Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 1er octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 10 heures 05.)

3 (Audience publique.)

4 (Délibérations.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour, veuillez vous asseoir.

6 La Greffière peut-elle annoncer l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Il s'agit de l'Affaire IT-97-24-T,

8 le Procureur contre Milomir Stakic.

9 M. le Président (interprétation): Est-ce que les parties peuvent se

10 présenter?

11 Mme Korner (interprétation): Joanna Korner, Nicholas Koumjian et Ann

12 Sutherland pour l'accusation.

13 M. Lukic (interprétation): Oui, bonjour. Branko Lukic, John Ostojic et

14 Danilo Cirkovic pour la défense.

15 M. le Président (interprétation): Nous pouvons lire sur l'ordonnance

16 portant calendrier le terme "délibération" pour l'audience d'aujourd'hui.

17 Ceci n'est pas prévu dans le Règlement, mais toutefois cela découle de

18 l'obligation de la Chambre d'entendre les parties et notamment d'accorder

19 le droit à être entendue pour ce qui est de l'accusation, au cas où la

20 Chambre pense qu'elle pourrait parvenir à la conclusion qu'un acquittement

21 en partie serait la décision appropriée à prendre.

22 Par conséquent, afin d'aborder ces questions et de donner aux parties la

23 possibilité de présenter leurs arguments oraux sur des points de fait ou

24 de droit et de rationaliser la procédure, nous avons décidé d'avoir une

25 audience consacrée aux délibérations aujourd'hui.

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1 Malheureusement, la situation a changé quelque peu pour ce qui est de

2 l'évolution de la situation au cours des dernières semaines. Vous savez

3 que nous devons être conscients que, dans l'avenir proche, la Chambre de

4 première instance pourrait voir sa composition changer. Par conséquent,

5 pour les besoins du compte rendu d'audience, cette question a été évoquée

6 dans le cadre d'une réunion en application de l'Article 65ter)I) qui s'est

7 tenue la semaine dernière. Et au cours de cette réunion nous avons

8 envisagé la manière dont nous devrions procéder le cas échéant.

9 L'Article 15bis)C) prévoit que "si, pour une raison quelconque, un Juge ne

10 peut continuer à siéger dans une affaire en cours pendant une période qui

11 semble devoir se prolonger, le Président de la Chambre en informe le

12 Président qui peut désigner un autre Juge et ordonner soit que l'affaire

13 soit réentendue soit que la procédure reprenne au point où elle s'est

14 arrêtée. Toutefois, après l'audition des déclarations liminaires visées à

15 l'Article 84 ou le début de la présentation des éléments de preuve en

16 application de l'Article 85, la continuation de la procédure ne peut être

17 ordonnée qu'avec le consentement de l'accusé."

18 Comme il a été mentionné plus tôt, la défense a eu la possibilité de

19 débattre de cette question au cours de la réunion qui s'est tenue en

20 application de l'Article 65ter)I) du Règlement. Ils ont évoqué cette

21 question avec leur client avant cette réunion et ont demandé une

22 prorogation du délai de façon à pouvoir discuter de cette question de

23 nouveau avec leur client ce matin.

24 Monsieur le Dr Stakic, puis-je vous demander si vous êtes prêt, au cas où

25 l'un des Juges de cette Chambre, en l'occurrence M. le Juge Fassi Fihri,

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1 ne pourrait être en mesure de continuer à siéger dans cette affaire,

2 seriez-vous prêt à exprimer votre accord inconditionnel et irrévocable

3 pour ce qui est de la continuité de la procédure?

4 Tout d'abord, est-ce que vous avez bien compris la situation et avez-vous

5 eu la possibilité de discuter de cette situation avec les conseils de la

6 défense?

7 M. Stakic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges. J'ai compris votre question et je crois pouvoir dire que j'ai eu

9 l'opportunité, juste avant le début de ces débats, de m'entretenir avec

10 mes conseils de la défense.

11 M. le Président (interprétation): Est-il exact de dire que cette question

12 a déjà été évoquée avec vos conseils de la défense, non seulement avant

13 l'audience d'aujourd'hui, mais la semaine dernière?

14 M. Stakic (interprétation): Pour ce qui est de l'attribution d'un Juge

15 nouveau à la Chambre, c'est de cela que vous parlez?

16 M. le Président (interprétation): Oui, c'est exact.

17 M Stakic (interprétation): Oui, nous nous sommes entretenus de la chose.

18 M. le Président (interprétation): Donc vous êtes conscient de la

19 signification et de l'importance de votre décision. Et vous n'avez aucun

20 doute à ce sujet. Et le cas échéant, si vous aviez encore des questions à

21 poser, vous en avez encore l'occasion maintenant. Est-ce que vous avez des

22 questions à ce sujet?

23 M. Stakic (interprétation): Monsieur le Président, aux fins de conduire à

24 terme aussi vite que possible le procès en question et dans l'intérêt des

25 témoins qui ont déjà comparu, afin d'éviter qu'ils ne recomparaissent -et

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1 si tant est qu'ils ont été victimes de la guerre de quelque façon que ce

2 soit-, tout comme pour ce qui est des coûts du procès, je suis tout à fait

3 d'accord pour qu'un nouveau Juge se joigne aux travaux de la Chambre sans

4 que l'on ait à recommencer le procès depuis le début.

5 M. le Président (interprétation): Docteur Stakic, je vous remercie.

6 Veuillez vous asseoir.

7 M. Stakic (interprétation): Est-ce que je pourrais solliciter quelque

8 chose de votre bienveillance?

9 M. le Président (interprétation): Allez-y.

10 M. Stakic (interprétation): Je voudrais demander à la Chambre d'accorder

11 une prorogation de 10 à 15 jours, c'est-à-dire d'accorder 10 à 15 jours de

12 pause pour que je puisse me préparer pour le mieux à la défense. Et peut-

13 être la chose serait-elle bienvenue au nouveau Juge qui serait nommé, afin

14 qu'il prenne connaissance de l'affaire de façon approfondie.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Cette question a déjà

16 été évoquée par vos conseils de la défense et nous y reviendrons

17 ultérieurement.

18 Nous allons tout d'abord procéder pas à pas et voir ce qui est nécessaire

19 et quelles sont les questions qui restent en suspens.

20 Ceci m'amène au point suivant, après s'être consultée, au cours des quatre

21 derniers jours, la Chambre a décidé qu'il était juste et nécessaire

22 d'informer les parties que, dans cette composition, seule une décision

23 pourra être rendue: soit rendre une décision concernant les demandes en

24 application de l'Article 98bis ou, au cas où un accord pourrait être

25 conclu entre les parties, tel qu'il est prévu dans le Règlement, il y

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1 aurait une possibilité de rendre un jugement final dans le cadre d'une

2 audience consacrée au prononcé de la sentence. Mais nous devons choisir

3 l'une ou l'autre option.

4 Il est juste d'affirmer qu'il ne reste pas suffisamment de temps pour des

5 discussions supplémentaires. Comme nous l'avons affirmé au cours de la

6 réunion en application de l'Article 65ter, la seule possibilité, d'après

7 le calendrier, serait aujourd'hui.

8 La procédure, qu'elle se fasse en vertu de l'Article 98bis ou dans le

9 cadre d'une audience consacrée au prononcé à la sentence, doit suivre son

10 cours. Nous ne pouvons attendre plus longtemps. Cette Chambre, les trois

11 Juges qui la composent sont d'accord à l'unanimité: aucun accord ne peut

12 être accepté par cette Chambre après la fin de la journée d'aujourd'hui.

13 A l'avenir, il pourrait y avoir une Chambre composée différemment. Peut-

14 être qu'un accord serait possible, mais les parties doivent savoir que les

15 facteurs atténuants d'un tel accord diminuent de jour en jour, de semaine

16 en semaine. Et leur valeur additionnelle, notamment pour l'accusé, serait

17 très limitée si un accord était conclu à la fin de cette affaire.

18 Il s'agit des deux remarques préliminaires que je voulais faire.

19 La première remarque concerne les questions découlant des demandes en

20 application de l'Article 98bis et, dans ce contexte, nous devons préciser

21 une chose. Dans certaines juridictions, il existe une distinction claire

22 entre la présentation des moyens à charge et la présentation des moyens à

23 décharge. A cette fin, après la présentation des moyens à charge, la

24 situation de l'accusé ne peut empirer. Mais puisque nous avons un mélange

25 des deux systèmes juridiques prédominants, l'Article 85A) stipule -je

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1 cite-:

2 "Les moyens de preuve sont présentés dans l'ordre suivant:

3 i) preuves du Procureur;

4 ii) preuves de la défense;

5 iii) réplique du Procureur;

6 iv) duplique de la défense et

7 v) moyens de preuves ordonnés par la Chambre de première instance

8 conformément à l'Article 98."

9 Ce qui signifie de facto qu'au cas où des éléments de preuve seraient

10 disponibles, qu'ils soient en faveur, en défaveur, voire à l'encontre des

11 intérêts de l'accusé, ces éléments de preuve supplémentaires peuvent être

12 ordonnés par la Chambre de première instance. Ceci peut découler d'autres

13 affaires ou de ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Cela rend les

14 choses plus difficiles pour la Chambre s'agissant de décider de statuer

15 sur les questions relatives à l'Article 98bis. Nous devons tenir compte de

16 la possibilité de l'existence d'autres éléments de preuve supplémentaires

17 et de leur mise à disposition.

18 Le troisième point que je souhaiterais évoquer est le suivant. J'ai déjà

19 informé les parties à ce sujet, je pensais que c'était nécessaire.

20 S'agissant du critère à appliquer, il y a quelques semaines, voire

21 quelques mois, la Chambre a prévenu les parties qu'elles ne devaient pas

22 se fonder sur la jurisprudence et notamment telle qu'elle a été exprimée

23 dans le Jugement Jelisic. Le critère à appliquer est de savoir si un Juge

24 des faits raisonnables pourrait conclure au-delà de tout doute raisonnable

25 à la culpabilité de l'accusé sur la base de ce qui a été entendu au cours

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1 de la présentation des moyens à charge.

2 Nous avons à l'origine discuté de la question de savoir si l'approche dans

3 cette affaire -telle qu'elle a été exprimée dans une opinion séparée du

4 Juge Pocar- serait correcte en l'espèce, c'est-à-dire de la possibilité de

5 savoir si cette Chambre pourrait être convaincue au-delà de tout doute

6 raisonnable, mais nous avons conclu que cette Chambre pourrait avoir à

7 siéger par la suite, dans une autre composition et que, donc, le critère à

8 appliquer devrait être reconnu à l'unanimité.

9 Comme je l'ai déjà indiqué, nous devons savoir si, à l'issue de la

10 présentation des moyens à charge, nous pouvons conclure qu'un Juge des

11 faits raisonnables pourrait être convaincu au-delà de tout doute

12 raisonnable de la culpabilité de l'accusé à ce stade. Et le terme pourrait

13 être très important dans ce contexte.

14 L'Article 98bis ne prévoit donc pas une demande d'acquittement pour

15 l'accusé, mais il est également possible et prévisible, aux termes de

16 l'Article 98bis, que si la Chambre de première instance estime que les

17 éléments de preuve présentés ne suffisent pas à justifier une condamnation

18 pour cette ou ces accusations, elle prononce l'acquittement à la demande

19 de l'accusé ou d'office. Il est donc nécessaire de préciser si la Chambre

20 est en faveur davantage d'un acquittement, et deuxièmement évoquer les

21 doutes raisonnables qui peuvent être… auxquels s'opposeront les arguments

22 de l'accusation pour dissiper ces doutes.

