est-ce qu'on n'a jamais

24 cherché à créer des lois qui auraient favorisé des Serbes ou est-ce qu'il

25 s'agit là de textes qui s'appliquent à tous les citoyens résidant sur les

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1 territoires de l'Etat qui s'appelle la République de Serbie ?

2 R. Nous n'avons jamais eu de lois qui s'appliqueraient uniquement à

3 certains groupes ethniques. Elles s'appliquaient toujours à tous nos

4 citoyens, et tout à chacun, chaque citoyen devait s'y conformer. Mais

5 l'Etat cherchait à respecter les droits de tous ces citoyens indépendamment

6 de leur appartenance ethnique.

7 Q. Mais est-ce que l'Etat protégeait également les membres des minorités

8 nationales sur le plan de leur langue, de l'usage de leur langue, de leur

9 communication avec les organes de l'Etat en employant leur langue, y

10 compris devant les tribunaux ? Est-ce qu'ils avaient le droit d'être jugés

11 dans leur langue maternelle ?

12 R. Etre jugé dans sa langue maternelle, tous les accusés avaient le droit

13 à cela, qui était inaliénable. Non seulement l'Etat protégeait ces droits

14 des minorités nationales, mais aussi sur un plan financier, il s'assurait

15 que ceci soit respecté. Le budget de la Serbie allouait des sommes tous les

16 ans pour aider les médias dans les langues des différents groupes nationaux

17 pour que leurs stations radiotélévisées puissent fonctionner, puisque

18 souvent, ils n'avaient de moyens pour le financer eux-mêmes, donc, c'est

19 l'Etat qui les aidait. Si la somme allouée par l'Etat n'était pas toujours

20 conforme à leurs exigences, c'était dû, en fait, que l'Etat lui-même

21 n'avait pas davantage de moyens, mais ce système n'a jamais été compromis.

22 Avant que l'agression ne soit menée contre la République fédérale de

23 Yougoslavie, au Kosovo-Metohija, il y avait environ 40 différentes

24 publications, journaux et magazines en albanais. A partir de la formation

25 de création de notre gouvernement, pour autant que je m'en souvienne, nous

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1 n'avons jamais interdit un seul journal. Une liberté totale régnait sur le

2 plan de la politique éditoriale. Nous ne nous sommes jamais ingérés dans la

3 teneur de leurs articles, dans les positions politiques qu'ils défendaient.

4 La seule chose qui était importante, c'était qu'ils ne se livrent pas à des

5 violences.

6 Q. Le témoin Ratomir Tanic a déclaré ici que les autorités serbes ont

7 essayé de prolonger le conflit avec l'OTAN pour accroître le nombre de

8 victimes civiles, et pour se déclarer victorieux sur le plan moral.

9 R. Ecoutez, cela n'a absolument aucun sens. J'ai des faits qui peuvent

10 montrer que Ratomir Tanic n'a aucune crédibilité. Avant, il a été

11 collaborateur des services secrets de Serbie. Il a espionné ses amis et ses

12 collègues politiques pour notre police secrète. Par la suite, il est devenu

13 agent des services de renseignements étrangers. Donc, toutes les

14 déclarations de Ratomir Tanic sont problématiques du simple fait qu'il a

15 été collaborateur des services secrets.

16 Q. Oui, tout à fait, ceci n'est pas contestable que sa crédibilité est en

17 question. Mais, il a déclaré également, ici, que nous savions que le

18 bâtiment de la radiotélévision de Serbie allait être bombardé, mais que

19 c'est délibérément que nous n'avons pas procédé à l'évacuation des

20 employés.

21 R. Cela, c'est absolument pas vrai. Nous ne savions pas que ce bâtiment

22 allait être bombardé. La nuit du bombardement, l'une des journalistes était

23 Angelina Vucic, qui était la mère du ministre de l'Information, Aleksandar

24 Vucic, qui est un des hauts fonctionnaires du Parti radical serbe. Si nous

25 avions su que le bâtiment allait être bombardé, j'imagine que le ministre

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1 aurait été le premier à informer sa mère de ce fait pour qu'elle puisse

2 s'enfuir.

3 Q. Le témoin Fred Abrahams a déclaré que d'après "Human Right Watch",

4 d'après son rapport de 1993, fait état d'une situation au Kosovo comme quoi

5 le Kosovo était un Etat policier. Que pouvez-vous dire de cela ? Il affirme

6 que les autorités serbes tentent d'expulser les Albanais des localités

7 serbes.

8 R. Il n'y a absolument aucune preuve montrant que les autorités serbes

9 auraient essayé d'évacuer la population albanaise de souche d'une localité

10 quelle qu'elle soit, et en particulier, certainement pas en 1993. Il n'y a

11 aucune preuve à l'appui de cela. Bien entendu, il y avait des forces

12 policières considérables serbes là-bas, mais c'était pour protéger l'ordre

13 public. Les Albanais au Kosovo avaient bénéficié des libertés

14 incomparablement plus importantes qu'ailleurs, que celles qu'on avait

15 ailleurs en république fédérale de Yougoslavie. Ils ne payaient aucune

16 taxe, ni électricité, ni eau, ni loyer, et les autorités n'ont jamais

17 cherché à procéder à des recouvrements forcés pour éviter toutes

18 difficultés.

19 Les Albanais, en tant que minorité nationale, se sont vus tolérer bien des

20 choses qui étaient contraires à la loi, et qu'on n'aurait toléré nulle part

21 ailleurs en Serbie.

22 Q. On ne l'aurait toléré à aucun citoyen d'appartenance serbe ?

23 R. C'est cela.

24 Q. Ici, pendant le contre-interrogatoire du général Obrad Stevanovic, M.

25 Nice, et là, j'évoque le même sujet dont a parlé Abrahams dans sa

Page 43058

1 déposition, donc M. Nice a affirmé que toute la Serbie n'était qu'un Etat

2 policier où la population vivait dans la peur. Par exemple, page 40 115, je

3 cite ce qu'a dit M. Nice : "Lorsqu'on examine les choses dans l'ordre

4 chronologique, l'on arrive à la contestation que c'était un Etat policier,

5 et la situation s'est même aggravée et devenue plus extrême au cours des

6 années 1990. Est-ce que vous acceptez, d'après ce que vous savez, le fait

7 que l'Etat où vous avez agi est un état où la police pouvait avoir recours

8 à la force dans l'impunité, et que la population vivait dans la peur."

9 Est-il vrai que c'est un Etat policier et que la population vivait dans la

10 peur ?

