Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 28 août 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 36.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour à tout le monde. J'aimerais

6 d'abord demander à la Greffière de citer l'affaire.

7 Mme Dahuron (interprétation): Affaire IT-97-24-T, le Procureur contre

8 Milomir Stakic.

9 M. le Président (interprétation): Merci. Et maintenant, je vais demander

10 que les deux parties se présentent.

11 M. Koumjian (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Nicholas Koumjian,

12 avec M. Waidyaratne et Ruth Karper pour le Bureau du Procureur.

13 M. Lukic (interprétation): Je m'appelle M. Lukic, avec John Ostojic et M.

14 Cirkovic. Je représente le client.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Mais avant de poursuivre,

16 j'aimerais remercier le secrétariat car le secrétariat, dès aujourd'hui,

17 nous a remis la liste des documents d'hier. Il n'y a aucun doute qu'au

18 cours du marathon d'hier, il y a eu un certain nombre d'erreurs qui

19 s'étaient glissées mais, maintenant, nous pouvons nous référer à cette

20 liste n°6. Ce sont les nouveaux documents et j'espère que vous l'avez

21 tous. Ils se terminent avec S276A. Il s'agit de la Gazette officielle n°1.

22 Il ne faut pas oublier non plus que, compte tenu du fait que nous avons

23 actuellement la Gazette officielle n°1, nous souhaiterions savoir ce qui

24 se passe avec la toute dernière Gazette officielle qui a été éditée avant

25 cette Gazette officielle n°2.

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1 Est-ce que vous vous souvenez qu'il y a eu un changement auquel on est

2 arrivé au niveau de l'édition de Kozarski Vjesnik?

3 Maintenant, nous aimerions savoir véritablement s'il y a ce changement ou

4 non. D'un autre côté, j'aimerais savoir également s'il s'agit de Kozarski

5 Vjesnik qui a été publié à Prijedor. C'est la raison pour laquelle je

6 demande au Bureau du Procureur de nous dire quels sont les documents dont

7 il dispose. Et ce qui nous intéresse également, c'est le tout dernier

8 Journal officiel qui a été publié avant le mois de mai 1992.

9 Au cours de l'audition de Mme Tabeau et de M. Inayat, nous allons revenir

10 à ces documents.

11 Compte tenu du fait que nous avons déjà parlé de ce que va témoigner M.

12 Inayat, je demande d'abord aux parties, éventuellement, d'organiser une

13 rencontre avec M. Inayat. Je leur pose la question si elles peuvent

14 éventuellement organiser cette rencontre pour élucider des questions qui

15 ont un caractère formel et pour que les questions, qui sont

16 substantielles, soient débattues ici, dans le prétoire.

17 Mais c'est de cette manière-là que nous pourrions exclure déjà cette

18 première étape des questions, à savoir des problèmes officieux et formels.

19 Nous ne devions pas les discuter dans le prétoire.

20 M. Ostojic (interprétation): Nous sommes parfaitement d'accord avec vous,

21 Monsieur le Président.

22 M. Koumjian (interprétation): Je pense que cela pourrait être un

23 précédant, si l'on discute avec le témoin avant qu'il soit cité à

24 comparaître dans le prétoire. Ainsi, la défense me permet de discuter avec

25 tous les témoins avant qu'ils viennent témoigner ici; ce ne serait pas mal

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1 pour moi.

2 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas cela la question. Ce n'est

3 pas d'interviewer le témoin, ce n'est pas une question qu'on vous demande,

4 ce n'est pas de le faire témoigner, plutôt de mettre au point un certain

5 nombre de questions que vous pouviez faire.

6 M. Koumjian (interprétation): En ce qui me concerne, moi, je proposerais

7 qu'on organise une rencontre avec les représentants de la défense, qu'on

8 s'informe sur la manière dont nous pouvons nous organiser et que nous

9 expliquions à la défense quelle est notre attitude en ce qui concerne ce

10 témoin.

11 M. le Président (interprétation): Moi, de toute façon, j'invite au nom des

12 Juges, de s'arranger du mieux possible pour pouvoir parler uniquement des

13 choses qui sont substantielles, essentielles, dans le prétoire, parce

14 qu'il n'y a aucun doute que M. Inayat fait partie de l'équipe d'une des

15 parties dans l'affaire en question.

16 S'il n'y a pas d'autres questions d'intendance, des questions

17 administratives à soulever, je ne crois pas qu'il y en a… Monsieur

18 Koumjian, je vous en prie, vous vouliez dire quelque chose?

19 M. Koumjian (interprétation): Je voulais tout simplement vous rappeler,

20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que, à la demande de la

21 Chambre d'instance, nous avons un certain nombre d'originaux des

22 documents.

23 Il y a d'abord le document S254, S258, S264, c'était pour Kozarski

24 Vjesnik. Ce sont des cotes temporaires. La Chambre avait demandé des

25 meilleures copies et nous les avons. Maintenant, nous pouvons les

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1 remettre.

2 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous d'abord les montrer à la

3 défense et ensuite aux Juges?

4 (Intervention de l'huissier.)

5 (La défense examine les documents.)

6 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous pouvons poursuivre?

7 Nous allons commencer d'abord avec la copie S265. Est-ce que vous êtes

8 tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'une copie qui est lisible et qu'on

9 peut travailler avec? Il s'agit d'une copie de "Kozarski Vjesnik", en date

10 du 25 septembre 1992. Il s'agit de S264B.

11 M. Lukic (interprétation): Nous acceptons qu'il s'agit là de l'original.

12 M. le Président (interprétation): D'accord. Nous avons vu, dans le compte

13 rendu, l'original. C'est marqué "Ratno Izdanje. Kozarski Vjesnik,

14 septembre 1992. 25 septembre 1992". Nous avons la page 2 et nous pouvons

15 constater qu'il s'agit de l'original. C'est de cette manière-là que nous

16 avons résolu la question.

17 (Note de l'interprète: "Ratno Izdanje" veut dire "publication de guerre".)

18 Maintenant, on va passer au document S258. Est-ce que le Procureur a

19 éventuellement un certain nombre de commentaires à ce propos et s'agissant

20 de ces deux listes?

21 M. Koumjian (interprétation): Non, Monsieur le Président. Ils étaient

22 attachés l'un avec l'autre au moment où ces documents ont été saisis. Mais

23 nous ne voyons pas, en ce moment, si la page qui portait le numéro de la

24 télécopie avait une certaine importance, mais elle a été rattachée à notre

25 ou un autre document. Il y a peut-être quelques informations au sujet du

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1 lieu de la saisie.

2 M. le Président (interprétation): Mais c'est une question qui doit être

3 posée à M. Inayat.

4 Est-ce que la défense a des questions à poser?

5 M. Lukic (interprétation): Je pense que nous allons résoudre cette

6 question-là avec M. Inayat.

7 M. le Président (interprétation): Mais nous voyons qu'il y avait les deux

8 feuilles de papier. Nous pouvons verser au dossier, maintenant, ce

9 document sous la cote S258A-1.

10 Par ailleurs, il y a également un certain nombre de données qui concernent

11 la télécopie et le document en annexe et qui porte la cote "-2", donc

12 S258A-2.

13 Pour ce qui concerne l'original, je pense que vous pouvez le remettre au

14 Bureau du Procureur.

15 Maintenant, nous allons passer à la pièce à conviction S254. Je vois, sur

16 la base de l'enregistrement, que vous n'aviez pas une meilleure copie du

17 document.

18 M. Koumjian (interprétation): Mais c'est l'original et c'est ce que nous

19 avons saisi. C'est un document qui a été saisi.

20 M. le Président (interprétation): Oui, d'accord, c'est un document qui a

21 été saisi. Je pense qu'il était déjà versé au dossier; vous pouvez me

22 corriger si je fais une erreur, s'il a été versé déjà au dossier. Donc je

23 le confirme.

24 Mais nous devrions essayer au moins de traduire le contenu du sceau qui

25 est en bas de ce document. Je vais demander de remettre le document au

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1 Procureur. Merci.

2 Est-ce que nous pouvons nous référer tout simplement à cette liste qui

3 nous reste, dans ce cas-là? Ce qui nous reste également, c'est l'original

4 du document S267. Et le document S273 n'a pas encore été admis au dossier,

5 n'est-ce pas?

6 M. Koumjian (interprétation): Je pense qu'il s'agissait des documents qui

7 ont déjà été proposés pour procéder à une analyse, analyse qui se fait en

8 dehors de ce bâtiment. Il nous faudra du temps avant de les avoir encore,

9 de nouveau, dans nos archives; c'est la raison pour laquelle nous allons

10 vérifier.

11 M. le Président (interprétation): De toute façon, il faudrait qu'on puisse

12 être en possession de ces documents avant que M. Inayat témoigne dans le

13 prétoire.

14 M. Koumjian (interprétation): Oui. Mais dans ce cas-là, nous devrions les

15 reprendre auprès des personnes qui sont en train de les analyser.

16 M. le Président (interprétation): Nous allons essayer de trouver une

17 solution. Dans un premier temps, nous avons la date précise à laquelle M.

18 Inayat viendra témoigner ici.

19 Est-ce qu'il y a encore quelques autres points que l'une des parties

20 voudrait soulever?

21 M. Ostojic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 j'ai une question qui a été soulevée par la Chambre d'instance à la fin de

23 notre session d'hier. Je pense qu'il s'agit d'une question importante à

24 laquelle on pourrait donner la réponse dès aujourd'hui.

25 La Chambre avait précisé qu'il y a un certain nombre de témoins et que ces

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1 témoins doivent venir témoigner s'ils sont convoqués par la défense, par

2 le Procureur ou par la Chambre. Nous ne voulons pas contester les droits

3 d'autres accusés qui sont ici, devant le Tribunal, tels Mrdja, le général

4 Talic ou Brdjanin. Nous avons un témoin qui, pour nous, pourrait être très

5 utile et avec lequel des représentants du Bureau du Procureur se sont déjà

6 entretenus. Le Procureur, donc, a déjà eu une conversation avec ce témoin,

7 qui est accusé à la fois... Je parle concrètement de Mme Plavsic avec

8 laquelle le Bureau du Procureur s'était entretenu. Nous pensons que son

9 témoignage pourrait avoir de l'importance pour cette affaire.

10 Si le Procureur veut alléguer l'entreprise conjointe comme chef

11 d'accusation à notre client, nous considérons que Mme Plavsic pourrait

12 être utile pour nous parce qu'elle a déjà parlé avec les représentants du

13 Bureau du Procureur; elle était accompagnée d'un avocat. Tous savent que

14 Mme Plavsic était l'un des cinq membres de la Bosnie-Herzégovine en

15 Republika Srpska et ceci, au cours de la période qui est pertinente pour

16 notre affaire.

17 Même si je ne sais pas, bien évidemment, ce que Mme Plavsic avait dit lors

18 de ces entretiens qu'elle a eus en présence de son avocat –comme je l'ai

19 dit-, il serait quand même très utile si l'on pouvait donner la réponse à

20 un certain nombre de questions fondamentales qui se posent dans le cadre

21 de notre affaire. C'est la raison pour laquelle nous demandons que le

22 Bureau du Procureur nous remette, sous forme écrite, le contenu, la teneur

23 de ce document et ceci, dans les délais raisonnables.

24 M. le Président (interprétation): Je comprends parfaitement l'attitude que

25 vous venez de nous exposer. Mais, d'un autre côté, vous devez comprendre

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1 que quand vous dites qu'éventuellement il y a un certain nombre de choses

2 qui pourraient vous être utiles, ce n'est pas suffisant. Il faudrait que

3 vous soyez un peu plus concret, il faudrait que vous puissiez nous dire de

4 quelle façon Mme Plavsic pourrait nous aider dans la recherche, dans notre

5 recherche de la vérité et de la justice dans notre affaire. Et c'est

6 pourquoi il nous serait très utile, pour pouvoir véritablement apprécier

7 l'importance de ce que vous venez de dire et pouvoir prendre la décision,

8 il nous serait très utile si la défense pouvait nous formuler, sous forme

9 écrite, ce que la défense attend de cette interview du Dr Plavsic. Dans

10 quel sens la défense pense-t-elle que ceci pourrait être pertinent pour

11 notre affaire, à quel chef d'accusation cette interview pourrait-elle se

12 référer?

13 C'est dans ce cas-là que nous allons nous adresser au Bureau du Procureur

14 ex officio, et également voir si le Procureur a l'intention ou non de

15 citer le Dr Plavsic au nom du Bureau du Procureur. Nous souhaiterions

16 savoir quand le représentant de la défense, le conseil de la défense de M.

17 Mrdja viendra à La Haye. C'est également très important pour pouvoir

18 également décider s'il est possible, s'il est nécessaire d'entendre M.

19 Mrdja également dans cette affaire.

20 M. Koumjian (interprétation): Moi, je peux dire d'une manière officieuse à

21 la Chambre... Moi, j'ai parlé avec lui. Je ne le représente pas, bien

22 évidemment, mais il a dit qu'il allait se mettre en contact avec le Greffe

23 pour se rendre la semaine prochaine à La Haye. Mais ce que je voudrais

24 également dire et rajouter, pour élucider un petit peu ce dont on parle,

25 c'est que nous allons prendre la décision, bien évidemment, qui sont les

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1 témoins..., que nous allons citer les témoins. Si la défense veut citer

2 d'autres témoins, c'est à eux de prendre la décision. Du côté du Bureau du

3 Procureur, c'est le Procureur qui va décider qui sont les témoins qui vont

4 être cités au nom du Bureau du Procureur.

5 M. le Président (interprétation): Certes, ceci ne se pose pas comme

6 question, mais nous ne souhaiterions pas, bien évidemment, imposer à l'une

7 partie ou l'autre quoi que ce soit. Et chaque partie a tout le droit de

8 convoquer ses propres témoins. Et si une partie ne souhaite pas citer tel

9 et tel témoin, c'est à nous, à ce moment-là, de le citer.

10 M. Koumjian (interprétation): Ce que je peux dire définitivement, c'est

11 que le Bureau du Procureur n'a pas l'intention de citer aux témoins qui

12 que ce soit qui a été déjà... dont l'Acte d'accusation existe devant ce

13 Tribunal.

14 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, nous avons bien compris

15 ce que vous avez dit.

16 M. Koumjian (interprétation): Dans le cas tout à fait particulier, dans

17 notre affaire, nous avons essayé de citer quelqu'un qui a été déjà...

18 contre lequel un Acte d'accusation existait.

19 M. le Président (interprétation): Oui, mais je pense que ça concernait une

20 autre municipalité.

21 M. Ostojic (interprétation): Oui.

22 M. le Président (interprétation): Mais de cette manière-là, j'avoue que je

23 suis étonné de voir que ces personnes-là ne sont pas venues pour

24 témoigner.

25 Est-ce que la défense, éventuellement, a quelque chose à rajouter

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1 également?

2 M. Ostojic (interprétation): Non, Monsieur le Président.

3 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, nous pouvons faire

4 entrer le témoin qui nous attend déjà.

5 Et puis, encore une autre question: est-ce qu'il y a quelques mesures de

6 protection que vous demandez en ce qui concerne le témoin n°2?

7 M. Waidyaratne (interprétation): Mais c'est un témoin qui n'a pas demandé

8 de mesures de protection. Il a déjà témoigné dans d'autres affaires en

9 audience publique.

10 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissier de bien

11 vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire. Il s'agit de M. Jusuf

12 Arifagic.

13 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Jusuf Arifagic. Merci, Monsieur

14 le Président.

15 (Le témoin, M. Jusuf Arifagic, est introduit dans le prétoire.)

16 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Arifagic. Est-ce que

17 vous êtes en mesure de m'entendre dans une langue que vous comprenez?

18 M. Arifagic (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): Merci. Je vous prie de bien vouloir lire

20 la déclaration solennelle.

21 M. Arifagic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez vous asseoir.

24 Vous allez à présent répondre aux questions qui vont vous être posées par

25 le représentant du Bureau du Procureur.

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1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Jusuf Arifagic, par Waidyaratne.)

2 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire votre date de naissance?

4 M. Arifagic (interprétation): Le 17 août 1961.

5 Question: Vous êtes né à Kozarac, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Votre père s'appelait ou s'appelle Dervis Arifagic, n'est-ce

8 pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Vous avez un frère et une sœur?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Ils sont tous les deux mariés?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Qu'est-ce que vous avez fait comme études? Où est-ce que vous

15 avez suivi votre scolarité?

16 Réponse: En ce qui concerne l'école primaire, je suis allé à l'école

17 primaire à Kozarac.

18 Question: Et l'école secondaire? Est-ce que vous êtes allé à l'école à

19 Prijedor?

20 Réponse: Oui. C'était une école secondaire pour les études techniques et

21 j'ai fait ces études à Prijedor.

22 Question: Est-ce que vous vous êtes spécialisé dans un domaine

23 particulier?

24 Réponse: Oui, je suis devenu technicien des machines, des engins, après

25 avoir donc terminé ces études secondaires.

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1 Question: Monsieur Arifagic, avant de continuer, vous avez dit que vous

2 aviez un frère. Est-ce que vous pouvez me donner son prénom?

3 Réponse: Mon frère s'appelle Adem Arifagic.

4 Question: Et la sœur?

5 Réponse: Emira. Et elle est mariée Causagic.

6 Question: Merci. Donc, après vos études secondaires, avez-vous fait le

7 service militaire obligatoire?

8 Réponse: Oui, j'ai fait mon service militaire obligatoire.

9 Question: Si je dis que cela s'est produit en 1980, 1981, est-ce exact?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et où avez-vous fait votre service militaire?

12 Réponse: A Pancevo, près de Belgrade. Et, pour une partie de ce service

13 qui était moins importante, je l'ai faite à Belgrade.

14 Question: En Serbie?

15 Réponse: Oui.

16 Question: S'agissait-il d'une unité spécialisée? Est-ce que vous avez

17 suivi une formation spécialisée au cours de votre service militaire?

18 Réponse: Oui. Il s'agissait de l'infanterie d'une unité spécialisée anti-

19 diversion, anti-sabotage, dans le cadre du quartier général de l'armée

20 yougoslave populaire.

21 Question: Après ce service obligatoire, est-ce que vous êtes devenu membre

22 de la réserve?

23 Réponse: Non.

24 Question: Après votre service militaire, est-ce que vous avez eu un

25 emploi?

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1 Réponse: Oui. J'ai commencé à travailler en Croatie; j'ai travaillé dans

2 une entreprise croate. J'ai été contremaître; je m'occupais plus

3 particulièrement de la protection de corrosion, ou anti-corrosion.

4 Question: Et après votre travail en Croatie, vous avez continué à

5 travailler dans la même branche et vous êtes allé travailler en Lybie, où

6 vous êtes resté pendant 5 ans et demi?

7 Réponse: Oui, c'est exact.

8 Question: Entre-temps, pendant toute cette période-là, vous reveniez à

9 Kozarac, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui. Je revenais tout les quatre ou six mois pour les vacances,

11 les congés. Et je passais les congés à Kozarac.

12 Question: Et vous habitiez avec vos parents. En 1986, vous vous mariez,

13 n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Vous avez un enfant de ce mariage?

16 Réponse: Oui. Une fille.

17 Question: Et donc vous habitez dans la maison de vos parents, avec vos

18 parents?

19 Réponse: Oui. C'est exact. A Kozarac.

20 Question: Monsieur Arifagic, pourriez-vous m'expliquer pour quelles

21 raisons retournez-vous à Kozarac en 1991? Et pendant combien de temps vous

22 y restez?

23 Réponse: Je suis retourné à Kozarac en 1991, au mois de décembre, en ayant

24 pour but de construire une maison de famille. Et je suis resté à Kozarac

25 jusqu'au début de la guerre, c'est-à-dire à partir du mois de décembre

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1 1991 jusqu'au début 1992. J'ai commencé à construire ma maison de famille.

2 Et à peu près au mois de mars, c'est-à-dire juste avant le conflit, j'ai

3 déménagé dans cette nouvelle maison avec ma famille. C'était la raison

4 pour laquelle j'avais pris des vacances quelque peu prolongées pour

5 construire cette maison et pour emménager dans cette nouvelle maison, avec

6 ma famille.