23 Et étant donné les circonstances spéciales de l'espèce, je pense qu'il est

24 juste d'indiquer à la défense quelle est la situation de l'affaire à ce

25 stade et de façon provisoire et quelle est l'opinion des Juges en

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1 l'espèce.

2 Voilà pour les remarques préliminaires que je souhaitais faire.

3 Y a-t-il des questions concernant ces remarques provisoires?

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas bien

5 compris, je crains. Vous dites qu'aujourd'hui est la dernière journée où

6 l'on pourrait considérer les demandes en application de l'Article 98bis,

7 ou de l'Article 98 plutôt. En d'autres termes, des demandes écrites ne

8 pourraient pas se faire ultérieurement?

9 M. le Président (interprétation): Non, vous m'avez mal compris. En ce qui

10 concerne la requête, s'il n'y a pas de décision prise sur la base de la

11 demande du Dr Stakic ce matin, il ne fait aucun doute que le calendrier

12 reste inchangé et donc aujourd'hui constitue pour la Chambre la

13 possibilité d'exprimer le point de vue des Juges. Et l'accusation a le

14 droit d'être entendue aujourd'hui. Et nous devons évoquer, dans le cadre

15 de cette audience d'aujourd'hui, les doutes raisonnables qui subsistent.

16 Donc nous parlerons de la deuxième partie de l'Article 98bis)B) plus tard

17 aujourd'hui.

18 Mme Korner (interprétation): Je suis désolée, j'ai mal compris. Vous

19 affirmez qu'aujourd'hui est un jour consacré aux délibérations comme vous

20 l'avez dit, mais après aujourd'hui la Chambre restera dans sa même

21 composition afin de statuer pour ce qui est des demandes, n'est-ce pas?

22 M. le Président (interprétation): Il y a deux options possibles: soit nous

23 agissons en application de l'Article 98bis comme prévu dans l'ordonnance

24 portant calendrier, soit, comme nous l'avons évoqué lors de la réunion en

25 application de l'Article 65ter, si les parties le souhaitent, aujourd'hui

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1 serait la dernière possibilité pour ce qui est d'un éventuel accord entre

2 les parties concernant un éventuel plaidoyer de culpabilité tel que prévu

3 par le Règlement.

4 Donc voici les options.

5 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie, j'avais mal compris.

6 J'avais pensé que la Chambre de première instance changerait de

7 composition après aujourd'hui. Mais ce n'est pas exact.

8 M. le Président (interprétation): Non. Est-ce que la défense a des

9 remarques?

10 M. Lukic (interprétation): Nous n'avons pas de question.

11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous allons donc en

12 venir aux questions essentielles.

13 Il ne fait aucun doute que la question du génocide est l'une des questions

14 essentielles en l'espèce. L'accusé se voit reprocher le crime de génocide,

15 d'avoir commis ce crime de génocide ou de s'être rendu complice du crime

16 de génocide. Sur la base des éléments de preuve qui ont été présentés

17 jusqu'à présent, il n'existe aucun doute raisonnable qui, en ce qui

18 concerne les critères objectifs… il n'existe aucun doute qu'un génocide a

19 bien été commis dans la région et plus particulièrement dans la

20 municipalité de Prijedor qui nous intéresse.

21 La question est de savoir si, oui ou non, l'accusé, le Dr Stakic,

22 disposait de l'intention nécessaire de commettre ce crime de génocide. Et

23 pour être concret, la Chambre de première instance ne pense pas que les

24 éléments de preuve présentés suffisent à prouver cette intention, que l'on

25 peut appeler le dollus specialis -c'est un terme qui figure dans certains

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1 jugements antérieurs.

2 Par opposition au dollus eventualis ou au dollus directus premier et

3 deuxième degré, d'après les éléments de preuve qui ont été présentés

4 jusqu'à présent, l'intention n'était pas de commettre un génocide, mais

5 l'intention dont était animé le Dr Stakic était différente. Nous y

6 reviendrons plus tard.

7 Le Dr Stakic se voit également reprocher le chef de complicité dans le

8 génocide et il s'agit d'une question plus complexe. En effet, nous ne

9 pensons pas disposer d'une jurisprudence suffisamment claire et précise à

10 ce sujet pour ce qui est de l'élément mens rea concernant la question de

11 la complicité dans le génocide. Et il semble difficile, d'un point de vue

12 systématique, de trouver, de comprendre ce que les auteurs du Statut

13 avaient à l'esprit lorsqu'ils ont rédigé l'Article 4. Il est écrit à

14 l'Article 4: "Les actes suivants seront punissables:

15 a) génocide;

16 b) l'entente en vue de commettre le génocide;

17 c) l'incitation directe et publique à commettre le génocide;

18 d) la tentative de génocide;

19 e) la complicité dans le génocide."

20 Vous pouvez lire dans l'Acte d'accusation et vous pouvez lire dans les

21 jugements précédents qu'il est allégué que cela était commis dans le cadre

22 de la responsabilité pénale individuelle.

23 L'Article 7 paragraphe 1 indique que quiconque a planifié, incité à

24 commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à

25 la planification, la préparation ou l'exécution d'un crime visé aux

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1 Articles 2 à 5, c'est-à-dire comprenant l'Article 4 du Statut, verrait sa

2 responsabilité pénale engagée et sa responsabilité individuelle engagée

3 pour ce crime.

4 Donc la question est de savoir si les auteurs de cet Article avaient

5 quelque chose de particulier à l'esprit lorsqu'ils ont parlé de complicité

6 dans le génocide. Est-ce que cela rentre dans le cadre normal de la

7 définition du terme "complicité", qui est donc restreinte aux coauteurs du

8 crime, aux complices du crime ou, également, au fait d'aider et

9 d'encourager la commission du crime, comme il est indiqué au paragraphe 3

10 de l'Article 7?

11 Donc cette question reste ouverte et cela nous amène, à ce stade, à la

12 laisser de côté pour l'instant.

13 La Chambre de première instance pense qu'il pourrait y avoir suffisamment

14 d'éléments de preuve pour ce qui est du fait d'aider et d'encourager la

15 commission du crime de génocide. Et ensuite, de nouveau, nous devons nous

16 pencher sur la question de la mens rea nécessaire en ce qui concerne le

17 crime de génocide. Et de nouveau, cette question peut rester ouverte pour

18 le moment.

19 Aux paragraphes 540 à 547 du jugement Akayesu, nous pensons que l'approche

20 exprimée dans ces paragraphes est l'approche correcte. Nous pensons que la

21 mens rea nécessaire pour ce qui est d'aider et encourager le crime de

22 génocide doit être interprétée à la lumière de l'Article 7.1 ou de

23 l'Article 4 paragraphe 3.e).

24 Donc la mens rea serait de disposer de la connaissance suffisante du

25 crime: le fait de prendre en considération et d'accepter les conséquences

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1 du crime, le fait de connaître tous les éléments du crime, y compris

2 l'intention de commettre ce crime émanant de supérieurs ou d'autres

3 personnes. Et, en l'espèce, nous pensons que, pour ce qui est de la

4 complicité résultant du fait de savoir et du fait d'avoir aidé et

5 encouragé le crime, des éléments de preuve suffisants ont été présentés.

6 Nous attendons les arguments des parties à ce sujet, dans le cadre de ces

7 délibérations d'aujourd'hui.

8 Donc, en conclusion, il existe une tendance au sein du collège de Juges de

9 prononcer l'acquittement pour ce qui est du génocide, mais pas pour ce qui

10 est du fait d'avoir aidé et encouragé le génocide.

11 Avant que de passer aux autres chefs de l'accusation, je voudrais demander

12 s'il y a des questions à soulever concernant la question du génocide?

13 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président.

14 M. Ostojic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

15 Juges. Avec tout le respect dû à la Chambre s'agissant de l'analyse faite

16 par cette dernière -et je ne suis pas sûr que le moment soit bien

17 approprié-, je dois soutenir que la défense ne serait pas tout à fait

18 d'accord. Et si vous le permettez, nous aimerions débattre de la question

19 d'aide et d'encouragements apportés, notamment pour ce qui est de la mens

20 rea qui figure tant à l'Article 1 ou plutôt, au point 1 et au point 2 de

21 l'Acte d'accusation concernant le génocide et participation ou complicité

22 au génocide. Et si la Chambre le préfère, à la fin des délibérations, nous

23 pourrions en parler en une fois ou procéder pas à pas.

24 M. le Président (interprétation): Nous pourrions peut-être entendre cela à

25 la fin de l'audition d'aujourd'hui et, probablement, serait-il préférable

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1 de le faire dans le cadre du contexte. Il serait peut-être préférable

2 encore de le faire par écrit étant donné que nous aurions à entrer dans

3 bon nombre de détails. Or, la finalité de cette analyse provisoire avait

4 été celle d'exprimer nos doutes et d'exprimer quels étaient, à notre avis,

5 les emplacements des problèmes en suspens.

6 En même temps, nous avions souhaité exprimer dans quelle direction, à

7 notre avis, il faudrait se pencher pour savoir ce qui a été déjà couvert

8 par des éléments de preuve. Et, à la fin de la délibération de ce jour,

9 nous pourrions le faire, mais il serait peut-être préférable de le faire

10 par écrit.

11 M. Ostojic (interprétation): Merci.

12 M. le Président (interprétation): Avant d'entrer dans les détails de

13 l'Acte d'accusation pour ce qui est des autres chefs d'accusation et pour

14 ce qui est des incidents concrets, je me dois de dire que je ne sais si

15 ceci a été signé. Puis-je vous demander, Madame Korner… et comme j'ai une

16 version de travail sous les yeux, je voudrais que l'accusation nous fasse

17 notification des allégations spécifiques émanant du quatrième Acte

18 d'accusation pour lesquelles il est admis que cela n'avait pas été prouvé.

19 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous avons signé la

20 chose et remis au Greffe hier, dans la matinée.

21 M. le Président (interprétation): Bon, alors ce serait fait en même temps.

22 Et de surcroît, je ne dois pas oublier qu'en fin de cette journée, je

23 voudrais que le juriste de la Chambre distribue ce que nous avons préféré

24 sur la base des compilations qui ont été faites. Il s'agit de deux listes.

25 Et je voudrais demander à la Greffière de nous en remettre une copie de

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1 chaque.

2 (La Greffière s'exécute.)

3 Partant des compilations que nous avons faites, et toutes réserves faites,

4 étant donné que nous sommes tous des êtres humains, après tout, et que

5 nous sommes passibles de commettre des erreurs, nous avons fait une

6 compilation partant du quatrième Acte d'accusation amendé, une liste de

7 victimes, ce qui figure en annexe de l'Acte d'accusation, et une série de

8 conclusions. Il est dit que "la Chambre pourrait conclure qu'il n'y a pas

9 eu suffisamment d'éléments de preuve pour les noms qui n'ont pas été

10 surlignés."

11 Nous estimons qu'il n'a pas été présenté suffisamment d'éléments de preuve

12 s'agissant des noms figurant sur la liste qui n'ont pas été surlignés.

