Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 30 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 20.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Nusret Sivac, est dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour, tout le monde.

6 Veuillez citer l'affaire.

7 Mme Anoya (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président,

8 Messieurs les Juges.

9 L'Affaire IT-97-24-T, le Procureur contre Milomir Stakic.

10 M. le Président (interprétation): Veuillez vous présenter.

11 M. Koumjian (interprétation): Je suis Nicholas Koumjian,

12 assisté de Ruth Karper et Ann Sutherland.

13 M. le Président (interprétation): Maintenant à la défense.

14 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

15 Lukic et Ostojic.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian?

17 (Interrogatoire principal du témoin, M. Nusret Sivac, par M.

18 Koumjian.)

19 M. Koumjian (interprétation): Il s'agit du document de 81

20 pages. J'aurai besoin de l'assistance de la Chambre.

21 Bonjour, Monsieur Sivac.

22 M. Sivac (interprétation): Bonjour.

23 Question: Lorsque nous avons terminé hier, vous avez mentionné

24 la personne qui était accompagnée par Becir au restaurant.

25 Réponse: Il s'agit de Ibrahim Paunovic. C'était son ami.

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1 C'était l'ingénieur Ibrahim Paunovic.

2 Question: Merci. Qu'est-il arrivé à M. Ibrahim Paunovic dans le

3 camp?

4 Réponse: Il a été malheureusement tué, lui aussi, vers la fin

5 du mois de juillet lorsque, dans le camp d'Omarska, on a entamé

6 l'exécution massive des détenus.

7 Question: Monsieur Sivac, vous a-t-on jamais interrogé lorsque

8 vous étiez dans le camp?

9 Réponse: Oui, après mon arrivée, une semaine plus tard, dans le

10 garage, un des gardes m'a dit de venir dans la salle des

11 interrogatoires qui se trouvait dans le bâtiment de

12 l'administration.

13 Question: Pouvez-vous nous dire de quelle nature étaient les

14 questions qu'on vous a posées à cette occasion?

15 Réponse: J'ai longtemps travaillé au service de sécurité et les

16 questions qu'ils me posaient étaient les questions classiques

17 que l'on posait d'habitude à tout le monde: si je disposais

18 d'armes. Et leur question principale, même s'ils me

19 connaissaient très bien, était la suivante: quelle était ma

20 situation financière et matérielle, si j'étais riche.

21 Question: Avez-vous été maltraité pendant cet interrogatoire?

22 Réponse: Non. J'ai eu beaucoup de chance. On ne m'a pas

23 maltraité pendant l'interrogatoire.

24 Les enquêteurs qui me posaient des questions étaient Neso

25 Toncic et Neso Babic, que je connaissais depuis longtemps. On a

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1 travaillé ensemble au centre de sécurité à Prijedor.

2 M. Koumjian (interprétation): Avez-vous vu d'autres prisonniers

3 qui ont été emmenés afin d'être interrogés? Les avez-vous vus

4 revenir dans un état différent de leur état antérieur?

5 M. Sivac (interprétation): Après m'avoir interrogé, on m'a dit

6 de ne plus rentrer au garage, de rester sur la "Pista". Il y

7 avait de 500 à 700 détenus à cet endroit. Et depuis cet

8 endroit, on pouvait voir ce qui se passait dans le camp

9 d'Omarska. C'était le meilleur endroit pour observer.

10 Tous les jours, hormis le week-end, on appelait les gens et on

11 les emmenait pour les interroger. Nombre d'entre eux sont

12 revenus portant des traces de torture, de passage à tabac, etc.

13 Beaucoup d'entre eux rentraient également enveloppés dans des

14 couvertures et le garde qui était chargé d'assurer la liaison a

15 demandé de faire venir quatre détenus costauds. Nous savions

16 tout de suite de quoi il s'agissait, ce qui allait arriver. Nos

17 amis qui étaient emmenés, un de nos amis a été tué lors d'un

18 tel interrogatoire. Donc ils avaient besoin de quatre détenus

19 corpulents pour l'emmener. Les personnes qui étaient tuées

20 étaient d'habitude laissées à un endroit qui se trouvait à

21 gauche de la "maison blanche".

22 M. le Président (interprétation): A la page 3, ligne 1, il y a

23 peut-être une erreur. On devrait tirer cela au clair.

24 Monsieur Koumjian, il faudrait voir si la traduction a été

25 bonne.

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1 M. Koumjian (interprétation): Je vais relire le début

2 de votre réponse, lorsque je vous ai posé la question

3 concernant la torture. Vous avez dit: "Non, malheureusement,

4 j'ai eu de la chance de ne pas avoir été maltraité".

5 C'est bien ce que vous pensiez: "malheureusement, vous n'avez

6 pas été torturé"?

7 M. Sivac (interprétation): Ils ne m'ont pas battu uniquement

8 pendant cet interrogatoire.

9 Question: Lorsque vous dites "malheureusement", qu'entendez-

10 vous par là? Vous aviez eu de la chance ou bien y a-t-il eu des

11 conséquences négatives?

12 Réponse: J'ai eu de la chance, j'ai eu beaucoup de chance de

13 n'avoir pas été battu.

14 Question: Pouvez-vous nous parler, Monsieur Sivac, sur les

15 conditions d'hygiène, de la nourriture? Nous n'en avons pas

16 parlé jusqu'à présent, mais à quoi ressemblait, quel était

17 l'aspect physique des détenus, si quelqu'un venait de

18 l'extérieur? Ces détenus, leur aspect physique était-il

19 identique à celui qu'ils avaient avant leur arrivée au camp

20 d'Omarska?

21 Réponse: Tous les détenus avaient un aspect physique

22 lamentable. On les passait à tabac tous les jours, ils étaient

23 torturer tous les jours, il n'y avait pas suffisamment de

24 nourriture, pas suffisamment d'eau et en très peu de temps les

25 détenus perdaient plusieurs dizaines de kilos et ils tombaient

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1 malades. Les intestins en général tombaient malades. Les

2 détenus devenaient incontinents, donc les salles où on se

3 trouvait, de ces salles-là se dégageait une odeur très

4 désagréable, les gens mouraient. Je n'oublierai jamais: dans

5 cette salle de Mujo et Burho, Safet Ramadanovic, mon voisin est

6 mort après avoir subi des tortures innombrables. Habibovic

7 également est mort. C'étaient des gens âgés, ils ne pouvaient

8 plus supporter ce qui se produisait dans le camp.

9 Ils sont morts des conséquences de passages à tabac et de

10 conditions de vie extrêmement difficiles qui régnaient dans le

11 camp.

12 Question: Je vais vous poser la question suivante: Avez-vous

13 reconnu des hommes politiques qui sont venus visiter le camp

14 d'Omarska pendant que vous y étiez?

15 Réponse: Dans la deuxième moitié du mois de juillet, un jour,

16 dès l'aube, on nous a chassés de toutes les salles, celle de

17 Burho et Mujo, du hangar, de la "maison blanche". On nous a

18 alignés devant les pièces où nous nous trouvions d'habitude. Il

19 y avait plusieurs rangés et on avait le dos tourné aux salles

20 où nous étions normalement.

21 Milorad Tadic, "Brk", l'éminence grise du camp, était

22 l'assistant de Zeljko Meakic, le commandant du camp. Mais sa

23 mission était d'appeler les personnes de renom, originaires de

24 Prijedor. Il les appelait au milieu de la nuit, il les emmenait

25 chercher leurs biens et, par la suite, accompagnés de gardes,

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1 il les emmenait pour qu'ils trouvent de l'argent et ces

2 personnes-là d'habitude ne revenaient plus jamais au camp. Ce

3 jour-là, il était le maître de la cérémonie qui allait se

4 passer au camp. Nous ne savions pas de quoi il s'agissait. Dès

5 l'aube, on nous obligeait à chanter les chants chetniks, fort,

6 haut et fort.

7 On nous a obligés également à lever les trois doigts, à dire:

8 "Ici, on est en Serbie." Et vers midi, depuis le plateau où on

9 se trouvait, on a vu une colonne de véhicules qui entraient

10 dans le camp. Un véhicule blindé de la section d'intervention

11 de Prijedor était à leur tête, et ensuite il y avait le

12 véhicule duquel est descendu Simo Drljaca et Vokic qui

13 l'accompagnait toujours. Un grand nombre de personnes, d'hommes

14 politiques sont sortis des autres véhicules.

15 Au début, j'ai vu Radoslav Brdjanin avec un groupe de personnes qui

16 étaient au pouvoir, des hauts dirigeants de la Bosanska Krajina, de la

17 région autonome de Bosanska Krajina. Il y avait un groupe de journalistes

18 également parmi eux, des journalistes de Prijedor, ainsi que des hommes

19 politiques de Prijedor dont Mico Kovacevic, Milomir Stakic, Srdo Srdic

20 inévitable aussi, l'incontournable, Simo Miskovic le Président du SDS,

21 Milan Andzic, si je ne l'ai pas déjà mentionné, un homme originaire

22 d'Omarska qui avait beaucoup d'influence. Ensuite Radmilo Zeljaja, qui

23 était à la tête de la 43e ou 243e Brigade qui a démoli Pakrac et Lipik, en

24 Slavonie, et ensuite, en 1992, Prijedor, Kozarac et le reste.

25 J'ai suivi à de nombreuses reprises des délégations de hauts

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1 fonctionnaires et, une fois, il m'est arrivé même de couvrir une visite de

2 Tito. Et Radoslav Brdjanin a été accueilli avec beaucoup de pompe. Il y

3 avait le drapeau serbe et le nouveau drapeau yougoslave. Zeljko Meakic a

4 salué à la façon militaire. Je n'ai pas très bien entendu, mais il a fait

5 un rapport à Radoslav Brdjanin en tant que Président.

6 Et nous, nous étions obligés de chanter "De Topola à Ravna Gora". Et

7 après, ils ont passé en revue et Radoslav Brdjanin s'est arrêté au milieu.

8 Je n'ai pas très bien entendu puisqu'il y avait un boucan tout autour. Et

9 au-dessus à l'étage, ils sont montés donc au premier étage du bâtiment de

10 l'administration du camp.

11 Question: Je souhaiterais que l'on soumette au témoin la pièce n°15 et

12 qu'on lui montre les photos 2, 3 et 18.

13 Où se trouvaient les prisonniers au moment où la délégation est arrivée

14 dans le camp?

15 Réponse: On nous a fait sortir de la salle de Burho et Mujo, du garage; on

16 était alignés sur le plateau, donc juste devant les pièces où l'on se

17 trouvait d'habitude, où l'on était enfermés d'habitude.

18 Question: Vous avez évoqué l'aspect physique des détenus.

19 Pendant votre séjour, savez-vous si les détenus avaient l'autorisation de

20 prendre un bain?

21 Réponse: Non. On ne pouvait pas se baigner. Où aurait-on pu prendre un

22 bain?

23 Un détenu, juste devant la salle de Mujo et Burho aurait pu profiter d'une

24 fontaine. Il y avait une sorte de robinet, mais l'eau était très sale;

25 c'était l'eau qu'on utilisait pour laver les outils dont se servait sur le

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1 chantier; l'eau n'était pas potable. Nous la buvions pourtant, puisqu'on

2 n'en avait pas d'autre. Et c'est pour cela que les détenus tombaient

3 malades; ils souffraient de diarrhée, ils avaient des coliques. Leur

4 aspect était lamentable.

5 Question: Je vous prie de mettre sur le rétroprojecteur la photo 18 de la

6 série de photos qui porte la cote 15.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Nous avons d'autres angles, mais sur cette photographie, pouvez-vous nous

9 montrer où était la délégation lors de son arrivée au camp et où se

10 trouvaient les prisonniers?

11 Réponse: Je vais montrer, mais je vous demanderais de me soumettre une

12 autre photographie.

13 Donc les prisonniers se trouvaient là, devant le garage, les salles qu'on

14 appelait les salles de Mujo et Burho.

15 Question: Peut-être que vous pourriez nous montrer tout cela sur la

16 photographie 15/2?

17 Réponse: Oui. C'est l'angle qui me convient. Oui, je préfère

18 montrer sur cette photographie.

19 Donc tous les détenus étaient à l'extérieur, on les avait chassés

20 devant le hangar, sur la "Pista", devant la salle de Burho et Mujo. Les

21 détenus de la "maison blanche" était là-haut. La délégation est entrée par

22 là. Là se trouvait l'entrée. Il y avait deux drapeaux, le drapeau de

23 Republika Srpska et le nouveau drapeau yougoslave, le même que l'ancien

24 sauf qu'il n'y avait pas d'étoile rouge. Donc c'était l'entrée principale

25 du camp d'Omarska, des mines d'Omarska.

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1 Ils se sont arrêtés devant nous, d'abord le véhicule blindé de la section

2 d'intervention. Ensuite, il y avait le véhicule blindé de la section

3 d'intervention. Ensuite, il y a eu le véhicule de Simo Drljaca. Ensuite,

4 Dusan Jankovic. Ils se sont arrêtés là avec Zeljko donc, qui était le

5 commandant du camp. Et devant Zeljko Meakic, avant lui, la délégation

6 politique est sortie de ces véhicules. Dans cette délégation politique, il

7 y avait Radoslav Brdjanin

8 M. Koumjian (interprétation): Il faut qu'aux fins du compte rendu

9 d'audience, je dise ce que vous avez montré sur la photo 15/2. Le témoin a

10 montré le bâtiment qui se trouve dans l'angle à droite.

11 Où étiez-vous personnellement?

12 M. Sivac (interprétation): Devant la porte d'entrée, la porte d'entrée de

13 la salle où j'étais enfermé d'habitude. Il y avait plusieurs rangées de

14 personnes devant moi, trois ou quatre; je ne me souviens plus exactement.

15 M. le Président (interprétation): Peut-on demander au témoin de marquer

16 ces points sur cette photo?

17 M. Koumjian (interprétation): Voilà une copie. Peut-être que l'on pourrait

18 donner la cote 15/2B?

19 M. le Président (interprétation): 15/2-1, petit 1.

20 M. Koumjian (interprétation): Je vous prie de marquer vos initiales là où

21 vous vous trouviez et, ensuite, de marquer également l'endroit par où la

22 délégation est arrivée.

23 (Le témoin s'exécute.)

24 Peut-être que le feutre est un peu trop épais pour que vous inscriviez vos

25 initiales.

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1 (On fournit un stylo-bille au témoin.)