7 Question: Pour être plus précis, au cours des années 1991 et 1992, est-ce

8 que vous étiez impliqué dans la vie politique pendant que vous étiez à

9 Kozarac?

10 Réponse: Non.

11 Question: Vous n'étiez membre d'aucun parti politique?

12 Réponse: Non.

13 Question: Est-ce que je peux vous poser la question suivante -et vous

14 pouvez ne pas répondre: est-ce que vous avez voté aux élections, les

15 dernières élections tenues à Kozarac en 1991 et 1992? En 1990, je me

16 reprends. Excusez-moi.

17 Réponse: Non.

18 Question: Maintenant, nous allons parler d'une autre région. Nous allons

19 parler de Kozarac.

20 Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la composition ethnique

21 des villages de Kozarac?

22 Réponse: Pour la majorité, c'étaient les Bosniens, les Musulmans 86% à peu

23 près, 87%. Et pour les autres, eh bien, il y avait 1 ou 2% des Serbes, et

24 un tout petit pourcentage de Croates, des catholiques.

25 Question: Donc, à Kozarac, c'est une région qui comprend pas mal de

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1 villages et de hameaux où habitent majoritairement les Musulmans, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Donc, dans ce village, il y a Kamicani, Kevljani, Babici,

5 Hrnici, etc. Est-ce exact?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Monsieur Arifagic, saviez-vous si ce village qui faisait partie

8 de cette région, saviez-vous quel était ce village qui faisait partie de

9 la région de Kozarac, qui se trouvait autour de la région de Kozarac?

10 Réponse: Oui. Je connaissais ce village.

11 Question: Est-ce qu'il s'agissait de village serbe ou de village où

12 habitait une population en majorité une population serbe?

13 Réponse: Oui. Dans ce village habitaient majoritairement les Serbes, des

14 populations serbes, alors qu'il y avait un village où habitaient des

15 catholiques.

16 Question: Pourriez-vous nous donner les noms de ces villages aux alentours

17 de Kozarac?

18 Réponse: Vidovici, Lamovita, Omarska, Balte, Tomacice, Jaruge, Orlovci,

19 Gornji Donji, Jaruge, Maricka.

20 Question: Je vais attirer votre attention sur un autre sujet. Il s'agit de

21 l'année 1992, les débuts de l'année 1992. Donc, au mois de janvier, vous

22 étiez à Kozarac.

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que vous avez pu remarquer des changements qui auraient

25 pu se produire à ce moment et qui auraient pu mener à la prise de la ville

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1 qui a eu lieu au mois d'avril; donc, plus précisément, des changements aux

2 niveaux militaire et politique que vous auriez pu remarquer?

3 Réponse: Ce que j'ai remarqué, eh bien, c'était au niveau militaire

4 surtout. A l'époque, ce n'était pas l'habitude. Mais à partir du mois de

5 janvier 1992, il y a eu des mouvements de troupes de la JNA, des colonnes

6 militaires; c'est-à-dire que l'armée yougoslave, en se retirant de

7 Croatie, a stationné un grand nombre de ses unités aux alentours de

8 Kozarac et de Prijedor. Et souvent, on a pu croiser ces colonnes qui

9 passaient par la route qui reliait Prijedor et Banja Luka. Une partie des

10 convois a stationné près de Mrakovica, du monument Mrakovica dans le

11 village de Benkovac.

12 Et quotidiennement, on pouvait rencontrer des Serbes de la région qui

13 circulaient armés dans les villages en retournant des régions en guerre à

14 Pakrac, Lipik, etc. Ils étaient souvent armés et ils étaient en état

15 d'ébriété. Souvent, les habitants de Kozarac étaient vraiment irrités car

16 ils sortaient leurs grenades à main, ils étaient prêts à tirer des rafales

17 en l'air. Ce n'était pas normal; c'était un comportement qui, auparavant,

18 n'était pas habituel en Bosnie-Herzégovine.

19 Question: Est-ce que vous avez pu remarquer que des Serbes s'armaient,

20 dans la région?

21 Réponse: Oui. En réalité, ils étaient déjà armés. Le plus grand nombre de

22 Serbes de la région, déjà en 1991, étaient armés; nous l'avons vu. Ils

23 faisaient déjà partie de la 5e Brigade de Kozarac. Ils ont participé au

24 conflit à Pakrac, Lipik et ils venaient passer leurs permissions à

25 Kozarac.

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1 Donc ils venaient passer leurs permissions armés et les citoyens étaient

2 vraiment irrités par cela car on pouvait entendre des tirs, la nuit. La

3 situation n'était pas sûre pour la population. La population se sentait en

4 insécurité.

5 Question: Donc quelle était la nature de la cohabitation entre les

6 populations serbe et musulmane, à l'époque? Avez-vous pu remarquer un

7 changement quelconque en ce qui concerne les contacts, les liens?

8 Réponse: Eh bien, cela relevait surtout de la communication; de leur façon

9 de nous parler. Par exemple, ils nous traitaient toujours de déserteurs,

10 ils nous disaient qu'il serait normal que l'on participe à la guerre en

11 Croatie pour préserver la Yougoslavie et que, eux, ils allaient préserver

12 la Yougoslavie. Tout simplement, on nous traitait d'Oustachis, de

13 déserteurs, de traîtres de la Yougoslavie, nous, les Musulmans.

14 Question: Au cours de cette période-là, Monsieur le Témoin, quels

15 changements ou développements avez-vous pu remarquer à la télévision ou à

16 la radio, dans le programme que vous regardiez?

17 Réponse: Ce que j'ai pu remarquer, c'était, je pense, à peu près au mois

18 de février, fin février… Eh bien, nous, nous avions l'habitude de regarder

19 la télévision de Bosnie-Herzégovine, la télévision Sarajevo. Et par

20 exemple, on pouvait aussi regarder le programme venant de Croatie. Et du

21 jour au lendemain, tout cela a disparu. Tout ce que l'on pouvait regarder,

22 c'était le programme de Banja Luka et de Belgrade.

23 On nous a expliqué cela en indiquant que la JNA avait pris le relais

24 télévision qui se trouvait à Kozarac, sur la montagne de Kozara, qu'une

25 SAO de Banja Luka a été créée et qu'il fallait que l'on regarde leurs

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1 programmes télévision venant de Banja Luka et de Belgrade. Donc on a

2 commencé à suivre des programmes qu'on n'avait pas l'habitude de regarder

3 avant.

4 Par exemple, si vous regardiez la musique, tout à coup on a commencé à

5 écouter des chansons qui étaient interdites pendant une cinquantaine

6 d'années. Et l'on interviewait des dirigeants du parti SDS, par exemple,

7 majoritairement. A chaque fois, on disait qu'on allait préserver la

8 Yougoslavie, que la JNA était prête à intervenir, qu'il s'agissait de son

9 droit constitutionnel, que les Musulmans et les Croates étaient des

10 Oustachis, et qu'ils voulaient détruire la Yougoslavie.

11 Question: Monsieur Arifagic, tout à l'heure, dans votre réponse, vous avez

12 dit qu'il y a eu des interviews de dirigeants politique du SDS. Est-ce que

13 vous vous souvenez d'un dirigeant particulier de ce parti, du parti SDS,

14 que vous auriez pu voir à la télévision?

15 Réponse: Eh bien, je vous ai déjà dit que je n'étais pas versé dans la

16 politique, alors je n'en connaissais pas beaucoup. C'étaient des

17 dirigeants du SDS à Banja Luka, ou de Prijedor, mais pour une moindre

18 partie. C'étaient les dirigeants du SDS, c'est tout ce que je sais.

19 Question: Je vais aller un petit peu plus loin. Au cours du mois de

20 février 1992, avez-vous pu remarquer des mouvements d'hélicoptères dans la

21 région de Kozarac et ses environs?

22 Réponse: Oui. Il y a eu beaucoup d'hélicoptères qui volaient au niveau de

23 la montagne Kozara et, à une occasion, j'ai vu un hélicoptère atterrir

24 dans un village serbe, Balte.

25 Question: Avez-vous appris la raison pour laquelle il y avait ces

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1 hélicoptères dans la région et la raison pour laquelle cet hélicoptère a

2 atterri dans le village de Balte?

3 Réponse: Eh bien, nous avons appris que cet hélicoptère avait apporté des

4 munitions à Balte pour armer la population du village.

5 Question: Vous voulez dire les Serbes, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui, exactement.

7 Question: En ce qui concerne ce village, Balte, c'est un village qui était

8 à la frontière de Kozarac, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et comment définissez-vous ce village? Est-ce que c'était un

11 village à majorité serbe, non serbe?

12 Réponse: En ce qui concerne le village de Balte, il n'y avait que des

13 Serbes qui y habitaient.

14 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je souhaite à

15 présent utiliser la carte S14.

16 M. le Président (interprétation): Bien sûr. Je vais demander à l'huissier

17 de vous aider.

18 (Intervention de l'huissier.)

19 Je ne veux pas être impoli, mais nous avons entendu auparavant beaucoup

20 d'informations similaires et, par conséquent, je vais vous demander de

21 vous concentrer sur les questions cruciales pour lesquelles nous avons

22 fait venir ce témoin pour qu'il nous donne des informations nouvelles,

23 supplémentaires. Donc je vais vous demander de rentrer directement dans le

24 détail et de ne pas permettre les réponses formulées d'après nos sources,

25 alors que vous ne demandez pas quelles sont ces sources.

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1 Par exemple, il dit que la population locale veut dire qu'il s'agissait

2 des Serbes et vous avez la réponse "oui". Je pense que cela ne nous aide

3 pas beaucoup. Je pense que vous devez être plus concret, plus précis dans

4 vos questions.

5 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, je vais m'y efforcer, Monsieur le

6 Président. Merci.

7 Monsieur Arifagic, pourriez-vous, s'il vous plaît, montrer aux Juges où se

8 trouve ce village, Balte?

9 Vous pouvez regarder la carte sur le rétroprojecteur pour nous dire où se

10 trouve ce village, Balte.

11 (Le témoin s'exécute.)

12 Est-ce l'endroit que vous êtes en train de montrer?

13 M. Arifagic (interprétation): Oui, c'est ici.

14 M. Waidyaratne (interprétation): A quelle distance se trouve le village de

15 Balte par rapport à Kozarac?

16 M. Arifagic (interprétation): A vol d'oiseau, le village de Balte était

17 éloigné, par rapport à ma maison, de 1 kilomètre ou 1,5 kilomètre.

18 M. le Président (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre. Est-ce

19 que nous parlons de Balte-haut ou Balte-bas?

20 M. Waidyaratne (interprétation): Sur la carte, on voyait "G" Balte. Est-ce

21 que cela veut dire "Balte le haut" ou "Haut-Balte"?

22 M. Arifagic (interprétation): Oui, il s'agit de haut-Balte et bas-Balte,

23 mais c'est un tout petit village et ça fait un tout.

24 Question: Qu'est-ce cela veut dire, "Balte-le-haut" et "Balte-le-bas"?

25 Réponse: Balte-le-haut se trouve plutôt vers Kozara, la montagne, alors

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1 que Balte-le-bas se trouve plus près de Kamicani.

2 Question: Merci. Vous avez aussi parlé de Benkovac. Pourriez-vous déplier

3 la carte, s'il vous plaît?

4 Est-ce que vous pourriez aussi nous montrer Mrakovica? Quelle est la

5 distance qui sépare Mrakovica de Kozarac, s'il vous plaît?

6 Réponse: Douze kilomètres.

7 Question: Et j'en profite pour vous demander de nous montrer Javori, le

8 village Javori.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Vous le voyez sur la carte?

11 Réponse: Non, non, je ne vois pas ce village, je ne vois pas le nom de ce

12 village sur la carte.

13 Question: Ce village se trouve à quelle distance de Kozarac?

14 Réponse: A partir du centre de Kozarac jusqu'à Javori, il y a à peu près

15 trois kilomètres et demi. Non, trois kilomètres.

16 Question: Nous parlions du village de Balte et de sa population. Et vous

17 avez dit que ce village était habité principalement par des Serbes, n'est-

18 ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et, au cours de votre réponse précédente, quand vous parliez de

21 l'armement de la population serbe, vous avez dit "d'après nos sources".

22 Pourriez-vous nous dire comment vous avez appris cela, quelles étaient vos

23 sources?

24 Réponse: Je pense que, même à une occasion, on a informé la police de

25 Kozarac du fait qu'un hélicoptère a atterri à Balte et qu'il distribuait

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1 des armes, et donc ils ont voulu intervenir. Mais on les a empêchés et ils

2 ont fait demi-tour.

3 Question: Qui vous a dit cela?

4 Réponse: Mon cousin qui travaillait au sein de la police de Kozarac. Je

5 pense qu'il faisait partie justement de la patrouille qui y est allée.

6 Après, on en a parlé et il m'a dit qu'ils étaient en train d'armer Balte

7 et les villages environnants, qu'on leur a demandé d'intervenir, mais

8 qu'on les a empêchés d'entrer dans le village. Et donc, c'est pour cela

9 qu'ils sont revenus sur leurs pas.

10 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Arifagic, vous avez parlé de

11 votre cousin qui travaillait dans la police. Est-ce que vous pourriez nous

12 donner son nom?

13 M. le Président (interprétation): Pourrions-nous passer à huis clos

14 partiel, s'il vous plaît?

15 (Audience à huis clos partiel à 10 heures 32.)

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3 (Audience publique à 10 heures 36.)

4 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre.

5 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Arifagic, avez-vous appris que

6 les Serbes avaient pris le pouvoir dans la municipalité de Prijedor?

7 M. Arifagic (interprétation): Oui.

8 Question: Est-il exact que cette prise de pouvoir a eu lieu le 30 avril

9 1992?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Après la prise de pouvoir par les Serbes le 30 avril 1992, avez-

12 vous entendu, avez-vous vu quelque chose en particulier?

13 Réponse: Les explications qu'on nous a données sont les suivantes: on nous

14 a dit que tous les policiers qui, jusqu'à présent, avaient travaillé au

15 poste de police de Prijedor, avaient été désarmés et avaient dû quitter

16 leur emploi, que le SDS avait dû quitter le pouvoir à Prijedor. Et ils ont

17 convaincu toute la population de la municipalité de Prijedor qu'ils

18 n'avaient rien à craindre, que leur sécurité était garantie et que tout

19 allait bien. La population des villages avoisinants était essentiellement

20 musulmane et croate et ils ont tous dû... On leur a demandé de signer une

21 déclaration d'allégeance.

22 Question: Et comment avez-vous appris que les non-Serbes devaient signer

23 des serments d'allégeance?

24 Réponse: Cette information a été diffusée à la radio et à la télévision

25 locale quotidiennement; essentiellement à la radio. On disait que la

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1 population locale devait signer des serments d'allégeance et l'on

2 demandait la même chose aux policiers qui avaient été désarmés; on leur a

3 dit que s'ils signaient cette déclaration d'allégeance envers le SDS et

4 les autorités de Prijedor, ils pourraient rester et continuer à travailler

5 pour la police.

6 Question: Est-ce qu'ils disaient ce qui se passerait s'ils ne signaient

7 pas cette déclaration d'allégeance?

8 Réponse: Ceux qui ne signaient pas cette déclaration d'allégeance devaient

9 restituer leurs armes, qu'ils possèdent ces armes de façon légale ou non;

10 ces armes comprenaient des fusils de chasse et toutes sortes d'armes.

11 S'ils ne le faisaient pas, la JNA prendrait le contrôle de la région et il

12 y aurait alors une attaque.

13 Question: Monsieur Arifagic, vous avez dit, en réponse à une questions qui

14 vous a été posée précédemment, que les populations musulmane et croate

15 avaient dû signer une déclaration d'allégeance aux autorités du SDS à

16 Prijedor. Pourriez-vous nous mentionner le nom de certaines de ces

17 personnes qui faisaient partie des autorités de Prijedor?

18 Réponse: Je ne peux vous mentionner que très peu de noms, seulement ceux

19 qui ont été diffusés à la radio: par exemple, le nom de Simo Drljaca et de

20 Radmilo Zeljaja. On a également mentionné le nom de M. Kovacevic.

21 Question: Avez-vous entendu les noms de membres de la cellule de crise, au

22 cours de ces annonces à la radio?

23 Réponse: Oui, probablement.

24 Question: Pourriez-vous mentionner d'autres noms que ceux que vous avez

25 déjà mentionnés?

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1 Réponse: Non, pas pour le moment.

2 Question: Et en ce qui vous concerne, qu'avez-vous fait? Est-ce que vous

3 vous êtes conformé aux exigences du SDS de Prijedor? Est-ce que vous-même,

4 vous avez signé une déclaration d'allégeance?

5 Réponse: Non.

6 Question: Est-ce que la population majoritaire à Kozarac a été d'accord et

7 a décidé de respecter les exigences des nouvelles autorités serbes de

8 Prijedor?

9 Réponse: Si vous parlez de signer une déclaration d'allégeance, non, nous

10 n'étions pas prêts à faire une telle chose. Nous essayions, à l'époque,

11 toujours, de suivre les instructions qui nous venaient du gouvernement de

12 Sarajevo. Nous étions en contact avec des gens, des personnes qui avaient

13 été élues au cours des dernières élections pour être des représentants

14 locaux du gouvernement au niveau local. Nous avions des conversations

15 régulières avec ces personnes; ils nous demandaient notre opinion. Et la

16 population de Kozarac, la majorité des gens ne voulaient pas signer de

17 déclaration d'allégeance. Nous répétions tout le temps que nous ne

18 voulions attaquer personne, nous voulions simplement rester chez nous et

19 continuer à vivre normalement.

20 Question: Que pensez-vous qu'il se serait passé si vous n'aviez pas signé

21 de déclaration?

22 Réponse: A l'époque, nous ne savions pas ce qui se passerait, mais nous

23 avions appris que certains villages avaient effectivement signé des

24 déclarations d'allégeance et qu'ils avaient remis leurs armes mais que,

25 malgré cela, ils avaient été attaqués, par la suite.

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1 Question: Est-ce que des représentants locaux vous avaient parlé de

2 personnes de Kozarac et d'autres régions? Est-ce que ces personnes se sont

3 entretenues avec les nouvelles autorités en place à Prijedor?

4 Réponse: Oui. Oui, ils étaient en contact permanent. Ils essayaient de

5 parvenir à un accord. Ils essayaient de transmettre, de faire savoir

6 l'opinion des citoyens de Kozarac, d'expliquer la situation et de leur

7 dire que nous n'avions l'intention d'attaquer personne, que la seule chose

8 que nous voulions était de rester à Kozarac et que nous ne pouvions pas

9 signer de déclaration d'allégeance envers une autorité qui venait juste

10 d'être mise en place et qui était supposée être chargée de notre région.

11 Question: Dans votre réponse, vous avez utilisé les termes suivants: "Ils

12 voulaient expliquer la situation selon laquelle nous pouvions garantir,

13 nous, les gens de Kozarac, que nous n'attaquerions personne". Quand vous

14 dites "ils", vous parlez des autorités de Prijedor?

15 Réponse: Oui, les autorités de Prijedor. Nous voulions simplement dire...

16 notre message était que, en ce qui concerne la population de Kozarac,

17 aucun d'entre nous ne voulait attaquer les villages environnants. Nous

18 avons également dit que nous ne voulions pas signer de déclaration

19 d'allégeance envers le SDS à Prijedor, parce que nous pensions que la

20 Bosnie-Herzégovine existait en tant qu'Etat et que les gens qui habitaient

21 sur ce territoire devaient se montrer loyaux envers le gouvernement de

22 Sarajevo et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

23 Question: Monsieur Arifagic, qui sont ces personnes, au sein des autorités

24 locales ou de Kozarac, qui étaient en contact avec les autorités à

25 Prijedor?

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1 Réponse: Si l'on parle de la situation politique, il s'agissait de Becir

2 Medunjanin et de Besim Alic, de personnes qui étaient à la tête du SDS et

3 qui avaient été nommées à des postes officiels à Kozarac au cours des

4 dernières élections.