11 R. Non. Un Etat policier, c'est un Etat de par la définition où il n'y a

12 pas de règles de la loi et où la police agit sans se conformer à la loi. La

13 Serbie ne s'est jamais trouvée dans cette situation. Ceci ne veut pas dire

14 que notre système démocratique était parfait, il y a eu quelques

15 défaillances, quelques lacunes. Pendant cette période-là, allant de l'an

16 1990 jusqu'à l'an 2000, nous avions davantage de libertés démocratiques et

17 citoyennes que jusqu'à ce moment-là, et nous n'avons cessé de les

18 accroître.

19 Au cours des années 1990, la situation a été telle que la police pouvait

20 arrêter un citoyen et le placer en détention pendant trois jours. Quelques

21 années plus tard, ceci a été modifié. Le délai de détention a été raccourci

22 à une seule journée. A partir de ce moment-là, c'est le juge d'instruction

23 qui avait la compétence.

24 Ensuite, un citoyen placé en détention ne pouvait y rester que pendant six

25 mois. Maintenant, cela a été allongé pour atteindre deux ans, avant que

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1 l'acte d'accusation ne soit dressé.

2 Il y a eu bien d'autres changements. Nous avions des normes de la plus

3 grande qualité sur ce plan.

4 Aussi, un autre fait, les opposants politiques étaient rarement arrêtés en

5 Serbie, et cela, je peux vous en témoigner puisque votre régime, M.

6 Milosevic, n'a pratiquement arrêté personne d'autre que moi-même, seulement

7 Draskovic a été, lui, arrêté aussi, mais il a bénéficié de l'amnistie, lui.

8 Quand vous m'avez arrêté, vous m'avez toujours gardé en prison jusqu'au

9 dernier jour. D'ailleurs, je ne vous ai jamais supplié de me relâcher.

10 Q. Monsieur Seselj, compte tenu de cette expérience qui a été la vôtre, au

11 cours des années 1990, vous avez eu mal à partir avec la police, et d'après

12 ce que vous avez vécu, est-ce que vous pouvez dire que c'était un Etat

13 policier ?

14 R. Non. Non. Les droits, tels que prévus par la loi, ont toujours été

15 respectés. Parfois, il est arrivé éventuellement qu'un faux témoin arrive

16 pour déposer contre moi pendant le procès, mais pour ce qui est de la

17 procédure, pour ce qui est d'un des droits qui me sont garantis par la

18 procédure me soit nié, c'est quelque chose qui arrive dans les Etats

19 policiers, mais cela ne m'est pas arrivé. L'Etat policier, c'est un Etat où

20 il n'y a aucune limite à l'exercice des pouvoirs de la police. Mais ici, ce

21 sont les autorités civiles qui contrôlaient la police. Ce que j'ai dit la

22 dernière fois, c'est que nous avions bien moins de policiers qu'il y en a

23 aujourd'hui en Serbie. Nous avions 25 000 policiers pendant que nous avions

24 des problèmes au Kosovo-Metohija. Aujourd'hui, lorsqu'il n'y a plus de

25 polices serbes au Kosovo-Metohija, vous avez plus de 30 000 personnes ayant

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1 des pouvoirs particuliers en Serbie. Ces pouvoirs particuliers leur

2 permettent de procéder à des interpellations et des arrestations dans

3 certaines circonstances.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, cela fait combien

5 de temps que vous avez passé en prison ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je me suis retrouvé en

7 prison à plusieurs reprises. Tout d'abord, pendant plusieurs années après

8 une condamnation, puis, j'ai arrêté sept ou huit fois, par la suite, pour

9 des périodes plus brèves. En 1984, quand je suis venu écouter une

10 conférence de Milovan Djilas à l'Université Libre, on m'a gardé trois jours

11 en prison.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. Monsieur Seselj,

13 à chaque fois lorsque vous avez été arrêté, vous avez, par la suite, été

14 jugé et condamné. Est-ce qu'à chaque fois, vous dites que vos droits ont

15 été respectés ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le plan de la procédure, oui, mes droits

17 ont été respectés. Il m'est arrivé une fois qu'il y ait deux faux témoins

18 qui ont été présentés contre moi et qui faisaient partie des options

19 politiques rivales, on m'a reproché d'avoir attaqué physiquement le

20 président du parlement, mais je ne l'ai pas fait, je l'ai fait uniquement

21 verbalement, et j'ai été condamné à un mois à cause de cela.

22 Une autre fois, un de nos députés a versé de l'eau sur le président de

23 l'assemblée parlementaire, la majorité parlementaire a décidé de l'éloigner

24 des lieux. La police est venue pour l'éloigner, et nous l'avons protégé

25 physiquement. A cette occasion-là, j'ai été condamné à deux mois.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, c'est votre propre

2 expérience, je suppose que l'Accusation se fonde sur un éventail plus vaste

3 d'éléments de preuve en se fondant en particulier sur les expériences qui

4 ont été celles des minorités des Albanais kosovars. Est-ce que vous pouvez

5 nous dire si leurs droits à eux ont été respectés ? Est-ce qu'il est

6 raisonnable de généraliser à partir de votre expérience personnelle pour

7 nous parler d'une conclusion générale ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Après l'arrivée au pouvoir de M.

9 Milosevic, vers la fin des années 1980, il y a eu des arrestations

10 d'Albanais en raison du délit verbal, comme cela a été le cas pour ce qui

11 est des citoyens des autres groupes ethniques. Depuis que M. Milosevic est

12 venu au pouvoir, ce que je vous garantis, c'est qu'aucun Albanais n'a été

13 arrêté pour un délit d'opinion, un délit verbal. Les citoyens d'origine

14 ethnique albanaise n'ont été arrêtés que pour des raisons de terrorisme ou

15 de violence.

16 J'ai pris des exemples pour ce qui est de la Serbie toute entière. Il n'y a

17 aucun chef de l'opposition qui ait eu mon sort à moi. Je dois reconnaître,

18 Monsieur Robinson, que très souvent par mes provocations fréquentes, j'ai

19 obligé M. Milosevic à recourir à ce type de mesures, parce que j'avais pour

20 objectif politique de créer un incident qui me conduirait vers en prison

21 parce que la force de mon parti ne faisait que croître par la suite.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Continuez, Monsieur

23 Milosevic.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Poursuivons avec ce sujet relatif à l'Etat policier, Monsieur Seselj. A

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1 l'occasion du contre-interrogatoire du même témoin, le général Obrad

2 Stevanovic, qui a témoigné il n'y a pas très longtemps de cela, M. Nice a

3 dit à cette occasion-là que les meurtres de personnalités importantes

4 n'étaient pas chose peu habituelle en Serbie. Ce qui veut dire : "En

5 d'autres termes, c'est que pendant toutes années entre 1997 et 2000, des

6 assassinats de personnalités éminentes ont été chose non inhabituelle."