13 Mais en même temps, nous avons une deuxième liste de victimes, de meurtres

14 qui ont été identifiés par des témoins, mais qui n'ont pas fait partie ou

15 inclus dans l'Acte d'accusation.

16 Et il appartient au Bureau du Procureur de réagir ou de ne pas réagir

17 s'agissant de ces deux listes.

18 Je demanderai à M. l'huissier de bien vouloir distribuer les deux listes

19 aux parties en présence. Et aux fins d'identification, je voudrais que ces

20 documents puissent bénéficier d'une cote J.

21 Mme Dahuron (interprétation): J19.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 M. le Président (interprétation): S'agissant de cette quatrième liste

24 amendée, de l'Acte d'accusation amendé, ce sera le J19; et les victimes

25 identifiées par des témoins, mais ne faisant pas partie ou n'étant pas

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1 intégrées à l'Acte d'accusation, ce serait le J20.

2 Je voudrais maintenant que nous traitions d'une question d'ordre général.

3 Il s'agit là du rapport entre 7.1 et 7.3, mais il n'y a pas que cela.

4 S'agissant de la relation existante, je pense qu'il y a suffisamment

5 d'expériences en matière de jurisprudence pour ne pas s'aventurer à

6 traiter de détails.

7 Par contre, quand il s'agit du 7.3, il doit être exprimé certains doutes

8 pour ce qui est d'affirmer si, oui ou non, en vertu du 7.3, il a été

9 présenté suffisamment d'éléments de preuve.

10 A la différence du 7.1, l'Article 7 dit: "Le fait que l'un quelconque des

11 actes visés aux Articles 2 à 5 du présent Statut a été commis par un

12 subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il

13 s'avère ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à

14 commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les

15 mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit

16 commis ou en punir les auteurs."

17 A première vue, il semble surprenant de ne pas traiter du 7.1, étant donné

18 qu'il est dit qu'il y a peut-être un doute raisonnable, mais on traite du

19 7.3.

20 Ceci est en corrélation avec le fait qu'il est clairement question ici de

21 subordonné et je crois qu'il y a pas mal de matériel à notre disposition.

22 Aussi convierions-nous les parties en présence de nous citer les autorités

23 juridiques ou la jurisprudence appropriée à cet effet.

24 Toutefois, je crois que le tout commence pour ce qui est de l'affaire

25 Celebici paragraphe 378. Il y est précisé qu'il est nécessaire que le

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1 supérieur ait exercé un contrôle effectif sur les personnes ayant commis

2 des violations au droit humanitaire, international dans le sens de l'Acte

3 d'accusation, à savoir disposer de possibilités matérielles pour ce qui

4 est de prévenir ou punir la perpétration de tels actes. Et cette autorité-

5 là devrait, pourrait être d'un caractère de facto ou de jure.

6 La Chambre de première instance partage l'opinion de la commission du

7 droit international aux termes de laquelle la doctrine de la

8 responsabilité du supérieur s'étend au supérieur civil également, mais

9 seulement dans la mesure où ceux-ci exerçaient un degré quelconque de

10 contrôle sur leur subordonné et ceci, de façon similaire ou analogue à ce

11 qui est exercé par les commandants militaires.

12 Dans une certaine mesure, dans l'affaire Aleksovski, les Juges sont

13 arrivés à une définition quelque peu différente. Il est dit, en effet, là-

14 bas, qu'un civil devrait être considéré comme étant supérieur,

15 conformément à l'Article 7.3, s'il a la possibilité de donner des ordres

16 susceptibles d'empêcher de jure ou de facto la perpétration de tel ou tel

17 délit pénal.

18 Mais les attributions doivent être interprétées de façon large. On ne peut

19 s'attendre en effet que des autorités civiles aient la possibilité de

20 prononcer des mesures disciplinaires de façon analogue au cas qui prévaut

21 pour ce qui est des autorités militaires. Donc il n'est point de doute

22 qu'il y a discrepantia, qu'il n'y a pas concordance entre les deux

23 définitions que nous venons de citer.

24 Par contre, au paragraphe 78, il est précisé encore que la Chambre de

25 première instance, par conséquent, estimerait que la possibilité de

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1 prononcer des sanctions de jure ou de facto par des autorités civiles

2 n'est pas de caractère essentiel. La possibilité de transmettre des

3 rapports aux autorités compétentes devrait suffire dans la hiérarchie, et

4 au travers de ces structures hiérarchiques, celle-ci devrait être en

5 mesure de tenir au courant les autorités concernées de la chose. Et de là

6 à savoir dans quelle mesure ces rapports seront susceptibles de donner

7 lieu à des mesures disciplinaires ou à des sanctions, ce n'est pas une

8 chose qu'il importe de préciser ici.

9 Nous estimons que, jusqu'à présent, les éléments de preuve avancés ne sont

10 pas satisfaisants dans cette mesure-là et nous en venons au dernier

11 jugement en date: il s'agit de l'affaire Kordic. Je me réfère au

12 paragraphe 416 où il est précisé -je cite-: "Seuls les supérieurs qui, de

13 jure ou de facto, qu'ils soient militaires ou civils, ont clairement fait

14 partie de la chaîne de commandement de façon directe ou indirecte et qui

15 avaient les pouvoirs réels de contrôler ou de punir les actes de leurs

16 subordonnés, devraient et pourraient être considérés comme étant

17 responsables sur le plan pénal." (Fin de citation.)

18 En bref, nous estimons que la question de savoir s'il y avait eu

19 coordination ou coopération n'est pas une question qui constituerait un

20 test correct. La bonne question pour le bon critère, c'est de savoir s'il

21 y avait un système de subordination qui engendrerait les conséquences

22 telles que citées au jugement précédent.

23 Par conséquent, il convient de faire une distinction, d'abord sur le plan

24 de savoir si le Dr Stakic avait effectivement occupé une position de

25 supériorité de ce genre, s'il avait eu la possibilité de faire ce qui, du

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1 point de vue des aspects différents, est déjà envisagé par les jugements

2 que j'ai cités; et nous avons discuté de cette approche. Il conviendrait

3 de savoir si la cellule de crise en tant que telle et dans son ensemble

4 avait joué ce rôle de supériorité.

5 Mais la question qui se pose serait alors de savoir si l'un quelconque des

6 membres individuels de la cellule de crise devrait pouvoir être tenu

7 responsable, parce que nous devrions garder à l'esprit le fait que

8 l'Article 7 souligne la responsabilité pénale individuelle. Et dans la

9 littérature et la pratique judiciaire, il a beaucoup été question de

10 savoir si, oui ou non, un groupe saurait être tenu responsable. Et il y a

11 là une jurisprudence tout à fait spécifique à ce sujet. Par exemple, pour

12 ce qui est de savoir si une Chambre, un Tribunal, un Juge ou un groupe de

13 Juges pourrait être considéré comme étant responsable de prise de décision

14 illégale.

15 Là réside l'un des aspects cruciaux pour ce qui est du Dr Stakic lui-même.

16 Nous estimons qu'il n'a pas été présenté suffisamment d'éléments de preuve

17 disant ou abondant dans le sens qu'il avait été en mesure, comme précisé

18 dans l'une des décisions, de faire des rapports concernant les

19 comportements criminels et possibilités de susciter des réactions

20 appropriées ou n'avait pas la possibilité de donner des ordres à la police

21 ou aux forces militaires.

22 Et comme je l'ai déjà précisé, il s'agit là d'une analyse provisoire.

23 Aussi convions-nous les parties en présence de discuter de ces questions.

24 Par surcroît, nous en sommes arrivés à une conclusion qui est la suivante:

25 lorsqu'à l'Acte d'accusation, il est affirmé que le Dr Stakic -et cela est

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1 vrai pour tous les chefs d'accusation-, à savoir que le Dr Stakic avait

2 incité à commettre, eh bien, il n'y a point d'éléments de preuve

3 suffisants en ce sens pour ce qui est de cette partie-là des chefs

4 d'accusation.

5 Mais il convient maintenant de traiter des chefs d'accusation en tant que

6 tels. Nous allons procéder par ordre et nous pencher sur ce quatrième Acte

7 d'accusation amendé, modifié.

8 Au paragraphe 40, il est précisé que le Dr Stakic a planifié et incité à

9 commettre, a commis, etc., aidé ou encouragé la planification, et ainsi de

10 suite. Nous estimons, ici aussi, qu'il n'est point d'éléments de preuve

11 suffisants pour ce qui est des éléments de planification et

12 d'encouragement ou "d'incitation à".

13 A la différence de ce qui vient d'être dit au paragraphe 42, nous ne

14 pensons pas qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve à la

15 planification, incitation à commettre, à la planification, la préparation

16 et l'exécution de campagnes visant à exterminer des membres des

17 populations musulmanes, dont les Bosniaques et les Croates, dans la

18 municipalité de Prijedor.

19 Donc si cette Chambre de première instance, et à la lumière de tout ce qui

20 vient d'être présenté comme éléments de preuve, en vient à la conclusion

21 au terme de laquelle le Dr Stakic aurait commis un crime d'extermination,

22 aurait planifié, engloberait également le fait d'avoir préparé la

23 perpétration de ce type de crime. Mais nous avons estimé qu'il se trouvait

24 nécessaire de se concentrer sur les alternatives et de se concentrer sur

25 les alternatives réellement applicables, parce que, pour les préparatifs

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1 de la défense, il est indispensable de savoir concrètement ce qui doit

2 être contesté et de quelle façon il convenait d'établir ou de présenter

3 leur affaire, leur présentation de l'affaire.

4 Je vais me pencher maintenant sur le paragraphe 44 qui parle de meurtres

5 -et l'alinéa 4 a déjà été retiré par l'accusation.

6 Pour ce qui est du point 7, le meurtre de plusieurs personnes dans le

7 village de Brisevo en date du 24 juillet 1992, ou vers cette date-là, il

8 se peut qu'il soit difficile d'établir des conclusions qui ne se

9 fonderaient que sur le témoignage du témoin M. Mais, là aussi, nous

10 demeurons ouverts à toutes remarques ou suggestions additionnelles qui

11 viendraient corroborer les éléments de preuve présentés. Il en va de même

12 pour ce qui est du paragraphe 46, alinéa 1.

13 S'agissant des qualifications faites pour ce qui est des casernes de la

14 JNA à Prijedor comme étant devenues des camps, je ne sais pas si l'on peut

15 conclure de la chose partant seulement du témoignage du témoin T.

16 Je voudrais m'adresser maintenant au Dr Stakic lui-même. Du point de vue

17 de l'accusé, cette façon d'entrer dans le détail peut paraître étrange.

18 Vous êtes la seule personne dans ce prétoire qui, dans une certaine

19 mesure, sait ou plutôt savait ce qui s'est passé réellement. Mais dans une

20 affaire pénale, il nous faut prendre appui sur les éléments de preuve

21 présentés. Et il se peut qu'il y ait discrepantia entre ce dont nous

22 sommes en train de discuter ici et ce que vous considérez être la vérité

23 de votre point de vue à vous. Donc nous ne saurions exprimer une décision

24 que partant des éléments de preuve que nous avons en notre possession.