5 Si l'on parle de la police de Kozarac, alors le chef de la police à

6 Kozarac, le commandant du poste de police de Kozarac était Osme. Il y

7 avait une autre personne qui avait quitté la JNA avant ces événements et

8 il était probablement... Il s'agit du capitaine Sead Cirkin qui, jusque-

9 là, avait été un policier d'active au sein de la JNA.

10 Question: Monsieur Arifagic, dans votre réponse, votre dernière réponse,

11 vous avez affirmé la chose suivante: "Les gens qui se trouvaient à la tête

12 du SDS, qui avaient été nommés à des positions officielles à Kozarac...".

13 Vous vouliez dire le SDA et non pas le SDS, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui, je voulais dire le SDA.

15 Question: Connaissiez-vous des gens au sein des autorités de Prijedor?

16 Connaissez-vous le nom de personnes qui ont été contactées par les

17 Musulmans ou par les gens de Kozarac? Qui étaient les gens de Prijedor?

18 Réponse: Je pense que le commandant du poste de police de Kozarac a

19 seulement eu des contacts avec le commandant du poste de police de

20 Prijedor, Simo Drljaca; je pense qu'il s'appelait comme cela. Mais, la

21 plupart du temps, les contacts avaient lieu avec Radmilo Zeljaja, autant

22 que je le sache. Il y avait certainement d'autres contacts avec d'autres

23 personnes, mais je n'ai aucune information à ce sujet.

24 Question: Avant que nous passions à un autre sujet, pouvez-vous nous dire

25 qui vous a parlé de ce qui se passait au sein des autorités de Prijedor?

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1 S'agissait-il de personnes que vous avez déjà mentionnées, comme par

2 exemple Becir Medunjanin et Besim Alic?

3 Réponse: Oui, il s'agissait des personnes que vous venez de mentionner.

4 Après chaque réunion avec les représentants du SDS, à chaque fois qu'ils

5 obtenaient de nouvelles informations, ils tentaient de diffuser ces

6 informations auprès des gens sur le terrain et de débattre de la

7 situation. Ils voulaient l'opinion des gens de Kozarac; ils voulaient

8 savoir s'ils étaient prêts à accepter les conditions qui étaient posées et

9 s'ils étaient prêts à signer une déclaration d'allégeance. Ils voulaient

10 savoir ce qu'il en était des débats à venir avec les autorités à Prijedor,

11 et la stratégie qu'ils comptaient adopter dépendait beaucoup de notre

12 opinion.

13 Question: Vous vous souvenez que l'attaque contre Kozarac a eu lieu le 24

14 mai 1992?

15 Réponse: Oui, c'est exact.

16 Question: Et avant cela, avant la prise de Prijedor, la prise de pouvoir à

17 Prijedor a eu lieu le 30 avril, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Donc entre le 30 avril et le 24 mai, est-ce que vous-même vous

20 avez participé à des gardes, à quelque moment que ce soit?

21 Réponse: Après la prise de contrôle à Prijedor, nous avons essayé de nous

22 organiser un petit peu. La population de Kozarac voulait essayer de

23 contrôler les environs de Kozarac. Nous voulions nous protéger et éviter

24 qu'il y ait des incursions à l'intérieur de la région de Kozarac.

25 Question: Et où vous trouviez-vous? Où est-ce que vous montiez ces gardes?

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1 Réponse: Je me trouvais avec un groupe de personnes dans le village de

2 Javori.

3 Nous étions à l'extérieur, presque, de Javori; il s'agit du dernier

4 village avant le village de Balte. Nous nous tenions à des postes de

5 garde, là, et nous essayions d'empêcher des attaques contre cette zone et

6 d'éviter qu'il se passe des événements pénibles.

7 Question: Est-ce que vous étiez armés?

8 Réponse: Nous étions essentiellement armés de fusils de chasse. Certaines

9 personnes disposaient de pistolets mais, généralement, si vous possédiez

10 un fusil de chasse, vous étiez alors en charge d'essayer de contrôler la

11 situation. Et après chaque tour de garde, les fusils de chasse étaient

12 laissés aux personnes qui prenaient la relève.

13 Question: Combien de personnes participaient à ces tours de garde?

14 Réponse: Peut-être cinq, six, dix, au sein de mon groupe.

15 Question: S'agissant du 24 mai 1992, est-ce que vous vous souvenez de

16 l'attaque ou du bombardement de Kozarac?

17 Réponse: Oui. Je me trouvais là, dans le village de Javori, à 1 heure du

18 matin. Nous avons entendu des coups de feu. Il s'agissait d'armes

19 automatiques, des tirs d'armes automatiques qui venaient des villages

20 avoisinants. Cela a duré environ cinq, dix minutes et ensuite, le silence

21 est revenu.

22 Question: Et combien de personnes se trouvaient avec vous, à ce moment-là?

23 Réponse: Cinq ou six. Cinq ou six personnes faisaient partie de ce groupe.

24 Question: Combien de temps est-ce que ce bombardement ou ces tirs ont

25 duré?

Page 7073

1 Réponse: Cela a duré cinq à dix minutes et, ensuite, la situation s'est

2 calmée et cela a repris. Les tirs ont repris le matin.

3 Question: Combien de temps est-ce que cela a duré?

4 Réponse: Kozarac a été bombardée pendant 48 heures environ, de façon

5 continue. Il y avait des tirs d'obus qui venaient de différents côtés. Au

6 total, je pense que cela a duré 48 heures.

7 Question: C'est-à-dire que cela a duré jusqu'au 26 mai 1992, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui, c'est à peu près cela, oui.

9 Question: Est-ce qu'il y a eu des victimes?

10 Réponse: Alors que je me trouvais dans ce village, un obus est tombé et

11 six personnes ont été tuées. Ces personnes se trouvaient ensemble, étaient

12 assises ensemble près du village et l'obus est tombé juste au milieu de ce

13 groupe de personnes. Et tous ont été tués.

14 Question: Saviez-vous ce qui se passait dans d'autres secteurs de Kozarac?

15 Réponse: Je sais qu'il y avait des tirs qui venaient de différentes

16 directions et qu'il y avait des tirs d'artillerie depuis Omarska, et que

17 les civils qui essayaient de protéger les villages de Jakupovic et

18 Kamicani étaient en train de se retirer vers Kozarac. C'est ce qui se

19 passait également à Kozaruca. Donc toute la population de Kozarac et des

20 villages avoisinants se retirait vers le centre de Kozarac.

21 Question: Et qu'est-ce que vous faisiez, à Javori?

22 Réponse: Nous avions déjà réalisé que Kozarac serait prise et donc, un de

23 mes amis qui était policier de réserve et moi-même, nous avons décidé de

24 nous rendre dans un motel qui se trouverait près du village. C'est là que

25 se trouvait à présent l'hôpital de Kozarac. Il y avait énormément de

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1 personnes blessées qui se trouvaient là. Et j'ai essayé de trouver Becir

2 Medunjanin et Sead Cirkin afin de voir ce que nous devions faire, mais on

3 m'a dit que le personnel qui se trouvait là, ne savait pas où se trouvait

4 Becir.

5 Les autorités de Prijedor ont dit à la police de Kozarac de rendre leurs

6 armes et leur ont dit que les personnes blessées seraient admises à

7 l'hôpital de Prijedor.

8 Par la suite, je suis rentré au village de Javori et j'ai dit aux gens ce

9 qui se passait. Nous avons décidé alors de quitter le village et de nous

10 retirer vers le centre de Kozarac.

11 Question: Le 26 mai 1992, dans la soirée, est-ce que de nombreuses

12 personnes de Kozarac se sont rendues?

13 Réponse: Oui, la plupart de la population de Kozarac a décidé de se

14 rendre; ils ont quitté le centre de la ville. Mais il y avait entre 5.000

15 et 10.000 civils qui y habitaient, qui habitaient dans une partie de

16 Kozarac -des femmes, des enfants- et qui étaient cachés dans les caves des

17 maisons, là-bas. L'armée avait déjà pénétré dans le centre de Kozarac. Il

18 y avait un endroit qui s'appelait Stari Grad, au centre de Kozarac. Et

19 j'ai parlé avec mon cousin Hamdija, de ce qu'il convenait de faire.

20 Il m'a répondu que si les bombardements continuaient, un nombre important

21 de civils, de femmes et d'enfants seraient probablement tués. Il

22 travaillait en tant que policier, il se sentait responsable et il pensait

23 qu'il devait faire quelque chose. Et de l'endroit où nous nous trouvions,

24 à ce stade, il a vu un char serbe conduit par Zoran Karlica, un homme

25 qu'il connaissait très bien.

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1 Il a décidé de faire un drapeau blanc. Il a conduit une moto et s'est

2 dirigé vers ce char. Et, d'après ce que je pouvais voir, il parlait à

3 Zoran Karlica qui se trouvait dans ce char. Lorsqu'il est revenu, il m'a

4 dit qu'il avait reçu l'ordre de prendre sa voiture, d'emmener sa femme et

5 ses enfants, de former un convoi et de diriger ce convoi. Et voilà!

6 Question: Savez-vous où s'est rendu ce convoi et savez-vous ce qu'il est

7 advenu des personnes qui faisaient partie de ce convoi?

8 Réponse: On lui a dit que tous ceux qui voulaient se rendre pouvaient se

9 joindre au convoi, qu'il y aurait un cessez-le-feu pendant cette période.

10 Donc un certain nombre de personnes l'ont suivi et se sont rendues. J'ai

11 appris qu'ils avaient atteint la route principale qui sépare Banja Luka de

12 Prijedor.

13 Ensuite, les hommes, les femmes et les enfants ont été séparés. Les femmes

14 et les enfants ont été conduits au camp de Trnopolje, et les hommes aux

15 camps de Keraterm et d'Omarska.

16 M. Waidyaratne (interprétation): Très bien. Est-ce que nous pourrions

17 avoir une pause, s'il vous plaît?

18 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause jusqu'à 11

19 heures et demie.

20 (Le témoin, M. Jusuf Arifagic, est reconduit hors du prétoire.)

21 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 40.)

22 (Questions relatives à la procédure.)

23 M. le Président (interprétation): J'ai demandé à ce que le témoin ne soit

24 pas présent au début de l'audience.

25 Je ne sais pas vraiment pourquoi aucune des parties n'a demandé à ce qu'on

Page 7076

1 entende ce témoin en vertu de l'Article 92bis. On peut voir cette mention

2 de 92bis sur sa déclaration, mais nous avons vérifié pendant la pause et

3 aucune demande n'a été faite aux fins de l'entendre en vertu de l'Article

4 92 bis. Pourrait-on en connaître la raison?

5 Est-il possible -et je souhaiterais exprimer cette demande-, est-il

6 possible de se concentrer sur les questions qui n'ont pas encore été

7 abordées à l'envi par des témoins? Cela ne signifie pas, bien entendu, que

8 nous soyons convaincus de la véracité de tout ce qui a été dit par les

9 témoins déjà entendus, mais il convient d'éviter au maximum les

10 répétitions. C'est pourquoi il faut que nous nous concentrions sur

11 l'essentiel et que ce soit une préoccupation pour nous, à l'avenir.

12 J'espère que cela sera possible pour vous.

13 En tout cas, j'aimerais bien que vous puissiez nous expliquer pourquoi on

14 nous ne nous a pas présenté de demande pour ce témoin afin qu'il soit

15 entendu par le biais de l'Article 92bis. Est-ce qu'il y a des informations

16 essentielles qu'il doit nous communiquer?

17 M. Waidyaratne (interprétation): Etant donné que c'est moi qui interroge

18 ce témoin, je vais vous répondre.

19 Moi aussi, j'ai constaté que nous avions initialement dit que ce serait un

20 témoin 92bis, mais nous n'avons pas fait une requête dans ce sens. Comme

21 vous l'avez constaté dans les documents 65ter, on a constaté qu'il va

22 déposer au sujet de cette question que j'ai abordée avec lui; il va parler

23 également du camp de Keraterm. Il va parler des paragraphes 46 et 47, de

24 massacres qui ont eu lieu à Keraterm et dont aucun témoin n'a encore

25 parlé.

Page 7077

1 M. le Président (interprétation): Oui. Cela, on s'en rend compte déjà à la

2 lecture du résumé. Mais je pense qu'il est inutile de s'attarder encore

3 une fois sur la prise de contrôle de la chaîne de télévision de Kozarac;

4 il est inutile de se demander si cela s'est passé ou pas. Et il est

5 inutile d'aborder toutes les questions, tous les événements qui ont eu

6 lieu à Kozarac et aux alentours.

7 C'est pourquoi je souhaiterais, dans la mesure du possible, bien entendu,

8 sans pouvoir vous limiter formellement, parce qu'il est possible que vous

9 estimiez que le témoin peut nous apporter des éléments supplémentaires

10 s'agissant de Kozarac, mais je souhaiterais donc vous demander de vous

11 concentrer, dans vos questions, sur ce qui s'est passé à Keraterm.

12 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, je vais m'y conformer. J'ai essayé

13 au maximum de le faire, mais il arrive que le témoin parle d'autres

14 sujets. Mais c'est dans cet esprit que j'ai posé mes questions. En tout

15 cas, je vais m'efforcer au maximum de limiter mon interrogatoire à ces

16 questions qui intéressent en premier chef la Chambre.

17 M. le Président (interprétation): Merci. Je vais donc maintenant demander

18 que l'on fasse entrer le témoin.

19 (Le témoin, M. Jusuf Arifagic, est introduit dans le prétoire.)

20 Je donne la parole à l'accusation.

21 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. Jusuf Arifagic, par M.

22 Waidyaratne.)

23 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

24 Avant de commencer, les interprètes m'ont demandé de dire au témoin qu'il

25 fallait qu'il ralentisse un petit peu son débit. Je ne sais pas si c'est

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1 moi qui dois le faire ou si je peux le faire moi-même. Bien. Je vais le

2 faire moi-même.

3 Donc, Monsieur le Témoin, lorsque vous répondez aux questions, je vais

4 vous demander, s'il vous plaît, de ne pas parler trop vite pour que les

5 interprètes puissent vous suivre. Merci beaucoup.

6 Puis-je poursuivre, Monsieur le Président? Merci.

7 Bien. Nous allons maintenant aborder un certain nombre de questions

8 rapidement, avant d'en venir à l'arrestation.

9 Vous avez fait partie d'un certain nombre de personnes qui, à Kozarac, ont

10 refusé de se rendre?

11 M. Arifagic (interprétation): Oui.

12 Question: Pourquoi ne vous êtes-vous pas constitué prisonnier?

13 Réponse: Eh bien, je souhaitais attendre et voir ce qui allait se passer.

14 Je savais que si je me rendais, c'en serait terminé. J'avais un sentiment

15 d'incertitude et c'est ce qui m'a guidé dans mes actions. J'ai essayé

16 d'attendre un petit peu parce que je pensais encore qu'on nous donnerait

17 la possibilité de rester chez nous.

18 Question: Le groupe auquel vous apparteniez, c'était un groupe de Kozarac,

19 de villageois de Kozarac. Est-ce que ce groupe, donc, est allé au mont

20 Kozara et est-ce que, en chemin, vous avez été pris en embuscade au lieu-

21 dit Zeciji Kamen? Est-ce que vous vous souvenez de cet événement?

22 Réponse: Oui, effectivement, nous sommes tombés dans une embuscade. Dans

23 cette colonne, il y avait également des femmes, des enfants, il y avait

24 des civils. Nous avons essayé de traverser la route allant à Mrakovica à

25 partir de Kozarac et au lieu-dit Zeciji Kamen, on nous a tiré dessus.

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1 A ma connaissance, 120 personnes ont été faites prisonnières au cours de

2 cet incident. Ensuite, on les a emmenées à Benkovac. Certaines personnes

3 ont été exécutées sur-le-champ et d'autres ont été ultérieurement

4 transférées au camp d'Omarska.

5 D'autres, des femmes, des enfants ont continué leur chemin vers le mont

6 Kozara. Nous avons pris contact avec le capitaine Cirkin. Nous avons

7 trouvé Becir Medunjanin et d'autres. Nous sommes entrés en contact avec

8 eux parce que nous voulions qu'ils nous disent ce qu'il convenait que nous

9 fassions ensuite, ce qu'il fallait faire, quel serait le plan.

10 Question: Avant de vous laisser continuer, Monsieur le Témoin, est-il

11 exact que vous avez été arrêté le 14 juin 1992 à Mujkanovici?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Jusqu'au 14 juin 1992, jusqu'au moment de votre arrestation,

14 vous êtes resté dans la forêt?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Etiez-vous armé? Est-ce que vous aviez une arme?

17 Réponse: Nous avions des armes de chasse que nous avons conservé un

18 certain temps.

19 Question: Est-ce que vous vous êtes débarrassé de cette arme?

20 Réponse: Oui. Je me suis débarrassé de mon arme, parce que j'ai décidé de

21 traverser la route Prijedor-Banja Luka à un moment donné, et je suis allé

22 au village Mujkanovici. Et la raison pour laquelle j'ai fait cela, c'est

23 parce que j'avais reçu des informations selon lesquelles ma femme, ma

24 fille, mon frère, ma mère et mon père se trouvaient déjà au camp de

25 Trnopolje.

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1 Question: Au cours de cette période, est-ce que vous avez vu des soldats

2 serbes au village de Kozarac ou dans les villages environnants?

3 Réponse: Oui, j'ai vu des soldats serbes piller de manière systématique la

4 ville de Kozarac et les villages environnants, et ceci chaque jour. Ils

5 prenaient tout ce qu'il y avait de tout ce qui avait de la valeur. Ils

6 emmenaient tout ce qui avait de la valeur. Ils emmenaient tout ce qui

7 avait de la valeur dans les tracteurs, dans des véhicules. Ils prenaient

8 les appareils électroménagers; ils n'ont laissé que ce qui n'était pas

9 possible de déplacer. Ensuite, ils ont détruit tout cela. Donc la ville de

10 Kozarac et les villages environnants ont été pillés de manière

11 systématique et incendiés.

12 Question: S'agissant du 14 juin 1992, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous

13 raconter rapidement ce qui s'est passé au village de Mujkanovici?

14 Réponse: Je suis allé au village de Mujkanovici parce que la sœur de ma

15 mère s'y trouvait. Ce village se situe près du camp de Trnopolje. Je

16 voulais retrouver ma mère. Mais ce jour-là, au village de Mujkanovici et

17 dans les villages environnants, on a vu commencer ce qu'on a appelé, ce

18 que les Serbes appelaient "le nettoyage". Les villages ont été encerclés

19 et on a systématiquement emmené les hommes. Les femmes et les enfants ont

20 pu rester sur place et continuer à vivre chez eux sans les hommes.

21 Question: Quand vous avez été arrêté, est-ce que vous avez été arrêté par

22 des soldats serbes?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Quand on vous a emmené, quand on vous a fait partir de ce

25 village, vous étiez accompagné de combien de personnes?

Page 7081

1 Réponse: Il y avait environ 40 personnes dans le groupe.

2 Question: Sans entrer dans les détails au sujet de cette période, est-il

3 exact qu'à partir de ce moment-là, ce groupe que l'on a fait partir du

4 village de Mujkanovici, est-il exact que ce groupe s'est vu donner l'ordre

5 de marcher vers Kamicani?

6 Réponse: Oui.

7 Question: En chemin, vous avez tous été passés à tabac. Les soldats serbes

8 vous ont donné l'ordre d'entonner des chants serbes?

9 Réponse: Oui.

10 Question: En fin de compte, on vous a donné l'ordre de monter à bord d'un

11 bus, est-ce exact?

12 Réponse: Oui. Cela s'est passé dans le village de Kamicani à un point de

13 contrôle où l'on nous a intercepté. On nous a frappés. Et moi-même ainsi

14 qu'un jeune homme, qui était en tête de colonne, on nous a fait partir. On

15 nous a emmenés. D'après ce qu'on comprenait, d'après ce que disaient les

16 soldats qui nous ont emmenés, on pensait qu'on allait nous exécuter car

17 ils nous ont dit: "Vous allez voir maintenant comment on exécute les

18 gens". Mais en fait, ils nous ont emmenés dans une maison avoisinante et

19 ils nous ont donné l'ordre de charger des appareils électroménagers ou

20 plutôt, de décharger des appareils électroménagers qui se trouvaient dans

21 un camion.