7 R. Il y a eu des assassinats ou des tentatives d'assassinats de

8 personnalités qui faisaient partie du régime, Bosko Perosevic, ministre de

9 la police -- non. Bosko Perosevic, il était membre ou plutôt premier

10 ministre du gouvernement de la Vojvodine.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant. Un instant, arrêtez-

12 vous, un instant. Etant donné que vous parlez la même langue, vous avez

13 tendance à ne pas faire de pause entre la question et la réponse. Nous vous

14 prions de faire des pauses entre les questions et les réponses.

15 Veuillez continuer, Monsieur Milosevic.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. En guise d'exemples de meurtres de ce genre, M. Nice a cité Radovan

18 Stojicevic Badza; Kelmendi; Fehmi Agani; Slavko Curuvija; Arkan; Pavle

19 Bulatovic; Ivan Stambolic. Je crois qu'il a même cité le meurtre de Zoran

20 Djindjic. Savez-vous nous citer d'autres exemples ?

21 R. J'ai beaucoup d'informations au sujet de ces meurtres. Fehmi Agani a

22 été tué dans un incident pendant la durée de la guerre. Je ne connais pas

23 les circonstances exactes mais j'ai ouï dire qu'il a été tué à l'occasion

24 d'un incident survenu alors qu'il essayait de quitter la Serbie. Je ne

25 connais pas les circonstances exactes.

Page 43063

1 Pour ce qui est de l'assassinat des autres, j'en ai beaucoup traité.

2 J'ai beaucoup enquêté. Vous savez que j'ai été président du comité

3 d'enquête du parlement fédéral qui a enquêté sur les circonstances du

4 meurtre du ministre de la Défense, Pavle Bulatovic. Notre comité d'enquête

5 s'est procuré le nom du meurtrier et s'est procuré les motifs possibles et

6 la machinerie de propagande de Zoran Djindjic m'est tombé dessus pour

7 m'attaquer avec tout ce qu'on pouvait, en disant que je dévoilais un secret

8 de l'Etat. Pour ce qui est d'Ivan Delic au sujet de qui on a dit qu'il

9 avait tué Pavle Bulatovic, il n'a jamais été interrogé. C'est quelqu'un qui

10 est connu pour des activités criminelles de cette nature.

11 Maintenant pour ce qui est du meurtre de Radovan Stojicic Badza qui était

12 général de la police et adjoint du ministre de l'Intérieur de Serbie, j'ai

13 appris en interrogeant le chef de la Sécurité de l'Etat, M. Radomir

14 Markovic, un autre général de la police qui se trouvait en prison à

15 l'époque, et j'ai appris que Radovan Stojicic Badza a été tué parce qu'il

16 était de mèche avec un trafic de tabac, une contrebande de tabac. Je l'ai

17 appris de la bouche de Stanko Subotic, appelé Stane Zabac, qui est le roi

18 de la mafia dans les Balkans. Il y avait participation du premier ministre

19 de l'époque et du premier ministre actuel du gouvernement du Monténégro, M.

20 Mile Djukanovic.

21 Pour ce qui est du meurtre d'Ivan Stambolic, le meurtre n'a pas

22 encore été élucidé. Lui, il a été tué en l'an 2000, avant les événements du

23 mois de septembre et les partis politiques ont accusé immédiatement le

24 pouvoir mais Ivan Stambolic n'a constitué aucun facteur politique à

25 l'époque. Personne n'avait intérêt à le faire tuer.

Page 43064

1 Quelque temps après ce meurtre, le meurtre d'Ivan Stambolic, une fois

2 qu'il y a eu changement des autorités en Serbie, les nouveaux pouvoirs avec

3 Zoran Djindjic à leur tête, ont systématiquement poussé cela sous le tapis.

4 Ce n'est qu'une fois que Zoran Djindjic a été tué à son tour, on nous a

5 fait savoir qu'on avait découvert les restes d'Ivan Stambolic. On avait

6 soi-disant découvert les meurtriers mais il s'est avéré que c'étaient des

7 gens qui ont fait venir Zoran Djindjic au pouvoir en date du 5 octobre

8 2002. Pour ce qui est des meurtriers de Zoran Djindjic, ce sont ceux qui

9 l'ont fait venir au pouvoir qui l'ont tué parce qu'il a essayé à un moment

10 donné de se tourner contre eux.

11 Moi aussi, j'ai été suspect pour le meurtre de Zoran Djindjic. Il y a

12 même eu un acte d'accusation à mon encontre. Il y a eu un juge

13 d'instruction spécial et un procureur spécial qui sont venus m'interroger.

14 Puis, l'acte d'accusation a été retiré. Un ministre du gouvernement de

15 Zoran Djindjic, un dénommé Dusan Mihajlovic m'a accusé, dans toutes ses

16 interviews de meurtre. Maintenant qu'il n'est plus au pouvoir, il a publié

17 un livre de mémoire en deux volumes et il est dit que je n'étais absolument

18 pas impliqué dans le meurtre de Zoran Djindjic.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet des autres meurtres;

22 Kelmendi, Slavko Curuvija, Arkan ?

23 R. Le meurtre de Kelmendi, je ne suis pas occupé de cela. Je ne m'en suis

24 pas occupé, je crois que c'est un règlement de compte entre Albanais. Je ne

25 connais pas les détails toutefois.

Page 43065

1 Pour ce qui est de Slavko Curuvija, j'ai publiquement dit qui étaient les

2 organisateurs et les exécutants du meurtre. Le régime de Zoran Djindjic n'a

3 pas réagi du tout à tout cela. Entre temps, tous ceux que j'ai accusés

4 publiquement en tant qu'auteurs, ils ont été également liquidés dans des

5 règlements de compte entre mafieux.

6 Pour ce qui est de Zeljko Raznjatovic Arkan, lui a été tué début 2000. On

7 sait exactement qui est-ce qui l'a tué et comment il a été tué. Le motif du

8 crime visait à prendre le contrôle sur la pègre avant la prise du pouvoir

9 par de nouvelles autorités en Serbie parce qu'on savait que Seljko

10 Raznjatovic Arkan avait été mis en accusation par le Tribunal de la Haye.

11 Il ne pouvait aller nulle part, il devait forcément rester en Serbie et

12 pendant qu'il restait en Serbie, personne ne pouvait se faire maître de la

13 pègre de Belgrade et ceux qui ont liquidé Arkan ont repris tous les cercles

14 mafieux et l'ont mis à contribution pour ce qui est du putsch du 5 octobre.

