Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 24 août 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous en prie,

7 veuillez poursuivre avec votre interrogatoire principal.

8 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Seselj. Hier, nous avons commencé à

12 aborder une question qui concerne la déposition de Shukri Buja qui

13 mentionne la Main noire ainsi que d'autres hommes politiques de Serbie. Je

14 vais vous donner lecture de ce qu'il dit à ce sujet. J'ai la page 6 421 du

15 compte rendu d'audience qui correspond à sa déposition. On lui a posé une

16 question, on lui a dit qu'on venait d'arrêter à Racak certains citoyens. Il

17 dit : "Nous n'avons arrêté aucun civil. Nous les avons placés en détention

18 pour une période très brève. Nous avons pris le risque d'une intervention

19 des paramilitaires serbes de la sorte de la Main noire."

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'elle n'a pas de texte et que la

21 lecture se fait en anglais et rapidement.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. "Ceci aurait pu avoir des répercussions graves et donner lieu à un

24 autre massacre."

25 Pour ne pas donner lecture davantage, il continue en disant : "Ces

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1 histoires au sujet de la Main noire et des formations paramilitaires, ce

2 sont des histoires que nous avons déjà entendues et elles ne sont pas

3 exactes, elles ne sont pas véridiques. Elles sont pittoresques et également

4 inexactes. Mais puisque vous venez de le mentionner, vous affirmez que tous

5 les hommes politiques, tous les hommes politiques serbes avaient des unités

6 militaires au Kosovo.

7 "Vous dites --", et c'est la page 9 de sa déposition de témoin - que

8 : "Kostunica a posé pour un photographe lorsqu'il est parti en déplacement

9 pour rendre visite aux troupes serbes au Kosovo pendant le conflit. Il

10 portait une ceinture à munitions à sa poitrine et il aurait tenu une arme

11 automatique. J'ai vu Seselj à la télévision plusieurs fois pendant qu'il

12 venait passer en revue nos unités ou rendre visite à nos unités."

13 Puis, je lui ai demandé : "Est-ce que c'est vrai ?"

14 Il a répondu : "Kostunica a posé et ceci a pu être repris par des

15 quotidiens, et cetera. Si vous voulez, je vais vous fournir une copie de

16 cela." Puis, page 6 442, une question lui est posée, vers la fin du

17 paragraphe il dit : "Tous les hommes politiques avaient des uniformes

18 militaires, ils ont tous attaqué Kosovo d'une certaine manière. C'est ce

19 qui est dit ici."

20 Dites-nous, s'il vous plaît, qui sont ces hommes politiques au Kosovo,

21 vous, vous êtes mentionné, ainsi que Kostunica ? Qui sont ces hommes

22 politiques qui avaient des unités paramilitaires au Kosovo ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de répondre, Monsieur Seselj,

24 Monsieur Milosevic, à l'avenir lorsque vous avez un passage de ce genre

25 dont vous souhaitez donner lecture, il faudrait que vous essayez de le

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1 résumer pour poser la question à M. Seselj. En substance, ce que vous

2 voulez savoir de la part de M. Seselj est la chose suivante : l'Accusation

3 a fait citer des témoins disant que des hommes politiques avaient leurs

4 propres paramilitaires au Kosovo, et vous souhaitez que le témoin formule

5 des commentaires là-dessus, et vous vous êtes référez spécifiquement à un

6 témoin qui a dit qu'il a vu Seselj à la télévision plusieurs fois en train

7 visiter ses propres unités. Donc, tout ceci, vous pouvez le résumer

8 brièvement, vous n'avez pas à en donner lecture in extenso. Je sais que

9 c'est une pratique qui s'est établie ici depuis le début de l'affaire et

10 que l'Accusation pratique également, mais je pense que nous perdons trop de

11 temps. Allez au vif du sujet, posez votre question à M. Seselj.

12 Monsieur Seselj, allez-y, répondez-nous.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Au Kosovo-Metohija, il n'y avait aucune forme

14 de formation paramilitaire serbe. Tout simplement, elles n'ont pas

15 existées, que ce soit au Kosovo ou que ce soit ailleurs en Serbie pendant

16 toute la durée du problème et de la crise kosovare, et cetera. La Main

17 noire, c'est une organisation secrète réunissant des officiers. Elle date

18 de l'époque d'avant la Première guerre mondiale. Même à l'époque où elle a

19 existé, elle n'a pas été paramilitaire. C'était en revanche un groupe

20 d'officiers qui ont tramé un complot contre une dynastie, contre un roi et

21 qui s'apprêtait à liquider le couple de monarques au trône pour amener au

22 trône une autre dynastie. Donc, je l'ai déjà expliqué, c'était cela

23 l'objectif de la Main noire.

24 Dans les médias autrichiens cependant, on a pensé que la Main noire a été

25 impliquée également dans l'attentat contre le prince héritier, le prince

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1 Ferdinand. Mais ceci n'a jamais été prouvé. Pendant la Première guerre

2 mondiale, la Main noire a cessé d'exister. Jamais à partir de ce moment-là

3 elle n'a agi --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj,

5 je pense que vous avez répondu. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de

6 formations paramilitaires serbes là-bas.

7 Monsieur Milosevic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, je ne vous ai répondu que partiellement

9 à la question. Il faut que je vous réponde à la partie de la question qui

10 concerne Kostunica. Il est aujourd'hui le chef du gouvernement de la

11 Serbie. J'insiste, il faut que j'y réponde, c'est important.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous entendrons une brève réponse à

13 cela.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout comme un certain nombre d'autres

15 présidents des partis politiques d'opposition, Kostunica est venu rendre

16 visite aux Serbes menacés au Kosovo-Metohija. A un poste de police, il a

17 emprunté un fusil automatique de la part d'un policier et il s'est fait

18 photographier avec ce fusil. Voyez-vous toute la Serbie rit lorsqu'on

19 affirme que Kostunica avait une unité paramilitaire, ceci est totalement

20 contraire à sa nature, donc c'est totalement impossible. Que ce soit lui ou

21 le Parti radical serbe, ce n'est pas vrai, on ne les avait pas. Moi-même,

22 je ne suis pas venu non plus passer en revue des unités paramilitaires.

23 Tout cela c'est inventé de toutes pièces, c'est de pure fabrication. C'est

24 incroyable que ceci puisse être avancé devant un Tribunal de ce genre.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, quelle est la date de

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1 l'incident qui concerne M. Kostunica ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne s'agit absolument pas d'un incident.

3 Pourquoi serait-ce un incident ? C'est un événement.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, l'événement, à quel moment est-

5 ce que cela s'est produit ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ma mémoire, c'était à l'été 1998. Si

7 ma mémoire ne flanche, je n'ai pas en mémoire tous les détails de la

8 biographie de Kostunica. Cela a été publié dans les journaux à peu près à

9 ce moment-là.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Seselj, c'est tout à fait clair : Kostunica n'a eu aucune

12 unité paramilitaire. Est-ce que c'est ce que vous avez dit clairement dans

13 votre réponse ?

14 R. Oui.

15 Q. Le témoin K6 a dit qu'il y avait un groupe qui était actif au Kosovo et

16 que c'était le groupe des Tigres d'Arkan, et par la suite - page 6 597,

17 voilà M. Robinson, je ne donnerai lecture d'aucun texte - il dit qu'il y

18 avait là-bas des hommes de Seselj, il y a la Main noire. Il dit les Tigres

19 d'Arkan, les hommes à Seselj et la Main noire. Est-ce que ceci est exact ?

20 R. Ecoutez, je ne voudrais pas me répéter encoure une fois pour ce qui est

21 éventuellement de la présence de mes hommes ou des unités paramilitaires

22 appartenant au Parti radical serbe, ceci n'est absolument pas vrai. Mais il

23 faut que je démente aussi ce qu'on dit au sujet d'Arkan. Je n'ai jamais eu

24 de bonne opinion d'Arkan. J'ai toujours été en conflit avec lui. Mais il

25 faut cependant que je dise la vérité : après la guerre en Bosnie-

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1 Herzégovine et après les accords de Dayton, Arkan a démantelé sa Garde des

2 volontaires serbes, et par la suite, elle ne s'est jamais manifestée nulle

3 part dans aucun incident. Elle n'a jamais pris part à aucune manifestation

4 nulle part. Lui, il s'est livré à des activités criminelles même après

5 cette guerre, mais la Garde des volontaires serbes n'existait plus.

6 Arkan a constitué un parti politique. J'ai fait des efforts pour combattre

7 son parti politique pendant la campagne présidentielle, et j'ai eu beaucoup

8 de succès lors des débats à la télévision. J'ai pu l'emporter sur lui à tel

9 point que son parti a complètement perdu de son influence. Lui était arrivé

10 à imposer son parti politique, mais j'ai fait des efforts pour le

11 démanteler.

12 L'avocat, Toma Fila, lui, il est venu plaider ici dans une vingtaine

13 d'affaires.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes allé un petit peu au-delà

15 de ce que l'on vous a demandé dans la question.

16 Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Passons maintenant aux événements de la Krajina. Combien de fois vous

19 êtes-vous trouvé dans la Krajina au cours des années 1990 et 1991 avant que

20 les conflits n'éclatent quels qu'ils soient ?

21 R. J'y suis allé à plusieurs reprises. Je ne pourrais pas vous dire

22 exactement combien de fois. Je me souviens de plusieurs occasions. Je suis

23 allé à un rassemblement au mont Petrova. Je suis allé à Knin à peu près au

24 moment où on a proclamé la Région autonome de la Krajina. Puis, l'année

25 d'après, j'étais à la tête de la grande marche des Serbes au lac de

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1 Plitvice. Je me suis trouvé à plusieurs reprises sur le territoire de la

2 Krajina. Je me rappelle de tous mes déplacements là-bas. Je me suis rendu

3 plus souvent dans la partie orientale de la Krajina, dans la Slavonie. Le 9

4 mars 1991, c'était la première fois parce que je n'y suis pas allé en 1990.

5 Donc à partir du 9 mars 1991, j'y suis allé plusieurs fois, dans la

6 Baranja, dans la Slavonie orientale et dans le Srem occidental.

7 Q. Ce rassemblement populaire au Kordun au mont Petrova que vous venez de

8 mentionner, à quel moment est-ce que cela s'est produit ?

9 R. Cela a été un rassemblement des Serbes et des Croates, c'était cela son

10 appellation officielle, c'était en 1990, le 4 mars, et le prétexte immédiat

11 était que le président de la Communauté démocratique croate, Franjo

12 Tudjman, vers la fin février, je pense que c'était le 24 février, a déclaré

13 que l'Etat indépendant croate était une expression des intérêts historiques

14 du peuple croate. Or, l'Etat indépendant croate pendant la Seconde guerre

15 mondiale a été une création d'Hitler, une création Quisling, les Oustachi

16 croates d'après les crimes, leur nombre et la gravité des crimes qu'ils ont

17 commis contre les Serbes, les Juifs et les Rom, bien, ils ont surpassé

18 Hitler. En réponse à cette déclaration de Franjo Tudjman, le comité

19 d'initiative d'un groupe de citoyens parmi lesquels il y avait des Serbes

20 et des Croates mais sans appartenance, sans obédience politique a organisé

21 un rassemblement au mont Petrova, il a été baptisé le meeting des Serbes et

22 des Croates, et celui qui a pris la parole à ce meeting en tant que

23 conférencier principal, cela a été le général à la retraite Dusan Pekic.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Vous avez figuré là-bas parmi une dizaine de milliers de participants.

2 En quelle qualité ?

3 R. J'étais à la tête du Mouvement libertaire serbe, c'était cela la

4 première appellation de notre parti. J'étais là avec Vojin Vuletic, vice-

5 président à l'époque Djordja Miletic et Mme Radmila Miletic, son épouse,

6 c'est elle qui nous a conduit là-bas.

7 Q. Vous venez d'expliquer quel a été le motif d'organiser ce grand

8 rassemblement populaire le 4 mars au mont Petrova. Très brièvement,

9 pourriez-vous nous expliquer comment les Serbes de Krajina, et non

10 seulement de la Krajina mais de toute la Croatie, comment ont-ils perçu ce

11 rassemblement du HDZ au centre Lisinski de Zagreb ainsi que ces

12 déclarations sur l'Etat indépendant de Croatie exprimé à l'époque par le

13 président Tudjman ?

14 R. Le génocide subit par les Serbes pendant l'Etat indépendant de Croatie,

15 seul Jasenovac a connu 700 000 victimes serbes, et ce, de la manière la

16 plus brutale, 35 000 Rom et 60 000 Juifs y ont été tués. Ensuite, partout

17 sur le territoire de l'Etat indépendant de Croatie qui comportait la

18 Croatie, toute la Bosnie-Herzégovine et tout le Srem, il y a un nombre

19 incalculable de fosses communes serbes, il y a eu des exécutions à divers

20 endroits. Le peuple serbe a connu des souffrances très importantes pendant

21 cette période-là et Tudjman a évoqué cela et partout au sein de cette unité

22 fédérée qui était la Croatie, les Serbes ont eu peur que cette tragédie

23 qu'ils ont connu en 1941 et 1945 ne se reproduise.

24 Q. A quel moment il y a eu le rassemblement à Lika ?

25 R. Cela s'est tenu fin juillet. Je pense que c'était le 25 ou le 27

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1 juillet 1990. Ce rassemblement a été convoqué parce qu'immédiatement avant

2 on a lancé un débat sur les amendements apportés à la constitution de

3 Croatie. Tudjman, à l'époque, avait déjà pris le pouvoir parce que son

4 parti avait remporté les élections fin avril début mai. Ils ont remporté 41

5 % des voix si ma mémoire est bonne, mais grâce à leur système électoral

6 majoritaire, ils bénéficiaient des deux tiers des sièges au parlement

7 croate. Ils ont tout de suite procédé à modifier la constitution croate et

8 ils ont rayé du texte de la constitution la proposition disant que les

9 Serbes étaient un peuple constitutif en République de Croatie. Les Serbes

10 ont compris ce qui allait advenir d'eux parce que d'après la théorie du

11 droit de l'époque le statut du peuple constitutif entendait que personne ne

12 pouvait modifier le statut juridique sans --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

14 La question était de savoir à quel moment s'est produit ce rassemblement

15 auquel vous avez participé. Vous avez tendance à être un peu loquace. Est-

16 ce que vous pouvez vous concentrer, s'il vous plaît, sur les questions

17 qu'ils vous sont posées et ne vous étendez pas au-delà de ce que M.

18 Milosevic ou la Chambre ne vous demande.

19 Oui, je vous en prie, Monsieur Milosevic.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Vous venez de dire qu'on a organisé ce rassemblement parce qu'on a

22 amorcé la procédure devant aboutir aux amendements à la constitution croate

23 et vous avez signalé l'élément le plus important à savoir le fait qu'on a

24 rayé les Serbes en tant que peuple constitutif de la constitution croate.

25 Est-il vrai que dans toutes les constitutions d'après la guerre le peuple

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1 serbe figurait en tant que peuple constitutif, c'est-à-dire la Croatie est

2 l'état des peuples croates, serbes et autres peuples qui y vivent ?

3 R. Mais cela, c'était la condition de l'existence même de l'unité fédérée

4 croate dans l'espace de l'ex-Yougoslavie et dans le cadre de l'ex-

5 Yougoslavie. C'est uniquement sur la base de ces prémisses-là que la

6 Croatie pouvait avoir les territoires qui étaient les siens, à savoir que

7 les peuples constitutifs sur un pied d'égalité soient les Croates, les

8 Serbes qui vivent en Croatie ainsi que les autres nationalités comme on les

9 appelait à l'époque.

10 Q. Dites-nous, à ce moment-là, est-ce qu'il y a eu une inquiétude ou une

11 préoccupation du même genre au sujet des symboles qui ont été adoptés le 27

12 juillet 1990 par les autorités croates ?

13 R. Pendant son combat pour arriver au pouvoir, Tudjman est revenu aux

14 anciens symboles. Au moment où l'Etat croate a été proclamé, l'échiquier

15 croate a été rendu officiel en tant que blason croate. Ensuite, Franjo

16 Tudjman a commencé à ramener les membres des tendances les plus extrémistes

17 de l'immigration croate dans l'Etat. Il les a ramenés, il les a installés à

18 des postes les plus importants dans les structures du pouvoir. Les Serbes

19 ont compris ce qu'il allait advenir d'eux; que cela n'allait apporter rien

20 de bon. Ils ne pouvaient s'attendre à rien de bon de la part de ces

21 pouvoirs qui devenaient de plus en plus ouvertement Oustacha.

22 Q. Très bien. Je vais vous donner lecture de deux paragraphes --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Messieurs Milosevic et Seselj, je

24 vous en prie. Jetez un coup d'œil au compte rendu d'audience. Vous verrez

25 que les interprètes vous demandent de ralentir tous les deux.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai aucun compte rendu

2 d'audience. Je ne suis pas le transcript puisque je ne connais pas la

3 langue anglaise. En fait, je connais la langue anglaise dans la mesure où

4 cela m'est nécessaire mais pas autant que vous souhaitiez que je la

5 connaisse.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'empêche, les interprètes nous

7 ont demandé de vous signaler qu'il était nécessaire que vous ralentissiez.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'en tiendrai compte, et je suppose que M.

9 Seselj fera de même. Il faudra qu'on ralentisse à l'intention des

10 interprètes.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Je vais vous donner lecture des paragraphes 94 et 95 du volet croate de

13 l'acte d'accusation, du soi-disant acte d'accusation.

14 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas qu'il convienne d'accepter que

15 l'acte d'accusation soit qualifié de soi-disant. C'est un petit point, mais

16 il s'agit là d'une question de respect pour la Chambre.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, votre

18 commentaire n'a pas été approprié.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, quant aux choses totalement

20 insensées --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne voudrais

22 pas qu'on se lance dans un débat. Poursuivez avec vos questions.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Je vous donne lecture du paragraphe 94. "En avril et en mai 1990, en

25 République de Croatie, des élections ont été tenues. Lors de ces élections,

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1 le Parti démocrate croate a remporté la majorité des voix, et s'est assuré

2 la majorité des sièges au parlement croate. Le parlement croate a élu, à ce

3 moment-là, à la tête, à la présidence de la Croatie, le candidat du HDZ

4 Franjo Tudjman. Les élections ont été tenues. Le HDZ a remporté la majorité

5 des voix et s'est assuré la plupart des sièges au parlement."

6 Au point 95, le point qui suit, il est dit : "Avant les élections, dans la

7 perspective des élections de 1990, le Parti nationaliste serbe a été fondé

8 à Knin. L'abréviation correspondant est le SDS. Il militait pour

9 l'autonomie, puis pour la sécession des régions croates à majorité serbe."

10 Monsieur Seselj, d'après ce que vous savez, d'après la situation telle que

11 vous l'avez connue dans la Krajina, est-ce que cela nous permet de

12 confirmer ces qualifications du SDS et du HDZ ? Enfin, je précise. Dans la

13 perspective des élections de 1990, le Parti nationaliste serbe, le SDS a

14 été fondé à Knin. Est-il vrai que le HDZ a été fondé avant les élections ?

15 Quel est le parti qui a été fondé avant les élections ? Lequel a été fondé

16 le premier ?

17 R. Dès 1989, en Croatie, on a procédé à la création des partis politiques

18 d'opposition, à l'époque où officiellement, d'après la loi, ceci n'était

19 pas autorisé. Tous ces partis politiques étaient des partis politiques

20 croates. Branko Horvat a fondé son parti. Le HDZ a été fondé par Franjo

21 Tudjman. Le Parti libéral, enfin, je ne connais pas son nom officiel mais

22 c'était le parti de Slavko Goldstein, et cetera, tandis que les Serbes

23 n'ont pas du tout créé leur parti politique. Jusqu'au 14 février, si ma

24 mémoire est bonne, ou plutôt c'est à cette date-là que le parlement croate

25 a adopté une loi permettant la création libre des partis politiques, donc a

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1 établi un système pluripartite. Jusqu'à ce moment-là, il se peut que je

2 fasse une erreur sur les dates mais ce n'est pas important. Je pense que

3 c'est la substance qui compte. Donc, c'est le 17 février, je pense, que la

4 loi a autorisé la création des partis. A ce moment-là, c'est le Parti

5 démocrate serbe qui a été créé. Tous les partis qui ont été créés en

6 Croatie par la suite, ont été plus ou moins nationalistes, mis à part

7 quelques petits partis insignifiants qui ont disparu rapidement. La

8 Communauté démocratique croate a été le parti dominant.

9 Je ne pense pas, que lorsqu'on parle de "nationalisme", ceci a des

10 connotations négatives en soi. C'est le chauvinisme qui est négatif. C'est

11 la haine envers d'autres peuples. Or, ce parti, dès le départ, s'est montré

12 être chauvinisme.

13 Le Parti démocrate serbe quant à lui a été créé en réaction à la

14 création de la Communauté démocratique croate. Il s'est contenté d'essayer

15 de protéger les intérêts nationaux serbes. Le premier président du SDS a

16 été le Dr Jovan Raskovic. Il a précisé, de manière claire, le programme du

17 SDS en trois mots pratiquement. Si la Yougoslavie se maintient en tant

18 qu'un état fédéral, le SDS, le Parti démocrate serbe se déclare à la faveur

19 d'une égalité des Serbes au sein de la Croatie, et nous demandons qu'une

20 autonomie. En revanche, si la Yougoslavie ne se maintient pas, le SDS

21 demande une autonomie territoriale pour les Serbes en Croatie là où ils

22 constituent la majorité. Si la Croatie quitte, la Yougoslavie, le SDS --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous interromps. Vous avez

24 répondu à la question qui était de savoir à quel moment ce parti a été

25 créé.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Certes, mais avant cela, j'ai posé la question de savoir autre chose en

3 citant ces deux paragraphes, notamment.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai voulu savoir quelles

5 étaient les connaissances qu'avait M. Seselj au sujet des qualificatifs

6 relatifs à l'un et à l'autre parti, et quels ont été les objectifs

7 poursuivis par l'un et l'autre de ces partis.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vous prie de ne

9 pas parler en même temps que moi.

10 Monsieur Milosevic, je vous demanderais de ne pas poser plusieurs

11 questions à la fois mais d'en poser une à la fois, parce que cela nous

12 conduit à des réponses de plus en plus longues.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Est-ce que l'un des objectifs poursuivis par le Dr Jovan Raskovic, le

15 premier président et le fondateur du Parti démocratique serbe, que celui-ci

16 l'a donc présenté en parlant de ce Parti démocratique serbe, était-il

17 chauvinisme, antidémocratique ou hostile en quelque sorte vis-à-vis des

18 Croates en Croatie ?

19 R. Absolument pas. Tout d'abord, l'épouse du Dr Jovan Raskovic était

20 Croate. Sa fille avait épousé un Croate. Deuxièmement, Jovan Raskovic, à

21 l'occasion de tous les rassemblements où il a pris la parole - à certains

22 rassemblements j'ai été présent, à d'autres, j'ai suivi cela par les médias

23 - c'est là qu'il a insisté pour dire que le Parti démocratique serbe et le

24 peuple serbe ne sont pas la Croatie et le peuple croate mais qui sont

25 contre les Oustachi. Il l'a sans cesse répété à tout endroit où il a pris

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1 la parole. Je crois que l'opinion publique doit s'en souvenir de nous jours

2 encore. Il n'a parlé que contre les Oustachi. Les Oustachi, ce sont les

3 fascistes croates.

4 Q. Le fait qu'il ait parlé contre les Croates, contre les Oustachi et non

5 pas contre le peuple croate, il l'a répété tant de fois, il l'a dit tant de

6 fois à la télévision, que personne ne saurait le contester.

7 Savez-vous nous dire - et là je crois qu'on peut le voir ici, vous venez de

8 l'expliquer également, vous avez expliqué comment s'est créé le HDZ et le

9 Parti démocratique serbe - dites-nous maintenant si vous vous souvenez en

10 faveur de qui la majorité des Serbes a voté à l'occasion de ces premières

11 élections pluripartites en avril,

12 mai 1990 ?

13 R. La plupart des Serbes croyaient que Tudjman ne gagnerait pas aux

14 élections, que c'était la politique de la fraternité et de l'unité des

15 Serbes et des Croates qui gagnerait, qui a été propagée pendant plus d'un

16 demi-siècle et qui a été acceptée par la majorité de la population. La

17 plupart des Serbes a voté pour l'ex-ligue des communistes, à savoir, le

18 Parti des changements démocratiques de d'Ivica Racan. Un certain nombre de

19 Serbes ont voté pour le Parti socialiste de Croatie créé par Boro Mikulic.

20 Après ces élections, le Parti démocratique serbe n'a remporté que

21 cinq sièges au parlement croate. Les Serbes en Croatie ne croyaient pas que

22 Tudjman pourrait gagner. Ils avaient pensé qu'une option démocratique, une

23 option nationalement tolérante gagnerait. C'est la raison pour laquelle ils

24 ont voté pour ces parties de la part desquels ils s'attendaient à une

25 option démocratique. Après la victoire de Tudjman et après le

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1 renouvellement de ce mouvement oustacha en Croatie, les Serbes se mettent à

2 se rassembler en masse autour de ce Parti démocratique serbe.