2 M. Sivac (interprétation): Je ne sais pas si cela suffit?

3 Question: La croix marque l'endroit où se trouvait la délégation?

4 Réponse: C'est là où se trouvait Radoslav Brdjanin et, derrière lui, se

5 trouvaient les autres hommes politiques et Zeljko Meakic se trouvait là

6 derrière Radoslav Brdjanin. Il y avait les autres hommes politiques de

7 Prijedor et de Banja Luka.

8 Question: Que s'est-il passé après leur arrivée?

9 Réponse: Donc nous chantions pendant tout ce temps. On criait ici: "On est

10 en Serbie! Ici, c'est la Serbie!"; et Radoslav Brdjanin est arrivé jusque

11 là. Je n'ai pas bien entendu ce qu'il a dit, mais il a dit quelque chose.

12 Il y avait beaucoup de bruit, je ne pouvais pas entendre.

13 Une partie de la délégation est passée à côté des détenus qui se

14 trouvaient sur ce plateau et, de l'autre côté, il y en avait également

15 ici. Ils étaient dans la serre. Jusque là. Ils sont entrés donc dans le

16 bâtiment de l'administration et l'autre partie de la délégation a pris ce

17 chemin-là.

18 Question: Vous pourriez peut-être dessiner la ligne, la rangée des

19 prisonniers avec ce feutre rouge?

20 (Le témoin s'exécute.)

21 Réponse: Ils se tenaient là. Les prisonniers du garage étaient ici et les

22 prisonniers qui venaient de la salle de Mujo étaient là.

23 Il y avait une rangée de prisonniers qui venaient de la serre. Ils se

24 trouvaient ici. Là, vous aviez les prisonniers qui venaient du hangar et

25 de ces salles de là-bas. Et là, vous aviez un autre groupe, le groupe de

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1 ceux qui avaient survécu et qui étaient hébergés dans la maison blanche.

2 Question: Excusez-moi, je me trompe peut-être, mais il m'a semblé que,

3 lorsque vous avez parlé des gens qui se trouvaient devant la "maison

4 blanche", est-ce que vous êtes sûr que vous les aviez bien vus ou est-ce

5 que vous n'étiez pas certain que les prisonniers étaient bien à

6 l'extérieur?

7 Réponse: Non, j'en suis certain. Il y avait des prisonniers à l'extérieur

8 de la "maison blanche".

9 Question: Bien, merci.

10 Vous nous dites avoir vu M. Stakic à cet endroit: à quelle distance de

11 vous-même se trouvait-il lorsqu'il a été le plus près de vous, quand vous

12 l'avez vu au camp d'Omarska?

13 Réponse: Je ne peux pas vous dire avec certitude la distance qui nous

14 séparait; mettons 50 à 70 mètres. Il se tenait à droite. Il était

15 accompagné de Milan Andzic, si je me souviens bien. Et, devant lui, il y

16 avait Srdo Srdic, Simo Miskovic qui avaient pris la direction du garage.

17 Ils voulaient sans doute emprunter cet itinéraire pour aller aux bâtiments

18 administratifs afin d'éviter de passer parmi les rangées de prisonniers.

19 Ils avaient peut-être peur que quelqu'un ne les reconnaisse.

20 Et ici, là où se trouvaient les prisonniers du garage, les prisonniers de

21 cette rangée, Dedo Crnalic s'est approché d'eux, il leur a demandé de se

22 tenir à un certain endroit. Ils sont restés là avec Simo Miskovic et Srdo

23 Srdic. Ils se sont entretenus très brièvement; ensuite, ils sont passés

24 derrière le garage que je vous indique ici.

25 M. Koumjian (interprétation): Merci. Je souhaiterais maintenant que l'on

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1 remette au témoin un article de presse, cote 291, aux termes de l'Article

2 65ter. Et j'espère que les cabines disposent déjà de cet article, sinon

3 nous avons peut-être des exemplaires.

4 Non, on m'apprend que cela a été distribué hier.

5 (Intervention de l'huissier.)

6 M. le Président (interprétation): Je vais demander à la Greffière

7 d'audience de nous donner la cote suivante.

8 Mme Anoya (interprétation): S238.

9 M. le Président (interprétation): Bien. Cote provisoire 238.

10 M. Koumjian (interprétation): Peut-être pourrait-on en profiter pour

11 donner une cote à une autre pièce qui, aux termes de l'Article 65ter,

12 portait le numéro… Non, en fait, apparemment, cela ne faisait pas partie

13 des documents 65ter. Ce document a été remis hier aux Juges de la Chambre

14 et, le 11 juillet, à la défense.

15 Il s'agit d'un article du "Kozarski Vjesnik" qui s'intitule "Visite:

16 représentants de la Krajina à Prijedor".

17 Je me demande si la cote à ce moment sera la cote 239.

18 M. le Président (interprétation): Effectivement, cote provisoire 239.

19 Hier, il est indéniable que nous avons reçu trois documents.

20 M. Koumjian (interprétation): Nous avons des copies supplémentaires si

21 c'est nécessaire.

22 M. le Président (interprétation): Nous n'avons aucune copie pour

23 l'instant.

24 M. Koumjian (interprétation): Avant d'entamer l'examen de cet article,

25 Monsieur Sivac, êtes-vous sûr que vous avez vu Milomir Stakic au camp, ce

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1 jour-là?

2 M. Sivac (interprétation): Oui, j'en suis sûr.

3 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

4 en relisant le compte rendu d'audience hier, je me suis rendu compte –et

5 c'est ma faute- qu'il n'était pas très clair, qu'on ne comprenait pas très

6 bien qui était le n°5 qui avait été identifié par M. Sivac. Je

7 souhaiterais que soit porté au compte rendu d'audience le fait que le

8 témoin, M. Sivac, avait identifié M. Milomir Stakic.

9 Monsieur le Témoin, on vient de vous remettre l'article du "Kozarski

10 Vjesnik" qui porte la cote S238; j'espère que les cabines en disposent. Je

11 vais vous demander d'en donner lecture lentement afin qu'on puisse le

12 traduire.

13 M. Sivac (interprétation): Vous voulez que je lise tout, tous les titres,

14 les inter-titres et les légendes?

15 M. le Président (interprétation): Je vais vous expliquer de quoi il

16 retourne. Pour les Juges, il est très utile de prendre connaissance de cet

17 article en français et en anglais en même temps. C'est pourquoi nous vous

18 serions très reconnaissants de bien vouloir en donner lecture.

19 M. Koumjian (interprétation): En fait, Monsieur le Témoin, moi, ce qui

20 m'intéresse, c'est surtout l'article qui s'intitule "Ce n'est facile pour

21 personne".

22 Veuillez, s'il vous plaît, en donner lecture.

23 M. Sivac (interprétation): Oui. "Ce n'est difficile pour personne. Nous

24 comprenons pertinemment tous vos problèmes et nous admirons votre

25 détermination et votre constance, la constance dont vous avez fait preuve

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1 dans la lutte contre les extrémistes musulmans et croates. Cependant, nous

2 souhaiterions également que vous nous compreniez, nous, et compreniez le

3 fait que nous n'avons pas été en mesure de vous offrir l'assistance

4 adéquate, étant donné les problèmes et les préoccupations qui sont les

5 nôtres. Ceci a été dit clairement pendant les négociations qui ont eu lieu

6 entre les représentants des autorités de Prijedor et de Banja Luka.

7 Pendant longtemps, pendant presque un mois, la municipalité de Prijedor a

8 été le théâtre d'affrontements et elle a été isolée du reste du monde.

9 Pendant près de deux mois, les habitants de Prijedor et leurs voisins de

10 Bosanski Novi et de Sanski Most ont combattu au jour le jour contre les

11 extrémistes musulmans, une lutte très difficile dans laquelle ils ont été

12 soutenus par le HDZ et le HOS.

13 Pendant cette période, l'unité de guerre de Prijedor ainsi que la police

14 ont perdu 43 soldats, dont des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine de

15 la République serbe qui ont été tués à Hambarinsko Polje le 22 mai de

16 cette année, lorsque des extrémistes musulmans et des membres des Bérets

17 verts ont décidé de répondre à l'appel d'Alija Izetbegovic, appel à la

18 guerre jusqu'au bout, à la guerre jusqu'à la mort.

19 Les événements qui ont suivi sont connus de presque tous à Prijedor et à

20 Banja Luka. Cependant, il reste encore beaucoup de zones d'ombre.

21 Hier, les représentants de la Krajina l'ont sans doute compris. Il s'agit

22 de Radoslav Brdjanin, le président de la région autonome de la Krajina, et

23 de son état-major de guerre, Radisav Vukic, président du SDS de Banja

24 Luka, Predrag Radic, président de l'assemblée municipale de Banja Luka,

25 ainsi que Stojan Zupljanin, chef du CSB de Banja Luka, pour qui il y a

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1 quelque temps, 500 Musulmans extrémistes, entraînés par Hamed Ergelic,

2 Asaf Kapetanovic, Elvedin Rizvan, Mirza Mujazic et d'autres extrémistes de

3 Prijedor, ont préparé un accueil tonitruant et violent au moment où il

4 s'agissait de négocier la prise de contrôle du SJB de Prijedor.

5 Après avoir visité le théâtre des opérations de guerre et les centres de

6 rassemblement, les invités en provenance de la Krajina ont remercié leurs

7 hôtes pour leur hospitalité et pour les efforts entrepris au jour le jour,

8 pour mettre en place un nouvel Etat serbe dans cette région, en

9 particulier en cette période cruciale où Alija Izetbegovic pense avoir

10 créé un nouvel Alcatraz à Prijedor.

11 Nous avons ici l'exemple d'un travail bien fait à Prijedor. Il est

12 vraiment dommage que beaucoup à Banja Luka ne s'en rendent pas compte

13 encore. Et ils ne se rendent pas compte non plus de beaucoup de choses qui

14 peuvent se produire à Banja Luka de manière éminente. Etant donné la

15 situation à Banja Luka, on y trouve un très grand nombre, un nombre

16 excessif de Musulmans qui ont quitté les municipalités environnantes pour

17 se retrouver à Banja Luka, et qui ont déjà commencé à planifier le moyen

18 de répondre à l'appel à la guerre sainte. Ils expriment leur loyauté

19 uniquement parce qu'ils sont encore en minorité. Nous sommes sous la

20 fausse impression qu'ils ont accepté l'Etat serbe de la région autonome de

21 la Krajina, et de ce fait, nous avons perdu 55 hommes à Kotor Varos. De

22 plus, les Bérets verts de Vecici se targuent d'avoir tué Stevilovic, a

23 déclaré Radoslav Brdjanin.

24 Le colonel Vladimir Arsic, commandant de la Brigade de Prijedor, Milomir

25 Stakic, président de l'assemblée municipale de Prijedor, Mico Kovacevic,

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1 président du comité exécutif, ainsi que Simo Drljaca, chef des services de

2 sécurité publique de Prijedor, ont informé leurs invités de la situation

3 et des efforts qui avaient été entrepris pour normaliser la vie et les

4 conditions de travail. Predrag Radic est intervenu pour parler de

5 l'importance des événements de Banja Luka et de son opinion sur la

6 situation à Banja Luka.

7 Actuellement, nous avons besoin de Banja Luka, car c'est un centre

8 logistique. Il va falloir continuer à faire tout ce qui est nécessaire

9 pour garantir la paix à Banja Luka, en dépit des menaces et des tentatives

10 de semer le trouble.

11 Depuis plusieurs jours maintenant, les médias croates, autrichiens et

12 allemands accusent Banja Luka de persécuter les Musulmans et les Croates.

13 Nos ennemis ont recours à toutes –ici, ce n'est pas très clair, ce n'est

14 pas facile à lire, mais enfin-, nos ennemis ont recours à tous les moyens

15 possibles pour nous calomnier, mais nous continuons toujours dans la même

16 direction.

17 Malheureusement, il reste des problèmes à résoudre dont, notamment, celui

18 des réfugiés et des centres de rassemblement. La Croix-Rouge

19 internationale, depuis plusieurs jours déjà, essaie de gagner Prijedor,

20 mais comme nous l'avons déjà déclaré, nous ne leur permettrons de le faire

21 qu'une fois qu'ils auront reconnu la situation qui est celle des réfugiés

22 et des prisonniers serbes à Odzac, Rascani, Travnik, Zenica, Sarajevo,

23 Konjic et de bien d'autres endroits." (Fin de citation.)

24 Question: Bien, merci. Je vais dire à l'huissier de bien vouloir

25 s'asseoir, puisque j'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de cet

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1 article.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 En premier lieu, vous aviez 45 ans en 1992, n'est-ce pas. Vous étiez un

4 ex-policier. Vous étiez Musulman. Vous aviez quitté la police en raison de

5 conflits qui vous opposaient à des personnes que vous considériez comme

6 des nationalistes serbes.

7 Est-ce que vous avez été recruté à un moment quelconque par Mirza Mujadzic

8 ou qui que ce soit d'autre pour prendre le contrôle du poste de Prijedor

9 ou pour mener des actions violentes, quelles qu'elles soient?

10 Réponse: Non, jamais. Mirza Mujadzic méprisait les interprètes et les gens

11 de la région qui avaient des vues larges. Il ne souhaitait pas s'entourer

12 de ce genre de personnes. Lorsqu'il choisissait les gens qui l'entouraient

13 et ses collaborateurs, il préférait prendre des personnes qui lui

14 obéiraient.

15 Ce que j'essaie de vous expliquer, c'est qu'il n'a surtout pas fait appel

16 à des professionnels, à des personnes expérimentées; il s'est adressé

17 uniquement aux membres du Parti de l'action démocratique.

18 Mais je souhaiterais ajouter quelque chose à ce sujet à ma réponse. Alors

19 que la partie adverse… Dans la partie serbe, cela ne semblait pas très

20 important. Pour eux, peu importe qu'on ait été adhérent au SDS. Ils

21 travaillaient tous dans le même objectif, pour la même cause. Leur

22 objectif à tous, même s'ils n'étaient pas adhérents au Parti, c'était de

23 réaliser le nettoyage ethnique de la municipalité de Prijedor pour qu'il

24 n'y ait plus que des Serbes. Si bien que les Serbes qui appartenaient au

25 SDP, ainsi qu'à d'autres partis plus réformistes, eux aussi, ont fait

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1 cause commune avec eux.

2 Question: Dans ce texte, au dernier paragraphe, on évoque la Croix-Rouge

3 internationale qui, depuis plusieurs jours déjà, essaie de gagner

4 Prijedor. Mais -je cite-: "Nous ne leur permettrons de le faire que

5 lorsqu'ils auront reconnu la situation des réfugiés et des prisonniers

6 serbes dans un certain nombre de villes."