15 Q. Vous avez dit que vous avez notamment enquêté --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous entendu que les

17 interprètes vous demandent de ralentir ? Penchez-vous un peu sur le compte

18 rendu, vous verrez que les interprètes ne cessent de vous demander de

19 ralentir.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, mais je ne les ai pas entendus

21 puisqu'ils l'ont dit sur votre canal à vous.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. En quelle qualité avez-vous procédé à ces enquêtes concernant le

24 meurtre de Pavle Bulatovic ?

25 R. J'étais député fédéral et à l'initiative du Parti radical serbe, il a

Page 43066

1 été créé des comités d'enquêtes pour ce qui est d'enquêter sur les faits et

2 circonstances du meurtre de Pavle Bulatovic, étant donné que le parlement

3 fédéral s'est déclaré mécontent des résultats réalisés par la police. Dans

4 ce comité d'enquêtes, il y avait des représentants de tous les partis

5 politiques constituant le parlement fédéral, donc des députés de la Serbie

6 et du Monténégro.

7 Q. Dites-nous qui est-ce que vous avez interrogé, enfin pas vous en

8 personne mais le comité d'enquête ?

9 R. C'est moi qui interrogeait les gens parce que j'étais président du ce

10 comité d'enquête. Nous avons interrogé un grand nombre de ministres, de

11 hauts fonctionnaires de la police et de l'armée.

12 Q. Vous avez dirigé ces interrogatoires mais je pense que vous n'étiez pas

13 seul. Vous étiez probablement en présence de ce comité d'enquête ?

14 R. Tous les membres étaient présents et ils ont tous posé des questions et

15 c'est moi qui en ai posé le plus, des questions.

16 Q. Vous venez de nous dire que vous avez interrogé l'ex-chef du

17 département de la Sûreté de l'Etat, Radomir Markovic.

18 R. Oui, il était déjà en prison. Nous avons adressé une requête au

19 procureur et au président du tribunal et ils nous ont autorisé à nous

20 déplacer vers la prison pour l'interroger.

21 Q. Vous a-t-il dit quoi que ce soit au sujet de tortures auxquelles il

22 aurait été exposé et des raisons pour lesquelles il aurait été torturé ?

23 R. Oui, il l'a raconté, cela fait partie du PV du comité d'enquête, il a

24 dit que de façon illicite, on l'a fait sortir de la prison centrale. En

25 application de notre réglementation, un accusé ou un suspect ne saurait

Page 43067

1 quitter la prison que suite à une instruction de la part d'un tribunal

2 parce que la police n'a plus rien à voir avec lui. La police n'a pas le

3 droit de le contacter, ni de l'interroger, ni de l'entendre. A partir où il

4 est confié à un juge d'instruction, il fait partie des compétences d'un

5 tribunal.

6 Mais la police est quand même venue le voir. Ils l'ont emmené dans une

7 voiture vers l'institut chargé de la Sécurité à Belgrade. Il y avait là-bas

8 Dusan Mihajlovic et d'autres hauts fonctionnaires de la police. Ils lui ont

9 donné à déjeuner et à l'occasion de ce déjeuner, ils ont cherché à le

10 convaincre de faire en sorte de vous accuser vous de façon erronée pour ce

11 qui est de bon nombre d'assassinés à Belgrade et en Serbie, y compris celui

12 d'Ivan Stambolic, la tentative de meurtre de Vuk Draskovic et en échange,

13 ils lui ont proposé de supprimer l'acte d'accusation ou plutôt de faire

14 stopper les poursuites judiciaires, de lui donner une fausse identité, de

15 lui fournir des moyens financiers suffisants afin que lui et sa famille

16 puissent vivre jusqu'à la fin de leurs vies en toute sécurité dans

17 n'importe quel pays au monde, là où il choisirait de résider.

18 Je crois que j'ai publié des notes sténographiques de tous ces

19 interrogatoires et vous avez les notes sténographiques de l'audition du

20 général Radomir Markovic où l'on peut voir tout ce qu'il a déclaré aux

21 membres du comité d'enquête.

22 Q. Ces notes sténographiques qui ont été publiées suite à audition

23 de cet intéressé figurent ici à l'intercalaire numéro 12. J'aimerais que

24 vous retrouviez l'intercalaire en question. L'avez-vous retrouvé ?

25 M. KAY : [interprétation] Les traductions sont en train d'être

Page 43068

1 distribuées.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Je ne vais vous faire lire une grande partie de ce PV. Je vous prie

4 d'ouvrir le texte à la page 156.

5 R. J'ai retrouvé la page.

6 Q. Vers le milieu de la page, on dit : "Professeur Docteur Vojislav

7 Seselj, pendant le temps que vous avez passé détention provisoire avez-vous

8 fait l'objet d'un chantage ?

9 R. Radomir Markovic dit : "C'est une vieille histoire." Je dis : "Je le

10 sais à partir d'information privée." Mais ceci est une conversation

11 officielle.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous connaissez

13 la procédure. D'abord, il faut que nous retrouvions le passage en anglais.

14 M. NICE : [interprétation] Il s'agit du bas de la page 2 avec un

15 surlignage.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut continuer, Monsieur

18 Robinson ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Radomir Markovic a dit :

21 "Monsieur Seselj, j'ai été arrêté pour inculper Slobodan Milosevic pour

22 dire que c'est lui le modus vivendi de tous les maux et de toutes les

23 activités terroristes.

24 "Seselj : Est-ce que vous avez été sorti de la prison sans ordre du juge

25 d'instruction ?

Page 43069

1 "Markovic : Oui.

2 "Seselj : Combien de fois ?

3 "Markovic : Une fois. C'est cet homme-là qui m'a fait sortir.

4 "Seselj : Qui est-ce qui vous a fait sortir ?

5 "Markovic : Zoran Mijatovic.

6 "Seselj : Où est-ce qu'il vous a emmené ?

7 "Markovic : Il m'a emmené vers la villa du département de la Sûreté de

8 l'Etat dans l'enceinte de l'institut chargé de la Sécurité. Il y avait là-

9 bas un immeuble isolé qui s'appelle la villa. J'ai été emmené là-bas par

10 Goran Petrovic et le ministre Mihajlovic.

11 "Seselj : Que vous a-t-on demandé ?

12 "Markovic : Ils m'ont demandé d'accuser Slobodan Milosevic et de

13 reconnaître tous ces délits au pénal et de dire que Slobodan Milosevic m'a

14 donné directement l'ordre de le faire.

15 "Seselj : Que vous a-t-on proposé ?

16 "Markovic : On m'a donné une nouvelle identité, la liberté, de l'argent à

17 moi et à ma famille et de choisir le pays où je voulais vivre.