3 Q. S'agissant de ces premières élections pluripartites en Croatie, la

4 plupart des Serbes ont d'abord voté en faveur de la Ligue des communistes

5 et du Parti socialiste. Peut-on dire que la majeure partie de ses

6 dirigeants et des membres étaient des Croates d'origine ?

7 R. Oui. La plupart étaient des Croates, mais il y avait également des

8 Serbes. Lorsque le parlement a voté en faveur d'une ligne à suivre contre

9 les Serbes, si mes souvenirs sont bons, il y a eu démission de la part de

10 ce Serbe qui était devenu vice-président du parlement.

11 Q. Pouvez-nous nous dire, si à ces élections pluripartites, la plupart des

12 Serbes n'ont pas voté sur des bases ethniques ?

13 R. Non.

14 Q. Qu'elle était la base politique pour lesquelles ont voté les partis ?

15 R. C'est tout à fait exact. La plupart des Serbes n'ont pas voté en faveur

16 de ces partis nationalistes.

17 Q. C'est également un fait qui n'a pas besoin d'être prouvé.

18 M. NICE : [interprétation] Ici, il a été fait bon nombre de commentaires,

19 et les questions posées d'une manière générale se trouvent être

20 directrices. Il appartiendra aux Juges de la Chambre de se pencher et de

21 voir s'il est nécessaire de discipliner l'accusé à ce sujet. Si vous vous

22 penchez sur les trois dernières questions, il peut être aisément constaté

23 que la formulation était partant de ceci, il n'est point difficile de

24 constater que, et ainsi de suite. Donc, il n'est pas difficile de trouver

25 matière à objection.

Page 43101

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce sont là des points qui

2 sont contestés ?

3 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire si cela est contesté à

4 présent ou pas; je vais me pencher en détail sur la question.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je passe outre les questions

6 directrices lorsque ce ne sont pas des questions qui sont sujettes à la

7 controverse.

8 M. NICE : [interprétation] Comme Monsieur le Juge voudrait bien le faire.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quand vous

10 commencez votre question, n'est-il pas vrai de dire que, ou n'est-il pas

11 évident que cela nous conduit de façon inévitable à une question

12 directrice, chose qui n'est pas admise ici.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Seselj, quelle est l'option électorale - et c'est une question

16 tout à fait neutre pour ce qui est de la majorité des Serbes originaires de

17 la République de Croatie - pour parler de l'attitude qu'ils avaient à

18 l'égard de la Croatie, des Croates et de la République socialiste

19 fédéraliste de la Yougoslavie ?

20 R. Cela veut dire que les Serbes étaient des citoyens loyaux de la

21 République de Croatie en sa qualité d'unité fédérale de la Yougoslavie.

22 Cela signifie que les Serbes voulaient un état civique après la chute du

23 régime communiste. Ils s'attendaient à un état de citoyens. Les résultats

24 des élections montre à quel point les Serbes ont sincèrement été déçus par

25 la carence ou cette absence de renouvellement de la démocratie à l'occasion

Page 43102

1 de la mise en place de ce système pluripartite.

2 Q. Dites-nous, combien de fois vous êtes allé à Knin en 1990 ?

3 R. Si mes souvenirs sont bons, j'y suis allé deux fois en 1990. La

4 première fois, fin août ou début septembre 1990, et la deuxième fois,

5 c'était en décembre 1990. Je ne saurais pas vous donner les dates exactes,

6 mais je crois que j'y suis allé au moins deux fois.

7 Q. Dites-nous, qui est-ce que vous avez rencontré et avec qui vous vous

8 êtes entretenu à l'occasion de ces deux fois où vous êtes allé à Knin ?

9 R. J'ai rencontré bon nombre de militants politiques, de représentants

10 politiques serbes. J'ai rencontré d'abord Milan Babic qui était d'abord

11 président de l'assemblée municipale, puis qui est devenu président de cette

12 région autonome de la Krajina. J'ai rencontré Milan Martic qui a d'abord

13 été le chef de la police à Knin, et par la suite, il est devenu ministre de

14 l'Intérieur de cette Région autonome de la Krajina.

15 Q. Quelle était la teneur de vos entretiens avec eux ?

16 R. Nous nous sommes entretenus sur des questions de nature générale

17 concernant la destinée du peuple serbe. Ils m'ont parlé des détails des

18 mauvais traitements, des tortures subies par les Serbes, des arrestations,

19 des mises en détention. A plusieurs reprises, la police croate a fait

20 irruption dans des postes de police dans des régions en majorité de la

21 population serbe. Ils leur ont saisi les armes, et les Serbes se sont

22 sentis menacés. Ils ont commencé à organiser des gardes nocturnes. Ils ont

23 organisé des obstacles, à savoir, ils ont posé des barricades sous forme de

24 troncs d'arbres placés au travers de la route afin que ne se renouvelle pas

25 ce qui s'est produit en 1941 lorsque les Oustachi ont fait irruption dans

Page 43103

1 des localités serbes pour tuer les Serbes.

2 Milan Babic, en début septembre, m'a demandé s'il était possible de

3 faire en sorte que le Parti radical serbe rassemble des volontaires pour

4 les envoyer les aider, parce que ces gens étaient épuisés pas ces gardes 24

5 heures sur 24. Je leur ai promis que j'essayerais de le faire en rentrant à

6 Belgrade. J'ai organisé une inscription de volontaires dans la rue Prince

7 Mihaila, et votre police m'a arrêté et m'a condamné à 15 jours de prison

8 pour avoir fait cela.

9 Q. Dites-moi, avez-vous des informations au sujet de la proclamation de la

10 SAO de la Krajina du point de vue du paragraphe 97 dont je me propose de

11 vous donner lecture, où il est dit : "En date du 21 décembre, 1990, les

12 Serbes de Croatie ont annoncé à Knin la création d'une région autonome

13 serbe et proclamé leur indépendance vis-à-vis de la Croatie."

14 R. Pour autant que je m'en souvienne, ce n'est pas à ce moment-là qu'il y

15 a eu proclamation de l'indépendance d'une région autonome serbe. Parce que

16 le mot région autonome dit que c'est une région faisant partie de la

17 Croatie. C'est lorsque la République de la Krajina serbe a été proclamée,

18 cela a signifié une scission vis-à-vis de l'unité fédérale croate. La

19 région autonome a effectivement été proclamée en décembre 1990, et je

20 crois, que pour -- au poste de président pour cette région autonome, c'est

21 Milan Babic qui a été, cette fois-là, élu.

22 Q. La nouvelle constitution croate qui est appelée la constitution de Noël

23 étant donné qu'elle a été adoptée en décembre, le 22 décembre plus

24 exactement de cette année-là, qu'a-t-elle eu pour signification principale

25 concernant la position du peuple serbe, et quel a été le sens de la

Page 43104

1 suppression de la position qui était la sienne par la suite ? Est-ce que

2 vous pouvez établir des parallèles au sujet de ces deux éléments-là ?

3 R. La proclamation de cette région autonome serbe de la Krajina a

4 constitué une réponse directe du peuple serbe vis-à-vis de la proclamation

5 imminente de cette constitution croate qui a été fixé, le texte de la

6 constitution a déjà déterminé. Il n'y avait plus de changement possible, et

7 cela s'est fait à la veille du Noël catholique en 1990. La suppression de

8 leur statut de peuple constitutif dans cette unité fédérale croate, les

9 Serbes ont répondu en créant une Région autonome serbe de la Krajina. Ils

10 ont proclamé une autonomie territoriale en guise de réponse à la

11 suppression de leur statut de peuple constitutif qui s'est faite de façon

12 unilatérale. Le parlement croate en application de la constitution

13 précédente n'avait pas le droit de procéder à une mise en minorité pour ce

14 qui est des Serbes et de leur supprimer leur statut d'état de peuple

15 constitutif. Le parlement n'avait pas le droit de le faire sans

16 l'approbation des représentants politiques serbes.

17 Q. Un autre fait à mentionner : s'agissant de ce paragraphe 97, il est dit

18 que les Serbes ont proclamé leur indépendance vis-à-vis de la Croatie à ce

19 moment-là. Est-il exact d'affirmer que les Serbes de la Krajina, en date du

20 21 décembre 1990, auraient proclamé leur indépendance vis-à-vis de la

21 Croatie ?

22 R. Je ne peux pas vous citer le texte de la proclamation faite à ce

23 moment-là, mais étant donné qu'il s'agissait d'une proclamation de la

24 Région autonome serbe, il n'y a pas eu d'indépendance. C'était une

25 autonomie. Les Serbes ont avancé en guise de condition pour ce qui était de

Page 43105

1 rester en Croatie, la restitution de ce statut de peuple constitutif qui

2 était le leur. Sans qu'on leur restitue ce statut, les Serbes ont fait

3 savoir qu'ils ne resteraient pas en Croatie, qu'ils ne resteraient pas à

4 faire partie intégrante de la Croatie. Je crois que c'est en substance ce

5 qu'il convient de dire.

6 Q. C'est cela la substance mais en proclamant leur autonomie, ils n'ont

7 pas proclamé leur indépendance. Je crois que c'est clair.

8 R. Oui, tout à fait.

9 Q. A l'occasion de vos séjours dans la Krajina, avez-vous eu l'occasion de

10 voir ces obstacles, à savoir, ces troncs d'arbres aux abords des cités

11 serbes ?

12 R. Oui, j'ai vu ces barricades. J'ai vu ces troncs d'arbres. J'ai vu les

13 gens qui montaient la garde au niveau de ces barricades. Certains d'entre

14 eux avaient des armes. La plupart n'en avaient pas. En réalité, c'étaient

15 des armes d'anciens modèles venant des entrepôts de la Défense

16 territoriale, les vieux fusils M-48 que l'armée a retiré de son armement

17 régulier. Il y avait des fusils Thompson datant de la Deuxième guerre

18 mondiale qui avaient constitué une aide américaine en armes tout de suite

19 après la Deuxième guerre mondiale et cela a été également retiré des

20 arsenaux militaires. S'agissant des Serbes, j'ai vu partout une très grande

21 inquiétude, une peur vis-à-vis de ce qui allait advenir.

22 Partout sur le territoire de la Krajina, les Serbes avaient peur des

23 intentions de ce nouveau régime croate de Franjo Tudjman.

24 Q. Que vous a-t-on dit lorsque vous avez vu cela, lorsque vous avez

25 séjourné là-bas ? Que vous a-t-on dit au sujet des raisons qui ont motivé

Page 43106

1 la mise en place de ces barricades ?

2 R. Il y a eu bon nombre d'incidents d'ores et déjà. Bon nombre de Serbes

3 ont été malmenés. Ils ont été arrêtés de façon illicite. Ils ont été passés

4 à tabac. Il y a eu des provocations pour ce qui est des textes publiés. Par

5 exemple, sur l'église orthodoxe à Zagreb, on avait dessiné un grand U qui

6 est le symbole du mouvement oustacha de la Deuxième guerre mondiale. Il y a

7 eu bon nombre de messages disant aux Serbes qu'ils ne sauraient survivre

8 là-bas, qu'il fallait qu'ils s'en aillent et qu'ils finiront par s'en aller

9 eux-mêmes, ou alors, ils voyageront par la Save, par les eaux du fleuve la

10 Save, égorgés. Il y a eu bon nombre de provocations, d'incidents, de rixes,

11 de passages à tabac et, d'ores et déjà, la vie était devenue insupportable.

12 Q. Ce que vous venez de dire "voyagez par les eaux de la Save égorgés

13 jusqu'à Belgrade." Est-ce que c'était là le fruit de leur imagination ou

14 est-ce que c'est là quelque chose dont ils se souvenaient ?

15 R. Non. Cela leur a rappelé la Deuxième guerre mondiale. Epoque à laquelle

16 les Oustachi croates ont égorgé bon nombre de Serbes pour les jeter dans la

17 rivière Sava et en mettant des inscriptions sur ces cadavres pour dire que

18 c'est de la viande pour le marché de Bajloni à Belgrade parce que la Save

19 débouche sur le Danube à Belgrade.

20 Q. S'agissant de ces obstacles posés, choses que vous avez vues de vos

21 yeux, ces obstacles en troncs d'arbres autour des maisons, des cités,

22 d'après ce que vous avez pu voir vous-même, est-ce qu'on peut dire que

23 c'est là des moyens d'attaque à l'égard de quiconque, ou est-ce que c'est

24 un moyen de défense ?

25 R. Des barricades ne sauraient être un moyen d'attaque ou d'agression, ce

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1 n'est qu'un moyen de défense. Ceux qui posent des barricades et qui se

2 placent derrière sont en train de se défendre contre quelqu'un. Ils

3 s'attendent à une attaque et ils se défendent ou plutôt ils se préparent à

4 parer à une attaque.

5 Q. Monsieur Seselj, veuillez nous indiquer, à l'invitation de qui, si sans

6 tant est qu'il y ait eu invitation, êtes-vous allé à Knin en mai 1991 ?

7 R. Cela s'est produit en fin avril 1991. Je suis venu suite à une

8 invitation de la part de Milan Babic. Il a organisé une grande marche des

9 Serbes allant de Korenica jusqu'à Plitvice, un mois avant.

10 Q. Quelle a été la signification de cette marche ?

11 R. Plitvice, c'était une région majoritairement serbe. Un mois avant cela,

12 les Serbes se sont mis à monter la garde là-bas parce que des forces

13 spéciales de la police croate se sont attaquées à Plitvice. Il y a eu des

14 incidents. Il y a eu effusion de sang. Cela a conduit à une intervention de

15 la part de l'armée populaire yougoslave. Cette JNA est venue pour calmer,

16 pour apaiser le conflit mais les Serbes croyaient que la JNA s'était mis du

17 côté des Croates parce qu'on n'avait pas remis tout aux positions de départ

18 mais parce que cela avait fini par confirmer ce que les Croates ont réalisé

19 par cette attaque illégale. Cette marche a constitué une protestation de la

20 part des Serbes pour ce qui concerne cette attaque contre leur région, et

21 c'était également une protestation contre la JNA qui avait fait mine d'être

22 neutre mais qui a, en réalité, aidé le régime à Tudjman et qui a fonctionné

23 à l'encontre des intérêts des Serbes.

24 Q. Vous parlez de cette marche sur Plitvice.

25 R. Oui. Cela a été une marche pacifique sans arme où il y a eu plusieurs

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1 milliers peut-être même plusieurs dizaines de milliers de Serbes qui y ont

2 pris part.

3 Q. Qu'est-il arrivé à ce moment-là ?

4 R. Nous avons entamé cette marche. Il y avait à mes côtés Milan Babic,

5 Ljubica Solaja qui, à l'époque, était présidente du Parti démocratique

6 serbe de la Krajina. Sur la route, nous avons rencontré sept barricades ou

7 obstacles militaires. A sept reprises, l'armée s'est interposée avec des

8 véhicules de combat, avec des armes pointées contre nous, avec des

9 mitrailleuses lourdes où on voyait des balles installées ou mises dans les

10 cartouchières.

11 Milan Babic était à la tête du convoi. Nous avons mis de côté la peur, nous

12 avons contourné sept obstacles qui étaient sur la route à côté de la route.

13 Des fois, on est passé entre les véhicules de combat, il n'y a pas eu de

14 tirs. Nous sommes arrivés à Plitvice et nous avons encerclé le QG du

15 général Andrija Raseta qui se trouvait à Plitvice. Un officier est arrivé

16 qui a demandé à négocier. Au nom des manifestants, je suis allé participer

17 aux négociations et j'ai demandé au général Raseta de nous laisser passer,

18 de nous laisser traverser Plitvice de façon pacifique, et je lui ai garanti

19 qu'il n'y aurait pas d'incidents, qu'il n'y aurait pas de conflits avec les

20 soldats. C'est ce qui s'est produit. Les manifestants sont passés par

21 Plitvice. Il y a eu des chants de chanté, il y a eu des slogans de crié,

22 mais il n'y a pas eu d'incidents.

23 Ce n'est que par la suite que Milan Babic et Ljubica Solaja se sont joints

24 à nous. C'est ainsi que cette marche a pris fin.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vais vous

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1 interrompre. La question qui vous a été posée était celle de savoir qui

2 est-ce qui avait pris part à cette marche et vous avez répondu.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Vous venez de dire que Ljubica Solaja était présidente de ce Parti

5 démocratique serbe.

6 R. Oui. Il y a eu un conflit entre Milan Babic et Jovan Raskovic. Il y a

7 eu une scission au sein du Parti démocratique serbe. Je ne sais plus à

8 quelle date, mais lorsqu'il y a eu proclamation de cette Région autonome de

9 la Krajina, s'agissant de cette Région autonome de la Krajina, il a été

10 créé un Parti démocratique serbe à la tête duquel s'était trouvée à ce

11 moment-là Mme Ljubica Solaja.

12 Q. Est-ce que Milan Babic a révoqué Jovan Raskovic ?

13 R. Oui, il y a eu constamment des conflits et il a fini par le destituer

14 de ses fonctions. Je crois que Jovan Raskovic est resté président du reste

15 du Parti démocratique serbe parce qu'il y avait deux ailes de ce parti qui

16 ne se reconnaissaient pas mutuellement mais l'aile à Raskovic a fini par

17 s'estomper.

18 Q. Mais que savez-vous nous dire au sujet de cette attitude ? Pourquoi

19 cette attitude a-t-elle été adoptée à l'égard de Raskovic qui a été le

20 fondateur de ce Parti radical serbe ?

21 R. Milan Babic a reproché à Raskovic d'être trop mou. Babic, lui a été

22 assez rigide, je dirais même dogmatique. En sa qualité de psychiatre,

23 s'agissant de ses collaborateurs, il avait une attitude de psychothérapeute

24 à leur égard. Je crois que leur conflit a été plutôt personnel. Je ne

25 connais pas tous les détails du conflit mais en venant là-bas, je me suis

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1 efforcé de calmer, d'apaiser le jeu et je ne cherchais surtout pas à

2 enflammer le conflit.

3 Q. Mais dites-nous quand est-ce que des réfugiés ont commencé à arriver ?

4 R. Dès que Tudjman est arrivé au pouvoir, donc mai, juin 1990. C'est à ce

5 moment-là que les premiers réfugiés ont commencé à se présenter en Serbie.

6 L'arrivée, l'afflux des réfugiés a été de plus en plus massif parce que les

7 autorités croates leur demandaient de signer des déclarations d'allégeance.

8 En plus de la citoyenneté, ils ont mis en place, cette institution de la

9 Domovnica. C'est un document qui n'existait pas auparavant et qui devait

10 être délivré par le ministère de l'Intérieur et ce document servait à

11 prouver l'existence de droits, de citoyenneté, droit à l'emploi, droit à la

12 retraite, et ainsi de suite. Bon nombre de Serbes, par la décision des

13 autorités sont restés sans ce document appelé Domovnica, quoique l'ayant

14 réclamé. Certains autres n'ont pas voulu le réclamer étant donné qu'ils ont

15 considéré que c'était là une invention de ces nouvelles autorités qu'ils

16 considéraient comme étant Oustachi. Certains ont été licensiés dans leur

17 travail dans des entreprises publiques. Bons nombres de Serbes, occupants

18 de zones sensibles, ont fini par fuir ces régions. Tout d'abord, ce sont

19 des Serbes qui avaient un peu d'argent qui ont fui, donc ceux qui étaient

20 susceptibles de se débrouiller à Belgrade et ailleurs. Par la suite, les

21 gens plus démunis ont commencé à fuir également.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous avez répondu à la

23 question. Vous avez répondu à la question.

24 Monsieur Milosevic, allez de l'avant.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43111

1 Q. De quel petit nombre de Serbes parliez-vous ?

2 R. Un petit nombre de Serbes vivaient dans cette Région autonome de la

3 Krajina, de la Slavonie occidentale, de la Slavonie orientale, de la

4 Baranja et du Srem occidental. Une grande partie des Serbes vivaient à

5 l'intérieur de cette unité fédérale croate dans des grandes villes telles

6 que Zagreb, Rijeka et autres. Peut-être, dans toute la Krajina, y avait-il

7 quelque 300 000 Serbes et dans le reste de la Croatie, il y avait plus de

8 400 000 Serbes partant du recensement de la population datant de 1991. Il y

9 avait encore quelque 300 000 personnes qui s'étaient prononcées comme étant

10 Yougoslaves au recensement. C'était là notamment, des gens issus de couples

11 mixtes et véritablement un très grand nombre de Serbes se trouvaient parmi

12 eux également.

13 Q. Qu'est-il advenu des Serbes qui n'ont pas résidé dans la Krajina, qui

14 ont résidé un peu partout dans le reste de la Croatie, à savoir dans les

15 régions où ici non plus, il n'est affirmé qu'il y a eu des conflits de

16 quelque nature ?

17 R. Il n'y a pas eu là-bas de conflits armés mais les Serbes ont été

18 malmenés à tel point qu'ils ont tous fui vers la Serbie et certains d'entre

19 eux ont fui vers l'étranger. Il n'en est resté que très peu à vivre sous le

20 régime de Tudjman en Croatie. Ne se sentaient en sécurité que les Serbes

21 qui se trouvaient sur le territoire de ces régions autonomes qui sont

22 devenues par la suite, la République serbe de la Krajina.

23 Q. Dans le cadre de votre parti, vous êtes-vous organisés aux fins d'aider

24 les réfugiés et d'une manière générale, est-ce qu'en Serbie, il y a eu à ce

25 moment-là, à cette époque-là, de grandes activités visant à aider les

Page 43112

1 réfugiés ?

2 R. Oui. Nous avons cherché à aider les réfugiés et nous avons créé en 1991

3 une cellule de Crise au sein du Parti radical serbe qui avait pour objectif

4 de venir en aide aux réfugiés, de rechercher des logements vides ou des

5 maisons abandonnées avec, bien sûr, l'accord des propriétaires. Cette

6 cellule de Crise après le début de la guerre a été muée en QG de guerre ou

7 en cellule de Guerre pour regrouper et installer les réfugiés.

8 Q. Est-ce que c'était là la substance des activités de ce QG de crise ?

9 R. Oui, cette cellule de Crise était là pour aider les réfugiés, pour leur

10 trouver des logements, des installations collectives où ils pourraient être

11 logés, des entrepôts qui n'ont pas été utilisés ou certains centres de

12 repos. Les droits syndicaux étaient assez grands dans ce régime yougoslave

13 de l'époque et il y en avait beaucoup. Ce sont les autorités locales qui

14 nous ont aidé à installer les gens dans ces bâtiments-là. La Serbie toute

15 entière s'est mobilisée pour aider les gens autant que faire se pouvait.

16 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce qui, en vertu de ce que vous saviez vous-

17 même, ce qu'a signifié cette signature des déclarations d'allégeance vis-à-

18 vis de la Croatie ? J'aimerais que vous expliquiez cela de plus près parce

19 qu'on a affirmé ici qu'en Serbie quelqu'un aurait été obligé de signer des

20 actes d'allégeance, des documents ou des déclarations d'allégeance. Dites-

21 nous ce que vous savez nous dire à ce sujet.

22 R. C'est une sorte de document discriminatoire. Cela n'a jamais été fait

23 en Serbie. Cela a été mis en place par le régime de Tudjman en Croatie. Les

24 membres ou les ressortissants croates ont tout de suite répondu à la

25 signature de ces documents en masse : certains Serbes ont signé, certains

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1 ont voulu signer mais on ne leur a pas proposé de document à signer et

2 d'autres ont refusé de signer parce qu'ils ne voulaient pas faire une

3 déclaration d'allégeance vis-à-vis du régime. Ils ne mettaient en question,

4 ils ne remettaient pas en question leur loyauté vis-à-vis de la République

5 de Croatie en sa qualité d'unité fédérale de la Yougoslavie mais ils ne

6 voulaient pas signer un acte d'allégeance vis-à-vis de cet Etat croate qui

7 revêtait de plus en plus les caractéristiques d'un régime fasciste.

8 Q. Vous étiez au courant des mesures de coercition et des pressions à

9 l'égard des Serbes en Croatie. Que savez-vous nous dire au sujet des

10 mesures qui ont été prises en guise de mesures ou de pressions à l'égard

11 des Serbes et notamment, vu ce que vous avez pu entendre de la bouche des

12 réfugiés dans cette cellule de Crise lorsque ces réfugiés arrivaient chez

13 vous ?