7 Avant la visite de cette délégation au camp d'Omarska, est-ce que la

8 Croix-Rouge internationale s'était déjà rendue au camp?

9 Réponse: Non. Jamais, on ne leur a pas donné accès au camp.

10 Question: Dans ce dernier paragraphe, on parle de centre de rassemblement.

11 C'est également le cas au troisième paragraphe où l'on dit que les invités

12 de Banja Luka -je cite-: "Après avoir visité le théâtre des opérations et

13 les centres de rassemblement…"

14 Pour vous, pendant l'été 1992, que signifiait ce terme de "centres de

15 rassemblement" lorsqu'il était employé dans les organes de presse des

16 autorités du SDS de Prijedor?

17 Réponse: Pour nous, on trouvait cela complètement ridicule qu'ils parlent

18 de centres de rassemblement ou de camps parce qu'on avait l'impression que

19 c'étaient des colonies de vacances, à les entendre. Il était manifeste

20 qu'ils voulaient éviter d'utiliser des termes un peu trop forts, qui

21 permettraient de faire transparaître la véritable nature du camp

22 d'Omarska. Tout ceci entrait dans le cadre d'une opération de propagande

23 dont même Goebbels aurait pu se targuer et être fier.

24 En fait, ils avaient toutes sortes d'activités sur le territoire de la

25 région de Prijedor et, en même temps, ils accusaient la partie adverse de

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1 faire la même chose. Dans le cadre de leurs observations de propagande,

2 ils essayaient d'accuser les autres de ce qu'eux-mêmes étaient en train de

3 faire. Et tout le monde sait cependant que la réalité se présentait bien

4 autrement.

5 M. Koumjian (interprétation): Est-ce qu'on pourrait maintenant présenter

6 au témoin la pièce S239? Et pendant qu'on le fait, j'ai une question:

7 j'essaie de savoir quel était le 17 juillet, quel jour de la semaine?

8 (Intervention de l'huissier.)

9 Le 31 mai, c'était un dimanche; le 30 juin, un mardi.

10 M. le Président (interprétation): Il serait peut-être utile que nous

11 puissions nous voir présenter l'exemplaire du "Kozarski Vjesnik", afin de

12 nous convaincre qu'il s'agissait bien d'un article publié le 17 juillet

13 1992. Parce qu'on ne peut pas le voir sur les exemplaires qui ont été

14 présentés.

15 M. Koumjian (interprétation): Je crois que, s'agissant des jours de la

16 semaine, c'est nous-mêmes qui avons fait ces calculs.

17 M. le Président (interprétation): Oui, mais est-ce que vous pourriez, s'il

18 vous plaît, faire en sorte de présenter l'original au témoin et à nous-

19 mêmes?

20 M. Koumjian (interprétation): J'ai envoyé des instructions dans ce sens.

21 Je vais vous demander, Monsieur le Témoin, de bien vouloir donner lecture

22 de ce bref article intitulé "Visite des représentants de la Krajina à

23 Prijedor".

24 En premier lieu, je souhaiterais vous demander, d'après le titre, s'il

25 s'agit bien ici d'un article extrait du "Kozarski Vjesnik" du 17 juillet

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1 1992?

2 M. Sivac (interprétation): Oui, on le voit très clairement.

3 "Représentants de la Krajina à Prijedor.

4 Mercredi, des représentants de la région autonome des diverses

5 institutions de la Krajina se sont rendus à Prijedor. Il s'agissait du

6 président de l'état-major de guerre, Radoslav Brdjanin, le président du

7 SDS régional, Radoslav Vukic, le chef du centre de sécurité publique,

8 Stojan Zupljanin, le président de l'assemblée municipale de Banja Luka,

9 Predrag Radic.

10 Au cours des négociations avec les membres de la cellule de crise et les

11 représentants du poste de sécurité publique, on a abordé plusieurs thèmes,

12 partant du fonctionnement de l'économie jusqu'à la situation en matière de

13 sécurité publique dans la municipalité.

14 Avant ces négociations, ces discussions plutôt, les invités de Banja Luka

15 se sont rendus dans divers lieux de la municipalité, là où avaient lieu

16 des actions de combat; ils ont pu se convaincre eux-mêmes de la gravité

17 des affrontements avec les formations musulmanes ou paramilitaires.

18 Lors de ces discussions, on a insisté sur le fait que des mesures

19 énergiques avaient été prises pour réduire à néant les activités de ces

20 formations paramilitaires.

21 En effet, on avait réalisé très vite que les actions de ceux qui se

22 préparaient à régler leurs comptes avec le peuple serbe depuis des années

23 pouvaient entraîner un nombre considérable de victimes, de dégâts et de

24 destructions.

25 Au cours des discussions, les représentants des diverses institutions de

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1 la région autonome de la Krajina ont informé leurs hôtes des diverses

2 mesures prises par le gouvernement de la région afin de parvenir à une

3 normalisation de la situation dans la région.

4 La suite de l'article se trouve à la page 4". (Fin de citation)

5 Je pense que nous avons déjà donné lecture de cette partie de l'article.

6 M. Koumjian (interprétation): Oui, merci.

7 Monsieur Sivac, en juillet 1992, vous avez été fait prisonnier. Avant ce

8 jour et le moment où je vous ai demandé d'en donner lecture, est-ce que

9 vous aviez déjà vu ces articles de presse?

10 Réponse: Non, c'est la première fois que je les vois.

11 Et d'ailleurs, j'ai un petit peu mal à lire en cyrillique, je vous le

12 confesse, il faut que je vous le confesse.

13 Question: Merci.

14 Avez-vous apporté avec vous à La Haye une vidéo?

15 Réponse: Oui. Tout à fait par hasard. Je dois vous dire très franchement

16 qu'en venant à La Haye, en fait, je revenais de vacances en Bosnie. J'ai

17 pris avec moi une vidéo qui m'avait été envoyée par un collègue en Suède.

18 Je vais essayer d'être aussi clair que possible dans mon explication.

19 Je suis actuellement en train de travailler à la préparation d'un

20 documentaire pour la télévision de Sarajevo. Je travaille donc sur ce

21 documentaire, et cela avec la collaboration d'un grand nombre de

22 collègues, et en me servant des images qu'ils avaient eux-mêmes réalisées

23 dans le passé.

24 On m'a donc envoyé, c'est M. Beglerbegovic (phon.) qui habite maintenant

25 en Suède qui m'a envoyé des images que je pourrais utiliser.

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1 Lui, il est resté à Prijedor jusqu'en 1995, c'est-à-dire jusqu'au moment

2 de la finalisation du nettoyage ethnique à Prijedor, jusqu'au moment où

3 l'on a expulsé et chassé le dernier groupe de Musulmans vers Teslic, en

4 passant par Teslic et par le mont Vlasic, au moment où on les a expulsés

5 de Bosnie.

6 Question: Quand avez-vous visionné, pour la première fois, la cassette

7 vidéo en que vous avez amenée et qui vous a été donnée par votre ami

8 résidant actuellement en Suède? Et à combien de reprises avez-vous

9 visionné cette vidéo, à votre avis?

10 Réponse: J'ai reçu cette vidéo il y a un mois, mais je ne l'ai visionné

11 qu'une seule fois. Je me suis rendu compte que la qualité des images était

12 très médiocre et que je ne serais pas à même d'utiliser ces images dans

13 mon documentaire.

14 Question: Est-ce que vous vous souvenez que, sur cette vidéo, on peut voir

15 une brève interview avec le docteur Stakic?

16 Réponse: Je m'en souviens oui. Au départ, je voulais utiliser un extrait

17 différent de cette cassette, un extrait où l'on voyait des groupes de

18 résidents de Prijedor qui allaient rendre volontairement les armes qui

19 étaient les leurs à la caserne de Prijedor.

20 Je voulais, par ce biais, montrer que les Musulmans et les autres non-

21 Serbes qui habitaient dans la municipalité de Prijedor, ne voulaient pas

22 de conflit.

23 Question: Merci.

24 Hier, lors de la séance d'identification, lorsque les six personnes

25 participantes sont entrées dans la pièce, avez-vous eu du mal à

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1 reconnaître le docteur Stakic?

2 Réponse: Non, pas du tout. C'est un petit peu une maladie professionnelle,

3 dirons-nous, car je suis caméraman et, quand il s'agit d'images, je m'en

4 souviens très vite. Et ensuite, je m'en souviens très longtemps.

5 Question: Pendant cette séance d'identification, on a donné aux

6 participants l'instruction de se tourner à trois reprises. Est-ce que vous

7 les avez bien observés pendant toute cette séance?

8 Réponse: Pas vraiment. Je n'ai pas vraiment attaché beaucoup d'importance

9 à toute cette séance d'identification, car j'ai tout de suite reconnu le

10 docteur Stakic. Je n'avais pas besoin de plus de temps, moi; je

11 n'attendais qu'une chose, c'est que tout le monde quitte le prétoire pour

12 qu'on en termine avec cette séance d'identification.

13 Question: Merci. Monsieur, est-ce que vous avez reconnu le docteur Stakic,

14 suite à avoir eu affaire à lui, avant que la délégation se rende à

15 Omarska? Ou est-ce que vous l'avez vu dans les médias ou en personne? Si

16 c'est le cas, est-ce que cela a été après la visite de cette délégation?

17 Réponse: Eh bien, non. Même lorsque, auparavant, il était vice-président

18 de la municipalité, je l'ai rencontré et son visage était gravé dans mon

19 esprit. Et, lorsqu'en 1992, je l'ai revu, il avait une apparence tout à

20 fait différente. Il était plus mince et il ne portait pas la barbe qu'il

21 porte aujourd'hui. Il était beaucoup plus jeune que les autres.

22 Question: Merci. Le premier article que vous avez lu aujourd'hui parle

23 d'informations sur les projets des Musulmans du comité d'accueil

24 tonitruant et, suite à la réponse, suite à l'appel d'Izetbegovic pour une

25 guerre jusqu'à la mort, est-ce que ce type de langage était typique de ce

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1 qui était utilisé dans les médias ou par les dirigeants politiques à cette

2 époque?

3 Réponse: Oui. Comme je l'ai dit, le journal "Kozarski Vjesnik", ainsi que

4 Radio Prijedor étaient, pour ainsi dire, l'extension des politiques qui

5 étaient mises en oeuvre par la cellule de crise. Et, pendant un certain

6 temps, les articles n'étaient pas signés. Donc, en fait, les auteurs de

7 ces articles pouvaient se cacher derrière cet anonymat.

8 Dans tous ces articles, ils demandaient aux Serbes de régler activement

9 leurs comptes contre les Musulmans et les Croates. Tous les Musulmans

10 étaient considérés comme des Bérets verts et tous les Croates étaient

11 considérés comme des Oustachis. Et tous les journalistes qui rédigeaient

12 ces articles demandaient instamment aux Serbes de régler leurs comptes.

13 Car, en fait, ils prétendaient que c'était le moment, qu'il n'y avait pas

14 eu la possibilité de régler ces comptes durant la Deuxième Guerre

15 mondiale, que cela n'avait pas été possible non plus durant la période

16 Tito et que, durant la période du parti communiste et des autres

17 dirigeants serbes, ce n'était pas possible, même en Yougoslavie.

18 Je parle également ici de Slobodan Milosevic mais également de Bosnie-

19 Herzégovine. Je parle de tous ses collaborateurs, de Karadzic et de tous

20 ses collaborateurs. Tous les territoires serbes devaient être unifiés en

21 un seul Etat et devaient établir un territoire qui devait être le sol des

22 Serbes, la terre serbe, l'Etat serbe: l'axe Karlovac - Karlobag -

23 Virovitica. Et en tant que citoyen, je dois vous dire que tous ces tracts

24 étaient rédigés à l'encontre et au détriment de tous les autres groupes

25 ethniques.

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1 Je sais que le peuple musulman et les autres non-Serbes n'étaient pas en

2 faveur d'un conflit. Car s'ils avaient été en faveur de ces affrontements,

3 ils auraient, en fait, résisté contre la police et contre les coups

4 militaires, lorsqu'il y avait encore la possibilité d'arrêter les Serbes

5 et de les empêcher de prendre le contrôle et de prendre en charge tous les

6 postes de pouvoir ou de commandement.

7 Question: Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait maintenant

8 visionner cette cassette vidéo qui ne fait que 65 secondes?

9 Monsieur Sivac, je vais vous demander de visionner donc sur l'écran cette

10 vidéo.

11 (Diffusion et interprétation de la vidéo.)

12 "-Q: Veuillez nous décrire la situation qui est sous votre contrôle.

13 -Milomir Stakic: Je peux vous dire que tout le territoire de la

14 municipalité de Prijedor est sous contrôle et je peux confirmer ceci,

15 suite à la libération de Kozarac. La ville et les localités serbes ainsi

16 que les petites enclaves avec la population musulmane ont été sous notre

17 contrôle depuis notre prise de contrôle le 30 avril. Et maintenant, après

18 la chute de Kozarac, la totalité de la municipalité est sous notre

19 contrôle.

20 Dans Kozarac même, l'opération de nettoyage, comme les militaires

21 l'appellent, est encore en cours, car ceux qui sont encore là-bas sont les

22 plus extrémistes, ainsi que les professionnels."

23 (Fin de la diffusion de la vidéo.)

24 Monsieur Sivac, est-ce que vous reconnaissez sur cette vidéo le cours

25 d'eau que l'on voyait?

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1 Réponse: Un cours d'eau? Non, je n'ai pas remarqué de cours d'eau. Il y a

2 peut-être un ruisseau, un cours d'eau qui est à proximité de la ligne de

3 chemin de fer, dans la proximité de Prijedor. Il y a une ligne de chemin

4 de fer qui relie Prijedor à Banja Luka dans cette localité.

5 Mais je crois que, si j'ai bien reconnu, les Serbes qui étaient sous le

6 pont se trouvaient dans la région de Trnopolje.

7 Question: On pourrait peut-être rembobiner la vidéo. Il n'est

8 pas nécessaire de réinterpréter cette vidéo; on va simplement

9 la visionner à nouveau pour le témoin.

10 (Diffusion de la vidéo.)

11 Monsieur le Témoin, est-ce que, après avoir visionné une

12 deuxième fois cette vidéo, vous reconnaissez le cours d'eau qui

13 était au premier plan, avec des collines en arrière-plan?