18 "Seselj : Quand vous leur dites que vous n'êtes pas impliqué dans le

19 meurtre, comment ont-ils réagi ?

20 "Markovic : Dès le premier jour s'agissant de mes collègues qui sont venus

21 ici pour s'entretenir avec moi, je leur ai indiqué les omissions

22 fondamentales qu'ils ont commises à l'occasion de la procédure et

23 lorsqu'ils ont recueilli des dépositions de la part de la personne qui

24 m'inculpe. J'ai espéré qu'ils m'aideraient. J'espérais qu'ils voulaient

25 m'aider. J'espérais qu'ils avaient commis ces omissions de façon fortuite.

Page 43070

1 Je ne m'attendais pas à un scénario où je serais amené dans une situation

2 sans issue qui me ferait inculper Milosevic afin qu'il soit jugé ici et

3 afin de justifier du fait que c'était lui le terroriste. Vous savez que

4 lorsqu'ils voulaient --"

5 Q. Cela suffit. Je crois que cela suffit.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que c'est ce que nous avons

7 pu endurer. Posez votre question.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. C'est ce que Markovic vous a dit à l'occasion d'une audition officielle

10 de ce comité d'enquête. Est-ce que ce comité d'enquête se trouvait être là

11 en composition pleine et entière ?

12 R. Le comité d'enquête n'était pas en composition pleine et entière mais

13 vous avez en introduction la liste des membres qu'il y avait de présents.

14 Il y avait Mileta Bulatovic du Parti socialiste populaire du Monténégro;

15 Miodrag Djindjic du Parti démocratique; un membre de votre Parti socialiste

16 Velko Odaljevic; et Zelimir Nikcevic un autre membre du Parti populaire du

17 Monténégro. Il y avait un secrétaire du comité d'enquête Gordana Perisic

18 [phon]; il y avait deux sténotypistes, Milena Vasiljevic et Zora Zlatkovic.

19 Le parlement fédéral a l'enregistrement audio de cette audition.

20 Q. Vous avez indiqué qu'il y a eu des attaques contre vous pour avoir

21 publié ces notes sténographiées.

22 R. Lorsque nous avons commencé à le faire, oui, vous savez dans toutes les

23 structures dirigeantes, on a sous-estimé la possibilité que nous avions

24 d'apprendre comme quoi que ce soit au niveau du comité d'enquête. C'est la

25 raison pour laquelle le parlement fédéral a décidé de sa création, mais

Page 43071

1 nous avons accédé de façon très sérieuse à ce travail. Ce livre peut

2 l'illustrer.

3 J'ai publié un livre avec plus de 1 000 pages de notes sténographiées

4 et tout ce que le comité d'enquête s'est procuré comme informations. Dès le

5 départ, nous avons dit que nous garderions secret la totalité jusqu'à la

6 fin des activités de ce comité d'enquête. Lorsque ces activités ont été

7 terminées, nous avons convenu que la documentation complète soit rendue

8 publique.

9 Dès que le rapport a été présenté, je me suis adressé à un grand

10 groupe de journalistes pour leur confier des parties entières de la

11 transcription de ces interrogatoires, et bon nombre de journaux ont publié

12 cela sous forme de feuilleton. Cela a secoué le régime en Serbie. Zoran

13 Djindjic était hors de soi de colère, il a déposé une plainte au pénal

14 contre moi pour avoir dévoilé un secret officiel. Cela n'a jamais été

15 publié mais pendant des périodes très longues, on m'a laissé savoir que

16 cette plainte au pénal existait.

17 On nous a donc condamné pour avoir publié bon nombre de détails qui

18 dévoilaient non seulement le meurtre et les circonstances de Pavle

19 Bulatovic mais de bon nombre d'autres personnes. Pour ce qui est du

20 ministre de la Défense, M. Pavle Bulatovic, il s'est avéré qu'il y a eu des

21 intervenants étrangers qui y ont pris part. Parce que tout un chacun en

22 Serbie et au Monténégro a bien compris que si Pavle Bulatovic était resté

23 en vie, Predrag Bulatovic ne pourrait jamais s'emparer du parti à Momir

24 Bulatovic. Or, ce n'est qu'une coïncide que de voir les trois avoir le même

25 nom de famille. Ils font partie d'une même tribu au Monténégro, mais ils ne

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1 font pas partie d'une même famille.

2 Il s'agissait de s'emparer du parti de Momir Bulatovic. Si Pavle

3 Bulatovic était resté en vie cela aurait été impossible compte tenu de

4 l'influence et de l'autorité dont il jouissait au Monténégro. Le meurtre de

5 Pavle Bulatovic a fait partie des préparatifs pour le putsch en Serbie en

6 fin de compte.

7 Q. S'agissant du meurtre de Curuvija ?

8 R. J'ai appris qu'il y avait un certain Jorga, Canda, un certain Jorga.

9 Jorga, il s'appelait Jevtovic. Canda, c'est un surnom. Je ne me souviens

10 plus des noms véritables de ces criminels de Belgrade. Cela existe dans le

11 livre.

12 Curuvija a été tué lorsqu'il n'a plus constitué de menace pour le régime.

13 C'était le propriétaire du plus sale des journaux qui s'appelait le

14 Telegraf. Nous avions adopté une loi quelque peu plus restrictive pour ce

15 qui est de la presse et il a subi des sanctions qui ont fini par fermer son

16 journal, parce qu'il a été exposé à bon nombre de sanctions pécuniaires et

17 il n'a pu les payer pour tous les mensonges qu'il publiait dans sa presse,

18 dans son journal.

19 Lorsque son journal a été fermé, lorsque donc l'autorité n'avait plus aucun

20 intérêt à le voir disparaître, il y a tout à coup meurtre de celui-ci une

21 fois que les bombardements ont commencé. Très longtemps, on a passé sous

22 silence ce meurtre. On laissé entendre que le service de Sûreté d'Etat y

23 était pour quelque chose. On a affirmé qu'il avait été suivi par ce dernier

24 mais étant donné que nous avons perdu le pouvoir très peu de temps après,

25 personne n'a enquêté au sujet de l'affaire et personne n'a élucidé ce

Page 43073

1 meurtre. Il a été impliqué dans des affaires financières, des scandales

2 financiers et de la contrebande, mais ceci n'a aucun intérêt pour la

3 Chambre ici présente.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous vu comment vous avez

5 prononcé cette dernière phrase ? Ceci a été une phrase prononcée de façon

6 modérée. Essayez de maintenir ce même ton et cette façon de prononcer vos

7 phrases parce qu'il m'est difficile autrement de me concentrer. Vous étiez

8 parvenu à un niveau de ton qui est tout à fait acceptable. Essayez de le

9 maintenir.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, cela est peut-être la