14 R. Les témoignages de ces réfugiés étaient terrifiants. Ils nous ont parlé

15 des mauvais traitements, de tout ce qu'ils ont vécu, cette psychose de

16 peur. Bon nombre d'entre eux ont été malmenés sur le plan physique. Donc,

17 ils ont été passés à tabac. Ils n'osaient dire nulle part qu'ils étaient

18 Serbes. L'ambiance de peur en Croatie était frappante. Personne en Serbie

19 ne s'attendait à ce que puisse être recréée l'ambiance qui a régné du temps

20 de ce régime fasciste.

21 Q. D'après ce que vous savez nous en dire, les Serbes en tant qu'individus

22 ou en tant que groupe ethnique ou en guise d'associations, de groupements

23 de citoyens ou de quelques autres façons que ce soit ont-ils donné ou ont-

24 ils justifié de quelque façon que ce soit ce type de comportement à leur

25 égard au moment où il y a eu ce flux de réfugiés ?

Page 43114

1 R. Absolument pas. Les Serbes n'ont pas eu d'organisations particulières,

2 ni de partis politiques, pas même d'associations culturelles. L'association

3 culturelle Prosjetane n'a été créée que vers 1990. Cela a été une

4 association culturelle serbe mais avant cela, les Serbes n'avaient aucune

5 institution nationale ou organisation à caractère ethnique en Croatie. Ils

6 ont complètement reconnu l'ordre juridique de la Croatie, mais je le

7 souligne une fois de plus en sa qualité d'unité fédérale de la Yougoslavie.

8 Ils n'ont jamais remis en question la Croatie dans ses frontières de

9 l'époque au cas où la Croatie resterait une unité fédérale de la

10 Yougoslavie. Cet équilibre des forces politiques correspondait à leurs

11 intérêts, satisfaisait leurs intérêts et les uns et les autres prenaient

12 part à la vie politique et sociale de cette République de Croatie.

13 Q. Il y a un instant, vous avez parlé des volontaires que Milan Babic vous

14 a demandé de fournir. Vous a-t-il expliqué pourquoi il avait besoin de

15 volontaires ? Est-ce que vous en avez envoyé ?

16 R. Il a dit que les gens qui tenaient les postes de contrôle, les barrages

17 étaient déjà épuisés et qu'il y avait tout un territoire à protéger et que

18 l'aide de bénévoles, de volontaires de Serbie leur serait utile. Aussi le

19 fait que ces gens venaient de Serbie allait peut-être encourager, remonter

20 le moral de ces personnes qui pensaient qu'elles étaient abandonnées. Comme

21 j'avais été arrêté à mon retour à Belgrade parce que j'avais organisé

22 l'inscription de volontaires à envoyer à Knin, il n'y a pas eu de

23 volontaires pendant toute l'année 1990.

24 Q. Quand est-ce qu'on les a envoyés pour la première fois en Krajina ?

25 R. Vers le mois d'avril, il y a eu une réunion, un rassemblement à Borovo

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1 Selo en Slovanie orientale. J'avais été invité par Vukasin Soskocanin qui

2 était, je pense, président de la communauté locale. De toute façon, il

3 était commandant de la Défense territoriale à Borovo Selo. Il m'avait

4 invité à ce rassemblement, et nous sommes allés ensemble voir ces barrages

5 qui avaient été érigés sur toutes les routes menant au village. C'était

6 vrai dans d'autres villages, villages serbes soit exclusivement serbes ou

7 pas, villages qui étaient aussi en butte à toute sorte de mauvais

8 traitements, où il y avait des incidents provoqués par la police et par la

9 garde nationale qui avait été établie par Tudjman; la ZNG.

10 Nous avons vu l'inspection de ces barrages, et il m'a demandé l'aide

11 du Parti radical serbe afin que des volontaires soient envoyés pour

12 maintenir la paix, l'ordre et la sécurité. Il a dit que le travail sur le

13 terrain - je veux dire dans les champs - était déjà entrepris puisqu'on

14 était au mois d'avril.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

16 Merci.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Vous êtes allé à Borovo Selo après

19 avoir été invité par le commandant de la Défense territoriale, Sostocanin ?

20 R. Oui.

21 Q. Après quoi, vu son invitation, vous avez envoyé des volontaires ?

22 R. Oui, 15 ou 16. Pour vous dire la vérité, je ne me souviens plus si

23 c'était 15 ou 16 volontaires. En plus de cela, il y avait du Parti du

24 renouveau serbe Mirko Jovic. C'était un seul volontaire.

25 Q. Puisque vous vous êtes trouvé sur les lieux et que vous avez des

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1 informations à ce propos, comment se fait-il qu'un conflit a surgi à Borovo

2 Selo au début du mois mai 1991 ?

3 R. Il y avait des négociations entre les autorités locales croates et

4 serbes à Borovo Selo. Il était convenu d'enlever les barrages routiers pour

5 restaurer et établir un climat de paix et de confiance. Les Croates ont

6 promis qu'il n'y aurait pas d'attaques ni d'interventions de la police de

7 leur part, qu'ils n'allaient pas envoyer de membres de la ZNG, et ainsi de

8 suite. La décision prise à l'unanimité était en faveur de la recherche de

9 solution pacifique. Les barrages ont été enlevés.

10 Q. Ces pourparlers, ces négociations, tout ceci s'est passé --

11 R. Fin avril.

12 Q. Comme vous dites, fin avril. Cela s'est passé à l'échelon local entre

13 la commune locale de Borovo Selo, ou plutôt entre qui exactement ?

14 R. Les autorités croates locales c'était - je ne sais pas si c'était

15 Osijek ou Vukovar - en tout cas, l'issue de cet accord a été que tous les

16 barrages serbes routiers serbes avaient été enlevés; ceux qui menaient au

17 village serbe. Les volontaires se sont retirés. Ils étaient en tout 16. Ils

18 sont allés au centre de la communauté de Borovo Selo. Il n'y avait plus de

19 barrages routiers, et le climat est redevenu normal, détendu. Les

20 volontaires pensaient à rentrer à Belgrade, lorsque tout d'un coup, le 2

21 mai, des policiers croates et des membres de ce corps de la garde

22 nationale, de la ZNG sont arrivés. Il y avait aussi des mercenaires qui ont

23 fait irruption à Borovo Selo. Ils sont arrivés dans un ou deux bus, et

24 aussitôt, ils se sont mis à tirer. Devant le centre de la communauté, ils

25 ont tué Vojislav Milic. C'était le seul volontaire qui venait de ce Parti

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1 du renouveau serbe, même si Mirko Jovic avait dit avoir envoyé plusieurs

2 centaines de volontaires dans l'Unité Dusan Silni pour combattre à Borovo

3 Selo. C'était concocté de toutes pièces. Il n'y avait qu'un seul volontaire

4 qui a été tué même s'il était désarmé dès l'arrivée des Croates qui étaient

5 armés jusqu'aux dents.

6 Les autres Serbes, les volontaires serbes, j'entends, ont bientôt commencer

7 à ouvrir le feu. Ils ont réussis à sortir vainqueurs de cette attaque

8 contre les Croates. Apparemment, il y a eu 30 personnes qui ont été tuées

9 parmi les assaillants croates, et les Croates ont reconnu qu'il n'y avait

10 eu que 15 victimes. D'après ce que j'ai lu, nous avons conclu que c'étaient

11 des Kurdes qui n'étaient même pas enregistrés où que ce soit. Ils avaient

12 imprimé de faux billets, de l'argent qui datait de l'Etat indépendant de

13 Croatie. C'était des reich marks de Hitler.

14 Après certains combats, la JNA est intervenue. Ils ont arrêté le conflit

15 armé. Les assaillants se sont retirés. Ils ont emmené leurs morts et la

16 situation s'est calmée.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Question suivante, s'il vous plaît.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes, bien sûr, avaient de nouveau érigé

19 des barrages.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nouvelle question de l'accusé.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Est-ce que vous avez, après cela, continué à envoyer des volontaires ?

23 R. Pas tout de suite. Un nouveau contingent avait été envoyé en été. La

24 victoire serbe à Borovo Selo avait rencontré un écho très fort dans

25 l'opinion publique serbe. Des volontaires du Parti radical serbe aussi se

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1 sont retrouvés avec une grande réputation très appréciée. Tous n'avaient

2 pas combattu. Certains étaient dans des cafés à Borovo Selo et avait essayé

3 de se protéger. Mais à cause de ceux qui avaient combattu, ils avaient une

4 très bonne réputation.

5 En été, il y a eu un conflit entre la JNA et les formations paramilitaires

6 de Tudjman qui ont attaqué la caserne de la JNA, ont tué des officiers, se

7 sont emparés d'armes dans les dépôts militaires. Plusieurs officiers de

8 haut rang de la JNA ont été au QG, au siège du Parti radical serbe, et ont

9 discuté avec moi de la nécessité d'avoir de nouveaux volontaires pour les

10 envoyer à la JNA qui rencontrait de gros problèmes pour ce qui est de la

11 mobilisation. Car les puissances occidentales menaient une campagne contre

12 la mobilisation, disant que c'était une armée communautaire.

13 Malheureusement, après des ordres donnés par Veljko Kadijevic, la JNA

14 portait l'étoile à cinq branches sur les uniformes; ce que les Serbes

15 n'aimaient pas. Les Serbes de Croatie se sont rassemblés dans la rue. Il y

16 a eu des officiers, des représentants de pratiquement tous les partis

17 d'opposition politique. Je représentais le Parti radical serbe. Le

18 Mouvement du Renouveau serbe était représenté par Milan Komnenic et Gojko

19 Djogo, qui était pour le Parti de Renouveau serbe. Tous ces partis ont

20 convenu que les Serbes avaient besoin d'assistance --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj. La réponse

22 est trop longue.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. On a parlé souvent ici de l'existence de vos unités, et vous dites

25 maintenant que vous avez envoyé des volontaires. Jusqu'à présent, vous avez

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1 dit que vous avez envoyé des volontaires pour qu'ils s'intègrent dans la

2 Défense territoriale et dans la JNA. Est-ce que vous avez envoyé des

3 volontaires ailleurs ? Est-ce que vous avez établi vos propres unités ?

4 R. Non. Jamais je n'ai formé mes propos unités. A l'occasion de ce

5 rassemblement, nous sommes parvenus entre partis politiques d'opposition, à

6 un accord aussi avec les officiers de la JNA pour dire qu'il fallait

7 organiser les volontaires et les envoyer à la JNA qui a réservé une caserne

8 à Bubanj Potok, à proximité de Belgrade, où c'était un centre de

9 rassemblement pour les volontaires.

10 Q. Ce que vous venez d'expliquer, est-ce que c'est là le résultat de cette

11 réunion avec ce groupe d'officiers de la JNA, il y avait aussi le

12 représentant de ces partis politiques d'opposition qui ont entrepris

13 d'envoyer des volontaires ?

14 R. Oui, oui. Cela a été la conséquence tirée de cette réunion, à la

15 différence près, que le Parti radical serbe a été le seul qui a sans cesse

16 respecté les décisions prises à cette réunion; ce qui n'a pas été le cas

17 des autres partis.

18 Q. Pourriez-vous maintenant nous expliquer, car c'est là un point très

19 important vu ce qui est affirmé à propos de vos unités, de vos formations

20 paramilitaires, pourriez-vous nous expliquer quel était le statut de vos

21 volontaires de la JNA ? Est-ce que vous pourriez nous expliquer de façon

22 précise si ces hommes avaient des pièces d'identité de la JNA, des

23 uniformes, si ces hommes étaient traités de la même façon que tout autre

24 citoyen qui se serait porté volontaire pour rejoindre les rangs de la JNA ?

25 R. Les volontaires du Parti radical serbe étaient tous des soldats de la

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1 JNA, qui avaient tous un livret militaire, où on indiquait le moment où ils

2 avaient fait leur service militaire. Ils recevaient une solde de l'armée

3 même si c'était quelque chose de minime. C'était de l'argent que leur

4 donnait la JNA. Si un volontaire était tué, il était enterré en vertu du

5 protocole militaire. Une unité locale de la JNA venait sur les lieux,

6 tirait une salve, et on hissait le drapeau de la JNA, pas du Parti radical

7 serbe. C'était la JNA qui s'occupait des coûts occasionnés par

8 l'enterrement. La famille du décédé avait une pension, et c'était par la

9 JNA que ces pensions étaient payées. Ce n'était pas grand-chose, mais tout

10 ceci était tout à fait réglementé. Il n'y a pas un seul cas où on n'aurait

11 pas appliqué cette réglementation.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez parlé de ces volontaires.

13 Est-ce qu'il y avait une différence quelconque entre eux et les soldats de

14 la JNA ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas la moindre différence.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Continuez,

17 Monsieur Milosevic.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Seselj, vous avez un doctorat en droit. Vous êtes professeur

20 d'université. Vous connaissez bien la constitution de la RSFY et la loi

21 portant les forces nationales. D'après cette constitution, quel était le

22 fondement juridique de tout ce que vous nous dites ? Je parle ici des

23 volontaires et de leur activité au sein de la JNA ?

24 R. Nous avions un très bon fondement juridique, que ce soit dans la

25 constitution ou dans la loi portant la Défense nationale qui prévoyait

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1 qu'un membre des forces armées c'est un citoyen qui, de façon organisée,

2 arme à la main, combat un ennemi. On ne faisait pas de distinction entre

3 l'ennemi extérieur ou l'ennemi interne, que l'agresseur vienne de

4 l'intérieur ou de l'extérieur. C'était une attaque contre l'ordre

5 constitutionnel, car la JNA devait respecter la constitution que l'attaque

6 vienne de l'intérieur ou de l'extérieur.

7 Q. Vous dites que vos volontaires sont devenus membres de la JNA, qu'ils

8 avaient un livret militaire et qu'on y consignait toutes les données

9 habituelles. Ce livre de service, ce livret militaire, est-ce qu'il

10 ressemblait à ce qu'avaient les membres de la JNA ou est-ce qu'il y avait

11 des différences ?

12 R. Ils étaient parfaitement identiques. C'est le seul genre de livrets

13 qu'il y avait. Nous tous qui avions fait notre service militaire, nous

14 avions même le livret. Nous le gardions jusqu'à la fin de notre vie, même

15 lorsqu'on était plus sous les drapeaux, même lorsqu'on n'était plus apte à

16 intervenir en tant que soldats. Que ce soit dans la Défense territoriale ou

17 dans les forces régulières nous nous avons conservé notre livret.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous aurez remarqué que l'interprète

19 est un peu à bout de souffle. Je vous demande de respecter un débit un peu

20 normal. Ceci s'applique à vous deux.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, ils pourront souffler dans quinze

22 minutes, les interprètes.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Seselj, je voulais vous dire ceci : tout le monde avait un

25 livret lorsqu'on avait terminé le service militaire, et vos volontaires,

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1 ils avaient ce même livret.

2 R. Oui. Tous les volontaires du Parti radical serbe avaient un livret dans

3 lequel le commandant précisait le moment où ces personnes avaient servi.

4 Q. Très bien. Est-ce qu'il y avait un seul élément - comme vous nous

5 l'avez expliqué - puisque c'étaient des volontaires mais qu'ils étaient

6 dans la JNA, est-ce qu'il y a un seul élément qui montre qu'ils sont

7 devenus comme tout le monde membres de la JNA ? Est-ce qu'il y a des

8 distinctions qui ont été faites entre des volontaires à vous et des membres

9 de la JNA ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que ces volontaires ont été déployés dans les unités régulières

12 de la JNA ?

13 R. Oui, en vertu de commandements venant du Grand état-major. Ni moi, ni

14 qui que ce soit d'autre dans le Parti radical serbe ne s'est jamais occupé

15 de la question du déploiement des effectifs, n'a jamais décidé de l'endroit

16 de l'engagement. Tout ceci était décidé par la JNA. Nous avions simplement

17 pour mission de rassembler ces volontaires pour les envoyer au centre de

18 Bubanj Potok.

19 Avant de les envoyer, souvent j'ai fait une allocution. J'ai encouragé,

20 dans cette allocution, ces hommes à lutter courageusement contre l'ennemi.

21 Je leur ai dit comment traiter les prisonniers, les femmes, les enfants,

22 les personnes âgées. Ces hommes ont reçu des instructions très strictes qui

23 étaient conformes aux dispositions des règles internationales de la guerre.

24 Ils devaient combattre comme des chevaliers, bien traiter les prisonniers,

25 les traiter de façon humaine. Des télévisions à Belgrade ont filmé certains

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1 de ces discours que j'ai faits aux volontaires, et bon nombre de

2 journalistes ont participé à ces cérémonies de départ. Donc, vous pouvez le

3 voir.

4 Q. Vous l'avez dit, vous avez envoyé des volontaires à la JNA. Est-ce qu'à

5 l'époque vous aviez une idée précise ? Est-ce que vous saviez exactement

6 qui commandait dans la JNA, et est-ce que vous savez si les dirigeants

7 politiques de Serbie ont eu la moindre influence sur la JNA ?

8 R. Idéologiquement, politiquement, je m'opposais à ceux qui commandaient

9 dans la JNA. En tant que vice-premier ministre de l'assemblée au parlement

10 serbe, j'ai parlé contre Veljko Kadijevic, contre la JNA. J'étais en

11 désaccord avec ce qu'elle entreprenait de faire. Mais en tant que citoyen,

12 j'avais le devoir d'aider la JNA parce que notre état n'avait pas d'autre

13 force armée légitime. J'avais un point de vue politique qui était très

14 critique; c'est une chose. Mais en tant que citoyen, je devais contribuer

15 aux efforts consentis par le pays en vue de se défendre. Mon avis politique

16 n'a pas eu d'effet particulier sur la JNA. C'est seulement la direction

17 fédérale et le président de la RSFY qui pouvaient avoir une influence sur

18 la JNA. Le ministre Veljko Kadijevic était le numéro un dans la JNA. Il

19 faisait partie du gouvernement d'Ante Markovic, qui était Croate, qui a été

20 le dernier gouvernement de la RSFY.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas la première fois que je

22 vous entends dire que vous n'étiez pas d'accord avec une institution ou une

23 entité. Est-ce que vous êtes de nature prône à la querelle au conflit ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été dans l'opposition pendant de

25 nombreuses années. J'ai été un dissident anticommuniste. J'ai beaucoup de

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1 mal à parler de mes tendances naturelles. De toute façon, j'exprime

2 toujours de façon publique mon désaccord, et quelquefois avec beaucoup de

3 véhémence.

4 Autre chose, en tant que dissident anticommuniste, j'ai constamment attaqué

5 Veljko Kadijevic, parce qu'il ne voulait pas enlever l'uniforme ordinaire

6 de la JNA, cette étoile à cinq branches. Quelquefois, il n'était pas

7 possible de mobiliser des gens, parce que ces gens refusaient de porter cet

8 emblème de l'étoile à cinq branches.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Continuez,

10 Monsieur Milosevic.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Une question très précise; elle concerne cette époque. Les volontaires

13 du Parti radical serbe qui se trouvaient dans la JNA, les considérait-on

14 comme disciplinés ou indisciplinés ?

15 R. D'après toutes les informations que j'ai reçues du commandement de la

16 JNA qui avait la responsabilité des hommes qui étaient là, des volontaires

17 du Parti radical serbe. Ceux-ci faisaient partie des hommes les plus

18 disciplinés, les plus courageux et ce ne sont que des louanges que j'ai

19 entendues à leur égard. Bien entendu, ici et là, il y a eu des incidents,

20 quelques problèmes mais la JNA a réagi. Ces volontaires ont été éloignés de

21 leurs unités et le Parti radical serbe a exclu tous ceux qui étaient en

22 contravention de la loi, de la réglementation.

23 Q. Est-ce que vous connaissez Zivota Panic ? C'est un général.

24 R. Oui.

25 Q. Qu'a-t-il dit à propos des volontaires du Parti radical serbe dans la

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1 JNA ?

2 R. Le général Zivota Panic a d'abord été commandant de la région militaire

3 de Belgrade. Après quoi, il est devenu chef du Grand état-major. En fait,

4 j'ai eu une collision assez frontale avec lui et il a été démis de ces

5 fonctions en 1992. J'ai révélé un scandale qui portait sur certaines

6 irrégularités dans lesquelles il avait trempé mais peu importe. Mais j'ai

7 vu une déclaration de Zivota Panic, document tout à fait public qui m'a été

8 remis dans le cadre des éléments à décharge dans le cadre du procès intenté

9 à mon égard. Il dit directement que tous les volontaires du Parti radical

10 serbe se trouvaient au sein de la JNA.

11 Q. Vous avez expliqué pourquoi ceci vous a influencé ou a guidé votre

12 décision lorsque vous envoyiez des volontaires. J'ai cru comprendre que

13 c'était la seule force armée régulière. Est-ce que je vous ai bien

14 compris ?

15 R. Oui. J'ai étudié la théorie des formes politiques totalitaires que ce

16 soit de gauche ou de droite. Je connais la quintessence du militarisme. Je

17 m'en suis occupé en tant qu'universitaire. Je sais à quel point il est

18 dangereux d'établir des armées qui appartiennent à un parti, parce que ceci

19 mène à la fascisation du pays, à l'établissement de formations

20 paramilitaires qui se transforment en bande de truands sans foi ni loi.

21 Sous ma direction, le Parti radical serbe n'a jamais fait ce genre de

22 choses.

23 Je ne peux pas vous jurer qu'il n'y aurait pas eu un seul volontaire de

24 notre parti qui n'aurait pas volé quelque chose qu'il pouvait mettre dans

25 une poche, dans une main, mais il n'y a pas eu de pillage systématique, on

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1 n'a pas tué de prisonniers de guerre, il n'y a pas eu de mauvais

2 traitements infligés à la population civile.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais combien y avait-il de volontaires

4 qui venaient du Parti radical serbe, Monsieur Seselj ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était surtout à des fins de propagande, nous

6 avons dit qu'il y en avait à peu près 30 000 mais en fait, il n'y en avait

7 que 10 000.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Comment étaient-ils répartis dans les

9 différentes formations de la JNA ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces hommes étaient directement intégrés,

11 versés dans des unités de la JNA. Le plus grand nombre s'est retrouvé au

12 nombre d'une compagnie, 100 à 120 soldats. Mais il n'y a jamais eu plus

13 d'hommes que cela dans une seule unité. Ils ont été envoyés dans

14 différentes unités et c'était les commandants de la JNA qui déterminaient

15 leurs affectations. Certains se sont retrouvés en Slavonie orientale. Par

16 exemple, ils étaient dans la 1ère Brigade de la garde à Vukovar. Ils étaient

17 sous les ordres de son commandement en ce qui concerne son développement.

18 Dans la Slavonie occidentale, ils se trouvaient dans la Défense

19 territoriale commandée par le colonel Trbojevic qui était un officier

20 active de la JNA, mais ces volontaires ont aussi été envoyés à l'aérodrome

21 d'Udbina dans la partie occidentale de la Krajina. Ils se sont trouvés

22 aussi sur le théâtre de la guerre à Plitvice.

23 C'était organisé par la JNA.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez donné un exemple, celui de

25 la 1ère Brigade de la garde à Vukovar, est-ce que vous voulez dire qu'il

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1 était possible de cerner, d'identifier la compagnie qui se serait composée

2 uniquement de volontaires du Parti radical serbe ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] On ne peut pas dire qu'elle se composait

4 uniquement mais, par exemple, le commandant de la Brigade de la garde a dit

5 que la Défense territoriale de Leva Supoderica que son détachement était

6 subordonné à la brigade, à cette 1ère Brigade de la garde, que ce serait

7 l'unité dans laquelle seraient versés les volontaires du Parti radical

8 serbe. C'est là qu'il y avait une majorité de volontaires mais Milan

9 Lancusin Kameni [phon] était leur commandant. Il faisait partie de la

10 Défense territoriale de Vukovar. Il était un habitant de Vukovar. Pendant

11 la guerre, il est devenu membre du Parti radical serbe. Il ne l'était pas

12 au moment où la guerre a éclaté mais il aimait notre parti, il en est

13 devenu membre.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Est-ce que nous pouvons résumer ce qui a été dit à propos des

17 volontaires du Parti radical serbe. Y a-t-il des exceptions à ce que vous

18 avez établi, à ce que vous avez déclaré, à savoir que les volontaires de

19 votre parti ont uniquement été intégrés à la JNA ?