22 Plus tard, nous avons appris que le bus était arrivé et apparemment, à ce

23 moment-là, on devait nous ramener nous deux. Ils nous ont dit de courir;

24 ils nous ont dit que celui qui arriverait en dernier serait passé à tabac.

25 C'est moi qui suis arrivé en dernier. Effectivement, on m'a frappé mais

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1 j'ai réussi à monter dans le bus qui a poursuivi son chemin vers Omarska.

2 Question: Vous nous parlez de ces bus. Est-ce que vous les avez reconnus?

3 Est-ce que vous saviez d'où venaient ces bus?

4 Réponse: C'étaient des bus de la société "Autotransport", de Prijedor.

5 Question: Est-ce qu'il y avait quoi que ce soit d'écrit sur le bus?

6 Réponse: Oui, il y avait une inscription sur le bus. On pouvait lire

7 "société Autotransport". Je connais bien ce bus car c'est un bus que je

8 prenais quand j'allais à l'école secondaire à Prijedor.

9 Question: Avançons un petit peu dans le temps.

10 On vous a emmené dans ce bus au camp d'Omarska, en premier lieu. Est-ce

11 bien exact?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et à partir de là, vous avez continué votre chemin et le bus est

14 allé à l'usine de céramique de Keraterm. Est-ce exact?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Maintenant, attardons-nous un petit peu plus sur ce qui s'est

17 passé au camp.

18 Pourriez-vous nous décrire ce que vous désignez sous le terme de "usine de

19 céramique de Keraterm"? Où se trouvait cette usine?

20 Réponse: Elle se trouve à la sortie de Prijedor, quand on vient de

21 Kozarac, près de Cirkin Polje, sur la droite de la route principale.

22 Keraterm, c'est une usine qui produit des carreaux en céramique, qui

23 produisait et distribuait des carreaux en céramique.

24 Question: Toujours s'agissant de l'endroit où se trouvait Keraterm, est-ce

25 que j'aurais raison de dire que ça se trouvait sur la route principale

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1 entre Prijedor et Banja Luka?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et quelqu'un qui serait passé sur cette route principale entre

4 Prijedor et Banja Luka, est-ce qu'il pouvait voir quelqu'un qui se serait

5 trouvé dans les alentours du camp ou dans le camp?

6 Réponse: Oui, oui, sans aucune difficulté. Il aurait très bien vu.

7 Question: Quand vous avez... Pendant votre détention au camp, avez-vous vu

8 des déplacements sur la route Prijedor-Banja Luka? Est-ce que vous y avez

9 vu des véhicules?

10 Réponse: Oui, on voyait souvent passer des véhicules, surtout lorsqu'on

11 nous faisait sortir pour aller manger, pour nous donner à manger; c'était

12 toujours, d'ailleurs, des rations misérables. Mais c'est à ce moment-là

13 qu'on était en mesure de voir la route. Pendant cette période, il y a eu

14 beaucoup de conflits, de combats dans la région de Derventa. Et dès que

15 passait une colonne de véhicules sur la route, en provenance de Banja Luka

16 et vers Prijedor, eh bien, on voyait ces véhicules. On était là, on les

17 voyait passer, ces véhicules, et on entendait les soldats chanter des

18 chansons et qui faisaient le salut traditionnel serbe.

19 Question: Pouvez-vous nous donner une estimation quant à la distance

20 séparant l'usine de Keraterm de Prijedor?

21 Réponse: Si l'on prend l'endroit où se situe le centre de Prijedor -la

22 mairie, le poste de police, etc.-, on peut dire que la distance n'est pas

23 supérieure à 2 kilomètres, 2,5 kilomètres.

24 Question: Monsieur le Témoin, on vous a emmené au camp le 14 juin 1992. Et

25 lorsque le bus s'est arrêté, est-ce qu'on vous a donné l'ordre de

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1 descendre du bus?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Que s'est-il passé? Que vous ont-ils demandé de faire?

4 Réponse: Il y a deux soldats serbes qui sont montés dans le bus; un est

5 monté par l'avant et l'autre par l'arrière. Ils nous ont dit de descendre

6 du bus par groupes de cinq ou six. Ils nous ont obligé à lever les mains

7 en l'air et ils nous ont fouillés. Ensuite, nous avons reçu l'ordre de

8 nous allonger sur le béton et de mettre nos mains derrière la tête.

9 On ne pouvait pas voir ceux qui nous escortaient parce que nous, on était

10 étendus par terre. Mais, en tout cas, on n'a pas manqué de sentir les

11 coups de pieds qu'ils nous ont portés. Moi, ce dont je me souviens très

12 bien, c'est qu'il y a des soldats qui nous ont sauté sur le dos; ils ont

13 marché sur notre dos, sautant d'un prisonnier à l'autre.

14 Question: Ensuite, vous a-t-on donné l'ordre de vous rendre à un endroit

15 précis dans le camp, dans une salle précise?

16 Réponse: Le groupe où je me trouvais a reçu l'ordre de se lever et de

17 courir vers la pièce n°2. Ils nous ont indiqué où cela se trouvait.

18 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je souhaiterais

19 obtenir de vous la permission de présenter une pièce à conviction, qui a

20 déjà reçu une cote et qui est déjà au dossier. Il s'agit de la pièce S15-

21 1.

22 M. le Président (interprétation): Oui.

23 M. Waidyaratne (interprétation): D'autre part, je souhaiterais également

24 que soit présentée la pièce S15-33. J'aimerais que l'on présente ces

25 pièces au témoin.

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 Merci de bien vouloir placer la photographie sur le rétroprojecteur, 15-1

3 en premier lieu.

4 Est-ce que vous reconnaissez ce que l'on voit sur cette photographie,

5 Monsieur?

6 M. Arifagic (interprétation): Oui.

7 Question: S'agit-il de l'endroit que vous avez désigné sous le nom de

8 Keraterm, du camp de Keraterm?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Veuillez, s'il vous plaît, nous indiquer... Mais auparavant, je

11 souhaiterais que l'huissier place sur le rétroprojecteur la pièce S15-33.

12 Merci beaucoup.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Et je voudrais, s'il vous plaît, que vous nous indiquiez où se trouve la

15 salle n°2 sur cette photographie.

16 (Le témoin s'exécute.)

17 Pendant votre séjour au camp, est-ce que vous avez appris l'existence

18 d'autres salles, d'autres pièces également numérotées? Par exemple, la

19 salle n°1: est-ce que vous avez appris qu'il existait une salle qui

20 s'appelait la salle n°1? Si c'est le cas, est-ce que vous pourriez nous

21 l'indiquer au moyen du pointeur?

22 Réponse: Oui. Oui, elle existait.

23 Question: Vous pouvez nous montrer aussi bien à l'aide du pointeur que

24 d'un stylo. Merci.

25 Le Témoin montre la partie qui se trouve à l'extérieur. Elle est vitrée.

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1 Et ensuite, il montre l'endroit où se trouve la pièce 2.

2 Monsieur le Témoin, étiez-vous au courant de l'existence d'une certaine

3 pièce 3?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Avant de revenir à la pièce 3, d'entrer dans cette pièce, il y

6 avait des toilettes, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Donc, puisque c'était à l'entrée des toilettes, pourriez-vous

9 nous montrer où se trouve cet endroit, la pièce n°3?

10 Le Témoin montre une porte métallique, est-ce exact?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Merci. Merci beaucoup.

13 Donc on vous demande de vous rendre dans la pièce 2. Quand vous y êtes

14 arrivé -dans cette pièce que nous allons appeler la pièce n°2-, est-ce que

15 vous y avez vu d'autres personnes à ce moment-là?

16 Réponse: Oui, il y avait des gens là-bas.

17 Question: Des gens, vous dites "des gens": saviez-vous qui ils étaient, ce

18 qu'ils faisaient à cet endroit?

19 Réponse: Eh bien, c'étaient des gens qu'on a amenés de la même façon que

20 nous. Ils étaient détenus dans le camp; ils étaient originaires des

21 villages aux environs de Prijedor. Il y en avait quelque peu qui étaient

22 de Kozarac, de Puharska-le-haut, le bas, de Risvanovici, Hambarine,

23 Gomjenica; donc les villages qui sont peuplés par des Musulmans et des

24 Croates en majorité, et qui se trouvent aux environs de Kozarac.

25 Question: Monsieur Arifagic, vous avez dit qu'on vous a demandé de vous

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1 rendre dans la pièce n°2. Est-ce que ce groupe de 40 personnes y est allé

2 avec vous? Est-ce que on les a envoyés au même endroit?

3 Réponse: Oui.

4 Question: D'après vous, il y avait combien de personnes à peu près dans la

5 pièce n°2?

6 Réponse: A ce moment-là, ils étaient au nombre de 200, 253, 300 personnes.

7 Je ne les ai pas comptés, mais la pièce était pleine.

8 Question: Et quelle était la taille de cette pièce? Pourriez-vous nous

9 l'expliquer?

10 Réponse: Ce n'était pas vraiment une pièce carrée. Il y avait des

11 obstacles dans la pièce. Mais il y avait à peu près 20 ou 30 mètres à

12 l'intérieur. Il y avait des cloisons à l'intérieur de la pièce.

13 Question: Est-ce que vous pouviez voir ce qui s'est passé à l'extérieur

14 pendant que vous étiez dans la pièce n°2?

15 Réponse: Oui. On pouvait voir tous ce qui se passait à l'entrée du camp,

16 donc ces points de contrôle qui se trouvaient à l'entrée. On pouvait voir

17 aussi tout ce qui se passait devant les pièces 1 et 2. On pouvait le voir.

18 Question: Monsieur Arifagic, très rapidement, pourriez-vous nous expliquer

19 ce qui s'est passé dans la nuit? Est-ce que on vous a appelé cette nuit-là

20 avec le groupe de personnes qui est arrivé avec vous et, si oui, que s'est

21 il passé? Que vous a-t-on demandé de faire?

22 Réponse: Eh bien, au début de la soirée il faisait nuit de toute façon, eh

23 bien, ils ont demandé au groupe de personnes arrivées par le dernier bus

24 -et c'était nous-, de sortir. Nous sommes sortis. Et quand nous sommes

25 sortis, on nous a demandé de nous coucher à plat ventre sur le goudron et

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1 de placer nos mains derrière nos têtes. Ensuite, ils ont commencé à nous

2 passer à tabac; moi, on m'a passé à tabac notamment.

3 On a voulu que j'admette que je faisais partie des Bérets verts et moi,

4 j'ai tenu bon, j'ai serré les dents. A un moment donné, je ne sais pas

5 pourquoi, je leur ai dit: "Ecoutez, si j'avais été membre des Bérets

6 verts, je ne serais pas ici, je ne serais pas ici dans le camp, mais je

7 serais quelque part dans les bois".

8 C'est à ce moment-là que cet homme, qui était en train de m'infliger des

9 coups, m'a demandé de me lever et de me diriger vers les dortoirs. A

10 l'entrée du dortoir, on m'a arrêté à nouveau et on m'a posé des questions

11 au sujet d'un homme qui était le propriétaire d'un café à Kozarac. Je ne

12 me souvenais pas de son nom, je ne me souviens pas du nom du café, mais

13 après l'explication qu'ils m'ont fournie, je me suis rappelé de cette

14 personne. Je leur ai dit que je connaissais le propriétaire de ce café

15 mais que je ne savais pas où il était.

16 Devant la pièce n°2, il y avait un autre homme, Adnan Kljucanin qui était

17 arrivé avec moi, et on l'a passé à tabac lui aussi. Il était couché par

18 terre. J'étais à peu près à un mètre de lui et j'ai vu qu'on lui assénait

19 des coups au niveau des reins. Il voulait qu'il admette quelque chose lui

20 aussi, c'est-à-dire qu'il admette, qu'il reconnaisse qu'il était membre

21 des Bérets verts. Après, ils m'ont demandé si je le connaissais. Et moi,

22 je leur ai répondu que je le connaissais. Pour autant que je le savais, il

23 ne faisait partie d'aucune armée. C'est à ce moment-là, qu'on m'a ordonné

24 de pénétrer à l'intérieur.

25 Question: Monsieur Arifagic, est-ce que vous avez des séquelles

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1 permanentes suite à ces passages à tabac?

2 Réponse: J'ai été blessé au niveau de la tête. Je saignais beaucoup. Mon

3 bras gauche était complètement gonflé. On ne distinguait pas mes doigts,

4 c'était une masse ensanglantée. J'étais à moitié conscient, je saignais.

5 Au cours de la nuit, pendant que c'était encore à chaud, la douleur était

6 supportable mais après, j'ai commencé à souffrir vraiment. On m'a

7 conseillé de mettre des compresses d'eau froide; ce sont des codétenus qui

8 m'ont conseillé cela. Je l'ai fait, mais cela ne m'a pas beaucoup aidé.

9 Question: Et le matin suivant, on vous a emmené à l'hôpital avec d'autres

10 détenus, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: On vous y a amenés dans une camionnette, et au volant se

13 trouvait une personne que vous connaissiez auparavant, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui. C'était une espèce de minibus, une camionnette. Il y avait

15 un homme qui était au volant que je ne connaissais pas, mais je savais que

16 c'était un chauffeur d'Autotransport. Zoran Zigic, c'était le conducteur,

17 il était assis juste à côté de lui. Il était armé, il avait un fusil

18 automatique. Et nous, nous étions assis à l'arrière.

19 Question: Est-ce que vous connaissiez ou est-ce que vous avez fait

20 connaissance d'autres détenus qui étaient avec vous dans le bus et qu'on a

21 amenés à l'hôpital?

22 Réponse: Emsud Bahonjic était avec nous; il était grièvement blessé. Je

23 pense que Jasmin Colic y était aussi. Il y en avait d'autres, mais je ne

24 me souviens pas de leurs noms. Donc c'est vrai qu'il y avait différentes

25 personnes qui présentaient des blessures de différents degrés de gravité.

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1 Question: Vous avez dit qu'il y avait Emsud Bahonjic qui était avec vous

2 et qui était grièvement blessé. Est-ce que vous savez de quelle façon il a

3 été blessé?

4 Réponse: Après, quand on nous a ramenés de l'hôpital vers le camp, j'ai eu

5 l'occasion de m'entretenir avec lui, puisque nous nous connaissions assez

6 bien, même avant. Il m'a expliqué qu'à l'entrée du camp, c'est-à-dire en

7 passant à côté de la sentinelle qui se trouve à l'entrée, eh bien, il m'a

8 dit que là, Zigic s'est approché de lui et qu'il l'a tapé sur le dos; et

9 il lui a dit qu'il était son tireur embusqué car il savait, lui, que

10 c'était lui le tireur embusqué.

11 Il m'a raconté que Zoran Zigic et Dusan Knezevic, "Duca", ils l'ont

12 systématiquement fait sortir, l'ont passé à tabac et l'ont, à la fin,

13 forcé à signer une déclaration où il déclarait qu'il était un tireur

14 embusqué. On lui a promis qu'après cela, il n'allait pas être maltraité.

15 Mais justement, après qu'il ait signé cette déclaration, eh bien, c'était

16 une excuse pour continuer à le torturer.

17 Question: Savez-vous si Emsud a survécu au camp ou bien, savez-vous quel a

18 été son sort?

19 Réponse: Non, il n'a pas survécu. Il n'a pas survécu au camp. Il est mort

20 quelques jours plus tard; c'était un après-midi. On l'a placé devant la

21 palette, la même palette sur laquelle il est mort; on l'a laissé devant la

22 guérite des gardiens. Nous, nous sommes allés chercher un petit peu d'eau,

23 nous nous sommes rendus aux toilettes et nous avons vu son corps, son

24 corps qu'on a placé dans un endroit qui était une espèce de dépôt. Il y

25 avait juste le toit et des poteaux en béton et donc, c'était en fait un

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1 dépotoir pour toutes sortes de débris et de matériaux de construction.

2 Nous avons vu qu'on avait abandonné son corps à cet endroit-là.

3 Question: Et à l'hôpital, avez-vous reçu des soins? Avez-vous reçu des

4 médicaments?

5 Réponse: Non. J'ai juste rencontré une infirmière qui connaissait ma

6 belle-sœur et une partie de ma famille. Elle m'a demandé de ses nouvelles.

7 Elle travaillait dans le SUP. Donc elle m'a demandé où elle était, si

8 j'avais des informations la concernant. Elle m'a dit qu'elle allait

9 essayer de m'aider. Ce qu'elle a réussi à faire, c'était me donner une

10 sorte de compresse -elle m'a demandé de la mettre sur ma tête- et ensuite,

11 un filet; un filet que j'ai mis sur ma tête pour tenir ma compresse. Elle

12 m'a donné aussi une compresse pour la main. Elle m'a dit d'essayer de bien

13 laver la blessure à l'eau froide et qu'elle allait m'aider à bander la

14 blessure. Elle ne pouvait pas faire grand-chose; elle m'a dit qu'elle ne

15 pouvait pas faire grand-chose. Elle a fait la même chose avec ma jambe et

16 après cela, je suis retourné.

17 Question: Monsieur Arifagic, pendant votre séjour à Keraterm, avez-vous pu

18 remarquer des passages à tabac?

19 Réponse: Oui, on a passé à tabac des gens, surtout la nuit. On appelait

20 leurs noms, ensuite on leur demandait de sortir et après, on pouvait

21 entendre des cris, des appels à l'aide, des pleurs. Une partie d'entre eux

22 n'est jamais revenue. Et ceux qui sont revenus se trouvaient dans un état

23 grave avec des enflures, des saignements, des membres cassés, etc.

24 Question: Avez-vous vu des cadavres dans le camp? Avez-vous vu quelqu'un

25 les déplacer?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Vous les avez vus où, ces corps sans vie?

3 Réponse: Le plus souvent, enfin, le plus grand nombre de cadavres, je l'ai

4 vu après ce massacre qui s'est produit dans la pièce n°3, donc après la

5 nuit où s'est produit ce massacre.

6 Question: Monsieur Arifagic, je vais y revenir dans quelques instants.

7 Mais, à part cette pièce n°3 dont nous allons parler dans quelques

8 instants, est-ce que vous avez vu d'autres corps dans le camp?

9 Réponse: Oui. C'étaient des gens qui ont été tués au cours de la nuit,

10 après qu'on les ait fait sortir. Ensuite, on déposait leurs corps à cet

11 endroit que nous appelions "le dépotoir".

12 Par exemple, une nuit, on a passé à tabac Fikret Avdic. Donc la personne

13 qui était chargée du dortoir, qui avait des contacts avec les gardiens,

14 était chargée de les faire entrer dans la pièce. Mais, au bout d'une

15 vingtaine de minutes, Fikret est mort et, le matin, on a fait sortir son

16 corps et on l'a déposé à cet endroit.

17 Question: Monsieur Arifagic, très brièvement, pourriez-vous nous dire qui

18 étaient les personnes responsables de ces passages à tabac? Est-ce que

19 vous connaissez un nom de ces personnes?

20 Réponse: Pour nous, c'était le chef des équipes et des gardiens. On ne

21 pouvait pas voir plus, on ne pouvait pas avoir davantage d'informations.

22 Donc tout dépendait des gardiens qui étaient de garde.

23 Question: Avant d'abandonner ce thème, vous souvenez-vous de deux

24 policiers ou deux policiers... des ex-policiers qu'on a amenés dans le

25 camp, vêtus d'uniformes, en tant que détenus?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Vous souvenez-vous de leurs noms?

3 Réponse: Il y en avait un qui s'appelait Drago et l'autre Fikret, je

4 crois.

5 Question: Le connaissiez-vous avant la guerre?

6 Réponse: Oui, de vue.

7 Question: La personne que vous appelez Fikret, est-il exact de dire qu'il

8 était Esad?

9 Réponse: Oui, c'est possible. Moi, je pensais qu'il s'appelait Fikret,

10 mais je ne le connaissais que de vue.

11 Question: Pourriez-vous m'expliquez très rapidement, brièvement, ce qui

12 s'est passé avec ces deux hommes-là, à partir du moment où on les a amenés

13 dans le camp?