11 conséquence de la peur à laquelle vous m'avez exposé en me menaçant

12 d'interrompre mon témoignage si je ne me levais pas à l'occasion de votre

13 entrée. Peut-être cela a-t-il réduit la quantité d'adrénaline parce que si

14 vous m'obligiez à parler comme M. Nice ne le faites pas parce que ma femme

15 me laisserait tomber immédiatement.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai remarqué déjà auparavant que le

17 niveau de décibels émanant de votre part était très élevé. Je crois que

18 pour nous tous, ce serait préférable que de voir votre tonalité devienne

19 modérée.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer. Peut-être suis-je fatigué,

21 mais si cela m'arrive, si je lève la voix soyez certain que ce n'est pas

22 délibéré, ce n'est pas intentionnel pour vous gêner dans votre travail.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En réalité, j'ai fait la

24 distinction, je n'ai pas dit que cela était délibéré et je n'ai pas voulu

25 dire que vous le faisiez intentionnellement.

Page 43074

1 Continuez, Monsieur Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Je vais revenir à ma question Monsieur Seselj pour ce qui est de

4 l'interrogatoire du général Obrad Stevanovic. M. Nice à l'occasion du

5 contre-interrogatoire a dit entre 1997 et 2000 en particulier, les

6 assassinats n'ont pas été inhabituels. S'agissant donc de ces années 1997 à

7 2000, comme l'a dit M. Nice mais prenons encore la période allant de 1989 à

8 2000, y a-t-il eu assassinat de quelque leader de l'opposition que ce soit

9 entre 1989 et 2000.

10 R. Non, jamais, aucun leader de l'opposition n'a été assassiné. Il n'y a

11 eu que des meurtres de criminels et surtout dans des règlements de comptes

12 mutuels entre membres de la pègre. Il y a eu également de hauts

13 responsables du régime qui ont été assassinés notamment ceux qui au sujet

14 desquels on savait que vous leur faisiez confiance. Radovan Stojicic Badza

15 a été un homme de grande confiance, c'était quelqu'un qui vous était tout à

16 fait loyal. Je le sais très certainement, et ce dénommé Badza m'a même

17 arrêté à Gnjilane et m'a fait passer deux mois en prison, mais je me dois

18 d'être objectif.

19 Il n'y a eu que deux tentatives d'attentat contre Vuk Draskovic. C'est le

20 seul leader de l'opposition qui a été exposé à des tentatives d'assassinat

21 ou des prétendus tentatives d'assassinat. Les circonstances on été pour le

22 moins étranges.

23 La première fois sur la route nationale appelée Ibarska Magistrava, la

24 première fois un camion plein de sable aurait percuté sa voiture et le

25 chauffeur de Draskovic qui est le frère de son épouse a été tué sur place

Page 43075

1 et alors que Draskovic lui-même n'a pas été égratigné. J'ai trouvé cela

2 assez louche de prime à bord, les policiers ont dit qu'il s'agissait d'un

3 accident de la circulation routière, le chauffeur du camion n'a pas été

4 retrouvé et j'ai dit que les circonstances étaient assez douteuses.

5 Il y a eu enquête. Puis dans l'enquête, il s'est avéré que le camion

6 appartenait à la Sûreté de l'Etat et que des membres de la Sûreté de l'Etat

7 auraient été impliqués. Mais l'affaire en tant que telle a été très

8 désagréable pour les autorités, puis il s'est avéré par la suite que ceux

9 qui ont été suspectés pour la tentative de l'assassinat de Vuk Draskovic

10 fasse venir Zoran Djindjic au pouvoir.

11 Alors, on parle de motivation ou de motif, vous savez que Draskovic a

12 toujours été votre variante de réserve. Vous avez toujours redouté un

13 conflit avec moi et lui était toujours prêt à intervenir. Vous l'avez

14 arrosé, cultivé et chouchouté pour l'avoir en réserve. Vous saviez que

15 j'avais un mauvais caractère et que s'il y avait conflit il n'y aurait

16 aucune issue possible et qu'il y aurait donc divergence totale et vous avez

17 toujours gardé Draskovic en espérant que ce gouvernement serait démantelé

18 et que Draskovic finirait par vous rejoindre, puis, tout à coup, il y a

19 attentat contre Draskovic.

20 Qui est-ce que Draskovic dérangeait surtout ? Bien, il dérangeait surtout

21 Zoran Djindjic parce que tant qu'il était actif du côté de l'opposition,

22 Djindjic lui n'avait pas la possibilité de réunifier l'opposition pro-

23 occidentale. Alors plusieurs mois par la suite, il y a eu un attentat

24 contre Vuk Draskovic à Budva cette fois-ci. Très étranges circonstances.

25 L'assassin aurait tiré plusieurs fois, une balle l'aurait touché à

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1 l'oreille gauche, une autre balle l'aurait touché à l'oreille droite et

2 lui-même n'aurait aucune autre blessure grave. Mais Draskovic lui-même m'a

3 raconté à moi qu'à chaque fois qu'il séjournait à Budva, qu'il avait un

4 appartement dans un quartier d'élite et que chaque fois la police du

5 Monténégro assurait la garde devant chez lui. Ce jour-là, le jour où on lui

6 a tiré dessus, pour des raisons tout à fait méconnues, la police du

7 Monténégro avait retiré la garde qui lui était accordée. Donc, ils savaient

8 forcément que quelque chose se préparait, était en gestation.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez donné une réponse

10 complète.

11 Monsieur Milosevic, continuez.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, poursuivons. Je n'avais pas demandé ceci

13 de façon particulière mais je suppose, Monsieur Robinson, que les pièces

14 qui ont déjà été utilisées et qui ont été présentées de façon correcte avec

15 leur traduction peuvent être versées au dossier ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les intercalaires 1, 2, 3, 12, 25 en

17 ce qui concerne le chapitre 19 ainsi que les intercalaires 30 et 31. C'est

18 vrai aussi pour l'article de Kristan en ce qui concerne la revue

19 Socialisme.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez le versement de cet

21 article-là aussi ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Merci.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, quelle sera la cote ?

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D303, intercalaire 32 en ce qui

25 concerne l'article.