25 Maintenant, s'agissant du paragraphe 47, nous nous posons la question de

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1 savoir s'il y a véritablement suffisamment d'éléments de preuve pour ce

2 qui est des meurtres de quelque 50 hommes et femmes qui ont été emmenés en

3 autocar depuis le camp d'Omarska fin juillet 1992, certains restes, enfin,

4 certains bouts de dépouilles ayant été exhumés d'une fosse de Lisac à

5 Bosanska Krupa.

6 Maintenant, pour ce qui est du paragraphe 49.2, vers le milieu, on dit que

7 "des détenus avaient été exposés à des sévices, à des humiliations

8 graves". Parfois, dans le contexte de cette affaire dans son ensemble,

9 nous avons des doutes pour ce qui est de la véracité de ces allégations,

10 mais nous demandons des arguments complémentaires. Ce que nous voudrions,

11 c'est savoir si la cible de ces actions avait été véritablement des

12 Musulmans bosniens éminents ou bien en vue et des personnes instruites; et

13 il ne s'agissait pas seulement d'un groupe entier de Musulmans bosniens en

14 tant que tels.

15 Il en va de même pour l'alinéa 7 où il est dit "qu'à la caserne de la JNA

16 des membres éminents des communautés musulmanes et croates de Bosnie ont

17 été interrogés, battus et torturés". (Fin de citation.)

18 Nous convions les parties en présence de s'entretenir sur le fait de

19 savoir s'il y a suffisamment d'éléments de preuve le confirmant ou pas.

20 Lorsque nous discutons des autres chefs d'accusation -chef 3: meurtre,

21 crime contre l'humanité, sanctionnables par les Articles 5.1, 7.1 et 7.3

22 du Statut-, nous avons déjà discuté des questions qui sont afférentes à

23 l'Article 7.3. Nous estimons toutefois qu'il n'est point suffisamment

24 d'éléments de preuve confirmant qu'il y a eu planification, instigation et

25 ordre émis pour ce qui est du chef d'accusation afférent au meurtre.

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1 Maintenant, s'agissant de cet acte afférent au meurtre, perpétration ou

2 aide et encouragement, il suffirait de dire pour la mens rea qu'il y avait

3 eu connaissance et appui substantiel ou soutien substantiel, ainsi que la

4 prise en considération des conséquences prévisibles de tels actes. Quand

5 je dis "prévisible", cela m'amène à dire ou à revenir aux détails de ce

6 qui a fait l'objet de discussion entre Juges, et nous avons été unanimes

7 pour conclure qu'il est un doute raisonnable pour ce qui est de ce qui

8 s'est passé à la pièce 3 et pour ce qui s'est passé au mont Vlasic comme

9 étant ou entrant dans la zone de ce qui pouvait être prévu ou ce qui avait

10 pu être supposé, ou alors savoir s'il y avait eu effectivement plan ou

11 préméditation criminelle.

12 Maintenant pour ce qui est du paragraphe 54 à l'alinéa 3, il est question

13 de Rakovcani. Je me réfère au point 9.

14 L'accusation a déjà rejeté cette partie-là et je tiens à préciser que nous

15 avons des doutes pour dire qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve

16 abondant dans le sens de la destruction ou d'endommagements intentionnels

17 et pillages, destructions intentionnelles et pillages de Donja et Gornja

18 Ravska et Kevljani. Nous convions les parties en présence pour ce qui est

19 de faire des commentaires à ce sujet.

20 Et s'agissant de l'alinéa B, les points 1 et 2 ont déjà été retirés.

21 Maintenant pour ce qui est du chef 6, persécution, nous estimons que parmi

22 les alternatives citées à l'Acte d'accusation, il est une tendance à la

23 perpétration et, comme précisé auparavant, la planification et les ordres

24 émis peuvent être considérés comme faisant partie de préparatifs à

25 commettre un acte criminel.

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1 Enfin, nous en venons au chef d'accusation n°8 et c'est là que nous avons

2 un problème spécial. C'est une question de principe qui se pose. Vous

3 savez que, pour de bonnes raisons dans la doctrine, dans la jurisprudence,

4 nous trouvons des observations selon lesquelles ce qui est indiqué dans

5 notre Statut, ce qui est énoncé dans notre Statut à l'Article 5.i) sont

6 "autres actes inhumains".

7 Alors quant à savoir si ces autres possibilités, des alternatives sont

8 conformes ou correspondent à un principe fondamental du droit pénal –ici,

9 le principe de la clarté et du caractère définitif, difficile à

10 prononcer-, ceci pose des problèmes sérieux à ce stade, parce qu'en fait,

11 le sens est extrêmement vague de savoir ce que l'on veut dire par "autres

12 actes inhumains". Ceci, c'est une première observation.

13 La deuxième est que ce n'est pas le transfert forcé d'expulsions d'actes

14 inhumains sous ce chef. La deuxième est la question de savoir s'il est

15 pertinent d'examiner la question aux fins du présent procès.

16 Par conséquent, à l'unanimité, les Juges voudraient demander au Bureau du

17 Procureur s'il ne serait pas possible d'éliminer le chef d'accusation n°8

18 pour les raisons qui viennent d'être exposées.

19 Ceci conclut les remarques que voulaient faire les membres de la Chambre.

20 Pendant que les parties réfléchissent aux observations qu'elles pourraient

21 souhaiter faire le cas échéant, il faut que je revienne à la question des

22 allégations spécifiques concernant l'Acte d'accusation modifié, le

23 quatrième Acte d'accusation modifié, qui sont reconnues comme non

24 prouvées.

25 Au chef n°5, il est dit que "pour les raisons qui précèdent, l'accusation

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1 demande que la Chambre de première instance permette à l'accusation de

2 retirer des allégations spécifiques telles que décrites aux paragraphes 2

3 et 4 ci-dessus".

4 Formellement, je dois demander à la défense s'il y a des objections à ce

5 sujet?

6 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

8 En conséquence, l'autorisation est donnée. Est-ce que l'une ou l'autre des

9 parties souhaite, à ce stade, présenter des observations ou est-ce que

10 l'une quelconque des parties aurait motif de poser des questions par

11 rapport à ce que j'ai essayé d'expliquer?

12 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, M. Koumjian voudrait

13 faire certaines observations de caractère factuel par rapport à ce que

14 vous avez évoqué, mais je crois que… par rapport à l'Article 98, je crois

15 que la charge de démontrer repose sur la défense parce que nous répondons

16 effectivement à la requête.

17 M. le Président (interprétation): Vous aviez déjà commencé un peu plus

18 tôt, mais je vous donne la parole maintenant pour les vingt minutes à

19 venir au traité des questions si nécessaires.

20 M. Ostojic (interprétation): Je vous remercie. Je ne suis pas d'accord

21 avec le fait que la charge de la preuve nous incombe. J'estime que, si

22 l'on examine la question de savoir ce qui correspond au quatrième Acte

23 d'accusation modifié, le Bureau du Procureur ne veut pas avoir la charge

24 de la preuve placée de son côté et a choisi au contraire de faire passer

25 cette charge… et a tenté tout au long de la procédure de faire passer

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1 cette charge de la preuve du côté de la défense.

2 Néanmoins, nous allons accepter l'offre qui est de commencer en premier

3 dans ce procès et nous voudrions au moins soulever quelques questions

4 auprès de la Chambre, si nous y sommes autorisés. En particulier,

5 lorsqu'on examine le quatrième Acte d'accusation modifié, on arrive à la

6 conclusion qu'il y a des charges à la fois cumulatives et qu'il y a

7 duplication.

8 Chacun des huit chefs d'accusation reflète clairement le fait d'une

9 théorie inutile que l'accusation cherche à faire reposer sur le Dr Stakic.

10 Il faudrait que l'accusation fasse un choix et nous sommes d'avis que le

11 droit les oblige selon la jurisprudence du Tribunal à choisir si les

12 charges contre le Dr Stakic reposent soit sur l'Article 7 pour la

13 responsabilité individuelle ou 7.3, responsabilité du commandement.

14 La Chambre d'appel dans l'affaire Celebici a clairement noté, en étant

15 d'accord avec le Bureau du Procureur, qu'il est difficile parfois de

16 conclure avec certitude quels éléments de preuve pourront être obtenus et

17 quels éléments de preuve sont importants. Lorsqu'on regarde très

18 clairement l'arrêt Celebici, on voit les mots "avant la présentation des

19 éléments de preuve".

20 C'est à l'accusation qu'il appartient aujourd'hui… sur la base de

21 l'autorité de la jurisprudence, il faut que le Bureau du Procureur fasse

22 un choix. Il ne peut pas s'attendre à ce que la défense plaide des

23 théories qui s'excluent l'une l'autre. Il faut qu'à un moment donné

24 l'accusation puisse décider si les éléments de preuve présentés étaient

25 suffisants pour pouvoir conclure que le Dr Stakic a une responsabilité

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1 soit individuelle soit de commandant ou de commandement.

2 Le Bureau du Procureur n'a pas réussi le faire. Même si la Chambre les a

3 invités à le faire avec, comme date butoir, le jour d'aujourd'hui, ils

4 n'ont pas réussi à le faire.

5 Plus particulièrement en ce qui concerne 7.3 -la responsabilité de

6 commandement-, les deux théories qu'on lit dans cette section de jure et

7 de facto permettent clairement qu'une responsabilité individuelle, d'après

8 les termes même, entre dans ce paragraphe.

9 A titre de comparaison, lorsqu'on fait une analyse de 7.1, il doit y avoir

10 eu une action affirmative accomplie par un individu afin que l'on puisse

11 voir s'il y a une responsabilité individuelle qui lui incombe. Le Bureau

12 du Procureur ne parvient pas à se décider, à notre avis pour des raisons

13 très évidentes, parce qu'il ne croit pas, à notre avis, qu'ils aient

14 suffisamment décrit un cadre général des faits par lesquels des témoins

15 ordinaires ainsi que des témoins experts présentés à la Chambre aient pu

16 le faire. Nous pensons que la défense subirait un préjudice important si

17 le Bureau du Procureur ne faisait pas un choix. Il devrait être obligé à

18 le faire avant les conclusions présentées au titre de l'Article 91bis et,

19 certainement, il devrait le faire aujourd'hui.

20 En ce qui concerne la question des chefs d'accusation 1 et 2, nous

21 pensons, comme le sait l'accusation, que la jurisprudence de votre

22 Tribunal… que, pour un crime moins grave, à savoir la complicité dans le

23 génocide, dénote clairement que l'intention spéciale, l'intention très

24 claire est nécessaire.

25 En n'exigeant pas cette intention particulière, nous estimons que ceci ne

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1 rendrait la théorie de la responsabilité, pour ce qui est de conspirer à

2 commettre un génocide, le ramènerait à la persécution qui, en soi, a un

3 élément de mens rea distinct et séparé, à savoir ce que l'on connaît comme

4 étant une intention de discrimination par une autorité retenue par la

5 jurisprudence du Tribunal. Il ne peut pas y avoir de discussions

6 concernant un génocide par rapport à une modification de ce genre. Que

7 l'on appelle cela -selon l'Article 4 3. a) b) c) d) ou e)- étant la

8 complicité dans le génocide, chacune de ces charges exige une intention

9 spécifique, une intention particulière.

10 La Chambre a noté que le fait d'aider, d'encourager, tel que cité dans

11 l'affaire Krstic qui -je crois- incorpore la définition d'Aleksovski:

12 "D'aider et d'encourager, ceci veut dire contribuer de façon importante à

13 la commission d'un crime". Et là encore, le Bureau du Procureur n'a pas

14 encore fourni d'éléments de preuve, ni par ses témoins experts ni

15 autrement, pour prouver qu'il y ait eu une contribution, et moins encore

16 une contribution importante, considérable.