14 Réponse: On les a amenés. Ils portaient des uniformes de police, c'étaient

15 des uniformes portés par l'armée serbe. Ils portaient aussi des bottes

16 militaires. Et ils nous ont dit que déjà, le premier jour ils avaient

17 signé cette déclaration d'allégeance aux autorités de la municipalité de

18 Prijedor ou bien au SDS, enfin, aux gens au pouvoir, et qu'ils avaient

19 travaillé jusqu'à ce jour mais que, ce jour-là, on les a désarmés et

20 ensuite, on les a amenés dans le camp de Keraterm. Ils nous ont rejoints.

21 Question: Que s'est-il passé avec eux, après cela?

22 Réponse: Cette nuit-là, on a appelé leurs noms. On les a fait sortir. On

23 n'a fait sortir que ces deux personnes-là du dortoir n°2. On a bien

24 entendu le passage à tabac, on a entendu des cris. Et Fikret -ou Esad,

25 comme vous l'appelez-, il est revenu vivant, mais Drago n'est jamais

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1 revenu. Nous ne pouvons faire que des suppositions, à partir de cela; il a

2 été sans doute tué.

3 Mais Fikret, le matin suivant, nous a dit que Drago avait été tué, qu'ils

4 avaient été passés à tabac, qu'ils les avaient battus à l'aide de tuyaux

5 métalliques, de chaînes, qu'ils les avaient forcés à marcher à quatre

6 pattes autour du bâtiment. Je ne sais pas comment Drago a fait pour

7 survivre à cela; en tout cas, il a survécu.

8 Question: Monsieur Arifagic, est-ce que vous avez vu votre père alors

9 qu'il était conduit au camp, le 1er ou le 2 juillet 1992?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce que vous avez vu s'il a été frappé ou pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Quel âge avait-il, à l'époque?

14 Réponse: Il avait 62 ans. Dans ma déclaration, j'ai affirmé qu'il était

15 détenu au camp de Trnopolje. Il avait 62 ans, comme je l'ai dit, et il a

16 réussi à obtenir de la Croix-Rouge serbe et des autorités du camp un

17 certificat selon lequel il pouvait emmener sa femme -ma mère- et chercher

18 un logement à Durajci, dans la maison de mon grand-père. Il s'agit d'un

19 village qui se trouve dans les environs et dont ma mère est originaire; il

20 s'agit d'un des derniers villages à avoir été nettoyé, le 21 juillet.

21 L'armée serbe est venue dans le village et il a été arrêté, ainsi que les

22 autres villageois, les autres hommes de ce village. Il a été conduit

23 ensuite au camp de Trnopolje. Il a été frappé, torturé et, ensuite, il a

24 été transféré par autocar au camp de Keraterm.

25 Il m'a raconté qu'à l'entrée du camp, deux soldats serbes sont montés à

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1 bord de l'autocar et lui ont demandé de descendre. L'un d'entre eux l'a

2 fait descendre de l'autocar, tandis que l'autre essayait de le faire

3 remonter à bord de l'autocar. Pendant ce temps, ils le frappaient. L'un

4 d'entre eux l'accusait d'avoir tué son grand-père, Radovan, sur la

5 montagne Kozara en 1942. en 1942, toutefois, mon père avait 12 ans, à

6 l'époque, donc je ne vois pas comment cela aurait pu se produire.

7 J'ai retrouvé mon père dans la pièce n°3. Son nez était cassé. Je lui ai

8 dit de venir dans la pièce 2 où j'étais détenu, mais il était terrifié; il

9 m'a dit qu'ils le tueraient s'il partait. Je lui ai dit: "Ils vont te

10 tuer, de toute façon. Ta seule chance, c'est de venir dans la pièce où je

11 me trouve, moi."

12 C'était un homme malade; il avait des problèmes d'estomac. Je pensais que

13 s'il venait dans ma pièce, je pourrais m'occuper de lui et de ses

14 blessures et que, peut-être, il pourrait vivre plus longtemps.

15 Question: Il a été transféré, par la suite, au camp de Trnopolje de

16 nouveau, est-ce exact?

17 Réponse: Oui. Il a été transféré le 15 juillet ou vers cette date, du camp

18 de Keraterm au camp de Trnopolje. Nous ne savions pas, à l'époque, où on

19 le conduisait, mais j'ai appris par la suite qu'il avait été conduit à

20 Trnopolje.

21 Je souhaiterais dire que le certificat qu'il a obtenu des autorités

22 serbes, ce certificat, il l'a montré aux soldats, mais ils lui ont dit que

23 ce certificat n'avait absolument aucune valeur, qu'il ne lui servirait à

24 rien. Il était naïf, et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé au camp une

25 deuxième fois.

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1 Question: Monsieur Arifagic, nous allons à présent parler du 20 et du 21

2 juillet 1992. Vous souvenez-vous du fait que des prisonniers qui se

3 trouvaient déjà dans la pièce 3 ont dû aller dans d'autres pièces ou dans

4 la pièce... du fait que la pièce 3 a été nettoyée, à ce moment-là?

5 Réponse: Oui. On nous a demandé de faire de la place. Certaines des

6 personnes qui se trouvaient dans la pièce n°3 ont dû être transférées vers

7 notre pièce. On ne voyait pas vraiment où ils allaient mettre tous ces

8 gens. Ils ont juste été mis dans ces pièces, dans les pièces 2 et 4.

9 Question: Après cela, avez-vous vu que l'on amenait de nouvelles personnes

10 au camp, par autocar?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Qu'avez-vous remarqué, à cette occasion?

13 Réponse: On amenait les gens par autocar. Ils passaient le point de

14 contrôle à l'entrée et là, ils procédaient à des examens, des fouilles;

15 leurs documents, leurs papiers étaient vérifiés. Et ensuite, ces gens

16 étaient amenés dans la pièce n°3.

17 Question: Est-ce que vous savez d'où ces gens étaient originaires?

18 Réponse: Oui. Cette nuit, lorsque la pièce a été remplie, nous ne pouvions

19 pas sortir, d'abord. Ensuite, nous avons pu sortir et j'ai rencontré

20 certaines personnes que je connaissais. Il s'agissait essentiellement de

21 personnes originaires de Brdo; il s'agit d'un groupe de villages, quatre

22 ou cinq villages qui se trouvent de l'autre côté de la rivière Sana, au-

23 dessus de Prijedor. Nous appelons cette région "Brdo" parce qu'il s'agit

24 d'une espèce de colline au-dessus de Prijedor.

25 Question: Est-ce qu'on a procédé à des fouilles sur ces personnes, ces

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1 personnes qui ont été amenées? Vous avez dit que leurs papiers étaient

2 vérifiés, etc. Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de leurs papiers?

3 Réponse: Non, je ne sais pas ce qu'ils faisaient exactement, mais je sais

4 qu'on leur a confisqué leurs papiers.

5 Question: Les papiers des prisonniers ou des détenus qui étaient amenés

6 dans le camp à bord d'autocars, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui, ceux qui sont venus par autocars et certains des prisonniers

8 également qui ont été amenés dans le camp par camions, par la suite.

9 Question: Et ces personnes qui ont été amenées au camp, ce jour-là, ont

10 été conduites vers la salle 3. Est-ce qu'elles ont été autorisées à sortir

11 et à contacter d'autres personnes qui se trouvaient au sein du camp, ce

12 jour-là?

13 Réponse: Oui, ce jour-là, ils ont été autorisés à le faire. C'est là que

14 j'ai rencontré certaines personnes que je connaissais. Je leur ai parlé et

15 c'est comme ça que je sais que ces personnes étaient originaires de la

16 région que j'ai mentionnée.

17 Question: Est-ce que, par la suite, on les a autorisés à sortir de la

18 salle 3?

19 Réponse: Non. Par la suite, ils n'étaient pas autorisés à sortir de la

20 salle 3.

21 Question: Est-ce que vous-même et les personnes qui se trouvaient dans les

22 salles 2 et 4 étiez autorisés à sortir?

23 Réponse: Un ou deux jours après notre arrivée au camp, nous pouvions

24 sortir de temps en temps, mais ceux qui étaient détenus dans la salle 3 ne

25 pouvaient pas.

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1 Question: Et quelques jours après l'arrivée au camp de ces personnes

2 originaires de Brdo, est-ce qu'on vous a donné à tous l'ordre de rentrer

3 dans votre salle un peu plus tôt? Et est-ce qu'on a fermé à clef cette

4 salle, après?

5 Réponse: Oui. Juste avant la tombée de la nuit, on nous a dit de rentrer

6 dans notre pièce, de rester calmes et de faire face au mur. On manquait

7 d'air dans la pièce. Et, de l'autre côté, il y avait une porte métallique

8 qui était fermée.

9 Question: Est-ce que vous avez entendu quelque chose de particulier, au

10 cours de la soirée ou de la nuit?

11 Réponse: Oui. Ce soir-là, vers 9 ou 10 heures du soir, on entendait des

12 mouvements, on entendait des camions qui venaient; on entendait les

13 soldats, des soldats qui sont entrés dans le camp. Et ensuite, on a

14 entendu des voix, on a entendu des cris, des hurlements.

15 Question: Est-ce que vous avez entendu des coups de feu, ensuite?

16 Réponse: J'ai entendu ce que les autres personnes ont entendu. Vers 11

17 heures du soir ou un peu plus tard, je ne sais pas exactement quelle heure

18 il était, toujours est-il que, tout à coup, il y a eu une rafale de tirs

19 d'armes automatiques. Je pense qu'il n'y avait pas seulement des armes

20 légères, il y avait également des armes lourdes. On a entendu des bruits

21 métalliques, du verre qui se cassait. On entendait des tirs.

22 A un moment donné, on a entendu une voix, des cris, des gémissements.

23 C'était absolument terrible; les gens appelaient à l'aide. On entendait

24 des bruits de choses qui se cassaient, les gens qui s'appelaient entre

25 eux. Et nous, de notre côté, nous sommes restés calmes et nous avions même

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1 peur de respirer.

2 Question: Combien de temps ont duré ces coups de feu?

3 Réponse: Une demi-heure, une heure peut-être.

4 Question: Qu'avez-vous remarqué le lendemain matin? Qu'avez-vous vu?

5 Réponse: Le lendemain matin, lorsque les portes de la salle où nous étions

6 ont été ouvertes, nous avons vu des gardiens qui cherchaient des

7 volontaires; ils ont expliqué qu'ils cherchaient des volontaires qui

8 n'avaient pas peur de la mort. Et je pense que deux hommes de ma pièce se

9 sont portés volontaires. On leur a demandé d'aller vers la pièce n°3. Nous

10 pouvions voir depuis notre pièce, parce que les portes étaient ouvertes,

11 qu'il y avait un nombre important de cadavres qui gisaient là, à

12 l'extérieur de la pièce 3, et qu'il y avait énormément de sang qui se

13 trouvait là. Et les personnes qui travaillaient là, à l'intérieur, nous

14 pouvions les voir.

15 Un camion est arrivé; il faisait 20 ou 30 mètres de long. Les corps ont

16 été chargés à bord de ce camion. Donc nous avons pu observer tout cela, et

17 nous pensions que notre tour viendrait le lendemain. Lorsque tout cela

18 était terminé, le camion est parti et a quitté le camp.

19 Nous pouvions voir directement le point de contrôle depuis la pièce où

20 nous nous trouvions.

21 Et je m'en souviens encore aujourd'hui. C'est quelque chose qui me hante

22 aujourd'hui encore. Il s'agit de quelque chose, d'événements que j'essaie

23 désespérément de chasser de ma mémoire, mais j'ai réalisé que je devais

24 vivre avec ces événements pour le reste de mes jours.

25 Je me souviens en particulier d'un camion qui est parti, qui a quitté le

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1 camp et l'on voyait des traces de sang derrière. Il y avait du sang qui

2 coulait depuis ce camion, et l'on voyait qu'il y avait énormément de

3 cadavres à bord de ce camion.

4 Après le départ de ce camion, un camion de pompiers est arrivé; je veux

5 dire, il s'agissait d'un véhicule où se trouvaient énormément d'engins de

6 nettoyage, etc. Ils ont essayé de nettoyer ce secteur à l'aide de ce

7 véhicule. Ils ont essayé de nettoyer le sang qui se trouvait dans cette

8 zone.

9 Question: Est-ce que vous avez pu parler à quelqu'un, à un détenu qui a

10 contribué à charger ces corps? Est-ce qu'il vous a dit, le cas échéant,

11 combien de cadavres avaient été chargés à bord des camions, ce jour-là?

12 Réponse: J'ai parlé à un homme que je connaissais très bien, il s'agissait

13 du frère de mon beau-frère, il s'appelait Jasim. Nous nous connaissions

14 très bien. Il s'agissait de l'une des personnes qui s'était portée

15 volontaire pour charger les cadavres, parce que les victimes étaient ses

16 voisins. Il m'a dit qu'il y avait quatre rangées de cadavres empilés les

17 uns sur les autres. Je ne sais pas, il s'agissait de centaines de corps

18 peut-être, je ne sais pas exactement. Je ne sais pas s'il s'agissait de

19 parties de corps, de corps entiers, mais toujours est-il, c'est ce qu'il

20 m'a raconté.

21 Question: Après le nettoyage de ce secteur, cette même nuit, la nuit où le

22 secteur a été nettoyé donc, avez-vous entendu d'autres coups de feu?

23 Réponse: Oui. Le lendemain, la nuit suivante, aux environs de la même

24 heure, la même chose s'est produite. Mais contrairement à ce qui s'était

25 passé la nuit précédente, cela n'a pas duré aussi longtemps. Cela étant, à

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1 un moment donné, nous avons entendu une voix qui criait en demandant ce

2 qu'ils comptaient faire avec les survivants. Et ensuite, nous avons

3 entendu des tirs isolés. Je les ai comptés. J'ai pensé qu'il s'agissait de

4 tirs visant à achever les survivants. J'ai compté ces coups, il y en avait

5 peut-être 42, 43, mais je ne suis pas sûr. Et après, les choses se sont

6 calmées et on n'a plus rien entendu.

7 Question: Est-ce que vous avez vu les cadavres alors qu'ils étaient

8 emportés?

9 Réponse: Oui. La même chose s'est produite le lendemain matin mais, cette

10 fois-ci, il s'agissait d'un camion plus petit -il s'agissait d'un Zastava

11 modèle 640- et les cadavres, de nouveau, ont été embarqués à bord de ce

12 camion.

13 Et après cela, ils ont demandé aux détenus des salles 2, 4 et 1, détenus

14 qui étaient blessés, on leur a demandé de sortir. Il y avait de nombreuses

15 personnes qui étaient blessées. Nous avions toutes sortes de blessures:

16 des coupures, des ecchymoses... Donc tous ces gens sont sortis et sont

17 montées à bord du camion. Et une fois que c'était fini, les six personnes

18 qui avaient participé au ramassage des cadavres ont également dû monter à

19 bord de ce camion. J'ai vu Jasim Causevic monter à bord de ce camion; il

20 portait encore cet uniforme, cet uniforme officiel qu'il portait alors

21 qu'il était employé dans une usine de Prijedor. Et toutes ces personnes

22 ont été conduites à l'extérieur du camp.

23 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Arifagic, après le massacre de

24 la pièce n°3, la première nuit, lorsque vous êtes sorti, est-ce que vous

25 avez vu, dans les environs, est-ce que vous avez vu, hormis la

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1 mitrailleuse qui se trouvait là de façon permanente, une autre

2 mitrailleuse qui était emmenée dans le camp?

3 M. Arifagic (interprétation): Oui. A l'extérieur de la pièce n°3, il y

4 avait un chemin qui conduisait à l'extérieur de l'usine. Et à une distance

5 de 20 ou 30 mètres environ, il y avait une table, une table normale, et il

6 y avait une chaise qui se trouvait derrière cette table. Il y avait un

7 projecteur qui se trouvait à droite, un projecteur très puissant. La

8 mitrailleuse se trouvait là. Il s'agissait d'une mitrailleuse de 84

9 millimètres qui faisait face à la pièce n°3, qui était dirigée vers la

10 pièce 3.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux vous interrompre,

12 s'il vous plaît, quelques instants?

13 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit qu'après cet incident, ce premier

14 incident, tous les corps avaient été embarqués à bord de cet énorme camion

15 et que la même chose s'était produite le lendemain. Est-ce que cela veut

16 dire que d'autres personnes ont été conduites à l'intérieur de la pièce

17 n°3 ou que les victimes venaient d'autres pièces du camp?

18 M. Arifagic (interprétation): Non. Les personnes dont je parlais étaient

19 des survivants du massacre qui s'est produit la première nuit dans la

20 pièce n°3. La même chose s'est produite le lendemain. Mais je parle, là,

21 des personnes qui ont survécu à la première nuit.

22 M. le Président (interprétation): Donc nous avons d'abord le groupe de

23 personnes dont vous avez estimé le nombre et, ensuite, les survivants de

24 ce massacre.

25 Vous nous avez dit que vous avez entendu une voix dire: "Il y a encore des

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1 survivants", et qu'après cela, vous avez entendu des tirs isolés. Donc

2 cela veut dire qu'il restait encore un groupe de personnes qui avaient

3 survécu et qui venaient de la salle n°3?

4 M. Arifagic (interprétation): Je vais essayer de vous expliquer.

5 Donc il y a eu la première nuit où il y a eu des tirs. Et puis, ces tirs

6 dirigés contre la salle n°3, ils se sont reproduits de nouveau le

7 lendemain. Celui qui a prononcé ces mots disant qu'il restait encore des

8 survivants, je pense qu'il parlait sans doute de ceux qui avaient été

9 blessés, de ceux qui gisaient là mais qui n'étaient pas morts.

10 Si bien que, la nuit suivante, ils ont tué d'autres personnes. Et ces

11 cadavres, à nouveau, on les a chargés à bord du petit camion, ainsi que

12 ceux qui avaient ramassé les corps et ceux qui se trouvaient dans d'autres

13 salles et qui étaient blessés et qui ont été emmenés de la même manière. A

14 l'issue de la deuxième nuit, il restait encore un petit groupe de

15 survivants dans la salle n°3, des gens qui avaient survécu à ces deux

16 nuits.

17 Donc, en d'autres termes, la salle n°3 était pleine au début. Et pendant

18 la première nuit, un certain nombre de gens ont été tués. Pendant la

19 deuxième nuit, il y a encore des gens qui ont été tués. Donc, à l'issue de

20 ces deux nuits, il restait un petit groupe de gens.

21 M. le Président (interprétation): Merci de ces explications. Veuillez

22 continuer.

23 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez parlé de

24 Jasmin Causevic. Est-ce que vous l'avez revu après l'avoir vu partir dans

25 ce camion, après cette deuxième nuit?

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1 M. Arifagic (interprétation): Non, je ne l'ai pas vu. D'ailleurs, il

2 s'appelle Jasim Causevic.

3 Question: Merci. Vous avez parlé des tirs dirigés contre la salle n°3, de

4 cette fusillade. Est-ce que vous connaissiez un dénommé Simo Drljaca?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Est-ce que vous le connaissiez déjà avant la guerre?

7 Réponse: Oui, je le connaissais de vue.

8 Question: Est-ce que vous savez quel poste il occupait après la prise de

9 contrôle de Prijedor?

10 Réponse: Il était le commandant du SUP.

11 Question: Est-ce que vous l'avez vu au camp de Keraterm après cette

12 fusillade?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Où l'avez-vous vu et quand?

15 Réponse: Je crois que c'était le lendemain ou bien deux ou trois jours

16 plus tard. En tout cas, je l'ai vu au camp de Keraterm; il se tenait à

17 l'extérieur de la pièce n°1, à droite de la salle n°1. Il était là en

18 compagnie d'un groupe d'autres personnes. Je me souviens qu'on nous a

19 donné la possibilité de sortir un petit peu à ce moment-là, et ceux qui

20 étaient plus près des gardes ont pu s'approcher de lui.