Page 43077

1 M. NICE : [interprétation] Ceci n'a pas déjà été versé au dossier, il n'y a

2 pas encore de traduction, mais je suppose qu'on va respecter la procédure

3 habituelle.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il n'y a pas de traduction ce

5 qui veut dire que c'est une cote provisoire qui est donnée à cet article en

6 attente d'une traduction.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson. Si j'ai bien

8 compris c'est uniquement l'article de M. Kristan qui vient de la revue

9 Socialisme qui n'a pas été traduit. Les autres documents sont tous dotés

10 d'une traduction, n'est-ce pas ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement. Merci.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Continuons.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Seselj, Fehim Elshani est venu témoigner ici en février 2002,

15 page du compte rendu d'audience 838. Voici ce qu'il a dit : "Pendant la

16 guerre au Kosovo, les forces serbes ont émis un communiqué disant que s'il

17 y avait une attaque de l'OTAN, ils allaient prendre des mesures de

18 représailles contre la population albanaise." Ce ne sont pas les forces

19 serbes qui l'ont dit, c'est le gouvernement serbe par le truchement de ses

20 dirigeants qui l'a dit dans ses communiqués de presse officiels. Vous étiez

21 vice-premier ministre. Est-ce que ce témoin a dit la vérité ?

22 R. Pas du tout, pas du tout. L'opinion publique tout entière de notre pays

23 a suivi de près tous les communiqués de presse du gouvernement et nous

24 voyons ici que c'est un mensonge flagrant. Jamais il n'y a eu ce genre de

25 communiqué.

Page 43078

1 Q. Merci. Mahmut Bakalli un autre témoin a cité le nom de certaines

2 personnes qui n'étaient pas prêtes à négocier, il a notamment donné le nom

3 de Tomislav Nikolic qui est le président adjoint du Parti radical de Seselj

4 a-t-il dit. Est-ce vrai ? Il a témoigné le 18 février 2002. Ceci se trouve

5 à la page du compte rendu d'audience 538. Là il parle de votre adjoint

6 Tomislav Nikolic, est-ce que Nikolic faisait parti de ceux qui refusaient

7 la négociation ?

8 R. Une fois de plus, c'est tout à fait faux. Tomislav Nikolic faisait

9 partie de la délégation de la Serbie, il est allé plusieurs fois au Kosovo,

10 il est allé à Pristina en vue de mener des négociations avec les partis

11 politiques albanais, en vain malheureusement. Jugez-en par vous-même, voyez

12 quelle est la véracité des propos de Mahmut Bakalli, vous savez que celui-

13 ci a dit de Zoran Djindjic que c'était le nationaliste serbe le plus

14 dangereux quelques jours à peine avant l'assassinat de Djindjic. Tous les

15 journaux serbes en ont parlé quelques jours avant la mort de Zoran

16 Djindjic.

17 Q. Agim Berisha, un autre témoin, a dit que Seselj avait déclaré qu'il

18 allait chasser tous les Albanais pour les envoyer de l'autre côté des

19 Prokletije. C'est la page 965 du compte rendu d'audience, il a déposé le 20

20 février 2002.

21 R. C'est tout à fait faux. Vous avez déjà vu un extrait de mon discours où

22 je dis que les immigrants albanais qui n'ont pas la citoyenneté serbe et

23 qui défendent des avis séparatistes devaient être chassés, n'importe quel

24 pays ferait de même.

25 Q. Mais il a été plus précis. Il a dit que vous, vous alliez les chasser

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1 et les envoyer du côté opposé des monts Prokletije.

2 R. C'était peut-être une métaphore parce que les monts Prokletije sont les

3 montagnes les plus élevées de la région. Il aurait fallu faire un peu

4 d'alpinisme pour y aller.

5 Q. Ce jour-là, à la page 967 du compte rendu d'audience, il a déclaré

6 avoir entendu Seselj parlé d'un plan particulier qui aurait été établi. Il

7 a dit qu'il avait peur pour sa vie et je le cite, il a dit : "Nous étions

8 simplement des civils emprisonnés, enfermés chez nous." Le 26 février, je

9 lui ai demandé précisément où Seselj avait dit qu'il allait chasser les

10 Albanais pour les envoyer de l'autre côté des monts Prokletije, il a dit ne

11 pas savoir s'il avait lu cela dans des journaux ou s'il l'avait entendu à

12 la télévision. Il ne savait pas si Seselj parlait de l'UCK ou des Albanais.

13 Un commentaire ?

14 R. Manifestement, ces gens qui ont préparé ce témoin l'ont préparé à faire

15 ce faux témoignage, s'ils sont mal pris, du coup, le témoin est un petit

16 confus, une fois qu'il s'est trouvé ici à ma place. La seule conclusion

17 manifeste, c'est qu'il mentait.

18 Q. Ici, nous avons quelque chose particulier. Nous avons le témoin Konaj,

19 qui a témoigné le 25 avril 2002, page du compte rendu d'audience, 3 788. Il

20 a dit que des véhicules de la police avaient escorté la colonne dans

21 laquelle se trouvait Seselj, et qu'un de ces véhicules est arrivé au

22 carrefour qui est entre Gorazdevac et Loxhe, et que là, ils ont trouvé des

23 enfants qui jouaient à la balle. Ils les auraient ainsi insultés ces

24 enfants. Ils ont même tué Tahir Halaj ou Shalaj, ce jour-là.

25 R. Je l'ai déjà dit lorsque j'ai effectué une visite dans certaines zones

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1 en crise au Kosovo, au cours de l'été 1998, j'avais été à Gorazdevac, qui

2 n'est pas loin de Pec. Il y avait une escorte assurée par la police, mais

3 pendant toute la durée de mon séjour au Kosovo-Metohija, il n'y a pas eu un

4 seul incident. Le reste, c'est concocté par le témoin.

5 Quant à savoir si quelque chose de ce genre s'est passé bien loin de

6 l'endroit où j'étais, quant à savoir si quelqu'un a effectivement été tué,

7 cela je ne sais pas, c'est possible. Mais je vous le répète, il n'y a pas

8 eu un seul incident qui aurait émaillé ma visite au Kosovo. Jamais même je

9 n'ai fait l'objet d'insultes verbales, et les gens qui m'escortaient n'ont

10 pas, non plus, insulté qui que ce soit. Mais c'est vrai qu'il y avait une

11 escorte de la police; une voiture devant et une voiture derrière. J'avais

12 aussi des journalistes avec moi. C'est souvent le cas. J'ai toujours des

13 journalistes qui m'accompagnent dans mes visites. C'était là un des buts

14 recherchés. Nous voulions, ici, faire comprendre que je cherchais une

15 solution politique, des négociations.

16 J'ai aussi été dans des lieux serbes afin de convaincre les personnes

17 qui étaient là de ne pas aller en Serbie parce qu'à un moment donné, la

18 population de Gorazde, qui est un lieu purement serbe, cette population

19 avait dit qu'elle allait déménager en Serbie parce qu'elle trouvait la

20 situation insoutenable. Elle ne supportait pas cette pression.