14 Réponse: Eh bien, je dois vous dire que la qualité de cet

15 enregistrement est très mauvaise. Je n'ai pas vu d'eau; je

16 crois qu'il s'agit plutôt d'un champ, mais qui a été filmé

17 d'assez loin. Mais ce n'est pas une image très claire. Et au

18 loin, je vois des maisons qui sont en feu.

19 Question: Si l'on se place au niveau de Trnopolje en direction

20 de Kozarac, je voudrais savoir s'il y a une exploitation de

21 pisciculture?

22 Réponse: Ah oui. Il y a, en fait, une exploitation de

23 pisciculture à Biscani. Il est possible que c'était là, dans

24 l'enregistrement, mais je peux vous assurer que je ne l'ai pas

25 vue, car la qualité est très mauvaise.

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1 Question: Et dans sa déclaration, est-ce que vous vous souvenez

2 lorsque le docteur Stakic a parlé de Kozarac? Est-ce qu'il a

3 utilisé le terme BCS de "ciscenje"?

4 Réponse: Non, il a dit qu'on avait libéré Kozarac, mais

5 auparavant, il a dit qu'ils avaient libéré les autres zones de

6 la municipalité de Prijedor, celles qui étaient sous contrôle.

7 Question: Je vous demande d'être patient, Monsieur le

8 Président, Messieurs les Juges, car j'aimerais en fait que l'on

9 revisionne cette vidéo.

10 Ce que je voudrais savoir de la part du témoin, c'est quelle

11 est la dernière phrase du docteur Stakic, ce qu'il dit

12 exactement lorsqu'il dit "dans Kozarac même, les opérations

13 de…, etc.". Quel est le mot qui est utilisé?

14 (Diffusion et interprétation de la vidéo.)

15 "Milomir Stakic: Je peux vous dire, à tous les auditeurs, que

16 la totalité du territoire de Prijedor, de la municipalité de

17 Prijedor est sous contrôle. Et je peux confirmer cela suite à

18 la libération de Kozarac. La ville et les localités serbes,

19 ainsi que les petites enclaves avec des populations musulmanes,

20 sont sous notre contrôle depuis que nous avons pris le contrôle

21 le 30 avril.

22 Et à présent, après la chute de Kozarac, la totalité de la

23 municipalité est sous notre contrôle. Dans Kozarac même,

24 l'opération de "nettoyage", comme les militaires l'appellent,

25 est encore en cours, car ceux qui sont encore sur place sont

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1 les plus extrémistes et les professionnels. (Fin de citation de

2 Milomir Stakic.)"

3 (Fin de diffusion de la vidéo.)

4 Monsieur Sivac, est-ce que vous avez entendu le terme BCS de

5 "ciscenje" dans l'entretien avec le docteur Stakic?

6 Réponse: Oui, il a prononcé ce mot de "ciscenje" qui veut dire

7 "nettoyage". Il a dit que les militaires commençaient à

8 nettoyer la zone de Kozarac et que seuls les plus dangereux

9 étaient sur place. Ils ont dit que les éléments les plus

10 extrêmes étaient présents encore là-bas et que l'armée

11 procéderait très bientôt au nettoyage du restant des zones de

12 Kozarac.

13 Question: Hier, vous avez décrit les conséquences de ce

14 nettoyage lorsque vous êtes revenu de Keraterm en direction

15 d'Omarska. Est-ce exact?

16 Réponse: Oui, vous avez tout à fait raison. C'est le terme

17 consacré qui a été utilisé, que les soldats et les hommes

18 politiques serbes utilisaient également d'ailleurs. La première

19 fois que j'ai entendu cette expression de "ciscenje", c'est

20 lorsque je faisais des reportages sur la guerre en Croatie.

21 Je pensais qu'il s'agissait d'une guerre en bonne et due forme,

22 mais lorsque j'ai commencé à entendre parler de ce terme de

23 "nettoyage", je me suis rendu compte qu'il y avait une

24 politique de brûlage, d'incendie et de démolition. Et il n'y

25 aurait jamais plus de trace de civilisation dans ces régions,

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1 mis à part la civilisation serbe.

2 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je

3 pense que c'est le moment approprié pour la pause.

4 M. le Président (interprétation): Il reste 20 minutes, est-ce

5 que l'on peut utiliser ceci pour les documents? Est-ce que vous

6 avez déjà l'original du "Kozarski Vjesnik"?

7 M. Koumjian (interprétation): Oui, il faut également donner une

8 cote à la vidéo et à la transcription, j'ai oublié cela.

9 M. le Président (interprétation): Oui, pour ce qu'il s'agit de

10 la vidéo, ce sera la pièce qui portera la cote S240.

11 Est-ce qu'il y a des observations de la part de la défense en

12 ce qui concerne la vidéo? Est-ce que vous voulez visionner la

13 totalité de la vidéo?

14 M. Ostojic (interprétation): En ce qui concerne la cote

15 provisoire S240, Monsieur le Président, nous aimerions

16 visionner la vidéo dans sa totalité. Et puis, j'aimerais savoir

17 si l'on pourrait obtenir, soit par le biais de cette vidéo soit

18 par le biais du Bureau du Procureur, la date de l'entretien de

19 façon à replacer ceci dans le contexte. Si c'est disponible,

20 nous aimerions avoir ces données, avec ces deux conditions

21 préalables.

22 Nous n'avons pas d'autres commentaires et pas d'autre objection

23 pour le moment.

24 M. le Président (interprétation): Je vais demander que

25 l'on réponde aux questions maintenant.

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1 Je voudrais savoir si vous souhaitez voir la totalité de la vidéo, car il

2 sera peut-être nécessaire également de voir le document complet et peut-

3 être que vous pourrez ainsi avoir la date du document.

4 M. Ostojic (interprétation): Malheureusement, Monsieur le Président, nous

5 n'avons reçu que cette partie de la vidéo qui a été soumise à cette

6 Chambre d'instance. Nous n'avons eu accès qu'à ces 65 minutes de vidéo.

7 Nous avons essayé de le visionner, mais en fait nous n'avons pu voir que

8 ces 65 secondes et nous n'avons vu que cette portion.

9 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez visionné… Quelle

10 est la durée de la vidéo?

11 M. Koumjian (interprétation): Je crois que c'est une vidéo d'une heure,

12 mais je n'en suis pas sûr. Je crois qu'il y a différents enregistrements

13 sur cette vidéo; il y a une partie assez longue avec quelqu'un qui chante

14 lors d'un mariage ou d'un rassemblement social. Et cette vidéo, il me

15 semble, fait partie d'un reportage d'actualité un peu plus long, mais je

16 n'ai pas la totalité de ce reportage.

17 J'avais bien sût l'intention de vous donner la totalité de la vidéo et

18 j'ai demandé également que l'on traduise la totalité de cette vidéo, mais

19 j'avais demandé simplement qu'on traduise rapidement cette partie de la

20 vidéo.

21 M. le Président (interprétation): La vidéo commence au moment où on l'a

22 vue nous, où on l'a visionnée, nous?

23 M. Koumjian (interprétation): Oui, l'entretien du docteur Stakic, oui,

24 commence à ce moment-là. Puis il y a un reportage sur la remise des armes.

25 Je crois que c'est ce que M. Sivac a mentionné.

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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez la vidéo de façon

2 qu'on puisse voir la séquence immédiatement avant et la séquence

3 immédiatement après celle que l'on a vue?

4 M. Koumjian (interprétation): Oui, tout à fait. Je vois sur le compteur

5 que l'on pourrait avoir ceci aussi bien la séquence avant que la séquence

6 après.

7 M. le Président (interprétation): Oui, je pense que ce serait très utile

8 d'avoir les séquences qui précèdent et qui suivent, mais c'est difficile

9 de verser ceci comme pièce à conviction.

10 Apparemment vous, Maître Ostojic, et nous, les Juges, nous n'avons vu

11 qu'une minute ou un peu plus d'une minute. Nous ne devons laisser ceci,

12 nous ne pouvons pas régler ce problème maintenant. Je crois qu'il faut

13 peut-être attendre.

14 M. Koumjian (interprétation): Je crois qu'il n'y a rien d'enregistré qui

15 soit privé. Je crois que, Monsieur Sivac, vous pouvez me corriger, mais

16 ceci a été enregistré par votre ami, n'est-ce pas, vous avez reçu la

17 cassette telle quelle et vous n'avez rien enregistré vous-même?

18 M. Sivac (interprétation): Non, je n'aurais pas pu enregistrer cela moi-

19 même. Et toutes les séquences sur cette vidéo ont été prises à Prijedor,

20 en 1992, par la télévision serbe. Lorsque j'ai donc reçu cette vidéo,

21 c'était la première fois que j'ai vu ces reportages.

22 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais également

23 vous mentionner que j'aurai besoin de 30 ou 40 minutes supplémentaires

24 pour l'interrogatoire principal sur d'autres sujets.

25 M. le Président (interprétation): Oui, alors dans ce cas-là, nous avons

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1 cette cote provisoire de S240. Je ne sais pas si la régie peut nous faire

2 visionner les séquences qui précèdent de deux minutes et qui suivent de

3 deux minutes la séquence que nous avons visionnée.

4 M. Koumjian (interprétation): Non, en fait, ils n'ont qu'une copie de

5 cette séquence. Nous n'avons en fait pas dupliqué la totalité de la vidéo.

6 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, nous continuerons le

7 visionnage de la vidéo après la pause et le Greffe m'a informé que, le 17

8 juillet 1992, était un vendredi. On pourra le vérifier.

9 Je vais demander à Mme l'Huissière de nous présenter le document qui porte

10 la cote provisoire 239 au témoin, s'il vous plaît.

11 Est-ce que vous l'avez devant vous en BCS? Il s'agit d'un article de

12 "Kozarski Vjesnik"; c'est la pièce 239 en BCS.

13 M. Sivac (interprétation): Un moment, s'il vous plaît. Je n'ai que cet

14 article-là.

15 (Le Président montre un article.)

16 Je n'ai pas cet article-là.

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez regarder cet

18 article de "Kozarski Vjesnik"? Vous voyez qu'il y a une inscription qui a

19 été imprimée sur le terme Kozarski: qu'est-ce que cela signifie?

20 M. Sivac (interprétation): Ceci signifie qu'il s'agit de l'édition de

21 guerre. Je vais vous expliquer, Monsieur le Président, Messieurs les

22 Juges.

23 C'est ce soir-là que le nettoyage ethnique a eu lieu dans la ville de

24 Prijedor, et à ce moment-là, à cette date-là, on a commencé à publier

25 cette édition de guerre. Ces articles n'étaient donc pas signés. C'étaient

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1 des articles anonymes pour en fait cacher l'identité des journalistes. Le

2 "Kozarski Vjesnik" publiait très souvent des annonces publiques qu'il

3 recevait de la cellule de crise de la municipalité de Prijedor. Il

4 s'agissait d'annonces sur la situation politique, sur la sécurité, etc.,

5 et ceci, bien sûr, dans la région de la municipalité de Prijedor.

6 M. le Président (interprétation): Merci.

7 Là, est-ce que la défense a des objections pour que l'on verse cette pièce

8 comme pièce à conviction S239A et B, respectivement?

9 M. Ostojic (interprétation): Il s'agit de la même objection que celle que

10 nous avons présentée en ce qui concerne ces articles et ces publications.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez préciser pour cet

12 article-ci?

13 M. Ostojic (interprétation): En ce qui concerne S239, Monsieur le

14 Président, il n'y a pas en fait d'identification de date dans le document;

15 en fait, il n'y a pas d'auteur identifié, nous n'avons pas vu la totalité

16 de cette édition.

17 Le témoin a mentionné le tampon qui apparaît sur cet article, pour ce qui

18 est de S239, mais si on compare ceci avec S238, je pense qu'il y a une

19 distinction entre les articles de "Kozarski Vjesnik" qui sont datés et

20 d'autres qui ne sont pas datés. Et nous pensons qu'il est nécessaire

21 d'avoir tous les articles pour faire une évaluation, de façon à avoir une

22 évaluation complète.

23 Nous continuons à avoir les objections que nous avons mentionnées de par

24 le passé.

25 M. le Président (interprétation): Eh bien, étape par étape, nous

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1 arriverons peut-être à surmonter ces difficultés lorsque nous obtiendrons

2 l'édition du 17 juillet 1992, après la pause. La même chose est valable

3 également pour la vidéo.

4 Et puis, pour les besoins du compte rendu d'audience, je souhaiterais dire

5 que ce document S15-II-i, avec un petit 1 apposé à côté du n°II, en

6 chiffre romain, ceci a été apposé par le témoin sur le document. Donc il

7 s'agit du document qui portera maintenant la cote S15-II-i, et je

8 demanderai au Greffe de fournir aux différentes parties et aux Juges des

9 exemplaires supplémentaires de ce document.

10 Nous levons la séance jusqu'à 16 heures 15. Nous reprendrons notre

11 discussion sur les 80 documents et, immédiatement après cela, sur la vidéo

12 et sur les articles de "Kozarski Vjesnik".

13 (Le témoin, Nusret Sivac, est reconduit hors du prétoire.)

14 (L'audience, suspendue à 15 heures 43, est reprise à 16 heures 21.)

15 (Questions relatives à la procédure.)

16 M. le Président (interprétation): Le Bureau du Procureur voulait tout

17 d'abord parler de la question des 81 pages ou des 81 photocopies.

18 M. Koumjian (interprétation): Merci, Monsieur le Président, mais ceci a

19 été résolu entre-temps. Donc je n'ai pas besoin d'en parler et, compte

20 tenu que nous n'avons pas beaucoup de temps, nous voulons nous assurer que

21 nous terminons la déposition du témoin Sivac avant la pause.

22 M. le Président (interprétation): Ah, quelle surprise! Est-ce que vous

23 avez des objections dans ce cas là?

24 M. Ostojic (interprétation): Eh bien, tout dépend de la manière dont on

25 considère cela. Si le Procureur retire sa requête, dans ce cas-là, nous

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1 n'avons plus d'objection, mais je ne sais pas si le Bureau du Procureur…

2 En fait, je crois qu'ils ont décidé de ceci de concert. Ils sont arrivés à

3 une conclusion, et ils nous en ont fait part, en ce qui concerne les

4 questions de filières de conservation. Et nous n'avons pas discuté en

5 détail.

6 Donc, pour le compte rendu d'audience, nous ne levons pas notre objection,

7 à ce sujet, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, je vais demander au

9 Bureau du Procureur de continuer à parler de cette question, car nous

10 n'avons pas beaucoup de temps et nous devons arriver à une décision avant

11 les vacances judiciaires.