20 R. Il n'y a pas eu une seule exception. Ils n'ont été intégrés que dans la

21 JNA et en tant que soldats de la JNA, ils ont participé à des opérations

22 armées sur plusieurs fronts.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous auriez des documents

24 au siège du Parti radical serbe qui seraient de nature à confirmer ce que

25 vous dites ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Les livrets de service des volontaires le

2 prouvent mais vous avez toute la documentation dans les archives du

3 commandement de l'armée de Yougoslavie, ou plutôt de la JNA qui a des

4 archives qui montrent le nombre de volontaires envoyés et où ils sont

5 envoyés, sur quels théâtres de guerre et d'activités ils sont envoyés.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Votre parti a envoyé des volontaires à la JNA. Ces hommes ont accepté

9 de se trouver sous le commandement de la JNA. Je vous demande maintenant

10 ceci, est-ce qu'il y a eu d'autres groupes de volontaires qui eux ne

11 voulaient pas être intégrés dans la JNA ?

12 R. Oui.

13 Q. Groupes qui ont été constitués sous forme d'unités un peu spéciales ou

14 séparées, ne faisant pas partie de la JNA ?

15 R. D'autres partis politiques d'opposition qui étaient partie prenante à

16 l'accord nous ont trompés, nous ont dupés. Mirko Jovic, du Mouvement du

17 Renouveau serbe a établi cette unité paramilitaire des Aigles blancs qui

18 vite est devenu indépendante et a échappé au contrôle de Mirko Jovic. Elle

19 a commencé à opérer en tant qu'organisation paramilitaire indépendante sans

20 compter trop de membres. Cependant, certains se sont servis de ces hommes à

21 leurs propres fins politiques qui n'étaient pas très souvent très honnêtes.

22 Par exemple, Veljko Dzakula a utilisé ces hommes, il était alors président

23 du parlement de la Slavonie occidentale, il les a emmené en Slavonie

24 occidentale. Ils ont été engagés ailleurs aussi. Je n'ai pas de

25 connaissances directes. Mes connaissances fondent sur ce que certains m'ont

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1 dit après que je les ai contactés. Donc, ce n'est peut-être pas très utile

2 pour les Juges de la Chambre mais s'ils le veulent, je peux en parler.

3 Ce Mouvement du Renouveau a décidé d'établir ce qu'on a appelé la garde

4 serbe. Les médias abondaient d'articles en parlant. On disait qu'on avait

5 envoyé 16 000 hommes. C'est un mensonge; il n'y en avait que 1 000. Puis

6 qu'apparemment, on aurait recruté les pires criminels des rues de Belgrade.

7 Par exemple, Djordje Bozovic Giska a été commandant de cette unité, il

8 avait travaillé pour la sécurité fédérale dans les années 1980 lorsqu'il a

9 tué plusieurs immigrés politiques en Europe occidentale. Son adjoint était

10 un autre truand Branislav Matic Beli. Il était commandant de ce qu'on a

11 appelé le détachement Komite. Il y avait aussi Miodrag Brkic. On l'avait

12 surnommé Lale Robija, autre criminel notoire qui avait été nommé, qui a

13 violé un prisonnier alors qu'il était en prison et il a écopé de six ans de

14 plus de prison. Donc, ils ont vraiment recruté la lie de la terre dans les

15 rues de Belgrade.

16 O.K., je vais essayez de ralentir.

17 Puis, ils ont insisté pour que cette garde devienne l'armée serbe de la

18 République de Serbie.

19 Puis il y a eu le Parti démocratique, puis ils ont promis d'envoyer des

20 volontaires, mais cela n'a pas marché. Vous voyez la structure de ce parti

21 est un petit peu, un peu comme Boris Tadic. Ce sont des gens efféminés qui

22 ne se prêtent pas au service militaire, qui ne se prêtent pas à être des

23 dirigeants militaires. Mais plus tard lorsque Zoran Djindjic est devenu

24 chef de ce parti, il avait des liens plus étroits avec Radovan Karadzic que

25 moi par exemple ou qui que ce soit d'autre en Serbie. Mais il ne pouvait

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1 pas non plus organiser ses propres volontaires en Serbie. Le commandant

2 d'une organisation paramilitaire de la Republika Srpska l'a rejoint qui --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'heure est venue de faire la pause.

4 Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé que cette dernière réponse était trop

5 longue.

6 C'est peut-être une question de pratique judiciaire, de culture

7 judiciaire, mais je trouve très difficile de suivre des réponses

8 lorsqu'elles sont aussi longues, Monsieur Milosevic. Quand vous avez posé

9 une question et que le témoin en arrive à un certain point arrêtez-le,

10 posez-lui alors une autre question. Ce n'est pas très utile d'avoir tout un

11 récit, tout un narratif.

12 Pause de 20 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie, veuillez

16 poursuivre, Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Seselj, juste avant la pause, vous venez d'expliquer en termes

19 généraux un certain nombre de points qui concernaient les unités

20 paramilitaires. A présent, je vais vous poser plusieurs questions plus

21 spécifiques. Vous avez énuméré plusieurs types d'unités paramilitaires en

22 commençant par la garde serbe du Mouvement serbe du Renouveau. Pouvez-vous

23 nous expliquer quelle a été la position du Mouvement serbe du Renouveau au

24 moment de la création de la garde serbe, et quelles sont les raisons pour

25 lesquelles cette garde a-t-elle été créée ?

Page 43131

1 R. Jadis, nous fûmes un seul parti politique. Draskovic et moi, nous avons

2 eu des dissensions en 1990, à peu près vers le mois de juin. Draskovic,

3 quant à lui, faisait partie de la tendance la plus réactionnaire de

4 l'échiquier politique serbe. Le Parti radical serbe lui aussi est

5 nationalisme, cependant, le sien est monarchiste. Son parti souhaitait

6 impliquer l'église dans la vie politique. J'entends par là que son parti

7 était réactionnaire.

8 Le Mouvement serbe du Renouveau avait aussi des membres, des affiliés

9 nationalistes en 1991, avec des slogans nationalistes et patriotiques qu'il

10 ne lui a pas été difficile de rassembler un certain nombre d'hommes dans

11 les rangs de la garde serbe. En plus des criminels qui ont été à la tête de

12 celle-ci, qui l'ont commandée, il y a eu aussi des gens honorables, des

13 gens qui, vraiment, sincèrement, voulaient lutter pour la liberté du peuple

14 serbe, et qui n'étaient pas mus par des mobiles criminels. Cependant, leurs

15 dirigeants étaient profondément criminels.

16 Cette garde serbe a été créée, en réalité, avant tout, pour s'engager dans

17 des affrontements armés qui étaient attendus en Serbie. Comme je les ai

18 attaqués - en tant que député au parlement serbe - je les ai attaqués en

19 disant qu'ils étaient une bande de criminels, qu'ils n'avaient rien à voir

20 avec la justice, ni le combat du peuple serbe pour sa liberté, ils ont

21 cherché un moyen de s'engager sur les fronts à l'été 1991. Il y a eu

22 plusieurs centaines des membres de la garde serbe qui ont tenté de

23 traverser vers la Slavonie orientale. Je suppose pour se faire engager sur

24 le théâtre d'opération de Slavonie.

25 Sur le pont, sur le Danube près Dalj, la police serbe les a empêchés de

Page 43132

1 traverser. On les a empêchés de se rendre en Slavonie orientale. Par la

2 suite, ils se sont rendus dans la partie occidentale de la Krajina serbe,

3 dans la Lika. C'est là qu'ils se sont engagés sur le front près de Gospic.

4 Le commandant de la garde serbe était Djordja Bozovic Giska. C'était un

5 criminel notoire, et son suppléant était un autre criminel très dangereux

6 et très connu Branislav Lajnovic Dugi, de Novi Sad. A cet endroit, Giska a

7 perdu sa vie dans des circonstances suspectes. Giska et Branislav Lajnovic

8 Dugi seraient partis en reconnaissance à bord d'un véhicule. C'est rare que

9 le commandant et son suppléant se rendent en reconnaissance. Ils se sont

10 arrêtés à un endroit, je suppose, là où ils auraient dû faire la

11 reconnaissance. Le véhicule militaire est revenu, et ils ont commencé à

12 cueillir des prunes. Une balle a touché Giska, à ce moment-là, d'après ce

13 que j'ai appris, au niveau de la poitrine, là où il n'était pas protégé par

14 le gilet pare-balles. C'était une balle d'un tireur embusqué.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, il me semble que

16 c'est une digression que vous êtes en train de faire.

17 Posez une autre question, Monsieur Milosevic. Je vais devoir surveiller les

18 questions et réponses de manière plus stricte que je ne le souhaiterais.

19 Lorsque vous posez une question je vais examiner la question, et je vais

20 voir si la réponse doit être brève ou plus étendue.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que je peux préciser quelque

22 chose avant que l'on n'aille de l'avant. Votre parti a été appelé à un

23 moment donné le Mouvement serbe du Renouveau. Le Mouvement serbe du

24 Renouveau est complètement différent de cela, je suppose. De quelle manière

25 est-ce que c'est différent en serbe ? Est-ce que c'est par l'abréviation ?

Page 43133

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite vous donner toutes les

2 explications, mais je suppose à ce que vous vous attendez à ce que je vous

3 donne des explications substantielles. En début de l'année 1990, --

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, très brièvement.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, de la manière la plus brève qu'il soit.

6 J'ai créé un parti politique, Vuk Draskovic en a créé un autre. Le

7 Mouvement de la liberté serbe a été mon parti, et le sien, celui du

8 Mouvement Renouveau serbe. Très rapidement, il s'est vu évincé, et nous,

9 nous avons créé le Mouvement du Renouveau serbe. Nous sommes rentrés en

10 conflit en juin 1990. Lui a été renvoyé, mais il a créé un parti qui

11 portait le même nom; le Mouvement du Renouveau serbe. A un moment donné,

12 vous aviez deux partis qui portaient le même nom. A ce moment-là, nous

13 avons changé le nom de notre parti pour le nommer Mouvement chetnik serbe.

14 Nous avons opéré une alliance avec le Parti radical serbe pour que cela

15 devienne le Parti radical serbe, tandis que Vuk Draskovic a gardé le sien

16 qui s'appelait le Mouvement du Renouveau serbe.

17 J'espère que c'est suffisant ?

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, cela me suffit. C'est clair.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous félicite, Monsieur Seselj.

20 Vous avez très bien expliqué.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'associe au compliment que vous a adressé

22 le Juge Robinson.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'en faut de peu pour que je rougisse de

24 gêne.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43134

1 Q. Je tiens maintenant à ce qu'on se polarise sur ces unités

2 paramilitaires, donc le Mouvement du Renouveau serbe de Vuk Draskovic a

3 créé la garde serbe.

4 R. Oui.

5 Q. Qui est Vuk Draskovic ?

6 R. Vuk Draskovic était un dissident d'obédience nationaliste de l'époque

7 communiste. J'ai déjà dit comment il a créé son parti politique, comment il

8 s'est vu évincé de ce parti politique, et il est l'un des dirigeants de

9 l'opposition au cours de toutes ces années en Serbie. Il lui est arrivé

10 plusieurs fois à arriver au pouvoir. Il entré en coalition avec votre

11 parti. A ce moment-là, il a été chef du gouvernement fédéral. Aujourd'hui,

12 il est en coalition avec les autorités occidentales, et il est ministre des

13 Affaires étrangères de la Serbie-et-Monténégro.

14 Q. A quel moment la garde serbe a-t-elle été créée ?

15 R. Elle a été créée à l'été 1990.

16 Q. Pour quelle raison, dans quel objectif l'a-t-on créée la garde serbe ?

17 R. L'objectif a été de se préparer aux conflits internes armés en Serbie.

18 Vuk Draskovic les a attisés, les a souhaités. Leur slogan a été la lutte

19 pour la liberté du peuple serbe. C'est cela qu'il a souligné sans cesse

20 dans ses discours.

21 Q. Cette garde serbe que Draskovic a créée, était-ce une unité

22 paramilitaire ?

23 R. Oui. D'après toutes ses caractéristiques, c'était une organisation

24 paramilitaire illégale d'après nos lois.

25 Q. Les autorités, que ce soit de Serbie ou de Yougoslavie, quelle attitude

Page 43135

1 ont-elles réservées à ces unités paramilitaires ?

2 R. Les autorités étaient hostiles, contre les unités paramilitaires.

3 Finalement, elles ont agi de manière assez douce. Il n'a pas dû subir de

4 répression. Il y avait beaucoup de raisons pour que Draskovic soit envoyé

5 en prison, mais il n'a pas été tenu responsable, je suppose, parce que les

6 autorités étaient trop faibles pour le poursuivre, et lui, il s'était

7 rapproché de l'ambassadeur américain à Belgrade ou à Warren Zimmermann à

8 l'époque.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes

10 signalent que le rythme est très rapide. Quelles sont les caractéristiques

11 d'une organisation paramilitaire ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes les organisations de nature militaire,

13 qui ne font pas partie des structures légales armées de l'Etat au sens le

14 plus large du terme, appartiennent aux organisations paramilitaires. Dans

15 la théorie politique, on peut aussi les qualifiés de milice. Ce sont des

16 organisations qui se créent spontanément mais qui ont une nature armée.

17 Telle serait la substance définie de la manière la plus brève de

18 l'organisation paramilitaire; tout ce qui ne fait partie d'une armée

19 régulière et qui n'est pas contrôlé par celle-ci.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, c'est clair.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Nous allons procéder en posant des questions tout à fait brèves. Qui

23 étaient les membres de la garde serbe de Vuk Draskovic ?

24 R. C'étaient des criminels de la pègre de Belgrade. J'en ai énuméré trois

25 déjà. Il y en avait un certain nombre d'autres. C'étaient des trafiquants

Page 43136

1 de drogue, des gens qui extorquaient des fonds, des voleurs, des pilleurs.

2 Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, un grand nombre de

3 criminels s'est retrouvé à Belgrade, parce qu'ils ne pouvaient plus rester

4 sur le territoire des pays occidentaux. Il y a eu des visas imposés à

5 l'égard de nos citoyens. Tout ce qu'on a pu exporter de l'époque du

6 communisme en Yougoslavie comme criminels à l'étranger, bien, est revenu en

7 Serbie. Ce Milorad Brkic appelé Lale Robija, il est revenu d'Australie.

8 Q. Il y a un instant, vous avez dit que la garde serbe a été créée avant

9 tout, dû à des besoins politiques internes, à savoir, elle a été créée en

10 vue d'un conflit avec les autorités de Serbie.

11 R. Vers la fin du mois de mars 1990, et à partir de ce moment-là, Vuk

12 Draskovic n'a jamais abandonné une option qui était celle de la conquête

13 violente du pouvoir, il n'a jamais abandonné donc cette position.

14 Q. Est-ce que la garde serbe aurait été utilisée à des fins politiques en

15 Serbie ?

16 R. Avant tout, à Belgrade, pendant tout l'été de l'année 1991, il y a eu

17 une revue de la garde serbe à Cacak ou dans les environs. Il y a eu un

18 conflit entre le commandant Djordja Bozovic Giska et Branislav Matic Beli

19 son adjoint. Peu après ce conflit, Branislav Matic Beli a été tué. Par la

20 suite, Djordja Bozovic Giska s'est mis à la tête d'un groupe de membres de

21 la garde pour se rendre sur un théâtre d'opération de Lika.

22 Q. Vous venez d'expliquer qu'ils sont partis à Lika à partir du moment où

23 la police serbe les a empêchés de traverser le pont pour se rendre en

24 Slovanie orientale.

25 R. Oui.

Page 43137

1 Q. Où se sont-ils rendus ? Donc, ils sont partis à Lika dans les environs

2 de Gospic.

3 R. Oui.

4 Q. Dans un premier temps, ils avaient l'intention de s'engager en Slovanie

5 orientale, puis ils sont partis là-bas.

6 R. Oui. La police de Serbie les a empêchés de le faire. La police de

7 Serbie, d'ailleurs, avait pour mission d'empêcher la traversée de toute

8 unité paramilitaire de Serbie vers la Slovanie orientale, car on a déjà eu

9 des situations où les organisations paramilitaires se sont, avant tout,

10 livrées au pillage, et n'ont pas combattu. Je ne peux pas dire que toute la

11 garde serbe n'était qu'un ramassis de pilleurs, parce qu'il y en a eu qui

12 ont combattu. Ils n'étaient pas tous des criminels. Mais leurs dirigeants

13 étaient dans leur totalité des criminels.

14 Q. Par la suite, qu'est-il advenu de cette garde serbe pendant toutes ces

15 années ?

16 R. Après la mort de Giska, c'est Zvonko Smajlic qui est devenu le

17 commandant de la garde. C'était le garde du corps personnel de Vuk

18 Draskovic. Il s'est fait tué sur la route d'Ibar. Lorsque je suis venu à

19 Knin en novembre 1991, je l'ai trouvé à l'hôpital de Knin car il avait été

20 blessé. Après qu'il ait été blessé, c'est un grand criminel de Novi Sad,

21 Branislav Lajnovic Dugi, qui est devenu commandant de la garde, et avec les

22 membres de la garde, il est allé combattre en Bosnie-Herzégovine. Par la

23 suite, il a été chassé par des autorités serbes, parce que la garde serbe

24 se livrait, avant tout, à des pillages, à des vols, et elle n'a fait preuve

25 d'aucune qualité au combat. Ils ont été chassés de Bihac, de Trebinje. A

Page 43138

1 Trebinje, ils se sont emparés de l'hôtel de Trebinje, on les a chassés de

2 là-bas parce qu'ils pillaient. Les membres de la garde serbe se sont

3 trouvés près de Konjic. Un certain Boro Antelj a été leur commandant, l'ex-

4 officier d'active de la JNA qui avait été chassé du service pour un certain

5 nombre de raisons que je ne connais pas dans le détail, mais leur tâche a

6 été de se livrer à la contrebande d'armes depuis les théâtres d'opération

7 et de fournir des armes aux unités de Draskovic pour un éventuel conflit en

8 Serbie. Ce que je sais certainement, c'est que Boro Antelj leur envoyait

9 des armes en Serbie pour Vuk Draskovic.

10 Q. Très bien. Pour ce qui est des objectifs politiques défendus par le

11 Mouvement serbe du Renouveau et par Vuk Draskovic, il y a un instant vous

12 avez dit que de manière déclaratoire qu'ils disaient qu'ils combattaient

13 pour la liberté du peuple serbe, mais en fait, ils se livraient à des

14 pillages.

15 R. Au départ, Vuk Draskovic défendait des positions nationalistes serbes,

16 cependant sous l'influence de l'ambassadeur américain, rapidement, il a

17 opéré un revirement total. Vous avez toute une série de ses déclarations de

18 caractères nationalistes même va-t-en guerre, de 1991 bellicistes. Par la

19 suite, il devient un prétendu faiseur de paix. Il a toujours agi à des

20 positions extrêmes.

21 Q. Très bien. Vous avez fourni ici un certain nombre de documents aux

22 intercalaires 5, 6, 7 et 8 où l'on peut clairement distinguer cette

23 approche, cette prise de position. Le mieux serait peut-être de parcourir

24 ces quelques documents de la manière la plus concise puisque cette activité

25 va-t-en guerre m'est attribuée et à vous dans ces événements.

Page 43139

1 Je vous invite tout d'abord à examiner l'intercalaire 5. Quel est le

2 document que vous avez fourni ici ?

3 R. On voit ici quelques extraits du journal de Draskovic, La parole serbe,

4 "Srpska Rec".

5 Q. Un instant. Lorsque vous dites "au journal de Draskovic", c'est le

6 journal du Mouvement du Renouveau serbe.

7 R. C'est en réalité un journal qui est son journal privé, particulier.

8 Cela n'a jamais appartenu aux partis, mais à lui et à son épouse Danica.

9 Q. Très bien, quoi qu'il en soit --

10 R. Ils ont défendu la politique et prônaient la politique du Mouvement du

11 Renouveau serbe.

12 Q. Très bien. Ici, c'est un appel du 7 septembre 1990 que lance Vuk

13 Draskovic.

14 R. Oui.

15 Q. S'il vous plaît, ayez l'amabilité de nous donner lecture de cet appel.

16 R. Ici, Vuk Draskovic s'adresse à l'Académie serbe des sciences, à

17 l'association des Ecrivains serbes et à l'association des Immigrés serbes

18 afin qu'ils se réunissent de toute urgence pour adopter une déclaration

19 commune afin de protéger la nation. Dans ce texte, il est dit : "Je

20 m'adresse à vous à un moment dramatique lorsque de nombreux dangers menaces

21 le peuple serbe."

22 L'INTERPRÈTE : La lecture se fait très vite.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il vous plaît, lisez plus

24 lentement.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je vais faire. Je vais lire plus

Page 43140

1 lentement. "Un pouvoir oustachi a été établi en Croatie. On commence à

2 créer des formations armées de tueurs de Serbes. Les dirigeants oustachi

3 ont passé un pacte anti-Serbes avec des Arnauts, une minorité militante

4 mais qui se fait entendre, serbianisée au Monténégro et des équipes

5 serbophobes qui agissent partout en Macédoine qui réclament nos

6 territoires. Les Serbes se trouvent face à une vague de haine unie comme en

7 1914 et 1941. Nous devons nous opposer à ce mal qui nous menace aussi vite

8 que possible, sur le champ. Nous ne devons pas permettre pour la troisième

9 fois de ce siècle que les événements nous prennent de court. Il est de

10 notre devoir de subordonner à la défense de la nation toute nos dissensions

11 et malentendus idéologiques, politiques ou de classe dans nos rangs serbes

12 si nous souhaitons nous maintenir en tant que peuple.

13 "Le Mouvement du Renouveau serbe propose que les dirigeants, les

14 représentants de tous les partis politiques serbes, ainsi que les

15 représentants de l'église orthodoxe serbe, de l'Académie des sciences

16 serbe, de l'association des Ecrivains serbes, de la Matica Srpska, et du

17 centre des Immigrés serbes se réunissent de toute urgence afin rédiger une

18 déclaration conjointe afin de protéger la nation. Nous estimons que ce

19 document devrait être un point de départ pour adopter un programme national

20 serbe."

21 Q. Je pense que nous avons cité suffisamment.

22 R. C'est le journal, "La parole serbe" du 7 septembre 1990.

23 Q. Ce que Draskovic dit, c'est que les Serbes sont menacés de génocide

24 parce qu'un pouvoir oustachi a été établi, des formations de tueurs de

25 Serbes sont créées. Il parle de la Macédoine, de la Croatie.

Page 43141

1 R. De la Bosnie.

2 Q. De quelle nature et le fac-similé de cet appel de Vuk Draskovic du 7

3 septembre 1990 ?

4 R. Dans la réalité, la situation n'était pas loin de l'appréciation de la

5 situation qu'il fait ici, mais la position qu'il adopte ici est, de toute

6 évidence, une position belliciste, c'est cela le ton de celle-ci. Il

7 s'engage pour une option belliciste. Il n'invite à des négociations, à des

8 pourparlers, il n'invite pas à ce qu'on essaie d'exercer une pression

9 quelle qu'elle soit, il n'envisage aucune autre option si ce n'est l'option

10 de la guerre.

11 Q. C'est dans cet objectif-là aussi qu'on crée cette unité paramilitaire,

12 la garde serbe ?

13 R. Oui, et ses députés au parlement insistent sans cesse en prenant la

14 parole devant les députés pour que cette garde serbe soit proclamée

15 nouvelle armée serbe, et qu'on la légalise par là, que son unité

16 paramilitaire soit légalisée par le parlement.

17 Q. Je vous invite maintenant à examiner l'intercalaire 6. Ceci est

18 également un document qui vient de son journal.

19 R. Oui.

20 Q. Il y a ici une brève citation. Qu'est-il écrit ici dans ce bref

21 paragraphe que vous avez choisi ?

22 R. Cela, c'est La parole serbe du 14 octobre 1991. "Le peuple serbe dans

23 les Krajinas occidentales serbes se trouve menacé par le couteau oustachi,

24 seule la Serbie peut et doit les aider. Plus de

25 200 000 Serbes de Croatie ont déjà quitté leurs foyers et les autorités

Page 43142

1 serbes ont le courage de dire que le pays n'est pas en guerre avec les

2 Oustachi, que les Oustachi n'aient rien fait d'autre si ce n'est de faire

3 exploser notre église Martyr de Jasenovac, bien, ceci aurait suffi pour

4 leur déclarer la guerre en tant que nation et en tant qu'Etat."

5 L'Etat fédéral est en train de s'opposer à une action armée séparatiste du

6 régime de Franjo Tudjman, et lui, il insiste que la Serbie en tant qu'unité

7 fédérée de la Yougoslavie et que la nation serbe en tant que telle déclare

8 la guerre aux Croates. Bien, ce sont deux positions tout à fait distinctes

9 et différentes, mais en tant que nationaliste avéré serbe, je trouvais que

10 ceci était une prise de position exagérée.