17 Nous sommes d'accord avec le point de vue de la Chambre en ce qui concerne

18 le 8e chef d'accusation, à savoir que la jurisprudence estime que la

19 déportation, l'expulsion sont à définir de façon distincte. Le Bureau du

20 Procureur, là encore, avait choisi de faire des moyens alternatifs, à

21 savoir les expulsions et autres actes inhumains au titre du chef

22 d'accusation n°8. Nous suggérons que les deux doivent être considérés et

23 que l'on doit le comparer à la jurisprudence, qu'il n'y a pas eu

24 d'éléments de preuve prima facie qui suggèrent ou qui répondent au chef

25 d'accusation n°7 du quatrième Acte d'accusation modifié.

Page 8954

1 Ainsi que la Chambre le sait, lorsque nous avons discuté de la question

2 des expulsions, c'est l'exode de citoyens d'un Etat à un autre. Et je dois

3 dire, d'après mes souvenirs et l'examen des dépositions des témoins et du

4 compte rendu, qu'il n'y a pas eu un seul témoin qui ait dit qu'il y ait eu

5 des expulsions importantes de citoyens d'un Etat vers un autre Etat.

6 Nous pensons aussi que, afin qu'il y ait cette entreprise criminelle à

7 laquelle le Bureau du Procureur aime se référer comme étant une entreprise

8 criminelle commune, il faut, là aussi, identifier quel était le schéma

9 systématique des attaques systématiques très répandues. Nous estimons

10 qu'ils n'ont pas réussi à le faire et, sur leur analyse des faits, nous

11 pensons qu'ils devraient fournir à la défense, afin de donner la

12 possibilité de faire entendre leurs témoins, non seulement de prendre une

13 décision de leur côté, mais nous attendons qu'ils reconnaissent que ces

14 éléments fondamentaux n'ont pas été démontrés par aucun de leurs témoins.

15 En fait, l'un de leur quasi expert a déposé -si je peux utiliser ce

16 terme-, et il avait été expert dans des affaires antérieures, pour établir

17 les éléments concernant le caractère systématique et répandu.

18 Le Bureau du Procureur, à notre avis, a décidé sagement de ne pas utiliser

19 cette personne comme expert en l'espèce, mais pas seulement parce qu'il

20 n'était pas qualifié pour faire un pareil témoignage, ou maintenant, parce

21 que ses propres articles suggéraient de façon très claire et sans

22 équivoque qu'il n'y avait pas eu d'attaque systématique et très étendue.

23 Nous voudrions saisir cette occasion de pouvoir traiter des questions

24 concernant l'Article 98bis.

25 Enfin, si je peux me permettre d'ajouter cela en ce qui concerne l'Article

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1 98bis)B), il est clair que l'insuffisance des éléments de preuve est

2 envisagée par le libellé même de cette disposition du Règlement qui exige,

3 à notre avis, que la Chambre ne puisse pas simplement accepter un contexte

4 factuel ou quelque chose qui est dit par un témoin, mais qu'elle doit -en

5 droit- pondérer, évaluer et prendre clairement une décision quant à la

6 valeur de la déposition fournie par ces témoins, voir s'ils ont un

7 caractère substantiel et important.

8 A notre avis, puisque les trois Juges qui sont devant nous ont pu évaluer

9 la crédibilité du témoin, et puisque l'autorité chargée de prendre la

10 décision conclut que si un élément essentiel d'un crime est manquant, la

11 Chambre peut, à ce moment-là, prononcer un acquittement. Nous pensons que

12 sur des points importants, l'élément spécifique du crime manquait,

13 notamment en ce qui concerne le Dr Stakic.

14 Indépendamment des théories alternatives présentées par l'accusation, nous

15 pensons aussi que c'est votre Chambre de première instance et son

16 évaluation de tous les éléments de preuve qui lui ont été fournis qui

17 doivent être considérés pour pouvoir déterminer s'il y a la possibilité

18 d'acquitter le Dr Stakic par rapport à ces chefs d'accusation nombreux et

19 cumulatifs.

20 Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de vos observations et

22 de vos commentaires.

23 Il n'y a qu'un point qu'il faut examiner maintenant au titre de l'Article

24 98bis)B). Il y a, comme je l'ai dit, deux possibilités: la requête d'un

25 accusé qui peut être présentée et une décision d'office ou proprio motu.

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1 Et ce que nous avons fait aujourd'hui, comme l'exige la Chambre d'appel

2 dans l'arrêt Jelisic, il y a le droit à être entendu.

3 Ceci veut dire que nous devons indiquer si nous avons nos propres doutes

4 et si nous tendons vers un acquittement et le silence signifie qu'il n'y a

5 pas de doute quant aux éléments de preuve.

6 Je crois, en outre, que nous avons fait remarquer quand il y a une

7 tendance qui nous amènerait à prononcer un acquittement aussi en ce qui

8 concerne les chefs d'accusation alternatifs, en ce qui concerne un chef

9 d'accusation en particulier, d'être aussi concrets que possible pour

10 faciliter la défense, la possibilité de faire valoir ces moyens. Mais il

11 n'est envisagé nulle part, que ce soit au Bureau du Procureur ou à

12 l'accusation, de répondre sur-le-champ.

13 Par conséquent, c'est au Bureau du Procureur qu'il appartient de décider

14 s'ils veulent ou non traiter d'une ou de plusieurs questions aujourd'hui

15 ou si s'ils veulent faire valoir l'argument proprio motu ou d'office avec

16 une requête qui serait présentée par la défense, par l'accusé. Je crois

17 que c'est à cela que nous devons nous attendre.

18 Mais effectivement, nous sommes d'avis qu'il serait utile d'être plus

19 concrets et de se centrer sur les éléments essentiels de ce procès, de

20 cette affaire. Nous avons donc aussi abordé certaines questions qui

21 normalement n'auraient pas dû être évoquées à ce stade.

22 Si vous voulez, je donne maintenant la parole à l'accusation.

23 Mme Korner (interprétation): Nous sommes très reconnaissants, Monsieur le

24 Président, du mot utilisé. Je crois que c'étaient les "indications

25 judiciaires", les indications données par les Juges.

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1 Monsieur Koumjian vous dira quelques mots sur les éléments de fait que

2 vous avez soulevés en ce qui concerne les éléments de preuve puisque nous

3 disons qu'il y a ces éléments de preuve.

4 Je voudrais simplement traiter de ce qui a été dit par Me Ostojic, que

5 c'était à nous qu'il appartenait de choisir entre la responsabilité 7.1 et

6 la responsabilité au titre de 7. 3 aujourd'hui.

7 Ceci est une interprétation tout à fait erronée de l'arrêt Celebici. Je

8 dirai à Me Ostojic de regarder le paragraphe 743 et suivants du jugement

9 qui montrent très clairement qu'il peut y avoir condamnation à la fois au

10 titre de 7.1 et de 7.3 et qu'il n'y a aucune charge qui pèse sur le Bureau

11 du Procureur de faire un choix et qu'en fait si l'accusé est reconnu

12 coupable, notamment en vertu de 7.1 et 7.3, au contraire, la Chambre est

13 tenue de prendre ceci comme un facteur des circonstances aggravantes. Et

14 donc le Bureau du Procureur n'est pas obligé d'opérer un choix tel que

15 cela a été dit.

16 Deuxièmement, je voudrais également mentionner la question du chef

17 d'accusation n°8 en ce qui concerne les autres actes inhumains et les

18 expulsions. Nous tiendrons, bien entendu, compte de ce que vous avez dit

19 et, si vous le permettez, M. Koumjian va maintenant vous parler des

20 questions de fait.

21 M. le Président (interprétation): Bien. Je crois que le moment est venu de

22 suspendre l'audience.

23 Donc je suspends l'audience jusqu'à midi précise.

24 (L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures 05.)

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, vous avez la parole.

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1 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie.

2 Je souhaiterais évoquer quelques questions que vous avez mentionnées et

3 sur lesquelles vous avez attiré notre attention ce matin. Je me base sur

4 mes souvenirs. Je mentionnerai certains incidents spécifiques et notre

5 mémoire sera beaucoup plus précise à ce sujet, également pour ce qui est

6 des questions juridiques. Donc je souhaiterais évoquer de façon générale

7 certains points qui, selon nous, sont directement liés aux éléments de

8 preuve que vous avez mentionnés ce matin.

9 L'un des points soulevés ce matin concerne la responsabilité du Dr Stakic

10 pour ce qui est des décisions émises par la cellule de crise qui, elle-

11 même, était constituée par un groupe de personnes. Vous avez évoqué la

12 question de la responsabilité individuelle pour ce qui est des décisions

13 prises par un groupe. Mais si nous suivons cette logique, alors nous

14 parviendrions à la conclusion que personne au sein du groupe de la cellule

15 de crise ne serait responsable des décisions prises par la cellule de

16 crise dans son ensemble. Il y a des éléments de preuve selon lesquels le

17 Dr Stakic, non seulement était tout à fait volontaire et pro-actif dans

18 son rôle au sein de la cellule de crise, mais également le fait qu'il a

19 joué un rôle important au sein de cette cellule de crise.

20 Au début de ce procès, nous avons diffusé un enregistrement vidéo où

21 figurait une conversation avec le colonel Arsic concernant la situation à

22 Prijedor et il a indiqué qu'il avait connaissance de la situation ainsi

23 que l'ensemble des instances civiles.

24 Je pense que le journaliste s'appelait M. Rade Mutic. Il a été présenté et

25 il a présenté le Dr Stakic comme étant la personne la plus importante au

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1 sein de la municipalité et il s'agit d'éléments de preuve qui ont été

2 présentés en ce sens tout au long de ce procès.

3 Et lorsque Me Lukic a demandé à M. Baltic quel était le rôle et quelles

4 étaient les responsabilités du Dr Stakic, quel était son titre, il a

5 répondu que le titre de "Président de la municipalité" parlait de lui-

6 même; il était la personne la plus importante à Prijedor et notamment au

7 cours de la période de fonctionnement de la cellule de crise. Il était

8 président de cette cellule de crise, il était également le membre du SDS

9 le plus haut placé au sein de la cellule de crise parce que le président

10 n'était pas membre, mais le Dr Stakic qui était le vice-président du SDS

11 était le membre du SDS le plus haut placé au sein de la cellule de crise.

12 Nous savons que le Dr Stakic parlait et agissait au nom de la cellule de

13 crise et nous avons présenté des éléments de preuve en ce sens, notamment

14 lors de la diffusion de l'enregistrement vidéo au cours duquel le Dr

15 Stakic évoque l'attaque de Kozarac et les actions militaires qui ont été

16 menées à cette occasion. Nous savons qu'il s'est entretenu avec des

17 journalistes de la presse internationale et a fait des efforts, au nom de

18 la cellule de crise, d'autres personnes, d'autres membres de cette

19 entreprise criminelle commune, afin de maintenir l'attention de la presse

20 internationale et de faire en sorte qu'elle ne s'intéresse pas à Prijedor

21 et aux crimes qui étaient commis et notamment dans les camps.

22 Ces efforts ont été couronnés de succès jusqu'au 5 août lorsque Penny

23 Marshal et d'autres journalistes ont eu la possibilité de se rendre dans

24 ces camps et de relater ce qu'il s'y passait.