12 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, le sujet avait trait

13 aux originaux, à savoir les documents qui ont été saisis de la sacoche

14 noire de l'accusé et qui ont été photocopiés et qui ont ensuite été donnés

15 à M. O'Donnell et, ensuite, ont été donnés au Bureau de l'aide

16 juridictionnelle et des questions de détention.

17 Ensuite, depuis que nous avons commencé les travaux cet après-midi, nous

18 nous sommes rendu compte que, dans un document que nous avons reçu du Juge

19 Lindholm, donc suite à la perquisition et saisie qui a été faite au

20 quartier pénitencier –il s'agit en fait du document qui portent la cote

21 J8-, c'est un document en date du 5 avril qui est un reçu signé par le

22 docteur Stakic. C'est en langue BCS. Il indique que tous les différents

23 effets personnels sont recensés, mis à part, je crois, les passeports, et

24 puis le permis de conduire et un autre document, mais tous les autres lui

25 ont été remis. Donc ce document a fait partie des documents qui sont à la

Page 6670

1 disposition des Juges; il fait partie du jeu de documents portant la cote

2 J8.

3 Il y a un autre reçu que nous n'avons pas encore présenté dans ce

4 prétoire, qui stipule que les clefs de voiture ainsi qu'un document

5 d'assurance, ainsi qu'un autre document qui est intitulé -je vais essayer

6 de prononcer cela-: c'est un document -donc S-A-O-B-R-A - Prometna

7 Dozvola-; c'est en fait une carte grise internationale de voiture. Et je

8 pense que ceci a été remis à un des parents de M. Stakic.

9 Et il y avait dans ces documents, donc dans ce jeu de 81 photocopies, il y

10 a un document intitulé Saobra Prometna, et ce n'est pas une des huit pages

11 qui a fait l'objet d'une contestation d'authenticité de la signature.

12 Simplement, pour vous donner un aperçu total de la situation, il faisait

13 partie de ces 81 photocopies. Nous les avons remises à Me Lukic qui, je

14 pense, les a remises à la famille de l'accusé.

15 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des observations? Est-ce que la

16 défense conteste le rapport du Juge Lindholm?

17 M. Ostojic (interprétation): Non, bien sûr que non, Monsieur le Président,

18 Messieurs les Juges. Nous ne le ferions pas et nous ne pensons pas que,

19 d'une manière ou d'une autre, nous soulèverons des objections quant au

20 rapport qui a été rédigé par cette Chambre d'instance. Simplement, pour ce

21 compte rendu d'audience, je voudrais m'assurer que mes objections n'ont

22 pas uniquement trait aux faits que le Procureur a soulevés aujourd'hui. Il

23 ne mentionne pas la question très importante que nous avons soulevée, à

24 savoir la perquisition illicite et la confiscation des effets personnels

25 du docteur Stakic. Et je n'ai pas de document en ma possession qui stipule

Page 6671

1 que le docteur Stakic a accusé réception ou plutôt a stipulé qu'on lui

2 avait rendu ses effets personnels.

3 Et je crois que, en fonction de la déposition de Bernard O'Donnell, il est

4 évident que la politique, dans toute enquête criminelle, c'est qu'il faut

5 établir un inventaire; ceci doit être réalisé avant la remise de ces

6 documents et, selon nous, c'est la raison pour laquelle nous conservons

7 une objection à ce sujet.

8 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà entendu ces observations

9 hier et nous avons eu un échange d'opinions. Je ne pense pas qu'il y ait

10 quelque chose de nouveau à rajouter sur les documents qui ont été saisis,

11 qui ont été prétendument saisis de manière illicite. Il s'agit maintenant

12 de savoir où se trouvent les documents et ça, c'est une autre question.

13 M. Koumjian (interprétation): Pour clore ce sujet, je voudrais vous parler

14 des récépissés qui ont été signés de la main de Me Lukic, que la défense a

15 eu l'amabilité de nous fournir et qui pourraient être versés comme pièce à

16 conviction.

17 Je crois que ceci a également été versé comme document des Juges, mais, de

18 toute façon, vous pouvez peut-être porter une cote supplémentaire à ce

19 document?

20 M. le Président (interprétation): Jusqu'à présent, je n'ai pas vu ce

21 document, mais c'est une autre question. C'est à la défense de décider:

22 est-ce qu'il s'agit d'une cote S ou d'une cote D?

23 M. Ostojic (interprétation): Je n'ai aucune objection, Monsieur le

24 Président.

25 M. le Président (interprétation): Il s'agira dans ce cas-là de la pièce

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1 portant la cote S241, qui sera versée comme pièce à conviction. Mais il

2 semble que nous n'avons pas résolu toute la question, de toute façon, aux

3 articles de "Kozarski Vjesnik".

4 M. Koumjian (interprétation): Je dispose de l'original, Monsieur le

5 Président.

6 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, veuillez le montrer à la

7 défense, s'il vous plaît.

8 M. Koumjian (interprétation): Les articles en question sont à la page 1 et

9 à la page 4 de ce numéro de "Kozarski Vjesnik".

10 M. le Président (interprétation): En attendant, on peut peut-être demander

11 à Mme l'huissière de faire entrer le témoin dans ce prétoire.

12 (Le témoin, M. Nusret Sivac, est introduit dans le prétoire.)

13 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. Nusret Sivac, par M.

14 Koumjian.)

15 M. le Président (interprétation): Entre-temps, afin d'économiser notre

16 temps, pouvons-nous re-visionner la cassette vidéo, conformément à la

17 demande formulée auparavant? On en a pour encore deux minutes.

18 (Rediffusion et interprétation partielle de la vidéo.)

19 "Nous parlons à présent avec Milomir Stakic, le Président de la cellule de

20 crise municipale de Prijedor.

21 Q: Pouvez-vous nous décrire la situation sur le territoire qui est sous

22 votre contrôle, Monsieur Stakic?

23 M. Stakic: Je peux dire aux spectateurs que tout le territoire de la

24 municipalité de Prijedor est sous notre contrôle. Et ce que je peux

25 confirmer suite à la libération de Kozarac, la ville même, les villages

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1 serbes et les petites enclaves peuplées de Musulmans sont sous notre

2 contrôle depuis le 30 avril, date à laquelle nous avons pris le pouvoir.

3 Et à présent, après la chute de Kozarac, la municipalité dans son ensemble

4 est sous notre contrôle. A Kozarac même, "l'opération de nettoyage" comme

5 l'ânonnent les militaires, est toujours en cours puisque ceux qui sont

6 restés en ce moment sont les plus extrêmes et les professionnels. (Fin de

7 citation.)"

8 M. le Président (interprétation): Nous pouvons arrêter à présent.

9 (Fin de la diffusion de la vidéo.)

10 M. le Président (interprétation): Peut-être que nous pouvons rembobiner.

11 M. Koumjian (interprétation): Peut-être que nous pourrons

12 revenir à la scène où l'on peut voir une maison avec un drapeau bleu dans

13 le coin; je ne sais pas exactement où cela se trouve.

14 M. le Président (interprétation): Il faudrait peut-être demander une

15 clarification. Le mot qui est utilisé correspond-il à la signification du

16 mot "nettoyage" ou "purification" parce que, dans le compte rendu, le mot

17 "nettoyage" figure. L'interprète anglais dit qu'on peut le traduire des

18 deux manières.

19 M. Koumjian (interprétation): Nous pourrons visionner à partir de ce

20 moment-là.

21 (Diffusion de la vidéo.)

22 Je vais demander que l'on arrête l'image maintenant. Arrêt sur image, je

23 vous prie.

24 En haut à gauche, on peut voir quelque chose sur le toit?

25 M. Sivac (interprétation): Il me semble que c'est un drap blanc que

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1 quelqu'un a mis sur cette maison en signe de loyauté.

2 M. Koumjian (interprétation): Merci.

3 M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il nous expliquer ce que

4 l'on a pu voir avant l'interview de M. Stakic? Qu'est-ce qu'on a pu voir?

5 On a vu des endroits en feu, en flammes?

6 M. Sivac (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

7 reportage qui précède l'interview est le produit d'une machine que l'on

8 connaît très bien. C'est Rade Mutic qui en est l'auteur. C'est l'un des

9 extrémistes, l'un des plus grands extrémistes parmi les journalistes. Il

10 mentionne le djihad, les combattants de la guerre sainte, les combattants

11 d'Allah, les mercenaires, mais nous n'avons rien pu voir à l'image de tout

12 cela.

13 On a juste pu voir les villages musulmans de Jakupovici, Kamicani et les

14 quartiers musulmans de Kozarac. Nous avons pu voir tout cela en flammes,

15 et un grand nombre de soldats et de policiers serbes qui surveillaient la

16 zone en attendant que tout cela soit brûlé probablement.

17 M. le Président (interprétation): Il est nécessaire, me semble-t-il... Il

18 me semble que l'on ne peut pas poursuivre en regardant des bouts de cette

19 vidéo. Il est nécessaire que le Bureau du Procureur examine en profondeur

20 la vidéo dans son ensemble et nous présente dès demain les portions que le

21 témoin serait appelé à commenter.

22 Des choses ne sont pas très claires, en ce qui nous concerne, et la valeur

23 probante que l'on y attribuera pourrait être moindre en conséquence. Je

24 demanderai donc au Bureau du Procureur de procéder de la sorte pour qu'on

25 puisse avoir une base de réflexion et d'estimation raisonnable.

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1 Pour ce qui est donc du document S240, nous n'avons pas encore pris de

2 décision.

3 Pour ce qui est du "Kozarski Vjesnik", je demanderai à Mme l'huissière de

4 soumettre le journal, de nous le soumettre.

5 (Intervention de l'huissière.)

6 (Les Juges regardent le journal.)

7 Juste après l'article qu'on a lu aujourd'hui, avons-nous déjà versé au

8 dossier cet article? Puisque, dans le contexte de ce que nous a dit le

9 témoin juste avant la pause, l'article qui est juste au-dessus pourrait

10 nous apporter des éclaircissements quant au contexte.

11 M. Koumjian (interprétation): Vous avez en vu la page 1 ou 4?

12 M. le Président (interprétation): La première page.

13 Madame l'Huissière, je vous prie de montrer cette page au témoin et je

14 demanderai au témoin de lire ce nouvel article.

15 (Intervention de l'huissière.)

16 M. Sivac (interprétation): Je peux commencer?

17 M. le Président (interprétation): Oui, lentement, je vous prie.

18 M. Sivac (interprétation): "Les cellules de crise régionales. La cellule

19 de crise a déterminé 10 cellules de crise régionales -ceci n'est pas tout

20 à fait clair-, des unités territoriales de la municipalité de Prijedor

21 probablement.

22 A cause des événements de guerre, ces cellules de crise régionales

23 devraient représenter les autorités civiles et leur mission est d'être

24 responsables de la sécurité du territoire qui est sous leur contrôle.

25 Le président de la cellule régionale de Ljubija, Slobodan Karanjac et son

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1 adjoint, Milenko Jelisavac. Le président de la cellule de crise Prijedor I

2 est Srdja Srdic et son remplaçant et son adjoint est Djordje Kostic. La

3 cellule de crise régionale II est Marinko Coric, son assistant est Dusko

4 Vejnovic.

5 La cellule de crise régionale Lamovita, le Président de cette cellule est

6 Vinko Kos, son adjoint est Borislav Grahovac.

7 Alors que pour Omarska, le rôle de président sera joué par Mandic,

8 Borislav Mandic, et son remplaçant est Sveto Kremenovic. Pour Tukovi,

9 Slavko Antonic et Radovan Cetic.

10 Pour Orlovaca, Ranko Nikic est nommé président, et son remplaçant, Radenko

11 Goronjic.

12 Le président de Brezicani est désormais Milorad Raus et son adjoint est

13 Milan Babic, alors que pour Rakelici, Zdravko Jovic est nommé président,

14 alors que son adjoint sera désormais Dusan Kurnoga.

15 La cellule de crise a estimé que les travaux liés à la création de ces

16 cellules de crise sont ralentis, et c'est pour cela que la cellule de

17 crise va insister pour que, dans un délai optimal, toutes les mesures

18 soient prises afin que les cellules de crise commencent leurs travaux et

19 fonctionnent de manière satisfaisante.

20 Dans l'ordre qui sera transmis à ces cellules de crise, les sanctions

21 seront prescrites au cas où les décisions ne sont pas mises en oeuvre dans

22 les meilleurs délais et de manière efficace."

23 M. le Président (interprétation): Merci. Dans l'ordre 238, vous avez des

24 objections? Je m'adresse à la défense.

25 M. Ostojic (interprétation): Nous avons des objections concernant la date

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1 de l'article puisqu'il apparaît à gauche qu'il n'y a pas de date. Donc

2 pour ce qui est de cette objection, nous allons la retirer.

3 En revanche, pour ce qui est de l'autre objection, concernant l'article

4 que le Bureau du Procureur souhaiterait verser au dossier, nous la

5 maintenons. Lorsque nous avons eu la première occasion de revoir

6 l'original de "Kozarski Vjesnik", nous avons remarqué qu'en bas de la

7 deuxième page, il y a des membres de la rédaction qui sont mentionnés,

8 mais qui sont peut-être les auteurs d'autres articles qui apparaissent

9 dans ce journal.

10 Nous pensons donc que l'objection qui a trait à la pertinence et

11 l'authenticité est maintenue.

12 M. le Président (interprétation): Le document S238A et B est versé au

13 dossier. Et il en va de même pour 239?

14 M. Ostojic (interprétation): Oui.

15 M. le Président (interprétation): Le document est donc versé au dossier.

16 Il semble que c'est une édition très spéciale de "Kozarski Vjesnik". Je

17 souhaiterais demander au Bureau du Procureur de nous fournir les copies en

18 couleurs des pages allant de la première à la quatrième pages de ce numéro

19 particulier.

20 Si j'ai bien compris, ces documents ont été versés par l'accusation?

21 M. Koumjian (interprétation): Oui.

22 M. le Président (interprétation): Donc ces documents porteront la cote

23 S241-1, pour la première page, -2 pour la page 2, et -3 pour la page 3.

24 M. Koumjian (interprétation): Il me semble que nous avons précédemment

25 affecté la cote S241 au récépissé signé par Me Lukic.

Page 6678

1 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je vous remercie. Donc il

2 s'agit de 242. Je vous prie de poursuivre.