11 Q. Très bien, Monsieur Seselj. A l'intercalaire 7, que trouve-t-on ici qui

12 puisse être mis en parallèle avec ces activités de la garde serbe et les

13 prises de positions politiques de l'actuel ministre des Affaires étrangères

14 de la Serbie-et-Monténégro ?

15 R. Ici, il s'engage pour qu'on modifie les frontières et il dit --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas de traduction, Monsieur

17 Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Seselj a choisi un passage très bref. Je

19 suppose qu'on peut le placer sur le rétroprojecteur.

20 Ceci vient également des journaux, de ce journal. C'est le 1er avril 1991.

21 Oui. C'est l'année 1991. Est-ce qu'on peut le placer sur le

22 rétroprojecteur ?

23 Placer la page de garde, s'il vous plaît, la première page sur le

24 rétroprojecteur, pour que M. Seselj puisse citer.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Seulement quelques phrases.

Page 43143

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La traduction existe. Très bien.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Draskovic dit ici : "Les frontières de notre

3 Etat ainsi que tout l'espace qui se trouve à l'intérieur de ces frontières

4 sont établies par la culture serbe, la langue serbe, les noms des localités

5 des rivières, des montagnes, des arbres et des oiseaux, les poèmes serbes,

6 les traditions serbes, monastères, par notre sang et nos tombes. Ces

7 frontières ne peuvent pas être modifiées. Ces Krajinas nous sont

8 inaliénables. Ils nous menacent avec des armes qui devraient rester à leur

9 épaule. Je ne le souhaite à personne. Je ne souhaite à personne que les

10 armes se remettent à parler."

11 "Nous n'avons pas peur ni de ceux qui souhaitent faire revivre, le

12 chef d'Etat Ante Pavlovic de ceux qui rêvent d'une force de la grande

13 Albanie ou de ceux qui parlent notre langue et qui ont nos racines mais qui

14 ont une vision d'une Dzamahirija. Tout ceci n'est que le langage de la

15 haine."

16 Donc, Vuk Draskovic souhaite que les frontières de l'Etat serbe soient

17 modifiées pour correspondre à la répartition ethnique, et dans son journal,

18 "La parole serbe," d'ailleurs, il a publié ce tracé des frontières serbes

19 tel qu'il en avait la vision, qui ne corresponde pas, tout à fait, aux

20 frontières. Ils les a publiées dans son journal.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela signifie que tout au

22 long de l'année 1991 et de l'année 1992, Vuk Draskovic a été un homme

23 politique agissant dans leur position ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était un homme politique de

25 l'opposition et il était dans l'opposition jusqu'en 1998 quand il a fait

Page 43144

1 son entrée dans le gouvernement fédéral.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Je vous invite à examiner maintenant l'intercalaire numéro 8, s'il vous

4 plaît, Monsieur Seselj. Voyons maintenant quel est ce passage que vous avez

5 choisi. C'est un article assez long mais la citation est brève. La date de

6 ce texte est le 5 novembre 1990.

7 R. Oui. Là il s'adresse aux membres de son parti lors du rassemblement de

8 son parti et il dit entre autres --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, s'il vous plaît,

10 contentez-vous de lire uniquement les partis sélectionnés ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je n'en ai sélectionné qu'une partie. Je

12 ne vais pas tout lire, Monsieur Robinson, je vous en prie, je n'aurais

13 jamais de la vie pu lire tout cela. Donc, je ne vous lis que le paragraphe

14 si bref, page 19.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela aurait été du masochisme si je vous

17 donnais lecture in extenso d'un discours de Vuk Draskovic.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, ce que j'avais à l'esprit,

19 c'est que ce que vous avez sélectionné ici prend une page toute entière et

20 nous n'avons pas suffisamment de temps.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas toute une page. C'est un

22 quart de page, Monsieur Robinson. C'est un quart de page.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais c'est une page toute entière en

24 anglais.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment cela se présente en

Page 43145

1 anglais. Mais si vous ne me donnez pas la possibilité de lire, je ne vais

2 pas lire.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si, vous pouvez lire mais contentez-

4 vous de nous donner lecture des parties qui sont importantes pour la cause

5 de M. Milosevic.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est justement ce que j'ai sélectionné. Chez

7 vous, cela prend toute une page. Je ne sais pas ici, c'est moi --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, allez-y.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous y insistez.

10 "Que nous aimions nos ennemis et que nous nous sacrifions à une fraternité

11 sans frères, nous ne ferons plus cela. Nous ne devons pas faire cela. Cet

12 ordre est digne du ciel et non pas de la terre, est digne des saints et non

13 pas des êtres humains. Les Serbes ne peuvent plus renoncer à rien, si ce

14 n'est à leur existence.

15 "Nous sommes favorables à une Yougoslavie mais pour une nouvelle

16 Yougoslavie très différente.

17 "Nous sommes favorables à la fédération même en acceptant que les

18 frontières internes soient maintenues. Des frontières qui ne sont pas

19 justes mais ce, à condition que l'Etat fédéral soit pluripartite et

20 démocratique ou une monarchie avec un pouvoir central fort, et à condition

21 que les régions autonomes soient établies partout où leur existence se voit

22 imposée par les mêmes raisons que dans la Serbie d'aujourd'hui.

23 "En pratique, ceci signifie qu'il faudrait garantir une autonomie

24 territoriale en Serbie, en Croatie, ensuite une autonomie à l'Istrie et à

25 Dubrovnik. et pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, il faudrait qu'elle

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1 se voit partager en quatre régions autonomes : une région qui aurait une

2 majorité catholique, une autre avec une majorité musulmane et deux autres

3 où il y aurait une majorité orthodoxe. En respectant ce même principe, il

4 faudrait réaménager à l'intérieur de la Macédoine pour respecter les droits

5 des Macédoniens, des Serbes et de Siptar de l'époque.

6 "Pour ce qui est des provinces et des régions à l'intérieur des

7 frontières des républiques de Yougoslavie, telles qu'elles se présentent

8 actuellement, devraient correspondre à peu près aux cantons de Suisse.

9 "En principe, nous ne sommes hostiles à ce que la Yougoslavie se recompose

10 selon les lignes confédérales. Tout simplement, personne n'a le droit

11 d'imposer ni aux Croates, ni aux Slovènes, la fédération, ni d'empêcher ces

12 peuples de créer les états souverains.

13 "De même, personne n'a le droit de nier des droits historiques,

14 ethniques et militaires du peuple serbe si la confédération était créée ou

15 si l'état commun était démantelé. Dans ce cas également, le Mouvement du

16 Renouveau serbe assistera de manière catégorique sur le fait que personne

17 ne peut opérer une sécession de la Yougoslavie ou créer une confédération

18 entre les territoires au détriment du peuple serbe, des territoires qui, le

19 1er décembre 1918, sont trouvés au sein du royaume de Serbie de l'époque, et

20 non plus les territoires de l'actuelle Bosnie-Herzégovine ou autres, de

21 Croatie, où les Serbes étaient le peuple majoritaire avant que le génocide

22 oustacha ne soit commis contre eux. Il s'agit là d'un ordre, d'un dictat

23 historique et il n'y a pas de négociations possibles à ce sujet."

24 Que représente ce que je viens de citer ? C'était l'avis de toute

25 l'opposition pratiquement serbe de l'époque. Le Mouvement du Renouveau

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1 serbe, le Parti démocratique, le Parti radical serbe, tous n'arrêtaient de

2 critiquer les autorités de Serbie. Il y a aussi les autorités fédérales

3 parce que leur attitude était trop faible, manquait de force à l'égard des

4 séparatistes croates et autres qui commençaient à se manifester dans les

5 autres unités fédérales.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. A plusieurs reprises ici, il a été question et je crois qu'il en est

9 question dans certains points que je ne vais pas recycler. A présent, il

10 est question de discours bellicistes qui auraient été ceux du régime et de

11 moi-même aux fins de mettre en place une haine ethnique et de provoquer la

12 guerre. N'avez-vous jamais entendu parler de discours de cette nature ? Il

13 est vrai qu'on n'a jamais fourni quoique ce soit pour illustrer ces

14 allégations, mais avez-vous vous-même entendu des discours de cette nature

15 de ma part ou de la part des autorités de la Serbie à l'époque ?

16 R. De votre part ou de la part des instances au pouvoir en Serbie, jamais.

17 Quand je dis "instance en service", c'était celle qui était dirigée par le

18 Parti socialiste que vous présidiez. Vous pouvez entendre ce type de

19 déclarations de la part de Vuk Draskovic, de moi-même, de certains autres

20 dirigeants du l'opposition. Mais au niveau des représentants de l'autorité

21 au pouvoir, non absolument pas. Nous avons toujours été plus radicaux que

22 l'autorité sur ces questions. Draskovic de façon plus exagérée que moi-

23 même. Je n'ai pas pu digérer son engagement en faveur de la monarchie.

24 Mais, nous nous sommes toujours attaqués à l'autorité parce que nous avons

25 estimé que les autorités n'en faisaient pas assez pour la défense des

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1 intérêts nationaux serbes et pour la protection de cette population serbe

2 mis en péril.

3 Q. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter au sujet des faits déjà décrits

4 portant sur la Garde nationale serbe de Draskovic, sur ses positions et sur

5 l'intervention de cette garde nationale à l'occasion des conflits sur le

6 territoire de l'ex-Yougoslavie ?

7 R. Cette garde yougoslave serbe s'est transformée en organisation de

8 pilleurs. Après le retrait de la JNA de Bosnie-Herzégovine, il y a eu un

9 conflit entre Draskovic et le commandant de la garde M. Branislav Lajnovic

10 Dugi, mais cela n'a rien a eu à voir avec des raisons idéologiques, et la

11 garde serbe a cessé d'exister.

12 Q. Bien. Vous nous avez parlé de la relation qui existait ou du rapport du

13 Parti démocratique en place vis-à-vis de ces organisations paramilitaires.

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez parlé d'un dénommé Mauzer - c'était son surnom - qui est

16 intervenu en Bosnie-Herzégovine. Ayez l'amabilité de décrire brièvement de

17 quoi il s'agissait.

18 R. Le Parti démocratique ne se trouvait pas très différent des autres.

19 Peut-être était-il plus atténué ou plus modéré dans sa façon de s'exprimer,

20 mais personne au niveau de l'opposition n'était plus proche de Radovan

21 Karadzic que Zoran Djindjic. Pour autant que je m'en souvienne, votre Parti

22 socialiste n'avait rien à voir ou n'avait pas de relation politique avec le

23 SDS. Le SRS a lui, eu des relations avec le SDS, mais nous n'avons jamais

24 été aussi proches.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai interrompu. Les

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1 interprètes ont beaucoup de mal. Vous allez vraiment trop vite. Les

2 interprètes vous demandent continuellement de ralentir --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais reralentir, Monsieur Robinson.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela n'est pas dans l'intérêt de la

5 cause de M. Milosevic; cela affecte le procès tout entier si

6 l'interprétation ne se fait pas de façon appropriée. Je vous prie de

7 continuer mais en gardant ce fait-là à l'esprit.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais ralentir.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Seselj, c'est la première fois que vous prenez la parole ici,

11 et vous ne savez pas comment la technique fonctionne. Je vous suggère de

12 faire une petite pause au bout de chaque phrase avant que d'entamer la

13 phrase d'après.

14 R. Oui, mon idéal avait été toujours de réaliser la vitesse du son lorsque

15 je parle, mais maintenant, il va falloir que je fasse l'effort contraire.

16 Je vais faire cet effort.

17 Q. Continuez.

18 R. S'agissant du Parti démocratique, dans les années 1990, 1991 et même

19 1992, ce parti n'a pas été très à l'écart des efforts déployés par les

20 partis de l'opposition de la Serbie de l'époque. Mais ils n'ont pas eu

21 l'aptitude interne qui était nécessaire pour envoyer des volontaires sur

22 les champs de bataille. Ils voulaient le faire, mais la structure de leur

23 affiliation était un peu molle, un peu efféminée comme le président actuel

24 Boris Tadic. Je ne suis peut-être pas assez à même de l'expliquer de façon

25 pratique.

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1 Alors, Zoran Djindjic s'est adressé à Ljubisa Savic Mauzer, qui était

2 commandant de cette formation paramilitaire les Panthers, a fait de lui un

3 membre du Parti démocratique. Il l'a nommé vice-président, et il est devenu

4 président du Parti démocratique pour la Republika Srpska. C'est à ce titre

5 que Ljubisa Savic Mauzer a participé aux premières élections après les

6 accords de Dayton. Ljubisa Savic Mauzer a été à la tête d'une bande de

7 pilleurs qui a donné peu de résultats pendant la guerre, mais qui a

8 notamment fait ses preuves pour ce qui est des persécutions de la

9 population musulmane. Il a pillé le village musulman Veliko Selo, Janja et

10 qui était loyal vis-à-vis de l'autorité serbe. Il a confisqué des

11 tracteurs, des biens, de l'argent. Ce Parti radical serbe à Bijeljina est

12 entré en conflit de façon tout à fait publique avec Ljubisa Savic Mauzer --

13 Vous m'interrompez ?

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je crois que vous devrez vous

15 arrêtez là. Vous avez répondu.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, vous vous êtes référé

17 au Parti démocratique serbe. Vous nous avez parlé de ses affiliés et de ses

18 dirigeants. C'est un parti qui diffère du Parti démocratique serbe créé sur

19 le territoire de la Croatie ou est-ce que nous sommes en train de parler du

20 même Parti démocratique ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Entendez-moi bien, il a été créé deux partis

22 démocratiques.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est clair.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait les Serbes de Croatie et les Serbes

25 de Bosnie-Herzégovine. Il y avait un troisième parti qui s'appelait le

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1 Parti démocratique de la Republika Srpska, qui était sous le contrôle de

2 Djindjic, et qui n'avait pas ce qualificatif de serbe. Lorsque ces trois

3 partis ont été créés, cela a été créé par le même cercle de personnes.

4 C'étaient des dissidents plus ou moins modérés qui étaient reliés entre eux

5 : Jovan Raskovic, Radovan Karadzic et les gens qui entourent M. Micunovic

6 au sein du Parti démocratique en Serbie. Pendant très longtemps, avant la

7 guerre, c'étaient des gens qui étaient amis entre eux, qui étaient en

8 contact mutuel. Au début, ils avaient imaginé de créer un parti unique.

9 Puis, ils ont convenu de créer trois partis différents à la différence près

10 que le parti en Serbie n'avait pas le préfixe de serbe. C'était un parti

11 démocratique tout court. Il y avait des similitudes idéologiques, puis par

12 la suite, il y a eu des divergences et des différences internes qui ont

13 évolué par la suite.

14 Je crois avoir été suffisamment clair, Monsieur Bonomy.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Seselj, vous nous avez décrit l'existence de ces unités

18 paramilitaires à la tête desquelles se trouvait le dénommé Mauzer, et vous

19 nous avez parlé des relations proches du Parti démocratique et de

20 l'intéressé ou plutôt, de l'intégration de cette unité paramilitaire dans

21 les rangs du Parti démocratique. S'agissant de certains crimes perpétrés -

22 et je parle de tous les crimes commis par ce groupe appartenant à Mauzer -

23 il a été fait des reproches à la direction de la Republika Srpska et à

24 Radovan Karadzic à sa tête. Alors, est-ce que la direction de la Republika

25 Srpska, Radovan Karadzic y compris, se trouvait à commander ces formations

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1 appartenant à Mauzer ou est-ce que ces troupes à Mauzer ont répondu de

2 leurs activités devant la direction de la Republika Srpska ? Si ce n'est

3 pas le cas, veuillez nous dire à qui ils répondaient de leurs activités ?

4 R. Non.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, il y a deux

6 questions. Parlez d'abord de la première des questions. Essayez, efforcez-

7 vous d'être bref.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Radovan Karadzic n'a exercé aucun

9 contrôle à l'égard de Mauzer et des Pantheras à Mauzer. A plusieurs

10 reprises, il s'est plaint auprès de moi de leur volontarisme et des

11 problèmes qu'ils ont créés dans la Semberija. Le Parti radical serbe à

12 Bijeljina est entré en conflit avec Mauzer aussi. Il est arrivé qu'il

13 enlève des civils musulmans tout à fait paisibles et qu'il fasse du

14 chantage pour extorquer de l'argent de leurs familles. Il est arrivé que

15 des Musulmans, soldats de l'armée serbe, soient malmenés par lui et livrés

16 à la partie musulmane.

17 Je me suis trouvé à Bijeljina lorsqu'un Musulman a été blessé. Soldat de

18 l'armée serbe qui est venu en congé, et les hommes à Mauzer ont jeté une

19 grenade dans sa cour. Il est resté sans jambe. Il a perdu une jambe. Je

20 l'ai visité à l'hôpital. Dans nos communiqués nous avons à plusieurs

21 reprises condamné le comportement de Mauzer.

22 Sur un plan militaire, Mauzer n'avait pas une importance très grande, mais

23 il a notamment fait ses preuves pour ce qui est de crimes de toutes sortes.

24 Il a été tout d'abord autonome en corrélation avec les hommes à Arkan.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Est-ce que l'unité de Mauzer

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1 devait rendre des comptes au devant de la direction de la Republika

2 Srpska ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Si Radovan Karadzic s'est plaint de son

4 comportement en personne, je ne pense pas qu'il ait eu à répondre devant

5 lui. Vous savez, aucune direction ne trouve convenable une formation

6 débridée qui ne réponde rien à personne. Je crois qu'il s'est battu à

7 Vozuca [phon] mais il a perdu des positions. Puis, il est intervenu à

8 Bratunac non loin de Srebrenica, mais il n'a pas eu de mérite non plus.

9 Donc, ces mérites militaires sont des moindres.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu d'audience n'a pas repris une

12 partie de la phrase prononcée par M. Seselj avant votre intervention. Il a

13 dit que Mauzer était lié à Arkan et qu'il était indépendant, et que ce

14 n'est que par la suite qu'il s'est affilié au Parti démocratique de Zoran

15 Djindjic.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. C'est bien ce que vous avez dit, Monsieur Seselj ?

18 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est au compte rendu d'audience

20 maintenant. Allons de l'avant.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Devant qui répondait-il de ce qu'il faisait ?

23 R. Devant personne sur le plan militaire. Par la suite, il répondait ce

24 qui faisait à Zoran Djindjic. Il était son collaborateur le plus proche.

25 Q. Etait-il le président du Parti démocratique pour la Republika Srpska ?

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1 R. Oui, il était le vice-président de Djindjic dans le Parti démocratique

2 d'une manière générale. Djindjic a pris part à sa campagne électorale dans

3 la Republika Srpska. Il a tenu des discours à des rassemblements

4 populaires.

5 Q. Comment voyez-vous un criminel du gabarit de Mauzer dans la structure

6 d'un parti qui se dit favorable à l'Europe, qui se dit favorable à des

7 principes démocratiques, aux valeurs démocratiques, et ainsi de suite ?

8 R. Voyez-vous, il ne convient pas d'observer les partis politiques sous

9 l'angle de ce que ce parti dit et sous l'angle de la proclamation de ces

10 principes. Le Parti démocratique de Zoran Djindjic est un parti

11 profondément criminalisé. Zoran Djindjic également a été l'un des hommes

12 politiques serbes qui est entré en lien, ou en contact avec la mafia. Il a

13 instrumentalisé la mafia pour ses objectifs, et il s'est avéré par la suite

14 que la mafia s'est servie de lui, et il l'a liquidé lorsqu'il a essayé de

15 s'arracher, de s'extirper de leurs griffes.

16 Q. Maintenant que vous avez expliqué ces formations principales, vous avez

17 mentionné d'autres formations également. Je ne pense pas qu'il soit

18 nécessaire d'en parler davantage. Vous avez parlé de la garde serbe. Vous

19 avez parlé des formations paramilitaires du Mouvement du Renouveau serbe de

20 Vuk Draskovic, de Mauzer, de Zoran Djindjic.

21 R. Il y avait la Garde des volontaires serbes d'Arkan.

22 Q. Devant qui répondait de ce qu'elle faisait cette Garde des volontaires

23 serbes ?

24 R. Arkan, c'est un criminel de longue date. Il a pillé des banques. Il a

25 longtemps travaillé pour le service de la Sûreté de l'Etat, et il a

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1 participé à des liquidations physiques d'émigrants politiques.

2 C'est en 1986 que j'ai déposé une plainte au pénal, ou 1987, à l'encontre

3 du ministre de l'Intérieur de l'époque, Stane Dolanc. Je l'ai accusé de

4 meurtre d'émigrants politiques yougoslaves, pour le meurtre de Stjepan

5 Djurekovic, notamment. Dans un discours de l'association des Ecrivains de

6 Serbie, en public, j'ai précisé que l'auteur de ce meurtre avait été Zeljko

7 Raznjatovic Arkan, et que c'est le ministre Dolanc qui, par la suite, lui a

8 offert un pistolet avec une dédicace "A Zeljko de la part de Stane."

9 Q. Arrêtez-vous là. Quelques mots maintenant au sujet de Dolanc qui se

10 trouvait être ministre de l'Intérieur à l'époque pour la Yougoslavie; et de

11 quelle période parlez-vous ?

12 R. Stane Dolanc a été l'un des hommes les plus forts du régime communiste

13 à Tito. Après la mort de Tito, c'était certainement l'homme politique le

14 plus puissant du pays. Il avait été ministre de l'Intérieur, et il a été le

15 responsable principal de tous les services de Renseignement et de contre-

16 renseignement de la Yougoslavie communiste de l'époque.

17 Q. Vous ne m'avez pas dit quand ?

18 R. Après la mort de Tito, donc après 1980 et dans les années qui ont

19 suivi, cela s'est étiré jusqu'à la fin des années 1980 jusqu'à la fin de

20 son dernier mandat 1988 ou 1989. Je ne peux pas m'en souvenir exactement.

21 Q. Vous avez parlé d'un discours à vous dans l'association des Ecrivains.

22 Au sein de l'association des Ecrivains, vous avez parlez de Dolanc et de

23 ses liens avec Arkan. Veuillez vous pencher si cela est repris par

24 l'intercalaire 10, et lorsque vous aurez retrouvé cela, lorsque vous aurez

25 retrouvé cette citation que vous avez surlignée en page 851, j'aimerais que

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1 vous me donniez lecture de ce passage.

2 R. C'est l'intercalaire 10, du moins chez moi.

3 Q. C'est ce que j'ai dit.

4 R. Dans ce discours que j'ai publié dans mon livre, Chasse d'un hérétique

5 ou Harcèlement d'un hérétique, j'ai dit aux rencontres d'écrivains du mois

6 d'octobre à l'association des Ecrivains de Serbie.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Arrêtez-vous. Arrêtez-vous. Monsieur

8 Milosevic, est-ce que ceci est traduit ? Je ne pense que cela ait été

9 traduit.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, si vous voulez donner lecture

12 d'un passage particulier, je voudrais que ce passage soit placé sur le

13 rétroprojecteur.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne s'agit que de sept ou huit lignes,

15 Monsieur Robinson. Je peux en donner lecture.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Oui. Vous pouvez le lire, mais je voudrais que ce soit placé sur le

18 rétroprojecteur.

19 M. NICE : [interprétation] Il y a une traduction de quelque sept à huit

20 lignes qu'on nous a fournie. Je ne sais pas si on vous l'a fournie à vous

21 aussi.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, nous ne l'avons pas.

23 M. NICE : [interprétation] Cela ressemble à --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'avais l'intention de lire de

25 toute façon. Est-ce que je peux commencer à lire, Monsieur Robinson ?

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un discours du mois d'octobre de

3 1988, à des rencontres internationales d'écrivains à l'association des

4 Ecrivains de Serbie. Je parle de l'année 1988. Entre autres, je dis :

5 "Stane Dolanc, en concertation avec Mika Spiljak et Josip Vrhovec, a

6 organisé l'assassinat de Stjepan Djurekovic en République fédérale

7 allemande. Le mercenaire, le meurtrier, le tueur Zeljko Raznjatovic,

8 surnommé Arkan, vit à Belgrade. En vertu des éléments de preuve fournis par

9 la documentation de l'avocat M. Cvetic, a reçu un grade de colonel et un

10 pistolet en cadeau avec dédicace, 'A Zeljko de la part de Stane.' Toute

11 personne normale se posera la question de savoir comment il se peut qu'un

12 homme du gabarit de Dolanc, membre de la direction collégiale de l'état

13 yougoslave, ait pu se compromettre et recourir au service d'un criminel de

14 cette taille."