21 Apparemment, Drjlaca a fait des promesses, avait fait des assurances. Il a

22 dit que cela n'aurait pas dû se passer, que désormais on allait mettre en

23 place un contrôle plus efficace et qu'il allait faire en sorte qu'on ne

24 nous fasse plus de mal.

25 Question: Qui étaient ceux qui l'accompagnaient? Avez-vous reconnu

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1 certaines des personnes qui étaient là avec lui?

2 Réponse: Il s'agissait pour la plupart de gardes du camp, mais il y avait

3 aussi d'autres personnes en sa compagnie; je me souviens d'un homme à qui

4 il manquait une main, je ne sais plus si c'était la gauche ou la droite,

5 mais en tout cas je me souviens de lui. Et il y avait aussi un médecin.

6 Question: Vous nous parlez d'un médecin. Vous parlez d'un médecin de

7 l'hôpital de Prijedor?

8 Réponse: Il est possible qu'il ait travaillé à Prijedor. Je crois que

9 c'était un médecin.

10 Question: Quand avez-vous quitté Keraterm, le camp de Keraterm?

11 Réponse: Nous sommes partis du camp de Keraterm vers le 1er août.

12 Question: Où vous a-t-on emmenés?

13 Réponse: On nous a emmenés au camp de Trnopolje.

14 Question: Vous a-t-on emmenés là-bas en bus avec d'autres détenus de

15 Keraterm?

16 Réponse: Oui. On m'a emmené avec d'autres détenus au camp de Trnopolje.

17 Cependant, auparavant, quelque 130 personnes se sont vu donner l'ordre de

18 prendre leurs affaires et de sortir. On les a fait monter à bord de deux

19 ou trois bus, sous escorte de gardes qui ont commencé à les frapper. Ils

20 ont dit que les bus passeraient dans les dortoirs, et qu'il faudrait

21 monter dans les bus quand ils passeraient devant le dortoir.

22 C'est ainsi que le convoi s'est formé, on est passé par Cirkin Polje et

23 Gornje et Donji Garevci.

24 Question: Qui commandait au camp de Trnopolje?

25 Réponse: C'était Slobodan Kuruzovic, d'ailleurs ce n'est pas simplement

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1 mon opinion à moi. On voyait que c'était lui qui commandait.

2 Question: Est-ce que vous le connaissiez avant?

3 Réponse: C'est possible que je l'ai déjà vu avant, mais je n'en suis pas

4 sûr.

5 Question: Combien de temps êtes-vous resté à Trnopolje?

6 Réponse: Jusqu'au 1er octobre de la même année.

7 Question: Quand vous avez quitté le camp ce 1er octobre, est-ce que l'on

8 vous a demandé de faire quelque chose avant de vous permettre de quitter

9 le camp? Est-ce que l'on vous a demandé de signer un document quel qu'il

10 soit?

11 Réponse: Eh bien, si on voulait avoir la possibilité d'être enregistrés

12 par la Croix-Rouge internationale et de quitter le camp, il fallait qu'on

13 remplisse un certain nombre de formulaires. Il a fallu faire une demande

14 pour partir aux autorités compétentes de Prijedor. Et nous avons tous fait

15 cela. Je crois qu'il me reste encore cette décision en alphabet

16 cyrillique.

17 Il est dit que, suite à la demande que j'avais faite pour quitter le

18 territoire de la municipalité de Prijedor, on m'autorisait à partir. Il

19 était également dit que, ce faisant, je renonçais à la propriété de tous

20 mes biens que je remettais à la municipalité de Prijedor. C'est seulement

21 après signé ces documents qu'on a pu quitter le camps en bus.

22 M. Waidyaratne (interprétation): Merci. J'en ai terminé de

23 l'interrogatoire principal.

24 M. le Président (interprétation): J'aimerais vous demander, afin de bien

25 comprendre la déposition du témoin, j'aimerais vous demander, Monsieur

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1 Waidyaratne, de nous présenter le croquis réalisé par le témoin le 23

2 octobre. Je crois qu'on y trouve la description en BCS des diverses pièces

3 et du camp. Et je voudrais vous demander de placer ce document sur le

4 rétroprojecteur.

5 M. Waidyaratne (interprétation): Est-ce qu'il s'agit de la pièce qui porte

6 le n°ERN 02015259 dans sa version en anglais, et en BCS 0174439? Est-ce

7 qu'il s'agit d'un croquis du camp de Keraterm?

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 M. Waidyaratne (interprétation): Donc on va montrer cela au témoin et je

10 vais lui poser un certain nombre de questions à ce sujet.

11 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si d'autres, ici même,

12 ont des documents différents que les miens. Mais moi, en ce qui me

13 concerne, j'ai un document en BCS et une espèce de traduction en anglais,

14 disons, qui se termine par le numéro de référence 259. Donc est-ce que

15 vous pourriez, s'il vous plaît, traiter de ce croquis brièvement?

16 M. Waidyaratne (interprétation): Puis-je commencer à interroger le témoin

17 à ce sujet?

18 M. le Président (interprétation): Oui.

19 M. Waidyaratne (interprétation): Est-ce que vous reconnaissez le croquis,

20 Monsieur le Témoin?

21 M. Arifagic (interprétation): Oui.

22 Question: Est-ce que, vous-même, vous l'avez réalisé?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Je parle du croquis qui porte le numéro de référence 00174439.

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Pourriez-vous nous montrer la pièce que vous avez désignée sous

2 l'appellation de "pièce" ou "salle n°1"?

3 (Le témoin s'exécute.)

4 Pour ce qui est de la salle n°2?

5 (Le témoin indique la pièce.)

6 Vous voyez, Monsieur le Témoin, ici la pièce n°3 ainsi qu'un endroit que

7 vous avez désigné avec la mention "WC"; est-ce que vous voyez cela?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce qu'il y a une correction que vous souhaiteriez apporter à

10 ce croquis?

11 Réponse: En fait, il y a une erreur ici parce que les toilettes se

12 trouvent derrière. C'est une erreur qui a été faite dans le croquis.

13 Question: Je veux être sûr de bien vous comprendre. Vous voulez dire qu'en

14 fait, les toilettes, elles sont avant la pièce 3; c'est-à-dire que sur

15 cette façade on a d'abord les toilettes, ensuite la pièce n°3. C'est cela?

16 Réponse: Oui, oui, oui. Il faut les intervertir sur le croquis.

17 Question: A côté, donc dans ces conditions, à côté de la salle n°3, nous

18 avons -si le croquis est bien précis-, nous avons la salle n°4?

19 Réponse: Oui, c'est cela.

20 Question: Il y avait des nids de mitrailleuses. Est-ce que vous pouvez

21 nous indiquer où ils se trouvaient? Vous en avez déjà parlé.

22 Je ne vous parle pas, ici, des mitrailleuses supplémentaires que vous avez

23 évoquées tout à l'heure, mais je voudrais parler des nids de mitrailleuses

24 qui étaient là en permanence. Pouvez-vous nous indiquer où ils se

25 trouvaient?

Page 7109

1 Réponse: Il y en avait un qui se trouvait là -le témoin l'indique-, qui se

2 trouvait à l'extérieur de la salle n°3 quand on regardait vers la droite.

3 Ici, il y avait une espèce de petite cahute pour protéger les armes de la

4 pluie. Puis, vous en aviez un autre ici dans ce coin.

5 Question: Cependant, je voudrais clarifier votre réponse parce que, en

6 fait, vous nous dites qu'il y avait un premier nid de mitrailleuses qui se

7 trouvait en face de la salle 3 -en fait, vous voulez dire la salle 1-, qui

8 se trouve à côté de la route Prijedor-Banja Luka? C'est cela?

9 Réponse: Oui, oui, c'est cela. C'était toujours là, c'était permanent

10 cette position. Et le deuxième emplacement où se trouvaient les

11 mitrailleuses, c'est celui qui se trouve là.

12 Question: Cela se trouvait en face de la salle n°3, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui. Cet emplacement permanent se trouvait en face des toilettes,

14 à l'extérieur des toilettes à gauche.

15 Question: Vous avez évoqué des mitrailleuses supplémentaires? Est-ce que

16 l'on peut les voir aussi sur ce croquis?

17 Réponse: Oui.

18 Question: C'est là où l'on peut lire la mention "mitrailleuses" et

19 "projecteurs" utilisés pour le massacre de la salle 3?

20 Réponse: Oui. C'est cela. Oui, c'est cela.

21 M. Waidyaratne (interprétation): J'espère que c'est suffisant pour le

22 Président. J'en ai terminé de mon interrogatoire principal.

23 M. le Président (interprétation): Allez-vous demander le versement au

24 dossier?

25 M. Waidyaratne (interprétation): Peut-être. Au départ, je ne voulais pas

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1 car il y avait une petite erreur concernant l'emplacement des toilettes,

2 mais maintenant qu'on a corrigé cette erreur, je vais demander le

3 versement au dossier. Je souhaiterais qu'on me donne la cote suivante.

4 M. le Président (interprétation): Il s'agira de la pièce S277. Y a-t-il

5 des objections au versement de cette pièce?

6 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Le document est donc versé au dossier

8 sous la cote S277 A et B.

9 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): L'audience est levée jusqu'à 14 heures

11 30.

12 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 38.)

13 (Le témoin, M. Jusuf Arifagic, est déjà dans la salle.)

14 Avant de donner la parole à la défense, je vais demander à l'huissier de

15 bien vouloir, une fois de plus, présenter le document qui porte la cote

16 S277 et de placer sur le rétroprojecteur ce document. Ceci, pour élucider

17 la question, parce que je crains quelque peu qu'il y ait eu un malentendu

18 consigné dans le compte rendu.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 D'après votre meilleur souvenir, Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous

21 dire, s'il vous plaît, en ce qui concerne la situation des toilettes, si

22 les toilettes se trouvaient entre les Chambres 2 et 3, ou bien entre les

23 Chambres 2 et 4? Est-ce que l'entrée aux toilettes était depuis ces deux

24 Chambres? Et je vais vous demander de bien vouloir nous montrer sur le

25 rétroprojecteur, une fois de plus, l'endroit exact où se trouvait l'entrée

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1 aux toilettes.

2 M. Arifagic (interprétation): Pour ce qui concerne les toilettes, il est

3 vrai que c'était tout de suite après la pièce n°2. Mais pour ce qui

4 concerne cette partie de l'usine de Keraterm, elle est quelque peu en

5 avance; on ne peut pas dire véritablement que c'était tout de suite après

6 la pièce n°2, mais à l'angle, donc quelque peu en avant, car il y avait

7 effectivement les pièces 3 et 4 qui étaient dans la même ligne.

8 M. le Président (interprétation): Par conséquent, ce n'était pas, si je

9 vous ai bien compris, tout à fait en face; ce n'était donc pas devant les

10 pièces 2 et 3 mais si nous, on observe donc cette carte, entre les pièces

11 2 et 3. Merci de m'avoir éclairé.

12 Je vous en prie, Maître Lukic. Vous pouvez poursuivre.

13 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Jusuf Arifagic, par Me Lukic.)

14 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur Arifagic.

15 M. Arifagic (interprétation): Bonjour.

16 Question: Nous parlons la même langue ou des langues qui se ressemblent.

17 Ici, on l'appelle BCS.

18 Réponse: Je pense que c'est la même.

19 Question: Si je vous dis cela, c'est qu'éventuellement, il peut y avoir

20 quelque problème car quand je vous pose les questions, à ce moment-là, je

21 vais vous demander de bien vouloir m'attendre, ménager les pauses.

22 Ensuite, vous répondrez pour que les interprètes puissent faire

23 correctement leur travail. D'un autre côté également, si, moi, j'attends

24 un petit peu alors que vous avez déjà terminé la réponse, ceci ne veut pas

25 dire que je ne suis pas satisfait avec la réponse que vous m'avez donnée,

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1 mais que j'attends les interprètes.

2 Réponse: D'accord. Merci.

3 Question: On peut commencer, s'il vous plaît?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Vous êtes retourné à Kozarac en décembre 1992, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce que vous avez travaillé en Croatie, avant?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce que vous étiez membre de la garde nationale en Croatie?

10 Réponse: Non.

11 Question: Est-ce que vous avez ramené les armes de Croatie que vous avez

12 utilisées là-bas?

13 Réponse: Non. Excusez-moi, mais il me faut vous donner une réponse. Le

14 siège de ma compagnie se trouvait en Croatie, mais j'ai dit que j'ai

15 travaillé avec ma compagnie sur le chantier en Libye.

16 Question: Merci. Pouvez-vous nous dire comment il se fait que vous avez eu

17 les armes quand vous étiez à Kozarac?

18 Réponse: Moi, j'avais un fusil de chasse et beaucoup de villageois à

19 Kozarac en avaient. Et quand on se relayait pour aller à la chasse, à ce

20 moment-là, on prenait le fusil de l'autre qui avait déjà terminé la

21 chasse. C'était pareil après, quand on avait organisé les patrouilles.

22 Question: Après le 30 avril 1992, il y avait combien, au total,

23 d'effectifs parmi les policiers, aussi bien ceux d'active que de réserve?

24 Est-ce que vous êtes au courant?

25 Réponse: Je ne sais pas, mais je pense que les forces de police ont été

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1 renforcées. Il y avait plus d'effectifs que normalement.

2 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y avait une

3 centaine de policiers?

4 Réponse: Je ne sais pas, je n'ai pas été engagé comme policier. Donc ce

5 n'est pas impossible, donc je ne le sais pas. C'est possible.

6 Question: Savez-vous qu'une partie de l'équipement de police…, parmi

7 l'équipement, on peut compter également le fusil automatique?

8 Réponse: Oui, je sais que la police avait des armes. Mais normalement, la

9 police n'était pas armée jusqu'aux dents, c'était plutôt en temps de

10 guerre. Sinon, ils ne portaient pas plein de choses sur eux.

11 Question: Et savez-vous qu'il y avait la Défense territoriale à Kozarac?

12 Réponse: Oui. Si vous pensez à la Défense territoriale qui existait à

13 Kozarac pendant une période bien déterminée, c'est vrai, ça existait, mais

14 c'est la Défense territoriale qui existait même avant que le conflit se

15 soit déclenché et avant la prise de contrôle. C'étaient les gens qui

16 étaient des militaires de réserve et qui disposaient de l'équipement de

17 l'ex-JNA. Effectivement, cela a été mis à la disposition de la Défense

18 territoriale, mais je pense que toutes ces armes et tout l'équipement ont

19 été remis, par la suite, parce qu'on l'a demandé.

20 Question: Vous dites que les armes ont été restituées. Quand pensez-vous

21 que ces armes ont été restituées?

22 Réponse: Je ne sais pas exactement quelle était la date, mais ce que je

23 sais, c'est que la Défense territoriale existait à Kozarac, peut-être au

24 cours de six mois... au moins six mois avant que le conflit se déclenche à

25 Kozarac. Je ne sais pas quelle est la raison pour laquelle la Défense

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1 territoriale avait été relancée ni qui l'avait fait mais, de toute façon,

2 elle existait à Kozarac.

3 Question: Merci. Vous dites que le territoire de Kozarac a été encerclé

4 avec dix villages serbes?

5 Réponse: Une dizaine.

6 Question: Par ailleurs, vous avez dit que vous avez fait ériger les points

7 de contrôle face aux villages serbes pour vous défendre?

8 Réponse: Vous pouvez appeler cela un point de contrôle.

9 Question: Mais ce sont les postes de garde, si vous voulez?

10 Réponse: Oui, ce sont les postes de garde. On avait tout simplement

11 procédé à une observation; on avait observé ce qui se passait dans les

12 alentours. C'était un poste d'observation.

13 Question: Est-ce que ceci veut dire qu'il y avait une dizaine de postes

14 d'observation?

15 Réponse: Vous pensez à Kozarac et tout ce qui l'entourait?

16 Question: Oui.

17 Réponse: Les gens, à Kozarac et dans les environs, patrouillaient. Ils ont

18 essayé de voir ce qui se passait, de ne pas permettre que les gens

19 pénètrent comme ça dans le village.

20 Question: Par la suite, vous avez dit que des mass media serbes, et

21 notamment après la prise de relais émetteurs de télévision à Kozara,

22 avaient désigné l'armée bosnienne comme des Bérets verts?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que c'était aux mois de février, mars 1992?

25 Réponse: Oui, je le crois volontiers parce qu'à cette époque-là, il y

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1 avait déjà des conflits qui faisaient rage autour de Bijeljina et dans

2 d'autres secteurs. Il y avait une certaine armée qu'on appelait une "armée

3 de Bérets verts". Personnellement, je ne sais pas si c'était vraiment

4 l'armée de Bosnie-Herzégovine; je ne pensais pas que ça existait encore à

5 cette époque-là.

6 Question: Est-ce que, à ce moment-là, vous saviez ou est-ce que vous avez

7 appris ultérieurement qu'il y avait une armée de Bosnie-Herzégovine?

8 Réponse: La Défense territoriale, je sais, mais je ne peux pas vous dire

9 que je savais qu'il y avait une armée de Bosnie-Herzégovine.

10 Question: Est-ce que, ultérieurement également, vous avez appris qu'il y

11 avait des Bérets verts?

12 Réponse: Une fois que je suis sorti du camp, on avait parlé des Bérets

13 verts. Mais pendant la guerre et pendant mon séjour dans le camp, je ne le

14 savais pas.

15 Question: S'agissant des hommes de nationalité bosnienne ou des Musulmans,

16 si vous voulez bien, ainsi que des Croates, ils n'avaient pas accepté

17 l'appel à la mobilisation en 1991. Est-ce que vous savez s'il y avait des

18 hommes qui ont été sanctionnés pour avoir refusé de répondre à l'appel à

19 la mobilisation?

20 Réponse: Dans mon village, il n'y en avait pas, mais je sais que les gens

21 se cachaient dans les bois.

22 Question: Page 19 du compte rendu d'aujourd'hui, vous parlez de

23 l'hélicoptère qui s'est posé à Balte. Vous avez dit également que cet

24 hélicoptère s'est posé, qu'il avait ramené des armes à la population de

25 Balte et que vous l'avez appris par votre Cousin qui a travaillé comme

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1 policier à Kozarac. Quand est-ce que vous l'avez appris? Quand votre

2 cousin vous l'a-t-il raconté?

3 Réponse: Je pense que c'était à la veille de la prise de contrôle de

4 Prijedor. De toute façon, avant que le conflit se déclenche et avant la

5 prise de contrôle de Prijedor.

6 Question: Dans votre déclaration que vous avez donnée en 1994 aux

7 enquêteurs du Tribunal, est-ce que vous avez dit que vous n'étiez pas du

8 tout au courant pour ce qui se trouvait dans cet hélicoptère?

9 Réponse: C'est possible.

10 Question: Maintenant, j'aimerais vous poser une autre question. Cette

11 fois-ci, cette question concerne ce certificat; il s'agit d'une

12 déclaration d'allégeance. Est-ce que l'on avait demandé auprès de tous les

13 citoyens de Kozarac de signer ces déclarations d'allégeance ou bien

14 uniquement aux policiers, à votre connaissance?

15 Réponse: A ma connaissance et selon mes informations, on a demandé que

16 Kozarac signe la déclaration d'allégeance. Ce qui a été sous-entendu sous

17 cela, je ne peux pas vous le dire.

18 Question: Vous-même, vous n'avez jamais vu ce papier, cette feuille de

19 papier qu'il fallait signer?

20 Réponse: Non.

21 Question: Comment avez-vous appris qu'il y avait de telle demande?

22 Réponse: Becir Medunjanin ou les gens qui représentaient des autorités, à

23 l'époque, étaient en contact en permanence avec les autorités de Prijedor.

24 C'est par la suite qu'ils avaient informé la population à Kozarac. Ils se

25 sont posé la question s'il fallait ou non signer la déclaration

Page 7117

1 d'allégeance au nom du peuple, mais c'est le peuple qui a décidé de ne pas

2 vouloir signer quoi que ce soit comme déclaration de tel type, déclaration

3 d'allégeance.

4 Question: En d'autres termes, c'est Becir Medunjanin qui vous l'a appris,

5 et pas par la radio?