21 Q. Un témoin protégé, K5, a dit le 22 mai 2002, page du compte rendu

22 d'audience 5 549, ce témoin a déclaré qu'il existait des groupes

23 paramilitaires au Kosovo, groupes qui appartenaient à Seselj, a-t-il dit,

24 et que ces hommes portaient le nom d'Aigles blancs; est-ce exact ?

25 R. Une première chose, jamais je n'ai eu le moindre groupe paramilitaire.

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1 Deuxième chose, jamais je n'ai rien eu à voir avec des Aigles blancs.

2 Pendant toute la durée de la guerre au Kosovo-Metohija, et même avant,

3 lorsqu'il y a eu des combats avec des groupes terroristes au

4 Kosovo-Metohija, il n'y avait pas d'unités paramilitaires serbes venant de

5 Serbie à quelque moment que ce soit. Le gouvernement avait une politique

6 très claire à cet égard. Sa politique, c'était qu'il voulait empêcher

7 l'émergence d'unités paramilitaires. Il y avait eu de mauvaises expériences

8 dans des guerres précédentes en Bosnie et en Croatie, et le gouvernement

9 voulait éviter que ce genre d'expériences ne se reproduise. Nous voulions

10 l'éviter à tout prix.

11 Il n'y avait pas le moindre groupe paramilitaire au Kosovo. Il n'y

12 avait que l'armée et la police de Serbie qui étaient engagées au Kosovo.

13 Q. Savez-vous pourquoi on a utilisé cette expression, "Aigles blancs" ?

14 Est-ce que c'est là une appellation qui n'a jamais été utilisé en rapport

15 avec votre parti ou avec les bénévoles de votre parti ? Est-ce qu'il y a le

16 moindre lien entre cette appellation "Aigles blancs" et votre parti ?

17 R. Au cours de guerres précédentes, il y avait une petite organisation

18 paramilitaire qui s'appelait les "Aigles blancs," mais le Parti radical

19 serbe n'avait aucun lien avec elle, que du contraire. Toujours, nous avons

20 gardé nos distances par rapport à cette organisation et par rapport à

21 d'autres organisations, car nous pensions qu'elles nuisaient beaucoup aux

22 Serbes puisque leur objectif essentiel était le pillage, était de

23 poursuivre les intérêts qui leur étaient personnels. Mais de toute façon,

24 ils n'ont jamais fait aucune apparition au Kosovo.

25 Dans les médias occidentaux, on est même allé jusqu'à affirmer

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1 qu'Arkan s'était trouvé au Kosovo avec sa garde de volontaires. Mais Arkan

2 a passé la totalité de la guerre au Kosovo à l'hôtel Hyatt. Il était tout à

3 fait visible des journalistes étrangers qui séjournaient dans ce même

4 hôtel, même si partout dans ces médias, on a parlé de la présence d'Arkan

5 au Kosovo.

6 Q. Lorsqu'on a demandé à Shukri Buja s'il avait été surpris par l'attaque

7 de la police à Racak, il a répondu de façon négative. Il a expliqué qu'il y

8 avait eu des avertissements, parlant de l'arrivée de Seselj et des

9 activités de ce qu'on avait appelé "La main rouge -- a main noire".

10 R. Là aussi, c'est monté de toutes pièces. Il y avait une organisation qui

11 s'appelait "La main noire," mais cela, elle existait il y a cent ans de

12 cela. C'est la famille royale Obrenovic qui l'avait crée. C'est elle qui

13 avait monté un coup d'état. En 1993, ils avaient été remplacés par la

14 famille des Karadjordjevic. Cette organisation, en 1903, elle avait menacé

15 de tuer Aleksandar Karadjordjevic. Mais tout ceci avait été, en ce qui

16 concerne ces guerres récentes, monté de toutes pièces. Cette organisation

17 n'existe pas.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On voit ici apparaître le chiffre 93

19 dans le compte rendu d'audience, vous parlez de 1903 ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, 1903. En 1903, la dynastie a changé

21 à la suite d'un coup militaire. Un groupe d'officiers militaires s'était

22 organisé pour constituer une organisation appelée, "La main noire," et la

23 dynastie a changé. Je vous ai dit que cela s'était passé, il y a plus de

24 cent ans de cela.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Shukri Buja, ce témoin, a déclaré, page 6 421 du compte rendu

2 d'audience, le 6 juin 2002, a dit qu'il était possible de voir des extraits

3 diffusés à la radiotélévision de Serbie où l'on voyait Seselj qui passait

4 en revue en uniforme militaire ces unités comme c'était le cas avec Arkan;

5 est-ce exact ? Pourriez-vous être précis ? Est-ce que vous aviez vos

6 propres unités, première question ? Deuxième question, est-ce qu'il vous

7 est arrivé de passer vos unités en revue ?

8 R. Une première chose, jamais, je n'ai eu d'unités à moi. Pendant la

9 guerre, en Krajina serbe, et au début de la guerre civile en Bosnie-

10 Herzégovine, le Parti radical serbe avait ses volontaires, mais uniquement

11 dans le cadre de la JNA, qui était la seule force militaire légitime et

12 légale sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Au Kosovo-Metohija, nous

13 n'avons jamais eu de volontaires du Parti radical serbe. Bien sûr, ceux de

14 notre parti qui étaient en âge d'être sous nos drapeaux ont été mobilisés.

15 Ils se sont trouvés dans des unités militaires. Un de nos parlementaires a

16 même été tué. Il était capitaine de première classe dans l'armée yougoslave

17 pendant la guerre au Kosovo-Metohija. Mais jamais nous n'avons fait un

18 appel à des volontaires. S'il y a eu des volontaires au Kosovo-Metohija,

19 c'est parce que ces personnes se sont présentées, en ont fait la demande

20 directement, eux-mêmes, auprès de l'armée de Yougoslavie.

21 J'ai porté l'uniforme pendant un certain temps lorsque j'ai fait

22 l'inspection de positions militaires en Krajina serbe à l'époque où la RSFY

23 existait encore, à l'époque où tout citoyen pouvait être considéré comme

24 étant membre des forces armées s'il luttait de façon organisée, armes à la

25 main contre l'ennemi.

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1 Dès qu'il y a eu le démantèlement de la Yougoslavie, quand la

2 Slovénie, puis la Croatie, puis la Bosnie-Herzégovine ont été reconnues,

3 j'ai cessé de porter l'uniforme lorsque j'ai fait l'inspection de forces

4 militaires sur certains théâtres de guerre, ce que j'ai fait fréquemment.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous

6 allons maintenant suspendre l'audience. Elle reprendra demain à 9 heures.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 24 août

8 2005, à 9 heures 00.

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