15 Je dois vous dire, Monsieur Robinson, que j'ai été, après ce

16 discours-là, averti que je ne vivrais pas très longtemps, que Dolanc

17 finirait par me liquider.

18 L'un de ceux qui m'a averti d'une liquidation sûre de la part de

19 Dolanc, c'était le ministre de l'Intérieur de la République de Serbie à

20 l'époque, un dénommé Vojin Lukic.

21 Cela avait été très courageux que de dire cela en public à

22 l'époque. Après le départ de Stane Dolanc de la scène, Arkan a été placé

23 sous le contrôle du nouveau chef de la sûreté de l'Etat, un Croate, Zdravko

24 Mustac.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Arrêtez-vous là. Le dénommé Mustac, un cadre originaire de la Croatie

2 et qui s'est trouvé être chef des services de Sécurité de l'Etat, quand

3 est-ce qu'il a pris sous son giron Arkan ?

4 R. Après le départ de Dolanc. Je ne saurais pas vous donner la date,

5 Monsieur Milosevic. Ces dates m'échappent, mais dès que Dolanc s'en est

6 allé, Mustac a repris cet homme sous son giron.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, avez-vous des

8 éléments de preuve qui viendraient sous-tendre les allégations que vous

9 avez avancées dans votre discours ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, mes éléments de preuve

11 proviennent des informations qui m'ont été communiquées à moi. La preuve,

12 c'est que j'ai eu le courage personnellement, en 1988, de le dire en

13 public. Ne vous attendez pas à trop de choses de ma part. Je suis un

14 dissident anticommuniste de l'époque.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il me semble que mis à part

16 l'élimination dont on vous a menacé, vous avez pu répondre de diffamations.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, au cas où cela aurait été une

18 contrevérité parce que cela aurait été une offense d'un haut fonctionnaire

19 de l'Etat. Mais j'ai déposé des plaintes au pénal contre Stane Dolanc, vous

20 retrouverez cela dans les intercalaires. Il y en a eu deux. Puis, j'ai

21 porté plainte contre lui au civil. Je me suis porté partie civile et cela

22 n'avait rien à voir du tout avec ce que je viens de vous raconter. Il a dû

23 engager un avocat pour le représenter au tribunal, donc j'ai lancé une

24 offensive contre cet intéressé.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Seselj, s'agissant de ce que vous venez de dire, j'aimerais

3 que vous nous expliquiez ou plutôt que vous nous apportiez des explications

4 qui illustreraient la position occupée par Arkan dans notre pays, à

5 l'époque. J'aimerais que vous nous disiez qui étaient ses protecteurs et

6 les liens qu'il s'était fait, les contacts qu'il s'était fait ?

7 R. Avec ses protecteurs, les protecteurs de cette taille, Arkan pouvait

8 faire à Belgrade tout ce qu'il voulait. Il pouvait générer des incidents.

9 Les policiers n'osaient pas l'arrêter. Il a même blessé un policier, il n'a

10 pas répondu en justice. Arkan donc, pouvait faire tout ce qu'il voulait,

11 tout ce que bon lui semblait et personne ne pouvait rien lui faire.

12 Q. Monsieur Seselj, on affirme ici qu'Arkan avait en quelque sorte été

13 placé sous le contrôle du MUP de la République de Serbie. Suite à cela, du

14 fait d'être placé sous le contrôle du MUP de la République de Serbie, il

15 aurait été pratiquement placé sous mon contrôle à moi. Savez-vous nous le

16 dire ou pas ?

17 R. Non, Arkan n'a pas été placé sous le contrôle du MUP de Serbie mais

18 sous le contrôle du MUP fédéral. Le ministère de l'Intérieur fédéral avait

19 beaucoup plus de puissance que le MUP de Serbie jusqu'au démantèlement

20 définitif de la Yougoslavie, à savoir, jusqu'à la saisie des archives

21 fédérales vers l'année 1992.

22 Q. Merci. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter au sujet des allégations

23 qui sont faites souvent ici et qui disaient qu'Arkan était lié aux

24 instances de l'Etat de la République de Serbie ?

25 R. Avant les conflits, avant la guerre, Arkan a été arrêté en Croatie. On

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1 a trouvé des armes sur lui. Il a été gardé pendant des mois dans une prison

2 croate. Tout à coup, il s'est vu relâché. Il est revenu en Serbie. Il a

3 créé une Garde des volontaires serbes et il est allé en guerre. Ce sont là

4 des faits.

5 Je ne veux pas maintenant me perdre en conjectures pour ce qui est

6 d'interpréter ces faits-là. Mais ces faits-là sont très marquants, des plus

7 marquants et je me limiterais seulement à la présentation des faits.

8 Q. Y a-t-il eu d'autres formations paramilitaires au sujet desquelles vous

9 auriez disposé de renseignements ?

10 R. Il y a eu d'autres formations paramilitaires très variées, les Guêpes

11 jaunes et bons nombres d'autres. Vous savez dans cette guerre, la situation

12 était dès plus chaotique. La JNA n'a pas toujours été à même d'empêcher la

13 création ou l'intervention d'unités paramilitaires. Puis, il y a eu des

14 situations où des bandes de criminels très variées ont créé des unités

15 paramilitaires et sous le slogan de la défense des intérêts nationaux

16 serbes ont procédé à des pillages et à la perpétration de crimes de guerre.

17 Q. A présent, maintenant que vous venez de nous décrire pour l'essentiel

18 tout ce qui avait trait aux formations paramilitaires et après avoir

19 expliqué le comportement des volontaires du Parti radical serbe, je dirais

20 que votre parti à vous et les autres partis qui ont disposé de formations

21 paramilitaires, c'étaient des partis d'opposition, à l'époque. Partant de

22 tout ce que vous avez dit, est-il donné de voir que le Parti radical serbe

23 a envoyé des volontaires dans la JNA et les a placés sous le commandement

24 de la JNA et que cela a été le seul parti d'opposition qui, du point de vue

25 de la création d'unités paramilitaires, s'est conformé à la loi et aux

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1 positions politiques ou plutôt n'a pas créé de paramilitaires ?

2 R. Oui, le Parti radical serbe a été le seul parti politique d'opposition

3 qui a strictement respecté la loi, qui s'est conformé à cette loi et qui a

4 envoyé ses volontaires dans les rangs de la JNA. Il n'y a pas un seul cas

5 dans la guerre ou des volontaires du Parti radical serbe seraient

6 intervenus en dehors du contrôle exercé par la JNA.

7 Q. Y a-t-il eu des cas où vous en personne --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un moment, Monsieur Milosevic.

9 Dans la réponse de M. Seselj, il est dit : "Oui, le Parti radical serbe n'a

10 pas été le seul parti qui s'est conformé à la loi." Je crois qu'il a dit

11 que c'était le seul à s'être conformé à la loi. Je crois que le compte

12 rendu d'audience doit être rectifié à cet effet.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors l'interprétation n'est pas bonne. Le

14 Parti radical est le seul parti à s'être strictement conformé à la loi et à

15 envoyer ses volontaires dans les rangs de la JNA.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est bien ce que j'ai compris et

17 c'est ce que j'ai entendu.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai l'impression que vous

19 avez très certainement déjà appris le serbe.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que j'ai mal compris, Monsieur

21 Seselj ? Est-ce que vous avez dit qu'il y avait des volontaires qui avaient

22 été intégrés dans la défense locale sous la direction de la JNA ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déclaré, je vous ai dit que tous les

24 volontaires ont été intégrés dans la JNA. Certains ont été envoyés dans la

25 Défense territoriale de la Slavonie occidentale. Cinq cents qui se sont

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1 trouvés de façon interrompue, c'étaient des volontaires du Parti radical

2 serbe mais ils se trouvaient sous le commandement d'un officier d'active de

3 la JNA, sous le commandement du colonel Trbojevic, parce que dans un état

4 de guerre, s'il y a menace imminente de guerre, c'est la JNA qui prend le

5 contrôle de toute la Défense territoriale. C'est ce que dit notre loi.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Seselj, personnellement, quelle que soit la situation ou le

9 moment, est-ce que vous, vous avez conservé le contrôle, le commandement

10 des volontaires que vous avez envoyés à la JNA ?

11 R. Non, je n'avais pas le commandement de ces hommes, mais j'ai toujours

12 fait ce qui se trouvait dans le cadre de mes possibilités pour dire à ces

13 volontaires avant qu'ils ne partent comment ils devaient se comporter, quel

14 devrait être leur moral, ce qu'ils devaient respecter, à savoir qu'ils

15 devaient respecter le droit de la guerre.

16 Q. Vous l'avez déjà expliqué. Au moment du retrait de la JNA de la Krajina

17 et de la Bosnie-Herzégovine, la RFY a été créée, nos citoyens ont été

18 retirés du territoire de l'extérieur, de ce qui était le territoire de la

19 RFY, où sont-ils partis ces citoyens ?

20 R. La plupart sont partis en même temps que la JNA mais d'autres ont

21 rejoint l'armée de la Republika Srpska et ont commencé à combattre dans

22 cette armée. C'est eux qui l'ont décidé. Puis plus tard, nos membres

23 allaient quitter la Serbie mais ils n'ont cessé d'être dans les rangs de

24 l'armée régulière de la Republika Srpska.

25 Q. Même après, ils n'ont jamais parti d'organisations paramilitaires,

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1 jamais organisé de telles organisations ?

2 R. Tout à fait, jamais ils n'ont créé d'organisations militaires, jamais

3 ils ne sont trouvés dans de telles organisations paramilitaires.

4 Q. Fort bien. J'aimerais tirer quelque chose au clair. J'espère que ceci a

5 été précisé, que toute la lumière a été faite sur le dernier point. Mais je

6 reviens à un autre point. Une personne surnommée Zuca, est-ce que cela a

7 été à un moment donné un de vos volontaires ?

8 R. Oui. Vojin Vuckovic Zuca. Il a été volontaire du SRS en Slavonie

9 orientale. Il a été chassé de l'unité où il avait combattu parce qu'il

10 s'était livré à des actes de pillage, et après la Slavonie orientale, on ne

11 le retrouve plus nulle part en tant que volontaire du Parti radical serbe.

12 Cependant, par la suite, il a constitué une espèce de formation

13 paramilitaire à lui, qu'il a appelée les Guêpes jaunes et sa formation,

14 elle a opéré du côté de Zvornik, jusqu'au moment où les autorités de la

15 Republika Srpska l'on arrêté et on démantelé sa formation. Plus tard, il a

16 été traduit en justice à Sabac avec son frère et depuis, il n'a plus de

17 contact avec le Parti radical serbe. En fait, ici même, j'ai reçu une

18 déclaration dans le cadre de l'instruction ou de la mise en état, dans le

19 cadre des éléments à décharge que j'ai reçus et il dit dans cette

20 déclaration qu'il a quitté ce parti pour coopérer avec nos régimes de

21 Serbie. Bien sûr, personne ne va dire qu'il était un criminel, un voleur,

22 c'est pourquoi qu'il a été chassé, mais il cherchait une autre excuse, une

23 autre explication mais c'est ridicule.

24 Q. Fort bien. Lorsque vous l'avez chassé de votre parti politique en

25 Slovanie orientale, il a constitué sa propre formation en Bosnie. Savez-

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1 vous comment les autorités de Serbie ont réagi lorsqu'elles ont appris que

2 des crimes avaient été commis par les Guêpes jaunes ?

3 R. Il a été arrêté et jugé dans ce procès bien connu qu'on a appelé le

4 procès de Sabac. C'était très difficile parce qu'il était difficile de

5 trouver des témoins qui étaient prêts à l'accuser de tout ce dont il était

6 accusé dans l'acte d'accusation, mais lui et son frère ont finalement été

7 condamnés.

8 Q. L'intercalaire 27, est-ce qu'on y trouve un document du procureur

9 régional de Sabac, la date est celle du 9 novembre 1993 ? Est-ce que ce

10 document concerne ces individus et les poursuites judiciaires engagées pour

11 crimes de guerre ?

12 M. KAY : [interprétation] Je pense qu'il faudrait peut-être aborder un

13 point en rapport avec ce document, quelque chose que l'accusé ne sait peut-

14 être pas.

15 Ce document a déjà été versé au dossier de l'espèce par le truchement

16 d'un témoin, le Témoin C004, témoin qui bénéficiait de mesures de

17 protection. Mesures de protections qui ont été levées à la demande du

18 témoin. Elles ont été levées le 16 octobre 2002. Ceci apparaît dans le

19 compte rendu d'audience, page 11 647, il a déposé en audience publique.

20 Puis, le 17 octobre, le lendemain il a déposé et terminé sa déposition à

21 huis clos partiel du fait d'informations qui étaient parvenues à la section

22 chargée des Victimes et des Témoins en ce qui concerne sa sécurité

23 personnelle et la sécurité des membres de sa famille. Compte rendu

24 d'audience 11 726.

25 Finalement, après sa déposition, il s'est adressé au Procureur pour

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1 dire qu'il ne s'opposait pas à ce que sa déposition, la déposition qu'il

2 avait faite soit rendue publique et qu'elle ne reste plus sous pli scellé.

3 La Chambre a rendu une ordonnance dans ce sens concernant l'audition de ce

4 témoin. Cependant, les pièces qui avaient été versées par le truchement du

5 témoin sont restées elles sous pli scellé, elles n'ont pas été concernées

6 par l'ordonnance rendue par la Chambre ce qui veut dire que ces pièces

7 n'avaient pas été rendues publiques.

8 L'Accusation a déposé des écritures y afférant le 26 février 2003 et

9 le lendemain, le 27 février 2003, la Chambre a délivré une ordonnance

10 rendant publique la déposition, mais je le répète les pièces déposées par

11 le truchement de ce témoin n'étaient pas couvertes par ladite ordonnance,

12 ce qui veut dire qu'elles sont restées sous pli scellé et nous savons que

13 ce document est un des documents qui avaient été présentés au témoin en

14 tant que pièce présentée par l'accusé elle avait reçue la cote D57.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 56.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D56.

17 M. KAY : [interprétation] Oui, 56. Intercalaire 27

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'a pas eu un pseudonyme au cours de

19 sa déposition ?

20 M. KAY : [interprétation] Au départ, oui, il en avait un, C004, mais par la

21 suite il avait son nom.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

23 M. KAY : [interprétation] Depuis, nous sommes repassés à huis clos partiel,

24 la suite des événements était assez compliquée, inutile d'être à huis clos

25 partiel pour en parler puisque le document n'a pas encore placé sur le

Page 43166

1 rétroprojecteur.

2 Dans ce qui concerne ce document, à mon avis, si ce document doit rester

3 sous pli scellé, c'est uniquement à cause d'un passage qui fait état de

4 violence sexuelle.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.

7 M. NICE : [interprétation] Si la seule préoccupation concerne

8 l'identification d'une personne accusée de violence sexuelle, je ne vois

9 pas pourquoi nous ne pourrions pas en parler en audience publique de façon

10 générale ou à huis clos partiel si on fait référence à cet élément-là ?

11 M. KAY : [interprétation] J'ai soulevé la question uniquement parce que

12 j'essayais d'envisager les raisons éventuelles qui faisaient que ce

13 document ne devait pas être rendu public, je pense qu'on pourrait procéder

14 à une expurgation et ne pas provoquer de problème pour ce qui est de

15 l'essentiel de la déposition de ce témoin en la matière et pour permettre

16 que cet élément soit abordé de façon convenable et publique.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre vous remercie de ces

18 indications.

19 M. KAY : [interprétation] C'est donc le paragraphe qui se trouve à la page

20 2, le seul qui soit un peu vraiment un peu délicat, à mon avis.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc nous pourrons entendre les

22 éléments de preuve.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous pouvons rester en audience

25 publique à moins qu'on ne fasse référence au paragraphe 2, à la page 2.

Page 43167

1 M. KAY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait maintenant avoir de la

2 Chambre une ordonnance qui déclare ce document public mis à part ce

3 paragraphe qui sera expurgé ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce sera fait.

5 Est-ce que vous avez compris, Monsieur Seselj ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, j'ai tout à fait compris, Monsieur

7 Robinson. Mais je n'avais pas l'intention de parler du tout de cela. Je ne

8 vais pas entrer dans le détail des accusations retenues contre Vuckovic et

9 Dusko. J'ai simplement dit qu'ils avaient été jugés par un tribunal serbe

10 en 1993, juste après avoir commis ces crimes et je ne connais pas le détail

11 des circonstances de ces infractions. Le danger n'existait pas du tout que

12 je mentionne le nom de la personne qui a été violée, bien sûr que cette

13 personne doit être protégée si elle a été victime d'un viol, mais ce que je

14 vous dis c'est que c'est un document judiciaire authentique serbe.

15 Ce que je veux dire c'est que ces hommes ont été traduits en justice

16 pour crimes de guerre commis du côté de Zvornik. Je ne connais pas le

17 détail de ces crimes. Ce que je sais, je l'ai appris des journaux lorsque

18 le procès a commencé. Je n'ai pas été témoin oculaire de ces infractions.

19 Ce qui veut dire que ma déposition se bornera à dire que ces hommes ont été

20 jugés par les autorités serbes.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez la question que vous

22 souhaitez poser à ce propos, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais précisément le fait que les autorités

24 serbes ont été sur le territoire de l'ex-Yougoslavie les premières

25 autorités à arrêter cet homme, à le traduire en justice pour crimes de

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1 guerre.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ceci a déjà été déposé en tant

3 qu'élément de preuve.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Fort bien. Monsieur Seselj, s'il vous plaît, pour être bref, en un mot

6 commençons, prenez la page 2 de ce document et donnez lecture des quatre

7 premières lignes.

8 R. Il est dit ici que dans ce même endroit, à la maison de la culture de

9 Celopek, il avait emmené quatre personnes qu'il a tuées plus tard, et que

10 ce faisant, il s'était rendu coupable d'un crime de guerre à l'égard de

11 civils, article tel et tel du code pénal de Yougoslavie.

12 Q. Pourriez-vous nous donner la date ?

13 R. Le 9 septembre 1993.

14 Q. Donc, il y a un jugement déposé le 9 septembre.

15 R. Comme nous le voyons ici, les événements se sont déroulés vers le

16 milieu de l'année 1992.

17 Q. Est-ce que nous voyons que les événements ne sont pas déroulés sur le

18 territoire de la Serbie ?

19 R. Effectivement. Cela s'est passé en Bosnie-Herzégovine.

20 Q. Est-ce que nous voyons ici que s'il a été jugé en Serbie, c'est parce

21 que c'était un citoyen serbe ?

22 R. Il aurait pu être arrêté et jugé même s'il n'avait pas été citoyen

23 serbe. Tout état a pour obligation de traduire en justice des criminels.

24 Q. Savez-vous si qui que ce soit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie,

25 avant que notre système judiciaire, avant que nos autorités ne le fassent,

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1 si qui que ce soit a engagé des poursuites pour crimes de guerre ?

2 R. A ma connaissance, il n'y a pas d'exemple de ce genre en Croatie ou

3 dans d'autre système judiciaire de l'ex-Yougoslavie qui aurait jugé ce

4 genre de procès. C'est le premier procès qu'il y a eu pour crimes de

5 guerre.

6 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que ceci pourra être versé au dossier,

8 ou plutôt, puisque c'est déjà un élément du dossier, j'espère que nous

9 pourrons lever le caractère confidentiel qui avait été attaché à cette

10 pièce, puisque ceci n'a aucune importance pour ce qui est de la déposition

11 de M. Seselj.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document a déjà été versé au

14 dossier, Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. J'en ai demandé le versement au cours du

16 contre-interrogatoire de ce témoin dont a parlé Me Kay il y a un instant.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour ce qui est des autres

18 versements, les intercalaires 5 à 8 et l'intercalaire 10 sont versés au

19 dossier.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne trouve toujours pas cette

21 référence dans le document; je le crains fort. Vous faites état d'une

22 accusation selon laquelle, à la maison de la culture de Celopek, il aurait

23 emmené quatre personnes qu'il a par la suite assassinées.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se trouve à la page 2, première ligne en

25 serbe dans l'original. Malheureusement, je ne connais pas l'anglais, et je

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1 ne peux pas vous aider pour ce qui est de la version en anglais.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on dit que ces personnes ont

3 été obligées d'aider au transport de corps avant d'être tuées ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Tout ce qu'on dit ici, c'est que ces

5 personnes ont été emmenées soi-disant pour un interrogatoire. On ne sait

6 pas où, et que par la suite, on les a retrouvées tuées. Sans doute qu'on a

7 retrouvé leurs cadavres plus tard.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. On aurait pu citer beaucoup d'autres choses. On dit au cours de cette

10 même période --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On parle de 34 personnes. Or, dans

12 l'interprétation on a parlé de quatre personnes. C'est --

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un problème d'interprétation. Il s'agit

14 de 34.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Fort bien. C'est à la deuxième page.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pause de 20 minutes.

17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Seselj, nous allons maintenant abandonner le sujet des Guêpes

22 jaunes puisque nous avons tiré ceci au clair. Ici, plusieurs témoins sont

23 venus. Certains de ces témoins ont parlé "des hommes de Seselj" lorsqu'ils

24 ont voulu parler d'unités paramilitaires. Est-ce que vous avez une

25 explication à l'utilisation de ce terme, vu tout ce que vous avez déjà

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1 donné en guise d'explications, puisque vous avez parlé de la façon dont vos

2 volontaires sont allés tout d'abord comme volontaires au sein de la JNA et

3 plus tard dans l'armée de la Krajina et dans la Republika Srpska ?

4 R. Bien, ce terme, "les hommes de Seselj," pourrait avoir plusieurs

5 significations suivant la situation. Parfois, on voulait parler ainsi des

6 volontaires du Parti radical serbe. Dans d'autres cas, la population

7 locale, dans divers lieux serbes, se sont elles-mêmes appelées "les hommes

8 de Seselj" dans certains jugements. Notamment, dans l'affaire Brdjanin,

9 j'ai lu qu'il y avait une organisation paramilitaire de Serbes locaux qui

10 s'appelait elle-même "les hommes de Seselj". Si les journalistes me

11 posaient des questions à ce propos, j'avais coutume de dire que tous les

12 Serbes d'honneur, honorables, sont des hommes à Seselj parce qu'ils sont

13 d'accords avec mes vues politiques. C'est mon avis. Pour ce qui est de

14 cette appellation "les hommes de Seselj," cela ne veut rien dire en soi.

15 Cela pourrait dire des partisans politiques; ce genre de choses. Mais

16 jamais il n'y a eu d'unités paramilitaires qui auraient été soutenues par

17 le Parti radical serbe ou par moi en tant que président de ce parti.

18 Q. Y compris les Aigles blancs, certains des témoins vous les ont imputés.

19 R. Cela s'est souvent passer. Des Musulmans ont fait des déclarations pour

20 leurs médias à eux, pareil pour les Croates. Ils ont parlé des "Aigles

21 blancs de Seselj". Ce genre de confusion était assez courant. Les membres

22 du Parti radical serbe avaient des instructions strictes; ils devaient

23 éviter tout contact les Panthers de Mauzer, avec les Guêpes jaunes, avec

24 les Aigles blancs, avec les volontaires et Draskovic, avec les autres

25 groupes paramilitaires. Nous avons toujours dit : Evitez-les chaque fois

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1 que vous le pouvez.

2 Q. Savez-vous si d'autres membres de groupes paramilitaires qui étaient

3 actifs en dehors du territoire de la RFY et de la Serbie,ou plutôt en

4 Krajina ou en Republika Srpska, et qui étaient soupçonnés d'avoir commis

5 des crimes de guerre, savez-vous si de tels individus ont été arrêtés ?

6 R. Je me souviens de Drazen Erdemovic qui a été arrêté, parce qu'on le

7 soupçonnait d'avoir participé à l'exécution de prisonniers de guerre à

8 Srebrenica. Je sais qu'un groupe de Serbes a été arrêté à Knin. Je ne sais

9 pas quel fut l'issue, mais ils ont été en prison à Knin. Ils y étaient

10 quand j'étais dans la région. Ils étaient soupçonnés d'avoir infligé des

11 mauvais traitements à la population locale quelque part. Je ne me souviens

12 plus des détails.

13 Q. Vous avez parlé d'Erdemovic il y a un instant, avez-vous des

14 informations quant aux circonstances dans lesquelles des membres, de ce

15 qu'on a appelé le Groupe de l'araignée, auraient été arrêtés, et la raison

16 de leur arrestation ?