6 Réponse: Ce n'est que par la suite que j'ai appris que les villageois,

7 dans les villages des environs, avaient été invités à signer la

8 déclaration d'allégeance aux autorités de Prijedor. Mais, au cours de la

9 guerre, je l'ai appris directement par Becir Medunjanin. Mais sinon, la

10 veille, on a commencé déjà à parler de cela.

11 Question: Par la suite, vous dites -je vous cite-: "Nous avions un

12 certain nombre d'informations selon lesquelles un certain nombre de

13 villages avaient effectivement pris la décision de signer la déclaration

14 d'allégeance. Ils ont restitué les armes, mais, malgré cela, ils avaient

15 été attaqués ultérieurement". (Fin de citation.)

16 Est-ce que vous pouvez nous dire à quels villages pensiez-vous?

17 Réponse: Hambarine, par exemple. D'après l'information, ce sont eux qui

18 ont signé la déclaration d'allégeance. Ils ont restitué les armes mais,

19 quelques jours plus tard, nous avons pu constater que des villages -ce

20 village et les villages autour de Hambarine- étaient en feu.

21 Question: Est-ce que vous avez vu que Hambarine était incendiée, quelques

22 jours, deux ou trois jours avant l'attaque sur Kozarac?

23 Réponse: Je pense que c'était au cours de ces trois jours.

24 Question: Est-ce que vous avez entendu qu'il y avait un incident qui s'est

25 produit au point de contrôle de Hambarine?

Page 7118

1 Réponse: A la radio, j'ai pu entendre que, soi-disant, on avait attaqué le

2 point de contrôle, mais c'est tout ce que j'ai appris. Je ne connaissais

3 pas le détail.

4 Question: Au cours de votre déposition aujourd'hui, et tout à l'heure

5 également, vous avez mentionné que c'est Becir Medunjanin qui vous a

6 transmis un certain nombre d'informations, notamment quand il s'agissait

7 des négociations qui avaient lieu avec les personnes du SDS. Vous avez dit

8 que chaque fois, après ces négociations, il se rendait auprès des gens,

9 sur le terrain, pour leur expliquer quelle était la situation qui

10 prévalait à cette époque-là.

11 Pouvez-vous nous dire comment vous avez transmis de tels types

12 d'informations? Il y avait des réunions ou bien, éventuellement, c'est

13 d'une maison à l'autre qu'ils venaient vous en informer?

14 Réponse: Non, mais il y avait des foyers de culture et les gens se

15 rassemblaient dans les réunions, posaient des questions. Eux, ils

16 donnaient des explications et ensuite, les gens partaient chez eux.

17 Question: Il y avait combien de réunions pour lesquelles vous étiez au

18 courant?

19 Réponse: Je me souviens que, pour le quartier que j'habite, on avait

20 organisé deux réunions chez moi dans ma maison.

21 Question: Pouvez-vous nous dire qui assistait à de tels types de réunions?

22 Réponse: C'est Becir Medunjanin et Besim Alic qui se rendaient pour donner

23 des explications. Pour ce qui concerne les villageois, ce sont

24 pratiquement tous les villageois qui s'y rendaient.

25 Question: Quand vous parlez des villageois, parlez-vous tout simplement

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1 des hommes en âge de combattre ou bien, il y avait les enfants, les femmes

2 qui assistaient à ces réunions? Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

3 Réponse: Mais les enfants n'avaient rien à chercher dans de tels types de

4 réunions. C'étaient, en gros, des hommes qui assistaient à de telles

5 réunions.

6 Question: Vous dites que vous étiez de garde également, et dans le secteur

7 de Kozarac qui se trouvait dans le village de Javori?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce que vous-même vous habitiez Javori? Est-ce que c'est là

10 où se trouvait votre maison?

11 Réponse: Non, ce n'est pas Javori mon village, mais mon village se

12 trouvait juste à côté.

13 Question: Qui vous a donné l'ordre de prendre ce poste à Javori?

14 Réponse: Personne ne m'a ordonné quoi que ce soit. C'est le peuple qui se

15 rassemblait; on avait pris la décision que ce n'était pas indispensable de

16 monter la garde devant la maison, mais qu'il fallait plutôt aller au point

17 extrême et observer ce qui se passait autour de Kozarac pour essayer de

18 protéger la population.

19 Question: Est-ce qu'il y avait des patrouilles? Est-ce que quelqu'un

20 organisait les relèves?

21 Réponse: C'était sur l'initiative de n'importe qui qu'on aurait pu

22 organiser des équipes et des relèves, de la manière dont on allait prendre

23 les armes. Enfin, c'est sur place qu'on s'organisait.

24 Question: Monsieur Sead Cirkin, est-ce qu'on lui a demandé quoi que ce

25 soit au sujet de ces gardes?

Page 7120

1 Réponse: Eh bien, tout naturellement on lui a demandé puisqu'il a eu une

2 position, une fonction au sein de la JNA. Et donc, on s'était dit qu'il

3 allait pouvoir faire quelque chose pour empêcher le conflit.

4 Question: Vous avez dit qu'après le massacre qui s'est produit dans la

5 salle n°3 à Keraterm, Simo Drljaca s'était adressé aux gens en disant que

6 ceci n'aurait pas dû se produire. Est-ce que vous savez à qui il s'est

7 adressé? Est-ce qu'il s'est adressé aux détenus ou bien aux gardiens?

8 Réponse: Je ne saurais vous répondre directement, mais il y avait un

9 groupe de personnes autour de lui, elles étaient avec lui. Nous, on a

10 appris cela, on a appris que tout cela était dû à une erreur, que cela

11 n'allait pas se reproduire et qu'on allait mieux nous garder, mieux faire

12 attention à nous.

13 Question: Encore quelque chose. A la page 56 de votre déposition

14 d'aujourd'hui, dans le transcript, vous avez parlé des personnes qui

15 accompagnaient Simo Drljaca et vous avez mentionné un homme à qui il

16 manquait un bras.

17 Réponse: Oui, il lui manquait un bout de bras gauche ou droit.

18 Question: Il portait une blouse blanche?

19 Réponse: Oui. Je pense qu'il était médecin. Justement, je suis arrivé à

20 cette conclusion à cause de cette blouse blanche.

21 Question: Dans le compte rendu d'audience, ce n'est pas très clair: on a

22 l'impression qu'il y avait un médecin et, en plus, quelqu'un à qui il

23 manquait un bras. Donc, en réalité, il s'agit d'une même personne?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Quand il y a eu des réunions à Kozarac, auxquelles a assisté M.

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1 Medunjanin avec ses collaborateurs -et donc, à ces occasions, ils

2 informaient les citoyens de Kozarac du développement de la situation en

3 région, dans la région de Prijedor-, qui s'était chargé de convoquer les

4 personnes à ces réunions, de les organiser?

5 Réponse: Eh bien, souvent, c'était un villageois qui venait nous dire

6 qu'il y aurait une réunion et donc, le lieu de la réunion, qu'on allait

7 recevoir de nouvelles informations. Pour la plupart, c'étaient des

8 citoyens locaux qui nous informaient de ces réunions.

9 Question: Est-ce que cette décision portant à ne pas signer la déclaration

10 d'allégeance aux autorités serbes a été prise à l'unanimité ou bien y a-t-

11 il eu un vote? De quelle façon cette décision a-t-elle été prise?

12 Réponse: A la réunion à laquelle j'ai participé, il a été décidé, de façon

13 unanime, de ne pas signer cette déclaration. Cette décision a été prise au

14 nom de citoyens de Kozarac. Et il a été dit aussi que nous, nous n'allions

15 pas attaquer qui que ce soit et que les autorités de Prijedor pouvaient en

16 être sûres.

17 Question: Pourriez-vous nous dire combien de jours après cela il y a eu la

18 prise de la ville, donc combien de jours après cette première réunion?

19 Réponse: Je ne saurais vous dire. Quelques jours plus tard.

20 Question: Y a-t-il jamais eu d'incident à l'endroit où vous montiez la

21 garde, dans le village de Javori qui était tourné vers Balte, avant le 24

22 mai 1992?

23 Réponse: Non, il n'y en a jamais eu.

24 Question: Saviez-vous qu'il y avait pas mal de villageois de Balte qui se

25 trouvaient mobilisés et qui n'étaient pas du tout dans le village, qu'ils

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1 étaient plutôt sur le théâtre des opérations, sur le front?

2 Réponse: Non, je ne suis pas au courant de cela.

3 Question: Avez-vous eu des contacts avec les villageois de Balte, au cours

4 de ces gardes?

5 Réponse: Oui. Juste à proximité il y avait une petite boutique. Ils

6 venaient dans cette boutique; on s'asseyait, on discutait, on buvait une

7 bière ensemble. Ils venaient faire leurs courses, donc après les avoir

8 faites, ils partaient. C'étaient des voisins, des gens qu'on connaissait

9 très bien, c'étaient nos voisins. Cela s'est produit même après la prise

10 de pouvoir à Prijedor. Et parfois, même, ils venaient nous voir à

11 Keraterm.

12 Question: Sept jours avant que les combats à Kozarac ne commencent, sur la

13 route principale entre Banja Luka et Prijedor, au moins à deux endroits

14 -donc à Kozarusa et à Jakupovici-, il y avait des barrages routiers aussi

15 bien serbes que bosniens, n'est-ce pas?

16 Réponse: Eh bien, ce n'était pas vraiment un barrage routier, on ne peut

17 pas parler d'un barrage routier. D'un autre côté, c'était juste la garde,

18 c'étaient des personnes qui montaient la garde comme ils le faisaient

19 d'habitude à différents endroits à Kozarac. Donc il n'y avait pas de sacs

20 de sable, nous n'avions pas de nids de mitrailleuses. On était juste là

21 pour être prêts, dans le cas d'une attaque éventuelle, mais les véhicules

22 civils pouvaient passer sans aucun problème. Il n'y avait pas d'obstacle.

23 Question: Donc, aujourd'hui, vous affirmez que la circulation était tout à

24 fait normale sur cette route-là, à l'époque?

25 Réponse: Au cours des sept jours qui ont précédé l'attaque, non. Mais

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1 jusqu'à ce moment-là, oui. Mais à partir de sept jours avant l'attaque, il

2 y a eu des gardes renforcées, mais il n'y a pas eu d'obstacles physiques.

3 C'était une espèce de réponse au point de contrôle qui a été posé à

4 Orlovac. On savait que quelque chose se préparait, que quelque chose

5 allait se passer et donc, on a répondu de cette façon-là.

6 Question: Saviez-vous qu'une requête a été envoyée par le commandement

7 militaire de Banja Luka, exigeant les sauf-conduits pour un convoi

8 militaire qui devait passer le 24 mai 1992, ce qui était justement la date

9 du début du conflit à Kozarac?

10 Réponse: Non, je ne suis pas au courant de cela.

11 Question: Mais vous savez pourtant que, ce jour-là, il y avait une colonne

12 de véhicules militaires qui arrivait de Banja Luka?

13 Réponse: Oui, j'ai entendu dire cela.

14 Question: Et vous avez entendu un gardien du point de contrôle de

15 Jakupovici informer le capitaine Cirkin du fait que la colonne ou le

16 convoi de véhicules militaires était en train de s'approcher?

17 Réponse: Oui, j'ai entendu cela.

18 Question: Vous avez entendu le capitaine Cirkin donner des ordres à

19 l'homme qu'il a appelé de ce point de contrôle, en lui ordonnant de

20 laisser les chars s'approcher de son point de contrôle, suffisamment pour

21 pouvoir le détruire avec des lance-roquettes, des Zolja?

22 Réponse: Oui. Mais c'était une attaque, ce n'était pas un convoi. Il ne

23 s'agissait pas de laisser passer un convoi classique, il s'agissait d'une

24 attaque en bonne et due forme.

25 Question: Saviez-vous qu'on a détruit au moins un char?

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1 Réponse: Oui. Soi-disant, un char a été détruit et un autre a été mis hors

2 service, mais je ne sais pas si c'est vrai, puisque je n'étais pas présent

3 à cet endroit.

4 Question: Cependant, d'après l'ordre donné par le capitaine Cirkin, il

5 apparaît qu'il savait que les gens qui se trouvaient au point de contrôle

6 de Jakupovici avaient des lance-roquettes?

7 Réponse: Oui, probablement.

8 Question: Au moment des négociations avec les Serbes, vous avez dit que

9 les décisions qui avaient été prises ont été transmises par téléphone?

10 Réponse: Je ne comprends pas votre question. Pourquoi parlez-vous du

11 téléphone?

12 Question: Je voulais savoir s'il y avait des lignes téléphoniques qui

13 fonctionnaient, à l'époque.

14 Réponse: Je pense qu'à partir du moment où il y a eu la prise de pouvoir à

15 Prijedor, la prise de la ville, les lignes téléphoniques ne fonctionnaient

16 plus. Il est possible qu'il existait des lignes qui fonctionnaient entre

17 le poste de police de Kozarac et le poste de police de Prijedor; c'était

18 probablement une ligne utilisée uniquement dans ce but-là.

19 Question: Quel était l'émetteur radio que vous aviez, à l'endroit où vous

20 montiez la garde?

21 Réponse: Eh bien, c'était ce vieux type qu'on utilisait dans la police, un

22 petit peu amélioré. Mais comme il ne fonctionnait plus après un certain

23 moment car nous n'avions plus de piles, eh bien, il ne marchait plus.

24 Question: Mais, apparemment, ce engin marchait au moment de l'attaque,

25 puisque le capitaine Cirkin était en mesure de se mettre en contact avec

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1 les points de contrôle?

2 Réponse: Oui, en effet.

3 Question: Et cet émetteur radio, était-ce un émetteur portable ou bien qui

4 était encastré dans un véhicule?

5 Réponse: C'était un émetteur radio portable.

6 Question: Est-ce que la majorité des citoyens de Kozarac étaient

7 convaincus qu'il y aurait une issue paisible à la situation?

8 Réponse: Eh bien, s'il existait un désir à l'époque, je pense que le désir

9 de tout citoyen de Kozarac était le même: ils aspiraient à une solution

10 paisible. Et je pense que personne parmi nous, ou plus de 90% des gens

11 pensaient qu'il n'y aurait pas de conflit.

12 Question: Toujours est-il qu'il y a eu l'armement et que l'on n'a pas

13 accepté les conditions posées par les autorités serbes et que l'on n'a pas

14 signé la déclaration d'allégeance?

15 Réponse: Je ne suis pas au courant de l'armement. Ce que les citoyens de

16 Kozarac voulaient accepter, c'était le pouvoir légitime issu des

17 élections. Donc, pour nous, on ne pouvait pas accepter une autre autorité,

18 un autre gouvernement car on le considérait comme illégal; ils avaient

19 pris le pouvoir par la force.

20 Question: C'est difficile de parler de ce qui était légal ou illégal à

21 l'époque.

22 Réponse: Oui, c'est vrai. Moi, je ne suis pas un juriste.

23 Question: Car s'il y avait une notion de légalité ou d'illégalité, toutes

24 les personnes qui n'avaient pas répondu à l'appel à la mobilisation

25 générale auraient été arrêtées. Donc je pense que c'étaient des temps

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1 incertains où ces notions n'étaient pas très claires.

2 Réponse: Eh bien, il y avait des gens qui sont allés se battre à Pakrac ou

3 à Lipik, et la plupart des Bosniens ne voulaient pas aller se battre là-

4 bas. D'ailleurs, c'étaient les recommandations que nous avons reçues de

5 Sarajevo. Et je pense que si on m'avait demandé d'aller me battre contre

6 les Serbes en Serbie, eh bien, je ne l'aurais pas fait non plus.

7 C'est que, à ce que je sache, nous n'avons attaqué personne. Et même

8 aujourd'hui, dans la région de Kozarac, aucune maison serbe n'a été

9 détruite, n'a été brûlée, n'a été minée. J'étais naïf à l'époque. Et

10 d'ailleurs, la preuve réside dans le simple fait que je suis revenu au

11 pays 20 jours avant le début du conflit en voulant construire ma maison,

12 en voulant y aménager avec ma famille; ceci démontre bien ma naïveté.

13 Question: Vous étiez naïf. Mais est-ce que vous avez remarqué que d'autres

14 gens tentaient d'abriter les membres de leur famille, qu'on les envoyait

15 ailleurs?

16 Réponse: Oui, c'est possible. Ceux qui avaient de l'argent le faisaient.

17 Moi, je n'ai pas essayé d'abriter qui que ce soit, où que ce soit; je

18 n'éprouvais pas ce besoin. Je ne voyais pas où il fallait que j'aille,

19 ailleurs que de rester chez moi.

20 Question: Est-ce que qui que ce soit vous a dit exactement ce que les

21 autorités serbes ont demandé aux citoyens de Kozarac, immédiatement avant

22 l'attaque? Et si oui, pourriez-vous nous dire ce qu'on vous a dit, ce

23 qu'on a demandé aux citoyens de Kozarac?

24 Réponse: La dernière information que j'ai reçue, juste avant l'attaque,

25 c'est que l'on demandait que Becir Medunjanin et un représentant de la

Page 7127

1 communauté religieuse de Kozarac se rendent au point de contrôle d'Orlovac

2 pour discuter. Mais enfin, on demandait toujours la même chose: signer la

3 déclaration d'allégeance, rendre les armes, etc.

4 Question: Est-il vrai que la plupart de ces négociations se sont tenues en

5 présence de Radmilo Zeljaja? C'est lui qui a négocié?

6 Réponse: Oui, c'est fort possible.

7 Question: Savez-vous si un compte rendu a été tenu de ces réunions?

8 Réponse: Je n'étais pas présent.

9 Question: Quand la délégation qui a assisté aux dernières négociations est

10 revenue et quand ils ont expliqué à la population quelle était la

11 situation, est-ce que les citoyens ont été déterminés dans leur décision

12 de défendre Kozarac ou bien, y avait-il des gens qui voulaient plutôt

13 accepter la proposition faite par Radmilo Zeljaja?

14 Réponse: Eh bien, je pense qu'ils ont maintenu leur position de départ,

15 c'est-à-dire qu'ils n'allaient attaquer personne, mais qu'en même temps

16 ils ne voulaient pas signer cette déclaration d'allégeance et rendre les

17 armes.

18 Question: Maintenant, je voudrais revenir sur les points de contrôle à

19 Kozarusa et Jakupovici. Donc, par la liaison radio, vous avez entendu dire

20 qu'à un moment donné il y a eu des combats directs d'infanterie?

21 Réponse: Oui. Je pense que cela s'est produit au point de contrôle de

22 Jakupovici, c'est-à-dire que le convoi a commencé à se déplacer et les

23 gens qui se trouvaient aux points de contrôle n'avaient pas d'autres choix

24 que de se retirer vers Kozarac.

25 Question: Vers le centre de Kozarac?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Et vous, sur le point de contrôle où vous étiez ou bien à

3 l'endroit où vous montiez la garde, vous avez ordonné aux gens de tirer

4 deux par deux pour que l'on ait l'impression que vous aviez plus de

5 munitions?

6 Réponse: Oui, car les gens de Jakupovici nous ont dit que l'infanterie

7 progressait si rapidement qu'ils n'arrivaient pas à évacuer les femmes,

8 les enfants, etc., et que l'attaque arrivait de la direction de Balte.

9 Comme on ne disposait pas de suffisamment de munitions, nous nous sommes

10 dit qu'en tirant à grands feux, eh bien, qu'ils allaient penser qu'on est

11 plus fort et qu'on allait, comme cela, permettre à la population civile de

12 se retirer.

13 Question: Quelle est la distance entre Jakupovici et le centre de Kozarac?

14 Réponse: Entre Jakupovici et le centre de Kozarac, cinq ou six kilomètres

15 à peu près.

16 M. Lukic (interprétation): Donc ces combats, c'est-à-dire quand vous avez

17 ouvert le feu, cela a ralenti les forces serbes, n'est-ce pas, parce

18 qu'ils avaient besoin de deux jours pour traverser cinq kilomètres?

19 M. Arifagic (interprétation): Non, non, je pense que cela n'a eu aucun

20 effet. Ce n'est pas cela qui les a retardé. Car, par exemple, entre

21 l'endroit d'où nous avons commencé à tirer et l'endroit où il y a eu des

22 combats qui se trouvent sur la route qui relie Prijedor et Banja Luka, eh

23 bien, la distance est aussi de quatre ou cinq kilomètres.