3 M. Koumjian (interprétation): Avez-vous reconnu le journaliste qui a fait

4 l'interview, qui interviewait le docteur Dr Stakic?

5 M. Sivac (interprétation): C'est le journaliste Predrag Laketa à la

6 télévision de Banja Luka, il me semble qu'il y travaille encore

7 aujourd'hui.

8 Question: Merci. Revenons aux événements qui se sont produits au camp

9 d'Omarska.

10 Vous avez dit que votre sœur a été emmenée au camp, vous l'avez vue à cet

11 endroit?

12 Réponse: Oui, je la voyais souvent. Elle faisait partie d'un groupe de 36

13 femmes qui étaient assises dans un coin de la cantine lorsque nous allions

14 manger.

15 Question: Saviez-vous comment les femmes étaient traitées dans le camp

16 d'Omarska?

17 Réponse: Je le sais. Toutes les femmes qui étaient avec nous au camp

18 d'Omarska, même si toutes ces femmes n'aiment pas évoquer le souvenir de

19 ces événements.

20 Question: Avez-vous jamais entendu, vous-même ou quelqu'un d'autre de vos

21 codétenus, des bruits venant des pièces où étaient enfermées les femmes la

22 nuit?

23 Réponse: Dans la salle de Burho et de Mujo où j'ai passé la plupart de mon

24 temps, juste au-dessus se trouvait la pièce où étaient enfermés les femmes

25 et les bureaux où on procédait aux interrogatoires.

Page 6679

1 Pendant la nuit, des choses effrayantes se produisaient au-dessus, à

2 l'étage. Pendant toute la nuit, on entendait le bruit des meubles que l'on

3 détruisait. On entendait des cris de femmes, des gémissements. Elles

4 appelaient au secours. Pendant la nuit, alors que tout était calme dans le

5 camp, ce qui se passait à l'étage était inconcevable. Nous ne pouvions

6 qu'imaginer ce qui se passait, ce qui arrivait aux femmes au-dessus.

7 Pendant la journée, lorsque nous nous rendions à l'unique repas qui nous

8 était préparé, à la cantine, on pouvait voir ces femmes. Elles se

9 partageaient la nourriture. Et nous avons pu voir les traces de torture,

10 de passage à tabac. Nombreuses étaient celles qui avaient des hématomes

11 sur le visage, sur les bras, et il était tout à fait clair, on savait ce

12 qui se passait pendant la nuit, dans ces pièces-là.

13 Question: Vous nous avez dit auparavant que votre sœur était juge. Avez-

14 vous vu d'autres juges internés au camp d'Omarska?

15 Réponse: Dans le camp d'Omarska, il y avait un grand nombre de personnes

16 qui avaient été juges ou avocats. Dans la pièce où j'étais enfermé: Nedzad

17 Seric également était détenu et Eso Mehmedagic aussi qui faisait partie de

18 l'équipe du procureur. Omer Kerenovic juge, ensuite Ahmet Atarovic, avocat

19 de Prijedor, l'avocat Hodzic de Prijedor aussi, Silvije Saric, juriste des

20 PTT, Ismail Burazovic, lui aussi du service de logement public, il était

21 juriste également. Ils étaient nombreux.

22 Question: Vous avez mentionné le juge Kerenovic: avait-il des handicaps?

23 Réponse: Oui, son bras droit était immobile; c'était un handicapé, oui, du

24 bras droit.

25 Question: Que lui est-il arrivé au juge Kerenovic?

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1 Réponse: Toutes les personnes que j'ai énumérées ont été tuées à Omarska,

2 en 1992.

3 Question: Vous nous avez dit que vous n'avez pas été battu lors de

4 l'interrogatoire. Vous souvenez-vous d'un jour particulier où on vous a

5 emmené à la cantine et où vous avez été passé à tabac?

6 Réponse: Ce jour-là, ils ont battu tout le monde dans le camp. L'équipe à

7 la tête de laquelle se trouvait Mlado Radic "Krkan" a organisé les gardes

8 et les gardes des autres équipes les avaient rejoints également. Et ce

9 jour-là, pendant toute la journée, depuis 8 heures du matin jusque la fin

10 de l'après-midi, ils nous battaient, ils battaient les détenus.

11 Dans l'un des groupes, j'étais moi-même, j'étais à la tête de ce groupe.

12 Lorsque j'entrais au restaurant, on m'a beaucoup battu, mais j'ai réussi à

13 résister. Les gardes étaient placés autour. Ils ont lancé de nombreux

14 objets, du verre cassé, des meubles. Ils ont versé de l'huile au sol afin

15 qu'on ait des difficultés à traverser cet espace. Et lorsque nous sommes

16 entrés à la cantine, après avoir subi des coups, on n'avait pas vraiment

17 envie de manger. On n'avait pas d'appétit. On ne pensait qu'à sortir,

18 comment on allait sortir.

19 Radic nous a dit de nous aligner et il nous indiquait la direction des

20 gardes qui étaient alignés eux aussi. Moi, j'étais le plus costaud de

21 tous; donc j'étais à la tête et je voulais en fait qu'on m'assène tous les

22 coups pour protéger les autres qui venaient derrière moi. Marjan Zec, qui

23 travaillait à la banque de Prijedor, était juste derrière moi. Il courait

24 donc en traversant cet espace où il y avait des gardes d'un côté et de

25 l'autre. Des gens criaient, tombaient sous les coups, et les gardes

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1 avaient des objets qu'ils avaient acquis spécialement pour cette occasion:

2 des chaînes, des battes de base-ball. Ils nous frappaient.

3 Vers la fin, lorsque j'ai vu que j'étais arrivé presque à la fin, on m'a

4 frappé, on m'a donné un coup très fort à la tête. Je ne voyais plus rien.

5 Au bout d'un certain temps, je ne sais pas si c'était une vingtaine de

6 minutes ou une demi-heure, je me suis réveillé. J'ai entendu des voix, des

7 gens que je connaissais, des voix connues. On m'a sorti vers la "Pista".

8 Mustafa Muhic était là et Said Baric, mon collègue, et le Dr Eso était au-

9 dessus de moi. Avec une sorte de chiffon mouillé; ils m'essuyaient la

10 tête. Je ne me souvenais de rien.

11 Mais ensuite, on m'a dit que le garde Savic, qui était juste le dernier

12 des gardes, m'avait donné un coup avec une sorte de cravache au bout de

13 laquelle se trouvait une boule en métal. Il m'a donné un coup à l'œil,

14 l'œil droit. Et il a dit que j'allais porter ce souvenir d'Omarska jusqu'à

15 la fin de mes jours.

16 Question: Vous souvenez-vous qu'un jour, on a amené, dans la pièce où vous

17 vous trouviez, un jeune homme, Smail Duratovic?

18 Réponse: Smail Duratovic était un athlète connu, un footballeur. Il était

19 avec son père dans notre salle, la salle de Burho et de Mujo.

20 C'était une fête serbe, le Petrovdan. Les gardes sont venus le chercher.

21 Ils l'ont emmené à l'extérieur. Il était assis avec eux; on l'a vu

22 lorsqu'on allait à la cantine et on l'a vu encore en revenant. Vers la fin

23 de la journée, ils l'ont emmené vers la "maison blanche" et, là-bas, ils

24 ont pris un pneu, un pneu qui se trouvait près de la "maison rouge". Ils

25 ont donc mis le feu et l'ont jeté: ils ont jeté Smail Duratovic dedans.

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1 C'était la fête et les gardes étaient tous ivres. Ils criaient ce jour-là,

2 ils avaient un comportement spécial.

3 Dans la soirée, la pluie s'est mise à tomber et c'était une chance pour

4 Duratovic; il a profité du fait que les gardes n'étaient plus là. Ils

5 étaient partis vers l'endroit où l'on nous donnait la nourriture. Il y

6 avait une pièce où ils stockaient de l'alcool. Il s'est mis à quatre

7 pattes et il a réussi à rejoindre la "maison blanche".

8 Le lendemain, il a fait passer le message à son père par l'intermédiaire

9 des personnes qui étaient internées dans la "maison blanche". Le

10 lendemain, il a fait passer le message à son père, par l'intermédiaire de

11 personnes qui étaient internées dans la "maison blanche", qu'il était en

12 vie. Il a dit qu'ils allaient le tuer cette nuit même et son père, par

13 l'intermédiaire d'un garde qui s'appelait Krivaja, me semble-t-il, a donc

14 réussi à faire venir Smail Duratovic. Donc il a réussi à faire venir Smail

15 Duratovic. La plus grande partie de ses vêtements avait brûlé. Il était

16 tout noir; c'est comme si on l'avait fait passer par une cheminée. Il

17 avait des brûlures sur les mains et sur les jambes. Il ne pouvait pas

18 parler.

19 Nous étions tous rassemblés dans cette pièce-là. Le docteur Eso a essayé,

20 avec des crèmes, des crèmes que lui avaient procurées les femmes internées

21 dans le camp, d'essayer de le soigner.

22 Grâce à un litre d'eau-de-vie, qu'Ahmed Tatarovic avait reçu d'un garde,

23 il a réussi à soigner Duratovic. Il a survécu, mais ensuite, il a été

24 transféré à Manjaca et, avec l'aide de la Croix-Rouge, il a rejoint

25 l'étranger parce qu'il avait besoin d'aide médicale.

Page 6683

1 Question: Vous nous avez parlé des groupes professionnels qui avaient été

2 particulièrement ciblés au camp?

3 Est-ce que les personnes qui étaient riches et qui avaient réussi leur

4 parcours professionnel, avaient fait l'objet d'un traitement particulier?

5 Réponse: Il n'existait pas de règle. Tout dépendait de l'humeur des gardes

6 et des ordres qui leur avaient été donnés sur ceux qui devaient être

7 exécutés, torturé ou soumis à des sévices.

8 Mais, pour l'essentiel, ils se moquaient bien que l'on soit membre du SDS,

9 du SDA ou d'un autre parti nationaliste. Ils nous traitaient tous de la

10 même manière la plupart du temps.

11 Ils nous disaient: "On va tous vous exécuter". Ils nous l'ont dit tout à

12 fait clairement.

13 Et plus tard, ma sœur m'a dit qu'elle connaissait Zeljko Meakic, le

14 commandant du camp; elle le connaissait déjà précédemment. Elle le

15 connaissait parce que, quand elle travaillait en tant que juge, elle lui a

16 dit: "Zeljko, je t'en prie, si mon frère Nusret est sur la liste, tue-moi

17 plutôt que lui, parce que moi, je n'ai pas de famille, je suis seule, mais

18 mon frère a deux enfants.

19 Question: Zlatan Besirevic, est-ce que vous vous souvenez de son nom, du

20 nom de cet homme d'affaires?

21 Réponse: C'était un entrepreneur, un ingénieur. Il avait créé une usine

22 qui marchait très bien. Ils exportaient leur production à l'étranger. Il

23 était dans la même salle que vous, dans la pièce de Mujo et de Burho. Si

24 vous me permettez, Messieurs les Juges, je souhaiterais dire que son père,

25 Kemal, était Musulman, mais que sa mère était Serbe. Mais il a quand même

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1 été également amené au camp.

2 Et puis, grâce à des relations de sa mère, il a réussi à ce que son nom

3 soit inscrit sur la liste des personnes malades et des personnes âgées qui

4 devaient être transférées au camp de Trnopolje. Il est arrivé à figurer

5 sur cette liste. On a fait l'appel des noms des personnes qui figuraient

6 sur cette liste et ces gens-là ont été séparés du reste. On les a amenés

7 dans un coin de la "Pista". Ils devaient attendre un autobus pour qu'on

8 les amène. Nous les envions tous, car partir pour Trnopolje, c'était la

9 survie: c'était cela ce que cela signifiait pour nous qui étions à

10 Omarska.

11 Mais, en fait, ils sont restés sur la "Pista" pendant plusieurs jours. Et

12 apparemment, les gardes qui avaient organisé le transfert leur ont dit que

13 l'autobus n'avait pas réussi à rejoindre le camp par manque de carburant.

14 Et quand, au bout du compte, au bout de quatre ou cinq jours, l'autocar

15 est arrivé pour emmener ces gens, qui normalement devaient être transférés

16 à Trnopolje, Zeljko Meakic a donné lecture personnellement de la liste des

17 noms. Il a fait l'appel de tous ces noms et, ensuite, il a dit: "Zlatan

18 Besirevic doit rester au camp d'Omarska et ceci jusqu'à plus amples

19 informations".

20 Cela nous a tous vraiment surpris parce qu'on écoutait cela. On était sur

21 la "Pista". On revenait de la cantine. Et l'ingénieur, Zlatan Besirevic

22 était le plus surpris d'entre nous. Il a parlé à Zeljko Meakic pendant que

23 nous, on retournait dans les pièces de Burho et Mujo. Et au bout d'un

24 certain temps, il nous a rejoints également; il était effondré. Nous lui

25 avons demandé pourquoi, finalement, il n'était pas transféré à Trnopolje

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1 et il a répondu: "En fait, on a enlevé mon nom de la liste à la cellule de

2 crise".

3 Le lendemain, tard dans l'après-midi -et c'était assez inhabituel-, vers

4 16 heures ou 17 heures, ils sont venus pour emmener Zlatan Besirevic. Les

5 gardes se sont montrés particulièrement brutaux envers lui. Il a dû mettre

6 les mains sur la tête et courir. Et on l'a emmené jusqu'à la "maison

7 rouge" et il n'est jamais revenu.

8 Question: Hier soir, vous avez commencé à donner les noms de certains

9 médecins qui étaient au camp et qui n'ont pas survécu.

10 Réponse: Oui. Oui, la plus grande tragédie pour Prijedor, pour ma ville,

11 pour ma municipalité, c'est que, pendant cette année tragique de 1992, un

12 médecin se trouvait à la tête de la municipalité. Il avait prêté le

13 serment d'Hippocrate; on aurait donc pu s'attendre que ce soit un

14 humaniste. Mais sur les ordres de qui -je l'ignore-, de manière indirecte,

15 il se fait que pratiquement tous les docteurs qui se trouvaient au camp

16 d'Omarska, qu'ils soient Musulmans ou Croates, pratiquement tous les

17 médecins ont donc été tués. Et leur seul défaut, c'était d'appartenir à un

18 autre groupe ethnique.