17 R. Ils ont été arrêtés pour deux motifs. Un bien fondé, à savoir qu'ils

18 préparaient un complot, une tentative d'assassinat à votre encontre en tant

19 que président de la république, mais aussi parce qu'ils auraient participé

20 au 10e Détachement de sabotage qui a participé à l'exécution de prisonniers

21 de guerre musulmans à Srebrenica et dans les alentours. Nous avons fait une

22 déclaration publique qui a exprimé tous ces soupçons. Ils ont été jugés,

23 mais cela ne s'est jamais terminé.

24 Q. Pourquoi est-ce que cela ne s'est jamais terminé ?

25 R. Dès qu'il y a eu un changement de régime, le

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1 5 octobre 2000, tous ceux qui avaient été soupçonnés d'avoir exécuté ces

2 prisonniers de guerre ont été relâchés. Nous, nous avions des

3 renseignements, selon lesquels Milorad Pelemis était le commandant sur les

4 lieux. Il était le commandant du 10e Détachement de sabotage. Nous savions

5 qu'il était très proche d'un certain Dominik Petrusic. Personne ne les

6 poursuit, pas même ce Tribunal de la Haye. Ces gens ont tous l'attitude de

7 se promener de par le monde. Dominik Petrusic est même allé jusqu'à

8 rassembler certains volontaires serbes pour mener une guerre au Congo sous

9 le commandement du Service secret français. Ce sont ces hommes qui sont

10 directement responsables de l'exécution de prisonniers de guerre à

11 Srebrenica, et personne ne les poursuit du tout.

12 En tant que vice-premier ministre, j'ai travaillé de façon très

13 intensive à la question de Srebrenica. J'ai compris que cette exécution de

14 prisonniers de guerre, c'était une grande honte pour le peuple serbe. J'ai

15 essayé de tirer cela au clair dans la mesure du possible.

16 Q. Ici, à plusieurs reprises, et notamment lors de la déposition du général

17 Delic et de celle du général Stevanovic,

18 M. Nice a affirmé que les autorités de Serbie et de la RFY avaient essayé

19 de dissimuler le crime de Srebrenica. Je vais vous demander d'examiner

20 l'intercalaire 29.

21 Q. Ceci concerne le groupe appelé le Groupe de l'araignée, "Pawk". Voyons

22 si nous avons ici les documents permettant de s'opposer à l'affirmation de

23 M. Nice, selon laquelle les autorités de la RFY et de la Serbie auraient

24 essayé de dissimuler ce crime.

25 R. Ici, nous avons plusieurs déclarations de celui qui est alors ministre

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1 de la formation pour la République fédérale de Yougoslavie, M. Goran Matic.

2 Il dit quelle est l'affirmation, la position de ce gouvernement. Il se

3 base, pour faire cette déclaration, sur les connaissances générales qui

4 étaient en possession des autorités responsables de l'enquête en Serbie.

5 Voici ce qu'il dit à l'opinion publique : Tout d'abord, il donne le nombre

6 de personnes exécutées. Il dit qui furent les exécutants, et ceux qui sont,

7 de façon indirecte, responsables de ces exécutions.

8 Q. Regardez ce rapport, s'il vous plaît. Il a été publié dans ce qui était

9 alors le quotidien le plus important, dans le numéro du 12 février 2000, où

10 celui qui était alors ministre de l'information, a informé l'opinion

11 publique de ces événements. Vous avez ce document sous les yeux ?

12 R. Oui.

13 Q. Voyez ce qui est écrit dans ce deuxième paragraphe assez court. Le

14 ministre fédéral, que déclare-t-il au nom du gouvernement de Yougoslavie à

15 propos de ce Groupe de l'araignée et des personnes arrêtées ?

16 R. Il dit, je le cite : "Les crimes commis à proximité de Srebrenica

17 doivent être élucidés. C'est le devoir que nous avons pour la vérité." Il

18 dit qu'il a l'intention d'identifier tous ceux qui sont responsables de ces

19 exécutions, car ceci a beaucoup nui au peuple serbe. Ce sont les Serbes qui

20 ont le plus subi de préjudices parce qu'ils ont dû supporter le blâme que

21 ceci entraînait. Ceci est contraire à toutes nos convictions, à toutes nos

22 traditions.

23 Q. Le ministre Matic, que dit-il à l'intention du public pour ce qui est

24 du contexte dans lequel ces crimes ont été commis à Srebrenica, et qui sont

25 les auteurs ?

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1 R. En quelques mots, il dit que c'est le 10e Détachement de sabotage qui

2 avait commis ces exécutions dirigées par Pelemis. Ce

3 10e Détachement de sabotage comptait des Croates, des Serbes, des

4 Musulmans, des Slovènes. Il y a même beaucoup d'étrangers dans ces rangs.

5 C'était une unité militaire pluriethnique.

6 Q. Est-ce qu'il faut en conclure que c'était une unité de mercenaires ?

7 R. Oui. C'est la conclusion directe. C'était une unité de mercenaires et

8 nos services du Renseignement ont découvert que ce sont les services du

9 Renseignement français qui étaient derrière tout ceci, et ceci, nous

10 l'avons dit publiquement en l'an 2000.

11 Après la guerre et après les accords de Dayton, des membres de cette unité

12 ont poursuivi leurs activités. En tant que mercenaires des forces

13 occidentales en Bosnie-Herzégovine, ils ont enlevé Stevan Todorovic à

14 Zlatibor et ils l'ont livré en échange d'argent aux forces occidentales en

15 Bosnie-Herzégovine. Stevan Todorovic a, par la suite, été traduit en

16 justice ici au Tribunal de La Haye pour d'autres crimes.

17 Au lieu d'être jugé et au lieu d'être arrêté en tant que principal

18 responsable des exécutions à Srebrenica, ces gens collaborent avec les

19 forces occidentales en Bosnie-Herzégovine. Petrusic et Pelemis voyagent

20 librement en Europe sans aucune entrave. Il leur est facile d'obtenir des

21 visas de l'Union européenne quand bon leur semble. Apparemment, ce sont des

22 citoyens privilégiés de l'Union européenne.

23 Q. Quand Goran Matic était ministre fédéral de l'Information et lorsqu'il

24 a fait cette déclaration, ces gens étaient en prison, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Ils faisaient l'objet d'enquêtes à propos de Srebrenica et ils

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1 étaient accusés d'avoir essayé d'organiser une tentative d'assassinat

2 envers vous.

3 Q. Vu ces faits qui sont publiés au nom du gouvernement, le ministre de

4 l'Information a dit ceci aussi, est-ce qu'il y avait des doutes sur le fait

5 que c'était là les responsables de Srebrenica ?

6 R. Nombreuses sont les preuves, nombreuses sont les déclarations de

7 témoins oculaires qui viennent montrer que ces hommes étaient les

8 responsables de ces crimes. Personnellement, j'en ai traité au sein du

9 gouvernement. J'ai étudié ces circonstances, et j'ai pu me convaincre de

10 ces faits. J'ai pu l'établir.

11 M. NICE : [interprétation] Ce qui nous est relaté ici est très général,

12 bien sûr, les témoins dont il est question et existent sous forme

13 documentaire et ceci va retarder le contre-interrogatoire s'il nous faut

14 étudier ces documents. Le tout est de savoir si nous pourrons les examiner.

15 La Chambre estimera peut-être qu'il est utile à ce stade de la procédure de

16 savoir si ces documents sur lesquels s'appuie le témoin peuvent être

17 examinés par l'Accusation.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vous ai demandé

19 si ces documents abondants comme vous dites dont vous avez parlé dans votre

20 dernière réponse étaient disponibles.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas s'ils sont disponibles ici. Je

22 ne les ai pas à ma disposition parce que ce sont des documents qui relèvent

23 des autorités compétentes en Serbie. J'ai pu les examiner pendant que

24 j'étais vice-premier ministre. C'est le nouveau gouvernement de Serbie qui

25 a hérité de ces documents. Ici, il y a des faits qui montrent que nous

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1 avons détenu Milorad Pelemis et d'autres parce qu'ils étaient soupçonnés

2 d'avoir exécuté des prisonniers de guerre musulmans à Srebrenica.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

4 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Pour ce qui est de documents, à l'intercalaire 28 vous avez la plainte

7 déposée officiellement au pénal contre Drazen Erdemovic, qui a été jugé

8 ici, n'est-ce pas ? Vous l'avez ? Vous l'avez vu ?

9 R. Oui, je l'ai.

10 Q. Dans ce document --

11 R. Il porte la date du 6 mars 1996.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'est pas traduit, tout du moins

13 dans mon intercalaire. Plaçons-le sous le rétroprojecteur. C'est un

14 document très court.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un document de trois pages seulement.

16 C'est une plainte estampillée, on voit la date du 6 mars 1996.

17 Une plainte est dressée ici à l'égard de cet individu, qui est-ce qui est

18 dit ici ?

19 R. On dit ici qu'une plainte est déposée contre Drazen Erdemovic, qui

20 n'est pas un ressortissant serbe, il est Croate, car il y a des raisons de

21 soupçonner que dans le village de Pilica le 20 juillet, en tant que membre

22 du 10e Détachement de sabotage de l'armée de la Republika Srpska, dans le

23 cadre du conflit armé se déroulant sur le territoire de la Bosnie-

24 Herzégovine, avec sept membres de la Republika Srpska, cet homme aurait

25 assassiné des civils à partir de 10 heures 30 jusqu'à 16 heures, ces hommes

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1 auraient tué quelque

2 1 200 citoyens d'origine musulmane à l'arme à feu. Ces victimes avaient été

3 amenées en autobus sur les lieux de l'exécution.

4 Q. C'est un crime de guerre contre la population civile en application de

5 l'Article 142, paragraphe 1, du code pénal de Yougoslavie.

6 R. Oui, mais je ne suis pas d'accord, il ne s'agissait pas ici de

7 l'exécution de civils. En fait, ici, ce sont des prisonniers de guerre qui

8 ont été exécutés, ce qui est contraire aux conventions de Genève. Bien sûr,

9 c'est un crime qui doit aussi être sanctionné par les normes les plus

10 strictes.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'offrez pas de vous-même des

12 éléments de preuve; contentez-vous de répondre à des questions. Vous êtes

13 un homme érudit, mais ici vous êtes témoin, et vous devez suivre les

14 questions posées par l'accusé qui vous a cité en tant que témoin. Un témoin

15 qui offre des éléments de preuve présente un risque pour la partie qui le

16 cite.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne peux pas évaluer dans

18 quelle mesure je représente un danger pour un tel ou un tel. Je représente

19 certainement un danger pour de nombreuses personnes. En autre, pour

20 l'Accusation, mais que puis-je faire à ce sujet ?

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie, de vous contenter de

22 répondre aux questions qui vous sont posées par M. Milosevic.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai bien compris.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, vous avez dit que

25 l'unité responsable était le 10e Détachement de sabotage et que l'un des

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1 commandants de cette unité était Milorad Pelemis. Vous avez décrit cette

2 unité comme étant une unité de mercenaires. Qui les payait ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, une question directe m'a été posée

4 par M. Milosevic pour me demander si ceci découlait du fait qu'il y avait

5 là non seulement des Serbes mais aussi des Croates, des Musulmans, des

6 Slovènes. Est-ce qu'il en découlait que c'étaient des mercenaires ? J'ai

7 dit oui. Je ne sais pas à la solde de qui ils étaient, qui les payait, à

8 quel moment, mais ce que nos organes ont pu trouver, c'étaient des liens

9 avec les services secrets et les services de Renseignement français. Donc,

10 j'ai été précis dans ma réponse.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils faisaient partie de la

12 JNA ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils n'ont jamais fait partie de la JNA,

14 mais ils faisaient partie de l'armée de la Republika Srpska. Cependant,

15 c'était une partie de cette armée qui avait acquis une assez grande

16 indépendance puisque qu'ils ne faisaient partie d'aucun corps d'armée.

17 Alors que toute l'armée de la Republika Srpska était répartie en corps

18 d'armée. Ils étaient une unité plutôt indépendante qui agissait sous

19 l'enseigne ou sous l'étiquette de l'armée de la Republika Srpska.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et Pelemis, il est de quelle

21 appartenance nationale ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que j'en sais, il est

23 d'appartenance ethnique serbe.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. NICE : [interprétation] A ce sujet je ne me suis pas opposé à ce que

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1 l'accusé pose des questions directrices portant sur cette unité comme étant

2 une unité de mercenaires, parce que nous ne pouvons pas réagir à toutes les

3 questions directrices, et vous avez déjà dit que lorsqu'il ne s'agissait

4 pas de points contestés vous alliez les autoriser. Mais je pense que nous

5 ne pouvons pas accepter que des questions directrices soient posées hormis

6 les cas où la Chambre et M. le Juge Bonomy considèrent qu'effectivement que

7 c'est une situation où c'est possible.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A l'occasion de cette question, je

9 pense que vous auriez dû soulever une objection. Vous auriez dû attirer mon

10 attention là-dessus. J'ai dit que j'allais autoriser ces questions

11 lorsqu'il n'y a pas de point contesté entre les parties qui est abordé.

12 M. NICE : [interprétation] Il est très difficile d'agir de la manière la

13 plus juste lorsque nous avons ce genre d'interrogatoire.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, il s'agit du sujet le

15 plus difficile.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Des plus difficiles, Monsieur Bonomy.

17 M. NICE : [interprétation] Je pense que tous ces sujets ont été bien

18 préparés pendant les sessions de récolements et qu'à la fois l'accusé et le

19 témoin savent précisément où ils vont venir.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Seselj, pour ne pas vous poser de questions directrices, je

22 vais vous demander la chose suivante : donnez lecture de ce qui est dit

23 dans les explications fournies à la page suivante de cette plainte déposée

24 contre Drazen Erdemovic. Dites-nous qui a exécuté les prisonniers de guerre

25 à Srebrenica et sur ordre de qui ?

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1 R. Dans l'explication de la plainte au pénal, il est dit : "En la journée

2 du 20 juillet 1995, dans les heures de la matinée, la personne contre qui

3 la plainte est portée était membre du 10e Détachement de sabotage de

4 l'armée de la Republika Srpska, sur ordre de son commandant, Milorad

5 Pelemis, avec sept membres de l'armée de la République serbe…" dont les

6 noms suivent. Si vous voulez, je peux en donner lecture, "…s'est rendu à

7 bord d'une camionnette à Zvornik et il s'est présenté à lieutenant-colonel

8 qu'il ne connaissait pas, qui était membre de la police militaire de

9 l'armée de la République serbe. Avec ce lieutenant-colonel et escorté de

10 deux véhicules militaires, ce groupe s'est rendu au village de Pilica qui

11 se trouve sur la route Zvornik Pilica, au village de Pilica --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes

13 demandent que vous ralentissiez.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] "Une fois que le lieutenant-colonel leur a dit

15 que, dans 15 minutes, un autobus arrivera avec son bord des Musulmans, il

16 s'est éloigné dans la direction de Zvornik. Peu après son départ, un

17 autobus est arrivé à bord duquel se trouvaient 70 à 80 Musulmans de

18 Srebrenica et des environs, de sexe masculin dont l'âge était de 17 à 60

19 ans. Escortés de deux policiers militaires de la VRS, ils ont été sortis de

20 l'autobus en groupe de 10 à 15 personnes chacun. Sur ordre du commandant

21 Gojkovic Brano, le groupe dans sa totalité a commencé à les tuer, en tirant

22 avec de fusils automatiques M-70, balle par balle, mis à part Savanovic

23 Stanko qui s'est servi d'un pistolet pour tuer des personnes blessées. Ce

24 procédé s'est reproduit à l'identique jusqu'à ce que soit l'autobus ne soit

25 vide. Puisque les autobus arrivaient par la suite également, un autre

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1 groupe est arrivé en renfort d'environ 10 soldats de Bratunac qui avaient

2 été envoyés par le lieutenant-colonel de Zvornik pour aider à tuer les

3 Musulmans. Les meurtres ont continué."

4 Je me suis rendu compte dans mes recherches que le chiffre de

5 1 200 est exagéré parce que, en l'espace de ce temps, on aurait pas pu tuer

6 1 200 personnes en tirant balle par balle sans recourir à des rafales. Je

7 ne sais pas pour quelle raison mais ce chiffre est exagéré. Je ne conteste

8 pas qu'entre 1 000 et 1 200 Musulmans ont été exécutés, fusillés dans les

9 environs de Srebrenica, mais dans ce cas précis, par un calcul simple et

10 grâce à une analyse ne serait-ce que superficielle, je me suis aperçu que

11 ce n'était pas possible de tuer autant de personnes sans tirer par rafales.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, puis-je vous

13 demander la chose suivante. Nous gardons à l'esprit le fait que vous n'avez

14 pas à prouver quoi que ce soit mais j'aimerais savoir si votre cause est la

15 suivante, que les personnes responsables des meurtres de Srebrenica

16 faisaient partie d'une unité de mercenaires composée de Serbes, de Croates,

17 de Musulmans, de Slovènes, voire même d'étrangers, de ressortissants

18 étrangers ?

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai pas de preuve pour

20 démontrer qu'en tant que tel cette unité a été une unité de mercenaires

21 mais d'après ce qui a été communiqué au nom du gouvernement par le ministre

22 de l'Information et ce qui ressort des auditions de ces hommes qui ont été

23 relâchés après le putsch du 5 octobre, relâchés par les nouvelles

24 autorités, il en ressort qu'ils ont reçu de l'argent pour cela. C'est ce

25 qui figure à l'intercalaire 29 dans les déclarations qui ont été

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1 communiquées par le ministre de l'Information, dans les déclarations qu'il

2 a communiquées à l'opinion publique. Il ne fait aucun doute que c'était une

3 unité multiethnique.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Seselj, s'il vous plaît, pouvez-vous vous reporter maintenant

6 aux passages qui figurent au milieu de cette déclaration -la colonne qui

7 figure en milieu de cet article de Politika où Matic dit le massacre est

8 attribué aux Serbes. C'est le dernier paragraphe. Pouvez-vous en donner

9 lecture ?

10 R. "Cela a été perpétré par une bande multiethnique où ils y avaient des

11 Croates, des Slovènes, des Musulmans et quelques Serbes. Parmi les auteurs,

12 Matic a cité Milorad Pelemis, l'ex-membre des forces spéciales; Franc

13 Kosovo, ce Slovène; et Zijad Zigic qui a changé son nom en un nom serbe.

14 En sa compagnie, il y avait également Drazen Erdemovic qui devait témoigner

15 à La Haye contre Karadzic et Mladic."

16 Q. Lisez-nous ce qui figurent sous le sous-titré, il cite le ministre de

17 l'Information ?

18 R. Il dit : "Drazen Erdemovic est à La Haye et il est nécessaire pour

19 d'autres choses. Donc pour le meurtre de tous ces hommes, il n'a été

20 condamné qu'à quatre ans de prison. Son épouse et son enfant ont été

21 transférés au Pays-Bas."

22 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'il n'a pas le texte et que la

23 lecture se fait très vite.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Très bien. Alors qu'est-ce qu'il dit dans la suite, le troisième

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1 paragraphe, l'avant dernier, à la colonne du milieu ?

2 R. "L'occident place sous son contrôle les criminels et les assassins. Que

3 nous offrent l'Occident ? Une démocratie de tueurs à gage. Le cas de

4 Milorad Pelemis apporte de nombreuses preuves dans ce sens."

5 Q. Et le troisième paragraphe à compter du bas dans la colonne du milieu,

6 qu'est-ce qui y est dit ?

7 R. Que Srebrenica se rende sans combat et avant cela Naser Oric avait

8 quitté la ville. L'hélicoptère est venu le chercher. Ce sont des faits

9 notoirement connus. On s'est mis d'accord que les membres du 10e

10 Détachement de sabotage perpètrent un massacre, en contrepartie, ils

11 recevraient deux millions de marks. C'est le ministre Matic qui a dit cela.

12 Q. Donc, le ministre de l'Information n'a certainement pas fait une

13 enquête ?

14 R. Non, et c'est sur la base de nos organes chargés de l'enquête qu'il

15 fournit ces informations à l'opinion publique.

16 Q. Ces informations, il n'aurait pas pu les fournir en se fondant sur des

17 spéculations, mais uniquement se fondant sur les données fournies par des

18 organes d'enquêtes et tous ces individus étaient entre leurs mains à ce

19 moment-là.

20 R. D'après tout ce que je sais en tant que vice-président du gouvernement

21 de l'époque, l'enquête avançait bien --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne respectez pas les pauses, la

23 nécessité de ménager une pause entre la question et la réponse. Ceci n'est

24 pas une attitude correcte à l'égard des interprètes.

25 M. NICE : [interprétation] Il me semble que ces derniers passages n'ont pas

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1 été traduits à moins que je n'ai pas moi remarqué cette traduction.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'arrive pas à les retrouver.

3 M. NICE : [interprétation] Il faudrait les placer sur le rétroprojecteur.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il a dit que cela a été publié dans

5 Politika.

6 M. NICE : [interprétation] Oui, Politika. Il faudrait que l'on nous indique

7 où cela se trouve.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, précisez-nous ?

9 D'où vient ce passage, celui dont vous venez de parler.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces paragraphes que je viens de citer figurent

11 à la colonne du milieu du rapport qui a été publié dans Politika.

12 Mais j'attire votre attention sur un point puisque M. Nice vient de dire

13 que Matic a fait cette déclaration à Politika. En tant que ministre de

14 l'Information, il n'a pas fait cette déclaration à Politika. Il a informé

15 les journalistes de cela lors d'une conférence de presse.

16 Dans cet intercalaire, on trouve ce qui a été publié dans Politika. Cela

17 c'est un journal. Puis, ce qui a été publié dans Ekspress Politika, ce qui

18 a été publié dans Novosti. Donc, des articles qui viennent de différents

19 journaux, d'express également. Je n'ai pas l'article publié dans le journal

20 Borba. Si, je l'ai aussi. Je n'ai pas ce qui a été publié par les médias

21 électroniques. Il s'agit de la chose suivante : ce sont des communiqués

22 très importants. D'habitude, le ministre de l'information, au nom du

23 gouvernement, lors d'une conférence de presse expose ce genre d'éléments.

24 Il ne fait pas de déclaration à l'intention de tel ou tel journal; il

25 informe les journalistes lors d'une conférence de presse dûment convoquée

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1 des éléments d'information que le gouvernement souhaite leur transmettre.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Seselj, que pouvez-vous nous en dire d'après votre

4 expérience ?

5 R. Oui, ce sont des communications faites à l'intention de l'opinion

6 publique --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne vais pas vous autoriser à

8 poser cette question. Posez une autre question.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Je vous demande d'examiner la première page de la plainte au pénal

12 contre Drazen Erdemovic. A la fin du premier paragraphe qui commence "par

13 contre," est-ce que l'on dit à quel moment il a été arrêté ? La dernière

14 ligne, vous voyez ?

15 R. Oui, il est dit ici, qu'Erdemovic a été arrêté le

16 3 mars 1996.

17 Q. Donc, cette plainte au pénal a été rédigée --

18 R. Six mois après les exécutions de Srebrenica à peu près.

19 Q. Très bien. Mais la plainte au pénal est du 6 mars, n'est-ce pas ? C'est

20 écrit au haut à gauche.

21 R. Oui.

22 Q. La plainte au pénal a été dressée trois mois après sont audition.

23 R. Oui. D'après notre loi, la police devait le relâcher de détention au

24 bout de trois jours ou il devait être remis aux mains du juge d'instruction

25 avec une plainte au pénal.

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1 Q. Donc, la plainte au pénal a été rédigée sur la base de l'audition de

2 l'intéressé, qui a duré trois jours ?

3 R. Oui.

4 Q. Dans les motifs, dans ce document, est-ce que l'on peut lire tous les

5 noms qui ont été révélés par Erdemovic lors de son audition ?

6 R. Erdemovic a mentionné son commandant Milorad Pelemis, ainsi que sept

7 autres membres, à savoir, Gojkovic Brano, Savanovic Stanko, Grolija Zoran,

8 Golijan Vlastimir, Boskic ou Koskic Marko, Kos Franc et Cvetkovic

9 Aleksandar. Ce sont les noms cités par Erdemovic dans la déclaration qu'il

10 a faite à notre police, ou plutôt au service de la Sûreté d'Etat, l'antenne

11 de Novi Sad.

12 Q. Puisque ces données ont été accessibles au bureau de

13 Mme Del Ponte puisque Erdemovic a été envoyé ici, est-ce que vous savez

14 quelles sont les circonstances dans lesquelles Erdemovic a été envoyé ici ?