25 Je pense que les éléments de preuve présentés montre que la situation a

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1 changé à partir de ce moment-là. Les meurtres qui se passaient de façon

2 quotidienne ont diminué et les camps ont fermé peu après, parce que le

3 monde savait ce qui se passait dans ces camps et le Dr Stakic a fait de

4 son mieux pour s'assurer que le monde ne saurait pas ce qui se passait

5 dans ces camps.

6 Nous avons présenté des éléments de preuve dans le cadre de documents où

7 l'on peut voir que des décisions de la cellule de crise ont été signées

8 par le Dr Stakic. Vous vous souvenez de l'interview de 45 minutes du Dr

9 Stakic et, malheureusement, je n'ai pas les cotes portant la lettre S en

10 tête à présent. Lorsque le Dr Stakic s'est vu poser des questions sur son

11 rôle, il a dit qu'il était président de la municipalité et on lui a

12 demandé s'il était en quelque sorte le maire et il a dit: "Oui, c'est

13 exactement cela." Il a dit qu'il signait les ordres de la cellule de crise

14 et les éléments de preuve, selon nous, sont tout à fait convaincants. On

15 peut voir sa signature apparaître sur un certain nombre de d'ordres, de

16 façon assez unique, inhabituelle, on peut voir "S. Milomir" sur la plupart

17 de ces documents que l'on a trouvés au moment de son arrestation.

18 Le Dr Stakic a joué un rôle tout à fait crucial en tant que président de

19 la cellule de crise et en tant que président de la municipalité pour ce

20 qui est de l'ordre du jour des réunions. C'est lui qui s'occupait de cet

21 ordre du jour et des décisions de la cellule de crise se sont confirmées

22 par le règlement de la cellule de crise et par la déposition de M. Baltic

23 qui a indiqué qu'il était président de la municipalité et qu'il décidait

24 de l'ordre du jour. C'est lui qui présidait également les réunions de

25 l'assemblée municipale et de la cellule de crise, donc les éléments de

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1 preuve présentés en l'espèce indiquent que le Dr Stakic était plus qu'un

2 simple membre de la cellule de crise. Il a joué un rôle très important au

3 sein de celle-ci et de nombreux facteurs que je viens juste d'évoquer sont

4 également pertinents pour ce qui est de déterminer l'autorité de jure ou

5 de facto des auteurs des crimes commis.

6 Son rôle, en tant que personne la plus haut placée au sein de la

7 municipalité, est tout à fait important pour les débats en l'espèce. Nous

8 avons des ordres signés, adressés à la police et à l'armée, nous savons

9 que ces ordres ont été exécutés.

10 La question est de savoir si cet homme pouvait donner un ordre aux membres

11 de l'armée et de la police. La réponse est "oui", parce que nous savons,

12 d'après ces documents, que, par exemple, la cellule de crise a ordonné à

13 un escadron d'intervention d'être mis en place et les membres de cette

14 escadron ont été nominés. Nous avons un ordre de la cellule de crise

15 adressé à l'armée et à la police afin de garantir la sécurité à l'hôpital.

16 Nous avons une décision de la cellule de crise portant nomination de la

17 personne chargée de la logistique. Il y a une autre décision de la cellule

18 de crise en vertu de laquelle Slobodan Kuruzovic a été remplacé à la tête

19 de la Défense territoriale. Nous avons des éléments de preuve tout à fait

20 convaincants concernant la police et l'armée: en ce qui concerne la

21 police, par exemple, un document selon lequel M. Baltic a été envoyé

22 auprès de M. Drljaca et lui a demandé si les décisions de la cellule de

23 crise avaient été mises en oeuvre par la police et de quelle manière. Et

24 nous avons la réponse de M. Drljaca. Nous savons, par exemple, que la

25 cellule de crise a ordonné que les armes acquises de façon illégale soient

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1 remises et rendues à la municipalité -j'ai oublié les termes exacts

2 utilisés-, mais il s'agissait de confisquer ces armes acquises de façon

3 illégale. Il s'agit de biens qui ont été volés.

4 Il est très intéressant de voir qu'il n'existe aucun ordre de cellule de

5 crise selon lequel ces biens, qui ont été volés, devaient être

6 ultérieurement rendus aux personnes à qui ils avaient été confisqués. Nous

7 savons que de nombreuses maisons et des voitures ont été confisquées, et

8 qu'aucune personne de nationalité musulmane ou croate ne pouvait circuler

9 à bord d'un véhicule à Prijedor ou ne pouvait s'attendre à garder ce

10 véhicule; et la cellule de crise n'a rien fait à ce sujet.

11 Nous avons à notre disposition des décisions, des ordres, des articles du

12 "Kozarski Vjesnik" demandant à la police de mettre fin au pillage; il

13 semblerait que cela ne concerne que les commerces dont les propriétaires

14 étaient serbes.

15 Donc est-ce que la cellule de crise pouvait punir des individus? Oui, nous

16 avons des éléments de preuve tout à fait clairs à ce sujet. Ils pouvaient

17 les punir, les mettre en détention et les interner dans des camps. Ce fut

18 le cas pour des milliers de personnes, des Musulmans et des Croates. Si la

19 cellule de crise pouvait ordonner la détention des Musulmans et des

20 Croates, donc ils avaient l'autorité, le pouvoir d'ordonner l'arrestation

21 et la détention des auteurs de crime de nationalité serbe. Si la cellule

22 de crise pouvait ordonner qu'un président élu de façon légitime à la tête

23 de la municipalité, le président Cehajic, soit arrêté et pouvait signer un

24 ordre selon lequel personne ne pouvait être relâché des camps sans leur

25 permission, alors, clairement, la cellule avait le pouvoir de punir et

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1 d'empêcher les crimes commis, donc.

2 En fait, la cellule de crise, selon nous, n'a rien fait pour mettre fin à

3 ces crimes parce qu'elle ne le voulait pas. Ce n'est qu'après la visite de

4 journalistes de la presse internationale que les camps ont été fermés.

5 Cela démontre le pouvoir de la cellule de crise d'empêcher ces crimes.

6 J'aimerais revenir brièvement sur l'incident de la salle 3 et du mont

7 Vlasic et des massacres qui ont eu lieu à cette occasion.

8 S'agissant du comportement criminel de l'accusé et du lien qui peut être

9 établi entre ce comportement et les incidents, nous pensons que nous

10 n'avons pas démontré que ces incidents étaient prévisibles, mais nous

11 pensons qu'il ressort clairement des éléments de preuve présentés qu'une

12 campagne de persécution, incluant des meurtres, était en cours à Prijedor.

13 Des personnes haut placées ont été détenues et certaines ont été tuées

14 dans des camps, y compris un certain nombre de médecins, de collègues du

15 Dr Stakic et son ancien chef, le président de la municipalité, qui avait

16 un bureau qui se trouvait de l'autre côté du couloir. Il s'agit de la

17 personne qui l'a remplacé.

18 Nous avons vu un enregistrement vidéo du Dr Stakic où il parlait des

19 événements de Kozarac et des victoires de l'armée, alors que nous pouvons

20 voir sur ce même enregistrement vidéo que des maisons ont été incendiées

21 et détruites. Nous voyons des enregistrements brefs où l'on voit à quoi

22 ressemblait la route. Nous voyons que Kozarac a été totalement détruite,

23 non pas dans le cadre d'une attaque militaire mais à la suite de cette

24 attaque militaire. Il y a eu des incendies; des grenades ont été lancées à

25 l'intérieur des maisons. Kozarac, la ville de Kozarac a été détruite.

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1 Nous savons que la ville de Stari Grad a également été détruite; les vieux

2 quartiers de Prijedor ont été rasés. Nous savons, d'après le témoignage de

3 certains témoins, qu'en juillet, la région de Brdo a été attaquée et que

4 tous les villages dans cette région ont été nettoyés -pour reprendre

5 l'expression de l'armée.

6 Nous savons que certains témoins ont survécu mais ont été internés à

7 Trnopolje. De nombreuse femmes, de nombreux enfants ont été envoyés dans

8 ces camps; de nombreux hommes sont morts dans des camps comme Omarska et

9 Keraterm.

10 L'un des groupes de personnes originaires de la région de Brdo a été

11 interné dans la salle 3. Etant donné ce qui s'est passé dans la région de

12 Brdo et les attaques qui ont eu lieu dans tous les villages de la région,

13 le nettoyage qui a été mené et les meurtres qui s'y sont produits pendant

14 toute cette période, de la fin du mois de mai jusqu'au massacre de la

15 salle 3 fin juillet, des centaines et des milliers de meurtres se sont

16 produits en toute impunité. Le massacre de la salle 3 indique qu'il ne

17 s'agissait pas d'un incident qui s'était produit au hasard. Il y avait une

18 mitrailleuse qui a été placée juste à l'entrée de la salle et sept

19 personnes qui venait de la région de Brdo avaient été traitées de façon

20 particulièrement dure dès leur arrivée.

21 Et si nous pensons à l'incident du Mont Vlasic, de nouveau il ne

22 s'agissait pas d'un événement survenu au hasard et commis par une ou deux

23 personnes. Ces événements sont le fait d'un groupe. Il s'agissait d'un

24 convoi composé d'un millier de personnes. Il y avait au moins dix

25 personnes impliquées dans ce massacre.

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1 Dans la salle 3, les cadavres ont été évacués et, dans les deux cas, il

2 serait très facile d'identifier les auteurs des crimes.

3 Nous voyons clairement qu'à Prijedor, sous l'autorité du Dr Stakic, en

4 1992, le fait de tuer un Musulman ou un Croate ne constituait pas un

5 crime. On pouvait le faire en toute impunité, il n'y avait aucun signe de

6 désaccord de la part des autorités ou du Dr Stakic, s'agissant de ces

7 crimes et il n'est donc pas surprenant qu'un crime comme celui qui s'est

8 produit au Mont Vlasic, où plus de deux cents personnes ont été alignées

9 et jetées de la falaise, ait pu se produire. Il aurait été facile

10 d'identifier les auteurs du massacre du Mont Vlasic et quels étaient les

11 policiers qui escortaient le convoi en question.

12 Il n'y a eu aucune intention de la part des autorités en ce sens et je

13 pense que la seule intention manifestée par les autorités du Dr Stakic

14 était de couvrir ces crimes. Et je pense que le Dr Stakic était

15 responsable de cette campagne de persécution et qu'il en avait

16 connaissance.

17 Je souhaiterais à présent évoquer les éléments de preuve concernant le

18 fait d'inciter à commettre et de planifier ces crimes.

19 Nous pensons que la jurisprudence du Tribunal n'exige pas à ce stade une

20 audience consacrée à l'Article 98bis et qu'il n'est pas nécessaire que

21 l'accusation ou la Chambre identifie le mode de responsabilité engagé.

22 Cela s'est produit dans d'autres cas qu'une Chambre d'appel établisse un

23 autre mode de responsabilité que celui qui avait été avancé tout d'abord

24 par l'accusation.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Koumjian, avant que vous ne

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1 continuiez, je ne souhaiterais pas être impoli, mais pour des raisons

2 personnelles, je souhaiterais que nous fassions une pause de cinq minutes

3 et nous reprendrons immédiatement après. Merci.

4 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 30.)