19 Il s'agissait du docteur Jusuf Pasic, docteur Osman Mahmuljin -je ne peux

20 pas vous donner tous les détails de leur parcours-, le docteur Enis Begic,

21 le docteur Zelko Sikora, le docteur Suljanovic. Je citerai encore Islam

22 Bahonjic également. C'était un technicien radio à l'hôpital, au service de

23 radiographie à l'hôpital de Prijedor, où il avait travaillé pendant très

24 longtemps.

25 Question: Vous avez mentionné à plusieurs reprises le Dr Esad Sadikovic

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1 qui vous a soigné et qui a soigné Smail Duratovic. Vous souvenez-vous du

2 moment où vous avez vu Esad Sadikovic pour la dernière fois?

3 En premier lieu, parlez-nous de lui. Quelle sorte de personne était-ce?

4 Réponse: Parler de Prijedor, de la ville, parler de ces camps, parler

5 d'une tragédie, sans mentionner le nom d'Esad Sadikovic, ce serait un

6 véritable péché parce que c'était quelqu'un de profondément humain. Il

7 soignait, il aidait tout le monde, quelle que soit la couleur de la peau,

8 quel que soit le groupe ethnique. C'était un expert du HCR des Nations

9 Unies. Il avait passé longtemps à travailler en Libye, également dans le

10 Pacifique et dans beaucoup de pays africains, tout cela pour aider les

11 autres. C'était quelqu'un qui avait beaucoup de charisme. Et dans la ville

12 de Prijedor, il le savait et il en était fier.

13 Au camp d'Omarska, il a fait du mieux qu'il pouvait pour aider ceux qui

14 étaient autour de lui et, quand personne ne voulait aller aider quelqu'un,

15 lui, il était toujours prêt à le faire; il était même prêt à aller soigner

16 des gardes serbes parce que certains, lorsqu'ils venaient prendre leur

17 service, s'étaient saoulés, ils s'étaient blessés ou ils s'étaient

18 querellés avec d'autres gardes au sujet de la répartition de l'argent

19 qu'ils avaient volé aux prisonniers; et eux aussi, il les soignait.

20 Et une fois que la majorité des médecins de Prijedor ou du moins ceux qui

21 se trouvaient au camp ont été tués, les autorités de Prijedor savaient

22 pertinemment qu'il fallait mettre la touche finale à tout cela. Je me

23 souviendrai toujours de cette nuit parce que c'était la dernière nuit au

24 camp d'Omarska.

25 Au départ, cela a été une nuit qui s'annonçait assez calme, mais juste

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1 avant l'aube, un garde est arrivé à la porte. Il a dit: "Docteur Esad

2 Sadikovic, sors de là. Emmène tes affaires!". Nous, cela nous a surpris

3 parce qu'il avait déjà été appelé à l'extérieur à plusieurs reprises, mais

4 cette fois-ci on lui a dit de prendre ses affaires; donc on a tout de

5 suite compris où on l'emmenait. Le docteur Eso s'est levé, il a pris son

6 sac en plastique où il avait quelques cigarettes que les autres détenus

7 avaient réunies à son attention, il a pris également sa chemise sale, et

8 il a pris la direction de la porte.

9 Nous nous sommes levés en silence, et puis nous avons dit: "Docteur Eso,

10 merci, merci pour tout." Il s'est retourné, il a dit: "Merci, mes amis".

11 Nous n'avions jamais imaginé qu'il y aurait de tels criminels dans le

12 monde qui seraient capables de tuer un homme comme le docteur Eso.

13 Question: A quelle date avez-vous quitté le camp d'Omarska?

14 Réponse: Je suis parti le 7 août. J'étais dans un groupe qui a été

15 transféré à Trnopolje.

16 M. Koumjian (interprétation): Poursuivons-nous jusqu'à 17 heures 30?

17 M. le Président (interprétation): Si vous le souhaitez jusqu'à 17 heures

18 50.

19 M. Koumjian (interprétation): Vous êtes arrivé à Trnopolje. Je ne vais pas

20 vous poser de questions détaillées au sujet du camp, mais je voudrais

21 simplement savoir si vous pouviez sortir librement.

22 Mais peut-être devrions-nous faire la pause maintenant, si cela ne gêne

23 pas le Président?

24 M. le Président (interprétation): Bien, nous allons faire une pause

25 jusqu'à 17 heures 40.

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1 (L'audience, suspendue à 17 heures 17, est reprise à 17 heures 47.)

2 M. Koumjian (interprétation): Monsieur Sivac, vous êtes arrivé au camp de

3 Trnopolje le 7 août. Je voudrais savoir si, dans ce camp, vous étiez libre

4 de partir quand vous le souhaitiez?

5 M. Sivac (interprétation): Lorsque nous sommes arrivés au camp de

6 Trnopolje, le camp était entouré de fils de fer. Il y avait une clôture et

7 il y avait des gardes qui se tenaient près de la clôture. Mais

8 contrairement aux gardes du camp d'Omarska, ces gardes-là, nous, on les

9 connaissait parce que c'étaient des gardes de Prijedor.

10 Mon collaborateur, Boro Grubic, qui était journaliste, que j'avais connu

11 dans ce cadre, c'était un journaliste de la presse écrite; il était

12 directeur d'un des postes de commandement. Dix ans auparavant, j'avais

13 travaillé avec lui; j'étais caméraman et lui, il était journaliste.

14 Il y avait Kapetanovic, le troisième membre de notre équipe; c'était

15 l'ingénieur du son. Et Kapetanovic, le troisième de notre équipe, lui, il

16 n'était plus là, car il avait été tué à Omarska le 27 juillet 1992.

17 A notre arrivée au camp de Trnopolje, nous avons trouvé des gens que nous

18 connaissions de Prijedor, de Kozarac. La veille de l'arrivée des gens du

19 camp de Keraterm au camp de Trnopolje, la veille, on avait amené des gens

20 du camp de Keraterm au camp de Trnopolje. Et, effectivement, les

21 conditions qui existaient au camp de Trnopolje étaient bien meilleures que

22 celles qui existaient au camp d'Omarska.

23 Mais ceux qui étaient là depuis longtemps à Trnopolje nous ont dit de nous

24 méfier parce que, même dans ce camp, on tuait les gens.

25 L'un des groupes qui était arrivés à Trnopolje avant notre transfert, un

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1 groupe qui était là avant, il y avait Anto Murega et son fils Zoran et

2 Laus Remet (phon.) également, qui était un boucher bien connu à Prijedor.

3 Et il a été choisi, sélectionné et tué.

4 Question: Combien de temps êtes-vous resté au camp de Trnopolje?

5 Réponse: J'y suis resté jusqu'à la fin août, dirons-nous.

6 Question: Pendant votre séjour au camp, est-ce que d'autres personnes,

7 d'autres détenus, vous ont dit quoi que ce soit au sujet de sévices

8 sexuels auxquels auraient été soumises les femmes se trouvant au camp de

9 Trnopolje?

10 Réponse: Oui. Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons trouvé des

11 gens qui, essentiellement, venaient de la zone de Kozarac et on les avait

12 amenés à Trnopolje les 25, 26, 27 et 28 mai également, au moment où le

13 nettoyage ethnique de Kozarac a commencé.

14 Et ils nous ont dit que, même ici, il y a des choses horribles qui se

15 passent. C'est ce qu'ils nous ont dit.

16 Très souvent, à leur retour de la ligne de front, des soldats serbes, des

17 soldats qui servaient dans la cavalerie, dans des chars, ces soldats

18 arrivaient au camp et ils se choisissaient des femmes ou des jeunes

19 filles. Ils les emmenaient pendant la nuit, et puis, ils ramenaient

20 certaines d'entre elles au matin. Mais certaines d'entre elles ne sont

21 jamais revenues au camp.

22 Question: Afin d'être libéré du camp, qu'avez-vous fait? De qui avez-vous

23 dû obtenir la signature ou l'accord?

24 Réponse: Pour quitter Trnopolje, il fallait remplir un certain nombre de

25 conditions.

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1 L'une des conditions essentielles, c'était de donner de l'argent ou de

2 donner des biens précieux. Les documents, portant "libération du camp",

3 étaient signés par Slobodan Kuruzovic, le commandant du camp, et Pero

4 Curguz, qui se trouvait là au nom de la Croix-Rouge serbe.

5 Je voudrais aussi mentionner la chose suivante, Messieurs les Juges:

6 malgré tout, au bout de plusieurs jours à Trnopolje, on nous a donné

7 l'ordre d'enlever tous les fils de fer autour du camp, toute la clôture,

8 et ensuite, des gardes serbes ont amené une immense pancarte sur laquelle

9 était inscrite "Centre de rassemblement". Tout ceci, cela se passait vers

10 le 10 août 1992. Nous n'avons pas vraiment compris pourquoi tout ceci se

11 produisait. Mais dans l'après-midi, Zeljko Meakic, le commandant du camp

12 d'Omarska, a amené des équipes de télévision étrangère sur place et, parmi

13 ces équipes, il y avait une équipe de télévision de Pale. Il y avait dans

14 cette équipe un ancien ami qui travaillait avant pour la télévision de

15 Sarajevo.

16 On a donc fait venir ces équipes de télévision pour leur montrer qu'il n'y

17 avait plus de camps dans la région de Prijedor, que l'on ne pouvait plus

18 parler de camps: il s'agissait uniquement de centres de regroupement. Et

19 on voulait leur montrer que dans ces centres de regroupement, les gens

20 n'étaient pas isolés du reste du monde, n'étaient pas entourés par des

21 clôtures et que l'on nous traitait presque humainement.

22 Question: Est-ce que vous avez reçu un permis signé par Kuruzovic et

23 Curguz? Et est-ce que vous êtes ensuite partis? Est-ce que vous avez été

24 libérés du camp?

25 Réponse: Oui, dans les derniers jours du mois d'août, au centre de

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1 Trnopolje, au centre de regroupement, comme on l'appelait, il y a une

2 équipe de la télévision de Prijedor qui est arrivée: Rade Mutic qui était

3 l'auteur d'un des reportages que nous avons vus et il y avait également

4 Zivko Ecimovic, son collègue. Ils étaient en train de faire un reportage

5 sur le camp de Trnopolje.

6 Ils m'ont vu et ils ont dit: "Omarska, c'était inévitable, on n'y pouvait

7 rien". Normalement, il aurait fallu que les papiers portant libération

8 d'Omarska soient signés par Zeljaja Radmilo, qui était commandant de la

9 43e Brigade motorisée ou bien par quelqu'un de la cellule de crise. Et ils

10 m'ont demandé si j'étais prêt à quitter Trnopolje pour retourner chez moi.

11 Comme l'aurait fait n'importe qui, j'ai répondu: "Mais bien sûr que oui,

12 j'ai envie de partir". J'ignorais où se trouvaient les membres de ma

13 famille.

14 Ils sont entrés dans un bureau, dans le bureau de l'administration de

15 Trnopolje, et ils ont établi une sorte de document pour ma libération que

16 j'ai utilisé pour partir du camp et pour retourner à Prijedor.

17 Question: Est-ce que vous êtes retourné dans l'appartement où vous

18 habitiez avant la prise de contrôle de la ville?

19 Réponse: Non, non, je n'étais pas censé le faire parce que ma femme et les

20 membres de ma famille étaient aller se réfugier chez des amis dans le

21 hameau de Puharska. Et sur ma porte, il y avait un écriteau qui disait

22 "Occupé par un soldat serbe", apparemment. Je ne sais pas exactement à

23 quelle unité appartenait ce soldat serbe.

24 Question: Est-ce que vous êtes resté à Prijedor jusqu'en décembre 1992?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Pendant votre séjour à Prijedor, vous nous avez parlé du fait

2 qu'avant votre arrestation, certains quartiers de la ville avaient été

3 ciblés, avaient été détruits. Je voudrais savoir si vous avez pu voir de

4 vos yeux les quartiers de Prijedor qui avaient été ainsi détruits?

5 Réponse: Oui. Oui, c'était patent, c'était visible. Et Prijedor a été

6 mutilé après les destructions de tous ces quartiers. Stari Grad, la

7 vieille ville, avait été complètement rasée. Il y avait certaines parties,

8 certains tronçons de la rue des Partisans, toute la rue Muharem

9 Seljanovic, toutes les maisons dans cette ville qui se trouvaient à côté

10 du ruisseau Berek, toutes les mosquées, tous les monuments musulmans

11 avaient également été détruits, de même d'ailleurs que l'église catholique

12 de Prijedor.

13 Question: Vous nous avez indiqué un certain nombre de quartiers, des rues,

14 la rue des partisans, d'autres rues, est-ce que c'étaient des rues, des

15 quartiers où l'on trouvait un groupe ethnique en particulier, en majorité?

16 Réponse: Oui. Il s'agissait d'endroits qui étaient habités essentiellement

17 par des Croates ou des Musulmans.

18 Question: Vous nous avez dit précédemment que vous vous étiez entretenu

19 avec un architecte, je crois, un architecte qui avait participé à ces

20 démolitions, est-ce bien exact?

21 Réponse: Lorsque j'ai été libéré du camp et pendant mon séjour à Prijedor

22 ensuite, j'ai vu un comité qui était dirigé par Dule Miljus qui était un

23 ingénieur du génie civil, Veljko Hrgar, un architecte, ainsi que d'autres

24 personnes que je ne connaissais pas. Et l'ingénieur, c'était un ingénieur

25 qui travaillait à la mine de fer de Ljubija.

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1 Ils se sont rendus dans les quartiers qui étaient essentiellement habités

2 par des Musulmans et des Croates, et ils ont indiqué au moyen de…, ils ont

3 fait des marques, des marquages sur les maisons habitées, les maisons qui

4 étaient encore en bon état, qui n'avaient pas encore été détruites. Et

5 ensuite, dans les nuits qui suivaient, on entendait souvent des explosions

6 très violentes. Ils ont employé des explosifs pour détruire ces maisons.

7 Cela se passait pendant la nuit. Le lendemain, on voyait arriver des

8 engins de construction, des grues pour évacuer les débris, les gravats et

9 les emmener ailleurs.

10 Question: Je voudrais savoir si vous avez parlé avec ces personnes, ce

11 Dule, cet ingénieur, ou avec l'architecte? Est-ce que vous leur avez

12 parlé? Est-ce que vous avez réussi à déterminer qui leur avait ordonné de

13 se livrer à ces activités?

14 Réponse: Une des personnes qui faisait partie de l'équipe s'est rendue à

15 l'étranger après un certain temps et je l'ai rencontrée là-bas. Il était

16 marié à une femme musulmane. Et après avoir publié mes articles dans le

17 journal "Oslobodenje", il s'est excusé, il m'a dit: "On devait le faire,

18 nous recevions nos ordres de la cellule de crise".