15 R. Erdemovic a été arrêté. Il se trouvait dans notre prison. La Haye l'a

16 réclamé, et lui personnellement, a fait part de son souhait de se rendre

17 auprès du Tribunal de la Haye, même si d'après notre loi il n'aurait pas pu

18 l'être, quand bien même il serait étranger, ce qu'il est, la procédure

19 aurait été très longue. Mais comme il a fait part de son souhait que cela

20 se passe, bien cela a pu se faire très rapidement. Je ne sais pas combien

21 de jours cela a duré; une dizaine de jours, me semble-t-il. On doit le

22 savoir précisément ici.

23 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu confirmation du fait qu'il a tué, lui

24 personnellement, plus de 100 personnes ?

25 R. Oui. Lui, personnellement, a tué à peu près 100 personnes, mais il n'a

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1 été condamné qu'à cinq ans de prison, et au bout de trois ans et demi, il a

2 été relâché; ce qui est tout à fait étonnant.

3 Q. Est-ce que vous avez une explication à fournir puisque toutes ces

4 données sont accessibles au bureau de Mme Del Ponte ? Comment expliquez-

5 vous qu'aucun de ces intéressés n'a eu une plainte au pénal dressée contre

6 lui ?

7 R. Parce que ces individus bénéficient d'une protection. Ils reçoivent

8 sans aucun problème des visas pour se rendre dans les pays de l'Union

9 européenne ou ailleurs. Personne ne peut rien faire à leur encontre.

10 Q. Dans les déclarations du ministre de l'Information, est-ce que l'on en

11 parle, est-ce qu'on en parle au sujet des arrêtés membres du Groupe

12 araignée ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous

14 allons passer à une autre question.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Seselj, compte tenu de ces communiqués officiels du

17 gouvernement yougoslave au sujet de la récession des membres du Groupe

18 araignée et au sujet de tout ce qui s'est produit dans ce contexte, est-ce

19 qu'on peut maintenir des affirmations qui disent que les autorités

20 yougoslaves ont cherché à dissimuler le crime de Srebrenica ?

21 R. Non. On ne peut pas maintenir cette affirmation. J'en suis

22 témoin. J'ai participé à ce que les autorités yougoslaves ont fait, à

23 savoir, ils ont déployé tous les efforts pour élucider au plus vite et au

24 mieux ce crime, pour connaître les noms de tous les auteurs, pour trouver

25 toutes les informations dans le cadre d'une enquête pour que des poursuites

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1 au pénal soient engagées. Nous estimions que d'un point de vue politique,

2 moral et juridique, nous devions le faire, que les crimes, les meurtres des

3 prisonniers de guerre musulmans de Srebrenica ne passent pas impunis. Telle

4 a été la politique du gouvernement de Serbie.

5 Q. Avez-vous un élément d'information quel qu'il soit au sujet des

6 circonstances dans lesquelles les membres du Groupe araignée, y compris les

7 personnes nommées ici, ont été relâchées après le

8 5 octobre ?

9 R. Immédiatement. Ils ont été relâchés sans que l'opinion publique

10 en ait été informée. Même avant leur relâchement, avant le changement au

11 gouvernement, les parties politiques pro-occidentaux tournaient en dérision

12 nos prises de position au sujet des responsables du crime de Srebrenica.

13 Ils se payaient de notre tête en disant qu'on avait inventé le groupe

14 "Pawk" l'araignée. Or, après, ils les ont tous relâchés.

15 Q. Même si on savait que les membres de ce 10e Détachement de sabotage

16 avaient agi avec Erdemovic ?

17 R. Tout à chacun qui voulait le savoir pouvait le savoir. Tout cela était

18 élucidé jusqu'au moindre détail, qu'ils y ont participé à cela à Srebrenica

19 et dans les environs.

20 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela met un terme à votre

22 interrogatoire principal ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non. J'ai encore des questions à poser. Je

24 n'en suis pas encore arrivé.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Combien de temps comptez-vous

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1 passer avec ce témoin ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai prévu ce que j'ai annoncé, mais je vais

3 quelque peu plus lentement. Ce qui fait qu'il m'est difficile de vous

4 donner une estimation. Mais je vais le faire cet après-midi, Monsieur

5 Robinson.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Allez-y.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que de continuer, cette

8 libération effectuée en date du 5 octobre, pouvez-vous me rappeler

9 l'année ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] L'an 2000.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est du temps disponible et de la

13 durée prévue, avant que de continuer, j'ai cru comprendre que l'accusé a

14 l'intention d'interroger demain, enfin pendant la journée de demain en

15 entier ce témoin. Cela va influer sur nos préparatifs et la documentation

16 nécessaire pour le contre-interrogatoire. Alors, j'aimerais savoir combien

17 temps cela va prendre, et si cela va s'étirer sur la semaine d'après. Il me

18 serait utile de savoir combien.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il faudrait que

20 vous nous fassiez savoir demain matin afin que nous puissions faire nos

21 plannings. Faites votre estimation pour ce qui est de la situation, et

22 laissez-nous savoir cela demain matin.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice a soulevé la question de savoir si

24 j'avais besoin de la journée de demain. Je dirais tout de suite que j'ai

25 certainement besoin de la journée de demain toute entière et au moins d'une

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1 journée encore de la semaine d'après; ce qui fait que cela lui laisse tout

2 latitude pour planifier son contre-interrogatoire.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Seselj, en novembre 1991, vous avez été en Slavonie

5 occidentale puis à Banja Luka.

6 R. Oui.

7 Q. Qui est-ce qui a demandé une réunion avec vous ?

8 R. Je suis parti en Slavonie occidentale par hélicoptère de la JNA en

9 compagnie de Ilija Sasic, ministre des Affaires étrangères de la Slavonie

10 occidentale, qui m'a demandé de venir là-bas pour rendre visite à la

11 population et aux soldats, étant donné que la Slavonie occidentale se

12 trouvait encerclée de toute part par des effectifs croates.

13 Je suis resté là-bas deux ou trois jours. Je suis rentré ensuite à

14 Banja Luka. Là-bas, j'ai eu un grand meeting, un grand rassemblement du

15 Parti radical serbe. Ce soir-là, le soir même, à l'hôtel Bosna, il est venu

16 deux hauts fonctionnaires du Parti démocratique serbe de Banja Luka, ils

17 m'ont dit que Milan Babic avait demandé de venir à Knin, parce qu'il

18 semblerait que le capitaine Dragan voulait organiser une insurrection

19 militaire contre lui; une sorte de putsch. C'est avec deux fonctionnaires

20 du Parti démocratique serbe de Banja Luka que je suis arrivé à Knin très

21 tôt le matin de la journée d'après.

22 Q. Bien. Vous venez de nous expliquer comment vous êtes arrivé là-bas.

23 Dans son témoignage ici, M. Babic a dit - et là, je ne vais pas parler de

24 ses motifs, je ne veux pas vous poser de questions directrices non plus -

25 il semblerait donc que c'est le général Marko Negovanovic qui vous aurait

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1 confié un hélicoptère pour votre déplacement.

2 R. Le général Marko Negovanovic n'était pas ministre de la Défense de

3 Serbie. C'était Tomislav Simovic qui était ministre à ce moment-là. J'en

4 suis absolument certain. Le général Marko Negovanovic, lui était adjoint du

5 chef d'état-major de la JNA. Il est vrai de dire que j'ai téléphoné au

6 général Negovanovic et j'ai demandé un hélicoptère. Mais le général

7 Negovanovic, en sa qualité de chef d'état-major adjoint, m'a dirigé vers le

8 chef de l'aviation et de la défense antiaérienne Bozidar Stenavovic, un

9 général également. Celui-ci m'a donné un hélicoptère et m'a attribué deux

10 pilotes, et c'est de l'aéroport Banjica que je me suis dirigé vers Banja

11 Luka. C'est là la vérité vraie à ce sujet. Marko Negovanovic se trouvait

12 pas être ministre de la Défense de Serbie.

13 Q. Fort bien. Merci. Une fois que vous avez été emmené là-bas avec ces

14 deux-là, y a-t-il eu une réunion, une rencontre avec Babic, et que vous a

15 demandé Babic une fois que vous l'avez rencontré ?

16 R. Lorsque je l'ai rencontré, il m'a raconté ce qui se passait à Knin et

17 dans les environs. Il m'a dit ce que faisait le capitaine Dragan, et il m'a

18 demandé d'influer sur les soldats aux fins de contrecarrer les intentions

19 du capitaine Dragan qui à aider à priser la situation. J'ai eu deux

20 interventions au poste radio, à la radio de Knin et à la radio des jeunes

21 de Knin, et j'ai visité bon nombre de positions militaires. Au front, sur

22 la ligne de Benkovac, j'ai rencontré le capitaine Dragan qui a été

23 enregistré avec une caméra vidéo. Nous avons ces vidéos à Belgrade, et il y

24 a eu là, une espèce de duel verbal dont l'opinion en Serbie a eu

25 connaissance.

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1 Après cette intervention, la situation s'est grandement calmée, et le

2 meeting convoqué par le capitaine Dragan s'est écoulé sans qu'il y ait une

3 grande participation des militaires, des soldats et de la population. Donc,

4 cette tentative a échoué.

5 Q. Avez-vous aidé Babic ?

6 R. Bien sûr que j'ai aidé Babic. Voyez-vous, la situation là-bas était

7 plutôt compliquée. Il y a eu un conflit entre Milan Martic, le ministre de

8 l'Intérieur et Milan Babic en sa qualité de premier ministre. Le capitaine

9 Dragan est venu se mêler pour faire en sorte que les soldats s'insurgent

10 sur toutes les différentes lignes de front. Quoi qu'ayant pensé que Milan

11 Babic disposait de certaines aptitudes d'homme d'état - c'était un homme

12 plutôt lâche, il n'a pas osé aller sur les lignes de front et les soldats

13 ne l'aimaient pas. Il n'était pas difficile du tout de faire en sorte que

14 les soldats s'insurgent contre Milan Babic. Ceux qui ne visitent pas les

15 lignes de front et qui se trouvent à la tête des soldats ne sauraient se

16 trouver à cette place. La raison de notre grande popularité, c'est que j'ai

17 visité tous les différents endroits, où même là où l'on essuyait des tirs

18 indépendamment des dangers encourus. Les soldats savaient apprécier ce type

19 de comportement. J'ai laissé entendre lorsque j'intervenais à ces émissions

20 radio, j'ai laissé entendre que la population serbe devait être réunie,

21 qu'il ne fallait pas qu'il y ait de dissensions. Si dissensions il y avait,

22 il ne saurait être ami de la population serbe et se considéré comme tel.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Les interprètes

24 seraient grés à l'intervenant de parler plus lentement.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Avez-vous connaissance du nom de Miroslav Deronjic ?

2 R. Oui, je connais le nom de Miroslav Deronjic. Pendant toute la durée de

3 la guerre sur le territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine, c'est lui qui a été

4 le maître absolu de Bratunac. Bratunac se trouve être une ville en Bosnie

5 de l'Est sur les rives de la Drina non loin de Srebrenica.

6 Q. Savez-vous nous dire si Miroslav Deronjic avait quoi que ce soit à voir

7 avec un parti politique en Serbie ?

8 R. D'après ce que j'en sais, au début, Miroslav Deronjic était membre du

9 Mouvement de Renouveau serbe de Draskovic. Lorsqu'en 1992, Draskovic a eu

10 lieu un rassemblement populaire à Bratunac, Deronjic se trouvait à ses

11 côtés sur la tribune. Ensuite, Deronjic a changé de parti et il est venu

12 faire partie du Parti démocratique serbe. Il est devenu président de la

13 cellule de Crise de la municipalité de Bratunac et commandant de la Brigade

14 de Bratunac, alors que l'armée de la Republika Srpska n'était pas encore

15 tout à fait créée ni organisée.

16 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet de ces rapports avec les

17 Aigles blancs ?

18 R. Oui. Il a fait venir certaines formations d'Aigles blancs de Serbie, et

19 il les a gardées sous son contrôle là-bas, et c'est ces ordres à lui que

20 ces gens-là exécutaient.

21 Q. Il est venu témoigner ici. On l'a jugé ici. Il a témoigné également

22 pour le compte de la partie adversaire. Savez-vous nous dire quelque chose

23 au sujet du massacre du village de Glogova et du rôle de Deronjic ?

24 R. Oui. A Glogova, il y avait des Musulmans. Deronjic a demandé à ces

25 Musulmans de restituer leurs armes en leur promettant la sécurité chez eux

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1 s'ils restituaient les armes. Les Musulmans ont restitué leurs armes, et

2 Deronjic a ensuite donné l'ordre de lancer une attaque contre Glogova. En

3 cette occasion-là, il a été abattu

4 65 Musulmans désarmés. Dans d'autres localités, cela s'est fait également.

5 Il n'a pas été jugé.

6 Le régime de Milo Djukanovic lui a envoyé tout un autocar de

7 Musulmans du Monténégro. C'étaient des Musulmans de Bosnie qui avaient fui

8 vers le Monténégro. Ils ont été arrêtés là-bas par la police monténégrine.

9 Ils ont été mis à bord d'autocars, et il y a un autocar qui a été livré à

10 Deronjic à Bratunac. Ces Musulmans ont été exécutés sur le champ. C'est une

11 information que je tiens de source sûre.

12 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit quel a été l'accord établi par

13 Deronjic avec le bureau du Procureur ?

14 R. Je sais qu'il a établi un accord. On a cessé de se parler parce que

15 j'ai trouvé que c'était un homme déshonorable. Il a fait cet accord pour

16 qu'on oublie son rôle à Bratunac et son rôle dans l'exécution des Musulmans

17 à Srebrenica en 1995. Alors, il a pris part à la réunion où il a été décidé

18 de procéder aux exécutions. Il a reconnu sa participation à la réunion en

19 question.

20 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet des délits pour lesquels

21 il aurait été condamné par les autorités ?

22 R. D'abord, il a été condamné pour le meurtre de Zoran Zekic, un leader

23 serbe éminent de cette région au début de la guerre. Il a été tué dans une

24 embuscade, et on a dit que c'étaient les Musulmans. Je sais que la police

25 de la Republika Srpska avait diligenté une enquête, et que Deronjic avait

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1 été soupçonné. D'une certaine façon, je ne sais comment il a évité d'être

2 jugé. Il a tué sa propre femme, et il a présenté la chose comme étant un

3 suicide. Elle se serait approchée de lui de dos. Elle le lui aurait arraché

4 son pistolet, et elle serait tirée dessus elle-même.

5 Q. Monsieur Seselj, pour pouvoir tirer des conclusions au sujet d'une

6 partie de votre témoignage - et je pense que cela a trait une fois de plus

7 à vos volontaires à vous - je vois qu'en parlant de ces derniers, vous

8 avez précisé que certains avaient fait partie de la Défense territoriale et

9 que celle-ci était placée sous le contrôle de la JNA. Tirons cela au clair.

10 La Défense territoriale, - je ne parle pas des volontaires à vous pour le

11 moment - en principe, la Défense territoriale était placée sous le contrôle

12 de la JNA. Ces unités de la Défense territoriale se trouvaient-elles en

13 tout état de cause sous le contrôle effectif de la JNA, ou y a-t-il eu des

14 situations où certaines parties ou certaines unités de la Défense

15 territoriale se seraient comportées de façon autonome indépendamment de la

16 JNA ?

17 R. En application de la loi, cela était impossible. En vertu de la loi de

18 l'ex-Yougoslavie, les forces armées étaient constituées de deux

19 composantes; la JNA et la Défense territoriale. La loi a réglementé de

20 façon précise le rôle de chacune d'entre elle. Lorsqu'il y a des opérations

21 de l'armée, la Défense territoriale est placée sous le commandant direct de

22 la JNA.

23 Maintenant, si on est en territoire occupé et qu'il y a des unités de

24 la JNA et de la Défense territoriale qui sont coupées du reste, alors ils

25 commencent à intervenir en guérilla en tant que partisans, et le commandant

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1 de l'unité de la JNA doit être subordonné au commandant local de la Défense

2 territoriale. Les lois de l'ex-Yougoslavie avait précisé cette question de

3 façon très précise.

4 Ici, il a été question de la Slavonie occidentale. En Slavonie occidentale,

5 c'est la Défense territoriale qui est intervenue mais à la tête de la

6 Défense territoriale, il y avait le colonel Trbojevic, un officier d'active

7 de la JNA. Cela je le sais pour sûr puisque c'est un homme que j'ai

8 rencontré sur place.

9 Q. Le général Vasiljevic est venu témoigner en date du 14 février. Enfin,

10 je crois que -- ici, c'est assez flou. Je crois que c'est l'année 2003.

11 Cela devrait être l'année 2003. Il a été question, à ce moment-là, de la

12 composition de la direction militaire de la JNA pendant la guerre en 1991.

13 J'aimerais que vous vous penchiez sur ladite composition.

14 R. Mais dites-moi où cela se trouve ?

15 Q. Je ne sais pas. Je n'ai qu'un exemplaire sur moi. Il est dit que

16 pendant la guerre à l'occasion des conflits que la JNA a eu dans le courant

17 de 1991, il est fourni ici 16 noms de généraux, un Yougoslave, deux Serbes,

18 huit Croates, deux Slovènes, deux Macédoniens, un Musulman.

19 J'aimerais qu'on place cela sur le rétroprojecteur et je vous prierais de

20 nous donner lecture de la composition de cette direction militaire au sujet

21 de laquelle il a ici été, à plusieurs reprises, indiqué que cette direction

22 militaire s'était placée sous mon contrôle ou sous le contrôle des

23 autorités de la République de Serbie. J'aimerais que ceci soit placé sur le

24 rétroprojecteur et je vous demanderais, Monsieur Seselj, d'en donner

25 lecture et de nous dire ce que vous en savez ? J'aimerais savoir aussi si

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1 vous avez connaissance de cette composition de la direction militaire de la

2 RFY datant de 1991 ?

3 R. Oui, j'ai connu cette composition de la direction militaire. Il n'y

4 avait aucun secret à cela. Il y avait Veljko Kadijevic qui s'était déclaré

5 Yougoslave parce que son père était Croate et sa mère Serbe ou alors

6 c'était l'inverse. En tout état de cause, c'était quelqu'un issu d'un

7 couple mixte. Ensuite, Blagoje Adzic, chef de l'état-major, un Serbe; Josip

8 Greguric, un Croate, il a été ministre fédéral adjoint; Stane Brovet,

9 slovène, adjoint du secrétaire fédéral, c'était l'équivalent de ministre à

10 l'époque; Mile Ruzinovski, macédonien, chef du premier département de

11 l'état-major; Konrad Kolsek, un Slovène, commandant des unités du Nord-

12 Ouest, commandement à Zagreb et --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, Monsieur Seselj, je

14 ne vais pas vous le redemander, les interprètes disent que vous parlez trop

15 vite. Je ne pense pas que parler plus lentement viendrait mettre en péril

16 quoi que ce soit. Il faut que vous parliez plus lentement parce que les

17 interprètes interviennent à toutes les deux ou trois minutes pour vous

18 demander de parler plus lentement.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, mon mariage ne dépend pas

20 de ma rapidité de débit mais du volume de mon débit. Donc si je baissais

21 mon volume, je perdrais quelque chose de ma virilité mais je vais me

22 conformer à vos instructions et je vais parler très lentement.

23 Alors, Konrad Kolsek, un Slovène, commandant des unités de l'armée

24 occidentale, du côté occidental.

25 Aleksandar Spirkovski, Macédonien, commandement des unités centrales,

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1 commandement à Belgrade.

2 Andrija Silic, Croate, commandant du QG des armées centrales.

3 Zivota Avramovic, Serbe, chef du sud-est, des unités du sud-est,

4 commandement à Skopje.

5 Bozidar Grubisic, Croate, commandant de la marine de guerre. Ensuite, Anton

6 Tus, Croate, chef de l'aviation de guerre. Zvonko Jurjevic, Croate,

7 commandant adjoint de l'aviation de guerre,

8 Ivan Radanovic, Croate, chef du centre des Hautes écoles militaires à

9 Belgrade. Ce centre englobait toutes les académies militaires.

10 Ibrahim Alibegovic, Musulman, chef de l'école de Guerre. L'école de Guerre,

11 c'est l'école des généraux. Il fallait aller à assez d'écoles pour faire

12 d'un officier, un général.

13 Tomislav Bjondic, Croate, chef de l'Académie du QG de commandement. C'est

14 l'académie fréquentée par les officiers supérieurs.

15 Mate Pehar, Croate, chef de l'Académie militaire à Belgrade.

16 Puis vous avez en bas la structure ethnique sous forme de statistique. Il y

17 a un Yougoslave, deux Serbes, huit Croates, deux Slovènes, deux Macédoniens

18 et un Musulman. Voilà la structure du commandement militaire pendant la

19 guerre en 1991.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai attendu. Vous voyez que j'ai

21 attendu que les interprètes finissent ce qu'ils avaient à interpréter.

22 Alors je reviens à la question de M. Milosevic. Que nous indique cette

23 liste, pour ce qui est du sujet afférant au contrôle que vous avez pu

24 exercer ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci dit d'abord que Milosevic n'a pu exercer

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1 aucun contrôle à l'égard de la JNA et cela dit bien que la JNA n'était pas

2 entre les mains des Serbes. La JNA ne pouvait pas mettre en œuvre une

3 politique nationaliste serbe. C'est la Yougoslavie que la JNA cherchait à

4 sauvegarder. C'est la raison pour laquelle elle a pris part au conflit

5 armé. Elle ne l'a fait qu'une fois qu'elle a été attaquée à plusieurs

6 endroits. Elle a patiemment subi des attaques et, à un moment donné, elle

7 n'en pouvait plus de subir, elle a dû riposter. On a encerclé ses casernes,

8 partout en Croatie, on s'attaquait à ses arsenaux d'armes, on s'attaquait à

9 ses officiers, on s'attaquait aux familles des officiers, et ainsi de

10 suite. Au moment où cela est devenu insupportable, l'armée est intervenue.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Nous allons maintenant passer à présent à un autre sujet, Monsieur

13 Seselj. En effet, j'aimerais vous demander si avant que de vous être rendu

14 de votre plein gré ici, s'il vous a été donné de voir quelle a été la

15 procédure mise en place ici à partir du mois de février 2000 ?

16 R. La procédure judiciaire, vous voulez dire ?

17 Q. Oui.

18 R. J'ai suivi les retransmissions télévisées de votre procès autant que

19 mes obligations au travail le permettaient.

20 Q. A la lumière de ce que vous avez pu entendre comme étant les thèses de

21 l'Accusation, avez-vous pu entendre dire que la politique ou le fil

22 conducteur de la politique que j'ai conduite était basé sur une grande

23 Serbie ?

24 R. Cela est impossible. D'abord, ni votre parti, ni vous-même n'avez promu

25 ce type de politique parce qu'en 1990, 1991, vous vous étiez efforcé à

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1 préserver la Yougoslavie. D'autre part, vous n'avez pas pu exercer de

2 contrôle à l'égard de la JNA, mais la JNA, elle aussi, avait des ambitions

3 politiques. La direction de la JNA a tenté de vous révoquer dès 1989, avant

4 la chute du régime communiste. Il y a eu une commission du Comité central

5 qui organisé une réunion au sein de la Ligue des communistes de

6 Yougoslavie, juillet 1989 et où tout avait déjà été préparé pour vous

7 révoquer. Puis, on a renoncé.

8 Il y avait un groupe de généraux qui avaient des ambitions politiques très

9 manifestes. Ce groupe de généraux dont l'un des plus éminents se trouvait

10 être le chef des services de Sécurité de l'armée, Aleksandar Vasiljevic,

11 général de son état, a voulu, au tout début de la guerre, mettre en scène

12 des crimes du côté croate et du côté serbe pour faire en sorte que les

13 puissances occidentales adhèrent à la JNA en sa qualité de garant de la

14 stabilité pour qu'elle puisse régler leur compte au régime en Croatie et en

15 Serbie parce que la direction de l'armée voyait en vous également un

16 obstacle pour ce qui est de ses propres ambitions politiques.

17 Du côté croate, ils avaient envisagé de mettre en scène des crimes.

18 Sous le commandant du général Aleksandar Vasiljevic, il a été organisé la

19 pose d'explosifs devant le bâtiment de la municipalité juive et au

20 cimetière juif de Mirogoj. Il fallait que l'opinion publique mondiale et

21 l'opinion juive s'emploient contre le président Tudjman et le président

22 Tudjman s'était déjà compromis en disant qu'il était content de voir que sa

23 femme n'était pas juive et qu'il n'avait aucun juif dans sa famille.

24 Ensuite, le général Vasiljevic se trouve en corrélation avec des crimes que

25 des auteurs serbes auraient perpétré --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous sortez du cadre.

2 De toute manière l'heure est venue de lever l'audience. Nous allons

3 reprendre demain à 9 heures du matin.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le jeudi 25 août 2005,

5 à 9 heures 00.

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