24 M. Waidyaratne (interprétation): Je suis désolé de vous interrompre, mais

25 il est écrit: "Dans ces tirs que vous avez commencés ou les combats que

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1 vous avez commencés…". Le Témoin n'a jamais dit cela, et je pense que vous

2 le citez à tort.

3 M. Lukic (interprétation): J'ai voulu dire les combats auxquels lui et ses

4 hommes ont participé.

5 M. le Président (interprétation): Mais le Témoin n'a jamais dit qu'il a

6 commencé à combattre, c'est-à-dire que c'était lui qui était à l'origine

7 de la bataille.

8 M. Lukic (interprétation): Je remercie, moi aussi, les interprètes de

9 m'avoir aidé car elles ont dit que c'était peut-être leur erreur. Merci.

10 Savez-vous qui a donné l'ordre de monter la garde 24 heures sur 24?

11 M. Arifagic (interprétation): C'était une décision prise par les citoyens

12 à partir du moment où il y a eu la prise de pouvoir à Prijedor, car on

13 ressentait que quelque chose allait nous arriver, et ce que l'on voulait

14 faire, c'était empêcher tout incident à Kozarac.

15 Question: Est-ce que l'on a augmenté aussi le nombre de points de

16 contrôle?

17 Réponse: Sans doute que oui. Là où l'on était, nous, eh bien, c'était un

18 village habité. Il est fort probable que les villageois eux-mêmes étaient

19 vigilants et aient gardé, en quelque sorte, le village en observant ce qui

20 s'est passé à l'extérieur, en contrôlant des éléments éventuels qui

21 auraient pu pénétrer dans le village.

22 Question: Est-ce que ces postes de garde étaient positionnés à des

23 intervalles réguliers autour de Kozarac?

24 Réponse: Nous n'avions pas suffisamment de personnes pour avoir de

25 véritables postes de garde. Il s'agissait de patrouilles composées de deux

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1 ou trois personnes qui étaient chargées de contrôler la situation et

2 empêcher que les choses se dégradent. Voilà quelle était la situation à

3 l'époque.

4 Question: Toutefois, juste avant l'attaque, à votre poste de garde il y

5 avait 50 personnes, n'est-ce pas?

6 Réponse: 50 personnes? Si vous comptez les habitants qui se trouvaient là,

7 peut-être qu'il y avait même davantage de personnes. Comme je l'ai dit, il

8 s'agissait d'un village habité. Et nous qui étions de garde, nous étions

9 dix peut-être, tout au plus.

10 Question: Nous reviendrons sur ce sujet un peu plus tard.

11 Vous avez dit que vous n'acceptiez que les ordres de Becim Medunjanin et

12 du chef de la police, Osme?

13 Réponse: Nous obtenions des informations de leur part concernant la

14 situation, les développements.

15 Question: Est-ce que quelqu'un dans la région de Kozarac était, sur le

16 plan hiérarchique, au-dessus de ces deux hommes?

17 Réponse: Non, je ne pense pas. Je pense que les gens s'adressaient

18 généralement à Medunjanin ou à Cirkin ou à Besim Alic, s'agissant des

19 questions de police, parce qu'il s'agissait des personnes qui

20 représentaient les gens, à ce stade.

21 Question: Laissez-moi vous poser une autre question concernant l'émetteur

22 radio. Quelle était la fréquence de votre utilisation du poste-émetteur

23 pour envoyer des rapports concernant la situation sur le terrain? Et à qui

24 adressiez-vous ces rapports?

25 Réponse: Nous n'avons jamais envoyé de tels rapports. Nous utilisions le

Page 7131

1 poste-émetteur pour obtenir de nouvelles informations concernant

2 l'évolution de la situation, bien sûr. Nous recevions uniquement des

3 instructions nous disant que nous ne devions pas ouvrir le feu ou répondre

4 aux tirs de feu. Et généralement, il s'agissait d'un système de

5 communication que nous utilisions pour nous informer d'éventuels

6 développements de la situation.

7 Question: Est-ce que vous vous souvenez d'un incident au cours duquel

8 Zeljaja a demandé à Medunjanin, à Besim Alic -qui était Président de

9 l'assemblée des citoyens de Kozarac-, ainsi qu'à deux autres citoyens de

10 Kozarac et un chef religieux, demandant que ces personnes viennent à un

11 poste de contrôle situé à Orlovac de façon à parvenir à un accord, dans le

12 cadre de négociations?

13 Réponse: Oui, j'ai déjà parlé de cela. Il s'agissait de la dernière

14 tentative de parvenir à un accord.

15 Question: Est-ce que vous savez quelle a été la réponse de M. Medunjanin?

16 Réponse: Il a répondu que les habitants de Kozarac ne voulaient pas signer

17 de déclaration d'allégeance, mais que lui ainsi que le reste des habitants

18 de Kozarac pouvaient offrir des garanties aux gens de Prijedor comme quoi

19 ils ne mèneraient aucune attaque.

20 Question: Est-ce que M. Medunjanin a essayé d'organiser une nouvelle

21 réunion après celle-ci?

22 Réponse: Je pense qu'il a simplement informé les citoyens de ce qui

23 s'était passé au cours de cette réunion.

24 Question: Est-ce que vous savez qu'il y avait un champ de mines autour des

25 postes de contrôle de Jakupovici et de Kozarusa?

Page 7132

1 Réponse: Non, je n'en ai jamais entendu parler.

2 Question: Je souhaiterais à présent passer à un tout autre thème. Vous

3 pourriez, s'il vous plaît, essayer de vous souvenir du moment où vous avez

4 été libéré de Trnopolje, le 1er octobre 1992?

5 Réponse: Oui.

6 Question: A cette occasion, est-ce que des conditions ont été posées selon

7 lesquelles vous deviez signer des documents en vertu desquels vous

8 renonciez à vos biens et céder vos biens à la Région autonome de Krajina?

9 Réponse: Je pense que nous devions d'abord déposer une demande en vue

10 d'émigrer et qu'ensuite, il fallait signer des papiers comme quoi on

11 renonçait à nos biens. Je pense que cela faisait partie de ces formulaires

12 que l'on nous a donnés. Ensuite, par la suite, on nous a communiqué une

13 décision selon laquelle notre départ de la Krajina serbe était approuvé.

14 Le fait de signer ce document n'était pas une condition préalable à notre

15 départ du camp. Et moi-même, je n'ai dû signer aucun document comme quoi

16 je renonçais à mes biens, puisque tous mes biens avaient été détruits.

17 Question: Lorsque vous avez été interrogé par M. Ryneveld dans le cadre de

18 l'affaire Keraterm, à la page 1601 du compte rendu d'audience... Je vais

19 vous donner lecture de ce passage en anglais, de façon à ce que vous ayez

20 une traduction correcte.

21 La question était la suivante: "Qu'est-il advenu de vos biens?". Et vous

22 avez répondu -je cite-: "Non, personne n'a parlé de cette question".

23 Réponse: Peut-être que c'est effectivement ce que j'ai répondu. La

24 question de mes biens n'a pas été soulevée, mais la condition selon

25 laquelle je serais autorisé à quitter le camp si je signais une

Page 7133

1 déclaration de renonciation à mes biens n'a pas été soulevée.

2 J'ai été obligé de déposer une demande selon laquelle je donnais mon

3 accord et j'acceptais de quitter la Krajina serbe. Après cela, je n'ai pas

4 été autorisé à rentrer chez moi pendant dix ans. Je ne sais pas si

5 quelqu'un en bonne santé et dans des conditions normales ferait une telle

6 chose, déposer une demande de ce type et ensuite, partir en quittant son

7 foyer et tous ses biens.

8 Question: Je pense que je comprends parfaitement ce que vous pouvez

9 ressentir.

10 Réponse: Non, vous ne pouvez pas comprendre.

11 Question: J'ai connu la même situation que vous. Je me trouvais dans la

12 même situation.

13 Aujourd'hui, toutefois, est-ce que vous êtes sûr que vous avez signé ce

14 document comme quoi vous renonciez à vos biens, ou pas?

15 Réponse: Non, je n'ai pas signé de déclaration selon laquelle je cédais

16 mes biens à quelqu'un d'autre, mais je me souviens avoir signé une demande

17 d'émigration. On m'a communiqué une décision selon laquelle un comité de

18 la municipalité de Prijedor avait approuvé ma demande et que je pourrais

19 partir de mon propre gré. Mais tout le monde sait bien que je ne partais

20 pas de mon plein gré; j'étais obligé de partir: si j'étais resté, je

21 n'aurais pas survécu.

22 Question: Très bien. Mais ce n'est pas ce que je vous demande. Je pense...

23 Je veux dire: on vous a obligé à déposer une demande d'émigration. Ce

24 n'est pas ce que je vous ai demandé.

25 Ma question était: est-ce que vous êtes sûr que vous avez bien signé un

Page 7134

1 papier comme quoi vous renonciez à vos biens?

2 Réponse: Je ne sais pas, mais je sais que si je rentre à Prijedor

3 aujourd'hui, je dois déposer une demande afin que mes biens me soient

4 restitués parce qu'ils ont été saisis. Je ne peux pas rentrer chez moi

5 avant d'avoir obtenu une permission des autorités de Prijedor selon

6 laquelle on me restituerait mes biens; c'est la situation aujourd'hui.

7 Question: Mais vous êtes d'accord si je vous dis que le cadre légal qui

8 prévaut au sein de la Fédération, et en Republika Srpska aujourd'hui, est

9 tel que je l'ai décrit, que quelqu'un ait renoncé à ses biens ou pas?

10 Réponse: Je ne sais pas quelle est la situation concernant les lois en

11 Bosnie-Herzégovine aujourd'hui, mais je sais que si je rentre maintenant,

12 je devrais faire une telle demande pour que mes biens me soient restitués.

13 Question: Dans notre pays, il y a de nombreuses choses qui ne sont pas

14 normales ou habituelles dans le reste du monde.

15 Réponse: Peut-être que nous devrions essayer de changer ces choses.

16 M. Lukic (interprétation): Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais

17 revenons-en à l'audience d'aujourd'hui.

18 Dans votre déclaration du 28 février 1995, que vous avez faite aux

19 enquêteurs du Tribunal, vous avez affirmé que vous, ainsi que d'autres

20 détenus, étiez en possession d'une carte d'identité au camp de Keraterm?

21 M. Arifagic (interprétation): Oui. J'ai toujours mon ancienne carte

22 d'identité bosniaque aujourd'hui.

23 M. le Président (interprétation): Nous allons revenir à nos bonnes

24 vieilles habitudes: est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, citer la

25 page et le paragraphe? Cela nous faciliterait la tâche.

Page 7135

1 M. Lukic (interprétation): Je dispose ici de la version en BCS; c'est à la

2 page 4, paragraphe 1. Mais je n'ai pas de version en anglais sous les

3 yeux.

4 Je pense qu'en anglais le paragraphe commence ainsi: "Autant que je m'en

5 souvienne, à la fin du mois du juillet..." ou quelque chose comme ça.

6 M. le Président (interprétation): Vous parlez de la déclaration de 1995?

7 M. Lukic (interprétation): Oui, 1995. Il s'agit de la seule question que

8 je souhaiterais poser concernant cette déclaration, et c'est pour cela que

9 je n'ai pas voulu vous embêter avec des questions de photocopies, etc.

10 M. le Président (interprétation): Très bien. Veuillez poursuivre.

11 M. Lukic (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant du fait que

12 l'armée est arrivée dans la région de Prijedor, à partir du début de

13 l'année 1992? Est-ce que tous ces soldats sont restés à Prijedor ou est-ce

14 que ces unités traversaient seulement Prijedor?

15 M. Arifagic (interprétation): Certaines de ces unités traversaient

16 seulement Prijedor. Les unités qui sont restées là, je ne sais pas, mais

17 je sais que certaines unités ont traversé Kozarac et ont été stationnées

18 là pendant une longue période à côté de Mrakovica. D'autres unités ont

19 peut-être été stationnées près de Prijedor, mais il y avait des convois

20 qui traversaient Kozarac tous les jours, donc je ne sais pas dans quelle

21 direction allaient ces convois.

22 Question: Est-ce que cela était dû en partie au retrait de la JNA de

23 Croatie?

24 Réponse: Oui, je pense. C'est ce qu'on nous a dit en tout cas. Et la JNA,

25 on nous a dit que la JNA se retirait de Croatie et emmenait avec elle de

Page 7136

1 nombreuses unités vers la Bosnie.

2 Question: Il me faut vous poser une question qui vous a déjà été posée par

3 mon collègue, Me Greaves, dans le cadre du procès Keraterm. Je vais vous

4 lire à présent une partie de votre déposition et vous demander si vous

5 vous souvenez avoir affirmé cela. Cela concerne le 27 mai, lorsque la

6 plupart des habitants de Kozarac se rendaient aux forces serbes et que

7 vous avez décidé de vous diriger vers Kozarac avec votre propre groupe et

8 retrouver, là-bas, le capitaine Cirkin.

9 Cela figure à la page 7 de la version en anglais de votre déclaration de

10 1994. Il s'agit du paragraphe 4. Je souhaiterais citer un extrait

11 provenant du milieu de ce paragraphe.

12 Vous affirmez: "Nous avons passé le chemin qui relie Kozarac à Mrakovica,

13 afin de retrouver le capitaine Cirkin et Medunjanin. Lorsque nous avons

14 passé le chemin à l'endroit dit Zeciji Kamen, il y avait un poste de

15 contrôle serbe. Un affrontement a suivi et environ 120 personnes faisant

16 partie de notre groupe ont été arrêtées. Je pense que certaines de ces

17 personnes, des personnes arrêtées, ont été tuées sur-le-champ et que

18 d'autres ont été transférées à Omarska". (Fin de citation.)

19 Est-ce que vous vous souvenez avoir déclaré cela?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Est-ce exact?

22 Réponse: Oui. Nous avons essuyé des coups de feu et environ 120 personnes

23 ont été arrêtées à cette occasion. Je pense qu'elles ont d'abord été

24 conduites vers Benkovac, puis vers Omarska.

25 Question: Au paragraphe suivant, juste après cette phrase, vous affirmez

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1 -je cite-: "Le reste d'entre nous a réussi à s'enfuir et est resté dans

2 cette région. Nous avons finalement retrouvé le capitaine Cirkin et

3 Medunjanin. Ils se trouvaient avec un groupe de 750 personnes; certaines

4 de ces personnes étaient des femmes; certaines de ces personnes voulaient

5 traverser la frontière et se rendre en Croatie, et d'autres voulaient

6 mener une nouvelle attaque. Et nous avons décidé de mener une nouvelle

7 attaque.

8 Nous nous sommes séparés en trois groupes, chacun composé d'environ 250

9 personnes. Le groupe que j'ai rejoint a attaqué Kozarac depuis Brdjani".

10 (Fin de citation.)

11 Ma question est donc la suivante: combien de personnes ont réellement

12 participé à cette nouvelle tentative de libérer ou de conquérir Kozarac

13 selon le point de vue où vous vous placez?

14 Réponse: Le groupe, avec Medunjanin et Cirkin était composé d'environ 750

15 personnes. Certains voulaient se rendre en Croatie, d'autres voulaient

16 rentrer à Kozarac. Je n'appellerais pas cela une attaque; il n'était pas

17 nécessaire, pour moi, d'attaquer ma propre ville. Et de l'autre côté, il y

18 avait des femmes et des enfants qui avaient dû partir. La seule chose que

19 nous pouvions essayer de faire était de rentrer chez nous à Kozarac. Je

20 pense qu'il s'agissait de personnes qui essayaient de rentrer chez elles,

21 mais il s'agissait d'une minorité. Personne ne savait exactement combien

22 de personnes participaient.

23 Ensuite, les gens ont essayé de rentrer dans la ville. Et lorsque les

24 chars ont recommencé à tirer ainsi que l'artillerie, tout ce que nous

25 pouvions faire était de nous retirer de nouveau en direction du mont

Page 7138

1 Kozara.

2 Question: Vous avez décrit cette bataille dans le paragraphe suivant -je

3 cite-: "Des combats ont éclaté entre les deux groupes. Mais lorsqu'ils ont

4 commencé à attaquer avec le char, nous nous sommes retirés en direction de

5 la région de Kozarski Kamen. J'entendais des tirs et j'entendais que des

6 combats avaient lieu près du centre de Kozarac et j'ai réalisé que les

7 deux autres groupes avaient réussi dans leur tentative d'effectuer une

8 percée vers le centre de la ville. J'ai appris par la suite qu'ils étaient

9 en effectif inférieur et qu'ils avaient donc dû se retirer du village."

10 (Fin de citation.)

11 Est-ce que par la suite, vous avez appris... Est-ce que vous avez su si

12 ces deux groupes avaient réussi à atteindre le centre de Kozarac?

13 Réponse: Sur leur chemin vers Kozarac, vers le centre de Kozarac, ils ont

14 rencontré des troupes serbes qui ont ouvert le feu et ensuite, plusieurs

15 jeunes hommes ont été tués. Ensuite, ils ont été obligés de se retirer.

16 M. Lukic (interprétation): Je pense que nous avons encore besoin au moins

17 d'une demi-heure avec ce témoin; donc que devons-nous faire?

18 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il vaut mieux que nous

19 poursuivions demain. Les Juges souhaiteraient également poser quelques

20 questions. Nous continuerons donc avec le contre-interrogatoire demain.

21 (Questions relatives à la procédure.)

22 M. Koumjian (interprétation): J'ai ici une requête orale qui est très

23 brève et que je souhaiterais soumettre et qui n'a rien à voir avec le

24 témoin présent aujourd'hui dans le prétoire. Il y a un rapport ou un

25 projet de rapport qui est en train d'être préparé, qui devrait être fini

Page 7139

1 cet après-midi, concernant les exhumations faites par le TPI en Bosnie

2 dans la région de Prijedor.

3 Le rapport cite les noms de nombreux témoins à charge. Donc, pour cette

4 raison, je demande à la Chambre de bien vouloir m'autoriser à déposer

5 cette requête à titre confidentiel.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. Je serais reconnaissant de

7 bien vouloir entendre ma deuxième langue dans les plus brefs délais sur

8 une vidéo.

9 M. Koumjian (interprétation): Ceci est disponible pour les deux parties.

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous souhaiteriez verser cela

11 au dossier de façon formelle?

12 M. Koumjian (interprétation): Non, nous n'avions pas l'intention de faire

13 cela. Je peux examiner de nouveau ce document et pour être tout à fait

14 franc avec vous, je l'ai vu il y a longtemps et je ne l'ai pas regardé

15 récemment.

16 M. le Président (interprétation): Nous reviendrons sur cette question

17 demain.

18 Y a-t-il d'autres points que vous souhaiteriez soulever, concernant

19 l'audience de demain?

20 Nous pouvons donc nous attendre à ce que le contre-interrogatoire prenne

21 fin demain matin.

22 M. Koumjian (interprétation): Nous n'avons pas d'autres témoins de

23 l'étranger ou de témoins experts. Nous avons une vidéo communiquée par le

24 témoin Sivac qui dure environ 10 ou 15 minutes. La transcription est

25 prête; nous pourrions regarder cet enregistrement. Et M. Inayat serait

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1 également disponible.

2 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous seriez prêt à procéder à

3 l'interrogatoire supplémentaire? Je vous ai demandé plusieurs fois au

4 cours du dernier mois et, à présent, nous devrions saisir cette occasion

5 lorsque vous êtes ici.

6 M. Ostojic (interprétation): Nous pensons être prêts pour le contre-

7 interrogatoire; cela dépend de l'interrogatoire principal. Et nous sommes

8 impatients de revoir M. Inayat.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci de votre préparation et

10 merci au témoin d'aujourd'hui de nous avoir communiqué toutes ces

11 informations, d'être prêt à nous donner des informations supplémentaires.

12 Ce sera tout pour aujourd'hui. La séance est levée. Nous reprendrons

13 demain à 9 heures 30.

14 (L'audience est levée à 16 heures 03.)

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