5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de votre compréhension

6 et je m'excuse de cette interruption.

7 Monsieur Koumjian, vous pouvez continuer.

8 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie. Nous pensons qu'il existe

9 suffisamment d'éléments de preuve qu'un Juge des faits raisonnables

10 pourrait conclure au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé a

11 planifié et incité à commettre les crimes visés au quatrième Acte

12 d'accusation modifié. Nous avons présenté un nombre limité de documents

13 concernant les déclarations publiques faites par l'accusé, adressées en

14 BCS à la population locale, mais également des déclarations publiques

15 adressées à la communauté internationale.

16 Le Dr Stakic a décrit comme ennemis les Musulmans et les Croates et

17 notamment les Musulmans de Prijedor. Il a décrit la menace qui, selon lui,

18 venait de Téhéran et du Vatican. De nouveau, il a nié l'existence des

19 camps ou a essayé de décrire de façon mensongère ce qui se passait

20 réellement dans ces camps. Il a parlé de la population serbe de Prijedor

21 qui était menacée par un "Jihad", pour utiliser ses propres termes. Il a

22 fait référence de façon continue à la nécessité d'éviter un nouveau

23 Jasenovac, un camp où de nombreux Serbes avaient été tués en Croatie

24 durant la Deuxième Guerre mondiale, et n'a cessé de rappeler les

25 expériences terribles connues par les Serbes au cours de la Deuxième

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1 Guerre mondiale, et a tenté de décrire les voisins musulmans et croates de

2 Prijedor comme des menaces pour la population serbe et comme ayant

3 l'intention de commettre un nouveau génocide alors que rien n'indiquait

4 cela.

5 De même, les éléments de preuve présentés montrent que le Dr Stakic, ses

6 associés ont planifié les crimes commis. Nous savons qu'avant la prise de

7 contrôle de Prijedor, des armes étaient distribuées au sein de la

8 population serbe et qu'après la prise de contrôle, il s'est agi de

9 désarmer la population non serbe. Cela s'est fait quartier par quartier,

10 village par village, sur ordre de la cellule de crise. Nous savons que des

11 gens ont été arrêtés suivant des listes établies et nous savons que, dans

12 les camps, des listes ont été utilisées lors des meurtres commis. Les

13 gardiens venaient avec des listes de noms et nous savons que, le 5 août,

14 le jour de la fermeture de Keraterm, le commandant a lu à voix haute les

15 noms d'une centaine de personnes, 100 à 120 personnes qui ont été

16 embarquées à bord de deux autocars et que l'on n'a jamais revues vivantes

17 depuis; certains corps ont été exhumés du site de Hrastova Glavica.

18 Avant les attaques qui sont survenues, le nettoyage des villages, nous

19 avons vu la manière dont étaient positionnées les unités d'artillerie. Les

20 attaques de Hambarine et de Kozarac montrent que des mitrailleuses ont été

21 placées au niveau des barrages et visaient les communautés ciblées. Et

22 tout cela s'est fait de façon très méthodique.

23 C'est la cellule de crise qui a payé pour ces autocars, nous avons les

24 factures de la société "Autotransport Prijedor". Nous pouvons déterminer

25 que la cellule de crise avait le pouvoir, par le biais de ces autocars,

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1 d'expulser des individus et de les transférer par la force vers des

2 territoires contrôlés par les forces gouvernementales de Sarajevo.

3 L'exemple le plus frappant de cette campagne et de planification, ce sont

4 les camps. Ces camps ont été mis en place sur ordre de la cellule de

5 crise. La cellule de crise contrôlait ce qui se passait dans ces camps, et

6 il est prouvé que personne ne pouvait être relâché sans la permission de

7 la cellule de crise. Les instructions ont été adressées aux membres de

8 l'armée en vue d'assurer la sécurité de ce périmètre.

9 Il y a de nombreux autres exemples, je ne vais pas les mentionner tous,

10 mais je pense que les éléments de preuve concernant Prijedor et ce qui

11 s'est passé là montrent que Prijedor représentait un problème pour ceux

12 qui avaient l'intention d'établir un Etat serbe ou Republika Srpska, parce

13 que Prijedor était constituée d'un certain nombre d'habitants musulmans et

14 les Musulmans étaient en majorité. Je pense que Prijedor était la seule

15 municipalité de la Krajina dont le gouvernement était musulman; donc cela

16 créait un problème particulier pour ceux qui souhaitaient séparer les

17 peuples et créer un Etat serbe distinct.

18 Dans le cadre de cette planification, la nécessité de nettoyer Prijedor

19 est devenue de plus en plus importante et ce nettoyage s'est passé de

20 façon particulièrement brutale. Je souhaiterais évoquer quelques

21 paragraphes que vous avez cités.

22 S'agissant de l'attaque de Brisevo, nous demanderons à la Chambre de bien

23 vouloir examiner le témoignage de M. Ivo Atlija qui a déposé concernant

24 l'attaque de ce village.

25 En ce qui concerne le paragraphe 47… je pense que vous avez parlé vous-

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1 même du paragraphe…

2 M. le Président (interprétation): Vous avez parlé des paragraphes 5 et 8.

3 M. Koumjian (interprétation): Oui. S'agissant du paragraphe 5, nous

4 attirons l'attention des Juges de la Chambre sur les dépositions en vertu

5 de l'Article 92bis. Le témoin T avait parlé de sa mère que l'on avait fait

6 monter à bord d'un autocar avec une quarantaine d'autres personnes,

7 d'autres individus.

8 Nous avons d'autres éléments de preuve qui parlent d'exhumations de

9 personnes qui avaient été retrouvées à cet emplacement particulier. Et

10 certaines de ces personnes ont pu être identifiées.

11 Une fois de plus, je tiens à vous remercier de nous avoir fourni

12 l'opportunité d'en parler. Je voulais également souligner nos points de

13 vue concernant les questions qui ont été soulevées par les Juges, mais je

14 tiens à préciser que, dans nos écritures, nous allons englober de façon

15 plus générale les questions juridiques que vous avez soulevées.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Au nom de mes

17 collègues et de moi-même, je tiens à exprimer notre extrême gratitude pour

18 le fait d'avoir exposé les points de vue qui avaient été les vôtres, tant

19 du point de vue des faits que des questions juridiques.

20 Compte tenu des circonstances exceptionnelles qui sont les nôtres, il

21 serait approprié de procéder à des échanges d'argumentation dès à présent,

22 afin que les parties en présence sachent où on en est, quelles sont les

23 positions du Bureau du Procureur.

24 Je voudrais convier maintenant la défense à fournir des commentaires

25 complémentaires afin que nous ayons une vue d'ensemble avant de passer aux

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1 autres questions qu'il convient de soulever dans le courant de la journée

2 d'aujourd'hui.

3 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. La défense

4 estime que l'accusation est en train d'essayer de dépeindre à grands coups

5 de brosse la situation. Chose qui ne devrait pas être permise parce que

6 les éléments de preuve qui ont été présentés et qui disent que le Dr

7 Stakic avait un supérieur et que le Dr Stakic avait ordonné l'arrestation

8 de feu M. Cehajic, je voudrais dire à ce sujet que le Bureau du Procureur

9 devrait nous présenter des éléments de preuve concrets comme requis et il

10 leur appartient de présenter la charge de la preuve pour ce qui est de

11 documenter les allégations par le biais de témoignages. Et cela n'a pas

12 été fait.

13 Il voudrait que l'on tire des conclusions qui seraient à tirer au

14 détriment de l'accusé, du Dr Stakic.

15 Or dépeindre à grands coups de pinceau ou de brosse n'est pas ce qui fait

16 partie de leurs charges de la preuve. Ils doivent être plus spécifiques;

17 ils doivent apporter des éléments de preuve pour conforter, pour appuyer

18 les allégations dans le détail.

19 Ils ont identifié des signatures au niveau de la police ou de l'armée,

20 mais l'on voudrait voir les éléments de preuve concrets où il a été dit

21 que le Dr Stakic avait, en effet, ordonné de procéder à des déportations,

22 à des expulsions ou quelque délit que ce soit, y compris le crime de

23 meurtre à l'égard de groupes ethniques quelconques, qu'il s'agisse de

24 Musulmans ou de Croates.

25 Et dans leur discours liminaire, lorsque le procès a commencé en date du

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1 16 avril, Mme Korner a été précise. Madame Korner a dit qu'il avait été

2 question d'aide, de planification et d'encouragement. Ils voudraient donc

3 transformer ces définitions, enfler la présentation ou grossir la

4 présentation des faits pour agrandir les événements déjà tragiques qui ont

5 eu lieu.

6 Leur témoin expert, le seul témoin expert qu'ils aient cité à la barre a

7 parlé au travers de son interrogatoire direct, s'est efforcé de démontrer

8 qu'il y avait eu opération entre l'armée et la police et qu'il y avait eu

9 coordination entre ces deux instances. Mais il a reconnu que son domaine

10 d'analyse avait été plutôt limité pour ce qui est des autorités civiles et

11 de la police, et notamment de la coopération qui avait existé entre ces

12 deux instances-là.

13 Ce qui est intéressant, c'est que le Bureau du Procureur affirme qu'il y a

14 beaucoup d'éléments de preuve disant que la police avait été partie

15 prenante aux événements. Mais quel est le témoin qui a établi la

16 corrélation entre les autorités civiles et le MUP? Quel est le témoin qui

17 a établi, avec la clarté nécessaire, pour indiquer la structure

18 hiérarchique prévalant au sein de la police de Prijedor et lequel de ces

19 témoins avait parlé de la corrélation entre ce qui a été fait par la

20 police et les instructions des autorités civiles?

21 Non seulement il n'a pas été prouvé la culpabilité de l'accusé, du Dr

22 Stakic, parce qu'il n'y a point de preuve de ce type. Ce qui existe, ce

23 sont des arguments qui… ou plutôt des allégations en ce sens.

24 Et, à notre avis, lorsque nous avons parlé des enregistrements vidéo

25 présentés à la Chambre, je voudrais que la Chambre prête notamment

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1 attention aux dates auxquelles ces enregistrements ont été pris et tienne

2 compte du rapport présenté par M. Simo Drljaca où il a été question du

3 nombre de victimes à Prijedor.

4 Et si ce que l'accusation affirme est exact, à savoir que Drljaca avait

5 informé les autorités de la chose, il convient d'examiner quelles sont les

6 informations communiquées aux autorités, parce que le rapport ne traduit

7 pas, avec précision, ce qui s'est passé. Le rapport suggère, et je crois

8 bien établit que le Dr Stakic avait été laissé dans l'obscurité pour ce

9 qui est de savoir ce qui se passait et ce qui se serait passé sur le

10 terrain notamment.

11 L'accusation parle également ou dit également qu'il avait été prévisible

12 que les événements de la pièce 3 et du Mont Vlasic pouvaient être prévus.

13 Nous voulons dire que, partant de la pratique et de la jurisprudence de ce

14 Tribunal, il convient de faire application de cette jurisprudence pour ce

15 qui est des événements de Hambarine en date du 22 mai et de ce qui s'est

16 passé le 24 mai à Kozarac. Est-ce que les autorités civiles avaient eu

17 connaissance du fait qu'il allait y avoir attaque d'un point de contrôle

18 musulman, qu'il y aurait meurtre de deux personnes et qu'il y aurait

19 quatre blessés? Est-ce que les autorités civiles avaient eu connaissance

20 du fait que, le 24 mai, il y aurait une attaque du convoi pour ce qui est

21 de ce déplacement de personnes de Banja Luka à Prijedor? Est-ce que

22 l'armée a demandé l'autorisation des autorités civiles pour ce qui est de

23 procéder à des représailles et d'attaquer ou d'aller au-delà de ce qu'il

24 convient de faire normalement en cas de guerre?