19 Certaines parties de la ville ou des quartiers musulmans qui ne faisaient

20 par partie des plans d'urbanisme avaient dû être tout simplement détruits.

21 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais que l'on

22 présente au témoin le document portant la cote 294. C'est un document qui

23 relève de l'Article 65ter. Je crois qu'il n'y a pas encore de S devant la

24 cote de ce document.

25 M. le Président (interprétation): Allez-y. Je crois qu'il avait une cote

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1 provisoire S243.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 M. Koumjian (interprétation): Pour faire la synthèse de ce document pour

4 le compte rendu d'audience, je voudrais savoir, Monsieur, s'il est exact

5 de dire que le document, qui est devant vous, est une décision du comité

6 exécutif, suite la réunion du 21 juillet 1992 adoptant la décision sur la

7 démolition des bâtiments qui avaient été détruits et qui ne pouvaient pas

8 être reconstruits durant les activités de combat. Et vous avez une liste

9 de bâtiments avec leurs adresses.

10 La plupart des bâtiments –les deux premières pages en anglais, je crois

11 qu'il y a une seule page pour l'exemplaire BCS-, je crois qu'il s'agit de

12 la rue Babici ou Babica; est-ce que vous reconnaissez ce nom?

13 M. Sivac (interprétation): Eh bien, comment dire, de manière générale,

14 cette liste, c'est-à-dire tous ces bâtiments étaient situés dans la

15 vieille partie de la ville, comme la rue Babica; tous ces bâtiments

16 étaient dans la vieille ville de Prijedor.

17 Question: Merci. Pour sortir de Prijedor, est-ce que vous deviez signer un

18 document ou vous procurer un document auprès des autorités de la

19 municipalité? Et si tel était le cas, quelle était la teneur de ces

20 documents?

21 Réponse: En fait, c'est ma femme qui se chargeait de ce genre de choses.

22 J'essayais d'éviter d'apparaître en public, quelle que soit la raison. Et

23 je devais, en fait, me procurer toute une série de certificats. Il fallait

24 également payer si l'on voulait quitter la région. Il y avait également un

25 visa de transit que l'on devait se procurer et la Croix-Rouge a transféré

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1 ces personnes vers Novska, et ensuite les personnes partaient dans

2 différentes directions.

3 Et durant le mois de novembre 1992, j'ai eu à nouveau une expérience

4 malheureuse, j'ai été à nouveau arrêté. Ma détention a été décidée par

5 Milutin Cadjo, c'était un des collaborateurs de Simo Drljaca. Et la raison

6 était tout à fait banale. Apparemment, c'était au sujet de mon

7 appartement, mais il était intéressé par d'autres choses également.

8 Il a posé des questions sur ma sœur qui était arrivée à s'enfuir en

9 direction de la Croatie et qui avait certains contacts à l'époque. Et

10 puis, il voulait également m'accuser d'avoir, soi-disant, filmé la

11 destruction de l'église catholique et de la mosquée dans la région, et

12 j'avais envoyé ces images à des chaînes de télévision étrangères. Je lui

13 ai répondu: "Vous m'avez arrêté il y a plusieurs mois de cela et vous

14 m'avez obligé de remettre tout le matériel technique que j'avais à ma

15 disposition. Donc vous savez que je n'avais pas en fait l'équipement

16 nécessaire." (Fin de citation)

17 Et il m'a répondu: "Ne me racontez pas d'histoire; je sais que vous avez

18 caché certaines choses".

19 Et il m'a emmené au poste de police de Prijedor et il nous a assignés à

20 résidence à Prijedor, toute la famille Sivac, jusqu'à ce qu'on ait les

21 documents appropriés pour pouvoir transiter et se rendre à l'extérieur de

22 la ville de Prijedor. Je me suis rendu compte qu'encore une fois, je

23 faisais l'objet, j'étais la cible de ces personnes, pas uniquement moi-

24 même, mais toute ma famille. Et il était évident que l'on me tuerait et,

25 si ce n'était pas lui, un des groupes qui étaient dirigés par Zoran Zigic

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1 ou d'autres gros bras locaux qui devaient se charger du sort des Musulmans

2 qui habitaient encore à Prijedor.

3 Mais je suis arrivé à sortir secrètement de Prijedor grâce à une agence

4 privée à Gradiska. Le chef de cette agence était Jankovic. C'était un

5 avocat local et il m'a aidé ainsi que sa femme, Ljiljana; et nous sommes

6 arrivés à le faire le 17 décembre 1992 et nous sommes arrivés à partir en

7 direction de la Croatie.

8 Question: Quand êtes-vous parti en direction de la Croatie? Etait-ce en

9 décembre 1992?

10 Réponse: Oui. C'était le 17 décembre 1992.

11 Question: Avant de partir, est-ce que vous avez dû abandonner des biens ou

12 des effets personnels à Prijedor?

13 Réponse: Oui. J'ai dû abandonner tous mes biens, mes effets personnels, et

14 ceci pour le compte de la Republika Srpska.

15 Question: Monsieur Sivac, je voudrais vous remercier, mais j'ai une

16 dernière question.

17 Vous avez déposé précédemment et vous avez également déclaré que vous

18 étiez disposé à comparaître à la barre des témoins pour une autre affaire.

19 Est-ce exact?

20 Réponse: Oui. Je considère que c'est un devoir moral, ainsi qu'en tant

21 qu'être humain, de prêter assistance à ce Tribunal pour intenter des

22 actions contre tous ceux qui ont commis des crimes dans mon pays, la

23 Bosnie-Herzégovine, quelle que soit leur appartenance ethnique.

24 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie. Il n'y a pas d'autres

25 questions.

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1 (Questions du Président au témoin, M. Nusret Sivac.)

2 M. le Président (interprétation): Merci. Je crois que l'on pourrait peut-

3 être vous poser deux questions avant de commencer le contre-interrogatoire

4 et ceci permettra à la défense d'inclure ces réponses dans le contre-

5 interrogatoire.

6 Ma première question est la suivante: je voudrais savoir si vous savez si

7 le docteur Stakic a, en fait, été démis de ses fonctions?

8 M. Sivac (interprétation): Je ne sais pas. Lorsque j'étais encore à

9 Prijedor, donc avant mon départ, je crois qu'il était encore à son poste;

10 je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.

11 Question: Donc, ceci signifie que vous avez quitté Prijedor en direction

12 de la Croatie le 17 décembre 1992. Donc, d'après vous, le docteur Stakic

13 était encore à son poste à ce moment-là?

14 Réponse: Pour être honnête, je ne sais pas exactement.

15 Question: Merci. C'est évident. Lorsque vous ne savez pas, n'hésitez pas à

16 nous le dire.

17 Ma deuxième question est la suivante: vous êtes évidemment au courant de

18 l'importance de votre témoignage et, comme vous l'avez mentionné il y a

19 quelques minutes, vous voulez prêter assistance aux Juges et à ce Tribunal

20 de façon à arriver à la vérité et à ce que justice soit rendue.

21 La justice ne peut pas être rendue sur la base de probabilités, de

22 possibilités ou de jugements non étayés. Nous devons étayer nos jugements

23 sur des documents et sur des déclarations de témoins.

24 Dans une partie de votre témoignage d'aujourd'hui… Une partie du

25 témoignage d'aujourd'hui aura peut-être un impact crucial sur cette

Page 6698

1 affaire. Par conséquent, ne vous méprenez pas lorsque je vous demande de

2 vous rappeler que vous témoignez sous serment. Par conséquent, je voudrais

3 vous demander encore une fois si vous êtes intimement convaincu que vous

4 avez vu personnellement le docteur Stakic dans le camp?

5 Réponse: Oui, j'en suis sûr.

6 Question: Vous l'avez vu, de vos yeux vu?

7 Réponse: Oui, je m'en souviens encore.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 Je pense qu'il est approprié de donner un certain temps de préparation à

10 la défense et nous pouvons peut-être commencer le contre-interrogatoire

11 demain.

12 M. Ostojic (interprétation): Oui, ceci est acceptable. Mais je ne sais pas

13 si cette Chambre d'instance voudrait parler de l'admission de la pièce qui

14 porte la cote préliminaire S243. Nous avons des objections préliminaires à

15 ce sujet. Je voudrais vous faire part de nos observations sans le témoin.

16 Si nous faisons la pause maintenant et que nous reprenons demain, il

17 serait peut-être plus poli de faire ceci en son absence.

18 M. le Président (interprétation): Eh bien, le témoin a eu une journée

19 difficile et nous comprenons qu'il est difficile de comparaître ici en

20 tant que témoin. Par conséquent, je demande à l'huissier de faire sortir

21 le témoin.

22 M. Koumjian (interprétation): Avant que le témoin ne parte, je voudrais

23 demander si la défense pense que l'on peut terminer le contre-

24 interrogatoire demain. Sinon, je voudrais vous rappeler que nous avons les

25 vacances judiciaires.

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1 M. le Président (interprétation): Le maximum serait de 50 minutes

2 supplémentaires le lendemain matin.

3 M. Ostojic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

4 Juges, je pensais que l'on pouvait continuer de 10 heures 15 à 14 heures

5 15 jeudi, ceci en fonction du calendrier qui nous a été fourni par cette

6 Chambre d'instance et que, par conséquent, nous aurions une heure et

7 demie, suite à la vidéoconférence. Et je pensais que le témoin, par le

8 biais de la vidéoconférence, pouvait continuer à comparaître. Je crois

9 qu'on en a parlé hier, si je ne m'abuse.

10 M. le Président (interprétation): Je crois que c'était de 10 heures à 12

11 heures 15, mais peut-être que la Greffière d'audience peut nous donner

12 plus d'informations.

13 Mme Anoya (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je viens de

14 recevoir un calendrier mis à jour. Malheureusement, le système ne me

15 permet pas d'ouvrir le document. Je vous demande de m'accorder quelques

16 minutes, mais j'ai eu ces informations hier après-midi.

17 M. le Président (interprétation): Nous y reviendrons, mais je pense que,

18 tout d'abord, il est approprié qu'on fasse sortir le témoin pour

19 aujourd'hui. Nous le remercions pour ce témoignage.

20 Donc je demande à Mme l'huissière de faire sortir le témoin hors de ce

21 prétoire. Merci.

22 (Le témoin, M. Nusret Sivac, est reconduit hors du prétoire.)

23 (Questions relatives à la procédure.)

24 M. le Président (interprétation): Avant d'obtenir des informations de la

25 part de la Greffière d'audience, nous allons parler de l'admission de la

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1 pièce qui porte la cote provisoire S243.

2 Peut-on entendre vos objections?

3 M. Ostojic (interprétation): Oui. Très brièvement, Monsieur le Président.

4 Les observations que je voudrais faire en ce qui concerne la pièce S243A

5 et B sont les suivantes.

6 Tout d'abord, nous conservons notre objection en matière d'authenticité de

7 la signature qui a déjà été mentionnée au Bureau du Procureur et puis, le

8 Bureau du Procureur a commencé à poser des questions au témoin. On disait

9 qu'il y avait des ordres qui avaient été donnés par les membres de la

10 cellule de crise au moment des événements et qui apparaissent dans ces

11 pièces S243A et B. Mais nulle part dans cette pièce, on ne mentionne la

12 cellule de crise.

13 Si c'est une tentative de laisser suggérer au témoin -et étant donné qu'il

14 a déposé page 43, lignes 23 à 25, et qu'il a continué à la page 54

15 également, lignes 1 à 3- que c'étaient les ordres de la cellule de crise

16 -et nous ne sommes pas en objection avec cela-, si on essayait de

17 rafraîchir la mémoire du témoin, dans ce cas-là, nous n'avons pas

18 d'objection au versement des documents.

19 Mais, en fonction de la déposition du témoin, nous pensons que ceci risque

20 également de porter à confusion et, du point de vue de la défense, nous

21 pensons que ceci ne jettera pas la lumière sur les questions qui sont

22 nécessaires pour les décisions de cette Chambre d'instance. Pour ces

23 raisons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, même si je ne veux

24 pas spéculer -et je ne pense pas que l'objectif était de rafraîchir la

25 mémoire du témoin ou de porter la confusion dans l'esprit du témoin-, nous

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1 avons une objection de la soumission de cette pièce qui porte la cote

2 provisoire S243A et B.

3 M. le Président (interprétation): Les réponses de l'accusation?

4 M. Koumjian (interprétation): Je crois que notre position est claire. Le

5 comité exécutif est un organe qui relève de l'assemblée municipale et du

6 président de l'assemblée municipale. Ceci émane de la déposition du

7 témoin.

8 Les éléments de preuve ont montré également que, dans ces périodes

9 anormales, la cellule de crise était, en fait, l'organe suprême qui

10 chapeautait le comité exécutif. Monsieur Kovacevic est la personne qui a

11 signé ce document et faisait partie de la cellule de crise. Nous pensons

12 qu'il relevait de l'autorité du docteur Stakic.

13 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, les parties peuvent, en

14 fait, se fier à la compétence des Juges à lire ces documents et à évaluer

15 ces documents à un stade ultérieur.

16 Je comprends très bien votre objection dans un système où nous travaillons

17 avec les jurys, ce qui n'est pas le cas ici. Ce serait le cas, mais dans

18 notre affaire ici, nous allons admettre ces documents comme pièces à

19 conviction portant les cotes respectives S243A et S243B.

20 En ce qui concerne le contre-interrogatoire, nous pourrons le réaliser

21 demain et jeudi. On vient de me dire que nous avons des audiences aussi

22 bien le matin que l'après-midi jeudi, mais compte tenu de circonstances

23 exceptionnelles, il serait peut-être possible et il faudra contacter les

24 personnes idoines dans ce Tribunal pour voir si l'on peut continuer un peu

25 plus longtemps.

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1 Et puis, d'après ce que Mme Dahuron m'a dit, la vidéoconférence ne durera

2 que quelques heures, à savoir de 10 heures à 12 heures 15. Donc nous

3 aurons encore du temps disponible pour le contre-interrogatoire. Nous

4 aurons certainement la possibilité de conclure le contre-interrogatoire

5 d'ici à la fin de jeudi après-midi.

6 Je ne vois aucune objection et je pense que l'on ne peut pas demander à la

7 défense de commencer le contre-interrogatoire dès maintenant, après cette

8 journée difficile.

9 Par conséquent, nous allons lever la séance jusqu'à demain 14 heures 15.

10 (L'audience est levée à 18 heures 23.)

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