25 Nous avons entendu des témoins du Bureau du Procureur. Nous avons entendu

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1 dire ou expliquer ce qu'étaient des zones semi-urbaines ou urbaines et il

2 a dit sans équivoque -je suis en train de paraphraser, bien entendu- qu'il

3 avait compris que "nettoyage d'un secteur" se traduisait par le fait de

4 capturer ou de détruire tout ce qui se trouvait dans le secteur.

5 Mais, heureusement, M. Brown n'avait pas été présent à l'occasion de ces

6 attaques et il a été admis, de façon générale, que l'armée était allée au-

7 delà du nécessaire à l'occasion de ces deux attaques.

8 Toutefois, la responsabilité, comme le suggère le Bureau du Procureur,

9 n'est pas une chose qu'il convient d'imputer aux autorités civiles mais

10 aux militaires. Au cas où il y aurait des éléments de preuve beaucoup plus

11 convaincants concernant la police que concernant l'armée, je voudrais bien

12 savoir comment l'on quantifierait les éléments de preuve qui seraient

13 imputables à l'armée. Et je tiens à préciser que, tout à fait franchement,

14 nous sommes offensés d'entendre que le Dr Stakic, en 1992, aurait dit que

15 "tuer un Musulman ou un Croate n'était pas un crime".

16 Une telle assertion nous montre non seulement combien ils aimeraient

17 dépeindre de façon générale les événements qui se sont passés, déroulés

18 là-bas, mais ils voudraient centrer ou voir de façon étroite les

19 déclarations du Dr Stakic, à l'époque de cette période critique.

20 Et nous nous souvenons du 12 mai 1992, à une session de responsables

21 serbes, le Dr Stakic avait demandé que l'on sauvegarde la paix. Il n'y a

22 aucun élément de preuve qui aurait été présenté par un témoin ordinaire ou

23 un témoin expert qui dirait que le Dr Stakic avait des intentions

24 discriminatoires ou qui justifierait l'assertion aux termes de laquelle le

25 Dr Stakic aurait affirmé que tuer un Musulman ou un Croate n'était pas

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1 crime.

2 Est-ce que le Bureau du Procureur a présenté quelque élément de preuve

3 concret que ce soit qui abonderait dans le sens de dire que les autorités

4 civiles, les autorités politiques locales étaient intervenues au niveau

5 des structures hiérarchiques de la police ou de l'armée? Pourquoi ne

6 l'ont-ils pas fait? Eh bien, parce que cela n'existe pas! Et partant de

7 l'Article 7.3, il ne saurait y avoir de responsabilité pour l'accusé et il

8 n'est pas question pour le Dr Stakic, et des attributions qui étaient les

9 siennes, de pouvoir intervenir ou entraver ce qui a été fait.

10 De tels éléments de preuve ne sont pas présentés au Tribunal, de tels

11 éléments de preuve n'existent pas tout simplement parce que cela n'était

12 pas la réalité à l'époque, et certainement la réalité n'est pas telle non

13 plus maintenant.

14 Le Bureau du Procureur a consacré quelque temps à la question de

15 l'instigation, ici, des documents, pour établir cette instigation des

16 déclarations publiques faites à la population locale. Je les invite à

17 désigner à tout moment le moment auquel le Dr Stakic aurait fait une

18 déclaration qui aurait été considérée non seulement comme discriminatoire,

19 mais même diffamatoire pendant la période critique que pourrait trouver le

20 Bureau du Procureur jusqu'au 5 août 1992.

21 Dans les déclarations publiques dans la presse, je croyais que nous avions

22 entendu cela, je croyais que leur témoin de la presse internationale nous

23 avait dit non seulement en 1992, mais en 1997 et en 2002. Il était d'avis,

24 ce témoin, que feu le Dr Kovacevic était à la tête de tout cela et

25 contrôlait les choses.

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1 En ce qui concerne la planification, on dit qu'il y avait eu distribution

2 d'armes. Nous n'avons vu aucun élément de preuve selon lequel le Dr

3 Stakic, à un moment quelconque, aurait ordonné ou aurait aidé, aurait

4 planifié qu'il y ait une distribution d'armes à des Serbes dans la

5 municipalité de Prijedor.

6 Les ordres que nous voyons concernaient les désarmements tels que demandés

7 par des témoins précis, tels que le Dr Brown qui nous a informés à ce

8 sujet. Les ordres disent clairement que toutes les armes illégalement

9 détenues pour toutes les personnes de la municipalité devaient être

10 rendues, devaient être restituées.

11 Je pense que la Chambre -et nous avons confiance-, que la Chambre

12 examinera les éléments de preuve dans leur totalité, appréciera les

13 éléments de preuve et les témoignages concernant des témoins qui non

14 seulement se sont souvent contredits à de nombreuses reprises, mais

15 également des témoins qui ont été incohérents entre ce qu'ils avaient dit

16 au cours de l'interrogatoire principal et ensuite du contre-

17 interrogatoire.

18 Nous voudrions également saisir cette occasion pour remercier les membres

19 de la Chambre de nous donner l'occasion de nous adresser à vous pour ce

20 qui est de nos conclusions au titre de l'Article 98bis. Et nous sommes

21 reconnaissants du temps qui nous a été accordé ce matin.

22 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs de la Chambre.

23 M. le Président (interprétation): Je vous remercie aussi de ces paroles

24 très claires. Je crois que le moment n'est pas maintenant d'entrer dans

25 davantage de détails, cela devra être fait avec le plus grand soin en

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1 analysant les documents mot à mot, en analysant, en examinant la

2 jurisprudence et d'autres autorités de façon approfondie, comme on l'a

3 indiqué plus tôt, pour voir où se situent les problèmes de notre point de

4 vue. Et compte tenu des circonstances particulières de la présente espèce,

5 permettez-moi, maintenant, de parler de ce que j'ai déjà maintes fois

6 mentionné dans le passé, de souligner l'utilité particulière qu'il y

7 aurait à parvenir à une solution consensuelle telle qu'envisagée à

8 l'Article 62bis de notre Règlement.

9 Je pense que, déjà, par le passé, mais plus particulièrement ce matin, le

10 Dr Stakic s'est comporté avec coopération, une coopération qui n'est pas

11 uniquement sous-entendue. D'après mon expérience à ce stade, c'est le jour

12 pour lequel la défense ou l'accusé essaye d'utiliser des situations

13 concrètes pour parvenir à une solution dans ces circonstances

14 particulières et pour faire usage -je ne voudrais pas utiliser le mot

15 "abus"- de cette situation particulière du dernier jour.

16 Donc nous devons tenir compte de cet esprit de coopération dont il a fait

17 montre et je voudrais dire que ces audiences, cette audience-ci a permis

18 de remplir les conditions exigées, les conditions de forme exigées par

19 l'Article 62bis du Règlement. Je n'entrerai pas dans les détails de ce qui

20 est demandé au chiffre romain i). Sans aucun doute ceci a été pour

21 souligner auprès de vous, Docteur Stakic, que le fait de plaider coupable

22 devrait être fait sur une base volontaire, et que cette volonté de plaider

23 coupable ne devrait pas être équivoque.

24 Par conséquent, si vous deviez décider de ne pas plaider, tel est votre

25 droit sans aucun doute. Mais, ce qui est encore plus important, c'est le

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1 chiffre romain ii), pas seulement au titre de 98bis mais également au

2 titre de 62bis: l'accusé, le Dr Stakic, est informé… et je crois que les

3 contributions de chacune des parties -et espérons-le aussi des Juges- ont

4 servi à donner les informations en question au stade où nous nous trouvons

5 maintenant.

6 Lorsque nous avons conféré dans l'intervalle avec mes éminents collègues,

7 nous ne pensons pas que grand-chose ait changé en ce qui concerne la

8 valeur, s'il en est, d'un crime commis par le Dr Stakic. Donc ceci servira

9 de base à une décision sur le poids de savoir si, oui ou non, un tel moyen

10 doit être plaidé. Ceci sert aussi à indiquer si les parties et les membres

11 de la Chambre estiment qu'il existe une base factuelle suffisante pour

12 l'existence du crime et la participation de l'accusé à ce crime, comme le

13 prescrit l'Article 62bis)iv).

14 En conclusion, je crois qu'il est particulièrement important à ce stade-ci

15 que la défense sache quelles sont les évaluations provisoires de la

16 Chambre. Je dois souligner une fois de plus que la Chambre malheureusement

17 -et cela est à regretter dans la présente composition- ne pourra pas se

18 prêter à ce que l'on plaide au titre de l'Article 62bis, à moins que l'on

19 puisse trouver un point de départ. Ceci ne signifie pas que les parties

20 doivent fixer un tel accord aujourd'hui, mais il faut que l'on puisse

21 identifier aujourd'hui si, oui ou non, il existe une probabilité de

22 parvenir à un tel accord tel que l'envisage l'Article 62bis du Règlement.

23 Nous savons tous que nous nous trouvons dans cette situation particulière

24 pour des raisons imprévisibles et très regrettables, mais je pense que

25 toutes les parties ainsi que les membres de la Chambre doivent considérer

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1 à ce stade, considérer ce moment comme une occasion unique de parvenir à

2 une solution équitable, équilibrée, et peut-être qui ne pourrait jamais

3 être à nouveau réalisée aujourd'hui. Pour la Chambre, cette valeur

4 particulière est indubitable. Nous avons l'obligation d'agir de la façon

5 la plus efficace possible, de la façon la plus équitable possible;

6 efficace et équitable et avec la plus grande célérité.

7 Déjà, dès le début de ce procès, j'avais souligné le fait que la notion

8 d'un procès équitable implique également l'idée d'un procès ayant la

9 célérité voulue. Je voudrais donc inviter les parties dans ces

10 circonstances très particulières à examiner et réexaminer ce qui serait

11 possible pour elles. Et comme cela est déjà dit à l'Article 65ter)I), j'ai

12 déjà… pardon, à la réunion tenue au titre de l'Article 65ter)I), j'ai déjà

13 un document disponible et signé du compte rendu de la séance tenue au

14 titre de l'Article 65ter. Et, afin de disposer d’une meilleure base, ce

15 document doit être distribué dès que possible aux parties.

16 Je voudrais, comme je l’ai dit, maintenant inviter les représentants des

17 deux parties à se rendre à mon bureau cet après-midi à 15 heures, pour les

18 motifs indiqués dans ce document strictement confidentiel qui doit être

19 distribué dès que possible aux parties. Ceci ne peut avoir qu'une fonction

20 d'appel.

21 En ce qui concerne le Dr Stakic, la personne essentielle en l'espèce,

22 veuillez, s'il vous plaît, en tenir compte -comme je l’ai dit- car il y a

23 là une chance effectivement tout à fait unique, très spéciale qui… pour

24 des raisons très spéciales. Et cette chance ne reviendra jamais.

25 Je lève l'audience jusqu'à nouvel ordre.

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1 (L'audience est levée à 13 heures 02.)

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